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in 2010 with funding from
University of Toronto
http://www.archive.org/details/revueetgazettemu1852pari
REVUE
ET
GAZETTE MUSICALE
DE PARIS.
REVUE
ET
GAZETTE MUSICALE
DE PARIS
RÉDIGÉE PAU MESSIEURS
AD. ADAM,
DUESBERG,
J. MAUREL,
ANDERS,
FÉTIS père,
AMÉDÉE MÉREAUX,
BENEDIGT,
EDOUARD FÉTIS,
ED. MONNAIS,
HECTOR BERLIOZ,
GRUNEISEN,
AUG. MOREL,
HENRI BLANCHARD,
STEPHEN HELLER,
Le Prince DE LA MOSKOWA
MAURICE BOURGES,
GUSTAVE HÉQUET,
.1. D'ORTIGUE,
GEORGES BOUSQUET,
JULES JANIN,
L. RELLSTAB,
DAMKE,
KASTNER,
PAUL SMITH,
DAVISON,
L. KREUTZER,
SYLVAIN SAINT-ETIENNE.
ERNEST DESCHAMPS,
ADRIEN DE LA FAGE,
DIX-NEUVIÈME ANNÉE.
I8S2.
PARIS,
AU BUREAU DU JOl'R\i],, I, BOULBVART DF.S ITALIENS.
1852.
CuùLu^ Ch>> fy-rr^K
TABLE ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES.
Académie des Benux-Arlt.
Médaille de 500 fr. offerte à l'aufe'ur des paroles de
la cantate choisie pour le concours de composition
musicale. — Cnncours préparatoire de composition
musicale, 23.
Rappel de la médaille de 500 fr. — Concours de
composition musicale pour 1852, 174.
Choix des six concurrents au grand prix, 198.
Entrée en loge des six concurrents au grand prix, 245,
Jugement de l'Académie pour le prix de composilion
musicale, 263.
Séance annuelle. — DMribution des prix, art. signé
P. S., 335.
Institut national de France, séance annuelle des
cinq acidémins. — Notice sur Thomas Biitlon, par
F. Ihlévy, 365.
Association*.
ARTISTES DRAMATIQUES.
Audience du ministre de l'intérieur, 46.
Bal de l'Association, a l'Opéra-Comique, 64.
Assemblée générale. — Rapport. — Renouvellement
du comité, 134.
ARTISTES MUSICIENS.
Concert de l'Association, 68.
Nomination d'un membre du comité, 78.
Concertsde l'Association, 93, 122, 148.
Assemblée générale, nomination du comité. —
Lecture du rapport. 465.
Séance du comité, 181.
Messs de Sainte-Cécile, par l'Association, 404.
ARTISTES PEINTRES.
Exposition à", tableaux au bazar Bonne-Nouvelle, 39.
Séance générale, 143.
AUTEURS DRAMATIQUES.
Audience du Prince-Prési lent, 54.
Séance annuelle, lecture de deux rapports, 150.
INVENTEURS ET ARTISTES INDUSTRIELS.
Assemblée générale, nomination du comi é, 174.
Audition») musicales a Paris.
(Voyez aussi concerts et matinées musicale'.)
M. Paul Henrion. - M. R»ichel. — MM. Fumagdli,
Perrelli, Bono'di et Méhul. — M. Giuliani, art.
d'Henri B anchard, 5.
M et Mme Malibran. — M. et Mme Massart. —
M. et Mme Mutel. — M. Marmonlel. — M. de Bé-
riot. — Mme de Mandeville et M. Doozan. —
M. G'uffé, art. d'Henri Blanchard Su.
M. Lernmens. — Société philharmonique «'e Paris. —
Mme Farrenc, M le Mit'mannet M. G'ierreau. —
Les derniers quituors de Beethoven et M. Maurin,
au Cerc'e de la librairie. — M. Rose Ien, art.
d'Henri Blanchard, 68.
Quatrième séance de MM. Alard et Franchomnr. —
Quatrième concert de la Société Sainte-Cécile.—
M. E'nst.— Œuvre de la Miséricorde.— Mlles Char-
lotte de Malleville, Joséphine Martin, Wilheltnine
Claies. MM. A-cher, F.irgues et Fumagàlli. —
M. Emile Rigaault. — M Georges Bo isquët. —
M. L«mmens, ar'. d'Henri Blmchard, 75.
Mlles Rachel et Mira. — MM. Erard et Thalberg. —
M. Lé.ipold de Meyer. — M. Curci — Le Cercle
musical et littéraire. — L?s jeunes Llorens —
M. L. Reynier. — M. Staraaty. — Mie Juliette Dil-
lon.— M. Reichel —M. Lémmens.— M. et Mme Léo-
nard, art. d'H-nri B anchard, 82.
Soeiété Sainte-Cécile. — Mlle de Malleville. —
MM. Alard, Franchomme et Bessems. -Mlle Clanss.
— Mlle Zélina Vaiitier et M. Stamaty. —M. Col-
blain, art. d'Hen i Blanchard, 92.
M. Dorval Valéntino. — M. Antonin Gùillot. —
Mlle Bontems. — Cercle musical et littéraire. —
Mlle Marie Ducrest.— Mile de Courcelles.— Mlle de
Landi. — M. Léopo'd Amat. — L'Œuvre des F'au-
bourgs. — M1!. Kruger et Tellefsen. — M. Codine.
— Mlle Blève. — M. Stamaly. — M. Forgues. —
Mlle Dillon. — M. B-zzini. — M et Mme Deloffre
et M. Pilct. — Le petit Paul-Julien. — M. Ron-
cberay et Mlle Graêver, art. d'Henri B'anchard, 98.
M. Beaulieu. — M. et Mme Lel'ébure-Wély. — M.
et Mme Lagarin. — M. Tellef-en. — M. Goria. —
Mme Coliu-Neumann. M. Montuoro. — Mlle de
Malleville. — Mme Taccani-Tasca. — M Gouft'é.
— Société Sainte Ceci!--. — M. Hermann. —
M. Van Gelder. — Mme Lucci Siev.rs, art.
d'Henri Blanchard, 105.
M. Max-Meyer. — Mlle Hersilie Rony. — M. Hr,
AUDITIONS MUSICALES.
herbier. — Mlle Louise Maltmann. — Société
Sainte-Cécile. — M. Gustave Péronnet , art.
d'Henri Blanchard, 113.
M. Visconti. —Mlle de Malleville. — MM. Le Cou-
pey et Stama'.y. — Société des Saints-Anges et So •
ciété générale des Crèches. — Mme Elvira Pe Ic-
monte. — M. Emile Albert. — Association des
artistes musiciens. — MM. Cibra et Caceres, art.
d'Henri Blanchard, 122.
Mme Farrenc. — Mme Claire Hénelle. — Mile J.
Martin. —Mlle Louise Mattmann. — Mlle Graever.
— Cercle musical et littéraire. — Mme Launer-
Manéra. —M le Eugénie de Rosa. — Mlle Gras. —
Mme Gaveaiix-Sabdier et Mme Roger de Beiuvoir.
MM. Lamaznu, Lefort, Fumagàlli, Léopnld de
Meyer. — M. Delsarte, Mlle Riche! et Mme la
comtesse de Kalergi. — The doctorLarduer. —
M. H. Rosellen, art. d'Henri B anchard, 132.
M. Offenbach. — M. Mulder. — MM. Cavallo et
Viret. — M. Stamaly. — Société philharmonique de
Saint-Germain et Mme Molidoff. — M. Géraidi. —
M. Luidgi Elena. — M. Schlnsser. — M. E. de Har-
tog. - Le jeune Lotto, art. d'Henri Blanchard, 140.
M. S amaty. — M. Hiberbier. — MM. Bazzini et
Dancla. — Mme de Grandval. — Galin-Paris-Cbevé.
— Association des artistes musiciens, art. d'Henri
Blanchard, 148.
Audition A'Abufar, opéra de M. Léopold Aimon,
art. d'Henri Blanchard, 331.
Les derniers quatuors de Beedioven, par MM. Mau-
rin, Sabattier, Mas et Chevillant. — Mme Far-
renc. — M. Ch. Dmcla. — M. N. Louis, art.
d H^nri Blanchard, 405.
Société des Enfants d'Apollon. — Sociélé phi har-
monique de Paris, art. d'Henri Banchard, 451.
Séances des derniers quatuors de Beethoven, par
MM. Maurin, Stbattier, Mas et Chevillard, art.
d'Henri Blanchard, 467.
B
Biographies.
Mlle Johann a Wagner, art. signé J. R., 11.
Le jeune Frédéric Gernshein, 44.
Un S njv-mir à la mémoire d'Alizard, art. d'Adrien
de La Fage, 52.
Vivier, art. d'Adolphe Adam (emprunté à l'As-
semblée nationale), 1 17.
Richard Wagner, art. de Féiis, 185.
Martini (Il Tedesco), art. de Paul Smith, 196.
Raimondi, art de Fétis, 334.
Thomas Britton, par F. Halévy, 365.
Concerts a Paris.
(Voyez aussi Auditions et Matinée.* musicales. —
Pour les concerts des départements et de l'Etranger,
Voyez DÉPARTEMENTS ET ÉTRANGER.)
Société Sainte -Cécile, art. d'Henri Blanchard, 11.
Henri Herz. — Ernst. — Max-Meye,r. — Perelli. —
Mutel, art. d'Henri Blanchard, 19.
S)ciélé des concerts du Conservatoire, 22.
S iciélé Saiite-C°c'le et autres séances musicales ,
art. d'Henri Blanchard, 25.
Mlle Ritterde Corcelles, 31.
Mlle Madeleine Graever. — Cercle mu-ical et littéraire
de Pari-;. — Mlle Louise Maltmann, art. d'Henri
Blanchard. 36.
Mme Roubaud de Cournand, art. signé R., 37.
Société Sainte-Cécile. — Musique de chambre: Alard
et Franchomme. — Mlle Clàuss. — Ernst. — M. et
Mme De offie. — Mme C o'ilde Lhote. — Société
philharmonique, art. d'Henri B'anchard, 42.
Société d s concerts du Conservatoire, 46.
Société Sainte-C"c le. — MM. Alard et Franchomme.
— La loge maçonnique des Frères - Unis. —
Mlle Charlotte de Mallevi le. — Mlle Joséphine
Hugot. — L'Œuvre des Familles. — Mlle Virginie
Lenormand. — M. Gennaro Perrel i. — M. Erard. —
M Roger et. Mlle Clauss,jart. d'Henri B anchard, 58.
Concert de l'Association d^s arti-tes musiciens, 6S.
Concert de l'Association de; artistes mu-miens, art.
d'H-nri Blanchard, 93.
Conc-rt donné par la Société de bienfaisance alle-
mande.— Mme de Kalergi. — Mlle Clauss, a't.
d Henri Blanchard,, 4 06.
Concert de l'Association des artis'es industriels,! 18.
Concert-défi de M. Corail, 118.
Dernier concert danaé par l'Association des artistes
musicien-, art. signé R., 149.
Deux Échos. — Mlle Fréry. — M. Haberbier, art.
d'Henri Blanchard, 156.
Concert au Jardin d'Hiver au profit des familles né-
cessi'euses, 181.
CONCEBTS A PABIS.
Société libre des beaux-arts, art. d'Henri Blanchard,
496.
Séance de quinte'ti arrangés pour instruments à
vent, 222.
Concert au profit des indigents, à Neuilly, 238.
Concert d'harmonie sur la place de la Concorde, à
l'occasion de la fête du 1o août, 278.
Concert donné par Duprez à l'Ile Adam, au bénéfice
des pauvres, 292.
Séance mu-icale donnée par M. Ferdinand Hiller, art.
d'Henri Blanchard, 386.
Concert de Vieuxlemps. — Premier concert de la
Société Sainte-Cécile, art. d'Henri Blanchard, 466.
Concert de la Société des concerts de Berlin, 474.
Conservatoire de musique et de
déclamation .
Exercice des élèves : Ouverture, par M. Jonas. —
Les Folies amoureuses. — Jean de Paris, art. si-
gné P. S., 78.
Exercice des élèves : le Jeu de l'Amour et du Hasard.
— L'Irato, art. 6)gné P. S., 164.
Examens semestriels, 190.
Exercice des élèves : les Précieuses ridicules. —
Joconde, art. signé P. S., 213.
Entrée en loge pour les concours à hais-clos, 238.
Concours annuels : Harmonie. — Etoiles de cla-
vier. — Harpe. — Contre-basse. — Harmonie et
accompagnement pratique, 247.
Suite des concours : Orgue. — Contrepoint et fugue.
— Solfège. — Piano. — Violon. — Violoncede.
— Chant, 251.
Suite des concours : Opéra-Comique. — Grand-
Opéra. — Cor à p;s'ons. — Basson. — Clarinette.
— Trombone. — Hautbois.— Trompette. — Fiûle.
Cor, art. s-gné P. S., 262.
Réouverture des classes et de la bibliothèque, 331.
Séance annuelle : Distribution des pr.x, art. signé
P. S., 465.
D
Départements.
THEATRES, CONCERTS, NOUVELLES
MUSICALES, ETC.
Abbeville. Inaug iration de la statue de Lesueur,
art. signé P. S., 266.— DeLagrave, dsnsLuci'e, 408.
Alger. Concert de Séligmann, 95. — Cantate com-
posée par M. le baron de Bron, à l'occasion de
h proclamation de l'Empire, 479.
Amiens. Cmcert au profit des pauvres, 94. —Dernier
concert de la Société philharmonique, avec le con-
cours de Mlle Caroline Duprez et d'Alard. — Ré-
capitulation de la saison, 158.
Angeiis. Les deux Sergents, opéra de N. Louis, 88.
Arras. Concert de la Société philharmonique, 143.
Bagnères-de-Luchon. Concert deJMlle Guenée, 294.
Bordeaux. Société Sainte-Cécile. — Souscription
au monument de Weber, 63. — Concert de la So-
ciété Saint-'-Cécile, 95. — Concert, de la Société
philharm .nique. — M. et Mme Léonard, 143. —
Mlle E. Datihauser, dans Rose-de-Mai du Val d'An-
dorre, 215. — Concert d Emile Prudent, 479.
Boulogne sur-Mer. Concert de la Société philhar-
monique, 23. — Concert au profit des pauvres,
93. — Concert ou bénéfice des pauvres, 412. —
Cmcertde la Société philharmonique, 263. — Con-
cert de la Société philharmonique. — Bazzini, 287.
— Concert de la Société philharmonique. — Mlle
Caroline Duprez, 294. — Concert de la Société
philharmonique. — Mlle Nau, 372. — Concert de
la Société philharmonique, 399.
Carcassonne. Sociéé philharmonique. — Le Désert.
Le Stabat, 112. — Concert de l'Ecole de chant.
— Le Stabat, 127. — 3e concert de la Société
philharmonique, 199.
CoupiÈgne. Concert en présence de l'Empereur, 479.
Dieppe. Concerls pendant la saison des baios: or-
chestre de Dusbcldoif. — Vieuxtemps. — Mlle
Graevr, 279.
Douai. Fête musicale en l'honneur de M. Bra, 95.
FtLLETiN. Prêt- nli'>n d'avoir vu naître Quinault, 39.
La Rochelle. Concert par la famille Martin. — Soi-
rées. — Concers de ta Société philharmonique,
127. — Saison des bains. — Mile Joséphine Mar-
tin. 308.
Lille. Concert de Bazzini, 28. — Correspondance :
l- Prophète, 62.— Octave, dans le Prophète, 70. —
Association musicale, 119. — Salie de concerts il
Wazemmes, 182. — Concours de chant d'ensemble,
art. signé G., 215. — Cantate à l'occasion de la
proclamation de l'Empire, 464.
Limoges. La Fée aux Roses, 5 i. — Fêtes musicales
de l'Ouest, 229. L
départements (Théâtres, Concerts, etc.).
Lons-le-Saulnier. Concert chez M. deGrimaldi,|308.
Lyon. Reprise de l'Ambassadrice, 47. — Le Pro-
phète. — Répertoire de l'Opéra Comique. — Con-
cert annuel de Georges Hainl, 126. — Concert de
H. Léopold de Meyer, 199. — Début de Mme Ca-
bel, 278. — Grand concert militaire, 331. — Ma-
delon. — Mme Cabel. — Duprat, dans le Prophète,
371 . — Concert d'Ernst, 408. — Réceplion de
Georges Hainl à l'Académie des sciences et beaux
arts, 479.
Marseille. Reprise de Joseph, 47. — Giralda. —
Mme Charton, 88. — Concert annuel de l'Associa-
tion des artistes musiciens, 95. — Octave, dans les
Huguenots, 143. — Mlle Heinefetter et Octave, dans
le Prophète, 158. — Mme Charton, dans Bertba du
Prophète, 174. — Concert des sœurs Ft-rni, 182.
— Correspondance : représentations de la troupe
i'alienne. — M. Cavallini. — Formalion de la
troupe française, 269. — Distribution des prix aux
élèves du Conservatoire, 324. — Correspondance :
détails sur les débuts de la troupe. — Nomination
d'Auguste Marel à la direction du Conservatoire,
en remplacement de M. Barsotti, 390. — Le Pro-
phète, 455. — Concert de M. F. Giraud, 471 .
Meaux. Cuncours d'orphéons et de musique d'har-
monie, art. signé A. Z , 219.
Nancy. Concert de la Société philharmonique, 119.
— Qualuors et quintettes arrangés pour instru-
ments à vent, par M. Bousquier, 174. — Hermann-
Léon, dans les Mousquetaires, 199. — Société de
musique religieuse : concours, 238. — Concerts de
Bjzzini, 341.
Nantes. Concerts de MM. Léon Lecieux et Richard
Mulder, 39. — Concerts des mêmes, 54. — Détails
et réflexions à propos du Conservatoire, 215.
Nevers. Concert de MM. Emile Prudent et Léopold
Amat, 463.
Nîmes. Adieux de la troupe d'opéra. — Mme La-
font, dans le Prophète, 206.
Niort. Messe de M. Eug. Delavault, 31.
Orléans. Concert de M. Ernst, 31.
Reims. Concerts de M. Bazzini, 222.
Rouen. Messe de Weble, 7. — Fête annuelle au
profit des Crèches, avec le concours de Vivier, 61.
— Concert au profit des pauvres, 112. — Société
de musique religieuse : M. Wervoiie, 206. — Con-
cert de M. Dubosc, 215. — Prix offerts par l'Aca-
démie des beaux-arts, 315- — Trois ténors de pas-
sage. — Concert au profit des pauvres , 456. —
Trite situalion du théâtre, 464. — Concert au
prufitdes Crèches, 479.
Strasbourg. Correspondance : concerts du jeune
Frédéric Gernsheim, 44. — Le Prophète, 102. —
Mlle Méquillet, 119. — Elie, de Mendelssohn, 143.
— Concert de Mme Cabel, 174. — Représentation de
la comédie d'Arnold : Pfingstmontag, par une so-
ciété d'amateurs, 191. — Réouverture du théâtre.
— M. et Mme Montaubry, 308. — Concert au profit
de l'Association des artistes musiciens, 479.
Toulouse. Clôture des séances de la Suciété des
concert^, 223. — Début de Wicart, dans Guillaume
Tdl, 381.
Trouville. Concert de Mme Gavaux-Sabatier et de
M. Lecieux, 294.
Troyes. Concert de la Société philharmonique, 464.
"Versailles. Concert donné au théâtre par Mme Stei-
ner-Beaucé, 206.
Villeneuve -sur -Yonne. Festival. — Concours
d'orphéons et de musique d'harmonie, 287.
Engagements.
Mme Castellan, au Théâtre-Italien de Bruxelles, 6.
Mme Stoltz, à Lisbonne, 6.
Mlle Sosse, à la Fenice de Venise, 23.
Mme Véra, au théâtre de Barcelone, 39.
Mlle d'Angri, au Théâtre-Italien de Paris, 62.
Mme Sloltz, à Rio-Janeiro, 62.
Réengagement de Cbapuis, à l'Opéra, 87.
Mme Medori, au Théâtre-Italien de Vienne, 143.
Réengagement de Mme Tedesco, à l'Opéra, 151.
Réengagement de Mlle Révilly et de Riquier, à l'O-
péra-Comique, 181.
Audran, à Marseille, 198.
Mlle Jetty de Treffz , pour l'Amérique, 206.
MmeColson, au Théâtre-Lyrique, 215.
Mme Steiner-Beaucé, au théâtre de la Monnaie, à
Eruxelles, 238.
Mathieu , à l'Opéra, 247.
Bordas, à la Nouvelle-Orléans, 278.
Faure, à l'Opéra -Comique, 287.
Mme Fanny Cerrito, au Théâtre-Impérial de Vienne,
307.
Lablache, au Théâtre-Italien de Saint-Pétersbourg,
307.
Engagement à vie d'Ander, au théâtre de la Cour,
à Vienne, 308.
Réengagement de Mme Fanny Cerrito, à l'Opéra, 315.
Mlle Ducz, à l'Opéra, 315.
TABLE ALPHABÉTIQUE
ENGAGEMENTS.
Mlle Anna Lemaire, au théâtre de Bruxelles, 381.
Octave, à Florence, 470.
Mlle Ida Bertrand, au théâtre de la Cour, à Vienne, 479.
Enseignement musical gratuit.
Réorganisation du service pour la ville de Paris et
programme d'examen, 118.
Nomination de nouveaux membres de la Commis-
sion de surveillance près les écoles communales de
Paris, 158.
Nouvelle orgenisation de l'enseignement du chant
dans les écoles primaires de la ville de Paris, 181.
Inspection des écoles succursales, 206.
Etranger.
THÉÂTRES, CONCERTS, NOUVELLES
MUSICALES, ETC.
Aix-la-Chapelle. Concert de Mlle Milanallo, 324.
Amsterdam. Concerts. — M. Franco-Mendès, 255.
— Concert de M. Franco-Mendès, 279. — Troupe
d'opéra français, 316. — Troupe d'opéra allemand,
372. — La Reine de Chypre. — Représentations
d'une troupe italienne, 471.
Baden. Concert de Mme Sontag. — Mlle Kastner,
263. — Détails sur la saison, 270. — Vieuxtemps.
— Cossmann, 294. — Clôture de la saison.— Musi-
que militaire autrichienne, 382.
Bale. Concert d'Ernst, 112. — Grand festival de
chant, 255. — Opéras — Concerts, 456.
Barcelone. — Norma. — Ernani. — Attila, 47.
— La Figlia del reggimento. — MmeVera, 102. —
Italiens. — Le Slabat, 127. — Réouverture des
Italiens par Lucrezia Borgia. — Concert de
M. Ribas, 372.
Berlin. — Correspondance : nouvelles des Théâtres
et des Concerts, art. signé L. R., 12. — Reprise
de le Retour de l'Etranger, de Mendelssohn, 23. —
Concert à la cour. — Le Camp de Silésie, 40. —
Correspondance : nouvelles des Théâtres et des
Concerts, 45. — Le Prophète. — Martha, opéra de
M. de Flottow, 55. — Sarah, opéra de M. Telle.
— Soirée pour l'association Gustave-Adolphe, 63.
— Concours de musique militaire. — Concert à la
cour, 70. — Les Comédiens ambulants, de Fiora-
vanti, au théâtre Wilhemstadt. — Première soirée
de symphonies. Ruine du théâtre Kœnigstadt. —
Recettes du Théâire-Royal,79. — Correspondance:
Concerts. — Musique religieuse. — Musique de
chambre. — Opéra : départ de Mlle Wagner, art.
de L. Rellslab, 100. — Concert à la cour, 112. —
Cantate de Meyerbeer. — Aniigone avec les chœurs
de Mendelssohn, 119. — Correspondance : Concerts.
Mlle Bierlich. — Troupe italienne. — Solennité
religieuse, 134. — Les Huguenots. — Don Pasquale,
pour la clôture des Italiens, 143. — La Flûte en-
chantée.— Mile Liébhardt, 151. — Les Cantatrices
villageoises. — Mlle Rudersdorf, 158. — Le Pro-
phète et Olympie , 191. — Reprise du Maçon. —
Solennité commémorative , 207. — Roger, dans
Lucia , 216. — Représentations de Roger : La
Dame blanche. — Les Huguenots, 247. — Corres-
respondance : Mlle Westerstrand. — Roger et
Mlle Rachel, art. de L. Rellstab, 255. — Succès
extraordinaire de Roger, 264. — Anniversaire. —
Roger, dans Lucia, 270. — Sérénade donnée à Ro-
ger, 288. — Correspondance : départ de Roger. —
Revue de son répertoire. — Mme Strantz. —
Mme Westerstrand, art. de L. Rellstab, 293. —
Détails sur la représentation au bénéfice de Roger,
308. — Rentrée de Mile J. Wagner, 316. — Les
Diamants de la couronne. — Nouvelles de l'Opéra.
— M. Henselt, 341. — Correspondance : nouvelles
des Théâtres et des Concerts, art. de L. Rellstab,
358. — Le Camp de Silésie, 359. — Correspon-
dance : Oratorios exécutés par la Société de chant.
— La Clémence de Titus, art. de L. Rellstab, 380.
— Mlle Viola et Galvani, dans Cenerentola. 382. —
Correspondance : détails sur la salle du Schauspiel-
haus. — Concerts donnés par la Société de chant
Erk et par une autre Société, art. de L. Rellstab,
407. — Succès de Marchesi à POpéra-llal en, 456.
— Correspondance: nouvelles des Théâtres et des
Concerts. — Paulus , de Mendelssohn. — Struen-
sée, de Meyerbeer. — La Belle Gasconne, opéra de
M. Schœflèr. — Aventure arrivée à Léonard, art.
signé M. S., 470.— Clôture du Théâtre-Italien. —
Œuvres musicales d'Holl'man à la Bibliothèque
royale. — Le Fille durégimtnt — La Poupée de
Nuremberg, 471. — Suicide, la signora Carra.
Boston. Concerts de A. Jaël, 55.
Brème. Guido et Ginevra, 408.
Brunn. Le Prophète, 119. — Mme de La Grange, 1 43.
Brunswick. Festival : Élie, de Mendelssohn. — La
9e symphonie de Beethoven, 247.
Bruxelles. Mosquita la Sorcière, 7. — Correspon-
dance : nouvelles des Théâtres et des Concerts. —
Le Démon de la Nuit. — Adolphe et Clara. —
Étranger (Théâtres, Concerts, etc.).
Séance de l'Association des artistes musiciens,
21. — Italiens : Norma. — Théâtre-Royal : re-
prise du Siège du Corinthe. — Concert du Conser-
vatoire. — Echange du droit de propriété litté-
raire et artistique entre la France et la Belgique, 29.
— Concert d'Emile Prudent, 40. — Concerts d'E-
mile Prudent, 55. — Mme Castellan. — M. Emile
Prudent. — Concert, du Conservatoire.. — Concert
d'Alexandre Batla, 69. — Correspondance : Ita-
liens. — Mme Medori. — L'Alcade de Zalamea,
opéra de M. Bazzoni. — Théâtre-Royal : Mme Ju-
lienne. — Concerts. — Mme Pleyei. — Associa-
tion des artistes musiciens. — Godefroid. — Zanï
de. Ferrauti. — Concert chinois, 86. — Concert du
Conservatoire : Struensée de Meyerbeer, 109. —
Opéra. — Concerts. — Nouvelles, 110. — Corres-
pondance : Casilda, opéra du duc de Saxe-Co-
bourg. — Reprises. — l'Alboni dans le Prophète,
149. — Correspondance : audition de fragments de
Judith, opéra de M. Laroche. — Nouvelles de Ser-
vais, art. signé A. Z., 198. — Correspondance:
observations sur les concours de chant d'ensemble.
— Nouvelles, 222. — Retraite de M. Hanssens et
nomination de M. Letellier comme directeur des
théâtres royaux, 279. — Commission du prochaiu
festival, 308. — Discours prononcé par M. Fétis
comme directeur de la classe des beaux-arts de
l'Académie royale de Belgique, 322. — Correspon-
dance : réouverture du Théâtre ; détails sur le
personnel : Galathée. — Mme Ugalde. — Concours
de chant, 340. — Représentations d'Hermann-
Léon, 350. — Correspondance : observations au
sujet de MM. de Bériot et Vieuxtemps. — Réunion
de violonistes en Belgique. — Cafés -chantants, 380.
— Concert de Mlle Teresa Milanollo, 399. — Cor-
respondance : la Perle du Brésil. — le Prophète,
avec Roger et Mlle Masson. — Séances par M. Lem-
mens, 406. — Correspondance : Struensée . de
Meyerbeer. — Concert de l'Association des artistes
musiciens. — Te Deum de M. Steenackers. — Can-
tate à l'occasion de la fête du roi. — Début de Mlle
Anna Lemaire, 470.
Cahlsruhe. Concerts de Vieuxtemps, 316.
CaSSEL. Les Mousquetaires de la Reine, 55.
Cobourg. 25e anniversaire de la fondation du théâtre.
— Les Cantatrices de Village, 199.
Cologne. Troupe italienne venant de Bruxelles, 88.
— Le violoniste Fritz Gtrnsheim, 135. — Sous-
cription pour l'érection d'une nouvelle salle de
spectacle, 471.
Constantinople. Concerts avec le concours de
divers artUtes, 63. — Concerts de M. Horace
Poussard, 119. — Dissolution de la Société des
concerts. — M. Horace Poussard, 158. — Concerts
de Mme Nissen, 182. — Nouvelles de Vivier,
270, 331.
Copenhague. Fuite et Danger, opéra de M. Henrik
Hung, 456.
Darmstad. Revue du répertoire de l'Opéra, 372. —
Le Vengeur, opéra de M. Schindelmeisser, 456.
Dresde. David, oratorio de Reissiger, 119. — Re-
prise du Prophète. 135. Le Prophète avec Mme
Krebs-Michalesi, 151. — Festival d'oeuvres an
ciennes, 295. — Érection d'un monument à
Mme Caroline Neuber,372. — Le Postillon de Long-
jumeau. — Nécrologie, 479.
Dusseldorf. Correspondance : grand concoure de
chant en chœur, 262.
Florence. Début de Mariette Piccolini, 70. —
Séance de l'Académie vocale et instrumentale, 80.
— Coneert de la Société philharmonique, sous la
présidence de Rossini, 238.
Francfokt-ser-Mein. Représentations de Mme
Sontag, 31. — Mme Gundi dans Fidès du Prophète,
119. — Représentations de Mlle Sophie Cruvelli,
341, — Aurélia, opéra posthume de Conradin
Kreutzer, 359.
Gand. Marina Faliero, 9a.
Gènes. M Angelo Mariani, directeur du théâtre
Carlo Felice. — Robert-le-Diable, 207.
Genève. Concerts de M. Ernst, 199.
Grenade. Représentation au bénéfice des indigents.
— Ronconi, 331 .
Hambourg. Struensée, de Meyerbeer, 216. — W. Kru-
ger, 222. — Roger, dans la Favorite, la Dame
blanche, les Huguenots, 223. — Représentations de
Pischek, 247. — Le Prophète. — F ra Diavolo, 331 .
— Giralda, 408.
Hanovre. Représentation à'Austin , opéra de Mars-
chner, 55. — Le Prophète, 294. — Démission de
Mar^chner, 324. — Réintégration de Marsclmer
dans ses fonctions de directeur, 359. — Descrip-
tion de la salle de spectacle, 372. — Le Prophète,
382. — Nomination de M. Fischer comme chef
d'orchestre, 391. — Nécrologie, 408.
Helsingfors ( Finlande). Une partie de chasse de
Charles XI, roi de Suède, opéra de M. Placci,
231 . — Formation d'un orchestre dirigé par M. Gau-
zangue, natif de Metz, 264.
Hermanstadt (Transylvanie). Découverte de trois
trios inédits de Beethoven, 341.
étranger (Théâtres, Cmcert?, etc.).
Jassy. Soirée en l'honneur de Servais, 261.
Kuenigsberg. Troupe italienne, 119.
La Haye. Le Roi de Bohême, opéra de M. Lazata-
Martin, 119, 113. — le Vieux Château, opéra de
M. Van-der-Duos, 175. — Fermeture du Théâtre-
Français, 190.
LEIPZIG. Concert à l'occasion de l'anniversaire de la
mort de Mendels-ohn , 13. — Départ de Mme Son-
tag , 80. — Publication des œuvres de Sébastien
Bach, 372.
Liège. Inauguration de l'orgue. — Concert au béné-
fice des pauvres, 29. — Concen de la So doté de
la Grande H rmonie. — Repri-e du Petit Chaperon
rouge et de Zampa. — Mme Hébert-Massy, 53. —
Correspondance : concert-festival au bénélice des
indigents. — Concert de la Société libre d'émula-
tion. — Fin de la campagne théâtrale. — Subside
à la Société de chant Orphée , art. signé Z ,
125. — Le Val d'Andorre, 134. — Correspond mee:
concerts de la S iciété d'émulation. — D'un pianiste
de Saint-Pétersbourg. — Clôture de la saison ihéà-
Irale. —Solennité religieuse. — Nouvelles, 230.—
Correspondance : couceit de la Société du C isino.
— Concours du Con-ervaloire, art. signé P. L. Z.,
294. — Nouvelles des théâtres et des concerts, 456.
Lisbonne. Nina Pazza. — Saffo , avec M le Sanna-
zuo, 47.
Londres. Correspondance : Robert -le- Diable et
Fra Diavolo. à Drury-Lane. — Sacred harmonie
Sociely. — Le Lobgesang et la musique ti'Athalie,
de Mendelssohu. — Séances de M. Ella. — Aminta
the Coquette, opéra c nvqne de M. Howard Glover,
à Hay-Markett. — LondonThuisd y concerts, 45. —
Nouvelle Socié é philharmonique, sous la direction
de M. Hector Berlioz, 68. — Annonce de la pro-
chaine saison, 79. — Programme du théàlre de Co-
vent-Garden, 95. — Début de la nouvelle Société
philharmonique : Roméo et Juliette, symphonie de
Berlioz, 102. — Programme du théâtre de la Reine.
— Ouverture des deux théâtres par Maria di
Rohan, 112. — Nouvelles des deux théâtres italiens.
Robert-le-Diable à Drury-Lane. — Lutte entre les
deux théâtres italiens à propos de Mlle J. Wagner,
127. — La presse anglaise à propos de Berlioz. —
Détails sur les deux théâtres italiens, 150, 151. —
Steeple-chase de pianistes. 175. — Procès au su-
jet de Mlle Wagner, gagné par M. Lumley. — Sou-
scription de la nobles-e en faveur de M. Lumley.
— Mme de La Grange, dans Lucia. — Gueymard
et Mme Julienne, dans la Juive. — Concert de
Mme Pleyel, 182. — Emile Prudent joue devant la
reine, 491. — 5e concert de la nouvelle Société
philharmonique : ouverture des Francs-Jugés. —
— L'Invitation à la valse, 199. — Dernier concert
de la Société philharmonique : Faust , de Berlioz.
— Mlle S. Cruvelli et Mme de La Grange. — Concert
à la cour, 207. — Zélie ou l'Amour et la Magie,
ballet de M. de Saint-Georges, au théâtre de la
Heine, 223. — Concert de Blumemhal, 222. —
Mlle Grisi, dans le Prophète. — Théâire de la Reine.
— Fuite de Mlle S. Cruvelli. — Concert de M. Gor-
digiani. — De Mme Morlier-de-Fomaine, 231. —
Otello au théâtre Oe la Rfine. — Faust, de Spohr,
à Covent-Garden, 247. — La Bouquetière, divertis-
sement, au théâtre de la Reine. — Nouvelles, 255.
— Casilda, au théâtre de la Reine. — Revue du
répertoire. — Pùtro il Grande, opéra de Julien, à
Covent-Garden, 279. — Clôture de la saison à Co-
vent-Garden.—Revue du répertoire. 294. — Mise eu
société du théâtre de la Reine, par M. Lum ey, 31b.
Louvain. Le Carillunneur de Bruges. — Mlle Wer-
llieimber, 316, 324.
Madrid. Nina ou la Folle par amour, avec Mlle Ai-
boni, 63. — Représentations au théâtre de la Reine,
à Aranjuez, 135. — Décret sur les théâtres, 271.
— Société pour la création d'un nouveau théâtre
lyrique. — Nouvelles de la province : Ronconi. —
Mme Momenegro, 295. — Concerts du Cercle phil-
harmonique, 359.
Mannheim. Ondine, opéra de Lorlzing, 382.
Milan. Les Sabines, opéra de Lauro Rossi, 80. —
Concert de Mlle Sosse.— Son engagement, 216. —
Concert de M. Fumagalli, 223. — Représentations
de Bordas, 255. — Fiorina ou la Jeune fille de Gla-
tis, opéra de Pediotti, 351 . — Représentations d'une
troupe française. — MM. Everard et Carréon, 480.
Moscou. Débuts de M. Joseph Gungl, 7. — Succès
et départ du même, 95.
Munich. La Grande Duchesse, opéra de M. de Flot-
tow. — Bonsoir M. Pantalon. — Le Mariage secret,
40. — L'Enfant prodigue, 1d2. — Représentation
à la cour, en français, 143. — Mme Sontag dans
iaSonnambula, 194. —Nécrologie. — Mme Sontag,
dans la Fille du régiment, 200. — Dernier con-
cert de Mme Sontag, au profit des pauvres, 207. —
Le Trésor supposé, de Méhul. — Nécrologie, 247.
— Pension accordée au chanteur Brizzi, 308. —
MlleMéquillet, dans te Prophète, 359.
Naples. Publication d'un nouveau journal de mu-
sique : la Gazetta musicale di Napoli, 247.
Neufchatel. Concert d'Ernst, 158.
DES MATIERES'
Étranger (Théâlres, Concerts, etc.).
New- York. Mlle Jenny Lind. — Ole Bull. — Czar et
charpentier, opéra de Lorlzing, 55. — Indifférence
des Américains pour les artistes, 70. — Société
philharmonique allemande. — Ole Bull. — Nou-
velles des théâtres, 308. — Arrivée de Mme Son-
tag, 33 1. — Concerts de Mlle Alboni. —Cabale
C"ntre Mme Sontag, 341. — Premier concert et
succès de Mme Sontag, 351. — Triomphes de
Mme Sontag à New-York, Boston et Philadelphie,
463.
Nouyei.le-Orléans. Reprise de Charles VI, avec
Mme Widemann, 55.
Odessa. Concerts de SchulhofT, 382.
Pestii. Représentations de Mile Liebhardt, 207. —
Première représentation des Huguenots, 479.
Posen. Succès de Mme Rudersdorf, 206.
Prague. Concert de la Société Sainte-Cécile : An-
ligone. — Reprise de Fernand Cortez. — Les
deux Reines , opéra de Hellmersberger , 40. —
Conc rt de Mme Sontag, 112. — Nomination de
Mme Sontag, comme membre honoraire de l'Aca-
démie Sophie. — Invention d'un nouvel instru-
ment, par M. Perina, 288.— Nécrologie, 231.
PBEsnounG. 20e anniversaire de la Sainte Cécile, par
la Société de musique. — Messe de M. de Righini,
408. —La Juive, 456.
Rio-Janeiro. Journal de musique. — Mme Slolz,
dans la Favorite et Sémiramide, 279. — Repré-
sentation au bénéfice de Mme Stoliz, 407.
Rome. Joseph , oratorio de Raimondi , 288. — La
f rincesse dona Maria Piccolomini, cantatrice au
théâtreArgenina, 456.
Rotterdam. Concerts de R. Wilmers. — Le Roi de
Bohême, opéra de Hu'schenruyter, 63.
Saint-Pétersbourg Concerts de Vieuxtemps, 31.
— Sardanapale, opéra d'Alary, au Théâtre-Italien.
— Stabat, de Lvolf, 80. — Encore Sardanapale,
412. — Dernier concert de Vieuxtemps, 127. —
Campagne de l'Ooéra-Ru se : Esmerabta, Stra-
d'Ua, le Val d'Andorre, 135. — Concerts de Servais
à Kiew et à Odessa, 158. — 50" anniversaire de la
Société philharmonique. — Fragment d'une sym-
phonie du comte Wielhorsky, 200. — Concerts.
— Retraite définitive de Vieuxtemps. — La Ba-
taille de Koulicovo, opéra de M. Rubinstein, à
FOpéri-Russe, 255. — Composition de la troupe
italienne, 350. — Correspondance: l'Opéra-Italien.
— Affaire Gditzin-Schindler. — Un manuscrit de
Beethoven, art. de Damcke, 451.
Stockholm. Concert de l'Académie royale de mu-
sique. — Don de Mme Jenoy Lind pour la création
de nouvelles écoles, 216. — Réouverture des théâ-
tres 331 . — Le Prophète, 456.
Stuttgard. — Le Val d'Andorre, 88. — Roger, dans
les Huguenots, le Prophéie, la Dame blanche, 198.
— Représentions de MlleCatinkaHeinefeiter,341.
— Deuxième concert de la chapelle royale, 456.
Turin. — Maria Gievanna, opéra de M. le duc de
Litta, 13. — Concert de M. Bazzini, 463.
Varsovie. — Concert de la Direction. — Concert
de Servais, 23. — Déhut de Mme Moriani, dans
Linda, 63. — Mme Moriani, dans la princesse de
Robert-le-Diable, 127.
Vienne. — Gutlenberg, o éia de Fuchs. 23. — Re-
présentation aubenelice des pauvres, 31 . — Ander
lemplacé par Éllinger, 40. — Subvention à lAca-
démie de musique. — Messe sulennelle, par lord West-
morland, 47. — 303 facteurs d'instruments, 63. —
Concerts de Mme Wartel, 70. — La même. — Le
Prophète, 80. — Concours pour une messe. —
Concerts de M. Schulhoff, 95. — Concerts de
Mlle LoulseLeisler,402. — Théàire-Italien. — La
Reine des Roses, ballet du comte Gabrielli. — Con-
certs de Mlle Constance Geiger, 112. — Concerts,
119. — Italiens : trois débuis , 127. — Engage-
ment de la Medori, 143. — Concert de M. Schu-
lhoff, 151.— Odette, ballet de Perrot, au théâtre de
la Cour, 191. — Don d'une stalle au grand Opéra
devienne, à M. J. Leidersdorff, par l'empereur
d'Autriche, 199. —Clôture de l'Opéra-Iialien, 216.
— M. Ellinger, dans le Prophète. — IlMarito e l'A-
mante, opéra de F. Ricci, 231. — Anniversaire de
la naissance de Gluck, 247. — Nouvelles. — Messe
par M. Assmayer, 255. — Répertoire de la Cour.
— Morcellement du Prophète. — Nécrologie, 264.
— Nomination de membres honoraires à l'Acadé-
mie de musique. — Exhumation des restes d'Haydn,
271. — Grand'messe et le Te Deum d'Haydn,
à l'occasion de la fête du Président, 288. — Enga-
gementàvie d'Ander au théâtre de la Cour, 308. —
Solennité commémorative en l'honneur de Strauss,
324.— Nécrologie.— Nouvelles. — Giralda, 331.
— Soirée dans laquelle se fait entendre Thaiberg,
359. — Le Dieu et la Bagadere. — Création d'une
école d'opéra, 372. — Ondine, opéra de M. Lwoff,
391. — Nécrologie, 408. —Mme Strautz, dans
Fidès du Prophète. — Mme de La Grange, dans / Pu-
ritani. — Service en l'honneur de M. Hellmesber-
ger, 456.
Weijiar. Nomination et récompenses, 80. — Fan-
taisie de Liszt sur le Prophète. — Benvenuto Cel-
btranger (Théâtres, Concerts, etc.).
Uni, opéra de Berlioz, 111. — Napoléon, sympho-
nie -cantate de M. Ilasshnger, 151. — Messe,de
Liszt, 278. — Benvenuto Cellini, Roméo et Juliette,
Faust, de Berlioz. — Banquet offert â Berlioz, 403.
Wiesbaden. Troupe italienne. — Concert de Mme
Sontag, 264.
Zurich. Couceit d Ernst, 119.
H
■on muges <•« récompenses accordes
aux artistes.
Croit de la Conception de Portugal, accordée à
M. Ad. Adam, 7.
Bracelet donné par la reine de Prus-e à Mme Gadi, 1 3.
Décoration de la Légion d'honneur accordée à
MM. Emile Perrin et Franchomme, 30.
Médaille d'or adressée à M. de Saint - Georges par
le roi de Hollande, 54.
Lettre écriie et ouvrages d'art offerts à Meyerbeer
par la reine d'Angleterre, 70.
Nomin tion d'Ad. Sax comme membre honoraire
de l'Académie des sciences à Londres, 70.
Médaille d'or remise à Alex. Ba'ta par le roi de
Hollande. 70.
Médaille d'or remise à M. Scribe par le roi de Hol-
lande, 78.
Médaille d'or conféiée à Tamburini par l'empereur
de Russie, 87.
Diolôme de Docteur en musique accordé â M. Neu-
komm (Sigismond), par I Université de Dublin, 94
Dip'ôme de membre honoraire de l'Académie So-
phie, à Prague, remis à Mme vonlag, 119.
Diplômes de membre honoraire du Mozarteum , de
Salzbourg, de la Société du Dôme, à Vienne, et de
la Réunion, à Prague, remis à M. le maître de
chapelle, Rotter, 151.
Tabatière oflerte à M. Ad. Adam par le Prince-Pré-
sident, 158.
Croix de l'ordre du Mérite, de Saxe , remise à
M. Gustave Oppelt par le duc régnant de Saxe-Co-
bourg-Golha, 191.
Décoration de l'Aigle-Rouge accordée à M. G. Kas-
tner par le roi de Prusse, 206.
Médaille d'or offerte à M. H. Léonard par la So-
ciété Sainte-Cécile de Bordeaux, 222.
Décoration de la Couronne de Chêne accordée à
M. F. Livaine par le roi des Pays-Bas, 230.
Médaille d'argent accordée à M. Panseron , pour
son Solfège concertant, par la Société pour l'in-
struction élémentaire, 231.
Epinge oflerte à M. Jonas par M. de Rothschild, 231.
Dec* ration de la Légion d'honneur accordée a
MM. Vcdi, Dupeutv, ele , à l'occasion du 15 août,
278.
Décoration de l'ordre d'Isabelle- la Catholique accor-
dée à M. Gottschalk, 278.
Letiro et Médaille d'or remises à M. J. Franck par
le roi des Belges, 287.
Pen-ion accordée à l'ancien chanteur Brizzi par lî
Prince-Président, 308.
Décoration de la Légion d'honneur accordée à M. Du-
brucq. 379.
Bijoux offerts par le Prince-Président à MM. N. Ro-
quep'an, Pli. Boyer, Vict. Massé, et aux arlistes
qui avai-nt paru dans la représentation solennelle
du Grand-Opéra, 381.
Jurisprudence théâtrale et
artistique.
Contestation entre M. Bayard et M. Lumley, à propos
de la Fille du Régiment, 39.
Commission des auteur., et compositeurs dramati-
ques. Nouvelle Société des auteurs, compositeurs
et éditeurs, 39.
L'agent de la Société des auteurs, compositeurs et
éditeurs contre M. Henri Herz, 46.
Divorce de Mme Hillen et de M. Van Praeg, 46.
Un amateur de violon, 54.
L'agent de la Société des auteurs, compositeurs et
éditeurs contre les cafés-chantants, â Lyon, 63.
Jugement au profit de M Lumley contre M. Gye, à
l'occasion de Mlle Johanna Wagner, 142.
Altercation entre M. Puget et M. Bénédit, 1 42.
Second jugement rendu à Londres au sujet de Mlle J.
Wagner en faveur de M. Lumley, 1 82.
Jugement du Tribunal de première instance relative-
ment à la Société des auteurs, compositeurs et édi-
teurs, représentée par son agent, M. Henrichs, 238-
Demande de dommages et intérêts par M. Lumley
contre M. Gye, dans l'affaire J. Wagner, 279.
Un directeur ne peut pas faire exécuter des airs pour
lesquels l'auteur ne lui a pas donné autorisation.
(Tribunal de première instance de Lyon), 464.
Lettre*.
Rossini au Cercle Lyrique de Marseille, 30.
M. Brunel à M. Gariner, 118.
Rossini à M. Piermarini, 219.
Mme Vve Spontini à Berlioz. 222.
M. le prince Nicolas Boris Galitzin au directeur de
la Gazette musicale, 277.
M. L. Brtndus au gérant de la Gazette muticale, 286.
M. Adrien de La Fage au directeur de la Gazette
musicale, 323.
M. Antoine Schindler au directeur de la Gazette mu-
sicale, 347.
Réplique de M. Antoine Schindler à la protestation
de M. le prince Nicolas-Boris Galitzin, 3i7.
M. Ferdinand Hiller à M. Fétis, 371.
M. le prince Galitzin au diiecteur de la Gazette musi-
cale, 380.
M. Damcke à M. le prince Galitzin, 380.
M. Fonrmer à M. E. Dassier, 382.
M. Féti- au directeur de la Gazette musicale 390.
Rossini à Mme Ucelli, 406.
M. B.Damcke au directeur de/a Gazette musicale, 453.
Littérature musicale.
Lettres sur l'Exposition universelle de Londres, art.
de Fétis, 3, 17, 33, 74.
Frédéric Chopin, par Franlz Liszt, 39,
Notice sur un ancien livre relatif à la musique, art.
signéC. B , 61.
Philosophie de la musique : cours de M. Fétis, à
Bruxelles, 90, 107, 114.
Critique et littéraiure mu-icale, par E. Scudo, 135.
Les Danses des Morts, par G. Kastner, art. signé R.,
441.
Richard Wagner : sa vie, son système de rénovation
de l'opéra, ses œuvres comme poêle et comme mu-
sicien, son parti en Allemagne, appréciation de la
valeur de ses idées, art. de Fétis, 185, 193,201,
209, 225, 242, 257.
Beethoven et ses trois styles, par M. W. de Leriï, art.
de Paul Smith, 217, 227, 233.
Dts neumes employés à la notation du plain-chant,
art. d'Adrien de La Fage, 235, 251, 267.
Du Développement futur de la musique dans le do-
maine du rhythme, art. de Fétis, 281, 289, 297,
325,353, 361, 401,457, 473.
Dictionnaire des beaux-arts. Extraits du travail de
M. F. Halévy, 284, 303.
Les Soirées de l'orchestre, fragments du livre de
M. Hector Berlioz. 309, 317, 327, à 37, 346.
M
Mariages.
M. Ch. Lebouc et M le Juliette Nourrit, 39.
Mlle Jenny Lind et M. Olhon Geldschmidt, 79.
M. Etlling et Mlle Léonard, 126.
MlleFanny Elssler et M. le docteur Htahn, 491. (;You-
velle controuvée, 199.)
Mlle Mattmannet M. Démarche, 238.
M. Léopold Darrcla et Mlle Delphine Skopetz, 340.
M. Ad. Fumagalli et Mlle Anna Bonoldi, 479.
Matinées musicales.
(Fbyez aussi Concerts et Auditions musicales.)
MM. Alard et Franchomme, art. d'Henri Blanchard, 25.
M. Emile Ettting, 46.
M. Gouffé, art. d'Henri Blanchard, 196.
M. Hesse, art. d'Henri Blanchard, 467.
Messes et solennités religieuses.
Service de bout de l'an pour Spontini, 40.
Service, anniversaire pour Habeneck. — Messe de
M. Deldevèzi», 101.
Messe en musique, dans la chapelle des Tuilerie^, à
l'occasion de la remise de la bar ette à Son Eminence
le cardinal archevêque de Bordeaux, 117.
Oratorio de M. J. Ganuza, dans l'église Sle- Valère, 118.
Cérémonie religieuse et militaire, au Champ-de-
Mars, 159.
Messe en musique, àSaint-Vincent-de-Paul, exécutée
par quatre cents chanteurs et la musique du 3" lé-
ger, 182.
Messe de M. Dielsch, à la Madeleine, le dimanche de
la Pentecôte, 190.
2? messe d'Haydn, à Saint- Roch, le dimanche delà
Pentetô!e, 191.
2° messe de Requiem, de Cherubini, exécutée à Liège,
anx obsèques de M. l'Evêque, 230.
Te Deum, à Saint-Thomas-d'Aquin, par M. Hocmelle,
247.
Te Deum, de M. Stadtftld, exécuté à Bruxelles, 255.
Messe de M. Assmayer, exécutée à Vienne, 255.
TABLE ALPHABÉTIQUE
MESSES ET SOLENINTES RELIGIEUSES.
Messe et Te Deum, par M. Dietsch, à la Madeleine ,
273.
Messe, par F. Liszt, exécutée à Weimar, 278.
Deux cérémonies religieuses: à Saint-Roch. — A l'é-
glise de la Trinité, art. d'Henri Blanchard, 284.
Mes-e et Domine salvum, de F. Lavaine, exécutés à
Cambray, 287.
Solennité à Saint-Eustsche, à la mémoire de M. le
baron de Trémont. — Requiem de Berlioz, art. de
Léon Kreutzer, 356.
Service anniversaire pour Chopin, 359.
Messe de M. Leprévost, exécutée à Saint-Roch le jour
de la Toussaint, 381.
Mes- e d'Ambroise Thomas, exécutée à Soint-Eustachc,
par l'Association des artistes musiciens, à l'occasion
de la Sainte-Cécile, art. signé P. S., 404.
Messe de Ch< rubini, exécutée à la Madeleine, à l'oc-
casion de la Ste-Cécile.ari". d'Henri Blanchard, 40S.
Musique militaire.
Réorganisation des musiques régimentaires en France,
par A. Perrin, art. signé P. S., 26.
Musique de la garde nationale, art. d Henri Blanchard,
51.
Concours de musiques militaires, art. d'Henri Blan-
chard, 58.
Sommes votées pour les corps de musique de la
garde nationale de Paris, 238.
Concours au Gymnase musical militaire, 307.
Distribution des prix au Gymnase musical militaire,
art. signé P. S., 346.
N
Nécrologie.
Ebeling (Mme Matilde), 12.
Rungenhagen (Frédéric), 7.
Silversto'pe (Frédéric-Sam; el de), 23.
Ricci (Luigi), 23. (Nouvelle controuvée, 27.)
Ricci (Frédéric), 27. (Nouvelle controuvée, 39.)
Berton (Mme veuve), 23.
Breton, 23.
Hennechenne, 53.
Kurlaender (Elie), 54.
Seveste (Edmond), 70.
Merle (Jean-Toussaint), 79.
Gay (Mme Sophie), 79.
Weber (Mme Caroline de), 79.
Winlerfeld (Rodolphe de), 88.
Drechsler (Joseph), 88.
Garaudc (Alexis de), 112.
Cave. 112.
Merlin (Mme la comtesse), 112.
Attilio Grisi, 126.
Ferretti (Giacomo), 135.
Boulibonne (Mlle), 151.
Taskin (Pascal), 151.
Hyrtl, 151.
Willent, 158.
Jaeger (François), 182.
Choteck, 191.
Stahl, 191.
Jacobi (Charles), 199.
Oberlaender, 200.
Lambert, 223.
Trémont. (baron de), 223.
Merk, 223.
Damoreau fils. 231.
Weigl (Jean-Baptiste), 247.
Priuli (baron Louis-Joseph), 247.
Hill (F.), 255.
Ney (Mme), 264.
Canrmarano (Salvatore), 279.
Gambaro, 287.
Joly (Anténor), 308.
Noblet (Mlle), 308.
Basadonna (Giovanni), 316.
Hérold (Mlle Eugénie), 316.
Schu z Odolsi (Mme), 331.
Bat ka (Mme), 331.
Schneilzhoeffer (J. M.), 339.
Colin (Auguste), 341.
Tosi (Antonio), 341.
Porto, 341.
Ou'ibieheff, 351.
Scbimon, 359.
Lanari (Alexandre), 371.
Schweuke (J. F.), 372.
Richomme (Augirste), 399.
Hsllmesberger, 408.
Paliry (comte F.), 408.
Furstenau, 455.
Fayolle, 468.
Berg (Gonrad-Mathias), 471.
Rigel, 478.
Ralkbrenner (Mme veuve), 479.
Klengel (Ang.-Alex.), 479.
Vibrans (Mme Mathilde), 480.
Carra (Mme), 480.
Notices nécrologiques.
M. le docteur Frédéric de Rungenhagen, 7.
M. Frédéric-Samuel de Silverslolpe, 23.
Frédéric Ricci, art. signé P. S., 27. — (Nouvelle
controuvée, 39.)
M. le baron de Trémont, 223, 266.
Lambert, 231.
J. M. Schneitzhoeffer, art. signé P. S., 339.
Fayolle, art. d'Edouard Fétis, 468.
Nominations.
M. Romîeu à la direction des Beaux-Arts, 39.
M. de Ropicquet à la place de maître de chapelle de
la nouvelle église Sarnt-André, 63.
Des chefs et sous-chefs de musique dans la garde na
tionale de Paris, 94.
M. Cave à la direction des palais et des manufac-
tures, H2.
M. de Hulsen à l'intendance des théàlres royaux de
Berlin, 112.
M. Edmond Hocmelle, comme organiste dn Sénat, 118.
M. Jules Sevesle à la direction del'Opéra-Nitional, 125.
M. Théodore Labarre à la direction de la musqué du
Prince-Président, 126.
M. Cokken comme professeur de basson au Conser-
vatoire, 181.
M. Letellier à la direction des théâtres royaux de
Bruxelles, en remplacement de M. Hanssens, 279.
M. Alboize à la direction des théâtres de la ban-
lieue, en remplacement de M. Jules Seveste, 315.
M. Alexandre Corti à la direction du Théâtre-Ital-
ien, à Paris, 350.
M. Auguste Morel à la direction du Conservatoire de
Marterlle, en remplacement de M. Barsotli, 390.
O
Orgue.
Inauguration de l'orgue à Saint- Yincent-de-Paul, art.
de Maurice Bourges, 37.
Subvention de la ville de Paris à l'église Saint-Eus-
tache pour la reconstruction de l'orgue, 135.
Nouveau journal d'orgue, 179.
Audition par M. Widor à Saint-Vincent-de-Paul, art.
de Blanchard, 330.
Questions artistiques , musicales
et théâtrales.
Traité entre la France et l'Angleterre relativement à
la propriété littéraire et artistique, 28.
Acteurs employés dans les vingt théâtres de la capi-
tale, 39.
Nombre des opéras nouveaux donnés en Italie, en
1851,54.
Receites des spectacles en décembre 1851, 54.
Rece tes des spectacles en janvier 1852, 78.
Concours pour le meilleur opéra, à la Haye, 94.
Réorganisation du service médical dans les théâtres,
101.
Décret sur la contrefaçon des ouvrages étrangers, 111.
Almanach des Spectacles pour i 852, art. signé P.S., 124.
Recettes des spectacles en février, 425.
Recettes des spectacles en mars, 134.
Nomination d uneCommission pour l'examen du droit
des hospices, 158.
De la propriété littéraire et de la contrefaçon : Cor-
respondance de Bruxelles, art. signé A. Z., 163.
Recettes des spectacles en avril, 173.
Don de 1,000 franc-, pari Etat, à la Société Sainte-
Cécile, 174.
Publication, en Espagne, d'une collection des œuvres
de musique religieuse, 174.
Mise au concours d'une cantate, par la Société Sainte-
Cécile, 174.
Le droit des pauvres, art. d Edouard Fétis, 177.
Subvention^ aux Conservatoires de Toulouse, Lille,
Marseille et Melz, 181.
Receltes des spectacles en mai, 206.
Maintien du droit des hospices, 238.
Souscription pour l'érection d'un monument au vio-
loniste Lafont, 238.
Recettes des spectacles en juin, 255.
Choix de l'ode à Sainte Cécile.— -M. Nibelle proclamé
lauréat. — Nouveau concours pour mettre cette
poésie en musique, 262.
Représentations gratis à Psris, 270.
Publication d'un journal de musique: L'Union musi-
cale à Rio-Jantiro, 279.
Conclusion des arrangements avec la Belgique, 286.
Recettes des spectacles en juidet, 287.
Manuscrits et autographes de Mozart, 287.
Séance consacrée par la Société Sainte-Cécile à l'exé-
cution d'ouvrages contemporains, 351.
Secours donnés à des artistes par les trois associa'ions
des artistes peintres,_musicienset dramatiques, 351 .
QUESTIONS ARTISTIQUBS, ETC.
Question mise un concours par l'Académie des Beaux-
Arts de Bruxelles, 354.
Arrêté de M. le ministre de l'intérieur, concernant les
cafés-clianlants, 351.
Assemblées des cinq association?, 358.
Recettes des spectacles en septembre, 371.
Subvention accordée par M. le ministre de l'intérieur
pour l'érection de In statue de Lesueur, 371 .
Lectuie iVHippalyte Porte-Couronne., en présence de.>
comités di s quatre associations, 391 .
Stiadivaiins de M. le baron de Trétnont, acheté par
ILrmann, 391.
Société Sainle-Cécîle : choix du lauréat pour la mu-
sique de l'ode à Sainte-Cécile : M. Camille Siint-
Saën-, 454.
Dénominations du temps de l'Empire rendues aux
théâtres, 456.
Nomination de la Commission pour les primes à ac-
corder aux meilleur-, ouvrages dramatiques, 455.
Remise d'emprisonnement et d'amendes , dans la
presse non politique, à l'occasion de la proclama-
tion de l'Empire, 455.
Mise en scène du Juif errant, publiée par M. Palianti,
464.
Vacance de la direction du théâtre d'Amiens, 471.
R
Bévue critique»
CHANT.
Encore des albums. — E. Hartog. — Sivard. — Mme
Manéra ; art. d'Henri Blanchard, 20.
Fleurs d'Italie ou douze mélodies italiennes, parLéo-
pold Terry; art. d'Henri Blanchard, 220.
Les Femmes de la Bible, poésie mise en musique par
M. Gaston d'Albano; art. d'Henri Blanchard, 276.
Les Scènes de la vie de pension, par Mlle Juliette
Didon. — La Settimana musicale, par M. Beret-
toni. — Mélodie^, par M. Charles Poizot, art.
d'Henri Blanchard, 389.
Romances et mélodies, par MM. Duvivier et Stein-
kuhler, art. d'Henri Blanchard. 398.
La Chanson de la Biise. — L'Ondine et le Pêcheur,
par L. Lacombe , art. d'Henri Blanchard, 468.
PIANO.
Charles Woss. Ses compositions pour le piano, art.
de Geo ges Kastner, 85.
Etudes pour le piano, par Mme la comtesse Agéner de
Gasparin, art. d'Henri Blanchard, 173.
Grande fantai.-ie sur le Prophète, par M. Léopold de
Meyer. — Ncclume, romances sans paroles, galop,
par M. Charle-. John , art. d'Henri Blanchard, 237.
Harmonie <\es Fleurs : six morceaux pour le piano,
par M. J. Blumenthal, art. de Maurice Bourges, 269.
Composition sur le Juif errant : caprice guerrier et
andanle de concert, par Richard Mulder. — Fan-
taisie, par A. Talexy. — Sept airs de ballet et mar-
ches triomphales, .par Henri Potier. — Grande valse
brillante, par F. Burgmul'er. — Bagatelles, par
Lecarpenlier. — Polka des Abeilles, par Emile Ett-
ling. — Quadrile et redowa, par A. de Lenoncourt.
— Schotisch du Berger, par Pasdeloup. — Qua-
drilles, par Musard , art. signé P. S., 275.
Consolation, E pérance et Galop, par M. Wuck-Sa-
battier, art. d'Henri Blanchard, 276.
Concertos de Beethoven , arrangés pour piano seul :
Moscheles, Panseron, art. d'Henri Blanchard, 292.
Nouvelles Eludes journalières, par Czerni. — Veder
Napoli è poi mari . par Doehler. — Séiénade, par
M. Th Gouvy. — Deux nocturnes, par Léopold de
Meyer. — Prélude de Hermann Franck. — Andante
de concert, par Richard Mulder. — Galop et étude,
par M. Viénot. — Caprice guerrier et polka-ma-
zurka, par G. Daniele.- Deux petites fantaisies sur
le Juif errant, par M. Duvernoy. — Les Chantres
des boi", six morceaux caractéristiques, par Ri-
chard Mulder, art. d'Henri Blanchard, 314.
La Charité et Cujus animam du Stabat de Rossini,
transcriptions pour le piano, par F. Liszt , art.
d'Henri Blanchard, 339.
Chant du m;itin. — Chant du Troubadour. — Chant
du Dimanche. — Chant du Chasseur. — L'Adieu
du Soldat. — Chant du Berceau. — Saltarel o. —
Promenades d'un Solitaire, mélodie sans paroles,
par S epben Heller; art, d'Henri Blanchard, 349.
La Danse des Fées. — Vilanelle, par Emile Prudent.
Six études de prem ère force, par Léon Kreulzer. —
OuverturesdeGiiillaumeTelletdeSémiramisàqualre
mains, par IL Rosellen; art. de Paul Sinith, 378.
Aurélia, valse, par M. Ettling. — Lara, polka-ma-
zurka, par M. Talexy. —Mazurka de salon, par
M. Marmontel. — Promenade en Mer, par M. H.
Roseilen. — L'E-pérance et Raphaela, valse, par
M. Marcailbou. — Radieus», valse; Riga, caprice-
mazurka, par M. Viénot. — Morceaux divers, par
M. Léopold de Meyer. — Pastorale, air de danse,
parM. Georges Matniasjarf. d'Henri Blanchard, 390.
DES MATIERES.
FIANO.
Compositions diverses, par MM. Hess, Paul Barbot et
Marc Burly; art. d'Henri Blanchard, 398.
Valse de conceit. Trois nocturnes, par L. Lacombe;
art. d'Henri Blanchard, 468.
COMPOSITIONS INSTRUMENTALES DIVERSES.
Six études pour piano et violon, par M. Ferdinand
Hiller; art. d'Henri Blanchard, 22o.
Fantaisie pour piano et violon, par M.Ch. Dancla;
art. d'Henri B anchard, 292.
I" sonate pour piano et violon (œuv. 37); 2° sonate
(œuv. 39); \" trio pour piano, violon et violon-
celle (œuv. 33); 2° trio (œuv. 34), par Mme Louise
Farrenc; art. d Adrien de La Fage, 379.
Duos sur des airs hongrois et slynens pour piano et
violon, par Ch. de Bériot. — Fantaisie sur le Juif
errant pour le violoncelle, avec accompagnement
de piano, par M. S. Lee. — Hommage à Auber, ca-
price pour violoncelle avec accompagnement de
pianr», par P. Seligmann. — Quatuor pour deux
violons, alto et vimoncelle, par Georges Bousquet ;
art. d'Henri Blanchard, 397.
Trio pour piano violon et violoncelle, par L. La-
combe; art. d'Henii Blanchard, 468.
MUSIQUE RELIGIEUSE.
Elie, oratorio de Mendelssohn ; art. de Lém Kreut-
zer, 313, 319, 329.
Joseph, oratorio de Raimondi; art. de Fétis, 333.
Requiem, de Beili z; art. de Léon Kreutzer, 356,
369, 387, 395.
Choix de huit motets avec accompagnement d'orgue,
par J. Franck. — Six motets à deux, trois et qua-
tre voix, avec solos et accompagnement d'orgue,
par Albert Sowinski; art. d'Adrien de La Fage, 378.
OUVRAGES DIVERS.
Les Danses des Morts, par Georges Kastner; art. si-
gné R., 141.
Bibliographie, Essai sur la Typographie, par Ambroise
Firmin Didot; art. signé E. D., 273, 304, 310.
MÉTHODES ET OUVRAGES THÉORIQUES.
Méthode de piano, par IL Rosellen ; art. de Georges
Kastner, 53.
Solfège des Ecoles et Solfège des Chanteurs, par J.
Kuhn; art. signé P. S., 61.
Théoriis complètes du chant, par Stéph^n de la Ma-
deleine; art. de Paul Smith, 156.
Nouveau Journal d'Orgue publié par M. Lemmens;
art. de Maurice Bourges, 179.
Traité de Prononciation, par M. Morin de Clagny ; art.
signé P. S., 190,
Méthode de chant de M. Piermarini; art. d'Henri
Blanchard, 219.
Système de nolation musicale, par M. Perrot; art,
d'Henri Blanchard, 276.
S
Société des gens de lettres.
Assemblée générale annuelle. — Lecture du rapport.
— Nomination du comité. — Constitution du bu-
reau, 175.
Théâtres A Paris.
(Pour les Théâtres des Départements et de l'Etranger,
voyez a ces mots.)
OPÉRA.
Représentation extraordinaire à laquelle assistait le
Prince-Président, 12.
Représentation exiraordinaire, avec le concours de la
Comédie- Française, 13.
Secours accordé à l'Opéra pour l'extinction des an-
ciennes dettes de la direction, 30.
Reprise de Guillaume Tell. — Gueymard, art. signé
P. S., 35.
Reprise du Violon du diable, 46.
Reprise de la Sylphide. — Mlle Priora, 78.
Réengagement de Chapuis, 87.
Rentrée de de Lagrave, 93.
Le Juif errant, opéra eu cinq actes, paroles de M. de
Saint-Geo-ges, mu-ique de F. Halévy, art. de Paul
Smith, 129.
Le Juif errant : la partition, art. de Fétis, 1 40, 1 45,
153.
Chapuis, dans Léon du Juif errant, 190.
Mie Marie Dussy, dans Irène du Juiferrant, 498.
Gueymard, dans Léon du Juif errant, 214.
Retraite de de Lagrave, 238.
Rentrée de Mathieu, dans Lucie, 255.
THEATRES A PARIS.
Bauche, dans les Huguenots, Î63.
MmeTedesco, dans la Favorite. — Reprise de Gi$elltt
270.
Mrle La Grua, dans Alice de Robert, 278.
Mathieu dans les Huguenots, 287.
Reprise de Jérusalem, 294.
Reptise du Juif errant, 387.
Repiésenlation solennelle : cantate de MM. Philoxène
Boyer et Victor Massé, art. signé P. S., 363.
Reprise de Moïse, art. sigi é R., 373.
Merly, dans Ashvérus du Juif errant, 408.
OPÉRA-COMIQUE.
Reprise de Nina. — Début de Mlle Andréa Favel,
art. d'Henri Blanchard, 9.
Reprise du Toréador, 46.
Le Carillonneur de Bruges, opéra comique en trois
actes, paroles de M. de Saint-Georges, partition de
M. A. Grisar. — Début de Mlle Wertheimberg, art.
d'Hemi Blanchard, 57.
Rentrée de Mme Darcier, 87.
Le Farfadet, opéra comique en un acte, paroles de
M. de Planard, musique de M. Ad. Adam, art.
d'Henri Blanchard, 89.
Madelon, opéra comique en deux actes, paroles de
M. Sauvagp, musique de M. Bazin, art. d'Henri
Blanchard, 97.
Galathèe, opéra comique en deux actes, paroles de
MM. Jules Barbier et Michel Carré, musique de
M. Viclor Massé, art. d'Henri Blanchard, 121.
Reprise de la Perruche, 1 34.
Reprise des Porcherons, 4 42.
Reprise des Voitures versées, art. d'Henri Blanchard,
147.
Duvernoy nommé régisseur-général, en remplacement
de Mocker, 157.
Delauuay-Ricquier, dans Galathèe. — Dufresne, dans
Madelon. — Retraite de Mocker, d'Hermann-Léon
et d'Audran, 173.
Reprise de l'Irato, art. d'Henri Blar.chard, 178.
MmeMeyer-Meillet,dansBéatrixduCun'Mcmr«ur, 190.
Boulo, dans les Porcherons, 199.
Delaunay-Ricquier, dans le Farfadet, 206.
Reprise d'Actéon, 222.
Reprise de la Sirène, 230.
La Croix de Marie, opéra-comique en trois actes ,
paroles de MM. Lokroy r-t Dennery, mu-ique de
M. Aimé Maillard, art. d'Henri Blanchard, 241.
Mlle Talmon dans Madelon, 247.
Reprise de Giralda, art. d'Henri Blanchard, 260.
Les Deux Jacquet, opéra-comique en un acte, libretto
de M. de Planard, partition de M. Cadaux, art.
d'Henri B anchard, 265.
Retraite définitive de Mme Darcier, 286.
Le Père Gaillard, opéra-comique en trois actes, li-
bretto de M. S uvage, musique de M. H. Reber,
arr. d'Henri Blanch-rd, 300.
Rentrée de Mme Ugalde, 340.
Début de M. Faure &..m Galathèe , art. signé R., 356.
Les Mystères d'Udolphe, opéra comique en trois ac-
tes, libretto de MM. Scribe et Germain Delavigne ;
partition de M. Clapisson , art. d Henri Bltnchard,
374.
Faure, dans le Caïd, 391.
Représentation solennelle : Cantate de MM. Méry et
Ad. Adam. — Reprise du Domino noir, art. signé
P. S., 393.
Marco Spada, opéra-comique en trois actes, libretto
de M. Sciibe, partition de M. Auber, art. d'Henri
Blanchard, 476.
Bussine, dans le Père Gaillard, 478.
ITALIENS.
Reprise de la Sonnambula, 6.
Reprise de Maria di Rohan, 13.
Début de Ferlotli dans Maria di Rohan, 22.
Nabucodonosor. — Ferlotli, 30.
Reprise de VElisir d'Amor, 39.
Fidelio de Beethoven, 41.
Reprise de VItaliana in Algieri, 70.
Rep Le d'/J Barbiere. — Rentrée de Lablache, 78.
Réouvertura : Otello. — Rentrée de Mlle S. Cru-
velli, — de Carlzolar. et de Belletti. — Début de
Bettini, 394.
La Sonnambula. — Début de Mlle Beltramelli , 407.
Louisa Miller, mélodrame en trois actes, libretto de
Cammarano, partition de G. Verdi. — Début de
M. Valli, art. de Maurice Bourges. 460.
VElisir. — Rentrée de Mme Vera, 471.
Reprise de Norma, 478.
THEATRE-LYRIQUE.
(ancien opéra-national.)
La Butte des Moulins, opéra en trois actes, paioles
de MM. Gabriel et Desforges, musique de M. Adrien
Boïeldieu, art. de G. Héquet, 9.
Le Mariage en Vair, opéra-bouffon en un acte, mu-
sique deM. Eugène Déjazet, art. de G. Héquet, 36.
THRATRES A PARIS.
Reprise des Visitandines, art. de G. Héquet, 49.
Les Fiançailles des Roses, opéra-comique en deux ac-
tes, paroles de M. Deslys, musique de M. Ville-
blanche. — La Poupée de Nuremberg, opéra-bouf-
fon en un acte, paroles de MM. de Leuven et Arthur
de B auplan, muMque de M. Ad. Adam , art. de G.
Héquet, 65.
Joanita, opéra en troit actes, paroles de M. E. Du-
prez, musique de M. G. Duprez, art. de G. Hé-
quet, 81.
Nomination de M. Julis Seveste comme directeur. —
L'Opéra-National change son nom contre celui de
Théâtre-Lyrique, 125.
Clôture de la saison , 142.
Retraite de M. Varney, chef d'orchestre, 1 81.
Réouverture : Si j'étais roi .' opéra-comique en trois
actes, paroles de M. Dennery, musique de M. Ad.
Adam, art. de G. Héquet, 300.
Flore et Zéphir, opéra-comique en un acte, paroles de
MM. de Leuven et Deslys, musique de M. Gautier,
336.
Choisy-le-Roi, opéra-comique en un acte, paroles de
MM. de Leuven et Michel Carré, musiqne de
M. Gautier. — Début de Mlle Petit-Brière, art. de
G. Héquet, 345.
La Ferme de Kilmoor, opéra-comique en deux actes,
paroles de M. Deslys et Eugène Wœstin, mubique de
M. Varney, art. de G. Héquet, 364.
Reprise du Postillon de Longjumeau. — Chollet, 375.
Les Deux Voleurs, 391 .
Reprise de la Perle du Brésil, 398.
Guilltry le Trompette, opéra-comique en deux actes,
paroles de MAI. de Leuven et Beauplan, musique de
M. Sarmiento, art. de G. Héquet, 461 .
Rentrée deCabel drns le Maître de Chapelle, 471.
THÉÂTRE-FRANÇAIS.
Ulysse, tragédie de M. Ponsard, avec chœurs et musi-
que de M. Ch.,Gounod, art. deMaurice Bourges, 211.
VARIÉTÉS.
La Négresse et le Pacha, 6.
TABLE ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES.
THÉÂTRES A PARIS.
La Quittance de Minuit, 10.
Concerts de M. Giovanni Filippa. 174.
Compagnie musicale hongroi-e. 222.
Le Roi des Drôles, art. d'Henri Blanchard, 260.
PORTE-SAINT-MARTIN.
L'Imagier de Harlem, 6.
La Poissarde, art. d'Henri Blanchard, 37.
Cantate de MM. Méry et de Groot, 278.
Richard III, musique de M. de Groot, art. d'Henri
Blanchard, 360.
AMBIGU-COMIQUE.
Berthe la Flamande, art. d'Henri Blanchard, 260.
Variétés.
La Comédie des opéras, art. signé P. S., 26.
Banquet offert par les artistes de l'Opéra-Comique à
M. Emile Perrin, leur directeur, 38.
Acciden arrivé à Gottschalk, 54.
Statue de Lesueur, 123.
Accident arrivé à Levasseur, 125.
Banquet de l'Union des Lettres et des Arts, présidé par
M. le baron Taylor, 158.
Réception de M. Alfred de Musset à l'Académie fran-
çaise, 181.
Un Ménétrier ou le Bois aux Loups, art. de Lia Mul-
der, 1 87.
Expériences d'extase et d'insensibilité, art. d'Henri
Blanehard, 196.
Un trait de Martini, art. de Paul Smith, 196.
Un conceurs de chant dans le département du Nord,
art. d'Edouard Fétis, 203.
De la musique plus que jamais, art. signé E. F., 243.
La Musique de la Tragédie, du Drame et de la Comé-
die, art. signé E. F., 249.
Testament de M. le baron de Trémont, art. signé P.
S., 267, 320.
Morceaux choisis de Catulle, Gallus, Properce, etc.,
traduits en vers, par Louis Langlois, art. signé P.
S., 286. 8
Notes historiques (extrait de la Nouvelle Gazette de
Vienne), 312.
Méthode de Sténochorégraphie ou art d'écrire promp-
tement la danse, par Saint-Léon, 340.
L'Ermitage : souvenirs de J.-.I. Rou-seau et de Gré-
try, art. à Edouard Félis, 375.
Du quatuor instrumental et du quatuor vocal, art.
d'Henri Blanchard, 379.
La musique à Alg>r, art. de P. Séligmann, 385.
De la création d'un Musée musical, art. d'Edouard
Fétis, 449.
Collection curieuse de musique ancienne, à la vente
des livres provenant des bibliothèques du feu roi
Louis-Philippe, 454.
Macbeth, d'après Shakespeare, par Léon Halévy, art.
signé P. S., 462.
Voyages.
Départ de Mlle Alboni pour l'Amérique, 190.
Reiour à Paris de M. Eug. Scribe, venant d'Italie et
d'AUeimgne, 190.
Départ de Vivier pour Constantinople, 190.
Départ de Roger pour l'Allemagne, 198.
Arrivée à Liverpool de Mme Jenny Lind et de son
mari, venant d'Amérique, 199.
Retour à Paris de Berlioz, venant de Londres, 206.
Départ de M. Georges Kastner pour l'Allemagne, 215.
Départ de Mme Frezzolini et de Barroilhet pour
l'Italie, 222.
Arrivée de Mlle Alboni à New-York, 222.
Arrivée de Meyerbeer à Paris.
Départ de Meyerbeer pour les eaux deSpa, 230.
Reiour définitif de Vieuxtemps à Paris, 238.
Départ de Mme Sontag pour l'Amérique, 307.
Arrivée de Mme Sontag à New-York, 331.
Retour à Paris de Berlioz, venant de Weimar, 408.
Retour à Paris de Vivier, venant de Constantinop'e,
408.
Arrivée de Thalberg à Paris, 471.
TABLE ALPHABÉTIQUE DES NOMS.
Abt (F.), 214.
Adam (Adolphe), 27, 66,89,
158, 165, 214,219, 250,
260, 263, 270, 301, 375,
393, 455.
Adler, 199.
Agostini (MlleErsilie de) , 1 81 .
Aimes, 35, 83.
Aimon (Léopold), 331 .
Alard, 25, 42, 58, 75, 92,
158,165, 251, 406, 466.
Alary, 80,238.
Albano ( Gaston d'), 276.
Albert (Emile), 123.
Alboize, 315.
Alboni (Mlle), 63,70, 125,
150, 190, 222, 230, 308,
341.
Alexandre, 75.
AHzard, 51.
Alkan aîné, 361.
Alvès, 262.
Amat(Léopold), 99,295,463.
Ander, 127, 295, 308.
Anderson (Mme), 294.
Augri (Mlle d'), 62,70,93,151.
Anschutz (Mme), 359
Anthiome, 175, 371.
Arnaud (Etienne), 390.
Arnoldi, 394.
Arod (Prosper deSaint-) ,165.
Artus, 54, 165,219.
Ascher, 77.
A-smayer, 255.
Astruc, 247.
Attilio Grisi, 126.
Auber, 165, 230, 261,270,
341, 393, 455, 465, 476.
Audran, 23, 97, 173,238,390.
Bach (Sébastien), 372.
Bagdanoff (Mlle), 373.
Balanqué, 82, 158,229, 339,
406.
Balla (Mlle), 223.
Balfe, 231,279, 452.
Barbier (Jules), 121.
Barbieri-Nini (Mme), 13.
Barbot, 21, 87.
Barbot (Paul), 351, 398.
Bardin, 261.
Barielle, 294, 390.
Barroi het, 222.
Birnum, 351.
Basadonna (Giovanni), 316.
Bati-te (Ed.), 78, 251,356,
405.
Baïka (Mlle), 331.
Batta (Alexandre), 63, 70,
455.
Battaille, 251,301,340,393,
.404, 478.
Batlon, 78.
Battu, 335.
Bauche, 263, 456.
Baur, 151.
B.yen (Mlle), 251.
Bazin (F.), 97, 158, 247, 371.
Bazzmi, 28,54,94, 98, 148,
222, 341.
Bazzoni, 21.
Beauce, 196.
Beauce (Mlle de), 123.
Beaufour (Mme), 240.
Beaulieu, 105, 229.
Beauplan (Arthurdt),65,461.
Beck (Mme), 359.
Beckers, 261 , 464.
Bedier(MlleAntoinette),292.
Beethoven, 67, 217, 227,
233, 250, 292, 341,347,
405, 451.
Belletti,39,942,70,34, 471.
Belleville-Oury (Mme), 175.
Bellini, 297.
Bellon, 105, 165.
Beltramelli,407, 478
Belval, 391.
Bénédïct (J.), 126, 324.
Benoist, 250, 287.
Berg (Conrad-Mathias), 471.
Bériot (Ch. de), 50, 270,
350, 379, 397.
Berlioz (Hector), 63, 95,
102,111,150, 165, 207,
222, 270, 309, 356, 369,
389,395,408, 478.
Bernard, 251.
Bernard (Mme Hellénie), 198.
Bernardel, 251.
Berrettoni, 389.
Berton, 376.
Berton (Mme Ve), 23.
Bertrand (Mlle Ida), 22, 59,
93, 479.
Bessems, 92.
Bétout, 251.
Bettini, 247, 394, 461, 478.
Bianchi (Mlle Valentine), 181.
Biard (Mile), 251.
Bienaimé, 247.
Bierlich (Mlle), 134.
Biéval, 36, 50, 365.
Billet (Alexandre), 294.
Birlsmann, 214.
Biscliop, 34.
Bischop (Mme), 70.
Bizet, 251,479.
B ahetka (Mlle), 294, 399.
Blanc, 42, 196.
Banchard (Mme), 393.
Blanchet, 262.
Blêve (Mie), 98.
Blumenthal (J.), 222,268,
359.
Bockollz-Falconi (Mme), 92.
Bochsa (Mme), 70.
Boïeldieu (Adrien), 9.
B direr (Max), 455.
Boisselot (Xavier), 351.
Bonheur, 251.
Bonnehée, 78,251, 261, 466.
Bonnefoy, 262.
Bonnefoy jeune, 262.
Bonneseur, 372.
Bonoldi, 5.
Bontemps (Mlle), 98.
Bordas, 255, 278.
Bordogni, 251, 288.
Borrelli, 246.
Bottesini, 194.
Bouché, 99.
Boulanger, 251 .
Boulanger (Ernest), 94.
Boulard (Mlle), 78,105, 211,
251,466.
Boulo, 58, 199, 230, 242,
335, 391,478.
Boulu, 451.
Bourdeau, 307, 346.
Bourgeois (Mlle Amélie), 25 1 ,
466.
Bourges (Maurice), 330.
Boutibonne (Mlle), 151.
Boulmy, 261.
Bousquet (Georges), 77, 93,
148, 158, 219, 399, 466,
478.
Bousquier, 174.
Boyer (Philoxène), 364, 381 .
Brandus (L.), 286.
Brémont, 125, 206, 364.
Iîrignoli, 359.
Brillant (J. S.), 278.
Brisson (Frédéric), 371.
Britton (Thomas), 365.
Brizzi, 308.
Bron (baron de), 479.
Brousse (Mme Marie), 134.
Brnnell (Henri), 214.
Brunsch\vig(Mi!e),"251.
Bull (John), 341.
Bury, 386.
Buigmuller(F.), 275.
Burty (Marc), 398.
Bussine, 59, 89, 147,242,
478.
Cabel,;i82, 471.
Cabel (Mme), 21,150, 174,
278,371, 407.
Cacerès, 123.
Cadaux (Juslin), 265.
Calzolari, 39, 42, 70, 247,
394, 471.
Cambier (Mme), 340, 456.
CammaranoJSaivatore), 279,
287, 460.
Canaple,432.
Caradja, 13.
Carman, 21.
Carmont, 261.
Cirra (Mme), 480.
Carré, 301, 462.
Carré (Michel),v121, 345.
Carréon, 480.
Carrion, 351.
Carvalho, 478.
Caspers, 4 1.
Casselin (Mlle), 247.
Castellan (Mme), 13, 21,30,
69,231.
Castagneri, 461.
Caubet, 126.
Cavaillé-Coll (Aristide), 3,
37, 330.
Cavallini, 269, 455.
Cavallo, 38, 140.
Cave, 112.
Cerrito (Mme Fanny), 46,
307, 315,364.
Chaff, 246.
Chambard (Mlle), 372.
Chambon, 251.
Champenois, 451.
Chapuis, '.87, 132, 190, 278,
293, 294, 373.
Chardard,294.
Charlier, 29»
Charton (Mme), 47, 88 ,174.
263, 390, 455.
Chassai (Mme), 247.
Chassant (Mlle), 25, 196.
Chattelyn, 261.
Chaudesaignes, 59.
Chaunier, 390.
Chélard, 408, 455.
Chenest, 53.
Cherubiui, 29, 229, 2301
357, 405, 466.
Chevillard, 76, 1 48, 405, 4671
Chollet, 375.
Chopin (F.), 39, 222, 262i
359.
Choron, 469.
Cholerk, 191.
Cibra,423.
Clapisson (L.), 54, 374.
Cari (l'abbé), 357.
Clauss (Mlle Wilhelmine)
20, 43, 59, 76, 92, 106
175.
Coche (Mme), 165, 251.
Codelaghi (Mlle), 251, 264.
Codine, 99.
Cœuriot (Mme), 126.
Cogniard(T.),278.
Cohen (J.), 250.
Cohen (L.), 263, 335.
Cokken, 181, 219, 261.
Colblain, 93.
Colet (Hippolvle), 126,246
Colin, 247.
Colin, 262.
Colin (Auguste), 34!.
Colin (Mlle), 251, 479.
Colin-Neumann, 106.
Colini, 288.
Colson, 391.
Colson (Mme), 215, 304.
Commeltant (Mme), 44.
Concone, 467.
Conninx, 196.
Coppée (Mlle), 246.
Corali, 118.
Corbari (Mlle), 39, 42.
Corcelles (Mlle de), 301.
Corin, 29.
Cornélys (Mme), 456.
Corti (Alexandre), 350.
Cossmann,80,263,295, 463
TABLE ALPHABÉTIQUE DES NOMS.
ta. 4b.
lier (Mlle), 251.
ider, 134, 393, 463, 478.
ilon , 222.
ircelles(Mme),98.
irtoi (Mlle), 111.
mbade, 261,466.
mers,214).
mont (Mlle Cécile), H3.
isez, 3 1 4.
ze.(J.B.), 351.
ivelli (Mlle Marie), 94.
ivelli (Mlle Sophie), 13,
10,42,54,62,78,94,151,
107, 231, 287, 341, 39 4,
i60, 478.
rci, 82.
?illOD, 37, 123, 148,405.
vreau,4 43.
■rny, 314.
D
mcke, 288, 380.
tneron (Mlle), 62,1 17,255.
nortau (Mme), 251.
ïioreau (fils), 231.
ncla (Armand), 134.
îc'a (Charles), 59, 113,
I48, 292, 340, 405.
ncla (Léopold), 134, 340.
ficla (Mlle Laur«), 307.
ilmuser(MlleEsther),215,
!95.
îielefG.), 315.
rboville (Mlle), 294.
rcier(Mme), 78, 87,142,
287.
rjou (Mlle). 251.
;sier (E.), 215, 381,479.
ussoigne-Méliul, 125,294.
jverné, 249, 262.
irid, 407.
vid (Félicien), 386, 406.
vison, 19.
wson, 34.
aain, 75.
bassini, 216, 231, 452.
iroix (Mlle), 179, 222,
Ï66, 301, 393.
azet (Eugène), 36.
afontaine, 247.
aruelle,250.
avaut (Eugène) 34.
avigne (Germain), 374.
Icroix, 251.
[devèze, 101.
offre, 44, 100,451.
.offre (Mme), 44, 100, 451.
sarte, 133.
merssemann, 250.
îeaux, 250.
lefve, 2 1 4.
leux, 94.
inerv, 241,301.
>assio, 78, 125, 4 32,
30, 278, 294.
}lace, 246.
T (Mme), 386.
icous, 479.
lys, 65, 336, 364.
ormeaux, 261.
liens (Mlle), 214.
îrb'ay (Mlle), 264.
Isch (Mlle), 261.
tsch, 190, 278, 308.U
z,75. \
ppo, 261 .
Ion (Mlle Juliette), 84,
9, 135, 323, 389.
irée ( Mile ), 23, 231,
63, 287.
irynski, 247.
hier, 314.
zan,50
det, 262.
val-Valentino, 98.
us, 106, 405.
schler (Joseph), 88.
iosc, 215.
luisson, 251.
ci ( Antoine et Michel-
nge), 34.
tout (Mlle), 466.
rest (Mlle Marie), 98.
roquet, 4.
z(Mlle), 315, 364, 373.
ôt-Maillait (Mme), 20,
31,230.
êne, 140, 173, 260,374.
esne (Mme), 247.
uet, 29, 230.
Dupaly (Emmanuel), 181.
Dupeuty, 278.
Dupont, 293.
Dupont (Alexis), 99, 132,
191, 479.
Duprat, 82, 371.
Dupralo, 335.
Duprez(E.', 81.
Duprrz (G.), 81, 278,293,
407.
Duprez (Mlle Caroline), 81,
101, 158, 229, 287, 292,
294, 477.
Dupuis, 230, 293.
Dapuy (Mlle), 181.
Durand, 251.
Duranti, 358.
Dussy (Mlle Marie), 198,350,
364, 406.
Duval (Mlle Artémise), 76,
83, 451.
Duvernoy, 315.
Duvemoy, 157, 261, 393.
Duvivier, 398.
Eheling (Mlle Matbilde), 12
Eckert (Charles), 76, 223
307. 351.
Ella, 45.
Elena (Mlle Judith), 181.
Eleni (Luigi), 140, 181.
Ellinger, 231.
Ellsler (Mlle Fanny), 191.
Elwart, 149, 181, 246, 278
391, 463.
Engelmann (Mme), 479.
Erard, 59, 83.
Ernst, 20, 43, 67,119,158
182, 331, 408.
Eschenbach, 75.
Espert (Mlle), 22Î.
Fspin y Guillen, 359.
Ettling (Emile), 46, 126
199, 276, 389.
Everard, 480.
Farronc (Mme), 67, 132
254,278, 405.
Faure, 214, 251, 261, 287
356,391,466.
Favel (Mlle Andréa), 9, US
301, 478.
Fayol'e, 468.
Félix (Mme), 393.
Feironti, 83.
Ferlotti, 13, 22, 30, 132.
Ferretli (G.), 135.
Ferni (Mlle Carolina), 182.
Ferni (Mlle Virginia), 182.
Fétis, 90. 407,270,322,479.
Field,254.
Filippa (G.), 474.
Fiorentini (Mme), 43, 263.
Fiorentino, 27.
Firmin - Didot (Arabroise),
273,304,311.
Fischer(C.L.),H4,262,391,
Fleury, 206.
Fleury-Jolly (Mme), 308.
Flottow (de), 55, 4 35.
Foder (Mm?), 359.
Forestier, 219.
Forgues (Emile), 99.
Forli (Mlle Régina), 46, 270.
Formes, 55, 143, 247, 341.
Foroni-Conti(Mlle), 331.
Fos.'e, 10.
Fournier, 251.
Franck (J.), 250, 287, 378.
Franco-Mendes, 255, 279.
Franchomme, 25, 30, 42,
59,75, 92, 251.
Fraschini, 119,216.
Frère, 230.
Freret, 261 .
Fréry (Mlle), 69, 155, 230.
Frezzolini (Mme), 222.
Froment (J.), 372.
Fuchs, 23.
Fumagalli (Adolphe), 5,77,
4 33,223, 479.
Furstenau, 455.
Gabrielli (comte), 412.
Gadi (Mme), 13.
Galin, 149.
Galitzin (prince Nicolas-Bo5
ris,), 277. 347, 381, 451.
Gallay, 262.
Galli, 251.
Galli, 269, 463.
Gabier (Mlle), 25.
Ga vaui, 282.
Gimbaro, 287.
Gnnuza (J. , 118.
Garaudé (Alexis de), 112.
Gardoni, 231,263, 471.
Garrigue» (Mlle), 223.
Gasc, 464.
Gasporin (Comtesse Agénor
de), 473.
Gissier, 289.
Gassier (Mme), 269.
Gastinel, 196, 359.
Gaudema, 474.
Gaudin, 307.
Gaulhbr (Henri), 466.
Gautier, 336, 345.
Gauzangue, 264.
Gaveaux-Sabalier (Mme), 60,
99,4 33,263,294, 471.
Gay (Mme Sophie), 79.
Geiger (Mlle Constance) 31,
112.
Geismar (Mlle), 214, 251,
381, 466.
Géraldy, 29, 125, 140,
498, 230,293.
Gernsheim (Frédéric), 44.
Gevaert,214.
Gilardoni, 354.
Girard, 4 32,391.
Girard (Mlle), 261, 406, 466.
Giraud(F.), 471.
Giraud, 247, 408.
Giuliani, 5, 251.
GlandierfM.), 220.
Glinka, 218.
Gluck, 247.
Goblin, 251.
Godefroy (Félix), 59, 410.
Gordigiam, 231.
Goria, 106.
Gosselin, 223.
Gottschalk, 206, 238, 295,
479.
6ouffé,21,50,106,196,379.
Gounod, 11, 22, 68, 114,
165, 241, 467,
Gouvy, 11, 314.
Graever (Mlle), 20, 36,100,
133,206,278.
Graff, 264.
Grahn (Mlle Lucy), 372.
Grandval (Mme die), 148.
Gras (Mlle), 133.
Gray, 49.
Grétry, 375.
Grignon (fils), 36, 346, 365.
Grignon (père), 36,66,346,
375.
Grimm (Mlle), 405.
Grisi (Ernesta), 63, 4 58.
Grisi (Giulia), 27,80, 4 51,
231.
Groot (de), 37, 278, 330.
Guénée(Mle),263,294, 316.
Guerreau, 67.
Gueymard, 11, 35,94, 474,
4 82, 206, 245,230,255,
279, 287, 292, 308, 340,
364, 373. 478.
Guichard (Mlle), 36, 49, 82,
365, 375.
Guignerj, 262.
Gnignot, 432, 373.
Guillemot (Mlle),251.
Guillot (Antonin), 98.
Guilmont (Mlle), 287.
Gundi(Mme), 419.
Gungl (Joseph), 7.
Guy-Stéphau (Mme), 255.
Guyon (Mme), 251.
Gye, 279.
H
Haberbier, 143, 148, 456,
270.
Hainl (Georges), 331, 479.
Hagen (Mme Charlotte), 499.
Halary (Jules), 222.
ILilévy, 129, 435, 437, 445,
153, 214, 250,270, 286,
455.
Halévy (Léon), 462.
Hannegresse, 390.
Hanssens, 279.
Haumann, 59.
Haumann, 163.
Hartog ( Edouard de ), 20,
144.
Has-eli-Bart(Mme), 479.
Hasslinger, 151.
Hausser, 451.
Haydn, 466, 469.
Hébert-^^sy (Mme),53, 1 23.
Heimhack, 262.
Heinefettér (MllelCathinka,)
126, 143, 158,191, 341,
456.
Heller (Stéphen), 132, 262,
349.
Hrllmi-sberger,408, 456.
Henchenne, 53.
Hénelle (Mme Claire), 132.
Henrion (Paul), 5, 474.
Henselt, 341.
Hermann, 95, 106,391.
Hermann - Léon, 59 , 98 ,
173, 199. 350.
Hermann (Franck), 315.
Hérold (Mbe Eugénie), 316.
Herremburger (Mme), 70,
471.
Hersant (Mlle), 251.
Herz (Henri), 19,251.
Hess, 39S, 467.
Hesse (Mlle), 246.
Hill, 34.
Hill (F.), 255.
Hiller (Ferdinand), 106,220,
307, 355,371,387.
Hocmelle (Edmond), 418.
238, 247.
Holdich, 34.
Hollzheim,261.
Hubert, 165, 346.
Hugot(MlleJ.), 59.
Hulsen (de), 112.
Hung (Henri), 456.
Hyrtl, 151.
I
Ismaël, 126, 372.
Iweins-d'Hennin (Mme), 99.
Jacobi (Charles), 199.
Jacquart, 156, 263.
Jacquart (jeune), 251, 464.
466.
Jaëger (François), 482.
Jaël, 223.
Jancourt, 405.
Jetiy de Treffz (Mile), 206,
359.
Joachim, 247.
John (Charles), 237.
Jo!lois,264.
July (Anténor), 308.
Jomelli, 358.
Jonas, 77,231,254, 466.
Josneau, 307, 346.
Jourdan, 9, 59, 105, 132,
222, 230, 242.
Jousselin(Mlle), 246.
Juliien, 261,279.
Jullienne (Mme), 182, 4 94,
372.
Junca, 40,303.
K
Kalergi (Mme de), 4 06, 433.
Kalkbrenner (Mme veuve),
479.
Kastner (Georges), 142, 465,
206, 215,284,331.
Kastner (Mlle), 264.
Kennedy (Miss), 471.
Ketterer,251, 479.
Klemmer, 262.
Klengel (Aug. Alex.), 479.
Kloze, 219, 261, 346.
Klotz (MlleSarah),78,251.
Kœnig, 407.
Kœster(Mme), 40, 45, 151,
381.
Kontski (de), 200, 351.
Kontski(Apollinaire de), 452.
Krebs-Michaeli (Mme), 151.
Kreutzer (Conradin), 359.
Kreutzer (Léon), 456, 378.
Krinitz (Mlle Elisa), 181, 255,
479.
Kruger, 99.
Kruger (W.), 134,222,391,
Kuhn (J.), 61.
Kurlacnder (Elie), 54.
Labarre (Théodore), 126.
Lahlache, 78, 191, 231,247,
307, 452.
Laborde, 456.
Lnborde (Mme), 22, 35, 140,
206, 230, 255, 278, 287,
308, 340, 364,373, 478.
Lachner, 270.
Lacombe (Louis), 99, 149,
468.
Lacombe (Mlle), 7, 126, 287.
372.
Lafout (Mme), 206, 390, 455.
Lafont, 238.
Lagarde, 162.
Lagrange (Mme de), 80, 143.
182, 207, 231,294.
Lagarin, 106.
Lagarin (Mme), 106.
Lagrave (de), 22, 93, 238,
294, 408.
Lagrua (Mlle Emmy), 132
139, 173, 278, 307,340
364.
Lamazou, 133.
Lambert, 222.
Lambert, 262.
Lamotte (Philippe), 359.
Lamoureux, 251.
Lamoureu'x (Mlle), 223.
Lanari, 371.
Lancien, 251, 466.
Landelle, 278.
Landi (Mlle de), 98.
Landsberg (chevalier de),
323.
Langlois (L.), 286.
Larcéna (Mlle), 78.
Lardner, 134.
Laroche, 198.
Lascorelz, 464.
Lassen, 126.
Laty, 219,356.
Laurent, 214.
Laurent, 251.
Lavaine (F.), 13, 149, 214.
230, 287, 464.
Laval (Mlle), 93.
Lavoye (Mlle), 47, 126.
Lazare-Martin, 119, 143.
Lebel, 165, 251.
Leborne, 250, 263.
Lebouc, 37.
Lecarpentier, 276.
Lecerf, 154.
Lecieux (Léon), 39, 79, 294.
Leclercq (Mlle), 251.
Lecocq, 250.
Lecouppey, 122, 247.
Lédé, 261.
Ledent, 29.
Lée(S.), 215, 397.
Lefébure-Wély, 38, 405.
449, 334
Lefébure-Wély (Mme), 105.
Lefebvre, 264.
Lefebvre (Mlle), 42,98,473,
242, 255, 393, 404.
Lefort, 26, 133, 471.
Lehnédé (Mlle), 247.
Leidersdorff(Joseph de), 1 99.
Leisler (Mlle Louise). 102.
Lemaire, 89, 179, 374.
Lemaire (Mlle Anna), 381,
470.
Lemercier (Mlle), 89, 179.
Lemmens, 66, 77, 84,479,
406.
Lénoncourt (De), 276.
Lentner, 70.
Lenz (W. de), 21 7, 227,233.
Léo (Mme), 55.
Léo, 357.
Léonard (H.), 67, 84, 93,
143, 222, 470.
Léonard (Mme), 67, 84, 93,
143.
Leprevost, 381.
Leroy, 303.
Leroy, 97, 222.
Lesueur, 123, 266.
Letellier, 279.
Leuven (de), 65, 336, 346,
461.
Levas^eur, 125, 150, 261,
405.
Lhéiitier (Mlle), 251.
Lhole (Mme Clotilde), 44.
Liebe (L.), 214, 238.
Liebbard (Mlle), 143, 207.
Limnander, 214.
Lind (Mme Jenny), 79,191,
199,207,216, 330.
Lindpaintner, 199, 270.
Li>tz (Franz), 39, 88, 185,
270. 278, 338, 40t.
Litta (duc de), 13.
Llurens, 82.
Locatelli (Mlle), 255
Lockrr.y, 141.
Loehrk, 70.
Lœsseghi, 480.
Lola Montés (Mlle), 70, 199.
Lorenz, 70.
Lorenzi (de), 331.
Lorolte (Mlle), 251.
Lorlzing, 55, 382.
Lotto, 141.
Louis (N.), 88, 405.
Lousialot, 30T.
Lucas (Mie Elise), 196.
Luccbesi, 86, 269, 372.
Lucci-Sievers (Mme,), 407.
Lucien, 373.
Lumley, 157,482,279, 345.
Lwoff, 80, 200, 216, 391.
Lyon (Edouard), 99.
M
Maas, 76, 405, 467.
Madeleine (Stephen de la),
126, 156, 391.
Maillard (Aimé), 241.
Mairalt, 62, 215.
Malezieux, 141, 308.
Malleville (Ml'eCharlotte de),
25, 59, 76, 92, 106, 122,
463.
Malibran , 50.
Malibran (Mme1, 50.
Malibran-Garcia (Mme), 27.
Mandeville iMme de), 50.
Mandrin, 479.
Manéra, 21.
Manéra (Mme Elisa Launer),
21, 133.
Maniius, 70, 288.
Marc lilhou, 389.
Marcbesi, 456.
Marchesi-Graumann (Mme),
407.
Mariani 'Angplo), 207.
Marié, 22, 206, 278, 470.
Marin, 251.
Mario, 27, 80, 151, 222,231.
Mail z, 206.
Marmontel, 50, 251, 389.
Marquet (Mlle Louise), 393.
Marra, 231.
Marray(Mme), 191, 216,451.
Ma^chner, 55, 270, 324, 359.
Martin, 179.
Martin, 251.
Martin (Mlle Joséphine), 59,
76, 132, 308, 391.
Martinetii (Mlle), 467.
Martinez (Mme), 5, 122.
Martini, 196.
Marx, 270.
Marx, 278.
Massart, 29, 50, 214, 251,
466.
Massart (Léon), 29.
Massart (Mme), 50, 93, 126,
141.
Massart (Mlle), 29.
Massé (Victor), 122, 340,
364,381.
Masset, 114, 156, 331,404,
467.
Massol, 22, 132, 139, 173,
255, 307, 350, 364.
Masson (Mlle), 12.22, 70,
125, 2I5, 406, 471.
Mathias (Georges), 215,389.
Mathieu, 191, 247, 255,
263, 287, 359.
Mathilde (Mlle), 393.
Maltmann (Mlle Louise), 37,
61,67, 114, 132,238.
Maurer (Louis), 256, 452.
Maurin, 59, 67, 405, 467.
Max-Maver, 20, 113.
Méara (Mlle), 42.
Medori(Mme), £6, 143, 491,
216, 451.
Méhul, 5, 179,213, 247.
Meifred, 261.
TABLE ALPHABÉTIQUE DES NOMS.
MeMet, 40, 66, 179, 260,
Î66, 359.
Membrée, 132.
Mendelssohn , 29, 42, 92 ,
443, 262, 313, 319, 331,
350, 470.
Mendez (Mlle), 307.
Menjaud, 66, 303.
Mennechet deBarival (Mme),
346.
Méquillet (Mlle), 102, 119,
359, 470.
Mercadante, 270.
Mercié-Porte (Mme), 251.
Mereaux (A.), 315.
Méric (Mlle), 452.
Merk, 223.
Merklin. 28.
Merle, 79.
Merlin (comtesse), 112.
Merly, 22, 132, 255, 335,
350, 407.
Méry, 278, 393.
Métra tOI.), 246.
Meyenberg, 70.
Meyer(Léopold de), 59, 82,
433, 199, 237, 315, 389,
399.
Meyer-Meillet (Mme),; 98,
490,260,265,374.
Meyerbeer, 70, 109 , 419,
190,216, 222, 230, 237,
250, 264, 270, 331, 359,
371, 382, 387, 456, 463,
469.
Michel, 60.
Michel (Ferdinand), 451.
Micheli (MlleTeresa), 20.
Milanollo (MlleTeresa), 13i,
482, 251, 263, 271, 3Î4,
399.
Milhes, 381.
Milhes (Mlle), 77.
Miolan (Mlle), 43, 58, 141,
148,222,230, 260, 292,
374, 499.
Mira (Mlle), 82.
Mirapelli, 339.
Miroy(Mile Clarisse), 260.
Mitlermayer (Mme), 408.
Mocker, 122, 157,173, 470.
Molidoff (Mlle), 451, 471.
Molique, 270.
Monnais (Edouard), 158.
Montaubry, 308.
Montaubry (Mme), 308.
Monténégro (Mme), 295.
Montigny (Mlle), 98, 156.
Montuoro, 106.
Moreau-Sainti, 78, 261.
Murel (Auguste), 390.
Morelli, 35, 70, 215, 278,
292, 308, 373, 478.
Moriani, 27, 43, 79.
Moriani (Mme), 63.
Morin (de Clagny), 190, 261.
MorlièrefMllede la), 198.
Morlier-de-Fonlaine, 452.
Mortier-de-Fontaine (Mme),
231.
Moscbe'es, 262, 270, 292.
Mozart, 287, 312, 357, 467.
Mulrler (Richard), 39, 79,
140,275, 315.
Muller, 75.
Muquardt (Ch.), 162.
Murer (Mlle), 251.
Murio -Cœli(Mme), 151, 3S6.
Musard, 40, 199.
Musset (ATred de), 181.
Mule!, 20, 50.
Mutel (Mme), 20,50, 141.
N
Nadaut, 223.
Nargtot, 260.
Nathan, 230, 393.
Nau (Mlle), 51, 59, 83, 255,
372.
Naumann, 55.
Neuber (Mlle Caroline), 372.
Neveu, 48, 346, 365.
Ney (Casimir), 42.
Ney (Mme), 264.
Nibelle, 262.
Nicolo, 213.
Niedermeyer, 158, 391.
Nissen-Salomon(Mme), 182.
Noblet (Mlle Louise), 308.
Noël (Mme Sophie), 301.
Noltès (Mlle), 382.
Norblin, 51.
O
Oberlaender, 200.
Oberthier, 479.
Obin, 22, 35, 132, 206,
287, 373.
Octave, 62, 70, 143, 471.
OITenbach, 59, 83, 99,440,
238
Ole Bull, 223, 308.
Onslow, 106, 149, 165.
Oppelt (Gustave), 191, 230.
Orsini (comtesse), 238.
Ortmans, 261.
Ostein (chevalier d1), 407.
Oulibicheff, 218, 351.
Pacini (Emilien), 80, 389.
Palianti, 124, 464.
Pdllfy,408.
P.mofka, 190, 247, 371.
P^eron, 59, 165, 219,230,
251, 287, 292, 323.
P.hio li (Mlle), 70.
Parish-AIvars (Mme), 452.
Pasdeloup, 499, 276.
Paiania, 456.
Paul Julien, 400,238.
Paulin, 199,247.
Paietti, 251.
Péan de la Roche-Jagu (Mile
E'ise), 106.
PedemoBte(Mlié Elvira), 1 23.
Pedrotti, 351.
Pergol^se, 357.
Perina, 288.
Perne, 469.
Péronnet (Gustave), 114.
Perrelli, 5, 20, 59.
Perrin (A.), 26.
Perrin (Emile), 30, 38, 407.
Perrons t-Thompson (M. T.),
73.
Perrot, 165,194,277.
Persiani (Mme), 149, 134,
238, 471.
Péru (Henri), 143.
Petit-Brière (Mlle), 132, 345,
407.
Peiitpierre, 28.
Pelilpas (Mlle), 407.
Pfeiller (Georges), 28.
Picait (Mlle), 123, 251.
Piccolomini (Princesse Dona
Maria), 456.
Pieimarini, 219.
Pierre-Laurent, 301.
Pierson-Bodin (Mme), 57.
Pielte, 29.
Pilet, 44, 100, 451.
PilleVessè, 251.
Pihiard, 262.
Pi-chek, 222, 247.
Pacci, 231.
Piacet, 303.
Planard (de), 89, 265.
Peyel (Camille), 158.
Pl-yel (Mme1, 69, 86, 151,
175, 182,406, 470.
Plouvier (Ed.), 389.
Piunkett (Mlle), 22, 255.
Poindrelle (Mme), 196.
Poinsot (Mlle), 41, 22, 70,
78, 425, 206, 2 50, 278,
287, 373.
Poise, 263.
Poisot (Char'.e. ), 389.
Ponchard. 59, 123, 141,
251 287
Ponch'ard (fils), 479, 393.
Ponchard (Mme Charles), 59,
141.
Poniatowski (Prince), 238.
Poniatowski (Princesse), 238,
Pontus deThyard, 61.
Porto, 341.
Pothin, 262.
Potier (Henri), 275.
Potier (Mme), 156, 335.
Pougaud (Mlle), 78.
Pouilley (Mme), 166.
Poultier, 82, 229.
Poussard (Horace), 1 1 9, 1 58,
471.
Poxzolici, 307, 351.
Prévost (Eugène), 175.
Piintz, 154.
Priora (Mlle). 22, 78, 393.
Priuli (Baron Louis), 247.
Protêt, 308.
Prudent (Emile), 55, 69, 142,
151, 175, 190, 287, 377,
463, 479.
Prumier, 246.
Prumier (fils), 466.
Puget, 94, 142.
Puzzi, 279.
Puzzi (Mme), 279.
Quinault, 39.
R
Raby (Mme), 4 49.
Rachel (Mlle), 82, 133, 254.
Raimondi, 28'8, 333.
Reber (Henri), 92, 246, 300.
Régnier. 213.
Régnier (J.), 206.
Reicha, 174.
Reichel, 5, 11, 84.
Reichert, 29, 230.
Reissiger, 119,270.
Reiter, 143.
Reiter (Mme), 143.
Rembielinski, 251.
Remengi, 456.
Renaud (Mlle), 391.
Réiy, 247.
Révial. 251.
Revilly (Mlle), 9, 58, 196,
222 393
Rey (Mlle),'251, 466.
Rey-Sainton (Mme), 62.
Reyer, 386.
Reynier (Léon), 83, 294.
Rhéal (Sébastien), 391.
Ribes, 50, 462.
Riccardi, 22.
Ricci (F.), 27, 231.
Ricci (L.), 23
Rich mme (Auguste), J99.
Rigel, 478.
Righini, 408.
Rillé (L.), 182,214.
Rignault (En.ile), 77.
Rigolât (Mi 0,251.
Rimbaù't (M. le), 261.
Riquier, 58,230, 260.
Riquier Delaunay, 473, 206.
RitterdeCorcelles(Mlie),34i.
Rodriguez (Mlle), 251.
Roger. 6, 12, 22, 46, 59,
78,87,4 01,132,4 39,4 73
198, 216, 223, 247, 254,
264, 270, 288, 293, 307,
340, 336, 364, 406, 470,
479.
Roger de Beauvoir (Mme),
133.
Ruilet (Auguste), 215.
Romainville, 479.
Rombeig, 251.
Romieu, 39, 465.
Roncheray •, 400.
Boneuni, 27, 80, 4 27, 247,
295, 331, 452.
Ropicquet, 63, 308.
Roqueplan (Nestor), 364, 381.
Rosa (Mlle Eugénie de), 133,
223.
Rosati, 223.
Rosellen (Henri), 39, 53, 67,
134, 331, 378, 389.
Rosenhaia, 21,46, 391,478.
Rossi (B.), 134,
Rossiui, 30, 117, 219, 238,
270, 338, 373, 405.
Rotter, 151.
Ronbaud de Cournand
(Mme), 37.
Rousseau (aîné), 44.
Rous-eau(J. J .), 375.
Roussette (Aimé). 451.
Rouvroy(Mlle), 10,66,303,
365, 462.
Rouy (Mlle Hersilie), 113,
196.
RubinsUin, 256.
Rudersdorl'(Mme), 79, 119,
158,207.
Sabaltier, 405, 467.
Saint-Evremont, 26.
Saint-Georges (de), 54, 129,
223, 255.
Saint Léon, 46, 341.
Saim-Saens (Camille) ,25,454
Sainte -Foy, 58, 97, 122,
148, 179, 260, 30 1, 356,
391,479.
Sannazaro(M'le), 47.
S>u der (Mme), 251.
Sapiu.,78, 213, 214,261, 466.
Sarmiento, 461.
Sauret,261.
Sauvage, 97, 300.
Sauvaget, 251.
Savart, 251.
Savary, 143, 251.
Sax (Ad.), 27, 60, 70, 453,
278, 308, 463
Saxe-Cobouig (le duc de),
47, 491.
Shabtck, 471.
Scheibe (J. A.), 249.
Sehimon(Ad.),359, 471.
Schindelmeiser, 456.
Schindier (A.), 346, 381,
451, 455.
Schlosser, 141, 174,468.
S •hlotlmann, 278.
Schnabel, 262.
Schneider (J.), 359.
Schneider (F.), 270.
Sêrfn ilzhoeffer (J. M.), 339.
Schœlîer, 470.
Sohott, 181.
Schrœiler Devrient (Mme),
499.
Schubert (Fr mz), 467.
SchulholT, 95, 397.
SchûlZj 34.
Schumann (R.),262, 270.
Schumann (Mme), 262.
Schiitz, 28.
Schu'z Odo4 (Mme), 33I.
Sch'wàtfz (Mme), 331.
Schwœderlé, 479.
Schwenké (J. F.), 372.
Scribe (E i^ène', 78, 429,
190, 374,393,476.
Scudo (E.), 135.
Seghe s, 174, 351, 454.
Sélénie, 479.
Séligmann, 95, 397.
Sélmer (Frédéric), 346.
Serralo (Mlle M ri"), 13.
Servais, 23, 158, 198,264.
Sevtste (E.), 70.
Seveste(J.),125, 361.
Sliannon, 214.
S liverstolpe (F. S.), 23.
Smon(Juks), 165.
Sims-Reeves, 45.
Sivart, 21.
Sivori, 191,351, 479.
Skopetz (Mlle Delphine), 98.
Sontag(Mme), 13, 63, 112
119;
191, Î07, 264, 307, 331.
341, 351,463.
Sosse (Mlle), 23, 216.
Smbre, 214.
Sowade 382.
Sowinski (A.), 2f, 287, 378.
Sparre (comtesse de), 59.
Spézia (Mlle), 451.
Spohr, 230, 270.
Spontini, 40, 235.
Spontini (Mme veuve), 222.
Stadtfeld, 14, 255.
Stahl, 4 91.
Stamaty, 84, 92, 99, 423,
4 40, 148.
Staudigl, 175.
Stecchi-Bo'ardi, 452.
Steenakers, 469.
Steiner-Beaucé (Mme), 4 56,
206, 238, 340.
Steinkuhler, 308.
S'ern, 4 43.
Stockh-iusen, 4 43.
Stoltz («me), 62, 181, 279,
407.
Strantz (Mme), 316.
Strauss, 324.
Stroeken, 471 .
Stubb (Mlle), 25.
Sujol, 261. '
Su.-ini, 479.
Sussmayer, 357.
Taccani-Tasca (Mme), 19,
43,79, 406.
Taglioni (Ml ), 131,374.
Taite, 246.
Talexy (A.), 275, 389.
Talion, 301.
Talmon (M le), 247, 451.
Tamberlick, 247, 294, 452.
Tamburini, 87, 134, 238,
471.
Tariot, 21,251, 356, 405.
Taskin (Pascal), 151.
Tauberl, 46.
Taylor (baron), 70, 158, 341,
358
Tedesco(Mme), 22,70, 132,
139, 150, 270, 287, 341,
359, 364.
Teis ère, 456.
Telle, 63.
Tellef-en, 99,106.
Terry (L-opold), 220.
Thal'berg (Sigi-mond), 83,
156, 270,359, 471.
Thillon (Mme Anna), 125.
Thomas, 134, 251.
Thomas ( Ambroise ), 214,
219, 266, 404.
Thouvenel(Mlle), 46.
Tilmont, 165, 405.
Titchatscheck, 40.
Tosi (Antoine), 341.
Tournier, 247.
Trémont (baron de), 223,
766, 320,341,356.
Triebeit, 59,166, 219.
Tronquier(Mlie), 251.
Truy, 251.
Tuczek(i\Ille),40, 216, 270.
Tu:ou, 262
U
Ucelli (Mme), 406.
Ugdde ( Mme), 58, 122,
140, 173, 206, 323, [340,
356, 391, 393.
Unglvr(Mme), 27.
Urbin, 219.
Urso (Mlle), 44, 251 .
Valgaiie-, 456.
19i
Van der Boirn, 230.
Van der Heyden, 294.
Van der Doës, 475.
VanGelder, 4 06.
Varney, 10, 481,364.
Vaslin, 251.
Vast, 250.
Vautier (Mlle), 25, 92, 1,
Vava-seur (Mlle), 26, 144
Vazelle (Mlle), 20, 113.
Véra-Lorini (Mme), 20, 11
471.
Verken (M H, 230.
Verdi, 279, 294, 460.
Verdini (Mme), 474.
Vermeulen, 231.
Vervenne (Mlle), 230.
Verront, 106,222,292,41
Verroust (jeune), 222.
Versey (Mme de), 480.
Verwoitte (Ch.), 206, 284
Viardot (Mme), 340.
Viaidt, 247, 251, 466.
Vibrans (MlleMathilde), 48
Vidal (Mlle), 123, 181.
Vielhorski (com'e), 200.
Viénot (E.), 3 15,389.
Vieuxtecnps, 127, 222, 23
255, 294, 316, 380,46
Villaufray, 261 .
Villeblanche, 64.
Villers(Mlle),251.
Viola (Mlle;, 382.
Viotti, 251.
Viret, 140.
Vi-conti, 122
Vitalini (Mme), 331.
Vivier, 6», 94, 117,
270,331,408,463.
Vogt, 262.
Voiron (Mlle), 54.
Voss(Ch.), 85, 191, 199,21
y
Wagner (Richard), 186, 19
20 1, 209,225, 242, 257
Wagner (Mlle Johanna), 4
45, 79, 404, 142, 18
308,316,359, 380,471
WaldteuM, 151,182,455
Wartel (F.), 59. 156,451
Wartel(Mme),70.
Watteau (Mlle), 123, 25
Weber(C. M. de), 29.
Web»r(MmeCarolinede)
Wehle, 341.
Weigl (J -B.), 247
Wei-s, 408.
Wekerlio,1l, 406, 474,2
Werken (Mtle), 293.
Weitheiinber (Mlle). 5S,
122, 4 42, 3I6, 356,3
478.
Westerslrand ( Mlle ), 2
254, 293, 3I6.
Wicart, 251, 261, 381
Wideménn (Mme), 55'
Widor, 323, 330.
Willem, 158.
Willis 17.
WÛmers (R.).63.
Winterieldt (Rodolphe de)
Wœstme (E.), 364.
Wolll (A.), 148.
Wolveeler, 218.
Worms (Mlle). 148.
Wuck Sabatiié,276.
Wuille, 230.
Young, 479.
Yung, 307.
Zmchioli (Mme), 407.
Znini de Ferranti, 87.
Zeer(MleA), 247, 382.
Ze ger, 95.
Zimmermann, 78, 263. I
Zjlobodjean (Mlle), 246,21
ADAM (Ad.), 447.
BLANCHARD (Henri), 4, 9, 41, 49, 20, 25, 36, 42
50, 57, 58, 66, 75, 82, 89, 92, 97, 98, 405, 413,
421, 122, 132, 140, 147, 148, 155, 173, 178, 496,
219, 237, 241, 260, 265, 276, 284, 292, 300 314
330, 338, 349, 374, 379, 386, 389, 397, 405 451
467, 468, 476.
BOURGES (Maurice), 37, 179, 211, 268, 460.
DAMCKr. (B.), 451.
FÉTlS(père), 3, 17,33,73,437,145,153, 185,493,
204, 209, 225, 242, 257, 281,289, 297, 325, 333,
353, 361, 401,457, 473.
FËTIS (Edouaid),177, 203, 375, 449, 468.
HÉQUET (Gustave), 9, 36, 49, 65, 81,301, 336,
345, 364, 375, 461.
KASTNER (Georges), 52, 85.
KREUTZER (Léon), 313, 319, 329,356,369,38
395.
LA FAGE (Adrien de), 52, 235, 254, 267, 378.
MULDER (Mme Lia), 187.
RELLSTAB (L.), 100, 254, 293, 358, 380, 407.
SELIGMANN (P.), 385.
SMITH (Paul), ?,129, 156, 196,217,227,233, 37
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REVUE
4 Janvier 1851.
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Le Journal paraît le Dimanche.
GAZETTE MUSICALE
m ïïjkmis*
-wvnnArv'-&. 'o/j'jwi —
SOMMAIRE. — Revue de l'année 1851, par Panl Smith. — Exposition univer-
selle de Londres (17e' lettre), par Fctis père. — Auditions musicales et albums, la
Négresse et le Pacha, V Imagier de Harlem, par Ileiiri Itlanrliard. — Nou-
velles et annonces.
Les étrennes que nous offrons à nos abonnés, les Quarante Mé-
lodies île Schubert, ainsi que l'Album Hlnsard, sont à
leur disposition; nous les invitons à les faire retirer immédiatement.
REVUE DE LIME 1851.
Le siècle a cinquante-deux ans sonnés ; nous ne lui disons pas cela
pour lui être désagréable. Il a encore quarante-huit ans devant lui pour
faire de bonnes, de belles, de grandes choses, et c'est assez joli, puis-
qu'il est reconnu, en théorie et en pratique, que les siècles ne vieillis-
sent pas, malgré le progrès de l'âge, et qu'ils sont tout aussi jeunes à
l'heure où ils finissent qu'à celle où ils avaient commencé.
En ce moment, nous n'avons qu'à voir et qu'à compter ce que la
dernière année est venue apporter au contingent général de ce siècle,
si laborieux et si fécond ; nous n'avons qu'à estimer sa part de travail
et qu'à régler sa part de gloire, en ce qui touche, la musique seule-
ment.
Et d'abord, notre grand Opéra, qui, l'année dernière, nous avait
donné Y Enfant prodigue, et l'année d'auparavant le Prophète, s'est un
peu reposé sur ses lauriers. 11 a travaillé davantage, mais il n'a rien
produit d'aussi élevé, d'aussi large, d'aussi important. 11 n'a pas joué
moins de trois ouvrages lyriques, formant ensemble huit actes: le
Démon de la nuit, Sapho, la Corbeille d oranges ; pas moins de deux
ballets, en trois actes chacun : Pâquerette et Vert-Vert. 11 a improvisé
l' Intermède des nations, avec musique et danse. 11 a remis au réper-
toire plusieurs des chefs-d'œuvre qui ne doivent jamais en rester éloi-
gnés : Guillaume Tell, les Huguenots, la Juive, la Muette, la Reine de
Chypre; enfin, il a préparé avec ardeur et constance la prochaine ap-
parition du Juif errant.
En multipliant le chiffre des ouvrages nouveaux et celui des repri-
ses, le grand Opéra n'a pas épargné les débuts. Il a cherché partout
des talents faits ou à faire ; il a produit Mairalt, Merly, Aimés, de La-
grave, Chapuis, Depassio ; il nous a rendu Morelli, Massol, Mlle Mas-
son ; il nous a fait connaître Mlle Poinsot, Marie Dussy et Mme Tedesco
dans l'art dramatique et lyrique, Mlles Bagdanoff et Priora dans celui
de la danse. A côté de Mme Tedesco, le Juif errant nous montrera
bientôt Mlle Lagrua, jeune et brillante étoile qui prendra place au
firmament.
Mais savez-vous ce que notre grand théâtre a fait de plus heureux ,
de plus utile, de plus rare en la dernière année ? Il n'a pas fermé pen-
dant un ou deux mois, comme les quatre années précédentes. Il a
rompu avec cette habitude de clôture, qui devenait presque une néces-
sité. Pour la première fois depuis 1847, il a bravé la mauvaise saison
et a réussi à la rendre quasi bonne. Les chemins de fer lui ont amené
d'un côté ce qu'ils lui enlevaient de l'autre, et par la seule force de son
répertoire, par la variété de ses spectacles, il a su appeler dans son
enceinte les étrangers, les provinciaux , les Parisiens même, étonnés
et contents de retrouver à l'Opéra leur fête quotidienne, trop souvent,
trop longtemps interrompue pour cause de réparations et de révo-
lutions.
C'est pendant ces jours d'été si bien employés que Gueymard a pris
un si remarquable essor. Il était toujours là , ferme et vaillant , tandis
qne les spectacles variaient, et aussi les cantatrices. Savez-vous que,
dans une seule année, la Fidès, du Prophète, la mère par excellence,
a é lé représentée par quatre artistes, successivement, MmeViarâot,
l'Alboni , Mlle Masson et Mme Tedesco ?
L'Opéra-Comique , toujours de plus en plus populaire , toujours
riche, toujours heureux, n'a pas prodigué les pièces nouvelles. Presque
au dernier jour de l'année dernière, il avait représenté cette Dame de
Pique, dont la vogue lui procura un mois de janvier fabuleux d'af-
fluence et de recettes, le plus beau mois qu'il eût connu jamais, sans
parler de février et de mars, qui vinrent à la suite. Il se reposa donc,
et ne donna qu'à son aise Bonsoir, monsieur Pantalon , Raymond ou
le Secret de la Reine, la Serafma, le Château de 1 1 Barbe-Bleue, huit
actes en tout de pièces nouvelles ; mais fes reprises furent plus nom-
breuses, et à leur tête se place naturellement celle de Joseph , monté
avec autant de soin, de dépense et de luxe qu'une pièce inédite.
Celle du Tableau parlant et celle du Calife de Bagdad avaient aussi
fait merveille. Le Fidèle berger en appela d'une sentence injuste et
gagna son procès. La Vieille, le Diable à Vécole, YEau merveilleuse,
le Concert à la Cour, la Fille du Régiment, les Torcherons récla-
mèrent également leur place au soleil de l'affiche, et furent reçus avec
faveur. Les débuts se succédèrent : Riquier-Delaunay. Coulon,Dufrêne,
Mlles Lemaire, Petit-Briere, Talmon, s'essayèrent avec succès; bientôt
Mlles Wertheimber et Favel les suivront dans la lice ; plusieurs ouvra-
ges nouveaux, plusieurs reprises sont sur le chantier.
Le théâtre Italien a vaillamment continué sa lutte courageuse. Au com-
mencement de l'année, il s'appuyait sur la renommée et la voix de
Mme Sontag. Quand la saison allait finir, Sophie Cruvelli se présenta et
les bravos éclatèrent, la foule accourut. Dans ces derniers mois, c'est
encore Sophie Cruvelli qu'on applaudit et qu'on rechercha de
préférence, entourée de Guasco, de Belletti, de Calzolari. N'oublions
pas le début charmant de Caroline Duprez sur ce théâtre, où elle vint
faire son premier pas, d'abord accompagnée de son illustre père dans
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
Lucia di Lammermoor, puis de Lablache dans YÉlisir d'amore. N'ou-
blionspas les preuvesdetalent donnéespar Ida Bertrand dans l'une et l'au-
tre saison, tantôt avec Mme Sonlag, tantôt avec Mme Barbieri Nini, étoile
un peu effacée, quoique lançant parfois encore des feux éblouissants.
En 1851, le théâtre Italien a donné deux opéras nouveaux :1a Tempesta,
le Tre Nozze, et, chose unique en pareil lieu, il a produit une danseuse
nouvelle, Mlle Rosati. On sait trop par quelle fatalité cruelle l'avéne-
ment de la danseuse nuisit à celui de l'opéra, dont la fortune avait été
si brillante, si doublement nationale chez nos voisins. La danseuse
faillit succomber : par bonheur elle ne perdit que ses ailes, qui ont re-
poussé depuis ; mais Mme Sontag et Lablache s'en allèrent. La Tem-
pesta fut privée à la fois de sa Miranda et de son Caliban.
L'éternelle question du troisième théâtre lyrique s'était réveillée :
elle s'agitait avec tant de force, qu'on finit par la résoudre, et que la
création d'un opéra national fut décidée, toujours au boule vart du Tem-
ple, afin que la question ne mourût jamais. Oui, mais le nouveau
théâtre?... Ah ! c'est bien de cela qu'il s'agit. Le nouveau théâtre a pris
pour domicile la salle de feu le Théâtre-Historique, et, sans peur
comme sans reproche, il a ouvert ses portes au public du boulevart et
de tous les quartiers, en donnant Mosquita la Sorcière; et puis il a
donné Htirdockle bandit, et puis la Perle du Brésil, le tout entremêlé
des reprises du Barbier de Séville, de Ma Tante Aurore, du Maître de
Chapelle, des Rendez-vous bourgeois, d'Ambroise, de Maison à vendre.
Il paraît que la salle aussi était à vendre, car les journaux et les affiches
l'ont annoncé. Maintenant la Butte des 3Joulins va paraître : c'est un
opéra en trois actes, dont M. Adrien Boïeldieu a écrit la partition.
Bonne chance au nouveau théâtre et au nouvel opéra , et puisse l'é-
ternelle question être enterrée à tout jamais ! Ce qu'il y a de certain ,
c'est que déjà beaucoup de jeunes artistes ont prouvé là qu'ils avaient
du talent, qu'ils méritaient de vivre et de bien vivre, Meillet, Ribes ,
Mlle Duez et tant d'autres! Bemarquezen passant que presque tous ces
artistes, ces débutants du nouveau théâtre, comme ceux du grand Opéra
et de l'Opéra-Comique, sont des enfants du Conservatoire de Paris. Ce
qu'il y a de certain encore, c'est que le nouveau théâtre a servi au dé-
but de Félicien David, comme compositeur dramatique : c'est un titre
qu'il peut faire valoir, car sans le nouveau théâtre, Félicien David at-
tendrait peut-être encore ; Xavier Boisselot et son excellente partition
de Mosquita la Sorcière attendaient bien depuis quatre ans !
A propos de compositeurs dramatiques, l'année dernière en a vu
commencer plusieurs : Rosenhain avec le Démon de la nuit, Gounod
avec Sapho, Félicien David avec la Perle du Brésil, tous les trois à
Paris ; à Londres, Thalberg avec Florinda ou les Maures en Espa-
gne; à Bruxelles , Duprez avec YAbime delà Maladetta; cinq tenta-
tives , cinq succès et autant d'espérances diverses d'âge et de qualité.
Cependant les grands théâtres italiens de Londres ont persisté dans
l'unique système aujourd'hui possible, celui de la traduction de nos
opéras français. Ils se sont disputé et arraché Y Enfant prodigue. Le
théâtre de Sa Majesté a gagné de vitesse celui de Covent-Garden. Le
Fidetio, de Beethoven, avec Sophie Cruvelli pour interprète , a seul
balancé la vogue de Robert-le- Diable , des Huguenots, du Prophète ,
de la Juive, de la Muette et autres produits du libre échange.
Après les opéras, faut-il citer les concerts? Faut-il rappeler ceux de
Prudent et de Vieuxtemps dans la salle nouvelle de l'Association des
artistes musiciens, d'abord inaugurée par un bal si brillant? Faut-il
noter les fêtes musicales de Troyes données par cette même association,
le troisième festival de Lille, les concerts de Mme Pleyel à Lyon et à
Marseille, ceux des trois élèves de Bériot à Bruxelles et à Paris?
Pardon, mais nous avons omis d'inscrire le voyage triomphal de
Roger en Allemagne, l'éclatant séjour de Mme Stoltz à Lisbonne, et. en
réparant notre faute, nous constaterons l'immense succès du Prophète
à Marseille, à Toulouse, à Bordeaux, à Lyon.
Nous ajouterons qu'Henri Herz est revenu de ses courses transat-
lantiques, que Mlle Wilhelmine Clauss et Graever, deux éminentes pia-
nistes, sont arrivées parmi nous.
Ceci nous ramène aux concerts. II y a quelques mois à peine, Paris
comptait quatre grandes sociétés. La première, la plus ancienne et la
plus illustre, c'était la Société des concerts fondée par Habeneck au
Conservatoire; la seconde, par ordre de date, était celle de l'Union
musicale ; la troisième, la grande Société philharmonique, et la qua-
trième, la Société Sainte-Cécile, fondée par M. Seghers, naguère chef
de celle de l'Union. Aujourd'hui, ce nous semble, deux sociétés seule-
ment se disposent à rouvrir leur sanctuaire, la première et la quatrième,
la Société des concerts et la Société Sainte-Cécile, dont les progrès ont
été rapides et constants.
Un architecte, un artiste, un entrepreneur des plus entreprenants,
un homme de génie peut-être, s'était rencontré (il s'en rencontre
quelquefois) qui avait conçu l'idée tant de fois conçue, tant de fois es-
sayée, d'une salle de concert telle que Paris n'a jamais pu en avoir,
construite d'après toutes les conditions, exigences et fantaisies de l'a-
coustique, d'une salle sonore comme un Stradivarius, dans laquelle on
aurait joué même le grand opéra, suspendu l'orchestre dans les frises et
logé les chœurs à la place du lustre! Nous voulons parler de la salle
Barthélémy, qui coûte à son auteur toute sa fortune, et bien au-delà.
Mais aussi pourquoi son auteur a-t-il relégué son rêve, sa chimère, son
panthéon musical, dans un quartier perdu? Hélas! mille fois hélas!
l'édifice monumental qui devait servir de temple à la mélodie et à
l'harmonie est devenu, faute de mieux, l'asile du bal Arban. Le Pan-
théon s'est changé en guinguette. Sic transit gloria! L'éclair ne passe
pas plus vite, et un éclair qui coûte un demi-million !
De la salle Barthélémy à la nécrologie il n'y a qu'un pas.
La musique a perdu en artistes français, ou adoptés par la France :
Spontini, le grand compositeur de l'époque impériale, dont le génie,
qui s'enflamma et s'éteignit dans un si court espace de temps, rayonnera
pourtant sur les siècles; Gaspard Roll, que l'Institut avait couronné en
1814, qui partit pour Rome et en revint pour jouer de la contre-basse
au théâtre Italien; Chollet, jeune pianiste et organiste; Hippolyte
Colet, professeur au Conservatoire; Pastou, décoré du même titre;
Joseph Mengal, habile instrumentiste, auteur de quelques partitions ;
Philippe Berr, chef distingué de musique militaire ; Henri Streich et
Meurget, organistes; Richelmi, chanteur de romances.
En artistes étrangers, la liste funèbre nous fournit : Lortzing, com-
positeur populaire en Allemagne ; Charles Moeser, qui mourut doyen
des violonistes du même pays ; Joseph Mainzer, l'auteur de l'opéra en
ré, composition funeste à l'autorité du critique et du professeur, par
suite de laquelle il s'exila de la France, pour n'avoir pas su changer de
ton ; Sedlaczek, le flûtiste; Joseph et Karl Serrati, facteurs d'orgues à
Bergame ; Buffini, chanteur italien; Rungenhagen, chef de l'Académie
royale de chant à Berlin; Mlle Ebeling, jeune et belle cantatrice
suédoise.
A ces noms il faut encore ajouter ceux de Dorvo, qui mourut le
doyen des auteurs dramatiques français ; de Dupaty et de Capelle, qui
avaient écrit des poëmes d'opéra ; de Dubois, qui avait dirigé plusieurs
théâtres, y compris notre première scène lyrique; de Mme Sieber,
veuve du célèbre éditeur.
L'illustre auteur de Freischûtz- et d'Oberon, Charles - Marie de
Weber était mort depuis bien des années ; dans la dernière seulement
l'idée pieuse d'élever un monument à sa gloire a reçu un commence-
ment d'exécution.
Spontini laissait un siège vacant à l'Académie des beaux-arts : Am-
broise Thomas a recueilli son héritage.
Notre premier organiste et professeur d'orgue, le maître de tant
d'élèves devenus maîtres à leur tour, M. Benoist a obtenu la croix de
la Légion d'honneur, méritée par ses longs services.
Tels sont les événements grands ou petits, tristes ou joyeux, qui ont
marqué le cours de la défunte année ; mais l'événement capital qui la
dislingue entre toutes et suffirait à son illustration séculaire, c'est l'Ex-
position universelle de Londres, c'est la cour plénière de l'industrie et
de l'art, ouverte à tout venant dans une cité jadis ennemie, et qui n'est
DE PAUiS.
plus aujourd'hui que rivale, el rivale généreuse, hospitalière, de notre
ville de Paris, comme l'Angleterre n'est plus et ne sera plus jamais,
nous l'espérons, que l'émule pacifique de notre chère France.
L'Exposition universelle de Londres , c'est le fait historique dont la
hauteur se dresse à l'horizon du temps et domine tout le reste, comme
la flèche d'une cathédrale domine tout, palais et maisons. Nous devons,
nous particulièrement, à cette mémorable Exposition les belles et sa-
vantes lettres dans lesquelles M. Fétis, en rendant compte de l'état
actuel de l'industrie et de l'art, embrasse leurs annales entières et
illumine le présent par le passé. Ces lettres réunies formeront un beau
livre, dans lequel nos industriels et nos artistes iront chercher leurs
titres de noblesse, un souvenir en même temps qu'une leçon.
Et comme toute médaille a son revers, l'Exposition universelle de
Londres a enfanté le gigantesque projet des grandes fêtes de l'industrie,
qui devaient durer huit jours, et des trente jours de plaisir, qui n'en
ont pas même donné un ! Mais silence ! Ne troublons pas la paix des
morts. L'année 1851 n'est plus : que ses folies lui soient légères, puis-
qu'en somme elle a eu tout ce qu'il fallait de sagesse, d'activité , de
talent et de succès réel pour se les faire pardonner !
Paul SMITH.
EXPOSITION UNIVERSELLE DE LOÏÏDEES.
(dix-septième lettke) (1).
Monsieur ,
Bien que l'importance des proportions dans la construction des di-
verses parties d'un orgue fût dès longtemps connue; que Salomon de
Caus en eut traité théoriquement dans son livre intitulé : Les Raisons
des forces mouvantes, publié en 1G15 ; que Mersenne, dans son Har-
monie universelle (Paris, 1636), l'eût fait avec plus de développement,
et mieux encore le bénédictin dom Bédos , dans son livre célèbre de
l'Art du facteur d'orgues- néanmoins il restait beaucoup à faire pour
déterminer à priori les proportions exactes de toutes les parties de ces
vastes machines, qui , s'enrichissant chaque jour davantage de res-
sources nouvelles, ne peuvent arriver à la perfection que par l'équi-
libre, l'harmonie de ces diverses parties, et par la simplicité des
moyens. 11 y a environ quinze ans que j'ai rendu compte, dans la Ga-
zette musicale, des travaux entrepris à ce sujet par M. Tœpfer, orga-
niste de la cour à Weimar, ainsi que du livre intéressant dans lequel il
a consigné les résultats de ses recherches et de ses observations. Pos-
térieurement, M. Aristide Gavaillé, après avoir consulté pendant ses
voyages l'état actuel de la facture des orgues en Allemagne, en Hol-
lande, en France et en Angleterre, s'est attaché, avec une rectitude
remarquable de jugement, et à l'aide de connaissances étendues et d'un
esprit fécond en ressources ingénieuses, à fixer rigoureusement les
proportions dans l'emploi et la distribution de la force motrice, dans
les fonctions du mécanisme, dans la composition des jeux ou genres
de voix, dans leur diamètre, eu égard à la qualité sonore nécessaire,
à la manière dont le vent agit sur les tuyaux pour le timbre voulu ,
enfin à l'harmonie générale qui doit résulter de leur réunion. Aucun
facteur d'orgues, à ma connaissance, n'est allé, jusqu'à ce jour, aussi
loin que lui dans la conception de l'ensemble et des détails d'un grand
orgue. L'examen attentif que j'ai fait de ses instruments m'a convaincu
aussi que personne ne l'a égalé dans le fini du travail, dans l'égalité de
tous les jeux sur toute leur étendue, et dans leur parfaite harmonie.
Jl était impossible qu'un artiste de cette valeur ne fût pas frappé des
avantages du levier pneumatique, introduit en France par son inven-
teur, M. Barker, de Bath. J'ai déjà dit ailleurs en quoi consiste ce
mécanisme, qui a pour objet de vaincre la résistance des claviers des
orgues, et de les rendre aussi faciles sous les doigts de l'organiste que
le clavier d'un piano. Je rappellerai seulement ici que ce mécanisme
est un intermédiaire placé entre le clavier et les soupapes des som-
(1) Voir les n°" 34, 35, 37, 39, 40, 41, 42, 43, 44, 45, 46, 47, 48, 49 , 50 et 51.
miers, qui, au moyen de l'air comprimé dans de petits soulllets corres-
pondant à chaque touche, annule toutes les résistances. MM. Cavaillé
furent les premiers facteurs français qui firent usage de ce mécanisme
dans le grand orgue de Saint-Denis et dans celui de Saint-Roch. Depuis
lors, M. Aristide Cavaillé a perfectionné cette belle découverte dans ses
orgues admirables de l'église de la Madeleine et de celles de Sainl-Vin-
cent-de-Paul , en faisant agir le levier pneumatique, non-seulement sur
les claviers réunis, mais sur les claviers séparés, pour les combinai-
sons d'effets qui exigent leur séparation.
Un nouveau perfectionnement très-important a été imaginé par le
même artiste pour donner au clavier des pédales une puissance et une
richesse d'harmonie qu'on n'avait jamais pu leur donner dans d'autres
instruments, toutes conditions égales d'ailleurs. Il avait remarqué que
les basses des claviers à la main sont rarement employée» par les or-
ganistes de grand talent, parce que la main est souvent employée à des
parties intermédiaires pendant que la basse se joue avec le clavier des
pédales. Pour utiliser ces basses restées sans emploi, M. Cavaillé a ima-
giné un ingénieux mécanisme (qu'il ne faut pas confondre avec l'an-
cienne tirasse), au moyen duquel il réunit à volonté aux jeux placés
sur le sommier du clavier de pédales, les richesses des basses de tous
jeux de l'orgue.
M. Cavaillé ne mérite pas moins d'éloges pour les perfectionnements
qu'il a introduits dans le système des tuyaux par l'introduction des jeux
harmoniques dans l'orgue, par les proportions des parois de ces tuyaux
et par le choix des matériaux. Dans ses beaux ouvrages de la Made-
leine, du temple de Panthemont et de Saint- Vincent-de-Paul, il n'a fait
usage, pour la formation de ses jeux, que de sapin rouge du Nord e^
d'étain coulé en planche et écroui au martinet. Ses observations lui ont
démontré que les parois épaisses des tuyaux, outre qu'elles sont une
garantie de la solidité de l'ouvrage, favorisent la répercussion des ondes
sonores, et donnent conséquemment plus de rondeur et de puissance
aux sons. Cette observation est conforme à la théorie de la construc-
tion des instruments à archet et des instruments de cuivre. En général,
dit M. Cavaillé, les grands tuyaux, dans la plupart des orgues, ont des
parois trop faibles comparativement à ceux des octaves supérieures ou
des jeux aigus.
A l'égard des jeux harmoniques, bien que le phénomène qui s'y ma-
nifeste fût connu des physiciens et eût été soumis au calcul par Daniel
Bernouilly, on n'avait considéré ce phénomène que comme un fait cu-
rieux dont on n'avait pas aperçu la possibilité d'application dans l'or-
gue. Voici les observations qui ont conduit MM. Cavaillé à la conception
des jeux de cette espèce. On sait que les nombres de vibrations des
tuyaux d'orgues croissent en direction inverse de la diminution des lon-
gueurs, comme cela se remarque dans les cordes vibrantes. 11 suit de là
que si l'ut grave du clavier fait une vibration, son octave supérieur,
dont le tuyau n'aura que la moitié de longueur, en fera deux ; la se-
conde octave, qui n'aura que le quart de la longueur du premier ut, fera
quatre vibrations ; le quatrième ut sera réduit au huitième de la lon-
gueur du premier et fera huit vibrations ; enfin, le cinquième ut (aigu),
ne sera en dimension que le seizième du premier, et fera seize vibra-
tions. Mais la diminution progressive du volume des tuyaux sera dans
une proportion bien plus considérable, car les volumes de ces tuyaux,
aux différentes octaves, sont entre eux comme les cubes des propor-
tions linéaires ; en sorLe que l'ut octave du son grave n'a que le hui-
tième de son volume ; l'ut, seconde octave, le soixante-quatrième; le
quatrième ut n'est que le cinq cent seizième du premier, et enfin, l'ut
cinquième n'a que le quatre mille quatre-vingt-seizième du volume du
premier. Or, si l'on admet (indépendamment de la force et de la quo-
tité) que le volume du son d'un tuyau augmente ou diminue avec le
volume d'air que contient sa capacité, on comprendra par ce qui vient
d'être dit, la rapidité avec laquelle les sons d'un jeu décroissent en vo-
lume du grave à l'aigu, et l'on ne sera plus étonné de la faiblesse et de
la maigreur des tons élevés de l'orgue en comparaison des basses. Pour
pallier cette imperfection, les facteurs d'orgues habiles embouchent
REVUE Lï GAZETTE MUSICALE
faiblement les basses et les desssus avec force ; mais celte ressource a
pour grave inconvénient d'affaiblir la sonorité des basses et de rendre
les dessus secs et criards.
Cela constaté, MM. Cavaillé, préoccupés du désir de trouver un re-
mède à cette imperfection, ont remarqué que dans les instruments à
vent, le même tube qui fait entendre les sons graves produit aussi
leurs harmoniques, d'où résulte que les sons ne s'amaigrissent pas aux
octaves aiguës. La comparaison d'un même son produit par la flûte
traversière et par la petite flûte, leur a fait voir combien le premier
instrument donnait de rondeur et de moelleux à ce son, tandis que le
second n'en produisait qu'un maigre et criard. Ils conçurent alors le
projet de donner aux tuyaux des octaves élevées des diamètres plus
considérables que ceux indiqués par les proportions décroissantes in-
diquées ci-dessus, et d'en faire de véritables harmoniques de l'octave
grave. Leurs premiers essais en ce genre furent placés à l'exposition
de 1839, et furent l'objet des éloges du jury, et particulièrement du
savant acousticien Savart. C'est ainsi que ces artistes ont été conduits
à la conception des basses et sous-basses harmoniques de 8 et de
16 pieds, ainsi que de la flûte harmonique de 8 pieds et de la trom-
pette harmonique. Ces beaux jeux donnent aux orgues de Saint-Denis,
de Saint-Roch, de la Madeleine et de Saiut-Vincent-de-Paul , la ron-
deur, la puissance et le moelleux qu'on y admire.
Après tant d'innovations heureuses et de perfectionnements , et en
présence des belles dispositions et du fini du travail qu'on remarque
dans les ouvrages de MM. Cavaillé , ne nous étonnons pas des éloges
sans restriction accordés par le jury choisi pour la réception de l'orgue
de la Madeleine à ces artistes si distingués, et particulièrement à
M. Aristide Cavaillé, qui en avait conçu l'exécution. Ce jury, présidé
par M. le baron Séguier, était composé de MM. le baron Cagniard de
Latour et Savart pour l'acoustique; Erard, Davrainville et Hamel pour
la facture; Lefébure-Wély, L. Séjan, Simon et Fessy, organistes; Adol-
phe Adam et Ambroise Thomas, compositeurs. Ses conclusions, expri-
mées par l'organe de son rapporteur, sont celles-ci :
« Tout ce travail est admirablement conçu; la disposition en est
claire; rien ne s'y trouve gêné ou embarrassé; on peut circuler par-
tout ; chacune des pièces qui composent ce mécanisme compliqué peut
être facilement démontée pour être réparée au besoin. Les tirages et
les autres mouvements agissent avec une précision parfaite; la direc-
tion des forces est observée partout avec une exactitude rigoureuse ;
la distribution de l'air est calculée de manière à ne pas être en excès
pour un seul des plus petits tuyaux, et pour fournir abondamment à la
dépense des plus grands jeux réunis, sans qu'il en résulte la moindre
altération appréciable.
» La partie sonore de l'instrument n'est pas moins digne d'éloges ;
les jeux, essayés chacun en particulier, tuyau à tuyau, puis réunis l'un
à l'autre, et enfin tous ensemble, ont réuni toutes les conditions de
timbre, d'égalité, de douceur et de force.
» La partie matérielle de l'orgue est aussi remarquable par le choix
des objets dont elle se compose que par son exécution. Non-seulement
l'investigation la plus minutieuse ne saurait y trouver le plus petit dé-
faut, mais encore on y remarque une perfection de main-d'œuvre dont
la facture d'orgues n'avait pas encore donné d'exemple. »
Monsieur, dans ma lettre précédente comme dans celle-ci, je me suis
proposé de faire connaître quel est en ce moment l'état le plus avancé
de la facture des orgues, et de démontrer qu'à MM. Cavailié appartient
la gloire de l'avoir portée au plus haut point de perfection qu'elle ait
atteint. Or, MM. Cavaillé n'ont pas participé à l'Exposition universelle;
d'où j'arrive à la conclusion que la situation réelle de l'art n'y a pas été
représentée, et que, dans mon compte-rendu des instruments que j'y
ai examinés, je n'aurai à parler que du mérite relatif. Cette explication
était nécessaire pour ce qui me reste à dire.
Après la manufacture d'orgues de MM. Cavaillé, celle de M. Ducro-
quet, successeur de MM. Daublaine et Callinet, tient en France la pre-
mière place. Cette maison, à laquelle on devait le grand orgue de Saint-
Eustache, qui a été incendié par un accident funeste, et la restauration
de celui de Saint-Sulpice , a fourni beaucoup de bons instruments dans
les départements, et a fait un grand nombre de réparations d'anciennes
orgues. Si le génie d'invention et la science n'en dirigent pas les tra-
vaux au même degré que chez les auteurs de l'orgue de la Madeleine,
les principes fondamentaux de l'art y sont mis en pratique, et les soins
qu'on y donne aux détails de la facture sont très dignes d'estime.
M. Ducroquet, arrêté sans doute par les immenses difficultés de trans-
port d'un grand instrument de Paris à Londres, et de celles non moins
grandes qu'il aurait trouvées pour le monter sur place, s'est borné à
exposer un instrument moyen de vingt jeux à deux claviers à la main
et clavier de pédales, qui n'a de jeux de 16 pieds ouverts que sur ce
dernier clavier. Les claviers du grand orgue et du positif ont une
étendue de cinq octaves, et celui des pédales est de deux octaves,
d'ut à ut.
Dix registres sont établis sur le clavier du grand orgue, à savoir, une
montre de 8 pieds, une montre conique ou à pavillon de 8 pieds, une
dulciana, jeu de flûte douce imité des anciennes orgues, un bourdon
de 16 pieds, un bourdon de 8 pieds, un prestant de h, un plein-jeu de
cinq rangs de tuyaux, une trompette de 8 pieds, une bombarde de 16,
et un clairon de h- Les jeux d'anches de ce clavier sont placés sur un
sommier séparé, et la pression d'air qui agit sur eux est plus forte que
celle des jeux de flûtes. Les jeux d'anches de ce clavier, ainsi que le
plein jeu, peuvent à volonté se réunir aux jeux du clavier de pédales.
Les jeux du positif, enfermés dans une boîte à jalousies, sont au
nombre de huit, à savoir : un bourdon de 8 pieds, une flûte harmoni-
que ou traversière, une basse de viole ou gambe, une flûte ouverte de
8 pieds, un prestant de 4, une trompette, un hautbois et basson, divi-
sant par un seul registre toute l'étendue du clavier, et enfin un cor an-
glais à anches libres. Ce clavier peut être accouplé à celui du grand
orgue de trois manières différentes qui donnent autant de variétés d'ef-
fets, car l'accouplement peut se faire ou à l'unisson, ou à l'octave su-
périeure, ou enfin à l'octave inférieure. Ces accouplements, grâce à
l'application de l'ingénieux levier pneumatique de M. Barker, se font
sans que les claviers offrent plus de résistance à l'action des doigts de
l'organiste.
Le clavier de pédales n'a que deux jeux de 16 pieds ouverts, appelés
montre de 16, et ophicléide ; mais on peut y réunir, au moyen d'une
pédale d'accouplement, les jeux du grand orgue. Toutefois il est re-
grettable que M. Ducroquet n'ait pas donné un peu plus de profondeur
à son buffet pour réunir à ces jeux de 16 pieds une grosse flûte de 8 ;
car c'est un fait reconnu que les jeux très-graves augmentent de sono-
rité, de rondeur et de puissance lorsqu'ils s'unissent à des jeux du dia-
pason moyen.
Au résumé, cet orgue contient 2 jeux de 16 pieds ouverts, 1 de 8
pieds, bouchés, sonnant le 16, 7 jeux de 8 pieds ouverts et 2 pres-
tants. Leur sonorité est bonne, puistante et d'une égalité d'autant plus
remarquable, qu'ils étaient mis en comparaison avec des orgues an-
glaises, dont le défaut principal est l'inégalité. Les jeux d'anches ont
du mordant sans dureté et donnent à l'instrument une énergie qui a
beaucoup étonné les artistes de Londres. Si l'on considère l'effet que
produisait cet instrument, qu'on pourrait appeler de petite dimension,
comparativement aux grandes orgues, dans un si vaste local, on ne
peut nier que la distinction de la grande médaille décernée à M. Du-
croquet est une juste récompense de la supériorité de son travail sur
celui de ses concurrents. Mais n'anticipons pas.
A l'égard du mécanisme et du choix des matériaux, il semble impos-
sible qu'il y ait eu concours réel, car tout est digne d'éloges dans le tra-
vail de M. Ducroquet. La précision et la rapidité d'action des tirages,
les mouvements des abrégés, la bonne construction des sommiers, la
disposition claire et sans embarras des diverses parties de l'instrument,
nonobstant l'exiguïté du buffet, la simplicité du mécanisme des ac-
couplements et le fini de tous les détails, s'y présentaient sous l'aspect
le plus satisfaisant. Tel était le bon effet de l'orgue dont il s'agit, que
DE PARIS.
ses sons me parvenaient clairs et distincts à des distances considéra-
bles, malgré la vaste étendue et l'élévation du local, tandis que d'au-
tres instruments, d'une bien plus grande dimension, cessaient d'arriver
a mon oreille à des distances exactement égales ; car pour faire mes
expériences de comparaison, j'ai compté le nombre de pas, afin de
m'assurer que l'éloignement était identiquement le même.
Je l'avouerai, en comparant le travail des facteurs de différentes na-
tions que j'avais sous les yeux et qui résonnait à mon oreille, j'ai vive-
ment regretté qu'un grand orgue français, de la dimension de celui
que MM. Cavaillé ont exécuté à Saint-Denis, n'eût pas été placé à l'Ex-
position; car une occasion semblable ne se retrouvera plus, et l'on ne
sait pas en Angleterre ce que peut être un instrument semblable; non
qu'il ne s'y trouve en plusieurs endroits des orgues de plus grand dé-
veloppement; par exemple, celui de la cathédrale d'York, qui renferme
quatre 32 pieds, onze 16 pieds ouverts, dix sept 8 pieds, une mul-
titude de jeux de récits, de jeux de mutation, pleins-jeux qui, réunis,
donnent 21 tuyaux sur chaque touche, deux bombardes de 32 et de i6,
k trombones et conlre-bassons de 16, des trompettes de 8 pieds, etc.,
faisant un total de 80 registres.
FÉTIS père.
AUDITIONS MUSICALES ET ALBUMS.
II. Paul Henrion. — M. Belcliel. — 13 H. Fumagalli, l'or-
relli, Bonoldi et SScluil — 93. Giuliuiii Théâtre des
Variétés, in Jl'éffresse et le B'ttrlifi — lime llarti-
iii'i. — Tliéàlre de la Porfe-Saint-lIarfin. Vlnifigier
tle lÊnrlctn.
Prètez-moi l'un et l'autre une oreille attentive.
Ce vers de Racine est fort de saison et semble fait pour être adressé
par les virtuoses qui nous surgissent non-seulement de toutes les par-
ties de l'Europe musicale, mais encore par les auteurs et les éditeurs
d'albums, à l'auditoire qui paie, comme à celui qui ne paie point; car
avant tout, ces braves artistes concertants veulent être écoutés.
Pour nous, pauvres critiques, nous payons de notre présence, de
notre patience, de notre bienveillance, ces séances musicales, ces con-
certs, dont les billets sont parfois cotés 15 fr. à la bourse musicale, et
qui, pour nous, valent à peine les 15 centimes de port qu'ils nous coû-
tent, envoyés cavalièrement par la petite poste de Paris. Dernièrement
encore, un compositeur russe, charmé de l'indulgence que nous
avions montrée à l'égard de la musique facile, dans un de nos articles
de la Gazette musicale, nous a expédié, d'une des capitales de la Rus-
sie, un colis de polkas de sa composition, peu franches, nous ne dirons
pas de mélodie et de rhythme , mais de port, qui ne se montait pas à
moins de 40 fr. Alceste obligé de payer pour lire les vers du sonnet
d'Oronle, nous est venu en la pensée. Nous aurions pu nous indigner,
comme lui, au reçu de toute cette musique, etdire que
Le mauvais goût du siècle en cela nous fait, peur
En voyant ces galops, ces polkas, ces sornettes ;
El qu'un homme est penclab'e après les avoir faites.
Nous sommes plus poli que l'irritable Alceste ; sans nous écrier cepen-
dant, comme l'auteur de la Henriade :
C'est du Nord aujourd'hui que nous vient la lumière,
nous dirons franchement à ce compositeur polonais ou russe, et sans
intention de jouer sur le mot , qu'affranchi depuis longtemps du joug
de l'école musicale, nous ne sommes pas professeur de musique facile,
et que nous avons peu compris la nécessité dans laquelle ce monsieur
s'estera placé de savoir l'opinion qu'on aurait à Paris des polkas com-
posées à Saint-Pétersbourg.
Et. maintenant, après avoir cité quelques beaux vers de nos premiers
poètes, parlons de ceux qui, à l'époque où nous sommes, pourraient
servir à envelopper les bonbons classiques de Rerthelemot, Marquis, etc.
MM. Flan, Lorrain et Moineaux ne sont pas sans avoir quelques droits
à cet approvisionnement. Nous avons entendu dire qu'il est très-difficile
de faire de la bonne musique sur de bons vers, et nous sommes de cet
avis. L'inspiration mélodique est plus à son aise et se joue mieux sur
des paroles médiocres. C'est ce qui est arrivé à M. Paul Henrion à pro-
pos de plusieurs de ses romances et de la oanzonnetta intitulée la Pa-
vana, mélodie hardie, originale et chantée délicieusement par MmeGa-
veaux-Sabatier à l'audition de l'album de M. Henrion. Nous rendrions
un compte plus détaillé de ce recueil s'il nous était parvenu plus tôt .
mais ne l'ayant reçu qu'au dernier moment, nous ne pouvons dire que
sommairement qu'il est digne des précédents du même compositeur.
Dans le concert dont cet album a été le prétexte ou le sujet, on a en-
tendu de fort jolis morceaux de M. Frédéric Brisson, entre autres son
Hymne triomphal, pour deux pianos, que Mlle Roux, jolie et brillante
pianiste, a exécuté triomphalement avec l'auteur : puis Jadis et Au-
jourd'hui, fantaisie en style rétrospectif et actuel mis en contraste in-
génieusement. Pourquoi, afin de compléter ce contraste , M. Brisson
n'a-t-il pas terminé la première partie de ce morceau par une fugue,
sinon complète, du moins par l'exposition avec la réponse au sujet d'un
morceau de ce genre? Qui sait? Parce que M. Brisson, qui est un char-
mant pianiste, ne connaît pas sans doute les règles et les conditions de
la fugue. Qui sait encore? Il est peut-être de ceux qui s'en moquent.
Ce ne serait pas un crime, ce serait pis, comme disait M. de Talleyrand,
ce serait une faute, et même un ridicule. Et puisque nous en sommes
sur cette partie essentielle de l'art sans laquelle le style en musique n'a
pas d'avenir, nous citerons ici M. Reichel, compositeur allemand, ex-
cellent professeur de piano, qui connaît et sait mettre en œuvre toutes
les ressources que vous offre la fugue. Ce compositeur consciencieux
nous a fait entendre en son domicile artistique un excellent trio pour
piano, violon, violoncelle, des études, des sonates pour piano et violon,
qui se distinguent par l'inspiration et le savoir. Avec un peu de savoir-
faire, M. Reichel serait déjà placé parmi nos bons pianistes-composi-
teurs.
A propos d'excellents, de grands compositeurs, et d'audition d'al-
bums, nous ne devons pas oublier celui et celle (album et audition) de
M. Bonoldi, concert intéressant qui s'est donné dans la salle Sax, et dans
lequel les auditeurs ont eu la bonne fortune d'entendre trois charmantes
mélodies posthumes et inédites de notre grand Méhul : Adieux du
PÈLERIN-, PlETOUR AU FOYER PATERNEL et le VlEUX PATRE. CeS trOlS mé-
lodies sont des modèles de chants bien déclamés sous lesquels se dis-
tingue une harmonie pure, élégante et pleine de finesse, et de petits
dessins ingénieux. L'authenticité de cette trouvaille artistique est bien
constatée. Il y a dans la forme, dans la mesure, la concision de la phrase
musicale et terminative le cachet du maître. M. Emile Deschamps a mis
sous ces mélodies des paroles bien adaptées à la musique, bien prosodiées .
et des sujets tout empreints de cette poésie lyrique et charmante qu'il
trouve si facilement. Le Hève de Noël, du même auteur, et le Captif,
déranger, ont et émis en musique par M. Bonoldi, et entendus avec
un vif plaisir par l'auditoire dans ce concert qui offrait un plaisir mu-
sical varié. Avec les trois chants du cygne Méhul, on a justement ap-
plaudi Amour e' souvenir, romance pur sang, tendres paroles et musi-
que bien sentie et partant du cœur, par M. Hocmelle , et dite avec une
expression profonde et vraie par Mlle Montigny ; puis M. Fumagalli,
jeune virtuose milanais, d'un talent raide, un peu sec, mais chaleu-
reux et brillant sur le piano, a sillonné ce concert d'une brillante Élin-
c-lle; il a sonné une Cloche d'une, charmante harmonie; il n'a pas
tenu à lui que tout l'auditoire ne dansât sa jolie tarentelle de Luisa,
qu'il ne rêvât de son Nocturne en mi. hé:no> ', qu'il ne pleurât à son La-
menta, à sa deuxième mazurka setdim'ntale, et qu'il ne s'ensorcelât
à sa Buena ventura, cette chanson andalouse d'V'radier, variée et très-
habilement mélangée à une charmante valse par M. Fumagalli.
M. GennaroPerrelli, autre pianiste italien dont nous avons déjà dit
quelques mots dans la Gazette musicale, a donné un- seconde matinée
musicale dans le salon de Mme Lafontaine, où il a joué une belle fan-
taisie de sa composition sur la burina de son compatriote Bellini. Mo-
tifs et arrangement ont été justement applaudis. M. Paul Bernard, pia-
niste français, s'est aussi fait entendre' dans le concert donné pour
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
l'audition de l'album de M. Eugène de Lonlay, dans un des salons conti-
gus de la salle Sainte-Cécile. Comme exécutant et compositeur, M. Paul
Bernard est un peu froid ; mais son jeu est net , ferme et brillant.
M. Giuliani, professeur de chant au Conservatoire, a publié auss
un album sur des paroles françaises et même italiennes. 11 y a de
tout dans l'album de M. Giuliani ; il y a des romances simples et fa-
ciles, de grands airs, des nocturnes à deux voix, des accompagne-
ments aisés et difficiles, une prosodie assez française sur des paroles
de MM. Casimir Delavigne, Béranger, Victor Hugo, Méry, Alfred de
Musset, Crével de Charlemagne, Mmes Desbordes-Valmore et de Gi-
rardin. On pouvait faire un plus mauvais choix de poètes. La musique
du compositeur est un peu dans le genre italien, et bien écrite pour la
voix, quoique parfois dans un diapason un peu haut pour les amateurs
et le salon. Nous avons remarqué la Brigantine, de Casimir Delavigne,
avec paroles françaises et italiennes, et qui est d'une mélodie simple et
bien déclamée à la manière française ; cela ne sent pas Yarioso ilaliano
avec la vocalise obligée, et le bouquet dramatique et final de la mélo-
die italienne moderne.
Les Cloches du soir sont une mélodie assez naturelle sur la-
quelle se dessine d'une façon pittoresque un joli accompagnement de
cloches en carillon, dans lequel interviennent deux mesures d'une tran-
sition enharmonique comme on en trouve peu dans la musique d' al-
bum. M. Giuliani a sans doute voulu prouver par le sien, et par ce
procédé de modulation employé par lui dans d'autres morceaux de son
recueil, qu'il sait écrire aussi bien qu'il sait chanter. Soit ; nous ne lui
contestons pas ce double privilège. Il y a donc luxe de mélodie et
d'harmonie, de grâce et de science, de simplice et de brio dans
l'album de M. Giuliani, excepté luxe de lithographies, qui se réduisent à
un tableau synoptique des sujets qu'il a traités sur le frontispice de son
recueil, sujets réduits à dix petits médaillons dus au crayon exercé de
M. Victor Coindre. Dût-on dire que je tombe en enfance, j'aime les
images comme les enfants ; et ce qui me plaît le plus dans uu album
musical, ce sont les dessins de nos lithographes, qui sont souvent de
charmants tableaux.
— Le théâtre des Variétés, qui se fait moral par les charmantes comé-
dies populaires de l'auteur des Deux anges, de la Gamine , qui va de-
venir largement dramatique par l'engagement de Frederick Lemaître,
essaie aussi de se faire musical. Mme Martinez, non de la Rosa, à moins
qu'il n'y ait des roses couleur d'ébène, Mme Martinez tout court, ou la
Malibran noire, comme quelques-uns la surnomment, a chanté der-
nièrement à ce théâtre, dans une représentation extraordinaire, avec
une voix, un costume, des gestes et un français non moins extraordi-
naires.
La pièce faite pour l'exhibition de tout cela annonce la prétention
d'être de la famille de l'Ours et le Pacha; elle en est comme une co-
médie en trois actes faite par un de nos vaudevillistes, pourrait se
dire la sœur de M. de Poureeavgnac ou des Fourberies de Seapin.
Quoi qu'il en soit, la segnora Martinez chante d'une voix un peu faible,
mais juste et avec méthode, quelques mélodies espagnoles qui ont du
caractère, et auxquelles elle donne une sorte d'originalité par sa pan-
tomime, ses dents blanches, sa manière nationale de jouer, de pincer,
de frôler les cordes de la guitare dont elle s'accompagne, et sur la-
quelle elle marque et bat la mesure avec ses doigts, comme les dan-
seuses espagnoles la marquent de leur taille, de leur pied cambrés.
C'est pittoresque et piquant à voir, à entendre : aussi le public y
court-il.
— Un ouvrage dramatique dans lequel interviennent l'histoire et la
fantaisie, les superstitions du moyen-âge et la poésie, est nécessaire-
ment instructif, curieux, piquant ; ce sont les éléments et les qualités
qu'on trouve dans Y imagier de Harlem, cette légende, ce caprice, cette
chose réelle et fantastique due à deux fantaisistes d'esprit et pleins
d'originalité. Leur œuvre, qui ressemble, par la couleur, à un conte inédit
d'Hoffmann, attire beaucoup de monde au théâtre de la Porte-Saint-
Martin. C'est un succès d'artistes, surtout par le talent si artistique de
Mélinguc. On va le voir comme on croit voir, en les lisant, les faits et
gestes de Méphistophélès dans le Faust de Gœlhe ; et l'on se trouve
écoutant cette pièce variée de tous les prestiges scéniques, et l'on s'y
sent plongé dans une rêverie rétrospective et vague, comme celle
qu'on éprouve devant les belles rosaces en vitraux gothiques et de
mille couleurs qui ornent nos vieilles basiliques.
— On parle de l'engagement de Mme Taccani-Tasca pour la saison
prochaine ou mêmela fin de celle-ci, aux Italiens. C'est une nouvelle dont
on pourrait féliciter les habitués de ce théâtre, car les triomphes de
Mlle Taccani sont encore présents à la mémoire des dilettanti. Voix
bien posée, large, vibrante, vocalisation brillante, bonne méthode,
telles sont les principales qualités de cette cantatrice, mariée aujour-
d'hui au comte de Tasca, que l'Italie appelle son poète national. Unies
ensemble, poésie et mélodie, au point éminent où les portent M. et
Mme Tasea-Tac.cani, sont faites pour le succès.
— Les compositeurs, — ce mot, comme on le sait, est des deux
genres, — les compositeurs d'albums semblent se multiplier; et comme
a dit le poëLe : Ce qui vicie abonde. Il en est plusieurs qui se croient
illustres parce qu'on illustre leurs œuvres par la lithographie. Si un
autre poëte a fait un juste éloge de la méthode en disant :
La grammaire qui sait régenter jusqu'aux rois,
il est de bons et de vrais musiciens qui disent , avec autant de rai-
son, que l'harmonie, la mélodie même, avec sa sœur la prosodie, ont
des règles qu'il n'est pas permis d'enfreindre, sous peine de ridicule ,
s'appelât-on même Victoria et fût-on puissante comme la reine d'An-
gleterre, qui, du reste, est bonne musicienne et joue fort bien du
piano.
Parmi les albums de chant qui foisonnent de plus en plus, il en est
un cette année qui ne nous est passé qu'imparfaitement sous les yeux,
mais dont nous pouvons parler sans crainte d'erreurs. Voilà huit ans
que l'auteur de ce recueil s'est annoncé dans le monde musical ; voilà
huit ans que nous l'encourageons de nos éloges, mais à la condition
que le progrès arriverait... Pourquoi nos espérances ont-elles été dé-
çues ?
Nous sommes trop sincère pour cacher la vérité à l'auteur de tant
de romances, mais trop galant aussi pour le ou la nommer.
Pirouetter n'est point avancer, et les épreuves ne doivent pas se
prolonger indéfiniment, si l'on ne veut pas en faire éprouver de fati-
gantes à ses amis. Henri BLANCHARD.
%* Demain lundi, à l'Opéra, Vert-Vert, précédé de la Douque'ièrc.
*,* Quatre représentations ont été données dans la semaine. Lundi
dernier, Sapho et Vert-Virt composaient le spectacle; mercredi, Robert-
lt-Diabk; jeudi, la Favorite, suivie de la Vivandière ; et vendredi , le Pro-
phète, appelaient la foule, qui n'a pas l'habitude de leur résister. Guey-
mard chantait dans Sapho et dans Robtrt-L-Diable; Roger, dans la Favo-
rite et dans le rrnphète.
%* Mme Castellan, que Paris n'a pas oubliée, est engagée à. Bruxelles :
elle y chantera au Théàtre-ttalien , qui gagnera beaucoup à compter dans
ses rangs un tel auxiliaire.
%* Mme Stoltz va bientôt quitter Paris pour retourner à Lisbonne, où
un brillant engagement la rappelle.
%* Il y aura mardi, à l'Opéra, nne représentation extraordinaire, à la-
quelle seront invités MM. les délégués des départements.
*„* Demain lundi, à l'Opéra-Comique, reprise de Nina, ou la Folle par
amour, pour les débuts de Mlle Favel.
*.j,* Hier samedi, le Théâtre-Italien a repris la Somnambules, chantée par
Mlle Sophie Cruvelli.
*** Dans le Te Deum en actions de grâce, célébré jeudi, 1" janvier, k
Notre-Dame, trois cents chanteurs et deux cents instrumentistes, sous la
direction de M Girard, ont successivement exécuté la Marche, le Vivat,
le Te Deum, composés par Lesueur pour le sacre de l'Empereur, le motet
Urbs btaia, également de Lesueur, le Sanctus, de la dernière messe de
Sainte-Cécile, d'Adolphe Adam, et le Do minus liberavit ?io«, offertoire de
la messe du Saint-Esprit, de Lesueur.
%* A la répétition de la veille, MM. Auber et Adolphe Adam, voulant
se rendre compte de l'effet des voix et des instruments, étaient descendus
dans l'église remplie d'ouvriers de toute sorte, occupés des préparatifs
de la décoration. M. Adolphe Adam a été atteint par un baldaquin qu'on
DE PARIS.
était en train de hisser. Ses lunettes s'étaht brisées dans sa elmte lui ont
fait à l'œil une blessure qui n'offre heureusement aucune gravité.
%* La première représentation de la Quittance de minuit, opéra comi-
que en un acte, paroles de MM. Raymond, Deslandes et Commerson, mu-
sique de M. Yarncy, aura lieu mardi prochain, au théâtre des Variétés.
Mlle Anaïde Huez, sœur de Mlle Zoé Duez, l'artiste de l'Opéra-National ,
débutera dans cet ouvrage.
*„* Le jeune ténor Aimés ne chante pas seulement à l'Opéra; il chante
aussi dans les concerts, surtout dans ceux qu'il donne. Dernièrement , il
s'est fort distingué en disant un air classique dtfphigtnie en Aulide, et une
jolie romance, VAlt-nte, de MM. Uippolyte Lucas et Cohen.
V M. Émilien Paoini , auteur dramatique, a été nommé membre de la
Commission d'examen pour les ouvrages dramatiques, en remplacement
de M. Caritan, appelé à d'autres fonctions au ministère de l'intérieur.
%* Un jeune violoniste, M. Henri Poussard, premier prix du Conserva-
toire en 1849, qui depuis a parcouru avec Mlle Dobré une partie delà
Bretagne et plusieurs villes d'Angleterre, est en ce moment à Paris d'où
il va se rendre à Constantinople. il s'est perfectionné par des études assi-
dues, et partout il a obtenu de brillants succès.
V Albert Sowinski vient de donner deux concerts à Niort et a la Ro-
chelle. Il a fait entendre avec un grand succès son nouveau morceau sur
YEnfant prodigue. Il faut en dire autant de son trio et de sa mélodie sous
le titre d'Invocation à la pué-tie.
%* Le concert d'Ernst, le violoniste sans égal, reste toujours fixé au
14 courant; MmesVéraet Duflot-Maillard s'y feront entendre. Nous avons
déjà publié, dans noire dernier numéro, les morceaux qu'Ernst lui-même
jouera.
%* Voici le programme du concert que donne, aujourd'hui dimanche, la
Société Sainte-Cécile : — 1° Ouverture de l'opéra tVHamlet, M. Stad-
feldt; — 2° Kyrie et Gloria, M. Reichel; les soli seront chantés par
Mmes E. Adam, Lévy ; MM. Vasseur et Bouché (membres de la Société) ;
— 3° Chœur pastoral, M. Vervoitte ; avec hautbois solo exécuté par
M. Romédenne (membre de la Société) ; — W Le Jugement d'rnwr, ode
de Gilbert, mise en musique par M. Wekerlin; les soli seront chantés par
M. II. Adam et Mme II. Adam, Jacob, Lazzarini et Rosay ; — 5" Ouver-
ture de Jeanne d'Arc, M. Gouvy; — 6° Sanctus et Benediitus, M. Gou-
nod; les soli seront chantés par Mlle Poinsot et AI. Gueymard (de l'A-
cadémie nationale de musique) ; — Le Benediclus sera accompagné par
un harmonium des ateliers de M. Debain ; — 7° Chœur de chasse,
M. Caspers.
\* M. Adolphe Adam vient de recevoir la croix de la Conception de
Portugal.
*** Le bal annuel de l'Association des artistes dramatiques n'aura ja-
mais été aussi brillant que cette année. 11 ne reste plus à louer que cinq
loges et vingt places de galeries numérotées. L'empressement des sou-
scripteurs est égal au zèle des dames patronesses; grâce à ce zèle, qui
permet au comité de secourir tant d'infortunes, tous les artistes compren-
nent maintenant la haute portée de cette belle institution.
%*M. le docteur Frédéric Rungenhagen, en la personne duquel l'Acadé-
mie royale de chant de Berlin vient de perdre son vénérable chef, était né
dans cette ville en 1778. Il avait fait ses études musicales sous la direction
de deux maîtres également célèbres comme théoriciens et comme compo-
siteurs, Benda et Charles-Philippe-Emmanuel Bach. On lui doit d'importants
ouvrages sur l'histoire de la musique, sur la composition et sur les diver-
ses méthodes d'enseignement du chant, comme aussi plusieurs œuvres de
musique religieuse, notamment un Te Daim, une messe et des motets. Il
a formé d'excellents élèves, au nombre desquels se trouvait Lortzing, dont
l'art déplore la perte récente. L'Académie royale de chant, que M. Run-
genhagen a dirigée pendant plus de trente-six années, lui a fait des obsè-
ques magnifiques. Les élèves, au nombre de deux cent cinquante, les
artistes du Grand-Opéra et beaucoup d'amateurs, tous vêtus de deuil, ont
exécuté le chant : En Jésu* est notre confiance, et le Requiem de .Mozart. En
tête du cortège funèbre, on remarquait MM. de Bodelschwing, ministre
d'État, Meyerbeer, le comte de Redern, de Kustner, de Hulseu, et la plu-
part des professeurs de l'Université et des autres établissements d'ensei-
gnement supérieur de Merlin.
*„* Hier samedi, la saison des bals a commencé de la manière la plus
brillante à l'Opéra. Plus que jamais, la vogue se déclare : tout annonce un
carnaval tel qu'on n'en a vu depuis longtemps.
CROKIÇUE DÉPaRTEMENTALE.
%* Rouen. — La messe de W'eble a été exécutée à la métropole le jour
de Noël par les élèves de la maîtrise et du grand séminaire, sous la direc-
tion de M. Ch. Vervoitte, maître de chapelle, qui forme, comme nous l'a-
vons dit souvent, des interprètes à la belle et grande musique, avec une
activité et un talent remarquable.
*** Lyon, si décembre. — Le Prophète est toujours de mieux en mieux
interprété : la troisième et la quatrième représentation ont été des plus
favorables à ce magnifique ouvrage, et ont complètement fait oublier
les défectuosités qui avaient entaché les deux premières. Les deux
rôles de femmes sont très-bien chantés : celui de Berthe par Mme Cœu-
riot, et celui de Fidès par Mlle Lacombe ; cette dernière, surtout, fort
avantageusement connue par les succès que la création du rôle de Fidès
lui avait fait recueillir sur plusieurs scènes importantes de la Belgique,
est aujourd'hui une artiste tout-à-fait hors ligne en province. Son jeu
accuse de bonnes intentions dramatiques, sa méthode do chant remar-
quable d'ampleur, sa voix de mezzo soprano considérablement étendue
dans les deux registres Le rôle d'Oberthal est également bien rendu par
M. Dubosc, artiste consciencieux et très-intelligent. Nous nous dispense-
rons de revenir sur les autres artistes.
CHROWIQUE ÉTRANGÈRE.
%f Bruxelles. — Mosquila la Sorcière , opéra-comique , de M. Bois-
selot, l'heureux auteur de Ne touchez pas à la Reine, vient d'obtenir un
brillant succès. Cet opéra est monté avec un soin extrême. Mme Cabel
(Mosquita) a eu les honneurs de la soirée. Sa voix légère a brillé de tout
son éclat; son jeu plein de finesse et de naturel a obtenu tous les suf-
frages. M. Barbot (Manoël), l'excellent ténor, a eu son succès accoutumé.
Citons encore Mme Carman (Bénita), gracieuse dugazon à la voix flexible",
au jeu intelligent; Mme Prévost-Colon, la duègne par excellence, et Pril-
leux (Carasco), qui a tiré un immense parti de son rôle. Il est impossible
de pousser plus loin le talent comique, tout en fuyant la charge. C'est
pour cet artiste une remarquable création. La mise en scène est très-
soignée ; elle est l'œuvre de M. Vizentini.
*Jl Berlin. — L'oratorio de M. Naumann, le Christ, messager de paix,
sera exécuté samedi 31 janvier au profit de la réunion Gustave-Adolphe.
Les soli ont été confiés à Mme Koester, Mlle J. Wagner, MM. Mantius et
Krause. Le roU en sa qualité de protecteur de toutes les réunions Gustave-
Adolphe, a permis que la solennité eût lieu dans la salle des concerts du
théâtre royal. — Par ordre du roi, un concert a eu lieu à Charlottenbourg,
sous la direction de Meyerbeer : les demoiselles Dulcken, Mlle Gadi, le
violoniste Koeckert, ont été invités à y prendre part. — Le jardin-d'hiver,
construit depuis neuf ans, pourra être ouvert au public au mois de fé-
vrier.
*„* Vienne. — L'Enfant prodigue de M. Auber est toujours en grande fa-
veur.
%* Moscou. — Les débuts de M. Joseph Gungl, au théâtre impérial, ont
été des plus heureux ; le Muta'd berlinois a été rappelé à plusieurs repri-
ses , et chaque morceau du programme a été salué des pius vifs applau-
dissements.
Le gérant: ERNEST DESCHAMPS.
— B..e S5»uf anScr, rondo galop ; Orna, polka, et fi'rst&qiiïtn.
polka-mazurka, tels sont les titres de trois délicieux morceaux de piano
que Louis Messemaeckers vient de publier chez J. Benacci-Peschier,
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compositions ont été interprétées, elles ont obtenu un magnifique succès
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tion) A5
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Id. avec piano (9' édition) 36
S0 solfèges à % voix avec piano, op. 41 30
Solfège en clef de fa avec piano, op. 46 36
L'Harmonie renifle facile, op. 44 30
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Méthode complète de piano, op. 46 (21 édi-
tion, '■
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chant, op. 64, net
Cavntines boléros, airs et duos de concerts,
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talogue'.
Méthode complète de chant, op. 40 (2' éd.. ;
Id. des jeunes demoiselles, op. 66.- :
RUE SAINTE-ANNE).
s- écoles primaires, collèges, etc.)
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Dictée musicale sur 200 nouvelles leçons de
solfèges, avec son mode d'emploi. Op. 61. . 4
Méthode de chanta 2 voix, op. 65 25 »
Id. pour voix de basse, op. 53 25 »
3 recueils de 12 vocalises, chaque 18 »
J2 études de prononciation dans le chant
français, op. 52 20 »
S mes-es, dont une de Requiem, Stabat, A n-
liennes à la Vierge, etc.
nota. — Ces méthodes ont été aussi publiées en
langues italienne, espagnole, anglaise et allemande.
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— La Favorite, nouveau quadrille pour piano 4 50 — Ouistiti, polka pour piano 3 »
— La Reine de Chypre, nouveau quadrille pour piano. . 4 50 , — La Pnora, polka pour piano 4 50
— Les Rendez- vous bourgeois, nouv. quat. pour piano. . 4 50 — Tarentelle et galop pour piano U 50
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l'os»* tontes les voix.
Par A. PANSERON,
Professeur de chant au Conservaloi'i
NOli'VffiFLSiES
Solfège.
ABC. musical
Suita de l'A B C
Solfège à 2 voix
Solfège d'artiste
Solfège sur la clef de fa, pour basse-taille et
baryton
Solfège d'ensemble à 2, 3 et 4 voix, en 3 parties
Chaque partio
Solfège du pianiste
Solfège du violoniste
Ouvrages nouveaux.
Solfège concertant à 2, 3 et ti voix ....
En 3 parties. Chaque partie
A l'usage des orphéonistes, des classes
d'ensemble et des pensions.
Solfège à changements de clefs, faisant suite
au Solfège d'artiste, avec basse chiffrée,
net
Solfège progressif à 2 voix, pour basse-taille
et baryton, sans accompagnement, net.
Chant.
Méthode de vocalisation, en 2 parties, pour soprano et
ténor 42fr. »
Petite Édirion.
Piix net.
25 f. »
2 50
25 »
3 50
25 »
3 50
48 »
6 »
42 »
6 »
72 »
15 »
25 »
6 »
48 »
»
42 »
" "
60 »
9 »
25 »
3 »
12 «
6 »
, membre, de la Légion d'Honneur.
ÉBÎBTIOA'S.
43. Méthode de vocalisation, en 2 parties, pour basse-taille,
baryton et contralto 42 »
14. 25 Vocalises faciles et progressives pour mezzo soprano,
précédées de 25 exercices 25 »
15. 12 Études spéciales, précédées de 12 exercices pour so-
prano ou ténor 25 »
16. 12 Études spéciales, précédées de 12 exercices pour basse-
taille, baryton ou contralto 25 »
17. 25 Vocalises et 25 exercices progressifs pour basse-taille,
baryton et contralto 25 »
18 20 Romances et 10 nocturnes à 2 voix, en I volume, net. . 12 »
19. Messe ensolospour ténor et basse-taille et soprano, ad
Ibilum 25 »
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accompaguement de piano ou orgue et mélodium, ad
libitum, net 6 »
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SOMMAIRE. — Théâtre de l'Opéra-Comique, reprise de Nina ou la Folle, par
amour, par II .-•>■-■ Blanchard. — Théâtre do l'Opéra National, la Bulle des
Moulins, opéra en 3 actes, paroles de MM. Gabriel i-t Déforges, musique de
M. Adrien Boïeldieu, par «. Hèquc». — Théâtre des Variétés, la Quittance
de minuit, paroles de MM. Commerson et Raymond-Deslandes, musique de
M. Varney. — Société Ste-Cécile, 1" concert, par Henri Blanchard. —
Johanna Wagner. — Correspondance, Berlin. —Nouvelles et annonces.
THEATRE DE L'OPERA-COMIQUE.
Reprise de KI.V.l ou la l'OliIif] PAR AMOUR.
DÉBUT DE Mlle FAVEL.
Cet ouvrage parut en l'année 1786, à cette époque où déjà vibraient
dans le corps social toutes les cordes de la sensibilité humaine. Le su-
jet, qui n'offrait aucune allusion politique, la musique fraîche, char-
mante, vraie, et l'actrice qui jouait le principal rôle avec un charme
infini, donnèrent à la pièce un succès de vogue. Ce succès fut si grand,
si soutenu, qu'on n'était bien venu dans la société que si l'on y appor-
tait, l'on y racontait avec plus ou moins d'esprit et de vérité une his-
toire de jeune fille folle par amour.
L'Italie, qui, depuis bien longtemps, vit intellectuellement de nos
idées et surtout de nos ouvrages dramatiques pour ses libretti, ne
manqua pas de nous emprunter le sujet de Nina, dont un signore
poêla fit la Pazza per amore, que Paisiello, le compositeur à la mode,
mit en musique. La partition del maestro Paisiello obtint un succès égal
à celui de la Nina française, et même lutta de vogue contre il Matri-
moniosegreto, de Cimarosa, qui se jouait alors en Italie, et qui parvint
à cent représentations de suite, pendant que l'ouvrage de Paisiello fut
représenté cent et une fois.
Nous ne savons si la Nina de d'Aleyrac est destinée à un pareil suc-
cès à sa reprise, mais toujours est-il certain que la réapparition de cet
ouvrage a fait le plus grand plaisir. La couleur pastorale du morceau
dit : la Muselle de Nina, et la fameuse romance : Quand le bien-aimé
reviendra, ont produit leur immanquable effet. Le premier chœur :
Dors, cher enfant, etc. ; l'air de Germeuil, fort bien chanté, du reste,
par M. Jourdan, et le duo entre ce même Germeuil et Nina, sont des
morceaux charmants de mélodie et de bonne déclamation scénique.
Et maintenant nous dirons que, si l'on a cru à propos de retoucher
tant de partitions de nos anciens compositeurs, on n'aurait pas mal fait,
ce nous semble, de revoir quelques parties un peu vieillies du dialogue
du sieur Marsollier des Vivetières, qui semble un peu trop rétrospectif
avec ses expressions de feux, de flammes, d'amant, de maîtresse, dont
son poëme est émaillé. Son bon vieillard, père nourricier du père de
Nina, se livre un peu trop à la sensiblerie et à la pleurnicherie, que
l'acteur qui remplit ce rôle exagère un peu, d'ailleurs. Mlle Révilly,
chargée d'un rôle de confidente, d'amie de la pauvre folle, y met un
naturel exquis, une mesure parfaite, une sensibilité vraie, comme si le
personnage était important, ce qui ne fait pas un mince éloge de cette
actrice consciencieuse et soigneuse. Jourdan paraît être animé aussi
de cet excellent esprit dans un acteur, et pratiquer volontiers cette
maxime utile dans l'art dramatique, qu'il n'y a pas de mauvais rôles.
Celui de Nina est excellent, d'un effet sûr, et la débutante, Mlle Andréa
Favel, qui s'y essayait, devait y réussir. Elle est jolie, elle a l'œil ex-
pressif, et, quoique blonde, elle exprime bien, elle exprime peut-être
un peu trop la passion. Qu'elle prenne garde de tomber dans le geste,
dans l'expression et surtout dans l'intonation outrés. Nous ne lui dirons
pas, comme Talleyrand à ses agents politiques : Surtout ! pas de zèle ;
mais nous recommanderons à Mlle Favel de ne pas mettre trop de zèle,
car alors on dépasse le but, on grimace et l'on chante faux.
Pourquoi pas la rose traditionnelle dans les cheveux quelque peu
épars de Nina, et pourquoi cette demi-guirlande de trois roses presque
pompon derrière la tête ? I.a folie est si bien arrangée dans ce rôle, que
le costume peut bien l'être aussi.
Mlle Favel a été fort applaudie; on lui a lancé force bouquets. Un de
ces bouquets mal jeté a été suivi de sa large enveloppe en papier blanc,
qui est descendue lentement comme un de ces joujoux que les enfants
ont mis à la mode et qu'ils nomment un parachute. La jolie débutante
n'a pu y voir une allusion, car son succès a été complet, c'est-à-dire
cris enthousiastes et rappel après la chute du rideau. H. BLANCHARD.
THEATRE DE L'OPËRA-NATIONAL.
I.t BUTTE DR^ MOI I.INS.
Opéra en trois actes, paroles de MM. Gabriel e£ Deforges, musique
de M. Adrien Boïeldieu.
(Première représentation le 6 janvier.)
L'Opéra-National lutte contre les difficultés de la situation avec un
courage et une activité qu'on ne saurait trop louer. Six semaines sont
écoulées à peine depuis la première représentation de la Perle du
Brésil, et voici qu'un autre ouvrage en trois actes (et, si nous le vou-
lions bien, nous pourrions dire en quatre actes) est venu prendre
place dans son répertoire à côté des œuvres de Félicien David et de
Boisselot. Ceux qui connaissent tousles obstaclesqu'il fautsurmonter pour
amener un opéra nouveau devant la rampe, la longueur des études, le
nombre de répétitions nécessaires, les difficultés de la mise, en scène,
les grandes dépenses qu'exigent les décorations et les costumes, ceux-là
seuls comprendront tout le mérite d'une pareille activité.
Le sujet de la Bulte des Moulins se rattache à cette abominable his-
toire de la machine infernale, qui a tant effrayé nos pères. Ce
n'est pourtant pas, à proprement parler, une pièce politique. Les au-
teurs n'y prêchent aucune doctrine, n'y inspirent aucune passion, n'y
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
arborent le drapeau d'aucun parti. L'événement politique ne joue dans
le drame qu'un rôle secondaire, et n'y figure que comme moyen. Le
fait principal, autour duquel gravitent tous les incidents, c'est le chaste
et délicat attachement qui unit M. Eloi et Mlle Mariellc Brichard, et que
viennent traverser une fou'e d'intérêts contraires et d'accidents im-
prévus.
Eloi est Auvergnat et porteur d'eau. Ces deux qualités vont assez
naturellement ensemble. Nous soupçonnons fort Mlle Marielle d'être
également originaire d' Aurillac ou de Saint-Flour. Elle porte le costume
en usage dans ces lieux élevés ; elle en parle quelque peu le langage ;
elle chante : A l'eau ! avec une grâce inlinie, et danse très-agréable-
ment la bourrée, el son père, M. Brichard, autre porteur d'eau, si notre
mémoire est fidèle, a l'instinct du calcul assez prononcé pour qu'on
n'ait aucun doute sur sa provenance. 11 a promis sa fille successivement
à Robert, frère d'Eloi, qui s'est engagé comme tambour, et qui n'a
point reparu depuis cinq ans. Marielle était encore enfant : mais en cinq
ans une fille fait bien du chemin. Le bruit de la mort de Robert a
couru, son frère Eloi a cru pouvoir se présenter, et le cœur de Marielle
n'a fait aucune objection aux prétentions d'Eloi. Le père Brichard à
donc donné sa parole au bon Eloi, comme il l'avait donnée au brave
Robert. Malheureusement pour Eloi, le porte-sonnette du commissaire
de police se met aussi sur les rangs. Avoir pour gendre un fonction-
naire public ! cela est bien tentant. D'ailleurs M. Dorliton a des procé-
dés magnifiques, et, dans l'occasion, il ne ménage pas les petits verres.
Entre deux libations, le père Brichard, qui, dit-il, n'a que sa parole, la
laisse encore une fois échapper.
Voilà donc la partie engagée. A qui appartiendra la belle ? Qui l'em-
portera, de l'industriel, de l'administrateur ou du guerrier? Car, vous
vous en doutez bien, Robert n'est pas mort; loin de là! il a fait son
chemin : il est tambour-major de la garde consulaire, et le voilà de
retour dans tout l'éclat de sa gloire, dans toute la splendeur de la
grande tenue, pantalon blanc à franges d'or, habit merveilleux, dont
l'étoile disparaît sous les galons, tricorne qu'ombrage un panache gi-
gantesque, canne à pomme d'argent; et des gestes! et des poses! et
ce langage vainqueur auquel l'oreille d'une fille d'Eve n'est jamais
fermée! Notez que de son côté Dorliton ne se néglige pas, et que son
habit couleur de cannelle, son petit chapeau tn bateuv, qu'il porte au-
dacieusement sur l'oreille, sa cravate blanche à coins brodés, son gilet
de satin rayé et ses breloques ne manquent pas d'agrément. Le pauvre
Eloi n'a que son cœur et son tonneau : comment Marielle résistera-t-
elle à de si puissantes séductions ?
Vous voudriez bien savoir ce qui en arrive ! Nous ne vous en dirons
rien. Allez y voir ! Que si vous êtes curieux de connaître ce que vient
faire au milieu de cette intrigue la conspiration du 3 nivôse, un seul
mot vous mettra au fait. Ne savez-vous point que la machine infernale
ne l'ut pas autre chose qu'un tonneau rempli de poudre? Eh bien, ce
tonneau, c'est justement celui d'Eloi , acheté à cet effet par l'un des
conspirateurs. Au milieu- de la fête qui précède la noce, lorsqu'Auver-
gnats et Auvergnates ne songent qu'à se réjouir et à danser, patatras!
un horrible bruit se fait entendre : c'est la rue Saint-Nicaise qui saute
en l'air. Et l'imprudent Eloi , en vendant son tonneau, a oublié d'en
retirer la plaque. Voilà le pauvre fiancé compromis, malgré son inno-
cence. On l'arrête, on va le fusiller : heureusement, son frère, le tam-
bour-major.... Mais nous avons résolu de vous laisser deviner le dé-
nouement.
Tout cela forme une pièce pleine de mouvement, incidentée, variée,
où l'intérêt et la gaité dominent tour à tour et réveillent alternative-
ment l'attention du spectateur; une pièce enfin telle qu'il en faut dans
le qua^ier populaire où l'Opéra-National est situé. Otez-en la musique,
et elle réussirait parfaitement à la Gaîtéou au Cirque-Olympique. Enri-
chie des mélodies de M. Boïeldieu, elle a, comme de raison, double-
ment réussi.
Digne fils de son glorieux père, M. Boïeldieu cherche avant tout la
mélodie, la mélodie simple, facile et agréablement tournée : il la trouve
souvent ; son ouverture en contient beaucoup, • et. des plus heureuses.
Nous ne verrions que du bien à dire de ce morceau si le plan en était
plus sage et le tissu plus homogène ; s'il n'était pas, comme on dit, un
peu décousu.
Il y a dans l'introduction une chanson, soi-disant italienne, pleine de
franchise, d'entrain et de grâce. Le duo qui suit, chanté par Marielle
et Dorliton, commence par une phrase fort élégante, et, changeant bien-
tôt de caractère, abonde en détails comiques, en traits ingénieux et
piquants. On a fort applaudi, au second acte, la chanson : A l'eaul
chantée en duo par Eloi et Marielle, morceau très-franc, et dont la
gaîté est tempérée par des teintes sentimentales d'une grâce char-
mante. Les couplets du porteur d'eau ont moins de distinction peut-
être, mais le rhythme en est vif et d'allure décidée. Tout le monde a
remarqué d'ailleurs l'élégance delà ritournelle qui les précède, et à
laquelle la sonorité du hautbois donne tant de couleur.
Le final du second acte est énergique; il s'y trouve de beaux effets.
Au troisième acte on a justement applaudi un trio chanté par Dorli-
ton, Marielle et Sarah, personnage secondaire, et surtout l'air de Ma-
rielle, morceau d'un très-beau style et que Mlle Rouvroy exécute avec
un véritable talent. Mlle Rouvroy est une cantatrice habile dont la voix
a Une grande étendue, et qui remplit enfin toutes les conditions d'un
premier rôle. M. Meillet est un acteur plein de verve et un baryton
fort distingué. M. Neveu est un bon comique; il faut éviter seulement
de le faire chanter trop haut. M. Junca et M. Fosse s'acquittent fort
bien, l'un du rôle du tambour-major, l'autre de celui d'un émigré ren-
tré, mais honnête homme, qui conspire sans le savoir et fait les ap-
prêts de la machine infernale sans s'en douter.
En résumé, nous n'avons qu'à féliciter M. Edmond Séveste du succès
qu'il a obtenu. G. HÉQUET.
THEATRE DES VARIÉTÉS.
MjA QUITTANCE DE 1!l\liT.
Paroles de MM. Commerson et Raymond-Deslandics,
musique de M. Varney.
Aurions-nous, par hasard, un quatrième théâtre lyrique? Pas encore;
mais M. Varney, qui dirige si bien l'orchestre du troisième, après avoir
fait sa réputation comme chef d'orchestre du Théâtre-Historique, cher-
che et trouve cette quatrième scène musicale partout où il y a moyen
d'exécuter une de ses agréables partitions, tantôt ici, tantôt là, n'im-
porte le degré de latitude, dans toute la longueur des boulevarts. C'est
ainsi qu'il vient de donner la Quittance de minuit, petit opéra, qui s'est
fait une place au milieu d'un répertoire généralement peu musical par
destination.
Eh bien, M. Varney a réussi dans une tentative où tant d'autres au-
raient échoué. C'est toujours un talent que de réussir, et surtout quand
on change les conditions ordinaires du succès, quand on s'en impose
d'autres de sa propre volonté. C'est une des qualités de la musique de
M. Varney, que de se faire toute à tous et à loutis. Elle sait vivre de
privations, se réduire au strict nécessaire, se passer même, et absolu-
ment, de voix, quand il le faut. Trouvez-moi beaucoup de musiques
dont on en puisse autant dire.
Le canevas du hbretto sur lequel a travaillé M. Varney ne manque
d'aucun des éléments qui font les pièces amusantes. 11 s'agit d'une lutte
de stratagèmes et de malice entre la célèbre Gaussin, la Zaïre bien
aimée de Voltaire, et le marquis de Cossé, capitaine des mousquetaires
du roi, grotesque fanfaron de conquête et de bonnes fortunes, ayant
pour antagoniste et rival un charmant petit comte de Brissac, que
Gaussin préfère au marquis, et qui finit par le débusquer. Mlle Gaussin
a invité le marquis à souper, sans le connaître, non pour couronner,
mais pour décourager sa passion. Le petit comte, qui n'a pas le mot
de l'énigme, envoie son précepteur au lieu et sous le nom du marquis.
Cossé arrive, et trouve au rendez-vous un autre Cossé. Quel est le vrai
Cossé? A quels signes le reconnaître? A l'appétit ou au courage? Le
DE PARIS.
lt
ventre à table ou le fer en main? Nous laissons les détails ; l'essentiel
est que le marquis soit berné , que le petit comte triomphe cl que le
public applaudisse. De ces trois choses, il n'y a pas à en choisir une ,
puisqu'elles se sont accomplies toutes les trois.
L'auteur de la partition du Moulin Joli a écrit là-dessus des morceaux
peu nombreux (la qualité vaut mieux que le nombre), entre lesquels
nous citerons l'air : Souvent femme varie, chanté par Mariette, la femme
de chambre, et un trio entre le comte, le précepteur Dubois et la même
Mariette. Mlle Emma Chevallier devait débuter dans le rôle de
Mlle Gaussin : une indisposition l'en ayant empêchée, Mlle Anaïde Duez,
sœur de Mlle Zoé Duez, de l'Opéra-National, s'est substituée à elle dans
le rôle et dans le début ; elle chante beaucoup mieux qu'elle ne parle :
tant mieux pour le musicien. Burgny, le tout jeune premier, Mutée,
Jeaull et Mme Clara Filz-James, s'acquittent fort bien des autres rôles:
tant mieux encore pour le musicien, les auteurs et le théâtre.
H.
SOCIÉTÉ SAINTE-CÉCILE.
Premier concert.
Cette entrée en matière musicale de la saison des concerts a eu lieu
en faveur des nouveaux compositeurs, et la séance s'est ouverte par
l'ouverture d'un opéra d'Hamlet, œuvre lyrique inédite de M. Statdfeld,
jeune Allemand, pensionnaire du roi des Belges, et qui a fait ses éludes
musicales au Conservatoire de Bruxelles. Cette ouverture est une large
et belle préface, de forme un peu romantique, mais dans laquelle inter-
vient un esprit réglé par des procédés classiques. Cela commence par
une suite de trilles verveux altaqués par les violons dans le haut dia-
pason de ces instruments, et sous lesquels se dessinent quelques entrées
mélancoliques des violoncelles. Après quelques modulations un peu
crues, il arrive à l'oreille de lauditeur une belle mélodie en mi majeur.
Le ton d'ut majeur à la tierce inférieure vient là et revient un peu sou-
vent mêlé à la tonalité de mi naturel. Ce que nous nommerons la mé-
lodie capitale du milieu est distinguée et semble avoir une velléité de
ressembler à celle de l'ouverture du Calife de Bagdad ; mais cette si-
militude disparaît aussitôt. Ici se montre, il faut le dire, la plaie de
l'école moderne, l'abus de la modulation. Le compositeur module pour
le plaisir de changer de ton ; l'allure manque de franchise ; le plan se
perd; cela est vague comme les abstractions de l'école allemande.... Il
est vrai que l'auteur peut arguer de la folie de son héros, qu'il a peut-
être eu envie de peindre. Là pourtant se dessinent des imitations dis-
tribuées avec beaucoup de grâce à divers instruments dont la flûte et
les violoncelles font partie, autant qu'il nous en souvient. Enfin les
nuages vaporeux du ciel romantique se dissipent et laissent percer une
énergique et pompeuse mélodie duNord, un chant danois intercalé dans
cette ouverture avec bonheur, et travaillé avec autant de science que
mis en œuvre avec inspiration. Cet emprunt volontaire donne à l'ouver-
ture de M. Stadlfeld un cachet de grandeur et d'énergie sauvage ; elle
se mêle aux bruits de guerre , au tambour employé d'une façon origi-
nale dans la péroraison brillante et chaleureuse de cette remarquable
ouverture qui prouve en son jeune auteur une connaissance approfondie
de l'art d'écrire et des procédés les plus brillants de l'instrumentation.
S'il peut se persuader, ce qui, dit-on, ne lui sera pas très-facile, qu'un
auditoire français est capable de l'apprécier à sa juste valeur, qu'il se
produise encore par une nouvelle œuvre ou par la même , et nous
croyons pouvoir lui garantir de nombreux applaudissements.
M. Reichel , bon compositeur classique, a fait dire, dans ce concert
presque spirituel par le nombre des morceaux religieux, un Kyrie et
un Gloria d'un bel effet et surtout d'un style sérieux. Après ces deux
morceaux on a dit un charmant chœur pastoral avec un accompagne-
ment de hautbois obligé, joué par M. Romédenne , et composé par
M. Vervoitte, maître de chapelle de la cathédrale de Rouen. Ce mor-
ceau, plein de grâce et de fraîcheur, a provoqué les applaudissements
de l'auditoire.
Le Jugement dernier, de Gilbert, a été mis en musique avec chœur
et une riche instrumentation qui ne laisse pas assez entendre les paroles
fort belles, comme on sait , par M. Wekerlin , qui dirige avec autant
d'intelligence que de zèle les choristes de la Société de Sainte Cécile.
Ses pensées mélodiques sont larges, belles, mais peu originales. Son
harmonie est un peu trop plaquée, un peu lourde. Quoi qu'il en soit,
ce compositeur est jeune, ardent ; il possède bien son instrumentation,
et ce n'est pas ici notre dernier jugement sur son Jugem°nt dernier.
L'ouverture de Jeanne d'Arc, par M. Théodore Gouvy, manque aussi
de cette puissance créatrice qui réveille, frappe un auditoire, et qu'on
appelle enfin originalité. M. Gouvy s'est déjà révélé symphoniste habile,
et il avait donné le droit aux auditeurs compétents d'attendre mieux de
lui. Excepté une mélodie religieuse d'un assez bon caractère de sim-
plicité rétrospective et qui peint probablement la prière de l'héroïne de
Vaucouleurs, l'ouverture de. Jeanne a" Arc peut servir de préface au
premier opéra venu.
M. Gueymard, qui a fait de si grands progrès depuis peu de temps,
et Mlle Poinsot, tous deux de l'Académie nationale de musique, ont
dit un Sanclwi et un P.enedictus de M. Gounod. Le premier de ces deux
morceaux est très- remarquable; il tranche en quelque sorte une ques-
tion musicale importante, à savoir quel doit être de notre temps le
style de la musique sacrée. On ne peut nier que ce ne soit celui em-
ployé par M. Gounod dans ce Sanctus, avec solo et chœur, chanté par
M. Gueymard. Cela est grandiose, inspiré, puissant et religieux, bien
que ce ne soit pas une musique fuguée ou rétrospective comme celle
de Palestrina, ou sans règle ni unité de pensée, comme en font beau-
coup de ses successeurs. Le Benediclus de M. Gounod n'est pas à
beaucoup près aussi saisissant que le morceau qui le précédait.
Le concert s'est terminé par un Chœur de chasse de M. Caspers,
que je féliciterais ce compositeur d'avoir écrit , si je ne pensais en ce
moment à ceux que nous a laissés Weber.
Henri BLANCHARD.
•10UA3V4 \VI«\ER.
Mlle Johanna Wagner occupe aujourd'hui le premier rang parmi les
cantatrices dramatiques de l'Allemagne. Cette éminente artiste a passé
les premières années de sa jeunesse à Wurzbourg, en Bavière, où ses pa-
rets étaient attachés au théâtre de cette ville. De bonne heure, Johanna se
faisait remarquer par le timbre mélodieux de sa voix. Aussi elle chantait
et jouait le rôle du bon génie dans les opéras-féeries qui étaient alors en
vogue.
A quinze ans, Mlle Wagner débuta avec succès par le rôle d'Abigaïl
dans le l'erré d'Eau , au théâtre de Ballenstad ; puis elle joua successive-
ment Preciosa, E*mèraUla; elle fit une grande impression dans le rôle de
Cordélia (Roi Léar). Dès cette époque, son talent, en se développant, ten-
dait vers les deux extrêmes : la grâce enfantine et l'énergie tragique.
On voit que Mlle Wagner s'était destinée d'abord au drame. Toutefois,
sous la direction de ses parents, qui tous les deux se sont fait une réputa-
tion dans l'artdu chant, la voix de notre jeune comédienne avaitété suf-
fisamment cultivée pour la mettre à même de débuter dans le rôle du
page des Huguenots.
La puissance et le volume de son merveilleux organe allaient en crois-
sant de jour en jour, au point que, malgré son extrême jeunesse, on lui
confia le rôle de Catarina (Reine de Chypre). L'éclatant succès qui cou-
ronna cette tentative décida Mlle Wagner à quitter définitivement le
drame pour l'opéra. Son oncle, AI. Richard Wagner, l'appela auprès de
lui à Dresde, où il remplissait les fonctions de maître de chapelle. Toute-
fois, avant de se rendre à cette invitation, Mlle Wagner fit avec son père
un voyage à Paris, où elle prit des leçons de Garcia pendant six mois. A
son arrivée à Dresde, elle fut engagée pour cinq [ans au théâtre de la
Cour.
A partir de cette époque, la jeune cantatrice se chargea successive-
ment des rôles appartenant au répertoire de Mme Schroeder-Devrient ,
qu'elle s'était proposée pour modèle, sans la copier servilement : Valen-
tine, Fidelio, Agathe (Freischiitz) lui fournirent l'occasion de faire valoir
son talent et d'accroître sa réputation.
La veille du jour où éclatèrent à Dresde les mouvements politiques du
mois de mars, Mlle Wagner était partie pour Hambourg pour y donner des
12
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
représentations, et quoique complètement inconnue dans cette ville, elle
y fit furore.
Le théâtre ressentit le contre coup des événements : le contrat qui at-
tachait Mlle Wagner à cet établissement fut résilié : elle retourna a Ham-
bourg , où , la première en Allemagne, elle chanta le rôle de Fidès. La
puissance de sa voix, l'énergie dramatique de son jeu lui valurent de nou-
veaux applaudissements. De Hambourg , sa réputation se répandit dans
toute l'Allemagne. Mlle Wagner y joua avec le plus brillant succès à
Vienne et a Berlin ; dans cette dernière ville, elle y accepta un engage-
ment pour un an ; elle y remplaçait Mme Viardot dans le rôle de Fidès,
et parvint à l'y surpasser encore, tant pour le chant que pour l'expres-
sion dramatique. Grâce à elle, les chefs-d'œuvre de Gluck et de Spontini
sortiront tout resplendissants de la poudre des cartons où ils sommeil-
laient depuis de longues années.
Mlle Wagner s'était concilié, en peu de temps, la faveur de la cour et
du public : l'intendant royal de l'Opéra dut songer à l'attacher pour la
vie à cet établissement. On lui offrit un engagement de dix ans à des
conditions qui, jusque-là, n'avaient été faites à aucune cantatrice en Al-
lemagne ; mais nous croyons savoir qu'une clause insérée dans le contrat
réserve à la jeune et grande artiste un congé de six mois par chaque an-
née. Elle en profitera, sans doute, et nous en profiterons nous-mêmes, si
nos espérances et nos vœux se réalisent dans le sens de nos prévisions.
Pour résumer en un seul mot l'effet que produit Mlle Wagner sur la
scène, nous dirons que ce qui caractérise son apparition et le genre de
son talent, c'est la noblesse : ses traits sont nobles, sa taille est noble, ainsi
que sa démarche et ses mouvements, même dans les moments de l'entraî-
nement le plus passionné. Sa méthode est aussi distinguée que conscien-
cieuse ; ne faisant jamais de concessions au mauvais goût, ne visant jamais
à l'effet, elle produit des émotions profondes par une noble simplicité et
un organe d'un volume extraordinaire, tel que nous en avons rarement
entendu. Heureux les directeurs de France et autres pays qui sauront s'at-
tacher, ne fût-ce que par inten ailes, ce rare et merveilleux talent, des-
tiné à marquer une époque dans les fastes du théâtre et de l'art lyrique !
J. B.
CORRESPONDANCE.
Berlin, 27 décembre
Si nous établissons notre budget musical annuel, nous trouverons que
le bilan, comparativement à bien d'autres Etats, est en notre faveur, tant
pour l'année qui vient de s'écouler que pour celle qui commence. Toute-
fois, ne craignez pas que je vienne vous ennuyer avec des chiffres et des
calculs; je me bornerai à récapituler les chapitres principaux des lecetles
et dépenses.
Parmi les recettes, et même les plus brillantes, je citerai les soirées de
symphonies, qui, cette année, ont été reprises un peu tard, la première
chambre ayant d'abord tenu ses séances dans la salle. Par bonheur, les
orateurs ont attendu pour se faire entendre, l'inauguration de leur propre
salle; car, je dois en convenir, je préfère de beaucoup l'harmonie de
Haydn, de Mozart et de Beethoven aux cacophonies de l'éloquence parle-
mentaire. C'est ainsi que j'ai plus de plaisir à voir M. Taubert. dirigeant à
la tribune les excellentes exécutions de la symphonie en la mijrur de Bee-
thoven, de la symphonie en ut majeur de Mozart, que je n'en aurais eu à
voir M. de Auerswald au fauteuil du président, cherchant à diriger et à
maintenir dans la bonne voie les épanchements de la faconde parlemen-
taire. Nous avons eu trois de ces admirables concerts instrumentaux dans
le courant du mois dernier. Une de ces soirées, celle du 17 décembre,
jour anniversaire de la naissance de Beethoven, a été consacrée tout en-
tière aux œuvres du grand maître.
L'Académie de chant nous a donné dans son Exeter-Hall un grand ora-
torio de Haendel : Judas Machabée, avec toutes les ressources de cet éta-
blissement.
Au théâtre, enfin, nous avons eu diverses grandes représentations, dans
lesquelles ont rivalisé Mme J. Wagner et Mlle Kœster. Nous citerons, entre
autres, la reprise cVOlympie, de Spontini; — la Vestale sera donnée in-
cessamment, avec Mme Kœster (Julie) et Mlle J. Wagner (grande-prê-
tresse) ; — Lucrèce Borgia, où Mlle Wagner électrise l'auditoire; Oberun,
Fidelio; dans ces deux opéras, Mlle Wagner chante alternativement avec
Aime Kœster le rôle de Rezia (Oberon), et de Fidelio ; Don Juan, Roméo
et Juliette, Figaro, Robert- 'e-Diable, etc,
Voilà pour les recettes, qui ont été abondantes ; nous en venons actuel-
lement au triste chapitre des dépenses : c'est !a mort qui les a encaissées.
Cela a l'air d'une plaisanterie : mais j'avoue que je ne suis nullement dis-
posé à plaisanter. J'ai mentionné plus haut l'exécution de Judas Macha-
bée; elle a été de mauvaise augure : c'est la dernière qu'ait dirigée le res-
pectable directeur de l'Académie de chant, le professeur Uungenhagen,
Le jour de Noël , nous avons enterré solennellement cet artiste de mérite,
qui pendant plus de cinquante ans a fait partie de l'Académie; il a été
directeur pendant dix-huit ans, depuis la mort de Zelter. Cette institu-
tion, qui existe depuis environ soixante ans, n'a eu que trois directeurs :
M Cari Fasch, qui a fondé l'établissement, musicien des plus distingués,
mais vivant dans la retraite la plus absolue, de sorte que, malgré ses
nombreuses productions, parmi lesquelles il y en a de remarquables, par
exemple, une Missa solennis, à seize voix, il est resté complètement in-
connu. Après lui est venu Zelter, qui a dirigé l'Académie pendant vingt-
neuf ans ; puis Uungenhagen. Le choix de son successeur est d'une grande
importance pour le chant religieux et surtout pour l'oratorio.
Une perte plus douloureuse est celle d'une jeune cantatrice qui, avec
s'en talent remarquable, n'aurait pas tardé à se faire une réputation euro-
péenne. Demandez à votre excellente et spirituelle artiste, Mme Viardot-
Garcia, ce qu'elle pense de la jeune Mathilde Ebeling, son élève. Suédoise
comme Jenny Lind, elle avait tout le charme, toute la grâce de sa célèbre
compatriote , dont, à dix-sept ans, elle était la rivale au théâtre de
Stockholm. Elle alternait souvent avec Jenny Lind dans plusieurs rôles ;
un jour elle jouait, par exemple, celui de Suzanne dans le Mariage, de Fi-
garo, où Jenny Lind chantait le rôle de la comtesse ; le lendemain, c'était
vice versa.
Mlle Ebeling, qui était venue à Berlin pour y étudier l'art du chant alle-
mand, y est morte dans sa vingt-deuxième année à la suite d'un refroi-
dissement. Les artistes les plus distingués, M. Meyerbeer et M. de Hulsen
en tête, ont assisté à son convoi. Des dames suédoises ont accompagné les
restes de leur jeune compatriote à sa dernière demeure, et ont paré sa
tombe de fleurs et d'immortelles.
L'année qui commence nous amènera beaucoup d'excellentes choses ;
je vous citerai pour le moment les concerts du chœur du Dôme, qui s'est
fait une si grande réputation l'année passée à Londres ; nous y entendrons
des compositions de musique religieuse par les maîtres de tous les âges ,
depuis Palestrina jusqu'à Mendelssohn ; ces compositions alterneront avec
des œuvres de musique de chambre qui sont rarement exécutées : des
septuors, des octuors, des nonnetti. C'est M. de Kontski qui tiendra le
piano dans les concerts. Mais en voilà assez pour aujourd'hui. Puisse
l'année musicale s'ouvrir chez vous sous des auspices aussi favorables qu'à
Berlin !
L. R.
NOUVELLES.
*** Aujourd'hui dimanche, par extraordinaire , à l'Opéra, la Reine de
Chypre. — Demain lundi, Sapho et Vert-Virt.
%* La Reine de Chypre a été jouée lundi. Mlle Masson y reprenait le
rôle de Catarina , qu'elle avait rempli avec grand succès, il y a quelques
années. Jamais Roger n'avait montré plus de talent dans celui de Gérard.
%* La représentation extraordinaire qui a eu lieu mardi, et à laquelle
le Président de la République avait invité les délégués des départements,
a été magnifique. La rue Lepelletier était illuminée d'ifs de gaz; le vesti-
bule du théâtre rayonnait également; les deux escaliers qui conduisent
aux premières loges étaient tapissés de velours rouge, et de chaque côté
les rampes étaient recouvertes d'une palissade élégante de lierre et de
fleurs blanches. Le foyer étincelait de lustres, de bougies, et il était garni
de tapis, de trophées. La salle était aussi ornée de nombreux trophées
de drapeaux tricolores, surmontés de l'aigle ; les lumières y brillaient à
profusion. Au centre de l'amphithéâtre, on avait construit un dais en ve-
lours, orné de crépines et de torsades d'or, et surmonté de fers de lance
et d'un aigle d'or, les ailes déployées. Sous ce dais, sur une estrade, des
sièges étaient disposés pour le Président de la République, son état-major,
ses ministres. L'orchestre était occupé par la Commission consultative ,
les maires et les délégués des départements. Aux premières loges de bal-
con était placé le corps diplomatique. Les stalles de l'amphithéâtre étaient
réservées aux généraux et aux colonels de toute l'armée de Paris. Les aides
de camp et les officiers d'état-major occupaient les stalles des premières.
Au parterre, au balcon , dans les galeries se trouvaient des officiers de
toutes armes. Les secondes, les troisièmes étaient remplies entièrement
d'officiers, de sous-officiers et de soldats. Les femmes étaient en petit
nombre, comparativement à celui des hommes politiques et des militaires.
Le Président est arrivé à huit heures précises : à son entrée l'orchestre a
exécuté la marche du Triomphe de Trajan, et dans un entr'acte, avec les
chœurs placés derrière la toile, le chant célèbre de la Caravane : La vic-
toire est à nous ! Un rideau de circonstance avait été peint par M. Cambon.
Ce rideau représentait un ciel, et au milieu des nuées on apercevait la
France posée sur un globe portant cette inscription : 20 et 21 décembre.
Une banderolle soutenue par deux Renommées laissait lire ces mots : Vox
populi, vox Dei. Un aigle planait dans les airs. Après les acclamations qui
ont salué l'arrivée du Président, le Prophète a commencé, et l'exécution du
chef-d'œuvre a été digne de l'auditoire. A plusieurs reprises, le signal des
applaudissements a été donné parle Président lui-même. Gueymard chan-
DE PARIS.
13
tait le rôle de Jean de Leyde, Mme Tedcsco celui de Fidès, Mlle Poinsot
celui de Berthe, Obin celui du chef des anabaptistes, et Bréraont celui
d'Oberthal. Les danseurs et le ballet n'ont pas été moins bien traités quii
les chanteurs et la musique.
*„,* Une autre représentation toute différente d'objet et de genre a eu
lieu vendredi au môme théâtre. Molière et la Comédie Française y te-
naient la place principale. l,a musique d.> Lully et l'opéra y figuraient
comme accessoires. Pour fêter l'anniversaire de la naissance de Mo-
lière, anniversaire qui reviendra jeudi prochain, la Comédie- Fran-
çaise avait eu l'idée de remonter aussi complètement et aussi fidèlement
que possible le Bourgioh gentilhomme, orné de tous ses chants, de toutes
ses danses et de tontes ses cérémonies Pour cela, il lui fallait emprunter
le secours de l'Opéra, qui s'est empressé do le lui accorder, mais à con-
dition qu'il aurait la primeur de cette reprise a frais communs L'Opéra
est toujours friand de primeurs. Donc, le Bourgeois gentilhomme, cette
parade immortelle, semée de caractères, de scènes, do traits, qui portent
au plus haut degré le cachet du génie, nous a été rendu sous les traits
de Samson, en compagnie de Provost, Leroux, Mirecour, Maubant, Got,
Delaunay, Mathieu ; de Mmes Augustine Brohan, Thénard, Denain, Mar-
quet. Quelques artistes de l'Opéra : Gueymard, Obin, Chapuis ; Mlles Mas-
son et Dameron, sont venus chanter, aux endroits marqués, les airs et les
duos composés par Lully. Nous parlerons peu de cette exhumation musi-
cale, dont la plus grande partie était connue depuis longtemps. S'il se
trouve des gens qui pensent et soutiennent que, depuis Molière, la comé-
die n'a fait que dégénérer, nous ne supposons pas qu'il s'en rencontre de
même opinion â l'égard de Lully, et qui soient d'avis que cet artiste ait
posé les colonnes d'Hercule dî son art. Au contraire, il faut remercier
grandement la musique d'avoir fait des progrès depuis lui, car elle n'é-
tait alors qu'une lourde et triste psalmodie dans laquelle on pouvait â
peine saisir une idée , un thème, un chant quelconque. Lully est de ces
grands artistes qui gagnent beaucoup à ce que leurs titres à l'immorta-
lité soient laissés dans l'ombre et le silence. Leur publicité n'est bonne
qu'à procurer un de ces plaisirs d'archéologue, les plus tristes et les plus
somnifères de tous. Il est vrai qu'a travers ces débris de chant rétro-
spectif, des airs de danse moderne s'intercalaient à tout moment. C'é-
tait sans doute une douleur pour l'archéologue, mais un vrai réveil pour
l'auditoire. Dans le divertissement final, Mme Laborde a chanté les varia-
tions de Rode avec une audace et une volubilité sous lesquelles beau-
coup d'imperfections se sont dissimulées. Trois ou quatre salves d'ap-
plaudissements et un bis frénétique ont accueilli l'air de bravoure et la
cantatrice. Jamais on n'a vu de succès pareil, et Mme Laborde aurait pu
s'écrier : Monsieur Lully, que y. vous remercie ! La cérémonie turque, oeu-
vre de circonstance, commandée par Louis XIV, en mémoire d'une ré-
cente ambassade, et dont l'à-propos a disparu depuis deux siècles, n'en a
pas moins été rendue avec tous ses détails. Tous les artistes de la Comé-
die-Française, sauf Mlle Rachel, tous les artistes de l'Opéra ont défilé deux
à. deux, trois a trois, quatre à quatre. Les bravos se sont distribués avec
largesse et politesse. Chacun a dû être content, et d'abord le directeur de
l'Opéra, qui a fait une excellente recette, méritée par un concours intelli-
gent; Mlle Plunkett et Saint-Léon, qui terminaient la soirée en dansant
VAldeana, si ardente et si fougueuse, ont eu lieu aussi d'être satisfaits.
On les a applaudis comme si Samson, Mlle Augustine Brohan, Provost,
Mme Thénard, Mme Laborde et tant d'autres n'eussent pas fatigué les
mains bienveillantes : c'est qu'au lieu de les lasser, ils les avaient seule-
ment mises en train.
*** Par une circulaire en date du 6 de ce mois, M. le ministre de l'in-
térieur a décidé que l'Académie nationale de musique, appelée Théâtre de
la Nation depuis 1S48, devrait prendre désormais le titre de Grand-Opéra.
*** Les artistes de l'Opéra se disposent à présenter une pétition à M. le
ministre de l'intérieur pour obtenir le rétablissement des pensions, abo-
lies depuis la révolution de 1830.
%* Aujourd'hui, le Théâtre-Italien donnera la Sonnambula, chantée par
Mlle Sophie Cruvelli.
%* Le dernier jour de l'autre semaine, c'était la reprise de cet ou-
vrage : Sophie Cruvelli s'était chargée du rôle d'Amina ; elle l'a chanté et
joué avec un talent tout â fait remarquable. La jeune cantatrice s'y est
transformée en quelque sorte et s'est montrée sons un aspect vraiment
nouveau. Elle a fait preuve de sensibilité douce, de grâce naïve, et, sauf
quelques élans de voix encore un peu trop vifs, elle a constamment
charmé l'auditoire. Nous la félicitons sincèrement de ce succès, qui mon-
tre à quel point elle peut assouplir sa voix et sa méthode, en les em-
ployant au genre le plus opposé à celui qui lui avait réussi d'abord. Cal-
zolari, indisposé le premier jour, s'est remis aux représentations suivantes.
Belletti chante fort bien le petit nombre de morceaux dont se compose le
rôle du comte.
*** Hier samedi, la reprise de Maria di Rohan a eu lieu pour le début
de Ferlotti et la rentrée de Mme Fiorentini.
V Mme Barbieri-Nini, rappelée en Italie par la maladie de son père, a
résilié son engagement.
%* Mme Castellan achanté pour la première fois â Bruxelles, le 3 de ce
mois, sur le théâtre royal Saint-Hubert. Elle avait choisi Norma, et pa-
raîtra bientôt dans Sémïramide. Son succès ne pouvait être plus brillant.
%* Le concert de Ernst reste toujours fixé à mercredi prochain.
*** Prudent part cette semaine pour Bruxelles, où il donnera quelques
concerts au Grand-Théâtre et fera entendre sa grande composition le
concerto- symphonie et ses ouvrages nouveaux encore inconnus à Bruxel-
les : le- Champs, ses fantaisies sur Grdnr, de Robert, et Asile héréditaire.
%* MM Alard et Kranchomme reprennent leurs séances si intéressan-
tes de musique de chambre, et la première aura liru dans la salle Pleyel,
le dimanche 18 janvier. En voici le programme : 1" 6e quatuor de Mozart
en ut, pour deux violons, alto et basse; 2° 35e quatuor d'Haydn (soi mineur)
pour deux violons, alto et basse; 3" 3e quatuor de Mozart, en mi bémol,
pour un alto et basse; k" trio de Beethoven, en sol, pour violon, alto et
basse. M. Alard jouera le premier violon; M. Armingaud, le deuxième;
M. Casimir Ney, l'alto; M. Franchomme, le violoncelle, et Mlle Meara,
jeune artiste de beaucoup de talent, jouera la partie de piano. La deuxième
séance aura lieu le 1er février prochain.
*„,* M. et Mme Léonard (Antonia di Mendi) viennent d'arriver à Paris,
Le violoniste et la cantatrice y seront également les bien venus, surtout
s'ils veulent bien se faire entendre.
%* Le jeune violoniste Poussard, dont nous parlions dimanche dernier,
porte non pas le prénom de Henri , mais celui d'Horace, qu'il tient du
grand peintre Horace Vernet, son parrain.
*„* Mlle Thérèse Jaurès (de Cardeilhac) vient d'épouser M. Félix Saul-
nier, sous préfet à Épernay.
*,* Voici le programme du premier concert d'abonnement que la So-
ciété Sainte-Cécile donnera, le dimanche 18 janvier, à deux heures :
1° Ouverture de Fittelio, de Beethoven; 2" Las ! il n'a nul mal qui n'a le mal
d'amour, chœur à quatre voix , sans accompagnement, de J. Lefebvre
(1630) ; 3° grand air de Freischiitz , de Weber, chanté par Mlle Stubb ;
i° concerto de piano (en toi , de Mozart , exécuté par M. C. Saint-Saëns ;
5" Hymne du sacrifice, de Beethoven, chanté pour la première fois à Paris;
6° symphonie nouvelle (en la) de F. Mendelssohn. L'orchestre sera dirigé
par M. Seghers. Les chœurs seront dirigés par M, Wekerlin.
V Le jeune compositeur hollandais, Edouard de Hartog, est attendu à
Paris vers la fin de janvier. [1 a en portefeuille plusieurs manuscrits de
compositions nouvelles, telles qu'une vilanelle, une berceuse, des mor-
ceaux caractéristiques pour piano, et de plus, des chœurs sans accompa-
gnement, d'un genre tout nouveau.
*»* Une grande sonate pour piano et violoncelle, composée par Ferdi-
nand Lavainne, vient de paraître chez .Mme veuve Launer, éditeur de
musique; cette œuvre nouvelle du jeune compositeur est digne de figurer
avec les trios, le quintette et le septuor du même auteur, à qui ses com-
positions symphoniques et chorales ont fait depuis longtemps une réputa-
tion aussi durable que méritée.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
Culogne. — Mme Sontag nous a fait ses adieux clans le Barhier de Sé-
ville; elle a chanté le rôle de Rosine avec son talent bien connu et avec
le succès auquel l'cminente cantatrice est habituée depuis longtemps De
Cologne, Mme Sontag est retournée à Francfort, d'où elle doit se rendre
successivement à Stuttgard, Weimar et Hambourg. - La petite violoniste
Marie Serrato a donné ici trois concerts, et ils étaient très-suivis.
*** Berlin. — Le prince Caradja , premier secrétaire de l'ambassade
turque près notre cour, a composé une marche militaire qui, par ordre
du roi, fera désormais partie des marches de l'armée prussienne ; l'éditeur,
M. Bock, est chargé de la publication de l'œuvre du prince Caradja.
— Mme Gadi, cantatrice italienne, qui a eu l'honneur de chanter dans
un concert à la cour, a reçu de la reine un riche bracelet. Aime Gadi doit
chanter dans un concert public daus le courant de la semaine prochaine.
%* Hanovre. — L'opéra nouveau de Marschner : Austin, doit être repré-
senté incessamment au théâtre royal.
%* Leipsig, 30 décembre. - Le Conservatoire de musique de cette ville,
qui doit en grande partie son existence à Mendelssohn-Bartholdy, vient
de célébrer le deuxième anniversaire de la mort.de ce célèbre maestro
par un concert public dont le programme se composait des ouvrages
suivants : le quatuor pour piano, violon, alto et violoncelle, morceau fa-
vori en Allemagne, et qui a été écrit par Mendelssohn-Bartholdy à l'âge
de seize ans; les Variations sérieuses, pour piano, exécutées par M. Mos-
chelès ; les chants : Endroit chéri, Adieu et Vallée de repos; fragment de
l'oratorio intitulé le Christ, dont la partition manuscrite, inachevée, a été
trouvée parmi les papiers de Mendelssohn-Bartholdy. Ces fragments, au
nombre de huit, et dont la plupart sont des chœurs fugues, ont été exé-
cutés par les élèves du Conservatoire, sous la direction de M. Schleining,
l'un des professeurs de cet établissement. La municipalité assistait en corps
à cette solennité musicale.
%* Turin, 28 décembre. — Depuis quelque temps, on joue tous les soirs
sur le théâtre royal de notre capitale, et toujours devant chambrée com-
plète, un opéra nouveau, en cinq actes, intitulé Maria-Giovanna, et dont
la musique est d'un jeune dilettante, M. le due de Litta. Ce gentilhomme,
qui possède une fortune colossale, a fait exécuter à ses frais les décors
et les costumes de Maria-Giovanna , qui sont d'une magnificence sans
exemple à Turin, et qui ont causé une véritable sensation parmi nos ama-
teurs de spectacle.
Le gérant : Ernest DESGHAMPS.
14
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
MUSIQUE DE DANSE NOUVELLE
WQVWi 2aB PÏAXff ©
PUBLIÉE PAR
BRANDUS ET C,B, EDITEURS
103, BLE RICHELIEU.
POLKAS.
F. IHJBCMYIliUBB. l'olka brillante sur le Farfadet 4 »
E. ETïEilSiG. Polka sur Zerline, avec solo de cornet a pistons., 4 50
— Polka sur la Dame de Pique 4 »
— Polka sur l'Enfant prodigue 4 »'
A. FESSY. Polka de l'Hippodrome 3 »
— Polka du Val d'Andorre 3 a
— Elisabeth, polka 2 »
KOB;\fit». L'Eclipsé, polka 2 »
— Jupiter, polka trémolo 2 »
EABITZK1 . Cerrito, polka 2 50
— La Berlinoise, polka 2 »
— Salut à Paris, deux polkas 3 75
— Clémentine, polka 2 50
HUSABD. Californie, polka du Violon du Diable 2 50
— Ouistiti 3 »
— La Priora 4 »
J PASDELOUP. La Rosée, polka du Violon du Diable .... 250
— Rose de Mai, polka du Val d'Andorre. ... 3 »
— Polka du Prophète 4 50
— Polka de la Fée aux Roses 3 »
— Polka sur Zerline, avec solo de cornet à pis-
tons par Denault 4 »
— Polka sur la Tempesta 4 »
PILOUO. Polka sur Giralda 3 »
— Polka sur la Poupée de Nuremberg 4 »
OUIDASiT. Polka bérésilienne 3 »
POLKfrMAZURKAS.
F. BUBG11CLLËB. Blanche, polka-mazurka 5 »
— Polka-Mazurka sur la Fée aux Roses. . . 2 »
DEVOS. Graziosa 4 50
A. DE EiEXOXÇOlJBT. Follette 2 »
.!. PASDfc.lL©i;B». Polka-mazurka sur l'Enfant prodigue . ... 4 »
— Polka mazurka sur la Dame de Pique . ... 4 »
PILODO. Polka-mazurka sur la Tempesta 4 »
A. TALEXT. Diane, polka-mazurka 5 »
— Wanda, polka-mazurka 4 50
SGHO
DAKIELLE. L'Enfant prodigue ' 3 »
— Zerline ou la Corbeille d'oranges 4 »
A. DE LENONCOUBT. Manuelita 3 »
— Henriette 2 50
PILODO. La Dame de Pique 4 »
— Schottisch de (Habille 2 50
— Schottisch sur la Poupée de Nuremberg 4 »
J. PASDEEOUP. Schottisch sur Giralda 4 »
RED0WAS.
DUMOUCIIEBi. Lowitzka, rodowa polonaise 2 »
ETTLlNti. La Tempesta 4 »
F«SSY. Redowa sur le Val d'Andorre 3 »
JOUA. Hélène, redowa 2 »
liABlTZKY. Hedowa-Valse 4 50
J. PASDEEOUP. Pas des Fleurs, redowa du Violon du Diable 4 50
— Redowa sur la Poupée de Nuremberg. ... 3 »
PILODO. Redowa sur Giralda 3 »
— Redowa du Prophète 4 50
— Redowa sur Zerline ou la Corbeille d'oranges. ... 4 »
GALOPS
BlIiSE. Sturm-Marsch, galop 2 50
LABITZKY. Kiquiqui 3 »
— L'Espérance 4 50
CiUKGEi. Galop des chemins de fer 2 50
A. TALEXV. Hercule 5 »
VALSES.
F. BUBGMUIiEEB. Valse brillante sur Ilaydée 6 »
— Grande valse sur le Prophète 5 »
— Valse brillante sur le Val d'Andorre 5 »
— Valse sur Giralda 5 »
— Zerline ou ia Corbeille d'oranges 5 »
— La Dame de Pique 5 »
— L'Enfant prodique 5 »
E. ETTLIXG. L'Enfant prodigue 5 »
— La Dame de Pique ' . 5 »
— La Tempesta 5 »
— Zerline ou la Corbeille d'oranges 5 »
HUSABD. Les Lingots d'or 6 »
— La Poupée de Nuremberg 6 »
— Le Torréador : 6 »
H. BOSEEEE.V Miranda, valse brillante sur la Tempesta ... 4 50
J S rBAUSS. Chants d'allégresse 4 50
QUADRILLES.
HUSABD. L'Enfant prodigue, deux quadrilles. Chaque .... 4 50
— La Tempesta 4 50
— Zerline ou la Corbeille d'oranges, deux quad. chaq. 4 50
— La Dame de Pique, deux quadrilles Chaque. . . . 4 50
— La Poupée de Nuremberg, 4 50
— Le Farfadet 4 50
— Le Toréador 4 50
— Les Clairons de l'armée française 4 50
— Le Palais de Cristal 4 '50
— Une Nuit à l'Opéra 4 50
— La Favorite 4 50
— La Reine de Chypre 4 50
— Les Rendez-vous bourgeois 4 50
PILODO. L'Enfant prodigue 4 50
STBAUSS. L'Enfant prodigue 4 50
— La Dame de Pique 4 50
L'ENFANT PRODIGUE.
N° 1. La Valse 3
2. Pas de la Séduction 5
3. Pas des Aimées 3
4. Pas des Poignards 4
5. L'Orgie 6
6. Marche du Bœuf Apis 3
7. Marche de la Caravane 4
ZERLINE
OD L;i CORBEILLE D'ORANGES.
1. La Valse &
2. La Styrienne 5
3. Les Muses et les Grâces 5
4. Pas chinois 3
5. La Sentimentale et l'Enjouée 5
6. Le Bal d'enfants 5
7. Quadrille des fous 5
8. Le Carnaval de Païenne 3
DE PARIS.
15
ri ici ai par
&m G
KIHTF.URS DE MUSIQUE,
Hue Mette tien, n" ÎO».
I- SÉRIE DES
SUCCES UNIVERSELS
MO JRC JE AUX ME JPIAlWO mFFICMffjES.
F CHOPIN
Op. 6. Cinq mazurkas, a la comtesse Plater. 5 »
Op. 7. Quatre mazurkas, à M. Johns 6 »
Op. 9. Trois nocturnes, a Mme Camille Pleyel. 6 »
Op. 11. 1er concerto, le piano seul 12 »
Op. 20. 1" scherzo . 7 50
Op. 21. 2* concerto, le piano seul 12 »
Op. 23. Ballade 7 50
Op. 26. Quatre mazurkas, au comte Pertlmis. 7 : a
Op. 27. Deux nocturnes, à Mme la comtesse
d'Appony c »
Op. 29. Impromptu 6 »
Op. 31. 2' scherzo 7 50
Op. 32. Deux nocturnes, à Mme la baronne de
Billing o »
Op. 34. Trois valses brillantes : n" 1, en la bé-
mol ; n" 2 , en la mineur j n" 3 , en
fa, chaque 0 »
Op. 35. Sonate et Marche funèbre 9 »
La Marche funèbre seule 5 »
Op. 43. Tarentelle 6 ..
Op 64. Trois valses brillantes ;
N1 1. Dédiée à la comtesse Potocka . 5 »
N" 2. Dédiée a la baronne Rothschild. 5 »
N" 3. Dédiée à la baronne Branicka . 5 »
T SOEHLER.
Variations de concert sur la Norma. . 7 50
Rondino sur le Pré aux Clercs. . . 6 »
Variations de bravoure sur Gustave. 7 50
Variations brillantessur deux motifs de
/ Pvrilani 7 50
Deux fantaisies sur des motifs de V li-
lisire d'amore, 2 suites, chaque. . 6 »
Deux fanlaisies sur des motifs de
/ Puritani, 2 suites, chaque. . . o »
Variations sur la D( rnière penst e de
P.cllini 7 50
Divertissement sur des motifs du Che-
val dehronzf g »
Fanlaisie et variations de bravoure sur
Anna Jlolena 7 50
Amusement de salon, fantaisie sur le
Cor des A Ipes 7 50
Rondino sur les Somnambules de
Strauss 0 »
Uondino sur la Testa delta rosa . . 7 50
Variations brill. sur te Huguenots. . 7 50
Variations brill. sur Guillaume Tell. 0 »
Tarentelle brillante 0 »
N° 3. Adieu, mélodie de Schubert,
transcrite et variée 5 »
Grande polka de salon 6 »
Fantaisie sur ta Favorl/e 9 »
Trois nocturnes élégants, 3 suites, ch. 5 >,
La Suppliante, ballade e »
Fantaisie de concert sur des thèmes de
la Sonnambula <) „
Onzième nocturne 5 „
Douzième nocturne 5 »
Op.
4.
Op.
10.
Op.
12.
Op.
13.
Op.
14.
Op.
14
Op.
15.
Op. 10.
Op. 17.
Op. 18.
Op. 19.
Op.
20.
Op.
22.
Op.
28.
Op.
39.
Op.
45.
Op.
50.
Op.
51.
Op.
52.
Op.
65.
Op.
66.
Op.
69.
Op.
70.
F MENDELSSOHN
Op. 19, 0 romances sans paroles, 1" cahier. . 7 50
Op. 30. \d. 2" id . . . 7 50
Op. 38. Id. 3« id . . . 7 50
Op. 62. Id. 5' id . . . 7 50
Op. 07. Id. 6' id . . . 7 50
Op. 85. Id. T id . . . 7 50
E PRUDENT-
Op 20. Fantaisie sur le grand trio de Robert-
le-Diable 9 n
Op. 33. Farandolï 7 50
Op. 34. Concerto symphonie, le piano seul. . 12 »
Op. 35. Les Bois, chasse 9 •
Op. 36. Allegretto pastoral 9 ..
Grand trio du Guillaume Tell trans-
crit 9 »
Op. 37. Grande fantaisie sur Guillaume Tell 9 »
Op. 38. Robert -le-Diable (air de Greic ) . . . 9 »
Op. 39. Les Champs 9 »
HENRI HERZ
. Op. 36. Grandes variations sur le chœur des
Grecs du Siège de Corintlie. . . 9 »
La marche des Grecs du Siège de Co-
rïnlhe 5 •
Op. 37. Rondo sur un chœur favori de Moïse. 9 »
Op. 50. Grandes variations a quatre mains sur
larriarehefavoritedeGîJf/tafme TWi 9 »
Op. 57. Variations de concert sur une marche
favorite de Guillaume Tell. ... 9 »
Id. avec accompagn. d'orchestre 20 >.
Op. 63. La Clochette, rondo sur un motif de
Paganini 7 50
Op. 69. Rondo militaire sur un air favori du
Serment 7 50
Op. 70. Variations concertantes sur la marche
favorite du l'Iulti e, à 4 mains. . . 9 »
Op. 70 bis. Variations concertantes sur la mar-
che du P/iillte, arrangée a 2 mains,
d'après le duo a 4 mains 9 0
Op. 74- Second concerto 12 >■
Id. avec accompag. d'orchestre. 25 »
Op. 76. Variations brillantes, di bra cura, sur
le trio favori du Pré aux Clercs. . 9 »
Id. avec accompag. d'orchestre. 20 ..
Les mûmes arrangées à 4 mains par Hall 10 »
Op. 78. Variations brillantes sur la cavatine
d'Anna Bolena, Yivi lu 7 50
Op. 82. Grandes variations sur la marche favo-
rite de l'opéra/ Puritan1 9 •
Op. 90. Fantaisie et variations sur la Norma. 9 •■
Id. avec accompag. d'orchestre 20 »
Op. 95. Fantaisie brill. sur l'Ambassadrice . 7 50
Op. 106. Grande fantaisie sur le Domino noir 7 50
Op. 126. Grande fantaisie sur les Diamants
de la Couronne 7 50
Le Stabat de Rossini, partition réduite pour
piano solo, avec accompagnement
de violon, au libitum, par N. Louis 20 »
Op. 136. Grande fantaisie brillante sur la Part
du Diable 7 50
Op. 141. Fantaisie et variations brillantes snr
la Sirène 9 »
S- THALBERG.
Op. 5. Mélange sur Guillaume. Tell. ... 7 50
Op. 9. Fantaisie sur la Straniera 7 50
Op. 14. Grande fantaisie sur Don Juan. . . 9 »
Op. 19. Deuxième caprice 7 50
Op. 27. Grande fantaisie ^ur God save the
Queen 9 n
Op. 02. Andante 7 50
Op. 33. Grande fantaisie sur Moïse 9 »
Op. 36. Impromptu et cadence, étude .... u »
Op. 41. Trois romances sans paroles 6 n
Op. 42. Grande fantaisie sur la sérénade et le
menuet de Don Juan 9 ..
Op. 43. Nouvelle fantaisie sur les Huguenots . 9 n
Op. 45. Thème et étude en ta mineur. ... 7 50
Op. 52. Grande fantaisie sur la tarentelle de
la Muette de Portici 9 »
Op. 59. Marche funèbre variée 7 50
Op. 63. Grande fantaisie sur le Rai hier de
Séville 9 n
Romance variée sans paroles 4 50
La Romanesca transcrite 4 50
Mi manca la voce, de Mosè 4 50
F LISZT-
Op. 1. Fantaisie et variations sur la tyrolienne
de la Fiancée 7 50
Op. 7. Réminiscences des Puritains, grande
fantaisie 9 »
Grande fantai ie sur les Huguenots 12 »
Id. sur la Juive 12 »
Id. sur Robert-le-Duible. ... 12 »
Id. sur Don Juan 12 >•
Adélaïde, de Beethoven, avec points d'orgue. 7 50
Le Moine, de Meyerheer 9 »
Deuxième marche hongroise 7 50
Partitions pour piano des ouvertures de Weber:
Le Ereiscliùtz 9 »
Jubilé 9 »
Obéron ' 9 »
Hexaméron , morceau de concert , grandes va-
riations de bravoure sur la marche des Pv-
ri'cins, composées par Liszt, Talberg, Pixis, *
H. Herz, Czerny et Chopin 12 ■>
Ouverture de Guillaume Tell 9 »
Polonaise des Puritains 7 50
Tarentelle de la Muette de Portici 7 50
ira Soirées mtisicales de Rossini, recueil de
huit ariettes et quatre duos, transcrites pour
piano solo, net 10 "
Chaque morceau séparément :
N° 1. La Promessa 3 »
2. La Regata veneziana 3 75
3. L'Invito 3 "
4. La Gita in gondola 3 "
5. Il Rimprovero s "
6. La Pastorella dell' Alpi 2 50
7. La Partenza 3 »
8. La Pesca 3 "
9. La Danza (larentella) ■*> »
10. La Serenata 3 »
11. L'Orgia 5 »
12. Li Marinari 5 "
16
REVUE ET GAZETTE MUSICALE DE PARIS.
BUAXUU^ EX «", EDITEURS, 103, RUE KIl'HEMEl'.
u si que mm violon
Œuvres de GH. DE BÉRIOT.
CONCERTOS.
Op. 26.
concerto, avec ace. d'orchestre. ... 24
— — de quatuor 18
— — de piano 12
Op. 32. 2e concerlo, avec ace. d'orchestre .... 30
— — de quatuor 24
— — de piano 20
— complet 40
Op. 44. 3e concerto, avec ace. d'orchestre.. . . 30
— — de quatuor. ... 24
— — de piano 20
— complet 40
Op. 46. 4' concerto, avec ace. d'orchestre ... . 20
— — de quatuor ... . 15
— — de piano 12
— complet 30
Op. 55. 5e concerto, avec ace. d'orchestre 20
— — de piano 12
— co nplet 30
Op. 70. G' concerto, avec ace. de p ano 12
— le quatuor seul 10
— l'orchestre seul 20
Op. 73. 7' concerto, avec ace. de piano 18
— le quatuor 10
— l'orchestre 15
ÉTUDES.
Op. 9. Dix études ou caprices p. violon seul. 10
Op. 27. Six études brillantes pour violon seul. 10
Les mêmes avec ace. de piano 15
Op. 29. Trois capric. brill. ou études p. violon 9
Op. 37. Trois études caractéristiques pour vio-
lgn avec ace. de piano 9
Op. 43. Trois grandes études pour deux vio-
lons concertants 9
Op. 75. Premier Guide du violoniste. Etudes
élémentaires en 2 livres :
N° 1, contenant dix études élémentaires,
avec ace. d'un second violon 9
2, contenant dix études de style en l'orme
de petits solos avec ace. de piano. . . 12
AIRS VARIES ET FANTAISIES.
1er air varié élire min., ace. quatuor.
— ace. de piano
2e air varié en ré maj., ace. de quat.
— ace. de piano
4° air varié en mi ace. d'orch. .
ace. de piano.
4" air varié, air montagn rd eu si b.,
ace. de quat.
— ace. de. piano
5« air varié en mi ace. d'orch. .
— ace. de piano
Op. 9. Dix études ou caprices
Op. 12. 6e air varié en la, ace. d'orchestre
ace. de piano
Op.
Op.
Op.
Op.
Op.
15 »
7 50
15 «
7 50
15 »
7 50
15 »
7 50
L5 »
7 50
SUITE DES AIRS VARIES.
Op. 15. 7' air varié en mi, ace. d'orchestre. . . 15 »
— ace. de piano 7~50
Op. 30. Le Trémolo, caprice, ace. de piano ... 7 50
— ace. d'orchestre. 15 •<
Op. 32. Andante et ronde russe, extrait du 2e
concerto, avec ace. d'orchestre 24 »
— ace. de quatuo:". . . . 18 »
— ace. de piano 15 »
— complet 30 »
Op. 42. 8e air varié en re, avec ace. d'orchest. . 15 »
— ace. de piano. . 7 50
Op. 52. 9" air varié en lé, avec ace. d'orchest. 18 »
— ace. de piano.. 9 »
Op. 69. 10e air varié, avec ace. d'orchestre... 18 »
— ace. de piano 9 »
Op. 76. il» air varié, avec ace. d'orchestre.... 18 »
ace. de piano 9 »
DUOS CONCERTANTS POUR PIANO ET VIOLON.
Op. 6. Fantaisie sur le chœur des drapeaux du
Siège de Corinlhe 9 »
Op. 8. Fantaisie sur des motifs de? Moïse 9 u
Op. 10. Souvenir de h Muette de Portici 9 ■
Op. 11. Fantaisie sur des motifs du Comte Ory 9 •■
Op. 13. Variations brillantes en ré, dédiées à
la reine des Pays-Bas 9 » ■
Op. 14. Grandes variations en la mineur, dé-
diées à Mme Cottinet 9 »
Op. 16. F'ant. suides motifs de Guillaume Tell 9 »
Op. 17. Variations sur la tyrol. de la Fiancée. 9 »
Op. 18. Duo brillant sur des motifs de la Sm-
nambula 9 »
Op. 19. Duo brillant en mi, dédié a Mme Ber-
tin de Vaux 9 »
Op. 20. Fantaisie brillante sur les motifs du
Pré aux Cteics 9 »
Op. 21 Duo sur VElisire d'umore 9 »
Op. 22. Duo bril. sur les motifs de / Puritam 9 »
Op. 23. Deux nocturnes sur les Soirées de
Bossuti (2 suites), chaque 7 50
Op. 24. Duo sur les motifs de l'Ambassadrice. 9 •
Op. 25. Duo sur un thème original en si 9 »
Op. 28. Fantaisie sur la Norma 9 »
Op. 31. Duo brillant sur le Domino noir 9 ■
Op. 33. Duo bril. sur des motifs de Zanetla. .. 9 »
Op. 34- Trois nocturnes sur des mélodies de
Schubert :
W 1. Les Plaintes de la jeun', fille
et la Poule 7 50
2.Lajeane Religieuse, Ave Maria
et F Illusion 7 50
3. Le 11 n des A ulnes et la Séré-
nade 7 50
Op. 35. Le Fruit de l'étude, six duos faciles
et brillants (2 suites), chaque 9 n
SUITES DES DUOS CONCERTANTS.
Op. 38. Grand duo sur les Diamants de la
couronne 9 »
Op. 39. Souvenir d'A uber. grand duo 9 »
Op 40. Deux duettini sur le S'abat de Ros-
sini (2 suites), chaque 7 50
Op. 41. Le Progrès, six duos brillants et non
difficiles \2 suites), chaque 10 »
Op. 45. Six morceaux de salon sur des thèmes
originaux (3 suites), chaque 9 »
Op. 47. Grand duo sur Sémiramide 9 >•
Op. 48. Souvenir de Boulogne, deux duos (2
suites), chaque 7 50
Op. 49. Les Intim s, deux duos (2 suites), cl». 7 50
Op. 50. La Soirée, deux duos :
N° 1. La Chasse. 2. Impromptu, ai. 7 50
Op. 51. Duo concertant sur la Part du Diable 9 »
Op. 53. Deuxième grande fantaisie sur Guil-
laume Tell 9 »
Op. 54- Duo brillant sur la Sirène 9 »
Grand duo sur les Huguenots 9 »
— sur Rbei l-le-Diable 9 •■
Op. 56. Grand duo sur \a Barbier ae Séville. . 9 »
Op. 59. Valse 9 »
Op. 60. Grand duo sur la Gazza ladra 9 »
Op. 61 Grand duo sur la Muette de Portici. . . 9 »
Op. 62. Duo brillant sur le Val d'Andorre. . . 9 »
Op. 63. Grand duo sur la Dona del Lago. . . 9 »
Op. 64. Duo brillant sur Hayilee 9 <■
Op. 65. Duo brillant sur le Prophète 9 »
Op. 66. Duo brillant sur la Cenerentola 9 »
Op. 67. Sonate concertant; 9 »
Op. 68. Grand duo sur la Favyrde 9 »
Op. 72. Duo brillant sur le Pirate 9 »
Op. 74. Duo brillant sur Giralda 9 »
Op. 77. Duo brillant sur Y Enfant prodigue . . . 9 »
Op. 78. Grand duo sur la Juive 10 »
Op. 79. Grand duo brill. 'sur la Reine de Chypre 10 »
DUOS POUR DEUX VIOLONS.
Op. 57. Trois duos concertants, 3 suites, chaq. 9 »
TRIOS POUR PIANO, VIOLON ET VIOLONCELLE.
Op. 4. Trio sur des motifs de Robin des Bo'S. 15 »
Op. 58. Premier grand trio t5 »
Op. 71. Deuxième grand trio 15 »
OUOS CONGESTANTS POUR ViOLON ET HA1PE,
ParLABARRE et DE BÉRIOT.
Op. 6. Fantaisie sur le Siège de Corin lie 7 50
Op. 8. Fantaisie sur les motifs de Moïse 7 50
Op. 10. Souvenirs de la Muette d* Portici. . . 7 50
OEuvres de HENRI VIEUXTEMPS.
CCNCERTUS.
Op. 10. Grand concerto, dédié au roi des Belges.
— le violon principal . . 12 »
avec ace. d'orchestre . 36 »
— — de quatuor . 24 »
— ' — de piano . . 24 ■
— ■ complet 50 »
Op. 8. 2' concerto, avec ace. d'orchestre . . 18 »
— — de piano ... 12 »
— ■ complet 25 »
Op. 25. 3' gr. concerto, dédié à Guillaume II,
roi de Hollande.
— le violon principal seul 12 »
— avec ace. d'orchestre. . 50 »
— — de quatuor. . 30 »
— — de piano. . 25 ■>
— complet 60 »
ÉTUDES, FANTAISIES ET AIRS VARIÉS.
Air varié sur le Pirate, avec ace. de piano. . 7 50
Op. 7. Romances sans paroles, avec ace. de
piano, 2 suites, chaque 9 >
Op. 9. Hommage à Paganini, caprice sur des
thèmes de Paganini, avec ace. d'orch. 15
Op. 9. Hommage à Paganini, ace. de piano. . 7
Op. 11. Fantaisie-caprice, ace. d'orchestre. . 20
— de piano ... 12
Op. 15. Les Arpèges, caprice, avec ace. de
violoncelle, obligé et d'orchestre. . 20
— Les Arpèges, caprice, ace. de piano. . 10
Op. 16. Six études de concert avec accompa-
gnement de piano, 2 suites, chaque 9
— Les mêmes p. violon seul, ensemble.. 9
Op. 17. Souvenir d'Amérique, air varié sur
l'air américain Yankee doodle ,
avec accompagnement de piano. . 6
— — de quatuor. . 10
Op. 18. La Norma, fantaisie sur la 4e corde
avec accompagnement d'orchestre. . 20
— — de piano. . 10
Op. 21. Souvenirs de Russie, fant. ace. d'orc. 24
— avec accompagnement de piano. . 9
Op. 22. 1" morceau de salon, air varié avec
accompagnement de piano. . . 6
— 2e morceau de salon, air varié avec
accompagnement de piano. . . 7
Op. 5. Trois rondinos avec ace. de piano :
N° 1. Nathalie 7 50
2. LaTentation 7 50
3. Roberl-le-Diable 7 50
Op. 6. Introduction et variations bril. sur
Ludovic, ncc. de quatuor.... 12 »
— — avec ace. de piano 7 50
Op. H. Fantaisie brillante sur la marche d'O-
letlo, avec ace. de piano. . . . 9 »
— — avec ace. d'orchestre 18 »
OEuvres de ERMST.
Op. 19. Le Carnaval de Venise, 25 variations
burl., ace. de quatuor et de piano. .
Op. 20. Variations sur le Pirate, avec ace. de
piano ou de quatuor
— — avec ace. d'orchestre
Deux morceaux de salon avec ace. de piano :
N° 1. Adagio sentimental
2. Rondino grazioso
Feuillet d'album, étude de Heller, transcrite
pour violon avec ace. de piano
Op. 22. 3e morceau de salon, rêverie, adagio
avec ace. de piano 6
— 4e morceau de salon, Souvenirs du
Bosphore, avec ace. de piano . . 9
— 5' morceau de salon, Tarentelle avec
accompagnement de piano. . . 9
Op. 27. Grande fant. sur des thèmes slaves:
la partie principale de violon. . . 6
avec accompagnement d'orchestre. . 25
— de piano . . 12
complet 30
Op. 29. Introduct. et rondo avec ace. de piano 12
L'orchestre 15
DUtlS CONCERTANTS POUR VIOLON ET PIANO.
Grand duo sur le Duc d'Olonne 9
Grande fantaisie concertante sur Obcron. . . 9
Op. 12. Grande sonate concertante en 4 part. 15
Op. 19. Duo brill. sur des motifs de Don Juan 9
Duo brillant sur des airs hongrois 10
Fantaisie concertante sur les Huguenots. . .10
Duo sur le Prophète 9
La Romanesca, ancien air de danse, avec ace.
de piano et de quatuor. 4 50
Op. 21. Ron io Scherzo à la papageno 9 "
Op. 24. Fantaisie brillante sur le Prophète,
avec ace. de piano 9 »
— L'orchestre seul 9 »
Schuncke et Ernst. Duo brillant pour
piano et violon sur le Pré-aux-Clercs.. 9 »
Heller et Erust. 12 pensées fugitives pour
piano et violon, dix numéros, chaque. . 4 50
PARIS. — IMPRIMERIE CENTRALE DE NAPOLLU.N CH.UX ET C" RUE BEUGÉRE, 20.
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Hoir il llork, 42. Jaegerstr.
Hiehclson.
Sassetti.
Madrid.
Rame.
■:
IV 3.
REVUE
18 Janvier 1851.
■••-il <lc l'Abonnement s
Paris, un un ... 24 fr.
Déportements, Bc'glque et Suisse .... 30
Étranger -11
Annonce».
50 centimes la ligne pour 1 fois
:m centimes In ligne pour :! fois.
20 centimes la ligne pour G fuis.
te Journal pjroît Le Dii
TTE HIUSICALE
101 FÂRÏS,
-ww\AA3S@©\AAn/vv*-
SOMMAIRE. — Exposition universelle de Londres (18e lettre), par Fétis père. —
Concerts, Henri Herz, Ernst, etc., par Henri Blanchard. — Encore des al-
bums, par le même. — Correspondance, Bruxelles. — Nouvelles et annonces.
EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES.
(dix-huitième lettre) (i).
Monsieur ,
La construction des orgues anglaises a joui longtemps d'une réputa-
tion européenne pour le fini de la mécanique. Les facteurs français
n'occupaient alors que le second rang sous ce rapport, bien qu'ils eus-
sent la supériorité pour l'harmonie des jeux; mais les progrès dont j'ai
rendu compte dans deux lettres précédentes ont changé la situation
des choses, et ont fait passer du côté de la France la suprématie en
toutes les parties de l'art. Je dois l'avouer, à l'exception des travaux
de MM. Hill, père et fils, j'ai été frappé de l'imperfection des orgues
anglaises placées à l'Exposition; imperfection qui inspire l'étonnement
lorsqu'on connaît le prix élevé des travaux de ce genre en Angleterre.
René Harris et Bernard Schuiidt l'ancien commencèrent à perfection-
ner les orgues en Angleterre dans la seconde moitié du xvn' siècle, et
furent les premiers qui firent usage des tirages à bascule, pour dimi-
nuer la lourdeur des claviers et les accouplements partiels ou totaux à
volonté. On voit encore aujourd'hui dans la cathédrale de Bristol un
bon instrument à trois claviers, avec pédales d'accouplement sans cla-
vier, construit par Harris en 1685. Sauf quelques réparations partielles,
cet orgue est resté tel qu'il est serti des mains de l'artiste. Byfield,
Parker et Green améliorèrent sensiblement la partie mécanique des or-
gues pendant le xvm* siècle, mais n'innovèrent pas dans la forme des
jeux, ni dans la distribution du vent dans les sommiers. Parmi les meil-
leurs facteurs qui ont travaillé depuis le commencement du siècle pré-
sent jusqu'à l'époque actuelle, on remarque MM. Elliot, Hill, Bishop,
Beringlon, Robson et quelques autres. M. Hill a sur tous un avantage
incontestable de connaissances techniques, de conception et d'esprit in-
ventif par des moyens simples. On a remarqué qu'après un voyage
qu'il a fait à Paris, il y a quelques années, il a changé les dispositions
qu'il donnait habituellement à certaines parties de ses instruments,
qu'il a adopté plusieurs des améliorations importantes de MM. Cavaillé-
Coll. J'aurai à parler plus loin de l'orgue qu'il a placé à l'Exposition
universelle.
J'ai déjà dit que toutes les orgues de l'Angleterre sont faites sur le
marne modèle, quant au nombre et à la disposition des claviers ; elles
(1) Voir les n"1 34, 35, 37, 39, 40, 41,
de 1851, et 1" de 1852.
43, 44, 45, 46, 47, 48, 49, 50, 51,
ne diffèrent que par la quantité et le volume des jeux affectés à chacun
de ces claviers. Dans tous ces instruments on trouve le clavier du grand
orgue, le clavier de récit et d'écho, le clavier appelé orgut de chœur
(choir organ) , qui sert à l'accompagnement du chant et répond à notre
positif, mais qui ne se réunit pas aux autres ; et enfin, le clavier de pé-
dales. Cependant le plus grand nombre d'orgues anglaises est dépourvu
de pédales : celles qui ont été construites depuis vingt-cinq ou trente
ans seulement en ont ; mais les organistes anglais ne sont pas plus ha-
biles que les Français dans l'usage qu'ils en font.
La plupart des grandes orgues sont de 16 pieds ouverts. Je ne con-
nais d'orgues de 32 pieds, d'un grand développement, que l'orgue de
la cathédrale d'York, celui de Birmingham, tous deux ouvrages de
M. Hill, et le grand orgue construit par M. Henri Willis pour l'Exposi-
tion. Ainsi que je l'ai dit dans ma lettre précédente, l'orgue d'York est de
la plus grande dimension et du plus grand développement. Ses 80 jeux
réunis forment un total de 8,000 tuyaux. L'instrumenta coûté 5,000 liv.
st. (125,000 fr.). Il fut construit à la demande du feu comte de Scar-
borough, qui voulut se charger de la dépense ; malheureusement, ce
digne protecteur de l'art mourut avant que l'instrument fût achevé.
Déjà il avait payé 75,000 fr. ; mais l'héritier de son nom et de sa for-
tune refusa de remplir jusqu'au bout ses intentions, et la chapelle,
aidée par les souscriptions de la noblesse et du clergé de la province,
paya les 2,000 livres restantes.
Le grand orgue de M. Willis, exposé au Palais de Cristal, était le
géant de Y Exhibition, car il renferme soixante-dix-srptjeux, dont un
32 pieds ouverts, un bourdon de 32, six 16 pieds .ouverts, trois bour-
dons de 16, douze 8 pieds ouverts, dix prestants et flûtes de h pieds,
dix quintes et octaves aiguës, des pleins jeux qui, réunis, forment un
ensemble de 27 tuyaux sur chaque touche, et dix jeux d'anches, tels
que bombardes, trompettes, clairons et hautbois. Malheureusement, la
puissance, l'effet, ne répondent pas à cette combinaison de moyens,
et la construction de l'instrument est aussi peu satisfaisante dans son
ensemble que dans ses détails. Cette imperfection radicale tient à plu-
sieurs causes que je vais énumérer.
Les jeux d'anches ne sont en proportion, dans aucun orgue anglais,
avec les jeux de flûtes de toutes les dimensions et de tous les systèmes.
Examinons les proportions de l'instrument de M. Willis : qu'y voyons-
nous? Au grand orgue une montre de 16 en métal; un bourdon de 16 ;
deux flûtes ouvertes de 8 pieds (?); un bourdon de 8, accouplé avec
jeu de flûte-traversière brillant, appelé, en Angleterre, c'aribella; deux
prestants (?) ; une flûte ouverte de h pieds en bois ; une quinte ; deux
doubleltes (?) ; un piccolo de 2 pieds; un flageolet de 1 pied ; un plein-
jeu formé de trois registres, formant un ensemble de 9 tuyaux par
touche. Quels sont les jeux d'anches destinés à donner du mordant à
20
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
souvenir, et qui a fait preuve de zèle et de talent. Mlle Teresa Micheli,
ou Michel, pour être plus vrai, a chanté Saint-Michel archange,
strophes bibliques, en bon style vocal, dont la musique est de
François Delsarte, l'excellent professeur de chant, et qui semble s'être
inspiré de Raphaël et de Michel-Ange dans cette mélodie énergique, et
comme Milton devait en entendre dans ses rêveries poétiques, en com-
posant son Paradis perdu.
ERNST-
Le surlendemain, et dans la même salle, Ernst, le célèbre violo-
niste, qui ne s'était pas fait entendre dans Paris depuis fort longtemps,
a donné un brillant concert où il s'est montré dans toute la richesse de
son individualité variée. Après une ouverture de Mendelssohn que nous
avons déjà entendue aux séances de la Société des Concerts, et qui a été
dite chaleureusement par un orchestre supérieurement dirigé par Ber-
lioz, le bénéficiaire a exécuté l'allégro poétique d'un concerto com-
posé par lui. Ce morceau, que nous avons analysé il y a peu de temps
dans la Gazette musicale, est d'une difficulté diabolique, ce qui ne l'em-
pêche pas d'être tout plein d'inspirations mélodiques et d'effets d'or-
chestre remarquables. Pour la tonalité dans laquelle jamais concerto
de violon n'a été écrit, pour les traits excentriques , pour les passages
en doubles octaves, ce morceau est tout-à-fait exceptionnel, el nous ne
croyons pas qu'il y ait en Europe un virtuose violoniste qui puisse en
écrire et surtout en exécuter un pareil. C'est le style Vieuxtemps uni à
celui de Paganini, dont Ole-Bull et Sivori nous ont fait entendre la pa-
rodie. Après cette grande page de concerto gigantesque est venue la
grande fantaisie sur la marche et la romance : Assisa al pie d'unsalice,
de YOlello de Rossini, morceau très-connu de tous les violonistes et qui
réunit tout le brio du style paganinien; et puis l'habile fantaisiste nous
a dit son Élégie non moins connue, et qui a contrasté avec les œuvres
qu'il venait de nous faire entendre. C'était ici l'élégie antique et mo-
derne tout à la fois ; mélancolie et larmes, et plaintes en un style noble
et distingué de tous les temps et de toutes les écoles ; ce sont de ces
chants élevés, de ces cris contenus qui s'échappent d'une âme d'élite,
et qui font sentir et comprendre à tous comment l'art et son interprète
peuvent poétiser les aspirations vers l'avenir, l'absence, les regrets, la
douleur et jusqu'à la mort même.
Dans le rondo-papagene , dont le thème ne se compose que de cinq
notes, l'habile violoniste-compositeur a prouvé autant d'esprit musical
que de dextérité d'archet. En entendant cela et surtout le fameux Car-
naval de Venise, on est convaincu que Paganini n'est pas mort, ou que,
par les lois de la métempsycose, l'âme, les doigts, les caprices, la fougue
et toute l'originalité du violoniste génois sont passés dans le corps
d'Ernst, même dans les points d'orgue, les traits marqués au cachet du
goût des chanteurs italiens. L'auditeur dont l'oreille est fine et l'intel-
ligence exercée, se prend parfois, pourquoi ne le dirions-nous pas? à
désirer que l'habile violoniste abdique un tiers des inextricables et
diaboliques difficultés dans lesquelles semble le pousser celui qui est
apparu à Tartini, pour lui dicter certain trille fumeux. Ernst a été
secondé dans sa belle manifestation instrumentale par les voix de
Mmes Duflot-Maillard et Vera. La première a fort bien chanté un air
italien, et la seconde a dit d'une voix bien exercée par une excellente
méthode une cavatine des Puritains et trois charmantes mélodies de
Gordigiani, dites avec autant de grâce que d'esprit.
On pense, on aime à croire, et l'on a raison en cela, que le célèbre
violoniste ne s'en tiendra pas à celte seule exhibition, comme disent les
Anglais, et que d'autres concerts suivront celui dans lequel il a obtenu
un si brillant succès.
— M. Max-Mayer, fort bon violoniste, a déjà commencé la série des
soirées musicales qu'il donne en son domicile artistique, de quinze
jours en quinze jours, tous les jeudis. On y entend les meilleurs
artistes.
— M. Perrelli, jeune pianiste sicilien, a donné dimanche passé, dans
les salons de Mme Lafontaine, sa troisième matinée musicale, où l'on a
de nouveau apprécié son jeu fin, délicat, peut-être un peu trop fémi-
nin. Mlle Vazelle a chanté là une cavatine de Rossini d'une voix pure,
exercée et sympathique qu'on a justement applaudie.
— M. Mute], chanteur amateur, qui a manqué se faire artiste comme
acteur de l'Opéra-ÎSational, est rentré dans la classe des gens qui chan-
tent pour leur plaisir, et aussi pour celui des auditeurs qu'il reçoit chez
lui, et qui ont aussi le plaisir d'entendre Mme Motel, pianiste au jeu fin,
délicat, qui comprend bien et fait apprécier au mieux la musique de nos
grands maîtres classiques.
— A propos de grands maîtres, Mlle Graever, qui s'est si bien mon-
trée la fervente disciple de ces illustres classiques, dans la matinée
qu'elle a donnée dernièrement chez M. Erard, Mlle Graever, jeune pia-
niste hollandaise, d'un talent réel, va donner chez Herz un concert
qui ne pourra manquer d'attirer toutes les personnes qui l'ont déjà en-
tendue et qui se feront un plaisir d'aller l'applaudir de nouveau.
— Mlle Clauss, autre jeune pianiste, doublement intéressante comme
orpheline et virtuose remarquable, va aussi se faire entendre en public,
et recueillera, nous en som;iies certain, de nombreux et vifs applau-
dissements.
Depuis le jeune Mozart, âgé de huit ans, Paris a toujours eu et pos-
sède encore la primeur de toutes les célébrités mu? icales anticipées ,
sans garantie cependant du gouvernement et de l'avenir.
Henri BLANCHARD.
ENCORE DES ALBUMS.
L'album, dans le vaste champ de la mélodie et de l'harmonie labouré
par tant de compositeurs et de compétiteurs, est, ainsi que nous l'a-
vons dit souvent dans nos fonctions d'analyseur obligé de toutes choses
musicales, un recueil de cantilènes , de romances , de nocturnes qui
sont l'image d'une conversation intime au milieu de l'entretien général
dans un brillant salon ; c'est une suave entrée de flûte ou d'alto dans
un grand drame instrumental. L'album est à la sonate scientifique ou à
l'air de bravoure ce qu'est le roseau qui plie à côté du robuste chêne
luttant contre la tempête, le petit ruisseau dont le joli murmure est
étouffé par le bruit des vents qui font gémir les forêts et hurler l'Océan ;
les albums enfin sont les violettes que l'on voit à peine parmi les belles
et brillantes fleurs dont un parterre est diapré ;
Ce sont petits chemins tout parsemés de roses.
M. Edouard de Hartog, pianiste et compositeur, n'a pas compris l'al-
bum de chant dans ces proportions parfois mesquines et monotones ,
bien qu'il ne soit qu'amateur, ce nous a-t-on dit. S'il a fait orner son
recueil d'une poétique préface en vers par M. Méry, de charmantes li-
thographies par MM. Célestin Nanteuil, Gustave Janet, Jorel, etc.; s'il a
pris des romances, des ballades, des légendes , dont les paroles sont
aussi originales, aussi colorées, aussi intéressantes que toutes celles
mises en musique par les faiseurs d'albums, il n'a pas jeté dans son
recueil moins de pensées musicales que les autres, quoique ce recueil
ne se compose que de six morceaux. Le premier de ces morceaux est
une ballade fantastique, intitulée : Une femme a bord, dont M. Satan
fait tous les frais. Cela commence par un chant en mi bémol, en mesure
à douze-huit , mélodie franche et brave, suivie d'un rhythme à deux-
quatre, sur lequel se dessine le rire infernal exprimé par des trilles,
comme dans les fameux couplets diaboliques du Freischûtz de Weber,
rire du héros ou de l'héroïne de l'aventure ; car c'est le diable qui,
sous la figure d'une femme, s'empare du gouvernail à bord d'un trois
mâts, le diable lui-même qui emporte le navire, le capitaine, le timo-
nier et les matelots, après s'en être faitaimer. Les mélodies et l'harmo-
nie de tout cela sont originales, sauvages, étranges, et, du reste, diffi-
ciles à chanter et même difficiles à accompagner ; car ce n'est point là
de la musique milliflue d'album ordinaire, d'amateurs et de salon.
C'est peut-être un tort de M. Hartog; caria musique et surtout le chant
d'un album doit être écrite par le compositeur en vue de le populariser.
DE CARIS.
21
Nous n'avons pas assez de place pour analyser les aulres pièces de
ce recueil, pour démontrer, par exemple, que le style de l'auteur est
très-varié; que le Dimanche au village, Johanna, Dans ma maison ,
Fleur des champs, sontd'nne toutautre manière, ne semblent pas sortir
de la même plume qui a écrit Une femme a bord et Elle est morte.
Cette dernière romance, dont les paroles sont dues à la plume de M. de
Ricqlès, est toute empreinte d'une douce et profonde mélancolie.
M. de Hartog a dit simplement, par des notes simples, cette douleur
qui s'exhale avec simplicité et sans aucun faste de douleurs et de
pleurs. En écoutant cela, paroles et musique, chacun sera de l'avis de
Méry, lorsqu'il dit dans la préface de cet album :
J'aime ce chant de deuil, où vous montrez un ange
Qui vient de s'envoler de ce globe de fange;
C'est la noble élégie, un hymne des douleurs,
Qu'on entend , l'œil baissé, comme on entend des pleurs.
Au mérite d'écrire de la musique dans un genre qui n'appartient
qu'à lui , on peut dire que M. de Hartog joint celui d'être l'objet d'une
appréciation artistique en de pareils vers.
Nous sommes même retardataire à signaler un album de M. Sivard,
qui est arrivé en temps voulu, et qui renferme de fort jolis morceaux
faits pour survivre à la circonstance, au premier jour, au mois et
même à l'année 1852. M. Sivard est un excellent musicien qui se fait un
devoir et un plaisir de contribuer à la décentralisation de l'art, et i'
prouve par son charmant album que le compositeur départemental vaut
celui de Paris pour la mélodie et légère et facile qui est de tous les
pays, surtout quand elle se manifeste par des polkas, des redowas, des
valses pleines de verve et d'entrain.
Fréron, dans son journal de Y Année littéraire, qui faisait passer de
si mauvais moments à M. de Voltaire, disait, en analysant le Dix-hvi-
tième siècle, beau tableau poétique que Gilbert lui avait dédié : « Ce
n'est point parce que cette satire m'est adressée que je me hâte d'en
parler ; c'est parce qu'elle m'a frappé par l'excellent ton de versifica-
tion, par l'énergie des pensées et des tableaux, etc. » Nous pourrions
dire, à l'exemple du fameux critique : Ce n'est point parce que l'album
de MmeManera nous est adressé que nous nous hâtons d'en parler
Et d'abord, nous ne nous sommes pas hâté de le signaler comme les
autres, parce que l'auteur ne s'est pas trop hâtée de le faire paraître
On conçoit ce retard quand on jette la vue sur les éléments complexes
dont se compose ce recueil intitulé : Keepsake musical, illustré de
trente gravures anglaises. Blanches roses , par Mme Elùa Launer-
Manera, m 31. Gouffé, Sowinski, Hlanera, Bazzoni et Tariec.
On doit trouver extraordinaire, mais on comprend cependant, tant
il est vrai que les arts, et surtout l'art musical, font une puissante di-
version aux plus grandes douleurs, que Mme Manera ait pu composer,
édifier un album aussi compliqué que celui qu'elle publie, après les
pertes cruelles et réitérées qu'elle a faites : c'est que l'affliction, mère
de la mélancolie, est aussi une muse. Les éléments qu'il a fallu coor-
do nner ne se composent de rien moins que d'un grand nombre de poésies
toutes échappées du cœur, de chants venus souvent de la même source ;
de lithographies, de trente gravures anglaises des meilleurs maîtres,
représentant les plus jolies femmes historiques; gravure de musique,
portraits de famille lilhographiés et coloriés, le tout en deux volumes
grand in-octavo, reliés avec élégance. Nous ne soumettrons pas au
scalpel de l'analyse, et encore moins à celui de la critique, ces cris de
l'âme, ces élégies poétiques et musicales d'épouse et de mère, pen-
sant qu'elles trouveront de l'écho et qu'elles seront recherchées par
beaucoup de cœurs atteints et brisés des mêmes douleurs : il est des
esprits nobles et délicats qui trouvent distraction et plaisir dans de
tristes et doux souvenirs.
Si l'on a jusqu'à la fin de janvier pour remettre ses cartes de visite
du premier jour de l'an, l'album doit jouir du même privilège; et celui
de Mme Manera peut réclamer même le bénéfice de cet axiome : Aux
derniers les bons.
Henri BLANCHARD.
CORRESPONDANCE.
Bruxelles, 15 janvier 1852.
Mnnsii.'iir
La chose du jour, en musique, à Bruxelles, c'est la présence de
Mme Castellan. Notre Opéra-Italien avait grand besoin de l'appui qu'est
venue lui prêter cette artiste si distinguée. Trois cantatrices d'une virtuo-
sité douteuse, ou pour mieux dire négative, car il n'y avait aucun doute
sur leur nullité, trois cantatrices donc s'étaient présentées pour tenir
l'emploi de prima donna, et avaient été repoussées, non par les rigueurs,
car nos dilettantes ne sifflent pas plus que ne le font ceux de Paris ou de
Londres, mais parla froideur du public. Notre première chanteuse légère
était obligée de se prodiguer pour faire face aux exigences du répertoire,
et d'aborder successivement tous les genres : Rosine aujourd'hui , Desde-
mona demain. Mlle Bertrandi a du talent; mais, toute légère qu'elle est,
et vraiment elle l'est du côté de la vocalisation, elle ne pouvait continuer
longtemps à faire ce double et fatigant service. Heureusement, voici
Mme Castellan qui vient à son aide.
Mme Castellan voulait débuter par la Lucia; mais vous savez combien
i de certains publics sont rigides observateurs de la distinction des emplois.
Le rôle de Lucia est du domaine de la chanteuse légère; or, il fallait que
l'imprésario offrît à ses habitués une forte chanteuse. Mme Castellan a
donc été moralement obligée, pour ne pas mettre ce brave homme dans
l'embarras, de choisir une autre pièce. Ce fut Norma qui servit à sa pre-
i mière apparition. Lucia vint ensuite, et c'était sans inconvénient , parce
S qu'après avoir constaté que la charmante prima donna était une forte
j chanteuse, c'est-à-dire une cantatrice du genre dramatique, on lui per-
! mit d'être légère par fantaisie. Notre constitution interdit le cumul en
principe, mais il n'a pas prévu celui-là.
Mme Castellan ne se plaindra pas du public de Bruxelles, je vous jure.
Il y a foule à ses représentations, et cette foule ne lui marchande pas les
applaudissements, ni les bravis on ne dit pas encore brava en Belgique),
j ni les rappels, ni les bis, rien, enfin, de ce qui porte lémoignage d'un
i brillant succès. On apprécié (comme il le mérite) ce talent tour à tour
] vigoureux et délicat , puissant et fin , intelligent toujours, que vous con-
; naissez trop bien pour qu'il soit nécessaire que j'en fasse ici l'analyse.
Nous espérions conserver Mme Castellan une partie de l'hiver; mais elle
n'a pu nous accorder qu'un nombre très-limité de représentations. D'au-
] très succès l'appellent en d'autres lieux. Elle paraît pour la dernière fois
ce soir dans t.ucrezia liorgia. L'imprésario allait se retrouver dans son
précédent embarras quant à la forte chanteuse; mais voici que Mme \Iedon',
notre prima donna de l'année dernière, revient, tout exprès pour le tirer
de peine, de Saint-Pétersbourg, où elle se faisait applaudir à côté de
Mmes Grisi et Persiani. Aime Medori achèvera la saison dans l'emploi qu'elle
a déjà tenu brillamment.
Les dernières nouveautés représentées au Théâtre-Royal sont Masquita
la sorcière, de M. Boisselot, et le Démon de la nuit, de M. Rosenhain. On a
reconnu, dans le premier de ces opéras, le talent agréable du compositeur
de Ne touchez pas à la Reine. Le second excitait un intérêt particulier.
Vous n'ignorez pas que M. Rosenhain, fu3fant l'émeute parisienne, a ha-
bité Bruxelles pendant une partie de l'année 1848. Vous savez également
que sa symphonie, à laquelle le public de la Société des concerts a fait de-
puis lors un accueil favorable, a été exécutée pour la première fois par
l'orchestre de notre Conservatoire. On était curieux de comparer le com-
positeur dramatique à l'auteur d'œuvres instrumentales justement esti-
mées. Les formes distinguées de la partition du Démon Je la nuit n'ont
pas trompé l'attente favorable de nos dilettantes. Malgré son titre de grand
opéra, malgré ses récitatifs, l'ouvrage de M. Rosenhain a été exécuté par
les artistes de notre troupe d'opéra-comique. C'est qu'en effet le Démon
de la nuit est un véritable opéra-comique ; c'est qu'il eût été beaucoup
mieux placé au théâtre de la place Favart qu'à celui de la rue Lepelletier.
D'ailleurs, le compositeur n'a pas perdu à cette distribution des rôles, car
nos chanteurs légers ne manquent pas de talent, tandis que nos forts chan-
teurs sont les plus médiocres du monde. M. Rosenhain a eu pour inter-
prètes Mme Cabel , M. Barbot et M. Carman , baryton plein de goût et
digne élève de M. Géraldy.
On annonce pour lundi la reprise du Siège île Corinthe, qui n'a pas été
joué depuis quelque vingt ans. Raymond, de M. Ambroise Thomas, est à
l'étude. Enfin , on compte s'occuper prochainement du dernier opéra de
M. Limnander, notre compatriote.
La Gazette musicale nous a apporté, il y a plus d'une semaine, la nou-
velle du départ de M. Prudent pour la Belgique ; nos journaux l'ont répétée
à leur tour ; mais l'habile virtuose n'a pas encore franchi les murs de
notre capitale, où l'attend avec une curieuse impatience toute la popula-
tion pianotante, laquelle est, proportion gardée, autant et plus considé-
rable peut-être qu'à Paris. M. Prudent n'avait pas encore pris rang parmi
24
REVUE ET GAZETTE MUSICALE DE PARIS.
BUAUBIJS
EDITEURS.
1CK5, i-ue B65e5selien.
E
LECARPENTTIER
Mosaïque sur les Treize, 2 suites, chaque . . 6 ■•
Mosaïque sur le Shérif, 2 suites, chaque ... 0 »
Op. 37. Trois mélodies de Schubert, variées :
N° 1. La Sérénade il 50
2. Adieu 4 50
3. Rosemonde 4 50
Op. 42. Variations brillantes sur la Favorite. 6 »
Op. 54. Fantaisie sur la Reine de Chypre ..Ou
12° bagatelle sur le Lnc des Fée* 5 »
13e — sur Guido et Ginevra 5 »
14e — sur les Treize 5 -
15' — sur le Shérif 5 »
10' — sur la Tarentelle, de Rossini. . 5 *
23' — sur Zanetia 5 ..
Op. 94. Fantaisie facile sur la Sirène .... 5 »
24" et 25e bagatelle sur la Favorite, chaque. 5 »
26e et 27e — sur le Guilarrero, chaq. 5 »
33e et 34e — sur la Reine de Chypre,
chaque 5 »
30' et 37" — sur Charles VI, chaque . 6
44' bagatelle sur O/ello 5
45e — sur/ Puritani 5
46' — sur la Muette de Portici ... 5
47' — sur la Danse des Esprits ... 5
48e — sur Moïse 5
49' — sur le Cheval de Bronze ... 5
50,: — sur le Réveil d'un beau jour. . 5
52e — sur la Barçarqlle 5
53' — sur Guillaume Tell. ..... 5
54° — sur le Philtre 5
55' — sur le S/abat, de Rossini. ... 5
56' — sur le Seiment 5
57" — sur le comte Ory 5
59' — sur Fra Diavolo 5
60 et 61e bagatelle sur les Mousquetaires de
la Reine, chaque 5
63° bagatelle sur le Bm bier de Sétiilte. ... 5
64e — sur la Doni.adel Lago .... 5
65e — sur la Norma 5
66' — sur la Gazza ladra 5
67" — sur II Matriinonio srgreto . . 5
68e — sur la Fianeee 5
69e — sur le Dieu et la Rayadère. . 5
70' — sur tlaliana in Algeri .... 5
71" — sur Lestocq 5
75' — sur Suit ana 5
76" — sur le Siège de Corinthe. ... 5
77" — sur le Pirate ;">
78' — sur Jnconde 5
79' — sur le Tromp. de M. le Prince 5
82' — sur Robert Bruce 5
83' — sur Jeannot et Colin 5
84e — sur Elisire d'amore 5
86" — sur Zelinire 5
87" — sur les motifs d'Hérold 5
88" — sur la Bergère châtelaine ... 5
89' — sur Cenrtrillon 5
00" — sur les Soirée; de Rossini ... 5
91e — sur Aclèon 5
92" — sur Marie- Thérèse 5
93' — sur le Portefaix 5
94' — sur le Malheur d'être jolie . . 5
95' — sur les Chapirons blancs ... 5
98' — sur les Chasses de Labarre . . 5
99' — sur le Billet de Loterie .... 5
100" — sur Tançred' 5
loi" — sur Haydée . . 5
102' — sur la Niobé 5
103e — sur Anna Bolena 5
104' — sur Don Juan 5
106" 1" batelle sur le Val d'Andorre . . . . i
107 2'
108"
109" 1"
110" 2"
116° 1"
117" 2"
122 1"
123" 2"
124' 1"
125" 2"
127" 1"
128' 2"
sur le Val d'Andor
sur le Violon du Diable. .
sur le Prophète
sur le Prophète.
sur la Fee axix Roses . . .
sur la Fée aux Roses . . .
sur l'Enfant prodigue. . .
sur l'Enfant pi odigue. . .
sur la Dame de Pique. . .
sur la Dame de Pique. . .
sur Zerline
sur Zerline
HEM! LMOfflS-
Op. 11. Divertissement sur Guillaume Tell . 5
12' — sur le l'ié aux Clercs 5
13' — sur le galop de Gustave. ... 5
25' — sur Y Ambassadrice 5
26" — sur le Domino voir 6
Bagatelle sur les Diamanh de lu Couronne . 5
— sur la Part du Diable 5
— sur la Sirène 5
Op. 99. Fantaisie sur le Duc d'Olonne. . . 5 »
Op. 110. — sur la Part du Diable . . 6 »
Op. 124. — sur USirène. 7 50
Op. 127. — sur la Barcanillc .... 6 »
Op. 136. — sur les Mousquetaires de
la Reine 6 >.
Op. 137. Les Mignonnes, 3 petites fantaisies,
3 suites :
N° t. Le Domino noir 5 »
2. Les Diamants de la Couronne. ... 5 »
3. Le Pré aux Clercs 5 »
Op. 140. Fantaisie sur Robert Bruce .... 6 »
Fantaisie sur Guillaume Tell 7 50
Fantaisie sur HagU.ee 5 »
Fleurs des Opéras, douze mélanges sur des
opéras favoris de Rossini et d'Auber :
N" 1. Fra Diavolo 6
2. Les Diamants de la Couronne .... 6
3. La Part du Diable, premier mélange . 6
4. La Muette de Portici 6
5. La Sirène 6
6. Guillaume Tell 6
7. Moïse 6
8. Le Domino noir 0
9. La Gazza ladra G
10. La Part du Diable, deuxième mélange 6
11. Haydée. 6
12. Siège de Corinthe 6
CROISEE'
Op. 25. Fantaisie brillante sur la Sirène.
Op. 42. Petite fantaisie sur Haydée. . .
Fantaisie facile sur Robert Bruce. . . .
Op. 47. Fantaisie sur le yald'Àndorre .
Op. 49. Souvenir de la Fée aux Roses. .
Q. &EDLER.
Le Livre d'or des jeunes demoiselles :
Op. 45. 1" bagatelle sur Robert-le- Diable. .
Op. 46. 2* "— - sur la Favorite ....
Op. 47. 3e — sur la Juive
Op. 48. 4" — sur les Huguenots . . .
Op. 49. 5" — sur. la Reine, de Chypre.
Op. 50. 6' — sur Charles VI ... .
Op. 56. 7" — sur le Déserteur. . . .
Op. 74. Variations sur le Lazsarone ....
Op. 79. Les Roses sans épines, en 6 livres :
Liv.l. Huit petits airs faciles
2. Huit petits airs de divers carac-
tères
3. Quatre binettes
4. Trois rondinos
5. Deux divertissements
6. Variations sur un thème original
Op. 98. Valses sur les Mousquetaires de la
Reine
Op. 137. Fantaisie sûr le Val d'Andorre. . .
Op. 141. Fantaisie sur la Fée aux Roses. . .
Op. 144. Fantaisie sur Giralda
Op. 147. Petite fantaisie sur l'Enfant pro-
digue
Op. 21. Variations sur la marche de Moïse. .
Op. 31. Fantaisie sur la Muette de Portici .
Op. 32. — sur le Comte Ory
Op. 42. — sur Fra Diavolo
Op. 54. — sur un motif du Serment. .
Op. 56. — str le Préaux Clercs. . .
Op. 58. — sur Gustave ou le Bal
masqué .
Op. 64. Variations sur Lestocq
Op. 66. Variations sur une cavatine de Bellini
Op. 70. Fantaisie sur le chœur des buveurs de
la Juive
Op. 75 Divertissement sur l'Eclair
Op. 76. Deux divertissements sur les Hugue-
nots, 2 suites, chaque
Op. 85. Une heure de loisir, 3 divertissements
sur des valses de Strauss, 3 suites, ch .
Op. 85. Trois fantaisies sur Guido cl Gine-
vra, 3 suites, chaque
Op. 86. Deux divertissements sur le Domino
noir, 2 suites, chaque
Op. 88. Six bagatelles sur des motifs d'Auber
et de Rossini, 3 suites :
N° 1. Le Philtre, la Fiancée
2. Le Siège de Corinthe , le Cheval de
bronze
3. Guillaume Tell, l'Ambassadrice . . .
Récréations de l'Etude, choix de morceaux fa-
ciles tirés des opéras de. Rossini , Weber,
Meyerbeer, Bellini, Carafa et Beethoven . .
Souvenirs des compositeurs célèbres, ou choix
d'airs favoris d'Auber, Bellini, Rossini, Hé-
rold, 2 suites, chaque
Op. 95. Deux divertissements sur le Lac des
Fées, 2 suites, chaque
Premières leçons de piano, choix d'airs très-
faciles, doigtés soigneusement pour les com-
mençants, 2 suites, chaque
Op. 96. Deux divertissements sur les Treize,
chaque
Op. 99. Deux divertissements sur le Shérif,
chaque
Op. 102. Deux divertissements sur les motifs
de Zaneila, 2 suites:
N" 1. La Chasse
2. Le Galop
Op. 104. Réminiscences italiennes, six thèmes
faciles, 3 suites :
N" 1. Polacca sur un thème do Donizetti,
Ronde sur un thème de Mercadente. .
2. Variations sur un thème de Bellini,
Rondo-valse sur un thème de Rossini
3. Variations sur un thème de Bellini,
Ronde sur un thème de Donizetti . .
Op. 107. Rondo-galop sur la Favorite. . . .
Op. 111. Deux rondeaux sur les Diamants de
la Couronne, 2 suites, chaque . . .
Op. 117. Deux rondos sur le Duc d'Olonne, 2
suites, chaque
Op. 126. Deux fantaisies sur la Pari du Dia-
ble, 2 suites, chaque
Op. 135. Deux fantaisies sur la Sirène, 2 sui-
tes, chaque
Op. 148. Deux fantaisies sur la Rarcarolle,
2 suites, chaque
Op. 155. Souvenirs d'Italie, 3 fantaisies faci-
les, 3 suites :
N° 1. Les Puritains, de Bellini
2. Marina Faliero, de Donizetti
3. Les Soirées musicales, de Rossini . .
Op. 160. Fantaisie sur les Mousguelairis rie
la Reine
Op. 166. Deux fantaisies sur Rob'rt Bruce, 2
suites, chaque
Op. 178. Cavatine et Barcarolle sur Haydée,
2 suites, chaque
Op. 181. Fantaisie sur le Val d'Andorre . .
Op. 182. — sur le Prophète
Op. 185. — sur la Fée aux Roses . .
Op. 193. Deux fantaisies sur l'Enfant prodi-
gue, 2, suites, chaque
Op. 11)4. Fantaisie sur la Dame, de Pique . .
Op. 198. Deux fantaisies sur Zerline ou la
Corbeil d'oranges 2 suites, chaque..
BUREAUX A PARIS : BOULEVART DES ITALIENS, 1.
10e Année.
On e'ubonne dans les Départements el h l'Ètrni
cuez Unis 1rs Marchanda de Musique, les Liur
et tiUX tlurciiux îles .Messng.riis i t des posl.>
lomli.s.
Veswlcl C*, 220, Hcgrnl strect
St-1'ctcrobo
irg.Bellwird.
New-York.
Scllurfenbcrg et luis.
Madrid.
Union nrtislito-liiusjcule.
nome.
Hcrlc.
Aiiurterdam.
Bureau îles Postes.
Berlin.
Schlesinger, 3t, u.il. Linden.
—
Bote l-[ Bock, 42, JucgLTstr.
Leipzig.
Michelsen.
I.lsboiiuc.
Snssetti.
N° 4.
REVUE
2S Janvier 1851.
Prix de I Abonnement :
Pnris. un /in ... 24 fr.
Départements, Relique «t Suisse 30
Étranger 31
Annonce».
50 centimes la ligne puur i fois
30 centimes lu ligne pour 3 fois.
20 centimes la ligne pour (i fois.
Le Journal paruit le Dimanche.
GAZETTE MUSICALE
m Fâiis
^a/V\AT©©<3€UVVVw-
SOMMAIRE. — Société Sainte-Cécile et autres séances musicales par Henri
Blanchard. — La comédie des opéras. — Réorganisation des musiques régi,
mentaires eu France. — Nécrologie, Frédéric Ricci. — Traité relatif à la propriété
littéraire et artistique entre la France et l'Angleterre. — Correspondance, Lille,
Liège et Bruxelles. — Nouvelles et annonces.
SOCIETE SAINTE-CÉCILE.
Premier Concert
ET AUTRES SÉANXES MUSICALES.
On ne saurait trop encourager la Société de Sainte-Cécile : les ar-
tistes qui composent son armée instrumentale rivalisent les premiers
orchestres de Paris pour l'ensemble, la verve, les nuances et le zèle
patient qu'ils apportent aux répétitions et dans l'exécution publique des
chefs-d'œuvre de nos grands maîtres qu'ils ressuscitent , auxquels ils
redonnent vie et sang, passion et poésie. L'ouverture de Fidelio, en mi
majeur, a d'abord été dite avec chaleur ; et puis est venu le joli chœur
à quatre voix, sans accompagnement, du commencement du xvne siè-
cle : Las\ il n'a nul mal qui n'a le mal d'amovr, etc., par le maître de
chapelle de Louis XIII. Cette musique des temps passés est toute em-
preinte d'un caractère de mélancolie et de naïveté qu'il semble que les
compositeurs de nos jours ne pourraient retrouver.
Mlle Stubb, cantatrice allemande, a dit dans sa langue natale le grand
air du Freisçhûtz, déjà un peu usé, et qui convient mieux à la scène
qu'au concert ; et puis, il faut le dire , si , après la langue italienne, si
lyrique par sa prosodie musicale, quelques auditeurs à l'ouïe fine, exer-
cée, trouvent que la langue française manque de souplesse et de sono-
rité accouplée avec la mélodie, ils sont fondés à trouver peu agréables
les langues allemande, anglaise, russe, suédoise ou autres, unies à la
musique.
M. Camille Saint-Saëns, qui naguère était un enfant précoce, extra-
ordinaire même, comme on le lui a dit et redit trop souvent, est main-
tenant un grand jeune homme qui joue proprement du piano, comme
plusieurs pianistes en assez bon nombre que nous possédons. Il a exé-
cuté le concerto en sol de Mozart d'une façon nette et soigneuse qui
a laissé l'auditoire impassible et froid. Sentant cela, il a voulu ani-
mer l'orchestre, pour échauffer le public et s'animer lui-même;
mais on n'échauffe ses accompagnateurs et son public que lorsqu'on a
en soi le feu sacré ; et nous ne croyons pas M. Saint-Saëns atteint et
convaincu de ce don du ciel. C'est un habile mécanicien par les doigts,
mais qui montre peu d'âme, peu de passion en interrogeant son instru-
ment : il disserte sur le piano.
L' Hymne du sacrifice, morceau avec chœur et solo, par Beethoven ,
était exécuté pour la première fois à Paris ; il n'a pas produit un effet
1 digne du grand maître de la symphonie. Le solo a été bien dit par
Mlle Stubb, et les choristes ont bien fonctionné.
Les honneurs de la séance ont été pour la symphonie nouvelle en la
majeur de Mendelssohn, exécutée aussi dernièrement à la Société des
concerts. C'est une belle œuvre d'harmonie, d'instrumentation et de mé-
lodie. On n'a jamais fait usage du style fugué, de l'imitation obstinée ;
on n'a jamais mieux manié l'orchestre que le savant compositeur ne l'a
fait dans cette symphonie. Si on voulait apercevoir une tache dans ce
soleil de science, si on pouvait lui faire un reproche, ce serait d'être
trop consciencieusement harmonique, trop bien fait. On y voit partout
resplendir ce soleil du savoir.
Il faudrait un long article pour analyser, pour faire saillir toutes les
beautés du nouveau chef-d'œuvre de l'auteur du Paulus et de YÉlie;
et comme l'espace nous fait défaut, nous reviendrons sur ce bel ou-
vrage dont M. Seghers et ses dignes confrères en chaude interprétation
nous donneront sans doute une nouvelle édition.
Matinées de musique de elianibre.
MM. Alard, Franchomme et leurs alter ego continuent cette année
leurs intéressantes séances des trios, quatuors et quintettes de nos
belles œuvres classiques. Alard empreint cette musique, qui paraît
froide comme la poésie.de Racine mal dite, d'une chaleur qui se com-
munique à son auditoire, et transforme cet auditoire distingué en vrais
dilettanti de musique instrumentale, ce qui ne s'était encore vu que
parmi les artistes, assez généralement nourris des bons modèles. Ces
habiles exécutants semblent avoir découvert dans Haydn, Mozart,
Beethoven, etc., une nouvelle Californie musicale d'où ils extraient les
trésors de l'art. Nous suivrons avec plaisir ces matinées artistiques ,
ne fût-ce que pour signaler à nos lecteurs toutes les idées neuves
que contient ce qu'on appelle la vieille musique et qu'on cherche assez
vainement dans la musique nouvelle.
Mlles Chassant, Zélina Vautler, Mnlle ville, Galtler.
Et maintenant, en galant chevalier, à la rescousse de nos charmantes
pianistes que l'on enlève, qu'on se dispute dans toutes les matinées et
soirées musicales. Il s'agit d'abord de ne pas les confondre, car l'indi-
vidualité n'est pas facile à distinguer, à constater parmi ces virtuoses.
Mlle Camille Chassant est une jeune artiste au jeu fin, délicat, irrépro-
chable, formée à ce jeu de demoiselle par Mme Pierson-Bodin, qui est
elle-même une excellente pianiste. Mlle Chassant possède donc déjà
sur le piano un talent qui lui permet à 'interpréter, comme on dit assez
improprement, la musique classique et la musique moderne. Quand
elle ne laissera pas tomber la fin de ses phrases mélodiques, qu'elle
donnera un peu plus de nerf, de brio au trait, qu'elle se montrera un
peu moins demoiselle craintive, pudique, musicalement bien entendu,
elle prendra rang, nous n'en doutons pas, parmi nos bonnes pianistes.
Mlle Zélina Vautier est une autre jeune pianiste qui n'a pas plus de
26
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
treize ans et demi : elle est de l'école Clémenti-Kalkbrenner-Stamaty,
cette école claire, limpide, un peu calculée, que Beethoven, YVeber et
Liszt ont dépassée de beaucoup par la chaleur, la verve, la fougue.
Mlle Vautier n'a pas trop joué en petite demoiselle le premier morceau
du concerto en la bémol, de JohnField;la Truite, de Heller ; des
études de Cramer, de Moschelès et de son habile professeur M. Sta-
maty, enfin la fantaisie sur Guillaume Tell, par Dcehler. Il y a du son
plus qu'on ne pense en entendre sous les doigts de cette toute jeune
artiste ; elle semble s'impressionner de la musique qu'elle exécute ; son
trait est net et brillant. Mme la comtesse de Riencourt avait donné
l'hospitalité, dans son hôtel, à ce jeune talent, qui a de l'avenir; ell'ona
entendu dans ces salons, dont la maîtresse de la maison a fait les hon-
neurs avec un empressement de cette bonne compagnie qui ne se
perdra jamais en France tant qu'on y aimera les arts, Mlle Vavasseur,
qui a dit, d'un excellent style de chant , un psaume de Marcello et
M. Lefort qui a chanté, d'une manière remarquable, le bel air de Joseph.
Dire que Mlle Charlotte de Malleville donne en son domicile artisti-
que des soirées musicales avant les séances brillantes qui lui attirent
un nombreux auditoire, c'est annoncer qu'on entend de bonne musi-
que, bien exécutée, chez Mme de Malleville.
Et pour en finir aujourd'hui par une virtuose exceptionnelle, ayant
porté nos investigations artistiques jusqu'en province, nous vous signa-
lerons une pianiste, âgée de six ans, qui s'est fait entendre tout nouvelle-
ment dans le département de l'Hérault. Fille de Mme Galtier, qui, elle-
même, estime pianiste distinguée, se jouant de toutes les difficultés, en
jouant avec aisance la musique de Mendelssohn et de Prudent, notre
petit et véritable phénomène, âgé de six ans, fait six cents notes par
minute, sans mal ni dolor, comme disent les charlatans italiens, et se
dispose avenir se mettre à la disposition de M. le baron Taylor, et don-
ner un concert au bénéfice de l'Association des artistes musiciens.
L'Ami des Salons, journal d'art de Montpellier, dit que Mlle Galtier,
charmante enfant de six ans, a exécuté de ses petites mains un morceau
du Barbier de Seville et une fantaisie sur le Domino Noir. Qu'on se le
dise, et qu'on espère voir se réaliser un de ces jours le concert de l'en-
fant de trois mois signalé, il y a quelque temps, par une charmante
lithographie de Gavarni, donnée à ses abonnés par la Gazette musicale.
Henri BLANCHARD.
LA COMÉDIE DES OPÈBAS.
Les représentations du genre rétrospectif données tout récemment
sur deux de nos grandes scènes, ont ramené l'attention sur Lully et sur
l'Opéra dont il fut le créateur. Lully, comme chacun sait, y gagna beau-
coup de gloire et d'argent : l'Opéra, qui plus tard, devait ruiner tant
d'entrepreneurs, commença par faire sa fortune. 11 ne faudrait pas s'i-
maginer pourtant que le théâtre naissant fût du goût de tout le monde;
au contraire, il rencontra de rudes ennemis, parmi lesquels Saint-
Evremond mérite d'occuper la première place.
Cet écrivain, alors si célèbre et si populaire, attaqua l'Opéra de tou-
tes les façons. 11 ne se contenta pas d'une dissertation en forme, dans
laquelle il lança cette définition fameuse, d'après laquelle l'opéra ne
serait « qu'un travail bizarre de poésie et de musique, où le poète et le
» musicien, également gênés Vun par l'autre, se donnent beaucoup de
» peine pour faire un mauvais ouvrage. » Il écrivit une petite pièce,
intitulée la Comédie des opéras, dans laquelle il devança l'invention
du vaudeville, en accablant le genre nouveau de railleries et de sar-
casmes plus spirituels que concluants.
Voici un passage de cette pièce, dont ta conception n'est rien, et qui
ne se sauve que par quelques traits de dialogue.
Crisotine(Ie nom est joli!), fille d'un conseiller au présidial de Lyon,
persuade à son père qu'à Paris, depuis l'invention de l'opéra, tout le
monde chante au lieu de parler.
— S'ils chantent! dit-elle, s'ils chantent!.... C'est dommage qu'un
homme du monde voulût entretenir une compagnie avec la pure et
simple parole, comme on faisait autrefois ! On le traiterait d'homme du
vieux temps... les laquais se moqueraient de lui!
— Et dans la ville ? reprend le père.
— Je vous dirai, répond la jeune fille. Tous les gens un peu consi-
dérables sont comme les gens de la cour. Il n'y a plus qu'à la rue Saint-
Denis, à la rue Saint-Honoré et sur le pont Notre Dame, où la vieille
coutume se pratique encore. Chez Gautier, à l'orangerie, chez tous les
marchands qui fournissent les dames d'étoffes, de galanteries, de bi-
j oux, tout se chante, et si les marchands qui suivent la cour ne chan-
taient pas, on confisquerait leurs marchandises. On dit qu'il y a un
grand ordre pour cela. On ne fait plus de prévôt des marchands qui ne
sache la musique, et que M. Lully n'examine pour voir s'il est capable
de faire observer les règles du chant !
C'est ainsi que Saint-Évremond raillait la substitution du chant à la
parole; ce qui n'empêcha nullement l'Opéra de grandir et de prospé-
rer. Après lui, cette forme de plaisanterie a été usée jusqu'à la corde,
ce qui n'empêche pas qu'on ne l'emploie encore tous les jours.
Voltaire disait qu'en se moquant de l'opéra, Saint-Évremond prouvait
seulement qu'il avait l'oreille dure.
La Bruyère aussi critiqua le genre et le spectacle : « Je ne sais pas,
» disait-il, comment l'Opéra, avec une musique si parfaite et une dé-
» pense toute royale, a pu réussir à m'ennuyer. » Nous le savons bien,
nous, qui avons nos raisons pour ne pas trouver si parfaite la musique
de Lully, et qui voyons faire des dépenses beaucoup plus royales que
celle devant laquelle s'extasiait La Bruyère. Du reste, l'immortel écri-
vain n'avait-il pas lui-même le pressentiment de l'avenir lorsqu'il
écrivait ceci : « L'on voit bien que l'Opéra est l'ébauche d'un grand
» spectacle: il en donne l'idée. » Rien de plus juste : Lully avait tracé
l'ébauche ; d'autres ont achevé le monument.
P. S.
RÉORGANISATION DES MUSIQUES RÉGIMENTAIRES EN FRANCE,
PAR A. PERRIN.
Nous venons tard pour dire ce que nous pensons du petit écrit
publié par M. A. Perrin, dans l'intérêt et pour l'amélioration de notre
musique militaire. C'est que, nous l'avouerons, nous ne nous trouvons
pas dans une position commode qui nous permette d'exprimer un avis
net et tranché. Si, d'une part, nous sommes pleinement d'accord avec
l'auteur et les hommes distingués qu'il représente, dans le désir de
faciliter le progrès, de l'encourager, de le hâter par tous les moyens
possibles ; de l'autre, nous différons avec lui sur le fait qu'il prend
pour base et principe, à savoir : la décadence actuelle et continue de
nos musiques régimentaires, ainsi que leur infériorité presque géné-
rale à toutes les autres musiques de l'Europe. De plus, nous ignorons
complètement si le remède qu'il propose à ce prétendu mal , et qui
nous semble bon au point de vue de l'art, est admissible et praticable au
point de vue militaire. Nous l'énoncerons donc seulement, sans l'a-
dopter ni le rejeter, laissant à d'autres plus compétents que nous le soin
de prononcer en connaissance de cause.
D'abord, sur l'état actuel de notre musique, nous en appelerons
au témoignage de deux autorités que M. A. Perrin ne récusera pas,
puisqu'il l'a transcrit lui-même à la fin de sa brochure. Tout en
appréciant ses idées, MM. Adolphe Adam et Sax lui déclarent qu'ils
sont frappés du progrès au lieu d'apercevoir la décadence. Le
premier dit, en propres termes : « Membre de la Commission
» de 1845, je ne puis qu'approuver vos convictions, qui étaient les
» nôtres, puisque les mesures que vous conseillez sont celles-là
» mêmes que nous avons proposées. Loin de partager votre opinion
» sur la décadence de la musique militaire, je crois au contraire que
» ses progrès, depuis quelques années, sont dus à quelques unes des
» mesures que la Commission avait proposées. » Et le second s'exprime
ainsi : « Quant à l'infériorité de nos musiques, je ne partage pas votre
DE PARIS.
27
.1 opinion sur ce point. Nos musiques de cavalerie, réorganisées d'a-
» près le nouveau système, me paraissent les meilleures do l'Europe,
» et dans nos musiques d'infanterie il y en a pareillement d'ex-
» cellentcs. »
Ceci posé, voyons néanmoins ce qu'on réclame au nom de l'art, dont
on ne saurait contester l'importance dans nos armées. Les musiciens
militaires, exclus de tout avancement, de toute participation aux avan-
tages, qui se traduisent pour les soldats en élévation de grades, de trai-
tements et de pensions, sont condamnés à une immobilité non moins
dommageable pour leur talent que pour leur bourse. Parvenus au rang
de solistes, ils ne peuvent prétendre à rien au-delà : ils ont l'honneur
de porter le sabre, l'agrément de se décorer du pompon tricolore et de
galons d'or ou d'argent. Ils reçoivent une haute paie, qui varie de 5, à
90 IV. par mois, et puis c'est tout, ne pouvant jamais obtenir rien de
plus. Ils ont leur bâton de maréchal, qui se trouve n'être qu'un simple
bâton blanc, lorsque, fatigués par l'âge, souvent labourés par les balles
et les boulets, qui ne respectent pas plus les musiciens que les autres ,
ils sont contraints de rentrer péniblement dans leurs foyers.
De là il résulte que les musiciens ne vieillissent pas sous les drapeaux,
et qu'ils s'en vont dès qu'ils le peuvent. De là aussi doit naître l'im-
mense difficulté d établir quelque discipline entre des hommes qui sont
tous égaux. La discipline suppose une hiérarchie, et point de hiérarchie
parmi les musiciens. Que faudrait-il donc faire? C'est M. A. Perrin qui
parle : « Régulariser la position des soldats musiciens en donnant aux
» artistes d'élite, et par assimilation, un grade et une autorité qui leur
» permissent d'enseigner utilement. » Il faudrait qu'après quelques
années de services et d'études, un musicien pût devenir l'égal d'un ca-
poral, d'un sergent. Il faudrait qu'à la tête de chaque corps de musi-
que fussent placés un sous-chef, ayant rang de sergent-major, et un
chef ayant rang d'adjudant. Nous le voulons bien, si les chefs de l'ar-
mée y consentent, et si, à côté d'avantages plus que probables , ils
n'y trouvent des obstacles que nous ne soupçonnons pas ; nous som-
mes rapporteurs et non juges.
Là finit notre tâche. Après avoir parlé du fond , nous n'ajouterons
qu'un mot sur la forme, et nous dirons que la brochure de M. A. Perrin
se recommande autant par la clarté que par l'élégance. Nous le remer-
cions de nous l'avoir fait lire, et nous conseillons à tous ceux qui vou-
dront s'éclairer sans ennui sur la situation sociale des musiciens mili-
taires, de faire comme nous.
P. S.
NÉCROLOGIE.
FRÉUÉRIC RBCi'E.
Sur la foi d'un journal étranger, nous annoncions dimanche dernier
la mort de Luigi Ricci, et c'était Frédéric qui venait de succomber. On
pouvait s'y tromper, tant les deux frères étaient unis par le sang, par
le talent, par le travail ! Luigi et Frédéric, qui était le plus jeune,
avaient fait leurs études ensemble au Conservatoire de Naples. Ils com-
posèrent aussi en commun leurs premiers ouvrages, sans qu'on pût savoir
au juste la part que chacun y apportait. Si l'on interrogeait l'un d'eux à
cet égard, c'était toujours l'autre qui avait fait ce qu'on y trouvait de
meilleur. Ils donnèrent ainsi un opéra intitulé : Il Colonnello, dont le
rôle principal, que Mme Malibran se flattait de jouer, fut rempli par
Mme Ungher. D'autres productions succédèrent à celle-ci ; mais leur in-
dividualité se développant avec l'âge, la collaboration cessa et non l'a-
mitié. Luigi, en qui prédominait l'instinct comique, donna Un' Av-ven-
tura diScaramuccia; Frédéric, plus sérieux, composa et fit jouer le
Prigioni d'Edimburgo.
Luigi et Frédéric avaient longtemps séjourné à Trieste, où le pre-
mier dirigeait le théâtre et le second tenait l'emploi de maître de cha-
pelle de Saint-Just. En 1836, Frédéric écrivit pour le théâtre de la
Scala, à Milan, un Duello solto Richelieu, et quelques années après
Rolla ou le Chef-d'œuvre inconnu, pour celui de la Pergola, à Flo-
rence. Moriani chantait le rôle principal avec tant d'effet, que les villes
d'Italie se disputèrent l'ouvrage et l'artiste. Presque immédiatement, le
compositeur donna son Corrado d'Allamvra, dont le succès balança
celui du JVabucodonosor, de Verdi, représenté vers la même époque.
Frédéric Ricci vint à Paris pour y monter ce Corrado, qui, après une
longue attente et de longs efforts, y fut mis en scène d'une manière presque
bouffonne, et, quoique chanté par Mario, Ronconi et Mlle Grisi, ne prit
pas place au répertoire. De retour en Italie, il écrivit Eslella, Uriselda,
l'Amante di richiamo, et enfin il composa pour Venise, aidé par son
frère Luigi, Crispino e la Comare, oeuvre fantastique, dont le succès
fut éclatant. En voici le sommaire, d'après notre confrère, Fiorentino,
à qui nous empruntons également les autres détails de cet article :
« La donnée singulière de cette pièce, où l'élément bouffon se mêle à
» chaque instant à l'élément surnaturel, est dans le goût des inventions
» les plus originales du Vénitien Gozzi. La Mort pénètre tout à-coup
» dans l'échoppe d'un savetier chargé de famille et de misère. — Veux-
» tu devenir riche et puissant? lui dit-elle. — Je le veux bien, répond
» le savetier. — Voici ce qu'il faudra faire, dit la Mort. Prends cette
» robe et ce bonnet de docteur et fais-toi annoncer chez les malades
» de condition. Si tu me vois apparaître à leur chevet, c'est que leur
» fin approche, et tous les remèdes sont inutiles. Si je ne parais point,
» tu peux prédire hardiment la guérison. Le savetier fait des cures
» merveilleuses, et change bientôt sa misérable échoppe contre un
» beau palais de marbre, orné des plus admirables chefs-d'œuvre de
» Véronèse et du Titien. Mais voilà qu'un jour, après un somptueux
» repas, notre parvenu, bouffi d'orgueil, étourdi par les flatteries de
» ses bouffons et de ses parasites, va contempler ses beaux habits dans
» une glace, et, jugez de sa surprise et de sa terreur, il aperçoit la
>> commère au nez camus qui lui frappe amicalement sur l'épaule et
» l'avertit que son heure a sonné. Le savetier tout tremblaut suit la
» Mort aux enfers et assiste à des scènes épouvantables qui le font ré-
» veiller en sursaut. Car vous avez déjà deviné que tout ceci n'est qu'un
» rêve, et que le médecin, redevenu savetier, se trouve très-heureux
» de son sort. Le public accepta ce sujet, si en dehors des habitudes
» du théâtre italien, comme une fantaisie d'artiste et un jeu d'esprit;
» mais les amis de Ricci furent saisis de cette veine de tristesse qui
» perçait à travers les plus joyeuses mélodies et la plus brillante instru-
» mentation. »
Frédéric Ricci composa lui-même les paroles et la musique de l'un
de ses derniers ouvrages, aussi donné à Venise : / due ritralli. Au
mois de mai 1851, il fut appelé à Varsovie, où ses ouvrages et lui fu-
rent supérieurement traités. Le 2 décembre, il écrivait à Moriani une
lettre qui se terminait par les lignes suivantes : «Adieu, mon très-cher
» ami; je pars dans quelques jours pour Saint-Pélersbourg, où j'ai
» beaucoup de connaissances. J'y passerai deux ou trois mois, puis je
» reviendrai ici, où l'on va monter plusieurs de mes ouvrages. Le
» printemps prochain, j'écrirai un opéra comique pour Vienne, dont
» les rôles principaux seront chantés par la Maray, la Deméric (que je
» vais voir et entendre à Saint-Pétersbourg), Fraschini, Debassini et
» Scalese. C'est la première fois que la fortune me sourit et que je
» puis compter sur une troupe excellente. Si je ne réussis point, ce
» sera ma faute. Sais-tu, mon cher Moriani, que je ne puis songer à
» cette phrase de notre Rolla :
l'na pielra senza nome
La mia tomba coprirà.
» cette phrase où tu as su m'arracher des larmes , sans que mon cœur
» déborde d'une amertume et d'une mélancolie navrantes. J'entends
» ta voix, tes accents de douleur ; je vois ta sublime expression , qui
» rendait avec tant de vérité la folie, le désespoir !.... Mais bannissons
» la tristesse, je ne me suis jamais si bien porté. »
Et à quelques jours de là , le pauvre artiste, qui se sentait si joyeux,
si plein de jours, voyageait sur la route de Varsovie à Saint-Péters-
bourg, en compagnie d'un officier supérieur de l'armée russe. Au
milieu d'une conversation vive et spirituelle, il penche la tête et s'as-
28
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
soupit!.... C'était la mort qui le frappait au plus beau moment de sa
vie , lorsqu'il se flattait de toucher à la gloire , lui qui craignait tant
une pierre sans nom ! Du moins, si la mémoire de Frédéric Ricci n'est
pas impérissable , si le temps lui a manqué pour écrire les chefs-d'œuvre
qu'il rêvait, il sera inscrit sur la liste des artistes et des hommes dis-
tingués qui honorent leur siècle ; il laissera des regrets parmi ses con-
temporains, qui feront religieusement tout ce qui dépendra d'eux pour
les transmettre à l'avenir.
P. S.
Voici les principales dispositions du traité dont les bases viennent
d'être arrêtées entre la France et l'Angleterre , relativement à la pro-
priété littéraire et artistique. Ce traité n'attend plus que la sanction
législative.
A partir de la date où la convention sera en vigueur, les auteurs
d'ouvrages de littérature et d'art (ces ouvrages comprenant les publi-
cations de livres, œuvres dramatiques, compositions musicales, des-
sins, peintures, sculptures, gravures, lithographies, et tous autres ou-
vrages quelconques de littérature et beaux-arts auxquels les lois de l'un
des deux pays donnent ou pourront donner le droit de propriété ) ,
pourront exercer ce droit sur le territoire de l'autre pays , pour le
même temps et au même degré que les auteurs des ouvrages de ladite
nation (s'ils sont publiés dans cet autre pays) pourraient exercer ledit
droit. Les représentants et ayant-cause des auteurs jouiront des mêmes
droits que les auteurs eux-mêmes.
Art. 1". La protection accordée aux ouvrages originaux est étendue
aux traductions.
Art. 2. L'auteur d'un ouvrage publié dans l'un ou l'autre des deux
pays, qui pourra se réserver le privilège d'en faire la traduction, aura
droit (jusqu'à l'expiration de cinq années à partir de la date de la pre-
mière publication de sa traduction) à la protection contre la publication
dans l'autre pays de toute traduction dudit ouvrage, sans l'autorisation
de l'auteur, si l'ouvrage original a été enregistré et déposé dans un
pays, dans les trois mois qui auront suivi la première publication de
l'auteur, et si l'auteur a signifié à la page du titre de son ouvrage son
intention de se réserver le droit de le traduire , à la condition qu'une
partie, au moins de la traduction, aura paru dans l'année qui suivra
l'enregistrement et le dépôt, le tout clans les trois années de la date du
dépôt. Quant aux ouvrages publiés par parties, le droit devra être ré-
servé dans la première partie ; mais en ce qui touche la période de cinq
années pour l'exercice du droit exclusif, chaque partie devra être trai-
tée comme ouvrage séparé.
Art. 3. Toutes les stipulations ci-dessus seront applicables à la re-
présentation d'ouvrages dramatiques et à l'exécution de compositions
musicales.
Art. h. Les articles extraits de journaux ou publications périodi-
ques de l'un ou de l'autre pays pourront être republiés ou traduits
dans les journaux ou publications périodiques de l'autre, à condition
que la source où ils auront été puisés sera constatée, à moins que les
auteurs n'aient signifié dans le journal ou la publication périodique,
qu'ils en interdisent la republication.
Art. 5. L'importation et la vente d'exemplaires en contrefaçon
d'ouvrages protégés contre ce délit, en vertu des articles 1, 2, 3 et
5, sont prohibées.
Art. 6. En cas d'infraction à ces dispositions, les ouvrages ou arti-
cles en fraude seront saisis et détruits, et les délinquants seront passi-
bles des pénalités stipulées pour le délit commis relativement à un ou-
vrage ou à une production d'origine nationale. Si l'ouvrage a paru en
premier lieu en France, il devra être enregistré dans Stationnera- Halj
à Londres. S'il a paru en premier lieu dans les États de la reine, il de-
vra être enregistré au bureau de la librairie, au ministère de l'intérieur,
à Paris. Mais ces dispositions relatives à l'enregistrement ne s'étendront
pas aux articles de journaux ou publications périodiques qui seront
protégés contre la reproduction par signification mentionnée à l'art. 5.
En ce qui touche les droits payables à l'importation, il est entendu que
tous les ouvrages publiés en France, dont une partie pourra avoir pri-
mitivement paru en Angleterre, seront réputés ouvrages ayant paru en
Angleterre et été reproduits en France, à moins que la matière origi-
nale ne soit égale pour le moins en volume à la partie de l'ouvrage ori-
ginal publié en Angleterre.
Un traité de même nature vient d'être signé entre la France et le
Hanovre. C'est un premier pas fait, et de grande importance, pour nos
relations avec les Etats allemands.
CORRESPONDANCE.
Lille, 19 janvier.
Depuis le festival, notre ville n'a jamais été aussi profondément remuée
intéressée et enthousiasmée que par le séjour de Bazzini et la présence de
Mlle Caroline Duprez. Cette dernière part aujourd'hui 19, emportant de
nombreuses couronnes et ayant ramené au théâtre le public lillois, que
le Prophète achèvera d'y fixer.
Permettez-moi quelques mots sur Bazzini, quoique mon intention ne
soit pas d'augmenter la série des articles de province qui vous sont adressés
chaque jour, croyant qu'il vaut mieux laisser à votre public, arbitre su-
prême des réputations musicales, à juger Bazzini, dans sa prochaine appa-
rition à Paris.
Je ne veux que vous signaler les circonstances de son séjour qui m'ont
paru s'élever à la hauteur d'un événement artistique.
Deux Sociétés symphoniques rivales viennent d'inaugurer deux splen-
dides salles de concert. Jusqu'ici elles avaient adopté des artistes spéciaux.
Bazzini les a vues toutes deux venir à lui. C'est que les 900 membres qui
composent le cercle et les 1,200 de l'Association musicale ont voulu
l'entendre. Ce n'est pas tout : des maisons particulières ont traité pour des
séances privées, et dans ce temps de préoccupations politiques et maté-
rielles, je défie qu'on cite beaucoup d'éloges qui en disent plus!
C'est dans une soirée intime, donnée dans le salon de la maison Pleyel,
à Lille, que Bazzini a pu révéler la variété de son talent. Déjà l'une des
maisons artistiques de notre ville l'avait présenté aux amateurs et aux
artistes les plus distingués de Lille, mais personne n'aurait osé prédire au
grand artiste le succès très-positif qu'il devait obtenir ; il est donc con-
solant de penser que les virtuoses bénéficiaires ne sont pas un mot vide
de sens, et que Lille, du moins, s'est honorée en le prouvant.
Le jeune pianiste Georges Pfeiffer s'est fait entendre deux fois dans
cette soirée. Il a joué d'abord la charmante imitation dédiasse: les Bois,
d'Emile Prudent, ensuite un fragment du Concert-Slikk, de Weber.
Si dans le premier morceau il a déployé infiniment de grâce, de légèreté
et de verve , dans le second il a non-seulement détaillé toutes les diffi-
cultés avec un rare bonheur, mais surtout il a rendu la pensée -sublime
du maître avec'un sentiment profond, et un style que l'on rencontre
difficilement, même chez les artistes d'un âge mûr. Aussi a-t-il été cha-
leureusement applaudi.
Nous ne pouvons que l'en féliciter sincèrement, ainsi que l'éminent
professeur qui a su faire d'un enfant de quinze ans un musicien distin-
gué, et qui en fera bientôt un artiste hors ligne.
Vous venez de constater l'éclatant Succès de Ernst... Aller presque au
même instant soumettre au public de Paris son talent de violoniste et de
compositeur, c'est chez Bazzini la preuve d'une noble confiance dans ce
redoutable mais éclairé jury, et dans l'affectueuse confraternité qui l'unit
à Ernst, dont il paraît à la fois l'émule et l'admirateur.
Liège, 14 janvier 1852.
Depuis longtemps la patrie de Crétry jouit d'une réputation musicale
assez méritée pour qu'elle occupe, de fois à autre, une place modeste
dans les colonnes de votre journal.
On n'ignore pas complètement, je pense, qu'il existe à Liège un Con-
servatoire royal qui , sous la direction savante de M. Daussoigne-Méhul ,
a fourni un certain contingent d'artistes distingués, et qu'il est appelé à
en produire encore. Aussi, avons-nous, parfois, des solennités qui ne sont
pas dépourvues de tout éclat, et qui seront l'objet de cette nouvelle cor-
respondance.
Je vous parlerai aujourd'hui de l'inauguration qui a eu lieu le 7, dans
l'église Saint-Barthélemi, des belles orgues sorties des ateliers de MM. Mer-
klin et Schutz, facteurs à Bruxelles. A cette occasion, un concert spiri-
tuel avait été organisé : un auditoire brillant et nombreux y assistait ,
entre autres le prélat du diocèse et beaucoup de dignitaires ecclésiasti-
ques. — Un parent de Mendelssohn , M. Petitpierre, professeur et orga-
niste de Neufchâtel, momentanément à Liège, prêtait son concours à cette
cérémonie. Dans une symphonie et dans une riche improvisation , M. Pe-
DE PARIS.
20
titpierre, en établissant l'excellence de cet instrument, a prouvé en môme
temps qu'il est un organiste babile et possédant son art avec les difficultés
qui y sont inhérentes. — M. Duguct, organiste de notre cathédrale, a en-
suite exécuté un amiante pour orgue, de Mendelssolin , et une improvi-
sation dont il s'est tiré heureusement. — Un E:ce partis, de Cherubini ,
chanté par Mlle Massart, nièce de M. Massart, professeur de violon au
Conservatoire de Paris, ancienne élève de Géraldy et lauréat médaillisto
de notre Conservatoire ; — un Ace Maria, de. Géraldy, chanté par M. Co-
rin , également lauréat médailliste et élève de ce maître ; et un Bénédictin
à quatre voix, par Weber, chanté par Mlles Piette et Charlier, MM. Corin
et Ledent, tous élèves lauréats, ont été dits correctement. VAee Miria a
été délicieusement accompagné par le jeune violoncelliste Léon Massart ,
lauréat médailliste et neveu du même M. Massart, professeur à Paris. —
Pour le chœur de Joseph : Aux accents de noire harmonie, et pour la prière :
Dieu d'Israël, chantés par messieurs et dames amateurs, on aurait pu exi-
ger plus de justesse et plus d'ensemble.
Nous avons entendu, le 7, au Théâtre-Royal, M. Reichert, le roi desflû.
tistes, comme vous l'avez nommé : c'est réellement un beau talent. Des
applaudissements nourris ont accueilli ce jeune artiste, et il a été rappelé
après avoir joué un pot-pourri de sa composition. Il se propose de donner
incessamment ici un grand concert.
Au concert donné le 11, dans le local de la Société de Sainte-Cécile, au
bénéfice des pauvres, Mlles Massart et Frère, et M. Frère, ont été les pius
fêtés parmi les exécutants. Mlle Massart a vocalisé et chanté agréablement
l'air du Barbier de Scville et celui de la Débutante. Mlle Frère, premier
prix, avec la plus grande distinction, de la classe de violon de cette an-
née , a exécuté des variations sur les motifs de VElisir d'amor avec
une vigueur et une pureté qui ont charmé l'auditoire. M. Frère, qui a
formé cette jeune virtuose, sa sœur, a joué le Carnaval de Venise. Ce mor-
ceau a été bissé, grâce à l'habileté de l'exécution de l'artiste. Un ar-
chet varié, flexible, hardi, une qualité de son ample, de la légèreté et de
la justesse dans les traits et dans les passages les plus difficiles du méca-
nisme, un style large et gracieux sont les principales qualités du talent de
M. Frère, ancien premier prix de notre Conservatoire et élève de M. de
Bériot. On a remarqué aussi la fraîcheur d'une charmante mélodie inédite,
pour ténor, intitulée : Fléléna, d'un professeur de notre Conservatoire,
M. Wanson, qui dirigeait ce concert. — A l'égard de M. Frère, je vous
dirai que, selon toute probabilité, il sera prochainement nommé profes-
seur de violon au Conservatoire. En effet , à la mort de M. Prume, dont le
nom est resté célèbre, on décida que sa classe serait scindée. On ouvrit
un concours, et deux candidats furent désignés pour ces deux places ;
l'un a reçu sa nomination, et l'autre, M. Frère, est sur le point de
l'obtenir.
Quant au Théâtre-Royal, il n'a rien offert, jusqu'à présent, qui mérite
d'être rapporté.
Bruxelles, 22 janvier 1852.
Monsieur,
Je vous ai dit, dans ma dernière lettre, qu'on nous menaçait du dé-
part de Mme Castellan après un petit nombre de représentations. Vive-
ment sollicitée, l'excellente cantatrice a consenti à nous accorder quelques
soirées supplémentaires. Après Norma, Lu:ia di Lammermoor et Lucrezia
Boryia, elle a chanté la Svnnambula, et ce soir elle nous donne Anna
Bokni. Cinq opéras, cinq rôles différents et très-variés de caractères, en
dix représentations! On admire la souplesse de ce talent qui sait se plier
à tous les genres, et qui ne réussit pas moins dans l'un que dans l'autre.
La salle du Théâtre-italien est comble toutes les fois que paraît Mme Cas-
tellan, et un public enthousiaste décerne à la virtuose de périodiques
ovations. On annonce pour samedi une soirée à son bénéfice. Je vous
réponds que bénéfice ne sera pas ici un vain mot.
La présence de Mme Castellan a fait naître dans notre monde dilettante
des divisions qui nous ont rappelé le fameux antagonisme du Coin du ro;
et du Coin de la reine. Pour la première fois, depuis l'introduction de
l'opéra italien à Bruxelles, nous avisons une prima donna née au delà
des Alpes. 11 y a deux ans, la virtuose investie du haut emploi était
Mme Eversé, Suédoise ; l'an passé, deux actrices très-françaises, malgré
leur i d'emprunt, Mmes Aledori et Aldini, remplissaient les rôles de la
forte chanteuse et de la chanteuse légère. Cette fois, le premier rang et
les succès appartenaient à une cantatrice vraiment italienne, Mlle Ber-
trandi. Il est inutile de vous dire que tout ce que Bruxelles compte de
dilettantes originaires du beau pays qu'on appelait jadis la terre classique
du chant, suit avec zèle les représentations de l'opéra italien. Tout en
rendant hommage au talent de Mme Castellan, ces braves gens ont cru
devoir faire acte de patriotisme en accordant à Mlle Bertrandi une bien-
veillance toute particulière, ils ont donc réservé leurs applaudissements
les plus vifs, leurs brava les plus frénétiques pour cette dernière. Dans
Norma, où Mme Castellan et Mlle Bertrandi paraissent l'une à côté de
l'autre, il y a eu presque lutte, lutte courtoise du reste, entre la fraction
italienne du public et celle qui, n'ayant pas d'intérêt national en jeu,
tenait tout naturellement pour l'artiste française. Les premiers n'avaient
d'acclamations que pour Adalgise, tandis que les derniers faisaient à la
grande prêtresse la part la plus large de leurs faveurs. Heureux pays
que le nôtre où ces pacifiques dissensions sont les seules que l'on con-
naisse, où l'on se passionne pour l'art au lieu de se passionner pour la
politique!
On a repris hier avec grande pompe, avec solennité, le Siéje de
Corinlhe au Théâtre-Royal. Il est des faits étranges dans l'histoire de la
musique. Non-seulement l'auteur du Siège de Corinthe existe, mais il est
jeune encore; et s'il a rompu tout commerce avec les muses, comme di-
saient nos pères, ce n'est certes pas que l'heure du repos eût sonné pour
lui : Guillaume Tell en fait foi. Cependant, il y a chez nous toute une gé-
nération qui ne connaît pas le Siège, de Corinthe, attendu que, depuis
vingt ans, cet opéra a complètement disparu des affiches de notre spec-
tacle lyrique. Vingt ans, c'est vingt siècles, quand il s'agit de musique.
L'œuvre sur laquelle a passé une si longue période est vieille, surannée,
gothique, comme on disait au temps où le dédain des monuments du
moyen-âge était à l'ordre du jour. Le public a répondu à l'appel de la
direction des théâtres royaux avec un empressement qui fait honneur à
son goût. L'affluence n'était pas moins grande pour assister à la reprise
du Siège de CorintM que s'il se fût agi d'une production d'hier. On a
trouvé les mélodies rossiniennes rajeunies par le repos. Ces chants, tou-
jours frais et que le temps ne peut atteindre, ont été chaleureusement
applaudis. Pourtant l'exécution a bien laissé quelque peu à désirer ; nos
chanteurs n'ont plus ni l'éducation vocale ni les traditions nécessaires
pour se faire les interprètes fidèles du maestro. Us ont mis dans l'accom-
plissement de leur tâche beaucoup de bon vouloir : c'est tout ce qu'on
peut dire.
Le Conservatoire a inauguré par un beau , par un magnifique concert ,
ses matinées du dimanche, qui sont le rendez vous des vrais amateurs de
musique, nombreux chez nous, vous ne l'ignorez pas. Beethoven en a fait
surtout et avant tous les frais. Eh quoi ! toujours Beethoven ? s'écrient les
profanes à la vue des programmes sur lesquels le nom de l'illustre maître
semble stéréotypé. Vraiment, oui; toujours Beethoven. Si vous voulez
qu'on varie davantage, tâchez donc qu'il surgisse un compositeur de sym-
phonie qui puisse nous_donner l'équivalent ou à peu près de ses immortels
chefs-d'œuvre. Dans le domaine de la musique dramatique, on n'a pas
manqué d'éléments de variété : Mozart a été négligé pour Rossini ; puis est
venu Meyerbeer, qui s'est emparé à son tour des sympathies de la foule;
d'un autre côté, Ilérokl et Auber remplaçaient Nieolo et Boïeldieu. Oui a
succédé à Beethoven? Qui peut aspirer à remplacer l'auteur de Y Héroïque
et de la Pastorale 1 L'art n'est-il pas resté juste au point où il l'avait porté?
Ses ouvrages n'en sont-ils pas demeurés l'expression la plus élevée, la plus
complète ?
Ld. Symphonie pastorale, l'adagio et le scherzo de la 9e symphonie, for-
maient l'admirable contingent fourni par Beethoven au programme du
premier concert du Conservatoire. Notre valeureuse phalange instrumen-
tale, dirigée par M. Fétis, a fait des prodiges d'exécution. Vous imagine-
riez difficilement quelque chose de plus parfait sous le rapport du rendu :
énergie, délicatesse, sentiment exquis des nuances , coloris puissant et
fin, tout y était.
Laissant aux séances particulières, aux concerts privés les fantaisies
brillantes ou non, les caprices et les romances, le Conservatoire ne sort
guère de la sphère des compositions classiques. C'est ainsi qu'il nous a
fait entendre, à la matinée de dimanche dernier, un quintette de Cosi fan
tutti, de Mozart, et des fragments du 18e psaume de Marcello.
Je vous disais, dans ma dernière lettre, que E. Prudent, dont la Gazette
musicale nous annonça, il y a quinze jours, le départ pour la Belgique,
n'arrivait pas ; il est arrivé. Son premier concert aura lieu samedi pro-
chain au théâtre royal, avec le concours des premiers sujets de notre
troupe lyrique française. On parle de cette soirée, on en parle beaucoup ;
mais là ne s'arrêtera pas, heureusement pour l'artiste, la manifestation
de la curiosité qu'il excite J'ose affirmer que les auditeurs ne lui feront
pas défaut. .
Bruxelles, qui possédait déjà une demi-douzaine de cafés-concerts, a vu
samedi dernier s'ouvrir un nouvel établissement de ce genre qui menace
de faire à ses rivaux une concurrence redoutable. 11 est situé au centre
de la circulation, dans ces belles galeries Saint-Hubert, desquelles je me
souviens de vous avoir entendu dire, lors de votre, dernier séjour dans
notre capitale, qu'elles effaçaient les passages le plus luxueux de Paris.
Pour fonder sa vogue de prime abord, le Casino Saint-Hubert a eu l'idée
d'appeler à son aide une célébrité parisienne dans la spécialité (ce mot
s'applique à tout) qu'elle compte exploiter. M. Darcier, vous devinez sans
doute que c'est de lui qu'il s'agit, a été engagé pour un mois, avec des
appointements doubles de ceux que recevait jadis un premier ténor d'o-
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REVUE ET GAZE]
MUSICALE
pérà. Ses romances et ses chantons font fureur. On apprécie le senti
ment et l'esprit qu'il met dans ces riens dont il sait faire quelque chose-
Chaque jour son nom figure en grosses lettres sur l'affiche, et chaque jour
la foule court l'applaudir. J'ai vu des personnages de l'aristocratie affron-
ter les nuages de fumée qui obscurcissent l'atmosphère du Casino Saint-
Hubert pour aller entendre M. Darcier. Cette circonstance est significa-
tive, car la noblesse belge tient fort à ne pas déroger.
La question de l'échange du droit de propriété littéraire entre la France
et la Belgique, question mise sur le tapis et très-sérieusement cette fois,
occupe beaucoup et la presse et le public. En peu de jours, quatre bro-
chures, les unes pour, les autres contre, ont paru sur cette matière. Il va
sans dire que la plupart des libraires, ceux qu'enrichit la contrefaçon ,
se prononcent énergiquement contre la mesure proposée. Vous saurez
d'abord que ce mot contrefaçon les offusque, et qu'ils lui ont substitué ce-
lui de rii mpressiin comme ménageant davantage leur amour-propre.
Vous saurez, en outre qu'ils n'ont pas l'opinion publique pour eux et que
l'échange du droit de propriété littéraire sera approuvé, non-seulement
par nos écrivains nationaux, mais encore par tous ceux qui savent que la
Belgique n'aura d'existence littéraire qu'à dater du jour où la contre-
façon (appelez-la réimpression si vous voulez) sera abolie. Je vous de-
manderai prochainement à pouvoir disposer de quelques colonnes de la
Gazette musicale pour examiner cette importante question sous ses dif-
férentes faces. On ne parle en général que de la propriété littéraire; mais
il va de soi que le principe devra être appliqué atout ce qui concerne
la production des œuvres de l'esprit, soient-elles littéraires, pittoresques
ou musicales. C'est à ce triple point de vue que je me propose de la con-
sidérer.
NOUVELLES.
V Demain lundi, à l'Opéra, reprise de Guillaume Tell. C'est Gueymard
qui chantera le rôle d'Arnold ; Morelli, celui de Guillaume, et Mme La-
borde celui de Mathilde. Deux cents choristes sont engagés pour cette so-
lennité.
*s* Les Huguenots ont été joués lundi devant une brillante et nom-
breuse assemblée. Le Président de la République assistait à cette repré-
sentation, dans laquelle les artistes se sont surpassés. Roger, Obin, Bré-
mond, Mmes Poinsot et Laborde n'ont mérité que des éloges.
*,.* V 'Enfant prodigue, également chanté par Roger, en compagnie d'O-
bin, de Mmes Dameron et Laborde; composait le spectacle de mercredi ;
et vendredi, le Prophète, toujours avec Roger, Mme Tedesco et Mlle Poin-
sot, terminait splendidement une semaine consacrée tout entière aux
grandes production de l'art lyrique.
*\* Mlle Plunkett va passer à Londres les deux mois de son congé.
%* Après la reprise du chef-d'œuvre de Rossini, qui aura lieu demain,
le théâtre sera tout entier à la mise en scène Au. Juif- Errant. Huit cents
costumes nouveaux doivent être faits pour cet ouvrage.
*J- La situation de notre première scène lyrique appelait l'intérêt du
gouvernement. Cette entreprise avait à supporter le poids d'un passif
accepté dans d'autres temps et dans d'autres circonstances, mais que ni
les efforts les plus soutenus, ni les succès les plus éclatants n'auraient
jamais pu parvenir à combler. C'était donc le cas d'une intervention gé-
néreuse, et, comme ministre de l'intérieur, M. de Morny n'a pas hésité à
s'en charger. Sur sa proposition, six annuités de 60,000 fr. chacune ont
été accordées et exclusivementdestinées àl'extinction des dettes actuelles.
En outre, le privilège dont M. Roqueplan est titulaire a été prolongé de
quatre années, ce qui en porte la durée totale jusqu'au 31 décembre
1861.
*** L'ouvrage en trois actes dans lequel débutera Mlle Wertheimber,
et dont les auteurs sont MM. de Saint-Georges et Grisar, doit être joué
sous peu de jours.
*„* Les répétitions de la pièce en 2 actes de MM. Bazin et Sauvage, se
poursuivent toujours avec une grande activité, et l'on présumé que la
première représentation aura lieu dans les premiers jours de février.
%* Depuis le jour de son début, Mlle Favel a fait de remarquables pro-
grès dans le personnage de Nina, qu'elle joue maintenant en actrice qui
aurait plusieurs années de théâtre.
%* Nubueochnosor a reparu mardi au Théâtre-Italien et a été donné
pendant toute la semaine. Cet ouvrage, par lequel Verdi a débuté en
France, reste, toujours pour nous celui où la manière du compositeur se
produit avec le plus d'énergie et d'éclat. Sophie Cruvelli et Ferlotti chan-
taient les rôles d'Abigaïl et de Nabuco. La première s'est élevée plus haut
que jamais, comme cantatrice et actrice. Dans le trio du premier acte, et
surtout dans l'air du second, elle s'est signalée par des traits d'une au-
dace heureuse : elle a descendu â pleine voix une gamme de deux octaves.
Dans le grand duo du troisième acte, elle a encore enlevé les bravos avec
Ferlotti, chanteur vraiment distingué, tout à fait adopté par notre public.
Belletti L'ayant pu chanter le rôle du grand-prêtre Zacharie, c'est Susini
qui s'en est chargé, et dont la belle voix s'y est déployée avec un plein
succès.
%* Fidelio est toujours à' l'étude, et toujours attendu par les admira-
teurs de Beethoven.
%* Le Postillon de Lon jumeau, cet ouvirage si populaire d'Adolphe Adam ,
va être incessamment repris au théâtre de l'Opéra-NationaL C'est le bary-
ton Meillet qui chantera le rôle de Chapelou.
*£* Demain lundi , aura lieu la première représentation «tu Mariage en
l'air, ouvrage en un acte, au théâtre de l'Opéra-Kational. La partition est
de M. Dejazet, fils de la célèbre actrice de ce nom.
%* On annonce que le Président de la République aura sa loge dans
tous les théâtres de la capitale, et qu'un subside extraordinaire sera ac-
cordé à toutes les admistrations théâtrales non subventionnées ou indem-
nité des pertes qu'elles ont dû éprouver pendant les premiers jours de dé-
cembre 1851.
*„* M. Emile Perrin, l'habile directeur de l'Opéra-Comique, et M. Franc-
homme, l'excellent violoncelliste, professeur au Conservatoire , viennent
d'être décorés de l'ordre de la légion d'honneur.
%* Tous les directeurs de Paris ont signé une pétition tendante â ob-
tenir la réduction à trois pour cent du droit des indigents, dont le prélè-
vement est aujourd'hui de neuf pour cent, soit le onzième de la recette
brute. La Commission des auteurs a fait aussi une démarche auprès du
ministre de l'intérieur pour arriver au même résultat.
%* Le Prophète va être bientôt représenté à Lille.
*** Nous avons constaté le succès du Prophète â Lyon, succès non moins
brillant que productif, puisque les trois premières représentations ont
rapporté plus de 10,000 fr. Mais ce que nous devons constater aussi, c'est
l'impossibilité dans laquelle le chef d'orchestre, Georges Hainl, s'est
trouvé de se procurer des harpistes. Vainement s'est-il adressé à M. Ad.
Adam, à M. Girard, à M. Prumier, à nous-mêmes. Nos efforts réunis n'ont
pu décider les harpistes parisiens, dont le nombre est d'ailleurs si mini-
me, à faire le voyage de Lyon. Ce fait singulier mérite bien qu'on l'enre-
gistre.
%* Le Conseil municipal de Strasbourg a voté une somme de 10,000 fr.
pour la mise en scène du Prophète. Les répétitions ont commencé, et tout
fait espérer que la représentation du chef-d'œuvre terminera brillamment
l'année théâtrale.
%* V Enfant Prodigue est en répétition à Munich. Le régisseur général,
M. Cornet, vient de faire exprès le voyage de Paris pour étudier la mise
en scène, costumes, décors et accessoires, qui seront exactement confor-
mes à ceux de Paris.
*s* Le Cercle lyrique de Marseille avait récemment conféré à Rossini
le titre de président honoraire de la Société. M. Provini, l'un des fonda-
teurs, qui avait écrit à l'illustre maestro, a reçu de lui la réponse qu'on
va lire : — « Florence, 10 janvier 1852. Monsieur, recevez mes vifs re-
» merciments pour l'honneur que je vous dois d'avoir pensé que mon
» nom pourrait ajouter de l'illustrafion au Cercle lyrique de Marseille.
» On est heureux de penser qu'au milieu des tourmentes révolution-
» naires, les âmes ne perdent pas le sentiment des arts...., Marseille,
» comme toujours, s'y réveille, voulant cicatriser ses récentes blessures
» par l'amour de l'harmonie. C'est vous dire, Monsieur, que l'auteur 'des
« quelques vieilleries dénommées par vous accepte avec plaisir et grati-
» tude le titre de président honoraire que le comité vient lui offrir.
» Soyez, Monsieur, mon interprête chaleureux auprès de la commission.
» Puisse cette nouvelle preuve de la bienveillance française pour moi
h me permettre de faire agréer à Dieu tout-puissant les vœux que je vous
» adresse pour tout ce qui se rattache au bonheur et à la gloire de la
» France. Personnellement, Monsieur, recevez l'expression affectueuse
» de ma gratitude et l'assurance dévouée de ma haute considération.
h G. Rossini. »
%* Des motifs impérieux forcent Mme El. Launer-Manera à remettre
son concert du dimanche 25 courant, h" Audition de l'Albvm dis Femme*,
est irrévocablement fixée au jeudi 26 février, à 8 heures du soir, dans la
salle Sainte-Cécile. Les billets déjà pris pour le 25 janvier seront admis
le 26 février.
%* Ernst donnera son second concert le k février. A la prière générale,
il y jouera encore son admirable concerto, et divers morceaux qu'il n'a
pu faire entendre dans son premier concert. Léopold de Meyer s'adjoin-
dra un célèbre violoniste.
* * La charmante Mlle Clauss, donnera son concert le lundi 2 février,
dans la salle Ilerz, et exécutera les morceaux suivants : Fantaisie sur la
Sor.nambula de Thalberg; — chanson bachique de Wolff ; — rhapsodies
de Dreyschock ; — prélude et fugue de Bach ; — andante et final d'une
sonate de Beethoven ; — fantaisie sur Don Juan, de Liszt.
*„,* La Société de Sainte-Cécile donnera son deuxième concert d'abon-
nement le dimanche 1" février, à deux heures, à la salle Sainte-Cécile, rue
de la Chaussée-d'Antin, Zi9 bis. Programme : 1° ouverture de la Vestale, de
Spontini; — 2° fragments de Rosemçnde, drame lyrique de Schubert , invo-
cation , romance chantée par Mlle Lefebvre , chœur de bergers ; — sym-
phonie en ut mineur, de Beethoven ; — U° Berceuse, de Blanche de Pro-
vence, chœur â quatre voix, de Cherubini ; —5" air varié, chanté par
Mlle Lefebvre, de A. Adam; — 6° ouverture de Rmj-ISLs, de Mendelssohn.
— L'orchestre sera dirigé par M. Seghers. Les chœurs seront dirigés par
M. Wekerlin.
V Jacques Offenbach vient de partir pour aller jouer dans trois con-
certs, auxquels il a été engagé par les Sociétés philharmoniques du Mans,
de Rennes et de Laval. 11 sera de retour à Paris dans une huitaine de
jours.
'*,* Stephen Heller, retenu chez lui depuis quelques semaines par une
DE PARIS.
31
maladie assez grave, est en voie de convalescence. Nous espérons que l'é-
mirient artiste sera bientôt rendu à ses travaux de composition èt'Ss es
amis.
*„* Albert Bowinski continue avec succès sa tournée départementale. Il
vient de donner de brillants concerts à Roehefort et à saintes. Dans celte
dernière ville, plusieurs daines amateurs, douées de fort jolies voix, ont
chanté des aoli dans les chœurs et morceaux d'ensemble.
%* Le concert de Mlle Graever est toujours fixé à mercredi prochain.
Mlle Graever jouera le T trio de Rériot avec SIM. Cuvillon et Lcbotic, la
fantaisie de Thalberg sur la Muette, une sonate de Beethoven, des mor-
ceau de Gottschalk, Liszt et de sa propre composition.
*„* Voici le programme de la deuxième séance de musique de chambre
qui aura lieu le 1" février dans la salle Pleyel. — 1" Quatuor de Mozart
en ré, deux violons, alto et basse. — 2" Trio de Weberpour piano, violon
et basse. — 3" Amiante capriccio de Mendelssohn (posthume) pour deux
violons, alto et basse. — /i" Andante varié de Beethoven (tiré de l'œuvre
12) pour piano et violon. — 5° Septième quatuor de Beethoven. — Exé-
cutants : MM. Alard, Armingaud, violons ; Casimir Ney, alto ; Franchomme,
violoncelle; Aille Camille Meara, piano.
*„* Lundi, 26 courant, un concert sera donné par l'une des élèves le
plus distinguées de Chopin. Mme Roubaud de Cournand fera entendre
plusieurs morceaux de la composition de ce grand maître, un trio de
Beethoven exécuté par elle, MM. Alard et Franchomme, et un duo de Mo-
zart pour violoncelle et piano. La partie vocale du concert sera remplie par
une cantatrice amateur et par M. Géraldy, qu'on aime toujours à applau-
dir. Le concert aura lieu dans les salons de M. Pleyel à deux heures de
l'après-midi.
*** Le concert de M. et Mme Léonard di Mendi, aura lieu dans la pre-
mière quinzaine de février à la salle Herz. Berlioz conduira l'orchestre.
%* Un concert remarquable a élé donné jeudi dernier dans les salons
de M. Souffleto par Mlle Ritter de Corcelles, jeune et jolie cantatrice. Des
artistes distingués, Ilermann-Léon, Audran, Verroust et Mme Oscar Co-
mettant, qui s'est révélée cet hiver avec tant d'éclat dans les salons et
dans les concerts, ont prêté leur concours à la bénéficière. Verroust, le
délicieux hautbois ; Ilermann-Léon, dans le grand air de la Gazza ladra,
qu'il chante en italien ; Audran, dans de jolies romances de sa composi-
tion; Mme Ritter de Corcelles, dans le délicieux duo des Soirées de Rossini,
Mira h biinea tuna, et Mme Oscar Comettant dans le bel "air de Sémira-
mide, qu'elle chante avec un charme et une délicatesse vraiment merveil-
leuses, ont mérité les plus chaleureux applaudissements.
*„* Le comité de la Société philanthropique et artistique de Sainte-Cécile
à Bordeaux, vient de souscrire pour la somme de 50 fr. au monument
à élever à la mémoire de l'illustre Weber. C'est un exemple, qui nous
l'espérons, sera suivi par toutes les autres sociétés françaises et étran-
gères.
*** Les Bals masqués de l'Opéra n'ont rien perdu de leur vogue tradi-
tionnelle ; à chaque samedi , la foule augmente, et il en sera de même
jusqu'à la fin du carnaval.
CRONIOUE DÉPARTEMENTALE.
%* Niort. — Une messe de la composition de .M. Eugène Delavault a
été exécutée dans l'église de Saint-André. Toute l'élite de la société s'est
empressée de venir entendre cette œuvre sérieuse, digne sœur de l'Ora-
torio de Tobie dont nous conservons un souvenir durable; et du Mas-
que noir, opéra dont nous ne connaissons que quelques fragments.
*„* Orléans. — M. Ernst a donné un concert dans lequel il a joué ses
airs hongrois, le Carnaval et la fantaisie sur Olelh. Son succès a été
aussi grand que légitime:
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
*„* Vienne. — Aille Constance Ceiger, dont le beau talent de composi-
(.■m- i'i de pianiste esl i-onnii. a pris l'initiative d'une représentation au
bénéfice des pauvres, qui a eu lieu au théâtre an-der-Wien. Cette belle soi-
rée, à laquelle assistait l'élite de notre public, se composait de deux co-
médies, dont les principaux rôles ont été joués avec beaucoup de succès
par Mlle Ceiger. Dans les entr'actes, on a également beaucoup applaudi
plusieurs compositions de Mlle Geiger, qui ont été exécutées par un or-
chestre de musique militaire. — Notre capitale possède de nouveau une
gazette musicale, qui se publie chez l'éditeur Gloeggl.
%* Francfort -sur-tc-Mnin. — Mme Son tac; a dans l'espace de deux mois
ouvert la troisième sérié de ses représentations â notre théâtre. Chaque fois
la salle est comble, et l'enthousiasme du public va toujours en croissant.
Aux lauriers que la célèbre cantatrice a cueillis chez nous, elle a joint la
glorieuse couronne de la bienfaisance Elle a donné ses trois dernières
représentations au profit d'un hospice et au bénéfice de deux artistes du
théâtre. Parmi les concerts périodiques nous citerons, outre ceux du Mu-
sée et de la réunion Sainte-Cécile, les soirées de quatuors arrangées par
M. H. Wolff.
*j* Slutlija't. — Les répétitions du Val d'Anlorrt, d'IIalévy,- -§s pour-
suivent avec une grande activité sous la direction de M. Kucken : la pre-
mière représentation aura lieu sous peu de jours. — Mme Sontag est
attendue prochainement.
*„* Pétersbourg, 12 décembre. — Vieuxtemps a donné un concert la
semaine passée : il y a joué cinq morceaux avec cette perfection admi-
rable où la critique la plus sévère ne trouverait rien à reprendre.
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— Les Rendez-vous bourgeois, nouv. quat. pour piano. . Ix 50
— Zerline ou la Corbeille d'oranges, 2 quadrilles, chaque k 50
Slusard. La Tempesta, quadrille U 50
— Les Lingots d'or, suite de valses pour piano 5 »
— Ouistiti, polka pour piano 3 »
— La Priora, polka pour piano ^ 50
— Tarentelle et galop pour piano k 50
— Nouvelle suite de galops pour piano Zt 50
Toutes ces compositions sont en vente, pour piano, à 4 mains et pour orchestre.
PARIS. — mrUIÎIKr.lK CENTRALE DE NAPUlEON CUAIX ET G,<s, MIE CElUihf'.E, 211.
BUREAUX A PARIS : BOULEVART DES ITALIENS, 1.
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et nux llureaux des Mcssugorics 1 1 dos postes
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■ i-lmiiiic. Snssctti.
REVUE
1er Février 1851.
Prix tic l'Abouncnicni i
Paris, un *in 24 Cf.
Départements, Belgique et Suisse IJO
Étranger 3i
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Le Journal p 'irait le Dimanche.
GAZETTE MUSICALE
DU ?âïl!Si
— /vw\APS©©©J\A/wv- -
SOMMAIRE. — Exposition universelle de Londres (19' lettre), par Fétis père. —
Théâtre du Grand Opéra, reprise, de Guillaume. Tell, Gueymard, 200 choristes.
— Théâtre de l'Opéra-National, le Mariage en l'air, opéra bouffon en un acte,
musique de M. Eugène Déjazct, par G. Iléqnet, — Concerts : Mlle Graever,
Louise Mattmann, etc., par Slenri Rlanchard. — Inauguration du grand
orgue de Saint-Vincent de Paul, de M. Aristide Cavaillé-Coll fils, par Maurice
Bourges. — Nouvelles et annonces.
EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES.
(mX-N'ElVIF.ME LETTRE) (1).
Monsieur,
Le grand facteur d'orgues de l'Angleterre est M. Hill. Doué de l'esprit
d'invention , il a de plus beaucoup d'expérience, et ses voyages sur le
continent européen ont complété ses connaissances dans son art. Les
instruments construits par lui sont en grand nombre , et beaucoup de
ses ouvrages sont de grande dimension. Outre l'orgue immense d'York,
dont j'ai parlé dans mes lettres précédentes, on connaît aussi de ce
facteur distingué les orgues c'es chapelles royales de St-James Palace,
de Whitehall et de Hampton-Court, de la chapelle du collège de Saint-
Jean, à Cambridge, de la cathédrale de Saint-Asaph , de celle de Wor-
cester, le bel orgue de l'abbaye de Westminster, celui de l'église du
Christ dans ffewgaie-Strèet, à Londres; ceux de Sainte-Marie A t- Hill,
dans la même ville ; de Stratford, de Saint-Jean , à Chester ; le grand
orgue de Birmingham ; celui de l'église Saint-Luc, à Manchester ; ceux
de la chapelle de Saint-Georges , à Liverpool , de la grande salle de
concert à Edimbourg, et les réparations radicales des orgues des cathé-
drales de Rochester et de Canferbùry.
L'orgue placé par M. Hill à l'Exposition est en quelque sorte un mo-
dèle, un spécimen d'un nouveau système de construction de ce genre
d'instruments. Ce système a pour objet la simplification de disposition
et de mécanisme. La main et la tête d'un artiste de mérite s'y font re-
marquer. L'instrument a deux claviers à la main et un clavier de pé-
dales de deux octaves et un tiers. Au grand orgue on trouve une montre
de 16 pieds, un bourdon de 16, une flûte ouverte de 8, une flûte octa-
viante de 8, un prestant, une quinte de 3 pieds, une doublette, une
sesquialter de 3 rangs; trompette de 8 pieds, kromhorne de 8, et haut-
bois de forêt de A. Le clavier de récit n'a que cinq jeux , qui sont la
hohl-flûte, jeu de flûte de 8 pieds, d'un moindre diamètre que la flûte
ouverte de même dimension, et dont le biseau est adouci pour lui don-
ner une sonorité plus moelleuse ; la claribella , qui a beaucoup d'ana-
logie avec la flûte traversière ; le yemshorn, de h pieds, jeu de l'espèce
des gambes, qui a beaucoup d'analogie avec le solicional, un hautbois,
et la tuba mirabilis, de 8 pieds, jeu d'anches, qui résonne par un vent
particulier d'une pression très-intense. La pédale n'a qu'une montre de
16 pieds.
(1) Voiries n" 34, 35, 37,39, 40, 41, 42, 43, 44, 45, 46, 47,
de 1851, 1" et 3 de 1852.
49, 50, 51,
Le mécanisme de l'orgue de M. Hill est remarquable par la simpli-
cité, le fini et la précision. Le facteur y a adapté le levier pneumatique
de M. Barker. A cette occasion, je crois devoir faire remarquer qu'il y
a de singulières destinées dans la carrière des hommes d'étude et des
inventeurs. Il y a environ quinze ans que M. Barker imagina son ingé-
nieux engin, dont la nécessité venait de lui être démontrée pour les
grandes orgues par la lourdeur des claviers accouplés de l'instrument
colossal de York. Il en proposa alors l'application aux orgues de sa
patrie, de cette même Angleterre qui méconnut alors la valeur de l'in-
vention,et qui s'en empare aujourd'hui, après en avoir vu le succès
dans les belles orgues françaises. Or, le jury a accordé une grande mé-
daille à M. Willis pour une modification sans valeur dans la disposition
du levier inventé par M. Barker, tandis que cet homme de génie n'a
rien obtenu, et que son nom n'a pas même été prononcé.
L'instrument de M. Hill se distingue par une nouveauté très-ingé-
nieuse. Les pédales de combinaisons et d'accouplement inventées en
1800 par M. Bishop, facteur d'orgues anglais, sont incontestablement
une des ressources d'effets les plus riches que puisse trouver l'organiste
dans un instrument, puisqu'il peut, avec leur secours, faire sortir ou
rentrer tous les jeux, les réunir par systèmes de jeux de flûtes, de jeux
d'anches et de jeux de mutation, les séparer, accoupler les claviers
dans toute leur étendue ou par octaves, emprunter à la pédale pour
fortifier les bases des claviers à la main, ou emprunter à ceux-ci pour
fortifier la pédale, enfin, séparer tout ce qui a été réuni, et tout cela
sans que les mains de l'artiste quittent le clavier. Cependant, quelles que
soient ces richesses, il est de certaines combinaisons de détails qui ne
peuvent être faites par les pédales de service, et qui exigent que l'or-
ganiste tire en pareil cas les registres des jeux un à un ; de plus, cha-
que système de jeux, dans les tira-tutti, exige que chaque pédale de
ces systèmes soit mise en mouvement à son tour, ce qui fait perdre
du temps, et ce qui, d'ailleurs, retire un pied du clavier des pédales
dans un moment où il est peut-être nécessaire. M. Hill a imaginé pour
ces cas des petits claviers placés des deux côtés des claviers de l'in-
strument. Au-dessus de chaque touche de ces petits claviers se trouve
l'indication du jeu ou du système de jeux h quoi elle correspond, en
sorte que chaque doigt peut faire sortir autant de jeux ou de combi-
naison de jeux que veut l'artiste, et que pour le tira-tutti, il suffit
d'étendre toute la main sur le clavier. Les combinaisons que la main
droite fait sortir, la main gauche les fait rentrer. Le mécanisme par
lequel M. Hill fait exécuter tous ces mouvements est une merveille de
légèreté et de précision. La plus légère pression des doigts sur les
touches suffit pour faire exécuter les mouvements, sans que le moindre
bruit se fasse entendre.
Plusieurs autres orgues de moindre importance que celles que j'ai
34
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
décrites précédemment se trouvaient à l'Exposition universelle ; mais
avant de faire l'examen des particularités par lesquelles elles se distin-
guent, il est nécessaire que je dise quelque chose du système d'accord
des orgues anglaises.
Jusque dans la première moitié du xvm" siècle, la plupart des or-
gues françaises, belges, allemandes, etc., étaient accordées de manière
à donner une justesse absolue dans les huit tons du plain-chant; on y
rejetait les inégalités qui sont l'origine du tempérament sur certaines
notes qui n'étaient d'aucun usage dans l'accompagnement du chant des
huit tons, et qui devenaient par cela même horriblement fausses. Tels
étaient les la bémol et ré bémol, qui formaient des tierces déchirantes
avec ut et ja. Cependant la transformation de la tonalité qui s'opéra
dès le commencement du xvne siècle et qui était accomplie avant 1660,
avait obligé les organistes à faire leurs préludes dans le nouveau
système de tonalité, bien qu'ils traitassent seulement sous cette forme
les tons analogues à ceux du plain-chant, par exemple, ré mineur
pour le premier ton ; sol mineur pour le second transposé ; mi mineur
pour le troisième ; la mineur pour le quatrième transposé ; ut majeur
pour le cinquième transposé ; ja pour le sixième ; ré majeur pour le
septième transposé et pour le huitième. On voit que les notes fausses
n'apparaissent pas dans ces tons.
J.-S. Bach ne pouvait rester dans des limites si étroites ; son génie
le portait vers le genre chromatique et vers la multiplicité ries modula-
tions. Le système d'accord des orgues , pratiqué également par la plu-
part des accordeurs pour les clavecins, parce que les tons où il y avait
beaucoup de dièses et de bémols n'étaient employés ni par les exécu-
tants ni par les compositeurs ; ce système, dis-je, contrariait les goûts
du grand artiste, fort jeune encore. Il commença ses essais de fugues,
modulées et composées dans des tons inusités, lorsqu'il était organiste
à la cour de Weimar, dont il fit accorder l'orgue suivant les règles
du tempérament égal pour réaliser ses vues. La nouveauté des effets
qu'il en tirait fit une vive impression sur quelques organistes de grand
mérite qui existaient alors en Allemagne ; ils firent accorder leurs or-
gues d'après le même système. Mais la révolution ne fut complète
qu'après que la monumentale conception de Bach, connue sous le nom
de clavecin bien tempéré, fut connue et que les copies en furent répan-
dues. On sait que ce recueil est composé de quarante-huit fugues et
préludes dans tous les tons majeurs et mineurs ; mais on ignore géné-
ralement la signification du titre choisi par le grand homme. Le cla-
vecin bien tempéré veut dire que l'instrument doit être accordé de telle
manière qu'on puisse exécuter dans tous leurs tons respectifs les pré-
ludes et les fugues de cette oeuvre immortelle. Les orgues de l'Allema-
gne, celles de France, de Belgique et d'Italie, sont depuis plus de
soixante ans accordées d'après le tempérament , comme le sont les
pianos. Mais les facteurs anglais sont restés fidèles à l'ancien système
de l'accord pour les tons du plain-chant dans les orgues d'église, et ne
font usage du tempérament que dans les instruments destinés à quel-
ques salles de concert pour l'exécution des oratorios ; en sorte qu'un
organiste de grand talent ne pourrait se faire entendre sur les orgues
anglaises placées dans les églises sans déchirer l'oreille par la fausseté
des accords. En essayant les orgues de MM. Gray et Davison , ainsi
que de M. Hill, j'acquis la conviction que la modulation y est à peu
près impossible. Je reviens au sujet spécial de cette lettre.
Quelques petites orgues étaient exposées au Palais de Cristal. L'un
de ces instruments était un orgue de chambre construit par M. Bishop.
Cet orgue contenait, suivant le livre de l'Exposition, des pédales de
combinaison ; mais jamais je ne l'ai vu ouvert, et je ne sais ce qu'il
peut être. M. Dawson avait exposé un aulophone, espèce d'orgue dont
les tuyaux étaient en carton ; mais jamais je n'ai pu l'entendre ni le
jouer. Il paraît que ces instruments étaient peu dignes d'intérêt, car
il ne leur a été accordé par le jury ni récompense ni mention. M. Hol-
dich, facteur à Londres, avait mis à l'Exposition un petit orgue de
chœur, dans lequel il avait placé un jeu de flûte octaviant auquel les
Anglais donnent le nom de diaocton parce qu'il fait entendre deux voix
à l'octave. Ce petit instrument n'offrait d'ailleurs rien de remarquable.
M. Scbûlz, autrefois facteur d'orgues à Paulinzelle, maintenant éta-
bli à Mulhausen, dans la Thuringe, s'est montré fort supérieur à la
plupart des facteurs anglais dans un orgue à deux claviers à la main et
clavier de pédales, construit d'après les principes de proportions de
M. Toepfer. Sans atteindre au fini des bonnes orgues françaises, celui
de M. Schûlz se distingue par sa puissance et sa bonne sonorité. Le
clavier du grand orgue renferme une montre de 8 pieds ou bourdon de
16, une viole ou gambe de 8, une hohl-flùle de" 8, un gedacht ou bour-
don de 8, un prestant, un plein-jeu de cinq rangs de tuyaux et une
forte trompette de 8. Les jeux du second clavier sont une montre de
8 pieds, un bourdon de 16 de petite taille, un bourdon de 8, une flûte
traversière de 8, un prestant et un flûte de 4. A la pédale on trouve
une sabbasse de 16, une basse de 8, une montre de 8, une flûte de 8,
une hohl-flûte de 8, et un trombone de 16. La plupart de ces jeux ont
une bonne harmonie, et leur qualité puissante prouve en faveur du
système proportionnel de M. Toepfer. M. Schûlz est considéré comme un
des bons facteurs de l'Allemagne. Il est un des premiers qui aient fait
usage des sommiers obliques. Son instrument, auquel une médaille de
prix a été décernée par le jury de l'Exposition, a été acquis depuis peu
par un amateur nommé M. Charles Croskill, et placée dans la grande
salle de la Bourse, à Northampton.
11 est un autre instrument de l'espèce des orgues, lequel se recom-
mande par l'originalité, et qui mérite une analyse développée : je veux
parler de l'orgue envoyé à l'Exposition par MM. Antoine et Michel-Ange
Ducci frères, de Florence. Cet orgue, qui renferme un principal ou
montre de 8 pieds, divisé en deux registres; une flûte de 4 , également
divisé en deux registres; une doublette, un flageolet, un larigot, et
une trompette de 8 divisée en deux registres, est contenu dans une
caisse étroite dont la hauteur n'est que de 1 mètre 46 centimètres; la
largeur, 96 centimètres, et la profondeur, 52. Tout le mécanisme et le
placement des tuyaux dans un espace si restreint indiquent les disposi-
tions les plus ingénieuses. Mais la partie essentiellement remarquable
de ce singulier instrument consiste dans le jeu de la pédale, dont le
clavier, û'uthut, a l'étendue d'une octave divisée par douze demi-
tons. Cette pédale est un bourdon de 16 pieds dans la note la plus
grave. Les douze demi-tons sont produits par le même tuyau en bois de
h pieds, placé dans la caisse qui sert de siège à l'organiste. Ce tuyau ,
étant bouché, ne pourrait donner que le son d'un ouvert de 8 pieds
pour la note la plus grave, répondant à l'ut de la quatrième corde du
violoncelle; mais par les circuits que l'air est contraint de faire dans
la capacité du tuyau , ce son est baissé d'une octave. Des ouvertures
pratiquées dans la longueur de la paroi supérieure du tuyau, et fermées
par des espèces de soupapes à ressort , servent à produire les douze
demi-tons chromatiques qui répondent aux marches du clavier de pé-
dales, et fonctionnent avec beaucoup de régularité. De cette combinai-
son résulte une puissance de sonorité qui paraît incompatible avec les
proportions d'un si petit instrument. La première impression , à l'au-
dition d'une si grave sonorité, est celle de l'étonnement ; cependant la
personne chargée de la garde et de l'entretien de l'ingénieux instru-
ment de MM. Ducci m'ayant dit, pendant que je le jouais, que la pédalo
était formée par un seul tuyau placé dans le siège sur lequel je me
trouvais, j'examinai les dimensions de ce siège, et je devinai aussitôt
les dispositions intérieures de ce tuyau, ainsi que le mécanisme des
soupapes ou clefs pour produire les demi-tons. Le mandataire de
MM. Ducci parut d'abord étonné que le secret d'une construction si
inusitée eût été pénétré sans difficulté ; mais, au lieu de se retrancher
dans des dénégations inutiles, il démonta le siège, et me fit voir tous
les détails du mécanisme, qui répondaient à mes prévisions.
L'instrument de MM. Ducci a obtenu les éloges de beaucoup d'artis-
tes distingués en Italie, et le jury de l'Exposition universelle a décerné
une médaille de prix aux inventeurs. Les mêmes industriels ont voulu
appliquer leur principe à un instrument basse d'orchestre, auquel ils
ont donné le nom de barislale. Suivant eux, le souffle de l'homme..
DE PARIS.
35
môme le plus robuste, esl h peine suffisant pour l'aire résonner un in-
strument qui, dans les notes graves, est à l'unisson des notes de la
première corde de la contre-basse. Les sons produits à ce degré, diseir
MM. Ducci, sont très-faibles, n'ayant pas l'énergie nécessaire pour cor-
respondre aux sons du soprano, qui, sans nul doute, sont mieux pro-
duits par le souffle de l'homme qui pa: aucun moyen mécanique connu.
L'art et le génie, ajoutont-iU, ne peuv.nt suppléer la force nécessaire
pour faire résonner les basées graves avec une force proportionnelle
à celle des instruments aigus. leurs propositions se résument de la
manière suivante :
1° La force d'insufflation de l'homme est suffisante pour mettre en
vibration complète les instruments dont la note la plus grave est repré-
sentée par l'ut d'un tuyau d'orgue de h pieds.
2° Si l'on veut baisser d'une octave, et conséquemment employer un
tuyau dont les dimensions soient doublées dans toutes les mesures. Or
un corps régulier qu'on veut doubler en longueur, en épaisseur et en
diamètre, devient sept fois plus volumineux, en sorte que la sortie de
l'air du tuyau de 8 pieds est de trois quarts plus grande que celle d'un
tuyau de 4 pieds. MM, Ducci en concluent que si la puissance d'insuf-
flation d'un homme est nécessaire pour un tuyau de 4 pieds, il faut
celle de quatre hommes pour un tuyau de 8 pieds. D'où il suit qu'il faut
la puissance du souffle de seize hommes pour un tuyau de 16 pieds, et
de soixante- quatre pour un tuyau de 32 pieds.
3° Ce qui ne peut être fait par la force humaine, peut être fait par la
mécanique, et un soufflet suffisamment chargé pour la pression de l'air
peut faire résonner, avec une force égale aux instruments aigus , les
instruments de basse, dont la note grave équivaudrait à \'ut de 32 pieds.
Ce soufflet peut être facilement manœuvré par l'artiste qui, au moyen
d'un clavier, ferait jouer les clefs ou soupapes d'un tuyau semblable à
celui dont il est parlé ci-dessus.
k° Mais l'expérience a démontré que les tuyaux d'orgue très-graves
du genre des flûtes n'ont pas le mordant nécessaire pour dominer la
masse des instruments d'un orchestre. Pour obtenir ce mordant,
MM. Ducci ont imaginé un moyen mécanique pour produire dans leur
barislate l'effet strident des jeux d'anches très-forts ; mais ce moyen
factice ne m'a pas paru atteindre le but qu'ils se sont proposé, car le
ronflement qu'ils obtiennent par leur moyen ressemble absolument aux
battements précipités du chevalet dans l'ancienne trompette marine.
L'effet produit est du bruit, mais ce n'est pas un son pur.
Sans entrer en discussion sur l'exactitude des données posées par
MM. Ducci , je crois donc pouvoir assurer que le barislate ne satisfera
pas aux conditions de sonorité indispensables pour un instrument fon-
damental, et que par cette raison il n'obtiendra pas le succès que ses
inventeurs espèrent pour lui.
Dans ma prochaine lettre, qui sera la dernière, je me livrerai à l'a-
nalyse d'un nouvel orgue enharmonique et de quelques perfectionne-
ments des harmoniums. FÉT1S père.
THEÀTBE DU GBAWÛ OPERA.
Reprisse «le £liti?ifnime 'Fetl.
Itïil "Biorisles.
f.ucyiHtfrd. —
C'est une belle propriété à cultiver et à faire valoir qu'un chef-d'œu-
vre. Vous n'avez qu'à le laisser reposer quelque temps et qu'à le ra-
fraîchir de quelques tours de charrue : les épis reverdissent, la mois-
son mûrit et les greniers regorgent. Guillaume Tell est du nombre
de ces bonnes terres, où le regain ne manquera jamais. Par une excep-
tion rare, on n'en avait pas d'abord connu toute la richesse ; il fallut
qu'un grand artiste vînt le tirer de la triste jachère où il languissait de-
puis longtemps. C'est à peine si l'on peut croire ce qui pourtant
n'est que trop vrai. Guil'aume Tell, avant Duprez, en était réduit à
n'être plus joué que par fragments ; on en donnait le second acte de-
vant un ballet ou un concert. Le second acte de Guillaume Tell tombé
à l'état de lever de rideau !
Depuis la réhabilitation, autre mésaventure : Duprez avait élevé si
haut le rôle d'Arnold que personne n'était plus do taille à l'aborder.
L'année dernière, h pareille époque, un jeune chanteur nommé Mairalt
montra dans ce beau rôle quelques brillantes qualités. Mais à cette
année était réservé l'honneur d'une reprise tout à fait digne de l'œuvre.
La direction, qui avait remis tant d'ouvrages classiques au courant du
répertoire, ne pouvait négliger Guillaume Tell, et Gueymard, dont
les progrès avaient été si remarquables pendant les derniers mois,
devait aspirer à en faire preuve clans le rôle le plus difficile de l'emploi.
Guillaume Tell a doncreparu ; la foule s'est pressée pour le revoir
avec une ardeur toute nouvelle ; le premier jour on s'est même étouffé
aux portes parce que la salle entière était louée, et que tous les spec-
tateurs se présentaient à la fois. Il n'en est résulté qu'un retard dans le
commencement du spectacle. Sans doute le chef-d'œuvre était pour
beaucoup dans cet accès de curiosité fiévreuse, mais le jeune chanteur
y était aussi pour une part notable, et nous nous hâtons de dire qu'il a
justifié ce vif intérêt. Nous ne sommes pas de ceux qui flattent les ar-
tistes, qui les perdent en les enivrant. Nous ne flatterons pas Guey-
mard plus qu'un autre, mais nous le féliciterons franchement de la
manière dont il a rempli sa tâche, souvent bien, parfois très-bien, ra-
rement mal. Nous constaterons qu'il a fait un pas de plus, et que dé-
sormais Guillaume Tell est sûr de trouver en lui un interprète.
Nous nous garderons de comparer ce que Gueymard est aujourd'hui
à ce que Duprez était naguères : la distance est encore trop grande.
Duprez était un maître consommé : Gueymard le sera peut-être un
jour, mais il a besoin d'études sévères et assidues. II a besoin de mo-
dérer, de contenir, d'assouplir sa voix , dans l'intérêt de son effet et
de sa durée. En revanche, et dès à présent, le jeune artiste a pour lui
la puissance du son, l'éclat, la chaleur, l'énergie. Il parle au public un
langage que le public comprend , qui l'émeut , le passionne : il y a
communication directe entre l'audito;re et lui. Dans le duo du premier
acte, dans celui du second , Gueymard a souvent trouvé l'accent mu-
sical et dramatique. Ce qu'il a dit le mieux, c'est toute la première
partie du magnifique trio : c'est la phrase de récitatif : Je cours dans
les combats reconquérir l'honneur;, c'est aussi la phrase de chant:
Souvent la gloire y marqua mon passage; elle remplace aussi la li-
berté. Dans l'autre phrase si pathétique : 0 ciel ! je ne te verrai plus,
il n'atteint pas les trois si aigus sans un effort pénible, et déjà l'on
pouvait présager ce qu'il adviendrait de lui dans l'air final, s'il avait la
témérité d'aspirer au fameux ut de poitrine. Mais quelle folie de s'y
croire obligé, condamné, comme par un arrêt de cour souveraine ! A
quoi bon cette note, qui n'ajoute rien à la beauté de l'air, ni au mérite
du chanteur, cette note jetée dans le dernier membre d'une péroraison,
et qui n'a jamais été écrite à l'intention d'une poitrine humaine? Adol-
phe Nourrit, premier éditeur de cette note, la donnait en voix de tête,
et ne l'a pas donnée longtemps, puisque l'air fut supprimé presque tout
de suite. Il a plu à Duprez , par fantaisie d'artiste, par une sorte de
luxe audacieux (car il n'y a rien là de nécessaire), de prendre l'ut en
voix de poitrine. Et voilà que tous ses successeurs seraient à jamais
forcés de le prendre comme lui, sous peine de la vie, et, ce qui est plus
grave, sous peine de la voix ? Non , certes ; le public serait trop ab-
surde s'il l'exigeait, et les chanteurs trop malheureux s'il fallait s'y
soumettre. Gueymard a eu grand tort de ne pas être assez brave pour
rompre avec une tradition insensée, et qui coûterait trop cher, si l'on
s'obstinait à la perpétuer. Il avait trop bien dit tout le cantabile de
l'air pour ne pas devoir compter sur une amnistie pleine et entière.
A la troisième épreuve, il a modifié le passage, en partageant sa tâche
avec le chœur, et en se reposant pendant deux mesures pour mieux
lancer la dernière. Ce n'est pas encore assez : il faut renvoyer le pu-
blic sur un plaisir et non sur une douleur.
Morelli , chanteur distingué, mais qui parle un peu trop italien pour
une scène française, a soutenu sa réputation dans le rôle de Guillaume;
Mme Laborde n'a pas dérogé non plus à la sienne, danscelui de Ma-
thilde; Obin est un bon et brave Walter; Aimés, un peu timide dans le
pêcheur.
36
REVUE ET GAZETTE MUSiCALE
L'affiche annonçait deux cents choristes pour le final du second acte.
Ce sont de ces choses qui produisent toujours un immense effet. . . sur
une affiche ; mais dans les salles de spectacle et de concert, il y a long-
temps que l'on sait, par expériences multipliées, qu'au-delà de la force
suffisante, toute force est perdue, et que trente bons choristes valent
beaucoup mieux que deux cents, d'autant que, dans le nombre, il s'en
rencontre tojouurs de médiocres, chantant peu ou point , et trop éloi-
gnés des chefs d'attaque pour ne pas attaquer mal, et nous en citerions
plus d'un exemple.
L'orchestre avait supérieurement exécuté l'ouverture, et en général
l'ensemble de la représentation ou, pour mieux dire, des représenta-
tions, car Guillaume Tell a été joué lundi, mercredi et vendredi, a eu
de quoi satisfaire les connaisseurs et les ignorants, qui ne sont pas
les moins difficiles. P. S.
THEATRE DE L'OPËFA NATIONAL.
I.e Mariage en l'air, opéra boufjon en un acte,
musique de M. Eugène Déjazet.
Les auteurs des paroles désirent garder l'anonyme : telle est la
déclaration faite au public par M. Grignon le père, après la première
représentation. Et là-dessus quelques spectateurs ont réclamé. Pour-
quoi cela? N'est-il plus permis à un auteur d'être modeste, de jouir
de son triomphe en silence, de craindre le vain bruit de la renommée,
d'acheter le repos au prix de l'obscurité? Assez d'autres, ce nous
semble, courent après la gloire.
D'ailleurs, n'est-il pas de bon goût, de la part de deux écrivains
vieillis dans la carrière théâtrale, et qui comptent les succès par cen-
taines, de s'effacer devant un jeune compositeur qui fait ses premières
armes, et de ne pas disputer à son nom l'attention et les applaudisse-
ments du public ?
Après tout, ce n'est pas^un nom nouveau que celui de M. Déjazet.
Depuis longtemps il est connu et chéri du public, pour lequel il signifie
esprit, gaîté, finesse, verve intarissable, grâce naturelle et piquante,
talent sur lequel le temps n'a aucune prise... Que M. Déjazet ressemble
à sa mère, et il n'aura point à se plaindre de son lot.
Il n'est pas facile, dès le premier pas d'un artiste, de préjuger ce
qu'il fera; mais on peut déjà discerner ses dispositions et apercevoir
ses tendances. M. Déjazet est évidemment un musicien très-spirituel.
Sa petite partition abonde en idées fines, en effets piquants et inat-
tendus. Sa musique est naturelle, vive, légère, et habituellement gaie.
Il a reçu de la nature le don très-rare d'exprimer la plaisanterie par
des sons, de trouver des notes railleuses. Il a la mélodie facile, abon-
dante et quelquefois originale. Sa phrase court avec grâce ; elle a le
tour élégant, et, çà et là, de charmants caprices. Voilà des qualités
précieuses, qui ne demandent qu'un peu de travail et de pratique pour
se développer. A côté de ces qualités il y a des défauts sans doute. On
reconnaît dans sa musique, à plus d'un signe, l'inexpérience de la jeu-
nesse. Ses morceaux n'ont pas toujours une forme bien régulière, et
le plan n'en paraît pas suffisamment étudié ; quelques uns sont trop
longs. On voit que l'auteur jouit pour la première fois du plaisir de
s'entendre exécuter, et qu'il ne s'en rassasie pas facilement. Son in-
strumentation, sans être bruyante, nuit souvent à l'effet vocal. A cet
égard il lui manque tout naturellement ce que l'on n'acquiert qu'avec
le temps, à force de comparer le résultat espéré au résultat obtenu.
Tout cela disparaîtra peu à peu, tandis que les qualités resteront et
grandiront. C'est donc, en résumé, un début très-heureux que M. Dé-
jazet vient de faire sur la scène lyrique : il donne beaucoup déjà, et
promet encore davantage.
Il y a dans son ouverture de charmantes phrases dont la première
surtout mérite d'être signalée : mais ce morceau manque de plan. Il
est formé de mélodies prises au hasard dans la partition, et qui n'ont
entre elles aucune homogénéité. C'est un pot-pourri ; ce n'est pas une
ouverture. On a remarqué, dans le cours de l'ouvrage , deux airs
bouffes, chantés, l'un par Colombine, et l'autre par Pierrot. Le premier
gagnerait à être raccourci : mais il renferme des idées piquantes. L'au-
tre, moins original peut-être, est orné d'un andanle fort bien écrit, et
disposé à merveille pour la voix de M. Grignon le fils, qui en tire un
excellent parti. Ajoutez-y un duo, un trio, un quatuor, un final : avez-
vous vu beaucoup d'actes mieux garnis ? La phrase principale du duo
est heureuse, mais elle est écrite beaucoup trop bas pour le ténor. Le
trio et le quatuor sont pleins d'idées piquantes et de gracieuses mélo-
dies. Les vifs et fréquents applaudissements de l'auditoire ont prouvé
à l'auteur qu'il était dans la bonne voie, et n'avait plus qu'à persé-
vérer. \
Quelques mots suffiront pour la pièce, dont les personnages sont con-
nus depuis longtemps. C'est Léandre, amoureux de Colombine à la
barbe du bonhomme Cassandre, lequel est victime des artifices et des
méchancetés de Pierrot. Cassandre a entendu parler d'un enchanteur
qui rend les vieillards séduisants et apprivoise les beautés les plus fa-
rouches. Pierrot lui amène Léandre déguisé en magicien, qui interroge
sollennellement les secrets du destin, et déclare que le premier qui ob-
tiendra un baiser de Colombine deviendra fou. Alors Colombine notifie
à Cassandre qu'elle l'adore, et veut absolument l'embrasser. Cassandre
prend la fuite, et laisse le champ libre à son rival. Il revient ensuite :
mais Léandre tire sa grande épée, teinte du sang de six dragons qu'il a
tués en se promenant. Cassandre se réfugie sur un arbre, grâce à une
échelle double qui se trouve là. Léandre et Pierrot tirent l'échelle, et
l'amènent auprès de la fenêtre de Colombine. Colombine paraît à son
balcon ; Léandre monte au niveau de ce balcon. Le notaire arrive par
un toit, et rédige le contrat de mariage, qui se signe en l'air.
Cette folie est très-agréablement jouée et chantée par Mlle Guichard,
M. Biéval, MM. Grignon père et fils. Ce dernier, tout jeune artiste, a
une voix charmante, une excellente méthode, de l'intelligence et du
goût. Nous sommes bien trompé s'il n'est pas destiné à fournir une
brillante carrière. G. HEQUET.
CONCERTS.
Ulle MAUEliliIXE GliAEVER.
Sébastien Bach a créé seul une école dans l'art de jouer du piano,
qui existe encore par son beau recueil de préludes et de fugues. Au
xviiie siècle brillèrent aussi Mozart et démenti comme chefs d'école ;
puis vinrent Steibelt et Dusseck; puis Beethoven, Hummel et Weber,
qui passionnèrent le moins passionné des instruments; puis enfin,
Cramer, Moschèles et Kalkbrenner, au style brillant, net, froid, et à peu
près tombé. Thalberg, Liszt et Chopin changèrent la manière d'évoluer
sur le clavier, trouvèrent de nouveaux effets au moyen d'un nouveau mé-
canisme, et devinrent de nos jours les dieux du piano. Mais en France,
nous sommes pour les pianistes ce que sont les Italiens à l'égard des
compositeurs et des chanteurs, qu'ils usent rapidement dans ces luttes
artistiques qui remplacent celles des gladiateurs de l'antiquité.
Les chutes des chefs d'école du piano sont moins terribles que celles
des gladiateurs ; ils ne tombent que dans l'oubli, et se retirent souvent
du commerce de la fantaisie et des leçons avec une brillante fortune.
Si la succession des trois illustres et derniers pianistes que nous venons
de citer était ouverte, certes les héritiers, nous pourrions même dire des
héritières, ne manqueraient pas, attendu que la loi salique n'est pas en
vigueur dans le royaume du piano. Après Mines Montgeroult, Farrenc,
Pleyel, Guénée, Polmartin, etc., ces reines qui ont régné longtemps et
régnent encore sur le clavier, ce trône d'ivoire et d'ébène qui riva-
lise ou fait ressortir les plus jolies mains, viennent les princesses de
l'art, Mlles Maltmann, Martin, Charlotte de Malleville, etc , etc., etc.
Mais les générations et les dynasties vont vite par le temps qui court,
et parmi les virtuoses de ce genre. Sans compter la pianiste de six ans
du département de l'Hérault, dont nous avons déjà parlé à nos lecteurs,
et qui va bientôt se faire entendre dansParis ; sans citer la jeune Zélina
Vautierque chacun a entendue avec plaisir chez Mme la comtesse de Bien-
DE PARIS.
37
court, née Montmorency, et non de Riencourt, ainsi que nous l'ont l'ait
dire, dans le dernier numéro de la Gazette musicale, nos imprimeurs,
qui ne sont pas obligés d'être des d'Hozicr pour distinguer et classer
les noms nobiliaires de France , nous avons en ce moment dans Paris
des pianistes de dix-huit à vingt ans à qui le présent et l'avenir appar-
tiennent, avenir un peu borné, comme nous venons de le dire. De ce
nombre est Mlle Madeleine Graever, qui a donné son premier concert
public mercredi dernier dans la salle Herz.
Mlle Graever aété, devant un publicpayant, ce qu'elle s'étaitmontrée
chez M. Erard en présence d'auditeurs invités, pianiste au jeu net, ferme,
vigoureux et brillant. Elle ne se spécialise pas dans sa manière de jouer
du piano, et dit bien également les œuvres classiques et les productions
modernes, depuis la vieille sonate de Mozart jusqu'au galop chromati-
que de Liszt, qu'elle a joué avec une vélocité, une fougue, un brio digne
de rivaliser celui de l'auteur.
Le concert a commencé par un beau trio (le 2e) de M. De Bériot pour
piano, violon et violoncelle, dit par la bénéficiaire, MM. Cuvillon et Le-
bouc. Mlle Graever nous a fait entendre la brillante et dramatique fan-
taisie de Thalberg sur la Muette. Ce morceau a été dit avec énergie,
grâce et légèreté ; et puis , au milieu de la bonne musique de cette
séance, Mlle Graever nous a joué quelques œuvres légères de sa com-
position qui ont prouvé qu'elle n'est pas seulement une artiste distin-
guée, une pianiste mécanique, mais qu'elle pense, écrit et fait adopter
sa pensée par ses auditeurs et la leur fait applaudir par le prestige
d'une belle exécution.
M. Cuvillon a dit en violoniste habile et sympathique une brillante
fantaisie, et M. Lebouc a chanté sur son violoncelle trois des plus belles
mélodies de Schubert, de manière à rivaliser la voix humaine la plus
expressive. Et à propos de voix expressive qui s'appuie sur une ex-
cellente méthode et les styles de chant rétrospectif et moderne, nous
citons ici avec plaisir Mme Claire Hénelle,quia dit, dans ce concert,
nn bel air de Haendel et la délicieuse Chanson de Mai, de Meyerbeer,
cette fine analyse, par la mélodie et l'harmonie, des fraîches et suaves
impressions de l'amour, exprimées par la cantatrice en femme qui
comprend la poésie et toutes les délicatesses de l'art.
LOUISE «ITIHAW.
Celle-ci est une pianiste exceptionnelle : nulle n'amollit la touche
d'ivoire comme elle, ne l'impressionne en impressionnant ceux qui l'é-
coutent, parce qu'elle est émue elle-même, parce qu'elle joint la con-
science, la croyance en la puissance de l'art du son, au mécanisme le
plus délié, le plus preste, le plus précis, le plus brillant; parce que
son interprétation musicale ne se borne pas à ce mécanisme, que sa
sensibilité dépasse le poignet, le coude, et qu'elle part du cœur, et
qu'elle se manifeste par tout son système physiologique. C'est de
tout cela et de beaucoup d'autres choses dont les amateurs ne peuvent
se rendre compte, que paraissait émue aussi l'assemblée qui écoutait
Mlle Mattmann jeudi dernier chez Mme de Mandeville , rue de Casti-
glione, où se faisait entendre cette jeune virtuose, qui semble improvi-
ser quand elle transmet à son auditoire quelque chef-d'œuvre de nos
grands maîtres. Ces chefs-d'œuvre ont été le trio en si bémol de Bee-
thoven, dédié à l'archiduc Léopold, une sonate de Mozart et un frag-
ment d'un' trio de Haydn, délicieusement dit par MM. Guerreau, Le-
iouc et Mlle Mattmann, qui semble toujours en progrès par l'effet
qu'elle produit.
Cercle llusical et Littéraire de Paris.
On désire depuis longtemps que les virtuoses qui surgissent de tous
les points de l'Europe musicale dans notre capitale des arts, puissent
y trouver un orchestre permanent, complet, capable et à bon marché.
Ce phénix, M. Malibran, excellent violoniste et bon chef d'orchestre,
est en voie de le trouver, et il nous le fera voir et entendre le 8 février
prochain, dans la salle Sainte-Cécile, avec le concours de la Société
des Enfants de Lvtccc, dirigée par M. Gaubert.
Tliéatre de la Porte-Salnl-Hartin.
La Poissarde, ou les halles en 1804, drame ('mouvant et popu-
laire, et même nobiliaire, qui a obtenu le plus brillant succès à la
Porte-Saint-Martin, vendredi dernier, renferme, dans ses éléments de
longues et fructueuses représentations, des morceaux de musique ré-
trospective et colorés qui peignent bien l'époque où se passe l'action.
Le chef d'orchestre, M. Groote, qui a procédé à cet arrangement, l'a
fait en homme intelligent et qui sait écrire. L'ouverture contient le
fragment d'une fvgalina d'un bon style; l'entr'acte du l"au 2e acte
est modulé spirituellement, et les airs populaires parmi lesquels figure
la fameuse monwo, la contredanse favorite de l'Empereur, y est traitée
d'une manière piquante. La musique de ce drame, enfin, est scénique,
gaie et pathétique tout à la fois, et fort bien orchestrée. Les vieux
pons-neufs du ballet y sont placés et variés avec esprit. Tout cela peut
paraître peu de chose à nos docteurs ès-science des sons, car il ne s'agit
que de mélodies que la France chante depuis près d'un siècle ; mais
nous le mentionnons toujours. Henri BLANCHARD.
Unie EOIBADD DE COI RY»\I>.
Lundi dernier, les salons de Pleyel étaient assiégés par la plus élé-
gante société de Paris ; ajoutons bien vite que plus des trois quarts de
cette société parisienne était russe. 11 s'agissait d'entendre et d'encou-
rager une toute jeune femme, artiste déjà par le talent, mais qui n'avait
pas encore subi la grande épreuve du public.
Nous dirons à Mme Roubaud de Cournand qu'elle n'a besoin que de
se rassurer pour prendre rang parmi les pianistes les plus distinguées.
Deux morceaux classiques et sérieux de Beethoven et de Mozart, exé-
cutés en compagnie d'Alard et de Franchomme , avaient montré com-
ment elle comprend et sait rendre l'intention des grands maîtres. Aussi
rien ne justifie la trop vive émotion qui lui a fait abandonner le piano,
au moment même où elle ravissait l'auditoire par son jeu expressif et
délicat, en exécutant de charmantes études de Chopin , qui fut son
maître.
Nommer Alard et Franchomme, c'est dire comment ils ont joué. La
fantaisie sur les thèmes de la Fille du régiment est une des plus jolies
productions d'Alard, et il l'exécute comme il l'a composée. Mais une
autre virtuose, d'espèce plus rare encore, excitait vivement la curiosité.
On voulait entendre chanter une jeune et charmante princesse, vrai-
ment princesse, et non princesse de théâtre. Dans les arts surtout, il
y a place au soleil pour tout le monde, même pour les grands de la
terre. Une voix puissante et légère, une méthode parfaite, inspirent le
regret que Mme la princesse Labanoff ne soit pas née dans un rang qui
permette au public de jouir souvent d'un talent exceptionnel, même
parmi les artistes. M. Lefort, dont le nom revient souvent, concourait
aussi à cette matinée, qui comptera peu de rivales dans toute la saison.
R.
INÂUGUBATION DU GRAND ORGUE DE SAINT-VINCENT DE PAUL,
CONSTRUIT PAR M. ARISTIDE CAVAILLÉ-COLL FILS.
(Lundi, 26 janvier.)
C'était vraiment un beau spectacle. De bas en haut l'église étincelait
de lumières. Nef, tribunes, bas-côtés, chapelles latérales, une multi-
tude empressée avait tout envahi ; et quelle multitude ! rien que des
artistes, des -amateurs éminents, des femmes brillantes et fort parées,
tous les beaux esprits du journalisme et de la littérature, en un mot
une légion d'illustres, accourus pour recueillir les premiers accords du
nouvel instrument qu'Aristide Cavaillé-Coll allait livrer à la publicité.
Certes, l'hommage d'une curiosité aussi vive était bien dû à la re-
nommée du facteur hors ligne qui s'est déjà immortalisé par l'exécution
des grandes orgues monumentales de la Madeleine et de la basilique
de Saint-Denis, magnifiques témoignages d'une rare et puissante intel-
ligence de l'art. L'attente publique n'a pas été trompée.
Dans cette conception toute récente, l'habile mécanicien s'est élevé
38
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
au moins à la hauteur de ses précédents chefs-d'œuvre, si même il ne
l'a dépassée. Beaucoup d'excellents juges, et des plus impartiaux,
n'hésitent pas à reconnaître que pour la perfection achevée du méca-
nisme, pour le fini consciencieux des détails et l'ingénieuse application
de toutes les améliorations souhaitables faite aux diverses parties de
l'instrument, celui-ci doit être considéré comme un véritable modèle,
comme le spécimen le plus avancé de l'art du facteur d'orgue.
Absolument ignorante des secrets de ce grand art, la foule n'a pu
apprécier que les effets de sonorité dont l'oreille est le juge naturel. Il
n'est pas besoin d'être savant et expert comme messieurs de la Com-
mission de vérification, pour sentir bien vite ce qu'il y a d'immense
mérite dans cette sonorité pleine, riche, variée, dans la puissance du
volume du grand-chœur, abondant sans confusion, dans la netteté ex-
traordinaire des pédales les plus graves, dans la fraîcheur de timbre
des jeux de récit. Sans rien entendre à ce que c'est que sommier,
abrégé, laye, pédales d'accouplement, jeux harmoniques, bombarde,
solicional, cromorne, doublette et tant d'autres étrangetés du glossaire
de l'organier, l'oreille vulgaire sent très-bien ce qui la charme ; et cette
fois-ci encore l'oreille a été promptement charmée.
L'œil avait eu préalablement son tour. Le buffet de l'orgue l'attirait
par l'originalité d'un dessin qui rompt absolument avec la routine des
formes usitées. M. ftittorf, l'architecte du monument, a eu l'idée de le
découper en deux corps de montre, séparés l'un de l'autre par une
haute arcade. Cette ouverture spacieuse laisse pénétrer librement la
vue dans une tribune carrée, dont les parois sont revêtues de boiseries
façonnées et de tuyaux de métal symétriquement groupés. Largement
éclairée le jour par les vitraux d'une rosace peu chargée en couleur,
cette tribune, destinée à l'organiste, et même, selon le besoin, aux
chanteurs solistes, prend, la nuit, à l'éclat des lampes, qui font scintil-
ler lepoli des faces métalliques, une perspective singulièrement théâ-
trale.
Derrière cette montre, d'une composition moins sévère que pittores-
que, se dérobent aux regards et la soufflerie, curieux et nouveau sys-
tème enfermé dans une chambre spéciale, et les trois claviers de main
étages sur un meuble hardiment isolé du corps de l'instrument, et le
pédalier des deux octaves d'étendue, et les douze pédales de combi-
naison, et les détails infinis de ce mécanisme si compliqué, dont l'au-
ditoire subit les effets irrésistibles sans soupçonner les longs et pro-
fonds calculs nécessaires à la conception et à l'enfantement de ce
monde sonore qui s'appelle un grand orgue.
Que de travaux cependant! Quelle suite incessante de méditations
dans le cabinet, de labeurs multipliés dans l'atelier! Quarante-six jeux
complets et deux mille six cent soixante-neuf tuyaux en bois ou en mé-
tal ne se disposent point dans un ordre aussi intelligent, aussi favora-
ble à la circulation libre de l'air, à la propagation facile des vibrations,
à l'émission du son entière et dégagée, sans de puissants efforts de la
pensée. Non assurément, ce n'est pas en deux heures d'audition, même
avec l'assistance d'interprètes aussi exercés , aussi infatigables que
MM. Lefébure-Wely et Cavallo, qu'il est possible de saisir , d'exposer
les nombreuses qualités qui distinguent l'économie intérieure d'une si
vaste machine. Mais déjà, et nous le disons sans hésitation aucune,
notre impression, comme l'impression des plus connaisseurs, est tonte
en faveur du nouvel orgue.
Ajoutons à la gloire de l'excellent facteur qu'il a eu à lutter contre
d'immenses désavantages de localité. Les exigences de l'architecture,
l'égoïste qu'elle est, ont contraint l'artiste à établir son instrument un
étage plus haut qu'il ne devrait être placé. Il en résulte que les sono-
rités de grand volume, refoulées par le voisinage trop immédiat des
voûtes de l'église (d'ailleurs défavorables à l'acoustique) n'obtiennent
pas l'entier développement dont elles sont susceptibles. Par circon-
stance accidentelle aussi, les tentures placées momentanément au de-
vant des peintures murales de MM. Picot et Flandin, absorbaient cer-
taine partie du son. On doit nécessairement tenir compte de tous ces
inconvénients. Pour en triompher avec tant d'éclat, il faut, on en con-
viendra, que le nouvel orgue réunisse au plus haut degré les conditions
d'un excellent instrument.
Ses ressources brillantes et multipliées se sont déployées successi-
vement dans la séance d'inauguration de lundi dernier, sous les doigts
expérimentés de M. Lefébure-Wély, organiste de la Madeleine, et de
M. Cavallo, nouveau titulaire à Saint- Vincent-de-Paul. A l'exception
d'une fugue exécutée avec talent par celui-ci, et empruntée à l'œuvre
considérable de Sébastien Bach, l'un des patriarches de l'orgue clas-
sique, les deux jeunes virtuoses ont improvisé tour à tour, chantant
alternativement ainsi que les bergers des églogues de Virgile. (1 ne
nous appartient pas de décerner ici le prix. Guidés par le désir noble-
ment désintéressé de faire ressortir les mérites du beau travail d'Aris-
tide Cavaillé, les deux organistes se sont moins attachés à produire,
dans leurs improvisations non préméditées, un tout bien conçu, sage-
ment ordonné, en un mot un bon morceau de musique, qu'à passer ra-
pidement en revue les combinaisons de sonorité les plus riches, à pro-
voquer avec adresse les effets de timbre les plus séduisants, à faire
apprécier au moyen de contrastes perpétuels le trésor inépuisable de
beautés matérielles recelé dans les flancs de cette charpente gigantes-
que. C'est à quoi ils ont fort bien réussi l'un et l'autre.
Il y a eu particulièrement une scène champêtre entremêlée d'orage,
de terreur, de prière, dans laquelle M. Lefébure Wély a employé fort à
propos les jeux de viola di gamba, dont le timbre imite avec une
surprenante fidélité celui d'un chant d'instruments à archets. Ailleurs,
il a tiré le meilleur parti du cor anglais et des flûtes, puis de la voix
humaine (tous jeux de qualité supérieure et d'un fini extrême), en ac-
compagnant Y Ave Maria de Cherubini et le motet au Saint-Sacrement
de Les'ueur, chanté avec beaucoup de goût par Alexis Dupond. De leur
côté, Mlles Landry et Montigny, et Mme Lefébure Wély à l'organe si
gracieux, à la méthode si pure, ont bien dit quelques morceaux de mu-
sique religieuse. C'est là un genre de voix angèVqxies qu'Aristide Ca-
vaillé peut se proposer d'imiter dans l'orgue à venir, dont son active
intelligence médite en ce moment l'ensemble et les détails.
Quant à celui de Saint • Vincent-de-Paul , conception réalisée et de la
plus haute portée, nous sommes loin d'avoir tout dit. Pourrait-on ap-
précier dignement en quelques lignes l'énorme labeur de plusieurs
années? Sans doute il nous sera encore donné de payer avec plui
d'insistance à l'artiste et à son magnifique travail, le tribut mérité d'un
examen moins superficiel , plus minutieux. On ne saurait trop rendre
justice aux œuvres immenses qui portent en elles, et pendant des siè-
cles, la source consolatrice des plus pures inspirations de la foi et de
la prière. Maurice BOURGES.
NOUVELLES.
%* Aujourd'hui dimanche, par extraordinaire à l'Opéra, la Favoriir,
suivie de la Vivand'ère. — Demain lundi les Hugu nots.
*»* Le Prince-Président delà République assistait à la première des
trois représentations de Guillaume Tell, données la semaine dernière.
%* Jeudi soir, les deux premiers actes du Juif errant ont été répétés
au théâtre.
%* L'ouvrage en trois actes qui se répétait à l'Opéra-Comique sous le
titre de Mathéus, et dont les auteurs sont MM. de Saint-Georges et Grisar,
s'appellera définitivement le Cariilonneur de liruij s. Il aura pour inter-
prètes MM. Battaille, Boulo, Sainte-Foy et Ricquier, Mmes Wertheinber,
Miolan et Révilly.
%* Les Barreaux verts, en deux actes, de MM. Sauvage et Bazin, seront
joués par Audran, Sainte-Foy, Hermann Léon et Mlle Lefebvre.
%* En même temps on s'occupe de monter, pour les jours gras, le Lutin,
ouvrage en un acte de MM. de Planard et Adolphe Adam.
*„* Les artistes du théâtre de l'Opéra-Comique ont offert , dimanche
dernier, après le spectacle, dans le salon des Frères Provençaux , un
splendide banquet à leur directeur, M. Emile Perrin , à l'occasion de sa
récente nomination au grade de chevalier de la Légion-d'IIonneur. La
réunion se composait d'environ SO personnes, toutes faisant partie du
théâtre. Le souper a commencé à une heure du matin et s'est prolongé
jusqu'à quatre heures. M. Perrin a trouvé à sa place, en se mettant à ta-
ble, une croix d'honneur que, par une attention pleine de délicatesse, les
artistes lui ont offerte comme un souvenir de l'honorable circonstance
que l'on allait célébrer. Au dessert, M. Mocker, en sa qualité de régisseur
général, a porté un toast à M. Perrin , au nom de ses camarades. M. Le-
DE PARIS.
39
maire a lu des vers pleins de chaleur et qui ont été justement applaudis,
et M. Perrin a répondu avec émotion à ces démonstrations si vives et si
sincères en reportant la gloire et la prospérité actuelle de l'Opéra-Çomi-
que au mérite remarquable des artistes qui le composent Le banquet ter-
miné', on a improvisé un bal qui a été charmant el qui s'est prolongé jus-
qu'au jour.
*„* Le Théâtre-Italien a repris jeudi dernier ['Elisir d'ainore, avec
Mlle Corbàri, Calzolari, llelletti et Ferranti. Mlle Corbari a fort bien chanté
le rôle de la prima donna, et de plus elle était charmante dans son costume
de paysanne italienne. Bellettj s'est acquitté du rôle de sergent en chan-
teur de premier mérite. 11 est impossible d'y mettre plus de verve et d'y
déployer une plus étonnante flexibilité vocale. Calzolari est toujours ex-
cellent dans le rôle de Nemorino ; celui de Duleamara est un peu fort
pour Ferranti.
*** Hier samedi, a eu lieu la première représentation de Fidelio.
%* La Cour d'appel vient de confirmer le jugement rendu en première
instance sur la question soulevée par la représentation de là Fitjlia dtl
reygitn nlo au Théâtre-Italien. Il a été décidé que des droits d'auteur
étaient dus pour cet ouvrage, qui n'est autre que la Fille du régment, re-
présentée à l'Opéra-Comique.
*„* Les vingt théâtres de la capitale occupent en ce moment 2/i6 em-
ployés, 425 acteurs et 367 actrices ; ceux de la banlieue occupent !t em-
ployés, kl acteurs et 28 actrices; ceux des départements occupent 261
employés, 849 acteurs et 599 actrices. Total général 2,826, sans compter
les comparses, les musiciens d'orchestre, les ouvreuses de loges , les mar-
chands de programmes et de contremarques, et enfin les claqueurs, qui
forment un total de plusieurs milliers de personnes.
*„* far décret du 26 janvier dernier, M. Romieu a été nommé directeur
des Beaux-Arts, en remplacement de Mi Guizard, appelé à d'autres fonc-
tions
%* Plusieurs journaux ont publié la note suivante : — « Avant-hier sa-
« medi , la Commission des auteurs et compositeurs dramatiques a formé,
» entre les mains des directeurs de théâtres, opposition à la signification
» de la nouvelle Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de roman-
» ces et chansonnettes. Défense leur est faite de payer aucun droit à
» M. Ilenrichs, agent de cette Société. Ce conflit doit nécessairement ame-
» ner entre les deux Sociétés un procès auquel les directeurs seront
» étrangers. Ces derniers se sont réunis hier dimanche, a ce sujet. Les
« auteurs de vaudevilles, qui, jusqu'à présent, prenaient des airs dans les
« albums, ne feront dorénavant usage que de morceaux du domaine pu-
» blic. » — Ce n'est pas la première fois que la question s'agite : à diverses
époques, on a voulu déposséderas auteurs de vaudevilles de la tolérance,
sinon du droit, dont ils ont néanmoins continué à jouir. Pour notre part,
nous n'a\ons jamais compris le danger qui en résultait pour les auteurs
d'opéras. Au contraire, plusieurs de ces derniers n'y ont vu que des avan-
tages , et nous pourrions en citer qui, non-seulement ont permis les em-
prunts à leurs partitions les plus célèbres, mais qui en ont témoigné leur
satisfaction sincère. Toutefois il est évident que sur le terrain légal l'af-
faire n'est pas douteuse. Quant à la pensée d'introduire quelque mesure
rétroactive contre les vaudevillistes de bonne foi, nous ne la regardons
pas comme admissible.
*„* Mme Vera est engagée au grand théâtre de Barcelone.
%* On répète, à Francfort et àStuttgard Guillaume d'Orange , opéra de
Charles Eckert. — Mme Sontag s'est chargée du principal rôle.
*„.* Le Défunt n\st pas mort! Voilà ce que la presse est journellement
exposée à redire comme ce personnage de la comédie des Hèrilùrs, et
en vérité l'on ne s'explique pas la cruelle malice des nouvellistes , qui
prennent plaisir à lui faire enterrer vivants les artistes de tout genre.
C'était l'autre semaine le tour de Frédéric Iliosi , que nous avons pleuré,
regretté de la meilleure foi du monde , et maintenant il se trouve que
Frédéric Ricci n'était qu'en léthargie; son compagnon de voyage éperdu
l'avait rayé trop tôt de la liste des vivants. Après avoir été deux semaines
à l'agonie, le jeune compositeur se porte bien et rassure ses amis lui-
même. A la bonne heure ; il n'y a que demi-mal , puisqu'on n'a versé sur
la tombe vide que des larmes et des éloges. Frédéric Ricci aura pu assis-
ter à sa postérité sans avoir à s'en plaindre , et nous sommes persuadés
que si quelque chose doit hâter sa guérison , c'est la lecture de sa propre
oraison funèbre.
%* L'ouverture de Guillaume Tell vient d'être arrangée à'quatre mains
par M. Uosellen le célèbre pianiste compositeur.
%* Demain, lundi, Mlle Clauss, la jeune et brillante pianiste, donnera
le concert, que nous avons annoncé déjà, clans la salle llerz. L'intérêt du
programme et I.t faveur si justement attachée à l'artiste, répondent de
l'empressement et du succès
V M. Ch. Lebouc vient d'épouser Mlle Juliette Nourrit.
%* Aujourd'hui dimanche , la Société Sainte-Cécile donnera son
deuxième concert d'abonnement, à deux heures précises, dans la salle
Sainte-Cécile, rue la Chaussée-d'Antin. 49 bis. — Programme. — 1" ou-
verture de la V estât , de Spontini; 2" fragment de Husemonde, de Franz
Schubert, avec solo chanté par Mlle Lefebvre ; 3° Symphonie en tu mineur,
de Beethoven ; W chœur de B.anehe de l'rooen e, de Cherubini ; 5° Air
varié, d'Adam, chanté par Mlle Lefebvre ; 6" ouverture de Ruij Mas, de
Mendelssohn, exécutée pour la première fois à Paris. — L'orchestre sera
conduit par M. Seghers. — Les chœurs seront dirigés par M. Wekerlin.
*** Voici le programme du second concert que donnera Ernst, mer-
credi, 'i février, dans la salle llerz. Le célèbre violoniste exécutera les
morceaux suivants: 1° Allegro pathétique (extrait de son concerto);
2° Variations brillantes, de Mayseder; 3" Feuillet d'album, de Stephen
lleller: Allegretto, Notturno, d'Lrnst ; h" Introduction et caprices sur un
thème de Bellini, également de sa composition. — Comme nous l'avons
annoncé déjà, Léopold de Meyer, le pianiste prodigieux, fera' entendre
dans cette séance si intéressante les Souvenirs il lluli<\ morceau nouveau
de sa composition. — L'orchestre sera conduit par Hector Berlioz.
*„* Nous avons donné, dans notre dernier numéro, le programme
do la deuxième séance de musique de chambre de MM. Alard, Fraie-
homme, etc , qui aura lieu aujourd'hui dans la salle Pleyel.
*„* Frédéric Llr pni . par Franz Liszt, tel est le titre d'un volume qui
vient da paraître, et qui offre autant d'intérêt par son sujet que par son
auteur.
%* Deux de nos artistes les plus distingués, Léon Lecieux et Richard
Mulder, soulèvent en ce moment l'enthousiasme delà société la plus choisie
de Nantes. Déjà plusieurs soirées particulières ont fait briller leurs beaux
talents, et les salons de la Préfecture ont retenti des bravos unanimes et
chaleureux, enlevés par l'exécution brillante de ces artistes d'élite. Leur
prodigieux succès a engagé les virtuoses de cette ville à les retenir pour
un concert qu ils ont dû donner au grand théâtre, vendredi 30, et dont
nous rendrons compte.
V Mlle de Mallewlle se propose de donner plusieurs matinées musi-
cales, dont la première est fixée au lit février, avec le concours de
MM. Casimir Ney, Lebouc, Couffé, Dorus, Verroust et Mengal. Nous don-
nerons, dans notre prochain numéro, le programme de cette séance.
*„* Dimanche prochain , 8 février, à une heure de l'après-midi , aura
lieu , dans la belle salle de Barthélémy, au bénéfice d'un artiste qu'une
longue indisposition tient éloigné de la scène, une grande matinée vocale
et instrumentale, à laquelle concourront les plus éminents artistes. On y
entendra : Mmes Ugalde, C. Ponchard ; MM. Ponchard , Levasseur, Wartel;
MM. Louis Lacombe, Dancla, Vangelder, etc. Ce programme, si riche en
noms accoutumés au succès, sera complété par un intermède comique,
dont M. Levassor fera les frais avec l'esprit et la verve qui le distinguent.
%* Les habitants de la petite ville de Felletin (Creuse) ont découvert
que dans leurs murs était né Quinault , l'illustre collaborateur de Lulli.
Ils ont décidé qu'une statue serait érigée à leur, compatriote, et la céré-
monie d'inauguration a eu lieu le 11 janvier. Les biographes gardant le
silence sur le lieu de naissance de Quinault, la ville de Felletin aurait bien
désiré produire des preuves palpables de son droit à le revendiquer comme
compatriote. Faute de pouvoir produire ces justifications, M. le maire y
a suppléé par les indications suivantes : « La preuve directe que nous cher-
chons serait facile à fournir, s'il n'existait malheureusement plusieurs la-
cunes dans les registres d'une de nos anciennes paroisses, celle de Beau-
mont, que la ville conserve précieusement dans ses archives. Ils remontent
à l'année 1591, et se continuent, à quelques interruptions près, jusqu'à
nos jours. On aurait dû , conséquemment, trouver à l'année 1635 l'acte de
naissance de Quinault. Mais, par une fatalité déplorable, parmi les regis-
tres qui nous manquent, sont précisément ceux de 1630 à 16Zil, qui éta-
blissent la vérité de notre assertion. En l'absence de ce document, est-il
donc impossible d'affirmer la naissance de Quinault à Felletin? Non, cer-
tainement. Un grand nombre de nos contemporains ont vu et tenu le re-
gistre en question; il n'a disparu que par une cause fortuite. La tradition
locale, la notoriété publique, ne laissent aucun doute à cet égard. Quinault
est bien né à Felletin, le 3 juin 1635, d'un boulanger, qui habitait la mai-
son actuellement occupée par la famille Petit, dans le quartier de Chan-
teboule. » Malgré tous ces adminicules de preuves, nous persistons à
croire que Quinault a vu le jour à Paris.
*** Parmi les ouvrages déjeunes compositeurs encore peu connus, mais
fort dignes de l'être, nous avons distingué une jolie \alse pour piano in-
titulée Cora, due à SI. Edmond d'Ingrande.
%* Dans notre dernier numéro, nous avons rendu compte de la brochure
publiée par M. A. Perrin, sur la Réorganisation d smusiquis iégtm.nlatres.
A l'appui des idées que renferme cet écrit, nous devons ajouter que tout
le système en est emprunté au travail de la commission spéciale, nommée
en 18/i5 par le ministre de la guerre, et dont le rapporteur était notre sa-
vant et célèbre collaborateur, Georges Rastner. On sait que ce travail est
devenu sous sa plume l'occasion d'une histoire approfondie de la musi-
que militaire ancienne et moderne. Du reste, V. \. Perrin ne dissimule
nullement la source où il a puisé : non-seulement il cite, mais il transcrit
littéralement dans sa brochure le rapport si complet, si lumineux, de
Georges Kastner, et c'est assurément l'autorité la plus considérable qu'il
lui fût possible d'invoquer. '
%* L'Association des peintres vient d'ouvrir sa sixième exposition an-
nuelle dans les galeries du bazar- Bonne-Nouvelle. Le public admire à
cette exposition un Diaz, un Bonington et un Annibal Carrache, delà col-
lection de M. Barroilhet; quatre Philippe de Champagne, un l'.igaud (por-
trait de Boileau , un grand dessin de Callot (portrait du peintre], un Gra-
net (de la collection de M. le marquis de Pastoret', une collection inap-
préciable de dessins de maîtres espagnols, un beau portrait de M. de Mer-
cey père, par Robert Lefèvro; plusieurs tableaux et dessins, par Léopold
Robert. M. Walfardin a prêté cinq tableaux et neuf dessins de F'ragonard;
M. Véron , un très-beau dessin de M. Decamps ; M. Roëhn , deux Largil-
lière, un Velasquez, et des tableaux de Gérard, Lancret, Chardon (trois,
parmi lesquels le célèbre Aveugle), Tiépolo, Raphaël (un dessin), Prudhon,
40
REVUE ET GAZETTE MUSICALE DE PARIS.
Gudin (une suite de vingt-huit tableaux), Carie Vanloo, Eugène Delacroix,
Vandermeulen, Parrooel, Sébastien Bourdon et Greuze.
%* Le service de bout de l'an, célébré samedi 24 janvier, pour le repos
de l'âme de l'auteur de la Vestale et de Fernand Cortez. avait réuni , à la
Madeleine, un nombreux concours de notabilités littéraires et artistiques.
L'office a été chanté avec simple accompagnement de l'orgue du chœur,
par Alexis Dupond et les artistes ordinaires de la Madeleine ; il se compo-
sait de morceaux choisis dans l'œuvre de Spontini, et adaptés aux paroles
latines. Ce choix, fait avec un parfait sentiment des convenances, est dû
à M. Dietsch, maître de chapelle de cette église. Le grand orgue a clos la
cérémonie funèbre par une magnifique improvisation de M. Lefébure-Wély'.
Le deuil était conduit par le beau-frère de l'illustre défunt , M. Pierre
Erard.
*** Musard et son orchestre contribuent toujours pour beaucoup à la
vogue des bals de l'Opéra. On distingue ses quadrilles nouveaux : le Palais
de Cristal, Une nuit à l'Opéra, sur la Rein' de Chypre et les Rendez-Vous
bourg -ois, sa polka Oiilsti, sa valso les Lingots d'or, et surtout la valse
d'Ettling sur le Prophète.
*s* Avec le prochain numéro, nous donnerons le titre et les tables de
la Remie et Gazette musical* pour l'année 1851.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
*„* Bruxelles, 11 janvier. — Voici le programme du beau concert
conné hier lundi par Prudent au théâtre de la Monnaie : Ouverture de la
Flûte enchantée; air des Deux Familles, chanté par Mangïn; concerto sym-
phonique avec orchestre, par Prudent; air de Fernand Cortez, par
Mlle Chambard; caprice sur la Somnambule et le Réveil des Fées, par
Prudent; ouverture d'Oberon; romance chantée par Carman ; fantaisie
sur Guillaume Tell (Asile héréditaire), par Prudent ; Ah! si l'amour ! par
MmeCabel; et les Boî«, par Prudent. — L'exécution du concerto sym-
phonique, cette œuvre si originale et si élevée de conception, a été su-
périeure, tant de la part de l'orchestre que de celle du grand pianiste. Le
succès n'en est pas resté douteux un seul instant, non plus que celui des
autres morceaux de sa composition et notamment des Bois, fantaisie vrai-
ment délicieuse. Des applaudissements unanimes ont accueilli cette belle
manifestation d'un double talent, d'une puissance égale et incontestable.
*** Berlin. — Un concert fort intéressant a eu lieu, le 21 janvier, à la
cour. On y a entendu les morceaux suivants : quatuor (Yldoménée, de
Mozart, exécuté par Mmes Koester, Tuczek et Wagner; fragments d'Or-
phée, de Gluck, par Mmes Wagner et Koester; nocturne et le Carnaval de.
Venise, pour piano, exécutés par Rosenbain ; le Salut des flews, trio de
Curschmann, chanté par Mmes Tuczek, Wagner et Koester; chœurs tirés
du Projeté, de Meyerbeer; final du Comt Ory, opéra de Rossini; fan-
taisie pour le piano sur des motifs de Macbeth, opéra de Verdi, exécuté
par M. Kontsky; marche turque et chœur des dervichs, tirés des Ruines
d'Athén-s, de Beethoven; ouverture du Jeun-. Henri, de Méhul. C'est
Meyerbeer qui dirigeait le concert, et comme les répétitions avaient été
faites avec le plus grand soin, l'exécution a été admirable. Le premier
concert du chœur du Dôme a eu également le plus brillant, succès. —
Pour la fête des ordres et du couronnement, le théâtre de la cour a re-
présenté le Camp de Silèsie. La salle était comble. Les honneurs de la
soirée ont été pour Mme Tuczek, qui a chanté le rôle de Vielka avec son
talent bien connu, et de manière à provoquer les plus vifs applaudisse-
ments.
*J> Vienne. — On attend, pour le mois de février les célèbres pianistes
Dreyschock et Schulhoff. — Ander nous quitte pour se rendre à Berlin
où il est engagé au théâtre de la cour; il est remplacé par M. Ellinger de
Gratz.
%* Ballenstadt. — Par ordre du duc, il a été interdit à l'administration
du théâtre de changer ou de modifier en aucune manière le répertoire
fixé pour un mois. Ce qu'il y a de plus curieux, c'est que cet ordre est
fidèlement exécuté (?).
*** Prague. — La Société Sainte-Cécile nous a donné, dans son
deuxième concert, une reprise d'Aniigone, de ?.IendeIssolm ; pour la troi-
sième soirée on annonce : la Ba'aille d'Arminius, par M. Mangold. — La
reprise de Fernand Cortez, avec M. Tichatschek, a fait le plus grand
p'aisir. — L'opéra nouveau de M. Hellmersberger : les Deux reines, a été
froidement accueilli. — Incessamment la première représentation de :
Fleur des champs, opéra nouveau, par M. Kittl, directeur du Conservatoire
%* Weimar. — On attend ici Berlioz, que Liszt a invité â venir diriger
la répétition de son opéra : Benvenuto Cellini. — Prochainement aura lieu
la première représentation de Manfred, drame de lord Byron, avec la mu-
sique de Robert Schumann.
*t* Munich. — Dans le courant de l'année dernière on a exécuté pour
la première fois : la Grande duchesse, de M. Flotow ; le Mariag« secret, de
Cimarosa; Bomoir, M. Pantalon, de Grisar.
AVIS Â NOS ABONNÉS DE LA GRANDE BRETAGNE.
Nos abonnés de Londres et de la Grande-Bretagne peuvent s'adresser,
pour tout ce qui concerne la R-vue et Gazette musxcile, à M. W. D. Davi-
son, magasin de musique de Wessel et Comp., "it9, Regent-Street,
London. M. Davison recevra les abonnements, distribuera les primes et
donnera tous les renseignements concernant la Gazette musicale.
Le gérant : Ernest OESCIIAMPS.
— Il vient de paraître Huit motet», au Saint-Sacrement et à la
très-sainte Vierge, à 1, 2, 3, 4 et 8 voix avec accompagnement d'orgue et
quatuor, composés et dédiés à S. M. le roi des Belges, par diosepli
Frjsn<-t«. organiste de la paroisse Saint- Tliomaa-d' ' Aqxvn. — On peut se les
procurer chez tous les marchands de musique, ainsi que chez M. Franck,
rue de Baby'one, CS, à Pans.
BRAN DUS et C . éditeurs de
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La partition complète, arrangée à quatre mains, paraîtra incessamment.
FIDÉLÏO « BEETHOVEN.
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Paur paraître chez BBANDUS et Ce, éditeurs :
SOUVENIR D'ITALIE
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LÉOPOS.» B2 MEYER.
OUVERTURE DE GUILLAUME TELL
Transcrite pour le piano à quatre mnins,
H. ROSSELLEN-
Chez Bn.4\Dl« et C% éditeurs, rue Richelieu, 103,
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DU MEME AUTEUR :
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3.
Op.
h.
Op.
7.
Op.
8.
Op.
9.
Op,
10.
Op.
11.
Op.
l/l.
Op.
■16.
Op.
16.
Andante et impromptu 6 »
Le Trémolo, étude 6 »
Andante-cantabile 4 50
L'Absence, romance sans paroles 6 »
Scène romantique, fantaisie 6 »
La Clochette, impromptu 6 »
Thème original 5 „
Mazurka 5 „
Les Adieux, romance sans paroles 6 »
Bluette musicale, nocturne 3 75
Op. 17. Romance
Op. 18. Les Regrets, romance sans paroles
Op. 19. Scherzo
Op. 20. Second rondo militaire
Op. 21. Impromptu
Op. 22. Variations pour la main gauche, sur un thème original. .
Op. 23. Andante inquieto
Op. 25. La Coupe, chanson â boire . . .
Deux mélodies de Mendelssohn, transcrites pour le piano.
Op. 41; Souvenir de Berlin, bluette
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REVUE
8 Février 1882.
Prix de l'Abonnement :
Paris, un an 2i fr.
Départements, Belgique et Suisse 30
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30 centimes In ligne pour 3 fois.
20 centimes la ligne pour 0 fois.
Le Journal parait le Dimanche.
GAZETTE MUSICALE
m PARIS,
— waAAT@S<S©iAAAnjv-
SOMMAIRE. — Théâtre-Italien, Fidelio, de Beethoven. — Concerts : Société de
Sainte-Cécile, Alard et Franchomme , Mlle Clauss, Ernst, etc., par Henri
Blanchard. — Correspondance : Strasbourg, Londres et Berlin. — Nouvelles
et annonces.
Par suite d'une erreur, que nous réparons aujourd'hui, les cinq
premiers nnméros de la Bévue et Gazette musicale, publiés en 1852,
ont continué de porter le millésime de 1851. Nous invitons nos
abonnés, qui font collection du journal, à corriger eux-mêmes cette
faute sur leurs exemplaires.
Le titre et les tables de 1851, que nous comptions leur donner avec
le numéro de ce jour, ne pourront leur être envoyés qu'avec le numéro
prochain.
THÉÂTRE-ITALIEN.
FMISES.M® de Beethoven.
Le procès de la symphonie et de l'opéra continue, de même qu'en
littérature celui du livre et de la pièce de théâtre. C'est que la sœur et
le frère sont entourés d'amis passionnés qui ne négligent rien pour per-
pétuer le débat et envenimer la querelle. La symphonie affecte toujours
de dédaigner l'opéra, de le trouver sans distinction, sans originalité,
sans fantaisie ; l'opéra de son côté se moque de la symphonie, et lui
répond qu'elle ne sera jamais populaire.
Des trois grands compositeurs que l'Allemagne a produits dans le der-
nier siècle, un seul, le second par rang d'âge et d'époque, était à chevaj
sur la symphonie et sur l'opéra, comme sur deux étriers : c'est Mozart.
Le premier, Haydn, n'avait qu'un pied dans l'étrier de la symphonie,
tandis que l'autre se balançait dans l'espace ; et Beethoven, le troi-
sième, serait resté tout juste comme Haydn, s'il n'eût écrit Fidelio,
chef-d'œuvre immortel, le meilleur, sans contredit, des opéras sortis de
la tête et de la plume d'un compositeur créé par Dieu pour faire des
symphonies.
Pour notre compte nous ne savons et nous nous soucions peu de
savoir ce qu'il y a de plus difficile et de plus grand, faire de belles
symphonies ou écrire de beaux opéras; mais ce qui est certain,
c'est qu'à tous ceux qui réussissent plus ou moins dans le premier de
ces deux genres, on propose toujours de s'essayer dans le second : on
les y engage, on les en presse, tandis qu'au contraire, à tous ceux quj
s'illustrent dans l'opéra, comme Gluck et tant d'autres, on ne leur de-
mande autre chose que de continuer. Nous ne cherchons pas les rai-
sons , nous notons le fait. Beethoven, lui aussi, se trouva en position
d'être invité, prié, sommé d'écrire pour le théâtre, après avoir fait li-
tière de génie et de succès dans la musique purement instrumentale.
Parmi ceux qui l'y engageaient avec le plus d'instance, il y avait Sa-
lieri, l'auteur des Danaïdes. Un conseiller de régence, nommé Sonn-
leithner, se chargea de traduire et d'arranger pour la scène allemande
l'ouvrage récemment conçu et fabriqué pour la scène française par
Bouilly, le dramaturge, et Gaveaux, l'auteur d'une certaine quantité de
petites partitions assez gentillettes. Cet ouvrage avait pour titre Léo-
nore ou l'Amour conjugal. Beethoven se mit à l'œuvre et composa
Fidelio, représenté d'abord à Prague, en 1805, et il faut l'avouer,
avec peu de succès. Mais une destinée toute contraire à celle de Mozart
attendait Beethoven : Mozart tombait h Vienne et se relevait à Prague ;
Beethoven, tombé à Prague, devait en appeler à Vienne et y triompher
l'année d'après. Dans l'intervalle, il avait écrit une autre ouverture,
la petite marche si originale, les couplets du geôlier et le final du
premier acte. 11 avait supprimé un trio et un duo très-remarqua-
bles, dit-on, et qui ne se sont plus retrouvés. Beethoven, tout grand
qu'il était, sentait donc qu'il avait des progrès à faire. Il tâtonnait, il
corrigeait , il se façonnait au genre, nouveau pour lui , dans lequel il
venait de faire ses premières armes. Fidelio sortit de son imagination
toute-puissante à peu près dans le même temps que ses plus admira-
bles symphonies : Y Héroïque, la Pastorale, la symphonie en ut mineur
le Christ au mont des Oliviers. Et peu après l'infortuné grand homme
fut frappé, fut puni de ses excès de génie clans la faculté la plus pré-
cieuse au musicien : il devint sourd ! Nous ne doutons pas, et nous l'a-
vons déjà dit dans ce même journal, que si Beethoven eût pu écrire un
second opéra, il serait parvenu à faire mieux encore que Fidelio. 11
aurait mieux conçu et mieux écrit par rapport aux conditions de la
scène et du public. Ce bonheur lui fut refusé, à nous autant qu'à lui.
Fidelio demeura seul au milieu des neuf symphonies et d'une foule de
trios, quatuors, quintetti, sonates, concertos de taille gigantesque.
On n'a pas oublié à Paris l'effet que produisit Fidelio, lorsqu'en
1830 et 1831, une troupe allemande, dans laquelle se trouvaient Hait-
zinger et Mme Schrœder-Devrient, vint nous révéler le chef-d'œuvre.
Ce fut d'abord de la surprise, et puis ce fut bientôt de l'enthousiasme.
Les artistes, les chœurs, l'orchestre, étaient animés d'une telle verve,
entraînés par une telle conviction, que toute résistance était impossible.
11 fallait céder à la puissance de l'œuvre et à celle de l'exécution. Les
chanteurs n'étaient pas des virtuoses habiles à manier leurs voix, à les
conduire délicatement suivant toutes les règles d'un art froidement ap-
pris : en revanche ils avaient des voix timbrés, sympathiques; ils
croyaient en Beethoven, et brûlaient du désir de propager leur foi.
Habeneck avait eu dès longtemps l'idée de transporter Fidelio sur
notre première scène lyrique. M. Castil-Blaze l'avait arrangé pour l'O-
déon, en lui faisant subir de larges coupures. Habeneck songeait à se
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REVUE ET GAZETTE MUSICALE
servir de cette traduction et destinait le principal rôle à Mme Stoltz. Il
eût ainsi complété son Beethoven, qui lui devait le baptême français,
renouvelé chaque année, depuis 1827, clans le sanctuaire de la Société
des concerts.
C'était non l'Opéra français, mais l'Opéra italien , sous la direction
de M. Lumley, que le destin réservait à cette entreprise hardie.
Fideiio faisant son entrée au milieu du répertoire ausonien , quel évé-
nement ! quelle révolution tout entière ! Il y a plus de quarante ans,
lorsque M. Berton, qui dirigeait alors le théâtre de l'Impératrice,
voulut y introduire les ouvrages de Mozart , ce fut presque une révolte
parmi les artistes italiens, nourris du miel de Pâisiello,'de Cimarosa, de
Guglielmi. Barilli ne cessait de répéter, à propos des Nozse di Figaro,
que c'était de la musique cosaque. Et pourtant Mozart était un Italien
d'éducation, sinon de naissance ! Beethoven est Allemand , toujours
Allemand : ni l'auteur, ni l'ouvrage ne sauraient renier leur origine.
M. Lumley a donc montré du courage en risquant Fideiio sur son
théâtre. Il est vrai que Sophie Cruvelli s'était déjà signalée à Londres
par un éclatant succès obtenu, pendant la saison dernière, dans le rôle
principal. Sophie Cruvelli a tout ce qu'il faut pour réussir dans le
personnage de l'épouse dévouée, bravant la mort et sauvant son époux :
elle est Allemande, elle possède une voix magnifique, une physiono-
mie pleine^d' expression. Nous ne pouvons lui donner que des éloges
pour la manière dont elle a chanté son air du premier acte et marié sa
voix à celle des trois cors qui l'accompagnent de si délicieuses brode-
ries. Elle n'a pas été moins belle , moins supérieure clans les autres
parties du rôle ; nous ne lui demanderions qu'un peu plus de feu ,
d'exaltation dans les scènes du second acte. Nous avons encore pré-
sent à l'esprit et aux yeux le souvenir de Mme Devrient , qui ne chan-
tait pas aussi bien qu'elle, mais qui , comme actrice, produisait la plus
vive impression. Nous en dirons autant de Calzolari , dont la voix est si
pure et si suave, mais qui ne rend pas tout le frémissement, toute l'é-
motion fiévreuse et délirante qui bouillonnent dans la stretta de son air
du second acte. Belletti s'acquitte fort bien du rôle de Pizarro, et
Mlle Corbari de celui de Marcellina, la fille du geôlier. Ce dernier
rôle est confié à Susini , dont la belle voix de basse remplit toujours si
bien l'oreille. Les chœurs fonctionnent aussi avec zèle et talent.
L'orchestre joue les deux ouvertures composées successivement
pour Fideiio : la première et la plus connue, celle en mi, avant le
lever du rideau ; la seconde, si grande et si vigoureuse, celle en ut,
avant la dernière partie du second acte, dont on a fait un acte séparé.
M. Hiller s'est retrouvé là sur son terrain, et il a mis un amour-propre
bien naturel à bien exécuter la musique de son glorieux compatriote.
La seconde ouverture, surtout, nous a paru rendue avec la perfection
que réclame une page musicale de cette immense valeur.
Nous ne surprendrons personne en disant que tout le monde, c'est-à-
dire tout l'auditoire de la salle Ventadour, ne comprend pas encore
Fideiio et ne sent pas les beautés dont Beethoven a semé son œuvre.
Les symphonies du même maître n'ont pas été non plus admirées, ap-
plaudies dès le premier jour. Laissons faire le temps, et rendons grâce
aux directeurs qui, comme M. Lumley, n'ont pas peur de frayer la
route aux grands hommes et aux chefs-d'œuvre. La mise en scène de
Fideiio lui sera comptée, et s'il a besoin d'une apostille pour soutenir
son droit à une subvention plus large, il n'aura qu'à montrer Bee-
thoven inscrit parmi les soutiens de son répertoire : Beethoven plai-
dera sa cause et la gagnera. R.
CONCERTS.
SOCIÉTÉ DE SAINTE-CÉCILE.
Lé second concert de cette Société, qui continue à marcher dans une
bonne voie artistique, a commencé par l'ouverture de la Vestale, sym-
phonie dramatique jugée et favorablement appréciée depuis longtemps
pour ses mélodies émouvantes et son luxe d'orchestre, qui annonçait
déjà au commencement de ce siècle la richesse d'instrumentation
actuelle.
Chaque programme des concerts de la Société Sainte-Cécile a cela de
piquant pour le public réellement musical de Paris, qu'il contient
presque toujours un ouvrage nouveau ou inédit, et cela sans être men-
teur comme tous les programmes de concerts ou autres. Cette fois-ci,
il en offrait deux, une ouverture de Mendelssohn et les fragments d'un
drame lyrique de Schubert, intitulé Itosemonde. Ces fragments conte-
naient une Invocation à i Esprit-Saint, chœur de voix d'hommes, la
romance de Rosemonde, suivie d'un Chœur de bergers. Ces deux chœurs
sont aussi mélodiques qu'harmoniques, et tout empreints d'une couleur
religieuse et d'une simplicité champêtre. La romance se distingue aussi
par un bon sentiment de religiosité. Mlle Lefebvre, la brillante canta-
trice du théâtre de l'Opéra-Comique, nous y a fait entendre des cordes
graves et onctueuses qu'on ne lui soupçonnait pas dans la voix, et cela
sans préjudice des traits de hardie vocalisation qu'elle a jetés ensuite à
ses auditeurs dans un air varié de M. Adam, et qu'elle a dit de façon à
se faire aussi vivement que justement applaudir.
Dans le cas où l'on redirait le frais et suave morceau de Schubert,
nous engageons les choristes à ne pas craindre d'attaquer franchement
les intervalles de seconde qui font croire à de certains auditeurs dont
les oreilles ne sont pas familiarisées avec les dissonnances harmoniques,
que l'on chante faux. Ces derniers auraient été mieux fondés à faire la
grimace au fa de MM. les ténors, qui est assez fréquemment trop bas.
Il ne s'agit point ici de ce stupide et féroce ut de poitrine tant célèbre
naguère, mais bien d'un simple fa qui doit être à la disposition des
seconds ténors et même des barytons.
Le troisième couplet de la romance chantée par Mlle Lefebvre est dé-
licieusement accompagné par l'orchestre. Sur un trémolo des violons,
dans le haut des cordes, se dessinent le hautbois, la flûte, les cors, qui
ont bien marié leur noble et touchante expression avec celle de la
cantatrice. On a dit encore un chœur à quatre voix de Blanche de Pro-
vence, de Cherubini. Ce morceau, d'une grande pureté de style, est
peut-être par cela même un peu froid. Ensuite est venue une ouverture
de Rmj-Blas, par Mendelssohn, qu'on exécutait pour la première fois à
Paris.
Ne voulant pas épuiser tous les plaisirs de l'analyse en une fois, nous
reviendrons sur ce bel œuvre de l'auteur du Paulus et d'Élie. Il suffira
de dire à nos lecteurs que cette ouverture se distingue par la sagesse
du plan, par les fins détails de l'instrumentation, par la chaleur de la
péroraison, pour les persuader que cette symphonie dramatique est
cligne des autres productions de l'illustre compositeur. Que dire de la
symphonie en ut mineur de Beethoven et de son exécution? Rien, si ce
n'est qu'elle a été dite aussi bien que partout ailleurs.
HIIJSIQCE I>E CUAUBEE.
ALARD ET FRANCHOMME.
(Deuxième séance.)
Le dixième quatuor de Mozart n'est pas inférieur à ses autres , quj
sont tout simplement des chefs-d'œuvre, sur les pages desquels, comme
sur chaque feuillet des œuvres de Racine, ainsi que le disait Voltaire ,
on devrait écrire: admirable, sublime, divin. C'est donc par ce
dixième quatuor en ré que MM. Alard, Blanc, Ney et Franchomme ont
ouvert leur seconde séance de musique de chambre, clans le vaste salon
de M. Pleyel , qui était complètement rempli d'auditeurs et même d'au-
ditrices empressés de venir entendre cette bonne musique si bien exé-
cutée. Un trio, de Weber, pour piano , violon et basse, a suivi ce mor-
ceau et a été dit par Mlle Meara , nouvelle pianiste , élève de Chopin ,
MM. Alard et Franchomme. Ces deux habiles instrumentistes servaient
de parrains à la nouvelle et jeune virtuose , au jeu fin , délicat et dis-
tingué comme celui de son illustre professeur, enlevé trop tôt à l'art de
jouer du piano, de l'enseigner et d'écrire de ravissantes élégies pour
cet instrument. Après le trio de Weber, M. Alard a dit un andante
capriccio, de Mendelssohn (œuvre posthume), pour deux violons, alto
DE PARIS.
43
et violoncelle, œuvre de délicieuses mélodies et de non moins délicieu-
ses modulations , œuvre toute empreinte de la douce mélancolie de cet
homme, qui nous consolait presque de la perte de Mozart dont il pou-
vait se dire l'héritier, de Mozart mort ainsi que lui à la moitié de sa
carrière, comme Maestrino , Dellamaria, Weber, Bellini, et tant d'autres.
L'andante varié, pour piano et violon , tiré de l'œuvre douzième de
Beethoven, et dit par Mlles Meara et Alard, a offert à la jeune et jolie
pianiste l'occasion de montrer un bon sentiment musical et même une
chaleur artistique dont nous doutions un peu qu'elle fût douée , tant il
est vrai que le calme de la tenue est cousin-germain de la froideur. Le
septième et beau quatuor de Beethoven a dignement terminé cette
séance, dont, puisque nous en sommes aux comparaisons de famille ,
on attend avec impatience les intéressantes sœurs.
3111c CL.4USS.
De même que Londres a eu son Exposition universelle des produits
de l'industrie européenne et transatlantique, Paris est le centre, en ce
moment , de l'exhibition des pianistes de l'Europe musicale, pianistes
des deux sexes, et de la nouvelle génération des instrumentistes de ce
genre. Mlle Clauss n'est pas la moins distinguée de ces virtuoses. Cette
jeune artiste est intéressante à plus d'un titre. Venue d'Allemagne l'an
passé, sans autre protection que celle de son talent , talent vrai , con-
sciencieux , brillant même, elle se fit entendre une seule fois au con-
cert de la Société philharmonique dirigée par M. Berlioz. Ce début fut
brillant et lui promettait du succès dans les sociétés musicales de notre
capitale, lorsque tout à coup la pauvre jeune fille perdit sa mère, qui
l'avait accompagnée en France. Elle a été pleurer cette perte irrépa-
rable chez une amie, dans le midi de la France ; et la voilà revenue
dans Paris, orpheline, isolée, et plus étrangère qu'elle ne l'était avant
son malheur, mais possédant un talent qui s'est mûri dans la solitude,
et sensibilisé, si l'on peut s'exprimer ainsi , par la douleur la plus pro-
fonde qu'on puisse éprouver dans la vie. On doit donc, quand on a
l'àme un peu bien située, comme le dit Molière par la voix d'Alceste,
aide et protection désintéressée à la position, au talent réel de la jeune
et intéressante artiste qui vient nous demander l'hospitalité, surtout
quand l'appréciation de ce talent ne coûte pas le moindre scrupule à
l'impartialité dont tout journaliste, critique compétent, doit faire pro-
fession.
Mlle Clauss, comme toutes les pianistes de la génération actuelle,
réunit dans son exécution le style du passé et celui du jour. Et d'abord,
comme tous les virtuoses actuels, elle joint le plus souple et le plus
riche mécanisme à une mémoire non moins riche, large et bien meu-
blée des œuvres rétrospectives et de celles si compliquées de musique
moderne. Parmi les morceaux de ce genre, elle a dit la fantaisie de
Thalberg sur la Sonnambula, dans le concert qu'elle a donné, le 2 fé-
vrier, chez Herz , en pianiste qui ne se contente pas de frapper, de
brusquer la touche, mais qui l'interroge, en artiste qui comprend, sait
toute la puissance du son et de la mélodie sur l'oreille, le cœur, et par
conséquent sur l'attention et la sympathie de son auditoire. Chanter
de ses dix doigts, ne fût-ce même que d'un seul, sur le piano, doit être,
dans l'avenir de cet instrument , son dernier mot. Ce qui nous fait
croire que notre jeune virtuose est une pianiste d'avenir, c'est qu'elle a
dit un nocturne de Chopin , l'œuvre 9, autant qu'il nous en souvient,
d'une façon délicieuse, d'un toucher délicat, et d'une poésie de mélodie
à ravir la pensée, à la bercer du souvenir et de la manière fine et lim-
pide qu'y mettait lui-même l'auteur. Elle a rendues possibles les impos-
sibilités digitigrades de Liszt dans la fantaisie sur Don Juan • et pour-
tant son style est plutôt lié, onctueux , intime que spectaculeux. Il n'y
a nulle manière, nulle affectation dans le façon de faire le trait ; elle
ne jette pas la main pour montrer son aisance : ses doigts sont presque
toujours inhérents aux touches, pratiquant ainsi l'art de ne pas perdre
du temps, quoique, nous devons le lui dire, l'art de se faire écouter soit
aussi celui de savoir prendre des temps : c'est le secret des comédiens,
des virtuoses et des orateurs.
Dans le prélude et la fugue en ut dièze majeur de Sébastien Bach ,
Mlle Clauss s'est montrée musicienne et pianiste classique ; et, ce qui
n'est pas un mince éloge pour la bénéficiaire et pour ses auditeurs,
c'est qu'on lui a fait redire ce morceau d'une forme et d'une exécu-
tion si franche, si arrêtée et si pure.
M. Moriani a chanté une jolie mélodie de Gordigiani intitulée : la
Maggiolata, et puis un air de Donizetti, qui ont fait apprécier sa bonne
méthode.
Mme Taccani-Tasca a fort bien chanté aussi un air de la Niobé,
de Paccini, et les variations un peu trop connues, mais fort bien dites
par la cantatrice, sur un thème de Rode, que le rédacteur du programme
a cru devoir baptiser, on ne sait pourquoi, du nom de Rhodde. Un des
prénoms de notre célèbre violoniste étant Etienne, et l'intelligent ré-
dacteur l'entendant nommer avec l'initiale de ce prénom É. Rode , le
grand violoniste, le fera sans doute figurer ainsi sur son prochain pro-
gramme : Hérode-le-Grand , violoniste.
ERjtfST.
DEUXIÈME CONCERT.
C'est aussi un habile, un grand violoniste, que celui qui a donné ce
concert dans la salle Herz, mercredi dernier, k février. La plus brillante
société assistait à celte belle manifestation musicale; elle a mis enfin,
dans Paris, le sceau à la réputation d'Ernst, que des indispositions ou
d'autres obstacles avaient toujours empêché, en France, de se faire
apprécier à sa juste valeur. Ernst est un artiste impressionnable, ner-
veux, qui ne dit pas son dernier mot tout d'abord ; il lui faut plusieurs
séances pour se bien poser, pour se mettre en contact avec son audi-
toire, s'en faire comprendre. C'est par demi-douzaines, au moins, qu'i[
adonné jusqu'ici des concerts en Allemagne, en Angleterre; et i)
a fini par conquérir partout la sympathie de son public. En France,
à Paris, où nous nous piquons de résumer tout rapidement, même l'es-
thétique, on a compris, dès le second concert qu'il a donné , tout ce
qu'il y a en lui de profond, de chaud, de passionné. Dans son Con-
certo pathétique, dans l'orchestre riche et puissant de cette grande
élégie de l'âme, ce sont les voix multiples, grandioses -et mystérieuses
d'Isaïe, de Jérémie et du prophète de l'île de Patmos, dont les voix
poétiques chantent les douleurs, disent toutes les colères du Dieu
vivant et toutes les appréhensions des puissants de la terre; et puis,
après cet hymne sublime, le virtuose se fait aussi poète des mélan-
colies et des choses douces de la vie ; et il dit la pensée fugitive dé-
posée sur un Feuillet d'album] et les rêveries d'un Nocturne, et les
capricieuses variations, ces labyrinthes de difficultés que renferme en
lui le roi des instruments, et dont l'habile violoniste se joue avec une
merveilleuse facilité. L'auditoire de haute fashion musicale qui lui avait
prodigué tous ses applaudissements en a encore trouvé pour le pianiste
Léopold de Meyer, le prestidigitateur le plus leste, le plus fin, le plus
capricieux qui se puisse voir et entendre. Cet escamoteur de toutes
sortes de difficultés nous a dit ses Souvenirs d'Italie, de façon à les
graver, si ce n'était déjà fait, dans la mémoire de tous ceux qui les ont
entendus et de tous ceux qui les entendront ; et puis nous est venue,
en ce concert qui devait plaire en tout, Mlle Miollan, jeune cantatrice
du théâtre de l'Opéra-Comique, qui nous a dit, d'une charmante ma-
nière et d'une bonne méthode de chant, un vieil air français, celui de
Wontano et Stéphanie : Oui, c'est demain que l'hyménée, etc., et la
brillante cavatine de la Sonnambula.
Mlle Miollan a l'intonation juste, pure, limpide; ses traits sont de
bon goût ; mais tout cela est un peu froid. Dans le vieil air français de
Berton, elle a manqué de cette distinction et de cette poésie rêveuse, et
de cet enchantement d'amour que doit éprouver et que peut montrer une
jeune fille noble au moment d'épouser celui qu'elle aime de l'aveu de son
père. 11 faut montrer dans cette scène si expansive, même au concert,
une plénitude de bonheur et d'intonation, si l'on peut s'exprimer ainsi.
La voix doit se poser largement dans les émotions du cœur que rien
ne vient troubler encore. Ses accents doivent peindre la placidité de
son âme musicale et la pure ivresse de son amour. La fille du seigneur
Leonati de Sicile ne doit point parler ou chanter comme une petite fille
44
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
bourgeoise et craintive. Nous nous rappelons avoir entendu Mme Da-
moreau faire rayonner cette splendide mélodie de tous les prestiges
d'une brillante vocalisation unie à la plastique large et bien posée d'un
chant égal et soutenu. Quant à l'air de la Sonnambula, Mlle Miollan l'a
dit d'un style de chant irréprochable : aussi d'unanimes applaudisse-
ments ont-ils suivi et rappelé la jeune cantatrice pour qui s'ouvre un
brillant avenir.
M. et Mme DELOFFBE.
M. Deloffre est un bon violoniste français qui s'est fait un peu oublier
dans son pays en restant dix ans comme violon solo au théâtre de la
Reine à Londres. M. Deloffre est aussi connu qu'Oreste par son attache-
ment artistique pour un autre Pylade. Ce Pylade a nom Pilet, violon-
celliste de talent qui vient d'être attaché à l'orchestre de l'Opéra. Il
résulte de l'amitié de ces deux artistes de fort jolis duos pour violon et
violoncelle qu'ils exécutent à merveille, et que Mme Deloffre, jeune
pianiste de talent, accompagne avec un bon sentiment musical. Elle en
donne la preuve quand elle fonctionne en soliste aux matinées que ces
trois virtuoses donnent dans leur domicile artistique.
Mme CLOT1LDE I/MOTE.
En rivale de la course au clocher, nous avons la course aux concerts
de bienfaisance, qui n'est pas aussi dangereuse, mais qui est bien aussi
fatigante. Pour ma part, j'en sais quelque chose. Mme Clotilde l'Hôte,
qui vient de donner une grande soirée musicale au bénéfice des crè-
ches du Xe arrondissement, doit connaître maintenant toutes les contra,
riétés, tous les obstacles qu'on rencontre avant d'accomplir ces actes
de philanthropie. 11 faut dire aussi que ces concerts de bienfaisance
sont des concerts de malfaisance, si l'on peut s'exprimer ainsi, pour la
plupart des artistes qui veulent bien y figurer, et qui ont toutes les
peines du monde ensuite à organiser eux-mêmes des concerts à leur
bénéfice. Le programme de Mme Clotilde l'Hôte était attrayant.
Mmes Taccani-Tasca, Montrose et Mme Comettant, dont nous aimons à
constater l'admirable talent , y figuraient pour le chant italien ,
Mlle Urso pour le violon et Mme l'Hôte comme pianiste distinguée ;
elle s'est fait entendre, et'par conséquent applaudir, dans un larghetto
d'un concerto de Dussek ; puisellea dit ensuite deux brillantes étincelles
musicales , la Biscaienne et la Catalane , de sa composition.
SOCIÉTÉ E*E5II>H,tïBMO\I«lt I'].
11 n'y a pas moins de vingt-sept ans que cette association musicale
de commerçants amateurs fonctionne dans Paris. Cet établissement de
marchands, où l'on exhibe toute sorte de musique gratis, rappelle bien
parfois cette maxime complexe : Dieu nous garde d'un dîner d'ami et
d'un concert d'amateurs ! On peut remarquer avec justesse et dire sans
injustice qu'on n'y chante et qu'on n'y joue pas toujours juste, attendu
qu'on y néglige souvent de se mettre d'accord; on pourrait bien dire
encore qu'il serait à désirer que les employés du contrôle et placeurs
ou placeuses fussent un peu plus polis envers les auditeurs, bien qu'ils
ne paient pas, et leur rappeler qu'Orphée, le civilisateur par la musi-
que, adoucissait les bêtes les plus farouches et les plus féroces ; mais
tout cela n'empêche pas que la Société philharmonique ne se compose
d'un orchestre nombreux et bien dirigé maintenant par M. Aimé Rous-
sette, et qui exécute assez bien parfois nos plus belles ouvertures. Cet
établissement musical pour la moyenne propriété offre à nos lauréats
du Conservatoire, chanteurs, cantatrices et instrumentistes, un moyen
de s'habituer à paraître en public. Dans le dernier concert donné di
manche passé dans la salle Sainte-Cécile par la Société philharmonique
Mlle Elésa a dit l'air des Diamants de la couronne, et celui du Billet de
loterie, tours de force de cantatrice dans lesquels elle a jeté toute la
poudre possible de vocalisation au nez de ses auditeurs. MM. Brice et
Berthemet ont dit un duo pour piano et violon composé par eux. Ils ont
été justement applaudis pour leur composition et leur exécution.
Mme Fraissinet est ensuite venue. Mme Fraissinet est une dame d'un
âge raisonnable, ce qui ne l'empêche pas de donner dans la folie,
''enthousiasme, les excentricités de la poésie improvisée. Oui,
Mme Fraissinet est improvisatrice ; elle nous a construit des phrase s
des méditations poétiques sur des noms historiques et des rimes que
lui avait lancés quelques auditeurs ; elle nous a donné ses appréciations
en vers sur MM. Alexandre, César, Napoléon, etc. Cette nouvelle Co-
rinne, vêtue d'une tunique blanche, frangée d'or, et la tête surmontée
d'une couronne de même métal californien, a célébré ensuite une
femme célèbre avec des rimes en montant et en descendant, tout cela
suivi de chansonnettes sur le Témoin Giblou et le Jour de déménage-
ment, chantées par M. Dubouchet. Cette matinée, enfin, a été aussi
amusante que musicale.
Henri BLANCHARD.
CORRESPONDANCE.
FRÉDÉRIC «ERNSDEIM.
Strasbourg, 21 janvier.
Nous avons assisté, hier au soir, au dernier des concerts donnés dans la
salle de spectacle par le jeune Frédéric Gernsheim, les 22, 25 et 27 jan-
vier. Ce pianiste-compositeur de dix ans est une des apparitions les plus
phénoménales de l'histoire de la musique. Dans les trois concerts qu'il
vient de donner, il nous a fait entendre le grand concerto de Weber
(ConcerUiiick), le concerto en la mineur, de Hummel, celui en mi de Mos-
chelès, un rondo capriccioso de Mendelssohn, quelques morceaux moder-
nes, et deux ouvertures à grand orchestre composées par le jeune vir-
tuose et dirigées par lui avec beaucoup d'aplomb. Son jeu pur, élégant,
expressif, souvent même entraînant et nerveux , quoique ses petites
mains n'embrassent qu'avec peine l'étendue d'une octave, n'est pas le jeu
d'un enfant, mais celui d'un artiste consommé. Et pourtant, ce remar-
quable talent d'exécution est la moindre des qualités de cet enfant prodi-
gieux. Nous l'avons vu, dans des soirées particulières, lire des morceaux
difficiles sans manquer aucun trait, sans jamais ralentir les mouvements
indiqués, et en arrangeant avec talent pour ses petites mains les passages
renfermant de trop grands écarts. Nous l'avons entendu, en outre, im-
proviser deux fois, sur des thèmes donnés, des fantaisies fort bien déve-
loppées, dans lesquelles le petit pianiste faisait entendre le thème tantôt
à la main droite, tantôt à la main gauche , l'ornait de traits de plus en
plus difficiles et brillants, même de quelques imitations, et imaginait des
effets de modulation et de rhythme souvent fort inattendus.
Ses ouvertures à grand orchestre dénotent un talent de composition
fort remarquable et même une connaissance des procédés de l'art surpre-
nante pour un enfant de cet âge, quand bien même l'instrumentation ap-
partiendrait en partie à ses maîtres. Frédéric Gernsheim , outre ces
ouvertures et le joli nocturne qu'il nous a fait entendre, a écrit une sym-
phonie pour instruments d'enfants (piano , violon, basse avec petites
trompettes, crécelle, chapeau-chinois, tambour, etc.), semblable à celles
écrites par Haydn et Romberg ; cette partition, que nous avons examinée,
est fort curieuse. 11 a aussi écrit quelques romances allemandes , dont
l'une est dédiée à lime Sontag, qui lui fit présent de la partition complète
des quatuors de Mozart. Nous avons pu juger nous-mêmes de la facilité
prodigieuse qu'a cet enfant d'écrire les pensées musicales qui éclosent
spontanément dans sa jeune cervelle. Lui ayant demandé quelques lignes
en retour de celles que nous avions tracées dans son album, nous l'avons
vu écrire en peu de temps et sans le secours d'aucun instrument, un petit
canon perpétuel à l'octave. Avons-nous besoin d'ajouter maintenant que
l'enfant extraordinaire a vu le jour sur la terre classique de la musique
instrumentale, dans la patrie des Haendel, Bach, Haydn, Mozart, Beetho-
ven, Mendelssohn?
Frédéric Gernsheim, fils d'un médecin de Worms, est né dans cette
ville le 17 juillet 1841. La mère, bonne 'pianiste, lui donna les premières
leçons de musique avant qu'il eût atteint l'âge de six ans. Elle n'eut pas
de peine à remarquer la vocation précoce et le génie créateur de
l'enfant qui quittait les jeux de son âge pour essayer de noter les mélo-
dies qu'il entendait en lui-même. Ses parents comprirent que des voca-
tions ainsi manifestées sont, pour ainsi dire, des ordres de Dieu, et ils ne
négligèrent rien pour assurer le développement artistique de leur fils. Ils
le confièrent, en 1847, à M. Louis Liebe, alors directeur de musique à
Worms, aujourd'hui professeur de musique à Strasbourg. C'était le mettre
entre les mains d'un homme de talent, d'un artiste sérieux et conscien-
cieux. Sous ce maître habile, le petit Frédéric fit de rapides progrès dans
l'art de jouer du piano et dans la composition. En 1850, Frédéric fut en-
voyé â Mayence, et quelques mois après à Francfort, où il eut pour maître
de piano M. Rosenhain (père de Jacques Rosenhain) ; pour maître de com-
position, M. Haufl", et pour maître de violon, M. Eliason et M. Wolff.
C'est le 10 mai 1850 que le petit Frédéric se fit entendre pour la pre-
DE PARIS.
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mière fois en public dans un concert donné au théâtre de Francfort. Il
vient de donner, à Francfort et a Carlsruhe, plusieurs concerts dans les-
quels il a obtenu des succès mérités ; il se propose maintenant de faire un
voyage en France. Parlerons-nous de l'accueil que cet enfant extraor-
dinaire a reçu à Strasbourg? Si bien des gens ont su l'apprécier à sa va-
leur, d'autres n'ont pas su le distinguer de ces petits prodiges éphémères
qui arrivent à force de travail à exécuter passablement quelques mor-
ceaux qu'ils colportent de ville en ville. Des artistes même n'ont pas
craint de dénigrer un enfant sur le front duquel brille déjà l'auréole du
génie, moins peut-être par jalousie envers le petit virtuose qu'à l'égard de
son maître, M. Liebe, qui a le triple tort d'être étranger, d'avoir un mé-
rite réel et d'être un artiste modeste qui ne vient pas flatter le mauvais
goût de la foule.
Frédéric Gernsheim doit se rendre à Paris : espérons qu'il y trouvera un
public plus intelligent. Quant à nous, nous ne craignons pas de dire que
s'il ne renouvelle pas tous les prodiges que l'on raconte de l'enfance de
Mozart, on n'a pourtant pas revu, depuis ce grand homme, un ensemble
aussi surprenant de facultés extraordinaires, et nous croyons qu'un jour
l'Europe entière répétera avec enthousiasme le nom de cet enfant.
Londres, 30 janvier.
Rarement notre saison d'hiver a été plus animée dans la région musi-
cale. Tant de choses se passent à la fois, qu'il nous est impossible de vous
dire plus d'un mot de chacune.
1° M. Bunn a commencé l'exhibition de sa troupe lyrique au théâtre de
Drury-Lane. Robert- le- Diable a été le premier ouvrage représenté d'une
manière assez satisfaisante, puisque les ressources du théâtre ne permet-
taient pas qu'il le fût mieux. Mme Evelina Garcia (mariée à M. de Munck,
l'un des meilleurs professeurs de violoncelle) possède une voix de soprano
très-puissante qui ne manque pas plus de charme que de vigueur. Ce
n'est pas notre idéal dans le rôle d'Alice ; ce n'est pas, à beaucoup près,
Jenny Lind , qui s'y montrait si admirable; mais elle est douée de cer-
taines qualités d'artiste, qui lui ont valu de chaleureux applaudissements.
Le défaut de Mme Garcia, c'est de chanter souvent trop haut, surtout
dans les notes aiguës. Le rôle d'Isabelle nous a offert une jeune canta-
trice de notre royale Académie de musique, Mlle Brovvne, qui se nomme
Crichton sur l'affiche. Cette débutante a enlevé la salle dès son premier
air. Sa voix est d'une étendue surprenante, et elle chante avec tant de
feu , qu'on la regarde comme une Sophie Cruvelli en espérance. Quoi-
qu'elle joue très-gauchement, son succès a été magnifique. Elle est fort
jeune, et on lui escompte le présent en faveur de l'avenir. M. Fédor, ténor
russe, qui a beaucoup chanté en Espagne et en Italie, dit très-bien le
rôle de Robert. Sa voix est douce et sympathique, son chant plein d'élé-
gance et de sentiment. M. Drayton , l'un des anciens élèves du Conserva-
toire de Paris, s'est distingué dans le rôle si important de Bertram. L'or-
chestre, dirigé par Schira , s'est convenablement acquitté de sa tâche,
ainsi que les chœurs. La salle était comble. Fra Diavolo, ce type char-
mant de l'opéra comique français, avait été choisi pour la rentrée de
Sims Reeves, accompagné de sa femme (autrefois Mlle Lucombe). Ce ténor
aimé des Anglais, malgré ses nombreux caprices qui ont déjà obligé
M. Bunn à changer deux fois le spectacle, conserve toute sa popularité.
Sans être le beau idéal du brigand-marquis, il s'est montré bon acteur,
et a chanté avec beaucoup de verve et de facilité. On a bissé la sérénade
du second acte. Mme Sims Reeves a chanté et joué fort bien le rôle de
Zerlina. Sa voix n'est pas très-suave, mais elle est excellente musicienne.
Mlle Priscilla Horton et M.Withworth ont été admirables dans les rôles de
milord et milady. La musique, fraîche et pétillante d'Auber a été fort
goûtée du public. On montera bientôt le ballet de Vert-Vert pour Mlle
Plunkett et Mlle Carlotta de Veehi, une nouvelle danseuse que l'on dit
fort bonne.
2° La Sacred Harmonie Society a exécuté hier au soir deux magnifiques
ouvrages de Mendelssohn : le Lobgesany (symphonie religieuse , avec
chœurs) et la musique d'Athalie, de Racine. Jamais cette masse énorme
d'instrumentistes et de chanteurs n'avait été plus admirable. On aurait
dit une seule voix et un seul instrument, au lieu de 800. Je voudrais bien
recommander le Lobgesang aux bons soins de M. Girard, qui a si supérieu-
rement dirigé la symphonie en la majeur, il y a quelques jours, au Con-
servatoire. Jamais le génie et le savoir du grand compositeur ne se sont
élevés dans une sphère plus haute. M. Costa a conduit l'orchestre avec
une grande énergie, et a été très-applaudi à la fin. Pendant l'exécution ,
on n'applaudit guère : dans ces concerts sacrés, ce n'est pas de bon goût.
Les solistes étaient Mme Enderwohn, Mlle Dolby, MM. Williams et Lockey.
La London Sacred Harmonie Society, qui fait concurrence à l'autre dans la
même salle, Exeter-HaU, a exécuté VElie, de Mendelssohn. Cette Société,
quoique formidable, n'est pas au niveau de sa rivale. M. Surman, qui la
dirige, est l'un des fondateurs de la Sacred Harmonie Society. Quand les
membres l'ont eu destitué et remplacé par M. Costa, ses amis ont créé la
Société nouvelle qu'il dirige à présent.
3" M. Ella a commencé ses Winler musical Evenings, séances de mu-
sique de chambre, dans le style de la Musical Union, qui a lieu l'été,
en pleine saison, et toujours dans le local de Willis's Booms. Le public
était nombreux. Le programme, tiré des œuvres de Haydn, Beethoven,
Hummel, Spohr, etc., a été bien interprété par MM. Sainton, Schmidt (vio-
lons), Ilill (alto), Piatti (violoncelle\ et Pauer, pianiste allemand, au
style classique, qui promet de devenir l'émulede Charles Halle. Le numéro le
plus intéressant a été celui, qui comprend deux morceaux d'un quatuor
posthume de Mendelssohn, andante en mi majeur, et scherzo en la mineur,
L'andante contient une mélodie délicieuse pour l'alto. Le scherzo est un
chef-d'œuvre. Mendelssohn ail over, comme disaient ses admirateurs, si
nombreux à Londres, vous le savez bien.
h" Au théâtre de Hay-Market, un nouvel opéra comique, Aminta (/>«
Coquette, musique de M. Howard Glover, fils de la célèbre actrice , a
été donné avec beaucoup de succès. La prima donna, Mlle Louisa Pyne, a
très-bien chanté. La musique de M. Glover n'est pas savante, mais elle est
bien écrite et contient l'élément populaire.
Les London Thursday Concerts viennent de terminer une saison de cinq
concerts. La spéculation a été peu fructueuse. Au dernier concert, Mlle Al-
leyne, soprano, qui faisait son début, a produit un effet hors ligne par sa
manière de chanter Bid me discourse, air de bravoure, de Bishop.
M. Stammers a manifesté l'intention de renouveler bientôt les London
Wednesday Concerts. Les soirées de musique de piano classique d'Alexan-
dre Billet, Sterndale Bennett, Lindsay Sloper, vont aussi commencer.
M. Aguilar, très-bon pianiste et compositeur, en a déjà donné deux.
M. Hullah a inauguré la seconde saison de ses Monthly Concerts à St-Mar-
tin's Hall, avec le 95e psaume de Mendelssohn, un festival anth'm, de
M. Henry Leslie, jeune compositeur de talent, et la cantate de Handel,
Aie xander 's Feast. Les exécutants étaient nombreux, mais l'exécution
n'a pas été remarquablement belle.
Les directeurs des deux théâtres italiens n'ont pas encore publié leur
programme.
Il est question de fonder un club ou institut pour les musiciens et les ama-
teurs de Londres : déjà les bases en sont connues ; mais ce dont on parle
surtout, c'est de lanouvelle Société philharmonique, qui va s'élever en face de
l'ancienne, et qui se présente sous un aspect tout à fait imposant. Elle a
choisi pour siège et domicile Exeter-Hall. Son orchestre, ses chœurs, établis
sur des proportions colossales, compteront dans leurs rangs des talents de
premier ordre. Cette armée d'élite aura pour chef et général Hector Berlioz,
dont le nom suffiraitpour donner une idée de la grandeur à laquelle aspire
la nouvelle société. Autant les progammes seront brillants, autant les prix
d'entrée seront modérés. La Société donnera six concerts, de mois en mois,
les 2A mars, 14 et 28 avril, 12 et 26 mai, et 9 juin. On ne doute pas du
succès.
Berlin, 31 janvier.
Un négociant qui a de l'ordre fait tous les mois son bilan ; à son exem-
ple, un correspondant qui se pique d'exactitude doit fournir régulière-
ment le chapitre mensuel de l'histoire musicale du jour. Sans doute, nous
avons été devancé par plus d'une dépêche électro-magnétique, annonçant
des faits isolés ; toutefois, nous pensons qu'il nous sera permis de les ré-
capituler dans un apeTçu général.
Le mois de janvier est toujours d'un bon rapport en fait de musique.
Cette année surtout, la récolte a été bonne ; plût à Dieu qu'elle fût aussi
abondante au mois de juillet et au mois d'août! Nous pourrions alors,
l'hiver prochain, recommencer de plus belle à faire de la musique I
Nous commençons par le théâtre.
La fermeture du théâtre Kœnigstadt a débarrassé le théâtre royal de
l'Opéra d'une institution rivale; en revanche, c'est maintenant la salle
Frédéric-Wilhelmstadt qui lui fait concurrence. A la vérité ce nouvel
adversaire ne peut faire marcher que des troupes légères contre les rem-
parts redoutables et la grosse artillerie du grand Opéra ; cela n'empêche
pas qu'il ne tienne l'ennemi en échec et n'obtienne quelques succès. Ses
alliés sont des compositeurs français et italiens, tels que Boïeldieu, Auber,
Cimarosa, Fioravanti. La reprise d'un opéra de ce dernier maestro : les
Cantatrices de village, qui était presque tombé en oubli, a été parfaitement
accueillie, grâces surtout à une artiste habile, MmeKûchenmeister-Lûders-
dorf. Il faut avouer cependant que les forces que le théâtre royal a mises
en campagne contre ces troupes légères, en ont eu facilement raison.
Olympie, de Spontini , est toujours en crédit, ce qu'il faut attribuer prin-
cipalement au talent de Mine Kœster et de Mlle Wagner. Dans Lucrèce
Borgia cette dernière cantatrice est admirable; elle imprime à ce rôle la
plus haute puissance d'expression dramatique, et nous ne craignons pas
d'être taxé d'exagération, en disant que Mlle Wagner est maintenant la
première Lucrèce Borgia de l'Europe, sous le rapport artistique bien en-
46
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
tendu, et non sous le rapport moral , soit dit en passant pour mettre
à couvert son honneur et le nôtre. Le Camp de Silêsie, de Meyerbeer, a
également remporté de nouvelles victoires et célébré des triomphes pa-
triotiques. Prochainement le Prophète ralliera de nouveau ses bataillons
autour de sa bannière ; vers le même temps Euriante, de Weber, nous
apparaîtra avec tous les charmes de la beauté et de la mélodie. Fidelio,
les Deux journées et autres ouvrages classiques, ne nous ont pas fait faute
au mois de janvier. Mais c'est le 27, le jour anniversaire de la naissance
de Mozart, qui nous a donné la moisson la plus riche ; ce jour-là, Don Juan
a été exécuté dans la perfection, au milieu des applaudissements enthou-
siastes de l'assemblée.
La salle des concerts n'est pas restée en arrière du théâtre. Les soi-
rées de symphonie nous ont donné les œuvres puissantes de Beetho-
ven, la symphonie héroïque, les ouvertures de Lèonore , de Coriolan,
d^Egmont; les charmantes compositions d'Haydn, entre autres la sym-
phonie militaire, quelques nouveautés, par exemple la symphonie en la
mineur de Mendelssohn, et enfin une œuvre bien anciene, qui était tout-
à-fait inconnu ici, et qui nous est apparue avec toute la fraîcheur et tout
le charme de la nouveauté, l'ouverture d'Anacréon, de Cherubini. Tout
13 monde en fut enchanté, et Meyerbeer l'inscrivit sur le programme du
prochain concert à la cour, dans lequel, soit dit en passant, M. Rosenhain
a fait applaudir son correct et brillant talent de pianiste. A côté du gros
de l'armée, des corps volants, tels que les soirées de quatuors de Zimmer-
mann, les soirées de trios de Stahlknecht, et les soirées de musique de
chambre en général de Seidel et Grunewald, se sont fait remarquer par
leurs prouesses. Les dernières soirées pour sonates, quatuors, quintettes,
sextuors et morceaux de chant, sont une entreprise nouvelle de deux
jeunes artistes de talent, dont l'un, M. Seidel, est un excellent pianiste,
et l'autre, M. Grunewald, un violoniste habile.
Comme tout bon artificier, j'ai gardé le bouquet pour la fin. La semaine
dernière nous avons eu deux Concerts de la plus haute importance. Le
premier a été celui du chœur du Dôme. On se rappelle sans doute la
sensation qu'il fit à Londres il y a deux ans. Le succès a décidé la direc-
tion à donner dans le courant de l'hiver trois concerts à ses risques e^
péril, dans lesquels les plus anciennes productions de Palestrina alterne-
ront avec les compositions modernes; entre les morceaux de chant on en-
tendra des sextuors, septuors, etc.
Ces concerts attirent une affluence extraordinaire ; tous les billets sont
placés, et des personnages du plus haut rang, qui avaient souscrit trop
tard, ont dû être casés tant bien que mal dans l'orchestre. Le premier
concert a obtenu le plus éclatant succès; le chœur a exécuté les diffé-
rents morceaux avec une pureté irréprochable ; il n'a pas baissé d'un
huitième de ton dans les morceaux les plus étendus ; les intonations étaient
aussi sûres qu'avec un instrument ; l'effet a été prodigieux. Dans la même
soirée, M. de Kontski a joué le quintette de Hummel avec autant de jus-
tesse que de grâce.
Enfin, l'Académie de chant a donné son premier concert depuis la mort
de son ancien directeur, M. de Rungenhagen; nous y avons entendu trois
compositions nouvelles d'une certaine étendue : un Lauda Sion, de Men-
delssohn, admirable d'invention et de travail; la paraphrase de l'oraison
dominicale, par Klopstock, mise en musique par M. Taubert, ouvrage
empreint d'onction et de sensibilité; enfin, une missa solcmiis , par
M". Naumann, membre de la chapelle du Dôme, œuvre pleine d'animation,
et qui décèle une grande habitude des formes sévères du style religieux.
NOUVELLES.
*if,* Aujourd'hui dimanche, à l'Opéra., la Reine de Chypre, chantée par
Roger, Massol et Mlle Masson.— Demain lundi, Guillaume Tell, chanté par
Gueymard, Morelli et Mme Laborde.
%* Les Huguenots ont été donnés lundi dernier. La représentation du
chef-d'œuvre avait attiré la foule. Roger a été magnifique dans le rôle de
Raoul, qu'il chante et joue en artiste supérieur, et celui de Marguerite offre
à Mine Laborde l'occasion qu'elle ne manque jamais, de déployer sa voca-
lisation brillante et facile.
%* La quatrième représentation de Guillaume Ted a eu lieu mercredi.
Les deux cents choristes ont beaucoup gagné sous le rapport de l'ensemble
et de l'aplomb : aussi le final du second acte produit-il un effet de plus en
plus grandiose. Les recettes se soutiennent au chiffre le plus élevé.
*** Vendredi, la Bouquetière, d'Adolphe Adam, précédait la reprise du
Violon du Diable, ce charmant ballet , le premier des ouvrages qui rame-
nèrent le public après les événements de février. On sait le triple rôle
que Saint-Léon joue dans cet ouvrage, comme chorégraphe, danseur et
violoniste du talent le plus distingué. Nul autre que lui ne pourrait s'y
montrer avec autant d'avantages ; mais à côté de lui brillait naguère
Fanny Cerrito, danseuse ravissante, que tant de liens devaient rattacher
à l'auteur du ballet, et qui pourtant s'en est séparée. En son lieu et place ,
nous avons vu apparaître Mlle Régina Forli , qui ne la vaut pas encore
sans doute, mais qui est toute jeune et qui a l'avenir pour elle, sans comp-
ter le présent , qui n'est pas à dédaigner.
*** Le Juif errant continue de s'avancer et d'un pas toujours plus ra-
pide. Les quatre premiers actes se répètent en ce moment au théâtre.
*$* La santé de Mlle Priora s'améliore. C'est d'une esquinancie que la
jeune artiste a souffert , et sa convalescence exige des ménagements.
*** Le théâtre de l'Opéra-Comique est surtout occupé des répétitions du
Carillonneur de Bruges, dont on annonce l'apparition, non pour la semaine
prochaine, mais pour celle qui la suivra. Cependant le répertoire ne
chôme pas, et indépendamment des ouvrages qui d'habitude occupent
l'affiche, il se renouvelle en partie au moyen de reprises telles que celle
du Toréador, charmante partition, pièce amusante, dont les trois rôles sont
remplis avec un talent égal par Mme Ugalde, Mocker et Battaille. Le To-
réador est un de ces ouvrages que le public reverra toujours avec plaisir,
et qui, bien accompagnés, auront toujours une influence sur les recettes.
Cette dernière reprise vient encore d'en fournir la preuve.
%* Le Pré-aux-Clercs, d'Hérold, est à l'étude et reparaîtra prochaine-
ment.
*** L'Opéra-National répète activement V Abîme de la Maladetta, cet
opéra, dont Duprez a écrit la musique, et dont le succès à Bruxelles doit
obtenir une seconde édition à Paris.
*** Une demande a été adressée au ministre de l'intérieur par la Com-
mission des auteurs dramatiques et le Comité des artistes musiciens afin
que le théâtre de l'Opéra-National soit doté d'une subvention comme les
autres théâtres lyriques.
*„* Le ministre de l'intérieur a reçu mardi dernier, en audience parti-
culière, le comité de l'Association des artistes dramatiques, qui, par l'or-
gane de son président, M. le baron Taylor, et de son vice-président,
M. Samson, a exposé rapidement les besoins des théâtres de Paris et des
départements. Le ministre a accueilli le comité avec une grande bienveil-
lance ; il a manifesté toute sa sympathie pour l'art dramatique, et a pro-
mis de faire étudier promptement et d'une manière approfondie les obser-
vations consignées dans une note que lui laissée le comité.
V Aujourd'hui, dimanche, troisième séance de la Société des concerts
au Conservatoire. La seconde était composée de l'ouverture et de Tin-
troduction de Don Juan, de Mozart, d'un quartetto dei Viaggialori felici,
de Cherubini, de fragments de la Création, d'Haydn et de la symphonie en
la, de Beethoven.
*i* Mme Sontag se trouve en ce moment à Leipzig, où elle a chanté, le
3 février dernier, dans la Fille du régiment.
%* Hector Berlioz va se rendre à Weimar pour y diriger les dernières
répétitions de son opéra, Benvenuto Celiini, dont la première représenta-
tion est prochaine.
V* La santé de Stephen Heller est complètement rétablie ; l'éminent
artiste n'a plus qu'à réparer le temps perdu.
*** Thalberg partira bientôt pour l'Amérique ; il a déjà contracté
plusieurs engagements importants avec les grandes villes des États-Unis.
*Jf Henri Herz avait été assigné à la septième Chambre du tribunal
de première instance, pour avoir laissé chanter, dans la salle de ses con-
certs, une romance inédite de M. Delsarte. A l'audience, M. Delsarte s'est
présenté et a déclaré qu'il n'avait nullement autorisé la poursuite, et
l'agent de la Société des compositeurs et autres artistes ne l'ayant pas
reprise en son nom, M. Henri Herz a été renvoyé des fins de la plainte.
*.,.* La Société Sainte-Cécile donnera son troisième concert d'abonne-
ment le dimanche 15 février, à :2 heures de l'après-midi, dans la salle Ste-
Cécile, rue de la Chaussée-d'Antin, 49 bis. En voici le programme :
1. Ouverture et final du premier acte d'Oberon, de Weber; air chanté par
Mme Ugalde ; duo chanté par Mme Ugalde et Mlle J. Vavasseur ; chœur.
— 2. Symphonie en sol mineur, de Mozart. — 3. Tyrolienne de Belly,
chantée par Mme Ugalde. — k. Chœur gaulois, de M. Gounod. — 5. Ouver-
ture de Naïm, de Reber. L'orchestre sera dirigé par M. Seghers. Les
chœurs seront dirigés par M. Wekerlin.
*\* Mlle de Malleville reprendra dimanche prochain, 1Zi février,- ses
séances de musique de chambre. Voici le programme de la première, qui
aura lieu dans les salons de Pleyel : 1. Concerto de piano en la mineur,
accompagné du double quatuor , de Mozart. — 2° Andante et final de la
sonate en ut majeur, de Beethoven. — 3° Grand trio , piano , violon , vio-
loncelle, dédié à l'archiduc Rodolphe, de Beethoven. — h. Quintette en ré
majeur, pour instruments à cordes, de Mozart. - 5. Sonate, piano et vio-
lon, dédiée à Kreutzer, de Beethoven. — 6. Allegro, piano seul, de Scar-
lati. — Allegro de la sonate en la mineur, de Mozart. — On entendra
MM. Maurin, Mas, Casimir Ney, Lebouc et Gouffé.
V Dans la seconde matinée de M. Emile Ettling, donnée le dimanche
1" février, on a beaucoup applaudi le trio sur la Favorite, pour piano,
violon et violoncelle, exécuté par Mlle Ettling, M. Rignaultet un amateur;
une romance avec accompagnement de hautbois par Verroust, qui a aussi
exécuté un charmant morceau de sa composition; un solo de violoncelle,
de M. Rignault, et des études de Goria, jouées par lui-même. MM. Michel,
Lyon, Henrion et Malézieux s'étaient chargés de la partie vocale.
*** Le tribunal civil de Bruxelles vient de prononcer le divorce de
Mme Hillen, ex-première chanteuse des théâtres de Lyon, qui avait épousé,
il y a déjà quelque temps, M. Van Praeg. Ce dernier était parti le lende-
main de ses noces pour les Indes, sans laisser à sa femme ni lettre, ni in-
formation d'aucune espèce.
DE PARIS.
47
*„* LAVmanach des spectacles, qui vécut si longues années et qui n'au.
1-ait pas du mourir, vient do renaître sous la direction de M. Palianti, si
connu par ses belles et utiles mises en scène des ouvrages en vogue.
Nous consacrerons un article spécial à cette intéressante publication.
*/ Sous le titre de Mission morale de l'art, M. Auguste Boulland vient
de publier un volume consacré aux études les plus élevées et les plus vas-
tes. Nous nous réservons d'en parler avec détail dans l'un de nos prochains
numéros.
CRON1QUE DÉPARTEMENTALE.
* * Lyon, 28 janvier. — Avec le Prophète, dont le succès s'accroît d'une
manière miraculeuse à chaque représentation, le public vient encore ap-
plaudir, à la reprise de V Ambassadrice, ce charmant opéra de MM. Auber,
Mlles Lavoye, Cœuriot et Gautrot, secondées par M. Fromant et Dubosc.
Ce dernier a représenté convenablement Yimpresario Fortunatus ; il a
surtout fort bien dit son air d'entrée au premier acte. Après le Caïd est
venue la Fée aux roses. Dans ces deux opéras comiques, Bonnesseur, Bi-
neau, sont justement applaudis, et Mlles Lavoye, Gautrot et Cœuriot
reçoivent aussi des ovations méritées. Mais rien n'égale la vogue du
Prophète, et je crois que jamais théâtre ne fut témoin d'un empressement
plus grand que celui qui se fait remarquer deux fois la semaine aux repré-
sentations de ce grand opéra. Chacun veut connaître, comme inspiration
musicale et comme travail harmonique, l'œuvre d'un grand génie. Le
rôle de Fidès, qui semble avoir été écrit pour Mlle Adeline Lacombe,
donne a celte première chanteuse les moyens de développer avec éclat sa
voix si puissante et ses expressions du cœur si dramatiques. L'amour ma-
ternel, l'indignation, la tendresse, en un mot, tous les sentiments que
Fidès éprouve, sont rendus d'une manière remarquable par cette excel-
lente actrice. Aussi, lundi soir, au milieu d'une salve d'applaudissements,
est tombé à ses pieds un magnifique bouquet. Mlles Lacombe et Cœuriot,
dans le personnage de Berthe, se sont montrées aussi bonnes tragédiennes
qu'habiles cantatrices. On a encore vivement applaudi Bonnesseur, Xsmaël
et Bineau, qui ont parfaitement interprété les rôles des trois anabaptistes.
L'exécution, complètement satisfaisante, est on ne peut plus digne de
l'œuvre, encadrée de décorations splendides.
*,* Marseille, 31 janvier. — Le succès de Mosquita, de Boisselot, se con-
tinue et s'augmente. A la dernière représentation, qui s'était fait remar-
quer par l'ensemble, une ovation a été décernée à tous les premiers su-
jets; un splendide bouquet a été remis à Mme Charton par l'entremise de
M. Bouvard : il lui était offert par une réunion d'amateurs bien connus
au Grand-Théâtre. — Le Joseph, de Méhul, dont la reprise datait de l'an-
née dernière, vient d'être encore remis à la scène, mais avec une notable
infériorité d'exécution.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
%.* Btrlin. — On annonce pour le 17 février un concert dans lequel on
entendra un Requiem, en commémoration de feu le prince Waldemar de
Prusse. Cette composition, qu'on attribue à M. de L...„ dilettante d'un ta-
lent éminent, sera exécutée par la chapelle royale et la réunion de chant
Stern ; les soli seront chantés par Mmes Wagner et Léo, et par MM. Formes
et Krause. — Le 2 février a eu lieu un grand concert au profit de la réu-
nion Gustave-Adolphe; on y a exécuté l'oratorio de Naumann; le Christ,
messager de paix, sous la direction de l'auteur.
*„.* Vienne. — Le duc de Saxe-Cobourg-Gotha, l'auteur de Casilda, vient
d'allouer à l'académie de musique une subvention annuelle d'un chiffre
assez élevé pour six années. Le 2 février on a exécuté dans l'église Saint-
Charles une missa solennis, écrite par lord W'estmoreland. — L'Opéra-
Italien ouvre le 15 mars prochain ; on représentera deux opéras nouveaux
écrits pour cette saison : Il Marito e V Amante , de Bicci , et Gaston de
Chanley , de Capecelatro. La troupe se compose des prime donne :
Aimes Albertini, Maray, Medoni et Demeric : des ténors Fraschini et Boc-
cardé ; des barytons Debassini et Ferri ; basse-taille : Mitrowich ; pre-
mier bouffe, Scalese ; pour le ballet, Fanny Cerrito. — Mme Lagrange est
engagée ici pour six mois, à raison de 12,000 florins.
*.* Weimar. — Au prochain concert de la cour on exécutera l'admira-
ble musique de Meyerbeer composée pour le drame de Struensée, avec un
texte explicatif, sous la direction de Liszt.
*„* Hambourg:— Mme Lagrange a clos ses brillantes représentations.
On annonce Mme Sontag pour le mois de mars. Mlle Fanny Essler, qui se
fait appeler aujourd'hui Mme Lissier, vit dans la retraite la plus absolue.
*„* Munich. — Au théâtne particulier du roi on doit représenter inces-
samment l'opéra de Mercadante : Elisa e Claudio, dans lequel le prince
Adalbert jouera le rôle principal. Le prince, qui possède une fort lui le
basse-taille, a fait ses études musicales sous la direction de MM. Pellc-
grini et Pentenvieltz. M. Lachner a refusé le brillant engagement qui
lui avait été offert à Vienne; il conserve ses fonctions à notre théâtre ; ses
appointements ont été portés à ft,000 florins.
*j* Barcelone, \" jévrier. — Trois opéras seulement ont été repris ici
depuis un mois, Norma, Ernani et Attila. Le marasme règne dans nos
théâtres : les artistes sont trop faibles et les ouvrages trop vieux, d'où il
suit nécessairement que les salles restent vides.
*** Lisbonne, 17 janvier. — Rien de moins brillant que la situation ar-
tistique du théâtre San-Carlos, livré à une troupe italienne d'une nullité
absolue, sauf une jeune et jolie personne, la sympathique Sannazaro. Par
sa voix mélodieuse, expressive, par son jeu dramatique, elle a seule le
privilège de faire trêve aux sifflets, qui n'ont cessé depuis l'ouverture-
Elle a débuté dans la Nina Pazza, de Coppola, et joue en ce moment avec
un grand succès la Sajfo, de Pacini. On parle du retour de Mme Stoltz ;
puisse-t-elle amener à sa suite un renfort de talents ! Ce qu'il y a de sin-
gulier, c'est que, malgré une décadence notoire, le théâtre ne désemplit
pas. On assure que le gouvernement est résolu à retirer la subvention de
130,000 fr., qu'il donne pour sept mois d'exercice.
Le gérant : Ernest DESCHAMPS.
THÉÂTRE ROYAL FRANÇAIS A LA HAYE.
D'après les ordres de Sa Majesté, les commissaires du roi près des
théâtres royaux ont résilié les différents engagements pour le Théâtre
royal français à la Haye, â dater de la fin de l'année théâtrale courante,
c'est-à-dire, à dater du 31 mai prochain. A partir de ce jour les bâtiments
du Théâtre royal serviront aux représentations du Théâtre national.
La Haye, le 1" février 1 852 .
Les Commissaires susdits,
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Fondu, parties d'orchestre. . 400 »
— Cheval de bronze (le), 3 actes 400 »
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— Diamants de la couronne (les), 3 actes 400 »
— Parties d'orchestre. 400 »
— Dieu et la Bayadère (le), 2 actes 200 »
— Domino noir (le), S actes 400 »
— Parties d'orchestre. 400 »
— Duc d'Olonne(le), 3 actes 400 »
Fondu, parties d'orchestre. . 400 »
— Enfant prodigue (P), 5 actes 400 »
— Parties d'orchestre. 400 »
— Fiancée (la), 3 actes 400 »
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— Fra Diavolo, 3 actes 400 »
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— Gustave ou le Bal masqué, 5 actes 400 »
— Haydée ou le Secret, 3 actes 400 »
— Parties d'orchestre. 400 »
— Lac des Fées (le), 5 actes 400 »
— Lestocq, 4 actes 400 »
— Fondu, parties d'orchestre. 400 »
— Muette de Portici (la), 5 actes 400 »
— Parties d'orchestre. 400 »
— Part du Diable (la), 3 actes 400 »
— Parties d'orchestre 400 »
— les rôles, chaque 5J i
— Philtre (le), 2 actes 300 »
— Parties d'orchestre. 300 »
— Serment (le) ou les Faux Monnayeurs, 3 actes . . . 400 »
— Parties d'orchestre. 400 »
— Sirène (la), 3 actes 400 »
— Parties d'orchestre. 400 »
— Zanetta, 3 actes 400 »
— Fondu, parties d'orchestre. . 400 »
— Zerline ou la Corbeille d'oranges, 3 actes 400 »
ADAM. Giralda, 3 actes 300 »
— Parties d'orchestre.. 300 »
— Proscrit (le), 3 actes 300 »
— Parties d'orchestre. 300 »
— Postillon de Lonjumeau (le), 3 actes 300 »
— Parties d'orchestre. 300 »
— Régine, 2 actes 200 »
— Parties d'orchestre . 200 »
Bazin. Malheur d'être jolie (le), 1 acte 150 »
— Trompette de M. le prince (le), 1 acte .' 150 »
— Parties d'orchestre. . 150 »
BEETHOVEN. Cristo sull' Oliveto 80 »
— Fidelio, 3 actes 200 »
Bertin (Mlle). Loup-Garou (le), 1 acte ', 80 »
— Parties d'orchestre. 80 »
Bourges (Maurice). Sultana, 1 acte, parties d'orchestre. . . 80 »
DONIZETTI. Favorite (la), 4 actes 400 »
— Parties d'orchestre. 400 »
soMis. Revenant (le), 3 actes T . . . 200 »
— Parties d'orchestre. 200 »
SALÉvy. Artisan (1'), 1 acte 80 »
— Parties d'orchestre. 80 »
— Charles VI, 5 actes 400 »
— Parties d'orchestre. 400 »
— Dame de Pique (la), 3 actes 300 „
— Parties d'orchestre. 300 »
— Dilettante d'Avignon (le), 1 acte 80 »
— Parties d'orchestre. 80 »
N. B. — Le prix des parties supplémentaires
Parties d'orchestre.
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Parties d'orchestre .
Parties d'orchestre.
Parties d'orchestre .
HiiLÉvr. Eclair (!'), 3 actes
— Fée aux Roses (la), 3 actes .
— Guido et Ginevra, 5 actes . .
— Guitarrero (le), 3 actes . . .
— Juive (la), 5 actes
— , Langue musicale (la), 1 acte .
— Parties d'orchestre.
— Mousquetaires de la reine (les), 3 actes
— Parties d'orchestre.
— Prométhée enchaîné
— Reine de Chypre (la), 5 actes
— Parties d'orchestre.
— Shérif (le), 3 actes
— Parties d'orchestre.
— Treize (les), 3 actes
— Parties d'orchestre.
— Val d'Andorre (le,1, 3 actes
— Parties d'orchestre.
HÉROLD et halévy. Ludovic, 2 actes
— Parties d'orchestre.
HÉROLD. Illusion (1')
— Parties d'orchestre.
— Pré aux Clercs (le), 3 actes
— Parties d'orchestre.
louis (N.). Marie-Thérèse, 4 actes net.
— Parties d'orchestre, net.
LABARRE. Aspirant de marine (Y), 1 acte
— Parties d'orchestre.
Deux familles (les). . . fondu, J 3 l:
nicolo. Billet de loterie (le),
— Jeannot et Colin .
— Joconde
fondu, j
parties d'orchestre
mÉHUL. Valentine de Milan, 3 actes
— Parties d'orchestre.
ihendelssohn. Elie, oratorio, grande partition. . . . net.
Meterbeer. Huguenots (les), 5 actes
— Parties d'orchestre.
— Prophète (le), 5 actes net.
y — Parties d'orchestre, net.
— Robert le Diable, 5 actes
— Parties d'orchestre.
Struensée
1 acte
parties d'orchestre
Cendrillon. • ^d». | partiesd'orchWtr;
fan 'u \ actes
' : ') parties d'orchestre
' ' j parties d'orchestre
— Rendez-vous bourgeois (les), 1 acte
— Parties d'orchestre.
ONSLOW (Georges). Colporteur (le), 3 actes
— Parties séparées.
prevost (E.). Cosimo, 2 actes
— Parties d'orchestre.
rossini. Comte Ory (le), 2 actes
— Parties d'orchestre.
— Guillaume Tell, 4 actes
— Parties d'orchestre.
— Moïse, 4 actes
— Robert Bruce, 3 actes
— Fondu, parties d'orchestre.
— Siège de Corinthe (le), 3 actes
— Stabat Mater
— Parties d'orchestre.
WEIGL. Emmeline ou la Famille suisse, 3 actes
— Partie d'orchestre.
est d'un huitième du prix des parties d'orchestre.
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18 Février 1882.
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Le Journal puralt le Dûnai.che.
GAZETTE MUSICALE
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SOMMAIRE. — Théâtre de l'Opéra-National, reprise des Visitandines, par Gus-
tave Ili-qnet. — Auditions musicales, par Henri Blanchard. — Un sou-
venir à la mémoire d'Alizard, par Adrien tle la Page. — Revue critique, ^mé-
thode de piano, de Rosellen, par G. Kastner. — Correspondance, Liège. —
Nouvelles et annonces.
Nos abonnés reçoivent, avec ce numéro, le Titre et les Tables de la
Revue et Gazelle musicale de l'année 1851.
THÉÂTRE DE L'OPÉRA NATIONAL.
Reprise des VÏSITA]VDI]\tES.
C'est : reprise du Pensionnat de jeunes demoiselles que nous aurions
dû écrire. Mais comment oublier l'ancien titre et l'œuvre primitive de
Picard ? Comment ne pas regretter ce travestissement après coup
d'un couvent en pension , d'une mère abbesse en institutrice, d'une
novice cloîtrée et qui va prononcer ses vœux, en une maîtresse d'étude
qui peut sortir quand elle le voudra ? Sœur Euphémie est enfermée ; il
faut absolument que Belfort trouve un moyen de pénétrer jusqu'à elle,
ou il va la perdre pour jamais, et il n'a pas le temps de choisir. Le
stratagème qu'il emploie, bien qu'un peu hardi, est donc, jusqu'à un
certain point, excusable. Mais Mlle Amélie est parfaitement libre. Il n'y
a qu'à lui écrire : Me voilà, et tout sera dit. Le déguisement de Bel-
fort, ou Melfort, en jeune pensionnaire est donc à peu près inutile. Il
n'a plus d'obstacles à vaincre, et l'on n'a plus d'inquiétude sur le dé-
nouement.
Ce qui avait rendu l'ouvrage de Picard si piquant et si gai, c'était la
peinture, assez plaisamment exécutée, d'un couvent féminin. Tous ces
détails ont disparu, et le tableau d'une classe de jeunes filles habillées
de blanc et ornées d'écharpes bleues ne le remplace pas.
11 est impossible que M. Edmond Seveste, dont ou ne saurait con-
tester le bon sens et l'expérience dramatique, n'ait pas senti ces incon-
vénients. C'est donc la crainte de se brouiller avec la censure qui lui a
fait adopter la version nouvelle. Cette version avait été imaginée sous
la Restauration, qui ne souffrait pas, en effet, que l'habit religieux parût
sur le théâtre. Mais la censure actuelle laisse jouer tous les jours la Fa-
vorite et le Domino noir. Elle n'aurait eu, ce nous semble, aucune rai-
son d'être plus sévère pour les Visitandines, que la censure impériale
a autorisées jusqu'en 1 814. Nous croyons donc que M. Seveste aurait pu
être un peu moins prudent, et, à coup sûr, il y aurait gagné.
L'opéra de Picard et de Devienne date de 1792. A cette époque ij
avait deux actes. Ils en ajoutèrent un troisième en 1793, et dans ce
troisième, il faut bien le dire, Picard avait pris quelques libertés qui
frisaient de près la licence. Mais dès 1795 on était revenu à la pièce
primitive. C'est celle-là qu'on joi.ait sous l'Empire, et nous ne doutons
pas qu'on ne pût encore la jouer aujourd'hui.
Il nous paraît donc regrettable qu'on n'ait pas donné à M. Seveste
en temps utile, le conseil de reprendre purement et simplement les
Visitandines. Son succès surait été. selon toute apparence, plus grand,
plus durable et plus lucratif, ce qui n'est pas à dédaigner.
Laissons cela et occupons nous de ce qui nous concerne plus spécia-
lement, nous voulons dire la partition et le compositeur.
Devienne n'a pas été seulement compositeur dramatique : c'était un
exécutant fort habile et un professeur très-recherché; il jouait égale-
ment bien de la flûte et du basson, et il a écrit un très-grand nombre
d'œuvres instrumentales, qui ont joui, en leur temps, d'une réputation
méritée. De 1789 à 1799 il adonné dix opéras comiques, dont les
Visitandines furent le meilleur ou le plus heureux. Cet ouvrage obtint
un succès immense et qui se soutint pendant vingt années. Il est im-
possible de supposer qu'une vogue aussi décidée, aussi constante, ne
fût pas fondée sur des qualités réelles. L'à-propos , la mode, le talent
d'un exécu'ant , ou quelque autre circonstance étrangère au mérite
d'une œuvre , peuvent lui procurer une réussite éphémère ; mais il n'y
a aucun moyen de faire croire au public, pendant vingt ans de suite ,
qu'il s'amuse, si çn effet il ne s'amuse pas.
Ce n'est pas sans intention que nous employons ce mot. La musique
des Visitandines est surtout amusante. Non que par là nous veuillons
faire entendre que la science manquât à l'auteur : il n'avait peut-être
pas à sa disposition tous les procédés harmoniques de l'école allemande ;
il n'aurait pas lutté contre Gluck, cela est certain ; mais il en savait assez
pour écrire couramment, pour moduler avec grâce,' pour n'avoir jamais
de basses maladroites, pour n'être jamais embarrassé. L'Opéra-Comique,
de son temps, n'en demandait pas davantage, et dans tous les temps,
la musique devient sérieuse quand elle élève plus haut ses prétentions.
Le style de Devienne est léger, facile , naturel , plein de gaîté , et sou-
vent de finesse. On n'a qu'à lire, pour s'en convaincre, le trio : Quoil
vous voulez coucher dans la moison; le quatuor : On m'a de ce billet
chirgê pour votre altesse ; et le morceau d'ensemble : Regardez-moi.
Le couplet : Ah ! de quel souvenir affreuxl et la Gasconne, sont
passés à l'état de proverbes musicaux. Ce ne sont pas, comme dit Bar-
tolo , de ces grandes aria qui vont en haut, en bas, en roulant, hi, ho,
ha, a, a, ce sont de ces petits airs qu'on chantait autrefois, el que
chacun retenait facilement. Ceux-ci, en effet, tout le monde les a répé-
tés , tout le monde les sait par cœur, et ce succès-là en vaut bien un
autre.
Il nous semble seulement que Mme Guichard, àl'Opéra-National, dit
je premier un peu trop vite. Elle lui ôte ainsi une partie de sa grâce, et
e rend vulgaire. Peut-être est-ce là une tradition établie au théâtre.
50
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
En ce cas nous parierions bien que la tradition se trompe. Rien n'est
plus facile et plus commun que ces altérations de mouvement qui s'o-
pèrent peu à peu sans que personne s'en doute.
Le trio : Si je pouvais, Frontin , etc., est remarquable à plus d'un
titre ; d'abord, pour le dessin courant, exécuté par les premiers vio-
lons, et sur lequel le dialogue s'écoule si vite. Ce procédé, emprunté
aux Italiens, était peu connu en France en 1790, et ce n'est pas un petit
honneur pour Devienne que d'avoir été, dans cette voie, le précurseur
d'Hérold et de M. Auber. On y doit remarquer encore Yandante, où
Grégoire lit Y Agenda de ses commissions, passage syllabique où l'au-
teur ne fait que parler rapidement sur une note pendant que l'orchestre
chante ; on jurerait que Devienne a imité là le duo du Mariage secret,
à la phrase quà risparmio del bell'oro , et cependant le chef-d'œuvre
de Cimarosa n'était pas encore fait lorsque Devienne a écrit.
L'air d'Euphémie , laquelle se nomme aujourd'hui Amélie , se dis-
tingue du reste de la partition par des qualités particulières : il est
élégant, noble, passionné. Le style y'prend des proportions plus larges
et rappelle quelques belles inspirations de Dalayrac. Il est précédé
d'une grande ritournelle, où l'orchestre s'est fait justement applaudir.
C'est encore une imitation italienne. On voit que Devienne avait étu-
dié avec soin les maîtres de cette école. Le début de son ouverture le
prouve de reste. C'est une phrase copiée textuellement dans Zinga-
relli. [L'air : Enfant chéri des dames, ressemble aussi un peu trop à
la chanson de Papageno, dans teFhîte enchantée. Est-ce une rencon-
tre, une réminiscence ou un plagiat? Grande question, qui a été vive-
ment controversée et qu'il ne nous appartient pas de résoudre.
II est une autre ressemblance, volontaire et non dissimulée, que
nous devons signaler; c'est celle de l'ouverture et de l'introduction
avec l'ouverture et l'introduction d'Iphigénie en Tauride. Picard a
évidemment parodié Guillard, et Devienne a parodié Gluck. Dans
les deux pièces , l'ouverture débute par un andante qui exprime le
calme de la nature. Puis l'orchestre s'anime, s'agite, et peint les siffle-
ments du vent, le bruit de la pluie, le fracas du tonnerre. La toile se
lève au milieu de la symphonie, et l'on voit, là les prêtresses de Diane,
ici les Visitandines, qui chantent leur frayeur, et implorent la clémence
du ciel :
Grands Dieux, soyez-nous secourables !
Détournez vos foudres vengeurs !
Tonnez sur les têtes coupables.
L'innocence habite en nos cœurs.
Tel est le début de la tragédie. Picard est moins noble et plus plai-
sant :
Divin Sauveur ! c'est aux méchants
Qu'est réservé votre tonnerre.
En punissant ,1e reste de la terre,
Divin Sauveur, épargnez les couvents.
Malheureusement, dansla comédie, cette scène est beaucoup trop longue,
et Devienne ne peut soutenir la comparaison avec Gluck. Son orage est
mal réussi. Trop de caquetage y précède la prière, qui manque de ca-
ractère et d'harmonie. L'instrumentation y est confuse et molle. C'est
le contraire de Gluck. Ce défaut de l'instrumentation se reproduit,
d'ailleurs, dans presque tous les morceaux. Au lieu d'aider le chanteur,
elle l'embarrasse, et quelquefois l'étouffé. C'est le côté faible de De-
vienne, malgré l'esprit et les jolis dessins qui abondent dans ses ac-
compagnements. L'intelligent et habile chef d'orchestre de l'Opéra-Na-
tional pourrait, en retenant un peu l'ardeur de ses instrumentistes,
diminuer cet inconvénient, mais non tout à fait le détruire.
Après tout, cette reprise n'en a pas été moins bien accueillie par
l'auditoire. L'esprit de Devienne, et ses faciles mélodies ont été applau-
dis très-franchement. Il faut en remercier, dans une juste proportion,
M. Biéval, à qui le costume féminin siede à merveille; M. Ribes, qui
chante avec talent le rôle de Frontin, et l'acteur chargé de celui de
Grégoire. C'est un des ivrognes les plus plaisants qu'il y ait au
théâtre.
G. HEQUET.
ADDITIONS MUSICALES.
II. et Mine EHaliBuram. — SI. et lime SBasssnrt. — M. et
.11 nue .llutel. — 18. Marnioatel. — SU. de ISériot. — Mme de
SlandeviJle et IE. neozan. — 31. ftj«in8ïe. — Musique de
la garde nationale.
De même que le fiât Ivx, la diffusion de l'art se fait dans le monde
musical, la diffusion prise dans son sens didactique, comme la lumière
qui s'épand en physique. Les salles de concert ne suffisent plus aux
virtuoses et à leurs auditeurs. Chaque salon aristocratique ou bourgeois
qui peut contenir une centaine de personnes en y joignant la salle à
manger, la chambre à coucher et le cabinet de travail débarrassé, a
son compositeur d'acenir, son ou sa pianiste très-distingué, son Thal-
berg ou sa Pleyel, son Vieuxtemps eu son Servais, son Dorus, son Le-
roy, son Jancourt, son Garimond, ses chanteurs de romances et de
chansonnettes rivalisant Mmes Sabatier etPonchard, ouLevassor; il n'y
a que l'altoïsteNeyetle corniste Vivier qui n'aient point de représentants
ou de rivaux dans les séances musicales données par les amateurs de
Paris. Nous leur conseillons d'aviser à cela.
Avant de signaler ce qui se trouve de bon dans cette musique de
salon d'amateurs et même d'artistes, nous allons vous dire les faits et
gestes du Cercle musical et littéraire de Paris, société de musiciens
instrumentistes qui essaient de se constituer en orchestre permanent à
la disposition de tout artiste étranger ou régnicole qui voudra se faire
entendre dans une œuvre instrumentale ou vocale, moyennant un prix
raisonnable, d'environ 300 fr. par exemple. Cet orchestre a fort bien
fonctionné, dimanche passé, dans la salle Sainte-Cécile, sous la direc-
tion de M. Malibran; il a dit avec beaucoup d'ensemble et de verve les
deux ouvertures d' Ewianthe et de Guillaume Tell. On a distingué dans
cette dernière le solo de cor anglais joué avec un charme infini. Une
autre société chorale, les Enfants de Lutèce, a prêté son concours au
Cercle musical et littéraire de Paris, et a chanté avec non moins d'en-
semble que de verve les Tailleurs de pierre et la Saint-Hubert. Le
chef d'orchestre, M. Malibran, a exécuté le huitième et vaste concerto
de Spohr, dans lequel ce chef de l'école du violon en Allemagne a fait
de ce roi des instruments un brillant ténor jouant une scène de chant.
Le chef d'orchestre violoniste, porteur d'un beau nom musical et diffi-
cile à soutenir, s'est bien tiré de la mission difficile d'initier un audi-
toire français au style un peu métaphysique de ce concerto en huit
parties, du moins d'après l'analyse que nous en a donné le programme
un peu romantique.
Mme Malibran, qui est aussi une pianiste distinguée, a dit avec son
mari une fantaisie sur les motifs de la Piorma, composée, arrangée par
elle et le chef delà communauté conjugale, œuvre du reste bien faite et
bien exécutée par l'un et par l'autre, et qui a fait grand plaisir.
Un interprète littéraire, qui devait nous dire un fragment des Nat-
chez-, de Chateaubriand , a fait défaut et a été remplacé par un diseur
de vers à la voix timbrée, expressive , et qui a trouvé moyen d'être
dramatique en nous racontant l'amitié vive et charmante du Lapin et
de la Sarcelle, une des fables du doucereux Florian , qu'on trouve par-
fois bon fabuliste, même en pensant à La Fontaine.
On a entendu encore Mlle Érambert, qui a roucoulé assez hardiment
les vocalises des Plaisirs du rang suprême, de la Muette; Veux-tu ma
foi, romance composée par Mme Marie-Louise Malibran ; puis un duo
de soprano et de flûte, tout cela pour la trois centième partie de ce que
doit coûter l'orchestre aux artistes qui voudront en essayer.
— M. et Mme Massart donnent de brillantes soirées musicales en leur
domicile éminemment artistique. Un charmant duo pour piano et vio-
lon, qu'ils ont dit ensemble ; le Concert-Stuc/;, de Weber, que Mme Mas-
sart a joué chaleureusement et d'une délicatesse exquise, ont enlevé
tous les applaudissements de l'auditoire1; il en est cependant revenu
une assez belle part à un tout jeune violoncelliste, du nom de Hilde-
brand, qui a exécuté avec autant de justesse que d'expression une
fantaisie de son habile professeur Franchomme.
— Autre salon artistique dans lequel on entend de fort jolies choses
DE PARIS.
51
musicales : le maître cl la maîtresse de la maison d'abord, l'un dans
l'art du chant, et qui possède une voix de baryton presque ténor, e
l'autre qui prouve un talent fin et distingué sur le piano, M. et
Mme Mntcl, enfin. Celle dernière a dit une fantaisie sur le Désert , de
Félicien David , et un charmant duo pour piano et violoncelle avec
M. Norblin , clc manière à provoquer tout ce qui peut naître dans une
bonne société de murmures approbateurs. M. Alfred Mutcl , qui veut
être absolument artiste, qui l'est même déjà , et par droit de méthode
et par droit de naissance, car chacun est maître de suivre cette belle
carrière, M. Mutcl a dit avec beaucoup d'expression une romànsà delta
Maria di Iîudéns, de Donizelli, et un fort beau duo de Torquato Tasso,
du même compositeur, avec Mlle Nau, qui a partagé avec son partner
de justes et nombreux applaudissements, qu'elle avait déjà recueillis
toute seule en chantant, de sa manière pure et brillante, une cavatine
italienne dite par elle précédemment.
— M. Marmontcl, facteur de pianistes-merveilles, comme M. Érardest
facteur de pianos merveilleux; M. Marmontcl, dont la plupart des
élèves, artistes faits et complets, pourront chanter plus tard la char-
mante romance de Joseph, de Méhul :
A peine au sortir de l'enfance,
Quatorze ans au plus je comptais,
Je jouais avec confiance, etc.,
M. Marmontcl donne aussi , chez lui , des séances de bonne, de légère
et de nouvelle musique, dans lesquelles de jeunes compositeurs peu-
vent se produire. De ce nombre est M. Meumann , excellent organiste,
écrivain musical en bon style. Il a fait entendre, dans une des soirées de
M. Marmontel , une sonate pour piano et violon, œuvre sérieuse d'un
genre un peu sévère peut-être, mais dans lequel se détache un scherzo-
mazurka qui plaît à tous par son originalité. M. Lalo, de Lille, a fait
dire aussi, dans cette séance, un trio pour piano, violon et violoncelle,
fort bien fait et qui a fait généralement plaisir.
■ — M. de Bériot, le célèbre violoniste, a donné le jour, avec sa femme,
la célèbre Malibran, à un jeune homme âgé maintenant de dix-neuf ans,
virtuose-né, que les lauriers de son père empêchèrent de dormir de
bonne heure. Or, dans ses longues heures d'insomnie, il étudia le piano
tant et si bien, qu'il est aussi habile sur cet instrument que son père
l'est lui-même sur le violon, ce qui n'est pas peu dire, et ce qu'il prou-
vera bientôt , cependant ; car, à cet âge, avec ce trop-plein de force
physique et intellectuelle, on veut des juges, un auditoire à remuer, et
qu'on impressionne et qui vous applaudit.
Pianiste plein de dextérité, de force et d'éclat, M. de Bériot fils est
aussi compositeur à pensées claires, mélodiques et bien harmoniées.
Comme sous ce ministre des finances que la mort nous a ravi, et qui
disait qu'il fallait que l'impôt rendît en France tout ce qu'il peut ren-
dre , sous les poignets et les doigts d'acier de notre jeune et vigoureux
virtuose, il faut absolument qu'un piano, quel qu'il soit, rende ce qu'il
peut rendre de son. Dans un prochain concert on entendra le père et
le fils, que les connaisseurs croiront sans doute inspirés par le Saint-
Esprit musical.
— M. Doazan et Mme de Mandeville donnent fraternellement dans
leur domicile, rue de Castiglione, des matinées musicales dans les-
quelles Mlle Mattmann continue à se faire entendre en véritable sœur
de Mozart, de Beethoven et de Mendelssohn. Jeudi dernier, elle a dit,
de ce dernier compositeur, un délicieux andante varié pour piano et
violoncelle avec M. Lebouc, œuvre peu connue à Paris et qui a fait le
plus grand plaisir aux auditeurs bons appréciateurs de la bonne musi-
que, venus à cette séance en assez grand nombre. Mlle Mattmann nous
a fait entendre ensuite la sonate en fa mineur de Beethoven, œuvre
57e, avec cette poésie admirable de douleur dont ce morceau est em-
preint. Mlle Mattmann ne montre point à ses auditeurs cette sensiblerie
de Mlle Candeille, à qui l'on offrait à table une tranche de gigot en lui
disant qu'il était très tendre, et qui répondait avec un soupir : Il n'en
est que plus malheureux ! Mlle Mattmann s'impressionne profondément
de la bonne et belle musique, et fait passer son impressionnabilité dans
l'âme de ceux qui l'écoutent; c'est d'une réelle sensibilité qu'elle est
émue ; c'est la pianiste qui jette le plus de fluide magnétique sur son
auditoire ; c'est le professeur d'esthétique le plus convaincu et le plus
persuasif que nous ayons jamais entendu. Si, laissant de côté la défini-
tion en termes techniques des moyens mécaniques par lesquels la vir-
tuose obtienL de si beaux effets, on pousse une petite pointe de fantai-
siste dans l'idéal de cette esthétique, de cette science des sensations, on
voit, on entend, dans l'andante de cette belle sonate, le bruit mono-
tone des cloches annonçant une cérémonie funèbre. Un père , un
amant, qui sait? une âme brisée par la douleur est là, sous vos yeux,
car entendre ainsi, c'est voir, et cherche à se dérober à cette sonnerie
obstinée et variée en ses timbres, comme pour fêter la mort. Et puis
tout à coup cette profonde mélancolie éclate en cris du cœur qui se
replie sur lui-même en ses tortures ; et le grand élégiste musicien et
son éloquente interprète semblent se complaire dans l'expression de
ces souffrances, de ces affres du trépas ; caria douleur, ainsi que nous
le dit le sombre Young dans ses Nuits, est ingénieuse à se reproduire
sous mille formes ; et la science des sons est le plus émouvant de tous
les arts sous la plume de Beethoven et les doigts de Mlle Mattmann.
— Les mercredis de notre ami Gouffé , le contrebassiste de l'Opéra,
nous représentent une sorte de mouvement perpétuel des matinées musi-
cales dans lesquelles on entend toujours nos chefs-d'œuvre classiques,
et parfois de la bonne musique moderne et nouvelle. 11 faut ranger
dans cette dernière catégorie un trio pour piano, violon et violoncelle
de M. Adolphe Blanc, œuvre de musique facile à comprendre et agréa-
ble à entendre par la mélodie facile aussi qu'on y distingue. Une sonate
quelque peu martiale pour piano et violon, et du même auteur, a été
dite par lui et un jeune pianiste d'une douzaine d'années , nommé
Bizet. L'œuvre et les exécutants ont été justement applaudis.
— Il faut qu'un bon journal d'art mette ses lecteurs au fait des choses
passées et présentes, mais aussi des choses à venir; et c'est dans la
conviction de ce devoir que nous prévenons les personnes qui aiment
la musique militaire que demain, lundi, à une heure, aura lieu, dans la
cour du Palais-R.oyal, un concours à l'effet de reformer la musique de la
garde nationale. Cette question ne laisse pas que d'être intéressante ; elle
est complexe, car cette nouvelle organisation peut être envisagée tout à
la fois sous les points de vue de l'art, de l'industrie et de l'humanité.
Voici de quoi il est question : on propose de remplacer la musique dite
d'harmonie, avec instruments de bois et de cuivre, qui ont fonctionné
jusqu'à présent dans les légions de la garde nationale, comme dans les
régiments de ligne de l'armée, par des instruments à fanfares qui sont
en usage dans la cavalerie. Ce genre de musique permet de faire des
économies, dit celui qui le propose ; mais il est restreint sous le rap-
port musical et d'une sonorité monotone. Ce serait porter un coup
fatal à l'industrie des nombreux facteurs d'instruments en bois, qui
emploient et font vivre un grand nombre d'ouvriers; ce serait, de
plus, réduire à l'inaction, disons plus, à la misère, ceux qui jouent de
ces instruments, et qui, ne pouvant pas, pour ainsi dire du jour au len-
demain, sonner de la trompette, du cornet à piston, quand ils ont tra-
vaillé la clarinette, seraient obligé de prendre celle de cinq pieds, s'il
est permis d'employercette plaisanterie, au détriment du calcul décimal.
Une Conimission militaire, assistée d'une section musicale composée
d'hommes compétents, a donc été nommée pour trancher cette question,
et mettre d'accord, si c'est possible, ces harmonistes, hommes d'éclat
et de bruit. Ces dernières qualités l'emporteront-elles sur la variété des
timbres des instruments en bois et la composition des morceaux ; sur
une industrie qui se trouverait ainsi anéantie , et sur l'existence de
pauvres musiciens, ou plutôt de musiciens pauvres qui, par cette ré-
forme serait fort compromise? That isthe question, comme dit Hamlet.
Au reste, nous verrons bien, ou plutôt nous entendrons, et nous juge-
rons aussi.
Hexri BLANCHARD.
52
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
UN SOUVENIR À LÀ MOIRE D'ÀLIZARD.
Grands chanteurs, grands acteurs, que votre situation est belle et que
votre gloire a d'éclat lorsque, maîtres et dispensateurs des émotjons, vous
dominez le public de toute la hauteur de votre talent! Les illusions que
vous produisez alors sont à vous, et vos auditeurs ne s'appartiennent plus.
Mais aussi, même en vous supposant une longue carrière toute pleine de
succès, que cette gloire a peu de durée, et que ses rayons resplendissants
sont prompts à s'obscurcir, non-seulement par suite des transformations
de l'art et des caprices de la mode, mais encore par le seul fait de votre
disparition de ce brillant piédestal où vous paraissiez chaque soir, de
cette scène dont vous remplissiez la vaste étendue, et où des milliers de
voix acclamaient vos triomphes !
Ces réflexions me sont venues à l'esprit le jour du second anniversaire
de la mort d'un chanteur de haut mérite, possesseur d'un genre de voix et
d'un genre de talent dont la réunion est bien rare en France, et qui, si
sa carrière eût été plus longue, pouvait s'élever assez haut pour ouvrir
une voie nouvelle dans laquelle tous les artistes de bon goût l'auraient
suivi. J'ai nommé Alizard. Et que l'on me permette de jeter aujourd'hui
quelques fleurs sur sa tombe; il suffira pour cela de rappeler les princi-
paux faits de sa trop courte existence, en complétantce que notre Gazette
musicale a dit de lui au moment où il quitta ce monde.
Adolphe-Joseph-Louis Alizard n'avait point été destiné par ses parents
à la profession dans laquelle il s'est distingué. Né à Paris le 29 décem-
bre 1814, il perdit son père de bonne heure, et accompagna sa mère à
Montdidier (Somme\ où elle ouvrit un pensionnat de demoiselles et plaça
son fils au collège de la ville, où il étudia le violon seulement comme art
d'agrément. Mme Alizard ayant transporté son établissement à Beauvais
en 1830, son fils la suivit et reprit ses études littéraires dans le lycée, où
11 eut le bonheur de rencontrer M. Victor Magnien, habile maître de vio-
lon, sous la direction duquel il fit des progrès rapides. A quinze ans il
voulut cesser toute autre étude que celle de son instrument, et n'aban-
donna ce projet, auquel sa mère s'opposait de tout son pouvoir, que lors-
que M. M agnien lui déclara que s'il ne cédait à la volonté maternelle, et
s'il s'obstinait à ne vouloir pas suivre les classes du collège, il cesserait
lui-même de lui donner des leçons, malgré tout le regret qu'il aurait à
perdre un élève qui commençait à lui faire honneur.
Alizard vint à Paris aux vacances de 1833, dans l'espoir de se faire re-
cevoir au Conservatoire dans une classe de violon, et en même temps de
trouver une place dans un orchestre de théâtre. Il ne fut point admis ,
non qu'il eût mal joué sa pièce de concours; mais on jugea, peut-être avec
raison, que sa taille et sa conformation physique l'empêcheraient inévi-
tablement d'être jamais en ce genre un artiste complet. En effet, dès l'âge
de dix-sept ans, il tendait singulièrement à l'obésité ; ses bras étaient fort
courts et ses doigts très-gros, d'où il résultait que la position du violon ne
pouvait être parfaite, et que sa main gauche ne se prêtait ni à l'extension
ni au rapprochement dans les sonsaigus. Cependant il ne perdit pas courage
et continua d'étudier sous la direction d'Urhan, qui lui fit avoir une place
à l'orchestre du théâtre de la Gailé. Enfin la patience lui manqua, et s"étant
un jour aperçu qu'il avait une excellente voix, il résolut d'en tirer parti,
d'autant plus que le peu d'argent qu'il recevait de sa mère ne pouvait lui
suffire pour vivre. 11 entra d'abord comme chantre aux Missions étrangères,
qu'il quitta bientôt pour Saint-Eustache ; il fut ensuite reçu dans les
chœurs de l'Opéra, et en même temps dans la classe de chant de Eande-
rali au Conservatoire, où il obtint le second prix au bout d'un an et le
premier l'année suivante. Il fit alors à l'Opéra son début comme sujet, le
23 juin 1837, dans le rôle deGessler, de Guillaume Tell, rôle expressément
écrit pour un acteur, et Alizard était chanteur. Mais Alizard ne tarda pas
à développer, même dans des rôles secondaires, les rares facultés dont il
était doué.
Cependant, au bout de cinq ans, avide de plus amples succès, il quitta
l'Opéra de Paris en 1842, et obtint un engagement en Belgique, où il
chanta pendant deux années dans les villes principales. De là il se rendit
en Italie pour y chanter le répertoire moderne de ce pays, et se fit
entendre à Milan au théâtre de la Scala, où il fut assez mal accueilli ;
ce qui lui causa un extrême chagrin. Rentré en France, il s'engagea
dans la troupe italienne de Marseille, et les succès incontestés qu'il y
obtint déterminèrent le directeur de l'Opéra à le rappeler à, Paris, en lui
offrant les premiers rôles et un engagement de 18,000 fr., avec d'autres
avantages. Il était de retour dans la capitale en 1846; ce ne fut
qu'en avril 1847 qu'il fit sa rentrée dans le rôle de Bertram, de Roberf
le-Diable, puis il joua dansleFrei'scWte, Moïse, les Huguenots, la Favorite,
Jérusalem, et chanta tous ces rôles en artiste qui ne copie personne : mais
il n'avait pas encore obtenu la satisfaction d'en créer un seul. Il
espérait que cet avantage lui était réservé pour le Prophète, lorsqu'il fut
attaqué, en octobre 1848, delà maladie qui, en lui faisant perdre la voix, le
conduisit au tombeau. Traité successivement d'après des systèmes opposés,
on pensa que le séjour des îles d'Hyères pourrait améliorer sa santé :
en effet, après y être resté sept mois, il revint à Paris un peu soulagé, et
l'on parlait de le réengager, lorsqu'une rechute terrible lui fit reprendre
le chemin de Marseille. A peine était-il arrivé qu'il expira, le 23 jan-
vier 1850, au moment où il entrait dans sa trente-sixième année.
Alizard possédait une magnifique voix de basse d'une étendue de deux
octaves de fa en fa, parfaitement égale, et qu'il maniait avec la même fa-
cilité dans toute son étendue. La fermeté de ses intonations et son aplomb
dans la mesure, qu'il ne se permettait jamais d'altérer, étaient on ne peut
plus remarquables, et ce qui est plus extraordinaire, cette voix en dépit
de son volume se pliait à tous les traits d'agilité que les voix graves abor-
dent rarement avec avantage. Il faut le dire, Alizard avait eu très-peu à
faire pour ajouter à l'organe que la nature lui avait donné et dont il tirait
sans effort un parti admirable: excellent musicien, il aidait puissamment
aux effets d'ensemble, et jamais chanteur n'a fourni à son interlocuteur une
réplique avec plus de netteté et de puissance, en sorte que l'on en était
arrivé à oublier tout à fait l'absence chez lui des avantages physiques si
précieux à la scène. Le contraste que sa personne offrait avec ses rôles
disparaissait en présence de ce beau talent , qui réunissait à un même
degré la force, la chaleur, la grâce, la noblesse du style et la justesse de
l'expression.
Ses connaissances littéraires, malheureusement si rares parmi les mu-
siciens, lui avaient inspiré le goût des livres et des curiosités musicales, et
il avait dès son premier engagement rassemblé une bibliothèque peu
nombreuse, mais intéressante. Il la vendit à son départ pour la Belgique
et presque aussitôt commença une nouvelle collection; il annotait soi-
gneusement ses livres et sa musique , et il eût été fort capable d'écrire
pour son art avec goût et érudition. Ce penchant pour les raretés musi-
cales et d'autres habitudes moins louables et plus dispendieuses empê-
chèrent Alizard de jamais songer au lendemain : aussi, lorsqu'il perdit la
voix, se trouva-t-il absolument sans ressources. Bon camarade , loyal et
éloigné de toute intrigue, obligeant et mettant toujours son talent à la
disposition de l'infortune , il eut du moins la consolation de reconnaître
que ces qualités avaient été appréciées. On n'a pas oublié que ses con-
frères se réunirent pour venir à son aide, et par délicatesse, lui firent tenir
d'abord un secours sous le nom de la direction de l'Opéra, puis lui assi-
gnèrent une pension mensuelle qu'il devait rembourser quand il recou-
vrerait la voix et la santé, obligation dont, hélas ! sa fin prématurée dis-
pensa cet habile et regrettable artiste.
Adrien de LA FAGE.
REVUE CRITIQUE.
Méthode <Ic piano par II. MOSELLEN.
Non content d'écrire nombre de morceaux de musique qui sont la
pâture quotidienne des jeunes élèves, M. Rosellen a voulu rédiger
d'une manière sérieuse et profitable un code théorique et pratique
qui fût V alpha sinon Y oméga de l'art du pianiste. L'ouvrage qu'il a
publié dans ce but répond à son dessein. Cet ouvrage, pour n'être pas
conçu en vue des difficultés transcendantes de l'exécution, ne réunit
pas moins les principales qualités d'un bon livre élémentaire. 11 est
simple, précis et méthodique. On y apprend tout ce qu'il faut savoir
pour être à même un jour d'en apprendre davantage. M. Rosellen, loin
de négliger les principes de l'art musical, les expose avec assez d'éten-
due et dans un ordre parfaitement logique. 11 traite d'abord des notes,
des clefs, des valeurs rhythmiques, des divers jeux de mesures; il
donne aussi quelques notions sur les intervalles ; de là il passe à la
description du clavier et enseigne par des exercices le moyen d'y re-
connaître la place des notes ; ensuite il s'occupe de la position du
corps et des mains et fait à ce sujet aux commençants une recomman-
dation dont beaucoup de jeunes artistes déjà passés maîtres devraient
DE PARIS.
53
eux-mfime profiter. « Que le visage, dit-il , n'exprime jamais par des
» grimaces les difficultés que rencontrent les doigts ; qu'on ne prenne
» pas l'habitude de grands mouvements de bras, de corps et de fête,
» qui sont complètement ridicules et disgracieux!» Après avoir ex-
pliqué en peu de mots, mais avec clarté, le mécanisme de la formation
des gammes d'après le mode majeur et le mode mineur, après avoir
dit ce que l'on entend par genres et par modes, M. Rosellen parle suc-
cinctement de la syncope, de la liaison, du détaché du pouce, des no-
tes d'agréments, du trille, du trémolo, des accords arpèges, des signes
d'abréviations, des accents, des nuances et du mouvement.
Ensuite, il traite la question du doigter et unit par de judicieux pré-
ceptes sur la manière de s'exercer avec fruit, selon le vieil adage des
gens patients, chi vi piano va sano, c'est-à-dire en proportionnant la
difficulté des morceaux au degré d'habileté où l'on est parvenu. Tout
cela témoigne de l'expérience du professeur en même temps que de sa
sollicitude pour les progrès des élèves. Mais pourquoi M. Rosellen n'a-
t-il pas borné là ses enseignements théoriques? Ce qui va suivre ne
paraîtra-t-il pas superflu dans une méthode comme la sienne? Tour-
nons le feuillet, que voyons-nous? une main... et quelle main ! — Ce
n'est pas, comme on pourrait le croire, la main de Guy d'Arezzo ; ce
n'est pas non plus celle de Wilhem et de l'orphéon; ce n'est pas même
une jolie main de femme figurée dans la position gracieuse qu'elle doit
avoir sur le clavier. Qu'est-ce donc alors alors? C'est une main, en
effet ; mais une main à moitié dénudée, une main d'amphithéâtre ac-
compagnée de sa description anatomique. De l'anatomie dans une mé-
thode de piano !
Que diront à la vue de cet objet les jeunes filles , les femmes élé-
gantes, qui semblent devoir patroner la méthode de M. Rosellen qui ne
s'adresse pas exclusivement à des professeurs? Que diront-elles sur-
tout quand elles entendront parler détendons extenseurs, de brides ten-
dineuses et d'expansions aponévrotiques ?
Cette légère critique n'atténue en rien le mérite de l'œuvre de
M. Rosellen, parce qu'elle concerne un objet tout à fait étranger au
conlenu ordinaire d'une méthode de piano. Du reste, l'auteur n'y con-
sacre qu'une page, et cette page est immédiatement suivie d'une excel-
lente partie pratique à laquelle on ne peut que donner des éloges. —
Commencer par des exercices de mécanisme, donner ensuite la gamme
et faire succéder à celle-ci des morceaux de musique courts , faciles
et mélodieux ; répéter cela dans tous les tons diésés et bémolisés, en
augmentant peu à peu les difficultés d'expression et d'exécution ; tel
est le secret du plan de M. Rosellen, que je juge d'autant plus favorable
aux progrès des élèves, qu'il place à côté du labeur amer des gammes
et des exercices, le délassement immédiat des petits airs que l'on ap-
prend et que l'on retient ainsi de la sorte sans peine. — La partie pra-
tique dont je parle est extrêmement complète, quoique élémentaire.
On y trouve toutes les espèces de gammes imaginables : gammes chro-
matiques, gammes par mouvement contraire, gammes à la dixième,
gamme en tierces, en octaves, etc.; on y trouve aussi toutes sortes de
traits, de batteries et d'arpèges destinés à faire l'éducation des doigts.
Enfin, les morceaux de musique, les études qui fournissent l'occasion
d'appliquer agréablement les règles, sont d'un bon choix et doigtés
avec soin. Je pense donc que M. Rosellen a rempli les principales
conditions de son programme ; je pense que sa méthode, tout en res-
tant claire , simple et graduée , initiera dès le début ses élèves aux
bonnes habitudes du mécanisme, et les conduira progressivement et
rapidement à une parfaite exécution. Georges KASTNER.
CORRESPONDANCE.
Liège, 8 février 1852.
Le corps enseignant du Conservatoire vient de faire une perte sensible
dans la personne de -M. Ilenchenne, décédé à un âge assez avancé. Atta-
ché à cet établissement dès son organisation, en 1827, comme professeur
de flûte, il avait formé de brillants élèves, preuves irrécusables d'un ta-
ent réel. M. Reichert, de Bruxelles, serait, dit-on, appelé à lui succéder.
On aurait qu'à s'applaudir de ce choix heureux.
On parle aussi de la réintégration probable et prochaine, dans ses fonc-
tions, restées vacantes depuis 1851, de M. Géraldy, ex-professcur de
chant italien aux Conservatoires royaux de Bruxelles et de Liège.
La Société de la Grande-Harmonie a donné, le 30 janvier, un grand
concert vocal et instrumental. Le corps d'harmonie s'est produit dans
l'ouverture de la Fête des chasseurs, de Kietmeyer, dans un pot-pourri du
Songe d'une nuit d'été, dans l'ouverture arrangée de Robin des Roi*, et dans
un pot-pourri de Nabucodonosor. La première ouverture, seule, a été con-
venablement rendue; pour le reste, on aurait voulu des nuances mieux
saisies et un mouvement plus pressé; c'eût été moins dénaturer le carac-
tère que tout compositeur entend imprimer à son œuvre. — Parmi les
autres morceaux du programme, je signalerai une grande fantaisie de la
Juive, de E. Prudent, et une étude, de Ch. Meyer, exécutés par M. fin-
puis, médailliste du concours de piano de 1851, et professeur de violon
à notre Conservatoire. Véluae a été fort bien jouée ; quant à la fantaisie,
tout habile qu'ait été l'exécution, elle aurait dû révéler plus de sen-
timent.— Un autre virtuose, M. Zeiss, trompette solo de l'orchestre du
Théâtre de la P.eine, à Londres, a fait entendre l'air de Grâc, de Rùbert-
le-D'able, et une grande polka; on a admiré la qualité et la douce am-
pleur du son qu'il tire de la trompette à pistons, et la prestesse de son
beau mécanisme dans les difficultés.
Ce qui fait actuellement palpiter d'impatience le dilettantisme liégeois,
c'est l'attente du festival-concert que le Conservatoire, sous la direction
de M. Daussoigne-Méhul, donnera le 28 au Théâtre-Royal avec la coopé-
ration de sociétés de chant et d'artistes distingués. Entre autres numéros
du programme, on cite des morceaux du Messie et de la Création.
Depuis le mois d'octobre, époque de l'ouverture de la campagne théâ-
trale , le théâtre lyrique a couru de pénibles bordées. On a eu plusieurs
chutes à enregistrer, quoique l'ancienne sévérité locale se soit beaucoup
adoucie depuis quelques années , tempérée par le refus d'un subside com-
munal affecté antérieurement à cette entreprise. Maintenant nous possé-
dons une troupe convenable, si Mme Hébert-Massy, demeure parmi nous,
ainsi qu'on l'espère. — L'ancien répertoire vient de fournir deux bonnes
reprises : le Petit Chaperon Rouge et Zampa. M. Martin, ex-baryton du
théâtre de Bruxelles, s'est avantageusement tiré du rôle de Zampa ; sa
voix agréable et étendue laisse toutefois désirer une respiration moins
défectueuse et plus de travail. — Quatre représentations récentes des
Monténégrins nous ont initiés à cette partition , qui n'a pu encore
se concilier tous les suffrages. Le ténor, M. Chenest, sans avoir une
voix très-fraîche, s'est acquitté du personnage de Sergis en chanteur
intelligent, qui serait correct s'il articulait mieux, et si quelquefois
il était moins forcé. Dans le rôle de Ziska, M. Van Huffelen, première
basse ou plutôt basse chantante, a fait preuve de talent; la manière
Aï chanter de cet artiste, bien qu'il ait une voix blanche et conséque-
mment peu sympathique , dénote un bon musicien. — Mme Quirot ,
première chanteuse , chargée du rôle de Béatrix, manie la voix avec
science, mais le volume en est insuffisant. — L'orchestre et son chef,
M. Désiré, ont droit à des éloges clans les diverses pages musicales inter-
prétées jusqu'à présent.
J'ai cité Mme Hébert-Massy : chacune de ses apparitions dans les Dia-
mants de la couronne, dans Lucie, dans Haydé' , dans la Fille du régiment,
a été sanctionnée par un succès : la prima donna le mérite par sa jolie
voix , par son excellente méthode et par le bon goût de ses vocalises.
M. A. Dupont, pianiste, ancien lauréat médailliste de la classe de
M. Jalheau de notre Conservatoire, le meilleur élève qu'ait formé ce pro-
fesseur distingué et qui soit sorti de cet établissement, est parti cette
semaine pour l'Allemagne. Après s'être fait entendre au Cercle artistique
de Bruxelles, il s'était rendu en Angleterre, où il a donné dans le courant
de janvier, à Brighton, à Southampton, à Liverpool, à Londres, etc., plu-
sieurs concerts alimentés par des improvisations et par quelques-unes de
ses propres compositions : un concerto, une étude pastorale et un galop
fantastique : elles ont produit le plus grand effet , constaté par les jour-
naux du pays, qui ont proclamé à la fois le mérite du compositeur et de
l'exécutant. Les mêmes succès attendent, sans doute, le jeune artiste lié.
geois dans sa tournée en Allemagne ; il en reviendra au mois d'avril pour
retourner à Londres, où il a contracté un double engagement pour une
série de concerts avec la Société de Beethoven-Quartelt et avec celle de
V Union musicale. Z.
NOUVELLES.
*„,* Demain lundi, à l'Opéra, le Prophète.
%*: Dimanche dernier la Reine d- Chypre avait attiré la .foule. Roger a
supérieurement chanté le rôle de Gérard, et Mlle Masson, qui remplissait
celui de Caihurina, s'y est montrée fort belle. Massol, dans celui de Lusi-
gnan a obtenu son succès accoutumé. Les couplets si bien chantés par
Chapuis excitent toujours l'enthousiasme.
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
* * La vogue de Guillaume Tell s'accroît de jour en jour et dépasse
toutes les prévisions. Le chef-d'œuvre a été donné lundi et vendredi: à
ces deux représentations la salle était comble, et tout annonce que l'em-
pressement se soutiendra.
%* Mercredi, h Violon du Diable était précédé de la Xacarilla.
*„* Vendredi dernier, l'Opéra-Comique a fait relâche, et il en sera de
même encore demain lundi, pour les répétitions générales du Carillonneur
de Bruges, dont la première représentation est annoncée pour mardi pro-
chain. Battaille remplira le rôle du carillonneur ; à côté de lui débutera
Mlle Wertheimber , la brillante élève du Conservatoire. Les autres rôles
seront remplisparMllesMiolan et Révilly, MM. Boulo, Sainte-Foy etl'.icquier.
*„* Aujourd'hui dimanche, par extraordinaire, le Théâtre -Italien don-
nera Fid Un, de Beethoven. Dans l'entr'acte on exécutera la magnifique
ouverture de Léonore.
*** Le chef-d'œuvre de Bsethoven a été joué pour la quatrième fois
jeudi dernier et le sera ce soir encore. Ce ne serait pas trop d'une, saison
entière pour l'intelligence complète d'un tel ouvrage, si en dehors des
habitudes de notre public. Les artistes italiens ont aussi besoin de se
mettre au diapason d'une musique peur laquelle ils ont naturellement
peu de sympathie, et c'est ce qu'ils font à chaque épreuve L'exécution
gagne de plus en plus, la lumière se fait et la chaleur s'augmente. Sophie
Cruvelli est toujours admirable dans le rôle principal ; elle y produit l'ef-
fet sans le chercher et se distingue par une pureté de style, par une di-
gnité de gestes et de tenue qui se concilient avec la vivacité de l'émotion.
Mlle Corbari, Belletti et Calzolari sont au niveau de son beau talent.
*_#*, La Commission des auteurs dramatiques a eu, mardi dernier, l'hon-
neur d'être reçue par le Prince Président de la République. Organe de la
Commission, son honorable président, M. Viennet, a fait connaître au
prince Louis Napoléon qu'elle lui apportait les témoignages de respect de
l'Association tout entière , et qu'elle venait spécialement le remercier
des traités internationaux récemment conclus, qui assurent aux au-
teurs français tous les avantages attachés à la propriété littéraire des au-
teurs indigènes à l'étranger. Le Président de la République a répondu
qu'il était depuis longtemps dévoué aux lettres et aux arts, et qu'il atta-
chait un grand prix à ce que sous son gouvernement, ils atteignissent au
plus haut degré possible de prospérité et d'éclat; le Prince a parlé de l'u-
tilité d'étendre ces traités, et de les conclure avec des pays plus voisins
et plus reprodMtews La Commission a aussi abordé la question du droit
des hospices. Le Prince s'est exprimé à ce sujet en termes bienveillants,
quoique contenus par une réserve facile à expliquer.
*** La recette des théâtres subventionnés s'est élevée pendant le mois
de décembre à 275,461 fr. 94 c, celle des théâtres secondaires et petits
spectacles à 372,957 fr. 54 c; celle des concerts à 65,790 fr. 05 c; celle
des curiosités à 8,593 fr. 93 c. — Total, 722,803 te. 46 c. : 156,697 fr.
76 c. en moins que le mois précédent.
%* Après la représentation du iR i d>: Bohème, opéra comique en trois
actes, donné il y a quelques jours à la Haye, le roi de Hollande a adressé
à l'auteur, M. de Saint-Georges, déjà décoré de tous ses ordres, une ma-
gnifique médaille d'or à l'effigie royale, portant au revers les attributs des
beaux-arts avec ces mots : Bme merentibus.
%* Le charmant opéra de X. Boisselot : Mosquila la So'cière, qui a déjà
été représenté, avec un très-grand succès, à Bruxelles, à Marseille, à
Nancy, à Metz, à Genève, est à l'étude en ce moment à Nantes, à Stras-
bourg et à Montpellier ; sous peu de temps cet ouvrage doit être également
monté a Lyon, à Toulouse, à Brest, à Bordeaux, etc., etc. Partout la nou-
velle partition de l'auteur de Ne touchez pis à la reine obtient un véritable
triomphe ; la délicieuse Seguidille, la gracieuse mélodie du Bouquet;, et
les deux remarquables duos du deuxième et du troisième actes sont tou-
jours accueillis par des bis et des applaudissements frénétiques.
*i* Rosenhain, l'auteur du De.non de la Nuit, est de retour de son voyage
en Allemagne.
%* Voici des renseignements exacts sur l'accident arrivé à Gottschalk,
il y a quelques semaines. Le jeune pianiste ne s'est pas cassé le bras,
comme les journaux de Madrid l'ont dit et répété. Après son premier con-
cert à Valladolid, concert dans lequel il avait été couronné et rappelé
plusieurs fois sur la scène, il s'est cassé le petit doigt de la main droite,
en rentrant chez lui. Cet accident, bien que très-grave, n'aura, heureuse-
ment, d'autres conséquences que de le forcer pour un temps illimité à un
repos absolu. Le chirurgien, qui, dans les premiers jours, avait craint que
le doigt ne se redressât pas, répond maintenant de la guérison.
*jj* Le premier concert donné par Mlle Clauss devait être bientôt suivi
d'un second, qui aura lieu mercredi prochain, 18 février. La jeune ar-
tiste, qui s'est signalée avec tant d'éclat et posée si haut dès son début,
aura pour auxiliaires des chanteurs du premier mérite, Belletti etMlle Cor-
bari.
%* Vivier est parti hier pour Rouen , où il doit jouer dans un grand
concert au profit des crèches.
*„* Léopold de Meyer donnera son concert le 10 mars prochain. Ce pia-
niste, d'un talent si original et si extraordinaire, jouera son Souvenir d'I-
talie, qui, dans le concert donné par Ernst, a obtenu les honneurs du
bis; il fera entendre aussi plusieurs compositions nouvelles; et pour que
rien ne manque à l'attrait de la séance, Ernst et son violon magique y
participeront.
*t* La Société philharmonique de Boulogne-sur-Mer a donné récemment
une matinée des plus brillantes, dans laquelle M. Bazzini s'est fait enten-
dre et a confirmé son droit à ê.re classé parmi les premiers violonistes de
l'époque.
%* Cédant aux prières de ses amis, Ernst va donner un troisième con-
cert, qui est fixé au 1er mars.
*'±* Mlle Graever se propose de donner un second concert au commen-
cement du mois prochain. Le programme, que nous publierons plus tard,
est des plus intéressants, et promet à la jeune pianiste un succès qui éga-
lera celui de son premier concert.
*,„* Le succès d'Emile Prudent, à Bruxelles, est immense. (Voyez plus
loin Chronique étrangère.) Il en est à son quatrième concert, et va jouer
aussi à Liège et à Gand. Chaque fois il est obligé de redire sa nouvelle
étude le Réveil des Fées. Dans quelques semaines il sera de retour à Paris.
%* La Société des concerts vient de donner à Morelli la preuve d'une
estime toute particulière et bien méritée en l'admettant comme sociétaire
solo.
%* M. Labat, organiste de la cathédrale de Montaubàn, vient de faire
mettre sous presse un ouvrage en deux volumes, qui aura pour titre :
Etudes philosophiques et morales sur l'étude de la musique. Nous en rendrons
compte dès qu'il aura paru.
%* Monseigneur l'archevêque de Paris vient d'adresser à MM. L. Cla-
pisson et F. de Courcy une lettre remplie de compliments les plus fla-
teurs, par laquelle il accepte la dédicace de la charmante mélodie les
Oiseaux de Notre-Dame.
%* Aujourd'hui dimanche, la troisième séance de MM. Alard et Franc-
homme dans la salle Pleyel , à deux heures. En voici le programme :
1° 10" quatuor en mi bémol, de Beethoven ; — 2" Trio en ut. mineur, de
Beethoven : — 3" Andante varié et minuetto à la Ziugarèse, de Haydn ;
— 4" fragments du duo pour piano et violoncelle , de Mendelssohn ; —
5" quintette en la , de Mozart. — Exécutants: MM. Alard, Armingaud,
Casimir Ney, Deledicque, Mlle Camille Meara.
*,,* D'après un journal de Milan, le nombre des opéras nouveaux donnés
en Italie dans le courant de 1851 s'élève à trente ; la plupart de ces nou-
veautés lyriques ont été données à Naples, Turin et Florence. La renom-
mée de la presque totalité des compositeurs n'a point encore franchi les
frontières d'Italie.
*** Le douzième bal de l'Association des artistes dramatiques, donné le
7 février au théâtre de l'Opéra-Comique, n'a pas été moins brillant que
productif. L'orchestre de. M Artus y a fait merveille, et les simples audi-
teurs n'en ont pas été moins satisfaits que les danseurs.
*s* Un amateur de violon. — La Cour d'assises voyait comparaître, il y a
peu de jours, sur ses bancs réservés au crime, un pauvre diable dévoré de
l'amour de la musique et qui ne pouvait jamais résister à la vue d'un
beau violon. Comme sa misère ne lui permettait pas de l'acheter, ils'arran-
geait pour le prendre ; mais, cédant au remords, il finissait toujours par
renvoyer le corps du délit, et s'avouer coupable. C'est ainsi que Borvil-
lers, âgé vingt-cinq ans, fils d'un cordonnier allemand, et cordonnier lui-
même par état, mais musicien avec délices, avait commis deux fois la
même faute, d'abord chez un marchand de la rue du Bac, puis chez un
luthier, M. Vaillant. Le violon qu'il prit chez ce dernier appartenait à
M Germain, juge à A vallon. Il en joua pendant toute la nuit qui suivit le
larcin, et le lendemain il le fit remettre au luthier, avec une lettre, dans
laquelle il le priait d'employer à faire dire des messes les 12 fr. qu'il avait
payés pour frais de réparation, sous le nom de M. Germain, véritable
propriétaire. Une méchante femme, qui avait des démêlés avec Borvillers,
le dénonça comme voleur; mais le jury, plus compatissant, a pris le parti
de l'acquitter comme mélomane.
%* Le doyen des pianistes et peut-être de tous les musiciens, M. Elie
Kuiiaender, vient de mourir à Prague, dans la centième année de son
âge. M. Kurlaender était né à Kœnigsberg (Prusse), et il avait passé une
grande partie de sa vie à Berlin. Il fut un des premiers maîtres de musi-
que de l'illustre Meyerbeer.
*** A partir d'aujourd'hui, nous avons un service spécial pour nos
abonnés de la banlieue, qui désormais recevront notre journal le diman-
che matin comme ceux de Paris
CRON1QUE DÉPARTEMENTALE.
*„* Limoge', -r La Fée aux ro-es vient d'être jouée; elle en est à sa cin-
quième représentation et fait toujours de belles recettes. Mlle Charton-
Guille y joue le rôle principal et y obtient un succès justement mérité.
%* Nantes. — Le séjour parmi nous de Léon Lecieux et Richard Mul-
der laissera aux dilettanti de notre ville de durables souvenirs. Plusieurs
soirées particulières et deux concerts, dont le premier au grand théâtre et
le second au Cercle des Arts, ont valu aux deux artistes autant d'ovations.
Léon Lecieux a soulevé des applaudissements frénétiques avec ses belles
fantaisies sur le Duc d'Olonne et Gibby. Richard Mulder, de son côté, a
vu son succès grandir à chacune de ses apparitions. Le Tambour de bas-
que, le Galoubet et le Béve d'espoir sont des compositions remplies d'origi-
nalité et de verve qui ne ressemblent à rien de ce qui a été fait jusqu'à
ce jour pour le piano, et dans son dernier concert l'habile pianiste a
prouvé qu'il sait interpréter d'autre musique que la sienne, en exécutant
en grand artiste le trio en ut mineur de Beethoven, dans lequel il a été
secondé par Mmes Lecieux et Gys avec une extrême délicatesse.
M. Alrrit, flûtiste d'un mérite réel; Mlle Voiron, notre gracieuse canta-
trice, et Mlle Caut, chanteuse expressive et sympathique, ont contribué
pour leur part à l'éclat de ces deux beaux concerts.
DE PABIS.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
*„* Bruxelles , 11 février. — Concert d'Emile Prudent. — Nous avons
entendu avant-hier une merveille; celte merveille, c'est le piano touché
par les doigts magiques de Prudent, l'un des grands maîtres de l'art. Il
y a quelque dix ans que Prudent s'était l'ait entendre à Bruxelles ; alors,
il était admiré pour sa correction soutenue, pour son chant plein de
charme, pour la distinction de son jeu; mais dix années d'études et de
travail passionné l'ont placé au premier rang. Si bien peu arrivent à
l'égaler, personne ne le surpasse. A la correction exquise, il a joint l'é-
nergie et la grandeur du style au chant empreint d'une ravissante rêverie,
il a ajouté l'enthousiasme contenu par le goût le plus pur. Prudent est un
artiste complet , soit qu'on l'envisage dans sa carrière de compositeur,
dont les productions sont considérées comme classiques, soit qu'il se
montre comme exécutant. Largeur de conception , richesse d'effets .
science profonde des ressources de l'instrument, pureté irréprochable de
formes, sentiment élevé de l'art, telles sont les qualités brillantes de l'ar-
tiste. Les notes du chant parlent , les arpèges volent avec une rapidité
mesurée, les gammes courent, se déroulant en sons perlés et égaux, les
phrases se détachent de l'ensemble, distinctes, terminées toujours san
emphase, mais senties ; et ces difficultés inouïes on ne les voit pas, on ne
les saisit pas, tant il y a d'aisance et de grâce clans le jeu. Prudent ne se
démène pas à son piano comme la pythie sur son trépied ; il dédaigne
le charlatanisme des contorsions et des gestes heurtés, des poses médi-
tées; vous le voyez calme, presque immobile; a peine se douterait-on que
c'est lui qui tire de l'instrument ces sons puissants qui remplissent la vaste
salle, mais vous reconnaissez à son regard plein de feu qu'il est sous l'em-
pire du sentiment le plus énergique de l'art. Prudent a exécuté dans cette
belle soirée six morceaux de sa composition. Le premier, concerto-sym-
phonie en si bémol , est un morceau d'une grande facture, d'une remar-
quable ampleur de style, où l'orchestre et le piano jouent un rôle égal ;
c'est une de ces rares compositions dans lesquelles se révèle le génie d'un
grand artiste. Un délicieux caprice sur la Somnambule, où Prudent s'est
inspiré de la pensée naïve et mélancolique de Bellini, a préct'dé une ra-
vissante étude intitulée le Réveil des Fée.', composition remplie de charme,
de grâce, de douce fantaisie, et terminée par des notes plaquées d'une
admirable effet. C'était, comme exécution, le morceau capital. Des fantai-
sies sur Lucia, sur Guillaume Tell (Asile héréditaire), ont excité à leur tour
le juste enthousiasme du public. Le concert a été terminé par les Bois,
morceau d'une originalité piquante, plein de verve, de brillants et hardis
contrastes et d'une riche couleur. A la fin de chaque exécution , les ap-
plaudissements ont forcé M. Prudent de reparaître pour recevoir une
nouvelle ovation. Le public fashionable, essentiellement musicien et par-
ticulièrement pianiste qui ornait la salle Sainte-Cécile, nous semble avoir
décidément classé Emile Prudent parmi le très-petit nombre d'artistes
dont il est permis de dire que l'exécution est complète. Dans les arts, il
y a très-loin d'un certain à peu près qui exige du talent , à une vraie et
irréprochable correction; et il y a peut-être plus loin encore de la cor-
rection et de l'élégance, à une exécution large, puissante, originale, qui
ait le don de charmer, d'étonner et d'émouvoir. Virtuose prodigieux et
excellent compositeur, Emile Prudent a été applaudi et réapplaudi , ap-
pelé et réappeîé par un public d'amateurs difficiles et d'artistes éminents.
On a fort admiré la belle qualité de son qu'il tire du piano, la légèreté et
l'égalité parfaite de ses arpèges, de ses gammes, de ses notes redoublées,
la rapidité, la précision et le mordant de ses trilles. Son jeu , presque
mathématique à force de précision, est admirablement clair et limpide,
et ses ruisselantes octaves sortent aussi pures que les simples notes La
main gauche, qui frappe avec une aisance rare les douzièmes, fait réson-
ner les magnifiques pédales dont la sonorité ne nuit jamais aux arpèges
brillamment accidentés du trait d'exécution. L'effet, semblable à celui des
cordes les plus graves de la contrebasse, en est imposant et majestueux, et
domine les brillants tutti exéeutés,par la main droite. Le fusées chroma-
tiques, les gammes bien perlées, les arpèges doubles et bien enchaînés
d'une main à l'autre, les fioritures qui se. détachent en phrases mélodi-
ques, qu'elles accompagnent par un délicieux gazouillement, produisent
un effet d'autant plus magique, que, ne visant jamais à la force, Emile
Prudent sait toujours varier ses nuances et ses effets, sans prétention et
sans fatigue.
*Ji Cassel. — L'opéra de AL Halévy : les Mousquetaires de la Reine,
a été représenté avec le plus beau succès au théâtre de la Cour. Les
honneurs de la soirée ont été pour Aimes Aleyer (Athénaïs) et Jacobsohn
(Berthe).
%* Munich.— Vers le milieu du mois, V Enfant prodigue, de AI. Auber,
seia représenté pour la première fois au théâtre de la Cour.
*Jà* Berlin. — Le Prophète fait toujours chambrée complète chaque fois
que cette magnifique partition est sur l'affiche. — Les deux compétiteurs
pour la place de directeurs de l'académie de chant sont AIAI. Taubert
et Naumann. Le chœur du Dôme se rend à Stettin pour y donner trois
concerts. M. de Kcntski est parti pour Cracovie et Lemberg. Une nou-
veauté intéressante fixe en ce moment l'attention du public. Mardi, 17 fé-
vrier, on exécutera dans la salle des concerts du Schau'spiel-ilaiis un fie-
quiem, composé et dédié à la mémoire du prince Waldemar de Prusse, par
AI. de L... : le 17 février est le jour anniversaire de la mort du prince, au
service duquel Al. de L.. . avait été attaché. Le produit de la soirée est
destiné au fonds de secours du régiment des cuirassiers de la garde. Les
soli seront exécutés par vîmes VYagner et Léo, MM. Formes et Krause. —
V. Birch-1 féifîi r est sûr le point de terminer un opéra nouveau, dont le
roi de Prusse a indiqué le sujet, et dont M. de Flotoiv écrit la musique.
La partition étant également presque achevée, cette piquante nouveauté
no tardera pas à faire son apparition au théâtre royal. — Au théâtre Fr
\VilheImstadt, l'opéra de M. Flotow, tfaitha, a été parfaitement exécuté :
l'auteur assistait à là représentation.
V r/anovnc. — L'opéra nouveau de Marschner : Autlir, a eu le plu
éclatant succès. Le compositeur a été appelé deux fois sur la scène'.
V Boston. —Le jeune pianiste A. Jaëll adonné cinq concerts a Tripler-
Hall, et chaque fois près de 1,000 auditeurs ont couvert le bénéficiaire
d'applaudissements enthousiastes.
V: Noucel.'e-Orlcany. — La reprise de Charle-i 17, d'Halévv, a fourni à
Aime AVidemann l'occasion d'un nouveau triomphe, partagé par Diguet,
qui a fort bien chanté le rôle du roi.
V* New-York, 1h janvier. — Jenny Lind, qui voulait aller pour la se-
conde fois à la Havane, a renoncé à ce projet et s'est décidée à retourner
en Europe au printemps prochain. — Oie Bull est depuis quelques jours
ici et se propose de donner une série de concerts. — La Société philhar-
monique allemande qui s'est formée dernièrement et qui compte parmi ses
membres soixante chanteurs des deux sexes, vient d'établir ici un théâtre
qu'elle a ouvert par la représentation du célèbre opéra dèLortzing, ( har
et Chai pentier. Cet ouvrage, qui, bien qu'exécuté par des dilettanti, a été
rendu avec une verve et un ensemble très-rares, même chez les artistes
de profession, a été accueilli avec enthousiasme par notre public, qui as-
sistait pour la première fois à- la représentation d'un opéra en langue al-
lemande.
Le gérant: Erïnest DESCHAMPS.
En lente, à Paru, chez A. Leduc, éditeur, rue VtCnnne, 18.
Lyon, Moller-Févrot, rue Laf^nt, U.
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Marc 23 ii ri y. Op. 7. Premières pensées, trois mélodies. ... 6 »
— Op. 10. L' Angélus au village, rêverie pastorale. . 6 »
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56
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PERTOIRE DU CHANT
Première série.
Collection d'Airs, Romances et CàvaHnes, extraits d'opéras français, pour
TÉNOR et SOPRANO,
AMBASSADRICE CL').
Couplets. . Il était, un vieux bonhomme. . . S. 2 50
Couplets. . Ilest,dit-on,unbeaujeunehommeS. 3 »
Couplets. . Lecielnousaplacésdansdesi-angs!»'. 2 50
Air Dieu ! que viens-je de lire ! . . S. 5 ■■
Air Que ces murs coquets S. 4 50
Air C'est en vain que votre puissance S. 5 »
CHARLES VI.
Chant nat.. LaFrancearhorreurduservage7\ 3 »
Romance{extr. du duo). En respect mon amour
se change T. 3 »
Air C'est grand'pitié que ce roi, trans-
posé pour ténor T. G »
Air Humble fille des champs, liansposé
pour soprano S. 6 »
Mélodie. . Avec ladoucecliansonnette, trans-
posée pour ténor. ... T. 3 »
Ballade. . Chaque soir, Jeanne sur la plage. S. 5 »
COMTE ORY (LE)-
Ca: atine. . Que les destins prospères. . . T. 5 »
Air Une dame de haut parage. . . S. 6 »
Air En proie à la tristesse. ... .S. 5 »
DAME DE PIQUE (LA)
Air Quand la blanche neige. . . T. 3 75
flowanceefair.CréneauxquejevoisapparaitreS. 6 »
Id. lextr.) Créneaux que je vois apparaître. S. 3 »
Couplets. . Ces tristes retraites .S 3 »
Couplets. . Non-seulemcntjesuisbossue. . . S. 5 »
DIAMANTS DE LA COURONNE (LES).
Couplets. . Vivent la pluie et les voyages!. T. 2 5o
Ballade.. . Le beau Pédrille S. 2 50
Boléro. . . Danslesdéfilésdesmontagnes . S. 2 50
Variations. Ahljeveuxbriserma chaîne.. . 5. 3 75
Air Non, non, fermons l'oreille. . . .S. 3 75
DOMINO NOIR (LE).
Romance. . Le trouble et la frayeur . . . T.
Couplets. . Une fée, un bon ange S.
Arayonaise. La belle Inès fait florès. ... .S.
Air Je suis sauvée, enfin S.
Couplets. . Ah! quelle nuit! le moindre bruits .
Cavatiné. . Mes chères sœurs S.
Continue. . Heureux qui ne respire. ... S.
ÉCLAIR (L'\
Couplets. Larichenature.encesheauxclimats.S. '.
Grand air. Partons, la mer est belle. . . T. '
Barcarotle. Partons, la mer est belle
Chansonnette. Pris d'une belle, êlre fidèle. . S. :
Romance. . O divine harmonie ! S.
Romance. . Quand de la nuitl'épaisnuage. T.
ENFANT PB0DIGUE (L).
Air Toi, qui versas la lumière, transposé
pour ténor T.
Air .... L'aurore étincelante de feux. . . S.
Romance. . Allez, suivez votre pensée. . . S.
Couplets. . Dans ceséjour, où chaquejour. . T.
Romance. . Il est un ënf ant -'d'Israël, transposée
pour ténor T.
Romance. . Quand vient la mort menaçante S.
Romance. . Ovallon de Gcssen!ô champs . .S.
Couplets. . Ah! dans l'Arabie, quel heureux
métier S.
. DeMemphisct deBabylonc. . . S.
. O honte, ô déshonneur ! ... T.
. J'ai tout perdu. Seigneur. . . T.
. Du soleil les feux ardents. . . S.
. Dans son âme, ô mon Dieu ! . '.S.
. O campagne chérie ! 7".
A ir. . . .
A ir. . . .
Romance,
Couplets.
Romance.
Romance
FAVORITE (LA).
Romance. . Un ange , une femme inconnue T.
Romance. . Un ange, une femme inconnue,
Transposée pour soprano. S.
Cavatiné. . Pour tant d'amour ne soyez pas
ingrate T.
Air.. _. . . O mon Fernand, touslcs biens delà
terre S.
Air Ange si pur que dans un songe T.
Prière. . . Fernand, imite Inclémence. . . S.
Air .... Viens, je cède éperdue. ... S.
FÉE ADX ROSES (LA).
Romance. . Près de toi je crois revivre . . S. 4 50
Air Des roses partout des roses . . S. 5 ><
Romance. . En dormant, en dormant . . S. 3 »
Couplets. . Au temps de la jeunesse. ... S. 3 75
FIANCÉE (LA).
Ballade.. . Si je suis infidèle S. 2 »
Couplets. . Que de mal, de tourments . . S. 3 »
Cavatiné. . O jour plein de charmes ... J. 4 50
Couplets. . G arde à vous, avançons en silence7\ 2 »
Tyrolienne. Montagnard ou berger. . . . T. 2 »
Romance. . Le ciel serein et sans nuage. . . S. 2 »
FRA-DIAVCLO.
Couplets, . Je voulais bien, je voulais bien. S. 2 50
Rondo . . . Voyez sur cette roche. ... T. 2 50
Barcarotle. Le gondolier infidèle T. 2 »
Barcarotle. Agnès la jouvencelle T. 2 »
Couplets. . Oui c'est demain, ouic'estdemainS. 2 50
Air Je vois marcher sous mabannitre T. h 50
Couplets . . Pourtoujours,toujours,disait-ellc7'. 2 »
GD1D0 ET GINÉVRA.
Romance. . PendantlafÊte.uneinconnue. . T. 5 »
Grand air. Quand renaiti a la pâle aurore . T. 7 50
GUILLAUME TELL.
Burcarolle. Accours dans ma nacelle ... T. 2 50
Air .... O Mathilde, idole de mon âme. T. 7 50
Romance. . Sombre forêt, triste désert et sau-
vage S. 3 »
La même avec récitatif S. k 50
Air .... Pour notre amour plus d'espéranceS'. 5 »
Tyrolienne. Toi que l'oiseau ne suivrait pas S. 3 »
Air .... Asile héréditaire T. 0 »
HAYDÉE.
Couplets. . Il dit qu'à sa noble patrie . . . S. 3 »
Couplets. ■ Ainsi que vous, ainsi quevous . T. 2 50
Barcarolle. Ah! que Venise, est belle ! . . T. 2 50
Air . . . . Unis par la naissance .... 5. 3 »
Couplets de la Urne. C'est la corvette qui, leste
et coquette S. 3 75
Air .... Je suis dans son palais . ... S. â 50
A ir composé pour Mme Vgalde S. h 50
Barcarolle. Glisse, glisse, ma gondole. . . T. 2 50
Air .... Adieu donc, noble ville. ... jT. 2 50
HUGUENOTS (LES).
Romance . Plus blanche quelablan. hermine T. 5 »
Çavaline du page. Nobles seigneurs salut. . S. '6 »
Air . . . . O beau pays de la Touraine . . A' . 7 50
Cavatiné extraite de l'air. O beau pays de la
Touraine S. I\ 50
Cavatiné. . Tu l'as dit, oui tu m'aimes . . T. k 50
JUIVE (LA).
Sérénade. . Loin deson amie vivre sansplaisirs T. 2 ><
Cavatiné. . Dieu, que ma voix tremblante. T. 4 50
Romance . 11 va venir, et d'effroi. . . . S. 4 50
Air .... Rachel, quand du Seigneur . . T. 7 50
Le même arrangé pour soprano 7 50
MOÏSE.
Air .... Ah! d'une tendre mère. ... S. 5 »
MUETTE DE PORTICI (LA).
Air . . . .Ah ! ces cris d'allégresse ... 7. a 50
Air .... Plaisir du rang suprême ... .S. 6 »
Barcarotle. Amis, lamatinée est belle. . . T. 3 75
Air. . . Nous triomphons, mais jour de ter-
reur T. tt 50
Air . . . .Du pauvre, seul ami fidèle . . T. 5 »
Cavatiné. . Arbitre d'une vie S. 3 75
PART DU DIABLE (LA).
Air .... C'est elle qui chaquejour. . . T. 3 75
Air Le singulier :écit que je viens d'en-
tendre S. 4 50
Romance. . Ferme ta paupière, dors, mon en-
fant S. 3 75
Air ... . Eh bien donc, i l'enfer il faut que
je m'adresse 7\ 3 75
Romanesca. Qu'avez-vous, comtesse? . . . T. 3 75
Couplets. . O philosophe ou voyageur. . . T. 3 »
Air .... Depuis longtemps est parti mon
message S. 6 »
PBILTRE (LE).
Air .... La coquetterie fait mon seul bon-
heur S. l> 50
PBË-AUXCLERCS (LE).
Air . . . . Ce soir j'arrive donc dans cette ville
immense T. 5 »
Romance. . Souvenirs du jeune âge. . . . S. 2 50
Air .... Jours de mon enfance S. 5 »
Couplels. . Je suis prisonnière loin du beau
pays S. 2 50
Ronde. . . A la fleur du bel âge S. 2 50
PROPHÈTE (LE).
Cavatiné. . Mon cœur s'élance S. h 50
Pastorale . Pour Berthe moi je soupire . . T. 3 75
Arioso. . . Ah ! mon fils-, sois béni ! transposé
pour soprano S. 3 »
Prière. . . Eternel Dieu sauveur T. h 50
Hymne triomphal. Poi du ciel et des anges T. k 50
Complainte de la Mendiante. Donnez, donnez,
transposée pour soprano. S. 4 50
Cavatiné. . O toi qui m'abandonnes, transposée
pour soprano S. 3 75
Air .... Comme un éclair, 6 vérité. . . S. 4 50
Couplels. . Versez, que tout respire l'ivresseT. 4 50
REINE DE CHYPRE (LA).
Romance. . Le ciel est radieux et cette vive
flamme T- 3 »
Air. . . . Legondolierdanssa pauvre nacelle,
transi osé pour soprano . S. 6 »
Couplets. . Tout n'est dans ce bas monde qu'un
jeu T. 3 75
Cavatiné. . Triste exilé sur la terre étrangèrer. 3 »
Air . . . . Le voici donc enfin l'instant delà
vengeance T. 6 »
ROBERT LE DIABLE.
Ballade. . Jadis régnait en Normandie . . T. 6 »
Romance. , Va, va, va, dit-elle; va, monenfantS. 5 »
Sicilienne . O fortune ! à ton caprice. . . T. U »
Air .... En vain j'espère S. 7 50
Valse infernale Noirs démons, fantômes . T. 4 »
Couplets. . QuandjequittailaNorroandie.. S. 2 »
Cavatiné. . Qu'elle est belle, qu'elle estbelle T. 2 »
Cavatiné. . Robert, Robert, toi quej'aime . ..S. 6 »
SIRÈNE (LA).
Couplets . . O Dieu des flibustiers, Dieu de la
contrebande T. 3 75
Air .... Qu'est-ce donc, mes amis, et quelle
catastrophe T. 4 50
Ronde . . . Prends garde, montagnarde que re-
garde S. 3 »
Cavatiné. . Ah ! je n'ose pas, je n'ose pas . S. 3 75
Vocalise . . Voyez-vous là-bas, parmi les fri-
mas S. 4 50
SIÈGE DE CORINTHE (LE).
Air .... Du séjour de la lumière. ... S. 4 50
Air . . . . Grand Dieu, faut-il qu'un peuple
qui t'adore 7". 4 50
VAL D'ASDORRE (LE).
Chanson du Chevrier. Voilà le sorcier, car il
existe encore, transposée pour
lenor T. 4 50
Romance. . Marguerite qui m'invite. . . . 5. 4 50
Air .... Dans cette fermehospitalière . . T. o »
Romance. . Faudra-t-il donc pâle éperdue . . S. 3 »
Chanson du Tambour. Tambour, toi qui guides
nos pas T. 4 50
Romance. . Toute la nuit suivant atrace. . T. 4 50
ZEBLINE.
^iir .... O Palerme, ô Sicile! transp. pour
soprano S. 6 «
Canzonetla Achetez, achetez, voici des oranges,
transposé pour soprano . S. 5 »
Air . . . . Quand l'âme indifférente ... S. 5 »
Romance . Souviens-toi de nos heureux jours.S. 4 50
Air .... Victoire, ah ! quelle ivresse ! . . S.U 50
IMPRIMERIE CE
HE BERGERE. 2l
BUREAUX A PARI5 : BOULEVART DES ITALIENS, 1.
19e Année.
IV0 8.
22 Février 1852.
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chc/.toiis lus Morclninils (Je .Miismjuc, 1rs Libmin-s
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REVUE
GAZETTE
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Paris, un an 24 fr.
Départements, Belgique el Suisse 30
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Annoncent.
'i'i centiaies la ligne . pour 1 foi*
30 centimes là ligne pour 3 fois.
20 centimes lu ligne pour fi fois.
fil paraît le Dimanche.
m paeïs.
-sAAAf\A/>S8SSJWwv-
SOMMAIRE. — Théâtre de l'Opéra-Comiquc, le Carillonnai)- de Bruges, opéra en
3 actes, paroles de M. de Saint-Georges, musique de M. Grisar (1" représentation),
par Henri Blanchard. — Concerts : Société Sainte-Cécile, Alard et Franc-
homme, etc., par le même. — Vivier à Rouen. — Solfège des écoles et solfège
des chanteurs, de J. Kuhn. — Notice sur un ancien livre relatif à la musique. —
Correspondance, le Prophète 1 Lille. — Nouvelles et annonces.
Nos abonnés reçoivent, avec ce numéro, DEUX MAZURKAS par
Tiéon-Pascal GERVKEEE.
THEATRE DE LOPERA-COMQUE.
EE t'ARIEEOlVJÏEER ME BRUGES,
Opéra -comique en 5 actes, paroles de M. de Saint-Georges,
partition de M. Grisar.
(Première représentation le 20 février 1852.)
Débuts de Mlle Wcrthcimlicr.
Gomme la fameuse Geneviève de Brabant, Marie de Brabant est une
princesse charmante, innocente et persécutée par Philippe II, le duc
d'Albe, surnommé le tigre des Pays-Bas, et par un certain don Juan
de Hermosa, gouverneur de Bruges. Marie de Brabant est donc persé-
cutée, mais innocente jusqu'à un certain point; car, malgré les usur-
pateurs de son duché, qui ne sont pas de très-agréables messieurs, et
qui veulent lui faire garder un célibat forcé, elle a trouvé le moyen
d'avoir un héritier. Le fait est qu'il y a un enfant de fait, mais en tout
bien, tout honneur, né sous l'empire de la légitimité d'un mariage
secret. Ce petit duc, qu'on ne voit qu'au milieu et au dénouement de la
pièce, y joue un rôle important comme l' Orphelin de la Chine et le Joas
d' Athalie. C'est, en effet, sur la récognition de ce souverain en herbe
qu'est basée toute l'intrigue de la pièce.
Béatrix, fille du carillonneur de la cathédrale de Bruges et sœur de
lait de la princesse Marie, prend sur elle la maternité du petit préten-
dant à la couronne, ce qui la compromet fort aux yeux du capitaine
Wilhelm, qui est sur le point de l'épouser, et qui n'en persiste pas
moins à lui donner son nom , malgré la malédiction du père Mathéus
Glaës, le carillonneur, très-rigide sur le point d'honneur. Ce père
Mathéus est un personnage singulier, excentrique et même poétique :
c'est une sorte de Quasimodo qui s'exalte, se grise au son de ses clo-
ches. Bon Flamand et palriote, il a perdu le sens de l'ouïe en voyant les
Espagnols vainqueurs jeter dans la boue, du haut de la grande tour,
le drapeau national; et ce sens perdu ou suspendu lui revient à la vue
de cette espèce d'oriflamme qu'on porte avec honneur dans un proces-
sion, qui va bientôt être le signal de la révolte et de l'affranchissement
des Brabançons.
A ces sentiments de politique, d'amour et d'héroïque amitié, vien-
nent se joindre ceux plus gais de l'agent du duc d'Albe, le gouverneur
de Bruges, le seigneur don Juan, galant suranné qui, comme son ho-
monyme, fait de la séduction auprès de la princesse, qu'il traite avec
tous les égards dus à son rang , et l'amour gauche et ridicule d'un geô-
lier titré. Un autre agent du Saint-Office, ayant nom l'Infernal, et qui ne
justifie pas trop cette effrayante appellation ; un tavernier nommé Van
Bruck, neveu du carillonneur, et la cousine de Béatrix, chanteuse po-
pulaire et marchande d'images de la sainte Vierge, qui fait trouver des
maris aux jeunes filles, se meuvent aussi dans cette action, développée
un peu trop consciencieusement quant à l'étendue, mais dans laquelle
il y a du comique et une coupe musicale qui ne fait jamais défaut à
l'auteur.
Sur ce tableau coloré des passions ardentes du moyen-âge, le com-
positeur a jeté des chants et une harmonie de toutes les époques. Il a
tenté de faire de l'Orlando Lassus, du Bach, car il s'est essayé au style
fugué dans un morceau bachique; du Grétry, du Méhul, du Boïeldieu,
de l'Hérold et jusqu'à du Verdi, dans les masses vocales et les détona-
lions de l'instrumentation. Ce qui lui a le mieux réussi, c'est quand il
a fait du Grisar, de l'harmonie et de la mélodie faciles, comme dans le
trio où le père Mathéus lit, dit et adresse indirectement à sa fille et à
son gendre futur les versets de la Bible, répétés par Béatrix et Wil-
helm, et comme dans le délicieux boléro chanté par la petite Mesen-
gère, diamant vocal de fine ironie, broderie élégante et scintillante
d'esprit, de grâce et de goût, vraie bonne fortune pour les cantatrices
de salon, pour l'éditeur et les auditeurs.
L'ouverture témoigne du respect du compositeur pour la vieille
et bonne forme de ces préfaces musicales ; elle se distingue par une
couleur mélodramatique qui ne lui messied point par ce temps de
musique vague et romantique, ou de péroraisons en galop. La mélodie
principale est facile et distinguée. Ce qu'on nomme la seconde partie
est peu modulée, peu travaillée et rentre trop tôt dans le ton primitif,
mais après la répétition en ré majeur de la mélodie principale, le
triangle intervient avec goût, comme il l'avait déjà fait dans la tona-
lité de la majeur, et sur un placage harmonique des instruments à vent
plein de mouvement et d'élégance. Comme il faut toujours payer tribut
aux exigences de son temps, l'auteur a placé dans sa péroraison une
marche et une fanfare qu'on entend plus tard dans l'ouvrage.
L'introduction, qui se compose d'une prière et de mélodies assez
gracieuses, dites parMesengère, qui vend des images saintes, n'est pas
très-saillante. Béatrix survient et chante une romance en deux couplets
pour voix de contralto, fort bien dits par Mlle Wertheimber, qui dé-
butait par ce personnage dramatique : elle s'y est bien dessinée comme
cantatrice dans ce chant d'un caractère large et religieux, allant du
fa dièze au la avec une belle égalité de voix sur ces deux vers :
Dieu garde au malheur l'espérance
Et vous promet de meilleurs jours.
53
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
Après [un trio de scène, dont il n'y a pas grand chose à dire, Ma-
théus, le carillonneur, vient chanter, célébrer ses cloches gentilles qu'il
n'entend plus. C'est Battaille qui joue et chante fort bien ce rôle de
Mathéus Claës : Battaille, l'acteur et le chanteur au talent si varié, qui
s'est fait, dans ce nouveau personnage, une tête superbe ; Battaille qui
fait rire de sa surdité, comme le bonhomme Geronimo del Malrimonio
segreto, si bien représenté par Lablache, qui, tour-à-tour Procida et
Quasimodo, inspire et terreur et pitié.
Dans un assez bon quatuor de scène un peu trop fourni d'unissons ,
on a remarqué la phrase mélodique dite par Wilhem à Béatrix :
C'est de l'aveu de votre père
Qu'ici je vous parle d'amour.
A la fin du premier acte, on a distingué aussi un joli morceau qui
pourrait se désigner par le trio des fleurs.
Un duo d'amitié expansive et dramatique entre la princesse Marie et
Béatrix ouvre le second acte. C'est après ce morceau que se trouve le
boléro charmant que nous avons déjà cité , cette perle de mélodie en-
châssée dans une harmonie légère et brillante qui en fait ressortir au
mieux le caractère ibérien. Les gammes chromatiques faites par la voix
en descendant sont répondues en mouvement contraire par la flûte
d'une façon neuve et charmante , faites surtout par la voix flexible et
pure de Mlle Miollan, qui montre clans ce joli rôle de Mesengère les
deux facultés qui semblent s'exclure l'une l'autre, d'actrice et de can-
tatrice .
Après ce morceau , qui a été hissé et qui le sera probablement encore
aux représentations suivantes, vient le trio des passages de la Bible lus
par Mathéus. La mélodie en est simple, grave et onctueuse, paternelle
et amoureuse, répétée qu'elle est par les deux amants. Ce trio gagne-
rait beaucoup à se voir débarrassé d'une coda en lieux communs de
musique vocale beaucoup trop prolongée.
Ici se trouve un grand morceau d'ensemble, un septuor con cori, que
le compositeur croit sans doute la pièce capitale de sa partition : nous
pensons qu'il se trompe s'il en est ainsi. C'est du Donizetti, du Verdi ;
ce n'est point de la musique dramatique profondément creusée dans
le cœur humain, exprimant et la haine, et l'orgueil, et l'amour, et la
vengeance, comme le final du second acte de Montano et Stéphanie ,
développant absolument la même situation que celle que M. Grisar
avait à peindre. Berton me disait qu'il se trouva tout-à-coup arrêté au
milieu de ce vaste morceau, sans pouvoir le continuer, et que ce ne
fut qu'au bout de deux mois que l'inspiration et les idées lui revinrent
à cet endroit où Montano dit :
Leonati, tous nos nœuds sont rompus;
A votre fille je renonce,
Reprenez-la, je n'en veux plus!
Le chœur des buveurs de bière par lequel commence le troisième
acte du Carillonneur de Bruges est verveux comme si ceux qui le
disent avaient bu du bourgogne ou du Champagne. C'est chaud, éner-
gique, bruyant et brillant.
Le trio entre Mathéus, Mesengère et Béatrix est dans de bonnes
conditions de musique pathétique. On se prend à penser que la substi-
tution de la main de Béatrix à celle de Mesengère, moyen simple, tou-
chant et vrai, trouvé par le poète, a dû bien inspirer le compositeur.
Enfin des couplets d'une suave mélodie, avec accompagnement de vio-
loncelles, sont chantés par Mlle Wertheimber, qui débutait, ainsi que
nous l'avons dit, par le rôle de Béatrix, personnage dans lequel la jeune
lauréate du Conservatoire prouve son aptitude à jouer le drame lyri-
que, comme elle nous l'avait montré clans les fragments de l'Orphée de
Gluck. Sa carrière s'ouvre sous d'heureux auspices comme cantatrice
expressive et tragédienne.
Mlle Révilly a été charmante de costume et d'intelligence dramatique
dans le personnage de Marie de Brabant. MM. Sainte-Foy et Riquier
jettent tout le comique dont ils sont capables, et ce n'est pas peu dire,
dans leurs personnages de Van Bruck et de don Juan, et M. Boulo, tou-
jours consciencieux et bien placé dans tous les rôles qu'on lui confie, a
été dans le capitaine Wilhelm ce qu'il est partout. Complimenter le
théâtre de l'Opéra-Comique sur la fraîcheur de ses costumes et la vé-
rité de ses décors, c'est tomber dans un lieu commun de louange; mais
il faut dire la vérité, toute banale qu'elle est.
Henri BLANCHARD.
CONCERTS.
Société Sainte-Cécile. — MM. Alartl et l'rancnomme. —
La loge maçonnique «les Frêrcs-unis-iiiséparables. —
Mlle Cliarlottc «le Mallet'ille. — Mlle Joséphine lingot.
— L'Œuvre «les familles — Mlle Virginie Le Normand.
— M. Oennaro Ferrclîi. — M. Srarel. — M. Roger et
Mlle 4-laiiKS. — Concours «le musiques militaires.
La sorte d'instrumentistomanie qui règne maintenant dans l'art
musical a fait naître de nouveaux dilettanli qui ne se plaisent plus
qu'aux œuvres écrites pour l'orchestre ; et ce sont surtout les sym-
phonies et les ouvertures que ces auditeurs aiment généralement à en-
tendre exécuter par la Société Sainte-Cécile, qui s'est posée en rivale
redoutable de la Société des Concerts. La troisième séance donnée par
les artistes si bien dirigés par M. Séghers, a commencé par la chaleu-
reuse ouverture d'Oberon, suivie d'un duo chanté par Mme Ugalde et
Mlle Vavasseur, et d'une Ronde de nuit, en chœur, dans l'intérieur du
Sérail, ce qui forme le final du premier acte de cet opéra. L'ouverture
est trop consacrée par l'admiration des amateurs pour n'avoir pas
paru supérieure aux morceaux de chant qui sont venus ensuite. Quoi
qu'il en soit, l'originalité de Weber s'est montrée dans les deux moiv
ceaux qui ont suivi l'ouverture et qu'on n'avait pas encore, que nous
sachions, exécutés dans Paris. Les soli de chant ont été fort bien dits par
les deux habiles cantatrices, et puis est revenue une belle œuvre instru-
mentale, la symphonie en sol mineur de Mozart. Il y auraitbien des choses
à dire sur cette œuvre tout empreinte de mélancolie et de passion, dans
les quatre morceaux duquel règne un peu trop cependant l'imitation
obstinée , excepté clans le trio en sol majeur du minuetto, qui a été
bissé. Le premier cor a failli deux fois dans ce trio, comme s'il y ren-
contrait ce stupide ut de poitrine qui a fait sombrer tous les ténors de
France et de Navarre et de mille autres lieux.
Le Rosier, romance de J.-J. Rousseau, a été chantée avec assez dé
grâce, de douceur et de justesse par Mme Carmen, Mlles Rosay, Ber-
nard et Dupuy. Le Vin des Gaulois et la Danse de l'épée est une lé-
gende bretonne pour voix d'homme en chœur composée par M. Gou-
nod, et qui a de la vigueur et de l'originalité.
Mme Ugalde a dit la tyrolienne de Betly, de feu Donizetti, avec cette
audace de vocalisation qui caractérise le talent de Imprima donna de
l'Opéra-Comique. Enfin, l'ouverture de Piaïm a fermé ce concert inté-
ressant. Ce morceau, comme tout ce qu'a écrit M. Reber, est bien fait,
bien écrit, bien instrumenté; remarquable parla richesse et le mouve-
ment de l'instrumentation.
— La troisième séance de musique de chambre donnée par MM. Alard
et Franchomme avait attiré une aussi bonne compagnie que les
précédentes. C'est toujours même style, même perfection, même fini
d'exécution; c'est la vie actuelle dans la musique du passé. L'andante
avec variations et le minuetto alla zingarese, d'Haydn , ont été trouvés
ravissants par l'auditoire. Les fragments d'un duo pour piano et vio-
loncelle, par Mendelssohn, musique d'une époque plus rapprochée de
nous, n'ont pas produit autant d'effet que la musique d'Haydn, de Mo-
zart et de Beethoven, ces trois génies qui semblent avoir embelli, per-
fectionné toutes les formes de l'art, et qui ont de si habiles interprètes
en MM. Alard, Armingaud, Casimir Ney, Déledicque et Franchomme.
— La salle de concerts des artistes-musiciens , sise au boulevart
Bonne-Nouvelle (ancien Diorama) , offrait un coup d'œil assez pittores-
que dimanche passé. On y donnait une séance musicale et quelque peu
dramatique. Les artistes et plusieurs auditeurs étaient ornés, décorés
de cordons bleus, rouges, de chevaliers, de commandeurs, qui nous
)E PARIS.
59
ont fait penser un moment que le hasard nous avait poussé au sein de
quelque congrès européen. Il n'en était heureusement rien. Ces di-
gnitaires enrubanés représentaient seulement des grands roses-croix,
des Frères orateurs, tuileurs, de l'ordre maçonnique, qui avaient prié
leurs frères virtuoses do venir déposer sur l'autel de la bienfaisance et
pour des frères malheureux, des duos, des trios, cavatines, roman-
ces, soli, chansonnettes, qui ont formé un charmant programme dont
il esl résulté un concert varié et productif. Lancer un madrigal à
Chacun des artistes qui ont, figuré dans ce concert serait un peu long.
Nous nous bornerons donc à dire qu'on a remarqué dans cette abon-
dante et riche exhibition musicale un excellent trio do M. Bellon pour
llùic, hautbois et cor anglais, fort bien dit par MM. Petiton , Blainville
et Triébert ; des chansonnettes villageoises, chantées délicieusement
par Mme Charles Ponchard , et non moins délicieusement accompa-
gnées sur le hautbois par ce même Triébert ; la Sentinelle , ce chant
guerrier et chevaleresque de Choron , du temps de l'empire, orné de
variations de pianos, violon et guitare, par Hummel , et dit par
MM. Ponchard, Franck , Léopold Dancla et Coste. MM. Panseron ,
comme compositeur et accompagnateur, Wartel, Bussine et Mlle Tille-
mont, premiers prix du Conservatoire, se sont associés, comme chan-
teurs et philanthropes, à cette bonne œuvre. Honneur donc à ces ar-
tistes et à la loge maçonnique des Frères-unis-inséparables !
Honneur aussi à l'Œuvre des familles, excellente et active institution
de bienfaisance à laquelle ont bien voulu prêter le concours de. leurs
talents, dans un concert qui a été donné dans la salle Sainte-Cécile,
Mlle Nau, Mlle Joséphine Martin, Mme Comettant, MM. Hermann-Léon,
Jourdan , Chaudesaigues , Offenbach , Garimond , Batiste pour les
chœurs, et Déledicque, qui a dit, en violoniste habile et distingué, la
fantaisie sur la Favorite de son maître Alard.
— C'est surtout à Mlle Charlotte de Malleville que la qualification de
virtuose habile et distinguée convient, comme pianiste disant égale-
ment bien la musique classique et celle en style moderne. Cette jeune
et brillante artiste a donné samedi dernier la première des quatre séan-
ces dans lesquelles elle se produit tous les ans. Haydn, Mozart, Beetho-
ven, Weber, Mendelssohn, Onslow et même Scarlati, sont les auteurs
qu'elle se plaît à interpréter et par lesquels elle plaît. En la félicitant de
ne pas faire entendre la fantaisie moderne dans ses séances d'excellente
musique, on se prend cependant à désirer de lui voir colorer d'un peu
de fantaisie et de chaleur son exécution si nette et si brillante. Elle a
dit, dans cette première séance , le grand trio de Beethoven , dédié à
l'archiduc Rodolphe , avec toutes les finesses et la vigueur de style,
d'exécution que réclame ce bel œuvre; et puis elle a joué, dignement
secondé par M. Maurin, la sonate du même compositeur pour piano et
violon, et dédiée à Kreutzer, de manière à provoquer de nombreux
applaudissements, dont son partner a mérité une bonne part.
— Mlle Joséphine Hugot a passé d'interprète de la téléphonie de
M. Sudre à l'état de cantatrice expressive et dramatique ; elle prononce
bien, très-bien, trop bien peut-être, les paroles parfois insignifiantes des
romances sentimentales qui parsèment la plupart des programmes de
concerts. Quoi qu'il en soit, elle a donné une fort jolie matinée musi-
cale dernièrement chez Pleyel, dans laquelle elle a chanté avec goût et
un profond sentiment musical, du français et de l'italien. D'intéressantes
individualités musicales, que le public aime à voir se produire, se sont
dessinées dans ce concert : M. Van Gelder, le violoncelliste ; M. Louis
Lacombe, l'habile pianiste ; puis MM. Bussine jeune, Latry et Julien ,
noms encore peu connus du monde musical ; Mme Sievers enfin, dont
la renommée ne s'est pas beaucoup occupée non plus, mais qui n'en
compose pas moins de fort jolies mélodies, et qui chante, et qui s'ac-
compagne sur le piano, d'une manière élégante et brillante, des canti
ioscani, d'un compositeur qui paraît vouloir devenir à la mode, et qui
a nom Gordigiani.
M. Charles Dancla, l'un de nos meilleurs violonistes, a dit dans ce
concert un fort bon solo de violon de sa composition, et qui a été aussi
généralement que justement applaudi. « Coup d'archet vif et brillant,
jeu pur, large et plein de goût, méthode irréprochable, même dans les
traits les plus osés, telles sont les qualités qui distinguent cet éminent
virtuose. » Pas mal jugé, ma foi, pour un journal de province qui ap-
précie ainsi l'artiste parisien.
— Quelques circonlocutions que fasse notre plume dans son itiné-
raire à travers les programmes, il faut toujours qu'elle en revienne à
signaler quelque nouveau ou nouvelle pianiste. Voici venir et monter
sur l'estrade de la publicité, chez Pleyel, Mlle Virginie Le Normand,
jeune virtuose d'une quinzaine d'années, au jeu vif, alerte, mouve-
menté, qui n'exécute guère, à ce qu'il paraît, que de la musique nou-
velle. C'est peut-être le moyen de se faire un succès d'auteur, d'édi-
teurs et d'amateurs.
— M. Gennaro Perrelli, le pianiste sicilien dont nous avons déjà
parlé, a donné un concert dans la petite salle Sainte-Cécile, concert
substantiel par le nombre des morceaux de musique légère. M. Perrelli
possède un talent léger de pianiste, au toucher facile et gracieux ; il a
refait à sa manière les fantaisies sur le Barbiere et la Norma des pre-
miers virtuoses du piano. Il en avait le droit, et il doit s'en applaudir, car
on l'applaudit en écoutant ces mélodies toujours charmantes, pas trop
mal arrangées ; et puis M. Perrelli distribue à ses auditeurs de jolies
petites pièces intitulées le Carillon, la Danse albanaise, etc., qu'il joue
fort agréablement; et bénéficiaire et public se sont retirés fort contents
l'un de l'autre.
— Dans une soirée artistique, et même quelque peu aristocratique,
donnée par M. Erard, les choses se sont passées un peu plus sérieuse-
ment, quoique non moins agréablement. Mme la comtesse de Sparre a
dit avec un profond sentiment musical une des belles mélodies de Schu-
bert, et puis un duo de la Gazza ladra avec Mlle Ida Bertrand, qui a
chanté ensuite un bel air de Roméo, de Vaccai, morceau d'un grand
effet vocal et dramatique.
Rêveries et broderies, étincelles musicales scintillantes comme des
pierreries, ont été jetées ensuite à cet auditoire de femmes distinguées
par la harpe de Félix Godefroid, qui ne s'est jamais montré plus riche
de mélodies et d'harmonie, et plus abondant en traits tout à la fois
énergiques et mystérieux, suaves et brillants.
La nuit ne pouvait guère se passer sans que le piano dit aussi son
mot, fût représenté chez son créateur, son père. C'est M. Léopold de
Meyer qui s'est chargé d'être son interprète. Semblable à ces héros de
salon, à ces petits maîtres qui s'emparent de l'attention, et tiennent on
ne peut mieux le dé de la conversation, le Bosco du piano, l'escamoteur
de toutes difficultés, de toute impossibilité, s'est mis à jaser de tout au
moyen de ses dix,- on aurait dit de ses vingt, de ses trente doigts, fai-
sant parler le clavier, évitant sans cesse la cadence finale ou le point
tenninatif de la phrase pour prolonger sa brillante causerie, et tout
cela s'est terminé par un coup de foudre en harmonie plaquée qui a
prouvé que le virtuose sait déployer autant de vigueur que de grâce et
de légèreté dans une péroraison de vague fantaisie.
— Une soirée du même genre, une sorte de nuit vénitienne, musi-
cale et dansante, a été donnée par Roger, de l'Opéra, dans son hôtel-
boudoir de la rue Turgot. L'aristocratie de l'intelligence et du talent
était là, coudoyant et marchant l'égale de toutes les autres. Roger a
donné le signal de l'inauguration de ce joli temple des arts et du coin-
fort, en chantant une expressive mélodie. Haumann, l'habile violoniste,
y a fait une brillante réapparition, et Mlle Clauss, la pianiste allemande,
s'y est fait entendre aussi. Et, à propos de cette jeune virtuose, nous
avons regret que l'espace ne nous permette pas d'entrer dans le détail
de chacun des morceaux qu'elle a joués au second concert donné pat-
elle mercredi dans la salle Herz. Mais qu'importe cette énumération ?
Ne sait-on pas son aptitude à saisir tous les styles? N'a-t-on pas appré-
cié tout d'abord à son premier voyage à Paris sa facilité brillante, la
variété de son mécanisme, dans lequel elle puise légèreté, force et
suavité, même en jouant les fugues de Bach? La ténuité de son jeu lié)
de son doigter rationnel, le son plein, rond et puissant qu'elle fait ren-
dre à la touche, la placent au rang de nos premières pianistes, et tous
6.0
REVUE ET GAZETTE MUSiCALE
ses auditeurs le lui ont bien prouvé par d'unanimes applaudissements.
■ — Il a beaucoup de proverbes faux, entre autres celui-ci : Qui n'en-
tend qu'une cloche ri entend qu'un son, car le son d'une cloche est
complexe et produit simultanément plusieurs intonations, plusieurs ac-
cords mineurs ou majeurs. C'est en vertu de ce proverbe cependant
que l'état-major de la garde nationale a voulu entendre plusieurs har-
monies, a mis en antagonisme la musique de la garde nationale et les
instruments de cuivre fabriqués par M. Sax, qui, disait-on, offriraient
la possibilité de faire des économies. La lutte a eu lieu dans la cour
du Palais-Royal, lundi passé, et rien n'a manqué à ce combat artistique :
officiers supérieurs et section musicale de l'Institut sur les balcons;
jolies femmes sur les terrasses , venues là pour chercher des com-
motions nerveuses au moyen d'une harmonie cuivrée, et renforcée
de grosses caisses et pas mal de tambours ; applaudissements et chuts
des romains-auditeurs des deux partis, mais qui nous ont paru, pour
être juste, plus nombreux parmi la guerrière bourgeoisie. Tout cela
semblait assimiler les murs du Palais-Royal à ceux de l'antique Jéricho,
ou à ce palais idéal dans lequel se rendra l'humanité tout entière pour
y subir le jugement dernier, proclamé aux sons de sept trompettes re-
tentissantes.
Sans employer les ligures bibliques, M. Sax dit:
« Le maréchal Soult, ministre de la guerre en 1845, nomma à cette
époque une commission chargée de la réorganisation de la musique
militaire. Sax, désigné pour faire partie de cette commission, se récusa.
Le résultat du concours qui eut lieu au Champ-de-Mars fut complète-
ment favorable à ce facteur progressif pour les deux musiques d'in-
fanterie et de cavalerie.
» Aujourd'hui, pour la garde nationale, cette question est de nouveau
soulevée; seulement, on met en lutte la musique d'infanterie et celle
de cavalerie, ce qui est peu rationnel.
» On prétend, et en cela on ne dit pas la vérité, que Sax veut faire
supprimer les instruments de bois dans les musiques d'infanterie. Au
lieu de cela, c'étaient les deux systèmes, proposés par lui en 1845 que
l'on a mis en présence. Bien loin de vouloir supprimer les bois, Sax
vient simplement proposer aujourd'hui de nouvelles modifications, une
association de timbres nouveaux enfin, mais qui n'exclut pas le moins
du monde, dans l'infanterie, les instruments en bois. »
Voici la nouvelle organisation :
2 Flûtes,
2 Petites clarinettes,
6 Clarinettes,
2 Hautbois,
2 Bassons militaires,
2 Saxophones sopranos en si bémol,
2 — altos en mi bémol,
2 — basses en mi bémol,
2 Cornets à pistons,
2 Cors à pistons,
3 Trompettes à cylindres,
3 Trombones.
Plus:
1 Petit, saxhorn aigu en si bémol,
1 — soprano en mi bémol,
2 — contralto en si bémol,
U — alto ténor en mi bémol,
2 — baryton en si bémol,
l) — basse en si bémol ,
2 — contrebasses en mi bé-
mol et si bémol.
1 Grosse-caisse, ,
1 Caisse roulante, Batterie.
2 Cymbales. /
Sax demande : « Que serait l'orchestre de symphonie s'il n'y avait
par une famille d'instruments comme celle des violons pour constituer
le fond de cet ensemble?» Eh bien, pour représenter cette famille
dans la musique militaire, le facteur artiste et consciencieux propose
en instruments de cuivre la seule famille complète des saxhorns , in-
struments qui ont le plus de puissance de son. Si la première condition
de toute musique militaire est d'être vigoureuse , belliqueuse , entraî-
Dans cette réunion d'instruments se
trouve toute l'échelle des difl'érents
timbres, un orchestre complet de fan-
fares, et le fond de la musique mili-
taire, c'est-à-dire ce que sont les in-
struments à cordes pour l'orchestre de
symphonie.
nante ; si, pour éviter la monotonie, elle doit se distinguer par une
grande variété de timbres, pour plaire même dans une salle de con-
certs, vous trouverez dans le système d'organisation ci-dessus énoncé
tout ce qui plaît dans les orchestres de symphonies, moins les violons,
et en plus, pour les musiques militaires, les grandes clarinettes en nom-
bre intelligent et suffisant, une petite clarinette de plus que dans le
vieux système, et les familles de saxophones et de saxhorns.
Pour en finir, nous adresserons cet argument péremptoire à M. Sax :
Pourquoi n'a-t-il pas opposé à ses adversaires un orchestre formé des
éléments que nous venons de mettre sous les yeux du lecteur ? Pour-
quoi donc a-t-il souffert que sa fanfare, qui représente un régiment,
ait lutté contre un corps d'armée?... Peut-être parce qu'il savait d'a-
vance que le statu quo serait maintenu.
Henri BLANCHARD.
VIVIER A ROUEN.
C'était l'autre samedi, jour de la fête annuelle qui se donne au profit
des crèches. Un concert précédait le bal , et , pour ce concert , Rouen
avait levé dans Paris une petite milice auxiliaire d'artistes. Mme Gavaux-
Sabatier, escortée de MM. Michel et Grignon, de FOpéra-National , y
apportait sa voix , qu'on entend souvent , mais qu'on est toujours ravi
d'entendre , et Vivier, ce cor trop longtemps silencieux , mais qui ne
retentit jamais sans produire un effet extraordinaire. Ce qui vient de
se passer à Rouen nous en fournit une nouvelle preuve. L'impression
a été vive et profonde : l'artiste lui-même l'a ressentie, et s'est presque
étonné de son succès, comme la foule d'un talent dont elle ne se faisait
pas l'idée.
Voici comment s'exprime Amédée Méreaux , dans un feuilleton écrit
le lendemain : « Vivier n'était connu à Rouen que par sa célébrité eu-
ropéenne : on n'avait pas encore eu le bonheur de l'entendre. Nous le
connaissions, nous, et nous n'avions pas craint, en l'annonçant, de le
placer trop haut pour tout autre que pour lui !... Vivier est un artiste à
part. Il a été sans modèle : il sera sans imitateurs.... Ce talent original,
communicatif, cette largeur de style, ce chant plein d'expression, et
ces effets harmoniques, dont il est impossible de comprendre le secret,
cet ensemble merveilleux donna tout d'abord à Vivier une réputation
prodigieuse, sous laquelle plus d'un artiste aurait succombé, mais avec
laquelle il a sans cesse grandi.
» Vivier n'a pas eu de maître pour l'instrument dont il tire un si
miraculeux parti. Qui aurait pu lui enseigner ce qu'il était appelé à
créer ? Doué d'une riche et forte organisation musicale, dont il a fait
preuve en écrivant plusieurs compositions vocales très-remarquables,
telles que les deux mélodies l'Oiseau mort et l'Enfant s'endort , il a
consacré ses puissantes facultés à l'étude d'un instrument qui n'existait
pas avant lui tel qu'il nous l'a fait connaître. Son cor harmonique, il
est bien nommé ainsi , est une merveille. Hier, après ces cantilènes
qu'il chante avec tant d'âme, d'onction et de tendre mélancolie, on a
été stupéfait d'entendre cette harmonie à deux, trois et quatre parties,
qui sortent, on ne sait par quelle magie, de son cor enchanté.
» L'enthousiasme du public n'a pas pu se satisfaire en applaudisse-
ments, en acclamations : il a fallu un bis, un rappel , non plus de la
personne de l'artiste seulement , mais de son talent, de son cor, et de
ce morceau qui venait de ravir tout le monde. Avec une grâce du meil-
leur goût, et dont nous ne pouvons trop le remercier, Vivier a consenti
à faire encore une fois le bonheur de son auditoire. Il est revenu jouer
sa fantaisie, qu'il a ravivée par de charmantes variantes, dans les-
quelles il a prolongé ces effets harmoniques, qui saisissent et dont on
ne peut se rendre compte.
» Vivier laisse à Rouen de grands souvenirs. Espérons qu'il revien-
dra nous ravir encore, et dussions-nous, comme c'est probable, ne
jamais le comprendre, nous voulons l'admirer toujours.
» N'oublions pas qu'au milieu de ces merveilles parisiennes, un ar-
DE PARIS.
tiste de notre ville a soutenu dignement l'honneur du corps des artistes
de Rouen. M. Chemin a joué d'une manière très-distinguée sur le haut-
bois une fantaisie de sa composition, qui lui a valu de sincères et una-
nimes applaudissements. »
Ce qu'il ne faut pas oublier non plus, c'est que Vivier n'a pas voulu
seulement enrichir les crèches par son talent , et qu'il a plus que par-
tagé avec elles le prix d'un voyage dont il n'a gardé tout entier que
l'honneur.
SOLFEGE DES ÉCOLES ET SOLFEGE DES CHÀNTEORS,
par J. KliHN.
On s'étonne souvent du nombre toujours croissant des méthodes.
De quel droit? Il y a, dit-on, presque autant de méthodes que de pro-
fesseurs. C'est qu'en effet il en doit être ainsi, surtout pour les hommes
qui ont longtemps pratiqué l'enseignement avec succès et avec honneur.
Parvenus à un certain point de leur carrière, ou bien à l'heure où ils la
quittent, ces hommes d'art écrivent leur méthode, comme les hommes
d'État, les hommes de guerre, les administrateurs écrivent leurs mé-
moires. Ils rédigent en un corps de doctrine le résumé de leur expé-
rience, de leurs observations, de leurs tentatives, et ils le publient pour
l'instruction de leurs successeurs, qui un jour feront comme eux.
Voici, par exemple, M. Kuhn, qui fut, tant qu'il y professa, l'une des
lumières du Conservatoire de Paris, qui sarvait sous la bannière de
l'illustre Cherubini, dont il s'honorait d'être l'élève. C'est par lui que
furent posées les bases de l'enseignement élémentaire ; ce sont encore
ses petits traités si simples, si clairs, si bien ordonnés, qui enseignent
l'évangile musical à tous les néophytes, sans distinction de sexe n.
d'âge. M. Kuhn s'est retiré de l'église militante, en ce sens qu'il a dit
adieu au Conservatoire, à la grande ville, et qu'il a revu sa ville natale,
Montbéliard. Pensez-vous qu'il y soit demeuré oisif? Il y a composé
son Solfège des écoles, son Solfège des chanteurs. Il a mis sa retraite à
profit : il a écrit ses mémoires, et puis il est revenu à Paris pour en
surveiller lui-même la publication. Maintenant que Paris l'a reconquis
il le gardera peut-être, et fera bien.
Le Solfège des écoles a pour but principal l'enseignement collectif.
Notre savant professeur était à peine à Montbéliard, département du
Doubs, qu'il rêva au moyen de le traiter en petit département de la
Seine. Il proposa au Conseil municipal de former un comité, par les
soins duquel les enfants fussent admis au bienfait de l'éducation musi-
cale. Le Conseil vota : le comité se forma, nomma un professeur, ou-
vrit une école, et en moins d'une année plus de cent enfants, garçons
et filles séparément, apprirent assez de musique pour être en état
d'aller, tous les dimanches, à l'église chanter des cantiques à plusieurs
parties. Voilà ce que Montbéliard doit à M. Kuhn, assisté de M. Sta-
nislas Bartosewski, le professeur choisi par le comité. Dans l'œuvre
commune, M. Kuhn était la pensée, le professeur était la voix. Partout
où l'épreuve sera tentée avec la même intelligence, les mêmes résultats
seront obtenus. Partout où on voudra la tenter, le Sjlfége des écoles
fournira la recette, en soixante et quelques pages. L'auteur ne donne:
pas seulement la méthode : il y ajoute la manière de s'en servir.
Le Solfège des chanteurs est la suite et le complément du Solfège
des écoles. Tout ce qui se trouve dans ce dernier se retrouve néces-
sairement dans l'autre ; le point de départ n'a pas changé, mais le but
n'est plus le même. Il ne s'agissait d'abord que de faire des musiciens
capables de chanter en chœur ; il s'agit à présent de préparer des chan-
teurs solistes. Et nous disons de préparer, car M. Kuhn n'a pas eu la
prétention d'écrire une méthode de chant : à d'autres que lui cette
tâche si habilement remplie par des maîtres qui joignent l'exemple au
précepte. Il n'a voulu qu'enseigner le solfège, de telle sorte que son
étude fût une véritable et raisonnable introduction à l'art du chant.
Tant de fois le solfège a été accusé de fatiguer les voix , de les briser
par la violence et l'exagération de ses exercices, que tous ses amis dé-
voués, tous ceux qui comprennent le mieux son utilité, semblent au-
jourd'hui s'être donné le mot pour le ramener à la condition d'inno-
cence. M. Kuhn y a travaillé plus que personne, et nous nous dispen-
serons de démontrer qu'il y a réussi. Cent témoignages ont devancé le
nôtre: témoignages de ses collègues, professeurs et membres du Co-
mité des études musicales : témoignages de ses élèves les plus distin-
gués, anciens pensionnaires du Conservatoire, parmi lesquels sont
inscrits Massol, Delsarte, P.évial, Roger et tant d'autres.
Le Snlfége des chanteurs, comme le Solfège des écoles, se présente
donc avec toutes les garanties que le public est en droit d'exiger et un
auteur en mesure d'offrir. M. Kuhn pourrait dire en tou!e conscience:
Ej.egi monui/enlum , si nous ne savions qu'il se réserve cette phrase
sacramentelle pour un autre ouvrage qu'il achève en ce moment, et
dans lequel il fera pour l'harmonie ce qu'il a fait pour le solfège. On
ne saurait lui demander plus ni mieux.
P. S.
NOTICE
Mia- «ni ancien livre relatif à la iiauNi<iiie.
Ponlus de Thyard, seigneur de Bussy, né en 1521, mort en 1605,
occupe parmi les poètes français du xviP siècle un rang honorable. Ses
Err- urs awourei ses (Lyon, 1555), ses Œuvres poétiques (Paris, 1573),
sont loin d'être sans mérite (1) ; mais ce n'est pas de ses vers que
nous avons à nous occuper ici.
11 publia à Lyon, en 1542, sous le titre assez bizarre et un peu obscur
de Solitaire premier ou prose de muses, un album consacré à des con-
sidérations sur l'inspiration poétique et à des préceptes littéraires dont
des pièces de vers offraient immédiatement l'exemple (2). Quelques
années plus tard, on vit sortir des presses lyonnaises un Solitaire se-
cond, qui est demeuré ignoré de presque tous les bibliographes, et qui
est devenu d'une rareté exrème. A la vente de la belle bibliothèque de
M. Cailhava, en 1846, un exemplaire, objet d'une lutte acharnée de la
part de plusieurs amateurs, s'éleva jusqu'au prix de 175 fr.
C'est de cette composition, entièrement consacrée à la science musi-
cale, que nous nous proposons de parler aujourd'hui.
Le Solitaire second forme un volume in-A° de 160 feuillets et 10
feuillets non chiffrés. Il est imprimé avec le soin et la netteté qui ca-
ractérisent les productions typographiques des frères de Tournes. En
tête, le portrait de l'auteur, barbe épaisse, longues moustaches.
On rencontre d'abord une dédicace à Pasithée, nom sous lequel Pon-
thus de Thyard déguise la dame de ses pensées;. L'orthographe, de
même que chez bien des auteurs du xvie siècle, s'écarte des règles ha-
bituelles :
« Si d'une diligente solicitude jay quelquefois satisfet à votre stu-
» dieus désir: j'espère que ma continuacion présente ne rencontrera
» moins de gracieuse faveur auprès de votre gentil esprit , autant ami
» des Mathemates, disciplines libérales et lettres plus humeines qu'en
» sont ennemis certeins grossiers farineus, ignorant qu'elles servent
» d'escalier pour monter au saint palais de Filozofie. »
L'ouvrage se déroule sous la forme d'un dialogue entre Pasithée et
le Solitaire; celui-ci exalte l'art auquel il a consacré ses veilles :
« La Musique me semble si vivement raporter entre nous le vrey
» pourtrait de la Tempérance que l'ignorant de musique doit penser
» son aine estre boiteuse et impuissante d'arriver au but que lui mon-
» tre celle vertu non jamais assez louée. »
Pasithée se montre jalouse de s'instruire, et l'entretien s'engage de
la façon suivante :
(1) Voir, à l'égard de cet écrivain, les Mémoires de Kicéron, t. XXI, p. 292, la
Bibliothèque française de Goujet, t. XIV, p. 3U ; la Bibliothèque poétique de
M. Viollet Leduc, t. I, p. 33, etc.
(2) Le savant auteur du Manuel du libraire, M. J.-C. Brunet ne mentionne pas
une édition du Solitaire premier (Paris, Galiot-Dupré, sans date', qui s'est montrée
dans quelques ventes récentes ; il n'indique vaguement qu'une édition du Solitaire
second, 1552. Celle de 1555 lui est restée inconnue. C'est une preuve de l'excessive
rareté de ces volumes, qui ne convenaient en effet qu'à un petit nombre de lecteurs
REVUE Eï GAZETTE MUSICALE
« Nonobstant que la musique soit en basse et vulgaire estime pour
ce temps, si me donnez vous envie d'en ouïr quelque chose, puis que
sa connoissance est de si excellente éficace en l'élévation de l'ame
par aliance avec la fureur poétique, et de ce, Solitaire , je vous prie
me satisfaire.
» De ce que j'en sais, Pasitliée, je ne veus vous espargner la parole ;
vray est que je débatrois une chose trop confessée entre les doctes si
je ne travaillois de recueillir les argumens desquelz l'honneur, et le
mérite de la musique et de la poésie sont soutenus. Chez les anciens,
la musique servoit d'exercice pour réduire l'ame en une parfette
temperie de bonnes, louables et vertueuses meurs, esmourant et
apaisant, par une naïve puissance et secrette énergie, les passions et
afeccions, ainsi que pour l'oreille les sont estoient transportés aux
parties spirituelles
» Musique est une disposition de sons proporcionables, séparez par
propres intervalles, laissant ans sens et à la raison une vraie preuve
de sa consonance -, et d'autant qu'elle procède de certeins nombres et
mesures de voix et de son pour s'acomplir, elle considère les sons,
harmonies , consonances , tons, intervalles , diustemes , systèmes ,
genres en espèces, nuances, modulations et autres telz mots propres
à elle. Le son donq s'engendre nécessairement d'un frapement d'air
et en figure ronde petit à petit augmentée en cercle en manière de
ceus qu'un get de pierre forme en l'eau, parvient à l'oreille où elle se
fait ouïr diversement; ores bas, si le coup est lent ou tardif; ores
haut, si le coup est grand et soudein (pour essay de quoy une verge
ou baguette maniée en l'air peut suffire), duquel il faut tenir tel
> contre entre les musiciens que de l'unité entre les aritméticiens et
» entre les géométriens du point; autre chose ne sinifie il qu'une har-
» monieuse estendue ou continuation de voix. »
Suivent de très-savants et très-abstraits détails sur l'harmonie, la
consonnance, les intervalles accordants, composés en simples et sur
les divers modes de la musique grecque. Des figures compliquées ac-
compagnent les détails techniques qu'entasse Pontus de Thyard, et
que nous passons tout à fait sous silence. Il finit par exprimer un vœu
qui n'a point été exaucé :
« Bien voudroy je que quelqu'un , plus hardi et plus que moi
» suûsant, entreprint et vint à chef d'un art poétique aproprié aus
» façons françoises ; je requerrais qu'il prescrit des loix musicales,
» nommées loix anciennement, pour ce que selon leur disposition ,
» laquelle il n'estoit permis d'enfreindre, la mode de chanter et la
» façon des rimes estoient gardées inviolablement ; joint que les pre-
» miers, privez de la commodité des lettres ausquelles ils pussent fier
» la conservation de leurs loix, les chantoient et aussi les montraient
» aus jeunes, à fin que le plaisir du chant, rechanté souvent, les im-
» prima plus tenamment en la mémoire. »
En terminant ces longs entreliens, qui auraient pu lasser la patience
de la belle Pasithée, Ponthus annonce le projet de faire paraître un
Solitaire troisième; mais cet ouvrage, s'il a été composé, est demeuré
inédit , du moins nous n'en avons nulle part rencontré la moindre
trace.
C. B.
CORRESPONDANCE.
I.K PROPHÈTE A I,BI>ïiF.
Notre ville vient de jouir de la plus magnifique mise en scène que son
théâtre ait jamais offert. La direction, tombée il y a quelques mois à peine
par suite d'une spéculation purement mercantile, vient de se relever, sous
une administration habile et courageuse, aux plus grandes proportions
artistiques, par l'exécution du Prophète.
Les journaux de la localité sont unanimes pour proclamer l'immense
succès de la première représentation qui a eu lieu le 13 février; quelques-
uns même vont jusqu'à dire que si l'on tient compte de l'énorme dispro-
portion des moyens, le théâtre de Lille aurait presque un mérite égal à
votre Grand-Opéra. Sans vouloir discuter cette opinion, jusqu'à un certain
point légitimée par l'étonnant ensemble des masses chorales, l'exécution
supérieure de la partie orchestrale et des deux rôles de Fidès et dm Pro-
phète, ou admire les miracles de persévérance et d'efforts individuels
qu'il a fallu pour amener à un pareil résultat la première représentation,
qui n'est ordinairement en province que la dernière répétition générale.
Les honneurs en reviennent d'abord à M. Caruel, directeur, etBénard,
chef d'orchestre. Vous connaissez ce dernier, et vous savez qu'il a monté
et dirigé les chœurs du Festival, où déjà figurait le prêche des anabap-
tistes. Tous ceux qui ont vu le Prophète à Paris peuvent apprécier ici le
mérite transcendant de M. Bénard , car il n'y a pas un mouvement qu'il
n'ait deviné, pas une nuance qu'il n'ait fait ressortir. Disons que son or-
chestre a manœuvré et reçu son impulsion avec une complète intelligence
dans toutes les parties sans exception : aussi le public a-t-il à plusieurs
reprises témoigné par ses chaleureux bravos la part spéciale qui devait
lui revenir. Cet orchestre renferme beaucoup d'artistes d'élite ; nous ne
pouvons tous les nommer, mais aucun d'eux ne blâmera notre exception
en faveur de Baumann, sa plus ancienne et sa plus solide gloire !
Il est aussi un homme auquel revient une mention d'autant plus juste,
que jamais il ne peut recueillir directement les applaudissements du pu-
blic. . . A celui-là, pourtant, une couronne est bien due..., ne fût-ce que
celle du martyr : le régisseur ne l 'est-il pas effet pendant la première
représentation, après l'avoir été durant toute les répétitions! A Lille, cet
artiste infatigable et consciencieux est M. René, qui avait déjà monté le
Prophète à Anvers. Que ce succès le récompense donc aussi à son tour, et
le guérisse surtout de l'enrouement obligé qui suit la mise en scène d'un
aussi grand ouvrage.
Vous n'attendez pas une analyse des première et deuxième représenta-
tion ; toutes deux ont excité le même enthousiasme et amené les mêmes
ovations pour Fidès, Mme Rey-Sainton ; le Prophète, Octave. Voilà donc
un grand, un légitime succès sur la scène de Lille ; et ce succès est d'au-
tant plus étonnant, qu'il est obtenu malgré l'avalanche de bals et de con-
certs qui se succèdent ici chaque jour, et surtout après l'influence d'un
jubilé qui semblait avoir mis à l'index les nobles jouissances du théâtre,
et menaçait le bien-être de 300 personnes chez lesquelles l'espoir et l'ai-
sance vont reparaître à la voix du Prophète.
NOUVELLES.
%* Aujourd'hui dimanche, par extraordinaire, à l'Opéra, le Prophète.
* '■*■ Le Juif errant est plus que jamais en possession de tout le person-
nel et de tout le théâtre du Grand-Opéra. L'apparition de Mlle Lagrua dans
cet important ouvrage est signalée d'avance comme devant faire événe-
ment. La jeune cantatrice réunit un ensemble de qualités tellement pré-
cieuses que son avenir n'est pas douteux.
* * Lundi dernier, le Prophète, chanté par Gueymard et Mlle Masson,
avait complètement rempli la salle.
* .* Guillaume Tell, donné le mercredi suivant, et dans lequel Guey-
mard chantait aussi le rôle d'Arnold, n'a rien perdu de la faveur publique.
* * Vendredi, la Juive nous a été rendue avec Mairalt, qui reparaissait
dans le rôle d'Eléazar ; Mlle Dameron chantait celui de Rachel, et
Mlle Nau, celui d'Eudoxie. Le jeune ténor est revenu à peu près tel qu'il
était parti. Le chef-d'œuvre aussi est toujours jeune et magnifique.
* * Sophie Cruvelli a chanté quatre fois la semaine dernière, et porté à
elle seule tout le poids du répertoire, dimanche dans Fiddiv, mardi dans
Norma, jeudi et hier dans Nabucoionoior. La jeune cantatrice ne paraît
nullement fatiguée de sa tâche; au contraire, son talent grandit chaque
jour et le succès fait de même.
*.* L'autre samedi, Maria di Iiohan avait été fort bien rendue par Fer-
lotti, Ida Bertrand, Guasco et Mme Fiorentini.
* * Mlle d'Angri, qui chantait il y a deux ans au Théâtre-Italien avec
un succès remarquable, vient d'être engagée pour plusieurs représenta-
tions par M. Lumley. La célèbre artiste se fera entendre, pour sa rentrée,
dans Vllaliana in Algieri, de Rossini.
%* Hier, samedi, la première représentation de deux ouvrages nou-
veaux a dû avoir lieu au théâtre de l'Opéra-National. L'un est en deux
actes et a pour titre les Fiançailles des roses ; l'autre est en un acte, du
genre bouffe, et s'appelle la Poupée, de Nuremberg.
*.„* L'Abîme de la Maladetta est toujours en prespective, et le lointain
se rapproche peu à peu.
%* MmeStoItz, dont nous avions annoncé le départ pour Lisbonne, ne
restera que quelques mois dans cette ville. Elle se rendra de là au Brésil,
où elle est engagée, dit-on, pour dix mois, moyennant la somme de
120,000 fr.
V L'immense succès que Mlle Clauss a obtenu dans son deuxième con-
cert a décidé la jeune artiste à en donner un troisième, qui est annoncé
pour le 14 mars.
*J! M. Lemmens, habile organiste belge et professeur d'orgue au Con-
servatoire de Bruxelles, est en ce moment à Paris. Cet éminent artiste,
dont nous avons plus d'une fois constaté le mérite supérieur, touchera le
nouvel orgue de St-Vincent-de-Paul, ce chef-d'œuvre d'Aristide Cavaillé-
DE PARIS.
63
CoiUfils, le mercredi, 25 février.; jjeur des Cendres, à. deux heures préci-
ses.'Quoique celte séance n'ait aucun carariéro il'1 publicité solennelle,
nous croyons rendre un service réel aux véritables amatçurs de musique
d'orgue en leur offrant l'occasion 'd'entendre et d'appréoïer un beau talent
et un bel instrument, vraiment dignes l'un de l'autre.
*„* Le troisième concert de Ennst, annoncé pour le 1" mars, excjtè le
plu« vif intérêt dans le monde musical. Le célèbre violoniste y exécutera
un des beaux quatuors de Alendelssohn, les airs hongrois, son Carnaval
de Venise, et avec Mlle Clauss, deux mouvements de la grande sonate de
Beethoven, pour piano et violon.
*„* Voici le programme du concert que M. et Mme Léonard donneront
le vendredi soir, 27 février, à la salle liera. M. Léonard exécutera un
grand concerto de sa composition, sa fantaisie sur des motifs de Richard-
Cceur-de-Lion (à la demande générale), et des variations sur un thème
d'Haydn. Mme Léonard (née Antonia de Mendi) chantera l'air de la Son-
nambula, l'air de Ccnerentola, et des chansons espagnoles de Garcia.
Mlle Grœver, l'habile pianiste, se fera entendre dans la même soirée. L'or-
chestre sera conduit par M. Georges Bousquet.
*„,* La Société Sainte-Cécile donnera son quatrième concert de l'abon-
nement le dimanche 29 février, â deux heures de l'après midi, a. la salle
Sainte-Cécile, /i9 bis, rue de la Chaussée-d'Antin. — En voici le pro-
gramme : Symphonie militaire, de Haydn ; Ballade du deuxième acte d'O-
béron, chantée par Mlle Guillemard ; Mer calme et heureuse traversée, chœur
de Beethoven ; ouverture de Coriolan, de Beethoven ; chœur d'Echo et
Narcisse, de Gluck; Sanctw, de M. Gounod; le solo de ténor sera chanté
par M. Gueymard; ouverture composée pour l'opéra: Robert-le-Diable,
de Meyerbeer. — L'orchestre sera dirigé par M. Seghers. — Les chœurs
seront dirigés par M. Wekerlin.
*„* Berlioz va partir pour Londres, où l'appelle la direction de la nou-
velle Société philharmonique.
*„* Onslow, le célèbre compositeur, est à Paris depuis quelques jours.
*„,* Le concert de Léopold de Meyer aura lieu le 8 mars (et non le 10),
dans la salle de Ilerz. — Le prix des places est de 5, 10 et 15 fr.
%* Une matinée dramatique et musicale sera donnée le 7 mars pro-
chain, dans les salons de Pleyel, par la jeune et intéressante artiste,
Mlle Marie Mira, avee le concours de Mlle Rachel, Mlle Lefebvre, de
Roger et de Levassor.
*„* La Cour d'appel de Lyon vient de consacrer de nouveau le grand
principe de la propriété littéraire et musicale. Elle a confirmé les divers
jugements, rendus à la requête de la Société des auteurs et compositeurs
de musique, contre les cafés-chantants de cette ville, et elle a condamné,
en outre, chacun d'eux à 100 fr. de nouveaux dommages-intérêts. Les
propriétaires de ces cafés, qui s'étaient d'abord pourvus en cassation,
mieux conseillés, se sont désistés de ce pourvoi, et ont aujourd'hui tous
traité avec l'agent général de ladite Société.
%.* M. Jules Lefort annonce des séances qui auront lieu chez lui, rue
Labruyère, 28, et dans lesquelles ses élèves se réuniront pour faire de la
musique d'ensemble. La première aura lieu le premier samedi du mois
de mars prochain.
%* Nous pourrons bientôt juger par nous-mêmes du mérite de M. Baz-
zini, le violoniste, dont nous avons souvent enregistré les succès. Cet
artiste vient d'arriver à Paris et donnera bientôt un concert. Dans le
compte-rendu de celui qu'il donnait il y a peu de jours â Boulogne-sur-
Mer, nous trouvons la mention d'un morceau, le quatuor des Puritains,
pour violon seul, exécuté par lui d'une manière extraordinaire. Mlle Bla-
hetka s'est distinguée aussi comme pianiste du genre le plus élevé dans
cette matinée, et Mlle Heisser, comme cantatrice.
*„* Alexandre Batta vient de donner tout récemment un concert à
Bruxelles avec le succès qui lui est assuré partout.
%* Mme Dufiot-Maillard, qui s'est produite avec beaucoup de succès
dans la Favorite et la Juive, au grand théâtre de Bruxelles, doit y chanter
bientôt le rôle de Pidès du Prophète.
Y lime Castellan a terminé Je cours de ses brillantes représentations
au théâtre italien de la même ville.
%* M. A. Ropicquet, l'excellent violoniste-accompagnateur, professeur
au lycée de Louis-le-Grand, vient d'être nommé maître de chapelle de la
nouvelle église de Saint-André, rue de Provence.
** Le deuxième concert du Cercle musical aura lieu le lundi gras 23
février, à une heure, à la salle Sainte-Cécile. On y entendra Aille Nau
dans l'air de Doua Anna de Dun Juan, et l'air de concert de Bériot. L'or-
chestre dira les morceaux suivants : la Symphonie des Enfants, d'Haydn,
dite par des instruments- joujoux; un nocturne de Spohr pour tous les
instruments à vent soli et un concerto à deux pianos deMozart. Ces
trois morceaux sont encore inconnus à, Paris.
%* Jeudi k mars 1852, Mlle Judith Lion donnera une séance de musi-
que de chambre dans la salle de M. Sax, rue Neuve-Saint-Georges, 10.
CRON1QUE DÉPARTEMENTALE.
*„* Bordeaux. — Le Comité de la Société de Sainte-Cécile vient de pu-
blier le résumé de ses travaux annuels, rédigé par M. Calixte Dupont, se-
crétaire général. Les progrès de la Société, sous le double rapport de
l'art et de la bienfaisance, y sont rapportés avec exactitude, et le tableau
du passé est de nature à inspirer confiance en l'avenir. Le compte-rendu
se termine par la mention de la décision prise, sur l'initiative du prési-
ilrni, que le Çontité souscrirait au monument à éleyer b Charles-Marie de
Wéber, l'illustre auteur de Frcîs'cliuh et dfOberon.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
*„* llertni. — Le théâtre Frédéric AA'ielhlmstadt a donné pour la pre-
mière fois Sarah. opéra nouveau de M. Telle. Cette partition, qui offre
quelques morceaux remarquables et qui est parfaitement instrumentée,
;. été très-bien accueillie. A la fin de la représentation, le compositeur à
été rappelé sur la scène avec tous les acteurs qui avaient joué dans la
pièce. Un nouvel opéra de Schaeffer, la Belle Gasconne, est en répétition
à ce théâtre. — La soirée pour l'Association Gustave-Adolphe a été le
diamant de la saison On y a entendu le concert pour trois pianos, par
S. Bach , exécuté d'une manière magistrale par MM. Dorn, Taubert et
Steifensand; un trio de Fanny llensel , joué par MM. Taubert, Zim-
mermann et Gans. Une scène d'Orphée, par Gluck, admirablement 'han-
tée par Aille Wagner, a éïectrisé l'auditoire.
V Vienne, 15 février. — Le nombre des facteurs d'instruments de mu-
sique dans notre capitale est actuellement de trois cent trois, savoir :
douze constructeurs d'orgues; vingt-neuf fabricants d'instruments à vent
en bois et en métal; dix-neuf luthiers ou fabricants d'instruments à ar-
chet ; cent fabricants de pianos et quatre-vingts fabricants des diverses
parties qui composent le piano ; quatre fabricants de philharmonicas; cin-
quante-neuf fabricants d'harmonicas, genre d'instruments très-aimé en
Autriche.
V Weimar, 30 janvier. — Mme Sontag vient d'arriver ici pour donner
six représentations sur le théâtre de la Cour, et Lucile Grahn y paraîtra
Mme Sontag et Lucile Grahn se rendront ensuite à Dresde et à Vienne.
V Varsovie. — Mme Moriani, la femme du célèbre ténor, a débuté
avec succès au Grand-Théâtre par le rôle principal de l'opéra Linia di
Chamouni. De vifs applaudissements et plusieurs rappels sur la scène ont
récompensé le talent et les efforts de Aime Moriani, pour laquelle on tra-
duit en ce moment les Lombards, de Verdi, en langue polonaise.
V Stockholm. —L'Académie royale de musique a célébré l'anniver-
saire de sa fondation par un grand concert, dont les honneurs ont été pour
le jeune élève Olsen, âgé de douze ans.
%* Rotterdam. — Le pianiste R. Willmers a donné trois concerts avec
le plus brillant succès. — Le Roi de Bohême, opéra nouveau, de Hutschen-
ruyter, a été favorablement accueilli.
V* Turin. — La saison est en pleine activité : nos théâtres, il y en a
sept ou huit, font tous les jours chambrée complète.
*;* Madrid.. — Au Théâtre-Royal on donne en ce moment Nina ou la
Folk par amour. C'est Mlle Alboni qui chante le rôle de Nina.
V Constanliwiplr, 5 février. — Quoique l'état musical du pays ne soit
pas des plus satisfaisants, sous le rapport du goût des amateurs, Aille Er-
nesta Grisi et M. Antony Rambaud, baryton, ont été fort bien reçus.
La cantatrice a produit beaucoup d'effet dans plusieurs airs italiens, la
cavatine de la Favorite et le duo du même ouvrage avec le baryton, dont
la voix sympathique est d'une grande justesse. L'orchestre a exécuté plu-
sieurs valses, quadrilles, polkas. La valse de Zerline et le quadrille de
Mosquila ont obtenu la palme. AI. Emile Solié, ex-rédacteur de plusieurs
journaux français, est très-applaudi comme chanteur ou diseur de chan-
sonnettes. Le théâtre n'est guère comfortable. Les rats y ont élu do-
micile, et le public même ne les dérange pas. M. Poussard, jeune violo-
niste très-habile, n'a pu parvenir à les faire déloger. Il a eu du succès
mais peu d'auditeurs.
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64
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GAZETTE MUSICALE
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-v^\aiwt©©<s©\A/vvw^-
SOMMAIRE. — Théitre de l'Opéra-National, les Fiançailles des Roses, opéra-comi-
que en 2 actes, et la Poupée de Nuremberg, opéra bouffon en 1 acte (lrc' repré-
sentations), par Uiisiiiie Héqnet. — Auditions musicales : M. Lemmens,
M. et Mme Léonard, M. Rosellen, etc., par nenri Blanchard. — Association
des artistes musiciens, concert et musique de chambre. — Nouvelle Société phil-
harmonique de Londres. — Correspondance, Bruxelles. — Nouvelles et annonces.
Malgré l'augmentation des frais de timbre et de poste que le décret
organique sur la presse impose à tous les journaux, les abonnés de la
Revue et Gazette musicale continueront de la recevoir au même prix,
et rien ne sera changé dans les conditions de leur abonnement.
THEATRE DE L'OPÉBA-NATIONAL.
1° LES FIANÇAILLES DES ROSES,
Opéra-comique en 2 actes, paroles de M. Deslys, musique
de M. VtLLEBLANCHE.
2° LA POUPÉE »E IVURENBERti,
Opéra, bouffon en 1 acte, paroles de MM. Lelven et Arthur
de Beauplan, musique de M. A. Adam.
(Premières représentations le 21 février. )
Deux opéras le même jour, et avalés en une seule bouchée ! On
n'accusera pas l'Opéra National de manquer d'appétit. Cela, d'ailleurs,
s'explique par son acte de naissance. Il est encore enfant. A son âge,
pour croître et acquérir desj forces, il faut beaucoup manger, beau-
coup digérer.
On conçoit, d'ailleurs, que tous les morceaux ne soient pas égale-
ment succulents, et, pour ne pas sortir du sujet spécial qui doit nous
occuper aujourd'hui, nous offrons de parier que la Poupée de Nurem-
berg profitera plus à l'élève que les Fiançailles. Non pas que nous fas-
sions fi des Fiançailles. Dans un repas bien ordonné, la salade a son
mérite et tient honorablement sa place ; mais le rôti est plus substan-
tiel.
Parlons d'abord des Fiançailles des roses , puisque aussi bien cet
ouvrage est le premier en date. La Poupée de Nuremberg aura son
tour.
En Hongrie, toute jeune fille a un moyen infaillible de connaître, si
elle le désire, le mortel, connu ou inconnu, présent ou éloigné, que le ciel
lui a destiné pour époux. Mais il faut qu'elle prenne bien son moment.
Elle n'a qu'un jour pour cela : c'est celni où elle atteint sa dix-huitième
année. Ce jour-là, qu'elle dresse une table, qu'elle y étende une nappe
d'une entière blancheur, qu'elle place dessus deux bouquets de roses :
à l'heure de minuit , si elle a eu soin d'éteindre toutes les lumières,
elle verra, à la clarté de la lune, l'ombre, le fantôme de son futur époux
paraître tout à coup, prendre l'un des bouquets, puis s'avancer vers elle
et lui effleurer le front d'un baiser chaste, ou , pour mieux dire, de
l'ombre d'un baiser. Cela fait , il ne lui reste plus qu'à chercher l'être
vivant qui ressemble à l'apparition qu'elle a vue, et à repousser obsti-
nément tous les prétendants qui ne lui ressemblent pas.
Les filles de la Hongrie sont vraiment privilégiées.
Je devine bien ce qui vous embarrasse. Il ne fait pas toujours clair
de lune à minuit. Quelle est la ressource des jeunes filles dont le dix-
huitième anniversaire coïncide avec la nouvelle lune? Je n'en sais rien,
en vérité.»Il faut vous adresser à M. Deslys, qui en sait plus que moi sur
ce point, et qui se fera, sans doute, un plaisir de vous satisfaire.
Pour le moment cela importe peu, car le dix-huitième anniversaire
d'Youla correspond précisément à la pleine lune. Evidemment, Youla
est née sous un astre des plus favorables. Le sort a pour elle mille
prévenances. C'est ainsi qu'il a placé tout près d'elle l'heureux Hongrois
qui lui est destiné. Wilhelm est depuis longtemps déjà le secrétaire de
son tuteur. Wilhelm l'adore en secret, mais il n'ose le lui dire, car elle
est riche et il n'a rien. Désespéré de cette inégalité de fortune qu'il
vient d'apprendre, il ne songe plus qu'à s'éloigner, quand Youla entre
tout à coup pour exécuter sa petite conjuration. Heureux Wilhelm ! il
n'a plus qu'à se laisser faire. On lui dit de prendre le bouquet, et il le
prend. On lui demande un baiser, et il le donne. Vous devinez le reste,
et je n'ai pas besoin de vous raconter le dénouement.
Il y a quelque nouveauté dans cette légende, et une petite dose de
fantastique qui ne pouvait manquer d'allécher un musicien. La musique
parlant un langage où rien n'est précis, où aucune idée ne revêt une
forme arrêtée, s'accommode àmerveille de tout ce qui semble sortir du
monde réel. Le sujet des fiançailles des roses revenait donc de plein
droit à l'opéra-comique. On ne peut, d'ailleurs, méconnaître ce qu'il
a de gracieux et de frais. Peut-être M. Deslys aurait-il gagné à le res-
serrer en un seul acte ; son action dramatique en aurait été plus vive.
Telle qu'elle est, néanmoins, elle ne manque pas d'intérêt, et l'entre-
vue des deux amants, au clair de la lune, est une fort jolie scène.
La partition est le début de M. Villeblanche, à qui nous ne voulons
reprocher trop sévèrement ni la maladresse de certains accompagne-
ments, ni l'élévation excessive de quelques phrases trop hautes, évi-
demment, même pour les plus hautes voix de ténor. Tout ce que nous
pourrions lui dire à cet égard, l'expérience, sans aucun doute, le lui a
appris.
Il n'y a rien de plus nécessaire à un compositeur que de s'entendre
exécuter. On peut parier que ces petits défauts que nous signalons ne
se retrouveront pas dans le second ouvrage. Il suffit de lesavoir reconnus
pour les éviter. L'essentiel, ce sont les idées heureuses, les méIodies
simples, faciles et expressives. Il y en a assez dans la partition pour
expliquer et légitimer le succès non douteux qu'elle a obtenu.
Le sujet de la Poupée de Nuremberg a été pris dans les contes
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REVUE ET GAZETTE MUSICALE
d'Hoffmann ; mais l'arrangement scénique et tous les détails du dialogue
appartiennent aux auteurs français à aussi juste titre que la musique
appartient au musicien.
Nous ne chercherons pas à analyser cette folie. Il s'agit d'une poupée
qne son auteur, maître Cornélius, veut animer au moyen d'une conju-
ration magique. Quand elle vivra , il la mariera avec son fils chéri ,
Donathan. C'est , comme on voit, un Pygmalion germanique. La poupée
s'anime, en effet, grâce au diable, qui se met de la partie. La voilà qui
s'avance, qui gesticule, qui chante ; puis qui , de femme, devient dia-
ble, renverse la table, brise les plats et les bouteilles, bat le tambour,
sonne de la trompette, met en pièce tout le fonds de boutique de maître
Cornélius, fait un vacarme enragé. Cornélius, exaspéré, s'arme d'une
hache, et détruit son ouvrage mal réussi. Horreur ! c'était une femme
en chair et en os, qui avait pris la place de la poupée. — Mais non ; car
voici la femme, qui a su remettre à propos la poupée dans son fauteuil,
et qui épouse le cousin Miller, à la barbe de Cornélius et de son nigaud
de fils, outrageusement mystifiés.
Cela fait rire aux éclats depuis la première scène jusqu'à la der-
nière. Depuis les Rendez-vous bourgeois, nous n'avions rien vu d'aussi
gai sur aucun théâtre lyrique.
La musique est digne du livret , vive, spirituelle, joyeuse, et tou-
jours très-spirituellement touchée. M. Adam a été rarement mieux
inspiré. 11 faudrait en citer tous les morceaux. — Les couplets de maî-
tre Cornélius, d'abord, dont le style antique et systématiquement ba-
roque est d'accord avec le caractère du personnage. — Le rondo de
Miller est moins heureux, peut-être, quant au thème principal ; mais il
s'y trouve des détails fort ingénieux. — Le duo de Miller et de Berthe,
la fausse poupée, est plein de gaieté, d'entrain , de verve. C'est une
valse, dont le seul défaut est d'arriver un peu trop tard : elle aurait
défrayé tous les bals de cette année. — Le trio de l'évocation est fait
avec un esprit rare. Le fantastique y est indiqué, mais avec la sobriété,
la légèreté convenables dans une scène qui n'est , après tout , qu'une
mystification. Vous y remarquerez un ensemble d'une fort belle har-
monie, sans que, pour cela, le morceau prenne un seul instant le ca-
ractère sérieux.
L'apparition de la prétendue Galathée est précédé d'un solo de violon
très-élégant et fort bien exécuté. Nous regrettons de ne pouvoir nom-
mer le violoniste qui joint à un archet si habile une si belle qualité de
son. Après quoi Bertha chante un andanie à 9/8 d'un- excellent style,
suivi d'im allegro des plus distingués. C'est, nous n'hésitons pas à le
dire, l'un des meilleurs airs qu'ait écrits M. Adam.
Il n'a guère fait non plus de morceaux plus francs, plus vifs, plus gais,
que le trio qui vient ensuite, et où Bertha se livre à toutes les extrava-
gances dont nous avons parlé. Cela est tout à fait digne de l'auteur du
Postillon et de Giralda. M. Adam vient d'ajouter à sa couronne, déjà
fort abondamment fournie, un nouveau fleuron qui, assurément, ne
déparera point les autres.
Cet ouvrage est fort bien exécuté. Grignon est très-amusant dans
le rôle de Cornélius, ainsi que Menjaud dans celui de Donathan.
M eillet joue celui de Miller avec beaucoup d'esprit et de verve, et le
chante de cette voix franche, sonore, sympathique, qu'on ne se lasse
point d'entendre. Mlle Rouvroy, dans le sien, se montre cantatrice très-
habile, et fait des prodiges de bravura. C'est un grand succès pour
tout le monde, et dont nous félicitons le théâtre, les acteurs et les
auteurs. G. HÉQUET.
ADDITIONS MUSICALES.
SI. Lemment. — Société philharmonique de Paris.
Cercle musical et littéraire. — M. et Unie E^éonard.
— lime Farrenc, Mlle llattman et II. Guerreau. —
lies derniers quatuors de Beethoven et M. llaurin,
au Cercle de la librairie. — M. Roscllen.
Nous qui croyons être à la question, autant qu'homme de France,
nous signalerons, dans l'école musicale, une tendance que nous appe-
lerons celle des classiques progressifs. Les classiques progressifs, en
musique, sontles compositeurs qui aiment, admirenlBach, Hendel, etc. ;
qui sont persuadés que l'étude approfondie de la fugue est indispen-
sable pour devenir bon écrivain ; mais qu'il n'est pas absolument
nécessaire de s'en tenir exclusivement aux productions de nos vieux
maîtres, et qu'il faut renouveler par la mélodie la formule gothique de
l'art. M. Lemmens, dont nous avons, des premiers, signalé la présence
dans Paris, il y a deux ans, est dans la voie que nous venons d'in-
diquer. M. Lemmens est organiste à Bruxelles, compositeur excellent,
et virtuose habile des mains et des pieds sur son instrument. Nous ne
savons s'il a entendu M. Hesse, organiste de Breslau, qui vint, à Paris, il
y a quelques années, pour toucher les orgues fabriquées par M. Ca-
vaillé-Coll ; mais il procède comme cet artiste allemand : même respect
pour la belle forme des grands maîtres, et même adresse dans l'emploi
des pédales; seulement ce sont ses œuvres que M. Lemmens fait en-
tendre, œuvres d'un style classique, pur, dites avec la richesse et la
magnificence d'exécution qu'il a pu développer à son aise sur l'orgue
de Saint- Vincent-de-Paul, construit par le célèbre facteur dont nous
venons de parler plus haut.]
Un grand nombre d'artistes distingués dans la science et la presse
musicale, parmi lesquels se trouvaient peu d'organistes, il faut le dire,
assistaient à la séance dans laquelle M. Lemmens s'est fait entendre,
mercredi dernier, dans l'église de Saint-Vincent-de-Paul. Le compo-
siteur-virtuose a débuté par une belle et large fugue en ut mineur, qui
réunit toutes les conditions du genre, avec une pompe d'harmonie in-
connue jusqu'à ce jour dans la musique de ce style sévère et rigoureux.
Plusieurs pièces de ce genre ont été dites par l'auteur, mais entremêlées
de petits morceaux, de prières, d'hymnes champêtres pleines de grâce
et de suavité. M. Boëly, l'organiste de Saint-Germain-l'Auxerrois, au
style classique exclusif, a compris qu'on sacrifiât ainsi aux grâces, et il a
applaudi à cette musique libre, écrite dans toutes les conditions du
style sévère. Plusieurs de ces charmants morceaux, et même sa grande
fugue en ut mineur, ont été redemandés au virtuose-compositeur par
son intelligent auditoire. Si l'on doit présenter à l'auteur de tout cela
quelques observations critiques, ce serait de lui dire qu'on se prend à
désirer, en l'écoutant, de le voir s'affranchir, parfois, de ce style écrit,
lié, de ce ^cercle harmonique, de ces imitations obstinées même dans
sa musique libre qui constituent la logique inexorable, et s'opposent à
l'élan, à la chaleur, à la fougue de l'inspiration, qui est un des plus
beaux privilèges du riche et pompeux instrument dont il possède si
bien tous les secrets. La véritable science musicale a aussi ses caprices,
ses artifices, ses fantaisies, son inspiration enfin. Si M. Lemmens veut
mériter le titre de classique progressif, qu'il songe à cela. Qu'il ne soit
pas trop consciencieusement belge, c'est-à-dire mezzo-tedesco ; il a
déjà la distinction, la mesure, la pureté, l'élégance harmonique; qu'il
vivifie, anime tout cela par la passion, la verve, la chaleur dramatique
qui est de mise et toujours bien venue, même à l'église. Qu'est-ce donc
qu'une messe des morts ou le meurtre du Christ, si ce ne sont les
drames les plus émouvants de l'humanité ? Et qui peut mieux chanter,
célébrer ces catastrophes, ces tragédies religieuses, que ce vaste instru-
ment aux voix multiples et foudroyantes?
M. Lemmens a devant lui un bel avenird'artiste; mais c'est dansParis
seul qu'il peut voir se réaliser cet avenir. Professeur d'orgue au Con-
servatoire de Bruxelles, il n'a même pas d'instrument dans cette ville,
où il n'est pas apprécié à sa juste valeur, attendu que nul n'est pro-
phète en son pays. 11 n'y a pas d'orgue dans la capitale de la Belgique,
où le clergé est tout aussi inintelligent en musique que celui de France,
et ce n'est pas peu dire. Il n'y a même pas d'orgue au Conservatoire
pour le professeur. 11 est question d'une loterie nationale dont le pro-
duit serait destiné à l'achat d'un de ces beaux instruments fabriqués
par M. Cavaillé-Coll, et qui manque dans l'église de Sainte-Gudule, à
Bruxelles. Ce serait au moins une compensation à la désorganisation
du Conservatoire de musique dont cette ville est menacée, grâce à
l'esprit d'étroite économie qui distingue une Commission chargée par
DE PARIS.
67
le ministre de l'iiilôrieur de réglementer les choses artistiques, et qui
l'est fort peu.
— Pendant que nous en sommes sur les affaires musicales de la Belgi-
que, nous signalerons la brillante apparition d'un de ses enfants dans
Pai-is, M. Léonard, de Liège, qui vient de donner un concert dans la
salle Herz, vendredi dernier. Une charmante cantatrice, que nous avons
entendue il y a quelques années sous le nom de Mlle Antonia de Mendi,
et qui maintenant est Mme Léonard, s'est associée à cette exhibition
musicale. Mme Léonard chante plus juste que ne chantait Mlle Antonia
de Mendi. Si, par son droit de jolie femme qu'elle est, il lui prend le
caprice de moins parcourir en tous sens le domaine de la difficulté, de
se plaire, de se promener un peu plus tranquillement dans le champ
du chant, de la simple mélodie , elle plaira plus , quoiqu'elle plaise
beaucoup; mais beaucoup, ce n'est pas assez pour une cantatrice qui
possède une aussi bonne méthode et qui ne doit chercher à éblouir son
auditoire des feux d'artifice de la vocalisation qu'après l'avoir bercé de
sécurité. Cette sécurité, M. Léonard l'inspire à ses auditeurs par la jus-
tesse imperturbable de son intonation, la première et la plus précieuse
des qualités du violoniste. M. Léonard est un virtuose de premier or-
dre; il compose bien pour son instrument et continue l'école de Vieux-
temps sans dégénérer. C'est la même chaleur contenue et puissante, et
communicative; même absence, il faut le dire aussi, de ce caprice, de
cette fougue, de cette pointe d'originalité, qui mettent hors de pair les
talents exceptionnels, tels quePaganini , et même Servais, malgré sa grosse .
nature flamande ; et cependant M. Léonard est du pays de Grétry, qui
méritait fort bien la qualification de fin Liégeois qu'on donne vulgaire-
ment aux habitants de cette partie de la Belgique. M. Léonard a fait
revivre le chef-d'œuvre de son illustre compatriote, en le traduisant,
en en reproduisant les principaux et les plus jolis motifs dans une fan-
taisie intitulée : Souvenirs sur le Richard-de-Lion de Grétry. La cé-
lèbre Teresa Milanollo nous fit entendre pour la première fois dans
Paris ce joli petit drame instrumental, et l'on remarqua l'œuvre autant
que la jeune virtuose ; ce qui n'est pas peu dire. L'auteur nous a fait
entendre lui-même son ouvrage, qui lui a valu un succès pareil à celui
de sa gracieuse interprète.
Après l'ouverture de Montana et Stéphanie, chaleureusement dite
par un orchestre fort bien dirigé par M. Bousquet, le bénéficiaire a dit
un concerto à grand orchestre, solo capital bien posé sur une large et
riche instrumentation. S'il y a quelques longueurs dans le premier
morceau, Yandanle con reçitativo est d'une mesure parfaite, ainsi que
le rondo, sorte de menuet, de scherzo, dont le thème piquant par
son originalité est travaillé avec autant d'esprit que de savoir. Une
fantaisie sur un motif des quatuors de Haydn, arrangée par M. Léonard,
lui a donné l'occasion de développer, comme exécutant, toute la pres-
tesse d'un archet audacieux, toutes les richesses de la double corde,
des arpèges, et l'élégance du plus brillant staccato. Entre ce virtuose
et sa compagne, charmante cantatrice qui nous a dit d'une façon co-
mique et piquante deux chansons espagnoles, Mlle Graever, la pianiste
au jeu net et pur et chaleureux, a su provoquer d'unanimes applaudis-
sements en disant une des délicieuses sonates de Beethoven, et deux
des non moins délicieuses mélodies de Rossini, arrangées par Liszt.
— Les matinées musicales, les séances de musique intime dans les
salons particuliers, le disputent aux grands concerts, aux solennités
musicales, comme on dit, car la grande détonation harmonique, le
coup de feu musical, n'a guère lieu que dans le mois de mars. Dans ses
séances de musique de chambre ou de salon, Mlle Mattmann, rarement
infidèle aux grands maîtres de cette belle musique a dit, jeudi dernier,
un excellent trio en ré mineur pour piano, violon et violoncelle, com-
posé par Mme Farrenc, œuvre consciencieuse, en style classique, com-
posé d'un premier morceau, d'un andante varié avec autant de grâce que
d'esprit, et d'un final dramatique et chaleureux qu'on a distingués, ap-
plaudis, précédés et suivis d'une belle sonate de Beethoven et d'un qua-
tuor de Webor. On n'a [tas moins distingué, on n'a pas moins applaudi
une charmante fantaisie pour le violon sur quelques motifs de V Eclair,
composée et dite sur le violon d'une manière tout-à-la-fois expressive
et brillante par l'auteur, M. Guerreau.
— La Société philharmonique de Paris et le Cercle musical et litté-
raire, qui procèdent avec orchestres complets dans la salle Sainte-
Cécile, continuent leurs séances de quinze en quinze jours. La pre-
mière de ces compagnies musicales est composée d'amateurs dirigés
par M. Roussette, et propage, dans ce qu'on désigne par la petite pro-
priété, la classe marchande et ouvrière, la musique de tous genres ,
mais assez volontiers depuisla chansonnette jusqu'aux ouvertures de nos
opéras modernes, qui sont, comme chacun sait, des pots-pouris plus ou
moins spirituellement arrangés. Mlle Teresa Micheli est la prima donna
contralto soprano de ladite Société ; elle a chanté au dernier concert de
dimanche passé toutes sortes de romances et même les stances sacrées
de saint Michel archange, de notre ami Delsarte.
— Le Cercle musical et littéraire , dirigé par M. Malibran, n'est
composé que d'artistes qui exécutent fort bien les meilleures ouvertures
qu'ils peuvent trouver. Ils devraient faire en sorte de ne pas les redire,
car le répertoire des œuvres de ce genre est riche, et l'on n'a que l'em-
barras du choix. Mlle Nau, de l'Opéra, a gratifié le dernier concert de
lundi de deux morceaux de chant qu'elle a dits, comme toujours, avec
celte justesse limpide et ce brio de vocalisation qui semblent se perfec-
tionner en elle plus elle chante. Son apparition dans cette Société phi-
lanthropique ne peut que lui porter bonheur.
La critique a parfois , comme toutes les choses humaines , ses mé-
comptes, ses erreurs, dont il ne faut pas cependant qu'elle convienne
trop facilement pour ne pas détruire, si ce n'est son prestige, du
moins son crédit.
Les six derniers quatuors de Beelhoven étaient restés, depuis la dis-
parition de ce monde musical du grand homme mort en 1827 , à l'état
de mystère d'art incompris. Les uns disaient , et le disent encore :
Quand l'auteur de la symphonie pastorale , si limpide de mélodie et
si claire d'harmonie, composa ses derniers quatuors nos 12, 13, 14,
15, 16 et 17, il était sourd et presque fou de douleur d'avoir perdu
le sens le plus précieux pour tout musicien. On rangeait enfin ces ou-
vrages dans la catégorie des dernières pièces de Corneille et de Voltaire ;
on mettait sur la même ligne Beethoven, âgé de cinquante-cinq ans, et
l'auteur du Ciel vieilli, et celui de Zaïre avec ses quatre-vingts ans. Il
est certain qu'en comparant le style de ces derniers quatuors avec ses
précédents, si carrés de mélodie, si clairs, si logiques par l'unité de
la pensée, on se trouve tout dépaysé par cet ajournement incessant de
la cadence finale ; cette variété de mesure qui paraît sans nécessité ; ce
bris du rhythme qui semble le résultat d'un cerveau, d'une pensée
malades, d'une lièvre d'innovation.
M. Maurin, jeune violoniste de talent, dont les pareils à deux fois ne
se font pas connaître, M. Maurin , secondé par trois autres artistes,
jeunes, dévoués à l'art dans toutes ses manifestations, fussent-elles
même de la fantaisie et du caprice baroque, a rêvé la restauration de
ces œuvres exceptionnelles ; et son rêve est devenu une réalité ; et
devant une société choisie et nombreuse , il a fait apprécier, par une
exécution soignée et chaleureuse, toutes les singularités, les excentri-
cités mélodiques et harmoniques de ces étranges combinaisons de l'art
des sons. Nous n'avons pas voulu juger de cette musique toute nou-
velle sur une simple audition de l'oreille, et crier au miracle comme
le Beethoveniste quand même de Paris, qui fait de l'esthétique bour-
geoise ; nous avons voulu entendre des yeux en même temps que des
oreilles, et sur une édition très-correcte des derniers quatuors de
Beethoven en petite partition, nous avons suivi la pensée de l'au-
teur, ses dessins mélodiques , ses harmonies ingénieuses et hardies,
son style constamment fugué, serré d'imitations obstinées, de canons;
et nous nous sommes convaincu que l'homme n'était point déchu
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
quand il a écrit ces œuvres audacieuses et sans précédents dans l'art
musical.
Il n'y a que des compliments à faire aux interprètes de ces quatuors,
si ce n'est qu'ils sont exécutés avec un fanatisme artistique un peu trop
chaleureux. Nous voudrions aussi que le premier violon s'y des-
sinât avec un peu plus d'ampleur de son, et que ses phrases mélodi-
ques ne tombassent pas, ainsi qu'elles le font parfois, dans une mé-
lancolie affectée ou mignarde.
— Les éloges que notre savant collaborateur George Kastners a accor-
dés récemment à la méthode de piano d'Henri Rosellen viennent d'être
justifiés par la séance musicale qu'il a donnée ces jours passés. M. Ro-
sellen avait réuni chez lui ses élèves, qui ont exécuté des morceaux des
différentes écoles anciennes et modernes. Parmi ces derniers, nous
avons remarqué son duo pour piano à quatre mains sur les charmants
motifs de la Favorite, morceau bien fait , bien modulé et d'un effet
certain. Si toutes ses élèves n'ont pas la même habileté, plusieurs sont
remarquables par l'aplomb, la netteté, l'expression, et pourraient jouer
avec succès dans des concerts publics.
La partie vocale était remplie par Mlle Marie B. et par M. Gozora.
La séance s'est terminée par le brillant duo pour piano et pour violon
sur Zampa, composé par H. Rosellen et Charles Dancla, joué avec
beaucoup de verve par H. Rosellen et Léopold Dancla, frère de l'un des
auteurs.
De pareilles séances ne sauraient être trop souvent renouvelées; elles
sont un excellent sujet d'émulation pour les élèves, ainsi que la preuve
des soins consciencieux du professeur.
Henri BLANCHARD.
ASSOCIATION DES ARTISTES MUSICIENS.
COBfCEIST ET MUSIQUE Ï>E CHAMBRE.
Depuis une année environ, l'Association des artistes musiciens pos-
sède une salle charmante et excellente dans les galeries du bazar Bonne-
Nouvelle. Plusieurs artistes éminents l'ont inaugurée par des concerts
qui ont attiré la foule ; mais jusqu'ici des circonstances, dont il est fa-
cile de se rendre compte, n'ont pas permis au comité de réaliser la
pensée qui l'avait dirigé dans l'appropriation de cette salle, en y éta-
blissant son domicile musical, en y donnant des concerts, des matinées
au nom et dans l'intérêt de l'Association.
Le moment est venu de mettre en exécution cette pensée. Une com-
mission s'occupe de préparer le premier concert qui sera donné le
mercredi 17 mars, à huit heures du soir, sous la direction de M. Geor-
ges Bousquet. Dans notre prochain numéro nous publierons le pro-
gramme de cette brillante soirée, à laquelle le concours des artistes
les plus éminents est déjà promis et assuré.
A ce concert, qui pourrait être appelé concert d'introduction, succé-
deront presque immédiatement des matinées consacrées à la musique
de chambre, et qui auront lieu de dimanche en dimanche, sous la di-
rection de M. Massart. On n'a pas oublié le remarquable effet produit
il y a cinq ans par des matinées du même genre, données dans le
même local, mais alors que rien n'y était encore disposé pour un tel
but, et que la musique ne s'y introduisait que comme une étrangère et
à l'occasion d'une loterie demeurée célèbre.
Tout au contraire, maintenant, l'enceinte, qui n'était qu'une espèce
de halle, a pris les proportions d'une véritable salle de concert. Les
pupitres sont dressés, les banquettes rangées, les loges commodément
disposées et meublées. Rien ne manque plus au sanctuaire musical que
la musique même ; elle y est attendue, désirée, et on ne l'y attendra
pas longtemps.
Ce que le comité de l'Association des artistes musiciens va entre-
prendre et fonder, c'est à la fois une œuvre de bienfaisance et une
œuvre d'art. Au moyen des bénéfices qu'il réalisera sans courir au-
cune chance de perte, il enrichira la caisse des pensions, alimentera
le fonds de secours, et s'avancera de plus en plus dans la voie philan-
thropique. En même temps, il ouvrira une lice aux jeunes talents qui
ont besoin de s'essayer, de se populariser : il ne les produira qu'avec
réserve et sous le patronage de talents déjà tout formés ; mais, enfin,
il mettra au grand jour les artistes aussi bien que les œuvres qu'il ju-
gera dignes de son appui.
C'est un monument que le comité se propose d'élever ; le 17 mars il
en posera la première pierre, et il compte sur la sympathique assis-
tance que les artistes et le public lui ont toujours prêtée dans tous ses
travaux.
NOUVELLE SOCIÉTÉ PHILHARMONIQUE DE LONDRES.
M. Hector Berlioz vient d'être appelé à Londres pour y diriger une
nouvelle Société philharmonique, organisée sur des bases plus larges
qu'aucune des institutions de ce genre existant à cette heure en Europe.
Cette Société a pour but de faire entendre avec toutes les ressources
musicales que possède la capitale de l'Angleterre et le concours des
principaux artistes étrangers qui s'y trouvent, les œuvres les plus re-
marquables de l'école moderne et celles de l'ancienne école non encore
connues du public anglais. Elle donnera dans le vaste local d'Exeter-
Hall six concerts , dont le premier aura lieu le 24 mars prochain. Les
autres se succéderont de quinzaine en quinzaine. Les exécutants seront
au nombre de 300. Cette vaste entreprise, dont les frais sont immenses,
met en émoi le monde musical de Londres tout entier, et paraît exciter
dans le public fashionable de vives et nombreuses sympathies.
La souscription aux six concerts est fixée à 2 guinées pour les ama-
teurs, et à 1 guinée pour les artistes. Elle est déjà suffisante pour cou-
vrir les frais, qui s'élèvent à près de 2,000 livres sterlings (50,000 fr.)
Voici le programme des trois premières soirées.
1er CONCERT.
1° Symphonie en ut majeur, de Mozart.
2° Triple concerto pour violon, piano et violoncelle, de Beethoven.
3° Fragments du 1er acte d'Iphigénie en Tauride, de Gluck.
4° Ouverture d'Euryante, de Weber.
5" Romeo et Juliette, symphonie avec chœurs, de Berlioz.
6° Ouverture de Guillaume Tell, de Rossini.
2e concert.
1° Symphonie en ut mineur, de Beethoven.
2° Chant des Chérubins, de Bortnianski.
3° Concerto de piano, du docteur Wylde.
4° Final de la Vestale, de Spontini.
5° Ouverture de la Flûte enchantée, de Mozart.
6° L'Ile de Calypso, grande composition pour chœur, orchestre et
solos de chant, de Loder.
3e CONCERT.
1° Ouverture d'Athalie, de Mendelssohn.
2° Fragments de YArmide, de Gluck.
3° Dies irœ,
If Tuba mirum,
5° Rex tremendœ,
6° Quœrens me,
7° Lacrymosa,
du Requiem, de Berlioz.
Les exécutants pour ce concert seront au nombre de 450.
CORRESPONDANCE.
Bruxelles, 19 février.
C'est encore en vous parlant de Mme Castellan que je commencerai
cette lettre. L'habile artiste, qui ne devait d'abord nous consacrer qu'une
demi-douzaine de soirées, en a quadruplé le nombre. Chaque fois qu'on
DE PARIS.
69
annonçait son départ, il s'élevait dans le public dilettante des réclama-
tions, des sollicitations qui la décidaient a rester quelques jours de plus.
Deux mois se sont passés ainsi, et nous avons successivement applaudi la
brillante prima donna dans tous les rôles de son répertoire italien. Que
ne nous est-il donné de lui voir parcourir maintenant le domaine étendu
de son répertoire français ! Mme Castellan a terminé par une petite ma-
nœuvre de coquetterie féminine Pour augmenter des regrets déjà très-
vifs, elle a, dans sa dernière soirée, déployé toute la variété, toute la sou-
plesse de son talent dans deux rôles de genre absolument différents. Don
Pasquale et la Sonna mbula sont les opéras dont elle avait fait choix, et qui
nous l'ont montrée tour-a-tour gracieuse et piquante, tendre et pathéti-
que. Il va sans dire que ces deux ouvrages n'ont pas été exécutés en en-
tier. Un seul acte de la Sonnambula accompagnait Don Pasquale. C'était un
programme assez long et assez beau déjà. Mme Castellan a fait une retraite
triomphale; bravos, rappels, pluies de bouquets, tout ce qui témoigne de
la sympathie d'un auditoire lui a été prodigué.
Bruxelles n'a pas eu le privilège exclusif d'entendre et d'applaudir
Mme Castellan. Plusieurs de nos grandes et de nos petites villes ont solli-
cité et obtenu de la diva la même faveur. Nous avons eu seulement sur les
dilettantes provinciaux l'avantage d'apprécier le talent scénique de
Mme Castellan, car, pour eux, elle a dû se borner à quelques morceaux
de concert, ce qui ne l'a pas empêchée de faire partout une ample moisson
de couronnes.
En même temps que Mme Castellan, nous avons eu, nous avons encore,
plusieurs notabilités artistiques parisiennes, entre autres Mmes Allan
et Ferville, qui donnent des représentations au Vaudeville ; Frederick
Lemaître et Mlle Clarisse Miroy, qui attirent la foule des amateurs de
drame. Le goût du spectacle s'est répandu chez nous de manière à faire
de Bruxelles un lieu d'excellente exploitation pour vos artistes dramati-
ques en congé.
Le Théâtre-Royal nous a donné il y a quelques jours la première repré-
sentation d'une œuvre indigène. C'est un opéra bouffe intitulé la Comédie
à la ville. La musique de cet ouvrage est de M. Gevaert, lauréat du grand
concours de composition, arrivé depuis peu d'un voyage en Espagne, en
Italie et en Allemagne, entrepris au frais du gouvernement. M. Gevaert
sait son métier; il s'entend à confectionner une partition selon les règles
de l'art. Ce qui lui manque, c'est ce qui ne saurait s'enseigner, c'est ce
qu'on n'apprend point dans les écoles : l'invention. Il y a disette d'idées
dans son opéra. Du reste il est fort jeune, et la faculté créatrice pourra se
développer chez lui. Les forces morales, de même que les forces physiques,
s'accroissent par l'exercice. L'auteur du libretto de la Comédie à la ville
est la basse comique de notre troupe ; l'un des principaux rôles de sa
pièce a été rempli par lui.
Emile Prudent a donné quatre concerts à Bruxelles dans l'intervalle de
quinze jours. Le premier et le dernier ont eu lieu au Théâtre-Royal. Les
deux intermédiaires ont été des séances intimes, dont le célèbre artiste a
fait presque seul les frais, et pour lesquelles une salle de moindre dimen-
sion lui avait paru préférable. Les auditeurs ne lui ont pas fait défaut
pour aucune de ces exhibitions d'un talent hautement apprécié. Emile
Prudent est un des auteurs de musique de piano dont les ouvrages se
jouent le plus en Belgique comme ailleurs. A l'heure qu'il est, on n'exé-
cute plus que ses fantaisies sur Guillaume Tell, sur Robe t, les Champs,
les Bois, etc. Après ces quatre brillantes et productives soirées, Prudent
a pris congé de Bruxelles, mais non de la Belgique. Plusieurs de nos villes
de province le réclamaient ; il a répondu à leur appel.
Nous avons eu dimanche le second concert du Conservatoire. Beetho-
ven et Mozart en ont été les héros. Le premier avait fourni pour sa part au
programme la Symphonie héroïque et l'ouverture de Leonore. Le second
avait pour contingent le sextuor de Don Juan et le trio des Génies de la
Flûte inchantée. C'était d'assez bon choix, vous n'en disconviendrez pas.
Quant à l'exécution, elle a été digne de ces chefs-d'œuvre, digne de
leurs illustres auteurs. Ce qui distingue les concerts du Conservatoire de
Bruxelles, c'est la parfaite concordance qu'il y a entre le rendu de cha-
que morceau et l'intention du maître qui l'a conçu. Je n'ai pas la préten-
tion de vous apprendre que M. Fétis a fait des œuvres musicales de tou-
tes les époques et de tous les compositeurs une étude approfondie ; je me
borne à vous le rappeler. Il a pénétré l'esprit de chacun d'eux, et l'or-
chestre qu'il dirige, obéissant à son impulsion, s'en fait le fidèle interprète.
Autant d'écoles, autant d'auteurs, autant de manières de rendre.
On a entendu au second concert du Conservatoire une jeune violoniste,
(je dis une et non pas un), élève de De Bériot, lauréat ou lauréate au der-
nier concours, et qui, pour son coup d'essai, vient de frapper un coup de
maître, comme disaient les écrivains classiques. MlleFréry, tel est le nom
de notre virtuose, possède toutes les qualités, toutes celles en vérité qui font
l'habile exécutant : justesse parfaite, mécanisme, sentiment. Ce sera une
digne émule de Teresa-Milanollo. On entendra parler d'elle dans le monde
musical; je ne crois pas m'exposer à un démenti en vous en donnant
l'assurance.
Le Conservatoire nous promet pour son troisième concert une audition
(le mot est consacré), une audition des plus intéressantes. Il s'agit des
morceaux composés par Meyerbcer pour la tragédie de Shuensér, de son
frère Michel Béer, Un jeune littérateur belge a fait une traduction fran-
çaise du texte, et le Conservatoire réunira toutes ses ressources pour nous
en offrir la complète interprétation.
Alexandre Batta traversait Bruxelles il y a quelques jours, se rendant en
Hollande. Son intention n'était pas de s'y faire entendre. Des amateurs
fervents comme il s'en trouve partout, heureusement , en Belgique non
moins qu'ailleurs, je me plais à le dire, apprennent l'arrivée de l'habile
artiste. Laisseront-ils échapper cette occasion de l'applaudir? Non certes,
pour peu que cela dépende d'eux. Il n'y a pas de temps à perdre.
Alexandre Batta ne doit passer que peu d'heures dans notre capitale.
Quand il aura payé, sa dette aux affections de famille; quand il aura em-
brassé son père, professeur au Conservatoire de Bruxelles, fondateur de
cette dynastie des Batta qui a déjà donné à la Belgique musicale un vio-
loncelliste, un pianiste et un violoniste, il continuera son voyage vers le
nord. On le prend au débotté, on lui demande un concert, moins que cela,
une soirée, quelques morceaux à son choix, et comme il est bon prince, il
condescend aux désirs des solliciteurs. En vertu de cette promesse arra-
chée à son archet, il a donné, sans affiches, sans annonces, dans les sa-
lons de M. Berden, notre meilleur facteur de pianos, une façon de séance
privée, où l'on voyait l'élite de la société bruxelloise et où il a joué trois
morceaux, et dans ce nombre sa nouvelle fantaisie sur les motifs du Pré
aux Clercs, aux unanimes et chaleureux applaudissements d'un auditoire
tout aristocratique.
Cela fait, Batta est parti pour la Hoilande. Quel motif l'attire, en la rude
saison, en ce pays marécageux où le soleil n'est guère connu que de ré-
putation, et où l'on respire non de l'air, mais du brouillard? Je vous le
dirai, quitte à commettre une indiscrétion. 11 va jouer au roi un morceau
qu'il a composé sur les motifs d'un de ses opéras. Vous n'ignorez pas que
le souverain de la Néerlande ne se contente pas de régner politiquement,
mais qu'il veut aussi régner musicalement. Il écrit des opéras qu'on joue
sous le nom de son maître de chapelle, et qui, suivant ce qu'assurent des
connaisseurs qui les ont entendus, feraient honneur à un maître de pro-
fession. Donc, pour en revenir à Batta, il n'a eu d'autre but, en se ren-
dant à La Haye, que d'exécuter à la cour des variations ajustées sur de
gracieuses et royales mélodies.
Il y a quelques années, Mme Pleyel fit un voyage à Londres. Elle y fut
accueillie en reine, en reine du piano qu'elle est. On ne doutait pas qu'elle
n'y retournât à la saison suivante, puis qu'elle n'y fît des apparitions pé-
riodiques, comme en contractent l'habitude les grands artistes admis par
l'Angleterre aux honneurs d'une splendide hospitalité. On se trompait : le
détroit ne fut point de nouveau passé par elle. Explique ce fait quiconque
serait assez fin pour pénétrer les profondeurs du cœur féminin. Cette
année, pourtant, Mme Pleyel reverra les rives de la Tamise. Elle a, dit-on,
le projet de passer la belle saison à Londres, et d'exercer de nouveau sur
les oreilles des perfides insulaires l'irrésistible séduction de son talent in-
comparable.
Avant de s'embarquer pour le Royaume-Uni, Mme Pleyel, qui n'a pas
joué en public à Bruxelles, et depuis fort longtemps, donnera un concert
non pour son propre compte, mais pour celui d'une association formée
dans un but moitié religieux, moitié artistique. A l'entrée d'un des fau-
bourgs de Bruxelles s'élève une église construite dans le style byzantin.
Les ressources de la commune ne pouvant suffire à l'active construction
des travaux, on a résolu d'invoquer le concours des fidèles, comme cela
se pratiquait au moyen-âge. Une Société s'est constituée sous le patron-
nage de notre jeune princesse royale. Au moyen des souscriptions qu'elle
a ouvertes, des tombolas qu'elle a organisées et des concerts donnés par
son initiative, des sommes assez considérables ont été déjà recueillies.
La séance dans laquelle Mme Pleyel a promis de se faire entendre sera —
en doutez-vous? - éminemment productive et fournira un large contin-
gent à la caisse de l'association dont je vous parle.
La semaine passée on a mis aux enchères, dans une vente publique de
livres, gravures et musique, la partition manuscrite de Vldomeneo, de
Mozart, et annoncée comme étant de la main de l'illustre compositeur.
Comment cette partition se trouve-t-elle à Bruxelles? Par quel concours
de circonstances serait-elle sortie des mains de M. André d'Offenbach,
possesseur de la collection des autographes de Mozart? Voilà ce qu'on
n'expliquait pas. Un amateur se présenta qui offrit du manuscrit en
question une somme considérable, si le libraire voulait en garantir l'au-
thenticité. Le libraire s'y refusa, et la partition d'Idomeneo fut retirée
sans avoir vu couvrir d'une enchère sa mise à prix abaissée jusqu'à trois
francs. La gloire de Mozart n'en souffrira pas.
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
NOUVELLES.
*.,* Demain lundi, à l'Opéra, les Huguenots.
*t* La semaine a été bonne pour notre première scène lyrique, que les
derniers jours du carnaval obligeaient à déployer une activité tout à faitex-
eeptionnelle. Dimanche, le Prophète, avec Roger, Mme Tedesco et Mlle
Poinsot, avait plus que rempli la salle. Lundi, Guillaume Tell, avec Guey-
mard, Morelli et Mme Laborde, avait aussi fait chambrée complète.
Mardi, la Favorite, chantée par Roger, Morelli, Mlle Masson, et suivie
d'un ballet, attirait encore une foule considérable. Mercredi, le l'iolon rlu
Diable, précédé de la Xacarilla, réunissait les amateurs du ballet, dont la
faveur est désormais acquise à la jeune et charmante danseuse, Regina
Forli. Enfin vendredi dernier, Guillaume Tell reparaissait une seconde
fois sur l'affiche, et la recette ne souffrait nullement de !a concurrence
des jours précédents.
*„* Les répétitions du Juif errant sont assez avancées pour qu'on puisse
à peu près fixer le jour de son apparition. 11 a été décidé que ce grand
ouvrage serait donné du 13 au 20 mars.
*i* 1,3. Fée aux, Ilotes avec la Fête du Village, voisin composaient, le jour du
Mardi-Gras, un spectacle pour lequel il eût été nécessaire d'agrandir in-
définiment la salle de l'Opéra-Comique.
*„.* Le Car/Ilunneur de Bruges a été joué quatre fois la semaine der-
nière : le succès de l'ouvrage et des artistes s'établit.
*** Le Théâtre-Italien a repris Yhaliana in Algieri, cette partition si
longtemps jeune et qui le serait toujours, si la bouffonnerie qui lui sert
de cadre avait un peu moins vieilli. Mlle d'Angri faisait sa rentrée dans
le rôle d'Isabella, et nous avons retrouvé la belle voix que nous lui con-
naissions, sauf toutefois un peu d'enrouement. Les qualités dominantes
de Mlle d'Angri sont l'énergie et la chaleur ; sa physionomie a quelque
chose de mâle, comme son organe. C'est une de ses analogies avec la
Pisaroni, qui chantait avec tant d'effet l'air final : Pensa alla patria.
Mlle d'Angri en a aussi tiré un excellent parti, et d'unanimes bravos l'ont
accueillie. Belletti et Calzolari ont partagé le succès de la cantatrice dans
les rôles de Mustafa et de Lindoro ; Ferranti est très-comique dans celui
du mari
** Meyerbeer a reçu de la reine d'Angleterre deux ouvrages d'art ac-
compagnés de la lettre la plus flatteuse, en remercîment de l'hommage
de son ode à la mémoire de RaUch, lé célèbre sculpteur.
*s* Aujourd'hui, dimanche, il y aura exercice des élèves au Conserva-
toire de musique et de déclamation. La séance commencera par l'exécu-
tion d'une ouverture composée par M. Jouas. On jouera ensuite les Fo-
lies amoureuses, de Regnard, et Jean de Paris, de Saint-Just et Boïeldieu.
*+* One grande, et religieuse solennité sera célébrée le vendredi , 26
mars, dans l'église de la Madeleine, à la mémoire de l'illustre Habeneck ,
que la mort a frappé au mois de février 1849. Pour consacrer plus digne-
ment ce troisième anniversaire funèbre, l'un des meilleurs élèves du maî-
tre fameux, de l'artiste à jamais regrettable, M. Deldevèzea composé une
messe de llequnm qui sera exécutée par le Cercle musical, dont M. Charles
de Bez est président. 11 y aura une quête au profit de la caisse des se-
cours et pensions de l'Association des artistes musiciens, qui compte Ha-
beneck parmi ses plus glorieux fondateurs, et qui lui doit tant de services
rendus avec un dévoûment au-dessus de tout éloge.
*'* Mlle Clauss donnera son troisième concert dimanche là mars.
Jamais la phrase consacrée, à la demande générale, n'a pu recevoir une
plus juste application.
** Nous rappelons que le concert de Mlle Marie Mira est toujours fixé
au 7 mars. Dans notre dernier numéro, nous avons dit de quels éléments
pleins d'intérêt se composait cette séance, que recommande déjà si bien
le nom de là bénéficiaire.
** Le concert que Léopold de Meyer donnera le 8 mars prochain pro-
met d'être un des plus intéressants delà saison. Le célèbre pianiste y fera
entendre plusieurs de ses compositions nouvelles, qui ne le céderont en
rien à ses œuvres depuis longtemps populaires.
*** Le jeune violoniste Léon Reynier donnera un fort intéressant con-
cert, le 1 0 mars prochain. Il jouera la fantaisie de Norma, de Vicuxtemps,
sur la quatrième corde; le Yankee doodle, du même, et un quatuor de
Beethoven.
%* Le concert annuel de W. Kruger aura lieu le mardi 16 mars, à huit
heures du soir, dans la salle Herz.
*„,* M. Ad. Sax, l'habile facteur d'instruments qui a remporté, comme
on sait, la grande médaille à l'Exposition universelle, vient d'être nommé
membre honoraire de l'Académie des sciences à Londres.
*t* Voici le programme du troisième et dernier concert que Ernst don-
nera demain lundi, 1er mars, dans la salle Herz, à huit heures du soir, et
dans lequel Mlle Clauss se fera entendre : 1° Quatuor en mi mineur pour
deux violons, alto et violoncelle, de Mendelssohn, exécuté par MM. Ernst,
Maass, Eckert et Chevillant; 2" la Sérénade, de Schubert, chantée par
M. Wartel; 3° Airs hongrois, variés et exécutés par M. Ernst; à" Air de
Torqualo Tasso, de Donizetti, chanté par Mlle Duval.
*„* M. J. Freminet, élève du Conservatoire, donnera un concert, le
2 mars, dans la salle de Herz, avec le concours de plusieurs artistes
distingués.
%* Le quatrième concert d'Emile Prudent, à Bruxelles, a produit en-
core plus d'effet que les trois autres. L'exécution de son grand concerto
et de sa fantaisie, les Bois, à été supérieure. A Gand, il s'est fait entendre
au Casino devant plus de deux mille personnes. Les Bois et le Réveil des
Fées ont eu un succès immense : le bis est toujours et partout de rigueur
pour ce dernier morceau. Emile Prudent va revenir à Paris, où il restera
quelques jours avant de se rendre à Londres.
*** Le roi des Pays-Bas, voulant honorer le double mérite d'Alexandre
Batta comme compositeur et virtuose, lui a fait remettre une médaille
d'or du plus grand module, avec son portrait d'un côté, et de l'autre cette
inscription : Bene merentihus arte et ingénia. Cette médaille est de la va-
leur de 1,200 fr. Le célèbre artiste a excité à Ltrecht un enthousiasme
extraordinaire.
*** Notre excellent violoncelliste Emile Rignault donnera son grand
concert annuel mardi soir, 2 mars, dans les salons de M. Herz. On y en-
tendra, outre le bénéficiaire et son frère, Mlle Montigny, MM. Edouard
Wolff, Grignon et Aimés.
%* Conformément au vœu émis par les comités des cinq Associations
d'artistes, le beau portrait de M. le baron Taylor, peint par M. Charles
Lefebvre, vient d'être reproduit en une magnifique lithographie, due au
talent de M. Léon Noël. Chaque épreuve se vend 5 fr. au profit de la caisse
des Associations.
*._* M. Edmond Seveste, directeur de l'Opéra-National , a été enlevé
hier par une mort presque subite.
CRONIQUE DÉPARTEMENTALE.
%* Lille, 26 février. — Comme partout où il a été représenté, le dernier
chef-d'œuvre du grand-maître obtient un succès d'enthousiasme que
six représentations en moins de quinze jours n'ont pas pu diminuer. Oc-
tave, de l'Opéra, qui remplit le rôle du Prophète, y obtient un immense
succès ; nous l'avions entendu l'année dernière à Bruxelles, dans ce même
rôle qu'il a chanté cinquante et quelques fois pendant la saison d'hiver.
Sa voix a gagné depuis beaucoup de force et d'ampleur, sans avoir rien
perdu de son joli timbre, résultat dû sans doute au travail qu'il vient de
faire en Italie avec les maîtres Romani, Lamperti, et présentement avec
le maître Fontana, de Paris. On dit qu'il retournera bientôt en Italie Ce se-
rait une véritable perte pour nos grands théâtres de province et pour le
répertoire français dont il est un des plus dignes soutiens. Nous espérons
donc que le succès qu'il obtient le retiendra dans son pays natal.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
*** Berlin. — Un grand concours de musique militaire vient d'avoir
lieu en présence d'un grand nombre de généraux et d'officiers supérieurs,
parmi lesquels les princes de la maison royale, le prince Auguste de
Wurtemberg, le prince de Radzhvill, les généraux Wrangel, Moellen-
dorf, etc. La marche de cavalerie : En avant, composée par M. Lorenz,
trompette major, a obtenu tous les suffrages. Ont été remarquées en
outre : la marche de Beîlnrie, pour infanterie, par Leutner; la marche So-
phia-Catharina, pour infanterie, par Meyenberg ; la marche du Dix-neuf
Février, pour infanterie, par M. Loehrk. On n'avait admis au concours que
des morceaux écrits par des musiciens attachés à l'armée prussienne. —
L'exposition des douze tableaux vivants, qui avait eu lieu il y a quelque
temps chez le prince Charles, a été répétée chez le roi. A cette occasion,
Mmes Wagner et Herrenburger, M. Mantius, le chœur du Dôme et la cha-
pelle royale, ont exécuté, sous la direction de Meyerbeer, diverses com-
positions des plus remarquables: airs et chœurs de Gluck, chœur des
Huguenots ; airs de danse du Prophète, le duo de Meyerbeer, intitulé :
Grand' Mère, l'air de la Corbeille d'oranges, chanté par Al boni.
*** Vienne. — Panofka nous quitte pour se rendre à Londres et y faire
exécuter plusieurs de ses compositions dans le courant de la saison. —
Aujourd'hui, 19 février, aura lieu la troisième séance de Mme Wartel,
qui, sans doute, sera tout aussi fructueuse pour la bénéficiaire que ces
deux premiers concerts.
*** Florence, 12 février. — Hier, au théâtre de la Pergola, nous avons
assisté au premier début dans la carrière théâtrale d'une jeune cantatrice
appartenant à l'une des plus illustres familles d'Italie, Mlle Mariette Picco-
lini, native de Sienne. Elle a paru dans Lucrezia Borgia, dont elle a rempli
le principal rôle d'une manière qui lui a mérité les suffrages unanimes de
notre public.
* * Nèlv-.Yàrk. — Les beaux jours des virtuoses sont passés; les Yankees
sont blasés. Depuis les soirées grandioses de Jenny Lind, il n'est plus pos-
sible de donner des concerts sans se ruiner. L'Opéra-ltalien n'a qu'un
demi-succès. Et pourtant il y a eu affluence de chanteurs et de canta-
trices et de musiciens de toute espèce. Mmes Bishop et Bochsa se font
entendre dans les plus petites villes, le pianiste Slvackosh exploite les Etats
de l'Ouest, en société avec Mlle Amélie Potti et Parodi. Jenny Lind elle-
même a vu pâlir son étoile à Philadelphie ; depuis la mort de sa mère, la
célèbre cantatrice vit dans la retraite la plus absolue. Quant â Lola Mon-
tés, elle n'a pas piqué un seul instant la curiosité publique. L'arrivée
d'Ole Bull n'a pu sortir les Américains de leur apathie.
Le gérant : Ernest DESCHAMPS.
— Les chanteurs qui possèdent une voix de basse apprendront avec
plaisir la mise en vente d'une mélodie fort remarquable : le Clocheteur de
nuit, composée spécialement pour la voix de basse par MM. F. de Coubcy
et L. Clapisson.
DE PARIS.
71
CHEZ BRANOUS ET C, ÉDITEURS, 103, RUE RICHELIEU,
REPERTOIRE DU CHANTEUR
Deuxième série.
COLLECTION D'AIRS. l!(M!«V(i;S ETC., EXTRAITS DES OPERAS FRANÇAIS, POUR
% <■ < <■■< ii
Ambassadrice (l>)
Bnr< nrollc (In),
Charles VI,
Cheval de II -m
Comte Ory (le)
A ir. .
Air. .
Rame de Pique (la), A ir.
lieux familles (le»),
Dieu et la Bayadèn
Itnmiiiii noir (1
■Onlaut prodigue [l'),Ai
— Air.
Favorite (la),
Fée aux Roses (la)
Fiancée (la),
Giralda,
Guido et Ginévra,
Guillaume Tell,
Voix
Air.. . . I) est des époux complaisants
Air.. . . Chcgusto!ahqucinonsortestbeau! . .
Couplets. 0 toi dont l'œil rayonne !
Chant national. La France a l'horreur du servage
Scène et air. C'est grand'pitié que ce roi ... .
Cavatine. Fête maudite et qui fera répandre . .
mélodie.. Avec la douce chansonnette
ze (le), Air. . . Mon noble gendre a donc quitté la terre
. . Veillersanscesse, craindre toujours . .
. . Dans ce lieu solitaire, propice au doux
mystère
. . C'est un feu, un feu qui brûle sans cesse
Couplets . Je n'ai qu'un plaisir et qu'un vœu . .
Romance. Le trois, le dix et la dame de pique . .
Air. . . . Non, de majuste colère
(le). Air. . Quel vin! quel repas délectable. . . .
Air.. . . Sois ma Bayadère
Couplets. Nous allons avoir, grâce a Dieu , . . .
. Toi qui versas la lumière
. Quel ciel de pourpre et d'azur ....
Romance. Il est un enfant d'Israël
Air. . . . Mes malheurs étaient grands
Air. . . . Léonore, viens! j'abandonne
Caroline, Pour tant d'amour ne soyez pas ingrate
Air. . . . Art divin qui faisait ma gloire ....
Air. . . . Ne crois pas que je te cède
Air. . . . Quel sourire enchanteur
Air.. . . Que saint Jacques et les saints. . . .
Romance. Ange des cieux, charme des yeux. . .
Prière. . Sa main fermera ma paupière . . .
A'r . . . Ma fille à mon amour ravie
Romance. Sois immobile et vers la terre ....
de BISSE,
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Juive (la).
I>ac des Fées le ,
.Hou*
Ilajdéc, Romance. A la voix séduisante.
Air. . . . Me voici, général, a vos ordres. . . .
Huguenots (les). Choral. . Seigneur, rempart et seul soutien. . .
— Chanson huguenote. Piff, .pan"! piff, pair:. . . .
Couvre-feu. Rentrez, habitants de Paris
Cavatine. Si la rigueur et la vengeance ....
Malédiction. Vous qui du Dieu vivant
Air de chasse. Avec adresse, avec audace ....
■la ires de la Heine (les), Air. Ah ! pour moi quelle ivresse.
— Couplets. Pas de beauté pareille
ïlucttc de Porlici (la), Barcarolle. Voyez, du haut de ces rivages. .
Philtre (le), Air.. . . Je suis sergent, brave et galant. . . .
— Air. . . . Vous me connaissez tous, Messieurs . .
Postillon île Lou jumeau (le), Air. Oui, des choristes du théâtre . .
Prophète (le), L'appel aux armes. O liberté c'est ta victoire . .
— Couplets . Aussi nombreux que les étoiles ....
Heine de Chypre (la), Cavatine. Triste exilé sur la terre étrangère. .
Cavatine. A ton noble courage
Air.. . . Eh quoi ! chez vous la crainte . . . .
Cavatine. Que ton àme si noble
Romance. Anges sur moi penchés
Evocation. Nonnes qui reposez.
Robert Rr
Robert le Diable,
Air. ... Je t'ai trompé, je fus coupable
Siège de Corlnthe (le), Air.. Qu'à ma voix la victoire s'arrête .
Staliiit Hâter (Rossist
Trompette de 11. le Prince
Pro peccatis sua? gentis
(le), Chan&on. Pourquoi toutes ces
guerres?
Val d'Andorre (le), Chanson du clievrier. Voilà le sorcier, car il existe
encore
— Romance. Le soupçon, Thérèse
Zerline, Air. . . . Non, plus longtempsje n'y saurais tenir
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COLLECTION DE DUOS EXTRAITS D'OPÉRAS FRANÇAIS.
ACTION.
Duo, Pourquoi cet air sombre et sauvage ? S.B.
AMBASSADRICE (L') ■
— Toi qui surveille de ma nièce ... .S. S.
— Et pourquoi donc, c'est la musique. T. S.
— Oui c'est moi qui viens ici T. S.
CHARLES VI.
— Respect à ce roi qui succombe. . . S. C.
— Gentille Odette, eli quoi ton cœur palpite.
T. S.
— A la victoire où nous courons. . . S. B.
COMTE ORY (LE).
— Je vais revoir la beauté qui m'est chère.
T. S. 6 »
— Dans ce séjour calme et tranquille. . S. S. 5 »
Prière à 2 voix, Noble châtelaine, voyez notre
peine S. S. 2 50
Duo, Ah ! quel respect, Madame .... T. S. 7 50
chœur à 2 voix, Ah ! la bonne folie, c'est char-
mant T. T. 3 »
— Buvons, buvons, buvons soudain. . T. T. 5 ■
DAME DE PIQUE (LA).
— Depuis trois mois je porte cet insigne. T. T. 7 50
Romance à îvoix, Dans ces demeures solitaires.
T. S. Il 50
Duo, Allons donc , lâche , et que cette liqueur.
S. B. 9 ..
— Ne suis-je pas une sœur, une amie ? T. S. 9 »
DIAMANTS DE LA COI'EOKFIE (LES).
— L'heureuse conquête T. S. G »
— Mon cousin qui dans tous les temps. T. S. 3 75
Boléro à 2 voix, Dans les défilés des montagnes.
S. S. 4 50
Duo, Savez-vous, mon cousin T. S. 4 50
DIEU ET LA BAYADÈRE (LE).
— Comment, aimables bayadères. . . T. S. 4 50
Nocturne, O bords heureux du Gange. . T. S. 3 »
DOS1ÏHO NOIR (LE).
Duo, Parlez, parlez, quel destin est le nôtre? T. S. 6 »
— Téméraire, impie, où vas-tu? . . . S. B. 3 75
ÉCLAIR (L').
— Ah ! combien cette solitude .... S. S. 7 50
— Comme mon cœur bat et palpite. . T. S. 7 50
— Près d'une belle être fidèle T. S. 7 50
ENFANT PRODIGUE (L')
— Vous devez envoyer à Memphis . . T. B. G »
— D'où viennent ces cris de vengeance. S. B. 6 ..
— Oui je suis ce coupable f. S. 6 »
FAVORITE (LA).
■ — Toi mon fils, ma seule espérance. . T. B. 7 50
— Mon idole ! mon idole ! T. S. 9 >■
— Léonor , pourquoi tristement baisser les
yeux s. B. 7 50
Le même transposé pour S. C. 7 50
— Va-l'-en d'ici, de cet asile T. S. 0 »
FÉE AUX ROSES (LA).
Duo, Si tu pouvais devenir plus traitable. S. B. 7 50
Couplet à 2 voix, Du sultan l'hymen se prépare.
T. S. 3 75
Les mêmes transposés pour S. elBaryt. 3 75
Duo, Ainsi ta haine qui me brave. . . . S. B. 6 »
— Ah ! Monseigneur à là vieillesse . . T. S. 5 »
FIANCÉE (LA).
Duo, Entendez-vous, c'est le tambour . . T. S. 6 »
— Bannissant la tristesse T. S. 5 »
— Au nom du Dieu puissant T. S. 4 50
FRA DIAVOLO.
Couplets à 2 voix. Je voulais bien . . . T. S. 2 50
Ronde à 3 voix, Voyez sur cette roche.. T. S. 2 50
GIRALDA.
Duo, Faut-il donc vous aider, ma chère ?. .T. S. 5 »
— C'est dans l'église du village . . . T. T. 7 50
— Ah ! le désespoir me reste T. S. 9 »
— O perfidie qui sacrifie T. S. G »
GUIDO ET GINÉVRA.
— Ah ! grand Dieu qu'ai-je vu ? ... T. S. 7 50
— Où vas-tu ? Je les suis ...... C. B. 7 50
— Ombre chérie, ombre adorée . . . T. S. 7 50
GUILLAUME TELL.
— Où vas-tu? quel transport t'agite?. T. B. 7 50
— Ma présence, pour vous, est peut-être un
outrage T. , S. 7 50
Prière à 2 voix, Toi qui du faible es l'espérance
T. S. 3 »
HAYDÉE.
Chanson bachique à 2 voix, Enfants delà noble
Venise, vaillants marins . . . . T. B. 4 50
Duo, C'est la fête au Lido S. S. 4 50
— Je sais le débat qui s'agite . . . . T. B. 6 »
— Je t'aime, û mon maître ! T. S. 6 »
HUGUENOTS (LES).
Duo, Beauté divine enchanteresse. . . . T. S. 7 50
Litanies à 2 DO(.r, Vierge Marie, Soyez bénie!
S. S-. 2 ..
Ronde à 2 voix, Venez, venez, venez . . S. S. 3 »
Duo, Dans la nuit où seul je veille . .■ . .S. B. 9 »
— Où je vais? secourir mes frères!. . T. S. 12 o
JUIVE (LA).
Sérénade à 2 voix, Loin de son amie . . T. S. 4 50
Duo, Lorsqu'à toi je me suis donnée. . . T. S. 9 "
— Que d'attraits, qu'elle est belle!. . S. S. 7 50
— Du cardinal voici l'ordre suprême . S. S. 7 50
— Devant le tribunal vous allez comparaiire.
S. B. 4 50
— Ta fille en ce moment est devant le concile.
T. B. 9 »
MO SE.
— Si je perds celle que j'aime .... ï\ S. 6 >•
— Dieu, dans ce jour prospère .... .S. S. 3 75
— Moment fatal, que l'aii e? T. B. 5 ■■
— Jour funeste, loi cruelle T. S. 3 75
MOUSQUETAIRES DE LA REINE (LES).
D«o,Pour une seule belle S. .S'. 5 »
Couplets à % voix, Comme un bon ange, je viens
vers vous y. S. 9 »
Duo, Trahison, perfidie T. S. 9 »
— Saint Nicolas, 6 mon patron! . . . T. B. Ç) »
MUETTE DE PORTICI (LA).
— Mieuxvautmourirquerestermisérable'/'.fl. 5 »
Barcarolle à 2 voix, Chantons gaiement la bar-
carolle T. B. i 50
Duo, N'espérez pas me fuir T. S. 6 »
PART DU DIABLE (LA).
— O mon frère, ù mon seul espoir !.. S. S. 4 50
— Asmodée, Asmodée! 7\ S. 7 50
— Après une aussi longue absence . . T. S. 6 »
PHILTRE (LE).
— Je sais d'avance son langage. . . . T. S. 6 »
Barcarolle à 2 voix, Je suis riche, vous êtes
belle .... S. IS. 3 »
Duo, Si l'honneur a pour toi des charmes. T. B. 6 »
PRÉ AUX CLERCS (le).
— Les rendez-vous de noble compagnie. T. S. 6 »
PROPHÈTE (LE).
Romance à 2 voix, Un jour, dans les flots de la
Meuse S. C. 4 50
Duo, Pour garder à ton fils le serment. . S. C. 7 50
— Mais toi, prophète, odieux à la terre. T. C. 9 -
REINE DE CHYPRE (LA).
— Gérard, mon Gérard T. C. 7 50
— Sommes nous seuls ici? T. B. b »
Chœur ii 2 i'.Auxfeux scintillants des étoiles r..S . 2 ..
Duo, Arbitre de ma vie T.C.O »
— Vous qui de la chevalerie T. B. 9 »
— Malgré la foi suprême T. C. 6 »
ROBERT BRUCE
— Arthur! Marie! Oh ciel! T. C . 7 50
— Royale famille c. B. 5 »
ROBERT LE DIABLE.
— Avec bonté voyez ma peine .
— Ah ! l'honnête homme. . . .
— Mais, Alice, qu'as-tu donc? .
— Si j'aurai ce courage? . . .
— Grand Dieu, grand Dieu! . .
. . T. S. 7 50
. . r. b. 9 ..
. . S. B. 7 50
. . T. B. 7 50
. . T. S. 9 »
SIRÈNE (LA).
— Qu'une heureuse rencontre . ... T. T. 6
— C'est un ouvrier, mieux qu'un ouvrier. T. S. 6
— Je fais mal, je le sais T. S. 6
SIÈGE DE CORINTHE (LE).
— Rassure-toi, mon pouvoir t'environne.S.B. 6
STABAT MATER (IiOSSINT).
— Quis est homo ? S. S. li ',
VAL D'ANDORRE (LE).
— Vous partez, mais sans doute . . -. T. S. 6
ZERLINE.
— Quel trouble en mon âme? . . . . S. C. 9
— Pour cet illustre mariage . ; . . .' T. S. 6
— Oui, ma femme le veut c. B. 9
72
REVUE ET GAZETTE MUSICALE DE PARIS.
POUP
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Qui suis-je? Quel prestige? »
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heur de toute ma vie. »
2. Air de baryton chanté par AI. Meillet : « A moi la jeunesse. »
2 bis. Le même transposé pour ténor.
3. Buo de la valse pour soprano et baryton chanté par Mlle Rouvroy
et M. Meillet : « Me voilà ! oui c'est elle, c'est ma belle. »
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commande, attention, silence ! »
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N°" 1. Prière chantée eu chœur : «Dieu puissant, Dieu notre père. »... ;
2. Couplets chantés par M. Bouché : « Hardis marins, braves amis. » . /
3. Romance chantée par M. Philippe :« Zora, je cède à ta puissance. » i
k. Trio chanté par Mlles Duez, Guichard et M. Philippe : « Chez votre
jeune reine - Ç
5. Ballade chantée par Mlle Duez : « Entendez-vous dans les savanes. » (
5 bis. La môme transposée un ton plus bas pour mezzo soprano . . . (
6. Air chanté par M. Bouché : « Jusqu'à ce jour, sans désir, sans envie.» C
6 bis. Le même transposé un ton plus haut pour baryton 6
7. Boléro chanté par Mlle Guichard :« La belle fête pour Zora! » . . 6
8. Duo chanté par Mlle Duez et M. Philippe : « Enfin, l'on nous laisse. » 7
N0' 9. Cavat'me chantée par Mlle Duez : « Quand sur notre beau navire. ». 4 50
9 bis. La même transposée un ton plus bas 4 50
10. Duo chanté par MM. Soyer et Bouché : « Tu sais comment je récom-
pense. » 7 50
11. Quatuor chanté par Mlle Duez, MM. Philippe, Soyez et Bouché:
« Dans mon âme éperdue. » 5 »
12. Couplets du Mysoli chantés par Mlle Duez: «Charmant oiseau qui
sous l'ombrage. » 4 50
12 bis. Les mêmes transposés un ton plus bas pour mezzo soprano. . . 4 50
13. Duo chanté par Mlle Duez et M. Philippe : « Ah ! mon ami, pour cal-
mer ma souffrance. 1 7 50
li. Air avec chœur chanté par M. Bouché : « Après avoir bravé. »... 7 50
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Frudcl (Cb.
Ueller (St.).
Kruger (W.).
Le Houppe? (F-
Flotow 6 »
Op. 67. Etwte de salon 5 »
Op. 70. Chœur bachique b »
Op. 71. Une Fleur, valse brillante 5 »
Op. 78. Promenades d'un solitaire, six mé-
lodies sans paroles, en deux suites, chaque 6 »
Op. 77. Saltarella 7 50
Op. 25. Harpe éoiienne, rêverie 5 »
Op. 13. Les Vœux, méditations religieuses 5 »
Marnioiitcl (A.)
Rosellen (H.).
Rosenhain (F.).
SpreiiKcr.
Talexy.
Voss (Cli,).
Mazurka de salon 5 »
Op. 129. Promenade en mer 5 »
Op. 46. Le Carnaval de Venise 6 »
Op. 8. Romance sans paroles 4 50
Op. kl. Marche italienne, fantaisie 7 50
Lara, polka-mazurka 5 »
Luisella, polka-mazurka 5 »
Rosélia, polka-mazurka 5 »
Op. 95. Pluie de roset, fantaisie-étude. . . 6 »
Julia, polka brillante 5 »
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Ernst (H. W.). Six morceaux de salon avec accompagnement
de piano ; première suite (Allegretto, Notturno, Allegretto mo-
derato.) 9
musique de vioiiOigcs&XiE
*^
Franclioniuie (A). Op. 34. Grande valse, morceau de concert
avec piano 7 50
Le quatuor seul 5 »
Seligniann (P). Op. 54. Manina, tarentelle avec accompagne-
ment de piano 6 »
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REVUE
Di FâlIS
7 Mars 1852.
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Le Journal parait le Dimanche.
GAZETTE MUSICAL
— ^/wW<3©©©vAAn/v\/-
SOMMA1IŒ. — Exposition universelle de Londres (23e et (dernière lettre), par
Fi'-tis père. —Auditions musicales, Alard et J'ranchomme, Société Sainte-Cécile,
tërnst, Mlle Charlotte de Mulleville, Joséphine, Martin, Clauss, etc., par Henri
Blaiu h mil — Conservatoire de niusi(|uc et de déclamation, exercice des élè-
ves. — Nouvelles et annonces.
EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES.
(VINGTIÈME KT DEnNIRRF. LETTRE) (1).
Monsieur.
Dans mon cours de philosophie et d'histoire de la musique, fait à
Paris en 1832, j'ai posé en fait que le système tonal, basé sur l'enhar-
monie dans l'antiquité la plus reculée, s'est modifié progressivement
et n'est arrivé au genre diatonique qu'après une longue suite de siècles.
J'ai fait voir co:i:u.ent ce dernier système tonal, seul en usage dans la
Grèce 300 ans avant l'ère chrétienne, s'est maintenu intégralement
dans l'Occident, jusqu'aux dernières années du xvic siècle; et enfin,
du fait jusqu'alors incompris de la découverte et de l'introduction dans
la musique de l'Iiarmouie dissonnante naturelle ou attractive, par Mon-
teverde, j'ai fait sortir la tonalité moderne avec toutes les conséquen-
ces, la similitude de conformation de toutes les gammes, la détermina-
tion de leur caractère en deux modes, et le passage successif du genre
unilonique, basé sur l'harnlonie purement consonnante, dans le genre
trensitonique, né immédiatement de l'harmonie attractive qui a créé
la modulation, puis dans le genre pluritonique, dans lequel l'attrac-
tion est susceptible de plusieurs modes de résolutions, puis définitive-
ment dans le genre omnilonique , que font naître les altérations multi-
ples ascendantes et descendantes, lesquelles engendrent une multitude
d'attractions, et mettent tous les sons en relation harmonique avec tous
les tons et leurs deux modes. Dans mon Traité d'harmonie, ainsi que
dans une foule de travaux particuliers publiés dans la Gazette musicale,
j'ai développé cette théorie, qui résume en elle toute l'histoire delà
musique, au point de vue le plus élevé.
D'autres travaux entrepris au moyen d'instruments de précision, et
qui sont encore inédits, m'ont démontré que les atlractions résultent
de ce que, par instinct, les musiciens doués d'une bonne organisation
élèvent les intonations dans les altérations ascendantes, et les abais-
sent dans les descendantes, d'une cerlaine quantité de vibrations que
l'instrument de Scheibler m'a permis de compter, et dont j'ai pu dres-
ser des tables par un travail où j'ai fait une heureuse application de la
formule que Fourier a publiée dans son admirable Théorie analytique
de la ch leur. (Paris, 1822, in-/i".) C'est ainsi que je suis parvenu à
fixer le nombre de vibrations de chaque note (le diapason étant donné)
(1) Voiries n" 34, 35,37,39, 40, 41, 42, 43, 44, 45, 46, 47, 48, 49, 50, 51,
de 1851, 1" 3 et 5 de 1852.
qui entre dans la composition d'une harmonie attractive, en raison de
sa tendance de résolution.
Nonobstant la nouveauté des aperçus qui m'ont conduit à cette
théorie, les difficultés du sujet ont effrayé les musiciens, et bien peu, je
pense, y ont donné assez d'attention pour comprendre ce dont il s'agit.
Un lieutenant-colonel anglais (M. T. Perronet-Thompson), amateur de
musique et de plus savant distingué, m'a fait l'honneur de s'en occuper
sérieusement dans un ouvrage publié en 1850, sous le titre de Théorie
et pratique de V intonation juste {Theory and praclice of juU intona-
tion; ivith a view to the abolition of tempérament); mais, en logicien
rigoureux, il a tiré de ma théorie de la tonalité moderne la consé-
quence que le tempérament doit être abandonné dans les instruments
à sons fixes, et qu'il est indispensablement nécessaire de donner à ces
instruments des sons justes en nombre suffisant pour satisfaire à toutes
les exigences de la justesse absolue dans toutes les agrégations d'har-
monies attractives, et pour tous les cas de résolutions possibles. C'est
trancher dans le vif. J'avoue que mes témérités innovatrices ne vont
pas jusque là, et qu'en considération de l'imparfaite conformation des
mains des pianistes et organistes, à qui Dieu n'a donné que cinq doigts,
je consentirais volontiers à ce que les claviers de l'orgue et du piano
restassent tels qu'ils sont, et à entendre, grâce au tempérament, leurs
fausses harmonies, qui ne me blessent pas trop le sens musical. Mais
M. T. Perronet-Thompson n'est pas homme à s'arrêter à ces choses ;
en Anglais tout d'une pièce qu'il est, il ne s'est pas contenté de la théo-
rie ; car, voulant y joindre la pratique, il a fait construire par MM. Rob-
son, facteurs d'orgues à Londres, pour l'Exposition de 1851, un orgue
enharmonique, et par M. Panormo, une guitare également enharmoni-
que. L'objet de l'orgue enharmonique est de faire exécuter les inter-
valles attractifs dans une parfaite justesse au moyen de 42 sons par
octave, qui répondent en effet à toutesles tendances ascendantes etdes-
cendantes, lesquels peuvent être produits par vingt touches brisées,
que modifient certains boutons et ressorts. Les touches diatoniques,
chromatiques et enharmoniques sont distinguées par le blanc, le noir
et le rouge.
Déjà, dès 1832 et jusqu'en 1835, M. le lieutenant-colonel Perronet-
Thompson avait publié une suite d'articles sur les données de ma théo-
rie, dans le Westminster- Revieic; puis il avait paru renoncer à pour-
suivre ses recherches sur ce sujet , ^lorsqu'il conçut le plan des deux
instruments qu'il a fait figurer à l'Exposition, et^qui m'ont paru n'avoir
attiré que mes regards. L'auteur de ces instruments n'est pas le pre-
mier qui ait essayé d'en faire construire pour faire rentrer dans le do-
maine de la musique moderne le genre enharmonique ; cette entre-
prise remonte même à une époque reculée. Vers le milieu du xvi° siè-
cle, Nicolas Vicentino, maître de chapelle du duc de Ferrare, imagina
74
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
de faire revivre les trois genres diatonique , chromatique et en-
harmonique des Grecs, et fit faire un clavecin à deux claviers, auquel
il donna le nom à'Arcicembalo, pour en démontrer la possibilité. 11 a
donné la description de cet instrument dans un livre (1) où l'on voit
que l'octave était divisée en trente-quatre parties par les deux claviers,
savoir dix-sept par chacun d'eux. Le premier faisait entendre les diffé-
rences de ut dièse et de ré bémol, de ré dièse et de mi bémol, etc. ; le
second donnait les intonations diverses des notes bémolisées une ou
deux fois lorsqu'elles deviennent identiques, suivant le tempérament
avec les notes inférieures, comme ut bémol comparé à «/bécarre, ja
bémol comparé à mi bécarre, etc. Vicentino, dans ce travail , suivait
la doctrine de Pythagore d'après Boèce, et faisait tous les tons égaux
dans la proportion de 8 : 9 , et les demi-tons mineurs égaux à 243 :
256.
Un peu plus tard , Zarlino, savant théoricien et maître de chapelle à
Venise, fit construire dans cette ville une épinette dont il a donné la
description dans le deuxième livre de ses Institutions enharmoniques (2) ,
et dont le clavier était également enharmonique , mais construit d'a-
près des principes différents de ceux de Vicentino ; car Zarlino niait
la réalité de la musique chromatique qu'on essayait de faire de son
temps; soutenant avec raison, quoiqu'il en ignorât les vrais motifs,
que cette musique prétendue chromatique et enharmonique était sim-
plement de mauvaise musique diatonique. Le but de Zarlino, lorsqu'il
fit construire son épinette enharmonique, était purement spéculatif. Il
voulait démontrer que la musique de son temps était dans le système
diatonique synton de Ptolémée, c'est-à-dire que dans la tonalité de
cette musique les tons étaient inégaux, à savoir : les tons majeurs,
dans la proportion de 8 : 9, et les tons mineurs, dans celle de 9 : 10 ;
d'où résultait la nécessité de faire majeurs les demi-tons, comme de mi
h fa, et de si à ut, dans la proportion de 15 : 16. C'est cette fausse doc-
trine qui a été adoptée par les géomètres venus après Zarlino, et qui
est la source de toutes leurs erreurs.
Ce fut sans doute pour satisfaire aux vues d'un musicien érudit et
entiché de quelque système de nouveauté musicale, que le comte de
Novellara, Camille de Gonzague, fit exécuter, en 1606, par un célèbre
facteur d'instruments nommé Vito de Trasuntino, un clavier dont
chaque touche était divisée en quatre parties, au moyen desquelles on
pouvait faire entendre les différences enharmoniques d'une note diésée
avec la note supérieure bémolisée, d'une note non affectée de dièse ou
de bémol avec une note supérieure ou inférieure affectée de l'un de ces
signes, et enfin d'une note affectée de deux dièses ou de deux bémols
avec une note supérieure ou inférieure. Ce clavecin existait encore à
Rome,il y a peu d'années, chez l'abbé Baini (3). Ce clavecin avait 31
touches par octave, et 125 pour son étendue de quatre octaves.
Un autre système d'instrument enharmonique fut imaginé, au com-
mencement du xvne siècle, par un savant Napolitain nommé Fabio Co-
lonna. Dans un livre imprimé en 1618, il donne la description de cet
instrument (4), qui était monté de 50 cordes, et auquel il donna le nom
de Pentecontachordon, mot grec qui signifie cinq fois dix cordes.
L'objet de Colonna était de diviser les tons de notre échelle diatonique
en trois parties, en laissant les demi-tons tels qu'ils sont ; ce qui for-
mait dix-sept intervalles par octave. Ce système, et l'instrument qui le
représente, qualifié d'absurde par Jean-Baptiste Doni , et que le
P. Mersenne a analysé dans son traité de l'Harmonie universelle (5),
est exactement le système de la musique arabe.
(1) L'Antka Muska ridotla alla modcrna prattica, con la dichiaratione e
con gli esempi de t Ire generi. con le Inro spetie, et con l'.inventione di uno mw'vo
stromento, nel quale si conticnc lulta la musica perfelta, etc. In Roma 1551
1 vol. in-fol.
(2) Lelstitutioni Harmonkhe. Venise, 1558,1562,1573. Toutes ces éditions
sont in-folio.
(3) Memorie storieo- cniliçhe délie vila e délia opère di G. P. da Paleslrina
t. II, p. 75, note 520.
(4) Délia Sambuca lincea, ovvero dclV istmmenlo perfetto, lib III Nanles
1618, in-4". . '
(5) Traité des Instruments à chordes, livre III' ; proposition V. Le clavier d'épi-
nette dont Mersenne donne la description est exactement conforme au système de
Fabio Colonna. '
D'autres tentatives ont été faites à diverses époques pour faire sor-
tir les instruments à clavier du système du tempérament et leur
donner les moyens de rendre les intervalles avec une parfaite justesse.
De ce nombre est l'orgue enharmonique de H. Liston, dont il est parlé
dans l'Encyclopédie de Rees, à l'article Organ. A la demande de Bottée
de Toulmon et de M. Vincent, auteur de travaux intéressants sur la
musique des Grecs, M. Roller, facteur de piano de grand mérite, de la
maison Roller et Blanchet de Paris, a construit un piano enharmoni-
que pour la démonstration de la réalité de ce système de la musique
antique. Le célèbre compositeur dramatique, M. Halévy, rapporteur
de la commission qui fut chargée de l'examen de cet instrument à
l'Institut de France, a pensé qu'il était possible de faire usage dans la
musique actuelle, du système enharmonique rendu sensible par l'in-
telligent travail de M. Roller. Il s'est trompé à cet égard, car le sys-
tème enharmonique des Grecs, purement mélodique, est inapplicable
à notre harmonie, qui résulte des attractions harmoniques des sons.
L'erreur de Bottée de Toulmon et de M. Vincent consistait à croire
que ces deux enharmonies ont de l'analogie.
De tous ces tentatives, on voit que la seule qui se rattache à l'état
actuel de la musique est celle de M. le colonel Perronet-Thompson. Les
42 sons qui iorment les divisions enharmoniques de l'octave , dans
son orgue, n'ont de rapport ni avec les deux systèmes enharmoniques
des anciens, ni avec le système arabe, et n'ont pas pour objet d'opérer
entre ces systèmes et la musique de nos jours une alliance impossible.
Ces sons représentent en réalité tous les degrés de tendances attracti-
ves qui résultent soit de l'harmonie dissonnante naturelle, soit des al-
térations des intervalles simples et collectives. Mais, bien que ces at-
tractions agissent sur tous les artistes bien organisés et leur fassent, à
leur insu, élever ou abaisser les intonations en raison des tendances
harmoniques, je pense que cette justesse absolue serait trop difficile à
réaliser et à conserver dans les instruments à sons fixes , et que les
complications auxquelles elle donnerait lieu feraient naître des incon-
vénients considérables qu'il serait impossible d'écarter. Dans un orgue,
les longueurs déterminées des tuyaux ne suffisent pas pour rendre les
intonations invariables, car les flûtes sont douées d'une sensibilité ex-
cessive qui les fait varier d'intonation à toutes les nuances de modifi-
cation de l'état de la température. En supposant donc qu'on parvînt à
accorder avec justesse toutes ces nuances délicates d'intonations diver-
ses, l'instrument ne conserverait pas l'accord deux heures consécutives
sous l'influence d'un changement de température occasionné par une
cause quelconque. La difficulté d'accorder un piano serait la même que
pour un orgue, et l'effort des cordes en sens-inverse de la tension qui
leur est donnée serait, comme dans tous les pianos, une cause inces-
sante de relâchement, mais serait bien plus sensible, eu égard à la pe-
titesse des intervalles. Ajoutons que les complications du mécanisme
du doigter sur un pareil instrument seraient si grandes, que le plus
habile des exécutants ne parviendrait pas à les vaincre.
La conclusion naturelle à tirer de ces considérations est que les in-
struments enharmoniques à sons fixes et à clavier ne peuvent avoir
d'utilité que dans la spéculation; et que dans la pratique de l'art, le
tempérament, quelles que soient ses imperfections pour une oreille
sensible, est une nécessité absolue. J'ai cru devoir traiter cette ques-
tion avec quelque développement à l'occasion de l'instrument mis à
l'Exposition universelle par M. le colonel Perronet-Thompson , parce
qu'elle est en général mal comprise, et parce que les erreurs répandues
à ce sujet exposent des amateurs ou des facteurs d'instruments à faire
de grandes dépenses qui ne peuvent avoir de résultat utile.
Après avoir traité dans toutes mes lettres des grandes classes d'in-
struments qui ont figuré à l'Exposition, peut-être un peu trop longue-
ment, il ne me reste plus que quelques mots à dire d'une spécialité que
j'ai vu naître il y a quelque trente ans ; je veux parler des harmo-
niums.
L'harmonium ne s'est pas présenté d'abord dans le domaine de la
musique avec les apparences ambitieuses qu'on lui voit aujourd'hui.
DE PARIS.
75
Ce fut d'abord sous la forme très-efcignë de X'éoline ou êlodicon que le
facteur d'insLrumenls bavarois Eschenbach lui fil faire son apparition ;
puis Antoine llackel, de Vienne, le modifia dans la disposition du souf-
flet cl en Ct le p/iisharmonica que Payer lit entendre à Paris en 1826.
Les deux facteurs que je viens de nommer avaient pris l'idée de leurs
instruments dans les anches libres de l'orgue expressif de Grenié, qui
lui-môme avait puisé la première pensée des anches de cette espèce dans
le cheng chinois. Le phisharmonica que lit entendre Payer à Paris donna
à M. Dietz le désir de le perfectionner en augmentant la puissance du
son ; car les anches de M. Hackel étaient Irès-faibles et ne produisaient
que des sons très-doux. Des anches plus énergiques, mises en vibra-
tion par un vent plus condensé, produisirent pour résultat dans Vaerc-
phpne de M. Dietz, une puissance de son beaucoup plus considérable.
Ce fut la première amélioration de quelque importance introduite dans
cette famille d'instruments ; mais M. Debain lit faire à la construction
des instruments de cette espèce de très-grands progrès. C'est lui qui,
le premier, imagina de modifier le timbre des lames métalliques en les
approchant ou les éloignant de la soufflerie à divers degrés , mettant
en proportion leur position, leur épaisseur, ainsi que la capacité et la
hauteur des caisses de l'instrument, les ouvertures qui livrent passage
au courant d'air, et M. Debain est aussi le premier qui ait réuni sur
un seul clavier six octaves, quatre jeux de timbres différents, lesquels
peuvent se combiner au moyen de registres. C'est à l'instrument per-
fectionné par ses soins que M. Debain a donné le nom d'harmonium,
et ce nom lui est resté.
Une imperfection restait encore à l'harmonium ; elle consistait dans
la lenteur d'articulation de l'instrument. Ce défaut a disparu par la
percussion d'un petit marteau qui attaque les lames métalliques au mo-
ment où les touches du clavier s'abaissent. En l'état actuel, l'harmonium
parait avoir atteint tout le développement de ses facultés : on pourra
y introduire des variétés de timbres et de diapasons ; mais les instru-
ments que j'ai vus et joués à l'Exposition universelle m'ont démontré
que le principe de la vibration des anches libres a reçu toutes les appli-
cations importantes dont il était susceptible.
MM. Alexandre et fils, de Paris, ont aussi beaucoup contribué au
perfectionnement de l'harmonium. Si je ne me trompe, ils ont inventé
le système de percussion. Ils ont mis à l'Exposition de beaux instru-
ments de ce genre, entre autres un harmonium à six jeux avec dix-neuf
registres de combinaisons, dont le clavier, bien que renfermé dans
cinq octaves, a néanmoins sept octaves d'étendue par le fait de la
transposition des registres. M. Verhasselt, de Bruxelles, a aussi envoyé
à l'Exposition quelques bons instruments qui ne m'ont paru renfermer
rien de nouveau, mais qui viennent immédiatement, dans mes notes,
après ceux de M. Alexandre. J'ai joué, aussi, quelques bons instru-
ments du même genre, construits en Angleterre par des facteurs dont
les noms échappent en ce moment à ma mémoire.
Une des plus singulières excentricités musicales de l'Exposition m'a
paru être l'harmonium de M. Millier,, de Paris, auquel le facteur a
donné le titre d'orgue de voyage. Il mérite certainement son titre, car
il peut être renfermé dans une malle de 1 mètre 13 centimètres; la
hauteur, 39 centimètres ; la largeur, 37, et le poids 50 kilogrammes.
Le clavier se pousse par une coulisse dans la caisse de l'instrument, les
pieds se replient dans le fond, le mécanisme de la soufflerie et le pu-
pitre se logent dans le couvercle de la malle, et celle-ci n'a que l'as-
pect d'une malle ordinaire ; mais lorsque l'instrument est tiré de son
étui et déployé, son aspect est celui d'un harmonium ordinaire, et sa
sonorité a une puissance qu'on ne croirait pas pouvoir sortir d'un si
petit espace.
Ici, Monsieur, se termine l'exposé de tout ce qui a frappé mon at-
tention dans la catégorie des instruments de musique à l'Exposition
universelle. J'ai tâché de rendre utile, pour le public et pour les
artistes, l'analyse que j'en ai faite : puissé-je ne pas avoir fatigué la
patience de vos lecteurs!
Agréez, Monsieur, etc. FÉTIS père.
AUDITIONS MUSICALES.
Quatrième Ht-unce «le musique île chambre pnr MM. Alard et
Si uni h. .mini-. — <6ii.iIii.iiu- concert de la Société Maliite-t'écllr.
— Troixième concert «le II. ICrns». — Œuvre de lu MiHcricordc.
— Mlles Charlotte de Mallerille, Joséphine Martin, Vt ilhcl-
mitie t luns-, MM. Ascher, Forsoc» ct VnmagalII. — M. Emile
Rijrnanlt. — M. Georges Bouaquel. — SI. Eiemmenit.
Lu musica da caméra , le grand concert vocal et instrumental , les
séances de musique intime que l'on offre aux amis, aux amateurs, aux
critiques même, par jolies petites lettres, ou par des cartes de visites
qui vous annoncent d'une façon quelque peu affectée que M. tel ou tel,
professeur de piano, restera chez lui tous les soirs pour s'y faire en-
tendre; ces solennités musicales, données à tous les étages et à toutes
les classes de la société, se développent sur une grande échelle en ce
moment dans Paris.
Au nombre des séances de musica da caméra (musique de chambre) ,
on distingue celles données par MM. Alard et Franchomme. Ces deux
virtuoses méritent surtout la qualification de classiques progressifs, dé-
nomination trouvée, par laquelle nous avons caractérisé le talent de
l'organiste Lemmens, et qui a fait fortune parmi les gens qui savent ce
que c'est que d'écrire sur l'art musical. C'est donc en qualité de clas-
sique progressiste que M. Alard a dit, avec ses habiles concertants, un
des quatuors de Beethoven, dans lesquels ce compositeur exceptionnel
se mit aussi , lui , à écrire d'une manière qu'il dut croire progressive,
puisqu'il continua dans cette voie un peu singulière. Le 10e et le 11e
quatuors sont déjà d'un style fort avancé pour l'époque où ils paru-
rent et même pour celle-ci. Le 11e a été dit par MM. Alard, Armingaud,
Casimir ISey et Franchomme dans leur dernière séance chez Pleyel.
Les trois premiers morceaux de cette œuvre ont provoqué au moins
autant d'étonnement que de plaisir parmi les fanatiques de ce genre
de musique, qui les ferait moins délirer si on la leur donnait sous le
nom d'Urhan ou de Schoberlichnerasfeldemberg. Il faut dire pourtant
que le final de ce quatuor en fa mineur a été justement bissé, par la
manière intelligente et chaleureuse avec laquelle il a été dit, et surtout
aussi grâce à sa forme logique, dramatique et passionnée. Le trio en
sol majeur pour violon, alto et violoncelle, — nous ne savons pourquoi
on ne joue jamais le troisième en ut mineur du même œuvre, et qui
est un des plus beaux qui soient sortis de la plume du même composi-
te^ _ a été dit par MM. Alard, Casimir Ney et Franchomme, avec
toute la verve et la prestesse d'archet qui distinguent ces habiles instru-
mentistes; et puis Validante capriccio, de Mendelssohn, redemandé, a
été entendu de nouveau avec le plus grand plaisir, ainsi que la sonate
en la majeur, de Mozart, pour piano et violon, exécutée avec beaucoup
de correction par Mlle Meara et Alard; et puis enfin le beau quintette
en sol mineur, pour deux violons, deux altos et violoncelle, du même
auteur, a dignement terminé celte séance de belle et bonne musique
bien exécutée, intéressante manifestation d'art, qui attire toujours une
société de bonne compagnie et qui sait bien écouter.
—La sy mphonie en sol majeur, dite militaire, de Haydn, a été trouvée
charmante par l'auditoire des concerts de la Société Sainte-Cécile ; mais
d'une sonorité un peu tranquille, d'une physionomie guerrière un peu
bourgeoise par le temps de musique cuivrée, bruyante et brillante que
nos hommes de bruit harmonique ont fait prévaloir.
Le morceau de Beethoven : Mer calme, heureuse traversée, chœur
avec orchestre, ne nous a montré aussi qu'une physionomie un peu
pâle ; il en a été de même du chœur final d'Echo ct Narcisse, de Gluck.
La ballade des nymphes (2e acte d'Oberon), a paru, au contraire, ce
qu'elle est en effet, une mélodie-harmonie suave, idéale, enchantée,
et fort bien rendue par Mlle Poinsot.
Beethoven a pris sa revanche d'une façon éclatante avec sa verveuse
ouverture de Coriolan, que l'orchestre a dite chaleureusement.
M. Gounod s'est montré, lui aussi, compositeur progressiste dans le
style sacré. Si son Benedictus est dans la vieille forme fuguée, son
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REVUE E/f GAZETTE MUSICALE
Sanc'us est, ainsi que nous l'avons déjà dit dans cette feuille, gran-
diose, religieux et riche d'instrumentation. Mlle Poinsot, qui a dit le
solo dans lequel elle s'était imposé la tâche difficile de remplacer
M. Gueymard, s'y est montrée cantatrice intelligente et d'un excellent
style.
Une ouverture de Robert le Diable, qui n'a jamais été jouée à l'O-
péra, terminait ce brillant concert. Ce sont quelques-uns des motifs de
la partition du célèbre opéra qui servent d'éléments à cette belle pré-
face musicale dramatique. L'auteur y a jeté à pleines mains les plus
riches effets d'instrumentation, et combiné le plus heureusement pos-
sible les mélodies et les rhythmes. Cette belle symphonie, empreinte
de tant de charme et d'entrain , exerce sur l'auditoire un empire
d'autant plus irrésistible que les motifs dont elle se compose ont
acquis une immense popularité.
Le Prophète a été privé aussi de sa préface, et l'on se demande pour-
quoi le compositeur, qui sait avec tant d'art manier l'instrumentation,
qui plus qu'un autre a si bien jeté le drame dans l'orchestre, a, de
nouveau, laissé condamner à l'ostracisme l'ouverture de son dernier
chef-d'œuvre. En rendant compte de cette belle composition dans la
Gazette musicale, lors de sa publication, il y a près de deux ans, je
répondais à des observations qui m'avaient été faites sur cette ouver-
ture, et je disais comme je le dis encore : espérons que l'ouverture du
Prophète sera exécutée devant un auditoire capable de la comprendre.
Que si le public, peu mûr pour de telle musique, n'en saisissait pas les
beautés, je m'en consolerais en disant avec Dacier : Mes remarques
subsistent. J'ajouterai que si les auditeurs des concerts de la Société
Sainte-Cécile ont su gré à M. Seghers d'avoir restitué à Robérf-le-
Diable ce dont on l'avait privé, ils ne pourront que remercier l'habile
chef d'orchestre de rendre à Dieu ou à son Prophète ce qui lui appar-
tient.
— M. Ernst a donné, le 1er de ce mois, son troisième et dernier con-
cert, dans la salle Herz. 11 a dit, avec MM. Eckert, Maas et Chevillard,
le quatuor en m /mineur de Mendelssohn-Barlholdy, quatuor dont le
premier morceau et le final sont fort travaillés et semés d'imitations
serrées qui sont comme un travail pour l'auditeur, s'associant, malgré
qu'il en ait, à ce style consciencieux, et même à la grande difficulté
d'exécution qui en résulte. Il est vrai qu'exécutants et auditeurs sont
bien dédommagés de ces efforts par Validante et le scherzo, qui vous
bercent des idées les plus suaves et les plus riantes. Après cela Mlle Du-
val est venue nous chanter une romance sur l'amour filial, par Mme Gus-
tave Lemoine (Loïsa Puget) , que la cantatrice a dite avec une expres-
sion profonde et vraie ; et puis, un air du Torquato Tasso, de Donizetti,
qu'elle n'a pas moins bien chanté. Mme Comettant a dit aussi des cou-
plets avec beaucoup de sentiment et de grâce. Quoi qu'il en soit de tous
ces charmes auxiliaires, les honneurs de la soirée ont été pour le béné-
ficiaire, qui nous a fait entendre des variations sur des airs hongrois en
virtuose fantaisiste, avec une originalité qui n'a pu être dépassée que
par les caprices excentriques qu'il dépoie, qu'il jette à ses auditeurs
étonnés et charmés, dans son Carnaval de Ver.ise, où il résume le fan-
tastique Hoffmann et le grotesque Callot.
L'andante et le final de la grande sonate en la mineur, de Beethoven,
ont été dits aussi dans ce concert par M. Ernst et Mlle Clauss, qui joue
dans beaucoup de soirées particulières du faubourg Saint-Germain, et
qu'on voudrait entendre dans tous les concerts; car, bien qu'elle soit
jeune et petite, elle est âgée et grande par le talent.
— Il a été donné dans la salle Sainte-Cécile une grande matinée
musicale au profit des pauvres honteux de la ville de Paris, sous le pa-
tronage de princesses, duchesses, marquises, comtesses, vicomtesses,
générales, baronnes et simples roturières, parmi lesquelles se trou-
vaient, sur le programme, Mmes de Craon, de Beaufort, de Grammont,
de Turenne, de Magnan, de Luxembourg, de la Ferronnays, de Ver-
gennes, d'Armaillé, de Bernis, de Chabrillan, etc. Entourée de ces
nobles patronesses, au nombre de quarante-six, et parmi Roger, Dorus,
Mme Laborde, de l'Opéra, Mlle Montigny et le jeune Hildebrand Rom-
berg, Mlle Clauss a fait entendre la fantaisie de Wilmers, intitulée Un
jour d'été en Norvège, et elle a été applaudie et fêtée pour son beau
talent et sa bonne action, comme les artistes éminents auxquels on
l'avait associée, comme Mme Rose Chéri, du Gymnase, et Numa, et
Landrol, qui ont participé aussi, en jouant une pièce de leur théâtre, à
l'acte de bienfaisance de cette pieuse association qui a pour nom :
Œuvre de la Miséricorde.
— Au risque d'encourir le reproche de monotonie, il faut bien signa-
ler à nos lecteurs les faits et gestes de nos pianistes des deux sexes.
Le piano et les pianistes nous rappellent les inversions et circonlocutions
dont se sert le maître de philosophie de M. Jourdain dans le Bourgeois
gentilhomme pour varier le compliment galant que son élève doit
adresser à la dame de ses pensées : Belle marquise, etc. Cela nous re-
met en mémoire aussi le fameux couplet de vaudeville par lequel
M. Scribe critiquait la monotonie du répertoire du théâtre de l'Opéra-
Comique, qui ne représentait chaque soir que
Le A'otivcau Seigneur et Joconde,
Jnconde et le Nouveau Seigneur.
Et cependant il n'en est pas ainsi de nos virtuoses ; il existe beaucoup
de variétés dans le système physiologique et le sens artistique de nos
individualités pianistiques. Si pour beaucoup de gens un pianiste vaut
un pianiste, comme un piano vaut à peu près un piano, pour d'autres,
à l'oreille, aux facultés musicales exercées, il est des nuances dans le
mécanisme des uns et des autres. Voyons, prenons-en une demi-dou-
zaine de l'un et l'autre sexe : Mlles Wilhelmine Clauss, Charlotte de
Malleville et Joséphine Martin, puis MM. Fumagalli, Ascher et Forgues,
par exemple. On peut dire d'abord que ce ne sont pas des artistes à la
douzaine, puisqu'il n'y en a que six. Mlle de Malleville, qui a donné
samedi dernier la seconde de ses quatre séances annuelles de musique
de chambre, nous prouve à chacune de ces exhibitions qu'elle possède
un talent sérieux qui ne cesse de nous interpréter les œuvres de Haydn,
de Mozart, de Beethoven que pour remonter jusqu à celles de Rameau.
Ce talent se distingue par une sorte de poli aristocratique, et manque,
par cela même, de malléabilité. On est trop galant, trop Français pour
dire que la grâce lui manque, et trop circonspect pour conseiller à cette
jeune virtuose de se passionner, bien qu'il ne soit question que de pas-
sion pour l'art ; il est vrai que c'est l'autre qui mène à celle-ci. Mlle de
Malleville arrange, écrit, compose parfois de jolie musique.
— Mlle Joséphine Martin exécute proprement, vivement, spirituelle-
ment la musique actuelle, et surtout la sienne. Son mécanisme est im-
périeux, gracieux et brillant; c'est dire que ce mécanisme est un peu
trop mécanique. Mélancolie et rêverie ne sont pour rien dans les élé-
ments de ce jeu, non plus que mélodie et rondeur, et puissance de son.
Quand on est sûr de plaire par l'élégance , l'esprit, on ne compreud
pas qu'il soit nécessaire de recourir à la niaise et triste sensibilité , à
la chaleur de cœur, à l'éloquence, à la poésie de l'art, qui, en défini-
tive, seraient compromettantes pour une demoiselle ; et puis, tout cela
peut-il sortir de cette boîte plus ou moins carrée, plus ou moins oblon-
gue que l'on nomme un piano ? Erard et Mme Pleyel disent que oui.
Mlle Martin, dans une brillante soirée musicale donnée en son do-
micile artistique, a joué de charmantes fantaisies écrites par elle ; car
elle a composé de délicieux morceaux de piano qu'elle exécute déli-
cieusement.
Si de ces brillantes pianistes nous revenons à Mlle Clauss, nous trou-
vons en cette virtuose charmante plus jeune que ses rivales, ou mieux
ses émules, un jeu plus âgé, plus sérieux, plus écrit, plus homogène
dans toutes ses parties. S'il est un peu trop lié, si l'artiste couve un
peu trop du regard ses touches, son cher clavier, le talent de
Mlle Clauss n'en est pas moins un des plus solides, un des plus con-
sciencieux, un des plus attachés et des plus attachants que nous ayons
entendus. Elle joint la beauté du son dans la mélodie à la vélocité cor-
recte dans le trait. En l'écoutant, on la sent émue de la passion de
son art. Bien entendu qu'il n'est pas question d'établir ici aucune
DE PARIS.
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similitude entre ces artistes d'une organisation dissemblable et de ta-
lents divers. Comparaison, d'ailleurs, n'est pas raison, comme dit le
vulgus assez judicieusement.
En étudiant l'art de bien dire sur le piano, Mlle Olaussn'a pas négligé
l'art d'écrire pour cet instrument, niais elle ne compose pas. J'ai
presque envie de montrer assez peu de galanterie pour l'en féliciter.
— Si nous passons maintenant aux pianistes mâles, MM. Ascher,
Forgues et Fumagalli, nous trouverons trois artistes assez semblables
comme \ irtuoses et compositeurs, du moins pour ceux qui basent leurs
appréciations sur des à peu près. De même que quelques uns de nos
anciens poètes qui se sont immortalisés par un quatrain, ou ces pia-
nistes légers et brillants connus par une arabesque, un bananier ou
une tarentelle quelconques, M. Ascher a ses Hirondelles qui ont déjà
circonvolutionné sur bien des claviers ; M. Forgues a bercé bien des au-
ditoires dans son Hamac, ce qui ne veut pas dire qu'il les ait endormis,
et M. Fumagalli a locomotionné bien des cœurs par sa charmante chan-
son-sérénade espagnole. Ce pianiste lombard est jeune, d'un physique
agréable ; il a le regard et le sourire spirituels ; il semble avoir des
doigts d'acier qui tirent du piano tout le son qu'il peut rendre et même
plus qu'il n'en doit donner, car il attaque la touche de taçon à faire
restituer à l'instrument la première moitié de son nom de forte qu'il
avait autrefois. Mais en compensation de cette brusquerie d'attaque, il a
du brillant, de la chaleur dans le jeu, de la verve et de la fougue même ;
c'est enfin le premier pianiste sérieux qui nous soit venu d'Italie.
M. Ascher, pianiste allemand, se distingue par un jeu fin, délié, que le
succès qu'a obtenu sa petite étude intitulée les Hirondelles dans le
monde et parmi les amateurs, a rendu exigu, petit, pointu de son, qu'il a
cherché, mais en vain, à rendre plus ample, plus magistral dans le morceau
de concert sur Lucrezia Borgia. Il a joué cela dans la soirée musicale
donnécpar!ui,salleHerz, mercredi dernier; il nous a faitentendre encore
de fort jolies petites choses musicales : une Rêverie, une S':guidille sur
Mosquila, l'Orgie, morceau dit caractéristique. Ce dernier mot est
presque licencieux précédé de l'autre ; mais il ne s'agit ici que d'une
orgie, d'une cascade de notes. Et à propos de cascades, le bénéficiaire
nous a distillé ses Gouttes d'eau dans son troisième caprice-étude ;
mais ces gouttes d'eau n'en sont qu'une perdue dans la mer d'études,
de caprices, de fantaisies, qui débordent, qui nous inondent de ses flots
incessants et toujours croissants. Nous avons dit, plus haut, bénéficiaire :
ce titre n'a pas été une fiction pour M. Ascher, si tous ceux qui sont
venus l'entendre ont payé ce plaisir ; car, bien que la musique soit
fort à la mode, on voit rarement un public aussi compacte dans un
concert donné même par les célèbres virtuoses. Il est vrai que ce con-
cert était fort attrayant. Dans un joli duo en écho du Charme de la
voix, de Berton, M. Géraldy et Mme Lefébure-Wély nous ont prouvé
tout le charme de la leur; M. Edouard Batiste nous a fait entendre de
nouveaux choristes intelligents, ce qui n'est pas commun, et fort bien
dirigés par lui ; le violon d'Hermann a, comme toujours, impressionné
l'auditoire, et M. Chaudesaigues l'a fort égayé de ses bêtises spiri-
tuelles.
— Dans la même soirée, en véritable critique ubiquiste, nous avons
entendu, dans la salle Pleyel, M. Emile Forgues, pianiste distingué ;
car il est bien rare, par le temps qui court et ces messieurs aussi,
qu'un pianiste ne soit pas distingué, soit dans quelques salons, soit
par sa clientèle. M. Forgues est aussi un pianiste du jour par les
petites pièces qu'il compose et dit sur son instrument avec beaucoup de
grâce, de finesse et de chaleur. Il s'est même montré classique en es-
sayant de nous traduire la sombre poésie de la sonate en ut dièze
mineur de Beethoven ; mais son public, car chaque pianiste a le sien,
excepté ceux, en petit nombre, qui n'en ont pas du tout ou ceux qui
les ont tous, l'auditoire de M. Forgues a mieux aimé, a plus applaudi ses
Variations de concert sur Charles VI, son Départ, le Hamac, que nous
avons déjà cité, la Tarentelle de concert, — il ferait beau voir qu'un
pianiste n'eût pas composé et ne tînt pas toujours à la disposition de
ses auditeurs une tarentelle, — et enfin son Alcazar, fantaisie espagnole
qui a bien la couleur ibérienne, qui fait rêver de galanteries, de séré-
nades, de jalousies d'amour comme de celles qui s'ouvrent sur les
balcons, et qui rappelle enfin ce vers coloré du roi dans la Fdvortle :
Palais do l'Alcazar, délices des rois maures!...
Avec ce goût du jour, celte couleur locale, un bon mécanisme dans
lequel se distinguent des octaves nettes ct"perlées, M. Emile Forgues a
obtenu beaucoup de succès en Espagne, d'où il est revenu la bouton-
nière ornée d'un ruban jaune et blanc.
— Pour compléter celte pléiade de pianistes qui peut être de sept,
comme du temps de Ptolémée Philadelphie et de Ronsard était la pléiade
des poètes, nous voudrions pouvoir joindre à ces étoiles musicales
Mlle Milhès; mais celle-ci n'est qu'une très-petite étoile qui scintille à
peine dans le ciel harmonique, et s'est contentée d'apparaître modes-
tement dans la salle de Sax , où elle nous a fait entendre sur le piano,
d'une manière aisée et gracieuse, un joli caprice de M. Brisson , Jadis
et aujourd'hui, et la fantaisie sur les motifs de la Lucie de Lamermoir,
par Prudent.
— Dans un concert donné dans la salle Herz, M. Emile Rignault s'est
montré, comme toujours, violoncelliste habile, qui sait réunir ces deux
qualités précieuses et rares dans un virtuose : mélodie et. difficulté.
C'est surtout dans le chant intitlé la Vision de sainte Cécile, avec ac-
compagnement de violoncelle par M. Lebouc, que le bénéficiaire s'est
bien associé à la voix humaine et a su la rivaliser.
— Le temps est venu où les écrivains qui jugent les œuvres musi-
cales doivent connaître à fond les procédés de l'art sur lequel ils écri-
vent. M. Georges Bousquet a voulu pouver qu'il est un de ces criti-
ques compétents. Deux excellents quatuors de lui pour deux violons,
alto et basse, dits par l'habile violoniste Léonard, MM. Batta, Lebouc
et l'auteur, ont été entendus avec un vif plaisir par un auditoire d'ar-
tistes et de bons amateurs, qui ont justement applaudi les idées mélo-
diques et le savoir du compositeur. Vous verrez qu'il ne dira rien de
ces œuvres, dont il ferait un juste éloge si elles étaient d'un autre.
— Lemmens a aussi réuni de nouveau, vendredi dernier, un audi-
toire des hommes compétents de la presse musicale et de l'art, dans
l'église de Saint- Vincent-de-Paul , pour jeter encore à son auditoire
charmé de belles et larges fugues bien développées, des pières pleines
de grâce et de religiosité sur l'orgue, chef-d'œuvre de Cavaillé-Coll.
Henri BLANCHARD.
CONSERVATOIRE DE MUSIQUE ET DE DÉCLAMATION.
KXERCICE DES ÉLÈVES.
Ouvcrl «ii'e pur M. «lonus» — Les Folies» uiuotii'eunew. —
tS-i-iisn «te Va ri s
Nous n'avons voulu parler de la maladie de M. Auber qu'en annon-
çant une convalescence qui touchera bientôt à son terme. Du reste,
sans sortir de sa chambre, l'illustre compositeur et directeur n'a cessé
de s'occuper des élèves confiés à sa surveillance. Il n'a pas voulu que
leurs travaux d'aucun genre fussent interrompus. Un exercice était
annoncé pour le dimanche 29 février, et l'exercice a eu lieu à l'heure
dite, comme si tout le monde se portait bien.
Cet exercice se composait de comédie et d'opéra-comique. Il avait
pour début une ouverture composée par M. Jonas, qui en 1849 obtint le
deuxième second grand prix de composition musicale décerné par l'In-
stitut. L'ouverture du jeune lauréat est bien faite et se distingue par des
tendances mélodiques d'un favorable augure. Comme dans toutes les
œuvres de jeunesse, il y a du trop plein instrumental : on dirait que
les musiciens novices ont juré de donner une besogne égale à tous les
archets, à tous les bois et à tous les cuivres qui remplissent l'orches-
tre. Avec de l'expérience on se défait de tout cela : mais l'expérience
n'est pas comme les années : n'en acquiert pas qui veut ; n'écrit pas
des opéras quiconque a l'envie et la faculté d'en écrire. Que le ciel et
les directeurs des théâtres lyriques se montrent propices à M. Jonas !
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REVUE ET GAZETTE MUSICALE
Les Folies amoureuses ont été jouées avec beaucoup de verve et
d'ensemble par MM. Lesage , Gilles de Saint-Germain , Lemaître ,
Mlles Arrène et Bilhaud. Cette dernière, élève émérite , engagée à
l'Odéon , où elle tient fort bien sa place, était venue , pour cette fois
seulement, remplacer Mlle Valérie, qu'une indisposition éloignait de
l'école. Les applaudissements valent toujours la peine d'être pris ,
surtout quand ils sont mérités. Mlle Bilhaud, soubrette vive et mor-
dante, sachant rire et faire rire dans la perfection, en a remporté sa
bonne part, et ne se sera sentie que plus légère en retournant à
l'Odéon. Si les Folies amoureuses, de Regnard , prouvent quelque
chose, c'est que la fantaisie n'est pas neuve au théâtre, et que ce n'est
pas notre siècle qui l'a inventée ; mais quel est le censeur moderne qui
ne frémirait de tousses membres, si on lui apportait un manuscrit
hérissé de plaisanteries d'une audace pareille à celles que Regnard se
permettait sans scrupule et sans vergogne ? Quel bonheur que cela soit
vieux, car aujourd'hui cela n'aurait plus la permission de naître!
Jean de Paris est un ouvrage d'un tout autre goût ; la mère en pres-
crirait la lecture à la plus jeune de ses filles : les mœurs n'en sauraient
craindre aucun danger. Au fond, l'idée est à peu près la même que
celle du Calife de hagdad, composé par les mêmes auteurs treize ans
plus tôt. Dans l'intervalle, Boïeldieu s'était réfugié en Russie pour échap-
per aux douleurs d'un hymen mal assorti. A son retour, en 1812, il
donna Jean de Paris, dans lequel il plaça un des airs de son Télemaque,
et cet air passa de la bouche d'Eucharis dans celle de la princesse de
Navarre, en changeant de paroles. C'est celui qui termine le premier
acte : Quel •plaisir d'être en voyage. Jean de Paris avait pour inter-
prètes Elleviou, Martin, Juliet, Mlle Regnault, Mme Gavaudan. Ce fut
un succès brillant et durable, malgré la faiblesse du second acte, où le
poëte manque totalement d'esprit et d'invention.
Au Conservatoire, l'ouvrage a été joué et chanté par des élèves qui,
presque tous, montaient sur les planches pour la première fois. Sapin
remplissait le rôle du jeune prince français : il a de la voix , de la cha-
leur; mais il doit beaucoup travailler les sons de tête et s'exercer au
chant spianato. Bonnehée, le sénéchal, possède un magnifique baryton
et une bonne méthode ; il a produit beaucoup d'effet dans l'air si
connu : C'est la princes-e de Navarre que je tous annonce en ces
lieux. Faure a fait preuve de talent , plutôt que de gaîté, dans le rôle
de l'aubergiste. Mlle Larcéna s'est bien acquittée de celui de sa fille.
Dans celui du page, la toute jeune et toute frêle Mlle Boulard a fort
bien chanté, fort bien joué : Petit poisson deviendra.... moins mince,
et le succès ne lui manquera pas. Le rôle delà princesse avait despérils
pour Mlle Sarah Klotz, dont la voix n'a pas toute l'ampleur et la force
désirable. Ce qu'elle a dit de mieux , c'est son couplet du second acte
dans la fameuse romance du troubadour. Il y avait encore des trouba-
badours en 1812 ! !
Somme toute, l'exercice a bien marché, pour les solistes comme
pour les masses. MM. Moreau-Sainti et Batton l'avaient préparé avec
zèle, et M. Massart n'en a pas moins déployé dans la direction de
l'orchestre. Des acteurs qui débutent et des instrumentistes qui ne ré-
pètent que deux fois, quelle armée à conduire ! Les vieux capitaines
en tremblent et se retirent sous leur tente, de peur de mésaventure et
de fatigue. C'est donc aux jeunes et aux intrépides à se dévouer.
P. S.
NOUVELLES.
%* Demain, lundi, à l'Opéra, Guillaume Tell.
*»* Les Huguenots ont été joués lundi dernier, lîogcr chantait, avec
son talent supérieur, le rôle de Raoul; Depassio, celui de Marcel ;
Mlle Poinsot, celui de Valentine.
*„* Vendredi a eu lieu la reprise d'un ballet longtemps célèbre, dont
Adolphe Nourrit avait eu l'idée, et dont Marie Taglioni a si délicieu-
sement poétisé le personnage, la Sylphide. Mlle Priora faisait sa rentrée
dans ce rôle, dont le caractère de sa physionomie et le genre de son talent
ne lui permettent pas de rendre aussi bien l'idéal. Comme Fanny Ellsler
dans son temps, Mlle Priora est une des belles filles de la terre ; les ré-
gions de l'air ne sont pas son domaine. A cela près, elle a mérité d'être
applaudie autant que doit l'être une danseuse de premier ordre, et Saint-
Léon s'est montré fort habile par sa façon de la seconder dans le rôle de
Jams, dont il s'était chargé. Une débutante, Mlle Pougaud , s'est pro-
duite au 1er acte dans un pas de deux avec Bouehet. Celle-là est encore
plus fille de la terre, et plus Parisienne qu'Écossaise : sa jolie figure est
son plus grand talent. La charmante musique de Schneitzoefler n'a rien
perdu de son entrain ni de son coloris.
%* Que de gens ont dû se frotter les yeux en regardent jeudi dernier
la grande affiche annonçant, en toutes lettres, la rentrée de Mme Darder
dans le rôle île Béatrix, du Carillonneur de Bruges! En effet, que de sujets
d'étonnement, d'incrédulité même! Mme Darcier (et non plus mademoi-
selle), retirée du théâtre depuis deux ans, mariée à un homme qui n'est
pas ambassadeur, comme tant d'autres, mais dont la position de fortune
est connue, Mme Darcier, revenant tout à coup à la scène et reparais-
sant dans un rôle créé tout récemment par Mlle Wertheimber! C'était à
n'en pas croire l'affiche, et pourtant rien n'était plus vrai. Mme Darcier
fera sa rentrée mardi ou jeudi prochain ; la charmante actrice, que nos re-
grets ont suivie, et qui peut-être aussi regrettait quelque chose, nous sera
rendue, et avec elle la pièce nouvelle, qui ne compte que quatre ou cinq
représentations. Il paraît que Mlle Wertheimber, se sentant indisposée,
avait sollicité un repos qui aurait suspendu l'ouvrage. Par une combi-
naison dans laquelle il entre autant d'habileté que de bonheur, M. Emile
Perrin a décidé Mme Darcier à reprendre ce même rôle de Béatrix, en-
core dans sa fleur, et qu'elle fera valoir sans doute avec tout le prestige
de son nom et de son talent. C'est une excellente affaire pour le théâtre
et pour l'ouvrage. Quant à Mlle Wertheimber, jeune artiste d'un grand
avenir, nous ne croyons pas qu'elle perde à ce marché. Ceux qui ne l'ont
vue et entendue que dans le rôle de Béatrix ne la connaissent pas. Il faut
un autre essor à la voix qu'elle nous a révélée au Conservatoire dans
Orphée, dans Charles VI et dans Roméo. Les occasions et les revanches lui
viendront; jeune comme elle est, elle a le temps de les attendre. On re-
prendra donc mardi ou jeudi le Carillonneur de Bruges]; mais en réalité la
pièce que l'on jouera, c'est VAmbaisalrice.
*#* Les Barreaux verts, ouvrage en deux actes, de MM. Sauvage et Bazin,
sera donné prochainement.
%* Hiersamedi, leBarbierde SèriUe a été repris au Théâtre-Italien pour
la rentrée de Lablache. C'est un événement que ce retour que l'on com-
mençait à ne plus espérerpour cette saison. Avec Lablache, les dernières
semaines de mars brilleront d'un nouvel éclat, et la vogue leur est assu-
rée. C'est Mlle Sophie Cruvelli qui chante le rôle de Rosine, avec un ta-
lent assi grand que son succès.
V On annonce que le privilège du Théâtre-Italien sera prorogé de
cinq années et la subvention portée à 100,000 fr.
*„* Joanita , l'opéra de Duprez , représenté à Bruxelles sous le titre de
V Abîme de la fflalédetla, doit être joué à Paris mardi prochain.
*„.* La Poupée de Nuremberg, d'Ad. Adam, continue de jouir d'une vogue
populaire.
*** Pendant le mois de janvier, la recette des théâtres subventionnés
s'est élevée à 328,524 fr. 93 c; celle des théâtres secondaires et petits
spectacles, à 628,286 fr. 93 c; celledes bals et concerts à 149,156fr. 31c;
celle des curiosités divers, à 19,811 fr. 97 c. — Total : 1,125,780 fr. 14 c.
— On calcule que la recette des théâtres de Paris, pendant les trois jours
du carnaval, s'est élevée à plus de 130,000 fr.
*t* Le roi des Pays-Bas vient de décerner la grande médaille en or du
mérite dans les arts à MM. Eugène Scribe, de Saint-Georges et Lazare,
auteur de la partition du Roi île Bohême.
*** Le Comité de l'association des Artistes musiciens, dans sa dernière
séance, avait à pourvoir au remplacement d'un de ses membres , et
M. Edouard Batiste, professeur au Conservatoire , a été nommé à une
grande majorité. C'est l'occasion de rappeler qu'indépendamment de
sa classe de solfège collectif, M. Edouard Batiste tient au Conserva-
toire une classe de création nouvelle , celle de 1 enseignement du
chant populaire qu'il a fondée et qu'il dirige avec un plein succès. Dans
la nombreuse phalange de ses élèves, il a formé une petite troupe choisie,
soumise à un règlement et obligée à des exercices supplémentaires. D' ns
toutes les réunions soit publiques, soit privées, où il l'a fait enter. ire,
cette troupe d'élite a exécuté d'une manière tout à fait remarquai le le
chœur des gardes-chasses, de Thomas, les Charpentiers d\\ûa.m,\e Com-
" lenrement du Voyage et \esJeuws Soldats deZimmerman, l'ode de Gilbert,
la prière de la Muette, d'Auber, et plusieurs autres morceaux doru la liste
serait trop longue.
*%* Vivier est demandé à Amiens. Les sociétés philharmoniques se dis-
putent cet inimitable artiste, qui consent maintenant â se faire entendre,
et qui est sûr d'avance de produire partout une vive sensation.
%? Nous rappelons à nos lecteurs que c'est mercredi prochain, a 8
heures du soir, dans la salle Ilerz, qu'aura lieu le brillant concert du
du jeune et remarquable violoniste Léon lleynier.
i*„ Teresa Milanollo est à Lyon. Elle donnera mardi prochain son sep-
tième concert au grand théâtre, et déjà toutes les places sont retenues.
Du reste, jusqu'à présent, à chacun de ses concerts la salle a toujours été
comble et le succès immense : ni les fleurs ni les couronnes n'y ont
manqué.
%* Le troisième et dernier concert que donnera Mlle Clauss avant son
départ pour Londres est toujours fixé à lundi prochain, 15 mars, et n'of-
frira pas un intérêt moins vif que les deux premiers.
DE PARIS.
7!»
*„* C'est le mercredi 17 mars, à. huit heures du soir, ((lie l'Association
des artistes-musiciens donnera son preinier concert dans la salle des ga-
leries Bonne-Nouvelle. Dimanche prochain nous publierons le programme
de ectie belle soirée, à laquelle d'éminents artistes prêteront leur COn-
COIIIs.
V L'exécution du Requiem composé par M. Deldevèze à la mémoire
de l'illustre Ilabeneck, son maître, aura lieu dans l'église de la Madeleine,
le lundi 22 mars, et non le vendredi 26 , comme nous l'avions d'abord
annoncé.
*»* Une véritable et grande solennité musicale aura lieu dimanche pro-
chain , 14 mars, à une heure et demie, dans la salle Barthélémy, l'our la
première fois, les djveirses Sociétés chorales de Paris seront réunies et
chanteront ensemble les morceaux que le succès a rendus populaires. 11
sera curieux de juger reflet d'une masse de 400 voix, et, d'assister à cette
fusion de toutes les écoles. A ces forces vocales répondront les forces in-
strumentales des musiques de plusieurs régiments; et enfin , pour que
rien ne manque à cette fête extraordinaire, Roger, notre grand chanteur,
se fera entendre, ainsi que Wartel, Oflenbach, Deloffre, Cras, Jules Simon.
Pour cette fois, sans doute, la vaste salle Barthélémy sera trop petite.
*„* Le second concert de M. et de Mme Léonard aura lieu vendredi
prochain , à huit heures du soir, dans la salle Uerz. Le succès obtenu
dans le premier par les deux artistes dispense de toute autre recomman-
dation.
%* La nouvelle si souvent annoncée et toujours démentie d'un ma-
riage contracté par Jenny Lind, paraît cette fois acquérir la consistance
d'un fait. La célèbre cantatrice aurait épousé M. Othon r.oldschmidt,
jeune pianiste, et le mariage se serait célébré à Boston. M. Othon Golds-
chmidt est âgé de vingt-deux ans, fils d'un riche et respectable négociant
de Hambourg. C'est à Londres que Jenny Lind a fait, il y a quelques an-
nées, la connaissance de M. Goldschmidt, et plus tard elle l'a fait appeler
aux Etats-Unis, afin de l'accompagner dans les concerts qu'elle donnait.
Jenny Lind, aujourd'hui Mme Goldschmidt, a acquis une charmante villa
à. Round-Ilill, près Northhampton, dans l'état de Massachussets, où les
nouveaux mariés se proposent de faire un long séjour avant de retourner
en Europe.
*,* lin concert des plus intéressants, au bénéfice d'une salle d'asile, a
eu lieu mardi dernier dans la salle Pleyel. La Société la plus aristocrati-
que du faubourg Saint-Germain y assistait et applaudissait avec enthou-
siasme aux beaux talents de MM. Lecieux, Mulder, Moriani et Mme Tac-
cani-ïasca. Parmi les morceaux qui ont le plus charmé l'auditoire, nous
citerons les variations de Rode chantées par Mme Taccani, et un magnifi-
que duo sur la Dame Blanche , pour piano et violon, composé par
MM. Mulder et Lecieux, exécuté avec une verve et un brio qui leur ont
valu une véritable ovation. MAL Chalupt et Robin, amateurs qui chantent
en véritables artistes, ont complété cette matinée, qui s'est terminée
par une comédie, les Rivaux d'eux -menus, parfaitement jouée par les
artistes de la Comédie-Française.
*»* Mme Claire Hennelle, la cantatrice si connue et si distinguée, don-
nera son concert annuel le mardi, 20 mars, dans les salons de Pleyel.
%* Le jeune violoniste, Juan Llorens, et Mlle AntoniaLlorens, sa sœur,
donneront un concert demain lundi, 8 mars, dans la salle Pleyel.
%* Le violoniste Bazzini, dont nous annoncions récemment l'arrivée à
Paris, vient d'être engagé par les sociétés philharmoniques du Havre et de
Saint-Omer; il se rendra dans cette dernière, ville pour le 11 de ce mois.
%* Demain lundi, 8 mars, le concert de Léopold de Meyer aura lieu
dans la salle Herz. En voici le programme : 1° Souvenirs d'Italie, de L
de Meyer, exécutés par l'auteur ; — 2° Elégie, d'Ernst, exécutée par l'au-
teur ; — 3" romance de Lucrèce llorgia, de Donizetti, chantée par Mlle Du-
val ; — 4" impromptu sur les motifs de Luisa Miller, de L. de Meyer,
exécuté par l'auteur ; — 5° air du Caïd , de Thomas, chanté par Mlle Du-
val ; — 6" air russe, de L. de Meyer, exécuté par l'auteur; — 7° fantaisie
sur le violoncelle, d'Offenbach, exécutée par l'auteur; — 8° Carmval
de Vtnis-, d'Ernst, exécuté par l'auteur; — 9° Ave Maria, de Schubert,
chanté par Mlle Duval ; — 10" marche marocaine, de L. Meyer, exécutée
par l'auteur.
*„* La troisième séance de musique de chambre donnée par Mlle de
Malleville aura lieu le samedi 13 mars. Elle sera composée ainsi qu'il suit:
1° quatuor pour piano, violon, alto, violoncelle, de Weber; 2" fantaisie
en ut mineur pour piano seul, de Mozart; 3° sonate pour piano et violon,
de Beethoven; 4° quintette pour instruments 4 cordes, dédié à M. Mau-
rin, de G. Onslow ; 5° sonate en mi majeur pour piano, violon, violon-
celle, de Mozart ; 6° menuet en mi bémol pour piano seul, de Haydn, et
sonate variée en la majeur, de Mozart. On entendra MM. Maurin, Mas,
Casimir-Ney, Lebouc etGouffé. — La quatrième séance aura lieu le 27
mars.
%* La Société Sainte Cécile donnera, le dimanche 14 mars à deux heu-
res, dans la salle Sainte-Cécile, rue de la Chaussée-d'Antin, 49 bis, son
cinquième concert d'abonnement dont voici le programme: 1" symphonie
en ut de M. H. Reber; 2° trio des songes avec chœur, de Dardanus, par
Rameau; 3" grand air cYOberon chanté par Mme Bochkoltz-Falconi;
4° chœur de Blanche de Provence, de Cherubini ; 4" Fantaisie pour violon
composée et exécutée par M. Léonard; 5° Sicilienne, de Pergolèse, chan-
tée par Mme Bochkoltz-Falconi ; 7° symphonie nouvelle de Mendelssohn
(redemandée). L'orchestre sera dirigé par M. Seghers. Les chœurs seront
dirigés par M. Wekerlin.
*„* M. Iule. Uoményi, violoniste hongrois, donnera son concert le jeudi
11 mars 1852, à deux heures de l'après midi, dans la salle, de l'association
des artistes musiciens, bazar et boulevart lîonne-NOÙvelle. Il exécutera
plusieurs morceaux de sa composition, l'adagio et rondo du premier con-
certo de Vieuxtemps, et le Tempo di bourré, de S. Bach.
*.,* Voici le programme du concert que W. Kruger donnera; mardi
16 mars, à huit heures, dans les salons de M. llerz : — Première partie. —
1. Sonate de Beethoven (ut dièze mineur), pour piano, par W. Kruger; —
2. Duo, chanté par Mme I. aborde et \l. Morclli ; — la Harpe êolieniw rê-
verie, par W. Kriiger; — 3. le Tambour île basque, danse espagnole, par W .
kriiger ; — V Mélodies de Reber, chantées par M. Wartel; — 4. tes Sorciè-
res, de Paganini, fantaisies pour violon par Saint-Léon; — 6. Varia-
tions de Rode, chantées par Mme Laborde. — Deuxième partie : — 7. Uuo
pour piano et violon sur la Favorite, de Kriiger et Saint-Léon ; — 8. Air
chanté par M. Morelli ; — 9. Oh! sommo Carlo, finale tTErnani, transcrit
pour le piano, par AV. Kriiger; — 10. Mélodie, par Schubert, chantée par
M. Wartel; — 11. Fantaisie sur les Soirées musicales de Rossini, par W.
Kruger. — Le piano, d'Krard, sera tenu par M. Bonoldi.
*** Mlle Vazelle et G. Perrelli donneront , lundi 23 mars, à huit heures,
dans la salle llerz, un grand concert vocal et instrumental , avec le con-
cours d'artistes distingués. Mlle Vazelle est la petite-nièce du célèbre
chanteur Martin, et elle a fait au Conservatoire de Paris ses premières
études musicales.
*'„* La mort si prématurée et si imprévue d'Edmond Seveste laisse va-
cante la direction de l'Opéra National. Plus de vingt candidats se présen-
tent pour recueillir l'héritage du privilège lyrique, et de ce nombre est
le célèbre chanteur Duprez, voué désormais i la composition musicale.
En attendant une mesure définitive, M. Jules Seveste, frère du dernier
directeur, et longtemps son associé dans l'administration des théâtres de
la banlieue, a été agréé par le ministre comme administrateur provisoire
jusqu'au 1" mai prochain, afin de donner le temps d'opérer la liquidation
d'une entreprise où sont engagés les intérêts d'une veuve et d'enfants
mineurs.
*,„* L'un des doyens de la presse française et du feuilleton dramatique,
Jean-Toussaint Merle, est mort la semaine dernière. Il était né à Mont-
pellier, le 16 juin 1785, et avait passé par le service militaire et l'admi-
nistration pour arriver à. la littérature, dans laquelle son esprit facile lui
valut des succès de plusieurs genres. Dans le grand nombre de pièces qu'il
fit jouer, on ne cite qu'un opéra comique, et ce fut une des moins heu-
reuses : elle avait pour titre les Courses de Neivmarket. Voué depuis plus
de vingt ans à la critique théâtrale, Merle s'y distingua par la justesse de
ses idées et par l'autorité que donne l'expérience. Tous ses confrères en
journalisme n'auront que des regrets pour son caractère aimable, comme
le public pour son talent.
%* Mme Sophie Gay, mère de Mme Emile de Girardin, et auteur d'un
grand nombre d'ouvrages soit littéraires, soit dramatiques, vient de suc-
comber à une longue maladie. On doit à sa plume féconde l'arrangement
du Maître de Chapelle , de la Sérénade et du Chevalier de Canolle pour la
scène lyrique.
*s*Mme Caroline de Weber, veuve de l'illustre compositeur.vientdemou-
rir à Dresde, à l'âge de cinquante-sept ans, et vingt-six ans après son
mari. Un fils, Max de Weber, est le seul héritier de l'auteur du Freischiilz
et cTOberun.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
*„* Londres. — L'ouverture du théâtre de Sa Majesté est fixée au
25 mars. La saison sera très-brillante. Parmi les nouveaux artistes enga-
gés par M. Lumley, on parle de Mlle Wagner, cantatrice d'un grand mé-
rite et qui, en Allemagne, a obtenu le plus grand succès. Comme l'année
dernière, les nombreux habitués de ce magnifique théâtre posséderont
Mlle Sophie Cruvelli, que tour â tour Paris et Londres applaudiront avec
enthousiasme, Mme Sontag et Lablache, dont le double talent d'acteur et
de chanteur a toujours l'heureux privilège d'attirer et d'amuser le public
anglais. La danse sera également bien partagée. On annonce pour étoiles
Mmes Rosati et Cerrito.
*,t* Berlin. — Le théâtre Fr. Wilhelmstadt a donné les Comédiens am-
bulants, opéra de Fioraventi, au bénéfice de Mme K. Rudersdorf, qui a eu
les honneurs de la soirée. — Dans la première soirée de symphonies on a
exécuté, sous la direction de M. Dorn, des compositions de Haydn et de
Beethoven, l'ouverture de Tigrane. par Righini, et une ouverture intitulée
Seuvenirs d'0>sian, par M. Gade. Dans Euryante, Mlle Wagnera eu l'occa-
sion de faire applaudir de nouveau son magnifique talent. — Le théâtre
Kœnigstadt est décidément perdu pour l'art dramatique ; aucune des
offres nombreuses d'y créer un nouvel établissement n'a été acceptée.
Sous peu de jours le théâtre Kœnigstadt sera cédé à l'administration de
la liste civile. — La recette du théâtre royal s'est élevée, le mois dernier,
à la somme de 25,000 thalers (près de 100,000 fr.).
%* Eisenach , 28 février. — Le gouvernement a résolu de fonder dans
notre ville un Conservatoire de musique où l'instruction sera entièrement
gratuite. Cet établissement aura son siège dans le château qui servait de
résidence aux anciens princes d'Eisenach, et il sera placé sous la direction
de M. le docteur Kuhmstaed , savant théoricien , auteur de plusieurs
grandes musiques d'église, et qui a déjà formé d'excellents élèves dans la
composition musicale. On pense que le nouveau Conservatoire de musique
sera ouvert pour le l'1 octobre prochain au plus tard.
80
REVUE ET GAZETTE .MUSICALE DE PARIS.
*„* Vienne. — La troisième soirée musicale de i\lme Wartel n'a pas été
moins brillante que les deux premières. Ce qui caractérise le jeu de cette
éminente pianiste, c'est la fidélité scrupuleuse qu'elle observe dans l'in-
terprétation des œuvres de nos grands maîtres. — Le 26 février le théâ-
tre de la Cour a donné le Prophète : Aime Lagrange, dont les succès vont
toujours en crqissant, chantait le rôle de Fidès.
%* Lef.pzig, — Mme Sontag, après avoir fait ses adieux au public, est
allée voir sa sœur, religieuse au couvent de Stern, près de Goerlitz.
*** Colui.nr. — La troupe italienne de Bruxelles donnera, dans le cours
du mois de mars, douze représentations au théâtre de la ville sous la
direction de M. Bocca.
%* IVeimar. — L'excellent violoncelliste Cossmann a été nommé mu-
sicien de la chambre grand-ducale, flummel est le dernier artiste qui ait
porté ce titre. Les directeurs de musique, MM. Goetze et Eberwein, ont
reçu la médaille en or du mérite civil.
*„.* Saint-Péler>buury, 16 février. — Le nouvel opéra d'Alary, Sar>iana-
pale, écrit sur les paroles d'Emilien Pacini, vient d'obtenir un brillant
succès. L'empereur en a témoigné à l'auteur sa satisfaction. A la troisième
représentation, Alary a été redemandé ù plusieurs reprises. Mario, lion-
coni et Mlle Grisi chantent les principaux rôles ; la mise en scène est di-
gne de l'exécution. — Le célèbre compositeur général Lvoff vient
d'écrire un Stabai, que l'on met sur la même ligne que celui de Pergolèîe.
La nouvelle production de M. Lvoff a été exécutée dernièrement a Saint-
Pétersbourg, par les chœurs de la chapelle impériale. Les journaux en
font grand bruit; ils citent entre autres le morceau : Qai est homo, qui a
ravi l'auditoire.
*„* Florence. — Après un assez long silence, notre Académie vocale e;
instrumentale a de nouveau donné signe de vie : Meyerbeer et Uossini ont
fait les frais de cette solennité.
%*■ Milan. — L'opéra les Sabines, de Lauro Rossi, directeur du Con-
servatoire, a été représenté pour la première fois au théâtre de la Scala :
le libretto est faible; la partition est savante et travaillée avec beaucoup
de soin.
Le gérant : Ernest ÙESCHAMPS.
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2 bis. Le même transposé pour ténor.
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Op. 76. Fantaisie militaire sur les Mousquetaires de la Home. ... 7 50
Op. 99. Trois fleurs: la Rose, la Violette et l'Amarante 6 »
Op. 101. Fantaisie dramatique sur le Prophète 9 »
Op. 104. Souvenirs du Prophète : la Complainte et la Marche du
Sacre, variées 7 50
Op. 109. Fantaisie de salon sur la Fée aux Rosses 7 50
Op. 113. La Cascade de fleurs 6 »
Op. 117. L'Assaut, grand galop militaire 5 »
Op. 118. N° 1. Chant bohémien varié 5 »
2. La Mélancolie de Prume variée 5 »
Op. 120. Fantaisie de salon sur Giralda 6 »
Op. 122. Fantaisie brillante sur la Dame dd Pique 7 50
Op. 124. Grande fantaisie brillante sur la Favorite 9 »
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GAZETTE MUSICALE
wm ?âil§
-sMAAAre»ï©jVWws.
SOMMAIRE. — Théâtre de l'Opéra-National, Joanita, opéra en trois actes (pre-
mière représentation^, par GnstaYc Meq.net. — Auditions musicales : Mlles Ra-
chel et Mira; MM. Erard, Thalberg, Léopold de Meyer, etc., par Henri Blan-
chard. — Revue critique: Charles Voss, par©. Kastner. — Correspondance,
Bruxelles. — Nouvelles et annonces.
THEATRE DE L'OPËRA-NÀTMAL.
JOAMTA,
Opéra en trois acte.', paroles de M. Edouard Duprez , musique de
M. Gilbert Duprez.
(Première représentation, 11 mars.)
Devons-nous dire que le compositeur Duprez, dont nous allons ra-
conter le premier succès, n'est autre que le chanteur Duprez, qui a
soutenu pendant dix ans la fortune de l'Opéra? Non, assurément, car
nous ne l'apprendrions à personne. Depuis longtemps l'on était averti,
et la curiosité publique était vivement excitée. On savait que le grand
artiste, impatient du repos , allait rentrer dans la lice par une autre
porte, et pour y jouer un autre rôle ; qu'après avoir été si longtemps
l'interprète éloquent et mélodieux de Rossini , de Meyerbeer, d'Halévy,
il allait essayer enfin de lutter avec eux. Noble ambition, quel que soit
d'ailleurs l'événement ! Car nous n'imaginons rien de plus honorable
que le mépris de l'oisiveté et la passion du travail.
Tout le monde comprendra donc sans peine combien la représenta-
tion de jeudi dernier offrait d'intérêt aux nombreux spectateurs qu'elle
avait réunis. 11 y avait là quelque chose de curieux et d'inusité, un fait
nouveau, ou du moins presque nouveau dans l'histoire de l'art. Sans
doute M. Duprez n'est pas le premier chanteur qui ait composé. Beau-
coup, avant lui, ont écrit des romances, des nocturnes et autres œuvres
légères ; Solié même a fait plusieurs opéras comiques ; mais c'était à
une époque où les habitués de l'Opéra-Comique étaient d'humeur fa-
cile et se contentaient de peu. Crescentini a fait plus. Le bel air de
Roméo, dans le troisième acte de Romeo e Giulielta . est, dit-on , de
lui, et plusieurs autres morceaux qui lui auraient valu une fort honnête
réputation de compositeur, si sa renommée de chanteur n'eût tout
éclipsé. Nous lui devons , d'ailleurs, une collection d'Etudes pour la
voix, qui brillent également par l'invention mélodique et par la science.
L'auteur de l'air Ombra adorata et des Vocalises est évidemment un
compositeur habile et inspiré. Mais enfin , d'un air si bien venu qu'il
soit, à un opéra tout entier, il y a loin encore. Crescentini n'a fait ni
trio, ni quatuor, ni final, ni symphonie d'ouverture. Avoir réussi dans
les petites choses ne prouve pas qu'on n'eût pas échoué dans les
grandes.
M. Duprez a débuté par les plus grandes. Dès son entrée en cam-
pagne, il a livré, non une escarmouche, mais une bataille rangée.
Joanita n'est pas, en effet, un simple opéra comique, c'est un grand
opéra dans toute l'étendue du terme. Pas une phrase de prose : tout y
est chant ou récitatif. Pas un sentiment qui ne soit pris au sérieux ; pas
un morceau qui soit taillé sur un patron étriqué, ou dont le style s'é-
carte de cette sévérité qui convient à la muse tragique. L'auteur ja-
mais ne s'oublie. Si l'on voulait lui reprocher quelque chose, ce serait
l'excès de la gravité, un peu de raideur peut-être, mais non l'abandon_
Dès les premières phrases de l'ouverture, on voit que l'on a affaire à
un homme qui sait développer la pensée musicale et la conduire où il
veut ; en un mot , à un compositeur sûr de son fait. On comprend que
M. Duprez a profondément étudié toutes les parties de son art , et l'on
se rend compte de cette supériorité magistrale où il était parvenu
comme virtuose : il était au-dessus de ce qu'il faisait. Son harmonie es^
fine, distinguée, variée, accidentée. A cet égard, si elle pèche de temps
en temps, ce n'est que par excès de recherche et par un peu d'affec-
tation L'auteur abuse quelquefois des modulations. Mais, pour quel-
ques brusqueries dont l'oreille, çà et là, peut avoir à se plaindre, que
d'accords inattendus et de charmantes surprises !
M. Duprez écrit très-bien pour les voix ; ce que nous constatons ,
sans lui en faire de compliments exagérés. 11 a trop longtemps chanté,
et trop bien, pour qu'il en pût être autrement. En cette matière, l'ex-
périence est un guide à peu près infaillible, et l'on ne contestera pas
l'expérience personnelle de M. Duprez. On reconnaît également le
chanteur à l'adresse avec laquelle les accompagnements]sont disposés et
calculés selon la force de la voix qu'ils auront à soutenir. Les mor-
ceaux destinés à Poultier ou à Mlle Duprez ne sont pas instrumen-
tés comme ceux que doivent exécuter Duprat et Balanqué. Ce sont
d'autres procédés ; c'est presque un autre système. Au surplus , dans
les accompagnements comme dans les ritournelles et les morceaux
symphoniques, M. Duprez manie l'orchestre en homme qui en connaît
toutes les ressources , et qui en sait également bien réunir ou diviser
les forces. Sa partition est pleine de dispositions instrumentales ingé-
nieuses, d'effets de sonorité , sinon nouveaux, du moins variés et pi-
quants. Nous ne parlons pas ici de V harmonica qu'il fait entendre dans
la coulisse pendant le troisième acte. Ce n'est là qu'un instrument inu-
sité, et une bonne partie des spectateurs, qui n'étaient pas dans le se-
cret, ont cru, de très-bonne foi , n'entendre que des flûtes. 11 n'y a
réellement de mérite qu'à tirer un effet nouveau des instruments ordi-
naires par le mariage ou l'isolement de certaines sonorités. M. Duprez
a souvent ce mérite-là, et c'est de quoi nous le félicitons.
Voilà bien des qualités, nous dira-t-on ; mais les défauts ? Toute œu-
vre, humaine a ses défauts, et il n'est pas complètement démontré que
l'œuvre divine elle-même en soit exempte. L'ouvrage de M. Duprez
en a , nous l'avouons, et même d'assez graves. L'invention mélodique
n'est pas chez lui au niveau de la science. Quelques études que l'on ait
82
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
faites, quelque désir qu'on en ait, quelque force de volonté que l'on y
mette, on n'acquiert pas la faculté de créer des chants originaux, pi-
quants, expressifs. A cet égard, chaque musicien reste toute sa vie tel
que Fa fait la nature. M. Duprez cherche toujours la mélodie, et de
cela il faut le louer sans réserve. S'il ne la trouve pas toujours neuve,
facile, naturelle, saisissante, cela prouve seulement que la nature n'a
point voulu qu'il fût Auber^ou Bellini. A chacun son lot.
On peut lui reprocher seulement une certaine uniformité de couleur,
une certaine monotonie qui tient surtout à la lenteur habituelle du
rhythme , à la gravité des mouvements. Les allegro sont rares dans
Joanita. Un peu plus de variété n'aurait pas nui, et cela dépendait tout
à fait de l'auteur. 11 y a eu de sa part, sur ce point, erreur de calcul.
Nous ne saurions entrer dans l'analyse de tous les morceaux. Cela
nous mènerait trop loin. 11 n'y en a guère, au surplus, où l'on ne puisse
signaler quelque détail bien trouvé, quelque passage remarquable. On
a vivement applaudi au premier acte . la romance de Poultier et
le duo qui la suit, puis un autre petit duo pour deux sopranos, où
les deux parties sont disposées avec une habileté pleine de hardiesse,
et produisent des effets piquants et tout à fait inattendus. Au
deuxième acte on a fait fête à un chœur harmonieux, plein d'esprit et
de couleur. Mais il est de Rameau. M. Duprez a eu soin de le déclarer
lui-même, et n'a fait là qu'une heureuse citation,
L'air de Joanita a des qualités distinguées, et le final, morceau ca-
pital, est écrit avec vigueur, et produit un très-bel effet.
p H y a encore au troisième acte, si nos souvenirs sont exacts, un joli
chœur distingué et un bon morceau d'ensemble. Mais la partition est
volumineuse ; il est plus de minuit lorsqu'on en est là, et l'attention
des auditeurs est fatiguée. Ce n'est qu'aux représentations suivantes
qu'on pourra bien juger du troisième acte.
Le poëme est du frère aîné de M. Duprez. On peut adresser quel-
ques reproches à son plan. Il y a, à proprement parler, deux pièces,
puisque la question posée à la fin du premier acte est résolue au se-
cond, dès le lever du rideau. N'aurait-il pas mieux valu la tenir en
suspens jusqu'à la fin, que d'employer le second acte à une intrigue
qui a déjà défrayé vingt vaudevilles et autant de mélodrames, et de
refaire, pour terminer, le troisième acte de Lindadi Chamouni?
Ces observations n' empêchent pas d'ailleurs que la confidence de
Léonce à Stephano, au premier acte, et, au second, l'apparition inat-
tendue de ce même Stephano, n'amènent deux situations dramatiques
dont le poëte et le compositeur ont tiré un très-bon parti.
L'exécution est très-remarquable à certains égards. Poultier était
malade, et nous ne pouvons pas le juger. Balanqué a une bonne voix
de basse, une voix solide et bien posée. Il chante seulement avec un
peu trop de zèle. Duprat a pris M. Duprez pour modèle, et l'imite
trop servilement. 11 pousse les sons avec une ardeur excessive ; il ra-
lentit à tout propos la mesure, alourdit les mouvements, détruit le
sentiment du rhythme, exagère à la fois son chant et son jeu. Néan-
moins il a de la tournure, du geste, de l'énergie, de la chaleur; il a de
l'avenir s'il se corrige. Ces trois artistes, engagés spécialement pour
Joanita, ont été fort bien secondés par Mlle Guichard. Mais le grand
succès de la soirée a été pour Mlle Duprez.
11 faudrait un article à part pour cette jeune fille. Actrice pleine de
grâce, d'intelligence et de sentiment dramatique, c'est de plus une can-
tatrice, à peu de chose près, accomplie. Sa voix est faible, mais char-
mante ; sa vocalisation correcte, nette, brillante; son style toujours
élégant, son expression toujours juste, ses traits d'une grâce et d'un
fini dont rien n'approche, aujourd'hui que Mme Damoreau et Mme Per-
siani ne chantent plus. Tout ce qui est dit par elle fait de l'effet, et sa
coopération garantit le succès d'un ouvrage qui, succédant si à propos
à la Poupée de Nuremberg, assure l'avenir d'un théâtre dont tous les
artistes et tous les amis de l'art désirent la conservation.
G. H.
AUDITIONS MUSICALES.
SElIes Kachel et Mira. — MB1. Eranl et Siglsmoiid Thallierg. —
M. B.é'ôlsold i!e Sli-yer. —M. Curci."— Le Cercle musical et litté-
raire. — DUes jeuues Lilorens. — SI. Léon Reynter. — SI Stamaty
— SU lie Juliette «illoii. — M. Bcichel. — M. E.illimens. — M. et
SE me Léonard.
Dans la république des lettres, dans celle des arts , comme dans
toutes les autres, on dit volontiers : A tout seigneur tout honneur. Nous
allons donc nous occuper d'abord des faits et gestes de Mlle Rachel, de
MM. Thalberg, Erard, Léopold de Meyer , Stamaty, Lemmens , Ernst,
Léonard, qui forment en ce moment dans Paris l'élite de l'aristocratie
musicale... Et à propos de la république des lettres, de l'égalité qu'on
professe parmi les artistes, à propos de Mlle Rachel, et, par conséquent,
de Talma, qu'il nous soit permis de citer un petit fait poétique qui ne
laisse pas que d'avoir un côté assez comique. Le charmant danseur
Petipa, de notre Académie impériale, royale ou nationale de musique
et de danse, était à Bruxelles naguère, et il y produisait beaucoup d'ef-
fet ; il y faisait de l'argent, ce qui est l'argument sans réplique, le sans
dot de l'Avare. Les acteurs qui s'étaient mis en société pour l'exploita-
tion du théâtre, erurent devoir offrir un dîner d'adieu au chorégraphe
parisien qui avait contribué à redonner de l'embonpoint à leur caisse,
devenue d'une maigreur affreuse avant son arrivée. Pour faire de l'é-
galité artistique, on avait invité le machiniste du théâtre qui avait si
consciencieusement rempli ses fonctions pendant les représentations
fructueuses du célèbre danseur ; et vers la fin de ce banquet, entre la
poire et le fromage, notre machiniste se révéla poëte. Disant qu'il sent,
qu'il comprend tous les arts, il offre d'en donner la preuve, et chante
ce couplet composé par lui en l'honneur du mime de l'Opéra, sur l'air
d'Arist/pe, comme cela se voit imprimé sur les brochures de tous nos
vaudevilles :
Un jour, des Dieux la brillante cohorte
Dans l'Olympe se disputait ;
Jupiter estait à la porte
Qui demandait ce que c'était.
Melpomène dit : Je suis fiere !
C'est moi que j'ai forme" Talma.
Mais Tersicore dit : Ma chère,
C'est moi que j'ai fait Petipa!
Il y aurait un commentaire assez curieux, et même amusant, à faire
sur cette poésie de machiniste belge ; sur ce pauvre Jupiter qui se trouve
à la porte de l'Olympe et qui s'informe de ce qui s'y fait. On pourrait
bien demander compte à l'auteur, de la construction de certaines
phrases, et de l'orthographe du nom de la muse qui préside à la
chorégraphie, que, sur un autographe, nous avons vu tracé d'une ma-
nière simple et naïve, comme l'aurait écrit le néologiste Marie ; mais
l'espace nous manque pour nous livrer à ce travail littéraire, et,
d'ailleurs, il faut que nous en revenions à nos donneurs de concerts.
Au reste, il n'y a qu'un petit pas de Talma à Mlle Rachel, qui, la pre-
mière, a fait sa sœur Melpomène sœur de la musique, en associant les
sons, les cris passionnés de la tragédie, et même les accents de la co-
médie, aux exhibitions harmoniques de nos virtuoses, dont s'occupent
en ce moment tous les organes de la presse de Paris, ce qui certes
n'est pas un mal, ce qui est même un bien.
Mlle Rachel s'est donc montrée, comme elle l'a déjà fait souvent, sur
l'estrade de la publicité musicale dans le concert donné chez M. Pleyel
par Mlle Mira, petite-fille du doyen des comiques de Paris, plus connu
sous le nom de Brunet, qui, le premier, s'avisa et s'enthousiasma du
talent naissant de l'illustre tragédienne. Mlle Mira est une jeune pianiste
d'avenir, qui joue avec facilité, expression et brio toutes sortes de Ba-
nanier et de Mancenillcr ; plus, de charmantes études de Godefroid,
l'h abile harpiste qui s'est mis à écrire pour le piano, attendu que cet
instrument sert d'interprète à la langue musicale universelle. Cette
langue a clé bien parlée et non moins bien chantée, dans ce concert,
par MM. Lecieux, Levassor et Mlle Miolan qui est décidément, une
char mante cantatrice de concerts.
La prima donna, du Théâtre-Français nous a fait entendre aussi sa
DR PARIS.
83
musique, çeUe de Racine,, cris échappés d'un cœur torturé par
la passion, accents harmonieux de la douleur humble et hardie de
Phèdre, rêverie qui s'élance à la poursuite d'un char fuyant dans la
carrière, amour désordonné et pourtant contenu, élégie d'une âme en
délire qui aspire à la mort pour cesser d'aimer et de souffrir. Tout cela
a été peint admirablement par la grande comédienne, qui a voulu, dans
cette séance, sans le preslige du théâtre, des feux de la rampe, du cos-
tume, mériter dans (ouïe son étendue cette qualification de grando
comédienne, en s'essayant dans la scène de Célimène avec Arsinoé du
Misanthrope. Toutes les nuances de la mordante ironie de cette scène
ont été parfaitement saisies par l'habile actrice ; elle a bien transpercé
son antagoniste des traits acérés dont elle accable l'infidèle Pyrrhus
dans le rôle d'IIcrmione de VAndromaque de Racine; mais cette grâce-
ce sourire de bonne compagnie, ces sons mélodieux, bien qu'étudiési
que Mars chantait à ses auditeurs, et qui sonnent encore si délicieuse-
ment à leurs oreilles, tout cela faisait défaut. Après ça, comme di
Frédérick-Lemaître : on n'est pas parfait !
— Puisqu'il faut traiter avec déférence l'aristocratie du talent, hon-
neur aux seigneurs du piano, Erard et Thalberg ! Ce dernier, qui gardait
depuis longtemps un silence presque systématique, s'est fait entendre
dans une de ces brillantes soirées musicales que M. Erard donne à la
haute fashion artistique, et dont Mme Erard sait faire les honneurs avec
autant de grâce que de politesse. Dans une de ces nuits musicales à
programmes improvisés, Thalberg a donc joué de délicieuses fan-
taisies, mais surtout une tarentelle de sa composition, en roi des pia-
nistes. Mme Léonard a chanté vivement et spirituellement, avec Fer-
ranti, du Théâtre-Italien, le joli duo d'Amina et de Dulcamara de
VElisir d'amore; et puis les piquantes chansons espagnoles qu'elle dit
toujours en séduisante muchocha.
— Si l'auteur de la fantaisie sur Moïse se maintient roi du piano
même par son silence , on peut en proclamer M. Léopold de Meyer
le vice-roi , et presque Valler ego de Sigismond Thalberg 1er. Il ne
s'est pas épargné dans le concert qu'il a donné lundi passé, 8 mars,
dans la salle Herz. Là il nous a raconté, de ses dix doigts actifs et lé-
gers, ses Souvenirs d'Italie, son Impromptu fait à loisir sur les mo-
tifs de la Luisa Miller, son air russe et la marche marocaine qui lui a
valu, dit-on, un yatagan d'honneur de la part de l'empereur de Maroc
comme Liszt a reçu, en signe d'admiration pour son talent de pianiste,
un sabre hongrois de ses concitoyens. Mlle Duval a chanté fort bien,
comme à son ordinaire, des airs français , allemands , italiens peut-
être un peu trop fwriturati. On a entendu aussi dans ce concert le vio-
loncelle de M. Offenbach, qui a supérieurement joué, comme de cou-
tume. Le violon d'Ernst a au moins partagé les honneurs de la séance
avec le bénéficiaire, en nous faisant entendre de nouveau sa rêveuse
élégie pour le violon et son Carnaval de Venise, dans lequel il fait
revivre l'exécution prestigieuse de Paganini.
— Connaissez- vous M. Curci? disais je un de ces jours-ci à un de mes
amis qui , comme moi , vole de fleurs en fleurs mélodiques à travers
]es salons émaillés de cavalines, d'airs variés, de romances et de jolies
personnes blanches et rosesàbelles épaules. — Non, me répond-il. — Ni
moi non plus, répartis-je; mais j'ai bien manqué de faire sa connais-
sance, comme on dit assez généralement en mauvais français. Voici le
fait, qui tranche d'une façon originale avec les réceptions qui nous sont
faites assez ordinairement, à nous organes de la publicité, dans de bril-
lants salons où règne un ton exquis. J'avais reçu de M. Curci, qui, dit-
on, est Italien, et dont le nom, par conséquent, doit se prononcer
Courtchi, une lettre d'invitation pour assister à une soirée musicale
donnée par lui. Je me rends donc rue Cadet, à ce qu'on pouvait présu-
mer être le domicile artistique de mon dit sieur Courtchi. A l'entrée
d'une porte cochère aux deux battants ouverts, je trouve une voie étroite
en toile verte sur le pavé de la cour aboutissant à une petite porte bâ-
tarde par laquelle on paraissait pénétrer dans un local situé au milieu
de cette cour, au rez-de-chaussée, et qui a toute l'apparence d'une salle
de maître à danser ou de maître en fait d'armes. J'invite les deux
hommes préposés à la garde de cette espèce de porte dérobée à vouloir
bien me l'ouvrir, afin de me laisser pénétrer dans ce sanctuaire des
arts ; ils me répondent que le local est plein, et que j'attende pour en-
trer qu'il sorte quelque auditeur. Comme la soirée était une des plus
fraîches de celles par lesquelles nous venons de passer, et que je ne
suis pas assez mélomane pour risquer d'attraper un rhume en atten-
dant qu'il plaise à un auditeur de M. Courtchi de me céder sa place,
j'ai renoncé à faire ce surnumérariat en plein vent, et je m'en suis allé,
ce qui fait que je ne saurais indiquer, caractériser le genre de talent
musical que possède M. Curci ou Courtchi. Que nos lecteurs veuillent
bien en prendre leur parti comme j'en pris le mien.
— Le Cercle musical et Lillcraire a donné son troisième concert
dans la salle Sainte-Cécile dimanche dernier. Mlle Nau, comme aux
précédentes séances , a prêté à cette association philanthropique le
concours de sa pure et limpide voix , en chantant l'air si difficile du
Serment et celui de TSorma.
Le nocturne-sérénade de Spohr a été dit par tous le^ instruments à
vent de l'orchestre : MM. Lamour, Boutmy (clarinettes) ; Bartheélmy,
Dordet (hautboïstes) ; Doudiès, Gournay, Passard (flûtistes) ; Villanfret,
Goyon (bassons) ; Erambert, Guérin (cors) ; Stulz, Marquer, trompet-
tes) ; Marçay (clarinette alto) ; Videz (ophicléide) ; Cacan, Caracappa
(trombones.)
L'air du sommeil de la Muette (avec orchestre) a été fort bien dit
par M. Aimés, de l'Opéra, ainsi que l'air d' Iphigénie, de Gluck, Unis
dès la plus tendre enfance. Après une fantaisie sur la Favorite pour le
violoncelle, dite par M. Samary, et l'ouverture du Pré aux Clercs ,
exécutée avec chaleur et correction par l'orchestre fort bien dirigé par
M. Malibran, M. Noailles a dit de jolies fables de M. Desains, et l'audi-
toire s'est retiré satisfait.
— Si les pianistes abondent , les violonistes ne manquent pas. A
M. Alard, qui continue ses séances de musique de chambre, ont succédé
M. Léonard, talent d'un style large et puissant; M. de Bériot, qui pa-
raît vouloir se refaire Parisien par amour paternel et par amour de son
art aussi ; M. Bessems, qui va donner une séance de quatuors dontnous
aurons h parler; M. Bazzini, violoniste milanais que nous avons aussi à
juger dans le concert qu'il va donner ; le petit Paul Julien, cette mi-
niature du talent d'Alard; un jeune Hongrois qui va se faire entendre;
et Juan Llorens, jeune Espagnol, avec sa sœur Antonia Llorens,
petite pianiste, élèves tous deux de M. et Mme Massart. Ce jeune
Paganini en herbe, que nous avons entendu avec plaisir, comme tout
le public, dans le concert qu'il a donné le 8 mars dans les salons de
M. Pleyel, a obtenu le premier prix de violon au dernier concours du
Conservatoire de Paris; il est plein d'avenir; mais cet avenir peut être
compromis si la pension que lui a faite jusqu'à ce jour la reine Isabelle
vient à lui manquer. On le craint. Qu'il aille solliciter près de sa souve-
raine la continuation de ses bontés artistiques et philanthropiques, et il
gagnera sa cause s'il prend son violon pour avocat.
— Un autre violoniste, qui a été comme tant d'autres un enfant pré-
coce, qui a remporté à son tour le premier prix de violon au Conserva-
toire, et qui maintenant est un jeune homme de talent, a donné un
concert, mercredi 10 mars, dans la salle Herz. Sa manière de jouer du
violon est expressive, trop expressive peut-être, surtout dans les frag-
ments de Beethoven qu'il nous a fait entendre au commencement de la
séance. La musique de ce maîlre peut se passer de la vibration et de
tout le tremblement d'archet et de la main gauche. Quand il sera bien
pénétré du caractère sévère des grands maîtres, notre jeune virtuose
verra qu'ils ont assez de sensibilité en eux pour qu'on se dispense de
leur en prêter une factice ou maniérée. A cela près, M. Reynier, qui
n'est plus le petit Léon, a dit la fantaisie de Vieuxtemps sur Norma,
écrite pour la quatrième corde, avec audace et chaleur; il a dit aussi les
Souvenirs d' Amérique, fantaisie avec accompagnement d'orchestre, par
Vieuxtemps, en violoniste exercé aux difficultés de son instrument. Son
archet est preste et brillant. Ce jeune artiste s'impressionne tant qu'il
finit par impressionner son auditoire. Il y avait beaucoup de monde â
«s
REVUE LT GAZETTE MUSICALE
ce concert et on y a beaucoup applaudi les artistes de talent qui ont
secondé le bénéficiaire. Ne pouvant les nommer tous, nous signalerons
cependant Mlle Joséphine Martin, qui a dit sur le piano de fort jolis
morceaux, parmi lesquels on a remarqué et beaucoup applaudi Y Elan
du cœur, la Danse syriaque, et surtout le Tambour de basque, de
M. Richard Mulder.
— Dans une séance de musique classique pour le piano, donnée
chez lui, M. Stamaty, qui, seul, a fait tous les frais de la matinée, en a
eu aussi tous les honneurs, en faisant succéder à la musique deHaendel,
de Beethoven et de Weber, de charmantes études de sa composition
en style moderne, original , piquant et frais, et toujours mélodique
jusque dans le trait. L'exécution , sœur de l'idée en musique, a été
aussi correcte que brillante.
— Avec des idées moins arrêtées, moins classiques, Mlle Juliette
Dillon, organiste de la cathédrale de Meaux , a donné, dans la petite
salle Sainte-Cécile, mardi passé, 8 février, à neuf heures, une séance
d'improvisation sur le piano. L'improvisation est la faculté, le devoir,
la mission en ce monde musical du piano et du pianiste, comme aussi
de l'organiste ; mais, il faut le dire, cela dût-il paraître singulier aux
musiciens romantiques ou de génie, car c'est tout un pour eux, l'im-
provisateur ne peut espérer de se dominer, et, par conséquent , de do-
miner son auditoire, qu'en procédant par des moyens scientifiques
appris, disons tout , par l'étude, la connaissance du contre-point et de
la fugue. Sans cette charte nécessaire aux artistes de génie, une idée
succède à une idée, et de l'embarras du choix de la pensée naissent le
vague et la confusion. Plus la pensée est circonscrite, arrêtée, étroite,
même en musique, plus le véritable compositeur en tire un riche parti :
voyez plutôt la première partie de la symphonie en ut mineur de Beetho-
ven , qui a trouvé moyen , par un dessin de quatre notes, de faire un
morceau des plus dramatiques, plein de chaleur et de passion !
Mlle Dillon, qui s'est fait connaître dans l'art musical par sa traduc-
tion en harmonie étrange et hardie, en mélodies originales et bien
senties, des Cou tes fantastiques d'Hoffmann, Mlle Dillon, qui étudie en
ce moment, nous a-t-il été dit, les procédés de l'art régulier, scienti-
fique, a voulu, par un caprice d'artiste, donner une séance publique
d'improvisation romantique ; et nous qui aimons à faire de l'éclectisme
même en musique, dans cet art qui s'accommode des plus rigoureuses
propositions mathématiques comme de la plus vague idéalité, nous
déclarons que Mlle Dillon s'est montrée dans cette séance pianiste ha-
bile et fantaisiste originale. Malheureusement, elle était entourée de
littérateurs et d'hommes du monde qui n'ont généralement qu'un sen-
timent vague et même faux de l'art musical ; qui pensent que l'impro-
visation est un caprice indéterminé ; que le drame des sons marche au
hasard et sans unité de pensée : aussi ces littérateurs lui ont-ils donné
des programmes sans ordre et sans mesure, dans lesquels ils cher-
chaient eux-mêmes à improviser de l'esprit en demandant au composi-
teur, à l'improvisatrice, des choses niaises ou impossibles à exprimer
par des sons, comme, par exemple, des moutons qui paissent dans une
prairie. L'un d'eux (l'homme et non l'animal) insistait avec une ironie
qu'il croyait spirituelle, pour qu'il y eût pas mal de moutons dans cette
vaste prairie à décrire, comme s'il se fût moqué de Mme Deshoulières et
de ses chers petits moutons. Pour en revenir aux nôtres, nous enga-
gerons notre Corinne musicale à se défier des quatre-vingt-dix-neuf
moutons et du Champenois qui forment ordinairement le noyau du public
de Paris, public bruyant, exigeant et pas mal inintelligent dans les cho-
ses d'art.
En admettant l'improvisation romantique, car le véritable critique
ne proscrit rien absolument et apprécie tout à sa juste valeur, nous
voudrions qu'on circonscrivît le cercle des tableaux proposés à l'impro-
visateur. Les précédents admis des Contes fantastiques d'Hoffmann
traduits musicalement par Mlle Dillon, pourquoi ne lui aurait-on pas
demandé, pourquoi ne lui proposerait-on pas de nous peindre le Fran-
kestein, de miss Shelly, l'Irlandaise? Ce nouveaux Prométhée, chimiste,
physicien, audacieux comme le Manjred de lord Byron, le Faust de
Goethe, ayant fouillé toutes les sciences humaines et divines, épuisé
tout savoir, rêve et se berce en une mélodie mélancolique sous la-
quelle se dessine une harmonie tourmentée, fiévreuse, étrange, excep-
tionnelle. A des silencesintermittents, — car, ainsi que le dit si éloquem-
ment J.-J. Rousseau, le compositeur fait parler le silence même,
exprime avec chaleur les frimas et les glaces ; même en peignant les
horreurs de la mort, il porte dans l'âme ce sentiment de vie qui ne l'a-
bandonne point, et qu'il communique aux cœurs faits pour sentir, — à
des silences intermittents donc, succède le travail, la construction d'une
machine humaine dans laquelle notre savant trouve moyen de mettre
le feu de la vie. Effrayé de son œuvre, voyant cet être gigantesque se
lever, se mouvoir, ouvrir des yeux étonnés dont le blanc est cuivré, et
qui roulent dans leur orbite, son auteur s'enfuit, poursuivi par le rire
strident et les cris rauques du monstre, qu'il regrette déjà d'avoir en-
fanté, et qui lui prépare tant de malheurs. 11 y a là-dedans quelque
chose à peindre en musique, ce nous semble, dans le domaine idéal de
l'imagination et de l'art.
— En regard de ces procédés fantaisistes, il nous reste à mettre
ceux de l'organiste Lemmens, du violoniste Léonard, et du compositeur
Reichel. Que dire de ces trois artistes classiques? Peu de chose, après les
appréciations que nous en avons déjà données dans la Gazette musicale.
Le dernier s'est montré, chez Pleyel , dans un concert, compositeur en
style pur, élégant, et pianiste suffisant pour faire apprécier ses œuvres
instrumentales. Ces œuvres sont : un excellent trio pour piano, violon
et violoncelle, fort bien dit par MM. Maurin , Chevillard et l'auteur ; un
autre trio pour piano, hautbois et basson, fort bien exécuté également
par l'auteur, MM. Romedenne et Jancourt; et une grande sonate pour
piano seul , dite par M. Reichel. La musique vocale de ce compositeur
se distingue par une mélodie originale et bien déclamée. On a
remarqué et applaudi dans cette matinée une églogue de Voltaire, fort
bien chantée par Mlle Saemann, et la Paix du cœur, interprété par
M. Wartel.
— Que dire maintenant de M. Lemmens? Que ce dernier voyage à
Paris a mis le sceau à sa réputation de bon organiste ; que si , par les
procédés scientifiques, classiques, qu'il connaît si bien , il n'improvise
pas, ce qu'il a dit de musique écrite par lui dans son excellent Jour-
nal d'orgue, a paru aux premiers artistes, compositeurs et critiques de
la capitale, qui se sont fait un vrai plaisir d'aller l'entendre, en même
temps d'un style pur, irréprochable, et de la plus noble et de
la plus religieuse inspiration.
— Le dernier concert de M. et Mme Léonard a confirmé égale-
ment la réputation que ces deux virtuoses viennent d'acquérir d'une
manière aussi éclatante que rapide en notre capitale des arts. En
digne compagne du violoniste à la méthode irréprochable, Mme Léo-
nard a dit, de ce style pur de chant qui vient des Garcia, un bel air
de Ritialdo, de Haendel , instrumenté avec beaucoup de tact, et
la couleur du temps par Meyerbeer. Mme Léonard a dit aussi un
air de Nicolo à brillantes vocalises : Non, je neveux pas chanter,
qui provoque de nombreux applaudissements, qui deviendront una-
nimes, si la savante cantatrice veut modifier en sourires, en gaîté,
que le sens des paroles le demande, sa mimique faciale. Quant à son
collaborateur dans les impressions de la vie et de l'art, il a été ce qu'il
s'est montré la première fois, violoniste d'un style sage, pur, au son
puissant, comme nous l'avons déjà dit, et compositeur chaleureux.
Son troisième concerto en la est aussi bien écrit pour l'orchestre que
pour l'instrument principal , ce qui n'est pas peu dire. Sa grande fan-
taisie sur la célèbre valse le Désir, attribuée à Beethoven, à Weber, et
qni est de Reissiger, chef d'orchestre à Dresde, est un arrangement
comme ne pouvait manquer de l'écrire celui qui a fait le charmant
drame instrumental pour violon de Richard-Cœur-de-Lion. Somme
lo ùîe, succès complet du virtuose soliste et compositeur.
Heniu BLANCHARD.
DE PARIS.
85
REVUE CRITIQUE.
CI1AUL.ES VOS*.
ses compositions roDn lv piano.
Satisfaire^ la fois le publie de salon et les amateurs d'élite, concilier en
des productions gracieuses et d'un bon style les caprices de la mode avec
les exigences de l'art, obtenir, comme pianiste et comme compositeur de
nombreux et légitimes succès, d'abord en Allemagne, le pays qui l'a vu
naître; puis en France, le pays qui l'a adopté : tel est le difficile problème
que M. Charles Voss a su résoudre. Une puérile agglomération de notes,
combinées d'un«. manière agréable à l'oreille., comme le voulait Rousseau, ne
saurait plaire à ce jeune artiste. Sous ses doigts comme sous sa plume, la
musique de piano, en se montrant sémillante et mondaine, évite d'être
fade et vulgaire. Elle conserve une signification en rapport avec les senti-
ments capables d'émouvoir le cœur humain, et ne laisse pas emporter les
idées par les sons. C'est en cela que les compositions dont je vais m'occu-
per dans cet article diffèrent essentiellement des morceaux de pacotille
destinés à la consommation journalière des pianistes mélomanes. Arrê-
tons-nous d'abord devant la Cascade de fl'.urs. Ce titre piquant et nouveau
prévient tout de suite en faveur de l'œuvre qu'il spécifie, et semble fait
pour désarmer une critique sévère. Aussi bien cette cascade est-elle une
agréable fantaisie-étude en ré bémol majeur commençant par un joli motif
présenté sous une] forme qu'affectionnait beaucoup l'auteur de Vlwiia-
tion à la Valse. La seconde et la troisième partie, en notes répétées, con-
stituent un excellent exercice et présentent quelques difficultés de méca-
nisme ménagées avec art. On peut dire, par exemple, qu'elles condamnent
le quatrième et le cinquième doigt aux travaux forcés à temps, car elles
les obligent à soulever par intervalle, sans hésitation comme sans gau-
cherie, le boulet mignon d'une petite note d'autant plus gênante qu'elle
est quelquefois placée sur une touche noire. — Le nocturne intitulé :
Mon Etoile, évoque sur le clavier les doux fantômes qu'un cœur épris voit
passer dans ses rêves. Soupirs plaintifs, gammes gémissantes, sons brisés,
arpèges vaporeux, traits chromatiques nourrissent avec langueur cette
molle rêverie et se succèdent comme les nuages au firmament, tantôt
plongeant dans les ténèbres la divine étoile, tantôt la laissant entrevoir
par échappées, toujours de plus en plus be.le, toujours de plus en plus
désirable. Ce morceau étant très-expressif et très-bien conduit ne laissera
pas d'obtenir de vifs applaudissements, en sorte que l'auteur peut sans
présomption se fier à son Etoile.
Ceux qui se fient à leur étoile montent, dit-on, volontiers à l'assaut.
Voilà pourquoi sans doute les pianistes doués d'un poignet souple et vi-
goureux, d'un style énergique et d'une grande vélocité d'exécution, par-
viendront facilement à rendre tel qu'il l'a conçu le galop militaire di
bravura que M. Voss nomme précisément Y Assaut.
L'idée première de cette composition ne manque pas de caractère; elle est
développée avec art et bien rhythmée. Le motif principal, présenté d'abord
en mi bémol, revient plus tard sous une nouvelle forme en fa mineur, après
un trio très-expressif écrit dans le ton de la bémol majeur. 11 faut louer
ici en général les modulations, qui sont parfaitement amenées et d'une
bonne couleur harmonique. Ce morceau, qui produit un excellent effet sur
le piano, en produirait un à coup sûr plus énergique et plus entraînant
s'il était arrangé pour musique militaire, et surtout rehaussé par la pompe
martiale et chevaleresque des inimitables instruments de notre célèbre
Adolphe Sax. On peut mettre en opposition avec VAssaut, où les sons tour-
billonnent impétueusement, la Mélancolie, qui nous ramène au genre
doux, élégant et gracieux auquel M. Voss paraît se complaire. Ce morceau
n'est pas seulement une étude de style et d'expression, c'est aussi une
étude très-utile pour l'emploi de la pédale, dont le commun des pianistes
et la majorité des amateurs font souvent abus dans la pensée d'éblouir
leur auditoire et de dissimuler leurs fausses notes. Si M. Voss s'est vu
forcé de recourir à l'indication : pédale à chaque mesure, c'est qu'il n'igno-
rait pas que bien des gens négligent d'ôter la pédale aux endroits où
l'harmonie change, de telle sorte que les sons les plus disparates venant
à se choquer et les fausses relations de tout genre à s'établir, il en résulte
une cacophonie, un brouhaha dont l'oreille est assourdie et dont elle
conserve, même après que le bruit a cessé, une pénible sensation de cha-
touillement et de tintoin. Quelque joli qu'il soit, un motif gagne toujours
à être habilement développé; celui qui nous berce ici de son chant suave
et plaintif, de ses arpèges amoureux et caressants, est traité d'une manière
brillante sous des formes rhythmiques pleines de désinvolture et d'éclat.
Ce morceau demande à être exécuté avec goût, et il [a déjà trouvé un e
excellente interprète dans la jeune et intéressante pianiste à qui il est dé-
dié. Mlle Clémence Laval est assurément très-capable d'en faire ressortir
lf>s nuances délicates par le charme et le brillant de son jeu.
Le Chant bohémien est encore un thème agréable dont M. Voss a tiré un
bon parti. C'est une mélodie simple comme sont d'ordinaire les mélodie
nationales, et cette mélodie simple est très-simplement, mais très-ingés
nieusement variée. Dans le groupe des Trois Fleurs, c'est V Amarante ijU
captive le regard, ou pour mieux dire qui séduit l'oreille. Elle est si \i\e,
si colorée, si élégante ! Elle a tant de grâce et de légèreté zéphyrienne
La Violette affecte des allures plus humbles et moins piquantes. Le par-
fum qu'elle exhale ne manque pas de suavité, mais peut-être eût-on
désiré qu'il fût plus frais et plus nouveau. La /(ose a quelque chose de ma-
jestueux qui rappelle son titre de Heine des Fhurs. Des sons doux et ten-
dres mêlés à de tendres et doux souvenirs semblent s'échapper de son
calice entr'ouvert. Peut-être s'en échappe-t-il aussi des gouttes de
rosée peut-être aussi des larmes!
Je vais aborder un nouvel ordre de productions dans lequel M. Voss a
également fait preuve d'une incontestable aptitude. Il s'agit des fantaisies
et des arrangements sur des motifs tirés des opéras en vogue ou des chefs-
d'œuvre consacrés par un long succès. Personne n'ignore combien ces
sortes de travaux sous une plume inexpérimentée deviennent préjudicia-
bles aux intérêts des maîtres. En effet, la plupart des arrangeurs sont à
l'art musical ce que la plupart des traducteurs sont à la littérature : d'in-
fidèles et maladroits interprètes de la pensée qu'ils sont chargés de tran-
scrire et de mettre en relief. Pour éviter de faire fausse route avec eux ,
M. Charles Voss a su garder les ménagements que l'on doit se prescrire
quand on s'établit dépositaire du bien d'autrui. Respectant les idées dont
il s'empare, il les développe et les fait ressortir selon le caractère qui
leur est propre, sans y mêler les incohérentes élucubrations auxquelles
certains pianistes compositeurs se livrent en pareil cas, sous prétexte d'as-
socier leur fantaisie à celle du maître qu'ils veulent illustrer.
Heureux dans le choix de ses motifs, il l'est également dans la manière
de les présenter, de les coordonner et de les ramener aux conditions d'u-
nité d'une œuvre complète en son genre. Le tact dont il fait preuve sons
ce rapport se révèle plus particulièrement dans sa fantaisie sur le Pro-
phète. Celle-ci est composée d'éléments réunis avec goût. On entend d'a-
bord le chant des anabaptistes, ce chant grave et sévère qui lutte de
vigueur et d'austérité avec les plus beaux chorals du moyen-âge. Vient
ensuite la pastorale de Jean, morceau exquis où Roger, non content de se
montrer habile chanteur, s'est toujours montré au plus haut degré artiste
et poëte. L'opposition de ces deux mélodies, l'une pleine de teintes fortes
et accentuées , l'autre pleine de nuances mélancoliques et chastes, a pour
effet de rappeler dès le commencement de la fantaisie le double carac-
tère dont la partition du Prophète, comme tous les chefs-d'œuvre dramati-
ques de Meyerbeer, porte si profondément l'empreinte, c'est-à-dire d'un
côté la puissance et l'énergie , de l'autre la grâce et la douceur. Après
avoir brodé le motif de la pastorale d'une façon brillante et distinguée,
M. Voss enchaîne ce motif à d'autres souvenirs mélodiques puisés à la
même source. L'emploi de certains procédés de modulation et de quelques
artifices analogues lui permet d'effectuer le passage d'un thème à un
autre, de manière à offrir presque toujours une heureuse transition. 11 en
résulte que l'intérêt, loin de languir sous le régime nauséabond des varia-
tions à perpétuité, est constamment ranimé et soutenu par l'apparition
d'une idée nouvelle. Toutefois cette diversité d'éléments n'implique ici
aucune confusion, car tous les fragments de l'œuvre originale, habilement
soudés les uns aux autres, s'apparentent et se relient entre eux selon les
lois de l'unité.
Malgré les mille et une fantaisies écloses sur les motifs de la Facorite,
celle que j'ai sous les yeux ne sera point accueillie avec froideur. Plus
difficile que les autres compositions de M. Voss, elle est aussi plus déve-
loppée, d'un style plus large, et d'une expression plus dramatique. C'est
en un mot un morceau de concert où l'auteur dessine à grands traits les
contours du modèle qu'il a choisi. Tout y est combiné de manière à faire
briller le talent du pianiste. L'harmonie a du relief, les épisodes de l'in-
térêt, et les formes rhythmiques sont généralement pleines d'ampleur et
de distinction. Je signalerai surtout un passage très-mouvementé en la
majeur, où l'un des thèmes est varié en arpèges par la main droile; au
milieu de ces arpèges, la même main fait ressortir sur les principaux
temps de la mesure les notes accentuées du chant. Cette disposition est
86
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
une de celles qui se présentent le plus fréquemment dans les productions
de M. Voss. Le morceau dont je parle commence en mi mineur, et par-
court ensuite le vaste domaine de la modulation. Après avoir changé
maintes fois de physionomie, de mouvement et d'allure, il conclut par une
péroraison en mi majeur très-chaleureuse et très-brillante, laquelle ré-
clame le style d'exécution plein, sonore, impétueux, et un peu emphati-
que des grands finals italiens.
Giralda n'est pas, comme la précédente, une fantaisie à grands airs,
mettant le clavier en rumeur et traversant la forêt de;; sons avec de
bruyantes fanfares. Si, en exécutant ce morceau, Ton rencontre des diffi-
cultés, ces difficultés ne sont point telles qu'on ne doive s'attendre à les
surmonter et à obtenir un joli succès de salon, lors même qu'on n'aurait
pas précisément un talent de virtuose. Du reste, nous retrouvons ici tou-
tes les qualités qui distinguent la manière de M. Voss; il en est de même
dans plusieurs autres compositions de ce jeune auteur que j'ai examinées,
savoir : la Sérénade, et les trois grandes fantaisies sur les Huguenots, sur
la Dame de Pique et sur la Fée aux Roser. Toute cette musique est de la
musique facile; non que je veuille attacher à ce mot une signification dé-
favorable, non que je veuille donner à entendre par là que cette musique
ne contient pas de difficultés ; je dis qu'elle est facile, parce qu'elle est
doigtée avec tant de soin et si bien écrite pour l'instrument, que toutes
les difficultés y sont aplanies et passent en quelque sorte inaperçues.
C'est là un avantage dont les amateurs sentiront tout le prix. Mais ce
qu'ils n'apprécieront peut-être pas tout-à-fait aussi bien que les artistes,
c'est que M. Voss, qui écrit principalement pour eux, n'a cependant pas
voulu briguer leurs suffrages en foulant aux pieds les principes essentiels
de la composition. Si, d'une part, la réserve qu'il apporte dans l'emploi
des agréments, des broderies et des formules toutes faites dont tant d'au-
tres abusent, témoigne en faveur de son goût; d'une autre part, le soin
qu'il met à rendre irréprochable la facture de ses morceaux sous le dou-
ble rapport de la pureté de l'harmonie et de la correction du style,
prouve que ses études n'ont point été négligées, et qu'il n'a point déserté
la cause de l'art pour celle de la mode. Doué de sensibilité et d'imagina-
tion, ce jeune pianiste compositeur a dû nécessairement rencontrer le
succès dans cette voie sage où l'accueil bienveillant du public l'engagera
sans doute à persévérer. Georges KASTNER.
CORRESPONDANCE.
Bruxelles, 3 mars.
J'ai à vous signaler un événement inattendu qui vient d'affliger les
dilettantes de notre capitale. Je veux parler de la clôture de l'Opéra-lta-
lien, lequel ne devait terminer ses représentations que dans un mois, et
qui a été forcé de les suspendre prématurément, faute de recettes. Les
admirateurs fervents de la musique italienne, ceux qui trouvent parfait
tout ce qui vient de par-delà les Alpes, en fondant leur jugement, si juge-
ment il y a, sur un certificat d'origine, ne manquent pas d'exploiter cet
incident contre notre population, qu'ils accusent de n'être pas sensible
aux beautés réelles de l'art L'Opéra-ltalien n'a pu se soutenir à
Bruxelles, donc le public de Bruxelles n'a pas d'oreilles, ou bien il les a
trop longues, ce qui revient absolument au même. Cette inculpation est
grave à l'époque de civilisation où nous sommes, surtout lorsqu'elle est
lancée contre une nation qui passe (on pourrait croire que c'est à tort)
pour se distinguer par ses instincts artistiques. Je tiens donc à prouver
qu'elle n'est pas fondée.
Le public de Bruxelles aime l'opéra italien. Il l'a prouvé en marquant sa
vive sympathie aux artistes d'un vrai mérite, sans s'informer auparavant
s'ils étaient célèbres ou non. La réputation de Calzolari, que vous applau-
dissez au Théâtre-Italien a commencé à Bruxelles ; j'en dirai autant de
celle de Mme Medori, dont la belle voix et le talent dramatique viennent
de faire merveille à Saint-Pétersbourg. Alais si le public de Bruxelles aime
l'opéra italien quand il est bon et ses interprètes quand ils sont habiles,
on trouvera difficilement le moyen de le passionner pour ce qui ne s'é-
lève pas, dans l'ensemble, au-dessus de la médiocrité! Est-il donc bien
coupable en cela?
Quelle était la troupe lyrique italienne dont j'ai le regret de devoir vous
apprendre la mauvaise fortune? Voilà ce qu'il faut examiner avant tout.
Elle avait pour premier ténor un artiste hors ligne, Lucchesi ; un baryton
doué d'une belle voix, mais chanteur incomplet, M. lîartolini; une basse
nulle, un butfo sépulcral.
Les cantatrices qui se présentèrent pour remplir les emplois de forte
chanteuse, de chanteuse légère et de contralto, firent toutes trois fiasco-
Mile Bertrand]', à laquelle il manque, non de la vocalisation, mais de l'ex-
périence, vint en aide à l'imprésario; mais, quel que fût son zèle, il lu
était difficile de satisfaire aux exigences d'un répertoire qu'elle ne con
naissait pas. Obligée d'apprendre des rôles en quelques jours et de les
chanter presque sans répétitions , elle laissait fort à désirer sous le rap-
port de la correction. La saison allait finir, et nous n'avions pas encore
de première chanteuse dramatique. Sans Mme Castellan, il y a six semai-
nes que la clôture aurait eu lieu forcément. Pas plus de contralto que
de prima donna. Comment était-il possible qu'un spectacle ainsi organisé
prospérât? Ajoutez que, par le fait de la direction française à laquelle
l'imprésario s'était associé pour son malheur, l'orchestre et les chœurs
étaient misérables. Il y avait çà et là de bonnes parties de représentations,
mais pas une seule entièrement satisfaisante.
J'entre dans ces détails pour prouver que l'opéra italien n'a péri à
Bruxelles que par sa propre faute, et pour que son échec de cette année
n'arrête pas les spéculateurs qui voudraient à l'avenir essayer encore
d'établir chez nous un spectacle que je persiste à croire viable 'dans de
certaines conditions, parmi lesquelles je place en première ligne, comme
c'est naturel, le talent des chanteurs
Deux jours avant de partir, les artistes italiens nous ont donné une
première, une vraie première représentation, celle d'un opéra nouveau
intitulé : V Alcade de Zalame a , musique del signor Bazzoni, compositeur
dont nous n'avons pas entendu parler, par l'excellente raison que c'est
son début. La partition de l'Alcade de Zalamea renferme, au milieu de
beaucoup de choses qui ressemblent à toutes, quelques morceaux ou
fragments de morceaux agréables. M. Bazzoni était le chef d'orchestre de
la compagnie italienne au moment de ses débuts. Après un mois d'exercice
de ses fonctions, il fut remplacé et quitta Bruxelles. 11 n'a assisté ni aux
répétitions ni à la représentation de son ouvrage.
En quittant la Belgique, notre directeur dans l'embarras se rendit à
Cologne, où il a traité pour un certain nombre de soirées et où j'apprends
que sa troupe vient de débuter avec succès. Plusieurs des villes des pro-
vinces rhénanes se sont inscrites pour avoir ensuite sa visite. Le réper-
toire italien sera là une nouveauté. C'est de la propagande lyrique que
feront les chanteurs ultramontains.
Mlle Julienne donne en ce moment des représentations au Théâtre-Royal,
encore et toujours en peine de prime donne. Cette artiste avait tenu déjà,
il y a quelques années, l'emploi de forte chanteuse sur notre scène. Telle
elle était, telle on l'a retrouvée. Belle voix, sentiment dramatique ; mais
tendance à exagérer l'expression, penchant aux cris. Le public de
Bruxelles a la réputation, fondée ou non, d'aimer les grandes voix par-
dessus toute chose. A tous les chanteurs qui nous arrivent on dit : « Criez
si vous voulez être applaudis. » Peut-être y eut-il quelque chose de fondé
en cela. Toutefois, l'intérêt de la vérité me force à déclarer qu'il y a réac-
tion dans le goût des dilettantes belges. Ils veulent aujourd'hui du chant,
du véritable chant, et partout, avant peu , l'on en viendra là , soyez-en
convaincu. Mlle Julienne a été applaudie quand elle a contenu sa voix
dans de justes limites d'intensité , tandis que ses excès de zèle ont été ac-
cueillis par un profond silence. C'est une leçon dont elle profitera sans
doute. Jérusalem est l'opéra dont elle avait fait choix pour sa première
apparition.
On s'occupe au Théâtre-Royal de la mise en scène de Casilda, opéra du
grand duc régnant de Saxe-Cobourg, traduit en français par un jeune lit-
térateur belge. Notre roi ne va guère au théâtre; mais il ne pourra pas se
dispenser d'assister à la représentation de cet ouvrage. Le grand-duc de
Saxe-Cobourg est son neveu. Avant de prendre le gouvernement de ses
États, comme on disait autrefois, et n'étant encore que prince héréditaire,
il a fait un assez long séjour à Bruxelles, où il a terminé son éducation
musicale. Le roi Léopold est trop bon parent pour ne pas vouloir entendre
et applaudir l'œuvre du fils de son frère. On regarde généralement la mise
en scène de Casilda comme une flatterie de notre imprésario à l'adresse
de la cour.
Après plusieurs années de silence, à Bruxelles au moins, Mme Pleyel
vient de rendre la voix à son piano. Voici dans quelles circonstances. Une
église, dont les plans sont établis sur les plus grandes proportions, s'élève
dans un des faubourgs de Bruxelles. Vous savez comment se construisaient
les édifices religieux au moyen-âge. A cette époque, où il n'existait ni
budget de l'Etat, ni budgets communaux, en quelque sorte, c'était au
moyen de contributions volontaires et personnelles que s'exécutaient les
vastes conceptions architecturales d'artistes demeurés inconnus par une
modestie qui a lieu de nous surprendre aujourd'hui qu'on voit des habita-
tions particulières fort peu dignes d'attention signées en toutes lettres.
Celui-ci fournissait une somme d'argent, celui-là des matériaux, tel autre
travaillait gratuitement de ses mains. — Des ressources à peu près sem-
blables sont employées à l'édification du monument dont je vous parle
Une souscription est ouverte; des dames de la haute société ont formé
une loterie d'objets d'art dont le produit est déjà considérable. Ces dames
se sont adressées à la grande artiste dont le concours n'a jamais manqué
DE l'AIIIS.
m
à une belle et bonne œuvre. Mme Pleycl a fait acte cette fois encore d'un
noble désintéressement en donnant un concert qui a singulièrement grossi
la souscription. La foule était grande, est-il besoin de le dire? Elle a salué
dos plus vives acclamations la reine de la fête, circonstance qu'il est tout
aussi superflu d'enregistrer, car les ovations sont pour Aime Pleyel chose
d'habitude, fémiiïente pianiste a joué comme elle seule sait le faire,
avec cet ensemble de facultés qui résument la plus grande perfection
possible de l'exécution instrumentale, la fantaisie de Liszt sur l'air des
patineurs du Propliete, les Plaintes de la jeune fille, de Schubert, et la Tanu-
telle. Vous permettrez que je passe sous silence le reste du concert. Des
artistes de mérite s'y sont fait entendre; mais toute l'attention était con-
centrée sur Mme l'ieyel, et je tiens à vous transmettre l'expression fidèle
du sentiment public.
Au troisième concert annuel de l'Association des artistes musiciens, ses
pièces de résistance du banquet musical ont été :1a symphonie en ut mineur,
de Beethoven, l'ouverture de Preciosa de Weber, et celle de Struensée, de
Meyerbeer. Au nombre des morceaux inscrits sur le programme se trou-
vait un air chanté par Aï. Barbot. Cet air d'un caractère doux et calme, un
peu monotone dans ses allures, mais plein d'un charme naïf, séduisit
l'auditoire. En l'écoutant, chacun s'écriait : Que c'est gracieux! quelle
élégante simplicité, quelle fraîche mélodie! Or, il faut vous dire que cette
œuvre qu'on traitait comme une fleur nouvellement éclose au soleil de
l'art était tout simplement l'air du sommeil de VÂrmide de Lully. Quel-
ques-uns savaient son âge, mais beaucoup ignoraient assurément à quelle
époque vivait Lully ; peut-être n'eussent-ils pas si franchement applaudi
un morceau vieux de près de deux siècles. Au demeurant, les produc-
tions musicales ne sont donc pas aussi éphémères qu'on veut le faire
croire.
Les concerts pullulent : concerts de chanteurs, de pianistes, de vio-
lonistes, de flûtistes, de clarinettistes, de harpistes, voire de guitaristes. Je
me garderai bien de vous parler de chacun d'eux en particulier. Les co-
lonnes de la Gazette musicale n'y suffiraient pas. Elle n'a déjà que trop à
faire pour tenir ses lecteurs au courant des grandes et petites solennités
du monde parisien chantant et exécutant. Je vous parlais de harpistes et
de guitaristes. Ce n'est pas, comme vous pourriez le supposer , afin de
grossir une nomenclature dont les terminaisons sont d'ailleurs médiocre-
ment euphoniques. M. Godefroid vient d'annoncer sa réapparition après
quelques dix ans d'absence delà Belgique, son pays natal, vous ne l'igno-
rez pas, et M. Zanni de Ferranti, virtuose fort habile sur la guitare, se
propose de donner ces jours-ci une soirée d'adieu destinée à clore sa car-
rière musicale. AI. Zanni.de Ferranti peut être, en quelque façon, consi-
déré comme le dernier exemplaire vivant de l'espèce des guitaristes. Lui
mort, il ne restera plus qu'à suspendre son instrument dans les musées
où reposent les spécimen des races éteintes.
J'aurais bien à vous parler d'un concert d'une espèce toute nouvelle;
mais je manque des connaissances nécessaires pour apprécier le mérite
des exécutants, étant complètement étranger aux règles de l'art musical
chinois. 11 s'agit, en effet, d'une exhibition de vrais enfants du céleste
empire où l'on entend leurs airs nationaux chantés avec accompagne-
ment d'instruments pleins de couleur locale. Figurez-vous une jeune Chi-
noise poussant de petits cris semblables à ceux d'un enfant en bas âge, et
pinçant, en même temps, les cordes d'une espèce de guitare dont les
sons n'ont aucun rapport avec les notes du chant, tandis qu'un vieillard
frappe au moyen de deux baguettes sur une sorte de tambour dont le
diapason diffère et de celui de la voix et de celui de la guitare. Tel est
le concert chinois, fait pour plaire à des oreilles chinoises, mais qui nous
cause, à nous Européens, des impressions d'une toute autre nature.
IOUVELLES.
V* Demain lundi, à l'Opéra, le Prophète, chanté par Roger, Mme Tedesco
et Mlle l'oinsot.
*„* Guillaume Tell, représenté deux fois la semaine dernière, lundi et
vendredi, a deux fois encore rempli la salle.
V Mercredi , le spectacle se composait de la Xacarilla et de la Syl-
phide.
*** Le Juif Errant s'avance de plus en plus : les grandes répétitions sont
commencées, la mise en scène est complète, et l'on a pu déjà juger l'effet
d'une partie des décors, qui seront magnifiques.
%* Des propositions magnifiques viennent d'être adressées par diffé-
rents théâtres de l'Allemagne à Bogerpour l'emploi de son congé. Baden-
Baden, où la cour de Bussie doit passer l'été, s'est surtout signalé. Zi,000
florins du Rhin (2,400 fr.) par soirée lui ont été offerts. Boger a déjà traité
avec Berlin pour le mois de juin, et Munich pour le mois de juillet.
%* L'engagement de Chapuis, le jeune ténor, vient d'être renouvelé.
*t* Mme Viardot est de retour de son voyage en Ecosse; elle restera
quelques mois à Paris, mais sans aucune intention de s'y faire entendre.
V Annoncer la rentrée de Mme Darcier à l'Opéra-Comique, c'était dire
en même temps comment la charmante actrice y serait reçue, applaudie,
rappelée; c'était tracer le programme d'une fête à laquelle rien ne devait
manquer. La foule s'y est portée avec un tel empressement, que nous ne
pouvons en parler que par ouï-dire : Gar à peine y avait-il moyen de pé-
nétrer dans la salle, encore moins d'y trouver une place. Nous ne dou-
tons pas, â'ailléUrS, que Mme Darcier n'ait rapporté avec elle le talent et
la grâce qu'elle possédait à un si haut degré, cl que le succès personnel
de l'actrice ne vienne puissamment en aide de celui du Carillonneur de
Bruges, dont la vogue est assurée pour longtemps.
*** La première représentation des Barreaux verts a été retardée de
quelques jours par suite des études que la rentrée de Mme Darcier ren-
dait nécessaires.
*t* La première représentation du Lutin, opéra en un acte d'Adolphe
Adam, est annoncée pour mercredi prochain.
*„* Mardi dernier, le Théâtre-Italien donnait pour la seconde fois le
Barbier de Séville, et Lablache y remplissait le rôle de Bartolo, avec le
talent supérieur et la verve extraordinaire qu'on lui connaît. Sophie Cru-
velli , qui se multiplie avec tant d'éclat et de succès, chantait le rôle de
Rosine, et Belletti celui de Figaro. Par malheur, Calzolari était malade et
ne pouvait faire preuve que de bonne volonté. Jeudi , on a donné Norma.
toujours avec Sophie Cruvelli ; et hier samedi , Cenermtola, avec Lablache
et Mlle d'Angri.
*»* L'empereur de Bussie vient de conférer à Tamburini, le célèbre
chanteur italien, une médaille d'honneur en or, enrichie de diamants,
avec cette inscription en russe : Pour distinction. Cette médaille doit être
portée au cou, suspendue au ruban de l'ordre de Saint-André.
*,* La Poupée de Nuremberg poursuit son brillant succès de musique et
de gaité à l'Opéra-National.
*%* Les journaux de Lyon annoncent le mariage de Mlle Lavoye avec
M. Froment, second ténor, attaché, comme elle, au Grand-Théâtre de
cette ville.
*** Mlle Clauss donnera demain lundi son troisième concert. La jeune
et grande pianiste jouera : 1" la fantaisie sur Lucie, de Liszt; 2" romance
sans paroles, de Mendelssohn ; 3° sonate en ut dièze mineur, de Beetho-
ven ; 4° llexaméron. Pour la partie vocale, Mlle Ida Bertrand chantera
l'air (YOrfeo, de Gluck : Che faro senza Euridice; le Brindisi, de Lucrèce
Boigia, et la Carolina, canzonetta italienne. Wartel dira la grande scène
de folie de Charles VI; Sois toujours mes seules amours, de Schubert, et la
Paix du tecur, de Beichel.
*„.* Le concert d'inauguration que l'Association des artistes musiciens
doit donner dans la salle qui lui appartient, bazar Bonne-Nouvelle (ancien
Diorama), aura lieu mercredi prochain, à huit heures du soir. Le pro-
gramme se recommande autant par le choix des morceaux que par les
noms des artistes. L'orchestre, conduit par M. Georges Bousquet, exécu-
tera l'une des plus belles symphonies d'Haydn, celle en ut majeur et l'ou-
verture de concert, de Hummel. L'excellent violoniste Léonard, qui s'est
fait si vite une place parmi nos premiers artistes, jouera un concerto et
des variations de sa composition. Mme Massart , la pianiste au jeu si
pur et si nerveux, exécutera le concerto (en sol mineur) de Mendelssohn.
Enfin, comme étude musicale et comparaison d'écoles, .Mme Léonard
chantera, de sa voix si exercée et si expressive, la romance française de
la Nina, de Dalayrac, et la scène italienne delà Nina de Paisi.ello. On
peut se procurer des billets à la salle du concert, au bureau de la loterie,
boulevart Poissonnière, et chez Brandus, éditeur, rue de Richelieu, 103.
— Prix des places : loges, 5 fr. ; stalles, 3 f r. ; parquet, 2 fr.
*.,.* Ernst, le grand violoniste, est parti mercredi pour Bàle, où il doit
jouer dans quelques concerts. H sera de retour à Paris vers la fin du
mois, et nous espérons l'entendre encore dans un concert qu'il donnera,
au commencement du mois d'avril, dans la salle ITerz ; ensuite, il se
rendra à Londres, pour y passer la saison.
*•„* Alexandre Batta est de retour à Paris, et doit y donner un concert,
le 2 avril, dans la salle IJerz. Pendant le court séjour qu'il vient de faire
en Hollande, il a été comblé de présents par le roi et la cour.
* * Aujourd'hui dimanche lu mars, cinquième séance de MM. Alard et
Franchomme dans la salle Pleyel. On y entendra : 1° quintette en ut, d'a-
près l'édition allemande, de Mozart; 2° fragments de la sonate eu /;
pour piano et violoncelle, de Beethoven; 3° minuettô et presto, de
Haydn; A" trio en si bémol, de Mozart; 5° 8e quatuor en mi mineur,
de Beethoven.
%* Le quatrième concert du Cercle musical aura lieu jeudi prochain ,
jour de la mi-carême, à la salle Sainte-Cécile, sous la direction de A. Ma-
libran. On y entendra : un quintette de Beethoven, pour piano et instru-
ments à vent; la scène de chant de Spohr, pour le violon, dite par A. Ma-
libran ; la symphonie des Enfants d'Haydn, redemandée; les ouvertures
lïObéron, de Weber, de la Chasse <'u Jeune Henri, de Méhul, et quatre
chœurs de Cimarosa, Rossini et Meyerbeer.
%*. Voici les noms des artistes qui concourront au concert de Kruger :
Mlle Naii, MM. Morelli, Wartel, Saint-Léon, et Charles Kruger, frère du
bénéficiaire et première flûte de la chapelle royale de Stuttgard.
V La Société philharmonique de Paris donnera un grand concert au
bénéfice de AI. Aimé Roussette, chef d'orchestre de la Société, le dimanche
21 mars courant, à uneheure, dans la salle Sainte-Cécile, 49 bis, Chaussée-
d'Antin. On y entendra MM. Saint-Léon, Gillette, Ferdinand Michel;
Aimes Theresa Micheli, Rouvroy et Alixe. Al. Victor D. .. chantera des chan-
sonnettes comiques. L'orchestre , composé de 120 musiciens, exécutera
les ouvertures de la Pie voleuse, delà i iolnte et delà Sirène.
REVUE ET GAZETTE MUSICALE DE PARIS.
%* M. Lagarin, violon distingué, dont nous avons souvent constaté les
succès, doit donner un concert avec le concours de MM. Goria, Meillet.
Malézieux, etc., Mmes Yvens d'Hennin, Rouvroy, Paris et Lagarin, le sa-
medi 27 mars, à 8 heures du soir, rue Saint-Georges, salle Sax.
%* M. Stamaty donnera une soirée mercrdi '2k de ce mois, à 8 heures
du soir, dans les salons de Pleyel.
*„* M. Rodolphe de Winterfeldt, conseiller à la cour de justice supé-
rieure de Berlin, et l'un des plus savants écrivains théoriciens sur la mu-
sique que l'Allemagne ait produits, vient de mourir à Berlin, à l'âge de
soixante-sept ans. On lui doit plusieurs ouvrages importants, au nombre
desquels se distinguent particulièrement les ReJienhes sur le< chorals de
Martin Luther, et Jeun Gabrielli et son sied-. Cette dernière œuvre contient
une histoire de la musique pendant tout le xviii0 siècle.
*„* M. Joseph Drechsler, maître de chapelle de l'église métropolitaine
de Saint-Etienne, à Vienne, vient de mourir dans cette capitale à l'âge
de 70 ans. Outre un grand nombre de comédies â ariettes (Singspiele) , on
doit à M. Drechsler dix grandes messes, un Requiem, deux Te Deum, une
Méthode pour l'orgue, une Théorie du contre-point et un Guide des pré-
ludes.
CRON1QUE DÉPARTEMENTALE.
" ,,* Marseille, 5 mars. — La Giralda, d'Adolphe Adam, vient d'être re-
présentée et de réussir ici comme partout. La pièce et la partition se sont
partagé les suffrages. Aime Charton-Demeur s'est surpassée comme chan-
teuse et comme actrice. Elle a vocalisé avec tant d'éclat et de finesse que
les applaudissements sont partis à plusieurs reprises de tous les points de
la salle, et qu'aux bravos unanimes s'est mêlée une pluie de fleurs.
*** Angers. — Les Deux Sergents, de N. Louis, viennent d'être repré-
sentés avec un très-grand succès.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
\* Cologne, 6 mars. — La troupe italienne qui naguères était à Bruxel-
les, est maintenant engagée ici, et nous avons eu pour la première fois
un opéra italien. Les représentations ont commencé par le Barbier de Sé-
ville, précédé d'une symphonie nouvelle, In freitn (on plein air) et com-
posée à Paris par Ferdinand Ililler.
%* Berlin. — C'est le 19 du mois que Mlle Wagner chantera pour la
dernière fois au Théâtre-Royal avant son départ, fixé au 25. La célèbre
cantatrice se rendra d'abord â Leipzig : ce n'est qu'au mois de mai qu'elle
doit partir pour Londres. — L'ouverture de l'établissement Kroll, qui a eu
lieu ces jours-ci, est un des événements les plus remarquables dans la vie
publique et artistique de notre capitale. L'orchestre, dirigé par M. Engel,
violoniste distingué, se compose de 36 artistes; il y a un soliste pour cha-
que instrument.
%* Weimar. — Franz Liszt vient de terminer une grande fantaisie sur
le choral du rrophète, avec fugue, pour orgue. Cette composition du cé-
lèbre pianiste est dédiée à Meyerbeer.
*„.* Stultgard. — Le 22 février, l'opéra d'Halévy, le Val d'Andorre, a été
représenté avec le plus éclatant succès, sous la direction de M. Kucken.
*„.* Rome. — Le gouvernement papal a cru voir une profanation dans
le titre // Giuramento, de l'opéra de Mercadante, le serment étant une
chose sacrée. Désormais la partition de Mercadante sera jouée sous le titre
de : Amore e Uovtre. (Amour et Devoir).
Le gérant : Ernest OESCHAMPS.
EN VENTE, CHEZ Mme Ve LAUNER, EDITEUR, BOULEVART MONTMARTRE, 16,
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1. Prière chantée en chœur : « Dieu puissant, Dieu notre père. ». . . 3 »
2. Couplets chantés par M. Bouché : « Hardis marins, braves amis. ». 6 50
3. Romance chantée par M. Philippe : « Zora, je cède à ta puissance. » 3 »
tt. Trio chanté par Mlles Duez, Guichard et M. Philippe: « Chez votre
jeune reine » 9 »
5. Ballade chantée par Mlle Duez: « Entendez-vous dans les savanes. » 6 »
5 bis. La même transposée un ton plus bas pour mezzo soprano ... 6 »
6. Air chanté par M. Bouché : « Jusqu'à ce jour, sans désir, sans envie.» 6 »
6 bis. Le même transposé un ton plus haut pour baryton 6 »
7. Boléro chanté par Mlle Guichard :« La belle fête pour Zora! » . . 6 »
8 . Duo chanté par Mlle Duez et M. Philippe : « Enfin, l'on nous laisse. » 7 50
Airs rie ballet : N° 1, Fandango et Tarentelle; N° 2, Rondena; N° 3, Marche.
GRANDE PARTITION D'ORCHESTRE, PRIX : «00 FR. — PARTIES D'ORCHESTRE, PRIX
Ptirlilion, giittno et clwnl. in-iar net, is fr.
9. Cauatine chantée par Mlle Duez : « Quand sur notre beau navire. ». 4 50
9 bis. La même transposée un ton plus bas a 50
10. Duo chanté par MM. Soyer et Bouché : « Tu sais comment je récom-
pense. >■ 7 50
11 . Quatuor chanté par Mlle Duez, MM. Philippe, Soyez et Bouché :
« Dans mon âme éperdue. » 5»
12. Couplets du Mysoli chantés par Mlle Duez: «Charmant oiseau qui
sous l'ombrage. » 4 50
12 bis. Les mêmes transposés un ton plus bas pour mezzo soprano. . . 4 50
13. Duo chanté par Mlle Duez et M. Philippe : « Ah! mon ami, pour cal-
mer ma souffrance. » 7 50
14. A ir avec chœur chanté par M. Bouché: « Après avoir bravé. ». . . 7 50
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2. Atr de baryton chanté par M. Meillet : «A moi la jeunesse.» 5 »
2 bis. Le même transposé pour ténor 5 »
3. Duo de la valse pour soprano et baryton chanté par Mlle Rouvroy
et M. Meillet : « Me voilà ! oui c'est elle, c'est ma belle. » 9 »
tranil air de soprano chanté par Mlle Rouvroy : « Où suis-je?
Oui suis-je? Quel prestige? i 5 »
5. Couplets pour soprano chanté par Mlle Rouvroy : « Quand je
commande, attention, silence ! » 3 75
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Lo Jouruul pjniit le Dimanche.
GAZETTE MUSICALE
DE F^SÏS
SOMMAIRE. — théâtre de l'Op'éra-Çomi^ue, le Farfadet, iibretto de M. Planard
partition d'Adolphe Adam (V représentation), par Henri Blanchard. —
Philosophie de la musique. — Auditions musicales, Société Sainte-Cécile, Mlle
Clauss, etc., par Henri Blanchard. — Nouvelles et annonces.
THEATRE DE L'OPERA-COMIQUE.
M-: FARFADET,
Opéra comique en un acte ; libretlo de M. de Planard , partition de
M. Adolphe Adam.
(Première représentation, 19 mars 1852.)
L'origine de l'opéra comique, son titre, ses annales prouvent sur-
abondamment que c'est le rire, provoqué même par le genre bouffon ,
grotesque, qu'on vient chercher à ce théâtre. L'auteur de Stratonice et
de Joseph, notre grave et mélancolique Méhul , n'a-t-il pas écrit Une
folie, l'Irato et le Trésor supposé"! Le farfadet, représenté avant-hier
au théâtre Favart, est dans les conditions , la poétique de ces libretti ,
qui plaisaient tant à nos pères et même à nos contemporains. Le Far-
fadet sera donc une continuation du rire héréditaire qui nous saisit à
l'audition de ces poèmes rétrospectifs et naïfs , bâtis sur la peur et les
quiproquo, qui paraissent toujours neufs dans une foule de pièces amu-
santes, et notamment dans les Rendez-vous bourgeois.
Le futur de la fille d'un meunier des Pyrénées passe pour avoir été
tué par des contrebandiers espagnols. On le regrette ; mais la jeune
meunière va épouser le garçon meunier, par ordre de son père, bien
que la servante du moulin aime ce garçon superstitieux et poltron, qui
croit aux revenants comme le meunier, lui-même, au reste, et toute la
famille. Notre amoureux, qui n'a été que blessé, prisonnier en Espagne,
revient et se met en possession du moulin en qualité de farfadet, de
lutin du foyer, comme le Trilby de Charles Nodier. 11 prend plaisir
à tourmenter, à effrayer, àenfariner son rival, jusqu'à ce que reconnu,
quoique caché dans ce sac ridicule où Scapin s'enveloppe, il reprenne
possession du cœur de la jeune meunière, qui devient sa femme,
comme la servante du moulin épouse le garçon meunier qui n'avait
pas cessé de l'aimer.
Sur cette donnée claire et d'une gaîté classique, M. Adam a jeté des
mélodies et des harmonies de sa façon, c'est-à-dire des chants aisés à
comprendre, à retenir, avec des accompagnements lestes, pimpants, et
une instrumentation aussi riche que le comporte le sujet ; et en ce
genre, on peut citer l'orage qui fond sur le pauvre moulin, et qui
épouvante si bien ses habitants. Ce tableau de musique imitative est
vigoureusement tracé. Lèvent souffle bien à travers la montagne, agite
les fenêtres, les portes, la toiture ; la pluie tombe à torrents sur tout
cela : c'est bien une tempête dans les montagnes qui répercutent tous
ces bruits poétiques de la nature.
L'ouverture est ce qu'elle doit être, facile, légère, avec un joli thème
de rondo, précédé d'ingénieuses harmonies dans l'introduction , et de
pittoresques effets de triangles dans la péroraison. Si le triangle est un
instrument oriental de sa nature, qui se marie au mieux avec le chapeau
chinois, il exprime bien aussi , dans un sujet champêtre et villageois, ,
le tintement des clochettes du troupeau. Les couplets dits par la fille du
meunier et le garçon du moulin ont tout l'entrain d'une chanson de
table, fort bien encadrés dans l'introduction. Après un quatuor bien fait,
viennent encore deux couplets chantés par les deux jeunes filles, et ter-
minés par un petit ensemble ou refrain plein de grâce et de naïveté.
A son arrivée dans le moulin, l'amoureux farfadet chante un air
d'une franche mélodie, qui résonne largement dans la voix sympathique
de M. Bussine, chargé du rôle principal.
Un joli duo entre le garçon meunier et la servante du moulin ren-
ferme une phrase de mystérieuse et délicieuse mélodie sur ces mots :
C'est le vent qui murmure, c'est le vent, etc. Après ce duo, il en vient
un autre à trois temps, plein d'animation et d'effets pittoresques, entre
autres, celui des hou! hou ! alternatifs, hous, hous, de loup-garoux ,
auxquels vient se joindre le fracas de l'orage dont nous avons parlé
plus haut ; puis, à tout ce tumulte harmonique succède une suave mé-
lodie sur ces mots que s'adressent pianissimo les habitants du moulin,
Dans les airs plus de bruit,
Bonne nuit, bonne nuit.
La lecture des lettres du farfadet à tous ses amis du moulin en style
fugué est franchement comique; et puis ledit farfadet, enfermé
dans un vaste sac à farine, apparaît comme la statué du comman-
deur dans le Don Juan de Mozart. Le spirituel compositeur a saisi
cette occasion de faire sentir cette similitude do situation en mettant
dans son orchestre l'harmonie étrange et de l'autre monde sur la
mélodie de Mozart, mélodie syncopée et contrainte, et toute empreinte
de mélancolie qui semble avoir été envoyée de l'enfer au célèbre com-
positeur. Quand à cet esprit de citation se joignent des mélodies trou-
vées, franches et gaies, il ne peut qu'en résulter un succès des plus
brillants et des plus populaires, et c'est ce qui a eu lieu.
MM. Lemaire et Bussine ont été d'un comique franc et naturel ;
M. Jourdan s'est montré ce qu'il est toujours, comédien intelligent et
soigneux, et chanteur sûr et agréable. Mlle Tillemont ou Talmon,
comme il lui plaira, est fort gentille en petite meunière ; et la servante
du moulin, Mlle Lemercier, indique fort bien par son jeu franc et dé-
cidé qu'en devenant latfemme légitime du garçon meunier, elle sera la
maîtresse de son mari.
Henri BLANCHARD.
90
REVEE ET GAZETTE MUSICALE
PHILOSOPHE DE LA MUSIQUE.
La Gazette musicale a fait connaître à ses lecteurs, à diverses re-
prises, l'existence d'un cercle artistique à Bruxelles, société d'hommes
d'élite qui s'est donné la mission de propager le goût de l'art en Bel-
gique, et dont beaucoup de membres sont comptés parmi les talents les
plus remarquables du pays dans la peinture, la sculpture, l'architecture,
la musique, les lettres et les sciences. A certains jours, la Société se
réunit pour assister à des séances artistiques, littéraires ou scientifi-
ques; elle admet dans ces assemblées tous les étrangers de distinction.
Le Cercle n'avait pas perdu le souvenir de l'enthousiasme que M. Eé-
tis y avait excité il y a deux ans dans un cours de cinq séances qui
avaient pour objet un sommaire de l'histoire de la musique, véritables
concerts historiques dont les morceaux, choisis dans ce que l'art a
produi tde plus beau, furent exécutés avec une rare perfection par les
professeurs et les élèves du Conservatoire. Depuis lors, M. Fétis avait
été souvent et vivement sollicité pour la reprise de séances du même
genre ; mais, trop occupé par les devoirs de sa position et par ses tra-
vaux, il n'avait pu se rendre au désir de ses collègues. Enfin, il vient
de céder à leurs instances, et a donné récemment une première séance
dont l'intérêt n'a pas été moins vif que celui des précédentes, et qui a
été accueillie par des applaudissements unanimes et chaleureux. Nous
avons recueilli l'improvisation du professeur, et nous croyons être
agréable aux lecteurs de la Gazette musicale en la reproduisant.
M. Fétis, accueilli par des témoignages de sympathie à son entrée dans
la salle, s'est exprimé en ces termes :
« Messieurs,
» Je me propose de rechercher dans cette conférence quels sont les
caractères du beau dans la musique. J'aurai l'honneur de vous faire
entendre, à l'appui de mes idées sur ce sujet, quelques morceaux célè-
bres qui appartiennent à des époques diverses, et dont le caractère
esthétique est différent. Mais avant d'aborder le sujet spécial dont j'ai
à vous entretenir, il est nécessaire que je vous présente quelques con-
sidérations générales sur l'origine de l'idée que nous avons du beau,
sur l'imagination qui la réalise, et sur les actes qui en sont le produit.
En l'absence de ces préliminaires, il me serait difficile d'éviter l'obscu-
rité de langage dans l'exposé de la théorie du beau musical.
» Une opinion ancienne, établie en principe par l'abbé Batteux ,
Burke, Diderot et quelques autres, veut que les arts aient pour objet
l'imitation de la nature. Cette opinion dérive d'un système de philo-
sophie qui fait tout venir des sens. J'espère vous démontrer que, dans
son acception rigoureuse, cette opinion n'a d'autre fondement qu'un
préjugé. L'homme n'est pas le copiste de la nature : il s'inspire de son
spectacle et lui dérobe ses formes pour composer des œuvres qu'il ne
doit qu'à son propre génie. Si l'artiste n'avait pour objet de son œuvre
que l'imitation de la nature, son travail serait pour lui une source de
déceptions et de désespoir ; car la vie réelle qui anime la nature don-
nerait toujours au modèle une incomparable supériorité sur la copie.
» En donnant cette imitation pour but aux arts, on suppose néces-
cessairement que l'illusion est pour eux le dernier terme de la perfection,
ce qui est bien loin de la vérité. Si l'on en veut la preuve, qu'on se
souvienne du Diorama, où la représentation atteint un degré d'illu-
sion qu'on ne trouvera jamais dans la peinture véritable. Tous les
objets s'y présentent en relief; il semble que la main aille les toucher.
Cependant, qui a jamais songé à mettre en parallèle les tableaux du
Diorama avec ceux qui font la gloire des grands peintres, si ce n'est le
vulgaire, dont les sens sont plus exercés que l'intelligence et le senti-
ment ? Loin d'être un perfectionnement de la peinture par l'imitation
exacte de la nature, le Diorama est , au contraire, dans un ordre très-
inférieur, par cela seul que son but est l'illusion. Ce qui le prouve,
c'est que la nature organique ne peut paraître dans ces tableaux qu'à
l'état de cadavre. L'homme debout y manquerait de mouvement et de
vie : dès lors, l'illusion serait détruite. Or, personne n'a jamais remar-
qué que les personnages ne se meuvent pas dans les tableaux des
grands artistes ; car ceux-ci y ont mis le mouvement et la vie de l'art,
qui ne sont pas ceux de la nature.
» Examinées d'une manière superficielle, la peinture et la sculpture
ont pu faire naître la fausse doctrine que je viens combattre ; mais le
principe de l'imitation, qui offre quelque vraisemblance appliqué aux
arts figuratifs, n'a plus de sens lorsqu'il s'agit de ceux qui ne s'adres-
sent pas aux yeux, comme la musique et la poésie. Le poëte, n'est-ce
pas celui qui crée l'édifice aérien de l'idéal et du beau , non de rien
(ce qui n'est pas donné à l'homme), mais de matériaux imparfaits,
fournis par le monde extérieur ? N'est-ce pas en ce sens que nous
appelons poètes le grand peintre et la. grand musicien ?
■ » L'homme a sans doute besoin d'observer et d'étudier la nature pour
avoir la connaissance réfléchie des types qui lui sont fournis par la raison ,
types qu'il doit réaliser par l'entremise de l'imagination et avec le se-
cours de l'art. A cet égard , les idées esthétiques sont dans les condi-
tions communes à toute idée rationnelle ; elles sont dans la catégorie
d'un grand nombre de notions qui ne dérivent pas directement des
sens, et, qui néanmoins ne peuvent être saisies avec lucidité, si la sen-
sibilité n'entre pas en exercice et n'est pas affectée par les objets qui
répondent aux conceptions de l'esprit. Ainsi , l'action de la nature sur
les sens n'engendre pas nos idées de l'art : elle se borne à les éveiller,
et joue à leur égard le rôle de simple occasion, et non d'une cause
efficiente.
» Mais le monde extérieur, qui nous fait connaître les formes des
objets, ne nous fournit aucune des idées générales par lesquelles nous
pouvons les apprécier. Cette chose est un arbre, cette autre est un ro-
cher : observez-les avec attention, vous apprendrez à distinguer les
détails de leur conformation.; mais en vain les contempleriez-vous pen-
dant des siècles, vous n'en tireriez pas l'idée de beauté ; car les choses
ne peuvent donner que ce qui est en elles. Une idée ne peut donc sortir
d'une chose matérielle. Dira-t-on que l'idée de beauté peut naître de
la comparaison des objets entre eux? Mais, dans la diversité d'objets
qui sont sous vos yeux, qui vous apprendra qu'ici est la beauté, et que
là est la laideur ? Aurez-vous recours aux proportions pour expliquer
le jugement esthétique? Vous n'arriverez pas mieux à l'explication du
phénomène ; car de quelle manière peut-on connaître les proportions
qui font la beauté du visage, par exemple? Ce n'est pas sans doute par
l'expérience, puisque la nature ne nous montre jamais un visage doué
d'une beauté parfaite. Supposons cependant que ce beau modèle existe
et que nous soyons assez heureux pour le rencontrer : comment sau-
rons-nous que ce visage privilégié est plus parfait que les autres? A son
aspect, notre jugement serait sans doute dicté par une voix secrète qui
nous obligerait à dire : Cela est beau. Mais qu'est ce que cette voix in-
térieure, sinon l'intuition mentale d'un type dont l'accord avec l'objet
externe nous révèle la perfection de celui-ci? C'est ce type, dont l'exis-
tence dans l'âme du peintre et du statuaire précède la manifestation de
l'objet qui le réalise , mais n'est saisissable qu'au moment où cet objet
apparaît; c'est ce type, dis-je, qui fait distinguer à l'artiste dans ses
modèles ce qui a le caractère de la beauté, ce qui en est dépourvu, et
lui fait choisir dans l'un telle partie , dans l'autre telle autre , pour en
composer l'être idéal dont il a la conception. Si la notion de beauté ne
partait de lui, il est évident, que le choix serait impossible.
» L'imagination, dont l'objet est de représenter l'idéal parle réel,
est la faculté esthétique par excellence. C'est l'imagination seule qui
perçoit le caractère du beau et qui le détermine. La même relation qui
existe entre les trois objets, le vrai, le beau et le réel, se retrouve entre
les trois facultés de l'organisation humaine, la raison, l'imagination, la
sensibilité. L'imagination , qui contemple le beau et qui le réalise par
la synthèse de l'idéal et du réel, n'accomplit son œuvre qu'autant que
la raison l'éclairé. La beauté consiste dans un rapport ; or un rapport
ne peut exister qu'entre deux termes au moins : si l'on supprime l'idéal
ou le réel, la beauté s'évanouit; si d'autre part, on supprime la raison
ou la sensibilité, l'imagination devient impossible. Toutefois il ne faut
pas confondre l'imagination avec ses conditions essentielles, ni le beau
DE PARIS.
avec les éléments qui le constituent. On voit donc qu'il y aurait égale
erreur à ramener la théorie du beau à la raison pure, ou à la faire ren-
trer uniquement dans le domaine de la sensibilité.
» L'imagination n'accomplit son œuvre qu'à l'aide d'une multitude
de facultés dont elle est incessamment escortée, et qui en sont ou les
conditions ou les auxiliaires. L'œuvre du poète ou de l'artiste suppose
lout ensemble la sensibilité qui éprouve les impressions et perçoit les
images, la mémoire imaginative qui les recueille et les conserve,
l'abstraction qui les généralise, le goût qui les épure, la raison qui
conçoit la pensée supérieure, type et idéal de l'œuvre entière, l'ima-
gination proprement dite qui traduit la conception métaphysique en
symbole, et enfin l'effort de la volonté qui combine les divers éléments
et en fait un tout harmonieux, une composition véritable. La prédomi-
nance de telle ou telle de ces facultés explique les variétés de l'imagi-
nation. 11 en est qui se distinguent par un vif sentiment et par une
représentation fidèle de la réalité, à tel point que la part de l'idéal s'y
laisse à peine apercevoir. Chez d'autres, la conception est forte, mais
le goût n'y a que peu de part, et l'exécution se ressent de son absence.
Dans certaines imaginations, le sentiment exalté de l'idéal efface les
impressions de la réalité : dans leurs œuvres, la métaphysique étouffe
la passion. Enfin , il est des imaginations qui saisissent le rapport de
l'idéal et du réel dans cette parfaite mesure et cette harmonie pleine
de charme et de force qui font la beauté par excellence. Je l'avouerai,
en pensant à ces imaginations privilégiées, les noms de Raphaël et de
Mozart se présentent à mon esprit.
» Ce qui se fait remarquer dans la diversité de partage des facultés
d'où dépendent les différentes imaginations créatrices, est exactement
semblable à ce qui a lieu à l'audition ou à la vue des œuvres de l'art.
La diversité de goût et de jugement chez les hommes impressionnés
par ces œuvres, naît précisément de l'inégalité du partage des facultés
esthétiques. L'une ou l'autre de ces facultés venant à dominer, affai-
blit d'autant les autres, et détermine, en conséquence, le caractère de
l'impression et le jugement que celle-ci provoque. J'ajoute que toutes
nos facultés se développent par l'exercice , et qu'en les laissant dans
l'inaction on les paralyse ; ce qui explique pourquoi les œuvres d'art
lus plus belles laissent impassibles certaines individualités que la
contemplation du beau n'a pas perfectionnées.
» Si le temps ne me pressait, j'aurais à expliquer à mon intelligent
auditoire comment l'artiste, dominateur de la nature dans la concep-
1 ion de son œuvre, devient son esclave dans l'exécution ; comment la
dextérité, si grande qu'elle soit, trahit le sentiment par impuissance;
comment la convention prend parfois la place de l'idéal et du vrai ;
enfin, comment l'art peut dégénérer en procédés de pratique ; mais
j'ai hâte d'arriver à l'objet principal de cette séance. Il me suffit pour
ce qui me reste à dire, d'avoir établi précédemment la relation intime
de l'idéal et du réel dans les œuvres d'art qui ont pour objet les repré-
sentations extérieures, ou l'impression des idées déterminées.
» La tâche qui me reste, à remplir est plus difficile ; si difficile, que les
plus grands philosophes de l'antiquité et des temps modernes y ont échoué ,
ou n'ont pas osé s'y hasarder. Persuadés que la musique fait avec les sons
ce que font la peinture avec le crayon et la couleur, la sculpture avec le
marbre, et la poésie avec la parole, la plupart des auteurs qui ont écrit
sur l'esthétique ont considéré ]a musique comme identique dans son
objet avec ces arts, ou lui ont assigné un rang inférieur, réduisant sa
valeur à ce qu'on appelle un art d'agrément, et supposant que son
action se borne à un simple jeu de sensations. Kant, lui-même, mécon-
naissant le principe et la portée de la musique, est tombé à cet égard
dans l'erreur des philosophes sensualistes. Que dirai-je? Hegel, cet ar-
dent adversaire du monde réel, cet apôtre de la création absolue par
l'esprit de l'homme, cette forte tête pensante qui a fait preuve de tant
de profondeur et de sagacité dans ses leçons sur l'esthétique, ne parait
avoir compris ni le principe ni le rôle de la musique dans le domaine
du beau. Quant à ceux qui ont reconnu à la musique une mission plus
élevée que celle de chatouiller les sens, incertains de la manière dont
l'idéal s'y met en relation avec la sensibilité, ils n'en ont parlé qu'en-
termes vagues qui décèlent leur embarras. Je vais essayer de pénétrer
dans les mystères de ce sujet, et de poser la théorie du beau musical
sur une base plus solide.
» L'opinion générale fait de l'oreille le lieu où se passent les phéno-
mènes acoustiques ; mais cet organe n'est qu'un appareil de percep-
tion; car s'il en était autrement, il ne suffirait pas qu'il fût organisé
comme un instrument de musique pour. nous procurer des jouissances,
ainsi que l'ont prétendu Vésale, Mengoli, Morel, Duverney, Valsalva,
Dumas et plusieurs autres : il devrait être, en outre, susceptible d'at-
tention, de discernement, d'analyse, de réflexion et de jugement. Tout
son, pris isolément, est juste; toute oreille qui le perçoit l'est égale-
ment, car un son ne change pas de nature en se répercutant dans le
conduit auditif. Ce qui peut être faux ou juste, c'est le rapport d'un
son avec un autre; or, l'esprit seul juge ce rapport, suivant qu'il est
bien ou mal organisé pour en faire l'appréciation. Le plaisir que pro-
cure la succession ou la simultanéité de plusieurs sons est donc tout
intellectuel. Je dirai tout à l'heure comment il peut devenir en même
temps sentimental.
» Une série dont les rapports sont saisis avec facilité par l'intelli-
gence compose une formule de tonalité qu'on désigne par le nom de
gamme. Tous les sons contenus dans cette gamme ont des rapports
homogènes et harmonieux, soit qu'on les dispose dans un ordre suc-
cessif, pour en former des mélodies, soit qu'on les réunisse avec choix
dans des accords simultanés. Si des sons qui appartiennent à d'autres
gammes, et qui, conséquemment, composent d'autres ordres de tona-
lité, venaient se mêler à ceux-là, il y .aurait désaccord entre eux, les
rapports seraient faussés, et l'intelligence, troublée dans ses concep-
tions, réagirait d'une manière pénible sur la sensibilité. Cet effet se
produit dans ce qu'on appelle communément chanter ou jouer faux .
Le chanteur, l'instrumentiste qui fait naître cette impression désagréa-
ble , ne fait autre chose que de mêler aux sons qui constituent. la
gamme, des sons qui sont étrangers à celle-ci, soit par une organisa-
tion vicieuse qui fait chanter trop haut, soit par une fatigue de l'or-
gane qui fait chanter trop bas, soit, enfin,, s'il s'agit d'un instrumen-
tiste, parce que l'instrument est mal accordé.
» Ainsi qu'on le voit, l'effet harmonieux des sons, soit dans l'or-
dre successif, soit dans l'ordre momentané, résulte uniquement de
rapports qui ne peuvent être appréciés que par l'intelligence. Or, le
type de ces rapports existe primitivement dans l'esprit ; la production
des phénomènes sonores dans l'organe de l'audition n'est que l'occa-
sion qui les éveille et les rend saisissables. Ce sont ces rapports qui,
dans l'état le plus sauvage, dirigent la voix des peuples et règlent les
relations de sons dont ils composent leurs chants primitifs.
» Les sons, quels qu'ils soient, ont une durée quelconque : ils se
produisent donc dans le temps ; d'où il suit que le temps est le sujet
de la musique, comme l'espace est celui de l'architecture. Les durées
des sons, comme fractions du temps, ont entre elles des rapports sem-
blables à ceux des intonations. Ces rapports sont appréciés par l'intel-
ligence, de la même manière que les rapports de justesse des sons en-
tre eux. Chose remarquable, les appréciations de ces deux genres de
rapports sont contemporaines : quelles que soient les complications de
ces calculs simultanés, l'esprit les fait avec la rapidité de l'éclair. S'il
n'en était pas ainsi, il serait absolument impossible de saisir la signifi-
cation d'une composition exécutée par un grand nombre de voix ou
d'instruments. Si les sons se succédaient dans des durées inégales qui
n'eussent pas de relations entre elles et qui ne fussent pas dans des
rapporls saisissables et faciles, l'esprit serait troublé dans son juge-
ment et réagirait encore d'une manière pénible sur la sensibité ; au ré-
sumé, il n'y aurait pas de musique possible ; car ce n'est que par une
ordonnance régulière des durées des sons que la mélodie et l'harmonie
prennent un caractère déterminé, e.t que la musique nous émeut. Le
sentiment de la régulière disposition des durées diverses des sons ne
nous est pas inspiré par le mode extérieur ; car, suivant la remarque
92
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
parfaitement juste de Kant, le temps est la forme saisissable du sens
interne, comme l'espace est celle du sens externe. Il est donc permis
de dire que la véritable mesure de la durée dérive de l'âme comme le
sentiment du rapport des intonations ; ce qui justifie cette parole de
Leibniz : que la musique est un calcul secret que l'âme fait à ion insu.
Cependant nous verrons tout à l'heure que ce calcul ne constitue que
les conditions de la beauté formate de l'art, et que ce genre de beauté
n'est que le contingent de la beauté idéale dont le principe est plus
élevé. » [La suite au •prochain numéro.)
AUDITIONS MUSICALES.
Concert de la Société de Sainte-Cécile. — 9111e de Blallevllle. —
3191. Alard , Frauchonune et Bessems. — 9111e Clauss. — M. Sta-
maty et Mlle Kélina Vautier. — 91. Colblain. — Association des
artistes musiciens.'
La Société Sainte Cécile se tient ferme sur les arçons ; elle fournit
une belle carrière. Le concert de dimanche dernier a été remarquable
par le choix des morceaux qu'on y a dits et l'ensemble et la chaleur
déployés dans l'exécution de ces morceaux. La critique, qui n'entend
jamais abdiquer ses droits, ne pourrait guère les exercer que sur l'am-
pleur du programme de ce concert , peut-être un peu trop fourni de
musique. Deux symphonies complètes et modernes ne sont pas de fa-
cile digestion. Celle de M. Reber est dans la manière, le faire, la
couleur des symphonies de Haydn. Les idées en sont logiques, les mé-
lodies franches, naturelles, mais un peu vieillotes, un peu froides.
L'instrumentation de M. Reber est riche, ingénieuse et serrée : c'est
de la musique consciencieusement faite , de la musique d'honnête
homme. La symphonie en la majeur de Mendelssohn est jugée unani-
mement comme charmante, délicate, depuis que la Société des concerts
s'est décidée à en enrichir son répertoire, et que la Société Sainte-
Cécile l'a exécutée aussi. Les thèmes des différentes parties en sont
frais et travaillés avec un goût exquis. Il y a un luxe vivace d'instru-
mentation qui captive l'attention des auditeurs du commencement à la
fin. C'était la seconde fois que ce remarquable ouvrage était dit par
l'orchestre de M. Seghers, et l'exécution en a été irréprochable.
Le chœur à quatre voix de la Blanche de Provence, de Cherubini ,
cette romance berceuse, cette harmonie si pleine de mélodie, avait été
redemandée aussi , et elle a été redite avec une suavité vocale qui n'a
rien laissé à désirer.
M. Léonard a mêlé sa charmante fantaisie sur Richard-Cœur-de- Lion
à tous ces morceaux si bien interprétés, et il a provoqué de nombreux,
disons même d'unanimes applaudissements. Mlle Rochkoltz-Falconi , se
souvenant du brillant succès qu'elle avait obtenu en chantant , la saison
dernière, aux concerts de la Société Sainte-Cécile, est venue continuer
ce succès : elle a dit avec cet aplomb de bonne musicienne et cette
excellente méthode de chant rétrospectif ou moderne qui la distingue si
éminemment, la fameuse sicilienne de Pergolèse, la cavatine de la Semi-
ramide, con cori, et le finale de YEurianthe, de Weber. L'habile can-
tatrice a provoqué l'unanimité des suffrages de l'assemblée, comme le
violoniste-lion en nous jouant son drame instrumental de Richard-
Cœur- de-Lion.
— Mlle Charlotte de Malleville a ouvert la troisième de ses séances
de musique classique en se plaçant devant un superbe et excellent piano
destiné au roi d'Espagne, sur lequel elle a joué, comme on aurait dit
aux tbeaux temps de la monarchie, royalement sur ce roi des instru-
ments de M. Pleyel. Un quatuor pour piano, violon, alto et violoncelle,
par Weber -, une fantaisie pour piano seul, en ut mineur, par Mozart;
un [trio pour piano, clarinette et alto, du même auteur; un quintette
de M. Onslow, et la charmante bagatelle en mi bémol de Beethoven ont
donné l'occasion à la jeune et habile pianiste de montrer la vigueur, la
douceur et la pureté de son jeu. Dire que le clarinettiste Leroy et
l'altoïste Ney ont égalé le charme et l'élégance du style de Mlle de Mal-
leville, dans le trio de Mozart, c'est faire acte de justice et de vérité.
— Nous rivalisons presque les dilettantes de Londres, qui montrent
depuis quelques années un furieux appétit de musique instrumentale,
musique de chambre, quatuors et quintettes. M. Bessems, bon profes-
seur d'accompagnement et de musique d'ensemble, donne, une ou
deux fois par an aussi des séances de quatuors ; il a répondu aux
besoins de sa clientèle dans la salle de Sax, et a servi comme d'inter-
mède aux brillantes séances de MM. Alard et Franchomme, qui conti-
nuent aussi leurs intéressantes exhibitions de musique de chambre,
exécutée avec ce fini, ces nuances, cet esprit des grands maîtres, ce
style enfin qui leur redonne âme et vie, et qui touche à la perfection.
■ — Le troisième concert de Mlle Clauss avait attiré une bonne partie
de la haute fashion musicale de Paris, tout ce qui s'occupe sérieuse-
ment de l'art de jouer du piano, de sentir et de peindre, d'impres-
sionner un auditoire d'artistes, de connaisseurs sur cet instrument.
Faire saillir la mélodie jusque dans le trait est une chose si rare parmi
les pianistes, qui semblent tous n'avoir pour muse que la difficulté, qu'on
était impatient d'entendre la jeune artiste allemande jouer ce drame
sombre et terrible de Beethoven, qui a pour titre : Sonate en ut dièze
mineur (œuvre 27). C'est qu'indépendamment de la difficulté digiti-
grade et de ce que les gens du métier appellent le mécanisme, on vou-
lait voir comment la jeune virtuose se pénétrerait, comment tout
son système physiologique s'empreindrait de cette élégie échappée de
l'âme déchirée d'un homme de génie. Ici les termes techniques et di-
dactiques sont insuffisants pour parler dignement d'une digne inter-
prète de Beethoven. Le sentiment poétique doit venir au secours de
l'analyseur, et surtout de l'auditeur, qui ne peut comprendre que le
compositeur et l'exécutant arrivent par des moyens mécaniques ,
appris, à ce degré d'inspiration qui locomotionne tout un auditoire, et
lui fait partager les émotions du prêtre ou de la prêtresse artistique.
Il est une pièce musicale dont la forme représente assez bien le
morceau de tapis que les saltimbanques étalent dans les place publi-
ques sur lesquelles et lequel ils exécutent leurs tours de force, leurs
contorsions ; c'est cette pièce musicale que Fontenelle, en la personni-
fiant, apostropha d'une façon spirituelle en lui disant du ton d'un
homme ennuyé, fatigué, impatienté : Sonate, que me veux-tu? Si la
sonate en ut dièze mineur avait existé du temps de Fontenelle, person-
nifiée ainsi par le neveu du grand Corneille, elle lui aurait répondu :
Je veux t' émouvoir, te créer une âme musicale, parler plus à ton cœur
qu'à ton esprit, te frapper d'étonnement et d'admiration, comme tu
l'as été souvent sans doute à l'audition d'une grande et belle scène du
Cid ou des Horaces. Et, malgré ce que disait le chef des beaux-esprits
d'alors, qu'il existait deux choses qu'il n'avait jamais pu comprendre,
les femmes et la musique, Fontenelle aurait compris la sonate en ut
dièze mineur, comme la comprend et la fait comprendre Wilhelmine
Clauss. Cette jeune artiste, à qui notre langue est familière, me disait
dernièrement, au moment de jouer pour elle et pour moi ce chant
échappé d'une âme brisée, de me retracer ce sombre tableau d'un
autre Salvator Rosa, qu'elle sentait le besoin de porter ses yeux et sa
pensée autre part que sur le clavier de son piano, dont les touches,
blanches et noires comme les plumes de la pie, représentent les cou-
leurs et trop souvent le babillage insignifiant de cet oiseau bavard.
Evoquant un souvenir de vos vieilles chroniques françaises du moyen-
âge, ajouta-t-elle, il me semble, sur le premier andante, tout empreint
d'une couleur gothique, entendre et faire retentir moi-même sur les
dalles de marbre d'un manoir féodal les pas du seigneur de Fayel
qui adresse des reproches à la châtelaine sa femme, Gabrielle de
Vergy. Aux interpellations qui lui sont lancées brutalement par le haut
baron, jaloux du sire Raoul de Coucy, la pauvre Gabrielle ne répond
que par des plaintes d'une mélodie anxieuse et douce tout à la fois.
Ce terrible dialogue, cet interrogatoire en imitations pressées terminé,
les deux époux se mettent à table, et pendant ce triste repas, les vas-
saux viennent danser devant leur seigneur sur le scherzo d'un rhylhme
villageois, d'une harmonie enchevêtrée, syncopée, qui témoigne la
joie qu'ils éprouvent, par ordre, d'être agréables à leur suzerain, comme
DE PARIS.
93
votre Béranger a dit des vassaux de Louis XI, retiré en son château de
Plessis-lèz-Tours :
Voyez d'ici briller cent hallebardes,
Aux feux d'un soleil pur et doux.
N'entcnd-on pas le Qui-vive des gardes,
Qui se mêle au bruit des vorroux?
Heureux villageois, dansons :
Sautez, fillettes
Et garçons.
Unissez vos joyeux sons,
Musettes
Et chansons.
Et puis cette joie factice est tout à coup interrompue par le tyran ja-
loux, qui jette à la malheureuse Gabrielle ces terribles mots : Vous ve-
nez de manger le cœur du sire de Coucy ! C'est là que commence le
final ; c'est là que se développe toute l'action de ce drame instrumen-
tal ; c'est là qu'éclate tout ce qu'il y a de plus pathétique, de plus dou-
loureux, de plus terrible, et de féroce, et de plaintif, et de désespéré
dans le cœur humain.
Et notre jeune muse de la verte Germanie se mit à me peindre,
comme elle l'a peint ensuite dans son concert de lundi dernier, 15
mars, à son auditoire charmé, cet admirable tableau de tant d'émotions
et de souffrances, et de chacun de ses doigts, de ses yeux s'échappaient
un pleur, un cri, un reproche, une menace, un effet de foudroyante
harmonie au milieu de laquelle perçait toujours le sentiment d'une mé-
lodie élancée du cœur.
Mlle Clauss a dit, de plus, dans ce concert, la Grande fantaisie sur
la Lucie, de Liszt, et l'Hexameron, variations composées parle même
pianiste, Thalberg, Pixis, Herz, Czerny et Chopin.
Mlle Ida Bertrand, du Théâtre-Italien, s'est montrée, comme toujours,
cantatrice aussi renommée qu'aimée, et, par conséquent , applaudie
avec justice, dans l'air de Fidelio; dans le fameux Brindisi; puis dans
une charmante canzonella napolelane. Wartel a dit d'une manière
remarquablement dramatique la scène et l'air de folie ùaCharles VI,
de M. Halévy, ainsi qu'une mélodie de Scubert et une autre de M. Rei-
chel.
— M. Camille Stamaty tient bien sa place à côté de ces célébrités
pianistiques. La manière de procéder sur le piano et d'enseigner à
jouer de cet instrument en M. Stamaty, vient en droite ligne de dé-
menti, dont Hummel, Dusseck, Kalkbrenner et Chopin se montrèrent
les héritiers, et dont M. Stamaty, élève de Kalkbrenner, est le conti-
nuateur. Mlle Zélina Vautier, dont il est le professeur, a donné son
premier concert dans les salons de M. Pleyel, mardi 16 mars; et dans
la grande fantaisie en la bémol sur Guillaume Tell, par Doehler ; dans
un andante de sonate en ré bémol et des études charmantes de M. Sta-
maty, comme en exécutant le grand caprice sur la Somnambule, de
Thalberg, la jeune virtuose a montré une véritable intelligence musi-
cale, un style correct et pur, et une manière de dire la mélodie qui,
bien que chantée par des doigts de treize ans et quelques mois, n'en
décèlent pas moins une sensibilité d'artiste qui anonnee de l'avenir en
Mlle Zelina Vautier.
— Et puisque nous en sommes aux début», nous signalerons celui de
Mlle Laval, jeune pianiste aussi, qui s'est distinguée tout d'abord dans
un concert donné chez Sax, par M. Colblain, jeune violoniste de talent,
qui, entre autres morceaux, a dit avec sensibilité une fort jolie élégie
pour le violon, écrite par M. Becquié, et la grande fantaisie d'Alard
sur la Favorite. Le jeu fin et non moins empreint, de sensibilité que
Mlle Laval a montré dans la fantaisie de M. Prudent sur la Lucie, lui a
valu de nombreux applaudissements.
■ — Et maintenant, après nous être écrié, dans un des derniers nu-
méros delà Gazette musicale : A tout seigneur tout honneur! à l'égard
de l'aristocratie du talent, nous pourrions dire aussi : Honneur aux sen-
timents de bienfaisance ! honneur aux artistes en qui l'on voit l'accord
d'un beau talent et d'un beau caractère ! Nous finirons donc cette no-
menclature des concerts les plus intéressants de la semaine qui vient
de s'écouler par ce posl-scriptum :
4'onrcrt de lMHHOcinflon ilet artlnteg mnmlriens.
Le comité de V Association des artistes musiciens , infatigable en sa
philanthropie, essaie, ainsi que pourrait le faire un virtuose animé du
désir d'acquérir de la gloire et de la fortune, de donner des séances
musicales piquantes et variées. Le concert donné mercredi passé,
17 mars, a été l'un des plus intéressants de la saison.
Un orchestre brillant de jeunesse et de verve, fort bien dirigé par
M. Bousquet, a dit avec ensemble et chaleur une charmante symphonie
en ut majeur, de Haydn, œuvre trop oubliée, et qu'on n'avait pas en-
tendue depuis bien longtemps dans Paris.
Ce même orchestre a accompagné, avec une recrudescence de jeu-
nesse et de verve , le concerto de Mendelssohn en sol mineur, pour
piano, exécuté d'une façon brillante par Mme Massart, l'une de nos
excellentes et jolies pianistes.
Le violoniste Léonard, au talent puissant, qui n'a eu qu'à quitter la
Belgique pour conquérir tout d'abord une juste et brillante réputation
qui va grandir encore , le violoniste Léonard s'est mis noblement à la
disposition du comité de Y Association des artistes musiciens, ainsi que
Mme Léonard, qui, renonçant à toute prétention, qu'elle a le droit d'avoir,
au titre de cantatrice brillante, nous a fait entendre les deux Nina, de
d'Aleyrac et de Paisiello, dans leur scène de folie. On l'avait tant ap-
plaudie dans l'air de la Belly de Donizetti , aux fioriture tyroliennes
de cet air, qui permet à la cantatrice de se montrer habile vocalisa-
trice, qu'on a mieux aimé l'applaudir au moyen de ce murmure appro-
bateur des gens de goût , manifestation plus flatteuse que les bravi et
les brava du dilettantisme, qui se pâme et crie aux cadences et aux rou-
lades sur la Félicita ed il trionfar. La voix suave, douce et sans aucun
effort de la cantatrice, se trouvait on ne peut mieux en harmonie avec
ses traits fins et gracieux. Il est bon quelquefois d'échanger les suffra-
ges bruyants et brillants contre ceux de l'intelligence artistique. Le chef
de cette communauté artistique et charmante, M. Léonard, a joué son
troisième concerto en la, œuvre d'une forme neuve, originale, et qui se
distingue autant par l'élégance des mélodies, l'ingéniosité de l'harmonie
que par la richesse et l'éclat de l'instrumentation. Sa romance et sa
sérénade, deux jolis morceaux pour le violon, n'ont pas eu moins de
succès que le concerto , si même ils n'ont pas produit plus d'effet el
n'ont pas été plus applaudis. Ce que nous n'applaudissons pas moins ,
nous, c'est le tact, l'activité du comité des concerts de V Association, des
artistes musiciens et le bon goût qui préside et présidera sans doute
toujours à la composition de ces concerts donnés dans un but de phi-
lanthropie et de progrès de l'art. Henri BLANCHARD.
NOUVELLES.
*„* Demain lundi à l'Opéra, les Huguenots chantés par Roger, Depassio,
Mme Laborde et Mlle Poinsot.
*„* Le Prophète avait rempli, lundi dernier, la salle de l'Opéra jus-
qu'aux combles. Roger a été magnifique dans le rôle de Jean de Leyde, sa
glorieuse création. Mme Tedesco et Mlle Poinsot l'ont secondé avec un
talent rare. L'ensemble était des plus brillants.
*„* Guillaume Tell, chanté par Gueymard, le mercredi suivant, attirait
encore la foule.
*** Le ténor Pelagrave a fait, vendredi, sa rentrée dans Lucie, par le
rôle d'Edgard, qu'il chante avec beaucoup de ta'ent et d'effet.
%* Si le Juif errant n'est pas donné dans les derniers jours de ce mois,
la première représentation en sera nécessairement remise après les fêtes
de Pâques.
*„* Madelon, tel est le titre définitif de l'ouvrage en deux actes, de
MM. Sauvage et Bazin, que l'on répétait sous celui des Barreaux verts à
FOpéra-Comique. La première représentation en est annoncée pour la se-
maine qui vient
*/ Mlle Wertheimber, dont la santé est depuis longtemps rétablie,
doit jouer, dit-on, un rôle déjeune homme dans une pièce nouvelle, dont
les études interrompues sont activement reprises. Ce second début n'aura
pas moins d'attrait que le premier.
*„* Le Théâtre-Italien a donné lundi dernier, pour le bénéfice de
Mlle d'Angri, la seconde représentation de Ccnercnlula , opéra qui est l'un
des triomphes de Lablache. Mardi c'était Yllaliana in Algieri, et jeudi, le
Barbier de Séville a reparu avec Lablache et Sophie Cruvelli.
%* Hier samedi, le célèbre violoniste Bazzini s'est produit entre les
les deux actes du Barbier, que l'on donnait encore. Dès son arrivée à
94
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
Taris, ce virtuose a justifié la brillante renommée qui l'y avait devancé.
Sa Ronde des lutins est un double chef-d'œuvre de composition et d'exé-
cution.
%* Il y a tout lieu d'espérer qu'avant de partir pour Londres t Marie
Cruvelli, sœur .de l'admirable et infatigable Sophie, se fera entendre à
Paris, dans un concert. Ce sera un vif attrait pour tous ceux qui croient
aux talents de famille, et le nombre en est grand.
*,,* Joanila, l'opéra de. Duprez, attire la foule à l'Opéra-National, et,
comme il arrive toujours, le succès du grand ouvrage rejaillit sur les pe-
tits. On se souvient que le célèbre artiste, avant d'écrire pour le théâtre,
était déjà compositeur, et qu'il a publié un recueil de charmantes roman-
ces et chansonnettes, qui se sont chantées beaucoup et qui se chantent
plus que jamais dans les salons.
V Voici un ténor léger qui s'est signalé par une conduite plus que
légère, en voulant prouver apparemment que son poing était moins léger
que son emploi. Les faits se sont passés entre M. Puget, chanteur au théâ-
tre de Marseille, et M. Bénédit, le critique distingué, que nous nous hono-
rons de compter parmi nos collaborateurs, et qui rédige le feuilleton mu-
sical du Sémaphore, l'un des meilleurs journaux de la localité. Un article
plein de convenance et de mesure, dans lequel à des éloges raisonnes se
mêlaient quelques observations du ton le pi us inoffensif, a échauffé la bilede
L'artiste, au point de le porter à y répondre par une brutale agression en
plein théâtre. Des personnes présentes se sont interposées. Il n'y a eu
qu'une voix dans le public' et dans la presse pour blâmer l'artiste et ren-
dre justice à l'écrivain, dont le rang est marqué parmi ceux qui, en rem-
plissant consciencieusement leur devoir, n'ont jamais excédé les limites
de leur droit. |
%*■ Le second concours pour le prix institué vers la fin de 1850, en
faveur des compositeurs nationaux, par Sa Majesté le roi des Pays-Bas,
vient d'être jugé à La Haye. Le libretto était de 11. Scribe. Deux partitions
ont été soumises au jury, qui a décerné le prix à celle portant la devise :
«Tout vient à' point à qui peut attendre. » Le billet cacheté joint à cette par-
tition portait le nom de Si. Charles Van der Does. L'opéra, qui est en un
acte, et dont le titre est encore un mystère, sera représenté prochaine-
ment sur le Théâtre-Royal de La Haye.
-%* L'Université de Dublin (Irlande) vient de nommer M. Sigismond
Neukonim, docteur en musique. C'est la première fois que cet insigne hon-
neur est accordé à un étranger.
%* Par arrêté du général de division commandant supérieur des gardes
nationales de la Seine', sont nommés aux emplois de chefs et sous-chefs
de musique dans la garde nationale de Paris, avec rang de capitaine pour
les chefs et de sous-lieutenant pour les sous-chefs : MM1. Tolbecque, chef
de musique; Leroy, sous-chef; Verroust aîné, chef, de musique; Weber,
sous-chef; Meifred, chef de musique; Leplus, sous-chef; Klosé, chef de
musique ; Eug. Bousquet, sous-chef; Forestier, chef de musique; Charles
Verroust, sous chef. L'organisation des divers corps de musique de la
garde nationale de la Seine sera déterminée utérieurement par un règle-
ment spécial du général commandant supérieur. Le roulement du service
aura lieu alternativement entre eux sans distinction de subdivision ni de
bataillon.
%* Vieuxtemps doit être à Paris vers la fin d'avril ; il y donnera un
concert.
V Panofkaest de retour à Londres, où il passera la saison. Son Guide
du chant pratique, et sa collection de morceaux de chant, intitulée : Soirées
de Londres, viennent de paraître chez Mechetti , à Vienne.
*\* M. Tellefsen, le jeune pianiste compositeur, dont le sentiment et
le style ont tant d'analogie avec ceux de Chopin , qui fut son maître, don-
nera un concert, le mercredi 31"mars, dans les salons de Pleyel , rue Ro-
chechouart.
** C'est demain lundi, 22 mars, que la messe composée par M. Del-
devez à la mémoire d'IIabeneck, sera exécutée dans l'église de la Made-
leine, à 11 heures, avec le concours du cercle musical des amateurs et
du comité de l'Association des artistes musiciens. Les instrumentistes et
chanteurs, au nombre de 200, seront dirigés par M. Georges Bousquet.
M. Chapuis, Brémont et le jeune Beaumont chanteront les solos. Le grand
orgue sera touché par Al. Lefébure-YV'ély. Le produit de la quête est des-
tiné à la caisse de pensions et secours de l'Association des artistes musi-
ciens. Les personnes qui ne pourraient assister à cette solennité sont
priées d'adresser leur offrande à l'une des dames patronesses : — Mnies la
comtesse d'Andlau, rue du Marché-d'Aguesscau, 5; la baronne Ernouf,
rue de la Ferme-cles-Mathurins, 47; Charles de Bez, rue Saint-Lazare, 36,
square d'Orléans; de Villiers, rue des Beaux-Arts, 2; Klein, rue des Batail-
les, 30 ; Panseron, rue d'Hauteville, 21; Richard, rue de Babylone, 39.
Mlle Charlotte de Malleville, rue de Berlin, 22;
*,„* Un second concert sera donné mercredi, 31 mars, par l'Association
des artistes-musiciens dans la salle Bonne-Nouvelle; mais en attendant
une'matinée de musique de chambre aura lieu dimanche prochain , 28
mars, dans le même local, sous, la direction de M. Massart. On y entendra
plusieurs morceaux de nos grands maîtres pour instruments à cordes et
instruments à vent. La séance se terminera par deux chœurs qu'exécu-
teront 30 chanteurs de la Société chorale populaire du Conservatoire de
Paris, sous la direction' de M. Edouard Batiste.
V Mardi prochain, à 8 heures du soir, aura lieu, salle Herz, le Concert
de M. Léopold Aniat, chanteur el compositeur distingué, avec le con-
court de Mmes Taccani-Tasca , Caveaux -Sabatier,,. Iweiiis d'Hennin;
MM. deLagrave, du grand Opéra, Louis Lacombe, J. Offenbach et Léon
Reynier, et un intermède littéraire par des artistes de la Comédie-Fran-
çaise.
*»* L'œuvre charitable des faubourgs donnera mardi, 23 mars, à une
heure, dans la salle Sainte-Cécile, et sous la direction de M. Coninx, un
beau concert auquel prendront part Mmes Laborde, Révilly, Bochkoltz-
Falconi; MM. Alexis Dupond, Bouché, Chandesaigues, Coninx, Delédicque
et plusieurs autres. MM. Beauvallet, Chéri et Mlle Rimbliot joueront le
4e acte de Polyeucte e\ le 4e acte de Jeanne d'Arc.
V La séance musicale déjà annoncée par 11. -C. Stamaty, aura lieu
mercredi 24 mars, à 8 heures 1/2 ,du soir, dans la salle Pleyel.
*** M. A. Gouffé, l'excellent contrebassiste de l'Opéra, donnera mer-
credi, 31 mars, dans la salle de l'Association des artistes-musiciens, bazar
Bonne-Nouvelle, une matinée musicale, dont voici le programme : 1° Frag-
ments du septuor de Ilummel, pour piano, alto, flûte,, hautbois, cor, vio-
loncelle et: contrebasse; 2° mélodies chantées par M. Wartel; 3° concer-
tino pour la contrebasse, composé par A. Gouffé; 4° grand air chanté par
Mlle Crémont ; 5° fragments d'un quintette de Georges Onslow, pour deux
violons, alto, violoncelle et contrebasse: 6" mélodies chantées par
M. Wartel ; 7° solo de flûte par M. Dorus; 8° fragments du septuor de
Beethoven, pour violon, alto, clarinette, cor, basson, violoncelle et con-
trebasse ; 9° mélodie et légende, chantée par Mlle Crémont ; 10° intro-
duction et polonaise, pour la contrebasse , composée par Adolphe Blanc ;
11" air varié pour piano, par J. Haydn, exécuté par Mlle de Malleville. —
Le piano sera tenu par M. Gillette.
V Mme Louise Farrenc donnera, le samedi 17 avril, à 8 heures du soir,
un concert dans la salle Sainte-Cécile.
V- M. Achille Montuoro donnera, le dimanche, 28 mars, dans la salle
Herz,, à, huit heures du soir, un grand concert vocal et instrumental, avec
le concours de Mme Taccani, deMM.Lablaehe.Morelli.deFOpéra.Guasco,
les frères Lionnet et des choristes du Conservatoire.
*** La Société Sainte-Cécile donnera son sixième concert de l'abonne-
ment à la salle Sainte-Cécile, rue de la Chaussée-d'Antin , 49 bis, le di-
manche 28 mars, à deux heures précises. Programme : 1° Ouverture de la
Mer calme, de Mendelssohn ; 2° Trio des songes de Dardanus, de Rameau ;
3" Chœur des Elus, de M. Wekerlin ; 4* Symphonie pastorale de Beethoven ;
5" Air de Limnander, chanté par Mlle Miolan; 6" Pavane, air de danse du
xvii" siècle ; 7° Ouverture du Roi Esticnne, de Beethoven.
V Voici le programme de la quatrième séance de musique de chambre
qui sera donnée, le samedi 27 mars 1852, par Mlle Charlotte de Malleville:
1° Quatuor de Mozart {sol mineur) , pour piano, violon, et violoncelle;
2" Sonate de Beethoven (fa mineur) , pour piano seul; 3° Trio de Weber,
pour piano, flûte, violoncelle ; 4° Quatuor de Haydn , pour deux violons]
alto et basse; 5" Sonate de Beethoven, pour piano et violon; 6" Menuet
de Beethoven {{mi bémol ) ; Arietta variée de Haydn. — On entendra
MM. Maurin, Mas, Casimir Ney, Lebouc, Gouffé, Dorus.
*„* Mlle de Courcelles donnera le samedi, 23 mars, une soirée musicale
dans la salle des artistes musiciens.
V* La nuit de la mi-Carême a mis fin aux bals de l'Opéra. Deux qua-
drilles de Musard ont obtenu un grand succès jeudi dernier, celui des
Clairons de l'armée, et celui de la Poupée de Nuremberg.
fijfi Le lundi, 22 mars, à huit heures du soir, Mlle Juliette Dillon, orga-
niste de la cathédrale de Meaux, donnera, dans la salle Bonne-Nouvelle,
sa première soirée d'iMPROvisATiON musicale. Plusieurs artistes éminents
prêteront leurs concours à cette soirée, dans laquelle Mlle Juliette
Dillon improvisera cinq fois : 1° préludes d'après l'indication du son et de
la mesure; 2° improvisation sur un thème donné au moment même;
3° improvisation sur un sujet poétique. ; 4" improvisation sur plusieurs
thèmes de différent style et de différent caractère ; 5° improvisation sur
une scène contenant plusieurs sujets contrastant entre eux.
CRQISSQUE DÉPARTEMENTALE.
V Amiens, 17 mars. — Les concerts au profit des pauvres sont tou-
jours les plusriches en talents, mais celui de lundi dernier se distinguait
encore par une richesse exceptionnelle. MM. Vivier, Gueymard, Mlles So-
phie et Marie Cruvelli en étaient les étoiles. Sophie Cruvelli a chanté deux
airs, deux duos, l'un avec Gueymard, l'autre avec sa sœur, Marie, au mi-
lieu, des applaudissements et de l'enthousiasme. Marie Cruvelli a dit,
seule, le grand air de Yltalienm à Alger, qu'on a -écouté avec le
plus grand plaisir. Gueymard a provoqué la sympathie la plus vive
en chantant une scène d'Ernest Boulanger. Les formules manquent tout
à fait, lorsqu'on vient à parler de Vivier, cet instrumentiste-prodige,
pour lequel il faudrait des expressions aussi nouvellesque les effets
qu'il a trouvés. Cédant aux instances du public, il a bien voulu
jouer un second morceau, non promis, et la' salle a failli s'écrouler
sous les bravos. Un auditeur a improvisé, en écoutant Vivier, des vers
très-dignes d'avoir été faits à loisir. N'oublions pas de dire que M. Dé-
neux, président de la Société philharmonique, a exécuté sur la flûte une
fantaisie de Boehm avec un talent de premier ordre. Enfin, disons,
comme dernier éloge, que la recette du concert s'est élevée à la somme
de 5,860 fr.
V Marseille, 17 mars— Le concert annuel de l'Assqciation des artistes
musiciens a été, comme à l'ordinaire, la plus belle solennité musicale de
la saison. L'exécution s'est montrée digne du programme, qui était ma-
DE PABJSi
95
gnifique. La Symphonie héroïque, de Beétnoven, bîéii rendue, sous la con-
iiniir de M. Hasselmans, chef d'orchestre éprouvé, a produit la plus vive
sensation dans l'auditoire, ou cependant les 'diim'es étaient en majorité.
Couverture du Carnaval romain, de Berlioz, chef-d'œuvre de verve el de
vigueur, a enlevé la salle La Société Trotdbas apportait à l'Association le
contingent do ses chfettrs si remarquables: Vllijmne àBacchus, de. Men-
delssohn, et le final du Serment, d'Auber, ont soulevéJdes applaudisse-
ments unanimes. Un jeune professeur de violon du conservatoire do
Marseille, M. Millont, qui a réalisé toutes les espérances que faisait con-
cevoir son titre de lauréat de Paris, a joué, d'une manière tout à fait
distinguée un adagio de Vieuxtemps. Enfin, tous les artistes du Grand-
Théâtre s'étaient disputé l'honneur d'apporter leur concours à cette fête;
M. Violette a dit l'air d'OEdipe, de Sacchini, et M. Puget, l'air des Aben- \
cerrag-s, de Cherubini, et celui du Slabat, de Rossini. Mais les honneurs
de la séance ont été pour Mme Charton-Demeur, qui a chanté, d'une ma-
nière irréprochable, l'air de Freischiitz et celui du Rossignol, dans lequel
elle était accompagnée par M. Demeur. Applaudissements, trépignements,
rappels, fleurs, rien n'a manqué à son triomphe, le plus complet et le
mieux justifié. Si l'on ajoute â ces détails que 2,000 IV. vont être envoyés
à l'Association des artistes musiciens, on trouvera que tont le monde doit
se louer des résultats du concert.
*„.* Bordeaux, 16 mars. — La Société de Sainte-Cécile nous avait donné
clans son premier concert du mois de mai dernier, le spécimen de ce
qu'elle voulait tenter dans l'avenir. Le concert de. samedi dernier ouvre
décidément des voies nouvelles pour la musique à Bordeaux. Aujourd'hui,
nous pouvons espérer de voir successivement interpréter devant nous
tous les immortels chefs-d'œuvre qui font la gloire et l'admiration del'Eu-
rope musicale. Nous ne craignons pas de répéter ici ce que. nous disions
lors du premier concert de la Société de Sainte-Cécile : « Au Conserva-
toire seulement, on peut entendre de pareille musique. » La symphonie
en ut mineur de Beethoven, cet admirable poème de l'illustre maître, a
été rendue par notre orchestre avec un sentiment de vérité, et cet art in-
fini des nuances qui est la grande difficulté de cette musique. Le public a
applaudi à l'ensemble, à l'énergie et à la perfection remarquable de cette-
exécution, qui a fait le plus grand honneur à nos artistes et à nos ama-
teurs. Le boléro et la marche des Deux Avares ont produit un grand
effet. Ce dernier morceau a été 'bissé et frénétiquement applaudi. Le
sextuor de Don Juan a été fort bien rendu par Mmes Laget-Planterre,
C***, Hillen, MM. Koubly, Pôrilé et Barielle, ainsi que le beau trio de
Joseph. Le septuor des Huguenots, chanté par cent choristes, a été enlevé.
L'air d'Amazily, deF'ernand Cortez; a été chanté, en grande artiste, par
Mme Laget-Planterre, qui amis dans son chant un sentiment et une pas-
sion qui ont électrisé l'auditoire. Enfin, l'ouverture du Jeune Henri a ter-
miné la soirée. Rien ne peut donner l'idée de l'entrain, de la verve et de
la puissance de cette exécution. Le motif de chasse, répété à l'unisson par
vingt- cinq cers, était du plus bel effet. Telle a été cette magnifique soi-
rée, qui sera suivie d'un grand festival qu'on nous annonce pour le 4 mai
prochain. Les applaudissements les plus sympathiques ont accueilli M. Mé-
zerai, le chef d'orchestre, qui, à la lin du concert, a reçu une véritable
ovation ; M. Mézerai a été rappelé et couvert des bravos du public. C'était
justice.
*„* Douai, 10 mars. — Une fête musicale s'est célébrée en l'honneur
de M. Bra, le célèbre statuaire. Mlle Caroline Carton, jeune cantatrice,
MM. Ad. Herman et Willent-Bordogni y figuraient en première ligne. Ce
dernier s'y est posé comme virtuose et compositeur dans la fantaisie
dédiée à M. Luce, président et chef d'orchestre de la Société philharmo-
nique. Tous les élèves de l'Académie de musique," ainsi que l'excellente
musique de la garde nationale, ont contribué à cette brillante fête. Deux
ouvertures vraiment remarquables avaient été composées, l'une par
M. Charles Choulet, l'autre par M. Luce.
*„* Boulogne-sur-Mer , 18 mars. — Le concert donné par la musique de la
Fraternité au bénéfice de la caisse de la Société de bienfaisance, a été
îles plus brillants. Les amateurs s'y.étaient réunis aux artistes; des dames
anglaises y chantaient pour la première l'ois en public. Il faut louer
l'exécution des quatre morceaux, fort bien rendus par l'orchestre sous la
direction de M. Adolphe Léfebvre. On a beaucoup applaudi une polka
vraiment originale de AI. l.efebvrë, ainsi que le violon expressif de M. Aly,
le piano de Mlle Masson, le violoncelle de M. Vervoitte , le cornet à pis-
tons et le sàx'-hôrn du même M. l.efebvrë, artiste tout à fait éminent.
>T *^ Alger. — Seligmanu est venu ici donner un concert qui a été ma-
gnifique. On en demandait un second, mais des obstacles suscités par la
direction du théâtre ont empêché l'artiste de le donner. Le talent de Se-
ligmann 'a été reconnu et applaudi, comme à Paris et dans toute l'Eu-
rope. On a trouvé qu'il se distinguait par une grande pureté do style, que
l'expression en' était toujours vive et bien sentie, jamais exagérée, et que
si l'âme de l'artiste passait dans les cordes de l'instrument, c'était pres-
que sans eflbrt et sans aucune de ces contorsions qui s'autorisent d'il-
lustres exemples. VAve Maria de Schubert, la prière de Normu, et / Zan,-
pognarï, tels sont les morceaux exécutés par l'artiste. Le dernier a été
bissé, chose assez rare en Afrique, et chose plus rare encore, Seligmann a
fait une recette digne de son talent.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
%* Londres, 13 mars. — Le théâtre italien de Covent-Garden a publié
son programme. Les chanteurs et cantatrices seront MM. Mario, Stigelli ,
Luigi Mei, Soldi, Tamberlik. Galvani, Ancler, Gueymard. Ronconi,Rommi,
Bartolini, Formes, Tagliafico , Polonini, Gregorio , Bâche et Marini,
Mmes Grisi, Castellan, Bertrandi, Anna Zerr, Gazzaniga, Medori, Thérèse
Seguin, Cotti. C'est donc, à peu de chose près, toujours la même troupe.
Rien de nouveau non plus dans les ouvrages annoncés, si ce n'est un cer-
tain Pietro il grande. (Pierre-le-Grand), de la façon de Jullien, qui
a composé- tant de polkas, valses et-.quadrilles. ' — Le théâtre de Sa Ma-
jesté, dirigé par M. Lumley, n'a pas encore donné son bill of fare ; mais on
a tout lieu d'espérer qu'il sera splendide.
*i* Gand. — Marina Falie.ru vient d'être joué dans une représentation
au bénéfice de M. Zelger, artiste favori de public de cette ville. MM. Lac
et Etienne l'ont très bien secondé; Mmes Begrez et Muller ont aussi mon-
tré beaucoup de talent. Ce succès est une bonne fortune pour les artistes
du théâtre, qui s'étaient mis en société par suite des embarras de la di-
rection.
*.j* Vienne. — La réunion pour chant d'homme a mis au concours un
-prix de dix ducats pour la meilleure messe vocale. Le terme du concours
est fixé au il 5 juillet prochain. — M. Schulhoff est de retour. Les deux
concerts qu'il a donnés jusqu'ici avaient attiré beaucoup de monde.
L'opéra allemand terminera ses représentations par le Prophète, le l/i
mars. Le 15 commencera la saison italienne; Mmes Medori et Déméric,
MM. Fraschini et Debassini débuteront dans Lucia. Le 17 auront lieu
les débuts de Mme Marray et de M. Scalese dans Don Pasqualc — Au com-
mencement de mai sera célébré dans la chapelle du château impérial un
jubilé commémoratif de la fondation de cette chapelle qui existe depuis
/|00 ans. Les amateurs de musique sacrée liront sans doute avec intérêt
la liste des œuvres qui seront exécutés pendant l'octave. Des messes de
Mozart, Assmayer, Mayseder, Eybler, Preyer et Beethoven ; Graduels par
Haydn, Assmayer, Hotter, Eybler, Preyer; Offertoires par Assmayer,
Ilotter, Eybler et Preyer; enfin la grande litanie de Mozart et les vêpres
chorales de l'abbé Vogler.
* *^Munich. — La première représentation de YEnfant prodigue, d'Au-
ber, est annoncée pour le 11 mars.
* * Moscou. — Un grand nombre d'artistes sont annoncés pour le carême,
entre autres, les sœurs Neruda. On attend également l'opéra italien de
Saint-Pétersbourg. M. J. Gungl, le Musard berlinois, fait ici de bonnes
affaires. Dans les premiers jours d'avril, M. Gungl partira pour Saint-
Pétersbourg.
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'k bis. Le même transposé pour ténor.
Duo chanté par M. Jourdan et Mlle Lemercier : « Que ta peur est iinbé-
N" 1. Couplet» chantés par Mlle Lemercier : ■• A la fête du village. »
2. Qnnliior chanté par MM. Jourdan. Lemaire, Mlles Lemercier et ïalmont :
« Ce vieux moulin est fait exprès pour les lutins. »
3. Couplets en duo chaînés par Mlles Lemercier et Talmont:. lime
cajolait, il me câlinait, etc. »
I). Air chanté par M. Bussine.
aie:
POLKAS, 11EDOWA, SCOTTISCHS.
fi. liuo et quatuor chanté par M. Jourdan, Lemaire, Mlles Lemercier et
Talmont : « Ah ! c'est de la magie. »
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bis. Le même transposé pour ténor 5 »
Duo de la valse pour sotraro et baryton chanté par Mlle Rouvroy
et M. Meillet : « Me voilà! oui c'est elle, c'est ma belle. » 9 »
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»• il*.
On s'nboi Im
tilioa toos lea
el nus Durcnu
28 Mars 1852.
I>rl\ ll<- i .h, ,ll.l. Mi. III I
Wi'sscli-tn'.'Wn.ni-fc'i-nUlri'i'l
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30 centimes la ligne
'20 centim-îs la ligne
te Journal pnrûit le Dir
GAZETTE MUSICALE
13 fâllS,
--w\AAAf©S©©JV/Wv\^-
SOMMAIRE. — Théâtre de l'Opéra-Comique, Madelon, libretto en deux actes de
M. Sauvage, partition de M. Bazin (1M représentation}, par Henri Blanchard.
— Auditions musicales, par le môme. — Correspondance, Berlin. — Nouvelles et
annonces.
THEATRE DE L'OPERÂ-COMIOOE.
SIAlIGiiOK,
Opéra comique en deux actes; libretto de M. Sauvage ; partition de
M. Bazin.
(Première représentation 26 mars 1852. )
Nous sommes en plein xvi'i" siècle , du vivant de Louis XIII , sous le
règne du cardinal-roi , Armand Duplessis de Richelieu , au temps de
Dartagnan et du capitaine Roland des Mousquetaires de la reine. En
la petite ville de Saint- Germain-en-Laye est établie la charmante Ma-
delon , qui tient le cabaret des Barreaux -Verts , et qui reçoit d'une
façon accorte traitants et militaires. Au nombre de ces derniers se
trouve un vieux baron ivrogne bravache et ruiné, qui adore , à ce qu'il
prétend, la charmante maîtresse de cette espèce d'hôtel garni. Parmi
ses clients et ses adorateurs se trouve aussi le banquier Bourgil-
lon ; mais son amour prétendu pour la jeune hôtesse n'a d'autre objet
que de la mieux servir dans son projet de ramener à elle Arthur
de Landri, cornette d'un régiment de cavalerie. Ce jeune officier dé-
teste toutes les femmes , parce que le père de celle qu'il aimait l'a
complètement ruiné en sa double qualité de tuteur et de procureur. I
aimait pourtant la fille de ce tuteur ; mais il paraît que la mémoire mu.
sicale est plus solide que la mémoire du cœur en notre jeune cornette ,
car s'il se rappelle parfaitement et répète même avec plaisir, avec beau-
coup de charme surtout, une ballade sur deux fleurs que lui chantait la
jeune personne, il a complètement oublié ses traits; à ce point qu'il ne
la reconnaît point quand il la revoit sous le nom et le costume de la ca-
baretière Madelon; mais elle lui fait tant de coquetteries, d'agacerieset de
chateries, qu'il finit par la r'atmer el par l'épouser, bien que l'auteur
n'en dise rien ; mais ça se comprend de reste pour tout auditeur qui
connaît sa morale d'opéra comique. Il y a même partie carrée d'hymen ;
car notre vieux capitaine de mousquetaires, Roland ou Raymond, en re-
vient à ses premières amours, Marie Malpart, jeune, brutale et sédui-
sante virago , qui joue de la cravache comme Lola Montés , et qu'il
épouse sans doute aussi : on aime à se le persuader, pour qu'il soit fait
justice des prétentions de ce nouveau don César de Bazan, au manteau
sordide et couleur de muraille.
Sur ce tableau de genre, M. François Bazin n'a pas précisément mis
une musique ayant, comme il l'aurait fallu, la couleur et les allures des
figures de Canot; mais le faire en est facile et franc, et cela marche
bien. La musique de M. Bazin est une honnête fille, sans caprice, qu;
plaît par sa science et sa simplicité.
L'ouverture commence par une mélodie un peu rétrospective, comme
on en faisait au commencement de ce siècle, et qui ne manque pas de
grâce, ou plutôt de bonhomie : on aurait mieux aimé qu'elle fût d'un
temps plus reculé encore ; elle aurait donné plus de caractère à cette
préface musicale. La péroraison retombe dans les petits et sémillants
rondos du jour.
Après un chœur de mousquetaires buveurs qui n'a pas beaucoup de
couleur bachique ni même guerrière, vient la ballade dont nous avons
déjà parlé, souvenir des deux fleurs, des primevères, mélodie originale
et simple et distinguée tout à la fois, délicatement chantée par Au-
dran, chargé du personnage d'Arthur de Landri. On a remarqué de
jolis couplets chantés par Madelon , puis un air dit par le garçon du
cabaret de Madelon, et un quintette bien traité pour la voix. L'air avec
péroraison guerrière chanté par la demoiselle Malpart, ne manque
pas de verve, et cette cabalette est bien instrumentée. La remise de la
lettre par cette dernière, et qui joue un rôle important dans l'action , a
offert l'occasion au compositeur de montrer son savoir, qui, là, devient
dramatique par le style fugué qu'il a employé.
L'air avec péroraison guerrière aussi sur ces paroles :
Vive , vive la guerre ,
Pour étoudir et pour faire oublier ,
n'est pas sans chaleur et sans verve; mais ces deux vers sont répétés
trop souvent et même à satiété. Quoi qu'il en soit, ce morceau est; lar-
gement traité. Le canlabile par lequel il commence est accompagné par
une partie de cor obligé qui s'éteint et disparaît trop tôt. Il faut que le
compositeur sache soutenir logiquement ces deux sujets, qui ont du
charme pour l'oreille de l'auditeur même ignorant. Si nous signalons ce
manque d'haleine scientifique du compositeur, c'est que cet inconvénient
se renouvelle plusieurs fois dans sa partition : la première fois, dans un
presque solo de violon qui n'a pas de suite, et , plus loin], au troisième
acte, dans l'air du baron, où la clarinette intervient d'une façon incom-
plète dans une ritournelle qui fait regretter de n'entendre pas plus
longtemps l'excellent clarinettiste Leroy qui joue ce solo.
Les couplets dits par le garçon cabaretier pendant que Landri est à
table sont amusants par la position de la scène et par une modulation
originale de ré majeur et fa majeur, que paraît affectionner, du reste,
M. Bazin, car elle revient plusieurs fois, ce nous semble, dans le cours
de la partition. Les partisans de l'enchaînement classique des tons
relatifs auraient le droit de s'en scandaliser. Ces couplets, dits par
M. Sainte-Foy de la manière la plus comique, ont été redemandés.
On peut citer comme morceau capital de la partition de M. Bazin, le
duo entre Madelon et Landri. La phrase mélodique dite par celui-ci : ,4
vous écouter, à vous voir, etc. , est d'un sentiment délicieux. Après l'air
du baron, où se trouve le solo de clarinette dont nous venons de parler,
98
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
air trop long, mais que chante fort bien Hermann-Léon, vient en-
core un duo entre le baron et la demoiselle Malpart, duo éternel et qui
doit être abrégé au moins de moitié, d'abord parce qu'il ne contient
rien de neuf en mélodie et en harmonie, et puis parce que la situation
dramatique en est fausse. On n'aime pas à voir traiter en ironie, en
charge, l'amour, ce sentiment que les hommes n'ont pas encore pu
gâter, comme le dit si bien Mlle de Lespinasse dans une de ses lettres
au comte deGuibert.
Après ce duo vient un nocturne délicieux de mélodie et d'harmonie
mystérieuse et distinguée, dit par Madelon et Landri. Tel est le con-
tingent musical de cet ouvrage, qui maintient M. Bazin dans la position
honorable qu'il s'est faite, et d'où il sortira quelque jour par quelque
élan de cette originalité qu'on ne trouve jamais qu'après l'avoir long-
temps cherchée.
Mlle Lefebvre a joué le rôle principal de Madelon avec une gaîté, un
entrain charmant et qui n'a jamais dépassé la limite du bon goût : elle
a chanté comme toujours, c'est-à-dire avec sûreté, légèreté, brio, et
cette bonne méthode qu'elle ne déserte jamais pour plaire aux audi-
teurs inintelligents du parterre. Audran a donné au personnage du
jeune officier de cavalerie une physionomie brusque, originale et dra-
matique, ce qui ne l'empêche pas d'imprimer à la partie musicale une
couleur expressive et charmante. Hermann-Léon, dans le vieux baron
Soudard, est digne du capitaine Roland; il ne pouvait pas mieux faire
que de se copier. Mme Meyer-Meillet est suffisamment Lola-Montès dans
son rôle de la Malpart. Enfin, la preuve qu'il y a succès et qu'acteurs
et chanteurs s'y sont associés, c'est qu'on les a demandés, qu'on a voulu
les revoir après la pièce. Faut-il vous dire qu'ils sont tous revenus ?
Pourquoi pas?... à l'exception cependant de M. Lemaire. chargé de
représenter la finance dans la personne du banquier Bourgillon.
Henri BLANCHARD.
AUDÏTMS MUSICALES.
31. ©orTal-Yalentino. — SB. A ntonin Cànillct. — ÎSlle ISontemps.
— CEBCBjE HUSICALi ET lilVVËRAlBE. — Mlle Marie
Ducrest. — BSllc «le Courcellcs. — SBlle «le S.nmli. — M. 3,éi>pol«l
:tma(. — l^EUVRE DES FAUIIOURGS. — MM. Kriigcr et
ITeïlefseii. — M. Colline. — Mlle Klêve. — M: Stamaty. — M. For-
gués. — Mlle Bîillon. — 33. EBazzini. — M. et Mme Welofl're et
M. E»ilet. -Le petit Paul-sSiilien.— SB. ESonelii'rajf < « Mlle î.rac-
ter.
Une question peut paraître fondée à propos de tant de con-
certs, de tant de matinées et de soirées musicales. Les œuvres qui
se produisent dans ces séances sont-elles utiles au progrès de l'art?
Se prononcer pour l'affirmative serait montrer une excessive bien-
veillance. Cependant, avec un peu 'de bonne volonté, on doit savoir
gré à des gens qui 1 ouent nos salles de concerts pour y convier une
société presque toujours bien composée, — il est vrai que l'on commence
déjà d'y mêler des claqueurs,— et qui, en définitive, passe des moments
fort agréables. C'est ce qui explique pourquoi l'on donne à domicile
tant de séances de musique intime, classique ou légère. Si donc nous
signalons plusieurs de ces séances qui n'ont pas absolument lieu dans
l'intérêt de l'art sérieux, c'est pour donner une idée à nos lecteurs du
mouvement musical pendant celte saison [de concertomanie, et puis
afin d'y découvrir ce qui peut être utile ou nouveau. Ainsi c'est moins
dans l'intention de faire savoir à nos lecteurs que M. Dorval-Valentino
a donné une soirée musicale et dansante, où la musique légère a tenu
une large place, puisqu'il s'agissait de danse, que de rappeler qu'il est
auteur d'une méthode de chant dans laquelle il a su parfaitement déve-
lopper l'art de bien prononcer, qui est celui de bien poser la voix et
d'émettre le son, premiers éléments de l'art du chant.
— M. Antonin Guillot est aussi un excellent poseur de voix, et qui
a déjà fait d'excellents élèves pour le solo ou l'ensemble. Quand il ne
compterait parmi ses disciples que Mlle Brousse, amateur, qui, dans
une matinée musicale qu'il a donné chez lui, a dit l'air : Robert, toi que
i'aime, etc. , en soprano de premier ordre, celte seule audition prou-
verait que M. Antonin Guillot sait choisir ses élèves, et que Mlle Brousse
a bien su profiter des conseils de son professeur. Mlle Favel, de
l'Opéra-Comique, autre élève de M. Guillot, a chanté aussi dans cette
séance avec beaucoup de justesse, de style et d'instinct dramatique l'air
et le boléro du Carillonneur. Pourquoi donc Mlle Favel n'a-t-elle encore
eu d'autre rôle que celui de Nina, que du reste elle chante et joue à mer-
veille ? Un final d'Oberon a été dit, con cori, avec un louable ensemble
par des artistes et des amateurs. Ajouter qu'Alard a exécuté sa fantaisie
sur la Fille du Régiment, et que Rosenhain a fait entendre sa légende
fantastique de la Danse des Sylphes, c'est dire que cette matinée musi-
cale a été charmante.
— Mlle Bontemps est aussi une cantatrice ; elle est peu connue et
mérite pourtant de l'être, car elle chante juste et dans un bon style.
Il est des gens qui disent que le chanteur, semblable à l'orateur, doit,
avoir l'air d'improviser ce qu'il a souvent appris très péniblement ; et
ces gens ont remarqué que Mlle Bontemps fait un peu trop sentir celui
(le bon temps) de la mesure par un mouvement de la main droite qui
bat la mesure comme un professeur de solfège ; mais cela n'a pafe em-
pêché Mlle Bontemps de fort bien chanter l'air : Grâce ! de Robert-le-
Diable, et Yarioso du Prophète d'une voie pure et bien exercée.
— Puisque nous en sommes sur la voie des bonnes et belles voix, il
faut bien dire que Mme Mallarmi, qui a succédé àMlle Nau aux concerts
donnés par M. Malibran dans la salle Sainte-Cécile, n'a pas réuni le
nombre de voix suffisant pour lui donner voix au chapitre dans ces
concerts, qui, toutefois, attirent du monde par la modicité du prix d'en-
trée et le choix de bonne musique qu'on y exécute, grâce au chef d'or-
chestre actif et intelligent qui dirige les concerts du Cercle littéraire
et musical.
— Mlle Marie Ducrest, à la voix fine, souple, déliée, et qui est en
train de lui faire acquérir plus de volume, de rondeur et de hardiesse
vocale, par les leçons qu'elle prend de l'habile professeur Bordogni ,
après avoir été élève de sa mère qui professe fort bien l'art du chant,
Mlle Marie Ducrest a donné lundi passé un charmant concert chez
Pleyel, où elle s'est fait justement applaudir dans l'air d'nn opéra peu
connu, de Donizetti, Buondelmonte, et puis en nous faisant entendre
des bagatelles musicales qu'elle a dites avec beaucoup de goût, de grâce
et d'esprit.
— Mlle de Courcelles n'en est plus à apprendre d'un professeur
comment on éblouit un auditoire au moyen d'une vocalisation et des
élans de son âme musicale ; elle sait exercer ce prestige et l'enseigner
aux autres, à Mlle Delphine Skopetz, son élève, par exemple, avec qui
elle a chanté le duo de la JSorma dans le concert que cette cantatrice a
donné dans la salle de Y Association des artistes musiciens. Ce concert
avait attiré beaucoup de monde; et si nous ne signalons pas les artistes
qui ont secondé la bénéficiaire, c'est qu'ils étaient en trop grand nombre,
et que nous sommes certain de les retrouver sur un autre programme
de concert avec les mêmes morceaux qui leur vaudront sans doute la
même somme d'applaudissements.
— Mlle de Landi est encore une cantatrice qui ne possède pas une
éclatante renommée. Mlle de Landi est une belle personne qui ne chante
que de la musique italienne. La désinence de son nom lui en donne le
droit ; mais elle n'en a pas abusé dans la soirée dramatique et musicale
qu'elle a donnée dans la salle Barthélémy, salle qui répond à toutes les
exigences de l'acoustique, mais qui se trouve dans une position topogra-
phique assez bizarre pour qu'on ne s'empresse point d'aller à sa recher-
che, S moins qu'on n'espère y voir, y entendre ce qu'on y a vu et entendu
dans la séance donnée par la bénéficiaire, Mmes Denain et Nathalie,
du Théâtre-Français, dans la scène du Misanthrope, entre Célimène et
Arsinoé, la première jouant d'une façon exquise avec M. Brindeau le
proverbe exquis de M. Alfred de Musset : Il faut qu'une porte soit ou-
verte ou fermée; Mlle Siona-Lévy nous disant les monologues de
Jeanne d'Arc et de Cléopâtre à la manière de Rachel, et puis
Mlle Montigny qui est venue nous chanter l'air de la Favorite : 0 mon
Fernand ! d'une voix puissante, et consciencieuse, et large, et bien
DE PARIS.
posée, en qui se manifeste une tendance vers l'Opéra, où elle serait
entendue avec plaisir et succès. En ajoutant à tout cela une musique
militaire cachée, assez mal composée et médiocrement exécutée ; des
choristes cachés aussi dans le cintre, et qui nous ont dit avec aussi peu
d'ensemble que de justesse :
La garde passe, il est minuit;
Qu'on se retire et point de bruit.
on conviendra que cette soirée pittoresque offrait de quoi choisir
entre le bon et le mauvais. Au reste, dans cette variété, le bon l'a em-
porté, et la manière de chanter de Mlle de Landi en faisait partie, sur-
tout dans l'air de la F iglia del Regghnenlo, qu'elle a presque dit à la
Sontag.
— En fait de manière de chanter, chacun a la sienne : les uns chantent
du nez , les autres de la gorge, ceux-ci de la tête ; on chante avec
beaucoup de voix, peu de voix ou sans voix. M. Léopold Amat chante,
lui, avec un tiers ou même un quart de voix : c'est un tour de force
pour lequel il n'en faut pas beaucoup; mais la vigueur, la force, sont
remplacées par la grâce et la douceur chez ce chanteur romanciste.
L'àme, l'expression musicale ont le privilège, le don de commander le
silence, de se faire écouter ; et les auditeurs ont pour elles le senti-
ment qui faisait dire à Mme de Sévigné, en parlant de sa fille : « J'ai
mal à sa poitrine. »
Dans le concert que M. Léopold Amat a donné, mardi 23, dans la
salle Herz , il a dit (c'est le mot) de charmantes petites choses musi-
cales qui ne jetteront nulle perturbation dans l'art de l'harmonie et
même de la mélodie ; il s'est rappelé au souvenir des vieux amateurs
de ce genre de musique en leur redisant la Feuille et le Serment, chant
qui eut un moment de fraîcheur, et qui était tombé dans l'oubli comme
une feuille d'automne et le serment d'une coquette.
Louis Lacombe a joué du piano dans ce concert comme il en joue
toujours, avec cette fermeté, cette pureté et cette mélodie que peu de
pianistes pratiquent sur leur instrument peu mélodique de son carac-
tère; et , puisque nous voilà sur la voie du madrigal lancé aux auxi-
liaires du bénéficiaire, disons avec justice que M. Offenbach a. joué avec
justesse un fort joli solo de violoncelle sur Guillaume Tell ; que
Mme Gaveaux-Sabatier s'est montrée ce qu'elle est toujours, d'une
grâce et d'une naïveté charmantes ; que M. Edouard Lyon , de l'Opéra,
possède une belle voix dont il se sert fort bien ; que Mme Iweins-
d'Hennin a soutenu dignement , dans de petites choses musicales, sa
réputation de cantatrice et de professeur de chant ; et qu'enfin Mme Tac-
cani (comtesse Tasca) a chanté en femme de qualité qui est restée artiste
de non moins bonne qualité.
— Dans le concert donné le 23 mars dans la salle Sainte-Cécile, au profit
de YOEwre des faubourgs, M. Alexis Dupond a chanté un Ave Maria ;
M. Bouché, l'air de la Calumnia; Mlle Bochkoltz-Falconi, une cavatine
italienne et Y Adieu à la mer, de Rosenhain ; Mlle Révilly, de l'Opéra-
Comique, a dit d'une manière brillante et pure un dialogue pour so-
prano et flûte, avec l'auteur de ce morceau, M. Coninx. Ces artistes,
ainsi que M. Beauvallet et Mlle Rimblot, dans Y Hamlcl de Ducis , et la
belle scène du quatrième acte de Jeanne d'Arc, ont montré autant de
talent que de philanthropie. Au reste, on sait depuis longtemps qu'artiste
et bienfaisant sont synonymes. 11 est juste d'ajouter à cette nomen-
clature MM. Perrelli, le pianiste; M. Chéry, le comédien; Déledic-
que, le violoniste; Chaudesaignes, l'amusant raconteur de chansonnet-
tes, et M. Quintin , chef de musique du 19" léger, qui a fait exécuter
l'ouverture d'Haydée et de fort jolies valses.
— 11 faut absolument qu'un nouveau Cadmus musical ait semé des
dents d'éléphant dont il naît des milliers de touches d'ivoire de piano
et autant de pianistes qui semblent surgir de dessous terre. Nous
commençons à croire qu'il y avait présomption de notre part quand
nous nous sommes porté fort et capable de faire apercevoir les nuan-
ces qu'il y a entre tant de virtuoses promenant leurs doigts sur le cla-
vier. Nous venons de recevoir la visite d'un pianiste de la Norvège, qui
nous a montré assez de goût pour s'excuser de se présenter à nous en
cette qualité. Il y a de l'esprit dans ce scrupule , et nous parierions que
cet artiste a tout autant de talent que le premier artiste de talent venu.
Au reste, nous verrons, bien et nous entendrons M. Tellefsen, pianiste
norvégien, qui doit donner un concert le 31 de ce mois dans la salle
Pleyel.
— Nous n'en sommespas aux conjecturessurle talent fin et distingué de
M. Krûgcr; il semble tenir de Chopin ce jeu qui avait fait de ce musicien-
poète, le pianiste des lemines et des rêveurs ; et dans le salon comme
dans le concert qu'il a donné dans la salle Herz, il y a quelques jours,
M. Krûger se montre et s'est montré compositeur de goût et virtuose à
l'exécution nette et brillante, soit dans sa Harpe éolienne ou sa Danse
espagnole, qu'il intitulera, dit-on, Y Arayonaise.
— M. Codine est un de ces pianistes qui se sont fait porter telle-
ment haut par la presse littéraire , que nous avons besoin de réen-
tendre ce célèbre virtuose pour voir jusqu'à quel point est fondée cette
illustration.
— Après s'être formé un jeu éclectique des différentes manières de
procéder sur le piano qui distinguent Thalberg, Doehler, Prudent
et autres réellement célèbres pianistes dont elle a reçu des leçons,
Mlle Blêve s'est essayée dans une des soirées musicales de M. Max-
Mayer , et là on s'est convaincu qu'il lui a été donné, comme à Pan-
dore, quelque chose par chacun de ces dieux de l'art. Si la fille de
Vulcain garda l'espérance dans la boîte dont on l'avait chargée, l'es-
pérance de devenir une artiste distinguée est aussi dans la boîte qu'on
appelle un piano, pour Mlle Blêve.
— Le talent de pianiste n'est point en espérance chez M. Stamaty;
il est à l'état de fait accompli, réalisé. L'excellent professeur a prouvé
cette vérité par des exemples réitérés dans le concert qu'il a donné
dans la salle Pleyel. Musique classique et des grands maîtres du piano,
études charmantes et de sa composition, le moderne Clementi a jeté
tout cela avec prodigalité à ses auditeurs, qui l'ont applaudi comme
il le méritait, c'est-à-dire avec un excès de bonne compagnie et de bon
goût.
— Voici venir un autre pianiste cherchant, et même ayant comme
trouvé une individualité qui, à proprement parler, ne procède d'aucune
école, d'aucune imitation. M. Emile Forgues est un pianiste chaleureux,
fougueux même ; il cherche et trouve des intonations pleines, rondes,
surtout dans les cordes basses de l'instrument où le son est si confus.
II a dit, au commencement du concert qu'il a donné mercredi dernier
dans la salle Herz, Yandanle de Thalberg d'une manière large et belle,
et puis les Mélodies hongroises, de Liszt, d'un rhythme impérieux et
puissant. Comme tous les pianistes de France et de Navarre, et de mille
autre lieux, M. Forgues, qui vient d'Espagne, a fait sa Tarentelle, fan-
taisie pleine d'entrain et de verve et d'originalité, et il l'a dit d'une vi-
vacité, d'une fougue qui donne bien l'idée de cette danse-délire appro-
priée à l'imagination des habitants du Midi. Son boléro, sous le titre de
YAlcasar, a bien aussi la couleur méridionale, et il est modulé d'une
manière inattendue et pittoresque. Toutes ces compositions et la façon
de les dire font de M. Forgues un artiste à physionomie nouvelle et bien
accusée; cela est rare par le temps de pianistes qui court ou qui cou-
rent après la renommée. Si nous citons au courant de la plume la so-
nate en ut dièze mineur que la plupart des pianistes jouent en ce mo-
ment dans les concerts, et que nous a dite aussi M. Forgues, c'est pour
faire remarquer à ceux qui se croient appelés à nous traduire cette so-
nate, qu'il faut autre chose que de la force et de la chaleur pour bien
interpréter cette sombre et belle élégie : il faut pour cela se sentir de
la poésie dans l'âme, dans la tête et jusqu'aux bouts des doigts.
— Dans une soirée un peu plus publique que celle qu'elle avait donnée
dans la petite salle Sainte-Cécile , Mlle Juliette Dillon s'est posée en
Corinne musicale, en improvisatrice, dans la salle de l'Association des
artistes-musiciens, boulevart Bonne-Nouvelle. Sur le ton de la bémol
majeur et la mesure en six-huit que deux différentes personnes lui
avaient indiqués, la Pythie musicale, la moderne Sapho a créé à l'ins-
tant une mélodie bien rhythmée et non moins bien harmoniée qu'on a
100
REVUE 2.T GAZETTE MUSICALE
justement aplaudie. Les improvisations sur un thème donné et sur un
sujet poétique ont été moins claires ; celle sur une scène renfermant
plusieurs sujets contrastant entre eux, n'ont offert que des thèmes con-
nus mis à la suite les uns des autres, et plus ou moins brodés d'une
arabesque mélodique, dessinée à la Thalberg. Dans cette séance, comme
dans la première, des hommes du monde et des gens de lettres se sont
trouvés qui demandaient qu'on transportât sur le piano, qu'on y peignît
des choses vagues, métaphysiques, impossibles enfin, telles que le ju-
gement dernier et autres petits faits de ce genre. Cela nous a remis en
mémoire les bals historiques donnés à l'Opéra il y a quelques années ,
et dans lesquels Arnal, en compositeur chef d'orchestre, faisait exécuter
une symphonie plus ou moins fantastique sur le trois pour cent, et s'é-
criait qu'il fallait être doué d'une bien mauvaise organisation musicale
pour ne pas saisir, voir, entendre, dans les effets de son orchestre, les
fluctuations du cours de la bourse qui haussait et baissait. Quoi qu'il en
soit de cette plaisanterie, il restera de l'essai fait par Mlle Dillon une
tentative 'artistique dent il peut résulter des effets neufs et piquants
dans la science des sons maniés instantanément comme la parole par
l'orateur, et dont il peut surgir de belles et nobles inspirations.
— Après les brillants succès que viennet d'obtenirs Ernst et
Léonard, il était difficile de s'y faire remarquer sur le même instru-
ment. M. Bazzini, virtuose milanais, l'a tenté, et il a réussi. M. Baz-
zini s'est fait entendre au Théâtre-Italien, entre les deux actes à'il
Barbiere di Siviglia. Il a joué deux fantaisies sur des mélodies ita-
liennes, et les a dites comir.e Rubini les aurait chantées dans son beau
temps.
M. Bazzini connaît on ne peut mieux toutes les ressources de son
instrument. Il chante délicieusement, fait le trille et le staccato de la
manière la plus brillante ; ilf-y a en lui chaleur, sensibilité, fougue, ca-
price, originalité, surtout dans sa piquante Ronde des lutins, fantaisie
piquante et diabolique de difficultés inextricables dont il triomphe
merveilleusement. Que manque-t-il donc à ce nouveau Paganini pour
être le premier violoniste de l'époque ? Ce que possèdent au plus haut
degré Vieuxtemps et, Léonard : le son, cette intonation nourrie et
puissante, rende [et pleine, et qui vibre au loin, et satisfait l'oreille,
l'esprit et le cœur.
— M. et Mme[Delcffre et M. Pilet sont trois artistes d'un talent vraj
et consciencieux dans chacune de leur spécialité. M. Deloffre est un
de nos bons violonistes français, qui vient de bien tenir son rang de
soliste au théître de la Reine, à Londres, pendant plusieurs années; il
a l'intonation juste, joue avec expression et fait bien la difficulté.
Mme Deloffre est une charmante pianiste qui dialogue au mieux une
sonate ou un trio de Beethoven, avec son mari et M. Pilet, excellent
violoncelliste. Il résulte de ce ménage musical à trois un ensemble de
bonne et sérieuse musique que les auditoires les plus difficiles à con-
tenter sort charmés d'entendre. C'est ce que celui qui assistait, mer-
credi passé, au concert que ces trois artistes ont donné dans la salle
Herz, lui a prouvé en les applaudissant à l'unanimité. Le beau duo
pour violon et violoncelle qui terminait ce concert a surtout enlevé
tous les suffrages. Par la double corde, ces deux beaux instruments qui
se marient si bien, produisent les effets d'un quatuor à riche et puis-
sante harmonie, et l'ensemble avec lequel le disent les deux virtuoses
en fait un morceau neuf et des plus intéressants.
— Après tous ces violonistes de talent, il faut bien signaler le retour
de notre petite merveille Paul Julien, bien que nous n'aimions guère à
crier au prodige à l'exhibition de ces petites marionnettes musicales qui
finissent presque toujours par se donner une entorse en courant sur le
grand chemin de la célébrité. Mon petit bonhomme d'artiste, de Paga-
nini en herbe, tu imites parfaitement ton maître Alard ; tu parodies au
mieux sa sensibilité, son staccato perlé et son trille si bien mordu ; mais,
gâté par le public, par les belles dames du monde, tu poses déjà dans
ta veste écourtée de gamin musical ; Lu masses, tu arranges artistement
tes cheveux dans les intervalles des tutti. Prends garde à cela, et sur-
tout ne colporte pas dans tous les concerts les trois ou quatre morceaux
que tu sais bien, que tu dis gentiment, mais qui, trop répétés, finiraient
par te faire passer pour un automate de Maelzel. Voilà les réflexions
qui me sont venues à ton concert, en t'écoutant nous dire les mêmes
morceaux que tu avais joués la veille au concert de M. Forgues.
— Un autre violoniste, le jeune Roncheraye, qui , celui-là , n'a pas
trouvé de meilleur moyen de se distinguer que de tenir son archet de
la main gauche et de doigter de la main droite, a aussi donné un con-
cert dans lequel il a produit son petit effet de singularité. Ce qu'on a
remarqué de plus intéressant dans cette séance musicale, c'est la fan-
taisie de Prudent sur la Lucie, exécutée avec une grâce, une chaleur et
une poésie ravissantes par Mlle Graever. La charmante pianiste a évo-
qué dans l'âme de ses auditeurs tout ce qu'il y a de sensibilité et de
passion dans le seul roman d'amour que nous ait laissé Walter Scott.
Henri BLANCHARD.
CORRESPONDANCE.
Berlin, 14 mars 1852.
Notre campagne musicale d'hiver est terminée ou à. peu près. Je vou-
drais ne pas trop nous vanter, mais je puis le dire, on a vaillamment com-
battu. Je ne mentionnerai même pas les légères escarmouches, et je m'en
tiendrai uniquement aux grandes bataille!. Voici d'abord les faits et gestes
du corps des instrumentistes : neuf soirées, où ont été exécutées dix-huit
grandes symphonies, à savoir, toutes les symphonies de Beethoven, et les
plus importantes parmi celles de Haydn, Mozart et des maîtres modernes;
déplus, dix-huit grandes ouvertures de Beethoven, Mozart, Cherubini ,
Mendelssohn et de quelques-uns de leurs successeurs. J'avoue que dans
ces évaluations j'ai un peu anticipé, la dernière soirée de symphonies ne
devant avoir lieu que mercredi prochain (nous sommes aujourd'hui à
dimanche) ; mais lorsque vous livrerez mon bulletin à l'impression, la vic-
toire sera décidée. Pour le général en chef du corps des symphonistes ,
M. Taubert, je demande la grand'eroix, et pour les artistes sous ses or-
dres, celle de chevalier de l'ordre des symphonies, qui vient immédiate-
ment après celle de la Toison- d'Or.
Le bataillon sacré, — je ne saurais trouver de dénomination plus con-
venable pour le corps de musique religieuse , — a peut-être montré en-
core plus d'activité et de vaillance. Il nous a fait entendre, avec le con-
cours de l'Académie de chant, deux grands oratorios : Judas Macchabée, de
Uaendel, les Dernières heures du Sauveur, par Spohr et des compositions
de Mendelssohn, Taubert et Naumann. Le chœur du Dôme a fait paraître
sur le champ de bataille les héros des anciens jours : Palestrina, Lotti
Caldara, Léo, Gabriel)', Durante, etc. ; parmi les modernes : Bernard
Klein et Mendelssohn. Pour la fin de la saison, la réunion de chant Stern
nous promet le Samson, de Uaendel.
Les troupes légères de la musique de chambre ont également fait leur
devoir. Je citerai d'abord les dix-huit trios de Beethoven, Mozart, Haydn,
Onslow, Spohr, etc., et six compositions nouvelles exécutées par les
frères Stahlknecht et l'élégant pianiste M. Loeschhorn ; puis les dix-huit
quatuors classiques que nous a fait entendre M. Zimmermann ; un sex-
tuor, un quintette, un trio, une sonate avec accompagnement par l'excel-
lent violoniste, M. Grunewald et M. Seidel, pianiste distingué.
Quant à l'opéra, on peut dire qu'il s'est surpassé lui-même. Vous vous
rappelez sans doute que, depuis le mois de juillet de l'année dernière, un
nouveau feld-maréchal se trouve à la tête de ce corps d'armée, dans le-
quel le maintien de la subordination n'est pas facile à obtenir. Les légions
féminines, â qui on doit sans doute les plus brillantes victoires, se mon-
trent souvent rétives à l'endroit de la discipline ; plus d'un malheureux
imprésario en a fait l'expérience. Le nouveau général en chef, M. de I-Jul-
sen, a dignement soutenu la réputation de sa famille, qui figure avec
gloire dans les fastes de l'armée prussienne.
En fidèle et consciencieux historiographe musical, je puis affirmer que,
depuis vingt-six ans, jamais le corps d'armée de l'Opéra n'a déployé une
aussi grande activité que pendant la dernière saison d'hiver, notamment
dans les deux mois qui viennent de s'écouler.
Quand on pense que chez nous deux chefs d'orchestre, avec un seul
orchestre, avec les mêmes solistes, doivent suffire à, tout; qu'on joue ic;
l'opéra allemand, l'opéra français, l'opéra italien, — en allemand, à la
vérité, mais cela importe peu, quant à. la musique; que le même person-
nel doit chanter Gluck . Mozart, Cherubini, Beethoven , Spontini , lîossini,
Bellini , Donizetti , Meyerbeer, Auber, Halévy, etc. , on est obligé de con-
venir que l'on a fait l'impossible, d'autant plus que les mêmes chanteurs
DE PARIS.
101
et le même orchestre sont employés dans les grands concerts et dans les
ballets.
Aussi, clans les dernières semaines, nous avons eu souvent quatre opé-
ras de suite, par exemple : Olympie, Figaro, I Capuleti , le Prophète, en
quatre jours; ou bien, \es Huguenots, Vin Juan, Freischulz, le Camp de
Silésie; la semaine dernière: l phi génie en Âulide, Euryanthe, la Fille du
Régiment, Fidélio. Un rapide coup d'oeil jeté sur notre répertoire d'hiver
suffira pour vous l'aire voir qu'en dehors des ouvrages que nous venons
de citer, et de deux opéra nouveaux , Norma et Lucrèce Borgia, nous de-
vons entendre : la Dame Blanche, le Maçon, la Flûte enchantée, Obéron,
Robèrt-le-Diable, Cosi fan tutte, les Deux Journées, Czar et Charpentier, le
Barbier de Séaille, la Juive, etc. Cela fait de trente a. trente-deux parti-
tions, ce qui est un chiffre fort respectable, il faut en convenir. Mais
aussi , nous en voyons les conséquences. Les premières cantatrices, qui
alternent entre elles, ont pu suffire a. ce:; travaux sans trop s'en ressentir;
mais les premiers instrumentistes ont tous un commencement de phtisie ;
les premiers violons ont tous des rhumatismes aux épaules, et les violon-
cellistes sont pris par les jambes; bref, le personnel de notre orchestre
peuplera sous peu Ems, Tœplitz, Bade, toutes les eaux du continent.
Qu'allons- nous devenir, cependant? Nous sommes aujourd'hui le
lit mars, et le 18, notre Opéra perd, pour quelque temps du moins, son
plus ferme appui. Johanna Wagner a fixé son départ au 1 9 du mois ; elle
se rend à Leipsig, puis à. je ne sais combien de théâtres du continent,
puis à Londres. Son congé dure depuis le 19 mars jusqu'au l°r octobre,
d'après les clauses de son contrat. Demain, la jeune cantatrice jouera
dans Euryanthe le rôle d'Églantine, dont elle a la première compris et fait
ressortir toute la grandeur ; jeudi , Johanna Wagner nous fait ses adieux
dans Fidélio. Comment les Berlinois pourront-ils vivre sans Johanna
Wagner? Nous verrons bien.
Un autre fait remarquable qui a signalé la saison, c'est l'empressement
avec lequel le public a suivi les représentations de notre opéra, même
les plus médiocres; car il y en a eu, on ne saurait le nier : chaque soir,
le caissier vendait ses billets jusqu'au dernier. Cela prouve qu'uu second
Opéra ferait chez nous de brillantes affaires. Car, malgré toute l'habileté
de l'administration, il y a une foule d'excellents ouvrages dont il faut
nous passer. A première vue, je puis vous nommer tout de suite une dou-
zaine d'opéras que l'on reverrait avec le plus vif plaisir et qui depuis
longtemps ont disparu du répertoire du théâtre royal : Armiile, Alaste,
Orphée, Ipliigénie en Tauride, Titus, Bel mont et Constanc-, Fernand Cortez,
la Vestàlr, Lodoïska, Fanhka, les Abeneerragc, la Muette de Portici, Fra
Diavolo, et presque tous les opéra d'Auber. L. RELLSTAB.
Le défaut d'espace nous oblige à remettre nu prochain numéro la
suite de l'article important sur la Philosophie de la musique.
NOUVELLES.
%* Demain lundi, à l'opéra, Rubert-le-Diable.
%.* Décidément la première représentation du Juif « rrant n'aura lieu
qu'après les fêtes de Pâques. Le repos de la Semaine-Sainte sera, em-
ployé aux derniers travaux qu'exige la mise en scène de ce grand ou-
vrage, dont plus que jamais l'apparition est attendue comme un événe-
ment.
*„* Lundi dernier, les Huguenots ont été représentés avec un ensemble
admirable. Roger a chanté et joué avec sa supériorité accoutumée le rôle
de Raoul.
*„* Une indisposition ayant empêché de donner mercredi Robert-le-
Diable, que l'affiche annonçait la veille, la Sylphide et la Bouquetière ont
été joués en échange.
%* Vendredi Guillaume Ttll, chanté par Gueymard, avait rempli la
salle, comme toujours.
%* Le Théâtre-Italien fera sa clôture pour la saison, mardi prochain,
30 mars. On donnera Norma, chantée par Sophie Cruvelli, qui pendant
toute la semaine dernière a chanté le Barbier de Sévill', avec Lablache,
Belletti et Calzolari.
%* Le délicieux talent de Caroline Duprez n'est pas l'un des moindres
éléments de succès de l'opéra dont son père, le célèbre et grand artiste ,
a écrit la partition. Joanita poursuit brillamment sa carrière à l'Opéra-
National, et la jeune cantatrice, chargée de ce rôle, est chaque fois l'objet
de l'ovation la mieux méritée. Duprat, Poultier, Balanqué et Mlle Guichard
la secondent avec talent.
%* La roupie de Nuremberg est toujours en possession de la scène et
de son succès populaire.
%* On annonce comme devant avoir lieu bientôt la reprise de la Prison
d'Edimbourg, ouvrage de MM. do Planard et Carafa, composé pour l'O-
péra-Comique et représenté à ce théâtre il y a quinze ou seize ans.
*4* On parle aussi de la Pie i>< leuse, de Rossini.
%* Le service médical dans les divers théâtres de Paris vient d'être
réorganisé par mesure administrative.
„% Pans une brillante soirée chez M. de Morni, Vivier s'est fait enten-
dre et applaudir encore avec enthousiasme.
V Le Requiem de M. Deldevez à la mémoire d'IIabencck, exécuté par
l'orchestre du Cercle musical, et chanté par des artistes du premier mé-
rite, sous la direction de M. Georges Bousquet, avait attiré lundi dernier
dans l'église de la Madeleine une foule avide de musique et de piété.
C'était non seulement un hommage religieux, mais aussi une œuvre d'art
écrite avec la science et la conscience dont son auteur a donné déjà des
preuves incontestables. On n'applaudit pas sous les voûtes d'un temple,
mais si l'abondance de la quête peut être considérée comme l'éloge in-
direct du compositeur, M. Deldevez a lieu d'être content, non moins que
tous ceux qui ont pris part à la cérémonie.
*** L'Association des artistes musiciens poursuit sa marche dans une
double voie, celle de la musique de concert avec orchestre, et celle de
lamusique de chambre, qui ne lui promet pas moins de succès. Voici le pro-
gramme de la matinée qu'elle donnera aujourd'hui dimanche, à 2 heures,
dans la salle Bonne-Nouvelle, et dont la composition est de nature à exciter
un vif intérêt : 1° 6e quatuor de Beethoven, exécuté par MM. L. Massart
Llorens, Chéri et Jacquard; 2" concerto pour piano, de Sébastien Bach',
exécuté par Mme Massart, avec accompagnement obligé de quintette ;
3° adagio de Weber, pour piano et violon, exécuté par M. et Mme L. Mas-
sart; 4° grande sérénade, de Mozart, pour deux hautbois, deux clari-
nettes, deux cors, deux bassons et contrebasse, exécutée par MM. Trié-
bert, Garimond, Klosé, Parés, Urbain, Bonnefoy, Jancourt, Espaignet et
Gouffé; 5° solo de violon, exécuté par Aille Urso, élève de M. L. Massart ;
6° ode de Gilbert, An banquet de la v e, musique d'A. Gilbert, et chœur
des gardes-chasse du S nge d'une nul u'éé, d'Ambroise Thomas, exécu-
tés par trente membres de la Société chorale populaire du Conservatoire
de Paris, sous la direction de M. Edouard Batiste. On trouve des billets à
la salle du concert. Loges, 5 fr. ; stalles, 3 fr. ; pourtour, 2 fr.
V Mercredi, 31 mars, à huit heures du soir, dans la même salle, aura
lieu le second concert organisé par l'Association des artistes-musiciens,
au profit de la caisse de pensions et secours, sous la direction de M. Geor-
ges Bousquet. On y entendra les morceaux suivants : 1° Symphonie en ut
majeur, de Weber, l'auteur du Frein hiitz; 2° air de Jean de Paris, chanté
par M. Bonnehée, dont la belle voix s'est signalée au dernier exercice du
Conservatoire ; 3" concerto de violoncelle, composé et exécuté par M. Che-
villard, qui depuis trop longtemps ne s'est fait entendre en public;
à° air de la Fé- avx Roses, chanté par Mme Lefébure-Wely ; 5° concerto
de Beethoven, pour piano, exécuté par Mme Massart ; 6° ou\erturede
YHôtellerie porlug-jUe, de Cherubini.
V Trois partitions originales d'opéras attribués à Lulli avaient été vo-
lées, il y a quelque temps, à la Bibliothèque nationale. La police a fini par
en retrouver deux : l'une chez un marchand de musique ; l'autre, chez un
éditeur du faubourg Saint-Germain. Quanta la troisième, que les deux
marchands avaient refusé d'acquérir, bien que les timbres et cachets de
la Bibliothèque en eussent été habilement enlevés, on suppose qu'elle a
été expédiée à l'étranger. L'auteur présumé de ces sous tractions a été ar-
rêté ces jours derniers.
V Bazzini se fera entendre deux fois aujourd'hui, la première dans le
concert donné le matin par la Société de bienfaisance allemande ; la se-
conde, dans le concert donné le soir par M. Montuoro. Jeudi prochain,
le célèbre violoniste jouera dans le grand concert qui aura lieu au
Théâtre-Italien, après avoir fait dans l'intervalle le voyage de Douai, où il
est appelé mercredi.
V La Société de bienfaisance allemande donnera aujourd'hui diman-
che, a deux heures, dans la salle Herz, un concert avec le concours de
Mme de Kalergis, née comtesse de Nesselrode, Mlle Clauss, Mlle Falconi,
de MM. Miller, Bazzini, Chevillard, Charles Eckert, et la Société des ama-
teurs allemands. En voici le programme. — Première partie- 1. Trio en ré,
de Beethoven, pour piano, violon et violoncelle, exécuté par MM. Ililler,
Bazzini et Chevillard. 2. Air de Mozart, chanté par Mlle Falconi. 3. Chœurs
allemands, Frauenlob, de F. Hiller ; Turkisches Schenklied, de F. Mendel-
sohn. h- Andante, de Spohr, la Danse des lutins, de Bazzini, exécutés par
M. Bazzini. — Deux ème par ie. 1. Concerto pour trois pianos, de Séb. Bach,
exécuté par Mme de Kalergis, Mlle Clauss et M. Hiller. 2. Die Zigeun-rin
(la Bohémienne), de F. Hiller; barcarolle, de Mercadante, chantées par
Aille Falconi. 3. Variations pour deux pianos sur un chœur de Weber,
composées expressément pour ce concert par F. Ililler, exécutées par
Mlle Clauss et l'auteur, li. Chœurs allemands, Liehe und Wein, de F. Men-
delssohn ; Liedesfreihe.it, de Marschner.
%* M. Achille Montuoro donnera, aujourd'hui dimanche, 28 mars, dans
la salle Herz, à huit heures du soir, un grand concert vocal et instrumen-
tal, avec le concours de Mme Taccani, de MM. Lablache, Morelli, de l'O-
péra, Guasco, les frères Lionnet et de M. Bazzini qui jouera deux mor-
ceaux, et des choristes du Conservatoire.
%* C'est vendredi soir, 2 avril, qu'aura lieu le concert d'Alexandre
Batta dans la salle Herz. Le programme réunit les noms des artistes les
plus célèbres et les plus aimés du public. Léopold de Meyer exécutera deux
de ses grandes et belles compositions. Mme Gaveaux-Sabatier, M. Jules
Lafont, chanteront leurs morceaux les plus en vogue, et AI. Alexandre
Batta fera entendre pour la première fois une fantaisie sur le Pré aux
Clercs qu'il vient de terminer, et des airs russes, souvenirs de Péters-
bourget de Moscou, puis, avec le concours des violoncellistes renommés,
MM. Offenbach et Lee, il jouera son admirable morceau pour trois vio-
102
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
loncelles et piano sur Guillaume Tell. Un jeune violoniste, M. Luigi Elena,
qui arrive d'Amérique, fera sa première apparition dans ce brillant con-
cert.
%* Goria donne scn concert après-demain mardi, 30 mars, à huit
heures du soir. 11 y jouera l'allégro du premier concerto de Chopin, avec
accompagnement d'orchestre; la Pavane, air du xv= siècle, et une fantai-
sie inédite sur Guillaume Tell. Mme Gaveaux-Sabatier, M. Lefort et l'ex-
cellent violoncelliste. Jacquard, s'y feront entendre. La société chorale,
dirigée par M. Edouard Batiste, exécutera deux chœurs.
%* C'est samedi prochain, 3 avril, que le monde musical sera appelé à
juger un pianiste qu'on présente comme destiné à faire révolution dans
son art, comme inventeur d'une méthode et de procédés tout à fait nou-
veaux de doigter. M. Haberbier donnera son concert dans la salle Pleyel.
*** Aujourd'hui dimanche, 28 mars, sixième et dernière séance de
MM. Alard et Franchomme, dans la salle Pleyel à deux heures : — 1. Qua-
tuor en sal mineur, de Mozart, pour piano, violon, alto et basse. 2. Quin-
tette (manuscrit), de Onslow, exécuté pour la première fois. 3. Variation
de la sonate dédiée à Kreuzer, de Beethoven, h- Canzonetta, de Men-
delssohn. 5. Trio en sol (redemandé), de Beethoven, pour violon, : lto et
bass.
%* Herman , le jeune et habile violoniste, donnera son concert an-
nuel 1 ' vendredi, 2 avril, à deux heures de l'après-midi, salle Pleyel. Le
talent du bénéficiaire et le concours d'artistes éminents, tels queGéraldi,
Audran, Fumagalli, P.ichard Mulder et Mme Lefébure-Wély, rendront ce
concert un des plus intéressants de la saison. On entendra un duo pour
deux pianos de Bichard Mulder, exécuté par Fumagalli et l'auteur ; une
fantaisie concertante pour piano et violon, sur des thèmes de la Fille du
Régirnini, par Bichard Mulder et Herman, qui jouera seul une nouvelle
fantaisie sur la Sonnambula et son brillant morceau la Clochette.
*„* Le 3 avril, a trois heures de l'après-midi, aura lieu le concert spi-
rituel de M. Gordigiani dans la salle Herz. Il fera exécuter pour la pre-
mière fois dix chants religieux de sa composition, qui seront interprétés
par la princesse Nadine Labanoff, Mlle Joséphine Hugot, Moriani et La-
blache. Les chœurs seront dirigés par M. Muratori.
*„* Matinée musicale, donnée pour la seconde audition de l'Al-
bum des Femmes, par Mme El. Launer-Manera, dans la salle Sainte-
Cécile, à bis, Chaussée-d'Autin, lundi 29 mars, à deux heures très-pré-
cises. L'Album sera interprété cette fois par Mmes Nau, Sabatier, Charles
Ponchard et Drouard-Monrose ; Mlles Charlotte de Malleville, Céline Mil-
hès; MM. Brisson, Emile Forgues, G. Perrelli, Max-Mayer, Triébert,
Jancourt, Charles Lebouc, Boucher, Ferd. Prévôt, Gilbert, Juvin fils, etc.,
se chargeront des accompagnements et des solos de cette belle matinée.
*„* Samedi 3 avril, à huit heures du soir, aura lieu, dans la salle Herz,
le concert annuel de M. Max-Meyer, l'habile violoniste. Entr'autres ar-
tistes distingués on entendra dans ce concert Mme Oscar Comettant,
MM. Frédéric Brisson et Norblin.
%* Le concert de M. Van Gelder aura lieu, salle Sax, mardi 31, dans
lequel on entendra Mme Lefebure-Wely, Mlle Crémont, MM. Wartel,
Lafont, Lacombe et Charles Dancla.
%* Le concert dn pianiste Fumagalli, qui devait avoir lieu le 1er avril,
salle Herz, est remis au mardi 20 du même mois.
%* 11 y a un an, M. P. Dorval-Valentino publiait sa brochure sur la
ran'inc'aUo7i appliqué, ou (hant, que le public musical et le Conserva-
toire accueillaient également bien. Tout récemment, l'auteur donnait à
sa théorie la sanction de l'expérience en faisant exécuter chez lui, par
ses nombreux élèves, dont le plus ancien n'a pas huit mois de leçons, des
morceaux de Bossini, Paer, Halévy, Adolphe Adam. Il est difficile que
ces morceaux puissent être rendus avec un sentiment plus exact de la
mesure, des nuances, de la diction et de l'action dramatique ; aucune pa-
role n'était perdue, et l'extrême rapidité des progrès des élèves attestait
l'excellence de l'enseignement du professeur.
CRON1QUE DÉPARTEMENTALE.
%* Strasb urg, 22 mars. — Le Prophète vient d'être monté en cette ville.
La première représentation a eu lieu le h mars avec un plein succès. La
direction n'a rien négligé pour répondre dignement à l'attente du public.
Grâce à une subvention municipale de 10,000 fr., la mise en scène est
splendide. Les trois principaux décors ont été peints par MM. Philastre
frères, de Paris, et l'effet du lever du soleil ne laisse rien à désirer. Après
la première représentation le public a rappelé le directeur eu même temps
que Mlle Méquillet, qui remplissait le rôle de Fidès. Ce rôle convient par-
faitement à Mlle Méquillet, qui, par sa voix et son jeu dramatique, a vive-
ment impressionné le public/ Nous devons aussi une mention honorable
à M. Sélénick, le chef d'orchestre, qui, depuis un an, a fait de très-grands
progrès dans l'art de diriger un opéra ; l'orchestre s'est tiré avec honneur
de la partition si difficile du chef-d'œuvre de Meyerbeer. Depuis ' le
à mars le Prophète a été régulièrement représenté deux fois par se-
maine, et chaque fois le théâtre n'a pu contenir les nombreux spectateurs
qui se pressaient à ses portes. Le succès du Prophète est donc , à Stras-
bourg, ce qu'il a été partout. Il est à regretter que ce bel ouvrage art été
monté si tard, car l'année théâtrale finit à Strasbourg le U avril, et l'année
prochaine nous ne devons avoir qu'une troupe d'opéra-comique. Le Pio-
phéi* eût pu fournir une carrière, sinon plus brillante, du moins beaucoup
plus longue.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
V Londres, 26 mars. — Le début delà nouvelle' Société philharmo-
nique, organisée et dirigée par Berlioz, à Exeter-haM, vient de s'opérer
d'une façon triomphale. Toutes les promesses ont été tenues, toutes les
espérances dépassées. Jamais Berlioz n'a obtenu , comme compositeur et
chef d'orchestre, de succès plus grand qu'en cette mémorable circon-
stance, où il avait tout à faire, où une telle responsjbilité pesait sur lui.
Le programme était ainsi composé : première partie :. 1° symphonie en ut
(Juptttr), de Mozart ; 2" fragment d'Iphigénie en Tauride, de Gluck ; 3" con-
certo de Beethoven , pour piano , violon et violoncelle , exécuté par
MM. Silas, Sivori et Piatti ; U° ouverture d'Obérvn. — Deuxième partie :
5° Itomèo et Juliette, symphonie de Berlioz (première partie , avec solos et
chœurs ; 6" fantaisie pour la contrebasse, exécutée par Bottesini ; 7" ou-
verture de Guillaume Tell. De l'aveu général, l'exécution de tous ces mor-
ceaux, de toutes ces œuvres, a été foudroyante et exquise. S'il y avait
encore quelqu'un qui s'imaginât que Berlioz ne peut conduire que sa mu-
sique, il doit être détrompé. Ensemble parfait, finesse de nuances, gra-
dation dans les crescendo, formidable explosion dans les forte, rien n'a
manqué, parce que Berlioz avait pris ses mesures pour qu'il en fût ainsi.
Au lieu de se borner au petit nombre de répétitions dont on se contente
ici d'ordinaire, il en avait exigé à discrétion, et l'événement a justifié sa
prévoyance. On l'a critiqué seulement d'avoir supprimé les reprises dans
la symphonie de Mozart, eton aeu raison. Mais cettefaute n'estpas la sienne:
il faut l'imputer à ceux qui craignaient dans le programme un excès de
longueur. Au demeurant, la nouvelle Société philharmonique ne pouvait
se poser avec plus d'éclat. C'est une concurrence terrible pour l'ancienne,
qui se montrait si dédaigneuse envers les contemporains et les compa-
triotes. Berlioz a le droit d'être heureux et fier. C'était une journée de
bataille, dans laquelle il figurait à la fois comme général et comme
soldat. Le résultat n'a pas été moins flatteur pour l'un que pour
l'autre. Malgré ses inextricables difficultés, la symphonie de Romeo et
Juliette a été enlevée : le délicieux scherzo, la Rein'! Mab, a soulevé
des bravos enthousiastes, comme tout le reste de cotte œuvre si origi-
nale et si neuve de conception. Ni le temps, ni l'espace ne nous per-
mettent de rendre une justice détaillée aux artistes qui ont pris part â
cette belle manifestation; nous ne pouvons que nommer miss Dolby
et M. Lockey, qui ont chanté les solos de la symphonie, et Bottesini, qui
a fait des prodiges sur son immense instrument.
*»* Vienne. — Une jeune pianiste de grand talent, Mlle Louise Leisler,
qui s'est fait entendre avec beaucoup de succès l'hiver dernier au Grand-
Opéra de Paris, vient de donner ici un brillant concert, dans lequel elle a
pleinement justifié la réputation avantageuse qui l'avait précédée. On a
particulièrement applaudi la Pompa di f>sta, de Wilemers ; le Torrent, de
Lacombe, et le Tamb ur de banque, de Bichard Mulder; dans ce dernier
morceau, la jeune artiste a su trouver des nuances d'une exquise délica-
tesse, qui lui ont valu de la part du public les ovations les plus brillantes
et l'honneur du rappel.
*„,* Mun'ch, 20 mars. — V Enfant proligue, de MM. Scribe et Auber,
vient d'obtenir ici un éclatant succès, qui promet de se soutenir long-
temps. En huit jours, cet ouvrage a été donné trois fois, et chaque fois il
y a eu chambrée complète, quoique les prix d'entrée fussent doublés, ce
qui a toujours lieu ici pour les premières représentations d'une pièce â
grand spectacle. Les rôles de V Enfant prodigue sont confiés aux premiers
sujets du théâtre: MM. Ilartinger, Kinclemann et Mlle Diez, pour le chant ;
Mlles Fenzl et Holler, pour la danse. La mise en scène offre une magnifi-
cence qu'on ne saurait comparer qu'à celle déployée pour le Prophète.
Tous les costumes et les décors sont neufs. Deux ont été exécutés par
M. Cambon, l'un des décorateurs du grand Opéra de Paris, et les quatre
autres par MM. Schnitlzer et Simon Quaglio, membres de l'Académie royale
des beaux-arts de Munich.
Barcelone, 18 mars. — Mme Sophie Vera-Lorini vient dedébuter au théâ-
tre du Liceo, dans la Fille du Régiment. .Son succès y a été brillant et dé-
cisif. Onl'a surtout applaudie dansle premier duo, le final du premier acte,
le duo avec le ténor, le trio de la leçon, le grand air Euv.iva, la Francia,
et le rondo final de M de Bériot, al dolce in-anto, que la cantatrice avait
ajouté pour rendre la fin de l'opéra plus brillante.
Le gérant : Ernest DESCHAMPS.
Chez BUANDUS et Ce, éditeurs :
NOUVELLE C051POS1TION DE
MOPOÏ.D SE MElfEK.
OUVERTURE DE GUILLAUME TELL
Transcrite pour le piano à quatre mains,
PAR
H. ROSELLEK.
DE PARIS.
103
IIK.tXBIKJN E't' C . hligTKIlKM.
lO.'l, ni'E Richelieu.
BEVER.
Op. 49. Bouquet do mélodies de la Reine (le
Chypre 0 »
Op. 42. Souvenirs des Puritains 6 »
Op. 59. Deux fantaisies sur les Diamants de
la couronne, chaque G >•
Op. 71. Morceau de Sakm sur \a Part dit Diable 0 »
Op. 82. Bouquet de mélodies des Mousque-
taires de la Reine G ■
Op. 8G. Deux rondinossur les Mousquetaires
de la Reine, chaque r> »
Op. 87. Divertissement sur des motifs de Guil-
laume Tell 5 »
Mosaïque sur le Lac des Fées y »
Le Trémolo de Ch. de Bériot, arrangé pour
piano seul G •■
RILtJlIEVriIAL.
Op. 1. La Source, caprice 6 »
Op. 2. Deux caprices : le Rûve, la Brillante. . 5 »
Op. 3. Trois mélodies: le Calme, une Fleur,
Valse styrienne 5 »
Op. ti. Fête cosaque, caprice G »
Op. 5. Trois mazurkas 6 »
Op. 6. Deux valses en 2 suites, chaque ... 5 »
Op. 7. Une nuit à Venise, fantaisie G »
Op. 8. Les deux Anges, more, caract .... 5 »
Op. 9. Trois mazurkas 6 »
Op. 10. N° 1. La Brise du Soir 5 »
2. Nocturne 5 »
Op. 11. Les Oiseaux, caprice 6 »
Op. 12. Chant national des Croates 4 50
Op. 14. La Plainte G »
Op. 15. L'eau dormante 6 »
Op. 1G. Consolation, fantaisie 7 50
Op. 17. Marche militaire 5 »
Op. 17 bis. Marche funèbre 5 »
Op. 18. Scène de ballet 7 50
Op. 19. Nocturne impromptu 5 >•
Op. 20. Trois mazurkas 7 50
LKO\ PASCAL GERVIkliE.
Le Bengali au réveil, bluette 4 »
Le Carillon de mon clocher, impromptu ... 4 «
Rossignol et Fauvette, étude de salon. .... 5 »
Saltarelle. '. 5 »
Trois Mazurkas 5 »
Deuxième nocturne 5 »
GOBÎBA.
Op. 21. Fantaisie sur les Mousquetaires de la
Reine 9 »
Op. 24. Fantaisie sur la Sultana 7 50
Op. 41. Grande mazurka originale 5 »
Op. 47. Fantaisie dramatique- sur le Val d'An-
dorre 9 »
Op. 50. La Brise, fant. brillante sur Haydée . 9 »
Op. 55. Fant. brillante sur la Fée aux Roses 9 «
FKAA'Ç'OBS» HVHTEN:
Op. 40 bis. Variations brillantes sur la marche
de Guillaume Tell 9 »
Op. 57. Fantaisie brillante sur Ludovic. . . 7 50
Op. 58. Variations sur-Gustave G »
Op. Cl. Quatre Rondos sur les Citasses, de
Labarre, 2 suites, chaque 5 »
Coblentz, valse, précédée d'une valse favorite
de .Milan 5
Galop parisien précédé d'un galop saxon ... 5 »
Op. 04. 1 e Bal, fantaisie sur une chansonnette
de Troupenas C »
Op. G:1. Va. ?tions sur la ronde de Lestocq. . 6 »
Quatre airs ao ballet de Guido et Ginevra, 4
suites, chaque G »
Op. 82 bis. Deux rondos sur les FJuguenots :
N" 1. Cavatine du page C »
2. Ronde des bohémiens 6 »
Quatre airs de ballet de la Favorite, 4 suites,
chaque G »
Op. 134. Trois morceaux favoris sur la Sirène,
3 suites, chaque 5 «
Op. 143. Fantaisie sur les Mousquetaires de
la Reine G »
Op. 151. Variations brillantes sur la Sultana 6 »
Cornelia, valse 5 »
Op. 105. Fantaisie-rondo sur le Val d'Andorre 6 ■>
Op. 171. Fantaisie sur le Prophète 6 ■>
Op. 173. Fantaisie sur la Fée aux Roses . . C »
A. DE KdOTSKI.
Op. 24. Variations bril. sur les Huguenots. . 7 50
Op. 31. Trois valses brillantes 6 ••
Op. C0. Grande fantaisie sur Guido et Ginevra 7 50
Op. 70. Fantaisie sur la Juive 7 50
Op. 119. Fantaisie sur Haydée 6 »
G. 3IATIIIAS.
Op. 2. Paysage et Marche croate C »
Op. 3. Nocturne et Barcarolle G n
Op. 4. Deux polkas de concert 7 50
Op. 5. Allégro appassianato, more, de concert 7 »
Op. 6. Galop-caprice 7 50
Op. 7. Matinées de printemps, en 4 séries, ch. 5 »
Op. 11. Pastorale et air de danse G »
Op. 12. Mazurka-caprice 6 »
©SE5©2«E.
Op. 11. Rondino sur le Diable à Séville . . G »
Op. 12. Grandes variations sur la romance de
Mme Malibran : Le réveil d'un beau
jour G »
Op. 22. Variations brillantes sur le quatuor
de femmes, des Huguenots. ... 7 50
Op. 23. Caprice et variations sur l'orgie et Ra-
taplan, des Huguenots 7 50
Op. 24. Variât, bril. sur le bal des Huguenots 7 50
Op. 27. Variations brillantes sur la Bluette. . 6 »
Variations de concert sur ['Ambassadrice . . C »
Op. 28. Fantaisie brillante surle Domino noir 7 50
Op. 32. — sur les Treize 7 50
Op. 33. — brillante surle LaedesFées 7 50
Op. 35. — sur le Schérif, G a
Op. 37. — et variations sur Zanetta.. 7 50
Op. 39. — brillante sur le Guittarrero 6 »
Op. 40. — brillante sur la Favorite . 6 »
Op. 406/'.9.Graridcf3ntaisiesurlefl'(cd'O/o/)«e 7 50
Op. 45. Nocturne 5 n
Op. 40. Grande fantaisie brillante sur la Reine
de Chypre . . . 7 50
Op. 48. Fantaisie sur Charles VI 7 50
Op. 49. La Chasse, caprice brillant sur la Part
du Diable 5 »
Fantaisie sur la romance de la Marguerite, du
Val d Andorre 7 50
Op. 78. Fantaisie brillante sur le Prophète. . 7 50
Op. 77. Fant. brillante sur la Fée aux Roses G »
K4>*EtlO ID \.
Agitato i, 00
Deux rondos sur les HuguenUs C »
Divertissement sur la Sirène 7 50
Fantaisie sur les Puritains 7 50
Op. 24. Poëme g „
Op. 30. Rêveries, 2 suites, chaque G »
Op. 31. Trois romances sans paroles :
N° 1. Chanson polonaise 4 50
2. Adieux a l'étranger 4 50
3. Lutte intérieure 4 50
Op. 34. Morceau de concert sur la Seine de
Chypre 7 50
Op. 36. Polka de salon 7 50
Op. 37. Quatre romances sans paroles en 3
suites :
N° 1. Chant de l'Orient, le Passé . . 4 50
2. L'Ondine 4 50
3 La Plainte de l'Amant 4 50
TAI,EXY.
Op. 13. Fantaisie sur Haydée 7 50
Op. 17. — sur le Val d' Indorre. . . G »
Op. 20. — brillante sur le Prophète . 7 50
Op. 32. — brillante sur l'Enfant pro-
digue 7 50
Hercule, grand galop. 5 »
Diane, polka-mazurka 5 »
Wanda, polka-mazurka 5 »
Op. 33. Fantaisie sur la Dame de Pique . . 7 50
CU. VOSS.
Op. 61. Sérénade 6 »
Op. GG. Fantaisie brillante sur les Huguenots 7 50
Op. 70. Fantaisie sur Cz-ar et Charpentier, 7 50
Op. 76. Fantaisie militaire sur les Mousque-
taires de la Reine 7 50
Op. 99. Trois fleurs : la Rose, la Violette et
l'Amarante G o
Op. 101. Fant. dramatique sur le Prophète . 9 .•
Op. 104. Souvenir du Prophète: la Complainte
et la Marche du Sacre, variées . . 6 »
Op. 109. Fant. de salon sur la Fée aux Roses 6 »
Op. 113. La Cascade de fleurs 5 »
Op. 117. L'Assaut, grand galop militaire. . . 5 «
Op. 118. N" 1. LaMélancolie de Prume, variée 5 »
2. Chant bohémien, varié. ... 5 »
Op. 120. Fantaisie de salon sur Giralda. . . 6 >•
Op. 122. Fantaisie sur la Dame de Pique . . 6 »
Op. 124. Grande fantaisie sur la Favorite . . 7 50
Op. 199. Mon Etoile, grand nocturne .... 7 50
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Op. 30. Souvenirs de Varsovie, mazurka 5 » Op. 46. Trois études de concert 9 „
Op. 31. Caprice sur des Thèmes hongrois 9 » Op. 47. Le Passé, 2" nocturne /i 50
Menuet de Mozart transcrit 4 50 | Op. 58. Scène russe, caprice brillant 7 50
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5. Couplets pour soprano clianté par Mlle Rouvroy : « Quand je
commande, attention, silence !» 3 75
N° 1. 4'o«ipîe«« pour voix de bosse chantés par M. Grignon : « Le rêve
de toute ma vie. » . 3 »
2. »ir de baryton chanté par M. Meillet : «A moi la jeunesse.» 5 »
2 bis. Le même transposé pour ténor 5 »
3. ..aao de la valse pour soi ra'io et baryton chanté par Mlle Rouvroy
et M. Meillet : « Me voilà ! oui c'est elle, c'est ma belle. » 9 »
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N° 1. Conplet« chantés par Mlle Lemercier : « A la fête du village. » . 4
2. Coupleis en duo chantés par Mlles Lemercier et Talmont :
« Il me cajolait, il me câlinait, etc. » 3
2 bis. Les mêmes arrangés à une voix 2
N° 3. A
3 bis.
II. I»
ir chanté par M. Bussine 4 50
Le même transposé pour ténor 4 50
10 chanté par M. Jourdan et Mlle Lemercier: « Que ta peur est
imbécile 1 > 0 »
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A. «SAEE. Op. 14 Danse des Sylphes, fantaisie élégante (moyenne force)
.I.-lî. DVVERXOY. Op. 141. Fantaisie italienne
Op. 142. Les deux Sœurs, 2 fantaisies, chaque..
Op. 144. Fiorentona, fantaisie élégante ....
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Op. 203. Danse des Sylphes (facile)
B. 1IUI.DER. Op. 12. La Cascade, étude dédiée à Mme Pleyel
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Ii. S1ES8ESIAECKEH. Op. 67. Oréa, polka
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— Op. 61 bis. Nocturne et marche sur le liétie d'une nuit d'été, à 4
mains, par l'auteur .
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19e Année.
N° 14.
4 Avril 1852.
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— II. Tellefsen. — II. CJorin. — lime Collii-Xeumanu. — M. Ilon-
tuoro.— Mlle «le Malleville. — Mme Taccanï-Tasca. — M. ftonffé.
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111KDE. — Mme de Kalei-gi et Mlle Clauss.
Un monsieur portant le même nom que le savant qui a découvert les
qualités nutritives de la pomme de terre, si nous pouvons nous en fier
à notre habileté pour déchiffrer la calligraphie des signatures, nous a
écrit pour nous dire que la valse le Désir, sur laquelle le violoniste
Léonard a composé une fantaisie dont nous avons parlé lors de son
dernier concert à Paris, est de François Schubert , et non de Beetho-
ven , à qui l'on attribua cette valse dans le temps. Nous savions cela ,
ou plutôt, nous nous en doutions; car il y a près d'un quart de siècle
que nous avons publié chez Petibon , alors éditeur de musique, rue du
Bac, à Paris, cette valse sans nom précis de compositeur. La lithogra-
phie qui sert de frontispice à cette mélodie représente Frederick Le-
maître, — qui faisait courir alors tout Paris au théâtre de la Porte-Saint-
Martin , — dansant avec Mlle Paul (Zélie), qu'il dominait de toute la
puissance de son regard et de ses gestes, cette fameuse valse intitulée :
Méphistophélès, ou la Valse du Diable.
Quant à l'autre valse connue sous le titre de : La Dernière pensée
de Weber, dont notre rechercheur et redresseur d'erreurs nous
donne le début noté, et qu'il altère un peu , ce nous semble, on ne
comprend pas trop comment elle a été publiée sous un pareil titre,
deux ans avant la mort de Weber, ainsi que nous l'a dit notre com-
mentateur.
Les rectificateurs forment une famille nombreuse, alliée à celle des
annotateurs, chronologues ou chronologistes , élymologistes, recher-
cheurs de pseudonymes, etc., etc. Les partisans quand même de l'éty-
mologie des noms découvent parfois des choses assez bizarres,
comme, par exemple, celle qui vous prouve, à ce qu'ils prétendent ,
que du nom de Louis procède ainsi celui de Babet. De Louis vient bien
certainement Louise ; de Louise on a fait Lise, puis Elise ou Elisa, qui
dérive évidemment d'Elisabeth , dont Babet est le diminutif : donc, le
nom de Babet vient de Louis.
Laissons de côté ces légers travers pour nous occuper de celui, non
moins inoffensif, de la mélomanie, de ce besoin de donner et d'enten-
dre des concerts : c'est un véritable assaut entre les virtuoses et le
public à qui se lassera le moins de jouer, de chanter et d'écouter.
Voici venir M. Beaulieu, ancien élève de notre grand Méhul et lauréat
de l'Institut, ou prix de Rome , qui vient de faire une exhibition d'art
sérieux par un concert qu'il a donné dans la salle de l'Association des
artistes-musiciens (ancien Diorama). Il faut avoir le courage et le dé-
vouement d'un véritable artiste pour mener à bien une telle affaire.
M. Beaulieu, qui habite une de nos villes départementales , Niort, ne
pouvant pas être continuellement sur la brèche de nos théâtres lyri-
ques pour obtenir ce qu'on nomme un poème d'opéra, a pris des vers
de Lamartine, qui valent bien ceux de nos librettistes, pour les mettre
en musique sous forme d'oratorio. L'Hymne à la nuit du poëte, ora-
teur, publiciste, homme d'État, a noblement inspiré M. Beaulieu. Celte
large page musicale est bien écrite pour les voix et pour l'orchestre. Les
mélodies en sont élevées, belles ; le tissu harmonique en est serré, trop
peut-être. Ce vaste tableau musical manque d'air, d'éclaircies. Si un nou-
veau Joseph II était venu dire à M. Beaulieu : 'Il y a diablement de
notes là dedans ! le compositeur n'aurait peut-être pas été fondé à ré-
pondre fièrement, comme Mozart : Pas Une de trop, Majesté, pas une
de trop ! Il faut dire aussi que le poëme est de ce genre admiratif qui
excluait la variété de tons pour le compositeur, forcé de rester toujours
dans la peinture des idées grandioses. Quoi qu'il en soit, M. Beaulieu est
un musicien de bon et beau style, fait pour réussir dans la musique re-
ligieuse, qu'il a déjà traitée, du reste, avec succès. V Hymne à la nuit
a été fort bien chanté par MM. Jourdan, Florenza, Adam et Mlles Geis-
mar et Boulart. Cette dernière a dit un air de soprano composé aussi
par M. Beaulieu , dans lequel elle a montré ce bon style de chant
qu'elle tient de son illustre professeur, Mme Damoreau, et qui promet
un bel avenir à la jeune cantatrice.
Dieu de lumière, dans lequel se dessinent bien deux coryphées, est
traité en chœur à cinq voix d'un beau caractère aussi, mais dont l'exé-
cution a manqué parfois d'ensemble et de chaleur, comme ceux de
Y Hymne à la nuit, dans la partie chorale.
MM. Petiton, Romedène et Jancourt ont exécuté un trio fort bien fait
pour flûte, hautbois et basson, composé. par M. Bellon; et puis un dé-
but remarquable a eu lieu dans cette soirée : le jeune René Franc-
homme, âgé de onze ans, fils de notre excellent bassiste, a joué sur
un violoncelle miniature comme lui, un solo par lequel il a provoqué
d'unanimes applaudissements.
Avec un lalent de compositeur réel et consciencieux, M. Beaulieu a
dépensé environ 3,000 fr. pour réaliser cette exhibition musicale. Il
faut convenir qu'il y a quelque chose d'élevé dans un art qui inspire
de tels sacrifices de temps et d'argent.
— M. Lefébure-Wely et Mme Lefébure-Wely ont donné, salle Herz,
un joli petit concert conjugal tout parsemé de charmantes romances,
106
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
de cavatines et Je délicieux arrangements pour le piano à percussion ,
sur lequel l'organiste de la Madeleine procède avec beaucoup d'art.
— M. Lagarin, bon violoniste, adonné aussi un concert conjugal dans
lequel Mme Lagarin a dit d'une façon légère elbrillanteun duo à deux
pianos sur le motif de Belisario par M. Goria. Nous n'avons pas de
motifs pour trouver ceux d'il signore Belisario distingués, communs
ou désagréables. C'est de la musique qui fait bien valoir les motifs de
gloria e di irionfâr que pouvaient avoir le compositeur et l'arrangeur
en les écrivant, mais qui ne se préoccupaient guère de nouveauté et
d'originalité.
M. Lagarin a dit une fantaisie sur Charles VI, écrite et fort bien exé-
cutée par lui ; el| puis le bénéficiaire nous a fait entendre des thèmes
originaux (andante et scherzo) , et une charmante étude de concert,
intitulée le Mouvement perpétuel, dont l'auditoire aurait désiré même
voir justifier le titre ; car il l'entendrait encore, et son plaisir durerait
toujours. Tel a été le concert de M. Lagarin, avec quelques accessoires
que nous ne mentionnons pas, forcé que nous sommes de ne jeter qu'un
coup d'œil rapide sur cette exposition musicale des concerts à laquelle
on espère que celle de peinture va faire un peu diversion.
— M. Tellefsen, pianiste norvégien, qui a donné un concert mer-
credi dernier dans la salle Pleyel, est un artiste dans les cordes, dans
la manière- de Chopin, dont il joue bien la musique. Sa manière à lui,
et il en a une, est douce, mystérieuse, en style lié et quelque peu mo-
notone. Dans ses compositions comme dans son jeu, on trouve sou-
vent la pointe de caprice et d'originalité qui réveille l'auditeur. Il a
dit avec verve et brio la Polonaise, de Chopin, pour piano et violon-
celle , dans laquelle il a été fort bien secondé par le violoncelliste
Franchomme ; et puis M. Tellefsen a terminé la soirée par trois pièces
caractéristiques de sa composition , qui auraient produit encore plus
d'effet devant un auditoire un peu moins norvégien.
— Le public, qui avait assisté la veille au concert donné dans la
même salle par M. Goria, était plus chaud, ou avait plus chaud. M. Goria
sait animer son auditoire, non moins que le séduire et l'étonner. Il a
joué plusieurs de ses compositions, dont le succès est général dans les
salons, et notamment une fantaisie très-brillante sur les motifs de
Guillaume Tell. Il avait dit l'allégro du premier concerto de Chopin en
artiste qui sait comprendre et rendra tous les styles.
— Mme Colin-Neumann est une agréable pianiste qui a donné un
concert dans la salle Herz, où elle s'est vue et entendue vivement ap-
plaudir, ainsi que M. Montuoro, autre virtuose qui , le 28 du mois
passé, a aussi donné un concert dans lequel il s'est classé parmi
les pianistes intelligents qui évoluent dextrement sur le clavier. J'en
passe et des meilleurs, ainsi que le dit don Euy de Gomez dans Her-
nani, pour arriver à Mlle Charlotte de Malleville, qui a donné sa qua-
trième séance de musique classique chez Pleyel , où elle a purement
joué, comme toujours, le concerto en vt mineur de Beethoven , la so-
nate en fa mineur du même , et celle pour piano et violon , avec
M. Maurin ; le trio pour piano, flûte et violoncelle, de Weber, puis des
variations de Haendel. Nous la retrouvons au concert donné par notre
ami Gouffé, l'excellent contrebassiste de l'Opéra, et nous ferions ap-
précier la variété de son talent classique pur, s'il ne nous fallait suivre
de l'oreille et de l'œil cette course au clocher des pianistes mues par
l'amour de l'art , de la gloire et de la bienfaisance. Au nombre de ces
dernières, il faut citer en première ligne Mme deKalergi, née comtesse
de Nesselrode, et Mlle Clauss, qui nous ont fait entendre, avec M. Fer-
dinand Hiller, le charmant concerto pour trois pianos, par Sébastien
Bach , au concert donné par la Société de bienfaisance, allemande, au-
quel ont aussi concouru , dans la somme de talent qui les distingue,
Mlle Falconi , MM. Bazzini , avec sa délicieuse Danse des Lutins, Che-
villard , Ekart et la Société des amateurs allemands.
— Mlle Élise Féan de la Roche-Iagu , compositeur de noble lignage,
est encore venue, cette année, braver -les ironies de la critique et du
public, qui ne se fâche et ne se veut point brouiller avec cette persé-
vérante Bretonne; il dit, comme, dans la Métromanie, l'oncle du
poëte : J'ai ri , me voilà désarmé. Mlle de la Roche-Jagu doit avoir
dans son blason quelque chose comme cette devise héraldique : Qui
veut , petit. Or, comme elle veut peu , une petite place au soleil de la
publicité, nous l'accordons toujours à cette artiste d'un caractère aussi
entêté et aussi brave à elle seule que ses compatriotes les Bretons du
combat des trente. Puisse le succès de son opéra du Mariage de hasard
lui en faire contracter un de convenance, de sympathie et d'amour !
— Finissons-en avec la noblesse, non pas comme dans la fameuse
séance du 4 août 1789, mais pour lui payer le tribut d'éloge et de ga-
lanterie qu'on doit aux dames titrées joignant à leur qualité celle d'ar-
tiste de talent. Mme la comtesse Taccani-Tasca nous a prouvé qu'elle est
de cette catégorie au concert qu'elle a donné dans la salle Herz , le
30 mars; elle a dit toutes sortes de cavatines et de variations brillantes
et difficiles qui lui ont valu force brava et bravi.
— M. Gouffé, dont plus haut nous avons dit quelques mots, a aussi
donné son concert dans la salle de l'Association des artistes musiciens.
Entouré d'excellents artistes, ses pairs, il a joué les variations de Co-
relli sur les Folies d'Espagne pour violoncelle et contrebasse avec
M. Lebouc. Ce grave dialogue a paru piquant de rétrospectivité et de
nouveauté. Le bénéficiaire a dit encore, comme soliste, une sonatine
de M. Adolphe Blanc, pièce aussi bien faite pour l'instrument que bien
exécutée. Ces deux morceaux, accompagnés de beaucoup d'autres dé-
licieusement dits par MM. Dorus, Verroust, Mlles Crémont et de Malle-
ville, ont fait de cette séance un des plus intéressants concerts de la
saison qui touche à sa fin, enfin!
— Le sixième et dernier concert de la Société Sainte-Cécile a eu lieu
dimanche dernier, ainsi que la sixième et dernière séance de musique
de chambre donnée par MM. Alardet Franchomme dans la salle Pleyel.
Ces deux sociétés, diverses dans leurs exhibitions musicales, ont rendu
de véritables services à l'art sérieux. On a remarqué comme musique
moderne, dans le concert de la Société Sainte-Cécile, un beau chœur
sur le Jugement dernier de Gilbert, par M. Wekerlin ; et, dans la ma-
tinée d'Alard, un nouveau quintette de M. Onslow, et surtout la déli-
cieuse cansonnetta pour instruments à cordes par Mendelssohn.
— L'impressionnable et impressionnant violoniste Herman à donné
son concert chez Pleyel, le 2 de ce mois, et l'on a, comme toujours,
applaudi la prestesse de son archet, la finesse et le brio de son trille, la
sensibilité exhubérante et quelque peu affectée de sa mélodie, qu'on
aime pourtant, car elle part d'une organisation exquise. Au nombre des
solistesqui l'ont secondé, nous avons remarqué Mme Reitter de Courcelles,
Mlle Lefebvre, de l'Opéra-Comique, MM. Audran, du même théâtre,
Lamazou, Malezieux, Fumagalli et Richard Mudler, dont on ajustement
applaudi les compositions qui sont remarquées et obtiennent beaucoup
de succès dans les salons, surtout la Cascade, le Tambour de basque,
et un beau duo pour deux pianos sur des motifs italiens.
— M. Van Gelder est un fort bon violoncelliste , qui a donné un
concert dans la salle Sax, il y a quelques jours de cela , ce qui n'a pas
empêché M. Alexandre Batta , non moins excellent violoncelliste, de
gratifier le public musical de Paris, qui ne l'avait pas entendu depuis
longtemps, depuis trop longtemps, de donner aussi son concert dans la
salle Herz vendredi dernier. M. Van Gelder a fort bien chanté sur son
instrument les plus belles mélodies des Huguenots , qu'il a arrangées
en fantaisie plus ou moins grande; puis des Souvenirs de Bellini, et
puis il a fait entendre et résonner Y Echo des montagnes, autre grande
fantaisie pour le violoncelle, composée par le bénéficiaire et M. Georges
Hainl. De son côté, M. Alexandre Batta, s'inspirant des mélodies puis-
santes, saintes et filiales, et d'amour, du Guillaume Tell de Rossini, en
a fait un trio pour trois violoncelles, qu'il a délicieusement chanté en
collaboration de MM. Offenbach et Lee ; puis il a continué de chanter
seul et de ce son émouvant qu'on lui connaît, des airs russes et les
mélodies mélangées de la Norma et de la Favorite, par lesquelles il a
provoqué d'unanimes applaudissements.
[)E PARIS.
107
— Revenant, sinon aux virtuoses aristocratiques, du moins aux nobles
auditoires, nous dirons, pour en finir, que Mme Lucci Sievers, compo-
siteur et cantatrice, avait convié, dans la salle Pleyel, le 1" avril, un
public de ce genre, qui s'y est rendu avec empressement. La noblesse
du Nord y coudoyait la noblesse de France pour y entendre Mme Lu-
cci Sievers. Mme Sievers est, de corps seulement, une frêle virtuose,
qui chante avec peu de voix, mais avec autant d'esprit que de goût,
de fort jolies mélodies de sa composition. De plus, une main sur l'har-
monium et l'autre sur le piano , elle nous a fait entendre une fantaisie
en duo sur il Barbiere di Siviglia, composée et arrangée aussi par
elle, et qui a fait généralement plaisir : aussi a-t-elle été applaudie
comme par un public plébéien. Au reste, ce suffrage est comme l'i.
vresse du peuple que Figaro désire voir prendre au comte Almaviva :
c'est le meilleur.
Henri BLANCHARD.
PHILOSOPHIE DE LA MUSIQUE.
(Suite) (1).
M. Fétis poursuit en ces termes l'exposé du système de la philoso-
phie de l'art :
« Messieurs ,
» Je viens de dire que c'est par un arrangement régulier de la durée
des sons que la mélodie et l'harmonie ont une signification déterminée :
ceci doit s'entendre et de la durée relative des sons et de leur durée
absolue. La durée relative est la comparaison de deux sons dont l'un
a une durée double, triple, quadruple, etc. ,"de l'autre, ou n'en a que la
moitié, le tiers, le quart , etc. Or, le temps musical est limité comme
tout ce qui affecte la sensibilité. Supposons donc que l'unité limitée de
temps soit égale à une minute : cette unité pourra être divisée en frac-
tions plus ou moins petites représentées par des durées de sons, et la
somme de celles-ci égalera l'unité. Si la somme des fractions était plus
petite ou plus grande que l'unité d'une durée quelconque, le rapport
serait faux, et le sentiment de la mesure du temps, qui est de l'essence
de l'âme, serait blessée.
» Mais, si le retour de l'égalité d'unité n'avait lieu qu'à l'expiration
de la durée d'une minute, le rapport serait difficilement apprécié par
l'intelligence, et l'impression de la musique dans l'âme serait très-
vague : de là donc la nécessité du retour plus fréquent du point de
comparaison entre les diverses fractions de durées, pour en former des
divisions régulières de la grande unité. On a donné le nom de mesures
à ces divisions régulières du temps musical, et les divisions de celles-ci
ont été appelées temps de la mesure. L'égalité des mesures et la régu-
larité de leurs temps sont donc une condition de toute musique , con-
dition inséparable des successions mélodiques et harmoniques.
» L'impression de la musique est plus profonde et les rapports des
durées des sons deviennent plus facilement saisissables quand les diffé-
rences des durées composent des successions symétriques auxquelles
on a donné le nom de rlujthmes. Les durées relativement longues ou
brèves, disposées dans un ordre régulier et continu, ont, indépendam-
ment du charme qui résulte pour l'intelligence de leurs rapports symé-
triques, un effet irrésistible sur le système nerveux. Tels sont les rhy-
thmes continus et réguliers de temps égaux ou inégaux, par exemple,
une longue suivie de deux brèves, ou deux brèves suivies d'une longue,
ou une longue et. une brève se succédant alternativement, etc. La puis-
sance du rhythme sur l'organisation physique se fait remarquer parti-
ticulièrement dans la danse. On sait aussi l'effet entraînant du rhythme
égal , appelé pas de charge, sur le soldat qui marche à l'ennemi.
» Le temps n'entre pas seulement dans la musique à l'état de durée
relative : il y est aussi comme durée absolue déterminée par le mou-
vement de la succession des sons, lequel peut être vif, lent ou modéré.
Du mouvement dépend absolument le caradère de la musique. Telle
est son influence à cet égard, que la même mélodie peut paraître tour
(1) Voir le numéro 12.
à tour tendre, mélancolique, gaie, bouffonne même, en raison de la
lenteur ou de la rapidité du mouvement. Dans la conception de la mu-
sique, le mouvement est donc un des éléments de la pensée de l'artiste :
il est inséparable de la création de l'idée mélodie. C'est par lui que le
rhythme prend un caractère déterminé et qu'il exerce son empire;
enfin, le mouvement rhythmique est à la musique ce que la couleur
est à la peinture.
» Messieurs, les attributs des sons ne sont pas tous dans l'intona-
tion et dans la durée : à ceux-là se joignent encore le timbre et l'ac-
cent. Le timbre est la qualité spécifique des voix et des instruments
qui détermine leur caractère et agit particulièrement sur la sensibilité.
C'est ainsi que les sons de la trompette ont de l'éclat ; ceux du cor, de
la rondeur; ceux de la flûte, de la douceur et du moelleux, et ceux des
instruments à anches, du mordant. Les modes d'émission des sons in-
troduisent aussi des variétés de timbre dans un même appareil sonore :
par exemple, les sons de poitrine, de la voix mixte et du fausset, con-
stituent autant de timbres différents dans le même organe vocal, et,
par les impressions différentes qu'ils produisent, remplissent des fonc-
tions spéciales dans l'expression de la musique. C'est ainsi encore que
la même corde sonore, mise en vibration par la percussion, par le
frottement, ou par le pincé, fait naître, par la différence des timbres,
des impressions très-diverses. Recueillis par la mémoire imagi native
du musicien, ces faits acoustiques deviennent autant d'agents expressifs
de sa création idéale.
» Ai-je besoin de définir l'accent? Vous savez, Messieurs, qu'il est
dans la musique et dans le langage, ce qu'est le geste dans la panto-
mime, c'est-à-dire la manifestation immédiate et sensible des senti-
ments et des émotions passionnées. L'accent, vous le savez aussi,
consiste dans l'élévation ou dans l'abaissement de l'intonation de la
voix. Indéterminées dans le langage parlé, ces modifications de l'organe
se mesurent avec exactitude dans la musique. Je dirai tout à l'heure
comment la découverte inattendue d'une relation harmonique a réalisé
tout à coup, à l'égard du rôle de l'accent musical, les prévisions idéales
de quelques artistes de génie, et comment elle a opéré une des plus
remarquables transformations que nous fasse connaître l'histoire
de l'art.
» 11 est enfin dans la musique un autre genre d'accent qui consiste
dans les modifications de l'intensité des sons, c'est-à-dire dans le pas-
sage du fort au faible et du faible au fort, soit immédiat, soit progres-
sif. Cet accent, dont l'action est puissante sur la sensibilité, se com-
bine souvent avec celui qui naît des modifications de l'intonation.
» Voilà donc tous les éléments par lesquels l'artiste peut réaliser le
beau dans la musique, à savoir : la diversité des intonations des sons,
la diversité de leur durée, leur timbre, leur intensité, et l'accent, qui
en est pour ainsi dire la vie. Deux de ces éléments, c'est-à-dire l'in-
tonation et la durée sont à la fois dans le domaine de la sensibilité et
dans celui de l'intelligence. Les trois autres (le timbre, l'intensité et
l'accent) constituent plus particulièrement des éléments sensibles, par
cela seul qu'ils sont simples et n'impliquent pas la conception de rap-
ports. L'habileté de l'artiste consiste à combiner ces éléments pour en
former une composition complète par laquelle la succession mélodi-
que des sons, leur agrégation harmonique et leur cadence rhythmique
éveillent dans lintelligence l'idée d'un ton parfaitement proportionné,
et affecte la sensibilité à l'aide du choix des timbres, de l'accent et des
modifications de l'intensité.
» Mais toute la musique est-elle renfermée dans cet harmonieux ac-
cord de ses éléments sensibles et intellectuels? Suffit-il de cet accord
pour faire vibrer dans notre âme cette voix secrète qui nous oblige à
dire : Cela est beau? Non, Messieurs. Le plus parfait arrangement des
éléments dont je viens de faire rénumération n'est à la musique que
ce que la pureté du. langage et le mécanisme de la versification sont à
la poésie. Qui de vous n'a pas entendu ce que, dans les écoles, on ap-
pelle de la musique bien faite ? Si vous en avez souvenance, vous sa-
vez que rien n'y répugnait à la relation logique des sons ; ils s'y suc-
108
REVUE LT GAZETTE MUSICALE
cédaient sous des formes périodiques et régulières qui n'étaient pas dé-
pourvues d'une|certaine mélodie; l'haimonie en était correcte, et l'on
y remarquait de l'habileté dans l'agencement des voix et des instru-
ments. Cependant, à l'audition de cette œuvre, le cœur n'était point
ému ; l'attention était distraite. Qu'y manquait-il donc? C'est dans cette
question qu'est toute la difficulté de la théorie esthétique de la musi-
que. Quelques mots encore, et peut-être parviendrai-je à la résoudre.
» Je viens de[dire que l'harmonieux accord des éléments de la mu-
sique est à cet art ce que la pureté du langage et le mécanisme de la
versification sont à la poésie, ce qui semble établir l'analogie de ces
deux arts ; mais la poésie, qu'elle soit religieuse, allégorique , histori-
que, descriptive ou même fantastique, a toujours pour sujet des no-
tions universelles ou des sentiments déterminés, des faits ou des fic-
tions; car, s'il en était autrement, elle serait absolument inintelligible.
La musique n'a rien de tout cela. Elle ne prend pas son snjet dans le
monde extérieur ; les faits n'existent pas pour elle ; le réel n'est pas
son domaine ; ce qui appartient à la connaissance lui est étranger, et
dans les idées déterminées, elle ne prend que l'abstraction. L'imagina-
tion, s'emparant de celle-ci, ainsi que des sentiments et des passions,
les transforme en images harmoniques. La grandeur, la force, la grâce,
la naïveté, la gaîté, la mélancolie, l'amour et ses extases, la jalousie et
ses agitations, sont les sujets qu'exprime la musique. C'est là qu'elle
triomphe et que sa puissance surpasse celle des autres arts. Vous le
voyez donc, Messieurs, c'est dans l'âme, c'est-à-dire dans ce principe
vital qui sent, qui pense et qui veut, que le musicien place son théâtre.
C'est l'homme qu'il prend pour sujet de son œuvre, mais l'homme en
tant qu'intelligence et sentiment. C'est en cela que la musique diffère
des arts plastiques et même de la poésie, et c'est pour cela que cet
art est le seul qu'on puisse qualifier de transcendental.
» Mais, dira-t-on, comment le musicien peut-il exprimer tout ce que
vous venez d'énumérer avec des sons qui n'ont qu'une signification to-
nale et chronométrique ? Messieurs, ceci est le secret du génie : il me
suffit de votre propre témoignage pour constater le succès de son en-
treprise. Combien de fois ne vous est-il pas arrivé de vous écrier à
l'audition d'une symphonie de Beethoven ou de Mozart, dont le pro-
gramme n'était pas écrit : Que cela est beau ! que cela est grand !
quelle force, ou quelle grâce dans cette musique ! Que signifiaient ces
exclamations, si ce n'était que des idées de beauté, de grandeur, de
force et de grâce se sont éveillées en vous à l'audition de cette musi-
que, et conséquemment qu'il y avait accord entre les facultés créatri-
ces de l'artiste et celles qui présidaient aux impressions que vous rece-
viez de son œuvre? Sans doute cet accord n'existe pas toujours, car
s'il est parmi les compositeurs des imaginations qui se complaisent
dans le développement d'une pensée unique, d'autres, au contraire,
plus riches d'invention, mais moins réglées par le goût et par l'expé-
rience, prodiguent les idées dans leurs ouvrages, et les laissent plus ou
moins à l'état d'ébauche par l'absence de développement et de retour
périodique. S'il est des imaginations qui brillent par l'expression de la
force, il en est d'autres dont les tendances sont toutes gracieuses.
Certaines imaginations puissantes conçoivent l'art au point de vue ab-
solument idéal et ne se complaisent que dans les compositions instru-
mentales ou religieuses, tandis que d'autres ont besoin d'un programme
dramatique pour s'exalter et n'ont de penchant que pour l'opéra. Je ne
finirais pas si je voulais indiquer toutes les variétés d'organisation ima-
ginative dont les résultats se font apercevoir dans les œuvres des mu-
siciens. Or, les mêmes variétés existent chez les exécutants et dans
l'auditoire. De là le désaccord dans les impressions produites, et l'anta-
gonisme des jugements portés sur les productions du génie des artistes.
Les qualités de ces productions ne sont appréciées à leur véritable
point de vue que lorsqu'il y a accord parfait entre le caractère de l'i-
magination créatrice du compositeur et l'imagination réflective de l'in-
dividu qui reçoit les impressions. Il est nécessaire aussi que l'exercice
ait perfectionné l'organisation pour que le beau soit senti, surtout si
l'œuvre du musicien appartient à l'idéal pur et transcendental. C'est
pour cela que beaucoup d'individualités sont plus sensibles aux
impressions de la musique de théâtre qu'à celles de la musique in-
strumentale, car le sujet de l'œuvre étant connu, l'attention se porte
immédiatement sur l'expression trouvée par le compositeur pour le
mouvement passionné indiqué par le poëte, en sorte que l'auditeur n'a
qu'à juger de la propriété de l'expression, de la même manière que,
dans la peinture, on juge de la ressemblance d'un portrait. De même
que l'imagination du compositeur est limitée par les nécessités du
drame, l'attention de l'auditoire est fixée sur un seul point, à savoir, le
rapport de l'œuvre de l'artiste avec l'objet connu. 11 n'en est pas de
même à l'égard de la musique instrumentale, où l'arliste entre dans le
domaine sans bornes de l'idéal, et qui requiert de lapart de l'auditeur
une puissance plus élevée d'imagination réflective.
» Arrivé au point où j'en suis, il est temps, Messieurs, que je donne
plus d'évidence aux théories générales exposées précédemment, par des
applications sur des œuvres musicales choisies dans les genres divers
et principaux. J'espère vous démontrer par ces analyses que l'art dont
il s'agit n'est jamais plus beau ni plus puissant que quand son principe
est l'idéal pur.
» Pour procéder avec ordre , je choisirai d'abord les productions
d'une époque où l'accent de l'expression passionnée n'avait point en-
core pénétré dans la musique par l'harmonie , et conséquemment où
cet art avait pour objet les idées bien plus que les sentiments : cette
époque est le xvic siècle. J'ai eu l'honneur de vous dire , il y a deux
ans, comment l'art grec ayant péri clans les dévastations de la barbarie,
un art nouveau s'est formé dans le moyen-âge par la découverte, d'abord
grossière, de l'harmonie simultanée des sons; comment une longue
suite de siècles s'est écoulée dans de lents progrès , et comment les
formes harmoniques se sont perfectionnées dans les xive et xve.- Jusque
vers 1550, ces formes fixèrentseules l'attention des musiciens et furent
''unique objet de leurs études. Mais à l'époque dont je parle, un homme
de génie, Palestrina, parut enfin, et comprit que l'objet des travaux de
l'artiste est plus élevé qu'une simple jouissance sensuelle, occasionnée
par des combinaisons ingénieuses de sons. Ce n'est pas à dire que Pa-
lestrina ail rompu tout à coup avec les formes dont je viens de parler,
car on subit toujours plus ou moins l'influence de son temps. Loin d'a-
bandonner l'art des combinaisons harmoniques appelées imitations,
canons et fugues, il poussa plus loin qu'aucun autre la perfection de
leurs formes, leur donna un tour plus élégant, et, plus qu'aucun musi-
cien des temps précédents et postérieurs, sut faire chanter cinq, six et
sept parties, dans l'espace quelquefois circonscrit de deux octaves.
Avant lui, non-seulement la création mélodique était négligée, mais on
y attachait si peu de prix, que le thème d'une messe entière était ou un
chant de l'église, développé, travaillé ou accablé sous une infinité de
recherches de formes et de combinaisons harmoniques, ou même une
chanson populaire dont une des voix chantait les paroles obscènes en
langue vulgaire, pendant que les autres faisaient entendre les textes
sacrés dans un contrepoint plus ou moins ingénieusement combiné. Ces
monstruosités avaient révolté le sentiment religieux des princes de
l'Eglise : les papes et les conciles les avaient flétries dans des bulles et
arrêts, et les choses étaient arrivées à ce point, que le pape Marcel
allait bannir à jamais la musique du service divin, lorsque Palestrina le
supplia de suspendre sa foudre jusqu'à ce qu'il lui eût fait entendre le
premier essai d'une musique véritablement religieuse , dans une messe
qu'il venait de composer. Cette production , dont la pensée seule fut
une des plus belles conceptions du génie, pour l'époque où elle se pro-
duisit, eut tout le succès qu'en avait espéré son auteur ; car la musique
ne fut point bannie de l'église : elle s'éleva, au contraire, dans les œu-
vres de Palestrina, jusqu'à la réalisation la plus sublime de son objet.
» Le sentiment qui porte l'homme à glorifier Dieu par ses chants n'a
rien de terrestre et doit être conséquemment dépouillé de toute pas-
sion. La grandeur infinie de l'Être éternel, souverain créateur de l'uni-
vers, peut bien porter notre foi jusqu'à l'enthousiasme ; mais cet en-
thousiasme est très-différent de celui que nous éprouvons quelquefois
DK PAHIS.
îoy
pour les choses d'ici-bas. Les sentiments d'amour et de reconnaissance
qui naissent dans notre âme au souvenir du sacrifice de la rédemption,
ne sont pas semblables à ceux qui nous animent pour les créatures hu-
maines; cetimmensesacrificene doit passe présenter à notreesprit comme
le sujet fatal d'un drame qui ne peut avoir pour dénouement qu'une
catastrophe : le fruit du sacrifice , c'est le salut du monde! C'est donc
une idée mesquine et vulgaire de rapporter les souffrances du Christ à
celles des créatures et d'obliger l'art à les exprimer par des accents
passionnés. La calme et l'élévation, voilà ce qui convient à la prière,
lorsqu'elle s'adresse à celui dont la grandeur est incommensurable.
Palestrina Ht— il ces réflexions avant de produire les œuvres qui l'ont
illustré? Cela est douteux; mais ce qu'il ne se dit pas, il le sentit et
l'exprima. Rien en effet de plus élevé, de plus calme, de plus dévot,
n'a jamais été conçu depuis l'institution du culte catholique. La suavité
de ces chants ; les repos alternatifs des voix ; leurs rentrées inatten-
dues, mais pleines de douceur ; le grand caractère puisé dans une
tonalité dépouillée d'accents passionnés : tout se réunit dans ces œu-
vres pour en faire l'expression la plus idéale et la plus parfaite des
sentiments religieux inspirés par l'Évangile. Le motet de Palestrina que
je vais vous faire entendre, Messieurs, justifiera, j'espère, les éloges
que j'accorde aux productions de cet artiste, l'un des plus grands
que mentionne l'histoire de l'art. »
Ici M. Fétis s'est en effet interrompu pour diriger l'exécution d'un
fragment de motet composé par le maître célèbre qu'il venait de
glorifier. Cette exécution était confiée à l'élite des élèves de chant du
Conservatoire. Des répétitions multipliées et faites avec soin avaient
réglé d'avance toutes les nuances et les traditions. Préparé de cette
manière, l'effet du morceau fut si saisissant, qu'un véritable enthou-
siasme s'empara de l'assemblée. Nous ne nous souvenons pas d'avoir
jamais éprouvé d'émotion plus profonde à l'audition d'un morceau de
musique, quoique celui-ci fût dépouillé, dans le lieu où il était exécuté,
du prestige de l'église et de la disposition d'âme que font naître les
cérémonies du culte catholique. Quelles que fussent les impressions
produites dans le reste de la séance par d'admirables inspirations de la
mélodie moderne, tout l'auditoire électrisé déclara que rien n'avait
égalé l'effet du motet de Palestrina.
(La fin au prochain numéro.)
SVJRMIEXSEJE A BRUXELLES.
Bruxelles, 29 mars 1852.
A Monsieur le Rédacteur de la Gazette musicale.
Monsieur,
Je vous écris encore sous le charme d'une des impressions les plus
vives que j'aie dues à la musique, à. cet art que j'aime par dessus toute
chose, et dont la propagation est le but de votre Gazette. Je ne sais si vous
recevrez par une autre voie des détails sur l'événement dont je viens vous
entretenir. Si quelque plume plus compétente et plus exercée que la
mienne vous avait mieux renseigné que je ne puis le faire, supprimez tout
bonnement cette lettre. Dans le cas contraire, accueillez-la non pour
donner satisfaction à l'amour-propre d'un correspondant qui couvrira son
inexpérience littéraire du voile d'un prudent anonyme, mais pour rendre
un nouvel et juste hommage au génie d'un grand maître.
Je viens de prononcer le mot d'événement. Parmi vos lecteurs il en est
qui souriront quand ils sauront qu'il s'agit de l'exécution d'une œuvre
musicale. Tout peut être événement ; cela dépend de l'importance qu'on
attache à telle ou telle circonstance ; cela dépend aussi de la direction de
certains penchants et de certains goûts naturels. Pour ma part, je ne
m'occupe que de musique et ne vois d'événements que dans la musique.
Je laisse passer presque sans y prendre garde les révolutions politiques ;
mais quant aux révolutions musicales, c'est une autre affaire. La conver-
sion de la rente, qui est un événement pour les gens de finance, ne me
cause aucune émotion, tandis que l'apparition d'un nouvel opéra, dont la
Bourse ne s'impressionne guère, est un événement pour moi.
Vous est-il arrivé, Monsieur, en voyant la gravure au trait d'un tableau
de quelque grand peintre des écoles coloristes, de Titien, de Tintoret, de
Rubens, de Murillo, par exemple, vous est-il arrivé d'éprouver un regret
amer d'en être réduit à la sensation incomplète que peut donner une telle
reproduction, et d'être sur le point de vous mettre subitement en route
pour Venise, Anvers ou Séville, afin de parfaire cette sensation en admi-
rant ce que les splendeurs d'une riche palette peuvent ajouter à la science
du dessin et au goût de la composition? C'est ce que me faisait éprouver
depuis longtemps le Sirwnsée de M. Meyerbeer. La partition de piano m'a-
vait initié au plan de ces beaux fragments ; j'en connaissais le dessin, l'or-
donnance générale: c'était un commencement d'initiation; mais les dé-
tails de l'orchestre, les riches combinaisons harmoniques et instrumen-
tales qui élèvent si haut les productions du maître, ce qui constitue enfin
'e coloris musical, tout cela m'échappait. J'appris qu'on devait exécuter
au Conservatoire de Bruxelles l'ouverture et les entr'actes de Struensée.
Pouvais-je balancer à faire le voyage de Bruxelles pour les entendre? Je
pris donc place, samedi soir, dans le train du chemin de fer du Nord, qui
devait me déposer le lendemain dans la capitale de la Belgique. J'étais
plein de joie , plein d'émotions futures, s'il m'est permis de m'exprimer
ainsi.
Je vous fais grâce du récit d'un voyage sans incidents, et je vous con-
duis immédiatement au concert. La séance est ouverte par la symphonie
en soi mineur de Mozart. Vous n'attendez pas une nouvelle appréciation de
ce chef-d'œuvre si souvent analysé. Tout ce que je puis vous dire, c'est
que, si pressé que je fusse d'entendre les fragments de Struensée, je fus
pénétré d'une vive et profonde admiration. Faut-il vous l'avouer? je
n'arrivais pas en Belgique sans quelques préjugés parisiens. Je m'étais
accoutumé à l'idée qu'à la Société des Concerts appartenait le privilège
exclusif d'une exécution parfaite des grandes compositions instrumen-
tales. Ce que j'entendis au Conservatoire de Bruxelles fut de nature à.
dissiper cette illusion. Un magnifique orchestre formé de près de cent
virtuoses et admirablement conduit par AI. Fétis, rendit l'œuvre de Mo-
zart avec un sentiment exquis de ses nuances les plus délicates.
Après la symphonie en sol mineur, voici venir un chant espagnol à six
voix de femmes qui fut exécuté, si je ne me trompe, aux concerts histori-
ques de M. Fétis ; puis, un solo de flûte joué par un certain M. Reichert de
manière à réconcilier avec l'instrument ses ennemis les plus acharnés.
La première partie est terminée. Nous allons passer à la seconde, qui sera
remplie tout entière par les fragments de Struensée.
Le Conservatoire de Bruxelles ne fait pas les choses à demi. Afin que le
public eût une complète intelligence des intentions du compositeur, on
avait distribué à profusion un programme où se trouvait d'abord une
courte analyse du drame de Struensée, et où était exposée la situation ex-
primée parla musique de chaque entr'acte. L'idée était excellente, selon
moi. Au moyen de ce programme , chaque auditeur pouvait voir clair
dans ses impressions. Il ne tenait qu'à lui de se figurer qu'il assistait à la
représentation du drame.
Mais tandis que je parcours l'exposé de l'action, les premières mesures
de l'ouverture ont retenti. Soyons attentifs. Quel début sombre et mysté-
rieux, quel grand caractère, quelle énergie ! On a souvent abusé, — de quoi
n'abuse-t-on pas? — on a souvent abusé, dis-je, d'une expression pitto-
resque en disant de certaines compositions qui semblaient contenir le
développement complet d'une idée : « C'est tout un drame. » Jamais cette
expression n'a pu être plus justement appliquée qu'à l'ouverture de
Struensée. Oui, c'est tout un drame, c'est toute l'émouvante histoire que
le poëte tragique, s'appuyant sur les traditions authentiques, a mise sous
les yeux du spectateur. Il faut le dire, Monsieur, car jamais il n'y eu une
vérité plus vraie, Meyerbeer est, en musique, le plus puissant des colo-
ristes. Vous croyez deviner l'ouverture de Struensée parce que vous con-
naissez Robert-le- Diable, les Huguenots et le Prophète? Détrompez-vous.
Chacun de ces opéras vous avait-il donc fait pressentir le suivant? Le
maître n'a-t-il pas pris un style différent pour peindre des situations
différentes? Dans Struensée, il a encore changé de manière. On se sent
aux prises avec une nature en quelque façon primitive, avec le caractère
rude, et souffrez que je dise même un peu sauvage, d'un peuple du Nord.
Des transports d'enthousiasme, auxquels je fus heureux de m'associer,
accueillirent cette création marquée du sceau du génie.
Voici le programme du second entr'acte intitulé : la Révolte des gardes
à pied. Musique qui exprime l'agitation. — Appel par les tambours. —
Chœur de soldats qui parcourent la ville en chantant l'air populaire da-
nois : Le roi Christian est au grand mût, dans la fumée de la poudre. — Le
chœur s'éloigne. — Marche militaire sur le chant du chœur. — Retour du
chœur. — Il s'éloigne de nouveau. — Expression de sentiments doulou-
reux. — On entend des fragments du chant populaire clans le lointain. —
Le bruit cesse par degré. — En effet, la musique exprime tout cela avec
une vérité parfaite ; c'est un tableau complet où le dessin grandiose de
Michel-Ange s'est uni à la puissante couleur de Rubens. Les détails sont
admirables par leurs ingénieux agencements, admirables surtout par la
manière dont ils concourent à l'unité de l'œuvre. Il n'y pas une mesure
qu'on puisse retrancher sans briser cette unité.
Le sujet du second entr'acte : te bal et l'arrestation, est indiqué comme
il suit dans le programme distribué aux assistants : — « Polonaises grand
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REVUE ET GAZETTE MUSICALE
orchestre. — Agitation de la cour. — Expression de la douleur de la
reine quand Struensée est arrêté. — Reprise de la polonaise. » Je doute
que la faculté d'expression de la musique se soit jamais manifestée avec
plus de force que dans ce fragment. La polonaise est un chef-d'œuvre de
noblesse, de grâce et d'élégance. Elle contraste merveilleusement avec les
agitations de la cour, comme il est dit dans le programme, ainsi qu'avec
la mélodie où se peint la douleur de la reine. Le critique le plus endurci
ne trouverait point à mordre à un pareil ouvrage. Il serait réduit à tout
admirer. C'est ce que j'ai fait, moi qui ne suis pas critique, c'est ce qu'a
fait une assemblée de près de deux mille personnes, dont les acclama-
tions ont salué cette grande et belle chose.
Quelque exagérée que puisse vous paraître mon opinion, je vous dé-
clare que, suivant moi, Struensée est la production la plus parfaite de
Meyerbeer, celle dans laquelle ses inspirations se sont élevées à la plus
grande hauteur. Les idées mélodiques y abondent, et la forme y offre un
intérêt qui ne faiblit pas un seul instant, Rien déplus compliqué, rien de
plus simple en même temps. L'attention de l'auditeur n'éprouve nulle fa-
tigue à suivre dans ses mille détours une pensée où la lucidité s'allie à la
profondeur.
u.i assurait, autour de moi, que les fragments de Struensée ont été de
la part de M. Fétis et de l'orchestre qu'il dirige, l'objet de longues et
minutieuses études. Je le crois sans peine, car l'exécution a été admira-
ble d'un bout à l'autre ; admirable, ne retranchez rien du sens absolu de
cet adjectif. Force, puissance, chaleur, délicatesse extrême dans les nuan-
ces, oppositions intelligentes, gradations bien ménagées, voilà ce qu'a
présenté l'orchestre du Conservatoire dans le rendu de Struensée.
Par une disposition des plus ingénieuses, et que je crois devoir signaler
pour qu'on puisse l'employer au besoin ailleurs, le chœur avait été placé
dans une pièce voisine de l'orchestre et qui sert habituellement de foyer
aux symphonistes. En se tenant plus ou moins près de la porte dont ils
se sont, en dernier lieu, éloignés graduellement, les chanteurs invisibles
ont produit des effets qu'on ne pourrait pas rendre par la seule atténua-
tion des vibrations vocales.
Un grand honneur revient au Conservatoire de Bruxelles pour avoir
offert au public de cette capitale l'ensemble de cette belle composition de
Struensée, rendue de manière à en faire apprécier toutes les beautés. Plus
l'entreprise était difficile, plus il y a de mérite à y avoir réussi de cette
façon. Or, je ne crois pas qu'il existe d'oeuvre musicale dont l'interpréta-
tion exacte, dont l'interprétation selon la lettre et selon l'esprit, exige
plus de talent, de soins et d'intelligence, tant de la part du chef d'or-
chestre que de celle des exécutants.
Je ne vous cache pas que j'étais assez humilié de devoir convenir que
nous nous étions laissés devancer, nous autres Parisiens, dans la mise en
lumière de ce chef-d'œuvre, car il faut appeler les choses par leur nom.
Les fragments de Struensée exécutés soit dans un concert, comme au
Conservatoire de Bruxelles, soit au théâtre, étant adaptés à un drame,
feraient une fortune prodigieuse, je vous le certifie. Je ne comprends pas
qu'on n'y ait point encore songé.
Telles sont, Monsieur, mes impressions de voyage dans l'excursion mu-
sicale que je viens de faire à Bruxelles. Je vous les transmets à tout hasard,
en vous autorisant soit à leur donner accès, si vous le trouvez bon, dans
la Gazette musicale, soit en les supprimant, si tel est votre plaisir.
Agréez, Monsieur, etc.
UM AMATEUR.
Bruxelles, 23 mars.
Notre opéra languit , il se traîne, il se meurt , il est mort. Bruxelles est
je tombeau des premières chanteuses. Je vous ai entretenu précédemment
de toutes les vicissitudes qui ont atteint , depuis le commencement de
l'année théâtrale, le premier emploi féminin du genre lyrique noble.
Dernièrement encore, Mme Duflot-Maillart tombe malade après avoir
chanté deux fois ; Mlle Julienne lui succède, donne également deux repré-
sentations, et se trouve atteinte d'une grave indisposition qui ne lui per-
met pas de continuer; enfin, voici venir Mme Lebrun, qui devait débuter
par Fidès, du Prophète, lundi, puis mardi, et dont l'apparition se trouve
ajournée indéfiniment pour cause d'indisposition. La place est mauvaise,
décidément ; les prime donne quelque peu superstitieuses hésiteront
désormais à venir affronter les dangers d'une véritable épidémie vocale.
En attendant, pas de grand opéra; rien que de l'opéra comique ; la reprise
des Monténégrins pour toute nouveauté, en attendantla Catilda, du grand-
duc de Saxe-Cobourg.
Si vous avez vos matinées et vos soirées musicales, nous avons nos
concerts. A chacun ses petites misères, ses petites douleurs. Le nombre
de ces réunions dites artistiques aura été cette année plus considérable
que jamais à Bruxelles. Il n'est si mince virtuose de la localité, pratiquant
la musique sous quelque forme que ce soit, qui n'ait convié le public au
plaisir de l'entendre. Je ne suis pas bien sûr qu'il n'y ait pas eu des con-
certs d'ophicléide et de grosse caisse. Il nous est venu , en outre, du de-
hors, des célébrités chantantes et instrumentantes plus ou moins connues.
Encore s'il en était des concerts comme des jours; si l'on pouvait dire
qu'ils se suivent et ne se ressemblent pas ! Mais , hélas ! vous savez ce
qu'il en est. Rien ne ressemble plus à un concert qu'un autre concert, â
Bruxelles comme à Paris. Ce sont , à peu de chose près, les mêmes élé-
ments pour tous et pour' toute la saison. Ce sont les mêmes fantaisies, les
mêmes caprices qui n'ont rien de capricieux , puisqu'ils se reproduisent
avec une monotonie désolante ; les mêmes romances, etc. Il y a un pro-
gramme-type pour les concerts de l'année : on n'y change que le nom du
bénéficiaire.
Il est cependant deux séances qui ont fait sortir un moment nos dilet-
tantes de l'ornière de la routine, et dont il faut que je vous parle : l'une
consacrée à la guitare, l'autre à la harpe.
Bientôt la guitare appartiendra à l'histoire ; ce sera une chose d'autre-
fois, une curiosité archéologique. Peut-être y a-t-il encore quelques
provinces d'Espagne où elle se trouve à l'état de fait actuel; mais,
la civilisation aidant, elle en disparaîtra un jour comme elle a disparu du
reste du monde. Quand l'Espagne n'aura plus ses routes infestées de
bandits, ses hôtelleries où le voyageur doit apporter lui-même les objets
nécessaires à sa consommation sous peine de mourir de faim; quand
elle aura des chemins de fer et des hôtels où les touristes seront bien trai-
tés, mais écorchés, au figuré s'entend, l'Espagne passera pour être civi-
lisée. La civilisation lui ôtera ses costumes pittoresques pour lui donner
nos affreux vêtements; elle lui enlèvera la guitare en lui prodiguant le
piano, toujours sous prétexte de civilisation. C'en sera fait des sérénades
sous les balcons, car on ne donne guère de sérénades au piano. Adieu
l'Espagne, alors. L'Espagne privée de couvents et de moines a déjà perdu
beaucoup de son caractère, que sera-ce donc quand elle n'aura plus de
gnitare ? Privez-la tout de suite de ses combats de taureaux et qu'il n'en
soit plus question. L'Espagne aura vécu.
Quoi qu'il en soit, M. Zani de Ferranti, dont j'ai à vous entretenir, joue
encore de la guitare. Il ne donne pas de sérénades sous les balcons, mais
il donne des concerts, et vraiment on aurait mauvaise grâce à lui en con-
tester le droit, tant il met d'art à multiplier les ressources de son instru-
ment Tout ce qui a été fait avant lui sur la guitare n'était que jeu d'en-
fant. Les plus grandes difficultés résolues par Carcassi, Sor, Aguado,
Huerta, e tutti quanti gwtarisli, seraient pour lui des chosesd'une extrême
simplicité ! Vous imagineriez difficilement ce qu'il accumule d'impossi-
bilités dans ses morceaux, presque toujours écrits à quatre parties. En
voyant M. Zani de Ferranti déployer tant de talent, on regrette qu'il n'ait
pas appliqué ses facultés à un instrument de nature à les faire mieux
valoir. Avec la moitié de ce qu'il possède d'aptitude naturelle, avec la
moitié des efforts qu'il a dû faire pour acquérir son habileté d'exécutant,
il serait devenu un pianiste célèbre, tandis qu'il n'est et ne sera jamais
connu que d'un nombre limité d'amateurs. Je ne terminerai pas ce qui
concerne M. Zani de Ferranti sans ajouter qu'il n'est pas seulement à la
fois le premier et le dernier des guitaristes, mais qu'il se distingue aussi
par la culture de son esprit. Il s'est occupé de littérature italienne pres-
qu'autant que de musique, et les commentaires du Dante qu'il a publiés
sont fort estimés des érudits.
Puisque je suis en veine d'oraisons funèbres, je passerai de la guitare
à la harpe. Que dirait l'ombre d'Ossian, si Ossian avait jamais été lui-même
autre chose qu'un être imaginaire ; que diraient les bardes gaulois et
gallois; que diraient enfin les douairières du siècle passé, en voyant le
peu de cas que fait de la harpe la génération actuelle? La harpe, dont les
accords vibrants éveillaient les inspirations du poète, et qui, d'une autre
part, mettait en évidence une belle main attachée à un bras moelleuse-
ment arrondi, la harpe n'existe plus guère non plus qu'à l'état de sou-
venir. Non seulement elle est abandonnée en France, ce pays de toutes les
nouveautés, de toutes les inconstances ; mais en Angleterre même, où l'on
est, il faut le reconnaître, bien plus attaché aux vieilles institutions, la
harpe tombe dans l'oubli. Rendons grâce à M. Godefroid de lui rester fidèle.
Cet artiste vient de donner un concert à Bruxelles. La vérité m'oblige à
dire qu'il n'a eu qu'un petit nombre d'auditeurs. Cela devait être : toutes
les actions humaines ont Tégoïsme pour mobile. On va au concert pour y
acquérir quelque instruction applicable à soi. De là vient que les pianistes
et les chanteurs de romances réunissent toujours un nombreux audi-
toire, pour peu qu'ils aient de réputation. Du temps où Ton jouait de la
harpe, les harpistes avaient le même privilège. M. Godefroid n'en a pas
moins admirablement joué à son concert. Il en annonce un second.
Triomphera-t-il cette fois de l'indifférence du public? Je le désire sans
l'espérer.
DK PARIS.
111
On s'occupe beaucoup chez nous de l'éducation populaire. On fait des
cours a l'usage des ouvriers, on publie des traités élémentaires sur toutes
sortes de sciences et d'arts ; enfin le ministre de l'intérieur a pris un ar-
rêté qui prescrit la formation d'un recueil de chansons populaires. C'est
une bonne mesure. Vous n'ignorez pas que la plupart des cahiers de chan-
sons qui se débitent dans la rue et qui composent le répertoire des ateliers,
contiennent, en général, des poésies (pardonnez la profanation de ce
mot) fort peu édifiantes. Le but du ministre belge a été de remplacer ces
couplets libres et pires que cela souvent, par des couplets offrant un sens
moral. La première série deces chansons, pour laquelle il a été ouvert un
concours, vient de paraître. Elle renferme la chanson du Tonnelier, celle du
Forgeron, celle du Tisserand, celle du Laboureur, celle delà Dentellière, etc.
Chaque métier aura ainsi la sienne ou les siennes. Le texte est encadré
dans un cartouche divisé en compartiments où sont représentés des épi-
sodes relatifs au sujet, spirituellement dessinés et gravés sur bois. Tout cela
est fort bien; mais on a oublié une chose, c'est de donner les airs notés
sur lesquels s'ajoutent les paroles. 11 en résulte qu'on ne les chantera pas,
et que l'idée, fort bonne en principe, n'aura pas d'application. Si l'on
objectait la difficulté qu'éprouveraient les ouvriers à déchiffrer ces airs,
je répondrais que chez nous la lecture musicale fait partie de l'enseigne-
ment primaire et que cet obstacle n'existe pas pour la jeunesse instruite
dans les écoles. Quant aux parents qui n'ont pas eu le même avantage,
ils prendront des leçons de leurs enfants. Ce sera conforme aux idées de
notre temps, où l'on prétend tout réformer.
Je ne voudrais pas que l'on s'en tînt, en fait de chansons populaires, à
la publication de ces textes notés et illustrés. Il y aurait encore quelque
chose à faire, suivant moi. Ce serait de créer des virtuoses officiels et as-
sermentés qui auraient pour mission de répandre la connaissance et le
goût des chansons populaires brevetées avec garantie du gouvernement,
en les faisant entendre non seulement dans la rue, mais dans les cabarets
et dans les cafés-concerts, dont le nombre est chaque jour plus considé-
rable. La chanson est la littérature du peuple; ce peut être pour lui un
élément de moralisation ou de démoralisation. Les gouvernements n'y ont
point assez songé. Est-ce une illusion ? je ne sais ; dans tous les cas ce
n'est pas un paradoxe : il me semble que la publication d'un bon recueil
de chansons, dont les paroles seraient à la fois morales et attrayantes, —
beaucoup de gens nieront que cela soit possible, mais ne le croyez pas,
— dont la musique aurait dans le caractère mélodique et dans le rhythme
cette franchise qui entraîne les masses, il me semble qu'un tel recueil
aurait pour effet de diminuer, dans un temps donné, la somme des crimes
et des délits. Cette pensée fera sourir nos hommes d'État. Les anciens, qui
n'étaient pas de moins grands politiques, appréciaient mieux les services
que peut rendre la musique, considérée comme moyen d'action sur les
classes populaires.
La rectification du nom d'un illustre musicien belge vient d'être l'objet
d'un travail moitié sérieux, moitié plaisant, présenté à l'Académie de Bel-
gique. Plaisanter avec une académie, quelle irrévérence! J'ajouterai que
la docte compagnie ne s'en est pas formalisée. Il s'agit de Lassus. Un bi-
bliographe, en compulsant de poudreuses archives de la ville de Mons,
patrie de l'illustre compositeur, avait trouvé mention d'un certain de
Lattre, condamné au bannissement pour un méfait quelconque. Partant de
ce point, et sans autre preuve, il fit de ce de Lattre le père du maestro,
lequel aurait changé son nom en celui de Lassus, à la suite de ce fâcheux
événement. Le roman du bibliographe fut accueilli comme une histoire
véritable, et Roland de Lassus ne fut bientôt plus connu en Belgique que
sous le nom de Roland de Lattre. Il existe plusieurs sociétés de Roland
de Lattre; la ville de Mons allait élever un monument à Roland de Lattre.
Un jeune savant a rassemblé des témoignages qui démentent l'assertion
du biliographe ; il a prouvé clairement que Lassus s'était toujonrs appelé
Lassus, et qu'il n'avait rien de commun avec le coupable dont la ville de
Mons s'était délivrée par l'exil. Il réclame l'intervention de l'Académie
pour empêcher que ce nom malencontreux de de Lattre ne figure sur
le monument élevé à la mémoire du grand artiste. L'Académie, après
avoir examiné les pièces du procès, fera droit, sans doute, à cette re-
quête, et nous évitera le ridicule d'une bévue monumentale.
Le Prince président de la République ne pouvait témoigner plus
hautement son intérêt aux lettres et aux arts, qu'il ne l'a fait par
deux décrets récemment émanés de sa pleine puissance. L'un de ces
décrets affranchit du droit de timbre tous les journaux qui ne s'occu-
pnet que de science, d'art et d'agriculture ; l'autre a pour but de pro-
téger la propriété des ouvrages étrangers eh France. En voici les deux
articles principaux :
« Art. 1". — La contrefaçon , sur le territoire français, d'ouvrages
publiés à l'étranger et mentionnés en l'art. 425 du Code pénal, constitue
un délit.
» Art. 2. — I! en est de même du débit, de l'exportation et de l'expé-
dition des ouvrages contrefaits. L'exportation et l'expédition de ces ou-
vrages sont un délit de la même espèce que l'introduction, sur le terri-
toire français, d'ouvrages qui, après avoir été imprimés en France, ont
été contrefaits chez l'étranger, n
Ce décret consacre un principe de justice, et l'un de ses premiers
effets sera d'assurer la réciprocité de la part de la Bavière, de la
Prusse et de la Saxe, qui n'attendaient que ces garanties.
NOUVELLES.
*„..* Le Juif-Errant sera donné immédiatement après les fêtes de Pâques.
L'administration a décidé que la première représentation de ce
grand ouvrage aurait lieu le lundi, 12 avril, et d'ici là tout le temps sera
consacré aux répétitions générales. Il n'y aura donc pas de spectacle ni
lundi, ni mercredi prochain, et l'apparition du Juif-Errant solennisera
la réouverture du théâtre. Nous devons dire que plus l'événement appro-
che, plus il est attendu avec espérance et confiance par tous ceux qui sa-
vent quelque chose du poème de MM. Scribe et Saint-Georges, qui ont
recueilli quelques échos de la musique de l'illustre maître, Halévy, ou qui
ont pu jeter un coup d'œil sur les magnificences de la mise en scène.
%* Les Huguenots ont été joués lundi au lieu de Robtrl-lt-Diable. Roger,
Mlle Poinsot, Mme Laborde et Obin remplissaient les principaux rôles.
*„* Mercredi, dans la Favorite, nous avons revu Mlle Courtot, qui re-
venait après deux années d'absence. La voix de la jeune artiste a beau-
coup gagné en timbre et en sonorité. D'ailleurs sa méthode est toujours
excellente, et nous croyons que l'Opéra ferait en elle une bonne acqui-
sition.
*„* Vendredi , le ballet de Vert-Vert a repris sa place au répertoire avec
Mlles Priora et Plunkett. Le spectacle commençait par Xacarilla.
*:* Madelon, le nouvel ouvrage en deux actes de MM. Sauvage et Bazin,
a subi quelques coupures heureuses. La musique, aussi bien faite que
bien interprétée, gagne à chaque audition.
*„* Les deux derniers ouvrages d'Adolphe Adam continuent de mar-
cher du même pas, et avec le même succès, le Farfadet à l'Opéra-Comique
et la Poupée de Nuremberg à l'Opéra-National.
%* Le Théâtre-Italien donnait jeudi dernier un concert auquel Sophie
et Marie Cruvelli, quoique annoncées par l'affiche, n'ont pas jugé à propos
de prendre part. Heureusement , l'assemblée, fort nombreuse, a été dé-
dommagée par Lablache, Mlle Corbari, Hiller, Ferranti, et Bazzini, l'ex-
cellent violoniste, dont l'admirable talent ne s'était pas encore montré
avec tant d'avantage.
%* La représentation organisée l'année dernière par Mme Scribe, au
profit d'une oeuvre de bienfaisance, sera remplacée cette année par un
concert qui aura lieu le mercredi 21 avril, à 8 heures du soir, et dans le-
quel on entendra Mme de Sparre, la princesse Labanoff, Mlle de Tourne-
mine; Mmes de Kalergi, deGrandval; MM. Dutillay, David, etc.
*„* Le Benvenuto Cellmi , d'Hector Berlioz, a été représenté pour la
première fois, le samedi 20 mars, à Weimar, et la seconde représentation
en a eu lieu le 24 , le jour même où Berlioz inaugurait la nouvelle
Société philharmonique à Exeter-Hall. On sait que son œuvre a été montée
sous la direction de Liszt, qui s'est chargé lui-même d'en annoncer le
succès à l'auteur, dans une lettre dont nous sommes heureux de pouvoir
transcrire le passage suivant : «Honneur aux maîtres ciseleurs ! Gloire aux
» belles choses et place pour elles ! Benvenuto Cellini, représenté hier ici
» (samedi 20 mars), restera debout et de toute sa hauteur. C'est sans pu/f
» qu'on peut informer de son succès Londres et Paris. Je remercie bien
» sincèrement Berlioz du noble plaisir que m'a procuré l'étude attentive de
» son Cellmi, qui est l'une des plus puissantes œuvres que je sache. C'est à
» la fois de la ciselure splendide et de la statuaire vivante et originale.
» L'exécution , nonobstant quelques défectuosités de détail et le nombre
» trop restreint des choristes dont je dispose, n'aurait pas mécontenté
» l'auteur. L'orchestre en masse s'est parfaitement conduit en cette cir-
» constance, et la plupart de ses membres ont témoigné hautement et leur
» respect et leur admiration pour cette magnifique partition. »
*„* L'inauguration du nouveau temple israélite, situé rue Notre-Dame-
de-Nazareth, a eu lieu jeudi dernier. La cérémonie a commencé par un
solo d'orgue et un hymne à trois voix avec chœur, d'une admirable fac-
ture, dont la composition est due au talent de M. Halévy. L'exécution en
a été fort remarquable.
*„.* Une matinée de musique de chambre et un concert avec orchestre
ont été donnés, dimanche et mercredi, par l'Association des artistes mu-
siciens, dans la salle Bonne-Nouvelle. Dans notre prochain numéro, nous
parlerons de ces deux belles séances avec l'intérêt qu'elles méritent.
*„* La Société Sainte-Cécile donnera, le vendredi-saint, 9 avril 1852, à
huit heures du soir, salle Sainte-Cécile, rue de la Chaussée-d'Antin, Zi9 bis,
un concert extraordinaire, dans lequel on entendra: 1" Ouverture cVIphi-
génie en Aulide, de Gluck ; 2° Sanctus de la Messe de Sa'nte-Cécile, de M. Ad.
Adam; 3° Psaume, de Marcello, chanté par Mlle Vavasseur; 4° symphonie
en la, de Beethoven ; 5° air, trio et chœur de l'oratorio Elie, de Mendels-
sohn; 6° Ace verum, de Gounod ; 7" fantaisie pour piano, orchestre et
112
REVUE ET GAZETTE MUSICALE DE PARIS.
chœur, de Beethoven. — L'orchestre sera dirigé par M. Seghers. Les
chœurs seront dirigés par M. Wekerlin.
%.* Voici le programme de la séance de musique de chambre, donnée
par Mlle Charlotte de Malleville, mardi soir, 13 avril, dans la salle de
M. Pleyel, 22, rue Rochechouart : — 1" concerto en ré mineur, de
Mozart, accompagné en double, quatuor; 2° air de Joseph, chanté par
M. Lefort; 3° variations, de Mendelssohn, pour piano et violoncelle;
II" andante et scherzo du sextuor, d'Onslow, pour piano, flûte, cor,
clarinette et basson; 5" fragments de la sonate, piano et violon, de
Beethoven, dédiée à Kreutzer ; 6" air de Jeanne-d'Arc, chanté par M. Le-
fort; 7° trio, pour piano, c arinette, alto, de Mozart; 8° aria varié, de
Hasndel ; bagatelle en mi bémol, de Beethoven. - On entendra MM. Mau-
rin, Mas, Lëbouc, Casimir Ney, Gouffé, Dorus, Leroy, Mingal, Verroust et
Jules Lefort.
*** Le 8 de ce mois , jeudi saint, il y aura grand concert spirituel au
Jardin-d'Hiver. On y exécutera la Me?se d'Adolphe Adam, VAve verum, de
Mozart, et un morceau religieux de Ferdinand Schlosser. Ce jeune com-
positeur, qui a une fort bonne voix de basse, se fera entendre à cette so-
lennité dans un duo de sa composition, avec Mlle Mondutaigny.
%.* M. A. Ropiquet, maître de chapelle à l'église paroissiale de Saint-
André, fera exécuter le dimanche de Pâques, à onze heures très-précises,
une messe en musique de sa composition avec le concours de nos premiers
artxites ; au salut à trois heures, Aveverum, chœur àtrois voix, Ave Maria,
solo (avec accompagnement d'alto).
*»* Mlle Gras, 1er prix du piano du Conservatoire et élève de F. Le-
couppey, donnera un concert dans la salle Herz, le samedi 17 avril.
Vftlme Gaveaux-Sabatier donnera un concert le jeudi 22 avril, à huit
heures du soir, dans la salle Herz.
*„* C'est avec regret que nous annonçons que le concert que Mlle Grae-
ver devait donner le 5 avril n'aura pas lieu, à cause de la maladie de sa
sœur.
*** Le second concert de Léopold de Meyer est fixé au 19 avril.
%* Charles Dancla, le célèbre violoniste, donnera, le 6 avril, à 8 heures
du soir, un concert dans la salle Pleyel.
*** Samedi, 17 avril, salle Sainte-Cécile, concert donné par Mme L.
Farrenc.
*t* Trois séances de musique pour piano et orchestre , spécialement
consacrées à l'exécution de concertos de Mozart et de Beethoven seront
données les mercredis 14, 31 et 28 avril, à 8 heures du soir, dans la salle
de l'Association des artistes musiciens, par les élèves de M. Stamaty et
sous sa direction.
%* Le mois de mars exerce toujours à Paris une redoutable in-
fluence, et celui qui vient de finir s'est montré surtout meurtrier.
La semaine dernière a vu mourir un de nos artistes les plus distin-
gués, M. Alexis de Garaudé, ancien professeur au Conservatoire, auteur
d'une foule de compositions musicales, méthodes et traités de tout genre.
M. Garaudé ne comptait que 73 années, et sa célébrité datait de si loin,
qu'on le croyait généralement plus avancé en âge. Vers la fin de l'année
dernière, en rendant compte de son voyage en Espagne, nous avons donné
de ses travaux et de son mérite une appréciation à laquelle nous croyons
devoir renvoyer nos lecteurs.
%* Mme la comtesse Merlin a succombé mercredi dernier à une lon-
gue et douloureuse maladie. Les arts et la société perdent en elle une des
femmes les plus renommées par ses talents, son esprit et sa beauté. Elle
était née a la Havane, et sortait d'une des meilleures maisons de la Nou-
velle-Espagne. Musicienne excellente, elle avait longtemps chanté avec
un grand succès. Ses mémoires, écrits par elle et publiés en trois volu-
mes in-8°, renferment des souvenirs personnels mêlés à l'histoire de
son pays.
%* M. Cave, ancien directeur des beaux-arts au ministère de l'inté-
rieur, récemment nommé directeur des palais nationaux et des manufac-
tures au ministère d'État, vient d'être enlevé par une mort subite. Col-
laborateur de M. Dittmer pour un ouvrage qui obtint du succès, les
Soirées deNeuilly, il avait écrit dans le Globe, fait jouer au Grand Opéra le
ballet de la Tentation, et à l'Opéra-Comique, le Diable à Séville, dont Go-
mis composa la musique.
CRON1QUE BÉPARTEGîENÏ'.aï.E.
*„* Boulogne-sur-Ma, 31 mars. — Un concert au bénéfice des pau-
vres vient d'être donné par la Société philharmonique. M. et Mme De-
loffre et M. L. Pilet formaient la partie instrumentale de ce concert, qui
avait attiré un nombreux et brillant public. Mme Deloffre, charmante à
double titre, a exécuté sur un magnifique piano d'Érard , envoyé exprès
pour cette soirée, la fantaisie de Prudent sur Lucie de Lam rmoore, et, avec
M. Deloffre, un duo sur les motifs de la Favor'te. d'Osborne et de de Bériot.
Venait ensuite un solo de violoncelle de M. Pilet, et après un solo de vio-
lon, composé par M. Deloffre sur des motifs de VEUsire d'amore, violon et
violoncelle se sont réunis dans un magnifique duo sur des thèmes du Pirate,
Les trois artistes ont obtenu un succès bien légitime, en faisant un acte
méritoire et désintéressé. La partie vocale était confiée à Mme Labarre,
dont la voix sympathique et la méthode parfaite ont obtenu les suffrages
unanimes du public. Un artiste arrivé le matin , Ed. Lhuillier, est venu
égayer l'auditoire par sa verve comique : ses spirituelles compositions
ont été accueillies avec faveur et bissées.
%* Rouen. — Dans le concert au profit des pauvres qui a eu lieu dans
la grande salle de l'hùtel-de-ville, un jeune ténor, M. Durand, s'est fait
applaudir en chantant deux jolies romances de M. Dassier, le Rêve du page
et Mon pilote est l'amour. Les organisateurs du concert ont exécuté, sous
la direction de M. Réthaller, deux ouvertures, celle du Chaperon et celle
de la Sirène, après lesquelles ils ont reçu de leurs auditeurs les plus vifs
témoignages de sympathie.
*„* Carcnssonne, 27 mars. — La Société philharmonique de cette ville,
bien que comptant â peine une année d'existence, a réalisé très-digne-
ment les espérances de ses fondateurs. Grâce à son habile chef d'orches-
tre, M. Teysseyre, ancien élève du Conservatoire de Paris et directeur de
l'école gratuite de chant, elle est parvenue â monter en quelques mois le
Désert, et le Stabat, de Rossini, lequel sera exécuté dans un prochain con-
cert. Plusieurs amateurs ont bien voulu se charger des solos. L'organisa-
tion de cette Société n'est pas seulement un avantage local ; c'est aussi
un concours assuré d'avance aux artistes qui visitent le midi de la France,
et qui trouveront dans son sein d'utiles auxiliaires, toujours prêts â les
seconder dans l'occasion.
*** Gra*se (Var) — La Favorite vient d'être jouée ici avec un ensem-
ble remarquable. Tous les rôles, excepté ceux de Léonor et d'Inès,
étaient remplis par des amateurs ; c'étaient aussi des amateurs qui com-
posaient l'orchestre. Le tout s'est accompli aux applaudissements de 800
spectateurs. Une seconde représentation, retardée par les approches de
Pâques, est impatiemment attendue.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
*„,* Londres, 2 avril. — Le théâtre de Sa Majesté a aussi publié son
programme, dans lequel nous trouvons les noms de Mmes Sontag, Fioren-
tini, Ida Bertrand, Marie et Sophie Cruvelli, Johanna Wagner; de MM. Gar-
doni, Pardini, Mercuriali, Calzolari, Negrini, Belletti, Ferlotti, Susini, de
Bassini, Ferranti, et des deux Lablache. L'orchestre est toujours conduit
par Balfe. La danse a pour représentantes Mmes Cerrito, Guy Stephan,
Rosati. L'ouverture du théâtre a eu lieu jeudi 1" avril par Maria di Rohan.
Tous les artistes ont reçu le meilleur accueil, mais surtout Ida Bertrand,
chargée du rôle de Gondi. A son entrée, les bravos l'ont saluée ; on a
bissé sa ballata, ainsi que l'adagio chanté par elle au second acte. — Le
théâtre italien de Covent-Garden a ouvert également par le même ou-
vrage, dans lequel chantaient Mme Castellan, Mlle Seguin, Ronconi, Polo-
nini, Rommi, Soldi et Tamberlik.
%* Râle. — Ernst, le célèbre violoniste, a donné ici son premier con-
cert, dimanche 21 mars. L'enthousiasme a été des plus vifs. Tout le public
lui a demandé un second concert avec instance ; mais des engagements
contractés avec d'autres villes , notamment Zurich et Saint-Gall , l'ont
empêché de répondre immédiatement à ce vœu. Ce n'est qu'à son retour
qu'il pourra se faire entendre une seconde fois.
*„* Rerlin. — Le concert qui a eu lieu à la cour sous la direction de
Meyerbeer, a fourni à deux harpistes distingués, M. Kruger, de Stuttgart ,
et M. Thomas, de Londres , l'occasion de se faire applaudir. En témoi-
gnage de sa satisfaction, le roi a fait remettre aux deux éminents artistes
une bague enrichie de diamants. — M. de Hulsen a été nommé définitive-
ment intendant général des théâtres royaux.
%* Prague. — Dans un concert pour les pauvres, Mme Sontag a obtenu
un véritable triomphe. Une pluie de bouquets est tombée aux pieds de la
cantatrice, à son entrée dans la salle, et s'est renouvelée après chaque
morceau et à la fin de la soirée. Dans un de ces morceaux , les chœurs
ont été chantés par un certain nombre de dames de la noblesse. L'empe-
reur Ferdinand et l'impératrice Marie-Anna assistaient à cette solennité.
*** Dres le. — On a repris un opéra de Weber, Sylvana , qui était au-
trefois en grande faveur.
%* Sehwétin: — On annonce pour le 31 mars la représentation du Pro-
phète ; Mlle Wagner chantera le rôle de Fidès.
%* Saint-Pétersbourg. — La saison musicale s'est terminée avec le plus
grand éclat par une dernière représentation de Sardanapale, opéra en S
actes de Giulio Alary, ordonnée par l'empereur lui-même. Le succès de
cette œuvre a justifié la faveur faite à l'auteur, par la volonté expresse du
Czar. Un ukase impérial interdit de donner à Saint-Pétersbourg' tout ou-
vrage qui n'a pas été joué en France, en Angleterre, en Italie ou en Alle-
magne. La partition inédite du Sardanapale, d' Alary, a été l'objet d'une
exception qui a valu à notre jeune compositeur une véritable ovation. A
toutes les représentations, plusieurs morceaux dans chaque acte ont été
redemandés avec enthousiasme. Mario, dans le rôle magnifique de Sarda-
napale ; Mlle Grisi, dans celui de Myrrha, se sont surpassés. Ronconi, For-
mes et Tagliafico ont contribué à l'admirable ensemble avec lequel a été
exécuté cet ouvrage, pour lequel un luxe magique de mise en scène a été
déployé. Les situations fournies par M. Emilien Pacini à l'inspiration du
musicien ont permis à ce dernier de tenter des effets tout nouveaux au
théâtre. Cet opéra, composé au point de vue de la scène française, con-
tient, dit-on, des beautés de premier ordre.
*„,* Vienne. — Les représentations de l'opéra italien sont fort suivies.
Dans Don Pasquole, on a surtout applaudi Debassini , et Scalèse, le meil-
leur bouffe après Lablache. Un ballet nouveau, la Reme des ro.<es, par
Ferraris, musique du comte Gabrielli, a été froidement accueilli. Mlle Con-
stance Geiger, pianiste, a donné , dans la salle du Théâtre-National, un
concert dont le produit est destiné à la restauration du monument de
Kotzebue. Le dimanche des Rameaux aura lieu le concert annuel au profit
du fonds de pension pour veuves et orphelins. On exécutera le Samson
de Ilaendel.
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Adam. — Nouvelles et annonces.
AUDITIONS MUSICALES.
II. Max-SHajer. — Mlle I£er»ilie Rony. — M. lOaberliier. — \
Mlle S.ouisc Slattmanii. — Société Sainte-Cécile — M. distavc i
Péronnet.
Un des plus humoristiques analyseurs de nos pièces de théâtre disait
dans un de ses feuilletons : « L'amoureux est un jeune Allemand qui
se nomme Hermann, car toute pièce dont la scène se passe en Allema-
gne offre souvent, sinon toujours, un personnage du nom d'Hermann. »
Il en est de même des Mayer ou Meyer et des Max, diminutif de Maxi-
milien, qui sont fort communs en Germanie, ainsi que nos Durand et
nos Dupré en France, ce qui n'empêche point M. Max-Mayer de pos-
séder un talent distingué sur le violon, et de l'avoir prouvé dans le
concert qu'il a donné chez Herz le 3 avril. Mlle Vazelle-Martin possède
aussi , elle, une voix qu'on pourrait comparer, par une figure un peu
hardie, à une broche ornée de toutes les perles de la vocalisation, mais
à laquelle il manquerait celle du milieu , ou le diamant qu'on nomme
l'âme musicale ; et cependant nous avons cru voir scintiller quelques
éclairs de sensibilité dans le bel air de Costa diva et celui de la Fée
aux roses qu'elle a fort bien chantés.
Mlle Cécile Crémont, autre jeune cantatrice en expectative de célé-
brité, a fort bien dit aussi, au concert de M. Charles Dancla, le Lac, de
Niedermeyer, comme elle a chanté d'une manière poétique et dramati-
que le grand air du i'reiscMtz au concert donné par M. Gouffé.
Dans la collection des Dancla, plus ou moins Arnaud , Léopold , etc.,
M. Charles Dancla se dessine par son droil d'aînesse et son individua-
lité artistique, qui le place parmi nos meilleurs violonistes. On désire,
en l'écoutant, qu'il mûrisse un peu, pour lui voir perdre cette irritabilité
nerveuse, ce qui lui permettra d'asseoir le son plus largement, sans lui
faire perdre, il faut l'espérer, la légèreté d'archet, le trille, la sensibi-
lité, le brio qu'il possède au plus haut degré. Il a dit une symphonie
concertante de sa composition avec son frère Léopold, qui l'a secondé
en alter ego , et puis deux fantaisies originales délicieusement exécu-
tées par l'auteur, surtout celle en ré, avec la quatrième corde du violon
principal montée un ton plus haut, ce qui donne à cette partie de l'in-
strument une brillante sonorité.
Mlle Hersilie Rouy, qui n'entend pas qu'on plaisante sur son prénom
antique, Mlle Rouy donc, qui fait partie du corps des pianistes sur les-
quels nous sommes forcé de retomber... ou plutôt de revenir avec plai-
sir, Mlle Rouy a donné, comme tout virtuose qui en a, le droit, son
concert, qui mena.... c'est-à-dire qui promet de devenir annuel.
Mlle Rouy n'a pas de style ; elle les essaie tous. Avant de se livrer à
la grande valse de bravoure, de se plonger dans le délire d'une étude
dramatique et de nous favoriser d'un aveu en tendre, et douce, et suave
mélodie, Mlle Rouy s'était abandonnée aux charmes d'un dialogue mu-
sical avec MM. Blanc et Papin dans un trio de Beethoven, et avait réso-
lument abordé la grande sonate pathétique du même compositeur.
Mlle Rouy a joué toutes ces choses de musique légère et sérieuse en
pianiste éclectique, en soliste suffisante et qui plaît, et qui tient à prou-
ver, par une exécution rationnelle de la musique des grands maîtres
du piano, qu'elle professe fort bien cet instrument.
Ah çà, mais, décidément , c'est une chose grave, importante, que
le pianiste, dans l'ordre social. C'est ce dont on a pu se convaincre
au concert donné, dans la salle Pleyel , par M. Haberbier , qui ne ten-
dait rien moins qu'à mettre à néant , disait-on , le doigter soi-di-
sant rationnel des Thalberg, des Liszt, des Prudent, etc., et d'y
substituer des procédés exceptionnels dans l'art de jouer du piano.
Voici le fait : M. Haberbier, dont le nom signifie en allemand bière
d'avoine, et se prononce Haberbir, est un Prussien de Kœnigsberg, âgé
de près de quarante ans,'qui joue du piano comme tous ceux qui en jouent
bien; seulement, il fait avec les deux mains de certains traits qu'une
seule main pourrait exécuter, et donne par là plus d'intensité au son ,
surtout aux trilles, qui , frappés ainsi par les deux doigts appelés indi-
cateurs, ont plus de force et d'éclat ; mais les deux mains, employées
de là sorte à parfaire un passage, un trait , doivent se passer alors
d'accompagnement , d'harmonie, ce qui , à la rigueur, n'est pas un
grand inconvénient , car l'harmonie trop continuellement complète
produit la monotonie et l'ennui sur cet instrument. '
M. Haberbier est compositeur-arrangeur, et ne parait pas tenir exces-
sivement à ne jouer que de sa musique. Dans la première soirée musi-
cale qu'il a donnée chez Pleyel , le samedi 3 avril , il a fait entendre à
ses auditeurs une fantaisie pittoresque intitulée : Souvenirs de Norvège,
sur dus chansons populaires de ce pays ; puis un fragment de la
fantaisie de Thalberg sur la Sonnambula; puis la Fontaine, étude imi-
tative, qui ne justifie pas trop son titre ; et puis l'ouverture de Guil-
laume Tell, arrangée par lui, et l'on pourrait dire, ce nous semble,
un peu par Liszt , qui peut réclamer, dans cet arrangement , les hon-
neurs de la collaboration. Au reste, l'exercice digitigrade employé dans
ce morceau par le pianiste prussien lui fait trouver de beaux effets qui
permettent de bien apprécier l'effet du nouveau procédé. Dans son
Souvenir de Danemarck, M. Haberbier déploie dans ce chant national,
qui est la Marseillaise des Danois, une force, une énergie harmonique
qui a provoqué de chauds applaudissements partant d'un auditoire fé-
minin surtout, et qui paraissait assez bien disposé à l'enthousiasme.
Pas besoin n'est de dire que la salle regorgeait d'artistes qui s'oc-
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REVUE ET GAZETTE MUSICALE
cupent de l'art déjouer du piano. [On ne marchait que sur des pia-
nistes : pour moi, j'en avais deux qui me flanquaient de droite et de
gauche, et qui ne m'ont pas paru très-empressés d'adopter le doigter
Haberbier.
Et pour continuer de traiter la question pianistique, qui ne nous
paraît pas près d'être épuisée, nous dirons que le piano qui résume
toute musique ne doit pas être considéré comme un but exclusivement
instrumental, mais bien comme moyen d'exprimer des sentiments par
l'harmonie et la mélodie, autant que cela se peut. En faire saillir le son
nourri, soutenu, rond, puissant, expressif, et pas trop étouffé par
l'accompagnement, telle est l'étude à laquelle doit se livrer tout pia-
niste qui veut impressionner ses auditeurs et s'en faire écouter. C'est
à ce résultat qu'arrive Mlle Louise Mattmann. En ne citant que deux
morceaux des écoles classique et moderne qu'elle a exécutés au con-
cert qu'elle vient de donner dans la salle Sainte-Cécile, samedi dernier
on est convaincu que c'est une mission qu'elle se croit appelée à rem-
plir dans ce monde musical. Elle élève la musique moderne à sa
hauteur et s'élève à la hauteur des inspirations de nos grands maîtres.
Dans le morceau intitulé : les Champs, de Prudent, ses doigts sont les
interprètes de tous les frémissements de la nature ; elle fait bruire
l'idylle vraie à vos oreilles, les chants du villageois; elle peint, par des
sons limpides et fuyants, le ruisseau murmurant; vous croyez sentir et
respirer la fraîcheur de la brise matinale; et puis vous entendez les
rires joyeux et confus des oiseaux qui s'endorment en gazouillant aux
approches mystérieuses du soir : c'est tout ce que Théocrite, Thomson
et Gessnernous ont peint de plus frais.
Voyez maintenant Louise Mattmann s'emparer de l'œuvre 27° de
Beethoven qu'elle fait sienne, de cette sonate en ut dièze mineur que
tant de pianistes essaient de comprendre et de faire comprendre à leur
auditoire ; de cette sombre élégie qui exhale toutes les douleurs de
l'âme, toutes les tortures de la passion, les affres, du désespoir et de la
mort. La jeune virtuose n'appelle point à son secours les images poé-
tiques comme nous sommes obligé de le faire ici. C'est par tout son
système physiologique pantelant, c'est par le son ému, vibrant de la
voix humaine qui s'échappe de chacun de ses doigts, qu'elle procède,
qu'elle se fait l'égale, la sœur, la confidente de Beethoven, qu'elle
pleure et se désespère, et crie harmonieusement avec lui. S'associer
ainsi corps et âme aux inspirations du génie, c'est prouver qu'on en a
soi-même, qu'on a reçu en naissant ce triste et beau don du ciel.
Nous félicitons Mlle Mattmann de n'avoir pas dit le scherzo, cette
leçon d'harmonie en petites suspensions syncopées, qui vient intempes-
tivement interrompre les deux parties homogènes de ce drame musical
si passionné. C'est une preuve de goût français dont il faut lui savoir
gré : cela prouve que le talent sérieux peut s'allier à l'esprit, au tact
d'une juste appréciation.
Dans son concert spirituel et de clôture, la Société Sainte-Cécile a fait
un bel adieu musical à sa clientèle, à son public ; car cette association
vraiment artistique peut dire maintenant qu'elle a son public. La belle
préface del' IpMgéniè en Aulide, de Gluck, a ouvert la séance; puis les
choristes ont dit avec ensemble et religiosité la Prière, de Beethoven ,
entendue pour la première fois à Paris. Mlle Vavasseur a chanté d'un
style classique et pur un psaume de Marcello. Un 0 salutaris et un
Sanclus pompeusement instrumentés, et faisant partie de la messe de
Sainte-Cécile composée par M. Adam, ont été fort bien exécutés aussi.
La symphonie en la , ce grand drame instrumental de Beethoven, a été
jouée par l'orchestre d'une manière admirable : on a bissé l'andante, ce
chef-d'œuvre de mélodie qui est de ce genre de musique avec lequel
en fonderait une religion, comme disait l'abbé Arnaud, dans le dernier
siècle.
Les fragments de l'oratorio d'Elie, se composant d'un air, d'un trio
et d'un chœur délicieux , ont été dits avec beaucoup de charme et
d'ensemble, et ont fait apprécier le vrai style religieux, antique et mo-
derne tout à la fois de ce genre de musique, si bien traité par Men-
delssohn ; puis est venu un bel Arc vervm de M. Gounod , dont le solo
a été chanté par M. Masset d'une manière large et puissante, et de ce
style di chiesa, qui repose un peu les oreilles de la musique trop à la
mode de casino e di ballo. Le compositeur, le chanteur et l'exécution
de ce morceau , tout empreint d'une noble mélancolie, ont été ho-
norés du bis, comme l'andante de la symphonie de Beethoven. Cette
similitude d'effet n'est pas un médiocre suffrage.
La fantaisie pour piano, orchestre et chœur, de Beethoven, a paru
longue, longue, oh! mais longue !... à ce point que si on l'avait bitséë,
il nous semble que nous y serions encore.
La cité phocéenne et méridionale a cet avantage sur Paris , selon
nous, qu'elle prend plus tôt ses quartiers d'été que dans notre capitale
des arts. On nous écrit de Marseille que les chants ont cessé au cercle
lyrique de cette ville, et que la saison des. concerts est terminée. On
nous assure, et nous ne voyons nul inconvénient à le répéter, bien que
ce soit un nouveau nom à enregistrer parmi ceux des pianistes célèbres,
que M. Gustave Peronnet, lauréat du Conservatoire de Paris en 1845,
a joué d'une manière remarquable, dans le dernier concert de cette
réunion musicale, le septuor deHummel et différents morceaux de Pru-
dent. Que répondre à cela ? Ceci : qu'il n'y a rien de changé en France,
comme on l'a dit si ce n'est qu'il n'y a qu'un Français habile pia-
iste de plus.
Henri BLANCHARD.
Suite et fin (1)
Après l'exécution du motet de Palestrina, et lorsque l'émotion de
l'auditoire permit à M. Fétis de reprendre la parole, il continua en ces
termes l'exposition de son système de la théorie du beau en musique :
« La musique religieuse appartient sans nul doute à la conception
idéale combinée par l'effort de l'imagination avec le sentiment que la
plupart des hommes portent au fond du cœur de la grandeur et de la
bonté infinie de Dieu. La pensée seule ne peut atteindre à ce que
vous venez d'entendre : sans la foi, la pensée ne parviendra jamais à
faire de la musique, d'église qui puisse entrer en parallèle avec les
œuvres du grand artiste que l'école romaine a proclamé son chef et son
modèle. Inconnue dans l'antiquité, née avec le christianisme, la foi,
sentiment indéfinissable qui n'est pas seulement la croyance à des
mystères incompréhensibles, mais où se mêlent aussi des expansions
de crainte et d'amour; la foi, dis-je, est la source véritable de la mu-
sique religieuse : si elle n'inspire l'artiste, l'œuvre ne réalisera pas son
objet. Dans les messes, dans les motets, dans les hymnes de Pales-
trina, cette foi est austère, et son expression atteint les proportions les
plus grandes, parce que la passion humaine n'y a pas d'accès; mais
après lui, une révolution générale se fit dans l'art, et la musique des-
tinée à l'église en ressentit les effets.
» Jusqu'aux derniers jours de Palestrina, l'harmonie, inhérente à la
tonalité, avait toujours eu un caractère de repos, parce que l'art n'y
avait admis que des agrégations consonnantes de sons, ou des disson-
nances facultatives que la fantaisie des artistes employait ou négligeait
à volonté, sans qu'il en résultât de modification tonale. J'ai dit en cent
endroits comment, dans les dernières années du xvie siècle, Claude Mon -
teverde, compositeurde l'école vénitienne, trouva par instinct l'harmo-
nie attractive qui donne naissance à la nécessité de résolution, et con-
séquemment engendre le mouvement et la cadence des phrases. Avec
cette harmonie fut trouvé l'accent passionné qui n'existait pas aupa-
ravant, car cet accent ne peut se trouver que dans l'attraction ascen-
dante ou descendante des sons, et dans leur mouvement résolutoire.
Une tonalité nouvelle et d'un système complètement différent de celle
qui avait servi de base à la musique jusqu'à cette époque; la transi-
tion d'un ton à un autre; l'abandon progressif des combinaisons for-
males, pour la nouveauté de l'expression sentimentale et passionnée ;
(1) Voir les numéros 12 et 14.
DE PARIS.
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enfin, la création du draine musical avec ses conditions nécessaires de
la cantilène, du récitatif et de l'instrumentation : telles lurent les con-
séquences des hardiesses de Montevcrde.
» La musique d'église ne put se soustraire aux influences de ces
nouveautés. Insensiblement le caractère religieux grave et pur s'altéra
et lit place aux combinaisons d'un style faux appelé slijle concerté, puis
à l'invasion de l'expression sentimentale et passionnée. Je regrette,
Messieurs, que les limites de cette séance ne me permettent pas de vous
faire entendre les monuments des transformations multipliées dont se
compose l'histoire de la musique d'église depuis la fin du xvie siècle.
Vous y remarqueriez les premières luttes du sentiment et de l'idéal re-
ligieux avec les tendances passionnées de l'humanité, les égarements de
celles-ci, et çà et là les victoires du génie contre les dépravations du
goût. Ainsi vous verriez le beau se produire dans la musique religieuse
par l'expression pathétique aux époques qui semblent lui être les moins
antipathiques, par exemple dans les psaumes de Marcello, au commen-
cement du xvnr siècle, plus tard dans quelques morceaux de Pergolèse,
dans quelques cantates spirituelles de J.-S. lïach et dans sa belle messe
en si mineur ; enfin dans quelques parties du Requiem de Mozart, et
surtout dans l'Ave verum de ce grand homme. Ce dernier morceau
me paraît être le plus parfait modèle de l'alliance du sentiment religieux
le plus pur avec l'expression tendre d'une sorte de mysticité. C'est une
étude pleine d'intérêt que celle du rapprochement du beau au point de
vue purement idéal et dévot de la musique de Palestrina et de cette
œuvre de Mozart, où l'amour voué à Dieu s'allie au sentiment de sa
grandeur et le tempère. Chez ces deux artistes incomparables la pensée
est également sublime, bien que dans des directions différentes, et la
forme de leurs œuvres, bien que dans des conditions qui n'ont pas d'a-
nalogie, offre des types d'une perfection qui n'a pas été dépassée. Je
crois donc, Messieurs, devoir vous faire entendre cet Ave verum dont
je viens de parler, afin que vous puissiez faire la comparaison du carac-
tère du beau dans des ouvrages produits à trois siècles d'intervalle, et
dans des conditions très-différentes de tonalité et d'harmonie. »
L'exécution de ce beau morceau, dirigée par M. Fétis, ne laissa rien à
désirer, tant pour la justesse que pour les nuances délicates de l'expres-
sion. Elle fut saluée par des applaudissements unanimes; mais, nonob-
stant le plaisir que l'auditoire en éprouva, l'impression ne fut pas aussi
profonde qu'elle l'avait été à l'audition du motet de Palestrina, et l'on
comprit ce qu'il y avait de vrai et de profond dans ce qu'avait dit le sa-
vant professeur concernant la nécessité de tirer le principe du beau
dans la musique religieuse du sentiment austère de la grandeur de Dieu,
et non d'une expansion d'amour où pénètre toujours quelque chose
des passions humaines.
Reprenant ensuite la parole, M. Fétis continue en ces termes :
« En dehors des deux types du beau dans la musique religieuse dont
je viens de vous offrir les deux termes de comparaison, il n'y a plus
rien que des formes de convention, et le scandale du drame musical
transporté dans le sanctuaire. Ce n'est pas à dire que tous ceux qui se
sont égarés dans ces fausses directions n'aient été que des artistes mé-
diocres; non, non; des talents de premier ordre y ont épuisé leurs
inspirations et leur habileté. Une foi tiède et languissante , la conta-
gion de l'exemple, et surtout la recherche de l'effet à tout prix, ont
été les causes de l'erreur des hommes les plus remarquables à ce sujet.
Dans le xvnc siècle, l'esprit de combinaison domine en général les tra-
vaux des musiciens qui écrivent pour l'église. Le pédantisme de la
forme n'est plus le même que celui qu'on remarquait dans les ouvra-
ges des prédécesseurs de Palestrina , mais il n'est pas moins despoti-
que. On n'écrit plus qu'à deux, trois, quatre, cinq ou six chœurs qui se
concertent et se réunissent à de certains moments, et qui, placés à di-
vers endroits de l'église , se partageaient l'attention et rendaient toute
dévotion impossible. L'objet important, le beau, comme manifestation
delà pensée et du sentiment, ne préoccupait pas les artistes.
» Au xvme siècle, toutes ces combinaisons ont disparu ; les instruments
ont fait invasion dans l'église ; le style du concert et du théâtre règne
sans obstacle dans le service divin , et la messe est comme qui dirait
de la comédie à ariettes , car il faut que les chanteurs fassent entendre
tour à tour leur air à roulade. Quelques rares génies résistent à cet
entraînement de mauvais goût; mais ceux-là tombent dans l'expression
pathétique et dramatique. Le xiv siècle l'ait justic3 des emprunts faits
à la guinguette pour l'église; mais quelques hommes d'un talent con-
sidérable ne s'aperçoivent pas du nouvel égarement où ils se laissent
entraîner en repoussant le p inl-nmf de la musique religieuse. Ils rap-
pellent l'art à des formes plus nobles et plus pures ; mais tout l'attirail
du grand opéra est transporté par eux dans la maison de Dieu. Les
textes sacrés sont morcelés, répétés àj satiété, et ne sont plus que le
prétexte du travail fantastique du musicien. Que si vous oubliez que
vous êtes à l'église, que vous y êtes venu pour prier Dieu, et que la
musique qui frappe votre oreille devait avoir pour objet d'élever votre
âme vers le créateur ; que si vous oubliez tout cela, dis-je, vous admi-
rerez l'habileté de l'artiste à combiner des sons sans but déterminé,
ou à trouver des beautés qui seraient dans tout leur éclat, si elles se
produisaient au théâtre au lieu de se faire entendre à l'église.
» Messieurs , vous vous rappelez que celte séance a pour objet de
rechercher quels sont les caractères du beau dans la musique , parti-
culièrement quand le génie de l'artiste n'a point eu de programme et
s'est abandonné à toutes les inspirations de l'idéal. Nous ne serez donc
pas étonnés de me voir écarter la musique du drame des considéra-
tions que j'ai à compléter , car ce sujet seul exigerait une longue séance
qui viendra peut-être à la suite de celle-ci. Je vais donc examiner
comment le beau se produit dans l'idéal pur, ce qui n'a lieu que dans
la musique instrumentale.
» Qu'est-ce donc qui détermine les inspirations de l'artiste lorsqu'il
compose une œuvre de ce genre? Ici, point de synthèse entre la pen-
sée et le monde extérieur, point d'objet déterminé; l'idéal, l'idéal pur.
Supposons donc qu'au moment de la création, le compositeur ne soit
impressionné par aucun mouvement passionné ; que, sans joie, sans tris-
tesse, sans amour, sans jalousie, il éprouve cependant le besoin de ma-
nifester sa force d'invention: le sentiment étant en quelque sorte inerte,
la pensée seule agira. Cette pensée serait la création absolue si l'artiste
ne se souvenait de l'effet des sons dans leur succession et dans leurs
. divers modes d'agrégation. Le compositeur se trouve donc seul en
face de sa pensée, et c'est de lui seul aussi que sortent tous les déve-
loppements d'une première phrase trouvée. Cette phrase, nous nous
en souvenons, n'est pas née sous l'empire d'une affection quelconque;
elle est plus ou moins simple ; peut-être même n'y a-t-il rien en elle
qui la rende remarquable au premier abord. C'est dans la spontanéité
du génie de l'artiste qu'elle trouve immédiatement le complément qui
la transforme en période. A peine cette période est-elle formée qu'elle
fournit à l'imagination le plan de tous ses développements, et que nais-
sent comme par enchantement les épisodes qui réveillent l'attention
de l'auditoire et jettent de la variété dans la composition. Revenant
sur elle-même, la phrase première se transforme en passant d'un in-
strument à un autre, et s'enrichit progressivement d'une infinité de
détails, jusqu'à ce que toutes les phases du développement de l'idée
s'étant succédé, l'œuvre est complète et arrive à la conclusion. Le
beau, ainsi conçu, vient uniquement de la faculté d'imaginer, secondée
par la raison qui pose les bornes, et par le goût qui préside aux moin-
dres détails.
» Il est un autre genre de beauté dans la composition dont la source
première est dans une affection quelconque de la sentimentalité, s'il
est permis de s'exprimer ainsi , car le compositeur ne sort jamais de
lui-même pour trouver le sujet de son œuvre. Sous une impression
joyeuse, ou mélancolique, ou tendre, ou douloureuse, il imagine une
phrase qui exprime la disposition de son âme. De même que dans l'ou-
vrage dont j'ai parlé précédemment, cette phrase se complète, se] dé-
veloppe, s'enrichit d'épisodes, et arrive à quelque péroraison chaleu-
reuse qui en est la conclusion.
» Quelle est la différence radicale entre les deux genres de beautés
116
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
ainsi réalisés? La voici : dans la première composition, tout est sorti
de la pensée; dans l'autre, il y a eu action réciproque de la pensée
sur le sentiment et de celui-ci sur elle. Le premier genre de beauté
résulte donc de la production et de la contemplation de l'idée en elle-
même; l'autre tire sa force principale des mouvements passionnés de
l'âme et des ressources que l'imagination y a puisées. Le beau révélé
par la première composition fera naître l'admiration et versera dans
l'âme une douce satisfaction ; mais l'autre produira des impressions
plus vives et arrachera des exclamations involontaires d'enthou-
siasme. »
M. Fétis cite alors, comme un modèle parfait du premier genre de
musique instrumentale , le quatuor en sol de Haydn , qui com-
mence par une phrase donnée au violoncelle seul , et, comme type du
second , le beau quintette en sol mineur de Mozart , considéré à bon
droit par les artistes comme un prodige de génie et de sentiment. Les
deux premiers morceaux de ces belles œuvres sont exécutées d'une
manière remarquable par MM. Lauterbach , Hageman , Schreurs ,
Eichter et Millier, et causent une profonde émotion dans l'assemblée.
M. Fétis analyse rapidement ce qui , dans chacun de ces morceaux ,
caractérise le beau , et fait voir que ce beau est purement idéal. A
l'égard de la signification que les compositions de cette espèce ont pour
ceux qui les écoutent , le professeur fait voir qu'elle est tout entière
dans l'âme de l'auditeur, et que celui-ci en fait le programme, sui-
vant son organisaticn , pendant l'exécution de l'œuvre. C'est là,
dit-il , ce qui donne à la musique une incontestable supériorité sur les
autres arts.
Ici , le savant professeur cause quelque étonnement à l'assemblée
par cette proposition, que dans la musique descriptive et pittoresque
même, par exemple, dit-il, dans la Symphonie pastorale de Beethoven,
le compositeur n'a pas pour objet l'imitation de la nature. Mais le ta-
lent avec lequel il développe cette thèse fait éclater bientôt dans la
salle des témoignages d'admiration. « Non, s'écrie M. Fétis, ce n'est pas
à ce jeu puéril que s'astreint l'artiste de génie ;" ce sont les impressions
de l'homme lui-même à la vue de la campagne qu'il va vous faire com-
prendre, mais non les bruits villageois qu'il prendra la peine d'imiter.
11 ne dégradera pas son art jusqu'à lui faire exprimer les bêlements
des agneaux , les beuglements sortis de l'étable, le hennissement des
chevaux, la cadence du fléau sur l'aire de la grange, ou le tic-tac du
moulin ; mais il aura des rbythmes qui correspondront à la scène
champêtre dont votre âme a ressenti plus d'une fois les effets, et ses
suaves mélodies vous rappelleront cette situation. Prenons , dit-il ,
Y ad agio de cette symphonie pastorale dont les perfections sont connues
de tout le monde. Nous n'avons pas ici d'orchestre pour l'exécution de
ce chef-d'œuvre ; mais il me suffira de vous en faire entendre le début
par un double quatuor avec une contrebasse et le piano pour les effets
d'instruments à vent. Je n'aurai besoin que de ce |commencement pour
faire passer dans votre âme la conviction que je suis dans le vrai.
» L'adagio, dent je vais rappeler le commencement à votre souvenir,
a pour titre : Scène champêtre au boid d'un ruisseav. Quelle est cette
scène? Si nous en jugeons par l'impression que fait sur nous la mu-
sique, c'est celle d'une agréable et douce solitude, par un beau jour,
et lorsque le soleil accable de ;es feux, vers le milieu du jour, tous les
êtres animés et semble les inviter au repes. Le bruit d'un ruisseau qui
murmure et le chant de quelques oiseaux sont, en apparence, les
seules voix qui troublent le silence de la solitude ; mais avec elles ré-
sonnent dans l'âme de l'être humain couché sur le bord du ruisseau
ces voix mystérieuses qui î.e parlent qu'aux organisations d'élite. Pour
le vulgaire, il n'y aurait rien dans tout cela qui eût quelque significa-
tion ; mais pour celui dent je parle, il y a tout un monde enchanté qui
donne la conscience du bonheur.
» Qu'a fait Beethoven sur ce sujet ? 11 a bien marqué par le rhy thmC
du second violon, de l'alto et du violoncelle, les ondulations du ruisseau
dont le mouvement monotone se soutient jusqu'à la fin du morceau;
mais ce mouvement, le gazouillement de la fauvette, et ces bruits
vagues que la campagne seule fait entendre au milieu du silence, et que
rendent admirablement les cors et les bassons, ne sont que les acces-
soires, que les accompagnements de la sublime mélodie qui, passant
tour à tour du violon aux instruments à vent et de ceux-ci au violon,
exprime la haute pensée et le sentiment exquis qui domine toute cette
composition. Ce n'est pas le tableau de la nature que Beethoven s'est
proposé de peindre : ce sont les sentiments inspirés par ce tableau
auxquels il nous initie, et lorsqu'après avoir épuisé tout ce que le plus
beau génie a pu lui fournir pour remplir cette noble tâche, il arrive à
la conclusion. Est-ce son heureuse imitation du chant de la fauvette, de
l'appel de la caille et du cri du-coucou, est-ce cela, Messieurs, qui vous
émeut? Non certes : les exclamations contenues qui parcourent toute la
salle en ce moment final sont soulevées par le fragment de la phrase
délicieuse que vous avez entendue dans tout le cours du morceau, et
qui, redit dans ce moment dans un piano absolu, éveille dans tous les
cœurs ce sentiment de bonheur qui est le sujet de l'œuvre.
» On m'objectera sans doute la peinture de l'orage qui, dans le
morceau suivant, vient interrompre la danse villageoise du soir, et l'on
s'accordera, avec raison, dans l'expression d'une vive admiration pour
le talent que l'auteur de la symphonie pastorale a déployé dans ce ta-
bleau. Autant que cela était possible, il a lutté avec les difficultés du
sujet et en a triomphé. Mais l'admiration même que vous éprouvez
pour le talent de l'artiste, dans cette occasion exceptionnelle, vous
prouve que vous partagez à votre insu mes convictions, que l'art est
dans une condition défavorable lorsqu'il essaie d'imiter la nature, et
que celle-ci reste toujours supérieure à l'imitation. L'épisode de cet
orage, imaginé par Beethoven, lui était nécessaire pour l'opposition
du plaisir qu'il exprime avec tant de verve dans le final de l'œuvre.
C'est là qu'il est grand et que l'on reconnaît l'artiste maître de son
sujet.
» Peut-être m'accusera-t-on de porter jusqu'au fanatisme ma convic-
tion de la complète indépendance du musicien dans la création de son
œuvre, si je vous dis que lors même que le programme lui est donné,
il en fait l'accessoire de sa pensée. C'est cependant une vérité que j'es-
père vous démontrer dans cette séance même par deux exemples assez
remarquables Je les choisis dans ces mélodies de Schubert, si connues
de tout le monde, et je prendrai pour exemples la Sérénade et le
Départ.
» La Sérénade nous transporte en Espagne. Un amant est sous les
fenêtres de sa maîtresse ; l'harmonie exprime quelque chose qui res-
semble à l'accompagnement d'une guitare; mais ce n'est que l'acces-
soire du tableau. Le poëte, en écrivant les vers, ne s'est pas même
douté de ce que dirait cet homme qu'il avait la prétention de faire
parler ; il n'a pas su quels accents passionnés transformeraient le sens
de ses paroles et les rendraient brûlantes; il a pensé n'écrire que des
couplets, et Schubert a fait un poëme. Ces alternatives de tons mineurs
et majeurs, moyens vulgaires de l'art, sont devenus par son génie des
élans passionnés d'une puissance irrésistible.
» Le Départ est un cadre tout tracé en apparence par l'auteur des
vers, qui cette fois encore, a pensé n'écrire que des couplets. Un jeune
homme quitte la ville où il a trouvé du bonheur et des succès de plus
d'un genre. Il n'emporte, que de riants souvenirs, et fait gaiement ses
adieux à la ville, à son domicile, aux femmes qui ont reçu ses homma-
ges, à celles dont il fut aimé, à tout ce qui lui rappelle des instants de
plaisir et de douces émotions. Le trot du cheval était indiqué pour l'ac-
compagnement ; Schubert n'a pas manqué d'en marquer l'allure; mais
avec quelle élégance il sait la diversifier tout en lui conservant son
caractère rnythmique ! Quel charme dans l'harmonie 'et dans la modu-
lation de cet accompagnement ! Et pourtant tout cela n'est que le colo-
ris de son délicieux tableau. C'est le bonheur de l'accent trouvé qui fait
de cette petite composition une grande et belle chose; c'est la création
tout entière sortie de l'âme de l'artiste qui, dans un petit cadre, a su
placer un tableau de grande dimension.
» Messieurs, je m'arrête, avec la crainte d'avoir peut-être abusé de
DE PARIS.
117
l'attention que vous avez bien voulu m'accorder et de l'indulgence que
vous m'avez témoignée. Cependant j'espère trouver mon excuse dans la
beauté du sujet que j'ai essayé de traiter devant vous. Persuadé comme
je le suis que le beau ne peut être exprimé par l'art que parce que son
type existe primitivement dans l'homme, j'ai essayé de vous démontrer
que ce type est absolument idéal chez le musicien. Puissé-je n'être pas
resté trop au-dessous de ma tâche ! »
VIVIER
Voici quelques lignes écrites par Adophe Adam sur Vivier à propos
de la visite tout récemment rendue par lui à la ville d'Amiens. Nous
nous faisons un plaisir de les reproduire dans l'intérêt de nos lecteurs,
et comme modèle d'appréciation aussi juste que spirituelle.
Il y a un étrange contraste entre la nature élevée, sévère et sérieuse
du talent et le caractère de gaieté et presque de bouffonnerie du célèbre
artiste. Mais ce qui distingue Vivier des plaisants de société et des lous-
tics d'atelier, c'est que ses plaisanteries, ses mystifications n'ont pas pour
but d'amuser les autres, mais de l'amuser lui-même. Enfermez-le dans
une chambre tout seul, et il trouvera moyen de se jouer quelque bon
tour et de se moquer de lui-même. Maintenant, si nous séparons l'homme
de l'artiste, et ce n'est que de ce dernier que nous devons nous occuper,
nous trouvons encore deux natures distinctes entre l'exécutant et le com-
positeur.
Comme exécutant, Vivier ne peut être comparé qu'à lui-même. Il pos-
sède une plénitude et une puissance de son incomparables; il joue habi-
tuellement dans le ton de mi et dans le registre du second cor. Son style
est d'une largeur magistrale. 11 n'exécute que sa musique, et elle est toute
inédite, par l'excellente raison qu'elle ne peut être exécutée que par lui,
puisqu'il garde le secret des effets qu'il a inventés et découverts. C'est
dans l'exécution de mélodies graves et sévères, quoique presque toujours
gracieuses, qu'il trouve ses éléments de succès; mais il sait donner un
tel accent à son instrument, qu'il produit quelquefois le plus grand effet
avec une simple note filée, remplissant avec une perfection inouïe toutes
les insensibles transitions du pianissimo, du rinforzandu et du decrescendo.
En un mot, Vivier est le plus admirable chanteur du monde, dont la voix
est remplacée par le timbre du cor.
Quant à ses effets de doubles, triples et quadruples notes, c'est un mys-
tère que les acousticiens ne peuvent analyser et que les musiciens ne
devinent pas. Ceux que rien n'étonne et qui veulent tout expliquer, pré-
tendent que Vivier chante en même temps qu'il pousse l'air dans le tube
de son instrument : ceci ne serait déjà pas très-facile; mais en admettant
même cette explication , on ne comprendrait pas davantage qu'il pût
chanter trois notes à la fois. Il faut renoncer à comprendre par quels
moyens cet effet se produit.
Comme on le voit, Vivier n'exécute guère de difficultés sur son instru-
ment; il ne fait que des impossibilités.
Si nous prenons maintenant Vivier comme compositeur, il ne nous pa-
raîtra pas moins étrange, car ses compositions ne se rapportent à aucune
catégorie de morceaux. Ce sont de petites mélodies, qu'il chante en s'ac-
compagnant avec le violon ; mais ce qu'il chante n'est pas exécuté avec la
voix telle qu'on l'emploie dans les morceaux de chant : sa voix tient de l'en-
rouement , du nasillement , de la tête, que sais-je? Et cela est charmant
doux , plaintif, mélancolique et d'une poésie indicible. Quelquefois Vivier
ajoute des paroles à ses mélodies, elles n'en deviennent que plus tou-
chantes ; il en est deux ou trois que je n'ai jamais pu entendre sans pleu-
rer. Joignez au charme de ces mélodies l'élégance des modulations har-
moniques les plus neuves et les plus variées, et vous vous ferez encore
difficilement idée de la perfection de ces petits morceaux , qu'on ne peut
se lasser d'entendre. >
Pendant le dernier séjour que Rossini fit à Paris, il n'alla pas une seule
fois au théâtre et ne voulait entendre aucune espèce de musique. Duprez,
qu'il ne connaissait pas, avait été seul admis à lui chanter quelques pas-
sages de Guillaume Tell. Je demandai un jour à Rossini la permission de
lui amener Vivier. — Qu'est-ce que c'est que cela, Vivier ? — C'est un cor
qui chante et qui joue du violon. — Ça doit être joli. — Oui , c'est très-
joli. — Vous m'en répondez ?... Joue-t-il longtemps? — Il joue fort peu
lorsqu'on l'en prie beaucoup, et quelquefois même il ne joue pas du tout.
— Alors, amenez-le moi, je vous réponds que je ne le tourmenterai pas.
Le lendemain, Vivier vint avec moi. Au bout d'une demi-heure de con-
versation , pendant laquelle Rossini se tordait de rire sur son fauteuil , il
pria Vivier de lui faire entendre un petit morceau , puis un second , puis
un troisième, et nous ne nous retirâmes qu'à une heure du matin. Mais
il fallut promettre de revenir le lendemain, et chaque soir nous y retour-
nâmes jusqu'au départ de Rossini.
J'ai dit que Vivier jouait de préférence pour les têtes couronnées: aussi
ne se faisait-il jamais prier pour jouer devant Rossini. Celui-ci ne pouvait
se lasser de l'entendre, et moi je profitais de cette bonne fortune, et je
me surprends quelquefois à être obligé de désirer qu'un nouveau voyage
de Rossini me procure encore l'occasion de jouir du talent de Vivier, car,
malgré ma liaison assez intime avec le célèbre capricieux, je ne me rap-
pelle pas l'avoir entendu plus d'une ou deux fois sur le cor depuis cette
époque. Ad. ADAM (de l'Institut).
NOUVELLES.
%* Demain lundi, à l'Opéra, pour la réouverture, le Prophète.
V La première représentation du Juiftrrant a été forcément retardée
de huit jours. Toutes les mesures prises par la direction pour que ce
grand ouvrage fût donné demain lundi ont été dérangées par un de ces
petits accidents impossibles à conjurer. La grippe s'est jetée sur la voix
d'une cantatrice et l'a réduite au silence dans l'intérêt d'une prompte
guérison. Aujourd'hui que la cantatrice chante mieux que jamais, une se-
maine suffira amplement pour réparer le temps perdu. C'est donc au lundi,
19 avril, que l'apparition du Juif errant est fixée. En attendant, la renom-
mée de l'œuvre grandit toujours; que sera-ce quand le public aura passé
par là?
%* C'est seulement dans la journée de dimanche dernier qu'il a été dé-
cidé que l'Opéra jouerait le lendemain ; le spectacle se composait de Vert-
Vert et de la Xacarilla. Mlle Dameron chantait le rôle de Lazarille, et on
l'y applaudissait sous le nouveau costume qu'elle porte fort gracieuse-
ment.
*._* Mercredi, la Favorite a été jouée. On croyait que Mlle Courtot chan-
terait le rôle de Léonor pour son second début ; mais c'est Mlle Masson,
qui s'en est chargée avec son talent ordinaire. Comme à la précédente
représentation du même opéra , Roger s'est montré admirable dans le
rôle de Fernand : il l'a chanté de manière à exciter l'enthousiasme ; la
salle entière le lui a prouvé par des bravos redoublés.
V Levasseur, le chanteur célèbre, qui a quitté l'Opéra depuis quel-
ques mois, donne en ce moment des représentations à Brest. 11 y a joué
avec un égal succès dans les Huguenots et dans le Philtre.
*** Aujourd'hui à l'Opéra Comique le Farfadet, Madeton et la Fête du
villitjP voisin.
V MmeDarcier avait remplacé Mlle Wertheimber dans le CariUonneur
di Bruges, et mardi dernier , c'est Mlle Wertheimber qui a remplacé
Mme Darcier, en reprenant le rôle de Béatrix, si bien créé par elle. Voilà
l'effet des indispositions au théâtre : Mme Darcier se trouvant malade,
Mlle Wertheimber s'est gracieusement prêtée à la circonstance, et,
comme il faut bien faire les choses, jamais elle n'avait joué ni chanté avec
un talent si remarquable. 11 n'est pas douteux que le repos, et peut-être
aussi que les études du nouveau rôle qu'elle va créer, ne lui aient été
grandement profitables. Aussi l'a-t-on chaudement applaudie, saluée de
fleurs, et rappelée avec Battaille, Mlle Félix Miolan, Boulo et tous les
artistes qui étaient de la fête.
%* L'Opéra-Comique annonce pour mardi prochain la première repré-
sentation de Calathée, opéra-comique en deux actes, paroles de MM. Bar-
bier et Michel Carré, musique de M. V. Massé. Mme Ugalde jouera le rôle
de Galathée; Mlle Wertheimber celui de Pygmalion; les deux autres rôles
seront remplis par Mocker et Sainte-Foy.
V Le Farfadet, de compagnie avec Madelon, s'établit de plus en plus
au répertoire.
%* L'Opéra-Comique a fait relâche jeudi, vendredi et samedi.
*/Le vendredi-saint il y a eu relâche à tous les théâtres de la capitale.
%* L'Opéra-National est resté fermé pendant toute la semaine. Il
s'agissait avant tout de décider la question qui intéresse le plus l'avenir
de ce théâtre. Nous croyons savoir que la nomination de M Jules Seveste
comme directeur, est assurée.
%.* Dimanche dernier, la cérémonie de la remise de la barette à S. E.
le cardinal archevêque de Bordeaux , par le prince-président de la Répu-
blique, a été l'occasion de l'exécution d'une messe en musique dans la
chapelle des Tuileries. C'est M. Adolphe Adam qui avait été chargé d'im-
proviser la partie musicale de la cérémonie en vingt-quatre heures.
Comme il était impossible de réunir un orchestre, on l'avait remplacé par
un orgue à percussion d'Alexandre et par deux harpes. Les choristes,
dirigés par M. Dietsch , étaient au nombre de 36. Mmes Laborde et
Printemps, MM. Dufrêne, Bussine, Donzel et Nathan chantaient lessolos.
Le L'iudate de la messe de Sainte-Cécile, de M. Adolphe Adam, a été dit
par Aimes Laborde et Printemps; un motet de M. Dietsch, par Dufrêne et
Bussine; l'Ave Maria, de M. Dietsch, par Mme Laborde; l'O salutaris, de
M. Adolphe Adam, par MM. Dufrêne, Donzel, Bussine et Nathan , le Do-
mine, salvos, par MM. Dufrêne et Bussine. L'effet général a été des plus
satisfaisants : le caractère religieux de l'O salutaris a paru vivement im-
pressionner l'auditoire, et l'on a trouvé que la sonorité était considérable,
malgré le petit nombre d'exécutants. C'est un avantage local , mais aussi
un éloge pour la musique et les chanteurs.
V Déjà l'année dernière uue brillante matinée musicale et dramatique
118
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
avait été donnée au profit de l'œuvre des Saints-Anges, institution pieuse,
qui ne se soutient que par la bienfaisance, et dont le but est d'élever de
jeunes orphelines depuis leur première enfance jusqu'à 21 ans. Demain
lundi, une autre matinée, organisée, comme la première, par Mmes de
Grammont et de Châteauneuf. aura lieu dans la salle Herz, à deux heures.
Les éléments dont elle se compose en garantissent le succès. Henri Herz,
qui, depuis son retour en Europe, ne s'est fait entendre qu'une seule fois,
a bien voulu consentir a exécuter sa valse intitulée : VEcume de mer, ainsi
que sa polka, la Californienne, qu'il a composée à San-Francisco. MM. Pon-
chard, Géraldy, Mme Taccani-Tasca se sont chargés de la partie vocale,
avec M. Malézieux, qui chantera ses plus nouvelles chansonnettes. M. de
Cuvillon exécutera un solo de violon, et le jeune René Franchomme, cet
enfant si digne de son père, des fantaisies sur le violoncelle. Enfin, les
Philosophes de vingt cm?, ce charmant proverbe de Mme Berton, sera joué
par Mlle Luther et autres artistes du Gymnase. Les chœurs seront chan-
tés par le choral de Paris, sous la direction de M. Philips. — Prix des
places : 10 fr. et 5 fr.
%* Voici le programme du troisième concert qui sera donné par l'As-
sociation des Artistes musiciens, le jeudi 15 avril 4852, à 8 heures du soir,
dans la salle du Bazar Bonne-Nouvelle (ancien Diorama) : 1. 22e Sympho-
nie (en sol mineur) de Haydn. 2. Pater Nosttr, de M. Georges Bousquet,
chsiïté par M. Wartel. 3. Andante pour le violon, de Baillot, exécuté par
M. Maurin. Z|. Air de Bénioivsky, de Boïeldieu, chanté par Mlle Rossignon.
5. Concerto de piano (en ré mineur), deMozart, exécuté par Mlle Charlotte
de Malleville, 6. La Pénitence, mélodie religieuse, de Beethoven, chantée
par M. Wartel. 7. Ouverture de Slratonice, deMéhul.
*s* Le concert-spirituel de bienfaisance donné le jeudi-saint par l'As-
sociation des Artistes industriels au Jardin-d'Hiver, a été remarquable
d'exécution. Les musiques de plusieurs régiments d'infanterie et de ca-
valerie, sous l'habile direction de M. Klozé, ont fait grand plaisir dans les
morceaux suivants de la messe d'Adolphe Adam : h'tjrie, Credo, Agnus et
Sanclus. Mme Montigny a dit avec un sentiment parfait YAvè Maria de F.
Schlosser. La partie de basse-taille était chantée par l'auteur lui-même,
dont la voix bien timbrée a produit le meilleur effet. Les applaudisse-
ments de l'auditoire ont dû prouver à ce jeune compositeur-chanteur
qu'il peut se faire entendre sans aucune crainte. Les chœurs, composés des
membres de plusieurs sociétés chorales, ont exécuté avec un ensemble
bien remarquable, sous le bâton démesure que M. E. Delaporte tient par-
faitement, plusieurs morceaux et notamment le Gloria de Laurent de
Bille. Le lendemain, vendredi saint, une autre solennité du même genre
s'est encore accomplie avec plus d'ensemble et de succès.
%* Nous nous empressons d'annoncer que le concert de Mlle Graever
aura lieu lé 20 de ce mois, dans la salle Herz. Avant cette époque, l'ex-
cellente pianiste se fera entendre dans un concert donné par M. Ma-
libran.
*,* Mme Hennelle, la cantatrice si distinguée et si renommée pour son
talent de professora, donnera son concert annuel samedi prochain, 17 avril,
dans les salons de Pleyel, rue llochechouart.
*s* Samedi, 17 avril, à 8 heures du soir, salle Sainte-Cécile, aura lieu le
concert donné par Mme L. Farrenc, professeur au Conservatoire. On y
entendra pour la partie vocale : Mlle Favel , de l'Opéra-Comique, et
M. Alexis Dupond ; pour la partie instrumentale: Mme L. Farrenc, piano;
M. Maurin, violon; M. Mas, alto ; M. Chevillard, violoncelle; M. Gouffé^
contrebasse; M. Leroy, clarinette.— Prix des billets : 6 fr. On peut s'en
procurer chez Mme Farrenc , rue Taitbout, 10.
V L'organiste de l'église Sainte-Valère, M. J. Ganuza, y a fait en-
tendre, le vendredi-saint, un oratorio de. sa composition. Le texte n'est
autre chose que la paraphrase en vers français des sept dernières paroles
du Christ. Quoique l'exécution des solos et des chœurs ait laissé beau-
coup à désirer, l'auditoire a parfaitement apprécié le remarquable mérite
de l'œuvre du jeune artiste. Elle se distingue par une mélodie facile,
abondante, gracieuse, par une harmonie élégante et correcte, enfin par
des effets de style expressif bien sentis. Cette partition, qui ne renferme
pas moins de neuf morceaux, presque tous développés, promet un com-
positeur d'avenir.
%* Par une décision en date du 23 mars dernier, le prince Jérôme
Bonaparte a nommé organiste du Sénat, M. Edmond Hocmelle, lauréat
du Conservatoire, et qui avait obtenu au concours la place d'organiste de
l'église des Invalides et de celle de Saint-Thomas-d'Aquin. M. Edmond
Hocmelle conserve ses fonctions auprès de cette dernière église.
%* M. Blumenthal, l'excellent pianiste et compositeur, vient de passer
par Paris pour se rendre à Londres, où il se propose de rester pendant la
saison d'été.
*4* Si la justice est due à tout le monde, elle l'est surtout aux enfants.
C'est donc avec un grand plaisir que nous rectifions une erreur commise
à l'égard du jeune violoniste, Paul Julien, il est si peu exact que l'artiste
précoce joue toujours les mêmes morceaux, que précisément dans le
concert dont ce journal a rendu compte, il jouait pour la première fois
un quatuor de Beethoven, et le 7e concerto de Rode. Erreur n'est pas
faute, lorsqu'elle échappe sans préméditation.
*** Le concert annuel de M. Géraldy aura lieu le 27 avril à S heures du
soir, dans la salle Pleyel. Nous donnerons dans notre prochain numéro
le programme de cet intéressant concert.
"V M. Emile Albert, pianiste, doit donner un concert le 15 avril, à 8
heures 1/2 du soir, dans la salle Pleyel, 20, rue Rochechouart.
V Le dernier concert de M. Léopold de Meyer aura lieu le 19 avril,
dans la salle Herz. Le célèbre pianiste exécutera, pour la première
fois, une grande fantaisie sur le Prophète, de sa composition, puis son
Souvenir d'Italie qui paraîtra très prochainement.
V M'le Marie Galtier, jeune pianiste âgée de six ans, vient d'arriver à
Paris. Nous saurons bientôt à quoi nous en tenir sur le compte de cette
petite merveille.
%* Le cinquième concert du Cercle musical aura lieu dimanche
18 avril, avec le concours de trois artistes remarquables, la petite violon-
niste Camille Urso, Mlle Graever et Mlle Molidoff'. Mlle Urso exécutera la
fantaisie d'Artot, Souvenirs de Bellini; Mlle Graever jouera le concerto en
la mineur, de Hummel, avec orchestre, et Mlle Molidoff chantera deux
airs italiens. M. Malibran fera entendre son ouverture d'Hainlet, encore
inédite à Paris, et le nocturne de Spohr, pour instruments à vent, rede-
mandé par tous les amateurs de bonne musique.
*„* Le concert de Mlle Joséphine Martin aura lieu le 16 avril, salle
Pleyel, à 8 heures du soir, avec le concours de M. etMme Lefébure-Welly,
de MM. Offenbach, Lecieux, Balanqué, de l'Opéra-National et Lamazou.
%* Nous voudrions pouvoir transcrire entièrement le programme d'une
séance musicale dont la salle Sax a été le théâtre vendredi dernier. Voici
du moins le commencement de cette pièce vraiment curieuse : « Con-
» cert-défi donné à tous les violons et tous les pianistes, pour la puissance et
» la pureté de son, l'énergie, l'expression et le goût, par M. Corail. Ilest par-
» venu, à faire chanter le violon et le piano avec un fini et un charme que la
» voix humaine ne saurait égaler. Avant de commencer chaque morcea'i ,
» M. Corail ftra une courte explication.... » Cette explication devait dis-
penser de tout commentaire.
*t* M. Provini, le nouveau directeur du théâtre de Marseille, est en ce
moment à Paris pour compléter sa troupe, qui se compose déjà d'artistes
de premier ordre, tels que Mme Charton et Mlle Lafont,
%* Nous croyons devoir signaler, à l'approche du mois de mai, le re-
cueil de motets intitulé Mois de Marie, de Saint-Philippe, composé par
A. Adam. Ces chants sacrés seront exécutés dans toutes les églises de
Paris.
%* Le dimanche 18 avril, à 2 heures, dans la salle Herz, aura lieu le
concert des frères Lionnet, conscrits de la classe de 1851. On entendra,
pour la partie sérieuse : Gueymard, Géraldy, Goria, E. Nathan, Lionnet
frères; Mlles Nau et Montigny. Pour la partie comique : MM. Levassor,
Ravel, Sainville, Grassot, Achard, Hyacinthe, Amant, Lhéritier, Michel,
Pellerin, Kalekaire et Augustin. Nos premiers peintres et sculpteurs,
voulant donner un témoignage de sympathie aux jeunes bénéficiaires, ont
organisé pour eux une tombola composée de lots offerts par les artistes
dont les noms suivent : MM. Ary Scheffer, Diaz, Couture, Henri Scheffer,
Pradier, Eugène Cicéri, Rousseau, Mélingue, Duran-Brager, Morel-Fatio,
Cli. deLuna, Jong-Kind, etc., etc.
*** Voici une lettre qui fait trop d'honneur au caractère d'un artiste
pour que nous ne cédions au plaisir de l'insérer. Elle est adressée à
M. Gartner, chef de musique au Ue régiment d'infanterie de ligne, par
M. Brunell, président de l'association musicale de Lille : — « Monsieur,
Votre régiment change de garnison, et l'Association musicale perd en
vous un de ses auxiliaires les plus dévoués. Avant votre départ l'Associa-
tion a un compte à régler avec vous. Les services rendus par votre ta-
lent, chacun de nous les connaît et les apprécie; mais vous avez essayé
de nous cacher quelque chose qui vaut mieux encore. Depuis cinq mois,
un pauvre artiste de Lille est enchaîné sur un lit de douleur; il ne peut
plus faire son service; il est forcé de chômer, et le chômage, pour lui,
ce devait être la misère, la faim... Depuis cinq mois aussi, vous allez,
chaque soir, prendre la place de l'absent à son pupitre, soit chez nous,
soit au théâtre, et le malade touche ses appointement tout entiers, et
sa femme et son enfant ne manquent de rien... Là dessus, vous alliez
nous quitter, comme si de rien n'était. Ah! monsieur, vous deviez bien
penser qu'entre l'Association musicale de Lille et vous, cela ne se passerait
point ainsi... L'Association veut, au contraire, vous signaler hautement
à l'estime publique et à l'affection de vos camarades. Elle m'a chargé de
vous offrir une médaille d'honneur qui vous est décernée par le vote
unanime de notre commission administrative. Emportez cette médaille,
Monsieur, comme un bon souvenir des artistes lillois; elle doit être
pour vous un titre précieux, car elle rappelle à la fois ce que vous va-
lez par le talent, ce que vous valez par le cœur. »
*,* En exécution de diverses délibérations du Conseil académique delà
Seine et de la Commission municipale, il sera procédé, dans le cours du
mois de mai prochain , à la réorganisation du service de l'enseignement
musical dans les écoles communales primaires de Paris. Les maîtres de
chant chargés d'enseigner dans les écoles seront désormais nommés ,
comme les autres instituteurs, par le recteur, le Conseil municip'al en-
tendu, sur une liste d'admissibilité dressée par le Conseil académique.
Pour être porté sur la liste d'admissibilité, il faut: 1" être âgé de vingt et
un ans au moins, de trente-cinq ans au plus , à moins qu'on ne soit déjà
répétiteur de chant dans les écoles communales ; 2° offrir toutes les ga-
ranties de moralité désirables ; 3" présenter un certificat spécial d'aptitude
délivré par une commission instituée à cet effet. Cette commission, sié-
geant à l'Hôtel-de-Ville, commencera les examens le 3 mai prochain. Les
candidats sont invités à se faire inscrire à la Sorbonne, au secrétariat de
l'Académie, où il leur sera donné communication du programme d'examen
dont voici la teneur :
DE PARIS.
11»
Programme d'examen pour le certificat d'aptitude aux fonctions d'instituteur
spécial pour l'enseignement du, chant dans les écoles communales primaires
de la ville de Paris.
\il. I'1. Questions sur les éléments do la partie obligatoire do l'instruc-
tion primaire, toile qu'ello est indiquée par l'art. 23 de la loi organique du
15 mars 1850 (pour les candidats qui ne sont point actuellement répéti-
teurs de chant dans les écoles communales).
Art. 2. Chant à première vue d'une leçon de solfège sur la clef de soi ou
de fa, au choix du candidat. (1" épreuve de solfège.)
Art. 3. La lecturo sur les cinq clefs en usage. (2° épreuve de solfège.)
Art. U- Transposition solfiée à première vue. (3° épreuve de solfège.)
Art. 5. Dictée musicale.
Art. 6. Interrogations sur les principes généraux de la musique, tels
que le rhythme, les intervalles, la tonalité.
Art. 7. Réalisation écrite à quatre parties et avec des valeurs égales
de l'harmonie indiquée par une basse chiffrée. (Accord parfait et accord
de septième dominante avec leurs renversements.)
Il1 sera tenu compte aux candidats de la réalisation à vue sur le piano
de l'harmonie (en valeurs égales) d'une seconde basse chiffrée. (Mêmes
accords.)
Art. 8. Interrogations sur les divers procédés de la Méthode B. Wilhem.
Art. 9. Leçon théorique et pratique professée par le candidat, en pré-
sence de la commission, dans une école communale désignée à cet effet.
Art. 10. Les observations du professeur candidat devront porter, selon
qu'il y aura lieu, sur l'intonation, la mesure, l'émission de la voix, la pro-
nonciation et la respiration.
Art. 11. Epreuve théorique et pratique sur les éléments du plain-chant
selon la méthode B. Wilhem.
CRON1QUE DÉPARTEMENTALE.
%* Lille. — L'association musicale de cette ville organise en ce mo-
ment un grand concours de chant d'ensemble auquel sont conviées les
Sociétés chorales de la France, de la Belgique et de l'Allemagne. Cette
solennité artistique aura lieu le 20 juin prochain. La ville de Lille, assise
sur l'extrême frontière, au confluent des chemins de fer européens, est,
par sa position même, le théâtre naturel où les nations qui nous entourent
se donneront cordialement la main. L'association musicale ne négligera
rien pour rendre cette fête digne des Sociétés qui répondront à son appel,
et en même temps pour conserver à la cité la réputation qu'elle a acquise
depuis longtemps et qu'elle tient à honneur de conserver. On se rap-
pelle encore le festival de 1851 ; cette fois encore notre ville ne veut pas
rester en arrière des nations voisines, la Belgique et l'Allemagne, et à
l'exemple de ces deux pays, elle veut donner à ses populations le spec-
tacle nouveau pour elles d'un grand concours de chant d'ensemble. L'as-
sociation musicale a chargé M. Ferdinand Lavainne de composer un chœur
pour voix d'hommes qui sera exécuté par une réunion choisie de cent
cinquante chanteurs, et qui servira d'ouverture à cette fête toute artis-
tique.
%* Nancy. — C'est samedi 20 mars que la Société philharmonique de
cette ville inaugurait sa dixième année d'existence. Elle avait fait appel
au talent d'Alexis Dupond, secondé par de jeunes artistes dans cette
belle solennité artistique, à laquelle assistait la plus brillante société de
Nancy et Mgr Pévêque de cette ville. VAve Maria, de Miné; plusieurs
mélodies de Schubert, et V. Massé, Reber ; surtout le duo de la Nuit
de No'él, de ce dernier, ont été les morceaux les plus applaudis.
%* Strasbourg, 6 avril. — Le Prophète a continué sa marche triom-
phale; la dernière représentation avant la clôture a eu lieu dimanche au
milieu d'un concours immense. Elle se composait de deux actes du Caïd,
d'un acte de Charles VI et des trois derniers actes du Prophète. Les hon-
neurs de cette brillante soirée reviennent incontestablement à Mlle So-
phie Méquillet, d'abord dans le rûle d'Odette qu'elle a interprété d'une
manière délicieuse, et ensuite dans celui de Fidès, qu'elle a chanté et
oué en grande tragédienne. Applaudissements, rappels et bouquets,
rien n'a manqué à son triomphe. Rappelée de nouveau à la chute du
rideau, l'éminente artiste a été l'objet d'une nouvelle ovation; elle a
reparu, accompagnée de Mme Montaubry (Berthe), et du ténor, M. Tous-
saint, aux applaudissements de la salle entière.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
V Berlin. — Meyerbeer a écrit une cantate pour la célébration du
vingt-cinquième anniversaire du mariage du prince Charles de Prusse.
Cette nouvelle composition du grand maître sera exécutée pendant le
séjour de l'impératrice de Russie. — La Société philharmonique a donné
son dernier concert, le 1k, sous la direction de M. Léopold Oanz. — Au
collège Frédéric-Guillaume , les élèves de la première classe ont repré-
senté la tragédie A'Anligone en langue grecque, avec les chœurs de Men-
delssohn. — Le théâtre Friedrich-Wilhemstadt a donné avec beaucoup de
succès la Fille du Régiment. Les honneurs de la soirée ont été pour
Mme Rudersdorfï, qui, dans le rôle principal, s'est placée au rang des
premières cantatrices. — On a mis à l'étude la Poupée de Nuremberg, qu;
sera jouée dans la semaine après Pâques. — M. Dupont , pianiste belge
d'un très-grand talent, a joué à, un concert de la Cour.
*„.* Zurich. — Le célèbre violoniste Ernst s'est fait entendre avec le plus
grand succès. Presque toutes les villes dé* la Suisse le réclament et lui
demandent des concerts.
*j* La Haye, 2 avril. — Le théâtre royal français, qui a été fermé pen-
dant plus de quatre mois, a fait hier sa réouverture par la représentation
du Roi de Bohême, opéra en trois actes, de M. de Saint-Georges, et dont la
musique, due à M. Lazare Martin, a été couronnée au concours de l'année
dernière. Cette représentation avait rempli la salle. L'avenir du théâtre
français, auquel le gouvernement a accordé une forte subvention , est
maintenant assuré.
*Ht* Vienne. — Les concerts se suivent ici sans interruption. Dans le
nombre nous citerons le concert donné au profit du fonds de l'hospice
civil , dans la salle des Redoutes : on y a entendu l'ouverture de Slruen-
sée, par Meyerbeer, et divers morceaux de chant exécutés partîmes Mar-
ray et Médori et MM. Fraschini et Scapini.
*** Prague. — Mme Sontag a été nommée membre honoraire de l'Aca-
démie Sophie; le diplôme lui a été remis par le directeur de l'Académie,
M. Vogl et M. de Weyrother, secrétaire.
*.t* Brunn. — Le Prophète, de Meyerbeer, a été représenté ici avec une
magnificence de décors et de costumes qu'on n'avait point vue encore à
notre théâtre.
%* Dresde. Le dimanche des Rameaux on a exécuté ici un oratorio
nouveau, intitulé : David, par M. Reissiger.
*„* Francfort. — Mme Gundi a commencé ses représentations à notre
théâtre par le rôle de Fides.
*„.* Kœnigsberg. — La troupe italienne , composée de Mmes Persiani et
Demi et de MM. Tamburini, Pezzolini, Rossi et Denis, a donné jusqu'ici
trois représentations, qui ont été très-suivies, quoique les prix des places
eussent été doublés. — Le pianiste Decker a écrit un opéra nouveau : la
Comtesse de Toulouse, qui doit être représenté incessamment.
*„* Constantinople, là février. — Le théâtre est maintenant en bonne
veine. Le second concert du jeune violoniste, Horace Poussard, a été pour
lui et pour le directeur un second succès. M. Horace Poussard a joué une
fantaisie sur Charles Vf, une fantaisie sur la Lucie, une romance, et le
Souvenir d'Amérique, de Vieuxtemps. 11 a dû répéter ce morceau au milieu
des applaudissements enthousiastes du public. M. Horace Poussard don-
nera encore un concert assez prochainement, et cette soirée , nous en
sommes persuadé, ne sera pas moins brillante que les précédentes. Bien-
tôt le violoniste retournera en France ; il pourra dire qu'il a trouvé à
Constantinople, au milieu des merveilles de la nature orientale , une so-
ciété semblable, chose étonnante, aux meilleures sociétés d'Europe, un
théâtre comme tous les théâtres , et un public capable d'apprécier l'art
et les bons artistes.
Le gérant : Ernest DESCHAMPS.
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4. BBuo chanté par M. Jourdan et Mlle Lemercier: « Que tapeur est
imbécile !»
2. Couplets en dsio chantés par Mlles Lemercier et Talmont :
« Il me cajolait, il me câlinait, etc. » 3 »
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3. Ave Maria, duo pour soprano et contralto, avec accompagnement de
hautbois, ad lib 4 50
N° 4. Ave veruji, solo pour soprano 2 50
5. Ave regina coelorcm, duo ponr soprauo et mezzo soprano 3 75
6. Inviolata, duo pour soprano et mezzo soprano 3 75
7. O salutaris, pour soprano 3 »
8. Ave maris Stella, duo pour soprano et mezzo soprano 5 »
CHEZ J. BENACCI-PESCHIER
Mitlitewr,
S. THAEBERK. Op. 65. Tarentelle 7
— Op. 06. Elisire d'amore, variation caprice 9
A. FCMAftiAB^Bja. Op. 61 bis. Casta Diva, étude pour la main gauche. 6
— Op. 76. Laura, polonaise brillante 9
Op. 83. Danse des Sylphes, rondo brillant. ... 9
— Op. 85. Nocturne élégant en .si 6
A. «SAEIi. Op. 14 Danse des Sylphes, fantaisie élégante (moyenne force) 7
«I.-B. DVVliRKOV. Op. 141. Fantaisie italienne 5
— Op. 142. Les deux Sœurs, 2 fantaisies, chaque.. 5
Op. 144. Fiorentona, fantaisie élégante .... 6
— Op. 158. Deux fantaisies sur la. Soiinambula, ch. 6
— Op. 203. Danse des Sylphes (facile) 6
R. MIJl.BiEIt. Op. 12. La Cascade, étude dédiée à Mme Pleyel 6
— Op. 12 bis La Styrienne 6
— OP- 19. Cécilia, mazurka, caprice 7
A. GORIA. Op. 59. La Campanella, mélodie, étude 6
11. COTSCU4LK. La mélancolie, étude d'après J. Godefroid .... 6
I>. HESSE1IAECKEK. Op. 67. Oréa, polka 3
— Op. 68. Le Boucanier, rondog-alop 6
— Op. 69. Frasquita, polka-mazurka 6
, rue MjttffitSe.
©. COHETIASÏ. La Vision, polka-mazurka
Gasilda, fantaisie facile pour les petites mains . .
A. FOUET, Les Willis, polka-mazurkas, schottisch, valses
BABBIEIS. Op. 5. Polka-mazurka
SE ARC. Les Brises du Nord, six polkas-mazurkas
— Bertrand Duguesclin, quadrille pour piano et- à 4 mains
— La Fête des Fous, , — —
CH. BUPART. Don Juan,
4J. C-tRUIiHil. Op. 11. Vingt-cinq études progressives
F. FERE5ARIS. Harmonies poétiques, quarante-trois études pour le
piano en trois livres, chaque
SIESiBEBjSWOHSI-BASI'ffH.OB.i»'. Op. 57. Six mélodies pour piano
seul, transposées par St. Heller
— Op. 61. Scherzo sur le Rêne d'une mi'l d'été, a 4 mains, par l'auteur
— Op. 61 bis. Nocturne et. marche sur le Rêve d'une nuit d'été, à 4
mains, par l'auteur .
E. MECiVWI. Le vieux Forban, ballade pour voix de baryton
— L'Ange) us du Pâtre, mélodie pour ténor ou mezzo soprano
II. nOKllLliEV. Semiramide, fantaisie et variations brillantes ....
F. EBisKT. Elégie sur une mélodie de Sorriano {Feuille morte)
— Grande fantaisie sur une mélodie de Lespine
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S;,s-rlli
REVUE
Le Journal paraît le Dimanche.
GAZETTE MUSICALE
91 PAUÏS
SOMMAIRE. — Théâtre do l'Opéra-Comique, Galathée, opéra-comique en deux
actes (1'" représentation), par Henri H6l;i n<li«r<(. — Auditions musicales,
par le même. — Statue de Lesueur. — Almanach des spectacles pour 1852. —
Correspondance, Liège. — Nouvelles et annonces.
THEATRE DE L'OPERA-COMIQUE.
«Ali ATHEE.
Opéra-comique en deux actes, paroles de MM. Jules Barbier et
Michel Carré, musique de M. Victor Massé.
(Première représentation, lh avril.)
Heureux et simple que j'étais ! Pauvre et religieux ami de l'art qui
croyais à sa grandeur, à sa puissance, à son apothéose ! Sur la foi de l'an-
tiquité, qui me l'avait enseigné dans un de ses plus délicieux symboles,
sur la foi de Jean-Jacques Rousseau etde sa prose éloquente, plus chaude
encore que la poésie d'Ovide, je me flattais que la beauté physique était
voisine de la beauté morale. Je m'enivrais de l'idée qu'une admirable
statue pouvait devenir une femme adorable. Eh bien ! je vivais sur une
illusion ; je me perdais dans les chimères ; les auteurs de Galathée vien-
nent de me le prouver. Le Pygmalion de Jean-Jacques Rousseau avait
dit, dans son extase : « Que l'âme faite pour animer un tel corps doit
» être belle ! » Tout au contraire, les auteurs de Galathée ont dit :
» Cette âme doit être laide, vile et mesquine. Une statue qui reçoit la
» vie ne doit avoir que des instincts légers, que des passions igno-
» blés ; elle ne doit aimer que la toilette, les fleurs et le vin; elle doit
» préférer l'esclave au maître, le grossier et indolent Ganymède au
» délicat et ardent Pygmalion ; elle doit renier l'auteur de ses char-
» mes, et le remplir d'indignation , à tel point qu'il demande à Vénus
» de repétrifier l'œuvre de ses mains. •> Et pourquoi cela ? Sans doute
parce qu'une statue n'est que de la matière ; mais l'étincelle divine
que le ciel lui envoie, et cette étincelle c'est l'âme, vous la comptez
donc pour rien ?
Entre la Galathée antique et la Galathée moderne, telle que MM. Jules
Barbier et Michel Carré nous l'ont faite, il n'y a pas à hésiter. L'une
est l'idéal , la poésie ; l'autre est ce qu'il y a au monde de plus repous-
sant. C'est une insulte jetée à l'art, en la personne d'un glorieux artiste.
Encore si Pygmalion était difforme et vieux, et que son esclave ou son
élève fût gracieux et jeune ! Encore si les amis de Pygmalion, pour le
sauver d'une passion funeste, eussent imaginé de lui lancer une lorette
bien éhontée, en lui persuadant que c'est sa statue! Dans la fable de
La Fontaine, on conçoit très-bien qu'une châtie métamorphosée en
femme conserve ses appétits , ses fantaisies et ses griffes de chatte ;
mais, pour l'amour de Dieu, quelle conclusion logique pouvez-vous
tirer d'un chef-d'œuvre de l'art à une hideuse femelle ? et votre Gala-
thée n'est que cela. En un mot, vous avez pris un beau vase d'albâtre,
et vous l'avez condamné à un usage que je m'abstiendrai de nommer.
Sur ce canevas de fantaisie, le compositeur a fait plus que de la fan-
taisie : il a cherché de nouvelles formes, de l'originalité, et il l'a sou-
vent trouvée. Son ouverture est largement développée, et porte bien
le caractère de préface que doit avoir toute ouverture d'opéra. Dès le
commencement se fait entendre un soli de violoncelle qui , à la pre-
mière représentation , a été dit d'une façon un peu équivoque pour la
justesse. Cette mélodie, d'un beau caractère , est suivie d'une autre
pour la flûte, sous laquelle les violons se dessinent en trémolo, avec
sourdines, effet neuf et piquant. Tout cela, soutenu , appuyé d'accords
plaqués, arpégés pour la harpe, a provoqué d'unanimes applaudisse-
ments. On aurait désiré que cette préface, un peu trop longue, se ter-
minât là comme simple et pittoresque introduction. 11 intervient un
nouveau thème de rondo en forme de contredanse à la mode du
xixe siècle, avec triangle ; puis vient un trait brillant des premiers vio-
lons, difficile et bien dit; puis une énergique entrée des cuivres, à la-
quelle succède la péroraison richement travaillée ; et, comme il faut
être logique, le motif du petit et joli rondo revient avec son allure d'ac-
tualité pour les bals de nos jardins publics.
Au lever du rideau, l'esclave Ganymède, rapin de l'atelier du sculp-
teur Pygmalion , dort sur un lit de forme antique. Son sommeil est
bercé par les accents lointains d'un chœur qui célèbre les plaisirs du
festin et de l'amour. Ce petit ensemble exhale tout d'abord un parfum
d'antiquité qui plaît. Midas, le vieil amateur de statues, vient chanter
deux couplets dans lesquels le chanteur, pour arriver à l'effet comique,
scande un peu systématiquement la mélodie. Ces couplets sont d'un
assez bon caractère.
Le trio : Ne le bétonnes p"s\ est chaud et dramatique, et bien dit ;
et puis, les couplets qui finissent par ces mots :
Voilà pourquoi de sa statue
Il nous cachait la douce vue,
offrent sur le final en ensemble un effet très-piquant. La coda du trio
est très-bien de scène, surtout par les rires bien exprimés et comiques
des interlocuteurs.
L'air chanté par Pygmalion, ou plutôt la scène longuement déve-
loppée du sculpteur amoureux, est pleine de pensées mélodiques et
de charmants effets d'instrumentation. Les phrases musicales sur ce
vers : Et contempler cette grâce immortelle ; et sur ceux-ci : Tristes
amours, folles chimères, se distinguent par l'élégance et une nouvelle
forme mélodique. Après le chœur dans la coulisse, qui coupe encore
heureusement ce long monologue musical , l'artiste voit son chef-
d'œuvre s'animer après son invocation à la déesse de la beauté, et
s'écrie aussi musicalement que poétiquement :
122
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
Déjà le sang ruisselle
Dans ses veines d'azur !
Sur cetle noble mélodie, unie à celles de la flûte, des cors et de la
harpe, qui dialoguent richement entre eux, revient le trémolo des vio-
lons de l'ouverture qui expriment au mieux la circulation du sang, et
la vie, et l'amour, et la coquetterie, et le caprice qui, déjà, se dis-
putent les moments de celle à qui Vénus vient de donner la vie.
Le duo entre Pygmalion et Galathée : Aimons, aimons ! est bien
écrit pour les voix ; mais Pais ces lieux communs de morale lubrique
sont un peu longs ; il est vrai qu'il s'agissait avant tout de faire briller
les deux cantatrices. Les cinq Moil que J.-J. Rousseau fait dire à sa
Galathée en descendant du piédestal , et qui touchent au sublime du
naturel dans ce sujet fantastique et de convention , ont été remplacés
par un éclat de rire gentiment exprimé au moyen d'un petit trait as-
cendant de vocalisation, suivi de ces deux mots : Je ris] traduction
qui a paru nécessaire aux auditeurs pour comprendre la chose. Au
reste, la moderne Galathée, par la manière dont elle rit, chante et boit,
nous représente mieux une statua gent/llissima que le convive de don
Juan , à qui Leporello donne cette qualification , le courtisan peureux
qu'il est !
Il y a de l'entrain, de la verve, de l'inspiration musicale dans la
scène de table un peu décolletée, et qu'on peut désigner par les mots
d'orgie bachique. C'est comme un épisode du festin de Trimalcion,
assez en harmonie avec les mœurs de notre temps ; et cela rappelle un
peu aussi, par la mélodie, la tyrolienne et le duo guerrier de la Fille
du Régiment. En opposition à ce dévergondage scénique et harmo-
nique, les questions à la lyre : Que dis-tu? Que dis-tu? et la ritour-
nelle qui les précède, sont charmants de mélodie, même la modulation
un peu crue sur ces mots :
Tout ici bas semble me dire...
Après un entr'acte musical, caprice d'instrumentation, dans lequel
les'cors chantent avec suavité sur de charmantes broderies de flûte, le
second acte s'ouvre par un air en si bémol majeur chanté par Ganv-
mède, morceau d'une facture franche, d'une mélodie vraie et bien
inspirée par ces vers, qui reviennent aussi souvent qu'heureusement :
Ali ! qu'il est doux de ne rien faire
Quand tout s'agite autour de nous!
Le compositeur ne recherche point ici la couleur antique ; il se con-
tente de peindre délicieusement la paresse, qui est de tous les temps;
et il berce [mollement [son auditoire du bienheureux far niente des
Italiens.
Le trio entre Galathée, Mydas et Ganymède : Vous êtes laidl etc.,
est un morceau de scène bien traité : c'est comique, bien déclamé et
chaud. Il est fâcheux seulement que l'art musical, si noble en lui-même,
serve ici d'interprète aux sentiments grossiers et rapaces d'une femme
dont le cœur est resté de marbre quand le vitriol de l'orgie semble cir-
culer dans ses veines. Comme la femme de Putiphar, elle ne voit qu'un
Joseph dans l'esclave Ganymède, et dans un duo-nocturne tout empreint
de voluptueuse mélodie, elle lui dit :
Ganymède, c'est toi que j'aime!
et elle? achève de lui faire faire une sottise, comme il le dit fort bien
lui-même , par un trait de vocalisation délicieuse , et parfaitement
réussi par la cantatrice, sur le mot: Partonsl c'est dire que cette
cantatrice, Mme L'galde, a joué et chanté le rôle de Galathée avec une
audace, un brio parfaitement en harmonie avec le personnage excep-
tionnel.
Mlle Wertheimber a continué ses débuts par le rôle de Pygmalion,
personnage? passionné, mais qui participe peu à l'action de la pièce,
s'il y en a une. Sa voix de contralto-soprano s'est bien développée et
se développera mieux et dans toute son ampleur dramatique aux re-
présentations suivantes. Après s'être fait remarquer au Conservatoire
dans le rôle d'Orphée, il serait assez singulier que la débutante créât
des rôles à F Opéra-Comique comme ceux de Tancredi, d'Arsace de la
Semiramidc, joués dans l'origine par des contralti. Nous avons l'inter-
prète, il ne r.ous manque plus qu'un Rossini. Sans être un compositeur
de cette étoffe, M. Massé est un chercheur ; il ne fait point partie du
servum pecus, imitatores. Sa mélodie est parfois originale, rétrospec-
tive à dessein, et tombe, par cela même, dans la manière ; mais quand
il est naturel, il l'est dans la bonne acception de ce mot. Quant à son in-
strumentation, elle est riche, puissante, et souvent ingénieuse. Qu'il
apprenne la mesure scénique, qu'il recherche la vérité naïve dont il a
le principe en lui ; qu'il évite l'affectation dans le style, et nous aurons
un bon compositeur de plus. MM. Mocker et Sainte-Foy n'ont pas été
médiocrement comédiens et chanteurs comme à l'ordinaire. On a jeté
des bouquets à tout le monde ; on a rappelé tout le monde, et tout le
monde a été content.
Henri BLANCHARD.
AUDITIONS MUSICALES.
M. %'isronti. — Mlle Charlotte «le Malle-ville. — MBS. L.econppcy
et Stamaty. — Société «les Saints-An^es et Société générale
«les Crèche». — Mme IKliira Pcderaonle. — M. Bvmile Albert.—
3" Concert «le l'Association «les artistes-musiciens. — MM. Cibra
et Caceres.
Les concerts auxquels est obligé d'assister le critique musical seraient
un cours d'harmonie infiniment trop prolongé, s'il ne lui était donné
de pénétrer dans la coulisse du temple musical, dans le foyer des
artistes, et d'assister là à toutes les péripéties du programme interverti,
et dont souvent le renversement renverse le moral du virtuose bénéfi-
ciaire. Nous avons été témoin d'une de ces scènes d'intérieur au concert
donné chez Pleyel par le chanteur napolitain Visconti, lundi dernier,
12 avril. Son pianiste, ses guitaristes, son violoniste, tout lui faisait
défaut à la fois ; et ce pauvre bénéficiaire était là en proie à d'atroces
angoisses d'impatience , forcé de paraître devant un auditoire nom-
breux et distingué, n'étant pas assez familiarisé avec notre langue pour
faire ce qu'on appelle l'annonce au public des embarras qui lui sur-
venaient; il chantait, puis rechantait d'une voix strangulée par l'in-
quiétude , l'agitation , la crainte d'être obligé de suffire seul à toute la
séance, ou de congédier une si belle compagnie. C'est un spectacle in-
téressant, curieux et poignant que celui de ces souffrances artistiques
dont ne se doute point l'auditeur à son aise , qui a payé 1 0 fr. , 5 fr. ,
3 fr., et le plus souvent même rien du tout son billet d'entrée. Ce der-
nier est presque toujours le plus difficile et le plus exigeant à propos
d'une variation ou d'une chansonnette dont il prétend qu'on lui fait
tort.
Le ciel harmonique, voilé un moment, s'est bientôt rasséréné.
M. Goria, qui avait été forcé de subir les retards d'un cocher ivre, est
arrivé à temps pour entrer dans la lice de son Tournoi, et pour sonner
sa Campanella ; M. Bazzini , est venu chanter sur son instru-
ment sa mélodique et [charmante fantaisie bellinienne , et faire
évoluer ses Lutins; Mme Mariquita Martinez, la cantatrice couleur
d'ébène, et bon teint, s'est montrée en cette circonstance obligeante et
cantatrice créole au talent pittoresque, mimique , original ; et M. Vis-
conti a pu alors faire apprécier sa méthode d'excellent professeur de
chant, qui ne peut que grandir par l'exhibition qu'il en a faite dans ce
concert.
— Mlle Charlotte de Malleville a donné aussi chez Pleyel une soirée
supplémentaire à ses quatre séances de musique classique, dans laquelle
elle a joué le concerto en ré mineur de Mozart; les variations pour
piano et violoncelle, par Mendelssohn; le charmant andante et le
scherzo du sextuor de M. Onslow, pour piano, flûte, cor, clarinette,
basson et contrebasse ; un fragment de la sonate pour piano et violon ,
dédiée à Kreutzer ; un trio de Mozart , pour piano, clarinette et alto ;
un air varié de Haendel, et la bagatelle en mi bémol de Beethoven.
On voit que, solide pianiste de musique classique, Mlle de Malleville ne
se ménage pas ; elle nous a cependant fait entendre, au milieu de cette
musique rétrospective, et par l'organe sympathique du chanteur Lefort,
un air de Jeanne d'Arc dont , malgré la discrétion du programme,- on
DE PARIS.
123
l'accuse, ou plutôt on la félicite, d'être l'auteur. Nous aimons mieux
n'avoir pas entendu cet essai vocal ; cela nous permet d'adopter la
dernière appréciation.
— Lespianistes-professeursfont comme les philosophes de l'antiquité.
Comme jadis dans Athènes on ouvrait un cours de philosophie, ils ou-
vrent école de piano dans Paris ; ils ont leurs disciples : nous avons les
sectes Farrenc, Prudent, Lecouppey, Stamaty, Herz, Marmontel, Goria,
Ravina et tutti quanti. Pour accomplir consciencieusement la mission
d'analyseur de ces choses aussi mécaniques que musicales, nous nous
sommes donné le plaisir d'écouter, — cela dût-il paraître impossible à
certaines personnes, — une vingtaine de morceaux de piano exécutés par
les élèves de M. Lecouppey, qui nous avait convié à ce petit banquet
musical. Tout s'y est bien passé ; et comme la plupart des solistes
étaient des jeunes filles blanches et roses qui ne figuraient sur le pro-
gramme que par les initiales de leurs noms , nous ne citerons que
Mlle Emma Vidal, premier prix du Conservatoire, 1850; Mlles Sophie
Wateau, Emilie de Beauce, lauréates aussi du même établissement, qui
ont eu le courage de se laisser imprimer sur un programme, et de
s'exposer ainsi aux rayons de la publicité : aussi est-il juste de dire
qu'il y a un beau son , un doigté rationnel et le sentiment musical en
Mlle Vidal ; grâce et finesse de jeu en Mlle Wateau , comme pureté
d'intonation et netteté d'exécution chez Mlle de Beauce. Si nous étions
bien persuadé que c'est par fierté que les autres ont gardé l'inco-
gnito, nous pourrions dire à Mlles X. ou N. qu'elles ont tout ce qu'il
faut pour devenir pianistes de dix-septième ordre; mais qu'en résul-
terait-il pour le bien de l'art? Rien.
— M. Stamaty, l'un de nos bons professeurs aussi , offre trois
séances de musique de piano aux amateurs de cet instrument : il fait
exécuter, dans ces soirées musicales, qui ont lieu dans la salle des
artistes musiciens, et par ses élèves, les concertos de Mozart , de
Beethoven et de Mendelssohn. La première de ces séances a eu lieu
mercredi dernier, l/i avril , et l'on y a remarqué le concerto en vt
mineur de Mozart, fort bien exécuté par Mlle Picart. Cette jeune pia-
niste a été vivement et justement applaudie, ainsi que M. Cuvillon, le
violoniste distingué que vous savez, qui a dit, de son style élégant,
et fin , et impressionnable , le charmant andante en si mineur, par
Baillot.
— Sous l'invocation des Saints-Anges , une grande matinée mu-
sicale a été donnée, le 12 avril, par une association philanthropi-
que fondée en faveur des orphelines à partir de l'âge de deux ans. Si
l'on n'a rien dit de nouveau dans cette séance que nous n'ayons en-
tendu cent fois dans d'autres concerts , tout y a été applaudi , parce
que tout y a été bien dit; et on le concevra facilement, quand on saura
que parmi les artistes qui ont figuré dans cette solennité musicale et
dramatique, figuraient MM. Ponchard, Géraldy, Cuvillon, Henri Herz,
René Franchomme et Malézieux ; et puis, Mlle Luther, Mme Mélam'e,
M. Armand , qui se sont associés à cet acte de bienfaisance, en jouant
les Philosophes de vingt ans, charmant intermède, comédie ou pro-
verbe de Mme Berton, née Samson , qui a été écoutée et applaudie
avec un vif plaisir.
— Une autre association philanthropique, la Société générale dts
crèches, a donné sa sixième séance annuelle dans la salle Sainte-Cécile;
et la plupart des artistes que nous venons de citer, parmi lesquels s'est
fait remarquer M. Gennaro Perrelli, y ont porté le tribut de leurs iné-
puisables talents.
— Mme Elvira Pedemonte, née de Lagoanère, jeune pianiste et
veuve, a donné une soirée musicale dans le foyer du Théâtre-Italien,
veuf de ses rossignols, comme dit tout littérateur qui se fait critique
musical. Mme Pedemonte a joué d'une charmante manière de char-
mantes choses de Thalberg, de Schulhoff, de Mendelssohn , de Dùhler
et de Ravina. On la dit aussi habile professeur que brillante virtuose.
— Dans un concert donné chez Pleyel, le jeudi 15 avril, M. Emile
Albert a prouvé qu'il est pianùte aussi fort et peut-être plus fort qu'un
autre. Secondé dans cette exhibition musicale par M. Jacquart, qui est
un de nos meilleurs violoncellistes, M. Albert a dit avec M. Cellot un
grand duo de sa composition, un andante religioso, et l'air varié du
Schleswig-Holslein. thème franc et bien rhythmé qui semble empreint
d'une couleur nationale. Le compositeur et l'arrangeur ont été juste-
ment applaudi en la personne de M. Emile Albert. On a remarqué
dans cette soirée musicale Mlle Donovan, cantatrice irlandaise, qui a
fort bien dit l'air à' l Copuleti, de Bellini.
— Le troisième concert donné par l'association des artistes musi-
ciens, jeudi passé, n'a pas été moins intéressant que les précédents.
L'orchestre, jeune et chaud, a dit avec verve la 22e symphonie en sol
mineur, de Haydn. Le Pater noster, composé par M. Bousquet et
chanté par M. Wartel, est d'un très-beau caractère et d'un excellent
style religieux. Les violoncelles se mêlent à la voix du récitant d'une
manière suave qui fait rêver l'auditeur et le berce des plus nobles
pensées. M. Maurin a délicieusement joué l'andante de Baillot.
Mlle Rossignon a di,t avec beaucoup de grâce l'air du Beniowski,
de Boïeldieu : Quel nouveau jour pour moi, etc.
Mlle Charlotte de Malleville n'a pas voulu perdre l'habitude qu'elle a
contractée de briller dans ses séances de musique classique , et elle
s'est fait justement applaudir par son exécution pure, irréprochable,
du concerto en ré mineur, de Mozart. La belle ouverture de Slratonice
a dignement terminé cette intéressante manifestation de bonne musique
de styles divers.
— Il y a longtemps qu'on a dit de la guitare, comme Bossuet dans sa
fameuse oraison funèbre sur Madame : la guitare se meurt, la guitare
est morte ! Voici cependant deux Espagnols qui la galvanisent, qui la
font revivre, MM. Cibra et Caceres; ils jouent sur cet instrument dont
Ducis a dit aussi dans son Othello :
C'est le fidèle ami du chagrin solitaire,
de charmantes cachuchas, de délicieux boléros, des séguidilles, etc. Et
voilà que dans le concert qu'ils ont donné avant-hier dans les salons
des bains de Tivoli, rue Saint-Lazare, M. Cibra a fait dire, a fait chan-
ter à cet instrument si peu intense de son, l'air de Roberl-le-Diable :
Grâce, grâce pour moi et pour toi-même. Cette puissante et drama-
tique mélodie et plusieurs autres morceaux dits en duos ont excité au-
tant l'étonnement de l'auditoire que ses applaudissements.
Henri BLANCHARD.
STATUE DE LESUEUR.
Nous sommes allé visiter cette semaine, dans l'atelier de l'un de nos
habiles statuaires, M. Rochet, la statue monumentale du célèbre com-
positeur Lesueur , qu'il vient d'achever. Cette statue , commandée
pour Abbeville, est conçue et exécutée avec un rare mérite et une
entente parfaite du sujet. C'est la première fois qu'une statue élevée à
la gloire d'un artiste offre à un tel degré le mérite essentiel d'une
complète ressemblance, en satisfaisant aux exigences d'un ajustement
gracieux et sévère, et d'une expression poétique et inspirée.
L'illustre auteur des Bardes est représenté debout, le coude appuyé
sur un pupitre d'église; le corps, légèrement incliné, rend bien l'atti-
tude du sentiment et de l'inspiration musicale ; la tête est levée, et
les mains vont retracer sur le papier quelques compositions grandio-
ses, soit religieuses, soit dramatiques.
Le costume adopté par l'artiste, et le seul qu'il eût pu prendre, est
celui de membre de l'Institut, l'habit brodé et l'épée au côté, joints à
la culotte courte et aux bas de soie que portait Lesueur comme surin-
tendant de la musique de Napoléon ; car on sait qu'il a été l'ordonna-
teur de toutes les grandes solennités de l'époque impériale ; un large
manteau, vêtement indispensable de la statuaire monumentale, dans
un temps comme le nôtre surtout, enveloppe le personnage et fait dis-
124
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
paraître en partie les basques fastidieuses de l'habit et la trivialité re-
poussante du costume moderne. De longs plis justement ménagés vien-
nent tomber sur un riche tabouret de piano, qu'ils couvrent à moitié,
pour descendre en cascade jusqu'aux pieds du musicien.
Près de là sont deux couronnes de laurier négligemment jetées à
terre pour marquer les deux talents qui ont fait la célébrité musicale
de Lesueur, ceux du théâtre et de l'église. Plus loin, près du lutrin, on
voit quelques livres où sont gravés les noms des œuvres du maître.
C'est la deuxième statue commémorative que la faveur aura élevée
à un compositeur de musique ; celle de Boïeldieu est, si notre mémoire
ne nous trompe pas, le seul bronze qui existe en mémoire d'un musi-
cien ; en voici une autre. Les amateurs qui se rappellent la statue de
Rouen pourront comparer.
La France, qui, depuis deux siècles, occupe dans le monde la tête
des arts, de la poésie et du théâtre, a été lente à produire de grands
musiciens. Aujourd'hui sa place est faite et la suprématie lui est ac-
quise. C'est donc une belle pensée, et c'était pour elle un devoir, au
milieu des statues qu'on érige partout en province dans les villes na-
tales des grands hommes, de ne pas oublier nos célébrités dans cet
art, appelé à devenir le plus populaire de tous.
La statuaire lui devait son concours; c'est un acte de bonne confra-
ternité, surtout quand on s'en acquitte comme vient de le faire M. Ro-
chet. Ce monument lui fera le plus grand honneur et lui maintiendra
cette haute position qu'il s'est déjà acquise par le bronze colossal du
maréchal d'Erlon, qui est à Reims, et surtout par la magnifique statue
équestre de Guillaume-le-Conquérant que nous avons pu admirer l'an
dernier aux Champs-Elysées.
La souscription pour élever une statue à Lesueur est toujours ou-
verte dans les magasins de musique de Brandus et C% rue Richelieu,
103.
ALMANACH DES SPECTACLES POUR 1852,
Sons la «Ilrcrlfon «le 91. Paliaxti.
Salut, cher almanach, qui reparais enfin, comme la colombe rentrant
dans l'arche, le rameau d'olivier au bec! Oui, je l'avoue, cette reprise
d'une publication séculaire interrompue pendant les jours d'orage,
tombée dans l'indifférence, mais non l'oubli, me semble une espèce
d'arc-en-ciel rayonnant sur le monde du théâtre et des arts. Quelle
curieuse et instructive collection que celle de ces petits volumes, dont
le premier naquit en l'an de grâce 1751, sous le titre de : Calendrier
historique des théâtres de l'opéra et des comédies françoise, italienne,
et des foires'. Ce calendrier se vendait à Paris, chez Cailleau, libraire,
rue Saint-Jacques, à Saint-André. Il était orné d'une petite vignette
représentant deux muses dans un nuage, et au-dessous des enfants
joufflus, dont tout le costume consistait en un casque, un masque,
une marotte ou une balte d'arlequin.
D'autres almanachs avaient déjà paru à des époques irrégulières ;
mais à dater de 1751 les calendriers se suivirent sans lacune, racon-
tant par le menu l'histoire dramatique de l'année, donnant la liste des
pièces jouées, l'état des répertoires, le personnel des artistes de chaque
théâtre, y compris celui des figurants et figurantes, employés et ou-
vreuses de loges. Vous y trouviez des biographies, des anecdotes, des
jugements, et jusqu'à des madrigaux à la louange des acteurs et ac-
trices. Le calendrier de 1751 ne manquait pas à cette politesse, dont
pourtant je ne regrette pas l'usage, et il s'acquittait de ses devoirs lau-
datifs en de petits vers qui rappellent un peu trop la poésie mirlito-
nesque. Je n'en citerai qu'un exemple, que je prends dans le chapitre
de l'opéra. Voici de quelle façon était tourné l'hymne en l'honneur du
célèbre chanteur, Gélyote :
Au dieu du chant élevons un trophée;
Gélyote fait aujourd'hui
Par ses talents ce que faisait Orphée :
Il fait tout courir après lui.
Mais en revanche, et par compensation à la qualité de la poésie, le
calendrier contenait des enseignements utiles sous la forme de souve-
nirs. Je recommande le fait suivant à nos directeurs de spectacle, qui
aiment à placer et à conserver le plus longtemps possible un ouvrage
unique sur leur affiche , comme si l'unité était de ce monde! Jusqu'à
l'année 1722 (vous voyez que ce n'est pas hier), il était d'usage de
donner les pièces nouvelles toujours seules, et l'on n'y joignait de pe-
tites pièces qu'après les huit ou dix premières représentations. Mais
alors cette adjonction tardive était regardée comme un signe de la
baisse des receltes. Lamotte, le célèbre auteur d'Inès de Castro, voulut
conjurer cette maligne influence , et , le premier, il eut le courage de
faire donner une petite pièce le jour même où sa tragédie de Romulus
était représentée pour la première fois. Tous ses confrères suivirent
son exemple, qu'ils trouvèrent bon, et pendant longues années il n'y
fut pas dérogé. Mais depuis quelque temps l'usage primitif a repris son
empire, et trop souvent la longueur démesurée des ouvrages le perpé-
tue au-delà de toute raison. C'est à quelque nouveau Lamotte ou à
l'intérêt bien entendu des directeurs de le faire de nouveau cesser.
Voilà un échantillon de ce qu'on peut apprendre en lisant de vieux
almanachs ; et pourtant, à la honte de notre temps, la chaîne s'était
brisée : de l'almanach dramatique, il ne restait plus rien qu'une ombre
et qu'un nom. C'était un phénomène étrange à une époque où les théâ-
tres sont si nombreux et le goût des spectacles si vif; car les journa-
listes blasés ont beau dire dans leurs feuilletons en style de Jérémie, le
théâtre est plus vivant et plus vivace que jamais. Le plaisir qui doit
prendre sa place n'est pas encore trouvé. Pour peu qu'il annonce
quelque chose d'attrayant, pour peu que la pièce soit intéressante et que
les acleurs ne la jouent pas trop mal, on y court avec un empresse-
ment, avec une ardeur , qui tiennent du premier âge. Le monde est
vieux, mais il est toujours enfant : on l'amuse aujourd'hui , comme on
l'amusait il y a des siècles.
Pourquoi donc l'Almanach dramatique avait-il succombé ? Par bien
des raisons, dont , pour moi , la principale c'est qu'il avait besoin de
mourir pour renaître, comme le phénix , et pour rajeunir de plumage
comme de ramage. M. Palianti a compris ce qu'il fallait faire
de l'antique almanach pour en tirer un almanach tout neuf et tout
rayonnant de fraîcheur printanière. D'abord, M. Palianti a profité
d'un travail qu'il avait ébauché déjà, je veux parler de ses plans figu-
rés des salles de spectacle. Dans son volume, il ne vous donne pas
seulement le prix des places de toutes les salles de Paris, il vous donne
les salles mêmes, il vous les met dans la main : vous n'avez qu'à choisir
votre loge, votre stalle et qu'à notifier votre choix au bureau de loca-
tion ; vous êtes servi sans sortir de votre chambre. Est-ce là , je
vous prie, un avantage à dédaigner ?
Dans ce même volume, vous avez le personnel de tous les théâtres
et de tout ce qui lient aux théâtres, Conservatoire, associations des
artistes, agents dramatiques, éditeurs, etc., etc. ; vous avez les troupes
de Paris et les troupes départementales, les troupes françaises à l'é-
tranger (ne pas confondre avec les armées françaises) ; vous avez la
récapitulation des ouvrages nouveaux que l'année a vu naître, et quel-
quefois mourir ; vous avez la nécrologie des auteurs, artistes, direc-
teurs, chefs d'orchestre ; enfin, et c'est par là que j'aurais dû commen-
cer, puisque c'est par là que débute le volume, vous avez des éphé-
mérides complètes pour les trois cent soixante-cinq jours des douze
mois de l'année , éphémérides composées dans le genre de celles qui
avaient pour titre : Une victoire par jour . Substituez à une victoire un
événement dramatique, et le tour est fait. Ainsi, vous lisez dans l'Al-
manach : « 1851, mercredi 1er janvier, Gaîté, M. Colin abandonne la
» direction ; M. Hostein reprend le sceptre. » Reprend le sceptre est
un peu ambitieux ; je conseille à M. Palianti de changer ce mot dans
l'édition prochaine. Quoi qu'il en soit, voilà votre événement du 1" jan-
vier, et, le 2 janvier, deux événements vous arrivent à la fois : « Reprise
du Monstre et le Magicien, à l'Ambigu-Comique ; deux pièces nouvelles,
Quand le IHable devient vieux et les Noces d'Orphée, aux Délasse-
DE PARIS.
125
ments. » Les événements se suivent de celte façon d'un bout ù l'autre
de l'année. Quelle collection ce sera dans quelques siècles, que celle
de tous ces événements et de tous ces calendriers !
Je dois déclarer en toute conscience que M. Palianti a fait œuvre
d'artiste en publiant son Almanach des spectacles avec le soin , le bon
goût et l'exactitude sévère dont il a fait preuve dans ses belles Mises en
scène, si utiles aux ouvrages dramatiques représentés hors des murs de
Paris. J'espère qu'il aura fait aussi une bonne spéculation, et que, grâce
h lui, ce précieux volume, dont je déplorais l'absence, va contracter un
nouveau bail de vingt-cinq, cinquante ou cent ans.
P. S.
CORRESPONDANCE.
Liège, 6 avril.
Parmi les solennités musicales, grandes et petites, qui se succèdent, il
en est une que je vous avais annoncée : c'est le concert-festival, organisé
au bénéfice des indigents par le Conservatoire royal, sous la direction de
M. Daussoigne-Méhul ; il a été donné au théâtre, où il avait réuni un
concours élégant d'amateurs.
La salle présentait un coup d'oeil admirable : les nombreux jets de lu-
mière, les arbustes, les guirlandes de fleurs, les tentures, rien n'avait été
épargné pour rehausser l'éclat de cette soirée. La scène offrait aussi un
aspect imprévu : un orchestre de quatre-vingts musiciens y était distribué
en amphithéâtre; de chaque côté se trouvaient échelonnés sur les gradins
soixante chanteurs fournis par les sociétés d'Orphée et d'Apollon , et
quarante sopranes, y compris les dames, élèves du Conservatoire.
L'orchestre a débuté par l'ouverture militaire, avec marche triomphale,
de Ries : le mouvement , les nuances, tout a été scrupuleusement observé.
Il a encore témoigné cette même supériorité de tact et d'exactitude par
la manière classique avec laquelle il a fonctionné dans le superbe Allekua
du Messie, de Haendel ; dans un fragment de la Création, de Haydn , et
dans le chœur triomphal de la Muttte , d'Auber. Le succès qu'il a obtenu
dans ces quatre morceaux a été partagé par les choristes pour les trois
derniers : eux aussi se sont parfaitement acquittés de leur tâche; mais,
en se tenant debout pour chanter, ils auraient fourni , je pense, un vo-
lume de voix plus puissant. Cette exécution, qui a été remarquable, ex-
pliquait d'autant moins l'espèce de négligence que l'orchestre a apportée
dans l'accompagnement de quelques solistes.
M. Zeiss, trempette solo du théâtre de la Reine, à Londres, — où il vient
de retourner, — et le flûtiste, II. Reichert, qui, selon toute probabilité,
sera prochainement attaché à notre Conservatoire, ont prêté leur coopé-
ration à ce concert. M. Zeiss, dans une fantaisie sur des motifs de / Puri-
tani, et 11. Reichert, dans un air varié de Bcehm , dans une fantaisie et
dans uu pot-pourri , ont, l'un et l'autre, excité l'admiration par la pureté
de son, par la facilité d'en adoucir la force, par la précision dans les notes
détachées et dans les autres difficultés du mécanisme.
Une jeune et jolie violoniste liégeoise, élève de son frère et lauréat du
dernier concours, a été accueillie par des applaudissements unanimes
dans un air varié' sur de motifs de VElisire d'amore, de Haumann. C'est
Mlle Frère, qu'il ne faut pas confondre avec son émule, Mlle Fréri , de
Bruxelles. Un archet varié, un jeu large et délicat, de la justesse, un sen-
timent que l'âge développera encore, préparent à Mlle Frère une place
dans la jeune phalange des violonistes belges.
M. Frère a exécuté le 10e concerto de de Bériot, avec cette pureté d'in-
tonation, cette habileté mâle et correcte dans tous les traits, ce moelleux
et ce goût qui dénotent le vrai talent. Ancien élève de M. de Bériot, il en
est devenu un digne interprète.
M. Géraldy nous a dit avec l'excellente méthode qu'on lui connaît, plu-
sieurs romances, l'air du sénéchal de Jean de Paris, de Boïeldieu , et un
duo de la Chaste Suzanne, de Monpou, avec M. Carin, son ancien élève,
qui l'a bien secondé.
L'air du Crociato, de Meyerbeer, et celui de la Rose de Péronne, d'Adam;
ont valu à Mme Itébert-Massy les mêmes suffrages que ceux qui étaient pro-
digués chaque soir, sur notre scène, à cette charmante et délicieuse prima
donna.
La Société libre d'émulation a donné dans son local , au profit des pau-
vres, son premier concert de carême. Le programme et l'exécution ont
été assez misérables, malgré le concours de Mlle Léonie Péters. Cette har-
tiste arrivait chez nous précédée d'une réputation qui me paraît un peu
usurpée. J'excepterai M. Van der Boom de cette critique presque géné-
rale : dans une fantaisie de Moschelès, intitulée : Souvenir d'irlan le, et
dans la Plage, fantaisie qu'il a composée, ce pianiste a prouvé du style,
un doigté ferme et souple, et une agilité soutenue dans les difficultés.
La campagne théâtrale approche de son terme, et Mme Ilébert-Massy
nous quitte même avant la clôture. Après avoir consacré une longue série
de représentations aux opéras comiques du répertoire ordinaire, elle a,
en dernier lieu, abordé avec beaucoup de talent les rôles de Marie de Ito-
han et de la Somnambule, ouvrages mis à la scène pour elle.
On nous annonce pour la fin de ce mois le retour du pianiste M. Dupont
d'Ensival. On s'intéresse beaucoup à Liège aux succès que notre compa-
triote a obtenus dans les principales villes d'Allemagne où il vient de se
faire entendre.
Le conseil communal a alloué un subside à la société de chant, O-phée
de Liège, pour l'organisation d'un concours auquel seront invitées toutes
les sociétés chorales du pays et de l'étranger. Ce concours, suivi d'un fes-
tival, est fixé au 22 août. Nous saurons incessamment si cette mesure
aura reçu la sanction de l'administration supérieure.
A propos de cette Société d'Orphée, qui a remporté en 1849 le premier
prix du grand concours national de Bruxelles, elle se propose de parti-
ciper au concours de Lille qui aura lieu dans le mois de juin prochain.
Z.
NOUVELLES.
%* Il y a eu relâche vendredi au grand Opéra pour une des dernières
répétitions du Juif-Errant, et, selon toute apparence, il en sera de même
demain lundi. La première représentation pourra en être donnée mer-
credi prochain, si nulle indisposition n'y met obstacle. Une jeune canta-
trice d'un grand avenir, Mlle Emmy Lagrua, débutera dans cet ouvrage.
Il n'y a qu'une opinion sur la beauté de sa voix sympathique et la dis-
tinction de toute sa personne. Parmi les accessoires, dont il faut tenir
compte, on cite de nouveaux instruments fabriqués par Adolphe Sax, et
dont la sonorité magnifique ajoutera beaucoup d'effet aux merveilles de
la mise en scène.
%* Lundi, pour la réouverture, l'Opéra donnait la 125e représentation
du Prophète, et la recotte s'est élevée à 9,393 fr. 90 c. Roger s'était dé-
voué, malgré un enrouement presque absolu, et l'on ne saurait trop le
louer du courage ainsi que du talent qu'il lui a fallu déployer dans une
tâche que son indisposition rendait si difficile. Mlle Masson chantait le
rôle de Fidès ; Mlle Poinsot, celui de Berthe; Depassio, celui de Zacha-
rie, et Brémond restait fidèle au personnage d'Oberthal, qu'il a si bien
créé. C'était, du reste , vendredi dernier le troisième anniversaire du
chef-d'œuvre, dont la première représentation a eu lieu le 16 avril 1849.
%* Le Farjadet, d'Adolphe Adam, a été revu cette semaine avec autant
de plaisir que dans l'origine par le public de l'Opéra-Comique ; il est tou-
jours accompagné de Aladelon.
*,* M. Jules Séveste a reçu lundi dernier l'ampliation de l'arrêté minis-
tériel qui lui confère le privilège de l'Opéra-National. Ce théâtre pren-
dra désormais le titre de Théâtre-Lyrique. Le nouveaux directeur a
l'espoir fondé d'obtenir, pour l'année prochaine , une subvention de
50,000 fr.
%* Joanita et Caroline Duprez ont repris leur place au répertoire.
%* La Poupée deSuremberg n'a pas perdu l'habitude d'amuser et de
charmer.
V La recette des divers spectacles, concerts et curiosités de Paris s'est
élevée pendant le mois de février dernier àla somme de 1,209,247 fr. 57 c,
qui se décompose ainsi : théâtres subventionnés, 302,285 fr. 86 c; théâ-
tres secondaires, 667,240 fr. 88 c; concerts, spectacles concerts, cafés-
concerts et bals, 229,723 fr. 03 c; curiosités diverses, 9,999 fr. 80 c. La
recette du mois de janvier avait été de 1,125,780 fr. 14 c. Le mois de fé-
vrier présente donc sur le précédent une augmentation de 73,467 fr. 43 c.
Il y avait eu aussi progrès de janvier sur décembre ; mais cette progres-
sion a dû nécessairement s'arrêter en mars, qui correspond à l'époque
du carême et de la cessation des bals.
V Levasseur a été victime d'un accident grave, en se rendant de
Brest à Nantes. Deux lieues avant Auray, la diligence a versé en descen-
dant une côte. Levasseur occupait le coupé, dont les glaces se sont bri-
sées. La secousse le jeta en avant, et il se blessa si grièvement au genou,
contre un éclat de verre, que, transporté dans un bourg voisin il s'y
évanouit, et y resta longtemps privé de connaissance. Le verre avait
pénétré dans l'articulation du genou et causé une hémorragie considé-
rable. Lorsque les réparations furent faites à la voiture, Levasseur put
cependant y reprendre sa place, mais à son arrivée â Nantes il lui a fallu
se mettre au lit pour huit jours au moins.
V L'Alboni est arrivée à Paris, de retour de son voyage en Espagne.
On parle d'un engagement qui l'appellerait aux Etats-Unis.
V Mme Anna ïhillon est toujours à New-York, et y jouit d'une fa-
veur plus grande que jamais.
V Le grand opéra en quatre actes, dont le duc régnant de Saxe-Co-
bourg-Gotha a écrit la musique, Casilda, a été représentée â Bruxelles mer-
credi dernier. Les principaux rôles en sont chantés par Mmes Barbot,
Cabel, MM. Barbot, Carman et Mangin.
126
REVUE ET GAZE!
MUSICALE
* * m. Théodore Labarre est nommé directeur de la musique du prince-
président de la République.
* * L'Association des artistes musiciens a donné cette semaine encore
i concert, et ce concert ne sera pas le dernier. Elle avait aussi donné, il
pour piano et violon , avec Mme Massart; et aussi comme maître delà
jeune Urso, déjà violoniste fort agréable. Dans cette matinée, comme dans
le concert suivant, Mme Massart avait enlevé d'unanimes bravos en exé-
cutant avec une maestria chaleureuse et brillante le curieux concerto de
Bach et l'admirable concerto de Beethoven. Le talent de Chevillard, la belle
voix de Bounehée, l'un des meilleurs élèves du Conservatoire, la grâce de
Mme Lefébure-Wély, dans l'air de la Fée aux rose«, l'admirable ensemble
avec lequel la grande sérénade de Mozart a été dite, et aussi celui des
chœurs dirigés par Edouard Batiste, tels ont été les principaux éléments
de ces deux séances, qui sont le commencement d'une grande chose et
qui porteront leurs fruits. On a cru devoir demander pourquoi l'Associa-
tion avait précisément choisi cette époque exubérante de soirées, de
matinées, pour entrer en lice elle-même et grossir le nombre des concerts
déjà trop nombreux. La réponse est simple et facile. L'Association n'a pas
choisi sua jour : elle a commencé dès qu'elle a pu le faire, parce qu'il y
avait pour elle nécessité de commencer. 11 y a toujours un début à faire,
et l'Association n'a pas voulu retarder le sien. Dès à présent, elle
a un orchestre, composé par Georges Bousquet d'artistes excellents et
dévoués. Cet orchestre a montré ce qu'il pouvait faire, et quand viendra
la saison prochaine, il n'aura qu'à se rassembler. Il sera au service de
l'Association et de tous les virtuoses français ou étrangers. L'Association
aura donc tout ce qui lui manquait, une salle, un orchestre, des séances
régulières de grande musique et de musique de chambre. Cette année,
elle a travaillé surtout pour l'avenir : l'avenir la récompensera.
* * Voici le programme du dernier concert que Léopold de Meyer
donnera demain lundi à 8 heures du soir, dans la salle Herz, et qui sera
sans doute l'un des plus beaux de cette saison féconde : 1. La Ronde de
nuit, de F. Bazin , chœur par la Société populaire du Conservatoire,
dirigée par M. Edouard Batiste, du Conservatoire. 2. Souvenir d'Italu,
grande fantaisie composée et exécutée par Léopold de Meyer. 3. Air de
Lambert Simnel, d'A. Adam, chanté par M. Cornélis. k- Fantaisie-Caprice
pour le violoncelle, composée et exécutée par M. Alexandre Batta.
5. Cavatiue du Prophète, de Meyerbeer , chantée par Mme lweins-d'Hen-
nin. 6. Fantaisie sur des motifs de Lwrèce Borgia, composée et exécutée
par Léopold de Meyer. 7. Chœur des Gardes-Chasse, du Songe d'une Nuit
d'Été, d'A. Thomas , par la Société populaire du Conservatoire, dirigée
par M. Edouard Batiste. 8. La Sérénade, mélodie, d'Ed. de Ilartog ; la
Truite mélodie de Schubert, chantées par M. Cornélis 9. Grand im-
promptu sur des motifs du Prophète, composé et exécuté par Léopold de
Meyer. 10. Roses et Quenouilles, romance de L. Puget; la Plainte du
Mousse romance de L. Abadie; chantées par Mme Iweins-d'Hennin.
11. Air du Siège de Corinthe , de Rossini, chanté par Hermann-Léon.
'12. Marche d'Isly (dédiée au maréchai Bugeaud, composée et exécutée
par Léopold de Meyer. 13. Grand Finale par la Société populaire du Con-
servatoire.
* * La seconde séance de musique pour piano et orchestre, exécutée
par des professeurs élèves de M. Stamaty, aura lieu mercredi prochain,
21 avril à 8 heures du soir, dans la salle de l'Association des artistes-mu-
siciens.
* * Un jeune violoniste polonais, I. Lotto, élève de Massart, donnera
mardi 27 avril, un concert dans la salle Herz, à huit heures du soir. Nous
qui avons entendu plusieurs fois cet enfant, nous pouvons affirmer qu'il
est vraiment extraordinaire. Le concert a pour but de lui fournir le
moyen d'attendre le succès d'une demande adressée en sa faveur au gou-
vernement russe, et que son talent précoce justifie pleinement. Nous don-
nerons le programme dimanche prochain.
%* Les compositions de Richard Mulder pour le piano, obtiennent de
plus en plus la faveur du public et des artistes. L'excellent pianiste com-
positeur donnera dimanche prochain, 25 avril, une matinée musicale, par
invitation, à la salle Pleyel, dans laquelle il fera entendre ses plus nou-
velles œuvres, entre autres, avec Lecieux, le duo sur la Dame blanche, que
Mlle Martin a joué d'une manière si remarquable à son dernier concert.
Son duo pour deux pianos, exécuté cette semaine par Kruger et Fumagalli
dans la salle Sainte-Cécile, n'a pas produit moins d'effet.
%* Le concert de Mlle Graever est toujours fixé au 20 de ce mois. La
jeune et excellente pianiste s'y fera entendre avec le concours de MM. Le-
fort, Lecieux, Verroust, Lamazou, Ascher et de Mme Ducrest.
%* Le concert le plus attrayant de la saison musicale va être donné le
dimanche soir 25 courant, dans la salle Herz. Jamais notre célèbre vio-
loncelliste, Jacques Offenbach, n'aura réuni de si précieux éléments de
succès. L'Opéra et l'Opéra-Comique seront représentés à ce festival par
Roger et Mmes Laborde et Ugalde. Le piano sera tenu par Léopold do
Meyer, et les chansonnettes seront dites par Levassor. Jacques Offenbach
exécutera son fameux sextuor pour six violoncelles avec MM. Batta, Van
Gelder, Jacquart, Rignault etLee. Les Larmes de Jacqueline, conte d'Arsène
Houssaye, seront récitées par Mlle Fix, des Français. Enfin, pour couron-
ner splendidement la fête, une comédie écrite au bénéfice du bénéficiaire
par Henri Murger, le Vol au mouchoir, sera joué par Mlles Judith, Fix
M. Brindeau, Monrose.
*/■ Le cinquième concert du Cercle musical et littéraire de Paris aura
lieu aujourd'hui dimanche, 18 avril, dans la salle Sainte-Cécile. On y en-
tendra la jeune violoniste, Mlle Camille Urso, Mlle Graever et Mlle Moli-
doff. M. Malibran y fera exécuter son ouverture i'Hamlet.
%* Seligmann est de retour à Paris après une longue et brillante tour-
née en Afrique, dans le nord de l'Italie et dans le midi de la France.
*** Les Tliécries complètes du chant, par Stephen de la Madelaine, vien-
nent de paraître en un beau volume à la librairie d'Amyot. Nous parle-
rons bientôt de cet ouvrage, approuvé par l'Institut de France et le Con-
servatoire de musique.
*..* La grande fête annoncée pour le 25 avril prochain, au Jardin-d'Hi-
ver, au profit des trois sociétés des auteurs, compositeurs, artistes dra-
matiques et artistes musiciens, est tout à fait organisée. — L'attrait le
plus puissant de cette fête sera la vente de charité faite dans seize bou-
tiques dont les enseignes rappelleront une des plus charmantes créations
des gracieuses marchandes. On passera de Diane à la Reine de Navarre,
de Vert- Vert à Galathée et au Val d'Andorre, de Joanita à Clarisse Har-
lowe, de Mignon à la Dame aux Camélias, de Maman Sabouleux à Marthe
et Marie, et de la Paysanne pervertie à Chonchon.
V* M. Ettling, le compositeur distingué, vient d'épouser Mlle Léo-
nard.
V M- J- Bénédict est àStuttgard. Sur la prière de S. M. le roi de Wur-
temberg, il a dû diriger vendredi dernier l'exécution de son opéra, le
Vi'Ux de la Montagne en présence des grands-ducs de Russie, frères de la
princesse royale de Wurtemberg. Bénédict se rendra de Stuttgard en An-
gleterre.
*** Attilio Grisi, né à Crémone en 1765, ancien maître de concert à la
cour grand-ducale de Wurtzbourg, vient de mourir en cette ville dans sa
quatre-vingt-septième année. Autrefois A. Grisi avait été un violoniste en
renom ; il s'était fait entendre en Italie, en Allemagne et en Hongrie, et
avait eu des relations d'amitié avec Mozart, Pleyel, C. de Weber, et sur-
tout avec Haydn. Jusqu'à la fin de ses jours, le vétéran infatigable a di-
rigé la partie musicale du culte. Parmi ses nombreux élèves, on compte
plus d'un virtuose.
%* Le monument funéraire élevé, dans le cimetière Montmartre, à la
mémoire d'Hippolyte Colet, compositeur et professeur au Conservatoire,
par les soins de sa veuve, Mme Louise Colet, de ses condisciples et de ses
élèves, vient d'être terminé. Le cippe est orné d'un grand médaillon de
bronze vert malachite, qui reproduit les traits du jeune maître. Dans les
plis du voile mortuaire qui entoure sa tête, sont gravés les titres de ses
ouvrages. Ce médaillon est dû au ciseau de M. Ferrât, élève distingué de
M. Pradier.
CROK1QUE DÉP&RTEUfïEMÏALE.
*„,* Lyon, 15 avril. — Le Prophète touche à sa quarantième représenta-
tion, et ses interprètes sont aussi zélés, aussi ardents qu'aux premiers
jours. Mlle Lacombe, dans le rôle de Fidès, est constamment fêtée, cou-
ronnée et fleurie. Caubet. l'infatigable ténor, soutient avec courage et
talent le personnage de Jean de Leyde. Mme Cœuriot-Ismaël ne montre
pas moins d'énergie, ainsi que les trois anabaptistes Bonnesseur, Bineau
et lsmaël, et que Dubosc, dans le rôle d'Oberthal.— Les représentations de
Aille Lavoye alternent avec celles du Prophète, et nous l'entendons tour à
tour dans Y Ambassadrice, les Diamants de la couronne, les Mousquetaires de
la Reine, la Fée aux roses, Haydée, le Toréador. — La dernière solennité
musicale de notre Grand-Théâtre a été le concert annuel de Georges
llainl, le célèbre artiste et chef d'orchestre. Le programme, composé avec
une recherche savante, réunissait : l'ouverture de Marguerite d'Anjou ,
de Meyerbeer; le Festin de Balth'isar, oratorio d'un lauréat du Conserva-
toire de Bruxelles, M. Lassen; la romance de Martini, Plaisir d'au, our,
avec chœur ; l'allégro, l'andante et le scherzo de la symphonie en la, de
Beethoven ; un chœur du Crociato in Egitto, de Meyerbeer; le Sanclus et
le Bmcdictus, de Charles Gounod ; le Vin des Gaulois et la Danse de l'épie,
du même, et la marche triomphale de Ries. Presque tous ces morceaux ,
supérieurement interprétés, notamment le chœur du Cr- ch to, chanté par
soixante voix , ont produit une impression vive. Le Vin des Gaulois et la
Danse de l'épée, de Charles Gounod, ont obtenu aussi beaucoup de succès.
Georges Hainl dirigeait l'orchestre avec sa supériorité ordinaire.
*** Marseille. — Seligmann, dont le nom et le talent sont bien connus
dans notre ville, est venu y donner un concert, au retour d'un long
voyage. Dans les Réminiscences d'Halémj, l'artiste a pu développer ses qua-
lités les plus précieuses ; il a été vraiment pathétique dans Y Ave Maria et
dans Norma ; mais le morceau capital de la soirée a été sans contredit /
Zampognari, que Seligmann a joué avec un art et un esprit infini. C'est
un petit poëme montagnard qui produit un effet immense : aussi le lui a
t-on fait répéter au milieu d'un tonnerre d'applaudissements. Les sœurs
Sabine et Catinka Heinefetter ont admirablement chanté des Lieders
charmants de grâce et d'originalité, et ont été chaleureusement ac-
cueillies. MM. Milont, Darboville et Vigourel ont prêté leur précieux
concours au célèbre violoncelliste.
*»* La Rochelle, 14 avril. — La famille Martin vient de donner ici un
concert. Elève distinguée de Ponchard, Mlle Anna Martin, charme par la
pureté de ses vocalises et par la douce expression de sa voix. Douée
d'un soprano magnifique , c'est sans effort qu'elle atteint les notes
DE PARIS.
127
les plus élevées. Son frère, M. Amédée Martin, élève do M. L. Massart,
quoique fort jeune, possède un fort joli talent de violoniste. Il a dit avec
aplomb et justesse le Réveil d'un beau jour, de son professeur. — Les huit
soirées-concerts que donne chaque année la Société philharmonique, ont
été, cet hiver, plus brillantes que jamais. Fondée en 1815, voici 37 an-
nées, sans la moindre interruption, que cette association musicale ac-
complit fidèlement son but de propager le goiltde la musique, et de venir
en aide aux malheureux en prêtant son concours à toutes les œuvres cha-
ritables.
%* Carcassonne, 10 avril. — Le concert donné au bénéfice des pauvres
par l'école gratuite de chant, a eu lieu le 31 mars dans la grande salle de
la mairie, qui n'a pu contenir tous ceux qu'avait attirés cette solennité.
L'exécution d'un chef-d'œuvre inconnu dans notre ville, le Siabat, de
Rossini; l'école de chant, qu'on écoute toujours avec plaisir; enfin, le
gracieux concours d'un artiste de mérite et de quelques voix d'élite, qui
ne s'étaient fait entendre encore que dans quelques salons privilégiés,
tout cela était de nature à piquer vivement la curiosité.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
%* Londres, 16 avril. — Les deux théâtres italiens ont fait leur réou-
verture après les fêtes de Pâques. Le théâtre de Sa Majeslé a donné deux
fois Vllaliana in Algieri, chantée par Mlle d'Angri. Demain, samedi, So-
phie Cruvelli doit faire sa rentrée dans Norma. — Le théâtre de Covent-
Garden a représenté Guillaume Tell, fort bien exécuté par Ronconi, le
nouveau ténor, Ander et Mme Castellan ; on annonce pour demain les
Martyrs. — Le théâtre anglais do Drury-Lane est rentré en lico avec
Roberl-le-Diable. — Mlle Joanna Wagner est annoncée par les deux théâ-
tres italiens à la fois. La querelle de ces deux directions qui se la dispu-
tent est une réclame immense pour ses débuts. — L'arrivée d'Emile Pru-
dent et de Mlle Clauss excite une vive émotion chez les amateurs de piano
et dans tout le monde musical.
V Vienne. — L'Opéra-Italien a donné le lundi de Pâques Linla diCha-
tnouni pour les débuts du ténor Boucarde. de Mitrovich, basse-taille, et du
baryton Ferri. — M. Cari Kunt, professeur de chant, et avantageusement
connu par ses écrits sur l'art musical, est mort le h avril.
*** Saint-Pétersbourg. — Vieuxtemps a donné son concert d'adieu.
Le directeur général de musique, M. Maurer, a reçu l'ordre de congé-
dier la moitié des artistes attachés aux orchestres de nos théâtres.
V Varsovie. — Mme Moriani Sikorska a joué avec beaucoup de succès
le rôle d'Isabelle dans Robert le Diable.
%* Barcelone, 5 avril. — Avec la Figlia del reggimento, on a repris le
mois passé au théâtre du Lycée // nuovo Figaro et Una avventura di Sca-
ramuccia. L'exécution en a été assez bonne, surtout celle du dernier de
ces opéras. On a aussi exécuté tout récemment au même théâtre le Sta-
bat de Iïossini. Les artistes et les chœurs ont été applaudis. L'introduction
de la Création, d'Haydn, et le chœur de Iïossini, la Charité, ont partagé
le succès du Stabat. — Maintenant on répète la Muette de Potiici, qui doit
être représentée le jour de Pâques.
Le gérant : Ernest DESCHAMPS.
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2. Couplels en duo chantés par Mlles Lemercier et Talmont : J 3 bis. Le même transposé pour ténor ............ \ \ \ 4 51
« Il me cajolait, il me câlinait, etc. » 3 » 4. Duo chanté par M. Jourdan et Mlle Lemercier :".. Que ta peur- est
2 bis. Les mêmes arrangés à une voix 2 50 J imbécile !» 6 :
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ADAM (A.)- Ouverture de la Poupée de Nuremberg 6 »
— Ouverture du Farfadet 6 »
— Ouverture du Toréador 6 »
bdrsibolier (Fréd.). Grande valse brillante sur la Poupée de
Nuremberg 5 »
Rondo villageois sur le Farfadet 5 »
bérîot fils iC. V. de). Op. 1. Etude-caprice 6 »
ejjeyschociî. Deux rapsodies en deux suites . chaque .... 5 »
devos. Op. 12. Rêveries du soir, 2° impromptu 4 50
duvernoy M. B.). Op. 206. Petite fantaisie sur le Farfadet. . 5 »
GEEVIL1E (Léon-Pascal). Op. 6. Trois mazurkas 5 »
— Op. 7. Deuxième nocturne A 50
iî3 carpemtiib. 132e bagatelle sur la Poupée de Nuremberg. . 5 »
— 133e bagatelle sur le Farfadet 5 »
— 134e bagatelle sur le Toréador 5 »
r.URGS;Dll.tR (F.). Grande valse brillante sur la Poupée de Nu-
remberg 5 »
— Polka sur le Farfadet 4 »
devos. Graz;osa, mazurka brillante 4 50
IiEMONCOUST (le comte Sublet de). Alice, suite de valses ... 5 »
— Follette, polka-mazurka 2 »
— Manuelita, schottisch 3 »
— Henriette, schottich 2 50
— Le vieux Piqueur, quadrille 4 50
nouveautés fous b
BÉRIOT (Ch. de) et MATï-rias (Georges1. Grand duo sur la Juive
pour piano et violon 10 »
IHERCIER (Jules). Souvenir de la Favorite, fantaisie pour violon
avec accompagnement de piano 9 »
LOUIS (N.). Op. 225. Fantaisie sur la Poupes de Nuremberg pour
piano et violon ... 9 »
Airs de VEclair arrangés pour violon seul 7 50
Airs de la Juive arrangés pour violon seul 7 50
Airs de Guido et Ginevra arrangés pour violon seul 7 50
LEE (S.). Grand duo sur le Pirate pour piano et violoncelle ... 9 »
tulou. Grand duo sur VEnfant prodigue pour piano et flûte. . . 9 »
ihathus (Georges). Op. 13. Première valse de concert. ... 6 »
— ■ Op. 14. Noce villageoise, morceau de genre 6 »
wieïer (Léopold de). Op. 69. Souvenir d'Italie, grande fantaisie 9 »
rosellem (Henri). Ouverture de Guillaume Tell, arrangée à
quatre mains 10 »
tûlsxy (Adrien1. Op. 21. Fantaisie brillante sur le Toréador . . 6 »
voss (Charles). Op. 114. Les larmes de Madeleine, méditation. . 4 50
— Op. 118. N° 1. Chant bohémien varié 5 »
— 2. La mélancolie de Prume variée . . 5 »
— Op. 134. Barcarolle (ÏOberon 5 »
— Op. 136. La Napolitaine, polka tarentelle .... 5 »
— Op. 137. N° 1. Fantaisie élégante sur la Poupée de
Nuremberg 5 »
— 2. Fantaisie élégante sur le Farfadet 5 »
s5 quabsïues.
| iwussflKD. Les Clairons de l'armée française, quadrille .... 4 50
— La Poupée de Nuremberg, id 4 50
Le Farfadet, . id .4 MO
— Le Toréador, id 4 50
— Grande valse sur la Poupée de Nuremberg 5 »
— Grande valse sur le Farfadet 5 »
— Priora, grande polka 4 »
Nota. — Les compositions de Musard sont aussi en vente, arrangées
' à quatre mains et à grand orchestre.
îvess iirsTSUMEàfTS.
! TCtocf. Grand duo sur le Pirate pour piano et flûte 9 »
j ON8LOW (Georges). Op. 79. Grand septuor pour piano, flûte,
hautbois, clarinette, cor, basson et contrebasse ... 25 »
— Op. 79 bif. Grand quintette pour piano, violon, alto, vio-
loncelle et contrebasse 20 »
— Op. 80. 33e quintette pour deux violons, deux altos et
violoncelle 18 »
j Ouverture de la Poupée de Nuremberg à grand orchestre 18 »
— du Farfadet à grand orchestre 18 »
— du Toréador à grand orchestre 18 »
Les mêmes en partition, chaque 18 »
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Op. 21.
N° 1. lies Primevères (Retour du printemps) 0
2. lia Violette (Modestie) 4
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N" h. Romarin (Deuil). . . . ,
5. La Pensée (Souvenir). .
C. EHélîotrope (Enivrement)
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De $SBÎElt-IPflli5ippe.
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Dédiés à Sa Majesté très fidèle Doua Maria da Gloria, reine de Portugal,
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hautbois, ad lit) 3 »
2. Ave Maria, solo pour contralto 3 »
3. Ave Maria, duo pour soprano et contralto, avec accompagnement de
hautbois, ad lib k 50
N° 4. Ave verum, solo pour soprano : . . . . 2 5(i
5. Ave régira cœloruh, duo pour soprano et mezzo soprano 3 75
0. Inviolata, duo pour soprano et mezzo soprano 3 75
7. O sALiiTARis, pour soprano 3 »
8. Ave maris Stella, duo pour soprano et mezzo soprano 5 »
PAIIIS. — IBiri
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note ni Bock, 42, Joegerstr.
LUIiounc. Sassetti.
Le Journal paraît le Dimanche
GAZETTE MUSICAL
91 PARIS,
SOMMAIRE. — Théâtre du grand Opéra, le Juif errant, opéra en 5 actes, paroles
de MM. Scribe et de Saint-Georges, musique de M. Halévy (première représenta-
tion), par t*aul ftmith. — Auditions musicales, par fllcari HSlauchard.
— Correspondance, Berlin. — Nouvelles et annonces.
THEATRE DU GRAND OPERA.
LE JUIF ERRANT,
Opéra en 5 actes, paroles de MM. Scribe et de Saint-Georges , mu-
sique de M. Halévy, divertissements de M. Saint-Léon, décors de
MM. Cambon, Séchan. Desplechin,, Dièterle, Thierry, Nollo et Rubé.
(Première représentation vendredi 23 avril.)
Depuis dix-huit siècles et plus, le Juif errant marche toujours; il est
donc tout simple qu'il ait fait son chemin, et un beau chemin, j'espère!
De la légende populaire, de la simple ballade, de la complainte de car-
refour récitée, entonnée par toute sorte de voix, excepté les bonnes,
accompagnée des maigres accords d'un violon lugubre, il vient de s'é-
lever aux sommités de l'art, aux perfections de la musique, aux ma-
gnificences poétiques , lyriques et pittoresques de l'Opéra ! Quelle
transfiguration ! quelle apothéose pour cet être mystérieux, pour ce
poétique témoin, ce fatal contempteur du plus grand fait de l'histoire
divine et humaine! Le Juif errant avait essayé de tout, drame, vaude-
ville, épopée, roman; il avait tenté de s'arrêter partout; mais toujours
le terrible Marche! Marche! l'avait chassé de ses stations momenta-
nées et forcé de reprendre sa course, cherchant en vain le repos de la
tombe ; et voilà qu'en arrivant à l'Opéra, il trouve une patrie, un
trône, un ciel ! Voilà qu'il y est reçu de manière à faire croire que sa
destinée est vaincue, que ses pérégrinations sont finies ; en un mot que
le Juif errant ne sera plus errant, mais qu'au contraire ce sera la foule
qui s'agitera, se dérangera pour venir à lui, pour le contempler et l'é-
couter !
Ceci est le résultat d'un concours de pensées, d'inspirations, de tra-
vaux, dont un seul théâtre au monde possède le secret et que lui seul
peut mettre en œuvre. Pour aujourd'hui, je voudrais seulement vous
tracer une rapide esquisse de l'ensemble, un panorama au crayon de
toute cette création nouvelle, dont les détails infinis absorberaient des
volumes. L'enfantement en a semblé lent et laborieux à ceux qui ne la
connaissaient pas encore ; il sera jugé tout autrement par ceux qui
sauront en quoi elle consiste. Si jadis on supposait qu'il avait suffi de
quatre éléments pour créer l'univers, on n'a jamais douté qu'il n'en
fallût des centaines pour la confection d'un grand opéra.
L'histoire d'Ashvérus, de ce cordonnier de Jérusalem qui insulta le
Sauveur, pliant sous le poids de la croix; qui lui refusa un instant de
repos et un verre d'eau devant la porte de sa boutique, et encou-
rut ainsi la sentence : « Tu marcheras sur la terre jusqu'à ce que j'y
reparaisse, » cette histoire, dis-je, embrasse toute l'ère chrétienne;
elle peut s'accrocher dans sa longue durée à n'importe quel clou fourni
par les annales d'un peuple ou d'une famille ; elle peut même s'épar-
parpiller, de siècle en siècle et d'acte en acte, sur plusieurs branches
sorties de la même tige, et cette méthode a été employée plusieurs
fois. Mais ce n'est pas ainsi qu'ont procédé MM. Scribe et de Saint-
Georges. En gens experts et avisés, ils ont compris que le genre lyri-
que s'accommoderait mal d'une succession de personnages subdivisés
par couches ou par dynasties, et qu'avant tout, le compositeur leur
demanderait de l'unité dans le sujet, dans l'intérêt. Entre la foule des
époques, ils en ont donc choisi une qui, avec une action dramatique,
leur offrît de fraîches couleurs, des tons vifs et tranchés, des splen-
deurs et des péripéties encore intactes jusqu'à eux. Ils ont pris le com-
mencement du xme siècle, et ce singulier épisode d'un empire latin, jeté
pour quelques années, par le caprice de la guerre et des croisades, sur
le siège même de l'empire grec. Cet empire datait de Baudouin Ier,
comte de Flandres, et finit à Baudouin II , fils et successeur de Pierre
de Courtenay. Les empereurs grecs avaient imploré le secours des
croisés, et les croisés leur avaient enlevé leur empire, ce qui était un
moyen assez neuf de les tirer d'embarras. Baudouin I" mourut, comme
on le sait , prisonnier de ces mêmes Bulgares contre lesquels Isaac
Lange et son fils, Alexis, avaient sollicité sa protection et celle de ses
compagnons d'armes.
Une courte introduction précède le lever de la toile. Si vous me de-
mandez pourquoi il n'y a pas d'ouverture, je vous répondrai qu'elle est
faite; mais que comme il arrive toujours lors des premières représen-
tations de ces ouvrages chargés d'accessoires, dont le jeu est si difficile
à régler, le compositeur en a remis l'exécution au temps où la machi-
nerie laissera plus d'espace à la musique. Une décoration parfaitement
belle et fidèle, peinte par MM. Nollo et Rubé, représente un faubourg de
la ville d'Anvers, les rives de l'Escaut, hérissé d'une forêt de mâts.
Sur le devant de la scène, l'effigie du Juif errant pend à une échoppe
de bateleurs. C'est jour de kermesse et de joie, un chœur de fête re-
tentit; seigneurs et paysans, nobles dames et bourgeoises se coudoient.
Théodora, la belle batelière, sort de son logis avec Léon, son jeune
frère. Tous les rangs la courtisent, et c'est elle qui raconte aux curieux
l'histoire de l'homme étrange dont la figure se dessine tristement sur
,'enseigne. Elle l'a recueillie de son aïeul, qui en parlait souvent.
.... Bien plus, au sein de ma famille,
On disait que, depuis mille ans,
Nous étions tous ses descendants
Par Noéma, sa fille.
La ballade est écoutée avec recueillement; chaque vers excite la
surprise et l'effroi.
130
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
Pour expier envers lui ses outrages
Dieu le condamne à ne pouvoir mourir !....
Jusqu'à la fin des mondes et des âges,
Dieu le condamne à vivre pour souffrir.
Pendant un quart d'heure,
C'est l'arrêt de Dieu,
A peine il demeure
Dans le même lieu !
Un ange invisible,
L'ange du Très-Haut,
D'une voix terrible
Lui crie aussitôt :
Marche ! marche ! marche toujours!
Sans vieillir, accablé de jours,
Marche! marche toujours !
Tel est le premier couplet de cette ballade excellente de coloris poé-
tique et musical, dont la dernière phrase est répétée en chœur par les
assistants. En cet instant, la nuit s'abaisse ; un officier du bourgmestre
ordonne aux habitants de se retirer et d'éteindre les lumières. Après
tant de couvre-feux traités avec talent et génie, c'était chose difficile
que d'en risquer un nouveau : le compositeur l'a fait avec un succès
incontestable, et puis, tout à coup, de ce morceau charmant il nous
fait passer à un morceau grandiose, original, fantastique, comme le
personnage dont il annonce l'apparition. Le Juif errant se montre au
bruit de la foudre, au milieu des ténèbres que sillonnent les éclairs.
Ashvérus, appuyé sur son bâton, avec sa longue barbe et le reste du
costume que la tradition lui assigne, traverse lentement les remparts.
Il ne dit pas une syllabe, et pourtant la scène est complète, le person-
nage expliqué !
A peine a-t-il disparu, que des brigands, des malandrins accourent.
Pendant la nuit la ville leur appartient, et ils en usent comme de leur
proie. Chacun apporte le fruit de ses larcins, des coffrets, des bijoux,
une jeune fille. — Qu'avez-vous fait ? leur crie Ludgers, leur chef.
Cette dame en litière, massacrée par vous, c'était la comtesse de
Flandres, la femme de Baudouin, notre maître, qui allait en Orient re-
trouver son époux sur le trône impérial. Ces bijoux sont les siens :
cette fille est la sienne! — Frappons la fille aussi, dit l'assassin de la
mère ; mais non, par réflexion, je la cède à qui voudra la prendre. Le
Juif errant s'avance et. dit : — Je la prends ! Les malandrins tournent
leurs poignards contre lui ; mais leurs poignards se brisent sur sa chair
immortelle, la hache de Ludgers vole en éclats. Ashvérus est reconnu
au signe sanglant que son front porte, et les malandrins se sauvent
pour échapper à cette vision.
Ashvérus, resté seul avec l'enfant, chante, je ne dirai pas un air,
mais un hymne, un cantique de douleur et d'amour. Cette jeune fille,
elle est de sa race : elle est du sang de Noëma, comme Théodora, la
batelière, et quelle distance entre les deux ! Dans le malheur il n'en
est plus. Théodore revient ; elle invite le pèlerin fatigué à se reposer.
— Jamais il ne se repose. — A boire un verre d'eau ! — Jamais il ne
boit, depuis le jour du refus. Théodore reconnaît Ashvérus, qui lui
confie la jeune fille, et la charge de l'élever. Ils disent ensemble un
duo, dans lequel le compositeur a su donner au châtiment du Juif une
forme en quelque sorte matérielle et palpable. Le maudit formule ainsi
sa plainte :
Rien ne suspend des heures
L'impitoyable cours !
Heureuse tu demeures;
Moi, je marche toujours !
La voix que je redoute
Bientôt va retentir,
Me traçant ma route
Qui ne doit pas finir!
Sous ces paroles, serpente une mélodie d'une inexprimable tris-
tesse, et les instruments à vent, bassons et cors, exhalent une même
note, une pédale solitaire, éternelle, qui se prolonge comme cette route
qui ne doit pas finir ! Cette perpétuité de souffle, qui lasserait toutes
les poitrines, est due à l'entente fraternelle des deux bassons et des
deux cors, qui se relaient imperceptiblement. Et puis de cet abîme
douloureux s'échappe une phrase délicieuse qui rassérène et console :
Fille chérie,
A toi ma vie,
Mou avenir.
Tout ce premier acte est d'un bout à l'autre un chef-d'œuvre de con-
ception : M. Halévy n'a rien écrit de plus admirable. A l'auteur de la
Juive, à la profonde intelligence d'où sortit, il y a dix-sept ans, le
grand rôle d'Eléazar, il était réservé de personnifier le Juif errant,
de l'illustrer sur la scène en caractères qui ne s'effaceront pas.
Le second acte nous conduit en Bulgarie, au pied du mont Hémus.
Baudouin est mort depuis longtemps; Irène, sa fille, a grandi sous les
yeux de Théodore, de compagnie avec Léon, dont elle se croit la sœur.
Léon aussi se croit le frère d'Irène, mais il éprouve pour elle des sen-
timents qu'il n'ose s'avouer. Malgré ses efforts, l'aveu ne peut rester
captif. Il confie ses tourments à Théodore, qui lui apprend que celle
qu'il ose aimer n'est pas sa sœur, et que pourtant l'hymen n'est pas
possible entre elle et lui. Quel que soit l'obstacle, Léon se flatte qu'Irène
le lèvera : il court la chercher. Irène vient d'être enlevée par des
bandits qui avaient réclamé l'hospitalité. En effet, daus ces prétendus
voyageurs, nous avons reconnu Ludgers et autres malandrins. Ludgers
a quitté son métier de coupe-jarret pour une profession plus douce : il
fait la traite des esclaves ; il vend des femmes jeunes et jolies, et quand
il ne peut les acheter, il les enlève. Ainsi a-t-il fait d'Irène, après con-
seil tenu avec ses associés. Ce conseil fournit le thème d'un fort beau
quatuor, pour voix de basse, écrit, dans le genre bouffe, avec une fran-
chise de style et une liberté d'allure appropriées à la circonstance. Le
duo de Léon et de Théodore n'est pas moins remarquable. Léon et
Théodora s'élancent sur les traces d'Irène, et, par un changement de
décor, nous arrivons sur la grande place de Thessalonique, où des
feux de Saint-Jean sont préparés.
C'était une imposante et curieuse cité que Thessalonique, s'il faut
s'en rapporter aux pinceaux de MM. -Séchan et Diéterle. Le peuple y
entonne des chants pleins de vie et de chaleur, d'un rhythme entraî-
nant. Le prince Nicéphore, empereur, ou plutôt prétendant à l'empire
d'Orient, se rend sur la place avec ses seigneurs, ses soldats. Ludgers
profite de l'occasion pour lui offrir un assortiment de beautés rassem-
blées à son intention depuis Ispahan jusqu'à Jérusalem. Ici, nous avons
un pas d'esclaves à demi voilées, qui dansent sur un air ravissant de
grâce pudique et coquette à la fois. Nicéphore regarde et , seul , n'est
pas séduit :
Toutes ces beautés de l'Asie
N'ont pas de pouvoir sur mon cœur.
Plus d'amour éphémère et plus de fantaisie :
Je suis las du plaisir et voudrais le bonheur.
Irène est présentée à son tour par Ludgers : c'est justement l'idéaj
du bonheur rêvé par Nicéphore, qui veut s'emparer d'elle. Ashvérus
intervient et déclare au peuple que cette esclave, livrée à prix d'or,
est la légitime héritière du trône impérial , la fille de Baudouin , sou-
verain fort peu légitime lui-même, et qui avait traité l'empire comme
Nicéphore voudrait traiter Irène. Mais ceci est de la politique, et la
politique n'a rien à démêler avec l'opéra. Nicéphore se fâche contre
Ashvérus, et , puisque ce dernier invoque le nom de Dieu, il l'accepte
pour juge. Que l'épreuve du feu en décide : le bûcher est tout prêt :
Ashvérus y monte avec calme, et la flamme s'éteint : la foudre éclate
en son honneur : le tonnerre jure pour lui! Dès lors, le peuple est
convaincu et s'incline humblement devant Irène, qui , de captive, de-
vient impératrice. — A genoux! s'écrie Ashvérus; et tous, excepté
Nicéphore, tombent à genoux. Vous comprenez, sans que je le dise,
que cette révolution, à laquelle le ciel participe, est le sujet d'un grand
final , écrit d'une main puissante, et dans lequel la simplicité du des-
sin, la clarté des développements égalent la majesté des idées. Le spec-
tacle est, d'ailleurs, éblouissant : la figure sauvage et terne d'Ashvérus
se détache avec un effet extraordinaire de toute cette masse lumineuse
de pourpre et d'or, d'armures et de monuments.
Et comment vous peindre encore le palais des empereurs à Constan-
tinople, où se passe le troisième acte? Ce palais est l'œuvre de
M. Cambon, œuvre qui tient de la féerie par la hardiesse de ses con-
structions bysantines et l'enchantement de ses perspectives. Irène en
sera bientôt maîtresse, et, ce qui la flatte plus encore, elle reverra sa
DE PARIS.
131
sœur chérie, son frère bicn-aimé. Les voici déjà qui demandent à lui
parler, sans la connaître, sans rien savoir de ses grandeurs. Ils vien-
nent la prier de leur rendre celle que des bandits leur ont enlevée.
Irène lève son voile : Léon est frappé de stupeur. Il comprend alors
quel est l'obstacle dont lui parlait Théodora. Plus d'hymen! plus
d'amour ! Il veut partir, mais Irène le retient, et une fêle commence :
des danseurs étrangers implorent la faveur de reproduire la fable du
Pastatr Aiislëe et des Abeille, non pas exactement telle que la ra-
conte Virgile, mais arrangée à leur manière et dans le goût byzantin.
Dans cet acte, Irène a déjà chanté une élégante cavatine, Léon a sou-
piré une romance pathétique, qui se répéteront partout. Voici bien une
autre chose, une musique de ballet, qu'on peut nommer tout un petit
poëme du style le plus ingénieux. Un léger bourdonnement d'orchestre
avec sourdines introduit l'essaim des insectes ailés, car toutes les dan-
seuses ont des ailes, des corsets côtelés d'or : la reine des abeilles porte
de plus sur sa tête un petit réseau d'or, surmonté de deux antennes
blanches. L'essaim voltige, tourbillonne, et l'adorable musique voltige,
tourbillonne comme lui. En écoulant son fin murmure, je ne puis"
empêcher ces charmants vers de Clément Marot de me revenir en mé-
moire et sous la plume :
Là, d'un côté , auras la grand' clôture
De saulx épais, où pour prendre pâture,
Mouches à miel sucer la fleur iront
Et d'un doux bruit souvent t'endormiront.
Le berger Aristée est piqué par les abeilles ; il veut se venger, les
dompler, les apprivoiser, et il y parvient, grâce aux sons de sa flûte,
traduits par l'incomparable hautbois de Verroust. Le berger et les
abeilles, réconciliés, voltigent et tourbillonnent sur nouveaux frais.
Mlle Taglioni, reine des abeilles , se pose en reine de la danse : ses
pas sont aussi fins , aussi gracieux que la musique est fine et distin-
guée. Une immense ruche, sortie de terre, amène un renfort d'abeilles
et couronne le divertissement. Bravo, le chorégraphe! mais bravo cent
. et cent fois le compositeur, qui a fait un chef-d'œuvre, une merveille,
un digne pendant de l'Aristéedes Géoryiques :
Pustor Arislœus fugiens peneia Tempe.
Revenons au drame. La fêle terminée, Nicéphore, suivi de son sénat
en grand costume, vient déclarer que pour finir douze ans de guerre,
il faut qu'Irène l'épouse : le trône est à ce prix. Irène ne veut plus du
trône : Théodora lui défend d'abdiquer et de déshériter sa famille.
Avant qu'elle se décide, Léon demande tout bas un rendez-vous àJrène,
qui l'accorde à son frère. Un large ensemble , dominé par les quatre
voix principales, conclut ce troisième acte si varié, si riche d'harmo-
nie, sans compter celle des gigantesques saxo-tubas , qui résonnent
sur le théâtre et forment un orchestre de plus.
Au quatrième acte, nous avons d'abord deux morceaux délicieux de
mélodie, une cavatine de Léon, un duo de Léon et d'Irène. Les deux
amants, délivrés de la fraternité, jurent d'être unis pour la vie. Léon
s'est chargé de révéler à Irène que ses sentiments n'étaient pas de l'a-
mitié pure :
Et tant qu'a duré ce sommeil
Où dormaieut nos âmes..., ton âme
N'éprouvait-elle pas une secrète flamme,
Impatiente du réveil 1
Léon se charge encore de soulever le peuple en faveur d'Irène et de
ses droits. Par malheur, Nicéphore a surpris ses projets, et dit à Lud-
gers :
Tu viens de les entendre! Ils ont dicté leur sort!
La honte à cette femme... A cet homme la mort!
Le théâtre change, et nous voici devant le plus magnifique décor qui
se puisse imaginer : un temple ruiné sur la rive du Bosphore, et puis
rien que la solitude, la nuit, la tristesse ; une ville à perte de vue ; les
rayons vacillants de la lune sous les nuages ! Ceci est l'œuvre de
M. Thierry. Bravo, le peintre ! Ashvérus descend des ruines ; il se la-
mente, il gémit sur sa destinée, en des vers qui n'auraient pas besoin
d'être chantés. La voix du trombone , si bien joué par Dieppo, se
mêle à sa voix dolente , et l'on se prend d'une véritable pitié pour ce
malheureux qui ne peut pas mourir! Nous le plaignons sincèrement,
nous qui mourrons tous, et qui souvent craignons ce qu'il désire!
Autour de moi tout passe!
En parcourant l'espace,
Des mondes disparus
Moi seul connais la trace
Et retrouve la place
Des temps qui ne sont plus !
Jamais la prière
Ne vient adoucir
La douleur amere
Qu'il me faut subir!
Jamais, sur ma vie,
Un œil n'a versé
Cette larme amie
Qu'on donne au trépassé !
Le pauvre homme!... Et voilà que Ludgers nous revient, escorté
de ses camarades : de marchand d'esclaves, il s'est refait meurtrier,
et il est là pour frapper sa victime ! Léon paraît avec Théodora : il se
flatte que tout va bien. Tout va mal au contraire; Ashvérus, qui veille
toujours sur lui, le lui apprend. Léon, l'aveugle Léon, n'en veut rien
croire. Il repousse Ashvérus et ses conseils, et son secours. Il lui re-
proche de traîner le malheur avec lui, tandis que la mort plane sur
sa tête. Les assassins enveloppent Léon, le désarment ; Ashvérus s'in-
terpose, mais trop tard ! Le quart d'heure est passé, les trompettes re-
tentissent : l'ange exterminateur agite sa flamboyante épée : Marche !
marche!... Léon est précipité du haut des rochers, Théodora s'éva-
nouit. Tout cela est saisissant, poétique et musical. Le quatrième acte
à lui seul, vaut tout un opéra.
Le cinquième arrive enfin pour dénouer et conclure. Rassurez-vous,
Léon n'est pas mort : les flots l'ont apporté entre les bras d'Ashvérus,
de son père, et son père l'a sauvé pour l'unir à Irène. Nicéphore est
tombé du trône, qui n'allend plus que son impératrice. Ainsi, chacun
va être heureux, hormis le Juif errant ! S'il y a un dénoûment pour
tout le monde, il n'en est pas pour lui, qui doit toujours vivre : c'est sa
punition. Plus que jamais il appelle la mort : Dieu lui permet de la
rêver.
Mais, ô ciel! quel prodise étrange!
Tout en moi se confond et change...
Oui, c'est la mort ! Oui, je la sens!
C'est le repos... la fin de mes tourments.
Ashvérus tombe accablé sur la plage, en face d'une mer sans limites,
et son rêve le transporte dans la vallée de Josaphat, cette vallée sym-
bolique, prétoire de la justice divine, devant laquelle tous doivent
comparaître.
Les trompettes du jugement dernier convoquent les morts par l'or-
gane des terribles saxophones, et les morts se hâtent de ressusciter.
L'ange exterminateur leur signifie les ordres du Très-Haut.
La voix du Seigneur vous appelle :
Morts, levez-vous!
Devant la puissance éternelle,
Paraissez tous.
M. Halévy a encore écrit d'admirables choses pour cet instant su-
prême, qui précède l'Enfer et le Paradis. La vallée disparaît ; l'Enfer
s'ouvre, et jamais vous n'avez vu de tableau qui vous en donne une
idée plus formidable : Michel-Ange est surpassé par M. Desplechin.
Levez les yeux, et regardez le Paradis, dont les cimes pures et glorieu-
ses rayonnent de paisibles clartés! Votre choix est fait, n'est-ce pas?
Mais croyez-vous qu'on vous consulte? Et cet infortuné Juif, ce damné,
ce proscrit, qui choisirait l'enfer plutôt que la vie, qui dormait là sur
la terre, persuadé que la terre n'était plus rien pour lui !.... Vaine es-
pérance ! illusion ! L'ange exterminateur le réveille et lui dit encore :
Marche ! marche ! Ashvérus ressaisit son bâton et s'écrie :
Ah ! mon sort n'est pas achevé !
J'ai cru voir terminer ma vie!
J'ai cru ma misère finie !
J'ai cru mourir, et j'ai rêvé!
Qu'en dites-vous? Ce drame ne vous semble-t-il pas une heureuse et
habile exploitation de la fameuse légende dont fut bercée votre en-
fance? N'y trouvez-vous pas de l'action, des incidents, de l'intérêt, et
ne le croyez-vous pas de nature à toucher fortement des attentions
132
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
blasées, des curiosités assoupies ? Quant à moi , je n'en fais pas l'objet
d'un doute ; je félicite hautement MM. Scribe et de Saint-Georges du
nouveau produit de leur féconde association.
La musique !... Ah ! pardon, je m'arrête. Vous n'exigez pas de moi,
sans doute, une étude raisonnée, savante, approfondie, de la partition
d'un maître depuis longtemps placé au premier rang des maîtres.
Vous l'aurez, mais pas aujourd'hui. Laissez-nous reprendre haleine et
nous reposer de tant d'admirations réunies en un seul bloc. Je vous en
ai dit assez, en vous parlant de chaque morceau, pour vous faire soup-
çonner que cette partition pourrait bien être un chef-d'œuvre. J'aurais
dû me contenter de vous dire qu'elle était de M. Halévy. Cependant,
je tiens dès à présent à constater que l'illustre compositeur n'a jamais
plus approché du terme souverain en matière d'art, le grand dans le
simple et le simple dans le grand. Rien de cherché, de fatigant, de
tourmenté dans cette œuvre, qu'on dirait jetée sur le papier sans in-
tervalles, sans lacunes. Ce qui distingue les artistes éminents, c'est la
faculté de se. modifier sans cesse et de s'améliorer en se modifiant.
Dieu leur a dit, comme au Juif errant : Marche! marche!... Et c'est
ainsi que M. Halévy a marché.
Parlons des artistes qui ont interprété sa dernière production. Dans
le rôle du Juif errant, Massol a obtenu le plus beau succès de toute sa
carrière. Il l'a créé par la physionomie aussi bien que par la voix, et
cette voix est, plus que jamais pleine, onctueuse et sonore. Le Juif
errant et Massol, Massol et le Juif errant, désormais ce n'est plus qu'un.
Ro^er, toujours si accompli dans sa dualité de chanteur et d'acteur,
a rajeuni de dix ans, sous les traits de Léon. Le costume, la musique,
même, concourent à la métamorphose. Son rôle est tendre et pas-
sionné, sans exiger d'effort ; il n'a qu'à le dire, comme les auteurs l'ont
fait, pour toucher et pour plaire. La romance du troisième acte, la ca-
vatine et le duo du quatrième en sont les plus beaux fleurons.
La magnifique voix de Mme Tedesco ne s'était pas encore déployée
aussi largement, aussi fréquemment que dans le rôle de Théodora :
elle en a dit plusieurs passages de façon à soulever la salle entière.
La débutante, Mlle Emmy La Grua n'a pas failli aux promesses de
son talent et de sa jeunesse. Sa voix de soprano sfogato est charmante
de timbre ; elle ne manque pas d'art, mais elle a besoin de bien con-
naître les exigences de la salle. Après deux ou trois .représentations
elle y sera faite, et on l'applaudira pour le présent comme pour l'ave-
nir. C'est, du reste, une grande et belle personne, Sicilienne de nais-
sance, mais parlant le français comme une Française de Paris.
Obin et Depassio, deux belles voix de basse, représentent Nicéphore
et Ludgers. Les autres rôles de bandits sont tenus par Canaple, Gui-
gneau et Noir, ce qui fait que l'exécution en est supérieure. Merly
chante le rôle du guetteur de nuit; Chapuis, celui de l'ange extermina-
teur. Mlle Petit-Brière u bien voulu dire quelques lignes de musique
ornées d'un point d'orgue fort bien réussi. En cherchant bien, je trou-
verais encore d'estimables artistes, voués de corps et d'âme à la for-
tune du Juif errant. J'aurais à citer les choristes en masse, et l'or-
chestre tout entier, si bien dirigé par son habile chef, M. Girard ; mais
le moment de m'arrêter est venu ; le temps et la place me manquent;
et quand même l'ange exterminateur m'ordonnerait de marcher en-
core, comme je n'ai pas commis de faute équivalente à celle d'Ash-
vérus, je n'irais pas plus loin. Paul SMITH.
AUDITIONS MUSICALES.
Mme Farrenc Mme Claire ÏBenelIe.— Mlle Joséphine Martin. —
Mlle Ironise Matlmaiin. — Mlle Madeleine GraeTer. — Cercle
mnsicalet littéraire.— Mme tanner llaiiera.- Mlle Euffénie de
Rosa.— Mlle ©ras. — Mme «aveaux-Sabatier et Mme Eioger de
Beauvoir. — MM. Lamazon , Lefort , Fnmasalli, I.éopold de
Meyer. — M. Delsarte, Mlle Rachel et Mme la comtesse de Ka-
lergis. — The doctor liardner. — H. Kosellen.
La virtuoserie prend ses ébats plus que jamais; c'est comme une
colérine, une fièvre artistique ou plutôt une sorte d'ivresse produite
par l'opium ou le narguillé sur les fumeurs de l'Orient , ivresse qui
plaît au public et le berce des plus douces idéalités. Récitants et audi-
teurs sont dans les meilleurs termes, et se retrouvent toujours ensem-
ble avec un nouveau plaisir. Chaque matinée ou soirée musicale fait
salon ou salle comble. En est-il de même de la bourse du bénéficiaire?
Nous n'oserions répondre très-affirmativement à cette question. Tou-
jours est-il que ces exhibitions musicales faites par des artistes d'âge,
de sexes et de talents divers, portent à la bienveillance, à la sociabi-
lité ; qu'elles ajournent les conlroverses ardentes sur la politique, et
prouvent, pour la cent millième fois, que l'art musical est égalitaire et
civilisateur. Il n'y a guère que l'analyseur, le critique de ces choses,
qui pourrait être fondé, à la rigueur, à trouver un peu monotone la
représentation de cette pièce musicale appelée concert , qui est , à
peu de choses près, toujours la même pour lui ; car il retrouve sou-
vent dans la matinée musicale du jour, la cavatine, la chansonnette,
l'air varié et la fantaisie du concert de la veille ; heureux quand il ne
les entend pas deux ou trois fois dans la même journée! Il est vrai que
ces charmantes et charmants solistes se croient suffisamment justifiés
en faisant imprimer sur leurs programmes à chaque morceau, et entre
deux parenthèses : (redemandé). Redemandé par qui? — Par tout le
monde. — Pourquoi ? — Dans l'intérêt de l'art. ■- Ah ! c'est bien.
C'est bien réellement dans l'intérêt de l'art que Mme Farrenc
a donné un concert dans la salle Ste-Cécile. Cette dame, docteur ès-
science des sons a dit, avec MM. Maurin, Mas, Chevillard et Bailly,
son deuxième quintette pour piano, violon, alto, violoncelle et contre-
basse dont nous avons déjà signalé, pour les lecteurs de la Gazette
musicale , les finesses harmoniques et l'élégance mélodique. La
deuxième sonate pour piano et violon, composée aussi par Mme Far-
renc, a été dite par l'auteur et M. Maurin ; puis, M. Alexis Dupond,
après avoir dit de ce style de chant pur et classique qui lui est pro-
pre, le bel air de Pylade dans Vlphigénie en Tauride, de Gluck : Unis
dès la plus tendre enfance, etc., a dit encore Andréa lafolle, romance
de Mme Farrenc , et V Hirondelle du prisonnier, par Mlle Victorine
Farrenc, deux charmantes choses vocales ; et puis revenant à la musi-
que rétrospective dont elle s'est toujours nourrie, Mme Farrenc nous a
fait entendre un andante et un allegro, pour piano seul, de Philippe
Emmanuel Bach ; ensuite, un adagio avec final de la sonate en la de
Beethoven. Bien que, pour éviter des redites, nous ne mentionnions que
les faits et gestes et les œuvres du bénéficiaire, nous nous plaisons à
faire ici une exception à cette règle en faveur de M. Leroy, du théâtre
de l'Opéra-Comique , qui a joué un solo de clarinette d'un excellent
style et d'un son charmant , on ne peut plus remarquable d'homogé-
néité et de distinction.
— Puisque nous sommes sur la voie agréable du madrigal, ce thème
avec des variations infinies que le Français, né galant , joue avec une
incroyable aisance de plume et de parole pour le beau sexe, nous féli-
citons les auditeurs qui ont assisté au concert donné chez Pleyel par
Mme Claire Henelle, cette cantatrice de bonne société, à la méthode
rationnelle, au style pur et varié, à la voix sympathique comme sa
personne, et qui , bien que veuve, a dit d'une voix charmante et d'un
accent convaincu la Spo*a fedele, fort jolie cavatine italienne ; le duo,
avec M. Jourdan , de l'Opéra-Comique, de la Dame blanche : Il s'éloi-
gne, etc. ; le Cantique de Noël , avec accompagnement d'orgue mélo-
dium ou harmonium ; et , enfin , de charmantes mélodies ayant pour
titres Où sera le bonheurl et Jeanne, par M. Membrée.
— Mlle Joséphine Martin n'a pas été moins mélodique de ses dix
doigts spirituels, en nous disant, nous exprimant , au concert qu'elle
a donné dans la même salle, ses Elans du cœur, élégie un peu vague
pour le piano ; puis, sa Danse syriaque; et puis sa Kermesse, fête fla-
mande, tumulte joyeux et franc, et naïvement harmonieux. Elle s'était
déjà montrée, avant ces morceaux de sa composition , pianiste pure,
ferme et brillante?dans l'exécution d'une très belle fantaisie de Stephen
Heller.
— Dans une des matinées de M. Gouffé, l'homme-progrès pour la
DE PARIS.
133
musique de chambre, on a dit une excellente sonate pour piano et vio-
loncelle, de M. Ferdinand Lavainnc, ot un fort joli trio pour piano,
violon et violoncelle, dit, joué, chanté délicieusement par Mlle Louise
Mattmann , la pianiste de la musique rétrospective et actuelle, et par
M. Lebouc et l'auteur, M. Adolphe Blanc.
— Honneur aussi a la conviction musicale, au jeu ferme et brillant
et coloré de Mlle Madeleine Graever, la pianiste hollandaise dont les
mains agiles glissent sur l'ivoire poli du clavier, comme les jolis pieds
de ses compatriotes sur la glace de son froid pays, comme l'hirondelle
circonvolutionne sur les prés ou la surface d'un lac. Elle a prouvé cela
dans le dernier concert qu'elle a donné, le 20 avril, chez Herz, où elle
a dit, d'un style d'exécution chaleureuse et variée, un suave adagio de
Hummel, suivi du final de la sonate œuvre 31° de Beethoven, dont le
rédacteur du programme n'a pas cru devoir citer le nom , nous ne sa-
vons pourquoi. La bénéficiaire a dit splendidement la Prière de Mw.se,
par Thalberg, et de belles études par M. Forgues ; elle nous a même fait
entendre une ballade de sa composition.
Au cercle musical et littéraire où fonctionne un bon orchestre bien
dirigé par M. Malibran dans la salle Sainte-Cécile, Mlle Graever a dit
aussi, aux applaudissements d'un public assez nombreux, le beau con-
certo en la mineur de Hummel, fort bien accompagné par l'orchestre,
qui a rendu avec énergie et beaucoup d'ensemble l'ouverture de X liu-
ricnle, de Weber, ainsi que le Notturno, sérénade de Spohr, pour cla-
rinettes , hautbois, flûtes, bassons, cors, trompette, ophlcléide et
trombone, suite de morceaux d'un effet original et charmant.
— En vertu de cet axiome : Ce que femme veut , Dieu le veut,
Mme Manera, qui a employé tout ce qu'elle a de volonté musicale et
religieuse, et ce n'est pas peu dire, à faire connaître et apprécier les
différents mérites de son Album des Femmes, est parvenue à la réali-
sation de cette pensée artistique. L'auleur a fait jouer, dire, chanter,
interpréter, comme on voudra, ses poésies, ses élégies, ses romances, sa
musique religieuse au Jardin-d'Hiver ; et tout cela a été applaudi, fêté,
grâce au sentiment musical et conjugal qui a inspiré ce charmant re-
cueil, et grâce encore à ses interprètes , parmi lesquels figuraient
Mme Sabatier, Mlles Nau, Dillon, Jouvante, Mattmann; MM. Gouffé,
Lebouc, Max-Meyer, Vincent, etc., etc.
— Mlle Eugénie de Rosa est une petite cantatrice brune, chantant
de jolies petites choses assez mélodiques , mais pas excessivement
musicales. Mlle Rossignon, autre cantatrice au teint de lis, celle-là, et
qui pourrait changer la lettre finale de son nom en un l, Mlle Rossi-
gnon, qui figurait sur le programme de ce concert et qui n'y a pas
chanté, a été suppléée par la Malibran noire, Mme Martinez, cantairice
de couleur bon teint. Ce n'est pas le cas de dire qu'une blanche vaut
deux noires, car Mme Martinez semble s'être donné l'obligeante mis-
sion de se mettre en quatre pour venir au secours, ainsi que cela est
arrivé dernièrement dans la soirée musicale du chanteur Visconti, chez
Pleyel, des virtuoses dans l'embarras par suite d'inexactitude ou d'in-
disposition de leurs co-concertants.
— Mlle Gras est une jolie pianiste, dans toutes les acceptions qu'on
voudra donner à cet adjectif. Dans la petite exhibition de musique
agréable qu'elle a faite à ses auditeurs, la bénéficiaire n'a eu qu'à se
louer de leur galanterie, et même, on pourrait dire, de leurs justes ap-
plaudissements.
— Pour Mme Gaveaux-Sabalier, ce n'est pas seulement de la galan-
terie et de justes applaudissements, c'est de la sympathie entre la bé-
néficiaire et son public, car elle peut dire mon public dans tous les
concerts où elle se fait entendre, comme chaque auditoire a l'air de
dire ma chanteuse. La salle de Herz, où elle a donné son concert,
jeudi 22 avril, regorgeait de monde, et cependant ce concert n'offrait
rien de bien nouveau. C'était : Pourquoi? chansonnette qu'elle dit d'une
manière délicieuse ; la Pavana, autre chansonnette qu'elle brode d'une
façon remarquable ; le grand air du Caïd, qu'elle chante et vocalise en
héritière de Mme Ugalde, à l'Opéra-Comique. Tout cela, avec la petite
comédie : Dos à dos, de Mme Roger de Beauvoir, jouée par les acteurs
du Théâtre-Français, et de nouvelles scènes comiques de Levassor,
ont fait de la réapparition de Mme Sabatier, comme artiste, une char-
mante séance musicale et dramatique qui a plu généralement.
— Au nombre des virtuoses masculins qui se sont manifestés en
public, dans la semaine qui vient de s'écouler, il faut citer M. Lama-
zou, le ténor méridional à la voix douce et flatteuse, qui a donné son
concert chez Pleyel ; M. Lefort, le baryton à la voix vibrante et sym-
pathique, et bon professeur de chant, ayant des relations nombreuses
et distinguées dans la bonne société, qui a donné le sien chez Herz ;
enfin, M. Fumagalli, lu pianiste milanais, qui a dit d'une manière bril-
lante une grande fantaisie sur les motifs du Prophète, des V <ria>ions-
caprics sur l' lïlisiï d'amore; une belle étude, pour la main gauche,
sur i.ns/a diva, de la Norma; et puis, une grande fantaisie militaire,
pour quatre pianos, dans laquelle il ne peint rien moins qu'</»e r«nde
devv.it, vn-'mrtau camp, le signal d'alarme et combat, une marche
fuiw.br-, un hymne, triomphal (extrait du Siégede, i. orinthe, deRossini)
et. un" orgie. Les interprètes de tout cela étaient MM. Anatole Petit,
YVilheim Kruger, Richard Mudler et Adolfo Fumagalli, l'auteur. Ces
messieurs ont fait du bruit comme quatre , et le public les a applaudis
idem.
— En digne représentant des pianistes légers de l'Allemagne, avec le
nom orné de la particule nobiliaire et de plusieurs ordres des souve-
rains de l'Europe, M. Léopold de Meyer a donné son concert d'adieu à
la population musicale de Paris, si la population de Paris est réelle-
ment musicale. Son Grand impromptu sur des mélodies du Prophète a
fait le plus grand plaisir ainsi que ses variations sur le llrindi i de la
Lucrcziu Borgia, et ses S'nuenirs d'Italie, et sa Marche d'Isly, bril-
lante d'entrain guerrier et tout empreinte d'une couleur orientale qui
provoque les applaudissements, comme les a excités dans le temps sa
Marche marocaine, d'un rhythme si impérieux et si caractéristique.
Si la partie instrumentale a été dignement soutenue dans ce concert
par le bénéficiaire et M. Alexandre Batta, le chant a été fort bien re-
présenté aussi par Mme hveins-d'Hennin, qui a dit comme toujours en
bonne cantatrice-professeur des romances dramatiques et la cavatine du
Prophète; par M. Hermann-Léon, le chanteur expressif, et M. Cornélis,
professeur de chant au Conservatoire de Bruxelles, dont la voix de
ténor, flatteuse et bien posée, a plu généralement.
— - DunoblepianisteLéopolddeMeyeràla noble comtesse de Kalergis,
née Nesselrode, il n'y a qu'un pas. Cette virtuose de distinction et
d'aussi bonne qualité par le talent que par la naissance, s'est présentée
dans la salle Herz sur l'estrade de la publicité au concert donné par
Delsarte, l'excellent professeur de chant; et, vêtue en simple robe
noire, coiffée non moins simplement de son opulente chevelure blonde,
daignant à peine s'embellir d'un sourire qui lui va cependant si bien, —
pardon, madame la comtesse, de ces observations qui sont dans le droit
du critique appelé à juger des faits et gestes et de toutes les facultés
physiques et intellectuelles de l'artiste qui paraît devant un public
payant ; — ne s'astreignant point au salut traditionnel du virtuose so-
liste en se présentant devant son auditoire ou en le quittant, Mme de
Kalargis nous a dit d'un style sage et pur une sonate de Mozart accom-
pagnée par M. Sauzai, une suave rêverie intitulée la Berceuse, de Reber,
dont la partie de violon n'est pas le moindre ornement, et enfin un con-
certo de piano avec accompagnement d'orchestre, par Haendel, ayanj
pour rondo une délicieuse fugue dite par la récitante d'un style net,
limpide, et qui plaît, ne fût-ce que par sa charmante rétrospectivité.
Mous ajouterons que, dans ce concert, Delsarte s'est montré le di-
gne interprète de Gluck, c'est-à-dire poète, tragédien, orateur. Dans
la Descente d'Atceste aux enfers, il a rappelé le mot de Mozart à son
père, lorsque celui-ci dit à l'auteur d'Orphée, après la presque chute
d' Alcesté : Eh bien! mon pauvre chevalier, voilà donc ton .ilceste
tombée? — Tombée du ciel, mon père ! s'écrie aussitôt le virtuose en-
fant, qui plus tard devait écrire Don Juan.
Mlle Rachel, qui avait promis de dire des scènes de Virginie et du
Misanthrope, a fait défaut ; elle a été dignement remplacée par Del-
\M
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
sarte qui, dans la grande scène finale A'Armide, a autant ému son au-
ditoire qu'aurait pu le faire notre admirable tragédienne, eût-elle fait
entendre les accents désespérés de Roxane ou de Phèdre. Avec un
organe brisé, voilé, l'habile chanteur, par l'œil, le geste, l'accent et
toute la physionomie, et la déclamation la plus vraie, et la plus vive,
et la plus touchante, a rendu la perfide enchanteresse aussi intéres-
sante que l'Ariane et la Bidon abandonnées. Delsarte a galvanisé dans
leurs tombeaux Virgile, Corneille et Gluck.
— M. Lardner, savant anglais, doetor ès-sciences exactes, a désiré
entendre résonner chez lui les beaux instruments de la fabrication fran-
çaise qu'il avait analysés à l'Exposition de Londres ; et dans une bril-
lante soirée qu'il a donnée chez lui, rue de Lille, MM. Thalberg et
Godefroid ont fait parler le langage qu'on sait au piano et à la harpe
de M. Erard.
M. h. Rosellen a donné chez lui une seconde matinée musicale
consacrée à l'audition de ses élèves, et, fidèle à son système d'ensei-
gnement, il a fait exécuter des morceaux de Herz, Weber, Prudent,
Dohler, Thalberg et des siens. Cette séance n'a pas été moins brillante
que la précédente ; elle prouve une fois de plus l'excellence de la mé-
thode et des soins de cet habile professeur.
C'est avec le plus grand plaisir que l'auditoire a revu Mlle Marie
Brousse, qui a chanté un air de Guillaume Tell et un duo avec M. Jules
Lefort ; c'est aussi au milieu des plus chaleureux applaudissements que
M. Rosellen, parfaitement secondé par MM. Léopold et Arnaud Dancla,
a exécuté son trio pour piano, violon et violoncelle , œuvre remarqua-
ble que nous avons dans le temps signalée à nos lecteurs.
Henri BLANCHARD.
CORRESPONDANCE.
Berlin, 14 avril 1S52.
Je vous ai annoncé dans le temps la fin de notre campagne musicale
d'hiver, en vous donnant le détail des prouesses qui l'ont signalée. De-
puis , la campagne du printemps a commencé sous les plus heureux
auspices.
On sait qu'en automne et au printemps reparaissent les oiseaux de pas-
sade : avec les hirondelles sont arrivés les virtuoses. Deux harpistes
éminents, M. Thomas, de Londres, et M. Kruger, de Stuttgard, ont fait
assaut de talent. Le violoniste Singer, de Vienne, s'est fait entendre plu-
sieurs fois en public avec le plus grand succès. Nous avons eu également
une violoniste, Mlle Bierlich , de Saxe, qui n'en est pas a. son premier
voyage. Pour acquérir un talent hors ligne, Mlle Bierlich n'aurait besoin
que de prendre pour maître un virtuose de premier ordre. Enfin,
un vent du sud-est nous a ramené un pianiste viennois, M. Ehrlich, et
une brise de l'ouest , M. Dupont , pianiste de Bruxelles. A coup sûr, on
peut dire de tous les deux que ce n'est pas en vain qu'ils ont ont reçu de
Dieu leurs dix doigts. Je parie ma main droite, qu'il n'y a pas de main
gauche, plus habile sur le clavier que celle du premier; et quant à M. Du-
pont, je gagerais ma main gauche qu'il n'y a pas de droite plus élégante
que la sienne, surtout dans le stacca'o. Ce serait un grand malheur pour
moi de perdre mes deux mains à ce pari , sans doute, mais je serais sans
inquiétude. Ce qu'il y a de plus étonnant, c'est que ces deux virtuoses ne
soient pas des enfants ; ils touchent presque à l'âge mûr. Et si l'on tient
compte de la précocité du développement des facultés musicales, de nos
jours, on peut fixer à trente ans le commencement de la vieillesse pour
les virtuoses : or, ils ne sont pas loin de la trentaine. Voila pour les oiseaux
de passage isolés. Hier, il nous en est venu une troupe tout entière : elle
s'est abattue sur :; de l'Opéra et en a pris possession, comme
une volée de moineaux s'abat sur un cerisier ; avec cette différence
toutefois que les gourmands pierrots mangent les meilleurs fruits, tan-
dis que cette espèce d'oiseaux nous en apporte. Buffon ne la connaît
pas : c'est une impardonnable ignorance! Le monde la connaît d'autant
mieux. Le rossi gnol-Persiani , le Tamburini... Ma foi, ici, la comparaison
cloche, comme, d'ordinaire. Quittons la métaphore, et disons simplement
que les chanteurs italiens, venant de Pétersbourg pour retourner au pays,
ont commencé leurs représentations par le Barbier de Séville. Tamburini,
j'en conviens, a peut-être un peu vieilli depuis que je l'ai entendu dans
Don Pasqaale, à côté de Lablache; mais, avec ce qui lui reste, Tamburini
est encore plus riche que bien d'autres ne le seront jamais avec tout ce
qu'ils pourront acquérir. Il a chanté le rôle de Figaro avec beaucoup
d'entrain, et s'il n'avait pas eu trop souvent recours au fausset, nous
n'aurions que des éloges à lui adresser.
Je pose en fait quelaPersiani, du temps qu'elle s'appelait encore signora
Tacehinardi, ne chantait pas mieux qu'aujourd'hui. Mme Persiani ne cède
le pas qu'à Mme Sontag, dont elle approche du reste de très-près ; tout
ce qu'elle nous a donné est un modèle de goût, de grâce et d'élégante
exécution. Le ténor Pozzolini possède un bel organe, d'un timbre mé-
tallique, avec une grande netteté et beaucoup de précision dans les trilles ;
quant â son jeu et à sa manière, on peut lui reprocher un peu de raideur.
Rossi (Bartholo) est un bon comédien doué d'une bonne voix, sans être un
talent de premier ordre. La représentation a offert un ensemble par-
fait. La petite troupe était toute joyeuse et pétillante de verve ; si bien que
le public lui-même ne put y tenir, et se laissant emporter par cette
gaîté franche et de bon aloi, témoignait sa satisfaction plutôt par de
joyeuses acclamations que par des applaudissements. Somme toute, nos
artistes nomades nous ont créé, comme par enchantement, un printemps
tout italien, tandis que le nôtre continue â nous faire greloter.
Tels sont les faits et gestes de la saison ; printannière nous avons à y
ajouter quelques mots sur des objets plus sérieux. Pâques nous a amené,
comme tous les ans, ses solennités musicales. La grande Pa.iion, de Sé-
bastien Bach, a été dignement exécutée par l'Académie de chant. Quant à
la Mort de Jésus, de Graun, de composition bien inférieure et pourtant
bien plus populaire, nous l'avons entendue deux fois : d'abord à l'église,
par la réunion de chant Schneider, et, le vendredi-saint, à l'Académie de
chant, où cette production a été troublé par quelques accidents. Quelques
artistes étaient tombés malades, d'autres étaient retenus ailleurs par des
empêchements imprévus ; l'Académie dut avoir recours à ses propres
ressources : elle mit en évidence quatre sopranistes, qui, avec des études
complètes et en passant par l'école de la publicité, deviendraient des
cantatrices excellentes ; telles qu'elles sont, comme dilettantes, elles ont
droit à tous nos éloges.
Ainsi nous avons été, avec chants et musique, au-devant du printemps,
mais il n'a pas encore voulu venir : l'un des deux, de mon almanach ou
de mon thermomètre, ne dit pas la vérité.
* * Demain lundi , à l'Opéra, seconde représentation du Juif errant.
*J* Le Prophète va être repris au grand théâtre de Marseille. Le rôle
principal sera chanté par Octave, qui l'a déjà créé à Bruxelles avec un
immense succès.
*** Levasseur est à Bordeaux, tout à fait remis de son accident, dont
il paraît d'ailleurs que la gravité avait été un peu exagérée. C'est ce que
nous apprenons par des nouvelles particulières.
*** Le théâtre de l'Opéra-Comique a repris, vendredi , la Perruche, ou-
vrage en un acte, dont la musique est de Clapisson. C'est Couderc qui
remplit le rôle créé par Chollet.
** Bazzini, le célèbre et charmant violoniste, est en possession de ra-
vir les habitués du Gymnase-Dramatique, où il a déjà comparu dans treize
représentations. Il jouera vendredi dans le dernier concert donné par
l'Association des artistes musiciens.
*„* La recette des divers spectacles, concerts et curiosités, pendant le
mois de mars, a produit , savoir : théâtres nationaux subventionnés ,
313,127 fr. 17 c. ; théâtres secondaires, vaudevilles et drames , petits
spectacles , Luxembourg , Délassements, Funambules, 5Zi/i,083 fr. 52 c. ;
concerts, spectacles concerts, cafés-concerts et bals, 127,955 fr. 33 c. ;
curiosités diverses, 2Zi,062 fr. 52 c. - Total, 1,009,228 fr. 5i c.
* * L'assemblée générale de l'Association des artistes dramatiques
s'est tenue dimanche dernier dans la salle Bonne-Nouvelle. M. Samson a
fait le rapport avec son talent et son succès de chaque année ; ensuite,
on a procédé au renouvellement du comité. Les cinq membres sortants,
Mil. Samson, Fontenay, Volnys, Provost et Dupuis, ont été réélus. MM. l.e-
clere, Pierron et Chilly ont été nommés en remplacement de MM. Bouffé,
Albert et Chéry, démissionnaires.
V L'assemblée générale des l'Association de artistes peintres, sculp-
teurs, architectes, graveurs et dessinateurs, aura lieu lieu demain lundi,
26 avril, à midi, dans la salle Bonne-Nouvelle.
** Teresa Milanollo vient de donner des concerts extrêmement bril-
lants à Chambéry.
%* Lundi dernier, le célèbre pianiste Haberbier a été frappé d'un
coup de sang en sortant de la maison Pleyel. Deux médecins sont arri-
vés à temps, et il a pu être transporté sans danger rue Richelieu. Le con-
cert qu'il devait donner le soir même a donc été forcément remis.
* ,* C'est ce soir dimanche, à 8 heures du soir, qu'a lieu le concert d'Of-
fenbach. Rien n'est changé au magnifique programme, si ce n'est que
Provost, Delaunay et Mlle Fix, du Théâtre-Français, joueront le Bon-
homme Jadis, charmante comédie d'Henri Murger, qui vient d'obtenir un
si éclatant succès, et dans laquelle Provost déploie â un si haut degré les
merveilles de son rare talent.
DE PARIS.
135
V Décidément, c'est au théâtre de Sa Majesté, dirigé par M. Luinley,
que chantera Mlle Johanna Wagner. L'autorité est intervenue dans eegrave
débat et a tranché la question en faveur du directeur qui avait su le pre-
mier conquérir et s'assurer la célèbre cantatrice.
*„,* L'Association dos artistes musiciens donnera, lo vendredi 30 avril,
a huit heures du soir, dans la salle Bonne-Nouvelle, un quatrième et der-
nier concert, dont voici le programme : 1° Ouverture des Nozze di Figaro,
de Mozart ; 2° Duo concertant pour deux flûtes, de M. Léon Magnier, exé-
cuté par M. Jules Simon et l'auteur ; 3° Trio des Artistes par occasion, de
Catol , chanté par MM. Jubelin , Boulanger et Sautot, de la classe de
M. Panseron, professeur au Conservatoire; li° Souvenir de Naples, fantai-
sie pour le violon sur des thèmes populaires, de Bazzini , exécutée par
l'auteur; 5° Fragments de la Symphonie en mi (andante et scherzo), de
M. I.avainne; G" Fantaisie pour l'orgue à percussion, sur des motifs du
Freischiïlz, de Lefébure-Wély, exécutée par l'auteur sur un instrument
de MAI. Alexandre ; 7° Trio de l'Hôtellerie portugaise, de Cherubïni, chanté
par MM. Jubelin , Boulanger et de Beaupré; 8° Concerto de violon , de
M. Bazzini , exécuté par l'auteur ; 9° Ouverture de Démophon , de Vogel.
— L'orchestre sera dirigé prr M. Georges Bousquet.
*„,* La seconde matinée musicale donnée par la môme Association
dans sa salle de concerts, boulevart Bonne-Nouvelle, aura lieu diman-
che prochain, 2 mai, à deux heures. On y entendra Mlle Louise Matt-
mann, MM. Rignault, Guerreau, Casimir Ney, Lebouc et Gouffé, pour
les instruments à cordes; et MM. Triébert, Garimond, Klosé, Parés, Ur-
bain, Bomiefoy, Jancourt et Espaignet, pour les instruments a vent. En
voici le programme: 1. Quintette d'Onslow (n° 8), pour instruments à
cordes. 2. Sonate de Corelli, pour violon et basse, exécutée sur le violon-
celle et la contrc-"basse. 3. Trio de Beethoven, en si bémol (dédié à l'ar-
chiduc Rodophe), pour piano, violon et violoncelle, h- Fragments de la
sérénade de Mozart pour deux hautbois, deux clarinettes, deux cors,
deux bassons et contre-basse. 5. AndanU varié par II. Blanchard, extrait
d'un quatuor pour alto, deux violons et violoncelle. 6. Bagatelle en mi
bémol, de Beethoven, et air varié de Haendel pour piano.
*„,* La deuxième des séances annoncées par M. Stamaty, dans le but de
faire exécuter, sous sa direction, par des professeurs et élèves, une
série de chefs-d'œuvre pour piano et orchestre, ayant été remise de mer-
credi dernier à hier soir, samedi, nous ne pourrons rendre compte que
dimanche prochain du magnifique programme que promettait cette sé-
ance. Nous parlerons en même temps de la troisième, qui reste fixée à
mercredi prochain, 28, à huit heures du soir, salle de l'association des
artistes musiciens. On y entendra le concerto en ut majeur (16e), par
M. Laflite; ceux de Beethoven (op. 58 et 37) par Mlles Picard et Magnier;
celui de Weber, par Mlle Vautier. M. Alard exécutera la romance en soi,
de Beethoven, pour violon. L'orchestre se composera, comme dans les
autres séances, d'artistes du Théâtre-Italien.
*„,* Voici le programme du concert que donnera mardi prochain, dans
la salle Herz, à 8 heures du soir, le jeune violoniste 1. Lotto, élève de
M. L. Massart: — 1. Les Gardes-nuit, d'Auber, chœur exécuté par la So-
ciété chorale du Conservatoire (sous la direction de M. Ed. Batiste). —
2. Sixième air varié pour le violon, de Bériot, excuté par I. Lotto. —
3. Air des Mousquetaires, d'Halévy, chanté par Mme Ch. Ponchard. —
h. Concerto de piano, de S. Bach (1720), exécuté par Mme L. Massart. —
5. Air de GiLby la Cornemuse, de Clapisson, chanté par M. Bonnehée. —
6. Concerto de violon, de lï. Kreutzer, exécuté pari. Lotto.— 7. chansonnettes
chantées par M. Malézieux. — 8. Chœur des gardes-chasse du Songe d'unenuil
d'été, d'A. Thomas. — 9. Etude sur les touches noires, de Chopin, chanson
bachique, de Ed. Wolff, exécutées par Mme L. Massart. — 10. liien, l'Hi-
ver vimt toujours trop tôt, de C. Hocmelle, romances chantées par
Mme Ch. Ponchard. — 11. Fantaisie, de Léonard, exécutée par I. Lotto.
%,* La jeune et savante organiste de la cathédrale de M eaux, l'excel-
lente musicienne qui a obtenu un si beau succès cet hiver dans ses
concerts d'improvisation musicale, Mlle Juliette Dillon vient de publier
une œuvre qui ne peut manquer d'avoir un grand succès à cause de son
actualité et du double talent de ses auteurs. On se souvient de l'infortuné
poète, Hégésippe Moreau, qui mourut à l'hôpital. Moreau a laissé au sé-
minaire de Meaux des poésies religieuses inédites. Ce poète de l'école de
Diogène a su trouver des vers ravissants pour en composer un Cantique a
ta sainte Vierge. Mlle Juliette Dillon a écrit sur ce Cantique une mélodie
à deux parties, qui sera chantée dans toutes les églises ; car selon ce que
dit Hégésippe Moreau:
Bientôt le mois de mai, pour la reine des Vierges,
Fera neiger les lis et rayonner les cierges.
Nous prédisons à l'œuvre du séminariste et de l'organiste une popularité
certaine.
V II y aura jeudi, 29 avril, à 8 heures du soir, dans la salle Herz, au-
dition des compositions musicales de M. Edouard de Hartog. Voici le
titre des divers morceaux de sa composition qui seront exécutés. —
1. Chant du soir, Hymne à la gloire, chœurs pour voix d'hommes sans
accompagnement. — 2. Elle est morte, Désir, mélodies chantées par
M. Ponchard. — 3. Le Sylphe, mélodie chantée par Mme Ch. Ponchard.
— U. Adagio et scherzo de la sonate, op. 21, barcarolle, pour piano,
exécutées par Mme A. Muel (de Courtemblay). — 5. Souhaits d'amour,
mélodie, Dans ma maison, chanson rustique, chantées par M. Alfred
Mutel. — 6. Fleur des champs, scène dramatique chantée par Mme Ga-
veaux - Sabatier. — 7. Loin du pays, chanson à boire, chœurs pour
voix d'hommes et pour voix mixtes sans accompagnement. — 8. Le Roi
solitaire, scène dramatique, Ne me regarde ptus, mélodie, chantées par
M. Jules Lefort. — 9. Fantaisie pour le violoncelle, de M. A. Batta, exé-
cutée par lui-môme. — 10. Sérénad; Johanna, mélodies chantées par
M. Cornélis, professeur au Conservatoire de Bruxelles. — 11. Aurore et
Nuit, fantaisie nocturne à deux voix, chantée par M. Ponchard et
Mme Ch. Ponchard. — 12. Confidences, rêverie, tarentelle fantastique,
pour piano, exécutées par Mme A. Mutel. — 13. Le Dimanche au village,
pastorale, chantée par Mme Gaveaux-Sabatier. — là. Sérénade, Où vas-
tu, petit oiseau, chœurs pour voix d'hommes et pour voix mixtes sans ac-
compagnement. — Les chœurs seront exécutés par cinquante chanteurs
sous la direction de M. Wekerlin ; les paroles sont traduites de l'allemand
par M. Marc Constantin.
*„* La ville de Paris, qui a entrepris sur une vaste échelle la décoration
intérieure de l'église Saint-Eustache, lui accorde aussi une subvention
de 36,000 fr. pour la reconstruction de l'orgue, dont la dépense totale
s'élèvera à 137,133 fr. Le magnifique buffet qui le renfermera sera en
rapport avec la richesse architecturale de l'église. D'après l'état actuel
des travaux, l'instrument, dont l'exécution est confiée à la maison Ducro-
quet, pourra être inauguré vers le mois d'août prochain.
*** M. E. Scudo vient de faire paraître, chez l'éditeur Lecou, un livre
du plus haut intérêt pour tous ceux qui s'occupent de musique, sous le
titre de Critique et littérature musical/: L'auteur, Vénitien de naissance,
élevé en Allemagne, a fait ses dernières études à Paris, sous la direction
de Choron. Son ouvrage contient une série d'articles dont les premiers
sont consacrés à Liszt, à Berlioz, et à l'influence du mouvement romanti-
que sur l'art musical ; puis viennent Donizetti et l'école italienne depuis
Rossini ; Cimarosa et le Mariage setret ; l'art du chant en Italie et Mlle Ai-
boni ; Angelica Catalani ; Mozart et son Don Juan ; le Prophète, de Meyer-
beer; la symphonie et la musique imitative en France (M. F. David) ;
Beethoven ; l'opéra en France; l'opéra comique ; Ilérold; esquisse d'une
histoire de la romance depuis son origine jusqu'à nos jours; de la musique
religieuse ; IL Sontag et histoire d'une cantatrice de l'Opéra. Le charme
et la variété du livre sont encore rehaussés par un style élégant et spiri-
tuel ; l'auteur y fait preuve des études musicales les plus étendues. Kous
signalons donc à l'attention de nos lecteurs l'ouvrage de M. Scudo.
%* Un poëte italien, Giacomo Ferretti, qui avait été le collaborateur de
Rossini , de Donizetti et de plusieurs autres compositeurs , est mort à
Rome le 8 mars dernier. C'est à lui que l'on doit les libretti de Cemren-
iola, de Matilda di Shabran, de Tortaqualo Tasso, etc.
CHROMIOUE ÉTRANGÈRE.
%.* Liège. — Le Val d'Andorre, d'Halévy, a été représenté pour la pre-
mière fois avec le plus brillant succès.
%* Dresde. — La reprise du Prophète a retrouvé toutes les sympathies
qui avaient accueilli le magnifique ouvrage à sa première représentation.
La saison des concerts n'a pas eu un grand éclat: parmi les solennités de
ce genre nous citerons la soirée donnée au profit du monument de Ch.
Marie de Weber.
*** Cologne. — Le petit et intéressant violoniste Fritz Gernsheim a
donné, le 15, un concert dans lequel une nombreuse assemblée lui a
donné des marques nombreu.'es de satisfaction.
*„* Saint-Pétersbourg, 15 mars. — L'opéra russe s'est efforcé de sup-
pléer au peu de mérite de ses chanteurs par une grande activité. Tandis
que pendant toute la saison les Italiens n'ont monté que deux ouvra-
ges nouveaux, Nino (Nabwodonosor), et le Sardanapale , les Russes ont
monté d'abord YEsmeralda, du compositeur russe Dargomirski ; en-
suite Stra-tella, opéra allemand de Flotovv, le Freischiïlz, de Weber, et le
Val d'Anlorre, d'Halévy; et maintenant ils sont à l'étude de Dmitri du
Don, de Rubinstein, dont la première représentation est promise pour la
réouverture du théâtre après Pâques. Malgré une faible exécution, le
Val d'Andorre a obtenu un succès brillant. La charmante musique d'Ha-
lévy avait attiré au théâtre russe la société élégante, qu'on n'y voit pres-
que jamais.
V Madrid. — La reine Isabelle a fait jouer deux opéras à son théâtre
particulier d'Aranjuez. Les deux représentations ont coûté 14 millions de
réaux. Les costumes , qu'on avait fait faire à Paris, ont été payés
180,000 fr.
*£* Neto-York. — Il existe ici une Société philharmonique allemande
qui se réunit deux fois par semaine. Au mois de janvier dernier cette So-
ciété a exécuté Czar et Charpentier, opéra de Lortzing. — Ole Bull vient
d'arriver.
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136
REVUE ET GAZETTE MUSICALE DE PARIS.
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dant un siècle et demi, c'est-à-dire depuis son origine jusqu'en 1827 !
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pendant une longue suite d'années, il dépérit entre les mains de ses suc-
cesseurs, tous Français de naissance. Colasse, Destouches, Boismortier,
Colin de Boismont et Mouret, cultivaient avec amour le genre malheu-
reux que le bon sens de Voltaire a flétri parce vers :
Tous les genres sont bons, hors le genre ennuyeux.
Non-seulement il ne reste rien de leurs ouvrages, mais la mention
que je fais de leurs noms est probablement la seule qui soit parvenue
jusqu'à mes lecteurs.
La France ne pouvait-elle donc donner le jour à quelque compositeur
doué de mélodie et de sentiment dramatique ? Si fait : elle produisit
Bameau, qui, vers le milieu du xviir siècle, ranima le grand opéra
français par ses vigoureuses conceptions, balança la gloire de Lulli, et
triompha même dans la lutte qu'il eut à soutenir contre les nouveautés
de la musique italienne. Mais Rameau ne fut qu'une exception. Déjà
vieux lorsqu'il aborda la scène, il ne jouit pas longtemps de ses
triomphes, et le temps approchait où ce qu'il avait fait pour l'honneur
du nom français en musique devait être oublié.
Il y avait pua de temps que Rameau était descendu dans la tombe,
lorsqu'une réforme complète du grand opéra français fut faite par des
compositeurs étrangers. Ni Rebel, ni Francœur, ni le vieux Berton,
père de l'auteur de Montano cl Stéphanie, n'avaient pu continuer
l'œuvre de Rameau : leurs soporifiques partitions n'avaient eu qu'une
existence éphémère. Enfin, Gluck arriva à Paris, dans l'espoir d'y
trouver des dispositions favorables à la nouvelle direction que venait
de prendre son génie. Il ne s'était pas trompé : Ylphigénie en Aulide,
YAlceste, Y Orphée, Y Iphigénie en Tauridr, et YArmide, mirent en
émoi toute la nation, à cette époque de paix et de calme où la publi-
cation des œuvres d'art et de littérature préoccupait tous les esprits.
On sait les agitations que ces beaux ouvrages firent naître dans toutes
les classes de la société, et comment la France se partagea en deux
camps pour l'illustre musicien allemand et pour son rival Piccinni, que
ses antagonistes avaient fait venir d'Italie ; car le succès ne se compose
pas seulement d'ovations : il y faut aussi l'opposition pour qu'il ait
de la durée. Piccinni, génie mélodique de premier ordre, était digne
du rôle qu'on lui avait destiné : ses opéras de Roland, Bidon, Atys,
et même son Iphigénie en Tauride, où se trouvent des airs admirables,
soutinrent dignement la lutte et restèrent, avec ceux de Gluck, en
possession du théâtre pendant quarante ans environ. Presque dans
le même temps, un autre maître vint d'Italie partager avec ces deux
grands artistes la gloire de la régénération de l'opéra français : on
comprend que je veux parler de Sacchini, dont YOEdipe à Colone,
chef-d'œuvre de sentiment, de grâce et de force dramatique, n'a pu
lasser l'admiration du public et des artistes pendant un demi-siècle.
Une sorte de fatalité semblait avoir frappé le talent des compositeurs
français lorsqu'ils abordaient la scène de l'Opéra ; car Monsigny et
Philidor, artistes doués du plus heureux instinct, et dont les opéras
comiques ont fait longtemps les délices de la nation, avaient échoué
sur un plus vaste théâtre, le premier dans une Aline, reine de Gol-
conde, l'autre, dans Ernelinde. Lemoyne n'avait obtenu que quelques
représentations pour son Electre et pour sa Phèdre, tandis que les
Danaïdes, de Salieri, attiraient la foule à l'Opéra, et que le Démophon,
ainsi que la Toison d'or, de l'Allemand Vogel, agitaient le public de
vives émotions, nonobstant les défauts des poèmes. Grétry réussissait
dans la Caravane du Caire et dans Panurge, ouvrages de demi-ca-
ractère ; mais Grétry était Belge. Un peu plus tard, l'immense talent
de Méhul, que son caractère sérieux semblait destiner spécialement au
Grand Opéra, ne fut heureux ni dans Adrien, ni dans Horatius Coclès,
ni dans les Amazones; et l'influence du Conservatoire, alors très-
puissante, ne put donner à la Sémiramis de Catel qu'un petit
nombre de représentations. L'Aslianax de Kreutzer eut un sort à
peu près semblable, et le succès des Bardes, de Lesueur, fut une
affaire de parti qui n'eut pas de durée, et fut suivie d'un profond
oubli.
Nous ne sommes pas au bout de la domination des artistes étrangers
sur la scène de l'Opéra. Après les chutes ou les succès contestés des ou-
vrages dont j'ai parlé, les ressources de ce théâtre consistaient toujours
dans la reprise des opéras de Gluck, de Piccinni et de Sacchiui. Enfin,
après trente ans, de nouveaux succès non moins brillants vinrent sus-
pendre le cours de leurs représentations ; mais ce fut un compositeur
italien qui les obtint. La Vestale et Fernand Cortez, de Spontini , fu-
rent les heureuses conceptions qui ouvrirent à l'Opéra une ère nouvelle
de prospérité. On sait quel fut l'enthousiame dont furent salués ces
beaux ouvrages, non-seulement en France, mais dans toute l'Europe.
Ils occupèrent presque seuls la scène de l'Opéra depuis 1807 jusqu'en
138
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
! I
1815. L'Aristippi, de Kreutzer; la Mort d'Adam, de Lesueur ; le Triom-
phe de Trajan et la Jérusalem délivrée, de Persuis; les Bayadères, de
Catel , même, malgré les beautés qui s'y faisaient remarquer, ne furent
que des temps d'arrêt dans les représentations toujours suivies des
deux partitions de Spontini.
Loin de moi l'indifférence qui me ferait méconnaître la valeur des
belles choses répandues dans les opéras qui furent joués depuis cette
époque jusqu'en 1826 ; mais je recherche seulement ce qui est resté à
la scène et ce qui, sortant du répertoire d'un seul théâtre, s'est répandu
dans le monde musical et y a été accueilli par une sympathie univer-
selle ; or, je ne trouve rien avant le Siège de Corinthe, bien que cette
partition ne soit que le remaniement du Maometlo. Ce remaniement
était digne du maître qui brillait alors sans rival sur toutes les scènes.
Le Moue, autre partition du même genre, et plus grande encore, vint
ensuite marquer sa place dans la liste de ces ouvrages qui ne périssent
pas et dont l'avenir est incessamment lié au passé. Puis vinrent les
grâces du Comte Ory; puis les beautés colossales de Guillaume Tell.
œuvre séculaire qui a marqué la fin de la carrière d'un grand homme.
Il faut bien avouer qu'entre Rossini et Spontini , rien de semblable
n'avait été produit. C'était donc toujours le génie étranger qui domi-
nait à l'Opéra et qui lui fournissait ses ressources les plus productives.
Nous allons le voir encore y apporter d'immenses trésors par les
grandes conceptions de Meyerbeer. Mais, à cette époque, la fatalité
cesse pour l'école française : Auber, Halévy, la vengent des défaites du
passé, et leurs œuvres, que vingt années de succès nationaux n'ont pu
vieillir, se relèvent encore par des succès universels.
Ce fut un beau jour pour l'art français, que celui qui mit en évidence
les beautés répandues à profusion dans la partition de la Muette de
Portici. On n'en comprit par d'abord toute la valeur ; mais insensible-
ment leur renommée grandit, et le temps, toujours profitable aux belles
œuvres d'art, finit pas classer celle-ci parmi les plus considérables. A
cette belle production, Auber' ajouta, quelques années après, la partition
du Philtre, délicieux ouvrage qui laisse bien loin derrière lui l'opéra
italien composé sur le même sujet. Puis vint le tour d'Halévy, qui ,
modeste avec excès peut-être , ignorait encore la portée de son talent
lorsqu'il écrivit la musique de la Juive. II faut l'avouer, la critique et
le public lui montrèrent d'abord si peu de bienveillance, que la timidité
d'un artiste si distingué semblait être justifiée. Je me souviens qu'après
les premières représentations de ce chef-d'œuvre, l'opinion générale
était que la Juive n'avait d'existence que par le luxe de sa mise en
scène. M. Duponchel croyait de bonne foi qu'il avait sauvé l'ouvrage
en y introduisant le piaffement des chevaux. Heureusement, il se trouva
un critique musicien qui , étranger à toute coterie, à tout esprit de
parti , à toute prévention , et ne jugeant l'art que par lui-même, osa
dire que le luxe auquel on faisait honneur du succès de l'opéra, était
précisément ce qui nuisait à la seule chose qui eût de la valeur dans la
Juive, à savoir, la musique si dédaignée, et que, lorsque toute cette
friperie serait fanée, il resterait des beautés impérissables dans l'œuvre
du compositeur. On ne vit d'abord qu'un paradoxe dans cette opinion :
cependant les jugeurs devinrent plus circonspects ; on se donna la
peine d'écouter avec plus d'attenlion , et , sans se donner ouvertement
le ridicule d'une rétractation, on finit par convenir qu'il y avait de
belles choses dans la partition. Depuis lors, la Juive a reçu la sanction
d'un véritable suffrage universel , donné par acclamation chez toutes
les populations émues.
Quand il n'y eut plus moyen de nier l'éclatant succès des beautés de
la Juive, on ne manqua pas d'opposer cet ouvrage aux autres produc-
tions de son auteur ; car il n'est que trop vrai qu'il existe un esprit
(^'opposition qui, envieux du talent, ne peut lui pardonner ses triom-
phes. Cet esprit se retrouve en tout temps : sa tactique est toujours la
même. Mais s'il reste souvent quelque chose des calomnies dont on
poursuit les individus , il ne reste rien du dénigrement qui s'attache
aux belles œuvres de l'art et de la science. N'ai-je pas vu ce dénigre-
ment aux prises avec tous les ouvrages de Meyerbeer? Ne l'ai-je pas
entendu dire, à l'apparition de Robert-le-Diable, qu'il n'y en avait
pas pour dix représentations? N'a-t-on pas imprimé dans certains
journaux que les Huguenots ne pouvaient soutenir la comparaison avec
cet ouvrage, et que l'engouement du public ne serait qu'un feu follet?
Et naguère encore n'est-ce pas avec Robert et les Huguenots qu'on a
prétendu tuer le Prophète ? A tout cela, que répondait le critique mu-
sicien dont j'ai parlé toutàl'heure? Insensés! ne voyez-vous pas que ces
œuvres ont le caractère de la force et delà grandeur? Ne voyez-vous
pas que cela part d'un sentiment intime et tout original? Que cela est
nouveau , hardi et profondément dramatique ? Et vous prétendez que
cela ne vivra pas! Moi je vous déclare que cela fera le tour du monde
au bruit d'unanimes applaudissements, et que cela tiendra un haut
rang parmi les monuments de l'histoire de l'art. — Et ce critique ne
s'est pas trompé ; et des diatribes envieuses il ne reste airun souvenir.
11 en est de même de toutes les attaques qui ont poursuivi Halévy
dans la nouveauté de ses ouvrages : elles sont oubliées, et les œuvres
vivent.
Au surplus, il y a autant d'incapacité que de mauvais vouloir dans le
jugement qu'on porte des grandes compositions après une première
audition ; on doit même avouer que les difficultés sont grandes pour
saisir la véritable signification de la musique dans l'ensemble si com-
plexe du spectacle d'un grand opéra. Le sujet qu'il faut comprendre ;
la marche de l'action dramatique qu'il faut suivre ; la mise en scène,
les danses, le jeu et le chant des acteurs , les costumes, les décora-
tions; toutes ces choses, dis-je, se partagent l'attention avec la musi-
que, et ne peuvent manquer de nuire à celle-ci , car cet art ne souffre
pas de partage. S'il ne règne souverainement sur l'âme , il s'anéantit.
On n'emporte donc de la représentation d'un grand ouvage qu'on a
entendu pour la première fois qu'un souvenir vague plus ou moins
agréable, plus ou moins pénible, sans possibilité de formuler une opi-
nion raisonnée sur chacune des parties de l'ensemble dont on a été
impressionné. Par exemple, à la sortie de la première représentation
du Juif errant, chacun des spectateurs pouvait se dire qu'il avait as-
sisté à un grand et magnifique spectacle ; il se rappelait sans doute
qu'une musique tantôt suave et gracieuse, tantôt forte et dramatique,
l'avait ému et lui avait arraché des applaudissements instinctifs; mais,
fatigué par une attention soutenue et partagée entre une multitude
d'objets pendant plus de cinq heures, il ne pouvait avoir qu'un souve-
nir confus de toutes ces choses. Ce n'est qu'après plusieurs auditions
que les mêmes personnes mettent de l'ordre dans la mémoire de leurs
impressions, et qu'élaguant tour à tour les divers accessoires dont la
musique est accompagnée, elles accorderont à celle-ci une attention
presque exclusive. Alors seulement le génie du compositeur agira puis-
samment sur leur organisation ; alors seulement elles saisiront les
beautés qui fourmillent dans la nouvelle partition de l'auteur de la
Juive. Le musicien habile emporte incontestablement d'une première
audition une connaissance beaucoup plus étendue de la valeur d'une
œuvre musicale qu'un spectateur étranger à l'art ; mais il ne peut faire
que son attention n'ait été distraite par des choses étrangères aux inspi-
rations du compositeur, et conséquemment que beaucoup de choses
importantes ne lui aient échappé. Il a donc aussi besoin d'entendre un
grand opéra plusieurs fois pour s'en former une juste opinion.
Les auteurs des paroles du Juif errant ont ménagé des situations
pleines d'intérêt pour le musicien. Non-seulement ils lui ont donné à
exprimer des sentiments qui sont le thème inépuisable d'un art tout
sentimental , mais ils lui ont ouvert les trésors d'un monde surnaturel
et fantastique où l'imagination n'a pas de limites ; enfin, ils ont opposé
les mœurs de l'Occident à celles de la Grèce asiatique, et préparé, pour
ainsi dire, une riche.palette pour la peinture des sons. Le compositeur
chargé de cette grande œuvre n'est pas resté au-dessous de la tâche
qui lui avait été confiée. Je n'ai point à dire ici quels sont les dévelop-
pements du sujet ni la marche de l'action dramatique: mon spirituel
collaborateur a bien[voulu prendre ce soin. C'est de la musique seule
que j'ai à parler. Bien qu'il n'y ait qu'un moyen pour rendre parfaite-
DE PARIS.
139
ment saisissable l'analyse d'une œuvre musicale, à savoir l'exécution
de l'œuvre elle-même, je vais essayer de faire comprendre à mes lec-
teurs quelles sont les qualités par lesquelles brille le nouvel opéra d'Ha-
lévy, et par quoi se distingue cet ouvrage de ceux du même artiste
qui l'ont précédé.
Si l'on examine ^attentivement la partition de l'auteur du Juif er-
rant, on reconnaîtra bientôt que la mélodie s'y trouve en abondance ;
et l'on sera forcé d'avouer qu'elle y a toujours un cachet de distinc-
tion. 11 semblerait donc au premier aspect que la musique de ce
compositeur dut obtenir des succès faciles , et que l'auditoire le
moins avancé dans la connaissance de l'art en dût avoir l'intelli-
gence; car, dit-on, la mélodie est la partie de la musique qui est à la
portée de tout le monde. Mais au don de l'inspiration mélodique, Ha-
lévy ajoute l'esprit de combinaison et le penchant à une harmonie
recherchée qui ont beaucoup de prix aux yeux de l'artiste expérimenté,
mais qui étonnent d'abord plus qu'ils ne charment le simple amateur,
et qui ne peuvent pénétrer dans son esprit qu'après avoir quelque peu
tourmenté son oreille. Sous la phrase du chanteur , qui serait aussi
claire que séduisante si elle n'avait pour accompagnement qu'une har-
monie simple et naturelle, d'autres phrases également intéressantes se
font entendre dans l'instrumentation, et composent un ensemble riche
de détails dont le mérite de facture ne peut être saisi que par des au-
ditions répétées. De là vient que le succès de cette musique a toujours
été l'œuvre du temps. Tel n'est pas le système adopté par Halévy dans
la composition du Juif errant. Le sujet de cet ouvrage est une lé-
gende populaire : la naïveté des idées y est donc en quelque sorte une
nécessité. Ajoutons que la scène se passe au xn6 siècle , et que cette
considération plaide aussi en faveur de la simplicité. Dirigé par ces
pensées, le compositeur a complètement transformé sa manière. Sim-
ple, clair, abondant en mélodies suaves et naturelles, il n'a pas couvert
celles-ci par une instrumentation compliquée : son orchestre, au con-
traire, est d'une légèreté remarquable. Evitant avec soin de partager
l'attention des spectateurs, il leur fait entendre presque partout le
chant à découvert, bien que l'accompagnement soit écrit avec beau-
coup d'élégance et de finesse. Dans une seule situation, Halévy a senti
le besoin de faire intervenir le chant de l'instrumentation pour fortifier
l'expression dramatique. Cette situation est celle de l'admirable duo du
quatrième acte, où le poëte et le musicien ont rivalisé de talent pour
l'expansion d'un amour à la fois naïf et passionné. Les paroles et
la musique sont également une heureuse inspiration de l'idéal du
sentiment et de la vérité de l'expression. Voici ce passage si plein de
charme :
LÉON.
Ah ! si j'osais, Irèiie, interroger ton cœur!
IRÈNE.
Parle sans crainte.... Je t'écoute.
LÉON.
En apprenant que tu n'es pas ma sceur,
Ton cœur s'est-il troublé?
IRÈNE,
.... Sans doute !
LÉON.
Et tant qu'a duré ce sommeil
Où dormaient nos âmes !.... Ton âme
NV^rouvait-elle pas une secrète flamme,
Impatiente du réveil ?
IRÈNE.
le m'en souviens, et pendant ton absence,
Je me sentais mourir dans l'ombre et le silence ,
Comme la fleur loin du soleil !
LÉON.
Et quand ma main pressait la tienne ?
IRÈNE.
Je tremblais
léon, avec transport.
Tu m'aimais, Irène !....
Et quand mes regards, sur tes traits,
S'arrêtaient tout émus?....
IRÈNE.
Je tremblais!....
LÉON.
Tu m'aimais!...
Et quand sous le baiser d'un frèro ,
Se trahissait ma vive ardeur?....
IRÈNE.
Je tremblais!. ..
léon, avec passion.
Tu m'aimais!!... Près de toi tout m'éclaire !
Ton cœur se révèle à mon cœur!!!
Ce dialogue si vrai, il était impossible de le chanter en mélodies ca-
dencées, car il fallait que toutes ces phrases entrecoupées fussent dites
avec la liberté d'une déclamation juste. Cependant il fallait aussi du
charme, de l'amour, du bonheur clans l'expression musicale. C'est ce
que le compositeur a compris. Son génie secondant son intelligence lui
a fait trouver dans la voix du cor anglais un chant délicieux de suavité et
d'émotion naïve, où s'exprime tout l'idéal de l'amour, pendant que les
personnages de la scène disent le dialogue avec une vérité d'accent
digne de l'inspiration de Gluck. Ce duo capital est à lui seul un chef-
d'œuvre dans l'ouvrage.
On a quelquefois reproché à l'auteur de la Juive et de la Reine de
Chypre de trop aimer le bruit : dans la partition du Juif errant il s'en
est montré fort sobre, et a réservé les grands effets de l'instrumentation
pour la voix formidable qui poursuit Ashvérus de ces paroles fatales :
Marche ! marche toujours ! pour les tempêtes que soulève l'approche
de ce personnage, et pour le triomphe d'Irène qui couronne le final du
troisième acte.
Toutes les parties du nouvel ouvrage d'Halévy méritent une analyse
détaillée. Je laferai, mais elle sera l'objet d'un autre article. Ici, je dois
me borner à dire quelle a été l'impression générale produite par cette
grande œuvre. Par l'effet même de la transformation de manière du
compositeur dont j'ai parlé précédemment, la clarté du style a mis im-
médiatement toutes les beautés de l'ouvrage à la portée du public, qui,
charmé par l'abondance de mélodies dont son oreille était caressée,
s'est laissé aller à la manifestation presque constante du plaisir qu'il
éprouvait. Il est très-rare de voir autant d'unité dans les applaudisse-
ments donnés à un grand opéra dès sa première apparition, car une
œuvre de ce genre est toujours complexe, et préoccupe souvent l'at-
tention jusqu'à l'incertitude sur l'effet produit. Ce succès me paraît de-
voir être universel et destiné à une longue durée.
L'exécution n'a pas peu contribué à ce succès dès la première audi-
tion. Mme Tedesco, chargée du rôle de Théodora, l'un des principaux
de l'ouvrage, l'a chanté en artiste du plus beau talent. Sa voix, dont
l'étendue très-rare unit les notes graves d'un vigoureux contralto
aux notes élevées du soprano, est parfaitement homogène et d'un
seul registre. Sa vocalisation indique de bonnes études de chant ; son
style est élevé, son sentiment actif et passionné, et sa manière large de
terminer les phrases fait voir qu'elle se possède et qu'elle sait ré-
gler la spontanéité de ses inspirations. Suffisamment dramatique, elle
représente bien le personnage sans tomber dans l'exagération des effets
de scène. Sous ce rapport, elle a un grand avantage sur Mlle Alboni,
qui, dans tous les opéras, n'est qu'une très-belle cantatrice de concert.
Mme Tedesco me paraît destinée à être la grande ressource de l'admi-
nistration de l'Opéra.
Roger est un chanteur fin, intelligent, bien inspiré par le cœur, et
qui phrase avec un rare bonheur d'accent. Si la puissance de son or-
gane secondait toujours son sentiment, aucun ténor ne pourrait lui être
comparé. Dans le nouvel opéra, Halévy lui a faitunebelle part, car tous
ses avantages y sont mis en relief et les occasions de fatigue y sont très-
rares. L'air du quatrième acte est le seul morceau qui paraisse exiger
de lui des efforts pénibles ; mais dans les deux duos du second acte et
du quatrième, dans la romance du troisième, et dans quelques passages
du récitatif, il ch%nte avec autant de charme que d'effet dramatique.
Massol est bien placé dans le rôle d'Ashvérus. Son magnifique or-
gane s'y déploie dans toute son étendue ; il anime la scène et donne
au personnage qu'il représente la physionomie convenable.
Timide à la première représentation, parce qu'elle se faisait entendre
pour la première fois à Paris et qu'elle portait la responsabilité d'un
ouvrage nouveau, Mlle Emmy La Grua n'a pas montré d'abord tout son
140
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
talent dans le personnage d'Irène ; cependant il était facile de reconnaître
que sa voix est excellente, qu'elle est musicienne et qu'elle sait chan-
ter ; mais raffermie aux représentations suivantes, cette artiste repris
par degré ses avantages et a dit à merveille les diverses parties de son
rôle. 11 y a lieu de croire qu'elle sera une bonne acquisition pour l'O-
péra, dont le personnel a besoin de se recruter de talents nouveaux.
La belle voix de M. Obin fait un très-bon effet dans le rôle de Nicé-
phore, empereur d'Orient. Il en chante les diverses parties avec no-
blesse et d'un bon style. Enfin MM. Depassio, Canaple, Guignot et
Noir, qui représentent quatre bandits dont les rôles ont de l'importance
dans l'ouvrage, disent avec soin ce qui leur est confié, particulièrement
l'excellent quatuor des quatre basses dans le second acte.
Je n'ai que des éloges à donner à l'orchestre, si bien dirigé par
M. Girard ; dans l'ensemble comme dans les solos, on sent que cet
orchestre est composé d'artistes distingués, qui réunissent à l'habileté
dans leur art le sentiment actif des beautés de cet art et le soin con-
sciencieux sans lequel il ne peut y avoir de bonne exécution.
FÉTIS père.
AUDITIOIS MUSICALES.
H. Offenlbach. — II. Blulder. — MBI. Cavallo et Tiret. —
M. SStamaty. — Société plaîlSnarnionlque oie Saint-£îerma£iii-eu-'
iiaje et Mlle 23olï;!oir. — 3Ï. Géraldy. — M. Ejnigi BSléiaa. —
M. ScMosser. — SS. Edouard de SBartog. — lie jeune ILotto.
Au temps de l'empire, chaque Français passait par les armes, ou du
moins par le noble métier des armes : c'était le moyen d'arriver à
tout. Maintenant c'est l'art de jouer du piano qui fait le complément de
toute éducation féminine et même masculine. Comme Thémistocle, qui
rougit jusqu'au blanc des yeux d'avouer qu'il ne savait pas jouer de la
lyre , un homme bien élevé n'oserait pas convenir qu'il est incapable
d'accompagner une romance au piano , de faire danser une simple
polka, une redowa ou bien un galop sur cet instrument ; c'est ce qui
fait concevoir que sans piano et sans pianiste, un concert semblerait
incomplet. Certes, M. Offenbach sait, autant qu'homme de France peut
le savoir, l'art de formuler un programme excentrique et piquant. Ce-
lui du concert qu'il a donné dans la salle Herz dimanche passé, 25 avril,
l'a prouvé suffisamment; mais avec M. Roger et Mme Laborde de l'O-
péra, une jolie élégie en prose de M. Arsène Houssaye , intitulée les
Larmes de Jacqueline ; Mme Ugalde, de l'Opéra-Comique ; un charmant
ouvrage de M. Henri Murger, le Bonhomme Jadis, joué délicieuse-
ment par M. Delaunay, Mlle Fix, et surtout M. Provost, de la Comédie-
Française, ce programme varié, riche encore d'un septuor de violon-
celles sur des motifs de Bobert-le- Diable, d'une fantaisie sur Guil-
laume Tell et le Barbier, et de scènes comiques par Levassor, offrait,
de plus, deux pianistes : l'une, Mlle Galtier, âgée de six ans, qui a l'a-
venir pour elle, et l'autre, M. Léopold de Meyer, possesseur d'un talent
brillant, incontesté, si bien en possession du présent. De tout cela, il
a dû résulter, comme on le pense, un très-beau concert dans lequel
est intervenu le bénéficiaire comme exécutant et compositeur, avec
son cachet individuel que nul ne lui conteste.
— M. Richard Mulder est encore un virtuose qui tient une brillante
place parmi la pléiade qui scintille dans notre ciel harmonique. Puis-
sant de son talent, de son jeu vigoureux, il a fait apprécier et, par
conséquent, applaudir son mérite de compositeur et d'exécutant dans
le concert qu'il a donné chez Pleyel. Sa Cascade et son Tambour de
basque, études-fantaisies dont le succès est aussi assuré qu'il est con-
sacré, ont été suivis d'un excellent duo sur les motifs de la Fille du
régiment, pour piano et violon, composé par MM. Mulder et Herman,
et que les auteurs exécutent délicieusement ensemble. Après une Pen-
sée poétique et une Bonde provençale, composées et fort bien dites par
M. Mulder, le bénéficiaire a joué encore avec M. Fumagalli, autre pia-
niste distingué, un duo pour deux pianos sur des motifs italiens, dia-
logue aussi bruyamment exécuté qu'applaudi. M. Mulder, qui aspire sur-
tout au titre de compositeur dramatique, a fait dire à M. Dufrêne, de
l'Opéra-Comique, qui s'en est gracieusement acquitté, une cavatine
charmante qui ne pourrait que plaire beaucoup dans un opéra.
■ — M. Pietro Cavallo, virtuose bavarois, malgré ses deux noms au-
soniens, est aussi pianiste que qui que ce soit ; il compose bien, exé-
cute d'une manière fine et brillante, et, de plus, improvise aussi chau-
dement que scientifiquement. M. Pietro Cavallo s'est associé à M. Fré-
déric Viret, jeune maître de chapelle d'une église de Paris, composi-
teur de romances, et dirigeant fort bien une société de choristes
amateurs qui fonctionnent de la voix avec beaucoup d'ensemble et de
justesse, qualité très-rare parmi la plupart des choristes de Paris.
Dans le concert que ces deux artistes ont donné dans la salle Herz,
mercredi 28 avril, M. Cavallo a dit de petites, de grandes études de
sa composition ; puis de charmantes fantaisies, comme Ihie feuille qui
tombe, un scherzo capriccioso, et puis la belle sonate en ut dièze mi-
neur de Reethoven, que tous les pianistes ont jouée, comme s'ils s'é-
taient donné le mot pour cela dans la saison musicale qui touche à
sa fin. C'est que cette œuvre est la pierre de touche de l'exécution
classique; qu'elle fait ressortir, qu'elle met en évidence tout ce qu'on
a dans son système physiologique d'impressionnable et d'émouvant, de
sensibilité dans le cœur, de poésie dans l'âme ou dans le cerveau, et
que chaque virtuose n'est pas fâché de montrer qu'il possède de tout
cela en suffisante quantité. C'est surtout comme improvisateur que
M. Cavallo se distingue. Au moyen d'un contrepoint qui n'est pas trop
rigoureux, il sait réunir deux sujets donnés et qui contrastent en-
semble par la forme mélodique, le rhythme, le caractère, et en tirer
des effets neufs, piquants. Il n'a manqué à M. Cavallo, comme à
Mlle Dillon, qu'un public plus intelligent dans ce genre de musique
capricieuse et classique tout à la fois. Le propre de l'art musical,
même dans l'improvisation, c'est de joindre l'exactitude mathéma-
tique à l'idéalité. Or, il est peu d'auditeurs dans le public de Paris
capables de donner un thème ou plusieurs thèmes qui réunissent les
qualités poétiques et celle de la géométrie , ou de la logique musicale,
sans laquelle, nous le répétons, l'improvisation n'est que de la divaga-
tion.
— Ne voulant pas tomber dans la monotonie du planisme, et pour
traiter d'ailleurs aussi sérieusement que cela le mérite les trois séances
de musique de chambre avec orchestre qu'a données M. Camille Sta-
maty, nous remettons à un autre numéro le compte-rendu de ces in-
téressantes manifestations, tout artistiques, qui ont eu lieu dans la salle
de l'Association des artistes musiciens, à l'ancien Diorama.
— Une Société philharmonique s'est formée et constituée dans les
murs de Saint-Germain- en-Laye, — qu'on se le dise ! — et cette So-
ciété exécute, non seulement avec intelligence les symphonies de
Haydn et de Mozart, mais appelle dans son sein des artistes régnicoles
et étrangers. Samedi 24 avril, Mlle Molidoff, cantatrice viennoise, a
dit, aux applaudissements de toute la ville, la cavatine de Bornéo : As-
colta, etc., de Rellini et Varia du même : Se crudele il cor mostrai.
— Après cette pointe départementale, nous sommes rentré dans
Paris, où les chants sont loin d'avoir cessé. Au nombre de ces chants et
des chanteurs aimés, il faut citer en première ligne Géraldy, le mélo-
diste polyglotte, le virtuose vocal, sérieux, comique, léger, fantaisiste
et dramatique. Son concert a été un des plus brillants de la saison.
— Il y a tellement de place au soleil de la publicité et de la célébrité
dans notre Paris , ce centre de tous les arts, qu'après Alard, notre vio-
loniste national; Léonard, au son puissant; Bazzini, qui semble avoir
élu son domicile artistique au Gymnase-Dramatique, M. Elena, ex-pre-
mier prix de violon du Conservatoire de Paris, et ci-devant enfant pré-
coce, phénomène et célèbre, n'a pas craint de donner un concert ven-
dredi dernier dans la salle Herz, après ceux de ces illustres violonistes.
Avant son excursion aux Etats-Unis, où il a obtenu du succès , ce jeune
virtuose le prenait sur un ton un peu trop haut; il a senti la nécessité
de modifier cette tendance à dominer ; son intonation est plus juste : il
chante avec élégance et distinction sur son instrument, et fait le trait
d'une manière brillante. Qu'il tâche d'acquérir un peu de largeur de
DE PARIS.
Ml
son et de sensibilité dans la pression de son archet, et il pourra pré-
tendre tout comme un autre au titre de premier violon solo d'un petit
prince régnant quelconque d'Allemagne ou d'Italie.
— On cultive fort bien la musique et le concert dans le célèbre col-
lège de Juilly, d'où sont sortis tant d'hommes distingués en toutes
choses. Parmi les artistes venus de Paris pour coopérer à la solennité
musicale qui a eu lieu le 27 avril dans cet établissement, on a surtout
remarqué M. Schlosser, de Strasbourg, dont la belle voix de basse a
surpris et charmé tout l'auditoire, M. Schlosser, qui s'est déjà révélé
comme chanteur et même comme compositeur à l'un des concerts de
l'Association des artistes-musiciens. Il y a certainement un bel avenir
de chanteur dans l'un de nos théâtres lyriques de Paris pour M. Schlos-
ser, car il joint les avantages physiques à ceux d'un musicien instruit
doué d'une admirable voix.
— M. Edouard de Hartog est un compositeur qui fait de la musique
pour s'amuser. Sa musique est-elle amusante ? Pas précisément ; mais
elle est intéressante. Au reste, si M. de Hartog est un amateur difficile
à apprécier, il est facile à juger ; car il ne redoute pas, il aime même
l'impartialité, nous a-t-il dit. Une société nombreuse et choisie assis-
tait à l'audition de ses œuvres, qui a eu lieu jeudi passé dans la salle
Herz ; et il avait pour interprètes de sa musique vocale MM. Pon-
chard , Lefort; Mme Charles Ponchard , Mlle Félix Miolan ; Mme Mutel
de Courtemblay, pour les œuvres de piano ; puis d'excellents cho-
ristes, parmi lesquels se faisaient remarquer des artistes à réputation.
Cette séance curieuse offrait cependant l'inconvénient et la monotonie
d'un concert composé de morceaux sortis tous de la même plume.
Peut-être un peu trop partisan du Lied allemand , M. de Hartog, pour
ne pas tomber dans la platitude mélodique et harmonique de la romance
française, s'est trop préoccupé de Schubert et de Proch , dont il imite
la forme. Parmi les morceaux de chant, il faut citer Amore et Nuit ,
fantaisie nocturne à deux voix, joli duo fort bien dit par M. Ponchard
et Mme Charles Ponchard; puis le Sylphe, chanté par cette dernière,
qui a délicieusement interprété cette charmante idéalité mélodique.
Mlle Félix Miolan , de l'Opéra-Comique, n'a pas moins délicieusement
célébré de sa voix pure et limpide le Dimanche au village. Mme Mutel
a déployé ce jeu délicat et fin , et net et brillant , qu'elle sait si bien
mettre au service de la musique de nos grands maîtres ; elle a fait sail-
lir de tout le brio de son talent, une rêverie intitulée : Confidences, et
une tarentelle fantastique fort originale.
Les chœurs pour voix d'hommes, sans accompagnement, sont, au
reste, ce qu'il y a de plus remarquable dans le contingent musical de
cet amateur exceptionnel qui a bien le droit, en définitive, de passer
pour artiste. Parmi ces chœurs, nous citerons surtout le Chant du soir,
la Chanson à boire, et la Sérénade. Si cela manque un peu de jour,
d'éclaircies, de repos dans les parties, et de dialogue entre deux et
trois voix ; si l'harmonie est trop continuellement pleine, le rhythme
en est franc, les modulations en sont claires ; cela est écrit dans les
bonnes cordes des voix; il n'y a pas de lieux communs et de lon-
gueurs. Ces chœurs démontrent qu'il y a l'étoffe d'un compositeur
dramatique en M. de Hartog.
— Un immense et brillant auditoire remplissait la salle Herz mardi
dernier, au concert du jeune I. Lotto , violoniste âgé de dix ans, élève
de M. Massart.
Le bénéficiaire a exécuté avec une verve, une sonorité et une justesse
irréprochable, le 6e air varié de Bériot, un concerto de R. Kreutzer et
une fantaisie de Léonard. — Cette audition nous a prouvé à quel talent
est déjà parvenu et pourra encore parvenir, avec les soins, l'excellente
méthode de son professeur et sa précoce intelligence, ce petit prodige
d'organisation musicale.
Mme L. Massart , [ a, comme toujours, provoqué l'enthousiasme et
les applaudissements les plus chaleureux par la pureté de son style, la
finesse tout à fait spirituelle d'un jeu qui unit intimement la grâce et
le brio de la difficulté.
Mme Charles Ponchard , M. Malézieux, M. Bonnehée et la Société
chorale du Conservatoire, sous la direction de M. Ed. Batiste, ont tour
à tour captivé l'auditoire et conquis ses bravos.
Henri BLANCHARD.
LES DANSES DES MORTS.
PAR GEORGES KASTNER.
C'est surtout en France que le mariage du savoir et de l'imagination
a produit les livres les plus enrieux et en même temps les plus agréa-
bles. Notre époque fait des prodiges en ce genre : elle a fouillé le passé
avec une ardeur que nul obstacle n'a pu refroidir, et elle en a tiré des
trésors inconnus qu'elle a eu le talent de présenter sous la forme la plus
séduisante, en mettant quelquefois le dessin, la peinture, la musique au
service de l'érudition. C'est encore un livre de cette précieuse espèce
dont nous avons;à annoncer la publication, recommandée d'ailleurs par
le nom de son auteur, plus efficacement qu'elle nepouvait l'être par
notre appréciation et nos éloges.
La manière neuve et originale dont les différentes questions relatives
à l'histoire, à la philosophie et au caractère des Danses des Morts sont
traitées dans l'ouvrage que nous annonçons, l'ordre et la clarté que
l'auteur a su introduire dans cette matière, jadis si embrouillée et si
obscure ; enfin , la découverte intéressante qu'en lui doit du rapport
direct que ces étranges productions ont avec l'art musical, tout con-
court à placer l'ouvrage dont il s'açit. a-" nombre des livres les plus
importants et les plus curieux qui aient p ara de nos Jours. Comme il est
dit dans la Préface, on parle beaucoup cl: : is quelque temps de la
Danse des Morts, ma:.-, ce en p -rie le manière à faire voir que l'on
n'est pas encore bien nsé sur la ne ture do cette bizarre allégorie. A
l'exception de deux ou trois savs its, de quelques archéologues et des
fureteurs de bibliothèques, pen :: : . 33 ûre - ;e na s'est soucié d'ap-
profondir ce sujet. Cela es'c si vrai, que, nonobstant la publication, déjà
fort ancienne, da livre de feu Gabriel Peignât sur les Rondes funèbres,
la question de l'origine :' : . d - s ; âsentations multiples
est demeurée tellement entourée d'incertitudes, que la plupart de nos
écrivains modernes, k 3 mîcne ça': ' :., bien renseignés, re-
produisent de la meElsura foi cla e en'... , c_ prrio::t des Danses des
Morts, toutes le: erreurs qi : le savant-ei modeste Peigaot s'appliquait,
ii y a près de trente sas, L :;~..ri:v et à rectiiisr do son mieux. Plus
complet que le traité do Peighot, quant au:: renseignements historiques,
l'ouvrage de M. Georges Sastûer : en distingue du reste par des re-
cherches et un plan qui lai son': propres et qui n'ont rien de la séche-
resse et de ' l'aridité d'un travail de pure érudition. Auteur sérieux ,
mais artiste avant tout , c'est comme penseur et comme artiste que
M. Georges Kastner a compris sen sujet. C'est comme penseur et comme
artiste qu'il s'est appliqué à faire ressortir la haute portée philoso-
phique et l'intérêt puissant de l'allégorie semi-religieuse, semi-satirique,
où les écrivains, les peintres et les statuaires du moyen âge ont impi-
toyablement raillé, par la bouche du spectre, la pauvre humanité.
Le livre dont nous parlons, embrassant plusieurs ordres d'idées et
plusieurs ordres de faits, est divisé en deux grandes parties. La pre-
mière présente des considérations ingénieuses, et, comme nous l'avons
dit en commençant , tout à fait nouvelles sur le véritable caractère de
l'épopée lugubre, sur son origine et sur les monuments qu'elle a pro-
duits. Cette partie se subdivise en trois sections, savoir :
I. De l'idée de la Mort. — Texte des Danses des Morts.
II. Symbolisation, personnification et représentation de la Mort. —
Images et tableaux des Danses des Morts.
III. Origine et statistique des Danses des Morts françaises et étran-
gères.
La seconde partie contient vingt-deux chapitres ; elle renferme tout ce
qui se rapporte plus ou moins directement à l'art musical, soit dans les
types, soit dans les légendes en vers, soit dans les images des poëmes ou
des dessins représentant le squelette aux prises avec des personnages de
tout sexe, de tout âge et de toute condition. Après une étude très-
142
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
remarquable sur le ménestrel ou ménétrier du moyen âge, l'élément le
plus important de cette seconde partie consiste dans la description de
figures d'instruments de musique très-anciennes, dont les Danses des
Morts offrent une réunion fort intéressante et fort considérable. Pour
mieux faire comprendre aux lecteurs ce que représentent ces figures,
M. Georges Kastner, qui, dans ses précédents travaux a déjà donné des
preuves de son érudition musicale, les compare avec d'autres figures
analogues provenant de monuments antérieurs aux Danses funèbres ou
contemporains de ces Danses. Invoquant le témoignage des écrivains,
des poëtes, des musiciens et des auteurs didactiques du temps, il ar-
rive de la sorte à tracer une esquisse de l'histoire des principales fa-
milles instrumentales en usage dans la dernière période du moyen
âge et dans les commencements de la renaissance. Une pareille tâche
présentait de grandes difficultés, car les sources où l'on peut puiser des
renseignements sur cet objet sont peu nombreuses et quelquefois peu
exactes.
Getiu seconde partie doit principalement intéresser les musiciens,
mais elle n'intéressera pas moins tous ceux qui s'occupent d'histoire
et d'archéclogie.
Quittant , comme il le fait souvent, selon la double faculté qu'il pos-
sède, la plume de l'écrivain pour celle du compositeur, M. Georges
Kastner a eu l'heureuse idée d'enrichir son important ouvrage d'une
partition qui, dans la forme littéraire traditionnelle , c'est-à-dire dia-
loguée, offre une interprétation en musique de la Danse macabre. Fi-
dèle à la coupe et à la couleur primitives de l'oeuvre qu'il a poétique-
ment transportée dans le. langue des sons, le compositeur s'est attaché
à faire ressortir par le caractère particulier de la mélodie, comme par
la forme même de l'accompagnement, non seulement l'apparition suc-
cessive des divers personnages dans la ronde, mais encore l'accent et
la physionomie propres h chacun d'eux. Ainsi qu'il le dit lui-même
dans sa préface, il a visé en général à une simplicité d'expression ca-
pable de répandre sur l'ensemble de l'œuvre un certain charme archaï-
que, et ce vague mystérieux, cette indéfinissable mélancolie que l'on
remarque dans la plupart des productions nées pendant les siècles aus-
tères du moyen âge. Il n'est pas jusqu'au refrain de la Mort qu'il n'ait
su marquer d'un cachet significatif en lui imprimant l'allure d'une danse
sépulcrale, d'un branle d'outre-tombe. Cette partition, tout à fait -ori-
ginale en son genre, et dans laquelle l'inspiration de l'auteur reste
constamment appropriée à la nature du sujet, n'est pas du ressort de
la musique à la mode, qui vit le plus souvent de formules routinières
et de phrases à effet ; mais par cela même, nou.s croyons fermement
qu'elle obtiendra les suffrages des connaisseurs, seuls capables d'ap-
précier le tact intelligent d'un artiste amoureux du style vrai, naturel et
dramatique.
D'après ce qui précède, on voit que les éléments de succès ne man-
quent pas au consciencieux travail de M. Georges Kastner ; mais ce qui
en doublera le prix pour les gens d'étude comme pour les simples cu-
rieux, c'est la publication de la suite complète des images bizarres du
Dolen dants. vieille danse des morts allemande du xve siècle. Dans ces
images, inconnues en France jusqu'à ce jour, le squelette se montre
à peu près partout gambadant de la façon la plus grotesque, et faisant
résonner un instrument de musique. Outre ce précieux document, on
trouve encore, dans le même ouvrage, un tableau synoptique des
danses murales dressé par l'auteur ; puis, enfin, quatre tables biblio-
graphiques contenant la liste des éditions des Danses bàloises, de la
Danse macabre et des simulachres (Icônes Mortis), du célèbre Holbein.
Ces tables bibliographiques, composées par le savant Massmann, tra-
duites avec soin de l'allemand et publiées ici pour la première fois,
sont indispensables aux amateurs de livres anciens, aux collectionneurs
de gravures, et généralement à tous ceux qui s'occupent de la littéra-
ture du moyen âge.
Quant à l'exécution matérielle du beau volume annoncé dans cet ar-
ticle, elle ne laisse rien à désirer. Nous avon^ donc tout lieu de pen-
ser que le livre intitulé les Danses des Morts trouvera de nombreux
lecteurs parmi les hommes instruits de toutes les classes : historiens,
littérateurs, archéologues, musiciens, peintres et bibliophiles, et que,
par les renseignements si nouveaux et si utiles qu'il fournit sur plu-
sieurs points, il comblera plus d'une lacune dans le domaine des scien-
ces, des lettres et des arts. R.
S.
'V Demain lundi, à l'Opéra, cinquième représentation du Juif errant.
%* Ce grand et bel ouvrage vient d'être donné quatre fois de suite. A
chaque soirée, la salle était comble et le succès du premier jour a reçu
la confirmation la plus positive. Les artistes principaux, Massol et Roger,
Mme Tedesco et Mlle La Grua, sont toujours rappelés avec enthousiasme,
non-seulement à la chute du rideau, mais dans le cours de leurs rôles.
Ce que d'ailleurs il était facile de prévoir est arrivé à l'égard de la durée du
spectacle. Maintenant que tout est en ordre et à sa place, h Juif errant ne
finit pas plus tard que les autres ouvrages en cinq actes les plus célèbres
et les plus productifs du répertoire. Avant minuit la pièce est terminée.
*„* Les torcherons ont été repris vendredi, et Mme Darcier a reparu
dans le rôle de Mme de Bryane, sa dernière création, avant de s'éloigner
du théâtre où elle est revenue. La charmante actrice a obtenu tout le suc-
cès possible dans un personnage fait exprès pour sa physionomie et son
talent.
%* Une indisposition de Mme Ugalde interromp les représentations de
Galalhée.
%* Mlle Wertheimber est tout à fait rentrée en possession du rôle de
Béatrix qu'elle jouait alternativement avec Mme Darcier, dans le Carillon-
neur de Bruges. L'habitude de la scène, que rien ne peut suppléer, ajoute
tous les jours à son talent d'actrice, et l'effet de sa belle voix augmente
en proportion.
*** Le Théâtre-Lyrique (Opéra-National) a fait vendredi sa clôture pour
la saison d'été. La réouverture n'aura lieu que dans trois mois.
*,.* La Prison d'Edimbourg, de MM. de Planard et Carafa, sera jouée à
la rentrée.
*„* Joanila, l'opéra de Duprez, nous a fait ses adieux avec Caroline Du-
prez, sa charmante fille; mais il est impossible que la jeune artiste, qui
s'est posée avec tant d'éclat, ne nous revienne pas sur une scène ou une
autre.
%* Par décret du 13 avril, le Président de la République, sur le rapport
du ministre de l'intérieur, a autorisé la substitution du nom de place
Boïeldieu à celui de place des Italiens que porte l'emplacement où est
situé le théâtre de l'Opéra-Comique a Paris.
%.* Comme nous l'annoncions dimanche dernier, le grand débat relatif
à l'engagement de Mlle Jhoanna Wagner a été porté devant les tribunaux
de Londres. Le théâtre italien de Covent-Garden, dirigé par M. Gye, an-
nonçait pour samedi dernier le début de la célèbre cantatrice, mais
M. Lumley se présenta la veille devant la cour delà chancellerie, et démon-
tra qu'il avait, avant le jour fixé dans le contrat, versé entre les mains de
Mlle Wagner la somme stipulée et rempli toutes ses obligations envers
elle. 3n conséquence, la cour rendit un arrêt d'injonction, défendant for-
mellement à Mlle Wagner de chanter sur aucun théâtre, excepté le théâ-
tre de Sa Majesté, et à tout directeur de théâtre, excepté M. Lumley, de
faire paraître cette artiste sur leurs scènes. Il n'est pas inutile d'ajouter
que la moindre infraction à cet arrêt est punie d'un emprisonnement.
%* Une plainte avait été portée par M. G. Bénédit, notre honorable col-
laborateur, contre M. Puget, ténor, attaché au théâtre de Marseille, qui,
à propos d'une critique du ton le plus modéré, s'était permis des voies de
fait extrêmement vives. Cette affaire s'est terminée le 22 avril dernier
devant le tribunal de police correctionnelle de la manière la plus inatten-
due et la plus honorable pour les deux parties. Après l'audition des témoins,
M. Puget, invité par le président à s'expliquer sur les dépositions qu'il ve-
nait d'entendre, a exprimé en quelques paroles bien senties des regrets
auxquels le tribunal ne pouvait qu'avoir égard. Le président, s'adressant
alors au plaignant, lui a demandé si ces déclarations, bien que tardives,
ne lui paraissaient pas de nature à changer ses dispositions. La réponse,
pour un cœur généreux comme celui de M. Bénédit, ne pouvait être dou-
teuse. Aussi ces explications étaient à peine finies que M. Puget tendait
la main à M. Bénédit, et que l'ancien professeur et l'artiste s'embrassaient
au milieu de l'émotion de l'auditoire. Le président a été heureux de dé-
clarer le procès terminé par un dénouement dont l'art et la critique ont
également à se féliciter.
%* M. Emile Forgues, vient de quitter Paris pour aller donner des con
certs clans plusieurs villes duMidi.
*„* Nous sommes priés d'annoncer la rupture du mariage qui devai
avoir lieu entre Mlle Lavoye, la célèbre cantatrice, et M. Fromant.
%* Emile Prudent a donné jeudi son premier concert â Londres. Le suc-
cès a été immense : sa pastorale, les Champs a produit beaucoup d'effet ;
la fantaisie sur la Sonnambula, le Réveil des Fées et les Bois ont été bissés
avec fureur. Nou donnerons dimanche prochain de plus amples détails
sur ce concert, qui fera époque dans la carrière de l'éminent artiste.
*„* La Poupée de Nuremberg, d'Adolphe Adam, se joue à Bruxelles avec
autant de succès qu'à Paris.
* * La seconde matinée de musique classique donnée par l'Association
DE PARIS.
143
des artistes dans la salle de concert, boulevart Bonne-Nouvelle, aura lieu
aujourd'hui à une heure et demie. Hien n'est changé au programme que
nous avons publié dimanche dernier.
*„,* Voici le programme de la séance de musique de chambre que doit
donner M. Charles Dancla pour l'audition de ses œuvres instrumentales :
1" Quatuor en la mineur pour deux violons, alto et violoncelle, exécuté
par MM. Charles Dancla, Léopold Dancla, Adolphe Blanc et Arnaud Dancla;
— 1" morceau : Scherzo, andante, rêveries avec sourdines, final; 2" qua-
trième trio pour piano, violon et violoncelle, exécuté par MM. Aug. Wolfi",
Arnaud Dancla et l'auteur : andante, scherzo, final; 3" fantaisie pour
violon principal , exécutée par Charles Dancla ; à" quatuor en si bémol
pour deux violons, alto et violoncelle , exécuté par MM. Charles Dancla ,
Léopold Dancla, Adolphe Blanc et Arnaud Dancla : 1er morceau, sérénade,
scherzo, final.
V La fêle fondée en l'honneur de Pierre Câlin, par la Société chorale
Galin-Paris-Chcvé, de Paris, aura lieu jeudi prochain, 6 mai, à huitheures
très-précises du soir, salle Barthélémy, rue du Château-d'Eau. On y en-
tendra, pour la partie vocale : F. Delsarte, Mme Raby, les Sociétés de
l'école. — Pour la partie instrumentale : JIM. L. Lacombe, Armingaud ,
3. Offenbach.
V L'Association des artistes peintres, sculpteurs, architectes, gra-
veurs et dessinateurs a tenu, lundi dernier, sa séance générale. M. Dauzats
a présenté un rapport plein d'intérêt sur la situation de cette Société fon-
dée en décembre 1844, et qui possède aujourd'hui 1A,9A0 fr. de rentes ,
qui se distribuent en secours et pensions. M. le baron Taylor, fondateur,
a aussi pris la parole et constaté le succès de l'œuvre.
*„* L'établissement des bains de mer de Saint-Malo a été l'an dernier
l'objet d'importantes améliorations. Suivant en cela l'exemple des grands
établissements, l'administration a traité avec des artistes en renom, et
dans plusieurs concerts elle a fait entendre avec le plus grand succès à
ses abonnés : Mmes Gaveaux-Sabatier, Dobré et Landi. Pour la partie vo-
cale et pour la partie instrumentale, MM. Bazzini, Poussard et Vatel. Pour
la saison nouvelle le directeur recevra les propositions de MM. les artistes
qui sont disposés à voyager cet été dans les départements de l'Ouest.
GROEJIOUE DÉPARTEIHEFITALE.
%* Marseille. — Avant de chanter le Prophète, Octave a débuté dans les
Huguenots avec Mlle Heinefetter, dont le succès a été complet dans le rôle
de Valentine. Accueillie par une triple salve d'applaudissements, elle a
reçu jusqu'à la fin les mêmes témoignages de sympathie. Mlle Heinefetter
s'est montrée, il est vrai, dans tout l'éclat de son beau talent. C'est d'un
heureux présage pour la reprise du Prophète qui nous assure des jouis-
sances dont nous sommes privés depuis trop longtemps, et qui promet à
notre Fidès une ample moisson de bravos.
%* Bordeaux. — Dans un dernier concert de la Société philharmonique,
l'orchestre, dirigé par M. Cuvreau, a continué la série de ses succès si sou-
vent constatés. Deux artistes célèbres devaient s'y produire, M. et Mme
Léonard. Le premier est un violoniste du premier ordre; sa place est à
côté dos Rode, des Baillot, des Kreutzer, dont il rappelle le merveilleux
talent, 1 énergie, la légèreté, la suavité, l'inspiration : c'est ainsi que nous
l'avons jugé après l'exécution du concerto. Dans les Souvenirs te Gretry,
M. Léonard a excité l'enthousiasme de ses nombreux auditeurs. Dans les
variations sur un thème de Haydn, il s'est élevé à une grande hauteur ;
jusqu'à présent, nous n'avions pas entendu exprimer les sentiments reli-
gieux par un jeu d'archet si doux. On aurait cru entendre deux violons,
jouant, l'un le chant et l'autre l'accompagnement. Mme Léonard a chanté
l'air du Billet cfo loterie, de Nicolo, la tyrolienne de Betly , et deux chan-
sons espagnoles, avec une grâce infinie et une méthode admirable. On
voit que ce jeune et charmant talent a été formé à la bonne école. Nous
avons entendu aussi M. Henri Péru, un jeune pianiste, notre compatriote,
qui, pour la première fois, jouait en public, et à qui les bravos d'un sé-
vère et intelligent auditoire ont donné la consécration de l'art.
V Arras. 2k avril. — Dans le concert donné par la Société philharmo-
nique au profit de M. Hecquet aîné, un jeune pianiste, sorti des classes
du Conservatoire, M. Savary, s'est distingué par son jeu, dont le style
rappelle singulièrement l'école de Thalberg.
%* Strasbourg, 23 avril. — Nous venons d'assister à une ces solennités
musicales malheureusement trop rares à Strasbourg , et dont on garde
longtemps le souvenir. VÊlie, de Mendelssohn, vient d'être exécuté
deux fois, les 21 et 22 avril, au Temple-Neuf, l'une des églises pro-
testantes de Strasbourg. L'élite de nos amateurs s'était réunie pour inter-
préter dignement le chef-d'œuvre de Mendelssohn , et l'effet a répondu
à ce qu'on était en droit d'attendre de ce magnifique ouvrage. La double
armée des chœurs et de l'orchestre a parfaitement manœuvré sous la di-
rection de M. Beiter, l'excellent chef d'orchestre de Bâle, qui avait déjà
dirigé ce même oratorio l'été dernier; Mme Reiter et M. Stockhausen ont
bien voulu prêter leur concours à nos amateurs pour lessolos de soprano
et de basse. M. Stockhausen , possesseur d'une magnifique voix , a parfai-
tement rendu le rôle si difficile d'Élic. Nous devons aussi un juste tribut
d'éloges à M. Stern , l'habile organiste du Temple-Neuf, qui a reconstitué
la Société de musique religieuse. C'est lui qui a eu l'idée de faire entendre
à ses concitoyens le célèbre oratorio de Mendelssohn ; il en a dirigé l'é-
tude, cet hiver, et M. Reiter a trouvé les chœurs si bien étudiés, que
deux ou trois répétitions avec l'orchestre lui ont suffi pour amener la
double masse vocale et instrumentale à tout l'ensemble et à toute la per-
fection désirables. M. Beiter, ancien élève de Spohr, a toutes les qualités
d'un excellent directeur de musique, et il a su répandre à travers tout
l'ouvrage la vie, la force, le mouvement et l'entrain. Le public strasbour-
gecis s'est porté en foule à chacun de ces concerts spirituels, ce que nous
constatons avec d'autant plus de plaisir que nous ne nous y attendions
pas. La recette de la première exécution d'Élie a été versée à la caisse de
la Société de secours mutuels en faveur des musiciens infirmes et de leurs
veuves, caisse fondée en 1832, et qui se trouve aujourd'hui dans un état
de prospérité fort satisfaisant. La seconde exécution a eu lieu au profit
des pauvres de la ville.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
*„,* La Haye, 1k avril. — Hier on a donné sur le théâtre royal français
de notre capitale la première représentation du Roi de Bohême, opéra
comique en trois actes et en six tableaux, de M. de Saint-Georges, et
dont la partition, due à M. Lazare Martin, a remporté le prix au concours
de l'année dernière. Cette représentation a été honorée de la présence du
roi et de la famille royale. Le public a pleinement confirmé la décision
du jury musical ; il a accueilli tous les morceaux avec des tonnerres d'ap-
plaudissements, et il a bissé un air, un duo et deux chœurs. A la fin du
spectacle, M Lazare Martin, qui dirigeait lui-même l'exécution de son
œuvre, a été appelé sur la scène, et a été l'objet d'une véritable ovation
de la part des nombreux spectateurs qui encombraient la salle.
*„* Berlin. — Les Huguenots ont été représentés deux fois dans l'espace
d'une semaine. Mlle Liebhardt a eu un beau succès dans le rôle de Valen-
tine. Formés ga été également très-applaudi dans celui de Raoul. — c'est
par Don Patquale que la troupe italienne a terminé ses représentations.
Elles ont été très-suivies. Le roi et la reine y ont régulièrement assisté
tous les soirs. — Pendant la dernière saison, depuis le 1er octobre jusqu'à
fin mars , l'Opéra-Royal a donné vingt-huit représentations. Parmi les
ouvrages qui ont été joués, nous remarquons : Robeit-le-Diable, le Camp
de Silésie, le Prophète, FiJelio, Olympie, le Prévôt de Paris, par Dorn.
*„.* Munich, 23 avril. — Hier au soir, sur le théâtre particulier de la
résidence royale de Munich, des amateurs de la haute noblesse ont joué
en français la Meunitrc de Mar'y, charmant vaudeville de AI. Alélesville,
et les Rendez-vous bourgeois, opéra comique d'Hoffmann et de Nicolo. Le
roi et la reine, le roi Louis 1", et tous les autres membres de la famille
royale, ainsi qu'un très-grand nombre d'invités, assistaient à cette repré-
sentation. On monte sur le même théâtre Elira e Claudio, de Mercadante,
et le rôle de Claudio sera rempli par S. A. R. le prince Adalbert de Ba-
vière, qui possède une voix de ténor aussi remarquable par son éclat et
sa douceur que par son étendue.
%* Vienne. — Mme Alédori, qui a obtenu un si beau succès pendant
cette saison, a été engagée comme prima donna pour la saison prochaine.
Schulhoff est parti pour Pesth, où le célèbre pianiste se propose de donner
une série de concerts.
%.* Brunn. — Mme de la Grange a donné ici trois représentations ; elle
a chanté dans Lucie, le Barbier de Séville et le Prophète. Chaque soir, la
salle était comble. Le rôle de Fidès a été pour l'éminente cantatrice l'oc-
casion d'un véritable triomphe.
Le gérant : Ernest DESCHAMPS.
En vente chez BliANDUS et C«, 105, rue Richelieu,
musi
exi;
Dissertations et recherches historiques, philosophiques, littéraires et
usicales sur les divers monuments de ce genre qui existent ou qui ont
isté tant en France qu'à l'étranger, accompagnées de
Grande ronde vocale et instrumentale, paroles d'Edouard THIERRY,
Et d'une suite de planches représentant des sujets tirés d'anciennes
danses des morts des xive, xve, xvic et xvir? siècles, la plupart publiés en
France pour la première fois, avec les figures des instruments de musi-
que qu'ils contiennent, ainsi que d'autres figures d'instruments du moyen-
âgs et de la renaissance,
PAR
GEORGES KÂST^EB
Un volume grand \n-h", imprimé sur beau papier, contenant plus de
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LE
©3H:a°a eu cinij actes,
Parole* de
MM. E. SCRÎBE et DE S ATOT -GEORGES
^Musique de
F. HALÉVY
Me l'Institut.
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Onvcrtarc pour le pÊasa» à % et à 4 mains.
ACTE.
CHOEUR pour voix de femmes : « C'est jour d'allégresse. »
CHOEUR de matelots : « Après combats et travaux. »
BALLADE chantée par Mme Tedesco : « Pour expier envers lui ses outra-
ges. »
La même transposée.
LE COUVRE-FEU chanté par M. Merly et chœur : « De par le bourg-
mestre, de par nos échevins. »
Le même pour voix de basse seule.
CHOEUR DE MALANDRINS : « Au loin tremblez tous. »
AIR chanté par M. Massol et chœurs d'hommes : « Je sens trembler la
terre. »
Le môme pour voix de baryton seul.
ROMANCE AVEC RÉCITATIF chantée par M. Massol : « Ils partent frap-
pés de terreur. »
La même transposée.
DUO chanté par Mme Tedesco et M. Massol : « Théodora, qu'ici le ciel
m'envoie. »
«e ACTE.
TRIO chanté par M mes Tedesco et La Grua, et M. Roger : « Douze ans
sont écoulés. »
QUATUOR pour h basses, chanté par MM. Depassio, Guignot, Canaple et
Noir : « On m'a dit vrai, jamais plus charmante beauté. »
CAVATINE chantée par Mme Tedesco : « A moi, ta sœur et ton amie. »
DUO chanté par Mme Tedesco et M. Roger : « Qu'exiges-tu d'un misé-
rable. »
CHOEUR de la Saint-Jean : « Saint-Jean I Saint-Jean I n
S' ACTE.
AIR ET RÉCITATIF chanté par Mlle La Grua : « 0 merveille! 6 prodige!
auquel je crois à peine. »
ROMANCE chantée par M. Roger : « Une sœur, une amie, ange de la mai-
son. »
STROPHES chantées par Mme Tedesco : o Que nos voix vers le ciel mon-
tent. »
4e ACTE.
AIR AVEC RÉCITATIF chanté par M. Roger : « A ce palais dont la ma-
gnificence... »
Les mêmes transposés.
ROMANCE EXTRAITE DE L'AIR chantée par M. Roger : « Vous n'êtes
plus, jours d'innocence. »
La même transposée.
DUO chanté par Mlle La Grua et M. Roger : « Le ciel nous a réunis. »
ROMANCE EXTRAITE DU DUO : « 0 ciel! est-ce un rêve? »
AIR chanté par M. Massol : « De Dieu l'éternelle clémence. »
Le même transposé pour ténor.
QUINTETTE pour 5 voix de basses, chanté par MM. Depassio, Guignot,
Canaple, Goyon et Noir : « La nuit est sombre. »
Le même réduit à 1 voix de basse seule.
S* ACTE.
ROMANCE chantée par M. Roger : « Quand chacun te fuit ici-bas. »
La même transposée plus bas.
CHOEUR DES MORTS : « Qui vient aujourd'hui sous leur froide tombe. »
CHOEUR DES ELUS : « Prenez pitié, Seigneur. »
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Départements, Belgique et Sui.<
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T.e Journal paraît le Dimnnelll
GAZETTE MUSICALE
il Pi^llS,
-^vWW^SSJVVvw-
SOMMAIRE. — Le Juif errant, grand opéra en 5 actes, la musique (2' article), par
Vêtis père. — Théâtre de l'Opéra-Comique, reprise des Voilures versées, par
Henri Blanchard. — Auditions musicales, par le même. — Quatrième et
dernier concert donné par l'Association des artistes musiciens. —Correspondance,
Bruxelles. — Nouvelles et annonces.
MjJE *wmjif m mm a w t.
GRAND OPÉRA EN CINQ ACTES.
LA. JDEtt'S»na5Q"3î.
(2e article.)
Dès la deuxième scène du premier acte du Juif errant jusqu'à la
dernière, la couleur est sombre ; il était donc nécessaire qu'au lever
du rideau il y eût de l'entrain , de la gaîté, pour former l'opposition
sans laquelle on n'aurait pu éviter la monotonie. Les auteurs du poëme
et le compositeur de cet ouvrage ont trop d'expérience des effets
scéniques pour n'avoir pas satisfait à cette nécessité. La première scène
offre donc ls spectacle d'une fête flamande sur les bords de l'Escaut ,
et l'introduction de l'opéra est un chœur animé dont les premières
paroles sont :
C'est jour d'allégresse ,
De grande liesse ;
C'est de la kermesse
Le plus beau moment , etc.
Ce chœur n'est pas précédé par une ouverture, mais par quelques
mesures d'un caractère mélancolique, en harmonie avec le sujet. L'ou-
verture est faite, dit-on ; mais la longueur de la représentation a im-
posé l'obligation de la supprimer. 11 est vraisemblable qu'elle sera
exécutée quand , devenus plus habiles dans la pose des décorations,
les machinistes feront les entr'actes plus courts.
Il y a de la verve dans le chœur d'introduction : son instrumentation
est brillante, et présente une des rares occasions où le compositeur a
cru devoir faire usage des ressources bruyantes de l'orchestre. Elles
y sont une nécessité ; car, opéra à part , il y a toujours grand brui.
dans les fêtes patronales qu'on désigne en Belgique par le nom de
kermesse. Jo devrais dire plutôt il ij avait, car ces traditions du moyen-
âge s'en vont avec leur gaîté, comme beaucoup d'autres choses que
notre morosité a remplacées. Interrompu par les divers appels que
font les marchands aux promeneurs, le motif du chœur reprend en-
suite.
Celui des matelots qui le suit immédiatement est d'un rhythme
brisé, mais régulier, qui produit beaucoup d'effet. Les auteurs du livret
font dire à ces matelots :
Changeons de vins et d'amours
Tous les jours.
Ce qui sent un peu plus la Courlille que les rives de l'Escaut, où les
matelots n'ont jamais bu d'autre vin que la bière. Au reste, je ne veux
pas les chicaner sur ce petit oubli de la tradition locale. La dernière
reprise du chœur : C'est jour d'allégresse, termine toute la partie gaie
du premier acte.
Dans ce qui suit, et pour amener la ballade qui rappelle la légende
du Juif errant, le récitatif est rempli de traits excellents par la justesse
de la déclamation. Ce mérite n'a vraisemblablement pas été remarqué
dans l'émotion des premières représentations : c'est pour cela que
je crois devoir le signaler.
Autrefois, la ballade, la romance et la chanson étaient de droit dans
le domaine de l'opéra comique ; le grand opéra classique aurait cru sa
dignité compromise, s'il eût emprunté ces formes un peu trop légères.
Il lui fallait de grands airs et de longs récitatifs. Pour exprimer à son
ingrat amant l'amour dont elle est passionnée, Didon lui disait dans
un large et ravissant cantabile :
Ah ! que je fus bien inspirée,
Quand je vous reçus dans ma cour !
Elle lui chanterait cela aujourd'hui en deux ou trois couplets de ro-
mance, au grand scandale du vieil amateur de V Académie royale de
musique, s'il vivait encore. Pour moi , dont l'éclectisme s'accommode
de toute bonne chose, quelle qu'en soit la forme, je n'ai nul regret à
l'introduction de la ballade et de la romance, voire même de la chan-
son, dans un opéra... du Grand-Opéra. Les antagonistes de ce qu'ils
appellent la pilite musique objectent contre les chants en couplets,
qu'on ne trouve rien de semblable dans les ouvrages de Gluck et des
grands maîtres de l'Italie; mais qu'en peut-on conclure? si ce n'est
que celte forme n'avait point encore pénétré dans leur école. Mozart,
l'homme des grandes choses et des inventions, n'en a-t-il pas fait un
heureux usage dans la sérénade de Don Juan, dans l'admirable romance
en mi bémol de la Flûte enchantée, et dans les couplets de Zarastro ?
Rossini n'a-t-il pas eu une sublime inspiration dramatique dans la ro-
mance du Saule, au troisième acte i'Otello? Les partisans exclusifs
de la musique frivole, et les fanatiques revêtus de cuirasses impénétra-
bles aux nouveautés de leur temps, sont également inhabiles à com-
prendre l'art dans sa largo acception. Lorsque le chant en couplets est
dans le sentiment et dans la situation du drame, il faut l'y mettre ;
mais il ne faut.pas en abuser ni ramener tout l'opéra aux formes étroites
et faciles. Je demande pardon à mes lecteurs de cette longue digres-
sion ; mais j'ai cru devoir saisir cette occasion pour répondre à cer-
taines critiques dont mes oreilles ont été rebattues depuis quelques
jours, sur ce qu'il y a dans le Juif errant une ballade et deux ro-
mances.
Revenons à la ballade d'Halévy. Celle-là est certes bien à sa place ,
et l'air, quelle qu'en fût la forme, ne pourrait la remplacer ; car la bal-
lade, c'est la complainte du moyen-âge, et la complainte était le chant
populaire qui conservait toutes les légendes, toutes les traditions histo-
146
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
riques. La mélodie de cette ballade résout le problème assez difficile
d'avoir de la distinction sans perdre le caractère d'un chant populaire.
Le compositeur a eu une heureuse idée en la terminant par le trait lan-
guissant de la clarinette et du basson sur lequel Théodora répète les
paroles : Marche ! marche! etc. ; il y a dans ce passage une couleur
des vieux temps qui est charmante, et dont le caractère inspire la mé-
lancolie.
La scène du couvre-feu qui vient ensuite est regrettable, parce qu'elle
reproduit une situation des Huguenots, qu'elle a mis le compositeur
dans la nécessité de donner un caractère trop chanté aux paroles de
l'officier qui fait retirer le peuple, afin d'éviter la ressemblance avec le
passage de la musique de Meyerbeer, véritable trouvaille pour cette
situation.
Ce léger défaut est racheté par le chœur des bandits qui envahissent
les rues et les places de la ville d'Anvers pendant la nuit. L'énergie
sauvage de ce morceau est très-caractéristique et a beaucoup d'origi-
nalité. Tout concourt à préparer l'effet de ce chœur. Après la retraite
du peuple, l'orage gronde, et au milieu d'une obscurité profonde, une
lueur fantastique brille sur les remparts de la ville. En ce moment,
Ashvérus (le Juif errant), dont la tête est accidentellement éclairée d'une
façon bizarre, traverse lentement ces remparts et disparaît dans l'om-
bre. La musique, par sa couleur sombre, ajoute à l'effet de cette appa-
rition mystérieuse. L'imagination des spectateurs est émue : c'est en ce
moment que les bandits se précipitent sur la scène par toutes les issues,
disant à demi-voix et sur un rhythme très-heureux :
Au loin, tremblez tous!
La rue est :\ nous !
Enfants de la nuit,
L'ombre nous sourit;
Sitôt qu'elle vient,
Tout nous appartient, etc.
Au milieu de ce chant puissamment caractérisé accourent d'autres
brigands chargés de dépouilles et portant un enfant qui doit jouer un
grand rôle dans l'ouvrage ; car cet enfant n'est autre qu'Irène, fille de
Baudouin et future impératrice d'Orient. Enlevée à sa mère, la comtesse
de Flandre, que les bandits ont surprise dans sa litière et massacrée ,
elle est déposée sur une pierre où elle s'endort. Le chœur continue, et
les nouveaux venus expliquent leur crime sur le même rhythme ; puis,
suspendu par un récitatif dans lequel le chef des bandits, Ludgers, leur
explique le danger dont les menace la mort de la comtesse de Flandres,
il reprend bientôt son premier thème :
La ville est à nous!
Au loin tremblez tous !...
La couleur locale est saisie dans tout cela par Halévy avec une grande
puissance de talent. La suite n'est pas moins remarquable; car lorsque
la vie de la fille de Baudouin, menacée par les bandits, est sauvée par
l'apparition inattendue du Juif errant, qui les frappe de terreur, l'inté-
rêt se concentre sur un ensemble d'une grande beauté , dans lequel
Ashvérus fait entendre un chant large et pathétique sur ces paroles :
Du Dieu, dont la colère
Réduit tout en poussière,
Redoutez la fureur!....
Le chœur qui l'accompagne ajoute beaucoup à l'effet de ce chant, et
lui fait produire sur l'auditoire une profonde impression.
Mis en fuite par un geste d'Ashvérus, les bandits se dispersent, et la
scène de mouvement et de terreur qui vient d'émouvoir le public est
suivie d'un monologue où est intercalé un très-beau cantabile bien
chanté par Massol. Cette mélodie gracieuse et douce :
Ali ! sur ton front de rose,
Mon pauvre et bel enlant,
Que mon œil se repose,
Hélas! un seul moment!
cette mélodie, dis-je, était nécessaire pour former une opposition de
coloris avec les teintes sombres par lesquelles le compositeur a exprimé
les douleurs d'une vie misérable condamnée à n'avoir pas de fin.
Dans la scène suivante, toutes ces douleurs renaissent, et le beau duo
d'Ashvérus et de Théodora, qui commence par ces mots :
THEODORA.
Un pauvre voyageur...
ashvérus.
Errant et misérable! ..
THEODORA.
Que brise la fatigue...
ASHVÉRUS.
Et que la soif accable !
en est l'expression forte et passionnée. La situation est des plus dra-
matiques. Mes lecteurs savent, par le très-lucide exposé de l'ouvrage
dû à mon collaborateur, que Théodora, simple batelière, et la fille de
Baudouin, destinée au trône de l'empire d'Orient, descendent toutes
deux de Noéma, fille d'Ashvérus. C'est à la première que l'infortuné
confie le faible enfant tombé en ses mains par un miracle de la Pro-
vidence. Le temps vole, dit-il, et je dois me presser. En effet, bientôt
résonne dans les airs le bruit terrible des trompettes célestes qui l'o-
blige à marcher sans cesse : un tourbillon l'entraîne. Il y a là, dans le
chant d'Ashvérus, une phrase très-belle : Fille chérie, à loi ma vie,
qui revient admirablement dans l'ensemble. En général, la mélodie est
simple, sentimentale et pathétique; l'instrumentation, sobre de bruit,
colore le chant par des effets très-heureux.
Tel est le premier acte, au point de vue de la musique. L'intérêt n'y
languit pas un instant. Le ton est varié; les oppositions y sont fré-
quentes, et les impressions qu'il produit laissent dans l'âme des spec-
tateurs le besoin impatient de suivre les développements de cette belle
œuvre dans les actes suivants.
Douze ans se sont écoulés dans l'intervalle du premier acte au se-
cond. Irène, Léon, ne sont plus des enfants ; des voix nouvelles de
soprano et de ténor vont donc fournir au compositeur de nouveaux
moyens d'expression et d'effet. Un sentiment qui, d'ailleurs, est l'âme
des impressions les plus puissantes de la musique, et dont il n'y a pas
de trace dans le premier acte, va se manifester ici par ses élans les
plus passionnés. L'amour, puisqu'il faut l'appeler par son nom. l'a-
mour, ce thème éternel des plus belles créations de l'art dramatique,
va présenter au musicien l'occasion d'inspirations dont le caractère
sera, nécessairement, très-différent de. celles par lesquelles il a coloré
la première partie de son ouvrage. Léon, épris d'une passion violente
pour Irène, qu'il croit sa sœur, est en proie aux remords, et déteste
son amour sans pouvoir le vaincre. C'est dans ces combats d'une âme
ardente, mis en opposition avec la candeur d'une jeune fille innocente,
que l'art triomphe, et que la musique a un incontestable avantage sur
tous les autres arts.
Après un court récitatif qui expose la situation entre Irène, Léon et
sa sœur Théodora, commence un trio plein de charme. Chacun des
personnages y exprime ses sentiments dans le caractère qui lui est
propre ; Irène, par cette phrase charmante, d'un rhythme cadencé,
mais doux et gracieux :
Dans ce riant asile
S'écoulent mes beaux jours.
Théodora, par la même phrase transposée une quarte plus bas, dit
l'intérêt que lui inspirent les deux jeunes gens auxquels elle a consacré
sa vie. Léon y parle de ses tourments, et des remords stériles qui le
poursuivent la nuit, le jour. La terminaison de ce morceau est cha-
leureuse et accentuée. Si je ne me trompe, ce trio a été originairement
plus développé, et je pense qu'il devait s'y trouver des retours de
phrases dont on sent le besoin, au point de vue musical ; mais, tel qu'il
est, son effet est très-séduisant.
Au caractère doux et gracieux de ce trio succède un morceau d'un
genre très-différent, et l'un des plus importants de l'ouvrage : je veux
parler du quatuor de Ludgers et de trois autres bandits du premier
acte, qui, dans l'intervalle, se sont faits marchands d'esclaves et, comme
ils disent, ont parcouru l Asie, exploité la Géorgie, et dépeuplé la
Circassie. C'est, je crois, le premier exemple qu'on ait eu au théâtre
d'un quatuor pour quatre voix de basse. Rien de plus heureux que la
conception de cette scène, à cause de la variété qu'elle introduit dans
un sujet sérieux. L'objet de la scène est comique, et le compositeur
DE PARIS.
147
lui a donné le caractère bouffe de l'ancienne école italienne. Heureuse-
ment servi par ses inspirations, il a réussi complètement sa compo-
sition, sous le triple rapport du rhj llimc, de l'originalité et de la com-
binaison des voix et de l'instrumentation. Le morceau appartient au
genre que les Italiens appellent note et parole; genre dans lequel l'in-
térêt est en partie dans l'orchestre. Vers le milieu, le mouvement change
et les développements du nouveau motif sont assez étendus, à cause de
la quantité de paroles données par les auteurs du livret, à celui de la
musique. Les auteurs n'avaient pas songé à ramener le premier thème ;
mais Halévy a compris que l'effet du morceau exigeait ce retour de
l'idée principale.
Restée seule avec Léon, après que Ludgers et ses compagnons sont
entrés dans sa demeure pour y recevoir l'hospitalité, Théodora inter-
roge son frère sur la cause de sa tristesse. Celte scène est le sujet d'un
très-bon duo. Dans un phrase pleine de tendresse, Théodora dit à
Léon :
A moi, ta sœur et ton amie,
Dis-moi qui troulile ton repos.
Laisse-moi consoler ta vie,
Laisse-moi partiigcr tes maux.
Ce duo, bien que favorablement coupé pour la musique par les di-
verses péripéties sentimentales qui appartiennent au sujet, était très-
difficile à faire, précisément à cause des changements de situations qui,
modifiant les sentiments, ne permettaient pas de ramener régulière-
ment certaines idées principales. Ce genre de difficulté, dont le public
ne peut se rendre compte, exerce un très importante influence sur la
conception d'un morceau de musique dramatique. Par exemple, lorsque
Théodora, voyant ledésespoir de son frère, à l'idée d'un amour criminel
inspiré par Irène, lui dit : Elle n'est pas ta sœur! tout change, et l'espoir,
prenant la place du découragement dans l'âme de Léon, doit lui suggé-
rer d'autres chants, une autre expression de sa situation morale. Plus
loin, lorsque Théodora oppose aux espérances de son frère le refus de
l'unir à Irène, dont elle seule connaît les hautes destinées, de nouveaux
sentiments agitent les personnages et exigent des accents tout diffé-
rents. Enfin, quand Léon, dans l'espoir qu'Irène aura plus d'empire
sur l'esprit de sa sœur, va la chercher, et tout-à-coup revient en s'é-
criant : Irène!.... disparue!.... enlevée!.... ce n'est plus l'amour qui
parle, mais le désespoir, la fureur, el désir de la vengeance tout en-
semble. Certes, de toutes ces passions si diverses doit résulter la va-
riété d'expression; mais l'unité, qui est le produit du développement
régulier des idées, où le compositeur la mettra-t-il? Une seule ressource
lui reste, à savoir, l'abondance des mélodies caractérisées par chacune
des situations préparées par le poëte. Cette ressource a été celle des
inspirations d'Halévy. Aussi lorsqu'il a voulu exprimer le bonheur de
Léon à l'idée qu'Irène n'est pas sa sœur, il a mis dans sa bouche une
mélodie adorable sur ces paroles :
O mon Dieu! n'est-ce pas un songe,
Un séduisant mensonge,
Qui vient ravir mon cœur 1
Elle n'est pas ma sœur ! ! !
Ces beautés, que l'artiste puise dans les ressources mystérieuses de
son talent, ne sont pas appréciées d'abord à leur juste valeur ; le temps
seul en fait connaître le prix. Le dernier mouvement, Viens, suis
mes pas, est chaleureux et animé. Là encore j'ai cru reconnaître des
coupures qui ne laissent pas revenir un motif dont la répétition aurait
été nécessaire; mais telles sont les exigences de la scène française, que
ia musique est souvent sacrifiée à de certaines situations qui demandent
de la rapidité. Rossini n'était disposé à aucun sacrifice sur ce point. En
artiste de premier ordre, il avait modifié son style pour l'approprier
à l'opéra français, mais il avait déclaré à l'administration de l'Opéra,
qu'ayant écrit son Guillaume Tell pour qu'il eût toutes les conditions
de l'art, il retirerait sa partition si, sous prétexte de l'action drama-
tique, on prétendait en ôter quelque chose. Un compositeur français,
aussi connu par la finesse de son esprit que par ses brillants succès, a
dit quelquefois que le public ne regrette pas ce qui lui est inconnu; je
ne puis admettre que cette maxine soit parfaitement juste. Sans doute,
il ne regrette pas tel ou tel morceau dont les auteurs ont cru devoir
faire le sacrifice pour l'effet général d'un ouvrage ; mais s'il ne sait pas
qu'on a coupé certaines parties d'un air, d'un duo, d'un morceau d'en-
semble, d'un final, il sent instinctivement qu'il y manque quelque
chose, lorsque la coupure empêche le retour nécessaire d'une idée in-
téressante.
Le deuxième tableau du second acte est, pour ainsi dire, tout d'une
pièce, au point de vue de la musique, sauf l'intermède dansé qu'on y
a introduit non-seulement pour la variété, mais pour amener la situa-
tion, qui est en quelque sorte le point culminant du sujet. Le chœur du
feu de joie de la Saint-Jean est le commencement de ce grand final.
Le rhythme très-accentué de ce morceau est d'un bel effet et d'un ca-
ractère animé qui prépare bien les scènes suivantes. Immédiatement
après commence le divertissement des esclaves, où se trouvent de jolis
morceaux pour la danse. Cette partie de l'ouvrage a pour but d'amener
la présentation d'Irène à Nicéphore par Ludgers, qui l'a enlevée. Ici la
scène est très-vive ; mais la manière dont elle est disposée par les
auteurs du livret donne à la musique un caractère de récitatif jusqu'à
l'apparition du Juif errant qui , seul, vient au [secours de la fille de
Baudouin. C'est dans des situations semblables que la musique fait sen-
tir sa domination dans le drame. Que serait la simple parole auprès
des énergiques accents donnés par le compositeur à la voix qui dit :
Arrêtez!... Peuple, écoutez ma voix!
Souffrircz-vous nue captive, on entraine
L'héritière du trône et le sang de vos rois ?
La fille de Baudouin!... et votre souveraine!
Là est toute une péripétie musicale : l'art s'y saisit de tous ses droits.
Il ne s'agit plus de rapidité d'action, d'exigences de la scène, ni d'au-
tre chose que du développement des formes de la musique dans le
système de l'opéra moderne. Lorsque les flammes du bûcher sur le-
quel on a mis Ashvérus se sont éteintes à sa voix, et lorsque le peuple,
frappé de ce miracle , croit entendre l'arrêt de Dieu , alors , dis-je ,
commence un de ces larges morceaux d'ensemble comme Halévy sait
en faire, pleins d'émotion et taillés sur les plus grandes proportions.
Celui-ci se termine de la manière la plus brillante par le chœur : Que
l'orgueil tombe et fléchisse.
FÉTIS père.
(La suite au, prochain, numéro.)
THÉÂTRE DE L'OPÉHÀ-COMIQÏÏE.
ISeps-ise des ^ffllTSJRES YEKSÉES.
La mélodie naturelle, aisée, carrée même, unie à l'harmonie simple
et rationnelle, dans laquelle intervient une instrumentation sobre,
claire et pas trop bruyante, a décidément des droits imprescriptibles.
La reprise du charmant opéra des Voilures versées vient de le prouver,
comme l'a prouvé la remise en scène de Richard-Cœur-de-Lion, du
Déserteur, du Tableau parlant, du Calife el de Joseph. On peut le
dire, c'est un joli spectacle à ravir la pensée que d'assister à la re-
présentation d'une pièce faite par deux hommes aussi spirituels que
l'étaient Dupaty et Boïeldieu. Le libretto des Voilures versées est un
canevas très-musical. L'idée qu'a ce M. Dormeuil ds faire disposer
les abords de sa propriété, sise sur le bord de la grand'route, de façon
que la diligence lui verse des convives, est originale et fort amu-
sante, et les personnages épisodiques qui surgissent de ce versement ne
le sont pas moins. La lutte du fat et de la coquette qui font de l'amour
ironique, de la rouerie enfin, se termine par un mot très-piquant de
Mme de Melval. Tout cela est gai, spirituel, divertissant et parfaitement
du genre de l'opéra comique. Quant à la musique, on semblait avoir
oublié que c'est un chef-d'œuvre de mélodies gracieuses et de déclama-
tion musicale aussi ingénieuse que vraie. Le public a été surpris comme
à unepremière représentation. Sans qu'il soit besoin de citer la plupart
des morceaux d'un sucjôs consacré, tels que : Apollon toujours pré-
side, etc., Partons pour ce charmant voyage, etc., le final du premier
148
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
acte, la leçon de musique par l'enseignement mutuel, dans laquelle se
dessine un fort joli canon, nous constaterons ici que le pont-neuf:
Au clair de la lune, mon ami Pierrot, a obtenu un succès d'enthou-
siasme et a été bissé. C'est qu'il faut le dire : rien de plus frais, de plus
élégant que ce chant populaire traité ainsi. C'est toute la grâce de la
mélodie italienne unie à l'esprit musical français. M. Bussine et
Mlle Miolan l'ont chanté délicieusement. Timbre agréable et justesse
dans l'organe du premier de ces deux artistes, en qui l'on voudrait un
peu plus d'ardeur vocale, de fougue artistique, et timbre également
flatteur dans la voix de la seconde, qui évolue en vocalisation avec la
netteté, le brio et la justesse d'intonation des touches d'un excellent
piano d'Erard ou de Pleyel.
Le rôle brillant de Mme de Melval a été joué et chanté par Mlle Fa-
vel d'une manière brillante, et qui prouve, beaucoup mieux encore
que le talent dépensé par elle dans le rôle de Nina, tout le parti que
l'Opéra-Comique peut tirer d'elle. Que cette jolie actrice-cantatrice
mette un peu d'économie dans son jeu, dans sa vocalisation ; et ses
auditeurs y gagneront, comme elle, au point de vue du naturel et de la
simplicité, fille de la vérité dramatique qui ne laisse pas que d'avoir
son prix."
Entendez Sainte-Foy chanter le rôle de Cassandre dans le Tableau
parlant, et vous serez convaincus qu'il ment quand il dit, d'une ma-
nière si comique, dans les Voitures versées, qu'il a perdu son sol. Ce
qu'il n'a, certes, pas perdu non plus, c'est la faculté de faire rire fran-
chement le public.
Cette représentation a été une véritable fête d'art national.
Henri BLANCHARD.
ADDITIOSfS MUSICALES.
M. SIASSAGr"»".
Comme il y a eu plus de concerts cette année que toutes les précé-
dentes, il a été plus difficile à ceux qui les ont donnés de se distinguer,
de se faire un nom, et même de conserver ou d'augmenter celui qu'ils
avaient. C'est surtout à propos de l'art musical que les auditeurs
redisent cet axiome poétique : Il nous faut du nouveau, n'en /ut-
il plus au monde. Or, ce n'est pas précisément par la nouveauté que
M. Stamaty a essayé de se distinguer dans les trois séances musicales
qu'il a données dans la salle de l'Association des artistes-musiciens
les là, 24 et 28 avril. Bien que les solistes de ces concerts soient
ses élèves, c'est par les œuvres qu'il leur a fait exécuter qu'il a su
donner une physionomie à ces exhibitions de musique rétrospective
et classique.
M. Stamaty a fait pour la musique de chambre et de piano ce que les
fondateurs de la Société des ccncerls ont fait pour la symphonie ; il a
visé et, pour ainsi dire , réussi tout, d'abord, à tracer une nouvelle
voie aux jeunes pianistes, en leur faisant exécuter les meilleurs ouvra-
ges de Mozart, de Beethoven, de Weber et de Mendelssohn pour piano,
avec accompagnement d'orchestre. C'est faire marcher de front l'édu-
cation des solistes et des auditeurs ; c'est lutter généreusement contre
le triomphe de la fantaisie ; c'est inviter le public à se faire des idées
et des plaisirs plus graves que ceux que lui laissent dans le souvenir la
plupart des matinées et soirées musicales. Ecouter les tutti des beaux
concerts des grands maîtres que nous venons de citer, c'est, pour ainsi
dire, assister à l'audition de nouvelles symphonies de ces maîtres peu
connus de la génération actuelle. C'est un plaisir, un bonheur artis-
tique que M. Stamaty a fait goûter aux véritables amateurs des solos
de piano, unis à de beaux effets d'orchestre.
Parmi les interprètes de cette belle et bonne musique, on a remar-
qué MM. Zompi et Lafitte, Mlles Picart, Vautier, Magnin, et Mlle Worms,
qui a dit le concerto en soi mineur de Mendelssohn, en faisant faillir
toutes les finesses mélodiques et harmoniques, toutes les nuances, le
brio, la richesse, l'imagination du trait et le style dramatique de cette
belle œuvre.
Les solistes qui ont secendé M. Stamaty, MM. Alard, Cuvillon et
Chevillard, et les accompagnateurs, parmi lesquels figuraient la plu-
part des artistes du Théâtre-Italien, ont fait de ces séances de fort in-
téressants concerts qui peuvent être considérés comme un très-utile
complément, comme le dernier mot de l'enseignement du piano.
M. Stamaty s'y est montré professeur dévoué à l'art, h ses élèves, et
de plus, excellent chef d'orchestre.
!S. HAîSEïïSIÎBEIÏ.
Ce nouveau Messie instrumental, ce Mahomet du piano, ce Calvin
du doigter, que l'on annonce comme un réformateur, à qui l'on fait
dire qu'il faut brûler ce que nous avons adoré en fait de méthode, a
donné son second concert chez Pleyel, un mois après sa première audi-
tion, dans laquelle il avait dit son dernier mot, à ce qu'il paraît, en fait
d'évolution sur le clavier, car il a redit, à peu de chose près, ce qu'il
nous avait fait entendre la première fois. Il résulte de cette seconde
audition, comme de la première, que M. Haberbier est un artiste de
talent, un charmant pianiste qui a plus de dextérité que de son , plus
d'adresse que de sensibilité, et qui comprend mieux le trait que le
chant; et quant à ses procédés de nouveau mécanisme, il n'est pas de
pianiste un peu expérimenté qui ne les trouve épars dans les études
de Kalkbrenner, de Czerny, dans la musique de Liszt surtout, et même
dans des variations de Henri Herz.
SïM. ESAEEI^'S ET ©Jt.MCIL.S.
Le directeur du Gymnase-Dramatique, aussi adroit qu'heureux dans
le choix de ses pièces, a voulu prouver aussi son intelligence musicale
en donnant l'hospitalité à M. Bazzini, le violoniste prestidigitateur. Le
public habituel de ce théâtre a su gré de cette diversion artistique à
M. Montigny et au virtuose milanais en applaudissant vivement cha-
cune de ces charmantes séances musicales, M. Bazzini nous a fait aussi
entendre, au dernier concert donné par l'Association des artistes mu-
siciens, un concerto en mi" majeur, de sa composition, d'une coupe
nouvelle et d'une difficile exécution, s'il peut y avoir quelque chose de
nouveau en fait de difficulté. Cette qualité, si c'en est une, doit tou-
jours se montrer scus l'aspect de la grâce et de l'aisance, sous peine
d'impressionner péniblement l'auditeur ; et M. Bazzini, dont l'archet
est si preste, le trille si brillant, les doubles octaves si justes, le son
même plus nourri, plus plein et plus puissant depuis les observations
qui lui ont été faites, ne s'est pas montré assez Auriol , si l'on peut
s'exprimer ainsi, pour l'exécution des casse-cous dont il a parsemé son
concerto qui, du reste, a produit un excellent effet.
M. Charles Dancla est un de nos violonistes français les plus chaleu-
reusement corrects qui soient sortis de la belle école de Baillot, et, de
plus, il est compositeur distingué. Il a largement prouvé cette double
faculté artistique dans une matinée musicale qu'il a donnée, mercredi
dernier, dans les salions de M. Hesselbein, facteur de piano, rue Vi-
vienne. Un quatuor en /«mineur, un trio pour piano, enfin un quatuor
pour deux violons, alto et basse, sont les œuvres sérieuses et conscien-
cieusement faites qui ont été exécutées par l'auteur , ses frères,
M. Adolphe Blanc, et M. Auguste "Wolff, excellent pianiste, qui n'a qu'à
jeter un peu de ce lest de modestie qui le relarde dans l'ascension des
succès qu'il mérite et qui l'arracherait à ceux des salons qui ne mè-
nent à rien.
M»- B>B SEASVAB;.
Dédaignant la phrase consacrée : Depuis mon mariage, j'ai négligé
j'ai négligé tout ça, Mme de Grandval, née de Reiset, la cantatrice,
la pianiste-compositeur au talent gracieux, inspiré, mélodique et suf-
fisamment scientifique, n'a pas, heureusement, négligé tout ça depuis
son mariage. Dans une de ces matinées musicales où l'art moderne cô-
toie l'art classique, chez M. Gouffé, Mme de Grandval a dit elle-même
une charmante sonate peur piano et violon, avec M. Guerreau. Dans le
doute où nous sommes de savoir qui a été le plus applaudi du cam-
positeur ou des exécutants, nous renvoyons à une nouvelle audition
à résoudre la question. Dans la même séance, il a été dit un excellent
quintette en la majeur pour deux violons, alto, violoncelle et contre-
basse, de M. Georges Bousquet, œuvre de bonne musique, d'une bonne
DE PARIS.
149
logique, d'un style sévère, mais orné cependant d'un délicieux an-
(lante.
galiu-paris-chevé.
La dernière de ces individualités exceptionnelles et novatrices a fêté
la première par un grand concert donné dans la salle Saint-Barthé-
lémy, le 6 mai, en l'honneur de Pierre Galin, qui fut à l'art musical et
dans l'enseignement de la science des sons ce que voulurent être dans
l'organisme social Saint-Simon et Fournier.
Celte fête musicale, offerte gratis à la population de Paris, n'a pas
été sans pompe et sans intérêt. Si rien de nouveau en musique n'y a
été dit, ce n'est jamais sans plaisir qu'on entend Delsarte chanter
Gluck et Spontini. M. Lacombe a joué du piano de ce style rationnel
et classique qui n'aspire pas à revendiquer le privilège de l'enseigne-
ment de cet instrument , mais qui fait admirer la netteté, la pureté de
ce virtuose. M. Offenbach nous a fait entendre de belles mélodies du
Gxiillaume Tell de Rossini sur son violoncelle; et une masse imposante
de choristes a bien fonctionné dans V Hymne au Soleil, de Lesueur;
dans le Chœur des Esprits, tiré du final de Manfred, symphonie dra-
matique de M. Lacombe. Dans les fragments de Rulh et Booz, oratorio
biblique pour les voix, sans accompagnement, par M. Elwart, Mme Raby
a vocalisé d'une manière brillante, mais peu biblique. Toutes ces choses
ont provoqué les applaudissements de l'auditoire, comme, du reste,
elles les avaient déjà obtenus en maintes autres auditions.
ASSOCIATION ©ES AROTSWES MiUSSCISSS.
Cette Société philanthropique a donné en la personne de plusieurs de
ses membres une deuxième matinée de musique classique dans laquelle
on a entendu un fort bon quintette de M. Onslow (le 8e) où se trouve
un charmant andante en si bémol majeur avec variations; puis est venu
je trio en si bémol de Beethoven (dédié à l'archiduc Rodolphe) avec un
andante varié en si bémol ; et puis le fragment d'une sonate de Corelli
pour violoncelle et contrebasse avec variations sur les Folies d'Espagne ;
et puis la Bagatelle, de Beethoven, pour piano, dite délicieusement par
Mlle Maltman, et qui n'est qu'une délicieuse pensée variée avec autant
de grâce que d'esprit. La même virtuose nous a fait entendre un air va-
rié de Haendel. En ajoutant ne varietur à ce programme composé de
tant de variations, nous devons y joindre celles, toujours en si bémol
majeur, de l'andante d'un quatuor d'alto dites d'une grâce et d'une
suavité charmante par MM. Casimir Ney, Guerreau, Adolphe Blanc et
Lebouc.
Nous nous complairions ici volontiers à vous analyser le mérite de
cette composition, si nous ne pensions qu'on serait en droit de nous
dire alors : Vous êtes orfèvre, et qu'on pourrait nous appeler M. Josse
au lieu de Henri BLANCHARD.
QÏÏATBIÈBE ET DERNIER CONCERT
donné gérer fl'AssŒciaisoM «les An-tistea-lîlsîsiejeais.
L'Association a brillamment complété son œuvre de cette année.
Nous disions dernièrement ce qu'elle avait voulu faire et ce qu'elle avait
fait. Désormais elle possède une salle, un orchestre dirigé par un chef
excellent, M. Georges Bousquet : dès la saison prochaine, elle est prête
à entrer en lice, et h marcher sans embarras, sans entrave, dans la car-
rière ouverte par ses efforts intelligents.
Le dernier concert donné le vendredi, 30 avril, plus encore que les
précédents, a montré ce que l'art et les artistes devaient attendre de la
nouvelle institution. L'ouverture des Nozse di Figaro, chaleureuse-
ment exécutée et vivement applaudie, ouvrait la séance ; l'ouverture
de Démophon la terminait, et personne n'avait quitté sa place , per-
sonne n'avait voulu perdre l'occasion d'entendre cette admirable com-
position, marquée au cachet du génie, que l'orchestre a rendue avec
un vrai talent. Il en a été de même des fragments d'une symphonie,
andante et scherzo, de M. Lavainne, dont nous connaissions le nom
beaucoup plus que les œuvres, et que nous sommes heureux d'avoir
pu apprécier.
Deux trios , l'un des Artistes par occasion , de Calel , l'autre de
V Hôtellerie portugaise, de Cherubini, constituaient la partie vocale du
concert. Ce sont des élèves du Conservatoire, MM. Jubclin, Boulanger,
Sautot et Beaupré, qui ont chanté ces morceaux classiques, peu connus
de la génération actuelle, et pourtant si dignes de figurer comme mo-
dèles du genre dans un musée lyrique.
Lefébure-Wely a exécuté sur l'orgue à percussion de M. Alexandre
une charmante fantaisie, dont les thèmes étaient tirés du Freischûts ;
MM. Jules Simon et Léon Magnier ont supérieurement joué un très-
bon duo concertant pour deux flûtes, composé par le second des
exécutants; enfin, Bazzini, le violoniste charmant et supérieur, s'est
fait entendre deux fois, dans une fantaisie sur des thèmes napolitains,
et dans un concerto de conception originale. Les bravos n'ont pas
manqué à cet éminent artiste, qui jamais n'avait mieux mérité cet
hommage, dont, par bonheur, l'habitude ne diminue pas le prix.
Maintenant, à la saison prochaine ; et, en attendant, rendons grâce
à M. Georges Bousquet, qui l'a préparée de telle sorte que le résul-
tat n'en saurait être douteux. B.
Bruxelles, 28 avril 1852.
Nous touchons à, la fin de notre année lyrique. Dans quelques jours le
Théâtre-Royal fermera pour quatre mois; ainsi en a décidé le Conseil
communal, sur la proposition du directeur, qui ne prévoit pas pouvoir
soutenir son spectacle pendant les chaleurs de l'été. Les derniers jours
de la saison ont été employés d'une manière active.
Parmi les événements de fraîche date que j'ai à enregistrer, figure en
première ligne l'apparition de Casilda, opéra du duc régnant de Saxe-
Cobourg, traduit par un jeune littérateur belge. La pièce est longue; mais
elle n'est pas amusante. Fâcheuse compensation, n'est-ce pas? C'est un
imbroglio allemand dont s'accommodent difficilement des spectateurs ac-
coutumés à la lucidité des pièces françaises. Du reste, je n'ai pas l'in-
tention de m'occuper plus que de raison du poëme de cet opéra, si
poésie il y a. C'est de la musique qu'il s'agit.
La première question qu'on adressera au critique chargé de rendre
compte de l'opéra du duc de Saxe-Cobourg, c'est celle-ci : « Est-ce de la
musique de grand seigneur ou de la musique d'artiste? » Je vous avouerai
que je ne fais pas grande différence entre les deux. Pour moi la musique
est toujours de la musique, que son origine soit aristocratique ou plé-
béienne. Si elle est mauvaise, je la proclame telle, quand elle serait d'un
prince; si elle se recommande par des qualités réelles, je rendrai justice
à son mérite, fût-elle du dernier des apprentis. Vous me direz qu'il n'y a
pas grand courage à cela, vu le peu de façon avec lequel on traite, de
nos jours, les puissants de la terre. Eh bien, retournez la proposition, si
vous voulez, et dites qu'un bon opéra sera toujours un bon opéra, lors
même qu'il serait d'extraction royale.
Il y a dans la partition de Casilda des motifs qui ne manquent pas d'é-
légance; mais, chose singulière, ce n'est pas là le côté le plus méritant
de cet ouvrage. Je dis chose singulière, parce qu'il n'y aurait rien de sur-
prenant à ce qu'une tête couronnée eût autant d'idées et des idées aussi
ingénieuses que le premier cerveau venu. C'est une affaire de nature, et
la nature, très-heureusement, répartit ses dons en aveugle. La correction
des formes scientifiques, la régularité des marches harmoniques, l'en-
tente de l'instrumentation, voilà ce qu'il est surtout permis de louer dans
l'œuvre dont je vous parle. Or, ces choses, il a fallu les apprendre, et
vous trouverez sans doute comme moi qu'il est bien, de la part d'un
prince régnant, de prendre l'art assez au sérieux pour lui consacrer le
temps que réclame une éducation technique complète.
Je pourrais vous dire, exagérant un peu les faits, que Ca-ilîa a obtenu
un succès triomphal, car on l'a chaudement applaudi ; mais je ne me sens
pas en veine de flatterie. Je me bornerai à vous certifier que son succès
a été des plus honorables, et, en m'exprimant ainsi, je ne crains pas un
démenti.
Bien que Casilda soit un grand opéra, on l'a monté ici en opéra co-
mique, c'est-à-dire qu'il a été exécuté par nos artistes lyriques ayant le
genre léger dans leurs attributions : M. et Mme Barbot, Mme Cabel, etc.
La partie dramatique de l'ouvrage et les récitatifs s'en sont un peu res-
sentis.
Chose bizarre et qu'on cherche vainement à s'expliquer ici, la cour n'a
paru à aucune des représentations de Casilda ; on n'y a vu ni le roi, ni
les princes. Or, vous n'ignorez pas quel degré de parenté les lie à l'au-
teur de cet ouvrage. Il est des gens qui se demandent si l'on blâme en
150
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
haut lieu le duc régnant de Saxe-Cobourg de s'être exposé, comme com-
positeur, au jugement de la foule; d'autres pensent qu'il y a seulement
indifférence. Je suis plutôt porté à croire que c'est par discrétion que la
cour s'est abstenue de paraître aux représentations de Casitda, afin de
laisser le sentiment public se manifester en dehors de toute influence.
On pensait que le duc de Saxe-Ccbourg aurait la curiosité d'entendre
sa partition à Bruxelles. Cependant la loge royale est demeurée vide, comme
je viens de vous le dire. Quelques personnes affirment qu'il est venu in-
cognito, et qu'elles l'ont positivement reconnu dans la pénombre d'une
baignoire. Je vous livre cette assertion pour ce qu'elle vaut, n'ayant pas
été à même d'en contrôler l'exactitude.
Après la première représentation de Casilda , nous avons eu celle de la
Poupée de Nwcinberg, et le public a vivement applaudi la spirituelle mu-
sique de M. Ad. Adam, fort bien chantée par Mme Cabal, ainsi que par les
autres artistes.
J'ajouterai, pour établir notre bilan musical de la quinzaine, les reprises
des Visitandines et de Joseph. Cas deux vieilleries étaient presque des nou-
veautés, tant on les avait oubliées ; un long repos les a rajeunies. Ce sont
bien les Visitandines qu'on nous a rendues, et non pas le Pensionnat de
demoiselles ; on y voit le couvent, les nonnettes et Frontin-Hilarion. J.a
Belgique est un pays aussi catholique qu'il soit possible de l'être; on
y a autant et plus que partout ailleurs un profond respect pour la reli-
gion ; mais on ne pense pas que celle-ci puisse se trouver atteinte par les
facéties de Picart. La jolie musique de Devienne a été accueillie avec
faveur.
Je ne m'attendais pas, je l'avoue, à voir nos dilettantes faire une aussi
bonne contenance en face de la musique simple et grave de Méhul. Les
mélodies bibliques de Joseph n'ont pas été moins applaudies que ne le sont
les brillantes fantaisies des auteurs à la mode. Que les vrais amateurs
prennent goût à ces essais d'art rétrospectifs, cela se conçoit aisément ,
car, pour eux, il n'y a pas de mode; mais que le vrai public, que le pn-
fanum vulgus cède au charme d'une chose musicale d'il y a cinquante ans
sans se laisser arrêter par la date, il y a lieu de s'en étonner. On s'explique
d'autant moins le succès des reprises d'anciens ouvrages à Bruxelles,
qu'on y semble prendre à dessein toutes les mesures propres à empêcher
que ce résultat soit obtenu. Quand on tente des expériences semblables
à Paris, c'est avec tout le zèle et toute la prudence que l'objet comporte.
On apporte autant de soin à l'exécution et à la mise en scène que s'il s'a-
gissait d'un ouvrage nouveau. On ne veut pas qu'il puisse se dire : «Cela est
vieux, cela est suranné. » A Bruxelles, on s'y prend autrement: les rôles
sont généralement abandonnés aux acteurs secondaires, et ce qu'il y a de
plus fané dans les magasins semble être assez bon pour servir d'acces-
soire à la représentation d'un opéra du temps passé. Tout est fait pour
rebuter la foule, qui se laisse prendre, comme chacun sait, aux apparences
En dépit d'un si détestable système, dont on ne s'est pas encore départi
cette fois, Jusuph a eu un succès qui a dû faire tressaillir d'aise Méhul
dans sa tombe, si , comme je le crois, les auteurs conservent au delà de la
vie la susceptibilité de leur amour-propre.
Nous avons, eu pour terminer la campagne théâtrale, une bonne fortune à
laquelle nous ne nous attendions guère. Mlle Alboni traversait Bruxelles
dans un des capricieux itinéraires que règle seule sa fantaisie. Elle s'est
arrêtée pour nous donner une seale représentation. Ainsi en avait-elle
décidé, du moins ; mais il a fallu que, bon gré mal gré, elle cédât aux
sollicitations et parût une seconde, puis une troisième fois. Faut-il vous
dire dans quel opéra elle s'est fait entendre ? C'est dans celui dont la
puissance attractive semble devoir être éternelle, dans le Prophète, et je
ne vous dirai pas comment elle chante le rôle de Fidès; vous le savez de
reste. Je me bornerai à mentionner les nouveaux hommages rendus à sa
belle voix et à son talent vraiment sympathique, pour me servir d'un mot
dont a souvent abusé. C'est par le Prophète avec Mlle Alboni que le théâ-
tre royal a terminé la saison. On ne pouvait mieux finir. Puisse le début de
la prochaine campagne ressembler à cette clôture 1
NOUVELLES.
V Demain lundi, à l'Opéra, la huitième représentation du Juif errant.
%* Le succès de ce bel ouvrage suit une marche ascendante, qui n'a
pour limites que les dimensions même de la salle. Chaque soir, la foule se
presse et beaucoup d'amateurs ne peuvent se placer. Vendredi la recette
s'est élevée à 10,210 fr., et quoique nous ne soyons encore qu'à la hui-
tième représentation, la location se porte déjà sur la dix-septième. L'exé-
cution fait de plus en plus valoir l'œuvre entière, unanimement recon-
nue comme l'une des plus belles dont M. Halévy ait doté notre grande
scène lyrique.
*** L'engagement de Aime Tedesco vient d'être renouvelé.
*** Les chefs arabes qui sont à Paris en ce moment assistaient mercredi
à la représentation du Juif errant.
%* Levasseur est revenu à Paris en parfaite santé. Mardi dernier, il a
repris sa classe de déclamation lyrique au Conservatoire.
%.* Mme Ugalde sera bientôt remise de son indisposition, qui interrom-
pait les représentations de Galathée. On annonce sa rentrée pour le 17 de
ce mois.
*** H y aura spectacle aux Tuileries mercredi prochain, 12 mai. Le
Théâtre-Français jouera Mademoiselle de la Seiglière, et TOpéra-Comique
les R'.jndez-vous bourgeois.
*„* Demain lundi, pendant la messe basse qui sera célébrée par Mgr l'ar-
chevêque de Paris dans le Champ-de-Mars, et qui précédera la bénédic-
tion des drapeaux, les musiques réunies de tous les régiments de la
garnison de Paris exécuteront des morceaux de la messe de Sainte-Cécile
de M. Ad. Adam. Cette messe, qui appartient à l'Association des artistes
musiciens, a été arrangée avec beaucoup de talent par M. Klosé, profes-
seur au Conservatoire. Les parties instrumentales sont confiées aux musi-
ques d'infanterie; ce sont les musiques de cavalerie, dites musiques de
cuivre, qui interpréteront les parties vocales. Cette exécution, qui réunira
plus de 1,000 musiciens, sera dirigée par M. Klosé.
*.t* L'assemblée générale de l'Association des artistes-musiciens aura
lieu lundi 17 mai, à midi et demi , aux galeries Bonne-Nouvelle dans la
salle des concerts de l'Association.
*„* L'Association des auteurs dramatiques a tenu dimanche dernier sa
séance annuelle. Deux rapports ont été lus, l'un sur la situation générale,
l'autre sur la situation financière de la Société. M. Ferdinand Langlé,
comme trésorier, était chargé de ce dernier; mais en l'absence de son
collègue, M. Villeneuve, éloigné par une indisposition, le trésorier a as-
sumé la tâche des deux rapports. L'ensemble des droits perçus, pendant
l'exercice, se monte à 917,531 fr. 61 c , qui se divisent ainsi : pour Paris,
705,363 fr 56 c; pour les départements, 195,450 fr. C7 c, et pour la
banlieue, 16,717 fr. 38 c. L'ensemble des droits ne s'était élevé en 1850-
51 qu'à «95,368 fr. 67 c, et celui de 1849-50 qu'à 723,982 fr. L'augmenta-
tion est doncdel93,5Zi9fr 61c. sur l'avant-dernier exercice, etde 22,162 fr.
9Zi c. sur le dernier. La perception des droits en Algérie dépasse 4,000 fr.
C'est pour la première fois que les auteurs français peuvent montrer des
bordereaux de recettes effectuées à l'étranger. Grâce aux traités de ga-
ranties internationales [conclus depuis quelques années, nous avons, on
le sait, obtenu le maintien réciproque de la propriété littéraire. Ces traités
sont enfin en voie d'exécution. Après bien des luttes prolongées et bien
des fins de non-recevoir, les agents de l'association sont parvenus à per-
cevoir des droits à Chambéry, à Nice, à Turin. Mais ces premiers résultats
sont assez insignifiants; ainsi Turin n'a fourni que 500 fr., précieuse ré-
colte toutefois en tant qu'inauguration du grand principe qui vient d'être
consacré. Bientôt le Portugal et le Hanovre seront organisés sur les mêmes
bases, et dans quelques mois l'Angleterre elle-même entrera en compte
avec l'association. Les conventions consenties avec la Grande-Bretagne
sont surtout d'une haute importance comme exemple et comme résultat;
car cet État consacre non-seulement la propriété des pièces lorsqu'elles
sont jouées dans leur langue native, mais encore il maintient leurs droits
lorsqu'on les fera jouer sous la forme de traductions ou d'imitations.
Toutefois, dans l'exécution, les stipulations réglementaires exigent le con-
cours d'un certain nombre de formalités assez minutieuses, et pour con-
server leur propriété, les auteurs français seront forcés de faire veiller
sur elle avec soin, et de constituer une agence spéciale fortement or-
ganisée. L'association a pris à cet égard pour guide et pour conseil
M. Bouard, avocat de l'ambassade française à Londres. Après la lecture
des rapport*, on a procédé au remplacement de MM. Viennet. président,
Grisar, Labiche, Langlé et Lockroy, membres sortants. L'assemblée, com-
posée de 80 membres, a choisi pour président M. Scribe, Ont été ensuite
nommés: MM. Laffîtte, Dupeuty, Batton et Amédée Lefebvre.
%* La presse anglaise est unanime à proclamer1 le succès de la série
de concerts donnés à Londres par la nouvelle Société philharmonique
sous la direction de notre collaborateur, Hector Berlioz. Le troisième con-
cert a eu lieu le mercredi, 28 avril, et voici comment s'exprime le Times
à propos des fragments de la symphonie dramatique, Roméo et Juliette
qu'on y exécutait pour la seconde fois : — « Les fragments de la sym-
phonie dramatique sur laquelle nous avons déjà fait connaître notre opi-
nion lors du premier concert de la nouvelle Société, ont été accueillis
avec une faveur si générale, que Berlioz doit être aujourd'hui considéré
comme ayant conquis dans l'estime du public la réputation d'un compo-
siteur de grand talent et de grande originalité. L'ne seconde audition, en
rendant cette musique extraordinaire plus familière à l'oreille, a décou-
vert tout un inonde de beautés qui n'avaient pas été saisies la première
fois, comme elle a prouvé que cette musique est beaucoup moins étrange
et moins difficile à comprendre qu'on n'a bien voulu le dire. Le dessin
général de l'œuvre, malgré sa très-grande longueur, et que la première
fois on peut être tenté d'accuser de confusion, devient plus clair à me-
sure qu'on le Jconnaît mieux. L'orchestre s'est surpassé dans l'exécu-
tion de cette musique si difficile, et la réception qui a été faite à l'auteur
a été si expressive, que les directeurs de la Société doivent sérieusement
se préoccuper de la nécessité de faire jouer la seconde partie de Roméo
et Juliette, ou au moins quelque autre œuvre de M. Berlioz. Le grand
morceau de musique descriptive, qui a pour titre le Rai chez Capulet, a
été redemandé avec le plus grand enthousiasme par le public; mais
M. Berlioz a été trop modeste pour accepter pour lui-même un honneur
qui venait d'être refusé à l'ouverture de Mendelssohn, les Iles de Fingal.
DE PARIS.
151
A la fin du concert, M. Berlioz a été salué par d'unanimes acclamations,
et il était déjà sorti de la salle, lorsqu'il y a été rappelé par le publie pour
recevoir encore de nouveaux témoignages de l'admiration universelle. »
%* Mme l'ieyel, qui est à Londres depuis peu de temps, a joué dans ce
mémo concert le Concert Sluck de YVeber. La célèbre pianiste a produit
tout l'effet qu'on devait attendre de son admirable talent. Itappelée après
le morceau, elle a dû reparaître au bruit des applaudissements redoublés
de la salle entière.
%* M. F.. Ilaberbier donnera, jeudi prochain 13 mai, à huit heures du
soir, salle llerz. un troisième concert. Le célèbre pianiste exécutera de
nouveau le nocturne de Chopin et les chants danois de sa composition ,
qu'on lui a fait répéter, et trois œuvres nouvelles de lui : une marche
triomphale, une mosaïque et Béve doré, inspiration. M. Masset, Aille AIou-
tigny et M. Jacquard, violoniste, prêteront le concours de leur talent à
M. Ilaberbier.
%* 11 vient de paraître chez Flaxland, éditeur, une fort b^lle valse pour
piano, de la composition du jeune Baur, de Saint-Pétersbourg, pianiste
et compositeur de talent et d'un avenir assuré.
*»* Les journaux qui nous sont arrivés de Londres depuis dimanche
dernier, confirment et au delà tout ce que nous avons dit du succès ma-
gnifique obtenu par Emile Prudent dès son premier concert. Le Musical
Worli dit de lui : « M. Emile Prudent a conquis du premier coup la
» faveur du public musical anglais. C'est un des plus grands pianistes de
» l'école moderne, et à beaucoup d'égards on pourrait le comparer à Thal-
» berg, quoiqu'à beaucoup d'autres, et notamment par une certaine
» élégance qui lui est particulière, il en diffère totalement. Les différents
» morceaux dont se composait son programme avaient été parfaite-
» ment choisis pour déployer toutes les variétés de son style. Son exécu-
» tion est toujours nette et finie. Il possède un beau son, un toucher
» élastique, une puissance remarquable; en un mot, il réunit tout ce qui
» constitue la perfection du mécanisme: aussi a-t-il brisé la glace britan-
» nique, et enlevé de haute lutte un triomphe complet. »
V Dans la matinée champêtre donnée au château Beaujon par M. Gu-
din, le célèbre peintre de marine, ainsi qu'au bal splendide de l'ambassade
de Prusse, l'orchestre et les compositions de Waldteufel tenaient une place
brillante. On a remarqué, dans le nombre, son dernier galop, le plus
charmant de tous, intitulé la Sehnell-Voste, que l'on exécutait pour la pre-
mière fois, et qu'il a fallu répéter souvent dans la même soirée.
%* Mme Murio-Cœli, artiste du théâtre d'Alger, n'a jamais mérité plus
d'éloges que le jour où, pour la dernière fois de l'année, elle remplissait
le rôle. d'Athénaïs dans les Mousquetaires de la Reine. La manière dont
elle a dit l'air charmant : Bocage épais, est tout-à-fait remarquable.
%* L'Académie des Beaux-Arts, dans sa séance du 29 mars 1845, a dé-
cidé qu'une médaille d'or de la valeur de 500 fr. serait offerte chaque an-
née à l'auteur des paroles de la cantate qui serait choisie par elle pour
être donnée comme texte des concours de composition musicale. Cette
cantate doit être à trois personnages; elle est destinée à être chantée par
un soprano, un ténor et un baryton ou basse-taille. Elle devra renfermer
un ou au plus deux airs, un seul duo et un trio final, chacun de ces mor-
ceaux étant séparé du morceau suivant par un récitatif. Les hommes de
lettres qui seraient dans l'intention de prendre part à ce concours sont
invités à s'adresser au secrétariat de l'Institut, où il leur sera donné un
programme plus détaillé. Les cantates devront être adressées, par pa-
quet cacheté, à M. le secrétaire perpétuel de l'Académie des Beaux-
Arts, à l'Institut, le 18 juin 1852 : le terme est de rigueur. Chacune des
pièces de vers contiendra, dans un billet cacheté, le nom de l'auteur et
l'épigraphe. Il ne sera reçu à ce concours que des pièces de vers inédi-
tes. Les manuscrits ne seront pas rendus.
V L'art musical vient de faire une perte sensible et prématurée en la
personne de Mlle Boutibonno. jeune pianiste de beaucoup do talent.
V 1\1. Pascal Taskin, professeur de piano, membre du comité de l'As-
sociation des artistes-musiciens, est mort subitement, mercredi dernier,
à l'âge de 75 ans. C'était un de nos artistes français les plus honorables.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
*»* Londres, 2 mai. — En attendant l'issue du grand début relatif à Jo-
hanna Wagner, les deux théâtres italiens exploitent les richesses ordinai-
res de leur troupe et de leur répertoire. - Au théâtre de Sa Majesté, dirigé
par M. Lumley, Norma, le Barbier, Fidelio, se sontsuccedé. Sophie Cruvelli
chantait le premier rôle dans ces trois ouvrages, après lesquels est venue
Cenerentola, chantée par Mlle d'Angri. — Au théâtre de Covent-Garden, le
jour où le début de Mlle Wagner était annoncé par les affiches, il a fallu
substituer les Martyrs au Prophète, et le désappointement n'a pas été mé-
diocre. Depuis, on a donné Norma pour la rentrée de Mlle Grisi, et Mario
a fait la sienne dans les Hvejmnols.
*»* Berlin. — Une nouvelle distribution de quelques rôles donnait un
vif intérêt à la dernière représentation des Huguenots. En première ligne
il faut citer MlleLiebhardt quia parfaitement rendu le rôle de la princesse.
M. Formés a également réussi dans celui de Raoul. Quant à Mme Kœster,
elle a été comme toujours une admirable Valentine. Mlle Liebhardt a ter-
miné ses représentations par le rôle de la reine des nuits, dans la Flûte
enchantée.
V Dresde.— Par suite de l'indisposition de Mme Krebs-Michalesi, char-
gée du rôle de Fidès, le Prophète avait disparu pour quelque temps du
répertoire. Le rétablissement de cette artiste distinguée a permis de re-
mettre à la 'scène le chef-d'œuvre de Meyerbeer, qui a été représenté
trois fois dans l'espace de huit jours ; nous n'avons pas besoin d'ajouter
que chaque fois la salle était comble et que le succès a été complet.
V Vienne. — Le maître de chapelle, M. Botter, a été nommé membre
honoraire du Mozarteum de Salzbourg, de la Société musicale du Dôme à
Vienne, et de la Béunion pour musique religieuse à Prague. — Le produit
net du concert de bienfaisance donné par Al. Schulhoff a été de 780 flo-
rins. — Le 17 avril, est mort à l'âge de 84 ans, M. Hyrtl, qui avait été
premier hautbois dans la célèbre chapelle du prince Esterhazy, que diri-
geait Haydn.
V Wtimar. — La symphonie-cantate de M. Hasslinger, intitulée Napo-
léon, a été exécutée pour la première fois sous la direction de l'auteur. Le
poëme contient les principaux événements de la vie de l'empereur. Les
cinq voix de solo sont : Napoléon, l'ange de la paix , l'ange de la ven-
geance, un messager, un général français. Les chœurs et l'instrumenta-
tion ont surtout été remarqués.
Le gérant : Ernest DESCHAMPS.
— Les airs détachés de Galalhée, cette délicieuse partition de M. Victor
Massé, viennent de paraître. Nous ne saurions trop recommander aux
amateurs cette musique si mélodieuse, certains que nous sommes qu'elle
ne perdra rien à être chantée dans les salons.
En vente ch-z Flaxland, éditeur demusiqw, place de la Madeleine, l.
Valse brillante pour le piano par
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Op. 1. — Prix : 3 fr. 75.
Chez Mme CENDRIER, éditeur, 11, rue du Faubourg- Poissonnière.
i'.ti xi a-»;fla-
LES AIRS DÉTACHÉS DE
Oiiéra-Comiqiee
EN 2 ACTES.
PAROLES DE J. B/IRBIEB ET MICMEIi CASXÏ5E, MUSIQUE DE V3CTOR MASSE.
Ouverture pour piano seul, 6 fr. — Ouverture à 4 mains, 7 f. HO.
N" 2. Couplets chantés par M. Sainte-Foy : « Depuis vingt ans
j'exerce. » (Ténor)
2 bis. Les mêmes en ut pour baryton
3 bis. Couplets chantés par Mlle Wertheimber : « Toutes les
femmes. » (Contralto)
3 ter. Les mêmes pour basse ou baryton
lt. Air chanté par Mlle Wertheimber : « Tristes amours, folles
chimères. » (Contralto)
U bis. Le même pour basse ou baryton, soprano ou ténor, ch. .
4 ter. Cantabile extrait de l'air, pour contralto, basse ou bary-
ton, soprano ou ténor, chaque
5. Duo chanté par Mmes Ugalde et Wertheimber : « Aimons,
il faut aimer. » (Soprano et contralto)
5 bis. Le même pour sopano et basse ou baryton
6. Air de la lyre, chanté par Mme Ugalde : « Fleur parfumée. »
(Soprano)
7 50
7 50
N" 6 bis. Le même transposé un ton plus bas, mezzo soprano 7 50
7. Air de la Paresse, chanté par M. Mocker : «Ah! qu'il est
doux de ne rien faire. » (Ténor) 4 50
7 bis. Le même pour baryton 4 50
9 bis. Couplets de la coupe, chantés par Aime Ugalde : « Sa
couleur est blonde et vermeille. » (Soprano) 5 n
9 ter. Les mêmes transposés un demi-ton plus bas 5 »
10. Duettino chanté par Aime Ugalde et Al. Alocker : « Gany-
mède, c'est toi que j'aime. » (Soprano et ténor) 4 »
11. Kondo chanté par Aille Wertheimber : « A moi folles ivres-
ses. » (Contralto) 4 »
11 bis. Le même pour baryton 4 »
11 1er. Le même pour basse en sol 4 »
Grande partition et parties d'orchestre; partition in-8° pour chant et
piano ; partition pour piano seul ; morceaux de piano et musique de
danse.
152
REVUE ET GAZETTE MUSICALE DE PARIS.
POUR PARAITRE INCESSAMMENT
CHEK BRANDUS ET €e. EDITEUBS,
103, RUE RICHELIEU.
Opéra en einnj actes,
Paroles de
mm. e. scribe et
Musique de
Eïe t'Jfnslilwt.
MORCEAUX DÉTACHÉS POUR CHANT AVEC ACCOMPAGNEMENT DE PIANO
Ouverture pour le piano à % et à 4 mains.
1" ACTE.
1. LÉGENDE chantée par Mme Tedesco : « Pour expier envers lui ses
outrages. »
1 bis. La même transposée pour soprano.
2. LE COUVRE-FEU chanté par M. Merly et chœur : « De par le
bourgmestre, de par nos échevins. »
2 bit. Le même pour voix de basse seule.
3. CHOEUR DE MALANDRINS : « Au loin tremblez tous. ■>
ti. ROMANCE AVEC RÉCITATIF chantée par M. Massol : « Ils partent
frappés de terreur. »
k bis. La même transposée pour ténor.
5. DUO chanté par Mme Tedesco et M. Massol : « Théodora, qu'ici
le ciel m'envoie. »
«= ACTE.
Douze
6. TRIO chanté par Mmes Tedesco et La Grua, et M. Roger ;
ans sont écoulés. »
7. QUATUOR pour à basses, chanté par MM. Depassio, Guignot. Ca-
naple et Noir : « On m'a dit vrai, jamais plus charmante beauté. »
8. CAVATINE chantée par Mme Tedesco : « A moi, ta sœur et ton
amie. »
8 bis. La même transposée pour soprano.
9. DUO chanté par Mme Tedesco et M. Roger : « Qu'exiges-tu d'un
misérable. »
10. CHOEUR de la Saint-Jean : « Saint-Jean ! Saint-Jean ! »
3e ACTE.
11. AIR ET RÉCITATIF chanté par Mlle La Grua :
6 prodige! auquel je crois à peine. »
11 bis. Le même transposé pour contralto.
0 merveille !
12. ROMANCE chantée par M. Roger : « Une sœur, une amie, ange de
la maison. »
12 bis,. La même transposée pour baryton.
13. STROPHES chantées par Mme Tedesco : « Que nos voix vers le ciel
montent. »
13 bis. Les mêmes simplifiées.
4e ACTE.
là- AIR AVEC RÉCITATIF chanté par M. Roger : « A ce palais dont
la magnificence... »
\h bis. Le même transposé.
15. ROMANCE extraite de l'air chantée par M. Roger : « Vous n'êtes
plus, jours d'innocence. »
15 bis. La même transposée pour baryton.
1.6. DUO chanté par Mlle La Grua et M. Roger : « Le ciel nous a réunis.»
16 b.s. ROMANCE extraite du dao : « O ciel! est-ce un rêve? »
17. AIR chanté par M. Massol : « De Dieu l'éternelle clémence. »
17 bis. Le même transposé pour ténor.
17 ter. Le même transposé pour basse.
18. QUINTETTE pour 5 voix de basse,
Guignot, Canaple, Goyon et Noir :
1 8 bis. Le même réduit à 1 voix de basse.
chanté par MM. Depassio,
La nuit est sombre. »
5e ACTE.
19. ROMANCE chantée par M. Roger : « Quand chacun te fuit ici-bas.
19 bis. La même transposée pour baryton.
20. CHOEUR DES ELUS : « Prenez pitié, Seigneur. »
SIX AIRS DE BALLET ET UNE MARCHE TRIOMPHALE.
Suite de Valses, Quadrille pastorale et Quadrille infernale,
Par MUSARO.
Grande -valse pour piano, par Fr.. BURGMULLER.
Polka de* AueJlles, par E. ETTLING
Scnottiscli du Berger par J. PASDELOUP.
Polka-llazurka, par G. DAN1ELE.
BciloTva, par A. de LENONCOURT.
©eus BEagateSIcsj pour piano, par A. LECARPENTIER.
Des Morceaux de piano par II. ROSELLEN , A. TALEXY, Ch. VOSS,
O. COMETTANT, R. MULDER, J.-B. DUVERNOY, M. DECOURCELLE, etc.
ABBASCESIESTS POHJ1E T©ÏJSS E.IKS BJSfeTRaJMEM'fl'S.
Le Poëme est en vente : Prix 1 fr.
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— note et Bock, 42, Jaegerstr.
ll-.lioi.uc. Sassotti.
REVUE
10 Mai 18S1».
Prix de l 'Abonnement i
T..» Jour-nul p.irnlt le Dima che.
GAZETTE MUSICALE
mm ?âiî§.
SOMMAIRE. — Le Jni/ errant, grand opéra en 5 actes, la musique (3' article), par
S. lis père. — Deux échos, par «fleuri ISIaix-linrd. —Revue critique, Théo-
ries complètes du chant, de Stephen de laMadelaine, par Paul Smith. —
Nouvelles et annonces.
MjJE .JUIF ERRA HT.
GRAND OPÉRA EN CINQ ACTES.
1,1 MUSIQUE.
(3e article.)
Nous sommes à Constantinople , dans le palais des empereurs
d'Orient, et nous prenons part aux agitations d'Irène , encore sous
l'impression du changement prodigieux qui vient de s'opérer dans sa
fortune. On comprend qu'il y a dans cette situation le sujet d'un air :
le compositeur ne peut en laisser perdre l'occasion. Les airs de ce
genre appartiennent, par la nature même de leur objet, au style appelé
de demi-caractère (mezzo carallere) , parce que; n'étant inspirés par
aucun mouvement de passion déterminée, ils ont un caractère plus gra-
cieux qu'expressif. Les chanteurs de concert y trouvent une précieuse
ressource que ne leur offrent pas toujours les airs purement dramati-
ques. Les morceaux de ce genre survivent à la représentation des ou-
vrages d'où ils sont tirés, et font souvenir des succès de ceux-ci, lors-
que le temps les a fait disparaître du répertoire. Tel fut l'air charmant
de Montano et Stéphanie (Oui , c'est demain que l'hyménée) ; tel est
celui qu'Auber a si heureusement imaginé pour Mme Damoreau , dans
le Serment, et qui est souvent la ressource des cantatrices. Celui que
chante Mlle Lagrua dans le Juif errant aura vraisemblablement,
mais dans un avenir aujourd'hui encore bien éloigné, la même desti-
née. Conçu dans le but de faire briller l'habileté de la cantatrice, il a
toutes les qualités nécessaires à ce genre de morceaux, et se fait d'ail-
leurs remarquer par ses gracieuses mélodies et son instrumentation
coquette.
Après cet air, la délicieuse romance chantée par Roger ranime l'inté-
rêt et l'expression dramatique. Cette romance, dont les premiers vers
sont :
Une sœur, une amie,
Ange de la maison !
est écrite en sol mineur. Sa mélodie, empreinte de tendresse et de mé-
lancolie, est laissée à découvert par une légère et sympathique instru-
mentation, composée d'une harpe avec cor anglais obligé, deux clari-
nettes et deux bassons. Au deuxième couplet, Théodora intervient et
dialogue avec le chant de Léon d'une manière intéressante. A l'accom-
pagnement du premier couplet s'ajoutent les violons, altos et contre-
basses pizzicato, et des traits de violoncelle pleins de grâce et de déli-
catesse. Le chant de Théodora, qui vient après cette romance, est du
plus beau caractère sur ces paroles :
Que nos voix vers le ciel montent pour le bénir !
Vos décrets, ô mon Dieu! j'ai donc pu les servir!...
La mélodie de ce chant, admirablement dite par Mme Tedesco , est
remarquable par la largeur du style et par le sentiment dramatique.
L'harmonie des clarinettes et des cors qui l'accompagne avec les instru-
ments à cordes pincées produit un effet charmant.
On n'installe point une impératrice d'opéra sans la rassasier de diver-
tissements~it de~danses. jTîT'ai pas besoin de dire que les auteurs du
Juif errant se sont conformés à cet usage antique et solennel ; mais
le ballet qu'ils ont imaginé n'est pas resté dans l'ornière du classique
pas de deux ou de trois. Ils se sont souvenu de Virgile et de ses ravis-
santes peintures du quatrième livre des Géorgiques :
At quum incerta volant, cœloque examina ludunt,
Contemnuntque favos, et frigida tecta relinquunt,
Instabiles animos ludo prohibebis inani.
Ce sont ces essaims d'abeilles qui voltigent sans objet, se jouent dans
l'air, oublient leurs rayons de miel et abandonnent leurs ruches soli-
taires, que les poètes ont pris pour sujet de leur divertissement. Les
abeilles sont représentées par de légères jeunes filles dont l'élégant
corsage rappelle les couleurs et les lignes du corps de l'insecte ailé. Le
berger Arislée essaie de les fixer en jetant des fleurs sur leur passage ,
mais en vain. Alors il n'a pas recours aux cymbales bruyantes de
Cybèle
Matris quate cymbala circum,
qui ne feraient pas un très-bon effet en musique ; mais il fait entendre
une ravissante mélodie par les sons d'un hautbois auquel M. Verroust
donne assez de charme pour opérer le prodige.
Rien de plus heureux que le thème et la combinaison instrumentale ■
imaginés par Halévy pour l'entrée des abeilles en scène. Ce thème, écrit
pour alto et trois parties de violoncelle, avec des sourdines et pianis-
simo, imite le bourdonnement d'un essaim de la manière la plus poéti-
que. Pendant ce temps, les violons font entendre, également avec des
sourdines, des petits groupes de notes d'une parfaite légèreté. Tout cela
est trouvé et nouveau. Puis le violoncelle chante une belle mélodie
accompagnée par des traits de violons, des tenues d'instruments à vent
dans le bas, et des trémolos d'alto d'un effet très-heureux ; après quoi
le premier motif revient. Les divers thèmes qui se succèdent dans ce
divertissement, pour les différents caractères de danse, ont tous de la
distinction -, je citerai particulièrement celui de hautbois solo dans un
mouvement lent, et le pas de Mlle Taglioni (en ré).
Après ce ballet original, le final commence par une marche sur la-
quelle les grands de l'empire viennent présenter à l'impératrice leurs
respects et leurs vœux. Cette marche est exécutée par quinze instru-
ments de cuivre d'un nouveau système, mais dans une forme antique,
imaginés et fabriqués par.M. Sax. Ces instruments, auxquels l'inventeur
154
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
a donné le nom de Sax-tuba, sont combinés de la manière suivante :
1 Sax-tuba en si bémol aigu,
1 — en mi bémol soprano,
k — en si bémol contralto,
3 — en mi bémol alto-ténor,
2 — en si bémol baryton,
2 — en si bémol basse,
1 — en mi bémol contrebasse.
1 — en si bémol contrebasse.
La forme des tuba de M. Sax est empruntée à des figures qui se
voient sur la colonne Trajane, à Rome. Chez les Romains, cet instru-
ment était quelquefois appelé tubfc, quelquefois burcina et même œre
recurvo, parce qu'il était courbé de telle sorte que la partie large, après
avoir passé sous le bras du musicien , repassait par dessus son épaule
et présentait le pavillon en avant, L'avantage de cette forme, pour la
puissance du son en plein air, est d'éviter les coudes qu nuisent à la
libre propagation des ondes sonores. Rien ne peut donner l'idée du vo-
lume de son que produisent ces nouveaux appareils acoustiques de
l'intelligent facteur à qui l'on doit déjà tant d'autres belles inventions.
Les contrebasses en mi bémol et en m bémol ont une puissance inouïe.
Ce dernier instrument, très-facile à jouer, a Z|8 pieds de développe-
ment dans son tube, avec un diamètre conique bien proportionné.
C'est le géant, le mammouth de l'espèce.
Ainsi que je viens de le dire, les Sax-tuba, dont le son est à la fois
strident et prodigieusement volumineux, sont destinés à la musique en
plein air, dans de grandes solennités, mais on n'en avait pas assez
calculé l'effet dans une salle fermée. A la première représentation du
Juif errant , l'impression en fut formidable et hors de proportion avec
la sonorité de l'orchestre de l'Opéra. Ce fut une rumeur dans toute la
salle; mais aux représentations suivantes, les musiciens mirent des
sourdines à leurs poumons, et l'effet, bien que très-puissant encore,
s'harmonisa parfaitement avec le reste de l'instrumentation.
Puisque je suis à parler des inventions de M. Sax, je veux vous dire
aussi quelques mots du morceau du Juif errant dans lequel Halévy a
placé un quatuor de saxophones, dont la sonorité sympathique produit.
un excellent effet. La combinaison est composée d'un saxophone so-
prano en si bémol joué par M. Ausoux ; de deux saxophones alto, dont
un est joué par M. Printz, et l'autre par M. Lecerf, et d'un saxophone
basse en ut, dont M. Sax s'est chargé provisoirement. Ce premier
essai dans la musique d'ensemble d'un instrument nouveau, qui n'a
pas d'analogue, a fait voir que des effets jusqu'ici inconnus peuvent en
être tirés pour la symphonie.
Je reviens au final du troisième acte du nouvel opéra. Après la mar-
che, dont le caractère est large et brillant h la fois, commence un beau
récitatif bien déclamé, suivi d'un ensemble chaleureux et dramatique.
Les formes musicales en sont bien développées, et le retour du motif
principal, après un à parte de Léon et d'Irène, en complète l'effet.
Dans le dernier mouvement animé, j'ai remarqué une belle phrase du
chœur sur les paroles :
Aux rivages du Bosphore
Viens régner sur tes sujets :
Etc..
Ces vers n'existent pas dans la brochure de la pièce. La reprise de
la marche, pour le tableau final, complète ce beau morceau.
Si le troisième acte que je viens d'analyser n'a pas l'importance des
deux premiers au point de vue de la musique, parce que les poètes
ont eu pour objet d'y déployer toutes les pompes de l'Opéra et n'y ont
mis que peu de situations dramatiques, il n'en est pas de même du qua-
trième, où tout a été réuni pour émouvoir le spectateur en ce qu'il y a
de cordes sensibles dans le cœur humain.
Dans la première scène, Léon est au rendez-vous qui lui a été donné
par Irène. L'espoir et la crainte l'agitent : ces émotions sont le sujet
d'un air à deux mouvements dont les mélodies ont une suavité remar-
quable. Le premier mouvement, andantino plein de charme sur ces
paroles :
Vous n'êtes plus, jours d'innocence
Ecoulés sous un ciel d'azur !
a reçu du compositeur sa forme musicale ; car les poètes avaient ou-
blié, eh écrivant ce morceau, les conditions de la liaison et du retour
des idées sans lesquelles la musique ne peut atteindre son but. Qu'il me
soit permis de saisir cette occasion pour faire voir aux littérateurs, par
l'analyse de ce morceau, quelles difficultés ils préparent quelquefois
au musicien, sans le savoir, par la disposition et la coupe de leurs
i vers. J'ai d'autant moins de regret de ma critique, que je m'adresse à
deux hommes qui se font ordinairement remarquer par le talent à bien
disposer les paroles pour la musique. Voici ce qu'ils ont écrit cette
fois pour la première partie de l'air de Léon :
Vous n'êtes plus ! jours d'innocence
Ecoulés sous un ciel d'azur!
Où nos deux cœurs, sans défiance,
Aimaient d'un amour duux et pur !
Où sa douce voix disait : Frère...
Où je lui répondais : Ma sœur...
Ou la nature tout entière
Fêtait notre chaste bonheur!
Mîiis je vieiïs ici pour te dire
Mon amour immense, éternel !
Dans tes regards, mon cœur va lire,
Irène, l'enfer ou le ciel!..
On comprendra sans peine ce qu'il y a d'opposé à la nature de la
musique dans cette longue tirade, si l'on a remarqué que la phrase
musicale a toujours un sens fini après la cadence, et qu'il est impos-
sible de lui donner un sens suspensif, à moins d'une cadence rompue
qui ne peut se prolonger sans ôter à la mélodie son caractère déter-
miné. C'est donc déjà un embarras pour le compositeur que le premier
adverbe (oit nos deux cœurs) ; mais l'embarras est bien plus grand
après la cadence nécessairement finale d'un amour doux et pur, lors-
que la nouvelle phrase doit commencer par où, et conséquemment de-
venir la continuation de l'autre; et enfin les tortures du compositeur
s'accroissent à chacun des vers suivants, lesquels commencent tou-
jours par le même adverbe. Cela est bon en poésie; mais en musique
il n'en est pas de même. Hegel fait à ce sujet des réflexions d'une par-
faite justesse, dans ses leçons sur l'esthétique. La poésie de l'opéra
doit avoir pour but unique de faciliter l'œuvre du musicien.
Le second reproche que je fais aux vers qu'on vient de lire est qu'il
n'y a pas de retour à une pensée première, et qu'on n'y trouve pas
d'unité de sentiment. Pour que cette unité existât, il fallait revenir aux.
quatre premiers vers : c'est ce qu'un musicien tel que Halévy devait
comprendre : aussi a-t-il ramené le premier motif à la fin du cantabile.
Ce retour a produit le meilleur effet aux deux premières représenta-
tions : malheureusement, par économie de temps, aux représentations
suivantes on a fait une coupure en supprimant le retour de cette mé-
lodie si suave, si expressive. J'engage Halévy à rétablir dans sa parti-
tion gravée ce premier mouvement de sa cavatine, telle qu'il l'a conçu
d'abord.
L'allégro moderato, qui forme le second mouvement de l'air, sur ces
paroles :
Viens briller pour elle,
Ardente étincelle,
est d'une mélodie élégante et bien accentuée. Les poètes n'avaient fait
de ces petits vers qu'une coda pour leur introduction ; mais le compo -
siteur a pris un très bon parti en les traitant sous la forme du rondo
et les ramenant plusieurs fois.
L'air que je viens d'analyser offre une singularité qui ne peut s'ex ■
pliquer que par la nécessité de rendre plus faciles au chanteur certains
passages; car le cantabile est en mi bémol, et Y alleijro est écrit un
demi-ton plus haut. Je pense qu'il serait bon, au point de vue de l'u-
nité, de mettre les deux mouvements dans le même ton.
Le beau duo de la deuxième scène de cet acte est, comme je l'ai dit
dans mon premier article, le morceau capital de l'ouvrage. Il a cet
avantage, qu'il est à la fois éminemment dramatique et rempli des
plus suaves mélodies ; enfin, il est du petit nombre de ces morceaux
DE PARIS.
155
qui produisent de profondes émotions dans les concerts comme à la
scène, dans un simple salon comme dans un vaste local. L'andante :
Ociel! est-ce vn rêve! La seconde phrase à deux voix, sur les mômes
paroles, est également remarquable. J'ai dit par quelle heureuse con-
ception llalévy a si bien exprimé tout ce qu'il y a de naïf et de pas-
sionné clans le dialogue où l'amour d'Irène se dévoile d'une manière si
naturelle et si vraie. Celle délicieuse partie du morceau est suivie de
la reprise du premier motif à deux en imitation à l'octave, sur les pa-
roles : Ce n'est qu'un rêne qui vient m'éblouir, et ce retour au thème
principal complète d'une manière excellente ce cantàbile, qui ne laisse
rien désirer pour sa perfection.
La transition de ce premier mouvement à un autre plus vif et plus
animé est marquée naturellement par cette réflexion de Léon :
Tu m'aimes!... Et pourtant, domain,
A Nicéphore, hélas ! tu vas donner ta main!
Quelques mesures énergiques forment cette transition et conduisent au
thème de l'allégro modéré, non moins heureux que les mélodies pré-
cédentes. Ici les poètes, bien inspirés depuis le commencement de la
scène, ont très-bien ramené ce motif, que le compositeur a fait suivre
d'une cabalette animée. Ainsi se complète ce morceau, l'une des plus
remarquables productions du talent d'Halévy.
Le deuxième tableau du quatrième acte présente des situations dra-
matiques d'un caractère tout différent de celles du premier tableau.
La musique y trouve de précieuses occasions d'oppositions. Tout est
disposé pour seconder ses effets : un site pittoresque, des ruines impo-
santes, la rive du Bosphore et les ombres de la nuit; enfin, au milieu de
ce sombre tableau, la figure mystérieuse de cet homme frappé de ma-
lédiction, de ce juif condamné à marcher toujours et à ne pas mourir.
Une belle ritournelle pour trombone solo, fort bien exécutée par
M. Dieppo, précède un récitatif d'un grand caractère que suit un air
malheureusement sacrifié aux exigences de la rapidité d'action, et dont
il n'est resté qu'une partie du cantàbile; mais on ne peut s'empêcher
de regretter ce sacrifice en écoutant la belle et noble phrase de ces
vers :
Mon crime fut bien grand!... II n'est point expié.
Mais aux trésors des cieux n'est-il plus de pitié 1
Réduit aux proportions qu'il a maintenant, l'air n'a plus de forme ;
j'exhorte donc Halévy à lui rendre dans sa partition gravée les propor-
tions qu'il lui avait données d'abord. Il est bon de sacrifier au succès
le jour d'une première représentation, mais l'art ne doit pas perdre ses
droits dans la postérité.
Au lieu d'un chœur de bandits qu'avaient indiqué les poètes, le com-
positeur a fait un morceau à cinq voix. Je crois qu'il a bien fait, car la
scène en est plus mystérieuse, et la musique a un coloris plus sombre
que n'aurait pu avoir un chœur. Ce quintette :
La nuit est sombre
Et voici l'ombre
Qui nous sourit.
est d'un excellent effet rhythmique, et contraste bien avec ce qui pré-
cède. Le spectateur y est sous l'influence d'une certaine terreur qui
prépare bien à l'effet de la scène suivante. On sait que ces bandits ont
reçu de Nicéphore la mission d'assassiner Léon. Le lieu où ils sont
maintenant doit être celui du crime ; ils attendent leur victime ; elle
parait, et ici commence une des plus belles scènes de l'ouvrage et l'un
des principaux morceaux de la partition. Ce final, largement dessiné,
commence par un chant déclamé qui se fait remarquer par une très-
belle phrase sur ces mots :
Non, non, je ne veux pas de ton secours funeste !
L'énergie, l'animation, caractérisent cette scène musicale, que les
poëtes ont admirablement préparée pour le compositeur. Celui-ci n'est
pas resté au-dessous de sa tâche, car tous les détails du final sont re-
marquables. Les angoisses de Léon, se débattant entre les mains de ses
assassins, le désespoir de sa sœur, celui d'Ashvérus que l'ange vengeur
poursuit de son épée de feu en l'empêchant de porter secours à son
descendant, le chœur des anges, les trompettes célestes, tout cela est
rendu par une musique remplie d'émotions. L'intérêt principal est dans
l'orchestre, parce que l'agitation de la scène a obligé le compositeur à
faire chanter les personnages par note et parole, mais il résulte de cet
ensemble un effet irrésistible.
Le cinquième acte n'a qu'un objet : faire voir aux spectateurs la re-
présentation du songe d'Ashvérus , c'est-à-dire la résurrection des
morts et le jugement dernier. Le premier tableau n'est qu'un achemi-
nement à celui-là. Léon a été sauvé des eaux par Ashvérus ; il lui ex-
prime sa reconnaissance dans une romance touchante dont le deuxième
couplet est chanté à trois voix par Irène, Théodore et Léon. Puis le
Juif errant annonce à ses descendants qu'un sort brillant les attend à
Constantinople.que Nicéphore est tombé et qu'Irène doit monter sur le
trône. Resté seul, Ashvérus implore Dieu dans un très-beau récitatif
pour la fin de sa vie misérable. Ses vœux semblent être exaucés , car
il tombe sur la terre; mais c'est le sommeil qui le saisit et non la
mort. Alors commence la représentation du songe auquel il est livré,
par un chœur de morts sortant du tombeau à l'appel de la trompette
du jugement dernier. Ce chœur, dont les premières paroles sont :
Qui vient donc, sous leur froide tombe,
Agiter les morts i'ici-bas ?...
est un des plus beaux morceaux de la partition ; mais la préoccupation
que donne le spectacle au public ne lui permet pas d'accorder à la mu-
sique l'attention nécessaire pour en apprécier les beautés. Par le
rhythme, par l'harmonie remplie de cadences inattendues, enfin par la
disposition des voix, ce chœur a un caractère original parfaitement en
harmonie avec la situation. Il est suivi de l'appel de l'ange extermina-
teur, dont le chant a un caractère saisissant et majestueux. Ce chant,
alternant avec le chœur des morts ressuscites, frappés de terreur, sera
remarqué plus tard lorsque les nouveautés du spectacle auront perdu
de leur attrait. Il y a aussi un chœur de démons d'une grande énergie ;
mais la même cause empêche de l'entendre.
Lorsque toutes les merveilles du décorateur et du machiniste ont
disparu, tout n'est pas fini : les nuages se dispersent, et l'on retrouve
le pauvre juif couché sur la terre. Il s'agite , s'éveille et s'écrie en
voyant l'ange devant lui :
Ah ! mon sort n'est pas achevé !...
Un récitatif de quatre vers exprime sa douleur ; les trompettes son-
nent , et le chœur des anges le poursuit de son terrible : Marche
toujours ! Il fuit devant l'ange qui le poursuit. Ainsi finit cet ouvrage,
qui, nonobstant les grandes beautés répandues dans Guido et Ginevra,
dans la Reine de Chijpre et dans Charles Vf, est la partition la plus
remarquable et la plus complète qui ait été écrite par Halévy depuis
la Juive.
FETIS père.
DEUX ÉCHOS.
Quand on parle d'honneur, il y a de l'écho en France, a dit éloquem-
ment notre général Foy à la tribune législative. Ce n'est point de cet
écho, qui est toujours à la réplique, comme chacun pense, dont il est
ici question. Ce n'est pas non plus de celui qui répondait, au dire d'un
plaisant, à l'interpellation : Comment vous portez-vous? — par : Fort
bien, et vous? Celui dont nous avons d'abord à vous entretenir, c'est
l'écho qui répercute les sons mélodiques et harmoniques des derniers
concerts de la saison ; c'est le charmant écho des violonistes Alard ,
Bazzini, De Bériot, Ernst, Haumann, Léonard, Yieuxtemps.ou, mieux
encore, de Milanollo, Mlle Désirée Fréry, enfin.
Mlle Fréry est une jeune personne âgée de seize ans, qui joue du
violon d'un manière remarquable, au double point de vue du méca-
nisme et du sentiment musical.
Tout virtuose, de quelque sexe qu'il soit, qui entre dans la voie de
la célébrité, devient, corps et âme, et par cela même qu'il monte sur
l'estrade de la publicité, tributaire de l'analyse et de la critique. Cette
dernière a peu de chose à dire à l'égard de Mlle Frery, et doit peu
l'inquiéter. Sous le point de vue du physique, de la tenue et delà
156
REVUE Lï GAZETTE MUSICALE
grâce, difficile à conserver pour les personnes du sexe qui se décident
à jouer du violon, Mlle Frery plaît tout d'abord. C'est une jolie et pi-
quante brune, à l'œil spirituel et joyeux. Malgré ses cheveux noirs
bouclés à la Ninon de Lenclos et son allure enfantine, il y a du naturel,
de la distinction de jeune personne bien élevée, et nulle afféterie en
cette précoce virtuose.' Voilà pour l'extérieur, le corps, la pose artis-
tique. L'âme est aussi bien douée en Mlle Frery. Avec le mécanisme
instrumental qui s'acquiert par l'élude, elle a ce qui ne se donne pas,
un beau son, ce qui implique justesse et sensibilité.
Mlle Désirée Frery est élève de MM. Haumann et De Bériot ; elle a
obtenu au Conservatoire de Bruxelles : premier prix, prix d'honneur,
médaille d'or, etc. Dans une intéressante séance musicale qui n'avait
rien d'un concert| d'apparat , elle s'est fait entendre chez le facteur
Souffleto. Lajjeune violoniste a dit d'une grâce charmante un air varié
de son maître De Bériot, et le septième concerto du même. Son archet
aisé, son trille brillant, son staccato, sa justesse imperturbable, même
dans la double corde, son style élégant et pur et sympathique en font,
■ sinon la rivale, du moins la sœur de Teresa Milanollo ; on dirait
qu'on voit revivre en elle la jeune Maria Milanollo, enlevée à l'art si
prématurément.
Plusieurs de nos bons artistes se sont fait un véritable plaisir de se
grouper autour de la jeune virtuose pour l'écouter avec un vrai plaisir,
d'abord, et pour la seconder dans son début qui a été des plus brillants.
Mme Henri Potier a fort bien chanté l'air classique de tant de concerts,
depuis un demi-siècle : Oui, c'est demain que l'hyménée, de Montana
el Stéphanie. Mme Steiner-Beaucé, sœur de Mme Ugalde, a dit le Lac,
de Niedermeyer, et des mélodies de Schubert en cantatrice expressive
et dramatique. François Wartel s'est fait le digne interprète du Dieu
glorifié par ses œuvres, de Beethoven ; et puis d'une charmante Ber-
ceuse, de M. Léon Kreutzer, sans préjudice de plusieurs autres mé.
lodies de Schubert, dont il semble s'être mis en possession, et par
droit de conquête et far droit de naissance.
Le deuxième écho musical que nous ayons à signaler à nos lecteurs
est l'éclectique Haberbier, écho de Gerké, pianiste russe, dont il est
l'élève ; écho de Charles Mayer, et de Léopold de Meyer, tout aussi ha-
bile prestidigitateur que lui, s'il ne l'est plus, en fait de tours de force
et d'adresse digitigrade sur le clavier. Une lithographie, due au crayon
spirituel du chanteur Patania, et qui vient de paraître, représente le
pianiste Léopold de Meyer s'escrimant des mains et même des pieds
sur le clavier d'un piano, de cet instrument si fort à la mode, au front
duquel on lit : Piano d'Erard à toute épreuve. Voilà donc Léopold de
Meyer enchérissant sur le prétendu doigter nouveau, et le novateur
Haberbier dépassé, ce qui pourrait se traduire par un vers de Boileau,
parodié ainsi : Bosco trouve toujours un plus Bosco que lui. Au reste, qui
de nous n'a pas vu nos célèbres pianistes se servir de doigters excep-
tionnels, sans afficher pour cela la prétention de renverser le doigter
rationnel et classique? Dans le mouvement en mesure à six-huit du
Concerl-Stuck, de Weber, Thalberg et MmePleyel, dansle temps, nous
ont fait entendre la gamme diatonique glissée à un doigt, et couronnée
par un trille refrappé d'une manière brillante par les deux doigts pa-
reils des deux mains. Au moyen du même procédé en glissade, montez
la gamme en ut majeur, avec un doigt de la main droite, considérant
cette gamme ascensionnelle d'ut comme accord de septième dominante
de fa majeur, et touchant d'un doigt de la main gauche tous les si bé-
mols comme septièmes de l'accord de fa, et le tour est fait. Même
procédé pour descendre une gamme en sol avec l'ongle du pouce ou les
deux premiers doigts de la main droite sur les touches blanches, pen-
dant que la main gauche frappe tout ce qui se trouve de si bémol, la
bémol et sol bémol sur sa route, dans cette descente diatonique. Ce
prétendu mécanisme nouveau e. t donc, ainsi que nous l'avons déjà
dit, dans les doigts de tous les pianistes et dans beaucoup de leurs ou-
vrages. Cela n'empêche pas M. Haberbier d'être un virtuose forthabile,
un artiste de talent qui joue non-seulement du piano comme tous les
pianistes, ainsi qu'il nous l'a dit lui-même, mais un compositeur-arran-
geur plein de goût, qui en montrerait plus encore en s'opposant à ce
qu'on le proclamât le réformateur et le transformateur de l'art de jouer
du piano.
Au concert qu'il a donné vendredi dernier dans la salle Herz,
M. Haberbier s'est montré comme précédemment plus préludeur que
compositeur. Sous le titre à' Impression* d'un voyage en Norvège, il a
fait entendre une macédoine de pensée incohérentes, exprimant soi-
disant l'attente, un ranz de vaches norvégien mêlés à des plaintes et des
danses champêtres, formant un tout vague et sans méthode, qui ne
laisse pas que d'avoir du charme quand on entend cela pour la pre-
mière fois, car c'est légèrement et délicatement touché ; mais, encore
une fois, c'est un écho de la manière préludante de l'habile et brillant
Léopold de Meyer.
Après avoir dit le nocturne de Chopin, le bénéficiaire nous a fait
entendre une Marche triomphale de sa composition , d'une mélo-
die assez ordinaire, d'une harmonie un peu commune, et qu'il a eu
le bon goût de ne pas redire, bien qu'on ait tenté de la lui faire
répéter. Au lieu d'une seconde audition de cette Marche triom-
phale à reculons, M. Haberbier nous a dom.é un fragment de la
Fantaisie sur la Somnambule par Thalberg. Cet andante, qu'il avait
déjà joué dans un précédent concert, et auquel il aurait dû joindre la
péroraison de l'œuvre, lui aurait certainement valu de nombreux ap-
plaudissements par le brio de son exécution que personne ne songe à
lui contester; au lieu de cela, virtuose d'haleine courte, il a chanté
seulement cet andante avec beaucoup d'expression, de délicatesse et
d'élégance, mais en refrappant, on se demande pourquoi, toutes les
premières notes de chaque phrase mélodique.
Sous les titres prétentieux de Rêve doré, à' Inspiration, M. Haberbier
nous a redit, car il redit beaucoup sous prétexte de cette formule de
programme redemandé, une étude en musique imitative intitulée la
Fontaine imitation de la Source, de Blumenthal. et puis, enfin, ses
Souvenirs du Danemarck, ou, avec variante, ses Chants danois (tou-
jours redemandés), et, toujours sous forme de préludes vagues, in-
déterminés, de charmant bavardage mélodique avec sens et cadences
finales incessamment suspendus qui font penser, malgré qu'on en ait,
aux charmants préludes d'une mélodie si claire, si arrêtée, qui précè-
dent les belles fugues de Sébastien Bach.
M. Masset a délicieusement chanté dans ce concert une Romanza d'I
due Foscari, un duo de Tancredi avec Mlle Montigny, et un fragment
del'air du Gulistan de d'Aleyrac. M. Jacquard s'est fait applaudir à trois
reprises dans un solo de violoncelle, qu'il a dit d'un style expressif et
tout empreint d'un profond sentiment musical.
Henri BLANCHARD.
1EVUE CBITIQUE.
TSaɮM5ES C'WMPIiK'ffES Kl! CHAKT,
Par STÉPHEN DE LA MADELAINE.
Il y a de par le monde une certaine quantité de petites histoires
qui se transmettent d'âge en âge, que chacun répète et que personne
ne croit. Telle est, par exemple, celle de Porpora, le grand composi-
teur, le grand maître de chant, et de Gaffarelli, son élève. Suivant la
tradition reçue et consacrée, Porpora l'aurait tenu pendant cinq ans sur
une même page, toute remplie d'exercices divers. Au bout de ce temps,
l'élève, dont il faudrait au moins admirer la patience, avait ses raisons
pour ne se regarder encore comme bien avancé, quand le maître lui
dit : « Va, mon fils, lu n'as plus rien à apprendre : tu es le meilleur
» chanteur de V Italie et du monde. » Tout cela par la vertu d'un seul
feuillet hérissé de gammes, trilles, grupetti, martellements et autres
combinaisons de gymnastique vocale ! Non, cela n'est pas possible : on
ne devient pas excellent chanteur à sî' bon marché ; je ne parle pas
du temps, dont, au contraire, la dépense eût excédé toute mesure. Pre-
nons cette histoire tout uniment pour ce qu'elle est, pour un symbole
de l'utilité du travail mécanique clans l'art qui semble en exiger le
DE l'AHIS.
157
moins. L'homme ne chante pas, comme l'oiseau, sans avoir rien appris,
mais la perfection du chant pour lui n'est pas celle dont, à la rigueur,
pourrait Être doué un automate.
L'auteur des Théories complètes dv, chant (pourquoi Oiéoriesaa plu-
riel, s'il n'y en a réellement qu'une bonne?), M. Stéphen de la Made-
laine, est entièrement de cet avis. 11 pense, à la vérité, comme Porpora,
qu'on doit commencer l'étude du chant par les difficultés; mais il est
convaincu que six ou huit mois de travail bien dirigé suffisent pour
obtenir un excellent mécanisme. Et puis, quand on le possède, ce mé-
canisme, est-on un chanteur accompli ? Non pas, répond M. de la Ma-
dclainc {on ne sait pas encore le premier mol. de l'art du chant.
Je serai moins sévère, et je dirai qu'on sait les mois, mais qu'il reste
à étudier l'art de construire les phrases, de les assembler, de les pro-
noncer avec expression, avec pureté, avec élégance. Malgré la petite
histoire ci-dessus [rappelée, Gaffarelli devait avoir appris tout cela, ou
bien, quelque habile qu'il fût, il ne savait pas grand' chose.
Porpora, dit-on, se contentait d'une page. M. de la Madelaine se pré-
sente avec un livre tout entier, qu'il met entre les mains, dirai-je des
professeurs ou des élèves ? J'avoue que son ouvrage me semble surtout
destiné à compléter l'éducation des premiers , à leur découvrir des
arcanes que la plupart d'entre eux ne soupçonnent guère, à leur en-
seigner la philosophie d'un art dans lequel trop souvent ils ne voient
qu'un métier. Quels sont les titres de M. Stephen de la Madelaine à
cette haute mission ? 11 a pris le soin de les énumérer lui-même dans
l'introduction de son livre. Élevé littérairement, il passa des études
classiques aux études musicales; il suivit pendant deux ans les cours
du Conservatoire, etfut admis en qualité de récitant (basse-taille solo)
à la chapelle , ainsi qu'à la musique particulière du roi Charles X. Il
avait pris des leçons d'un élève de Crescentini, de Plantade, de Carat,
de Lays ; il reçut des conseils de Paer, etLesueur l'initia aux mystères
de l'érudition. De plus , il étudia l'anatomie dans ses rapports avec
l'appareil vocal. En est-ce assez pour inspirer confiance et pour pro-
fesser avec autorité?
Les théories du chant se divisent en six parties principales : 1° Des-
cription de l'appareil vocal; 2° fonctionnement des organes; 3° méca-
nisme vocal ; /|° mécanisme de la prononciation ; 5° expression, accen-
tuation et style ; 6° hygiène des chanteurs. Toutes ces parties se
subdivisent en chapitres , subdivisés eux-mêmes en paragraphes , ce
qui rend la lecture du livre facile et profitable. Comme preuve, je ci-
terai la première partie , la plus obscure de toutes, lorsqu'on n'a pas
des pièces d'anatomie sous les yeux. M. de la Madelaine s'est fait ana-
lomiste pour l'instruction de ses lecteurs ; il a écrit , le scalpel à la
main, et il faut voir avec quelle aisance il se promène dans les laby-
rinthes de ce tube, de ces parois, de ces cartilages ; comme il se re-
trouve au milieu de la glotte, de l'épiglotte, de la trachée-artère et des
bronches; comme il va du larynx au pharynx, de la bouche qui émet
le son, aux poumons où il se prépare. D'illustres praticiens l'ont com-
plimenté sur son travail, qu'il a su mettre à la portée (ies ignorants.
Les cinq autres parties de l'ouvrage sont traitées avec le même soin.
Ce que l'auteur dit à propos des registres, du timbre et de la classifi-
cation des voix, delà pose du son, du style, est dicté par l'étude,
l'expérience et le goût. Son chapitre de la voix sonibrèe contient les
plus sages préceptes, et je le recommande aux jeunes chanteurs. Je lui
ferai seulement un reproche, qu'il sera libre de prendre pour un éloge, et,
en effet , je suis sûr que bien des gens l'interpréieront ainsi. C'est qu'il
ne s'exprime pas toujours d'un ton assez grave, et que la plaisanterie,
la critique, le sarcasme, prennent une place un peu trop large dans son
enseignement. Les Théories complètes dît chant ne sont pas moins rail-
leuses que dogmatiques. L'auteur en veut beaucoup à ces pauvres pro-
fesseurs de piano, de guitare, ou de toute autre chose, qui se posent
en maîtres de chant, et qui en montrent Fart à peu près comme ce
montreur du cheveu imperceptible, sans l'avoir jamais vu. 11 en résulte
certainement que le livre est moins froid, moins lourd que les traités
ordinaires ; mais n'y perd-il pas quelque chose de ce qui caractérise
un traité ? Une théorie s'expose et s'applique, mais, en général , elle
ne se moque pas.
11 est un point sur lequel je diffère tout à fait d'opinion avec l'au-
teur. Suivant lui , l'art du chant dégénère en France : la vocale se perd.
C'est tout le contraire, suivant moi. Nous n'avons pas reçu vainement
les leçons de l'Italie ; nos théâtres lyriques n'ont pas eu vainement à
soutenir pendant longues années la salutaire concurrence du Théâtre-
Italien, alors qu'il était desservi par les premiers artistes du monde.
On cite loujours le passé : je l'ai connu, ce passé, et je me le rappelle.
Combien y avait-il de chanteurs dignes de ce nom à l'Opéra et à
l'Opéra-Comique? Lays et Martin, pas davantage ; Levasseur et Pon-
chard n'arrivèrent qu'au déclin des deux autres. Et les cantatrices ?
Pendant tout l'Empire et les deux tiers de la Restauration , il n'y eut à
l'Opéra que Mme Branchu et Mme Albert Hymm. A l'Opéra-Comique,
il y en eut trois : Mme Lemonnier, Mme Duret, Mme Boulanger. Mais, à
côté de ces artistes, qui ont laissé des souvenirs, il n'y avait rien. Si l'on
nous rendait tout d'un coup l'Opéra et l'Opéra-Comique de 1810 et de
1816 (il n'est question ici que de chant), tout le monde se boucherait
les oreilles.
Je trouve aussi qu'on a plus que suffisamment pleuré la suppression
des maîtrises, auxquelles M. de la Madelaine accorde sa larme de ri-
gueur. Les maîtrises formaient des musiciens, d'accord ; des chantres,
je le veux bien ; mais des chantres h des chanteurs, il y a loin, et je
vous le démontre en vous rappelant l'état de nos théâtres d'autrefois;
je vous renvoie à Vurlofrancese, qui de nos jours a changé de patrie,
le n'ai pas oublié que sous l'Empire il n'y avait de presque vrais con-
naisseurs que ceux qui avaient voyagé en Italie. II est vrai que la vic-
toire et la politique y envoyaient beaucoup de Français. Mais enfin, sous
l'Empire, on chantait encore à table, sans accompagnement, sans me-
sure, et trop souvent sans justesse. Donc, le goût musical était mé-
diocre; donc, la vocale existait moins comme art que comme plaisir et
comme habitude.
Je demande à M. de la Madelaine lui-même si dans l'heureux
temps des maîtrises il eût osé publier son livre et à quel public il eût
cru pouvoir l'adresser. Le public musical n'existait pas alors, pas
plus que le journal de musique. L'art s'est répandu, popularisé; plus
que jamais, on a reconnu que pour bien chanter il ne suffisait pas de
posséder une voix, mais qu'il fallait apprendre à s'en servir. Et vous
voudriez que précisément à cette époque l'art du chant se fût mis à
dépérir? Dans votre intention, votre livre a pour but d'arrêter la déca-
dence, d'opposer une digue à la barbarie; eh bien ! moi, je l'accepte
avec reconnai ssance comme très-susceptible de seconder et de hâter le
perfectionnement.
Paul SMITH.
NOUVELLES.
*** Demain lundi, à l'Opéra, la onzième représentation du Juif errant.
%* Pendant toute la semaine qui vient de finir, le Juif errant a encore
seul occupé l'affiche. Les recettes se sont élevées à un chiffre fabuleux :
celle de lundi a été de 10,954 fr. celle de mercredi, de 11,045 fr.,
et celle de vendredi, de 4 0,600 fr. N'est-ce pas véritablement la semaine
miraculeuse?
V La rentrée de Urne Ugalde aura lieu mardi prochain dans Galathée.
En attendant, le répertoire du théâtre, par son attrait et sa variété, n'a
cessé d'attirer la foule. Le Carillonneur de Bruges, Madelun, le Farfadet ,
ont concouru avec les Voitures versées, la Fée aux Ro*es, les Porcherom et
le Sonne d'une nuit d'été à défrayer les spectacles de la semaine dernière.
*H.* On annonce diverses réformes et mutations dans le personnel de ce
théâtre. Si les bruits se confirment, nous aurons à regretter le départ
d'Audran et d'Hermann Léon, qui seraient suivis de Bellecour, Ailles Petit-
Brière et Lemaire. A compter d'hier, 15 mai, Mocker a cessé ses fonctions
ds régisseur général, et c'est Duvernoy qui s'en est chargé en son lieu et
place.
V Le grand débat relatif à l'engagement de .Mlle Wagner est terminé.
M. Lumley, directeur du théâtre de Sa Majesté, a gagné sa cause eu ap-
pel, comme il l'avait gagnée en jiremière, instance, et si Mlle Wagner
chante à Londres, ce ne pourra être qu'au théâtre placé sous sa direction.
%* Aujourd'hui, dimanche, il y aura exercice des élèves au Conserva-
158
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
toire de musique et de déclamation. Le programme de la séance est ainsi
composé : 1" ouverture de l'Hôtellerie portugaise, de Cherubini; 2° le Jeu
de l'amour et du hasard, de Marivaux, joué par MM. Lesage, Tuchmann,
Vonoven, Gilles de St-Germain. Buthiau, Mlles Arrène et Valérie ; 3° l'Irato,
de Marsollier et Méhul, joué par MM. Beckers, Iloltzem, Bonheur, Bussine
jeune, Mlles Larcena et Girard.
*„* Une commission vient d'être nommée par arrêté du ministre de
l'intérieur pour examiner les moyens de modifier la législation en ce qui
touche le droit prélevé par les hospices sur les recettes des théâtres. Les
membres de cette commission sont : MM. Achille FoUld, sénateur ; Ferdi-
nand Barrot, conseiller d'Etat ; Carlier, id. ; Frémy, id. ; Crosnier, député
au Corps législatif; Bomieu, directeur des Beaux-Arts; Jéze, chef de la
division des hospices au ministère de l'intérieur, et Louis Perrot, inspec-
teur général des prisons.
%* Plusieurs journaux ont annoncé qu'une subvention de 2,000 fr. ve-
nait d'être accordée par le Prince-Président de la République à l'école
musicale de Metz , succursale du Conservatoire de Paris. Cette nouvelle
est exacte, mais incomplète. Lorsque le moment en sera venu, nous fe-
rons connaître dans toute son étendue le bienfait dont le Conservatoire
de Paris et les quatre succursales de Toulouse, Marseille , Lille et Metz,
vont être redevables à la libéralité du Prince-Président, et nous dirons
comment le budget de la grande école , beaucoup trop réduit sous les
gouvernements précédents, sera désormais reporté au chiffre que lui
avait attribué l'Empire, c'est-à-dire à plus de 200,000 fr.
*„* MM. Niedermeyer, Georges Bousquet, Bazin et Camille Pleyel vien-
nent d'être nommés membres de la Commission musicale de surveillance
près les écoles communales de la ville de Paris. Cette Commission comptait
déjà au nombre de ses membres MM. Auber, Ualévy, Carafa, Onslovv,
Adelphe Adam, Ambroise Thomas, Zimmerman , Clapisson, Barbe-
reau, etc.
%* Comme nous l'avons annoncé déjà, l'assemblée générale de l'As-
sociation des artistes-musiciens aura lieu demain, lundi 47 mai, aux ga-
leries Bonne-Nouvelle, dans la salle des concerts de l'Association.
%* Le troisième banquet de l'Union des lettres et des arts, présidé
par M. le baron Taylor , fondateur de quatre associations d'artistes,
a eu lieu hier samedi. Le temps et l'espace nons manquent égale-
ment pour rendre les impressions que cette fête admirable dans son but,
charmante dans son ensemble, a laissées dans l'esprit et le cœur de tous
les convives. Dimanche prochain, nous donnerons quelques détails sur ce
banquet, à la fin duquel M. Dauzats a porté la parole pour les artistes
peintres, sculpteurs, etc.; M. Tessier, pour les artistes et inventeurs indus-
triels; M. Anicet Bourgeois, pour les auteurs et compositeurs dramatiques;
M. Edouard Monnais pour les artistes musiciens ; M. Francis-Wey, pour
les gens de lettres ; M. Samson, pour les artistes dramatiques. M. le baron
Taylor a répondu à tous ces discours. M. Lefebvre, comme délégué des
artistes dramatiques de Lyon, a aussi prononcé quelques paroles sympa-
thiques; et l'assemblée s'est séparée au bruit des bravos redoublés qui
ont accueilli toutes ces allocutions animées du même sentiment, mais
dont chacune avait son style et sa couleur.
%* Le Mois de Marie, d'Adolphe Adam, est chanté à Boulogne-sur-Mer
deux fois par semaine dans l'église des marins. Plusieurs morceaux se
chantent également à Rouen dans l'église de la Madeleine, et Y Ave regina
cœlorum dans l'église de Dieppe.
%* En raison de la brièveté de l'office dans la grande cérémonie reli-
gieuse et militaire célébrée lundi dernier au Champ-de-Mars, les morceaux
de la messe de Sainte-Cécile cle M. Ad. Adam ont dû être réduits à trois :
le Kyrie, YO Salularis et le Sanctus. Ces morceaux ont été exécutés, sous
la direction de M. Klosé, par 1,500 instrumentistes, composés des musi-
ciens appartenant à 19 régiments d'infanterie et à 9 régiments de cava-
lerie, et par 184 élèves du Gymnase musical, et par des instrumentistes
de M. Sax, qui figurent, dans le Juif errant. Voici les numéros des régi-
ments dont les musiques ont concouru à cette exécution grandiose : 3%
6% 13", 19e, 28% 31% 33% 37% /(3% 44% 49% 51% 56% 58e et 72= d'infante-
rie de ligne ; 3% 6% 15e et 19° d'infanterie légère ; 1er et 7e lanciers,
1 2« dragons ; 1" et 2e carabiniers, 6e et 7° cuirassiers, garde républicaine
etc. A l'élévation, annoncée par un coup de canon, les tambours ont battu
aux champs , les trompettes ont sonné, les troupes ont présenté les armes.
Après la cérémonie, le Prince-Président de la République a fait remettre
à M. Adam une tabatière ornée cle son chiffre et d'aigles en brillants ,
comme témoignage du plaisir que lui avait fait éprouver cette belle com-
position.
V Un artiste distingué , M. Willent, professeur de basson au Conser-
vatoire et attaché à l'orchestre de l'Opéra, vient d'être enlevé par une
mort aussi prématurée qu'inattendue. M. Willent était gendre de Bordo-
gni, le célèbre chanteur et professeur. Sa mort laisse une double place à
remplir.
CRON1ÇUE DÉPARTEMENTALE.
V Marseille. — Mlle Ileinefetter, la prima donna de notre grand théâ-
tre, vient de perdre sa mère ; cet événement douloureux l'éloigné du
théâtre au moment où elle venait de créer le rôle de Fidès du Prophète,
de la manière la plus remarquable. Indépendamment de la partie vocale
qu'elle a rendue avec une incontestable supériorité, elle avait su donner
à son jeu un relief des plus dramatiques. Nous citerons surtout la' scène si
émouvante de l'égli e au quatrième acte. Notre public, vivement impres-
sionné par la vérité et la puissante expression de ce jeu muet, a couvert
d'applaudissements l'artiste, et l'a rappelée, avec le ténor Octave, à la
chute du rideau. L'ovation s'est renouvelée plus brillante encore à la fin
du grand air de la première partie du cinquième acte; et constater le
rappel qui a suivi la représentation, c'est rendre simplement hommage à
la vérité.
*»* Amiens. — La Société philharmonique a clos sa saison, en s'as-
sociant Mlle Caroline Duprez, M. Alard et M. Balanqué. Grâce au zèle
si intelligent, si soutenu et si méritoire de M. Jules Deneux , son prési-
dent , cette saison a été certainement une des plus brillantes dont
puisse se glorifier la Société. En effet, si nous récapitulons les mor-
ceaux mis à l'étude et exécutés cette année par l'orchestre et les chœurs,
nous trouvons : les ouvertures de liobin-des-Bois, Obéron, Otello, Guil-
laume Tell, Charles VI et Nabuco ; la fantaisie militaire de Fessy, la béné-
diction des poignards des Huguenots, la marche de sacre du Prophète, la
prière de Moïse et le chœur des pèlerins de Jérusalem ; et si à cette énu-
mération déjà si riche, nous joignons la harpe de Godefroid, le cor de
Vivier, le violon dAlard, la clarinette de Leroy, la flûte de M. Deneux et
le piano de M. le comte des Essarts ; si nous ajoutons les voix de Mmes So-
phie et Marie Cruvelli, Caroline Duprez, Taccani-Tasca et Poinsot, de
MM. Gueymard, Balanqué et Sainte-Foy, nous trouvons que le passé four-
nit de belles et bonnes garanties pour l'avenir.
CHRONIQUE ÉïEfiEC-ÈRE.
%* Berlin, 30 avril. — Les Cantatrici villane de Fioravanti continuent
d'être données avec une grande vogue. L'ouvrage a dépassé la seizième
représentation , et le jour où elle a eu lieu, la salle était comble, les
princes de la famille royale y assistaient. Mlle Hermine Budersdorf a eu
les honneurs de la soirée. L'air de Nicolo : Non, non, je ne veux pas chan-
ter, intercalé par elle, a fait fureur, comme toujours, et on a rappelé
la cantatrice. — La Poupée de Nuremberg va être donnée prochainement ;
Mlle Rudersdorf chantera le rôle de Bertha.
*** Ntufchâlel. — Ernst a donné son premier concert. Il ne nous ap-
partient pas de porter un jugement sur le talent de- ce violoniste qui n'a
pas de rivaux ou qui, du moins, n'a pas été surpassé ; mais nous ne pou-
vons nous refuser le plaisir de payer un tribut de reconnaissance au
chantre inspiré cle YE.égie , au puissant enchanteur qui a évoqué, dans
son Carnaval de Venise, tant cle figures gracieuses, folles, ravissantes,
souriantes ou terribles ! Ces lignes ne sont qu'un faible écho des accla-
mations enthousiastes qui ont salué le célèbre virtuose. Mais son plus
doux triomphe , Ernst a dû le trouver dans l'expression de ravissement
avec laquelle Teresa Milanollo prêtait l'oreille à ses accents, et clans la
couronne de laurier que la jeune fille duTMidi a jetée aux pieds du maître
sérieux du Nord.
*** Pétenbourg. — Le célèbre violoncelliste Servais adonné des con-
certs à Kiew et à Odessa. Dans cette dernière ville, à la fin du quatrième
concert, le prince Dolgorouky a offert à Servais une couronne de laurier
en or.
*„* Constantinople. — La société formée pour les concerts dans cette
ville vient d'être forcée cle liquider, malgré le succès des artistes, par le
fait d'un procès intenté au directeur par M. Emile Solie, ex-rédacteur
de quelques petits journaux , actuellement chanteur comique. La con-
duite de ce chanteur lui a mérité une condamnation en police correction-
nelle de ce pays, à la date du 13 avril dernier. — Les amateurs de bonne
musique, et il en existe à Constantinople, regretteront Mme Ernesta Grisi,
ainsi que M. Antony Rambaud, dont la belle voix de baryton a su lui
mériter les suffrages. Il revient à Taris, où nous aurons occasion de l'en-
tendre et de vérifier ce que Ton nous dit de sa méthode et de sa voix
sympathique. — M. Horace Poussard, jeune violoniste français, pre-
mier prix du Conservatoire, et qui obtient toujours ici beaucoup de
succès, a eu l'honneur d'être demandé tout, récemment par le grand vizir,
et de jouer devant lui et devant les hauts fonctionnaires de l'Empire, que
Réchid-Pacha avait invités à cette soirée musicale. Pendant plus de
deux heures, le jeune violoniste n'a pu quitter son instrument. Il a joué
ses fantaisies sur Norma, Lucia, une fantaisie américaine de Vieux-
temps, le Carnaval du Venise, d'Ernst, et différents autres morceaux em-
pruntés au répertoire de la musique européenne. Le grand vizir, après
avoir témoigné, ainsi que tous les assistants, l'admiration que leur inspi-
ra;' <e talent de M. II. Poussard, après l'avoir félicité sur ces succès à
Paris et à Constantinople, lui a demandé de jouer quelques airs turcs.
Entre autres morceaux d'un cachet fort original et dont le succès serait
assuré en Europe, si l'artiste français avait la bonne pensée de les y im-
porter, M. Horace Toussard a exécuté l'hymne du Sultan dont, il jouait le
chant, pendant que des musiciens ottomans l'accompagnaient à la manière
turque. Ce morceau, d'un caractère plein de grandeur, ainsi exécuté, a
fait le plus grand plaisir à toute l'assistance, et le grand vizir a remercié
l'artiste avec les paroles les plus flatteuses et les éloges les plus vifs, et,
nous devons le dire, le mieux mérités.
U gérant : Ernest DESCUAMPS.
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femmes. » (Contralto) 4 »
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chimères. » (Contralto) 6 »
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doux de ne rien faire. » (Ténor) k 50
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9 bis. Couplets de la coupe, chantés par Mme Ugalde : « Sa
couleur est blonde et vermeille. » (Soprano) 5 »
9 ter. Les mêmes transposés un demi-ton plus bas 5 »
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mède, c'est toi que j'aime. » (Soprano et ténor) k »
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N* 1. LÉGENDE chantée par Mme Tedesco : « Pour expier envers lui ses
outrages. »
1 bis. La même transposée pour soprano.
2. LE COUVRE-FEU chanté par M. Merly et chœur: « De par le
bourgmestre, de par nos échevins. »
2 bis. Le même pour voix de basse seule.
3. CHOEUR DE MALANDRINS : « Au loin tremblez tous. »
II. ROMANCE AVEC RÉCITATIF chantée par M. Massol : « Ils partent
frappés de terreur. »
Il bis. La même transposée pour ténor.
5. DUO chanté par Mme Tedesco et M. Massol : « Théodora, qu'ici
le ciel m'envoie. »
*" ACTE.
6. SCÈNE ET TRIO chantés par Mmes Tedesco et LaGrua, et M. Ro-
ger : « Douze ans sont écoulés. »
7. QUATUOR pour à basses, chanté par MM. Depassio, Guignot. Ca-
naple et Noir : « On m'a dit vrai, jamais plus charmante beauté. »
8. CAVATINE chantée par Mme Tedesco : « A moi, ta sœur et ton
amie. »
8 bis. La même transposée pour soprano.
9. DUO AVEC RÉCITATIF chanté par Mme Tedesco et M. Roger :
« Sa voix, sa vue enchanteresse. »
10. CHOEUR de la Saint-Jean : « Saint-Jean ! Saint-Jean ! »
8e ACTE.
11. AIR AVEC RÉCITATIF chanté par Mlle La Grua : «0 merveille!
ô prodige I auquel je crois à peine. »
11 bis. Le même transposé pour contralto.
12. ROMANCE chantée par M. Roger : « Une sœur, une amie, ange de
la maison. »
12 bis. La même transposée pour baryton.
13. STROPHES chantées par Mme Tedesco : a Que nos voix vers le ciel
montent. »
13 bis. Les mêmes transposés pour soprano.
4" ACTE.
14. AIR AVEC RÉCITATIF chanté par M. Roger : « A ce palais dont
la magnificence... »
14 bis. Le même transposé.
15. ROMANCE extraite de l'air chantée par M. Roger : « Vous n'êtes
plus, jours d'innocence. »
15 bis. La même transposée pour baryton.
16. DUO en; nté par Mlle La Grua et M. Roger : « Le ciel nous a réunis.»
16 6 s. ROMANCE extraite du duo : « 0 ciel! est-ce un rêve? »
17. AIR chanté par M. Massol : « De Dieu l'éternelle clémence. »
17 Ins. Le même transposé pour ténor.
17 1er Le même transposé pour basse.
18. QUINTETTE pour 5 voix de basse, chanté par MM. Depassio,
Guignot Canaple, Goyon et Noir : « La nuit est sombre. »
18 Ins. Le même réduit à 1 voix de basse.
5« ACTE.
19. ROMANCE chantée par M. Roger : « Quand chacun te fuit ici-bas. »
19 bis. La même transposée pour baryton.
20. EVOCATION chantée par M. Chapuis : « La voix du Seigneur vous
appelle. »
21. CHOEUR DES ELUS: « Prenez pitié, Seigneur. »
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Par MUSARD.
Grande valse pour piano, par Fr. BURGMULLEB.
Polka des Abeilles, par E. ETTLING.
Scnottiscn du Berger par J. PASDELOUP.
Polka-Mazurka, par G. DAN1ELE.
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N° 21
REVUE
23 Mai 1852.
prl\ île l'Abonnement 1
Départements, Re'gique pt Su
Étranger
Le Journal p.irolt le pi marche.
TTE MUSICALE
SOMMAIRE. — De la propriété littéraire et do la contrefaçon, Bruxelles, 20 mai. —
Conservatoire de musique et de déclamation, exercice des élèves. — Association
des artistes musiciens, assemblée générale et compte rendu, de M. Jules Simon.
— Revue critique, essai sur les études pour piano de Mme de Gasparin, par
Henri Blanchard. — Nouvelles et annonces.
DE LÀ PROPRIÉTÉ LITTÉRAIRE ET DE LA CONTREFAÇON.
Bruxelles, le 20 mai 1852.
Je n'ai pas la prétention de vous apprendre que des négociations se
suivent en ce moment à Paris pour résoudre le problème si souvent
posé d'un échange entre la France et la Belgique du droit de propriété
que j'appellerai intellectuelle, pour donner à la chose son sens véritable
et son extension naturelle. A la vérité, ces négociations sont conduites
en secret, afin d'éviter de part et d'autre des influences ou des tenta-
tives d'influences qui pourraient gêner les représentants des deux
États (1). La diplomatie n'est plus la science ténébreuse d'autrefois; la
plupart de ses travaux se font aujourd'hui à ciel ouvert, soit qu'il y ait
plus de franchise dans les rapports des nations, soit que les hommes
soient devenus plus bavards et moins capables de garder un secret; je
vous laisse le choix entre ces deux hypothèses. Cette fois pourtant les
diplomates se sont enveloppés de mystère, et la question qu'ils agitent
pourra bien être résolue au moment où l'on s'y attendra le moins.
Votre nouveau gouvernement vous aaccoutumés à plus dediscrétion qu'on
n'en avait sous le régime parlementaire. La publication par le Moniteur
du traité qui abolira la contrefaçon ne causera pas plus de surprise as-
surément que celle du décret sur la conversion de la rente.
Vous allez me demander comment il se fait que je sache, moi qui vis
à Bruxelles, ce qui se passe en ce moment chez vous. Je n'ai pas, croyez-
le bien, la prétention d'être sorcier ; mais s'il est difficile de garder un
secret dans un grand pays, cela est impossible dans un petit. Nos di-
plomates ont eu beau mettre leur manteau couleur de muraille et se
glisser dans l'ombre, on a su qu'ils partaient pour Paris, on a su ce
qu'ils y allaient faire et ce qu'ils y faisaient.
On pense généralement à Paris que la Belgique entière prend fait et
cause pour la contrefaçon, qu'elle en défend le principe d'une façon
absolue et qu'elle place les profits qu'on en tire au-dessus de toutes les
considérations morales. C'est une grave erreur. Il ne faut pas s'étonner
que les libraires, les imprimeurs, les fabricants de papier, les fondeurs
(1) Ce que dit notre correspondant sur le secret des négociations prouve qu'en
Belgique on ne sait pas tout-à-fait comment les choses se passent à Paris. Ce secret
existe si peu que nous avons été nous-même appelé plus d'une fois au ministère avec
la Commission, composée de tous les délégués des parties intéressées, et toujours
nous avons été tenu au courant des négociations. Du reste nous laissons aujourd'hui
parler notre correspondant, et dans notre prochain numéro nous dirons où en est la
question, en répondant en même temps à quelques arguments qui n'ont pas encore
été discutés.
de caractères, que tous les industriels enfin qui vivent du grand déve-
loppement donné par la contrefaçon au commerce des livres soient op-
posés à toute mesure qui aurait pour but d'interdire la libre reproduc-
tion des ouvrages français. C'est un sentiment assez conforme à la
nature, puisqif au bout de cette mesure est pour eux sinon la ruine, du
moins une singulière diminution dans l'importance de leurs affaires, et
par conséquent dans le chiffre de leurs bénéfices Mais, croyez-le bien,
la contrefaçon a beaucoup d'adversaires en Belgique même. EHe a
contre elle d'abord les gens qui, tout-à-fait désintéressés dans la ques-
tion, comprennent ce qu'il y a d'immoral au fond dans la spoliation des
droits imprescriptibles de la propriété, dans quelques conditions qu'elle
se pratique, se couvrît-elle du manteau de la légalité ; elle a encore
contre elle tous ceux qui écrivent et qui voudraient voir la vie littéraire
s'introduire en Belgique, où elle existe si peu que ce n'est pas la peine
d'en parler.
La contrefaçon belge a donc en Belgique de nombreux ennemis,
s'il s'agit du principe sur lequel elle s'appuie ; mais il n'en faut pas
conclure qu'on soit, ici, disposé à faire bénévolement à la France le
sacrifice des avantages matériels qu'elle procure au pays, ni même,
ceci va vous surprendre peut-être, qu'on trouve vos réclamations par-
faitement fondées, jusqu'à ce jour du moins, car un décret récent a
beaucoup modifié, sous ce rapport, l'aspect de la question. On disait,
et, vous l'avouerez, on n'avait pas tort, que la France était bien peu
fondée à reprocher aux autres un méfait commis par elle sans nul
scrupule. Aux contrefaçons des auteurs français faites à Bruxelles, on
opposait les contrefaçons d'auteurs anglais, italiens, allemands, espa-
gnols, faites à Paris. On citait encore les fortunes faites par les traduc-
tions d'opéras, les arrangements, pastiches, etc. A ceux qui se plai-
gnaient de voir nos théâtres vivre du répertoire français, sans payer
aucune redevance aux littérateurs et aux musiciens dont ils exploi-
taient les œuvres, on demandait de quoi vécurent, à Paris, l'Opéra-
Italien et l'Odéon, où, certes, Rossini, Weber, Donizettiet tant d'autres
ne furent pas mieux traités qu'on .'ne traita chez nous vos grands
maîtres. On disait, enfin, que lorsqu'on veut proclamer à son profit des
principes d'équité, il faut commencer par se les appliquer à soi-même
et par supporter les charges qu'ils imposent.
Voilà ce qu'on disait en Belgique, quand tous les jours vos écrivains
montaient sur leur cheval de bataille pour combattre la contrefaçon,
quand vos journaux nous traitaient, chaque jour, de pirates, de for-
bans, sans songer, sans doute, que les injures dont ils nous accablaient
étaient méritées au même titre et par des actes en tout point sem
blables à ceux qui nous valaient leurs [invectives, par des gens aux-
quels ils accordaient toute estime. « Y a-t-il donc deux poids et deux
mesures? Ce qui est un crime, fait à Bruxelles, devient-il, à Paris,
162
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
une action méritoire ? » Tel était le problème que se posaient chez
nous Iles personnes les moins disposées à soutenir le principe de la
contrefaçon, sans 'pouvoir le résoudre à l'avantage de la France, je
vous en fais l'aveu.. Il est vrai que nous ne sommes qu'une petite na-
tion et que vous en êtes une grande. 11 est encore vrai que certaines
licences prises à l'égard des droits consacrés par la morale, passent,
aux yeux de beaucoup de gens, pour n'être plus répréhensibles lors-
qu'elles sont pratiquées dans de certaines proportions, par de certaines
puissantes personnes ; mais tout le monde ne partage pas, heureuse-
ment, cette manière de voir. La France consacrant chez elle les droits
des auteurs étrangers, et se faisant une loi d'observer les principes
qu'elle pose en matière de propriété littéraire, toute objection tombe
de ce côté.
Pour ce qui touche à la contrefaçon des livres français en Belgique,
on faisait remarquer, non sans raison, que si elle était exilée de Bruxel-
les, ce serait pour se réfugier soit en Hollande, soit en Suisse, et l'on
voulait que votre gouvernement traitât en même temps' avec tous les
Etats, au lieu de prétendre interdire à la Belgique seule, et sans aucun
bénéfice pour les littérateurs parisiens, un commerce illicite si vous
voulez, mais dans lequel se trouvaient engagés de gros intérêts. Tout
cela, convenez-en, n'était pas déraisonnable.
Quand on a su que des négociations allaient être entamées à Paris
pour régler les conditions d'un échange du droit de propriété littéraire
entre la France et la Belgique, les diverses industries que doit attein-
dre cette mesure se sont émues. Il y a eu des meetings d'ouvriers im-
primeurs dans lesquels ont été rédigées des adressés aux ministres et
aux chambrés, afin d'obtenir que la cause de la typographie et de la
librairie belge fût énergiquement défendue par nos commissaires.
Quant à l'opinion publique, contraire au maintien de la contrefaçon,
elle n'est inLervenue dans le débat que pour exprimer le vœu qu'on
stipulât en échange de son abandon des conditions avantageuses au
commerce national. Plusieurs brochures ont été publiées où les idées
les plus diverses, les plus contradictoires, les plus bizarres, sont émises
au sujet de la contrefaçon envisagée au point de vue de son principe et
de ses applications.
Et d'abord il faut que je vous dise que ce vilain mot de contrefaçon
sonne fort mal à l'oreille de nos éditeurs ; ils préfèrent celui de réim-
pression. Si vous vous dégagez de toute prévention, si vous prenez les
choses au pied de la lettre, en conservant aux mots leur sens gram-
matical, vous reconnaîtrez qu'ils n'ont pas tout à fait tort. Contrefaire
un livre, ce serait lui donner une physionomie propre à tromper l'a-
cheteur sur son origine ; mettre sur sa couverture le nom de l'éditeur
parisien ; imiter le mode d'impression. Or, ce n'est pas ce que font
nos libraires. Des in-octavo français ils font des in-douze, indiquent
Bruxelles pour lieu de publication, et au bas du titre inscrivent leur
nom en toutes lettres, ainsi que celui du typographe, quand ils ne sont
pas à la fois imprimeurs et éditeurs. Il n'y a donc pas contrefaçon, à
bien parler; quiconque achète un livre imprimé à Bruxelles sait par-
faitement -qu'il n'achète pas l'édition originale. Du reste, le mot ne fait
rien à l'affaire. Contrefaçon ou réimpression, le procédé qui consiste à
s'emparer du bien d'autrui, et certes les productions de l'esprit consti-
tuent une propriété légitime , n'en est pas moins immoral. J'ai fait
une concession grammaticale à nos libraires ; mais je ne suis pas dis-
posé à transiger avec eux sur le fond de la question. Il n'y a pas lieu
de les attaquer personnellement; on a tort en France quand on les
traite de pirates, de forbans. J'en connais qui sont dignes d'une par-
faite estime ; et- dans le fait, ils exercent au grand jour une industrie
que la loi reconnaît et protège, ainsi que font vos éditeurs de livres
anglais, allemands et espagnols, vos traducteurs d'opéras. Or, changer,
la loi, voilà ce qu'il faut.
Lorsqu'il est question de faire intervenir entre la France et la Bel-
gique un traité qui garantisse les auteurs des atteintes portées à la
propriété de leurs œuvres, on ne parle que des effets de cette mesure'
en ce qui touche à la littérature et à la librairie. Ses résultats, en ce
qui concerne les théâtres et la musique, ne sont pas moins importants.
C'est de ceux-ci que je m'occuperai particulièrement.
Je viens de vous dire que plusieurs brochures sur la contrefaçon, ou
si l'on veut sur la réimpression, avaient paru à Bruxelles dans ces der-
niers temps. L'auteur de l'une d'elles n'y va pas par quatre chemins ;
suivant lui, la propriété littéraire ou intellectuelle, comme je pense
qu'il convient de la nommer, n'est pas une propriété. Voilà du moins
qui a l'avantage d'établir nettement la question. Vous recevez un bien
par héritage; il est votre propriété légitime ; à l'aide de capitaux vous
fondez un établissement industriel, nul n'en peut contester la posses-
sion ni à vous ni à vos héritiers. Mais que votre génie enfante un chef-
d'œuvre littéraire, musical ou pitturesque, chacun aura le droit , non
seulement d'en jouir, mais d'en tirer profit sans que vous ayez le plus
petit mot à dire.
Le puissant motif sur lequel s'appuie, pour soutenir sa thèse bizarre,
l'écrivain qui a pris pour devise cette maxime, incontestable suivant
lui, que la propriété littéraire n'est pas une propriété, c'est que l'inté-
rêt général veut qu'un bon livre se débite à bas prix afin de répandre
le plus possible les idées utiles qu'il renferme. A la bonne heure; mais
si l'auteur doit travailler uniquement dans un but d'intérêt général, il
est du devoir de l'Etat de lui assurer des moyens d'existence. Voyez
où cela nous conduit, et quelles proportions prendra le budget si le gou-
vernement est tenu de pensionner tous ceux qui tiennent une plume !
Craignant des conséquences semblables à celles que j'indique ici ,
l'inventeur de ce nouveau système substitue un droit de copie à la pro-
priété des œuvres de l'esprit. 11 veut que chacun puisse imprimer et
vendre un ouvrage quelconque, à la condition de payer à son auteur
un droit de copie, en sorte qu'il pourrait arriver qu'il se fît à la fois dix
éditions d'un livre ou d'une partition. Qui réglera ce droit? La volonté
du littérateur ou du musicien ; mais alors on retombe dans l'inconvé-
nient des prix élevés que veut éviter notre novateur. Une disposition
législative ? Comme la loi ne peut apprécier le mérite de chaque auteur,
la valeur de chaque ouvrage ; comme elle ne peut poser que des règles
d'une application générale, il en résulte que l'élucubration du dernier
poète crotté se paiera aussi cher qu'une production de MM. de Lamartine
et Victor Hugo, et que la partition de tel opéra médiocre sera assimilée,
pour les conditions de la publication , au Prophète ou au Juif errant.
Sortez de là si vous pouvez.
Une autre brochure intitulée : De la propriété littéraire internatio-
nale, de la contre façon et rie la liberté de la presse, a paru en même
temps que celle dont je viens de vous parler. Elle est l'œuvre de
M. Ch. Muquardt, libraire allemand, depuis longtemps fixé dans ce pays
et faisant un assez grand commerce de livres étrangers. La question y
est envisagée à un tout autre point de vue. On n'y conteste pas la légi-
timité de la propriété littéraire ; on n'y parle pas de droit de copie ,
mais du droit imprescriptible et absolu des auteurs sur leurs ouvrages ;
la contrefaçon enfin y est appelée par son nom.
M. Muquardt fait le bilan de la contrefaçon depuis quinze ans. Ses
calculs établissent de la manière la plus positive que la contrefaçon ,
qui semblait avoir atteint en 1836 un haut degré de prospérité, et à
laquelle des destinées plus brillantes encore paraissaient réservées, n'a
cessé de décroître, et qu'elle est tombée si bas aujourd'hui , qu'on en
arriverait à douter de son existence, n'était le bruit qu'on fait à Paris
pour abattre ce prétendu colosse. En 1836, puisque l'auteur de la bro-
chure nous fait remonter jusque là, plusieurs sociétés de librairies ve-
naient d'être fondées pour exploiter la contrefaçon. C'était le moment
de la grande vogue des actions industrielles; on se disputa les chiffons'
de papier qui représentaient le capital de ces sociétés. On se mit à im-
primer avec ardeur, avec frénésie. Il ne paraissait pas un livre à Paris
qu'aussitôt on n'en fît mainte édition à Bruxelles. La concurrence s'é-
tablissait non pour la meilleure exécution typographique, mais pour le
plus bas prix. Tel volume coté 7 fr. 50 c. par l'éditeur français, était
mis à 3 fr. par le premier contrefacteur belge, à 30 sous par le second;
un troisième trouvait moyen de l'abaisser encore. On en est venu à ce
DE PARIS.
163
poinl que las livres n'ont plus aucune sorte de valeur, cl que dans les
venLes publiques, par exemple, ils ne se vendent pas même au poids
du papier, attendu que ce papier est d'une qualité détestable.
Ce qui a causé la dépréciation des édition; belges en I! slgique, c'est
d'abord l'incorrection typographique. Pour aller plus vile et pour fa-
briquer à meilleur marché, en imprimait sur une composition faite à la
hâte sans corriger d'épreuves. Vous jugez quelle pouvait être la pureté
de textes traités de celle façon. Que de failles, que de bévues de Iput
sortes! Je pourrais vous citer des livres où il existe des lacunes consi-
dérables. La pagination continue; mais le sens des phrases est inter-
rompu: il manque la moitié d'un chapitre.
Autre détail assez piquant sur les motifs de celte dépréciation. Les
fabriques de papier suffisaient à peine aux besoins des imprimeries, qu.
dévoraient leurs produits avec une insatiable avidité. On fit du pap:er
avec toutes sortes d'éléments de mauvaise nature , et l'on employa ,
pour blanchir la pâle, dos acides qui la brûlèrent. Les inconvénients
de ces procédés expéditifs ne ressorlirent pas au premier moment. Les
livres avaient une assez belle apparence. Quelques années après seule-
ment, des souscripteurs voulant faire relier les volumes qu'ils s'étaient
félicités d'acheter à bon marché, ceux-ci tombèrent en poussière sous
le marteau dans l'opération du battage. Toutes les éditions belges ne
sont pas confectionnées ainsi. Celles de la maison Méline se distinguent
par la correction aussi bien que par l'élégance ; mais pour quelques
livres bien imprimés, combien de, monstruosités typographiques n'ont
pas enfantées Bruxelles, Liège, Tournay et Mons, celles de nos villes
où sont les principaux ateliers de la contrefaçon ?
Je reviens à la brochure de M. Muquardt et au bilan de la contre-
façon qu'il dresse en chiffres ronds, ainsi que je vous le disais tout à
l'heure. La production belge, si active en 1836, s'est réduite graduel-
lement aux plus minimes proportions. Toutes les sociétés de librairie,
sauf une, celle de M. Méline, ont disparu. En 1850, enfin, sur 7,608 li-
vres et brochures publiés en France, on n'en a réimprimé que 187 en
Belgique; tel est le degré d'affaiblissement de ce monstre qu'on repré-
sente chez nous comme prêt à tout dévorer. M. Muquardt , après
être entré dans des considérations commerciales fort judicieuses ,
mais où je no le suivrai pas, conclut à l'abolition de la contrefaçon
comme ne devant porter à la Belgique aucun dommage matériel et
comme pouvant aider beaucoup au développement de la littérature
nationale.
Dans les deux brochures que je viens de citer, la question littéraire
est seule mise en jeu. Encore n'est-elle envisagée qu'au seul point
de vue de la réimpression des livres. Il n'y est parlé ni des œuvres
dramatiques, ni des productions musicales, pittoresques et plastiques.
En voici venir une troisième où le point de vue est pris d'une manière
plus générale. Celle-ci a pour auteur M. Hauman, frère du célèbre vio-
loniste et chef d'une des maisons de librairie qui ont cessé d'être.
M. Hauman est homme d'esprit; sa brochure est piquante et bien
écrite. 11 prend la défense de la contrefaçon , ce qui est fort naturel,
puisqu'il l'a pratiquée largement jadis et qu'il lui doit une grande par-
tie de sa fortune. Son avis est aussi que la pensée n'est pas une pro-
priété. Que le principe de cette propriété soit inscrit dans les codes ,
aussitôt la civilisation s'arrête. 11 reconnaît qu'on ne devra pas appli-
quer seulement à la littérature les droits qu'il confère , mais qu'il fau-
dra l'étendre jusqu'aux arts, aux sciences , à l'industrie, a Alors, dit-
il, la France restituera à l'Angleterre, à l'Allemagne, à l'Italie, les idées,
les procédés qu'elle leur a empruntés. Elle renoncera à la peinture à
l'huile que la Belgique lui a enseignée ; au tissage du lin, car c'est en
Belgique que cette industrie a vu le jour ; elle cessera de pratiquer les
enseignements agricoles qu'elle est venue chercher en Belgique, etc. »
Ce sont là d'ingénieux paradoxes ; mais ce ne sont que des para-
doxes.
M. Hauman touche une corde qui vibre plus juste, quand il reproche
à la France de spéculer elle-même sur la contrefaçon qu'elle veut in-
terdire aux autres nations. Il cite les éditeurs parisiens qui réimpri-
ment les écrits des autours anglais, italiens, allemands et espagnols; il
mentionne égalcmeni les éditions d'oeuvres musicales é,tcangèïea qui
se font chez vous ; enfin, il n'oublie pas ce qui se passe en matière de
spectacle lyrique. « La propriété de la pensée , c'esl ainsi qu'il. s'ex-
prime, méconnue par la législation française, par les libraires fran-
çais, par les traducteurs français, n'est pas plus respec.lée au théâtre.
Tous les opéras de liossini, à peu d'exceptions près, ont été chantés à
l'Opéra-Italien de Paris ou à l'Odéon, sans qu'on se soit jamais soucié
des droits de l'auteur. Les compositions de Weber, de Mozart, de Bee-
thoven, ont été exécutées en France : a-l-on jamais songé aux droits
de ces grands hommes? La veuve de Weber vivait dans la médiocrité
pendant que l'Odéon s'enrichissait. par le Freischûlz. »
Tout cela est vrai; mais quelle conséquence en pcul-on tirer, si ce
n'est qu'il était urgent qu'un échange international du droit de pro-
priété intellectuelle vînt garantir partout les écrivains et les composi-
teurs des spoliations dont ils n'ont été que trop longtemps victimes.
En demandant l'abolition des contrefaçons pratiquées chez d'autres
nations au détriment de ses nationaux, la France n'a jamais eu, j'en
suis convaincu, l'intention d'autoriser chez elle le maintien d'un pareil
abus au préjudice des étrangers.
En examinant l'influence qu'exercera sur la situation des théâtres en
Belgique une reconnaissance du principe de la propriété intellectuelle,
M. Hauman prétend que ce sera la ruine de nos entreprises dramati-
ques, qui, dans l'état actuel des choses, ont déjà grand'peine à \ivre
ou même ne vivent pas du tout. Suivant lui, les directeurs, plutôt que
de se soumettre à l'impôt du droit des auteurs, renonceront à exploiter
le répertoire de Meyerbeer, d'Halévy, d'Auber, etc.; les subsides qui
sont censés soutenir le théâtre royal et qui_ne le préservent pas d'une
chute en quelque sorte périodique, deviendront de plus en plus insuf-
fisants, d'où il suit que nous sommes menacés d'une privation presque
complète du spectacle lyrique. Les sombres prévisions de M. Hauman
se réaliseront-elles ? C'est ce que je vais examiner. Après des préam-
bules nécessaires pour l'intelligence de la question débattue en ce
moment par les négociateurs français et belges, j'arrive, comme vous
le voyez, à n'en plus considérer que le côté musical.
M. Hauman m'accusera peut-être, à son tour, de soutenir une opi-
nion paradoxale, si je dis que loin d'être une cause de ruine pour le
théâtre royal de Bruxelles, la consécration du droit intellectuel sera,
au contraire, pour lui un motif de prospérité. Telle est pourtant ma
conviction profonde, et je ne désespère pas de la faire partager aux
esprits non prévenus, car elle s'appuie sur des faits qui me semblent
péremptoires.
Le théâtre royal de Bruxelles reçoit, tant de l'administration com-
munale que de la liste civile, une assez forte subvention. Je reconnais
que cette subvention n'est plus suffisante pour le faire prospérer; mais
pourquoi ? C'est qu'il s'est établi plusieurs autres spectacles où l'on joue
le drame et le vaudeville, et que Bruxelles n'a pas une population
assez considérable pour alimenter tous ces lieux d'amusement public.
Les théâtres secondaires, non subventionnés, vont se trouver rudement
atteints par la disposition législative qui les soumettra aux droits d'au-
teurs. Je ne doute pas que celte charge nouvelle ne les écrase et qu'il
n'en tombe quelques uns pour ne plus se relever, ce qui ne sera pas
un mal assurément. On me dira, sans doute, que le théâtre royal subira
comme les autres les conséquences de l'impôt et que la même cause
pourrait bien avoir pour lui les mêmes effets. Cette objection, assez
fondée en apparence, ne me trouvera pas sans argument. Voici ce que
j'y répondrai :
Jusqu'à ce jour le gouvernement n'a rien fait pour le théâtre royal
de Bruxelles, soit parce qu'il était catholique, et qu'alors il répugnait à
ses principes de favoriser l'œuvre du démon, soit parce qu'il était li-
béral et qu'il ne voulait pas soulever, au sein de la Chambre, les récri-
minations de ses adversaires. Il sera moralement forcé de lui donner
un subside égal à la somme que représentera le prélèvement annuel du
droit des auteurs, ce prélèvement ayant lieu en vertu d'une convention
164
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
diplomatique. Si le gouvernement, mal inspiré, se soustrait à cette obli-
gation, il n'y a nul doute que la ville ou la liste civile ne vienne en aide
à l'entrepreneur. Le théâtre royal se trouvera donc à la fois débarrassé
de concurrents fâcheux et doté d'un supplément de subside, grâce à
l'article du traité international, que les partisans du maintien de l'état
de choses voudraient faire considérer comme la cause de sa ruine.
Si je vois juste, non seulement nous ne serons pas privés du réper-
toire de Meyerbeer, Halévy, Auber, etc., ainsi que le suppose M. Hau-
man; mais rien n'empêchera que d'habiles compositeurs de l'école
française ne viennent, dans des moments où il y aurait encombrement
aux spectacles lyriques de Paris, faire représenter des opéras nouveaux
à Bruxelles, s'ils étaient sûrs d'y trouver une rémunération de leurs
travaux. Les artistes belges auraient aussi quelque chance d'être mieux
accueillis par les iwpresari, du moment que ceux-ci ne pourront plus
fonder leur refus sur la faculté qu'ils ont de mettre gratuitement à con-
tribution le génie de vos plus grands maîtres.
La contrefaçon des œuvres de musique est nulle en Belgique, quant
aux partitions d'opéras, aux grandes compositions instrumentales et
aux méthodes. En revanche, on contrefait ici beaucoup de morceaux de
piano et beaucoup de romances, par la raison que ces ouvrage coûtent
peu à établir et trouvent un débit considérable. L'abolition de la con-
trefaçon intéresse donc très-directement le commerce de musique de
Paris.
De même que les littérateurs, tous les musiciens belges appellent
de leurs vœux la conclusion du traité qui garantira l'échange mutuel
du droit de propriété intellectuelle. Je ne soutiendrai pas que cet acte
législatif doive avoir pour effet de multiplier chez nous les composi-
teurs de génie et d'y faire naître les chefs-d'œuvre enfouie; mais, génie
ou non, lorsqu'un jeune artiste se présente chez un éditeur de Bruxelles
avec un manuscrit dont il a la naïveté de solliciter l'impression, l'é-
diteur lui demande s'il se moque de penser qu'il sera asez fou pour
risquer ses écus dans une telle opération, tandis qu'il a, sans bourse
délier, les ouvrages d'auteurs célèbres dont le nom seul est une ga-
rantie de succès.
La contrefaçon musicale, ainsi que la contrefaçon littéraire, a dé-
cliné en Belgique depuis quelques années. On n'y chante pas moins
cependant ; on n'y joue pas moins de piano ni de violon. On fait plus
d'usage des éditions originales. Le commerce de musique parisien a
eu à lutter contre un ennemi plus dangereux que la contrefaçon belge :
c'est la réimpression allemande. L'Allemagne nous inondait de ses pu-
blications fort laides, mais à bon marché. Les amateurs commencent à
s'en dégoûter, surtout quand il s'agit de musique de chant, à cause de
la confusion qu'offrent les paroles françaises et la traduction allemande
superposées.
11 faut rendre justice à tout le monde, même à la contrefaçon. Elle a
eu pour résultat d'obliger les éditeurs parisiens à abaisser le prix des
livres jadis trop élevé. Si ces mêmes éditeurs voulaient- profiter des
traités qui vont reconnaître le droit international de la propriété intel-
lectuelle pour remettre les choses sur l'ancien pied, ils auraiient tort.
Ils doivent, au contraire, partir de ce principe, que l'abolition de la
contrefaçon va leur créer de nouveaux et considérables débouchés,
pour établir leurs publications à des prix peu élevés, afin de s'adresser
à un plus grand nombre de consommateurs. Les défenseurs de la con-
trefaçon faisaient valoir les services qu'elle rendait à la civilisation
en répandant à bon marché des connaissances ou des jouissances in-
tellectuelles dont les éditeurs français avaient constitué un privilège
en faveur des classes riches par les prix excessivement élevés de leurs
éditions. 11 y avait là quelque chose de vrai. La librairie et le com-
merce de musique de Paris ne voudront pas , après avoir vaincu la
contrefaçon sur le terrain de la légalité, rendre sa cause intéressante
aux yeux des amis de la littérature et des arts, en ôtant à ceux que
n'a point favorisés la fortune, la possibilité de satisfaire les appétits de
leur intelligence.
A. Z.
CONSERVATOIRE DE MUSIQUE ET DE DÉCLAMATION.
EXERCICE DES ÉLÈVES.
L'ouverture de l' Hôtellerie portugaise inaugurait la séance, et l'exé-
cution de cette admirable composition, l'une des meilleures de l'illustre
Cherubini, a été fort satisfaisante. Le jeune orchestre savait, en ce mo-
ment, qu'il était sur la sellette ; il n'avait pas à regarder les acteurs
sur le théâtre, ni à s'occuper de la pièce plus cjue de sa partie, et il a
montré ce qu'il pouvait faire. Il fera bien plus, quand M. Massart, ap-
puyé sur l'autorité de M. Auber, aura mis en pratique son excellent
projet d'organisation et de discipline. Ce qui manquait à toute cette
milice juvénile, qui avait trop l'allure des corps-francs, c'était un chef
permanent, invariable, qui les connût par leur nom, aussi bien que par
leur talent et leur caractère, qui eût la volonté ferme et l'habitude ac-
quise de les mener. M. Massart ayant accepté cette tâche, il est certain
que le corps-franc se changera, dans peu, en troupe réglée, et que
nous aurons un bon orchestre de plus à Paris.
La comédie de Marivaux a été aussi bien jouée qu'elle pouvait l'être
par de très-jeunes gens. Le rôle de Sylvia, dans le Jeu de l'Amour et
du Hasard, est tout un abîme de finesse, de coquetterie, de passion
même. 11 faut y avoir vu Mlle Mars pour se douter de ce qu'on peut en
tirer. Mlle Arrène s'y est montrée agréable de jeu, charmante de fi-
gure. Mlle Valérie a aussi fort bien joué Lisette. Lesage, Tuchmann,
Gilles de Saint-Germain, ont fait preuve de grande intelligence dans les
rôles d'Orgon , de Mario, de Pasquin; quant au rôle de Dorante.
Vonoven, qui d'ailleurs donne beaucoup d'espoir, lui a imprimé une
teinte trop prononcée de tragédie : il avait plus l'air d'un Oreste que
d'un jeune homme de la société.
L'Irato n'était dans le principe qu'une bouffonnerie, une mystifica-
tion poétique et musicale. Méhul croyait de bonne foi parodier, imiter
la musique italienne et baffouer ses admirateurs. Et ce qu'il y a de bon,
c'est qu'on s'y laissa prendre ! Fut-il jamais pourtant de musique moins
italienne que celle de Ylrato?
Tous les rôles de cet ouvrage n'étaient pas taillés pour la voix des
élèves qu'on en avait chargés. Ceux d'Isabelle et du docteur étaient
trop élevés pour Mlle Larcéna et Bussine jeune, ce qui ne les a pas
empêchés de jouer très-bien. Beckers a une excellente tête de vieillard
colère. Holtzem chante bien, mais sa voix est faible. Mlle Girard n'avait
qu'un bout de rôle. Le mieux partagé de tous, c'était Bonheur, qui
s'est distingué à double titre dans le rôle de Scapin.
Joseph, au Conservatoire, avait précédé d'une année la reprise de
Joseph à l'Opéra-Comique. L'Jrato de l'un suivra encore Ylrato de
l'autre, mais de plus près. P. S.
ASSOCIATION DES ARTISTES-MUSICIENS.
A&scniUEé« générale.
Nous voulions revenir sur la relation du banquet solennel qui, l'autre
samedi, réunissait à la même table la grande famille des lettres et des
arts. Nous voulions entrer dans les détails de cette fête, qui est non-
seulement celle d'un homme, mais celle d'une institution, et communi-
quer à nos lecteurs une faible partie des impressions que tous les assis-
tants en ont emportées. La tâche eût été difficile sans doute ; nous
n'aurions pu donner qu'une froide analyse de ces allocutions toutes
remplies d'un même sentiment, d'une même pensée, et dont plusieurs,
notamment celles de M. Dauzats , compagnon de M. le baron /faylor
dans ses voyages d'Orient; de M. Samson, ami de sa jeunesse , et de
M. Taylor lui-même, avaient tout l'intérêt qui s'attache aux mémoires ,
tout le charme qui respire dans les confidences.
Aujourd'hui nous y renonçons non sans regret, parce qu'une solennité
d'un autre genre, l'assemblée générale de l'Association des artistes-mu-
siciens a eu lieu depuis, et parce que dans le compte-rendu annuel que
SIMPLEMENT.
SUPPLÉMENT.
DE PARIS.
M. Jules Simon y a lu et présenté, le banquet des Lettres et des Arts
a trouvé aussi sa place; contentons-nous donc de cette page et de
nos souvenirs pour ne nous occuper que d'affaires, de chiffres, de
scrutin , d'élections.
C'est lundi dernier, à une heure, que la grande séance s'est
tenue dans la salle de concert, aux galeries Bonne-Nouvelle. Jamais,
depuis la fondation, les Artistes Musiciens ne s'y étaient rendus en
aussi grand nombre : on a compté jusqu'à 314 assistants qui ont
entendu le rapport. Parmi les membres des autres Associations
dont la présence a été d'abord signalée par le Président et ensuite
applaudie par tout l'auditoire, il faut citer MM. Samson, Derval,
Dauzats, Bochet, Michel ; nous regrettons que les noms des autres
nous échappent, mais ils n'ont pas échappé aux chaleureuses accla-
mations des hôtes qu'ils daignaient visiter.
Après le rapport dont tout-à-1'heure nous dirons quelques mots,
on a procédé au tirage des douze noms qui devaient sortir de l'urne.
Le sort a désigné MM. Georges Kastner, Auber, Alard, Tilmant
aîné, Battu, Panseron, Hubert, Artus, Onslow, Ad. Adam, Berlioz
et Lebel. Outre ces douze places, dont l'assemblée avait légalement
à disposer, il y en avait une treizième vacante par le décès récent
de l'un de nos meilleurs artistes et confrères, M. Pascal Taskin.
Tous les membres sortants ont été réélus, à l'exception d'un seul,
qui n'a pas tout-à-fait réuni le nombre de voix nécessaire. Ainsi,
MM. Auber, Ad. Adam, Onslow, Berlioz, Georges Kastner, Pan-
seron, Tilmant, Alard, Lebel, Artus, Hubert, sont de nouveau
et pour cinq années, membres du Comité; M. Gounod, l'auteur de
Sapho, y entre avec eux et pour le même temps. M. Bellon, élu le
treizième, en remplacement de M. Taskin, siégera pendant quatre
années, comme l'aurait fait celui dont il est le successeur.
Les membres de l'Association, qui ont pris part au scrutin ,
étaient 225, c'est-à-dire la moitié plus que dans les élections des
premières années. M. Adolphe Adam, le premier réélu, a réuni 188
suffrages; M. Bellon, le dernier élu, 91 ; ceux qui ont approché
le plus, sont MM. Prumier fils et Battu, qui ont obtenu 86 voix
chacun, M. Seghers, 73, et M. de Mareuse à peu près autant.
M. Bellon, treizième élu, est un ancien premier prix de violon du
Conservatoire, il a dirigé l'orchestre du théâtre de la Porte-Saint-
Martin.
Pour la troisième fois, en trois années, le Comité avait chargé
M. Jules Simon de rédiger le compte-rendu. C'est déjà un éloge qui
pourrait nous dispenser de tout autre. Cependant, nous tenons à
dire que par la manière dont il a présenté son troisième rapport,
par le talent qu'il y a déployé, M. Jules Simon s'est grandement
exposé à être encore chargé d'en écrire un quatrième, sans préju-
dice de ceux qui suivront. Au surplus, nos lecteurs en jugeront par
eux-mêmes. En étudiant ce document parfaitement net et conscien-
cieux, ils se convaincront des progrès de l'Association ; ils appré-
cieront son action de plus en plus salutaire, de plus en plus géné-
rale, et ne conserveront aucun doute, s'ils en ont eu jamais, sur
l'avenir qui lui est réservé.
Nous ne citerons que deux faits. Les recettes réalisées pendant
l'année 1851 dépassent 53,000 fr.; c'est une augmentation de
11 ,000 fr. sur 1850, et de 31 ,000 fr. sur 1849. Les cotisations figu-
rent dans ce chiffre pour 22,000 fr.
Le Comité s'est vu dans la pénible nécessité de rayer beaucoup
de membres retardataires dans le paiement de leurs cotisations,
mais de nouveaux membres sont arrivés en foule, et en définitive,
l'équilibre est plus que rétabli.
Maintenant, laissons parler le rapporteur lui-même, M. Jules.
Simon.
Messiecbs et chers Camarades,
Votre Comité, persévérant dans son indul-
gence envers moi, a bien voulu, celle année
encore , me confier l'honorable lâche de vous
exposer le résumé de ses travaux el de soumettre
à vos appréciations les résultais qu'il a pu réa-
liser pendant le cours de l'exercice 1851-1852.
Le choix unanime de mes collègues me Datte
infiniment; il m'impose un devoir si doux, si
facile à remplir, que je l'aurais ambitionné si je
m'en étais cru le plus digne. Aussi , consultant
plutôt les affections de mon cœur que les facul-
tés de mon esprit, ai-je accepté avec un pro-
fond sentiment de reconnaissance la mission qui
m'était offerte de vous entretenir des intérêts
d'une institution qui nous est chère à tous;
d'une institution appelée peut-être à transformer
complètement les relations physiques, morales
et intellectuelles de l'arl et des artistes avec la
société; d'une institution où toutes les généro-
sités, tous les dévouements trouvent si large-
ment à se répandre; d'une institution , enfin,
belle déjà par ses bienfaits passés el ses bien-
faits présents; plus belle encore par les vastes
espérances dont elle est le solide fondement
pour l'avenir.
Votre Comité, et je crois être, en ceci surtout,
son fidèle interprète, est heureux de se présen-
ter chaque année devant vous. Sûr de n'avoir
point failli au mandat qu'il lient de vos suffra-
ges, c'est toujours avec une entière confiance
qu'il vient retremper sa force dans votre appro-
bation et régénérer son influence progressive
et moralisatrice dans vos sympathiques encou-
ragements. La mission du Comité de l'Associa-
tion des Artistes Musiciens, mes chers Cama-
rades, est d'autant plus honorable qu'elle s'ap-
puie sur le désintéressement le plus absolu; son
unique envie, son unique ambition est de réa-
liser le plus immédiatement possible tout le bien
qui doit infailliblementdècouler de l'application
de nos féconds principes; toutefois, il serait
souverainement injuste de peser ses actes dans
la balance étroite des intérêts purement actuels ;
il vous faut, si vous voulez les juger èquitable-
ment, vous placer assez haut pour embrasser
l'œuvre de l'Association d'un seul regard, non
seulement dans ses développements acquis ;
mais encore, mais surtout, dans ses développe-
ments futurs.
Et puis, la route où nous marchons, et où les
vœux de tant de cœurs généreux nous accompa-
gnent, bien qu'elle conduise au plus noble des
buts, n'en est pas pour cela sansècueils; heu-
reusement, notre Association porte en elle une
puissante vitalité ; rien ne peut l'arrêter dans sa
marche constante ; elle triomphera de tous les
obstacles qu'on lui oppose ou qu'on serait tenté
de lui opposer, car ces obstacles, essentiellement
passagers et fragiles, ne sauraient tenir qu'à des
influences de positions individuelles qui s'effa-
cent d'elles-mêmes devant les grands intérêts
que vous nous avez chargés de servir et de dé-
fendre.
J'arrive, mes chers Camarades, à l'énumèra-
tion des faits que vous attendez sans doute avec
impatience.
Rien, chez les esprits d'élite, n'est conlagieux
comme l'exemple du bien : l'Association , en
grandissant et en semant autour d'elle les bien-
faits el les consolations , donne lieu chaque jour
à de nouveaux actes de générosité :
Afin de remplir l'un des vœux suprêmes
de son époux, Mma Tranchant adresse à votre
Comité un tilre de rente de 10 fr. à 3 % trans-
féré au nom de l'Association.
Le jour même de notre dernière assemblée
générale, l'un de nos collègues, M. Hubert,
assisté de MM. Jacques Mathieu et Edouard
Kcnaud, organise, pendant une soirée donnée
par lui, une quête au profit de l'Association ;
elle rapporte une somme de 180 fr.
M. Saint-Arod, maître de chapelle du Roi
de Sardaigne, verse dans notre caisse une somme
do 100 fr. sur la recette de sa messe de Rome
exécutée à Marseille.
M. Foulon et quelques membres de l'Union
"Wilhemienne, à l'occasion du banquet annuel
de Saint-Hubert, provoquent une collecte au
profit de l'Association des Artistes Musiciens
dont le produit figure à nos recettes pour une
somme de 131 fr.
La vil le de Brest, après une exécution du Désert
de M. Félicien David, nous envoie, avec un
grand nombre d'adhésions nouvelles, une som-
me de 200 fr. L'organisation de ce concert est
due à MM. Méquet, directeur du théâtre, et
Grassau, chef d'orchestre. Ce dernier continue
dignement à Brest les fonctions de délégué qu'il
remplissait avec tant de zèle à Rouen. Dans cette
circonstance, comme toujours, MM. Méquet et
Grassau se sont montrés entièrement dévoués
aux intérêts de l'Associatjon. Qu'ils en soient
tous deux cordialement remerciés.
M"" Coche, professeur de piano au Conserva-
toire, zélatrice aimable et chaleureuse de nos
idées, nous fait chaque jour de nouveaux adep-
tes; non contente de travailler, en vue de l'art
et de la bienfaisance, à la propagation de notre
œuvre, et de convertir les Artistesà nos princi-
pes en leur en démontrant l'excellence, elle
manifeste le vœu de participer plus directement
aux travaux de votre Comité, et met à notre
disposition , en faveur d'une fille pauvre de
l'Association, son talent, son expérience et ses
conseils. Le noble désir de Mrne Coche a trouvé
immédiatement à se satisfaire.
Comme tous ceux dont le cœur a soif de sacri-
fice et de dévouement, comme tous ceux dont
l'esprit s'alimente à la source des généreuses
pensées, et ceux-là, Dieu merci, sont nombreux
parmi vous, M™c Coche a supérieurement com-
pris l'esprit de notre institution. Bien plus
jalouse d'ensemencer le bien dans l'intérêt géné-
ral des Artistes que d'en recueillir personnelle-
ment les fruits; ce qu'elle désire, ce qu'elle
veut, ce qu'elle demande; ce ne sont point des
droits à exercer, ce sont des services à rendre,
du bien à faire et des devoirs à remplir.
Par l'intermédiaire de notre collègue Labro
aîné, M. Roquemont dépose sur notre bureau
la partition et les parties d'orchestre de l'ouver-
ture d'Alhalie de Mendelsohn , enrichissant
ainsi d'une œuvre remarquable les archives
de l'Association. 11 est à vivement désirer que
l'exemple de M. Roquemont trouve parmi les
Artistes un grand nombre d'imitateurs.
M. Maillard, Artiste de l'Opéra-Comique,
abandonne à l'Association le montant de ses
jetons de présence à laSocièlède Sainte Cécile.
M. Perrot, Artiste de l'Opéra, fait hommage
aux Sociétés artistiques d'une messe à grand
orchestre de sa composition.
M™ Dalty, de Marseille, donne 5 fr.
La compagnie de pompiers de la même ville
donne 20 fr.
M. Edmond Séveste, directeur du troisième
166
GAZETTE MUSICALE
théâtre lyrique, introduit dans le texte des en-
gagements des Artistes de l'orchestre et des
chœurs de ce théâtre une clause spéciale exi-
geant d'eux qu'ils fassent partie de l'Association
des A rtistes Musiciens ; cette clause, vous devez
le penser, n'a trouvé , à de rares exceptions
près, que des approbateurs et des adhérents,
et tout le monde en a su gré à son auteur.
Douze entrées au théâtre lyrique sont, en
outre, mises à la disposition de votre Comité.
Nos remerciments sont, hélas! un peu tardifs:
M. Edmond Séveste a cessé de vivre; nous les
adressons à sa mémoire. Remercions aussi M.
Jules Séveste, son frère, qui lui a succédé dans
la direction du théâtre, et qui, lui aussi, s'est
montré pour nous très sympathique et très bien-
veillant.
Le directeur de la Porte - Saint - Martin ,
M. Marc Fournier, exige aussi de ses Musiciens
qu'ils fassent partie de l'Association ; il verse
en outre les amendes encourues par eux dans
notre Caisse de secours.
Mue Pouilley éternise sa cotisation en versant
un capital de 120 fr.
M. et M""'Daigred'Alger, enagissentdemème.
Tous ceuxd'entre nous qui pourraienlsuivre cet
exemple sans s'imposer trop de gène, feraient
bien de le faire,- c'est un moyen sûr de tourner
au profit de l'Association les éventualités qui la
lèsent, telles que les départs, les négligences,
les revirements de fortune et d'opinion, et sur-
tout, les chances de la mortalité.
M"" Thérèse Jaurès, qui répond toujours avec
tant d'empressement au vœu du Comité, et qui
a accepté bien des fois les fonctions de dame
quêteuse dans nos solennités, offre à la biblio-
thèque de l'Association trois morceaux de mu-
sique de sa composition.
M. Delaunay, de Lille, nous adresse quinze
exemplaires de l'une de ses productions mu-
sicales.
M. le docteur Lemarchand soigne gratui-
tement l'un de nos malades.
MM. Charles Alphonse Guilbert et Janin,
docteurs-médecins , sollicitent et obtiennent
l'honneur de faire partie de votre Conseil mé-
dical. Heureux de concourir à nos efforts, ils
consacrent leurs lumières et leur temps à l'a-
doucissement de vos souffrances.
MM. Andrieux, docteur-médecin, et Gessart,
pharmacien de Saint-Denis, offrent, l'un, ses
soins gratuits, l'autre des médicaments à prix
réduits, en faveur de nos sociétaires de celte
ville.
M. Kriegelstein, facteur de pianos, nous au-
torise à disposer, pour nos concerts, de l'un de
ses instruments; le zèle tout désintéressé que
nous témoignent depuissi long-temps MM. Erard
et Pleyel , ne nous permet pas de mettre à
profit l'offre généreuse de M. Kriegelstein, que,
néanmoins, nous croyons devoir signaler à votre
reconnaissance.
Le Comité de l'Association des Artistes dra-
matiques, offre au Comité des Artistes Musi-
ciens, la collection des excellents rapports de
M. Samson. Outre que ces comptes-rendus pré-
sentent dans leur ensemble l'historique fidèle de
l'aînée des quatre associations fondées successi-
vement par M. le baron Taylor ; ils sont encore
précieux, en ce qu'ils sont autant de modèles du
genre que nos rapporteurs ne consulteront ja-
mais sans fruit.
Notre collègue, M.Kaslner, fait don à lAs-
sociation de son remarquable travail intitulé
« Manuel général de la musique militaire « ,
ouvrage où sont formuléesdepuis long-temps déjà
les principales améliorations que réclame encore
l'organisation actuelle des musiques de régi-
ments.
MM. Devaux père , Zimmerman et Henri
Gauthier, tous trois membres de votre Comité,
voulant témoigner la reconnaissance de l'As-
sociation aux enfants de chœur qui ont
concouru avec tant d'empressement et de zèle
à l'exécution de la messe de Requiem . de
M. Beaulieu, les font sociétaires et acquittent
leur première année de cotisation. Voilà, certes,
un service bien dignement reconnu ; une œuvre
touchante d'intelligente charité. Nous éprouvons
un véritable bonheur à porter ce fait à votre
connaissance ; ces enfants sont jeunes encore; il
se peut qu'ils ne sentent pas aujourd'hui tout
le prix d'une telle action ; mais un jour, peut-
être, quand l'âge et le travail auront sillonné
leur front et blanchi leurs cheveux, ils béniront
au milieu de leurs enfants, le souvenir de leurs
premiers bienfaiteurs; déjà l'un d'eux, le jeune
Martin, s'etant blessé à la jambe dans les écha-
fauds élevés à Saint-Eustache pour des travaux
de réparation, a pu apprécier toute la portée de
l'acte généreux de nos collègues.
M. Kastner double un secours mensuel de
10 fr. voté en faveur d'un Sociétaire de Stras-
bourg; il fait membre de l'Association, en ac-
quittant sa première année de cotisation, la
femme d'un ancien Musicien atteint d'une in-
curable maladie.
M. Zimmerman ajoute 5 fr. par mois au se-
cours accordé à un vieil et intéressant Artiste.
M. Artus, notre collègue, ajoute aussi 5 fr.
pendant plusieurs mois, au secours mensuel
d'une pauvre veuve.
M. Henri Gauthier, l'un de nos collègues les
plus zèles et les plus bienfaisants, non content
d'avoir mis à la disposition du Comité une
certaine somme, pour être, chaque mois,
distribuée en secours, solde l'arriéré de deux
vieux Artistes, dont l'un ètaitsur le pointd'en-
courir la radiation, et augmente de 5 fr. pen-
dant les mois d'hiver les secours mensuels de
quatre de nos plus infortunés Sociétaires. Tout
récemment encore, notre Président, ayant ob-
tenu, en faveur d une pauvre femme membre
de l'Association, un secours de 50 fr. de M. le
ministre de l'intérieur, M. Henri Gauthier en
fait l'avance, et, lorsque, les 50 fr. étant arrivés
du ministère, la personne destinataire vient les
remettre à M. Gauthier, celui-ci refuse de les
recevoir : heureux ceux qui font un aussi bel
usage du pouvoir qu'ils ont reçu du ciel de pra-
tiquer si largement le bien.
Notre bon collègue, M.Triébert, ne promet son
concours aux organisateurs du concert donné au
palais de Versailles, le jeudi 1 3 de ce mois, qu'à
la condition expresse qu'une somme de 100 fr.
sera prélevée sur la recette et versée dans la
Caisse de secours et pensions des Artistes Mu-
siciens.
M. Triébert a pris là l'initiative d'une ex-
cellente mesure, i.es concerts de bienfaisance
vont se multipliant; les Artistes Musiciens sont
heureux sans doute de participer à tant d'oeu-
vres charitables, mais enfin, eux aussi, ils ont
une Société de hienfaisance qui organise des
concerts, et à laquelle ils se doivent avant tout;
cela est si juste que déjà plusieurs Sociétés
l'ont spontanément compris; donc, nous avons
lieu de l'espérer, le cas particulier, l'exception
que nous venons de vous signaler deviendra
bientôt la règle générale.
Enfin, à l'occasion du Te Veum chanté à l'é-
glise Notre-Dame au mois de janvier dernier,
notre collègue, M. Ad. Adam, nous envoie 200 fr.
prélevés sur la somme que M. le ministre de
l'intérieur lui a allouée à titre d'indemnité per-
sonnelle.
A ces marques de sympathie, à ces encoura-
gements qui nous viennent de toutes parts, à ces
bonnes œuvres qni proclament si hautl'ulilitéde
l'Association, viennent se joindre les progrès de
toute nature, qu'elle réalise incessamment soit
à Paris, soit dans les provinces.
Sous l'impulsion du Comilè de Marseille, un
Comité nouveau est fondé à Nîsmes par les soins
de MM Rouais, Marteau et Fonseca; le secré-
taire de ce Comité, M. Nicot, nous envoie plus
de cent adhésions, et nous annonce dans une
lettre chaleureuse, qu'il se dispose à lancer dans
le département du Gard un écrit qui, infailli-
blement, doit attirer à nous tous les hommes
d'intelligence et de cœur : « nous dépenserons
» toutes les forces de la plus active charité, nous
» dit M. Nicot dans celte lettre, à la propa-
» gation et à la prospérité d'une œuvre qui a
» grandi et grandira toujours comme tout ce
» esl beau et bien. « Laissez -nous l'espérer,
» ajoute- t-il plus loin, la ville de Nîsmes figu-
» rera bientôt au nombre des plus dévouées à
d l'Association. » Emule, dès son origine, du
Comité de Marseille, qui lui a communiqué son
esprit de persévérance et de prosélytisme, le
Comité de Nismes, n'en doutez pas, marchera
sur ses traces et fera des prodiges ; déjà, un
projet immense, né dans la pensée de l'un des
hommes à qui l'Association doit le plus, préoc-
cupe vivement nos correspondants du midi : il
s'agit d'un gigantesque festival, qui serait donné
dans les Arènes de Nismes. Si, comme tout au-
torise à l'espérer, les efforts combinés des deux
Comités des Bouches-du-Khône et du Gard
parviennent un jour à réaliser ce projet, jamais
solennité musicale plus imposante n'aura eu
pour théâtre un monument plus grandiose et
des spectateurs plus nombreux.
A La Rochelle , un nouveau Comité se fonde
et réunit en peu de jours environ 200 adhésions
nouvelles.
M. Beaulieu, toujours dévoué à nos communs
intérêts, fonde à Niort un comité correspon-
dant ; il nous présente, en outre, un Artiste dont
le zèle égale le talent, M. Farge, que, sur sa de-
mande, le Comité central investit du pouvoir
d'organiser un comité dans la ville de Limoges.
Par les soins de nos collègues, MVi. Charles
Debez et Devaux, le Cercle musical des Ama-
teurs nous procure onze nouveaux Sociétaires.
M. Raillard, l'un deux, souscrit pour une co-
tisation annuelle de 12 fr. et verse 6 fr. de pre-
mière mise.
Un autre Membre du Cercle , M. le marquis
de Louvencourt, souscrit aussi pour une cotisa-
tion annuelle de 12 fr. et verse 20 fr. de pre-
mière mise.
M. Delcroix donne également 20 fr. de pre-
mière mise.
M Baumal , présenté par notre collègue
M. Proust, en adhérant à nos statuts, effectue
un premier versement de 40 fr., dont 20 fr. à
titre de première mise. Grâce aux soins de ce
dernier, un comité correspondant fonctionne
aujourd'hui à Lons-le-Saulnier.
Il en est de même à Avignon et à Courthezon,
grâce à l'impulsion toujours agissante de nos
collègues de Marseille.
M. Caussinus continue à remplir avec zèle les
fonctions de correspondant pour la ville de
Varzy.
A Clamecy, M. Marcelot, professeur de mu-
sique, a bien voulu accepter les mêmes fonc-
tions.
A Chàlons-sur-Marne, M. le maire de la ville
sollicite et obtient de nous le mandat de délégué.
A Metz, ville où les beaux-arts, la musique
surtout, sont cultivés avec amour, un comité
provisoire s'est aussi organisé. M. Dalmont, son
secrétaire, s'occupe activement de nos intérêts.
A Nancy, de graves difficultés surgissent
tout-à-coup : une association locale, l'Union
des Arts, paraît vouloir s'élever en face de la
nôtre; heureusement, le Comité de Nancy,
présidé par l'un de nos plus anciens et de nos
plus zélés collègues, M. Hormille, comité dont
vous avez pu déjà apprécier les travaux impor-
tants, combat sous nos drapeaux avec une per-
sistance et une vigueur dignes de la noble cause
qu'il défend. Tout nous fait désirer, tout nous
faitcroire, que, mieux éclairés sur leurs propres
intérêts, les Artistes dissidents de la ville de
Nancy se rallieront à nous, et comprendront
qu'on ne peut qu'affaiblir une force collective
toutes les fois que, désagrégeant les éléments
qui la composent,on attente à son unité.
Des discussions fâcheuses, nées d'insinuations
malveillantes et gratuites, ont un instant inter-
rompu les bonnes relations qui existent entre
nous etleComitécorrespondant de Troyes. Cela
était d'autant plus regrettable, que nos rapports
aveclesArtistes de Troyes avaientpris naissance
sous les plus favorables auspices, lors du grand
festival donne dans cette ville au mois de juin
de l'an dernier, par l'Association des Artistes
Musiciens. Nous sommes heureux, en vous si-
gnalant cette légère discussion, de vous appren-
dre que, grâce à l'intervention officieuse de
M. le maire, Ferrand Lamotte, et de M. de
Bancel, préfet de l'Aube, les difficultés se sont
applanies, et, vraisemblablement, ne se repro-
duiront plus à l'avenir.
Le Comité de Lille, et particulièrement son
secrétaire, M. Sautais, continue à servir les in-
térêts de l'Association avec un zèle digne des
plus grands éloges : Dans le cours de l'exercice
DE PAWS.
167
qui vient de s'écouler, bon nombre de nouvelles
souscriptions nous sont venues de cette ville;
ce n'est pas l'unique preuve que nous ayons
acquise de la sympathie des artistes Lillois pour
notre bienfaisante institution.
Beaucoup de Musiciens militaires nous ont
apporté leurs adhésions.
Un grand nombre de noms influents pàrmiles
Artistes Musiciens sont venus s'ajouter à la liste
de nos sociétaires.
Votre Comité a reçu avec beaucoup de regret
la démission de l'un des fondateurs de l'Associa-
tion, M. Meifred. lia élu pour le rrtnplacerun
artiste dévoué à notre œuvre, M. Edouard
Batiste, professeur au Conservatoire.
Plusieurs journaux de la province ont publié
sur notre Association, des articles très recom-
mandâmes où l'on trouve, au double point de vue
de l'art et de la philanthropie, des considérations
élevées et des appréciations pleines de justesse.
L'un d'eux, le Glaneur d'Amiens, a spontané-
ment reproduit des extraits de notre rapport de
l'an dernier. Sans vouloir attacher à ce fait plus
d'importance qu'il ne faut, nous pensons qu'il
ajoute au témoignage de tant d'autres, pour
vous convaincre que notre œuvre généreuse
excite partout l'intérêt des gens de bien , et que
chaquejourdilatede plus en plus le cercle de son
créditetde son influence. Nier aujourd'hui l'op-
portunité, l'efficacité, disons plus, la nécessité de
l'Association des Artistes Musiciens, ce serait
nier la lumière elle-même; aussi , partout où
pénètrent nos idées, elles trouvent d'ardents
apôtres et des apologistes éclairés , et l'opinion
publique ne tarde pas à se prononcer ouverte-
ment en sa faveur.
Une autre preuve de nos progrès, et la plus
péremptoire peut-être, se trouve dans le nom-
bre toujours croissant de nos sociétaires. Vous
savez déjà que l'an dernier, par décision prise
après mûre et sérieuse délibération, décision
portée à votre connaissance par des avis sans
cesse réitérés, le Comité, se basant sur les indi-
cations à lui fournies par une Commission nom-
mée à cet effet, a dû procéder enfin à la radia-
tion définitive de ceux des membres de l'Asso-
ciation qui , étant en retard dans ie versement
de leur cotisation, n'auraient pas acquitté leur
arriéré, soit en un seul, soit en plusieurs verse-
ments, avant l'expiration du mois de décembre
1851.
Beaucoup d'Artistes ont entendu notre appel
et se sont mis aussitôt en mesure contre l'ex-
clusion dont ils étaient menacés : beaucoup
d'autres, nous le constatons, hélas! avec regret,
ont cru devoir persévérer jusqu'à la fin dans
leur négligence ou leur aveuglement. Quelque
pénible, quelque douloureux qu'ait été ce travail
des radiations, c'était un devoir que nous de-
vions remplir et nous l'avons rempli. Il eût été
profondément injuste de conserver plus long-
temps l'exercice des droits qu'assure le titre de
sociétaire à des hommes qui refusent obstiné-
ment de remplir les faibles devoirs attachés à ce
titre. L'opération relative à la radiation des
sociètaii es retardataires a constaté : 1° 69 comp-
tes nuls, soit par double emploi ou par toute
autre cause; 2° 194 décès; et enfin, 3° 1432
radiations.
Mais tandis que s'accomplissait cette mesure
de justice et d'équité, peut-être même à cause
de cette mesure, la confiance publique semblait
se raviver; nos doctrines généreuses et frater-
nelles, enfin mieux comprises des Artistes Mu-
siciens, nous gagnaient chaque jour de nou-
veaux souscripteurs, de telle sorte qu'aujour-
d'hui, en récapitulant, on trouve, comme vous
allez vous en convaincre tout à l'heure, que le
nombre des sociétaires inscrits depuis le 1er jan-
vier 1851 jusqu'au 15 avril 1852, balance au
moins le nombre des exclus.
Au commencement de l'année 1851, l'Asso-
ciation comptait 3878 sociétaires. Au 1" jan-
vier 1852, elle en comptait 5172, ce qui constate
1294 adhésions nouvelles Depuis le 1" janvier
jusqu'au 15 avril de l'année courante, 301 noms
sont venus grossir nos listes, ce qui porte à
1595 le nombre d'adhérents acquis depuis le
1" janvier 1851 , c'est-à-dire depuis quinze
mois. Vous avez vu plus haut que le chiffre des
radiations n'était que de 1432; il en résulte que
l'Association, malgré les trop nombreuses dé-
chéances qu'elle a dû prononcer, compte, dans
le fait, 163 membres de plus qu'au 1" janvier
1851.
Nous ne cherchons pas à nous le dissimuler,
ces progrès constants, en ajoutant chaque jour
à la difficulté de notre tache, exigent de nous
un dévouement plus complet ; nous n'ignorons
pas qu'elle est bien grave, la responsabilité qui
pèse sur chacun de nous ; cependant, nous n'hé-
sitons pas à l'accepter. Guidés par notre infati-
gable Président, forts de vos suffrages, sûrs de
votre concours et de vos sympathies, nous sau-
rons, n'en douiez pas, mettre notre zèle et notre
activité au niveau des obligations que notre
mandat nous impose.
L'été dernier, les Artistes de l'orchestre du
théâtre de la Porle-Saint-Martin, éprouvant un
long retard dans le paiement de leurs appointe-
ments, se disposent à refuser le service si, le
soir même, l'administration ne satisfait pas à
leur juste réclamation. L'intervention de notre
Président, celle de notre collègue Wacquez,
dont l'influence a été très salutaire dans cette
affaire, obtiennent, d'une part, que les Artistes
n'infirmeront pas leurs droits ultérieurs en as-
sumant sur eux la responsabilité d'un tel fait,
et, d'autre part, que la direction leur versera
immédiatement un à-compte de 300 fr. Quel-
ques jours après, le théâtre fermait ses portes
ne laissant aux Artistes qu'une assez forte
créance dénuée de toute sérieuse garantie.
Devant ces faits qui se reproduisent, hélas! trop
souvent, le Comité ajoute aux 300 fr. obtenus
de l'administration, une somma de 600 fr. qu'il
vole à titre d'indemnité en faveur de nos Cama-
rades sans emploi.
On s'est quelquefois étonné que, dans toutes
les circonstances analogues à celles dont nous
venons de parler, le Comité conseillât aux Ar-
tistes de ne jamais refuser le service au moment
de commencer soit une représentation , soit un
bal, soit un concert; cependant, rien de- plus
raisonnable, rien de plus logique, rien même
qui soit plus dans les véritables intérêts des
Musiciens. Nous comprenons, à la rigueur, que
l'Artiste isolé, n'ayant pour toute arme qu'un
droit devenu illusoire, parce que l'épuisemeut
de ses ressources ne lui permet pas de l'exercer,
puisse recourir à ces moyens extrêmes ; mais en
est-il ainsi de l'Artiste membre de l'Associa-
tion? Nous n'hésilons pas à répondre : non. Non,
celui que des liens solidaires unit à notre grande
famille, celui qui, malgré tout, est certain de
trouver dans une institution protectrice la dé-
fense légale de ses intérêts, et qui, même devant
l'insolvabilité absolue de ses débiteurs, est sûr
d'être, sinon complètement désintéressé, au
moins largement indemnisé, ne peut pas, ne
doit pas agir en ce sens : lorsqu'on demande
justice, il faut, autant que possible, n'avoir mis
aucun tort de son côté; nos fautes, en ce cas,
atténuent d'autant celles dont nous avons à
nous plaindre. Si cette vérité n'était pas évi-
dente d'elle-même, nous ne serions pas embar-
rassés de vous citer des faits qui la confirment;
ainsi, dans l'affaire relative aux Artistes du bal
d'Asnières, affaire dont le plein succès doit être
attribué aux efforts de M' Lan, notre infatiga-
ble agréé, des 1300 fr. que, sur déclaration du
juge commissaire, le syndic de la faillite devait
verser entre les mains du chef d'orchestre ,
M. Denault, ont été distraits 200 fr. à titre de
dommages-intérêts en raison des dégâts commis
dans le parc par un public turbulent qu'avaient
mécontenté les Musiciens, en refusant de mon-
ter à l'orchestre au moment de commencer le
bal.
Les limites dans lesquelles s'exerce notre
action salutaire vont sans cesse en s'élargissant.
De Marseille à Lille, de Strasbourg à Brest,
dans presque tous les grands centres de !a
France, notre Association a versé ses bienfaits,
moins abondamment, sans doute, que nous
l'eussions désiré et qu'elle le fera dans la suite,
mais enfin en raison des ressources dont elle
dispose. A Lille, le théâtre ferme au moment
où on le prévoyait le moins; par ce fait, quatre
Artistes sont sensiblement frappés dans leur
existence et dans cellesde leurs familles, IPOfr.
leur sont immédiatement votés.
A Nancy, M. Desfossés, directeur du théâtre,
se croit en droit de refuser aux Artistes de l'or-
chestre et des chœurs le paiement d'un mois
d'appointements qu'ils réclament, et qui leur
est légitimement dû. Un procès est intenté à
M. Desfossès par le Comité de Nancy, procès
dont nous apprenons bientôt après l'heureuse
issue.
M. Volland , ancien bâtonnier et l'un des
avocats les plus distingués de Nancy, s'est em-
pressé d'accepter la mission de défendre nos
Camarades; nous devons à son talent, à l'estime
dont il jouit parmi ses confrères, le gain de
notre cause.
M. Depèronne, qui a plaidé pour nous en i
1" instance et qui a fait un mémoire envoyé au
Conseil judiciaire de Paris, a bien voulu nous
traiter aussi fraternellement. Ces Messieurs ont
refusé leurs honoraires et se sont mis pour tou-
jours à notre disposition, ne désirant et n'ac-
ceptant pour récompense que le litre de Mem-
bre honoraire de notre Association.
En 1848, les Artistes de l'orchestre du grand
théâtre de Marseille eurent à supporter une
forte diminution sur leurs appointements; ils
furent, en outre, atteints dans leurs intérêts par
la réduction de l'année théâtrale qui, de onze
mois, fut portée à neuf et même à huit mois.
D'après des promesses formelles, ces dures con-
ditions, acceptées par les Artistes comme une
nécessité impérieuse, devaient être temporaires;
et cependant, depuis cette époque, rien n'a été
changé. Dans ces circonstances, le Comité de
Marseille a cru devoir, dans un mémoire très
détaillé, appeler l'attention du Conseil munici-
pal sur la situation des Artistes. La requête de
nos collègues a été entendue ; justice à été faite
à leurs réclamations : l'année théâtrale va re-
prendre son ancienne durée ; elle sera désormais
de onze mois.
L'hiver dernier, M. le directeur du bal des
Folies-Mayer , sous le prétexte que les événe-
ments de décembre ont porté préjudice à son
établissement, veut, de son autorité privée et
au mépris d'un engagement formel contraclè
avec M. Denault, chef d'orchestre, remercier ce
dernier s'il ne consent à subir une réduction
d'un tiers sur ses appointements. M. Denault,
qui sait maintenant mieux que personne si l'As-
sociation des Artistes Musiciens est une institu-
tion très utile, vient nous soumettre ses griefs;
votre Comité se charge de lui faire rendre jus-
tice, après toutefois que M" Lan a formellement
déclaré que la plainte de M. Denault lui paraît
fondée et ses droits incontestables, l'affaire est
menée à bonne fin ; M. Mayer est condamné à
exécuter le contrat qui le lie à M. Denault, ou à
lui payer le dédit stipulé dans l'une des clauses
de cet écrit.
M. Sèné,enlrepreneurdu bald'Anlin se croit
autorisé à fermer son établissement et à ren-
voyer ses Musiciens sans les prévenir à l'avance.
M. Fosse, chef d'orchestre, porte sa plainte à
votre Comité; sur notre demande, Mc Lan se
charge de la défense de nos sociétaires et fait
condamner M. Séné à payer une quinzaine à
tous les Musiciens de son orchestre.
Le directeur du bal Chabrol, M. Martin, veut
en agir de même; il porte même plus loin ses
prétentions arbitraires : Voici la lettre par la-
quelle Mc Lan nous apprend le dénouement de
cette affaire.
« 1852, 11 mars.
» Monsieur le Président el Messieurs les
» Membres du Comité,
» J'ai l'honneur de vous annoncer aveeleplus
» vif plaisir que le tribunal vient de rendre un
» jugement qui consacre le principe que des
» Musiciens d'un bal public ne pourront être
» remerciés par l'entrepreneur qu'à la charge,
» par celui-ci de leur donner un congè-aver-
» tissementau moins quinze jours à l'avance.
» Le jugement condamne M. Martin , entre-
» preneur du bal Chabrol, à payera M. Leclair
» 337 fr. tant pour appointements que pour
» avances faites à son orchestre, et à chacun
» des Musiciens , un mois d'appointements, et
n le condamne en outre aux dépens.
» Recevez, Messieurs, mescivilitésempressées,
» Signé : Laiv. »
Dans ces trois dernières affaires, comme dans
celle du Casino , comme dans celle d'Asnières ,
comme dans celle du Chàleau-d'Eau , comme
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GAZETTE MUSICALE
dans tant d'autres, Me Lan a fait preuve d'au-
tant de zèle et de désintéressement que d'intel-
ligence et d'activité. L'Association lui doit des
rernerciments et les Artistes de la reconnais-
sance ; nous sommes certains qu'ils acquitteront
leur dette comme nous acquittons la nôtre.
Toujours plein de sollicitude pour les intérêts
des arts et des Artistes, le Comité adresse à
M. le Ministre de l'intérieur une demande de
subvention en faveur du troisième théâtre ly-
rique , espérant que l'administration trouvera
dans celte ressource et dans cet appui officiels,
les moyens d'améliorer la position des Artistes
qu'elle emploie, et de leur présenter de plus
solides et de plus larges garanties.
Plusieurs chefs de musique de l'armée se sont
présentés devant nous, et ont sollicité l'inter-
vention du Comité auprès de l'autorité compé-
tente, pour obtenir que de certaines modifica-
tions devenues indispensables dans l'organisa-
tion des musiques régimentaires se réalisent
enfin. Nous avons accédé au vœu de nos Cama-
rades de l'armée avec d'autant plus d'empres-
sement que déjà, le Comité a signalé à plu-
sieurs reprises lesamèliorationsqu'ilsréclamf.nt
et en a vainement poursuivi l'application. Un
écrit a été adressé à M. le ministre de la guerre;
des démarches ont été faites ; le commandant
en chef de l'armée de Paris, M. le général Ma-
gnan, qui nous adonné déjà de vifsetnombreux
témoignages de ses sympathies, s'est montré
parfaitement disposé. Nous croyons fermement
à l'opportunité de la demande, et nous espé-
rons que notre nouvelle tentative ne demeurera
pas sans résultats.
Outre trois de nos pensionnaires, qui vous
seront désignés plus loin, nous avons à déplorer
la perte de M. Dupetit-Mèré, mort des suites
d'un accident, de M. Petit, de M. Bousquet, du
Vaudeville, de M. Schneider, ancien Artiste
de l'Opéra-Comique et de M. Leveau, admis à
l'hospice Beaujon par l'intermédiaire du docteur
Barthe, sous le patronage du Comité. Ricord,
excellent Artiste de l'orchestre des Italiens, est
atteint de paralysie. Beaucoup d'autres socié-
taires malades ou malheureux ont réclamé nos
secours; dans toutes ces tristes circonstances,
le Comité s'est appliqué à concilier la bienfai-
sance envers chacun avec la plus stricte, la plus
sévère économie en vue des intérêts de tous.
Cette année encore, les exigences de nos fonc-
tions et la nature de quelques-unes des demandes
qui nous ont été faites nous ont mis en relations
directes avec un certain nombre de propriétai-
res. 11 nous est doux de déclarer que nous
avons rencontré chez tous beaucoup de bien-
veillance et de bonne volonté ; quelques-uns ont
voulu participer à vos mutuels bienfaits, en
abandonnant la moitié , quelquefois même ,
les deux tiers de leurs créances. C'est ainsi que
les bonnes œuvres font naître les bonnes œuvres;
c'est ainsi que la chaleur qui rayonne de notre
institution généreuse comme d'un ardent foyer,
pénètre les cœurs et y ranime la charité.
Si, comme l'a dit un philosophe austère, la
lutte de l'homme de bien contre l'infortune est
un spectacle digne de l'attention des dieux, le
spectacle du malheur terrassé par le dévoue-
ment est bien plus digne encore de fixer leurs
regards.
Il se peut qu'au gré de certains esprits impa-
tients, nous marchions avec lenteur vers le but
final de notre entreprise ; mais nous y mar-
chons d'un pas ferme et sûr et sans nous
inquiéter des difficultés qui peuvent nous arrê-
ter un instant. Nous conserverons, n'en doutez
pas, cette fermeté inébranlable dans l'exercice
de la justice; cette obstination à faire le bien
qui triomphe de tout et dont rien ne peut
triompher; et, quand bien même une victoire
apparente donnerait gain de cause à nos adver-
saires, nous n'en demeurerions pas moins con-
fiants et calmes, car leur succès serait comme
ces songes riants qui ne laissent après eux que
d'inutiles et vains regrets. Les résistances qu'on
oppose à la marche des bonnes choses ne servent
qu'à en démontrer la force. Les obstacles, en fin
de compte, sont la pierre de touche de la vérité;
c'est en les écrasant qu'elle se distingue de l'er-
reur et du mensonge. Et puis, il y a dans la vie
des institutions, comme dans celle des individus,
comme dans celle des nations, des époques
d'épreuves et des âges critiques où leur dévelop-
pement semble se ralentir; il faut se garder
d'en conclure inconsidérément la décrépitude
et la mort. Le sage, au contraire, sait voir dans
ces repos périodiques, des moments de prépa-
ration, d'initiation à de nouveaux progrès et à
des destinées plus brillantes.
Nous vous avons annoncé, dans notre dernier
compte-rendu, qu'un grand festival se préparait
à ïroyes. Ce festival, organisé parles soins de
votre Comité central et du Comité correspon-
dant de celte ville, a eu lieu les t", 2 et 3 juin
1851 avec beaucoup d'éclat et de solennité. 11
se composait, pour le premier jour, d'un double
concours, d'une part, entre les Sociétés chorales
et les Orphéons de la France et de la Belgique;
d'autre part, entre les musiques des gardes
nationales de l'Aube et des départements limi-
trophes. Les musiques et les Orphéons formant
cortège ont traversé la ville, bannières en tète,
au milieu d'un grand concours de population;
après quoi, les groupes de chanteurs et les corps
de musique se sont rendus aux lieux qui leur
avaient été respectivement désignés; le jury
des Sociétés chorales était formé de notre Prési-
dent M. le baron Taylor, de M. Doyen, Prési-
dent du Comité de Troyes, receveur-général du
département de l'Aube, et de MM. Georges
Bousquet, Zimmerman, Levasseur , Wartel,
Hubert, Proust et Delaporte; au jury chargé
de juger les musiques, siégeaient MM. Klosé,
Dauver.ié, Prumier, Trièbert, Jancourt, De-
vaux, Navarre, Deffès et Artus père. Les prix de
chant d'ensemble ont été décernés ainsi qu'il
suit: t" division — 1" prix : la Société des
chœurs de Gand, dirigée par M. Chariot ; 2m"
division — 1" prix : les Orphéonistes de Lille,
dirigés par M. Lavainne, 2mc prix, ex equo: la
Société chorale des enfants de Paris, dirigée par
M. Devin et la classe de chant populaire du
Conservatoire, dirigée par M. Edouard Batiste;
3me division — 1" prix : l'Orphéon de la ville
de Troyes, dirigé par MM. Arnaud et Uffoltz.
Les prix suivants ont été décernés aux musi-
ques : lre division — Ier prix: la musique de
la garde nationale de Troyes, dirigée par M.
Naujoux , 2mc prix : la musique de la garde
nationale de Bar-sur-Seine, dirigée par M.
Guérin; 2"" division — 1" prix : la musique
de la garde nationale de Villenaux, 2°" prix :
les musiques des gardes nationales de Piney et
de Pougy, dirigées par MM. Chalron et Royer.
Le second jour, la messe de l'Orphéon a été
chantée dans la cathédrale par un chœur de 500
voix, dirigé par M. Delaporte. La messe finie,
après une courte et chaleureuse allocution de
notre Président, les prix ont été solennellement
distribués, sur la grande place, à ceux qui les
avaient remportés. Un grand concert spirituel a
succédé à la distribution des prix ; ce concert a
eu lieu également dans la cathédrale que rem-
plissait une foule attentive et recueillie. Le
clergé et les autorités de Troyes assistaient à
cette manifestation artistique et religieuse, et
Monseigneur Cœur, évêque de Troyes, y a
prononcé un discours tout rempli d'éloges flat-
teurs et de nobles pensées. Le programme se
composait d'un l'saume de Marcello, de Y Ave
verum de Mozart , des Laudi spirituali, cantique
du XVe siècle, du Sanctus de la messe de Sainte-
Cécile de notre collègue, M. Ad. Adam , d'un
O salularis et d'un Vie Jesu de M. Zimmer-
man, d'un Ave Maria de Proust, de Y Alléluia
de Haëndel, de la Pénitence de Beethoven et
du Pater noster de notre collègue M, Georges
Bousquet auquel avait été confiée la direction de
l'orchestre.
Nous devons des remerciements à M . Edouard
Batisle qui a tenu l'orgue d'accompagnement, à
MM. Wartel et Lagrave, à M"" Dobrè et Mora-
che de Troyes, dont le talent a puissamment
contribué à l'éclat de cette imposante solennité.
Le troisième jour, un grand concert a été
donné dans le vaste local de la halle qui avait
été disposé à cet effet par les soins du Comité
de Troyes. Ici, encore, le public a répondu à
l'appel qui lui avait été fait; la foule était si
compacte qu'elle a dû envahir l'estrade réservée
aux choristes. Voici quels étaient les principaux
éléments du programme : la symphonie en ré de
Beethoven, l'ouverture du jeune Henry de Më-
hul ; le sextuor de Lucie de Donizelli; le qua-
tuor de l'Irato, l'invocation de Roberl-le-Diable,
les couplets de Marcel des Huguenots, admira-
blement chantés par M. Levasseur; un solo de
violon exécuté par M. de Cuvillon, un duo pour
hautbois et basson, par MM. Trièbert et jan-
court; un solo de clarinette exécuté par M. Klosé.
Le piano était tenu par notre collègue M. Ba-
tiste. Aux noms des chanteurs que nous avons
cités plus haut, il faut ajouter ceux de MM.
Pesme et Guérard , amateurs distingués de
Troyes, et de M. Fernando, Artiste du théâtre.
Remercions ceux des choristes du théâtre
Italien qui ont bien voulu nous seconder. M. le
colonel Revel et M. le capitaine Rosetti, en
nous assurant le concours de l'excellente musi-
que du 8* hussards , nous on l été 1res utiles. M.
Éug. Rougé, inspecteur des contributions et
vice-président de la Société philharmonique, a
aussi acquis des droits à notre gratitude par le
zèle et l'activité dont il a donné tant de preuves.
La Société philharmonique de Troyes, augmentée
d'un grand nombre dama leurs des localités
environnantes et de beaucoup de nos Camarades
de Paris, s'est admirablement comportée.
Il nous est doux de payer ici le tribut de
notre reconnaissance à tous les Artistes ou ama-
teurs qui ont bien voulu participer à l'exécu-
tion du festival de Troyes. Nous terminerons
celte rapide relation en vous citant quelques
lignes d'une lettre adressée à notre Président
par M. de Bancel, préfet du département de
l'Aube.
M. de Bancel s'exprime ainsi:
« La pensée première du congrès musical
» qui vient d'avoir lieu à Troyes serait de-
» meurée tout-a-fait inféconde sans la partici-
» pation active, intelligente et , permettez-moi
» de le dire, dévouée, que vous, M. le Président
» et MM. les membres du Comité y avez prise;
» aussi, suis-je heureux de l'occasion que vous
» m'offrez de vous dire que les souvenirs que
» vous, M. le Président etMM. les Artistes ont
» laissé dans notre ville, sont de ceux qui ne
» s'effacent jamais. »
Grâce aux soins de son Comité dont l'ardente
activité et le zèle intelligent se placent de plus
en plus au-dessus de tout éloge, la ville de Mar-
seille, aussi, a eu son festival ; festival dont les
résultats ont été magnifiques, soit qu'on veuille
le considérer comme œuvre d'art ou comme
œuvre de bienfaisance.
Le dimanche 17 août 1851 , 1200 exécutants
chanteurs et instrumentistes étaient réunis dans
le Château des Fleurs , Hippodrome de Mar-
seille devant un auditoire de plus de 6,000 per-
sonnes. Les morceaux suivants y ont été exécu-
tés. La Légiou-d' Honneur , marche triomphale
(Luce); — l'Hymne à la nuit, chœur (Kreutzer);
— Chœur d'Armide (Gluck) ; — Chœur de l'o-
péra Ne louchez pas à la Reine ( Boisselot) ; —
Prière et final de Moïse (Rossini;; — La Fiancée
du Brigand, chœur (Ries); — Mosaïque de Fer-
nand fortes (Spontini), arrangée par Klosé; —
Ouverture de Fra Diavolo (Auber); — Chœur
des Dewa; Aw«rcs(Grétry);-Apothèose (Berlioz);
— Les Chasseurs Noirs , chœur (Weber); — La
Chasse, fanfare (Rossini), — et enfin le chœur de
Judas Machabée de Haëndel, exécuté par toutes
les masses chorales et instrumentales.
L'orchestre militaire, composé de douze corps
de musique, était dirigé par M. Hasselmans, et
les chœurs , composés de dix sociétés chorales,
par M. Martin. Voici les noms de ces musiques
et de ces sociétés.
MUSIQUES.
Garde nat. de Marseille, chefs, MM.Wacker.
Fanfare de la marine , — Bonsignour
Garde nat. d'Avignon,
et de Courlhezon. . . — Ronchoni.
Musique de St -Henri . — Guivier.
Fanfare de la douane . — Bonjean.
10e régt. d'inf. légère . — Gués.
14e — — — Maréchal.
50e de ligne — Gornaud.
3e hussards — Biot.
13e chasseurs — Brick.
SOCIÉTÉS CHORALES.
Les élèves de M. Castellan (Conservatoire de
Marseille).
Société Trotebas. . . chefs, MM. Martin.
— pde la Plaine . — Levais aine.
— tde France. . — Colin.
— j£ des Camoïns . — Arnoux.
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Société de St-Marccl. chefs, MM.Camoïn.
— dcMarzargucs — Conte».
— des Pennes . . — Teissier.
— de Simiane. . — Mcrculicr.
Fraction des chœurs du g<> théâtre
et de la Renaissance, chef, M. Pépin.
L'exécution a été des plus remarquables, les
musiques des régiments et de la garde natio-
nale ont fait merveille, les chœurs ont admira-
blement marché.
Nous avons les plus grandes obligations en-
vers M. le général Hccquet , commandant la 7e
division militaire, et M. le colonel chef d'état-
major Sercey. Nous devons beaucoup aussi aux
administrateurs des chemins de fer, ces Mes-
sieurs ont bien voulu, sur la demande de nos
collègues de Marseille, accordera 150Musicions
d'Avignon et de Tarascon le passage gratuit,
aller et retour. Remercions aussi M. Albrand
qui, au double titre de premier adjoint de la
mairie et de président du Comité de surveil-
lance du Conservatoire, a toujours répondu aux
désirs de nos collègues avec beaucoup d'em-
pressement et de bienveillance,
A l'occasion de ce festival, et pour en perpé-
tuer le souvenir , le Comité marseillais a fait
frapper vingt-cinq médailles, dont deux en or
et vingt-trois en argent, qu'il a offertes comme
preuve de sa gratitude aux chefs de musique et
de chœurs, dont le concours avait été à la fois
si actif, si brillant, si efficace et si désintéressé.
La recelte nette du festival de Marseille s'est
élevée à plus de 2,000 fr.
Le Comité de Marseille est vraiment infati-
gable. Chacun de ses projets semble, en se réa-
lisant, en enfanter un autre. Jamais il ne se
repose sur ses lauriers. Le triomphe qu'il ambi-
tionne est à peine accompli , qu'il court aussitôt
vers une nouvelle victoire.
Grâce à tant de dévouement et de persévé-
rance, peu de temps après le festival dont nous
venons de parler, la Messe solennelle de Sainte-
Cécile était exécutée dans l'église Saint-Joseph,
par les principaux Artistes et amateurs de la
ville. A l'occasion de cette Messe , 400 fr. ont
été versés dans notre caisse.
Ce n'est pas tout : Le 9 mars dernier, le Co-
mité de Marseille a donné, dans la belle salle
Boisselot, son grand Concert annuel au bénéfice
de l'Association des Artistes Musiciens. Ce
concert a été plus brillant encore que ses de-
vanciers. Le programme était des plus attrayants.
Voici les éléments dont il se composait : La
Symphonie héroïque de Beethoven , le chœur
A'Anligone de Mendelshon, chanté par la so-
ciété Trotebas; air du Slabat Mater de Rossini,
air des Âbencerrage.i de Cherubini , chantés par
M. Puget; air du Frëschulz de Weber, dit par
M™0 Charton Demeur ; ouverture du Carnaval
romain de Berlioz; air d'UEdipe de Sacchini ,
chanté par M. Vialette; l'Adagio Rêverie de
Vieuxtemps, exécuté sur le violon par M. Mil-
lonl ; air du Rossignol, chanté par M"10 Charton
Demeur, avecaccompagnement de flûte obligée,
par M. Demeur ; et enfin , le final du Serment,
chanté par M. Vialette et la société Trotebas.
L'orchestre, composé des artistes du Grand-
Théâtre et de MM. les amateurs, était placé sous
l'habile direction de M. Hasselmans.
Le produit net de ce concert a été de 1462 fr.
25 centimes. Vous le voyez, mes chers Cama-
rades, le comité de Marseille, admirablement
secondé dans ses constants efforts par les Artisles
et amateurs de cette ville a, cette année, parson
travail et son intelligence, augmenté notre ca-
pital commun de près de 4,000 fr.
Ah! si toutes les grandes villes de France se
proposaient Marseille pour exemple ; si tous les
Artistes de Paris et des départements étaient
animés de cet esprit fécond de prévoyance et de
charité auquel l'Association doit sa naissance
et ses premiers progrès, le but si envié que nous
postulons serait bientôt atteint, et tous les Musi-
ciens n'auraient plus rienà craindrede la misère
etdu désespoir. Ùnissons-nous tous pour remer-
cier avec effusion le Comité de Marseille et pour
souhaiter, dans l'intérêt général des Artistes ,
qu'il trouve des imitateurs et des émules. C'est
Une douce récompense pour nous, et particuliè-
rement pour notre honorable Président, que de
voir cette belle et antique cité de Marseille ,
cette Athènes des Gaules , comme l'appelaient
les Romains, si bien comprendre, cl surtout si
bien pratiquer nos généreuses doctrines.
Le Comité de Marseille a bien mérité de
l'Association.
Le dimanche 28 septembre a eu lieu, dans la
ville de Melun, le premier concours annuel ou-
vert, d'une part, entre les Orphéons du dépar-
tement île Seine-et-Marne et ceux des départe-
ments circonvoisins , et , d'autre part , entre les
corps de musiques militaires des mêmes dépar-
tements.
Ce double concoursorganisé par votre Comité,
après décision du conseil général et sous les
auspices de M. de Vincent, alors préfet de
Seine-et-Marne, a présenté un puissant intérêt,
tant par les remarquables progrès qu'il a cons-
tatés dans le passé, que par les brillantes espé-
rances qu'il a fait naître pour l'avenir.
Une des choses qui caractérisent le mieux
peut-èlre les tendances de notre époque, c'est
cet élargissement constant de la sphère des
beaux-arts. Autrefois, les murs d'un théâtre ou
d'une salle de concerts traçaient d'étroites li-
mites à l'influence salutaire de la musique; au-
jourd'hui, des populations entières peuvent ,
dans un recueillement commun, goûter simul-
tanément les pures jouissances que donne cet
art divin.
Dès huit heures du matin , le chemin de fer
déposait à l'embarcadère des musiques de gardes
nationales et des groupes d'orphéonistes accou-
rus de trente lieues à la ronde pour prendre
part au concours.
A neuf heures, le Président-Fondateur de
l'Association, accompagné des membres du
Comité désignés pour composer les jurys spé-
ciaux, était reçu officiellement par une députa-
tion des autorités.
La ville avait revêtu ses habits de fête; on
remarquait dans les rues, sur les places, un
mouvement inaccoutumé ; des visiteurs arri-
vaient de toutes parts; la foule se pressait sur-
tout aux abords de la vieille église de Saint-
Aspais, où les orphéonistes se préparaient alors
à chanter l'office divin.
La messe de l'Orphéon a été dite par une
centaine de voix prises dans divers groupes, et
sous la direction de M. E. Delaporte, avec un
ensemble satisfaisant, malgré la diversité des
éléments qui composaient le chœur. A l'issue de
la messe, une quête au bénéfice de notre Caisse
de secours et pensions a été faite par M"" de
Vincent et par d'autres dames, dont nous re-
grettons de ne pouvoir citer les noms.
A onze heuras, les corps de musique et les
Orphéons se réunissaient bannières déployées à
l'embarcadère, dans l'ordre qui leur avait été
indiqué. Quelques instants après , une salve
d'artillerie annonçait que le cortège se mettait
en marche, se dirigeant vers l'hôtel de la pré-
fecture, où l'attendaient, pour le passer en
revue, M. le Préfet, M. le Président Taylor,
M. le général de Rillette, commandant le dé-
partement, M. Drouin de Lhuis, représentant
de Seine-et-Marne, le conseil général, les auto-
rités municipales et MM. les membres des
jurys.
La revue terminée, les Orphéons et les corps
de musique se dirigèrent, les premiers vers le
théâtre, les seconds vers la grande place, lieux
qui leur avaient été désignés pour les concours.
En tète des musiques, marchait l'excellente fan-
fare du 7e régiment de lanciers, qui, sur l'auto-
risation de M. le général et de M. le colonel
Feret, avait bien voulu se mettre à la dispo-
sition des ordonnateurs de la fête.
Arrivé sur la place, le cortège pénétra, à
traversune double haiede troupes de ligne dans
la première enceinte du champ-clos, qu'entou-
rait une foule immense : le jury prit place sur
l'estrade, et son président, M. Klosè, donna
le signal du concours.
Les prix ont été décernés dans l'ordre sui-
vant :
1" division. — Musiques rurales.
Prix d'honneur. — Tableau donné par M. le
ministre de l'intérieur, et médaille d'or offerte
par le conseil - général; musique de Fontai-
nebleau, chef M. Duquat.
1" prix. — Médaille de vermeil ; musique- de
Batignolles, chef, M.Coret.
2" prix. — Ex œquo. Médaille d'argent, mu-
siques de Melun et de Corbeil; chefs, MM. Ber-
thet et Sourdillon.
Prix d'encouragement.— Médaille de bronzeet
gravures; musiques de Provins et de Mcaux,
chefs, MM. Voisc et Gentil.
2« division. — Musiques rurales.
1" prix.— Médaille de vermeil et gravures;
musique de Montereau, chef, M. I.clong.
2' prix. — Ex œquo Médaille d'argent ; mu-
sique de Villeneuve-gaint-Georges et de Iloissy
Saint-Léger; chefs, MM. Charles de Bez et
Duchamp.
Prix d'encouragement. — Médaille de bronze
et gravures; musiques de Donnemarie et de
Brunoy, chefs, MAI. lîellagtiel et Wolfinger.
En dehors des concours, deux médailles d'ar-
gent ont été offertes â divers titres; l'une à la
musique de la l-'crtè-sous- Jouarre, l'autre à la
musique de Melun.
Pour clore le concours, la fanfare du 7' lan-
ciers, sous la direction de M. Bousquier, fit en-
tendre une mosaïque de la Favorite et une fan-
taisie sur la Norma, sa belle exécution lui valut
une médaille d'or offerte par l'Association des
Artistes Musiciens. Pendant le concours qui n'a
pas duré moins de 4 heures, IcsOrphéons, éga-
lement divisés en deux sections, les Sociétés
chorales de Paris et les Orphéons de la pro-
vince, entraient en lice dans la salle de spectacle
devant un nombreux auditoire.
Le jury, présidé par M. Prumier, décerna les
prix dans l'ordre suivant :
Section des Orphéons de province.
Prix d'honneur. — Médaille d'or, offerte par
M. le Président de la République à celui des
Orphéons de Seine-et-Marne, qui se distin-
guerait le plus dans le concours.
Orphéons de Meaux, dirigé par M. Torchet.
1" prix. — Médaille de vermeil; orphéon de
Nemours, dirigé par M. Langlet.
2° prix. — Médaille en vermed; Orphéon de
Melun, dirigé par M. Berthet.
3e prix.— Ex œquo. Médaille d'argent; Or-
phéons de Sens et de Fontainebleau, dirigés par
MM. Courageux et Duquat.
Prix d'encouragement. — Médaille de bronze ;
Orphéons de Lagny, dirigé par M. Desaint.
En dehors du concours, une médaille d'argent
a été offerte à l'Orphéon de Villeneuve-1'Ar-
chevèque.
Section des Sociétés de Paris.
1" prix. — Médaille d'or ; les Enfants de
Lutèce, dirigés par M. Gobert.
2e prix. — Médaille de vermeil ; la classe po-
pulaire de chant d'ensemble du Conservatoire,
dirigée par M. Edouard Batiste.
3e prix. — Médaille d'argent; les Elèves de
M. Foulon sous la direction de leur professeur.
4e prix. — Médaille d'argent offerte par le
jury; les Enfants de la Seine dirigés par
M. Etiard.
En général, les chœurs chantés par ces quatre
derniers groupes, ont été supérieurement exé-
cutés. Le public les a accueillis par des bravos
prolongés. Les Enfants de Lutèce ont surtout
produit beaucoup d'effet dans la Saint-Hubert,
chœur de Laurent de Rillé.
A 5 heures, une nouvelle salve d'artillerie an-
nonçait la distribution solennelle des prix ; les
Orphéons étaient venusse joindre aux musiques.
Sur l'appel de l'un des membresdujury, les chefs
des corps lauréats vinrent successivement aux
applaudissements d'une foule sympathique, re-
cevoir des mains de M. le préfet, les récom-
penses qu'ils avaient mérités. Après la distri-
bution des médailles, M. le préfet ayant adressé
aux concurrents quelques paroles chaleureuses,la
fête se termina comme elle avait commencé,
dans l'ordre le plus parfait.
Rien n'est plus beau, plus louchant que ces
pacifiques démonstrations à ciel ouvert. L'As-
sociation, outre les éléments d'avenir qui lui
sont propres et que nous avons fait ressortir
dans maintes circonstances, trouvera, en se
maintenant à la tète de ces manifestations artis-
tiques, des moyens d'étendre de plus en plus
son action bienfaisante sur l'art et sur les Ar-
tistes. Un jour viendra où chaque ville de
170
GAZETTE MUSICALE
France aura son Orphéon particulier et sa So-
ciété philharmonique. Alors les arts offriront à
l'activité du peuple un aliment plus sain et plus
choisi ; sous leur influence, les mœurs publiques
se modifieront et s'amélioreront , une noble
émulation tiendra l'intelligence en éveil, et l'en-
seignement sera puissamment secondé par l'ap-
pât de ces récompenses publiques, devenues
l'objet de la louable ambition des Artistes. Les
concerts, les festivals, les concours, les messes
se multiplieront de toutes parts sous les auspi-
ces de l'autorité , et ces solennités brilleront
d'un éclat dont il est facile de se faire une idée
lorsqu'on songe à la richesse et au nombre des
éléments dont l'Association pourra disposer.
Par ces faits, l'art prendra des proportions di-
gnes de lui et de sa mission dans le monde, il
resserrera les liens sociaux en apprenant aux
hommes à se connaître et à s'aimer, et ainsi
s'accomplira l'oeuvre de la musique considérée
au point de vue supérieur de la morale et de la
civilisation moderne.
Cette année, comme les années précédentes,
l'Association a fêlé la patronne des Artistes
Musiciens.
Le samedi 22 novembre 1851, jour de Sainte-
Cécile, la messe en ut d'Haydn a été exécutée
dans l'église Saint- Eustache par plus de 300 Ar-
tistes, tant instrumentistes que chanteurs. Notre
collègue, M.Tilmant, avait accepté cette fois
encore avec empressement la mission de diriger
l'orchestre, et M. de Garaudé avait bien voulu
se charger de présider à l'étude des chœurs. Les
soins et le zèle de ces deux éminents Artistes
n'ont pas peu contribué à la perfection qui a
signalé à un si haut degré l'exécution de l'œu-
vre de Haydn : les solos ont été chantés par
Mllc Lefebvre, de l'Opéra-Comique, Mm" Prin-
temps et Baron, et MM. Jourdan, Coulon et
Adam. Les masses instrumentales étaient for-
mées de l'orchestre de l'Opéra-Comique, de
quelques Artistes du théâtre Italien , du troi-
sième Théâtre Lyrique , du Gymnase et de
l'Ambigu-Comique. La partie vocale se compo-
sait des chœurs de l'Opéra-Comique, de la
classe de M. Batiste, des dames des chœurs de
l'Opéra et des Enfants de Saint-Eustache, de
Saint-itocb et des Blancs - Manteaux, que
MM. Hurand, Masson et Delahaye, maîtres de
chapelle de ces églises, s'étaient empressés de
mettre à la disposition de la Commission.
Bemercions ici nos dames palronnesses etquê-
teu'es, MM*" de Saint -Brice, Zimmerman,
Panseron , Alard, Henri Gauthier, Massart et
M"c Thérèse Jaurès. Ces dames se sont acquit-
tées de leur tâche délicateavec une bonne grâce
parfaite.
Comme d'habitude, en pareille circonstance,
et nonobstant une concurrence fâcheuse , la
foule avait envahi les vastes nefs de Saint-Eus-
tache. Le profond recueillement dont elle était
pénétrée témoignait assez éloquemment de la
puissance de l'art sur les âmes, et le résultat
des quêtes a donné une nouvelle preuve que les
pures impressions qui en découlent fécondent
dans les cœurs les sentiments généreux et en
font jaillir les bonnes œuvres. La recette de la
messe s'est élevée au chiffre de 2,737 fr. 95 c.
Hge somme de 50 francs nous a été adressée par
M. le ministre de l'intérieur, et notre bienfai-
trice, madame la duchesse de Narbonne, empê-
chée d'assister à la cérémonie par une grave
indisposition, nous a envoyé 60 francs pour son
offrande. Ajoutons qu'à la dernière répétition
générale, qui avait attiré dans l'église un cer-
tain nombre de curieux, une collecte, provoquée
par quelques-uns de nos collègues, et recueillie
par M. Adam et la gracieuse Mn" Lefebvre,
avait produit une somme de 28 fr. 50 c.
Des invitations avaient été adressées par le
Comité au Président et au Vice-Président de la
République, à M. le ministre de l'intérieur, aux
ambassadeurs des puissances étrangères , à
M. le préfet de la Seine, à MM. les maires des
douze arrondissements de Paris, à M. le direc-
teur des Beaux-Arts, en un mot à toutes les
notabilités civiles, militaires, religieuses, scien-
tifiques, artistiques et littéraires.
Nous sommes heureux de pouvoir vous an-
noncer que notre collègue M. Ambroise Tho-
mas, de l'Institut, a bien voulu se charger d'é-
crire la messe qui sera exécutée à la Sainte-
Cécile de 1852.
Empressons-nous d'adresser nos actions de
grâces à M. lecuréGaudreau à qui notre œuvre
est déjà si redevable, et qui nous montre tou-
jours le même empressement et la même bien-
veillance. Remercions aussi notre bon pasteur,
Monseigneur l'archevêque de Paris, qui conti-
nue à nous favoriser de sa haute protection et
de ses honorables sympathies. Toute la sollici-
tude de l'illustre prélat est acquise, vous le
savez, à nos institutions de bienfaisance. Voici
ce qu'il dit dans son admirable mandement sur
la Charité, en s'adressant aux Associations de
tout genre qui fonctionnent dans Paris :
«Soyez bénis, vous tous qui trouvez votre
» bonheur à visiter les pauvres, à recueillir des
» enfants abandonnés, à instruire les uns de
» leurs devoirs, à diriger les autres dans leur
» apprentissage, à moraliser les jeunes ouvriers,
» à payer le loyer de ceux-ci , à acquitter les
» dettes de ceux-là, à réhabiliter les mariages
» illégitimes, à consoler les familles éprouvées,
» à porter des secours aux indigents, a essuyer
» enfin les larmes de toutes les infortunes. »
A vous, mes chers Camarades, â vous une
part de ces bénédictions qui de la chaire pasto-
rale sont tombées naguères sur la grande cité
comme une rosée bienfaisante sur une terre en
travail.
Quelque temps après la messe de Sainte-Cé-
cile, le Cercle Musical, présidé par notre collè-
gue M. Charles Debez, a organisé dans l'église
de la Madeleine, avec le concours de votre Co-
mité , une messe de Requiem composée par
M. Deldevez, en mémoire de son professeur
M. Habeneck aîné. L'orchestre était dirigé par
notre collègue M. Georges Bousquet, et les
chœurs, composés de 25 élèves de la classe po-
pulaire du Conservatoire et des enfants de la
Madeleine , par notre collègue M. Edouard
Batiste. M. l'abbé De Guerry a prouvé dans
cette circonstance qu'il était toujours animé
pour l'Association de ces excellents sentiments
dont elle a reçu jadis tant et de si précieux té-
moignages. Mrac la comtesse d'Andlau, Mm" De-
bez, Panseron, Klein, Richard, Devilliers,
Mme la baronne Ernouf et Mllc Charlotte de
Malleville ont rempli les fonctions de dames
quêteuses avec cette grâce et cette distinction
qui leur sont familières. La messe de Requiem
de M. Deldevez a produit une recette de 700 tr.
dont le Cercle Musical a fait l'abandon intégral
à l'Association des Artistes Musiciens.
Non dans le but de réaliser un bénéfice en
argent, bénéfice que les circonstances rendaient
pour ainsi dire impossible, mais plutôt pour
continuer une œuvre d'art trop long-temps in-
terrompue, votre Comité s'est déterminé à or-
ganiser dans notre salle quatre concerts à orches-
tre, pour lesquels M. le ministre de l'intérieur
et le Président de la République lui-même nous
ont adressé une somme à titre d'encouragement.
L'exécution de cesquatre concerts n'a rien laissé
à désirer, grâces aux soins et à l'habileté de
M.Georges Bousquet; grâces aussi à l'exacti-
tude, au zèle et surtout au talent des Artistes
qui composaient l'orchestre; grâces enfin aux
virtuoses distingués qui se sont fait entendre
dans ces quatre soirées remarquables.
Les morceaux exécutés par l'orchestre sont la
vingt-deuxième et la trentième symphonie de
Haydn; la symphonie en sol de Weber; des
fragments de la symphonie en mi de M. La-
vainne, compositeur distingué de Lille; les ou-
vertures du Mariage de Figaro de Mozart ; de
YHôlellerie Portugaise de Cherubini; de Stra-
lonicc de Méhul et de Démophon de Vogel. Il
est de notre devoir de remercier ici M"1' Lefè-
bure Wely, qui a supérieurement chanté l'air
de la Fée aux Roses; M™ Léonard qui, don-
nant lieu à un rapprochement plein d'intérêt,
s'est fait entendre dans la romance de la Nina
de Dalayrac et dans la scène de la Nina de Paé-
siello.MlloRossignon,M.Wartel,M. Bonnehce;
MM, Jubelin, Boulanger, Sautot et de Beau-
pré, qui tous ont bien voulu mettre leur talent
au service de votre Comité.
Remercions aussi Mme Massart et Mlu Char-
lotte de Malleville qui ont dit, la première, un
concerto de Mendelshon et le concerto en mi b
de Beethoven, avec celte supériorité d'exécu-
tion que vous lui connaissez , et , la seconde , le
concerto en ré mineur de Mozart avec une
grande puissance de sentiment et d'expression.
N'oublions pas MM. Léonard, Bazzini et Mau-
rin, violonistes hors ligne; MM. Chevillard,
Lefébui e Wely et Léon Magnier, Artiste auquel
nous avons été heureux de prêter personnelle-
ment notre concours.
Outre ces quatre concerts, deux matinées de
musique de chambre ont été données par votre
Comité les 28 mars et 2 mai 1852. On a en-
tendu dans la première de ces matinées orga-
nisée par notre collègue M. Massart, le sixième
quatuor de Beethoven, exécuté par MM. Mas-
sart, Llbrens, Chéri et Jacquard ; un concerto de
piano de Sébastien Bach, exécuté par M"" Mas-
sart; une grande sérénade de Mozart pour ins-
truments à vent, un solo de violon par M"c Urso,
élève de M. Massart; enfin deux chœurs parles
élèves de notre collègue Batiste.
Le programme de la deuxième malinée or-
ganisée par notre collègue Gouffe était ainsi
composé : Quinlelto d'Onslow, par MM. Ri-
gnault, Guerreau, Casimir Ney, Lebouc et
bouffé; — Trio de Beethoven, par MUo Louise
Mattmann, MM. Guerreauet Lebouc; — So-
nate de Coretli , pour violon el basse, exécutée
sur le violoncelle et la contre-basse par MM.
Lebouc et Gonfle ; — Andante variée de Blan-
chard, par MM. Casimir Ney, Guerreau, Blanc
et Lebouc. Enfin, Bagatelle de Beethoven et
Air varié de Haëndel pour piano, exécuté par
Mlu Louise Mattmann; remercions encore
MM. Triébert, Garimond, Klosé, Parés, Urbin,
Bonnefoy, Jancourt el Espaignet quiont con-
couru à ces deux matinées. Ajoutons que de-
puis le 1" janvier 1851 jusqu'au 31 mars 1852,
la location de notre salle de concerls a produit
une somme de 2,695 fr.
Les jeudi et vendredi-saint, 8 et 9 avril der-
nier, deux grands concerts ont été donnés au
Jardin-d'Hiver par les Associations réunies des
Artistes Musiciens et des Artistes Industriels.
Ces concerls n'ont pas produit ce qu'on était
en droit d'en attendre; néanmoins les receltes
ont excédé les dépenses Plusieurs morceaux
de la messe de Sainte-Cécile, arrangés pour mu-
sique militaire par M. Klosé ont été exécutés,
sous ladirection de ce dernier, par les musiques
du 3e léger, du 14% du 42e et du 58e de ligne ,
du 1" et du 7e lanciers; des chœurs religieux
ont été chantés, le vendredi, parla Société cho-
rale populaire du Conservatoire, sous la direc-
tion de M.Balisle; le jeudi, par des députations
des Sociétés des Enfants de Lutèce, des Enfants
de Paris, de l' Union Wilhemienne, des Enfants
de la Seine réunies au nombre de 200 chanteurs
sous la conduite de M. Delaporte.
Mu"Montigny,RouvroyetAublel, MM. Gri-
gnon fils, Lourdel, Raymond, Schlosser ont
chanté les solos.
MM. Amédée Arnault et Viault ont tenu
l'orgue.
Le Comité, au nom de l'Association tout en-
tière leur en témoigne ici toute sa reconnais-
sance.
Quelques jours après, le 25 avril dernier,
une fête de jour a été donnée dans le même éta-
blissement sous le nom de fête du Printemps,
au profit des Caisses de secours
1° De la Société des Auteurs etCompositeurs;
2" De l'Association des Artistes Dramatiques;
3° De l'Association des Artistes Musiciens.
La beaulé, la jeunesse et le talent ont fait au
public les honneurs de cette fête.
La Commission d'organisation se composait
de MM. Anicet-Bourgeois, Ambroise-Thomas,
Langlé, Marc-Michel, Brisebarre, baron Taylor,
Derval , Provost, Mocker, Berthier, Debez,
Panseron, Henri Gauthier et Devaux.
Nous avons trouvé chez M. Frottin, maire du
1" arrondissement, dans lequel est situé le
Jardin-d'Hiver, une bienveillance et un appui
dont nous sommes profondément reconnaissants.
La liquidation de cette opération n'est point
encore entièrement terminée ; cependant , on
peut dès aujourd'hui prévoir que chacune des
associations bénéficiaires, encaissera plus de
500 fr.
Nous regrettons de ne pouvoir citer ici les
noms de tous les comédiens et de toutes les
charmantes actrices dont le concours a été si
brillant et si gracieux : nous leur adressons col-
lectivement nos remerciements sincères.
Le 9 de ce mois, une messe en musique com-
posée par M. Coqterre , chef de musique au 1"
carabiniers , a été exécutée à Versailles par les
artistes du théâtre, la musique des carabiniers
et l'Orphéon de cette ville : M™" la comtesse
de Ravel et M" Mavet , nos daines quêteuses ,
ont recueilli une somme de 215 fr.
Enfin, le 10 du présent mois, à l'occasion de
la grande fête de la distribution des aigles, le
Kyrie , le Sanctus et VU Saliitaris de la messe
de Sainte-Cécile de M. Ad. Adam, arrangée par
M. Klosé , ont été exécutés par plus de 1500
musiciens militaires. Ce formidable orchestre
était composé des 31 musiques de la division ;
voici quelles étaient ces musiques :
Chefs, MM.
1° — Élèves du Gymn. militair. Loustalot.
2°— Musiq.de la Garde Répub. Paulus.
3" - Musiq. du2*rég.dugénic. Bousquier.
4" — 3* de ligne Ernst.
5" - 6* — Bonhomme.
6" — 13' — Moreau.
7«— 19' _ Nicoud.
8"— 28- — Sourilas.
9"— 31' — Couard.
10"— 33* — Raffara.
11"- 37' — Guiva.
12"- 38' -^ Diard.
13—43' — Boudier.
14"— 44' — Borderieux.
15"— 49' — Diouras.
16' — 51- — Douard.
17"- 56' — Lanulle.
18"— 58' — Zwerzina.
19—72" — Blanckmann.
20— 3° léger Kientz.
21— 6' — Ponsignon.
22"— 15= — Wilhem.
23' -19' — Quantin.
24"— 1" lanciers Creton.
25" — 7* — Bousquier.
26 ■'— 1" carabiniers Coqterre.
27"— 2' — Gariel.
28"— 6' cuirassiers Sax.
29"— 7' Ferminet.
30°— 12- dragons Baffara.
31° — 7' artillerie Buot.
M. le ministre de la guerre , en s'adressant à
notre Président, a compris que l'Association
seule pouvait en aussi peu de temps grouper
et harmoniser les éléments nécessaires à une
pareille exécution.
MM. le baron Taylor, Ad. Adam et Klosé
se sont multipliés. — Au reste, nous sommes
heureux de le reconnaître , la bonne volonté
qu'ils ont rencontrée chez nos camarades de
l'armée, les a puissamment secondés dans leur
travail difficile et précipité.
Nous avons eu d'autres projets encore : à
Paris, à Saint-Cloud, à Londres, à Poitiers, à
Bheims, à Châlons-sur-Marne, à Dunkerque, à
Nantes, à Dieppe, à Rouen , des fêles ont été
tentées, mais n'ont pu être suivies de réalisa-
tion ; plus d'une fois nous avons dû reculer de-
vant des obstacles qu'il n'a pas dépendu de nous
de tourner ou de franchir.
Ici se termine, mes chers Camarades, l'exposé
des opérations de votre Comité pendant l'exer-
cice qui vient de s'écouler. Nous en soumettons
les détails et l'ensemble à votre examen et à
vos appréciations , avec cette franchise el cette
tranquillité que donne la conscience d un devoir
accompli.
Il ne nous reste plus qu'à jeter un coup-d'œil
rapide, mais attentif, sur quelques chiffres im-
portants. Certains esprits positifs qui ne saisis-
sent la vérité que lorsqu'elle s'appuie sur des
résultats matériels, que lorsqu'elle est attestée
par des faits, y trouveront la preuve sensible
que nos espérances et nos prévisions n'ont rien
d'aléatoire et d'incertain; qu'au contraire, elles
portent en elles-mêmes le cachet de l'évidence
et de la certitude la plus entière.
Les cotisations de Paris et de la province,
rentrées pendant le coursde l'année 1850, avaient
atteint le chiffre de 16,126 75
chiffre qui constatait sur 1849, une
augmentation de 5,000 fr.; eh bien,
les cotisations perçues en 1851 , se
sont accrues dans une proportion
plus forte encore : elles se sont éle-
vées, pour Paris, à 13,414 35
et pour la province, à 8,585 15
Ce qui constitue un total de. . . . 21,999 50
Ce total constate une augmenta-
tion de 5,872 fr. 75 c. Pendant les
trois premiers mois de cette année
1852 , le chiffre des cotisations a
continué sa progression ascendante,
il s'est élevé, pour Paris, à 4,967 »
pour la province, à 2,649 25
Total 7,616 25
La moyenne du trimestre de l'an dernier
n'était que de 5,499 fr. 87 c.
Le total des recettes de 1851 a surpassé celui
de 1850, de 11,745 45
il s'est élevé à 53,925 73
La contre-partie de l'accroissement des re-
cettes, c'est l'augmentation relative dans les
secours, les pensions et les dons de toute na-
ture : ainsi, en 1850, le total des secours et
pensions payés par l'Association , sans y com-
prendre les secours pris sur les fonds de la lo-
terie, n'était que de 7,544 »
en 1851, il a plus que doublé; il
s'est élevé à 15,056 55
4,319 fr. 75 c. ont été distribués en secours
et pensions, depuis le 1" janvier jusqu'au 31
mars 1852.
Outre cette augmentation dans les secours et
pensions, amenée par l'accroissement des recet-
tes , nous avons pu payer les frais de loyer, de
décoration et d'ameublement de notre salle de
concerts, et acheter, depuis le 1" janvier 1851,
895 fr. de rentes pour une somme de 18,327 fr.
45 c.
L'an passé, la liquidation de la grande loterie
d'un million n'étant pas entièrement terminée ,
nous n'avons pu vous citer le total de nos rentes
qued'unemanière approximative. Nous sommes
en mesure aujourd'hui de vous le faire connaître
d'une manière exacte et positive.
A l'heure qu'il est, si la conversion des renies
5 p. % n'avait pas été décrétée, l'Association
des Artistes Musiciens posséderait 13,835 fr.
de rentes , dont 13,215 fr. en 5 p. °/„ et 620 en
3 p. •/„.
Le décret concernant le 5 a fait subir à la
rente une dépréciation d'un dixième; donc, au
chiffre 13,835 fr. il faut substituer celui de
12,514 fr. 50 cent. ; tel est aujourd'hui le total
de nos rentes.
Il ne nous appartient pas d'apprécier ici la
mesure de la conversion dans la généralité de
son application ; nous croyons, puisqu'elle a été
prise, qu'elle était réclamée par l'intérêt géné-
ral du pays; cependant, nous ne pouvons nous
empêcher de déplorer l'atteinte grave qu'elle
nous a portée : la rente de l'Association, c'est
le pain du malheureux , le médicament du
malade, le soutien du vieillard, de la veuve et
de l'orphelin ; elle ne peut être identifiée, con-
fondue avec la fortune du rentier ; assimilée aux
revenus du capitaliste. Nous basant sur ces
considérations, qui ne sont pas sans valeur à
nos yeux, nous avons cru devoir adresser nos
réclamations à l'autorité; nous savons, et nous
en sommes fiers, que l'existence de notre insti-
tution est intimement liée à celle de la France;
nous savons que nos destinées sont solidaires
des destinées delà l'atrie;aussi, ce que nous sollici-
tons, ce n'est pas d'échapper, soit par exception,
soit par privilège, à la loi qui, nous le compre-
nons, doit être générale dans ses commande-
ments comme elle l'est dans ses garanties :
mais, c'est d'obtenir de l'État soit un don, soit
uneindemnilè qui balance ou au moinsatténue
l'énorme perte que nous avons éprouvée; notre
voix a été entendue, tout nous fait espérer que
notre demande ne restera pas sans résultats.
La réduction de la rente devait amener néces-
sairement, ou une diminution dans les secours,
ou un abaissement proportionnel du chiffre de
la pension ; d'un côté, il eût été fâcheux, comme
l'a fort bien fait voir notre vice-président, M.
Edouard Monnais, de descendre la pension
au-dessous de 300 fr., ce chiffre nous paraissant
répondre à l'extrême minimum des besoins de
la vie; de l'autre, il eût été pénible de fer-
mer l'oreille aux demandes de secours qui
nous arrivent de toutes parts, quand déjà nous
regrettons de ne pas faire assez pour ceux qui
souffrent. Pendant que chacun de nous réflé-
chissait sur cette question importante a6n d'ap-
porter dans le déliât le fruit de ses méditations
particulières, la mort, sans laquelle nous comp-
tions, vint malheureusement résoudre le problê-
me. Trois de nos pensionnaires, MM. Lavocat,
Calin-Chaine de Paris el Bouhourc de Toulouse
expirèrent presque simultanément. Il fut unani-
mement décidé qu'on attendrait, pour nommer
aux pensions vacantes, que le travail et le temps,
sinon l'indemnité que nous espérons, aient
réparé la perte de notre fortune commune ; de
cette manière, le chiffre de la pension sera con-
servé, et les secours accordés ne subiront pas
de diminution.
Un reproche qu'on adresse quelquefois, non
seulement à votre Comité , mais encore aux
Comités des Artistes Dramatiques et des Artistes
Peintres, Architectes, Sculpteurs, Graveurs et
Dessinateurs, c'est de ne pas répartir équitable-
ment les pensions entre Paris el les départe-
ments. Les Artistes de province qui formulent
ce grief le font injustement, le document qui suit
en fournit la preuve.
Tableau des pensions que paient, dans les
villes de province, par l'intermédiaire de MM.
les maires, les trois Associations des Artistes
Dramatiques, des Artistes Peintres el des Artis-
tes Musiciens :
A Agen 120 fr.
A Amiens 306
A Besancon 150
A Bordeaux 372
A Avignon 200
A Dunkerque 120
A Dieppe .... 306
Au Havre 366
A Lyon 1,434
A Marseille 1,568
A Nantes 386
A Nancy 300
A Nevers 200
A Orléans 300
A Nîsmes 186
A Pau 200
A Poitiers 186
A Bouen 730
A Rochefort 186
A La Bochelle 186
A Saintes 186
A Sarlat 186
A Sens. 186
A Strasbourg 300
A Toulouse 558
Total 9,218
Il résulte du tableau qui précède, que les trois
Associations payent à litre de pensions , dans
vingt-cinq villes importantes, un total de 9,218 f.
Vous savez , mes chers Camarades , qu'une
nouvelle loterie de 600,000 fr., dite Loterie
nationale des Lettres et des Arts, a été organisée
au profit des six Associations : 1" des Auteurs
et Compositeurs dramatiques ; 2" des Gens de
lettres; 3° des Artistes Dramatiques; 4° des
Musiciens; 5° des Peintres; 6" des Inventeurs
et Artistes Industriels.
L'organisateur , vous le connaissez ; c'est
notre Président, M. le baron Taylor.
Comme virent autrefois les Hébreux sous la
verge de leur législateur, sourdre de fraîches
eaux des stériles rochers de l'Horeb , nous, les
Artistes, qui sommes aussi le peuple de Dieu,
et qui marchons comme eux vers une terre
promise, nous avons vu, sous les mains fé-
condes de M. Taylor, jaillir des Loteries, jadis
objet de scandale, de désespoir et de ruine, des
sources abondantes de fortune, de consolations
et de bienfaits.
N'oublions pas que nous devons aux Loteries,
une large part de notre capital, et que ce riche
filon ouvert au profit des Artistes par notre
Président, est loin d'être épuisé.
La Commission de surveillance dont M. le
baron Taylor est Président, se compose :
Pour les Auteurs et compositeurs dramatiques,
de MM. Anicet Bourgeois et Lockroy.
Pour les Gens de Lettres, de MM. Achille
Comte et Celiiez.
Pour les Artistes Dramatiques, de MM. Sam-
son et Derval.
GAZETTE MUSICALE
Pour les Artistes Musiciens, de MM. Charles
Debez et Adolphe Adam.
Pour les Artistes Peintres, Sculpteurs, Archi-
tectes, Graveurs et Dessinateurs, de MM. Mar-
chand et Diimonl.
Pour les Inventeurs et Artistes Industriels, de
MM. le baron Taylor et Etienne Blanc.
M. Bolle-Lasalle a été chargé de l'adminis-
tration de celle nouvelle Loterie, à laquelle
M. le duc de Luynes, cet amateur éclairé des
arts, ce protecteur généreuxdesArtistes, a sous-
crit pour 100 fr. de'billels.
Nous n'avons que des louanges et des re-
merciments à adresser à nos Conseils médical et
judiciaire. Tout le monde a fail son devoir avec
autant de zèle que de désintéressement.
Nous sommes en instance, mes chers Cama-
rades, pour obtenir du Gouvernement, que notre
instilution soit reconnue comme établissement
d'utilité publique. Nos statuts vont êlre soumis
à l'approbation du Conseil d'Etat, qui, sans au-
cun doute, fera pour nous ce qu'il a déjà fait
pour les Artistes dramatiques. Nous espérons
que cette année ne s'écoulera pas sans que soit
rendue l'ordonnance qui fait l'objet de notre de-
mande; aussi, nous engageons les Artistes sans
fortune, qui,jusqu'àprèsenl, soitpar négligence,
soit par toute autre cause, n'auraient point en-
core fait acte d'adhésion à l'Association, à se
hâter de le faire: plus tard, selon toute proba-
bilité, il sera exigé d'eux un premier versement
de 30 francs; et ce versement sera de toute jus-
tice, car il trouvera de larges compensations
dans les garanties offertes à l'impétrant, d'une
part, par l'autorisation et la reconnaissance du
Gouvernement; de l'aulre, par la fortune ac-
quise de l'Association.
Nous en étions ici de notre travail, quand
nous avons appris la perle douloureuse qui vient
d'atteindre votre Comité dans la personne de
l'un de ses membres les plus exacts, les plus
utiles et les plus dévoués.
M. Joseph-Henri-Pascal Taskin, né à Ver-
sailles le 24- août 1779, fils de Pascal Taskin,
fadeur de pianos de Louis XV et de Louis XVI,
membre de l'Alhènée des Arls, de la Société
Académique des Enfants d'Apollon, du Grand
Orient de France, du Comité de l'Association
des Artistes Musiciens, a cessé de vivre presque
subitement, le mardi 4 mai 1852, vers 11 heures
(lu soir, à l'âge de 73 ans.
Taskin était un de ces Artistes choisis qui
font peu de bruit, mais font beaucoup de bien ;
sa modestie égalait son talent. Doué d'uneintel-
ligence élevée, d'un esprit droit, d'un ca-
ractère égal, d'un cœur d'or, il ne sacrifia
jamais aux dieux du jour, et le culte qu'il
professait pour l'art, demeura constamment
digne de son suprême objet. Taskin avait con-
servé dans sa gaie et verte vieillesse toute la
candeur et toute la sensibilité du jeune âge;
philanthrope éclairé, professeur consciencieux,
artiste convaincu, heureux des services qu'il
pouvait rendre aux autres, il fut aimé et estimé
de tous, sa mort a été douce et calme comme sa
vie; la tombe s'est refermée sur lui, mais son
souvenir vit et vivralong-tempsdans nos cœurs.
Votre Comité n'a pu être prévenu assez à temps
pour accompagner officiellement Taskin à sa
dernière demeure, et jeter sur sa cendre un
éternel adieu; mais cet adieu.il le lui adresse
devant vous, mes chers Camarades, il le joint au
vôtre dans toute l'effusion de ses regrets.
Nous placerons ici quelques considérations
qui ne nous paraissent pas sans quelque utilité,
elles seront courtes comme nous l'imposent du
reste les limites que nous nous sommes tracées.
Les Associations d'Artistes, et particuliè-
rement la nôtie, mes chers Camarades, ont de-
vant elles une large carrière à fournir. Elle
est grande et salutaire, la mission que notre
œuvre est appelée à remplir ici-bas. Pénétrez-
vous bien de cette vérité, comprenez- en bien
l'importance. Tout ce qui tend à dégager l'idée
pure, la pensée mère de l'Association des no-
lions mesquines, vagues ou même fausses qu'on
a pu s'on faire jusqu à ce jour, ne saurait être
oiseux ou inutile. C'est une de nos convictions,
que mieux l'Association sera comprise plus on
lui consacrera de forces, et plus elle éveillera de
sympathies.
iNotre Association n'est point une sorte d'o-
pération de tontine entre les individus qui la
composent ; gardez-vous bien de la considérer
ainsi; elle domine ces combinaisons comme le
dévouement domine l'intérêt; comme l'amour
domine l'ègoïsme. Toutes ces sociétés de pré-
voyance purement individuelle, avec lesquelles
il ne faut pas nous confondre, expirent toujours
avec le dernier survivant des co-associés, ne
laissant après elles qu'un héritage particulier
qui en démontre en quelque sorte le néant et le
peu de moralité. Nous, ce que nous voulons, ce
n'est pas seulement nous assurer mutuellement
un soulien, c'est encore, c'est surtout élever sur
les bases tracées par notre fondateur un monu-
ment qui puisse servir d'abri à nous et aux Ar-
tistes qui viendront après nous. Songez-y : les
hommes passent, les institutions demeurent;
elles sont les liens qui rattachent les généra-
tions entre elles. Pourquoi toutes les tentatives
qui ont été faites depuis la loi du 22 août 1790,
décrétée par l'Assemblée constituante, jusqu'à
ce jour, pour organiser les secours et l'assistance
publics sont-elles restées impuissantes et sté-
riles? C'est qu'elles ne faisaient rien pour l'ave-
nir ; c'est qu'elles n'établissaient aucune solida-
rité enlre les temps présents et les époques fu-
tures ; c'est, en un mot, qu'elles ne traçaient pas
le plan d'une institution durable, ainsi que l'ont
fait nos législateurs. En immobilisant notre
capital, et en ne laissant aux besoins actuels que
la disposition de notre rente, ils ont concilié les
exigences du présent avec celles de l'avenir; ils
ont assuré l'assistance au malheur, et en même
temps créé une fortune insaisissable à la grande
famille des Artistes Musiciens.
Il est clair que nous n'arriverons pas à ce
magnifique résultat de doter notre pays dune
institution salutaire, sans de grands travaux et
de grands sacrifices; mais, vous le savez, on
n'édifie pas sans matériaux. Nous bénissons nos
pères quand nous songeons aux conquêtes qu'ils
nous ont léguées; faisons en sorte que nos en-
fants nous bénissent de même en recueillant un
jour le fruit de nos labeurs.
Ce n'est pas immédiatement, c'est graduelle-
ment, c'est insensiblement qu'on peut atteindre
un but si élevé, cl le mode d'action déterminé
par nos premiers fondateurs décèle, vous le re-
connaîtrez , la plus pure charité, la plus haute
intelligence et la plus pratique sagesse.
Pour tirer de nos principes et pour hâter le
développement des germes féconds qu'ils con-
tiennent, nous avons besoin du concours de tous.
L'œuvre est si immense , que le nombre des
travailleurs ne saurait être trop grand ; elle est
si belle, que leur participation ne saurait être
trop active ni trop dévouée. Loin de nous l'é-
troite pensée de restreindre de nos vœux le
nombre de ceux qui, en concourant aux progrès
de l'Association, auront acquis des droits à la
jouissance de ses bienfaits. Nous désirons au
contraire que notre institution étende son égide
protectrice sur tous les Artistes Musiciens de la
France. Que les intérêts particuliers ne s'alar-
ment pas; ils ne sauraient être justes et légiti-
mes qu'à la condition d'être en parfaite harmo-
nie avec l'intérêt général D'ailleurs, dans nos
opérations, plus la base est large et plus elle est
favorable. Ne repoussons pas le bénéfice que
nous assure la loi des grands nombres, loi par
laquelle le calcul des probabilités présente des
résultats d'autant plus exacts et plus sûrs qu'il
spécule sur une plus grande quantité de faits.
Les demandes de secours et pensions augmen-
teront, cela est vrai, avec le nombre des socié-
taires; mais, soyez-en bien convaincus, nos
ressources s'accroilront dans déplus larges pro-
portions que nos besoins.
Ce que nous venons de dire est encore impar-
faitement compris de la masse des Artistes;
mais de jour en jour la lumière se fait, et si
quelques hommes, heureusement en bien petit
nombre, nous sont restés défavorables; si, gui-
dés par un intérêt mal entendu, quelques autres
se sont groupés avec hostilité autour des pre-
miers, il ne faut pas nous en émouvoir. Cela
peut-être excitera nos regrets, mais n'éveillera
jamais nos craintes D'ailleurs, tout ce que Paris,
tout ce que la France compte de véritables il-
lustrations artistiques, scientifiques ou littérai-
res; tout ce qui produit, tout ce qui crée, tout
ce qui féconde dans le vaste domaine de la
pensée, est entièrement dévoué à nos institu-
tions.
Avant-hier, 15 mai, a eu lieu le banquet an-
nuel des Comités réunis, banquet dont le but
est non seulement de fêter le fondateur, mais
encore de célébrer la fondation des Associations.
Cette fêle intime, présidée par la Société des
Artistes Peintres, dans la personne de M. Adrien
Dauzats, a présenté le spectacle touchant d'une
immense famille assise autour de la table pa-
ternelle.
M. Adrien Dauzats, au nom des Peintres, a
porté le premier toast au Président Taylor, au
savant, à l'archéologue, au voyageur, à l'artiste,
au fondateur des Associations. M. Tessier, au
nom des Inventeurs; M. Edouard Monnais, au
nom des Musiciens; M. Francis Wey, au nom
des Gens des Lettres; M. Anicet Bourgeois, au
nom des Auteurs et Compositeurs Dramatiques,
et enfin M. Samson, au nom des Artistes Dra-
matiques , ont successivement pris la parole;
tous, ils ont exprimé de nobles pensées, éveillé
de grandes espérances, rappelé d'illustres sou-
venirs. M. Taylor a répondu à ces divers toasts
avec celle éloquence du cœur qui entraîne et
qui séduit.
Nous voudrions que tous les Artistes pussent
assister à ces agapes fraternelles; comme nous,
ils en sortiraient plus forts, plus convaincus,
plus confiants, plus dévoués à l'œuvre de l'As-
sociation. Il est beau, il est consolant, en effet,
de voir l'Industrie, les Lettres et les Arts, dans
la personne de leurs plus illustres représentants,
se grouper dans un même élan de tendresse et
de reconnaissance autour de l'homme qui leur a
ouvert une nouvelle carrière, de l'homme qui
en est le cenlre, de l'homme qui en résume, qui
en personnifie la puissante unité.
Je vous ai dit, et vous vous le rappelez sans
doute, qu'un beau portrait du baron Taylor,
peint par M. Charles Lefebvre, du Comité des
Peintres, ornait, l'année dernière, la salle de
notre banquet; ce portrait, que vous avez pu
voir et apprécier au salon de cette année, a été
reproduit parla lithographie. Les Comités ont
confié cette reproduction à l'habile crayon de
M. Léon Noël ; c'est un service rendu aux Ar-
tistes. Aujourd'hui, il nous est possible à tous,
moyennant une modique somme, de posséder
chez nous, dans notre intérieur, à notre foyer,
les traits de l'homme bienfaisant qui nous a
consacré sa vie. Ce portrait sera le plus beau,
le plus utile ornement de nos demeures; il nous
dira dans la prospérité : souvenez-vous que
vous avez des frères malheureux; dans l'adver-
sité, il nous rappellera que nous ne sommes
point isolés ici-bas, qu'une providence terrestre
veille sur nous; en un mot, qu'il existe une
institution dont le devoir, dont le bonheur est
de nous consoler, de nous assister, de nous
secourir et de nous sauver.
Ce portrait, vous l'avez vu, il est exposé à
l'entrée de cette salle, et vous l'avez (rouvé
ressemblant, n'est-il pas vrai, mes chers Cama-
rades, il l'est, en effet, ttplus encore que vous
ne le supposez : il se livre, comme celui dont il
est la fidèle image, au bénéfice des Associa-
tions.
Nous voici arrivés, mes chers Camarades, au
terme de notre tache, il nous reste une crainte :
celle de n'avoir pas rendu justice à tous, celle
de ne vous avoir pas signalé tous ceux qui ont
acquis des droits à notre reconnaissance ; mais,
si notre mémoire a été infidèle, notre cœur n'a
rien oublié; nous les confondons tous dans un
même souvenir et dans une même pensée, pour
leur adresser nos félicitations sincères et nos
vifs remerciements-
Quant à vous, notre cher Président, qui ne
vivez plus pour vous-même, quant à vous,
pilote dévoué, qui ne quittez le gouvernail que
pour courir au compas ou à la voile, et qui ne
vous arrêterez dans votre rude labeur, que lors-
que votre cher équipage aura touché le port,
soyez béni pour le bien que vous faites. Les
Artistes, vos enfants, ne sont pas des ingrats; si
leur vœu le plus ardent est exaucé, et il le sera,
Dieu vous accordera des jours nombreux , il
vous permettra d'achever votre œuvre ; « car,
i. pour le bonheur des uns et pour l'exemple de
» tous, comme l'a noblement exprimé notre
n maître, Samson, une longue vie est due à
» ceux qui la remplissent de si bonnes œa-
» vres. »
DE PARIS.
173
REVUE CRITIQUE.
Eludent pour l<- itlmio par Hm1 In romlctmc Igruitr <l«-
Uasparlu.
Comme quelques célèbres chanteurs qui sont devenus riches, titrés,
favoris et presque minislrcs, tels que Rizzio, Farinelli, plusieurs actri-
ces, cantatrices , ont pris rang aussi parmi les favorites de l'amour,
de la fortune, des grands qui les ont épousées. De nos jours, ce sont
les dames titrées qui se font elles-mêmes artistes, virtuoses, auteurs,
compositeurs, etc. Dans celles qui tiennent la plume d'une manière re-
marquable, on peut citer Mme la princesse de Belgiojoso, qui, excellente
musicienne, sait unir la pensée ascétique, sur les pères de l'Église, au
style piquant et léger du moraliste-critique. Le talent de Mme la ba-
ronne Dudevant n'a pas besoin d'être élogié, comme dirait notre vieux
Montaigne : son appréciation est faite chaque jour par ses innombrables
lecteurs. Les comtesses d'Agoult et de Merlin se sont faites également
écrivains, artistes. Mlle de Nesselrode, comtesse deKalergi, dit sur le
piano la musique classique de nos grands maîtres, en musicienne de
profession. Mme la vicomtesse de Grandval, naguère Mlle de Reiset,
cantatrice en style de Mme Damoreau, compose sonates, duos, trios,
quatuors, quintettes pour instruments à cordes ou à vent et pour piano,
qu'elle exécute délicieusement elle-même sur ce dernier instrument.
Voici venir de plus, et pour compléter cette pléiade musicale, artistique et
nobiliaire tout à la fois, Mme la comtesse Agénor de Gasparin, quia
composé trois études pour le piano qu'elle a fait publier, ou du moins
publier avec restriction, puisqu'une note mise au bas du titre de cette
œuvre dit que ces études ne sont pas en vente. C'est le seul défaut que
nous connaissions à ce recueil et celui d'être trop court, et peut-être
aussi celui de renfermer trop de doubles octaves pour les deux mains.
Ce qui distingue surtout ce travail sérieux et utile, jeté avec une
sorte d'aristocratie dans l'enseignement du piano , c'est la mélodie
franche et bien rhythmée; c'est le contraste des dessins harmoniques,
des deux sujets bien accusés et bien perceptibles à l'oreille de l'audi-
teur intelligent; c'est la pureté, la sévérité du style ; c'est en même
temps la fantaisie, le brio, l'extension, les sauts capricieux et auda-
cieux des intervalles les plus disparates; c'est enfin la logique, l'unité
de la pensée unie à l'élégance, à l'éclat du trait de nos brillants pia-
nistes de ce temps-ci.
La première de ces études, en ut majeur, mesure à quatre temps,
débute par une introduction de huit mesures d'une allure franche et
vive. Sur le dessin de celte introduction, qui passe alors à la basse, la
main droite brode une arabesque en huit triolets par double croche,
en doubles octaves et tierces ou quartes, d'une rare élégance, et qui ne
cesse qu'à la fin de cette étude, qui n'a pas moins de huit pages. Les
modulations y sont traitées avec modération. Celle qui passe du ton
primitif d'uTmajeur en la bémol, c'est-à-dire à la tierce majeure infé-
rieure, est, quoique très-connue et fort usitée, d'un bon et piquant
effet.
A l'exemple de Beethoven, qui a traité avec génie et science le pre-
mier morceau de sa symphonie en ut mineur, en n'y employant qu'un
dessin de quatre notes seulement, Mme de Gasparin, plus sobre encore
dans ses dessins mélodiques, a composé sa deuxième étude, en ut mi-
neur aussi, au moyen presque exclusif d'une phrase de trois notes, en
mesure à trois-huit. Après une épisode d'un canlo appassionato en dou-
bles croches, l'auteur revient à ses trois notes et termine en ce rhythme
cette étude vive, alerte, animée, et tout empreinte d'une verve drama-
tique.
La troisième et dernière de ces études n'est pas moins passionnée et
dramatique que la seconde. En la mineur, elle entre en matière,
comme les deux premières, par une large introduction de quelques
mesures, et attaque, sur une mesure à deux-quatre, d'un mouvement
vif, un trait de huit doubles croches en double octaves à la main droite,
pendant que la gauche procède par un dessin syncopé du meilleur effet.
A ec double dessin en succède un en quadruples octaves pour les deux
mains, que les plus habiles pianistes trouveront d'une difficile exé-
cution.
Dans les six mesures de péroraison qui terminent cette dernière
étude, il faut supprimer, ce nous semble, les points qui suivent chaque
double croche comme allongeant la valeur des notes outre mesure, ou
surmonter du chiffre 3, et désigner ainsi comme triolets, les triples et
doubles croches qui sont précédées d'un demi-quart de soupir. Après
le conseil de cette légère correction à faire et qui est exclusivement
dans les attributions du graveur, ainsi qu'une croche à changer en
double à la quatorzième mesure de la page lit, nous n'avons plus qu'à
donner des éloges à ces trois belles et bonnes études, à reconnaître et à
dire que si ces trois études sont l'œuvre d'une femme de qualité, c'est
aussi de la musique de bonne qualité.
Henri BLANCHARD.
NOUVELLES.
V Demain lundi, à l'Opéra , la quatorzième représentation du Juif
errant.
V Les semaines se suivent et se ressemblent : pendant celle qui vient
de finir, le Juif errant a encore occupé constamment l'affiche, et les re-
cettes se sont maintenues au taux des plus grands succès d'hiver, c'est-à-
dire après de 10,000 fr. C'est doue une des fortunes les plus solidement
établies que celle du nouvel ouvrage de MM. Scribe et de Saint-Georges,
et de la nouvelle partition de M. Halévy. Par un bonheur providentiel,
aucune indisposition n'est venue entraver cette vogue merveilleuse. Il est
vrai que le tribut avait été payé d'avance, et puis, on l'a remarqué sou-
vent, c'est un effet des grands succès et des bons rôles que de conserver
la santé des artistes. Roger et Massol ne se sont jamais mieux portés :
jamais ils n'ont eu la voix plus fraîche , plus sonore. Aime Tedesco et
aille La Grua se naturalisent chaque soir de plus en plus dans l'afl'ection
et l'enthousiasme du public français, qui les a tout à fait adoptées. Les
autres chanteurs, Obin, Depassio, Merly, Chapuis,Canaple, méritent aussi
une mention d'honneur. Enfin, cet opéra, qu'on s'était plu à proclamer
trop long parce qu'il était, disait-on, trop magnifique, est toujours resté
magnifique, et finit précisément à la même heure que tous les autres
opéras.
V Galathée et Mme Ugaldeont reparu mardi dernier, et la pièce a été
donnée encore le jeudi, ainsi que le samedi suivant. La cantatrice n'a rien
perdu, ou plutôt elle a gagné à perdre quelque chose, et sa taille est dé-
sormais plus en harmonie avec le rôle d'une statue qui ne sort quelques
instants de son marbre que pour y rentrer bien vite. Elle chante toujours
les couplets de table : Verse encore, vidons l'amphore, de manière à se les
faire redemander.
%* Autant Mme Ugalde met de légèreté, de verve coquette et mutine
dans le rôle de -Galathée, autant Mlle Wertheimber met de passion sé-
rieuse et brûlante dans celui de Pygmalion. Sa belle voix en rend supé-
rieurement le caractère et les nuances.
%* Ce n'est plus Mocker, qui remplit le rôle de Ganymède, et, jusqu'à
présent, le nom de cet excellent et charmant artiste figure sur la liste des
pensionnaires dont le théâtre s'est séparé, avec Audran, Ilermann-Léon,
Mlle Révilly; mais nous ne pouvons croire que la séparation soit définitive
et sans retour. L'Opéra-Comique et Mocker sont faits l'un pour l'autre :
ils doivent s'entendre et se rapprocher. Déjà Battaille, Ricquier et Jour-
dan, dont on annonçait la retraite, ont signé de nouveaux traités : avant
peu nous apprendrons que Mocker a fait de même. .
** Par suite des changements survenus dans le personnel, c'est le
jeune Riquier-Delaunay qui remplace Mocker et joue le rôle de Gany-
mède. Nous devons dire qu'il s'en acquitte fort bien et chante parfaite-
ment ses couplets sur la paresse.
*,* Dans Madelon , que Mlle Lefebvre personnifie toujours avec beau-
coup de talent et de succès, Dufrêne a pris le rôle créé par Audran : il y
est fort agréable de voix et de physionomie.
%* Le Farfadet, d'Adolphe Adam, tient plus que jamais sa joyeuse
place au répertoire ; hier encore, on le donnait avec Galathée.
%* VIrato, de Méhul , sera bientôt repris pour les débuts de Meillet,
l'ancien élève du Conservatoire, qui s'est produit avec un grand succès
au Théâtre-Lyrique (Opéra-National).
*%* M. Jules Séveste, le nouveau directeur du Théâtre-Lyrique, s'occupe
d'organiser sa troupe et son répertoire pour la prochaine saison, qui sera
inaugurée le 1er septembre. La réouverture doit avoir lieu par un opéra-
comique en trois actes, dont la partition est de M. Boisselot, et on don-
nerait le lendemain un autre ouvrage en trois actes, mis en musique par
M. Ambroise Thomas.
%* La recette des divers spectacles, concerts et curiosités pendant le
mois d'avril, a produit, savoir : Théâtres subventionnés, 212,832 fr. 78 c.
théâtres secondaires, vaudevilles et drames, petits spectacles : Luxem-
bourg, Délassements, Funambules, 543,743 fr. 88 c. Concerts, spectacles-
concerts, cafés-concerts et bals, 111,320 fr. 67 c. Curiosités diverses,
174
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
67,366 fr. 55 c. Total 935,260 fr. 88 c. La recette d'avril présente donc
une différence en moins de 73,967 fr. 66 c. sur celle de mars. La décrois-
sance de mars sur février avait été encore plus forte, puisque la différence
était de 200,019 fr. 30 c.
V Le comité des études musicales du Conservatoire de musique et de
déclamation s'est réuni vendredi matin pour dresser une liste de candidats
à la classe de basson, vacante par le décès de M.Willent. Les trois candi-
dats présentés au choix du ministre sont : MM. Cokken, Jancourt et
Verroust jeune.
%* Aujourd'hui, dimanche, dans l'église de Saint- Vincent-de-Paul,trois
cents voix et la mus:que du 3e léger exécuterontla messe à l'unisson de
M. Laurent de P.illé, en faveur de l'école des jeunes apprentis.
V Concours de composition musicale pour 1S52. ( oncours d'essai. En-
trée en loges le samedi 5 juin, à dix heures du matin. Sortie de loges le
vendredi 11 juin, à dix heures du matin. Jugement le samedi 12 juin, à
dix heures du matin Concours définitif. Entrée en loges le samedi 26 juin,
à midi. Sortie de loges le mercredi 21 juillet, à midi. Jugement prépara-
toire le vendredi 13 aoùr, à midi. Jugement définitif le samedi 14 août, à
midi. En tout, 25 jours de travail.
%* Le théâtre de Covent-Garden a dû donner, jeudi dernier, une repré-
sentation de la Juive, pour le début de Gueymard, dans le rôle d'Eléazar.
Nous savons que l'ouvrage a été monté avec un grand luxe. Dimanche
prochain nous aurons reçu les détails que nous communiquerons à nos
lecteurs.
V Toutes les sociétés philharmoniques profitent du repos que Caro-
line Duprez a voulu se ménager, en se retirant à la campagne. Aujour-
d'hui même, la charmante cantatrice se rend au Havre pour y chanter
dans un concert organisé par la Société de cette ville ; et le congrès mu-
sical de l'Ouest compte aussi sur elle pour sa grande solennité.
%* L'auteur de la traduction musicale des Contes d'Hoffmann, Mlle Ju-
liette Dillon, a fait paraître dernièrement une marche militaire intitulée :
France. Ce morceau, que la musique de plusieurs régiments a déjà exé-
cuté, a été offert au prince Louis-Napoléon, qui en a agréé la dédicace.
*,* M. Giovanni Filippa, frère d'un chevalier Filippa qui se disait élève
et successeur de Paganini, s'est fait entendre ces jours-ci dans quelques
représentations extraordinaires données au théâtre des Variétés. Ce jeune
artiste, premier violon du grand théâtre de Turin, peut tenir la place en-
tre les violonistes Bazzini et Sivori, qui se sont déjà classés parmi les meil-
leurs violonistes de l'Italie par des procédés paganiniens. Comme pour
beaucoup de.gens et d'amateurs de musique, le dernier venu a toujours
raison, M. Filippa leur a paru résumer en lui seul Paganini, Sivori et
Bazzini. S'il est permis de ne pas partager entièrement cette manière de
voir, on peut dire cependant que le jeune virtuose a montré de la sensi-
bilité dans la mélodie, d'heureuses hardiesses dans le trait, de la justesse
dans la double corde; et qu'il a dit ses variations sur la tyrolienne
d'Appenzell d'un archet preste et brillant, et sa fantaisie sur il Pirata, de
Bellini, en violoniste devant qui s'ouvre un bel avenir d'artiste, car il est
jeune, et paraît doué d'un profond sentiment musical.
*,.* Dans une réunion artistique, nous avons entendu M. Ferdinand
Schlosser, dont la belle voix de basse nous a vivement impressionné. Une
mélodie de lui, intitulée : Elle n'est plus, a été- dite avec un sentiment
parfait et une voix agréable et sympathique.
V Léopold de Meyer est appelé à Lyon, Marseille et Bordeaux. Ce pia-
niste vraiment extraordinaire va faire entendre aux départements les
diverses compositions qui ont produit tant d'effet dans la capitale, notam-
ment son Souvenir d'Italie, dont la publication est toute récente, et sa
grande fantaisie sur le Prophète, qui va paraître incessamment.
*„* La Société Sainte-Cécile, en terminant la série de ses beaux concerts
de musique classique, sous l'habile direction de MM. Seghers et Wekerlin,
vient de recevoir du gouvernement un don de 1 ,000 fr. à titre d'encoura-
gement. Cette jeune Société, sans perdre de temps, prépare déjà les ma-
tériaux de son concert annuel, destiné à l'audition des œuvres inédites des
compositeurs contemporains. Four donner un nouvel attrait à ce concert,
le comité de la Société a décidé qu'on mettrait successivement au concours
cette année les paroles et la musique d'une cantate pour voix solo, chœur
et orchestre. Le sujet indiqué aux jeunes poètes est une Hymne ou Ode à
Samte-Cécile. Le jury pour le concours poétique sera composé des mem-
bres du comité de la Société des gens de lettres, auxquels s'adjoindront
les deux chefs de la Société Sainte-Cécile. Les poésies devront être adres-
sées (franco) avant le 15 juillet prochain, à M. Godefroy, agent central de
la Société des gens de lettres, cité Trévise, ïk, avec l'entête suivant :
Concours de la Société Samte-Cécile. Ces poésies ne doivent pas être si-
gnées, mais accompagnées du nom de l'auteur, renfermé sous enveloppe
cachetée, et portant un signe distinctif reproduit sur la poésie. On rendra
les manuscrits non couronnés ; celui qui aura été choisi par le jury de-
viendra la propriété de la Société Sainte-Cécile.
*.,* La Société des gens de lettres a tenu, le dimanche 16 mai, son as-
semblée générale annuelle dans la salle de la galerie Bonne-Nouvelle. Après
avoir entendu le rapport présenté par M. Léo Lespès au nom du comité
sortant, sur les travaux accomplis pendant l'année écoulée, l'assemblée a
procédé à la nomination du nouveau comité. Ont été élus : MM. Altaroche,
Marie Aycard, Alphonse de Calonne, Henri Celliez, Achille Comte, Félix De-
riége, Louis Desnoyers, Etienne Enault, Marc Fournier, Théophile Gau-
tier, Emmanuel Gonzalès, Arsène Houssaye, Achille Jubinal, Paul Lacroix
(bibliophile Jacob), Jean-Baptiste Laffitte, G. de LaLandelle, Julien Lemer,
Léo Lespès, Eugène de Mirecourt, Molé-Gentilhomme, comte de Salvandy,
baron Taylor, marquis de Varennes, Francis Wey. — Le lundi 17, lenouveau
comité a procédé à la constitution de son bureau. Ont été nommés : pré>-
sident, M. Francis Wey; vice-présidents, MM. Achille Comte et Emmanuel
Gonzalès; secrétaires, MM. Théophile Gautier, Alphonse de Calonne,
Etienne Enault; rapporteurs : MM. Léo Lespès, Eugène de Mirecourt ;
questeurs : MM. le marquis de Varennes, Julien, Lemer; archiviste : Molé-
Gentilhomme; présidents honoraires : MAL le baron Taylor, membre de
l'Institut ; Louis Desnoyers, ancien président fondateur ; comte de Sal-
vandy, Victor Hugo, membres de l'Académie française.
V L'assemblée générale de l'Association des inventeurs et artistes in-
dustriels, fondée et dirigée par M. le baron Taylor, a eu lieu dimanche,
9 mai, au bazar Bonne-Nouvelle, dans la salle des concerts de l'association
des artistes musiciens. La séance était présidée par M. Taylor. M. Jobard,
directeur du Musée belge; M. Galy-Cazalat, ancien membre de l'Assemblée
constituante, présidents de l'association, assistaient à la séance. M. Tresca,
ancien élève de l'Ecole polytechnique, a lu le rapport des travaux du co-
mité. Ce rapport a été écouté avec le plus vif intérêt. M. Tresca, après
avoir cité quelques passages du rapport de M. Samson, du Théâtre-Fran-
çais, à la dernière assemblée générale des artistes dramatiques, a fait
voir combien les hautes considérations de cet artiste s'appliquent aussi à
l'association des inventeurs, qui ont le même intérêt à se grouper, à s'en-
tendre, afin de pousser à l'amélioration de la loi qui régit les inventions.
M. le baron Taylor a prononcé ensuite quelques paroles sympathiques en
faveur de l'association. La séance a été terminée par le tirage au sort des
quatorze membres sortants du comité. Les membres sortants ont été
réélus.
V Une publication d'un haut intérêt va commencer en Espagne, celle
d'une Collection des œuvres de musique religieuse, composées par ie- maîtres
espagnols les plus renommés, tar.l anciens que modernes. Cette entreprise
honorable et curieuse, due au zèle de VUnion ar'hlico musica'e, est placée
sous l'auguste protection de la reine. La collection entière sera divisée
en quatre parties, comprenant : la première, les œuvres du xvie siècle;
la seconde, celles du xvnc ; la troisième, celles du xvm1'; la quatrième ,
celles du xixe. A partir du 1" juin, il paraîtra une livraison par mois. On
souscrit à Madrid, chez Salazar ; à Milan, chez nicordi ; et à Paris, chez
Brandus et C.
CRON'QUE DÉP&ïtTEMENTALE.
*s* Marseille , 11 mai. — Le Prophète, avec Mlle Heinefetter et Octave,
poursuit sa marche triomphale. Mme Charton-Demeur, qui peu de jours
auparavant, s'était fait si vivement applaudir dans Marguerite, des Hugue-
nots, etNérilha, de la Fée aux roses, n'a pas obtenu moins de succès dans le
rôle de Bertha. Non-seulement elle y a prodigué le charme et les finesses
de style, mais elle a donné à la dernière partie un-accent chaleureux ,
une expression entraînante.
*„* Strasbourg. — Le concert donné par Mme Cabel avait attiré la foule,
La charmante cantatrice a ravi tous ses auditeurs par la pureté de son
chant et la hardiesse de ses vocalises. Les bravos, les bouquets et les
rappels n'ont pas manqué dans cette soirée, et M. Cabel, qui faisait ses
adieux au public, a partagé l'ovation décernée à sa femme.
%* Nancy, 20 mai. — Une expérience musicale du plus haut intérêt ré-
unissait dernièrement dans les salons de M. Mangeot l'élite des artistes et
des amateurs de cette ville. Un ancien chef de musique de l'armée, nourri à
l'école de Reicha, M. Bousquier, soumettait à l'audition trois magnifiques
œuvres de chambre de Beethoven et d'Haydn pour instruments à cordes
et qu'il avait eu l'idée d'arranger en quintette pour flûte, hautbois, clari-
nette, coret basson. Ses interprètes étaient MM. Gérolt, Kuschnick aîné, Ni-
colaï, Begher, l'excellent chef de musique du 73° de ligne, et M. Bousquier
lui-même. C'est assez dire que l'exécution a été parfaite et digne en tout
point de l'intelligence de l'auditoire et de la hauteur de l'entreprise. Le
beau quatuor en ut mineur de Beethoven a ouvert la séance, puis est
venu le trio en si bémol du même auteur, et ces deux œuvres si larges, si
majestueuses, si pleines de charme et d'élégance ont subi à la satisfaction
unanime la métamorphose qui leur avait été imposée. Le trio surtout,
élargi aux proportions du quintette, et dans lequel se trouve un motif va-
rié, a fourni à chacun des exécutants l'occasion de faire briller les qualités
qui le distinguent et de mettre en relief les ressources de son instrument.
Ces suaves mélodies, qu'on n'entendra et qu'on ne jouera jamais assez,
empruntaient un intérêt nouveau à la différence des timbres qui les ex-
primaient, et se reproduisaient avec une originalité ingénieuse et pleine
de charme aux oreilles habituées à les entendre exécutés par des instru-
ments à cordes. Entraînés par le plaisir qu'ils répandaient autour d'eux et
qu'ils partageaient eux-mêmes, les habiles instrumentistes ont bien voulu
aborder à première vue une œuvre qu'ils ne connaissaient pas encore, le
quatuor dit le Qua:uor des quintes, cette spirituelle et savante plaisanterie
musicale du bon Haydn, et ils l'ont rendue avec une énergie et une supé-
riorité dignes d'eux-mêmes. Constatons donc un bel et bon succès, un tra-
vail consciencieux et intelligent qui, s'il est répandu, comme nous l'espé-
rons, vaudra à M. Bousquier la reconnaissance des instrumentistes à vent.
Le répertoire de cette famille d'instruments était bien restreint, et voilà
qu'une idée, bien simple assurément, mais qui enfin n'était venue encore
à personne, ouvre une voie magnifique à la propagation des chefs-d'œu-
vre de la musique intime, et appelle à leur exécution un si graud nom-
bre d'instrumentistes qui en étaient exclus. Nous savons qu'un certain
DE PARIS.
175
nombre clo quatuors de Beethoven, de Mozart et d'Haydn ont enrichi la
collection de M. Bousquier ; nous espérons qu'il ne s'en tiendra pas là, et
nous ne craignons pas de prédire un succès complet à la publication qu'il
se propose d'eu faire.
CHROI1IOUE ÉTRANGÈRE.
*„* Londres, 15 mal — Les deux théâtres italiens font ce qu'ils peuvent,
en attendant que la question Wagner soit tout-à-fait résolue. Ce qui parait
plus que probable, c'est que la cantatrice no chantera nulle part. Elle est,
dit-on, malade, et s'en retournera comme elle est. venue, pour cette année
du moins. — L'arène est ouverte aux pianistes; Emile Prudent culasse
les -succès sur les succès. La musique composée par lui jouit d'une vogue
immense. 11 y a déjà eu six ou sept éditions de sa uc.c, de ses Bois, de ses
Champs: Tout le monde les joue. Mme l'icyel, qui est allée donner des-
concerts à Dublin, a joué les fantaisies de Prudent sur les Huguenots et
les Puritain'-, Mme Belleville-Oury joue les Bois et la Somnambule. Epfin
Prudent est partout, sinon de sa personne, au moins par ses (ouvres. — La
charmante Mlle Clauss n'est pas tccueillie avec moins de faveur et d'éclat
qu'à Paris. Le talent prodigieux, le Istyle, la vigueur et la grâce qu'elle
déploie dans l'exécution des chefs-d'œuvre de Beethoven, de Mozart, de
Mendelssohn, dans les fugues de Bach, excitent l'enthousiasme, et l'en-
ceinte de la Soété philharmonique vient d'en être l'écho. Dans le même
concert, Staudigl a chanté admirablement une polonaise de Spolie —
.Mme Pleyel, revenue de ses triomphes à Dublin, prépare son second con-
cert à Londres.
*!t* La Haye. — Le Vieux château, . opéra comique en un acte, paroles
de M. Scribe, musique de M. Van der Doës, pianiste du roi, ouvrage cou-
ronné par le jury au dernier concours, vient d'être représenté avec un
succès complet. Anthiome a chanté avec goût le rôle de Max, et Comte ,
dans celui de Jean I.enoir, a obtenu de nombreux bravos. M. Eugène Pré-
vost, l'excellent chef d'orchestre, a dirigé les masses chorales, avec son
habileté ordinaire.
Le gérant : Ernest mI'.sciiaaips.
— La place de premier cor solo et une place de basson sont vacantes
dans l'orchestre du Grand Opéra. Un concours aura lieu sur le théâtre le
lundi 2/i de ce mois à 11 heures 1/2. MM. les artistes qui désirent y pren-
dre part sont priés de se faire inscrire au secrétariat de l'administration
de l'Opéra, rue Drouot, 5.
— La paitition pour chant et piano du Qarillonneur de Bruges, d'Albert
Grisar, vient de paraître chez l'éditeur Colombier. Cet ouvrage remar-
quable aura la vogue dans les salons connue à l'Opéi a-Comique. On chan-
tera partout les vives mélodies du charmant compositeur.
r p i Qrr Schottisch nouvelle de Paul Barbot, se trouvera sur tous les
LUAntt, pianos, en compagnie de la Perle du Nord, polka-mazurka
du môme compositeur.
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Op. 1. — Prix : 3 fr. 75.
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Euvres de
Solfège avec accompagnement de basse chiffrée 12
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llcssii' «le Hctgiiiem à l\ parties en chœur avec accompagne-
ment d'orchestre, en partition 60
Messe «le llequâem pour voix d'hommes avec accompagne-
ment d'orchestre, en partition 62
Messe solennelle à lx parties avec accompagnement d'orches-
tre, en partition 90
Mesise «aan «acre à 3 parties avec accompagnement d'orches-
tre, en partition 75
SSes>*»«- solennelle à à et 5 parties avec accompagnement d'or-
chestre, en partition 75
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partition 250
Chez COLOMBIER, éditeur, rue Vivieiine, G,
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ïemetits sur le
CARILLOiWEUR DE BRUGES
3¥. Louis. Fantaisie, piano et violon 9»
Biirgmiiilcr. Op. 102. Fantaisie, pour le piano .... 6 «
•Ï.-B. Duvcrnoy. Op. 205. — — .... 6 »
P. Ueiiriuii . Op. 16. — — .... 6 »
il.IiCCiirpcntii-r 13/ic et 125° Bagatelles — . . Ch. 5 »
il. Etesellen. Op. 13à. Fantaisie, — .... 9 h
Musard. Deux quadrilles brillants à 50
E. Etiling. valse brillante 5 »
P. Ueitrion. Polka élégante 6 »
J. Pasdeloup. Polka-mazurka Zi 50
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flûte seule et cornet seul.
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Oh Alwejis;. Op. 5. Styriennes à Z|0
— Op 7. Polka-Mazurka de salon à 50
Cil. AiittlauJK. Mazurka élégante k 50
!•". KrïfcRoin. Op. /là. Jadis et Aujourd'hui, fantaisie . . 7 50
— Op. à5. Caprice-Nocturne 6 »
— Op. à6. Cabaletta 7 50
— Op. à7. Hommage à Chopin, impromptu. . 6 »
«-.l'omettant. Op. 59. La Bianchina, fantaisie 6 »
.J.-Ï6. Uuvernu). Op. 199. Tarentelle 6 »
P. Ilenrion. Op. 13. La Féria Sévilla, fantaisie . . . . .6 »
— Op. lu. Caprice Mazurka 5 »
— Op. 15. Marche hongroise S »
3. ILaroiMlic. Etude delà main gauche 6 »
Etude en si bémol mineur 7 50
A. B.e ('(irpeiilïer. Op. 162. Fantaisie sur Joseph 5 »
■LcréntirclVély. Op. 67. La Séga, danse créole 5 »
— Op. 68. La Bellerine, air de danse. . . . 5 »
— Op. 69. Les Eclairs, étude de concert. . . 6 »
— Op. 70. Nocturne 6 »
Op. 71. L'a Garde montante, cap. de genre. 7 50
— Op. 72. L'enlèvement, scherzo 7 50
fil. 9Iulc!er. Op. 16. Le Menuet, variations études. . . 6 »
— Op. 17. La Styrienne, valse-caprice ... 7 20
A. «Hiûla m. Op. 32. Les Etoiles brillantes, caprice. . . 7 50
— Op. 33. Le Roulis, étude maritime. ... 6 »
— Op. 3/|. Marche de l'Univers 5 »
176
REVUE ET GAZETTE MUSICALE DE PARIS.
POUR PARAITRE LE 4" JUIN
1 ïioz. BRANDUS et O, éditeurs, 103, rue Richelieu,
A VIENNE, CHEZ GLOEGGL.
LE
Opéra en cinq actes,
Paroles de
MM. E. SCRIBE et DE SAINT -GEORGES
Musique de
W
HALEVY
ile l'JTttstitut.
MORCEAUX DÉTACHÉS POUR CHANT AVEC ACCOMPAGNEMENT DE PIANO
PAR
HENRI Ï&OTIEÏL
Ouverture pour le piano à % et a 4 mains.
l»r ACTE.
N° 1. LÉGENDE chantée par Mme Tedesco : « Pour expier envers lui ses
outrages. »
1 bis. La même transposée pour soprano.
2. LE COUVRE-FEU chanté par M. Merly et chœur : « De par le
bourgmestre, de par nos échevins. »
2 bis. Le même pour voix de basse seule.
3. CHOEUR DE MALANDRINS : « Au loin tremblez tous. »
4. ROMANCE AVEC RÉCITATIF chantée par M. Massol : « Ils partent
frappés de terreur. »
U bis. La Romance seule transposée pour ténor.
5. DUO chanté par Mme Tedesco et M. Massol : « Théodora, qu'ici
le ciel m'envoie. »
«" ACTE.
6. SCÈNE ET TRIO chantés par Mmes Tedesco et LaGrua, et M. Ro-
ger : « Douze ans sont écoulés. »
7. QUATUOR pour 4 basses, chanté par MM. Depassio, Guignot, Ca-
naple et Noir : <c On m'a dit vrai, jamais plus charmante beauté. »
8. ROMANCE chantée par Mme Tedesco : « A moi, ta sœur et ton
amie. »
8 bis. La même transposée pour soprano.
9. DUO AVEC RÉCITATIF chanté par Mme Tedesco et M. Roger:
« Sa voix, sa vue enchanteresse. »
10. CHOEUR de la Saint-Jean : « Saint-Jean ! Saint-Jean 1 »
3e ACTE.
11
AIR AVEC RECITATIF chanté par Mlle La Grua : « O merveille!
ô prodige ! auquel je crois à peine. »
11 bis. Le même transposé pour contralto.
SEPT AIRS DE BALLET ET
N" 1. Pas des Esclaves,
2. Pas des voiles,
3. Le Bourdonnement,
4. Le berger Aristée,
12. ROMANCE chantée par M. Roger : « Une sœur, une amie, ange de
la maison. »
12 bis. La même transposée pour baryton.
13. STROPHES chantées par Mme Tedesco : « Que nos voix vers le ciel
montent. »
13 bis. Les mêmes transposées pour soprano.
4e ACTE.
14. AIR AVEC RÉCITATIF chanté par M. Roger : « A ce palais dont
la magnificence... »
14 bis. Le même transposé plus bas.
15. ROMANCE extraite de l'air chantée par M. Roger : « Vous n'êtes
plus, jours d'innocence. »
15 bis. La même transposée pour baryton-
16. DUO ch;nté par Mlle La Grua et M. Roger : « Le ciel nous a réunis.»
16 bis. ROMANCE extraite du duo : « O ciel! est-ce un rêve? »
17. AIR chanté par M. Massol : « De Dieu l'éternelle clémence. »
1 7 bis. Le même transposé pour ténor.
17 ter Le même transposé pour basse.
18. QUINTETTE pour 5 voix de basse , chanté par MM. Depassio,
Guignot. Canaple, Goyon et Noir : « La nuit est sombre. »
18 bis. Le même réduit à 1 voix de basse.
5<= ACTE.
19. QUATUOR chanté par Mlle La Grua, Mme Tedesco ; MM. Roger et
Massol : « Tu m'as sauvé, mon père ! »
19 bis. ROMANCE extraite du quatuor, chantée par M. Roger : « Quand
chacun te fuit ici bas. »
20. EVOCATION chantée par M. Chapuis : « La voix du Seigneur vous
appelle. »
UNE MARCHE TRIOMPHALE :
N° 5. La Ronde,
6. La Reine des Abeilles,
7. La Ruche.
Marche triomphale.
Suite de Valses et deux Quadrilles par JBBSAKBf.
drantlc valse pour piano, par Fr. BURGMULLER.
Polka de» Abeilles, par E. ETTLING.
Scuottiscli «lu Berger par J. PASDELOUP.
Folka-Hazurkn, par G. DAN1ELE.
Redowa, par A. de LENONCOURT.
Ucuv Bagatelles pour piano, par A. LECARPENTIER.
Des Morceaux de piano par H. ROSELLEN , A. TALEXY, Cil. VOSS,
O COMETTANT, R. MULDER, J.-B. DUVERNOY, DECOURCELLE, etc.
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Amsterclam> Bureau dos Postes.
Uerlln. Schlesineer.34, u d Mnden
— Bote et Bock, -12. Jaegcrstr.
l.lsbonuc. Sassetti.
REVUE
30 Mai 1852.
Pris '!<• l alKiniiciiicnt 1
Paris, un on . • . M fr.
Départements, Belgique et Suisse 30
Étnmger 3i
to Journul paraît le Dimanclie
GAZETTE MUSICALE
BI PâEIS
-^AAfj\r@©®©iAAAAA^-
SOMMAIRE. —Le Droit des pauvres, par Edouard FétlS;— Théâtre de l'Opéra-
Comique, reprise de l'Jrato, par Henri Blanchard.— Nouveau Journal d'or-
gue, de M. Lemmens, par Maurice Sources. — Nouvelles et annonces.
LE DROIT DES PAUVRES.
Je dirai sans préambule que ces mots : le droit des pauvres, me
choquent énormément ; j'ajouterai qu'ils me semblent présenter une
véritable énormité philosophique et morale. Qu'est-ce que ce droit qui
s'exerce sur une portion de la société au bénéfice de l'autre? Si la révo-
lution a détruit les privilèges sous une certaine forme, ce n'est pas
pour les rétablir sous une autre ; si elle a mis au néanL les droits des
nobles, ce n'est pas pour établir le droit des pauvres ou pour le main-
tenir si l'on veut, car son origine remonte fort au-delà de la déclaration
du principe d'égalité en France.
' Le droiL des pauvres, puisque droit il y a, devrait être odieux aux
hommes de tous les partis politiques. Ceux dits du mouvement peuvent
le considérer comme un reste de l'absolutisme qui créait des bénéfices,
qui chargeaient un établissement, une commune, une propriété parti-
culière, au profit de tel favori, de telle corporation. Les conservateurs,
s'ils étaient conséquents avec leurs principes, y verraient la mise en
pratique de l'un des principes du socialisme. Le droit des pauvres, c'est
une dime prélevée sur le produit du travail et de l'intelligence en fa-
veur de l'incapacité et souvent de la paresse.
Du moins le socialisme, en proclamant le droit au travail, le droit à
l'assistance, tous ces droits qu'on repousse comme incompatibles avec
une organisation régulière de la société, le socialisme, dis-je, n'a pas
dessein d'en imposer la charge à une seule catégorie de citoyens; en-
core moins fait-il choix, pour cela, de l'une des classes actives. Il s'a-
dresse à tous ceux qui possèdent, à quelque titre que ce soit. C'est
moins contraire à la logique et à l'équité.
Je ne ferai pas l'histoire de l'institution du droit des pauvres, des
phases qu'il a parcourues, des modifications qu'il a subies. Cela me con-
duirait trop loin, et, dans tous les cas, hors du terrain où j'ai voulu me
placer, puisque je n'ai dessein que d'examiner, comme je l'ai dit en
commençant, le côté philosophique et moral de la question. Je rap-
pelerai seulement que le droit des pauvres fut, dans l'origine, établi à
titre provisoire, pour suppléer momentanément à l'insuffisance du re-
venu des hospices, ce qui prouve qu'on reconnaissait l'injustice de cet
impôt tout en le décrétant.
Je ne m'étonne pas qu'on ait créé le droit des pauvres à une époque
où tout se faisait par privilège, par exception, en vertu de la toute-
puissance du bon plaisir royal. Il y avait sous l'ancien régime bon
nombre de monstruosités du même genre. Ce qui me surprend, c'est
qu'il soit demeuré debout, tandis que les autres iniquités du pouvoir
absolu tombaient sous les rudes atteintes des réformateurs politiques.
Dieu sait quels cris on a poussés quand les ministres de Charles X ont
présenté un projet de loi pour le rétablissement du droit d'aînesse.
Pourtant, en fait de choses rétrogrades, le droit d'aînesse se peut dé-
fendre par de beaucoup meilleures raisons que le droit des pauvres.
J'admets, si l'on veut, qu'il faille aux hospices des ressources spé-
ciales , bien qu'il soit plus naturel de faire figurer leur dotation au
budget de l'Etat. L'État, c'est tout le monde; or, si les pauvres ont le
droit d'être secourus, il faut que tout le monde contribue à soulager
leur misère. Il est injuste, il est absurde que ce soin onéreux soit laissé
à quelques membres du corps social. Et comment justifier la préférence
accordée aux artistes ?
Si l'on disait qu'en un pays lointain et peu connu , les charges qui
doivent peser sur la généralité des .citoyens sont imposées à diverses
classes d'entre eux ; que les avocats, par exemple, sont chargés de
l'entretien des routes; les banquiers, de la solde des troupes; les no-
taires, du traitement des fonctionnaires de l'ordre judiciaire ; les méde-
cins, des frais du culte , etc. , on trouverait ce système d'organisation
sociale souverainement ridicule, et ce serait un système cependant ,
tandis qu'il est bien autrement irrationnel de placer exceptionnelle-
ment les artistes hors de la loi commune, en exigeant qu'ils fournissent
aux dépenses d'un service public.
Puisqu'on prélève le droit des pauvres sur les recettes des spectacles
et des concerts, pourquoi ne soumet-on pas au même impôt les indus-
triels, les négociants, tous ceux qui tirent un profit quelconque de
l'exercice de leur intelligence? Pour quel motif en exempte-t-on les
propriétaires et les fonctionnaires rétribués par l'État? Tous devraient,
me semble-t-il, contribuer pour une part égale au ^soulagement des
pauvres.
On assure que ce ne sont pas les directeurs de théâtres qui paient
le droit des pauvres ; on dit que c'est le public, attendu qu'originaire-
ment le prix des places a été_ augmenté d'un dixième pour faire face à
l'impôt. Pour soutenir une pareille thèse, il ne faut pas avoir la moindre
notion d'économie politique. On sait que plus un objet de consomma-
tion est à bas prix, plus il trouve de débit, et plus il offre, par consé-
quent, de chances de bénéfices au débitant. Or, les spectacles peuvent
être mis au rang des autres objets de consommation. Si les directeurs
étaient soulagés de la taxe des pauvres, il ne tiendrait qu'à eux de di-
minuer le prix des billets, et il n'y a nul doute que, dans ce cas, leur
clientèle ne s'accrût considérablement. Je demanderai encore pourquoi
on les place dans une situation différente de celle des autres industriels;
pourquoi l'on ne dit pas au cordonnier, au chapelier, au tailleur : vous
178
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
porterez un dixième en sus des prix auxquels vos calculs vous ont.
permis d'établir votre marchandise, et ce dixième appartiendra aux
pauvres?
Combien n'a-t-on pas eu à enregistrer de sinistres dramatiques, tant
à Paris qu'en province, depuis cinquante ans? Comparez leur déficit
avec le montant des sommes payées par eux pour le droit des pauvres,
et vous arriverez, si je ne me trompe, à constater que ce déficit est
plus que représenté par la somme en question. La conséquence immé-
diate de la faillite des entrepreneurs de spectacles est la clôture du
théâtre qu'ils administrent. Cette clôture prive, momentanément, de
moyens d'existence un personnel considérable. Il est possible que les
artistes dramatiques ou lyriques inspirent peu d'intérêt à beaucoup de
gens, par la raison qu'en général on les suppose enrichis par de gros
traitements, à moins que leur imprévoyance, [d'autres disent leur in-
conduite, n'ait absorbé les économies qu'ils auraient dû faire. Mais que
dira-t-on des musiciens de l'orchestre, des choristes, des comparses,
des employés subalternes du théâtre et de la salle, qui vivent au jour
le jour, et très-maigrement, de leurs maigres appointements ? Que
dira-t-on des costumiers, des peintres décorateurs, des fournisseurs de
tout genre que la clôture du théâtre prive tout à coup du plus clair de
leurs revenus, sans compter les marchands de journaux et les bouque-
tières, les cafés où vont se rafraîchir les spectateurs, les cochers de
fiacre, les marchandes d'oranges et tout ce menu peuple d'industriels qui
exercent chaque soir, leur petit commerce à la porte des spectacles?
Voilà une foule de braves gens qui ne demandent [qu'à travailler, et
qui, plus misérables maintenant que ceux qu'on prétend secourir à leur
détriment, sont ruinés par le fait du droit des pauvres. Y a-t-il, je le
demande, apparence d'équité dans de pareils actes?
Voici pour ce qui concerne les théâtres. Voyons maintenant ce qui
se passe pour les concerts. La loi établit au profit des pauvres le pré-
lèvement , non plus d'un dixième, mais d'un quart. Notez que ce quart
est pris, non sur les bénéfices présumés, ce qui serait déjà une assez
grosse injustice, mais sur la recette brute , ce qui devient en même
temps le comble de l'absurde. Suivez ce calcul bien simple : un artiste
donne un concert pour lequel il a 1,000 fr. de frais, représentés par
le loyer de la salle, l'éclairage, les impressions, le paiement de l'or-
chestre, etc. Il fait tout juste 1,000 fr. de recette. C'est pour lui une
circonstance déjà très-fâcheuse que de ne pas réaliser le bénéfice sur
lequel il a dû compter en se donnant les soucis inséparables de l'organi-
sation d'un concert. Pourtant, le droit des pauvres lui enlève 250 fr.,
en sorte qu'il faut qu'il tire une somme égale de sa poche, souvent,
hélas! mal garnie, pour compléter le chiffre rond de ses frais. Je sup-
pose l'artiste besogneux, cela se voit parfois ; les 250 fr. qu'on lui
prend au nom des pauvres, il les devait à des fournisseurs ; ceux-ci
n'étant point payés, le poursuivent, et il passe presque pour un mal-
honnête homme à cause du droit des pauvres. La loi qui crée un pa-
reil état de choses est-elle morale?
Mais, dit-on, la loi ne s'exécute pas dans toute sa rigueur à l'égard
das artistes donnant concert. On ne leur prend pas un quart de la re-
cette qu'ils font ou sont censés faire. Les représentants des pauvres
entrent en arrangement et se contentent d'un droit moindre. Je ré-
pondrai à cela que toute loi qui ne s'exécute pas est une loi mauvaise,
et qu'on doit s'empresser de l'abroger. En principe, il importe peu de
sa voir quel est le chiffre de la somme dont on dépouille les ar-
tistes sous prétexte de philanthropie; il s'agit de savoir si l'on a le
droit de leur prendre une somme quelconque. Or, c'est ce que je nie
et ce que tous les gens de bon sens nieront, je pense, avec moi.
Après avoir envisagé la question au point de vue matériel, il me
reste à l'examiner sous le rapport moral. Il y a aussi beaucoup à dire
de ce côté.
Je posç encore une hypothèse. Vous lisez dans la relation d'un voya-
geur véridique (on assure qu'il s'en trouve), vous lisez qu'en Chine,
le gouvernement, au lieu d'accorder aux artistes une protection libé-
rale, leur oppose des obstacles, les soumet à d'injustes mesures fis-
cales. Les impôts sont assez équitablement répartis dans .le céleste
empire ; ils ne pèsent pas sur telle classe plus lourdement que sûr
telle autre. Il n'est dérogé à ce principe qu'à l'égard des artistes, qu'on
assujettit à des taxes spéciales du fait même de l'exercice de leur pro-
fession. Les acteurs, les chanteurs, les musiciens paient une patente
beaucoup plus élevée que les plus riches banquiers et les plus gros
marchands. Vous vous écriez qu'on vante bien à tort la civilisation chi-
noise. Le devoir de tout gouvernement éclairé n'est-il pas d'exciter
ses sujets à rechercher les jouissances intellectuelles? Le théâtre passe
pour une école de mœurs, pour un moyen d'instruction à l'usage des
masses. De toute antiquité, la, musique a été considérée comme pou-
vant exercer sur le développement des bons instincts des masses l'in-
fluence la plus salutaire. L'empereur de la Chine a donc tort d'opposer
des entraves au penchant naturel de son peuple pour les spectacles et
pour les concerts. Au lieu d'écraser d'impôts les établissements qui
ont pour but de lui procurer des récréations intellectuelles, pourquoi
ne frappe-t-il pas d'une taxe les cafés où il va fumer ce terrible opium
qui détruit à1a fois sa raison et sa santé?
Voilà ce que vous diriez de la Chine et de son gouvernement. Or,
ce que je viens de supposer n'est-il pas précisément ce qui se passe
en France? La France a la juste prétention de marcher à la tête des
nations civilisées. Faudrait-il cependant beaucoup de lois semblables à
celle qui a institué et qui maintient le droit des pauvres, pour! que
cette prétention cessât d'être légitime? Les cabarets où le peuple va
s'enivrer n'ont à payer à l'État qu'une patente insignifiante, tandis que
les théâtres où il pourrait se moraliser et s'instruire, succombent sous-
la taxe arbitraire du droit des pauvres.
Tout en avouant que le droit des, pauvres est une iniquité légale ,
beaucoup de gens admettent qu'il soit conservé, parce que, disent-ils,
les ressources actuelles des hospices ne sont pas suffisantes pour qu'ils
puissent s'en passer. Détestable raison ! Qu'on prenne telle autre me-
sure qu'on voudra ; mais que l'art et les artistes rentrent enfin sous
l'empire du droit commun, et que la taxe des pauvres ne continue pas
à faire un mensonge de cet article du Code constitutionnel qui dit que
tous les Français sont égaux devant la loi. Il y a lieu d'espérer que la
question, mise encore une fois sur le tapis, sera résolue dans ce sens.
Edouard FÉTIS.
THEATRE DE L'OPERA-COMIQUE.
Reprise de l'IRATO.
Il n'y a guère que les auteurs et les compositeurs qui tiennent le
théâtre, comme on dit en termes de métier, qui soient peu partisans
des reprises de nos anciens ouvrages ; ils vont disant, sur un ton qu'ils
croient spirituellement épigrammatique, que la scène sur laquelle on
exhume ainsi de vieux ouvrages est le théâtre des morts. Ces morts,
qu'ils se nomment Sedaine, Marsolier, Etienne, Duval, Dupaty, Bouilly,
unis, parla collaboration, à Grétry, d'Aleyrac, Méhul, Boïeldieu, Hé-
rold, Berton, n'en sont pas moins toujours de bons vivants. Les ou-
vrages que ces gens-là ont laissés plaisent aux vieux auditeurs, et ne
font pas moins de plaisir aux jeunes; et puis, ils ont encore cela de
bon qu'ils sont propres à former des comédiens, sous le double rap-
port lyrique et dramatique. On ne nous contestera point la justesse de
ces réflexions en présence du brillant succès des reprises de Richard-
Cœur^de-Lion, du Déserteur, de l' Amant jaloux, du Tableau parlant,
du Calife, des Voitures versées, de Joseph, et, enfin, de Ylrato, cette
débauche d'esprit musical de notre grave et sévère Méhul. Ce petit acte
bouffon, ce libretto à la manière des anciennes farces de la Comédie-
Italienne, a été repris vendredi dernier au théâtre de la rue Favart,
et le succès n'en a pas été douteux un seul instant. On y a trouvé les
premiers éléments du genre de l'opéra-comique : des mélodies carrées,
vraies, bien déclamées, fraîches et distinguées, après un demi-siècle
d'existence ; enfin, une orchestration, puisqu'il faut nous servir de ce
néologisme à la mode, suffisamment nourrie par le temps d'instrumen-
DE PARIS.
179
•tation qui court et nous étourdit un peu trop de sa science monotone.
Les couplets : Si je perdais mon Isabelle, etc., sont charmants d'iro-
nie par la tournure de la mélodie et leurs petits effets d'instrumentation.
L'air : J'aide la raison, j'ai de la sagesse, est également d'un rliythme
mélodique, franc et joyeux, et facile à retenir.
Le fameux quatuor de V Irato est trop connu, trop usé, par l'admira-
tion et la popularité sur la scène et dans les concerts, pour que nous
essayons d'en faire sentir les beautés à nos lecteurs. Nous dirons seule-
ment qu'il a été chanté gentiment, trop joliment peut-être. On y vou-
drait plus d'entrain, plus de verve musicale, scénique, vocale. C'est pro-
pre, c'est net, c'est juste, mais cela ne sonne pas suffisamment : on se
souvient, malgré qu'un en ait, de la voix grave, mordante et verveuse de
Martin. Allons, Messieurs et Mesdames ! ne vous croyez pas dans un petit
salon de société, autour d'un piano, et chantant une romance ou quel-
que doucereux nocturne à deux voix de feu Blangini. Faites un appel à
la sonorité de votre organe vocal ; que chacun apporte sa mise de fonds
dans cette association double, triple et quadruple; faites enfin du bruit
comme quatre, mais de ce bruit intelligent, harmonieux qui vient de
l'inspiration ; car si c'est un enthousiasme de fantaisie et de convention
qui anime les personnages que vous nous représentez-, ce n'en est pas
■moins de l'enthousiasme, et la manière dans la diction ne doit pas ex-
clure ici l'effet artistique et musical. Le trio :
Femme jolie et du bon vin,
Voilà les vrais biens de la vie!
a été dit avec plus de chaleur par M VI. Ponchard, Meillet et Sainte-Foy,
grâce peut-être à l'excellent comique que le dernier déploie dans le
rôle du docteur Balouard. 11 est impossible de s'y montrer plus stupi-
dement pion et balourd, et en même temps plus amusant.
M. Meillet débutait par le rôle de Scapin; il s'y est montré tout
d'abord bon comédien et chanteur suffisant, surtout dans son premier
air de scène : Promènerons-nous bien longtemps"! M. Lemaire, dans
le personnage principal, qui n'est pas plus essentiel que les autres , a
été convenablement irascible, ce qui vient d'ire, dont on a fait Y irato.
Mlle Lemercier a joué la belle Isabelle en actrice intelligente comme
elle est toujours, et Mlle Decroix, celui de la soubrette, avec la gentil-
lesse qui lui est habituelle. La remise à la scène de l'ouvrage de Mar-
sollier et de Méhul, loin d'être une reprise perdue, est, au contraire ,
un succès de retrouvé pour le théâtre de l'Opéra-Comique.
Henri BLANCHARD.
REVUE CRITIQUE.
SOUÏE1U J«91j*K^TAKi ffi'OItfiUE.
A L'USAGE DES ORGANISTES DU CULTE CATHOLIQUE,
Publié par M. Lemmens, professeur d'orgue au Conservatoire de
Bruxelles.
Il y a déjà un an qu'une plume savante, certainement la plus com-
pétente en matière de haute critique musicale, mentionnait, dans ces
colonnes, avec de grands éloges, la publication d'un Nouveau journal
d'orgue, commencé en 1850 par M. Lemmens. M. Fétis signalait à
l'attention publique les neuf premières livraisons de ce remarquable
recueil, et en faisait ressortir la valeur et l'utilité avec ce tact judicieux
et cette netteté de déduction logique qui distinguent toujours ses lumi-
neuses appréciations. •
Depuis, M. Lemmens a persévéré dans son œuvre. Neuf autres livrai-
sons se sont suivies périodiquement pendant le cours de 1851. Elles
forment aujourd'hui, jointes à leurs sœurs aînées, un volume in-folio
de plus de 200 pages, dont tout le contenu, texte et musique, appar-
tient bien en propre à M. Lemmens, sauf pourtant deux petits mor-
ceaux échappés à la Minerve naissante d'un de ses meilleurs élèves.
De ce travail considérable résulte un système complet d'enseigne-
ment de la plus haute portée, un système neuf dans la plupart de ses
détails, fécond surtout en conséquences sérieuses. Les principes en
sont énoncés simplement et en peu de mots. Quelques pages de texte,
écrites d'un style concis, mais lucide, suffisent pour exposer, non-seu-
lement la théorie raisonnée du doigter appliqué aux claviers de main
aussi bien qu'au clavier de pédales, mais encore la constitution des
tons de l'Eglise et la méthode, réellement nouvelle à force d'être an-
cienne, par laquelle M. Lemmens espère régénérer l'accompagnement
du plain-chant et le ramener au véritable caractère de la tonalité ecclé-
siastique pure. Si l'auteur est sobre de paroles, il est en revanche pro-
digue d'exemples. Le précepte trouve à l'instant, sous des formes mul-
tiples et variées, son application pratique.
Est-il question du rôle des doigts sur le clavier? voici plusieurs séries
d'exercices soigneusement chiffrés, progressivement calculés, destinés
à l'étude quotidienne, de manière à faire contracter à l'élève (qu'on
suppose d'ailleurs suffisamment pianiste, harmoniste et contre-pointiste)
l'habitude du jeu lié, qui est de l'essence même de l'orgue, et auquel con-
tribue singulièrement l'ingénieux procédé de la substitution d'un doigt
à un autre sur une seule touche.
S'agit-il encore d'apprendre aux pieds à courir avec autant d'agilité
que d'intelligence sur le clavier qui leur est réservé? tous les cas de"
difficultés possibles sont prévus dans une suite de combinaisons métho-
diques, qu'il faut répéter souvent, répéter sans cesse, pour arriver à
doter toutes les parties du pied de la dextérité et de la précision des
mains. Pied droit, pied gauche, pointe, talon, orteil, voire même ré-
gion du petit doigt, tout est bon à M. Lemmens, tout devient agent
docile pour faire parler à volonté les vingt-quatre touches du pédalier.
Tout cela doit manœuvrer à propos, sauter, glisser, détacher, couler,
produire au besoin des suites de tierces, de sixtes, d'octaves, des har-
monies concertantes à deux, trois et même quatre parties. Le brisé,
le trille, l'arpège, ne sont plus du domaine de l'impossible. Le pied
se multiplie, le pied se fait main; il a de l'habileté jusqu'à la cheville.
L'artiste joue alors à quatre mains à lui tout seul. Auprès de lui, l'A-
chille aux pieds légers d'Homère n'est plus qu'un pesant lourdaud.
Tous ces prodiges, dont on pourrait suspecter l'authenticité si la
réalité n'en confirmait le récit, M. Lemmens enseigne à les pratiquer
par le travail (un travail opiniâtre certainement!) des exercices succes-
sifs qui font de son école de la pédale la plus complète, la mieux enten-.
due qu'on ait encore publiée. Lui-même, exécutant de première force,
est la preuve vivante de l'excellence de cette méthode.
M. Lemmens ne se borne pas, d'ailleurs, à toucher de l'orgue en vir-
tuose; il écrit pour son instrument, et d'une plume magistrale, les
nombreuses productions rassemblées dans les dix-huit livraisons de son
Nouveau Journal d'Orgue sont là pour le témoigner avec éclat. Préludes,
versets, offertoires, sorties, communions, prières, ricercari, pièces
fuguées, tout est conçu dans les véritables propriétés de l'instrument,
tout répond à la portée de ses ressources mécaniques comme au but
de sa mission religieuse.
Initié par son docte professeur de contre-point, M. Fétis, à tous les
secrets de l'art d'écrire, nourri des plus saines traditions, particulière-
ment de la lecture des maîtres du xvr siècle et surtout de Palestrina,
rempli des chefs-d'œuvre de Bach, de Haendel et des meilleurs dis-
ciples de leur école, M. Lemmens a su communiquer à son style, d'un
côté l'irréprochable pureté et la clarté sereine du style italien primitif;
de l'autre, la richesse harmonique, la puissance et l'audace de modu-
lation qui caractérisent le style allemand des grandes époques. Dans
son travail, il fait assurément une large part à la science et à ses arti-
fices les plus recherchés : mais ce n'est jamais aux dépens de la pensée.
L'inspiration, attentivement élaborée, apparaît plus vigoureuse, plus
nette, plus énergique, fortifiée et régularisée qu'elle est par tous les
moyens de développement que l'art peut mettre à la disposition du
musicien. Ce ne sont point là de ces pièces improvisées, superficielles,
sans profondeur, qui n'ont qu'une légère écorce, un vernis brillante et
qui ne sauraient soutenir l'examen. M. Lemmens se déclare, et avec
raison, l'ennemi acharné du déplorable usage de l'improvisation per-
pétuelle, fâcheusement introduit depuis deux siècles environ dans les
églises de France, et dont nos organistes, si distingués qu'ils soient,
180
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
ne paraissent pas disposés à se départir. Rien pourtant de plus étrange,
de plus absurde que cet usage.
L'inspiration est-elle donc de commande ? Est-il possible qu'à un
moment donné elle jaillisse des doigts de l'exécutant , surtout lors-
qu'il s'agit, non pas d'improviser sur une guimbarde ou un flageolet,
mais d'opérer sur le plus compliqué , le plus riche et par cela
même le plus difficile de tous les instruments? Quel artiste osera
répondre non-seulement de trouver à heure fixe des pensées di-
gnes de la majesté du culte et appropriées à telle ou telle circonstance
des cérémonies religieuses, mais encore de les présenter d'ans les
meilleures conditions de l'art? Et si par hasard il a fait une de ces
trouvailles, peut-il être toujours certain d'une égale bonne, fortune ?
Ne court-il pas le risque de donner forcément dans les banalités, de
rebattre cent et cent fois les mêmes tours, les mêmes progressions, en
attendant l'éclair de l'inspiration, cette fantasque un peu semblable au
chien de Jean de Nivelle, qui fuit toujours quand on l'appelle?
N'est-il pas plus rationnel, plus sensé déjouer de mémoire de bonne
musique, d'exécuter des morceaux préparés, bien pensés, bien écrits,
bien sus, et, sans nul doute, beaucoup mieux rendus que ces impromp-
tus où les doigts sont pris quelquefois au dépourvu? Mais aussi n'écrit
pas qui veut des morceaux tels que les meilleurs du Nouveau Journal
d'Orgue.
Ce sont des compositions substantielles , conçues avec profondeur,
mûrement digérées, pourvues des richesses de la science, sans que la
science aille pourtant jusqu'au puritanisme pédantesque. A fort peu
d'exceptions près, la mélodie y est abondante ; non pas une mélodie
vaine, brillante, mondaine, papillonnante, efféminée, mais une mélodie
tantôt noble, grave, simple dans sa grandeur, tantôt onctueuse et tou-
chante, sans mollesse pourtant ni mignardise. M. Lemmens n'est point
de ces jansénistes outrés qui veulent chasser du temple les grâces na-
turelles du chant. Il les réclame au contraire, mais les veut à la hau-
teur de la solennité du saint lieu , gratiœ décentes.
Souvent il lui arrive d'emprunter au chant liturgique même le
thème de ses ricercari, témoin les deux hymnes : Jesu corona virgi-
num et Creator aime siderum. La mélodie de la première sert de su-
jet à un excellent duo écrit en contre-point double à l'octave ; les procé-
dés de la diminution et de l'augmentation y sont employés avec adresse.
Le chant de la seconde est enlacé, par phrases découpées, à la trame
serrée d'un dialogue à deux claviers, dans le goût allemand.
Plus loin, M. Lemmens traite en style fugué les intonations du Magni-
ficat et du Benedicamus Domino. Mais c'est surtout dans ses fantaisies
fuguées, pour le grand-chœur, qu'il tire un admirable parti des par-
celles extraites de la mélodie sacrée. Voyez plutôt, dans la douzième
livraison, sous la rubrique Laudate Dominum omnes gentes, la magni-
fique pièce écrite sur l'intonation psalmodique du septième mode.
Une introduction pompeusement retentissante proclame la phrase
de chant, choisie pour texte du développement, et la reproduit sous
différents aspects d'harmonie, de timbre, de nuances sonores. Entre ce
prélude d'une solennité pontificale et la coda finale qui ramène le
thème avec toutes les puissances de l'orgue, Vient se placer une fugue
dont le sujet n'est autre que l'intonation déjà citée, fugue à cinq parties
réelles, rigoureusement écrite dans les conditions du genre, conduite
avec une adresse, un savoir, une chaleur singulières, et close par une
pédale d'un effet colossal. Le chromatique joue un rôle fort ingénieux
dans la constitution du contre-sujet. Remarquons en passant que
M. Lemmens affectionne beaucoup l'emploi du genre chromatique, qui
est d'ailleurs une conséquence naturelle, inévitable du jeu lié. Il s'en
sert fréquemment pour les notes de passage, et obtient par là des
groupes harmoniques d'un effet toujours flatteur et souvent nouveau.
11 ne faudrait pas cependant que le procédé allât jusqu'à l'abus ; et
nous invitons l'artiste à se bien retenir sur cette pente glissante qui peut
mener insensiblement à l'afféterie et jeter aussi quelques nuages sur la
franchise de la tonalité. Cela dit, revenons au plan que nous venons de
décrire à propos du Laudate, et reconnaissons qu'il a le grand mérite
de conserver à toute la pièce d'orgue une parfaite unité de pensée, en
évitant cette perpétuelle volatilité d'idées, si contraire à l'esprit im-
muable du catholicisme.
M. Lemmens a adopté le même plan pour plusieurs autres morceaux,
notamment pour Vite, missa est, placé en tête de la première livraison
de la deuxième année, et enrichi d'un luxe d'artifices dont l'oreille et le
jugement sont tour à tour charmés ; pour l'Offertoire en la majeur de la
seconde livraison; pour la très-belle, très-ample et très-splendide fugue
en «^.mineur de la cinquième; et aussi, mais dans un cadre moins spa-
cieux, pour l'Offertoire en sol majeur (11° livraison, lre année), don'
le motif est vraiment séduisant, si séduisant que l'auteur lui-même s'y
est laissé prendre et l'a imité, à son insu, dans le dernier morceau de
la deuxième année , autre Offertoire fugué en ré majeur, mais bien plus
riche, bien plus grandiose que le précédent.
Le recueil renferme encore nombre de fugues de moins longue ha-
leine, par exemple la fugue sur le chant Lauda Sion, et celle en fa mi-
neur qui appartient àlaonzièmelivraison. Rien de plus logique, de mieux
déduit. Voilà des pièces réellement bonnes dans toute la force du mot.
A côté de ces compositions , dont la forme scolastiquement austère
est corrigée par l'attrait du dessin mélodique et l'élégante ornementa-
tion de l'harmonie, viennent se placer des compositions libres, où tout
est d'invention , telles que les Prières , les Communions , les Sorties.
Lisez surtout le scherzo sijmphonique ; l'auteur y a posé la limite pré-
cise qui sépare le style mondain du genre de la musique instrumen-
tale à l'église.
Ses Préludes, répandus en quantité dans le recueil , sont d'une in-
flexible logique. La majeure partie affecte naturellement des formes
empruntées soit à l'imitation canonique, soit à l'imitation libre. Plu-
sieurs sont rigoureusement écrits dans la tonalité du plain-chant : ainsi,
le prélude fugué sur le Te Deum , dans le mode phrygien.
Quant à la question de tonalité ecclésiastique, M. Lemmens, si large
et si libéral dans tout le reste, ne veut faire aucune concession. Les
seuls moyens qu'il laisse à l'accompagnement du plain-chant sont l'ac-
cord parfait sur les six premières notes de l'heptacorde , l'accord de
sixte sur les sept degrés, et l'accord de sixte et quarte seulement à la
cadence finale, et encore sous certaines conditions de résolution. Rien
de plus, rien de moins. Non-seulement il repousse avec autant de mé-
pris que de raison les altérations chromatiques ridiculement introduites
dans la mélodie par l'ignorance des chantres ; mais il n'admet point
que, tout en respectant la pureté du chant traditionnel , l'organiste
glisse dans l'accompagnement la moindre modulation voisine. En un
mot, M. Lemmens arrête les lois de l'accompagnement du plain-chant
à la période du xvi" siècle, antérieure aux hardiesses révolutionnaires
de Monteverde.
C'est donc dans une tout autre pensée que celle d'aider à pro-
faner le plain-chant par un accompagnement monstrueux, que l'au-
teur présente à ses disciples des modèles de modulations éloignées et
des exercices pratiques pour les modulations circulaires.
Cet appendice s'adresse spécialement aux nécessités de l'improvisa-
tion, quelquefois obligatoire, mais qui ne doit être que l'exception , et
point du tout la règle générale. A ce propos, que M. Lemmens nous
permette de l'engager à compléter son beau travail en donnant , dans
quelqu'une de ses prochaines livraisons , des conseils applicables à
l'improvisation pratique.
- Si les formules peuvent avoir quelque part leur utilité secourable,
c'est assurément dans cette région vague et indécise de l'art, vaste
océan où la pensée court le risque de s'égarer si elle n'a quelque bous-
sole qui la guide. Les meilleurs improvisateurs ont d'ailleurs toujours
usé, quoiqu'ils ne s'en soient pas vantés, de ces moyens auxiliaires,
dont il est facile de composer une sorte de code. Mieux vaut encore le
prosaïsme d'un régulateur mécanique que de laisser flotter au hasard
la fantaisie inexpérimentée du novice.
Ici s'arrête notre tâche. M. Lemmens va poursuivre la sienne. Son
jeu magnifique est déjà célèbre à Paris. Ses compositions, qui étonnent
le vulgaire et lui plaisent instinctivement, ont conquis l'approbation
réfléchie des juges éclairés. Le mérite du Nouveau journal d'Orgue
DE PARIS.
181
qui les renferme est donc bien consacré. C'est un livre qui porte en-
clos dans ses feuillets toute une réforme , tout un avenir. Va donc,
livre consciencieux et puissant; fais ton chemin dans nos églises de
France ; deviens, s'il est possible, et cela est possible, le bréviaire du
parfait organiste, l'évangile des organistes-aspirants. Frappe aux por-
tes des écoles ; frappe aux portes des sacristies. N'est-il pas dit : Frap-
pez, et on vous ouvrira.
Mauiu.ce BOURGES.
L'Académie française procédait jeudi dernier à la réception de
M. Alfred de Musset, appelé à remplir la place d'Emmanuel D.upaty,
dont le talent s'exerça si souvent et avec tant de succès dans le genre
lyrique. C'est pour nous un plaisir, et presque un devoir, de transcrire
le passage suivant du discours, excellent de pensée et de style, pro-
noncé par le récipiendaire en l'honneur de son devancier. Après avoir
opposé la comédie de caractère à la comédie d'intrigue, M. Alfred de
Musset définit, en poëte et en critique éminent, le rôle de la musique
dans le drame : « La juste mesure entre ces deux excès, dit-il, est très-
» difficile. Elle ne l'était pas pour M. Dupaty par ce motif qu'elle lui
» était naturelle, et l'opéra comique, ce genre qu'il aimait tant, qu'il
» avait tant de raisons d'aimer, est justement celui de tous les genres
» où se montre le plus distinctement ce temps d'arrêt, ce point de dé-
» marcation entre l'action et la poésie. En effet, tant que l'acteur parle,
» l'action marche, ou du moins peut marcher ; mais dès qu'il chante, il
» est clair qu'elle s'arrête. Que devient alors le personnage? Est-ce un
» maître irrité qui gronde ? Est-ce un esclave qui supplie ? Est-ce un aman t
» jaloux qui jure de se venger ? Est-ce une jeune fille qui s'aperçoit qu'elle
» aime? Non, ce n'est rien de. tout cela, et il ne s'agit plus de savoir de
» quelles circonstances naît la situation. C'est la colère, c'est la prière,
» c'est la jalousie , c'est l'amour que nous voyons et que nous enten-
» dons, et que le personnage s'appelle comme on voudra, Agathe ou
» Elise, Dernance ou Valcour, la musique n'y a point affaire. La rnélo-
» die s'empare du sentiment : elle l'isole. Soit qu'elle le concentre, soit
» qu'elle l'épanché largement, elle en tire l'accent suprême : tantôt lui
» prêtant une vérité plus frappante que la parole, tantôt l'entourant
» d'un nuage aussi léger que la pensée, elle le précipite ou l'enlève ;
» parfois même elle le détourne, puis le ramène au thème favori,
» comme pour forcer l'esprit à se souvenir, jusqu'à ce que la muse
» s'envole et rende à l'action passagère la place qu'elle a semée de
» fleurs. »
NOUVELLES.
%* Demain lundi, à l'Opéra , la dix-septième représentation du Juif
errant. Roger chantera le rôle de Léon pour la dernière fois avant de
prendre son congé.
%* Rien de changé au programme. Toujours le Juif errant, toujours
même succès de vogue et même affluence. Roger va nous quitter, mais il
sera remplacé par Chapuis et par <;ueymard, qui sous peu de jours nous
reviendra de Londres. Roger est redemandé par l'Allemagne, qui ne se
lasse pas de l'entendre. Massol et .Mme Tedesco nous restent pour quelque
temps encore ; le congé de Mlle Lagrua ayant été racheté, la jeune et
charmante cantatrice nous reste tout-à-fait.
*„* Parmi les reprises dont on s'occupe et qui auront lieu dans la sai-
son d'été, on cite Moïse et Jérusalem.
%* Mme Stoltz est arrivée à Rio-Janeiro dans les premiers jours d'avril.
Elle devait débuter à la fin de ce même mois dans la Favorite.
%* Mlle Révilly ne quittera pas l'Opéra-Comique ; son réengagement
est signé depuis quelques jours.
*,* Ricquier, l'excellent comique, a aussi renouvelé son engagement.
*„,* Les Voitures versées ont mis en relief le talent que possède déjà
Mlle Favel et les espérances qu'elle donne. Un rôle important vient de lui
être confié dans un ouvrage en trois actes, dont la musique est de Reber.
*„* Un ouvrage en un acte, V Opéra au' camp, vient d'être mis à. l'étude.
La pièce est de M. Paul Foucher et la musique de M. Varney. Le débu-
tant, Meillet, y fera sa première création, et Mlle Lemercier y jouera le
rôle de Mme Favart.
*„* M. Varney, comme on sait, ne remplira plus les fonctions de chef
d'orchestre du troisième théâtre lyrique, où il avait rendu assez de bons
et brillants services pour que son absence y soit vivement regrettée.
C'est comme compositeur qu'il fera sa rentrée à ce théâtre par un opéra-
comique en trois actes, que lui a demandé le directeur, M. Jules Séveste,
et qui sera sans chœurs. C'est la première fois que pareille chose sera
tentée depuis l'Eclair, dont l'exemple est d'un bon augure pour le succès.
%* C'est à tort qu'on annonçait un ouvrage nouveau de M. Ambroise
Thomas pour la réouverture du Théâtre-Lyrique. C'est pour l'Opéra-Co-
mique que ce compositeur travaille en ce moment.
%* La commission chargée d'examiner la question du droit des pauvres
aura bientôt terminé son travail.
%* Le Conservatoire donnera encore un exercice avant les examens
semestriels ; on y jouera Jocorvle, de Nieolo, pour la partie lyrique.
*»* La nouvelle que nous avons donnée sur les libéralités du gouverne-
ment envers le Conservatoire de Paris et ses .succursales de Toulouse, Lille,
Marseille et Metz est parfaitement exacte. Il n'en faut tirer aucune consé-
quence défavorable pour les autres succursales, notamment celle de Nan-
tes, pour laquelle réclame un journal de la localité. L'Ouest a certaine-
ment autant de droits que l'Est, le Nord et le Midi, mais pour les rendre
valables il ne faut pas qu'il sommeille, comme ce même journal avoue
qu'il le fait en ce moment. Aide-toi, le ciel t'aidera.
%* La nomination de M. Cokken à la place de professeur de basson au
Conservatoire est annoncée. M. Cokken était le premier sur la liste des
candidats présentés par le Comité des études musicales. Il a déjà la place
de premier basson à l'orchestre de l'Opéra, à celui de la Société des con-
certs, et il est professeur au Gymnase musical militaire.
V C'est par erreur que dans les annonces de notre dernier numéro ,
M. Gloeggl, à Vienne, a été désigné comme acquéreur de l'édition alle-
mande du Juif errant ; c'est la maison Schott, propagatrice par excellence
de la musique française, qui publiera encore la magnifique partition d'IIa-
lévy en Allemagne. Le droit d'édition pour l'Angleterre a été acquis par
MM. Schott et Ce à Londres.
V Le Comité de l'Association des artistes musiciens a tenu jeudi sa
première séance, après l'assemblée générale, et procédé àla reconstitution
du bureau. Le scrutin a donné les mêmes résultats que l'année dernière.
Ainsi, M. le baron Taylor est toujours président ; MM. Edouard Monnais,
Prumier, Georges Bousquet, Debez, Zimmerman, sont vice-présidents ; et
MM. Jules Simon, Lebel, Petiton, Jancourt, Conrad, secrétaires. M. Demol
a été adjoint aux membres dont se compose la Commission des pensions ;
M. Bellon remplace M. Taskin, décédé, dans celle des comptes et du con-
trôle du personnel; M. Urbin lui succède également dans la Commission
de correspondance, comme M. Gounod à M. Zimmerman, qui s'en est
retiré.
V Aujourd'hui dimanche, jour de la Pentecôte, une messe solennelle
à quatre voix (Kyrie, Gloria, Sanctus, 0 Salutaris etAgnus Dei), composée
par M. Joseph Frank, organiste de Saint-Thomas d'Aquin, sera exécutée
dans cette église, à 10 heures très précises.
*,,* Une messe nouvelle de M. Dietsch sera aussi exécutée aujourd'hui
à l'église de la Madeleine, dont il est maître de chapelle.
*** Une jeune pianiste , dont le nom réclamait sa place parmi toutes
les célébrités musicales réunies à Londres en ce moment, Mlle Elisa Kri-
nitz, s'est vue tout à coup arrêtée par une indisposition douloureuse. Le
concert qu'elle allait donner a dû être remis. Heureusement la santé est
revenue, et Mlle Elisa Krinitz pourra bientôt réparer le temps perdu.
*„* Dès l'année dernière , le Conseil académique , d'accord avec M. le
préfet de la Seine, avait arrêté les bases d'une nouvelle organisation de
l'enseignement du chant dans les écoles primaires de la ville de Paris.
Cet enseignement, placé sous la surveillance d'une commission , dont
nous nommions encore tout récemment les membres, se divise en deux
parties distinctes : 1° l'étude de la musique et du chant qui se fait dans
les écoles communales, d'après la méthode Wilhem , sous la direction
d'instituteurs spéciaux ; 2° les études d'ensemble qui viennent se résumer
dans les réunions de l'Orphéon, et qui ont lieu sous la dirction particu-
lière du directeur en chef de l'établissement. C'est par suite de ces nou-
velles dispositions que M. le préfet de la Seine vient de demander au
Conseil municipal d'approuver le choix que la Commission de surveillance
du chant a fait de M. Gounod, comme nouveau directeur de l'Orphéon.
Cette approbation a été donnée ; il ne manque plus à M. Gounod pour
entrer en fonctions que la sanction du conseil académique.
%* Les fêtes de l'Association musicale de l'Ouest seront célébrées à
Limoges les 17 et 18 juin prochain. C'est la dix-huitième année de cette
institution , la seule permanente du même genre qui existe en France
entre plusieurs départements. — Parmi les morceaux qu'on doit exécu-
ter, on cite plusieurs fragments du Stabat, de Rossini ; le Kyrie et le
Credo d'une messe solennelle, de M. Beaulieu ; l'introduction du premier
acte de la Juive ; l'introduction du premier acte de Guillaume T- Il et le
final du troisième acte de Benioxcski. Pour la partie vocale, Mlle Duprez ,
MM. Poultier et Balanqué, et pour la partie instrumentale, MM. Jancourt,
Triébert et Jacquart contribueront par leur beau talent à l'effet de cette
solennité, et la commission chargée de l'organisation ne néglige rien pour
donner à ces fêtes tout l'éclat possible.
%* Un concert a été donné, lundi dernier, dans le Jardin-d'Hiver, au
profit des familles nécessiteuses, visitées et secourues par les conféren-
ces, — ce sont les termes du programme, assez singulièrement rédigé, —
de Saint-Vincent-de-Paul, des paroisses Saint-Laurent et Saint-Joseph du
Temple. On peut, on doit affirmer, au nom de la philanthropie, que
MM. Elwart, Schlosser, Elena, Samary ; Ailles Julette Dillon, Remy, Judith
Elena, Dupuy, Vidal, Valentine Bianchi, Ersilie de Agostini, ont montré
182
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
autant de talent que de zèle et de charité dans cette séance artistique et
de bienfaisance. La Corinne, organiste de la cathédrale de Meaux ,
Mlle Dillon, a improvisé sur son instrument avec sa facilité poétique or-
dinaire ; AI. Schlosser a dit de sa belle voix de basse l'invocation des
nonnes de Robert-le-Diable. Mlle Ersilie de Agostini, Judith Elena et Va-
lentine Bianchi ont chanté comme des prime donne pur sang. On a peut-
être remarqué que la Méditation de M. de Lamartine, récitée par
Mlle Rémy, n'a guère été entendue ; mais cela n'était pas plus nécessaire
que décrire le programme en bon français, L'essentiel c'était l'acte de
bienfaisance qui a produit une assez bonne somme par le placement des
billets, la quête faite pendant le concert et la vente des programmes.
V La famille Waldteufcl se signale par une rivalité de talent et de
.production tout-à-fait remarquable. Le père et le fils viennent d'augmen-
.ter leur riche répertoire, l'un avec sa polka de Henri IV et sa valse Volu-
bilis, l'autre-avec une valse non moins brillante, la Perle des salons de Paris.
*it* Nous racontions dernièrement que Teresa Milanollo , assistant à
Berne au concert donné par Ernst, après avoir chaleureusement applaudi
le grand artiste, lui avait jeté une couronne de laurier. Cependant, nous
lisons dans un journal suisse, le Guillaume-Tell , que les deux virtuoses,
logés dans le même hôtel, n'en avaient pas moins continué à vivre sur le
même pied de réserve extrême sans se parler, sans même se voir. Mais
Teresa donna concert à son tour : Ernst l'écouta en grand connaisseur,
et lui rendit bravos pour' bravos. Le lendemain il se présenta chez elle,
pour l'assurer de son respect, de son admiration, de son dévouement, et
pour la prier de vouloir bien en accepter un faible souvenir. Ernst remit
à Teresa une magnifique broche enrichie de diamants. Entre artistes de
ce caractère et de ce talent, un juste hommage en vaut un autre.
*„* Nous avons entendu, dimanche dernier, une messe en musique exé-
cutée à Saint-Vincent-de-Paul par 400 chanteurs et par l'excellente mu-
sique du 3e léger. Nous regrettons de ne pouvoir analyser les différentes
parties de ce remarquable ouvrage, mais nous devons constater qu'il a
produit le plus grand effet. L'auteur, M. Laurent de Rillé, est du reste un
compositeur qui a fait ses preuves. Aussi est-ce moins un début que nous
annonçons qu'un nouveau succès et un pas de plus vers un brillant avenir.
"y* Dans notre dernier numéro, nous parlions du brillant concert
donné à Strasbourg par Mme Cabel. Commençons par un erratum. C'est
non pas le mari de la cantatrice, mais son beau-frère, longtemps attaché
comme baryton au théâtre de la ville, qui a pris part au concert et fait
ses adieux au public. Ajoutons que Mme Cabel a chanté en costume des
fragments du Maître de chapelle, du Barbier de Séville ; puis elle a dit une
jolie mélodie, la Fée, composée pour elle par M. Ed. Berger, et le trio du
Toréador. Son succès a été complet comme cantatrice et actrice. En quit-
tant le théâtre de Bruxelles, Mme Cabel a accepté un engagement pour
celui de Lyon, et, en attendant l'ouverture de la saison, elle doit se ren-
dre à Londres.
V" Le ténor, François Jaeger, qui a brillé dans le temps au théâtre de
Berlin, à côté de Mme Sontag, vient de mourir à Stuttgard, où il était
professeur de chant.
GRON1QUE DÉPâRTESIENTALE.
*„* Marseille, 20 mai. — Deux jeunes émules des charmantes sœurs
Milanollo, Virginia et Carolina Ferni, l'une âgée de quatorze ans, l'autre
de douze à peine, ont donné ici un concert, dans cette même salle Bois-
s'elot,' toute remplie des souvenirs de Teresa et de Maria. La plus jeune,
Carolina, s'est posée avec un aplomb de virtuose d'élite : elle a joué la
fantaisie-caprice de Vieuxtemps avec une justesse irréprochable, un sen-
timent, une expression, un style qui annoncent la véritable artiste. Elle
pose une note grave ou aiguë, la nuance avec art, l'anime par des vibra-
tions pénétrantes, lance des gammes doubles avec une légèreté fabuleuse,
donne de l'esprit à son staccato, fait résonner la double corde avec am-
pleur, et sème dans son jeu, avec une expérience et un discernement au-
dessus de tout éloge, ces finesses exquises, considérées par les maîtres
comme le perfection du talent. Ce que nous disons de Carolina peut s'ap-
pliquer à Virginia, qui, dans une fantaisie de Dancla, s'est montrée la
digne rivale de sa sœur cadette. Sans avoir toute la vigueur de celle-ci,
Virginia possède les mêmes qualités de délicatesse, de sentiment et de
style. Aussi les deux sœurs ont-elles recueilli une égale part de bravos
dans le duo concertant de Dancla, qu'elles ont exécuté à la fin de la
première partie. Après nous avoir montré le violon sous son aspect à la
fois le plus aimable et le plus sérieux, les sœurs Ferni ont voulu prouver
au public qu'elles étaient tout aussi familières avec les difficultés du mé-
canisme, alors même qu'elles s'éloignent de la fantaisie ordinaire pour
aborder le champ de la bizarrerie poussée jusqu'à l'excentricité. C'est ce
qu'elles ont fait dans le Carnaval de Venise, sans jamais manquer à la
justesse. Un bel avenir paraît réservé à ces deux jeunes personnes, non
moins sœurs par le talent que par le sang.
V Lille, 27 mai. — La salle des concerts de la ville de Wazemmes est
terminée. Elle surpasse celles de Lille par sa coquetterie et sa bonne dis-
tribution. Son inauguration doit avoir lieu sous peu. Lille et Wazemmes
possèdent actuellement trois chefs-d'œuvre d'architecture que tous les
étrangers visitent, et l'excellente sonorité de ces salles de concerts ajoute
un grand prix à leur construction. Un concours de chant saus exemple
jusqu'à ce jour doit avoir lieu le 21 juin à l'Association musicale. L'ému-
lation à Gand et à Cologne est à son comble dans les sociétés chorales
qui doivent concourir. Nous rendrons compte de cette grande fête mu-
sicale.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
*.* Londres, 28 mai. — Décidément M. Lumley a gagné sa cause : la
victoire lui est demeurée. Le lord chancelier, en confirmant la décision de
la Cour inférieure, a condamné Mlle Wagner aux dépens. De plus, le noble
lord a cru devoir apprécier la moralité du procès, et il a terminé en di-
sant : « J'ai l'espoir que Mlle Wagner suivra la ligne que lui tracent son
» devoir et son intérêt, en remplissant ses obligations envers M. Lumley,
» comme il a rempli les siennes envers elle.» — Ce succès n'est pas le seul
qu'ait obtenu M. Lumley. Il y a huit jours, une manifestation des plus ho-
norables a été faite dans l'intérêt de son théâtre. Plus de cent personnages
importants, parmi lesquels figuraient le duc de Cleveland, le duc de Leins-
ter, le marquis de Clanricarde, le baron Brunow et beaucoup d'autres, se
sont rassemblés en comité dans la salle de concert du théâtre. IFa été re-
connu qu'à raison des services rendus par M. Lumley à l'art musical en
Angleterre, et des difficultés contre lesquelles il avait lutté avec tant d'é-
nergie , il y avait lieu d'ouvrir une souscription destinée à assurer la
marche du théâtre pendant la présente saison. En conséquence, une com-
mission a été nommée et une souscription ouverte immédiatement. Tout
fait donc espérer que le théâtre de Sa Majesté va jouir d'une existence
plus brillante, plus tranquille, et que les efforts immenses de son directeur
ne seront pas perdus. — Mme Lagrange a débuté dans Lucie, et son ap-
parition a été pour elle un vrai triomphe. — Au théâtre de Covent-Gar-
den, la Juive a été représentée avec un grand éclat : Gueymard, qui rem-
plissait le rôle d'Éléazar, a obtenu un succès incontestable. Sa belle voix,
son expression dramatique ont produit beaucoup d'effet, et la critique de
nos voisins ne lui trouve d'autre défaut que celui d'appartenir à l'école
française. Après le trio du secondacte et l'air du quatrième, il a été rap-
pelé, salué de bravos. Mme Jullienne, qui chantait le rôle de Rachel, s'est
associée à son succès. ■ — La foule se pressait dans les salons d'Hanover-
Square au concert donné par Mme Pleyel. L'admirable pianiste y a joué
deux concertos de Beethoven, en ut mineur et en sol mineur, la fantaisie
de Liszt sur l'air des patineurs, du Prophète, et un choix de morceaux tirés
des Soirées musicales, de Rossini, et aussi arrangés par Liszt. Nous n'avons
rien à dire ni de son talent ni de son succès, sinon que l'un et l'autre ont
marché de pair. — L'Alboni est en cette ville, mais son départ pour les
Etats-Unis est certain.
%* Constantinople. — Mme Nissen Saloman se trouve en ce moment
dans notre capitale, où elle a donné deux concerts, le premier, dans la
grande salle de l'ambassade russe; le second, au Théâtre-Italien.
Le gérant : Ernest DESCHAMPS.
PUBLIÉ PAR
BRANDUS et Ce, éditeurs, 405, nie Richelieu.
pour mm wim,
Alice, suite de valses 5 »
Ondiiic, suite de valses .... 5 n
ILe Tiens BMqueur, quadrille. 4 50
IFollette, polka-mazurka. ... 3 »
Blenriette, schottisch 3 »
Ifaiiuclita, schotisch 3 »
Quadrille-Polka h 50
lïathilue, polka 2 »
Pauline, polka 2 »
Estelle, polka 2 »
LE COiTE A, SUBIET DE LEMCOUAT.
Pour paraître incessamment, du même auteur :
REDOWA ET QUADRILLE SUR LE JUIF ERRANT.
LES DANSES DES MORTS
Dissertations et recherches historiques, philosophiques, littéraires et
musicales sur les divers monuments de ce genre qui existent ou qui ont
existé tant en France qu'à l'étranger, accompagnées de
Grande ronde vocale et instrumentale, paroles d'Edouard THIERRY,
PAR
GEORGES KASÏNER
PRIX : 25 FRANCS.
// a été tiré de cet ouvrage vingt exemplaires sur vélin numérotés,
PRIX DE CHAQUE EXEMPLAIRE : 50 FRANCS.
Morceau de salon pour piano et violon , par Mme M&SSART
L MASSART,
Professeur au Conservatoire de musique.
PRIX : 10 FR.
DE PARIS.
183
EST VKNTE CHEZ Bit AMI» UN KT C, ÉDITEURS,
hue Richelieu, 10 3,
OEuvres de
Solfège avec accompagnement de basse chiffrée 42
Sol fège à changement de clefs 36
liesse «le itc<iulcin à h parties en chœur avec accompagne-
ment d'orchestre, en partition 60
Messe «le itciiuiem pour voix d'hommes avec accompagne-
ment d'orchestre, en partition 62
liesse solennelle à k parties avec accompagnement d'orches-
tre, en partition 90
liesse «lu sacre à 3 parties avec accompagnement d'orches-
tre, en partition. (Les parties séparées de chant sont gravées aussi.). . . 75
liesse solennelle à k et 5 parties avec accompagnement d'or-
chestre, en partition
Faniska. opéra en 3 actes avec paroles italiennes, en grande
partition
Cours «le contrepoint et fugue net
l.odoiïslia, partition in- 8°, pour piano et chant net
ILes Deux Joiiirii«?«»&, partition in-8°, pour piano et chant, net
Ifarrlacs «l'iifirnionie, pratiquées dans la composition, adop-
tées pour l'enseignement dans les classes du Conservatoire, net
Ouverture «le Lodoïska à grand orchestre net
250 »
30 »
8 »
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A 2, 3 et 4 voix, avec solos et accompagnement d'orgue, composés pour être chantés pendant la messe basse,
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1 . Domine Deus, motet d'Introït à h voix. i N° U. O quant suavis, soprano ou ténor solo.
2. Lactabitur terra, motet d'Offertoire à à voix. j 5. Caro mea, pour 2 voix, motet d'Elévation.
3. O salu'.aris, pour soprano, ténor et basse, sans accompagnement. I 6. Laudate Dominum, à h voix, chœur et fugue.
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LA PEBLE S
1. Quadrille, par Musard h 50
2. — par Marx U 50
3. Valse, par Pilodo h 50
h. Polka, par le même 2 50
5. Polka-mazurka, par Bousquet 3 »
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7. Bagatelle, par Le Carpentier 5 »
8. Divertissement,. par le même. . . 5 »
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10. Redowa, par Pasdeloup . i »
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N* 1. MADRIGAL, chanté par M. Herman-Léon: « O belle hôtesse! » à 50
1 bis. LE MÊME, pour ténor: « O belle hôtesse!» U 50
2. ROMANCE, chantée par M. Audran : « Regardez, Arthur, ces
deux fleurs jolies » U 50
2 bis. LA MÊME, pour mezzo soprano ou baryton : « Regardez,
Arthur, ces deux fleurs jolies. » 4 50
3. COUPLETS, chantés par Mlle eLfebvre : « Me voilà, trala la
tra la la, me voilà. » 5 »
à. AIR, chanté par Mlle Lefebvre : « Si je leur fais bonne mine » 6 »
5. AIR, chanté par M. Audran : « On jure de s'aimer; hélas! pro-
messe folle. » 6 »
Grande valse pour piano, par BAZIN. — Polka-Mazurka par PASDELOUP. — Polka, Quadrille, Schottisch, etc,
SOUS PRESSE,
LA GRANDE PARTITION ET LES PARTIES D'ORCHESTEE.
N° 6. COUPLETS , chantés par M. Sainte-Foy : « Madame Lerond,
j'en conviens. » 2 50
6 bis. LES MÊMES, pour basse ou baryton : a Madame Lerond,
j'en conviens » 2 50
7. AIR, chanté par M. Herman-Léon : « Misère profonde. ». . 6 »
8. DUO, chanté par Mlle Lefebvre et M. Audran : « Vous avez vu,
ma belle hôtesse » 7 50
9. NOCTURNE, chanté par Mlle Lefebvre et M. Audran : «Qui n'a
pas fait de beau projet ? )■ 5 . »
184
REVUE ET GAZETTE MUSICALE DE PARIS.
POUR PARAITRE LE 4" JUIN
Citez iliMA^'iUJS* et €>. riallienrM, t*&8, mie Richelieu,
MAYENCE, LES FILS DE B. SCHOTT. — LONDRES, SCIIOTT ET O",
LE
Opéra en eiwej actes,
Paroles de
MM. E. SCRIBE et DE S ÂIOT -GEORGES
Musique de
Wm H AL
He ë'Wnstilttl.
MORCEAUX DÉTACHÉS POUR CHANT AVEC ACCOMPAGNEMENT DE PIANO
PAR
Ouverture pour le piano à V et à 4 m;tfnst, «; fr. et 9 fr. SO.
1" ACTE.
N° 1. LÉGENDE chantée par Mme Tedesco : « Pour expier envers lui
ses outrages. » 3 75
1 bis. La même transposée pour soprano 3 75
2. LE COUVRE-FEU chanté par M. Merly et chœur : « De par le
bourgmestre, de par nos échevins. » 4 50
2 bis. Le même pour voix de basse seule 3 75
3. CHOEUR DE MALANDRINS : « Au loin tremblez tous. » 6 »
II. ROMANCE AVEC INCITATIF chantée par M. Massol : « Ils
partent frappés de terreur. » 4 50
4 bis. La Romance seule transposée pour ténor 3 75
5. DUO chanté par Mme Tedesco et M. Massol : « Théodora,
qu'ici le ciel m'envoie. » 7 50
%<= ACTE.
„ 6. SCÈNE ET TRIO chantés par Mmes Tedesco et La Grua, et
M. Roger : « Douze ans sont écoulés. » 6 »
7. QUATUOR pour 4 basses, chanté par MM. Depassio, Guignot,
Canaple et Noir : « On m'a dit vrai, jamais plus charmante
beauté. » 9 »
8. ROMANCE chantée par Mme Tedesco : « A moi, ta sœur et
ton amie. » 3 »
8 bis. La même transposée pour soprano 3 »
9. DUO AVEC RECITATIF chanté par Mme Tedesco et M. Roger :
« Sa voix, sa vue enchanteresse. » 7 50
10. CHOEUR de la Saint-Jean : « Saint-Jean ! Saint-Jean !» 6 »
3= ACTE.
11. AIR AVEC RÉCITATIF chanté par Mlle La Grua : « O mer-
veille ! ô prodige ! auquel je crois à peine. » 6 »
11 bis. Le même transposé pour contralto 6 »
12. ROMANCE chantée par M. Roger : « Une sœur, une amie,
ange de la maison. » 3 »
12 bis. La même transposée pour baryton 3 »
13. STROPHES chantées par Mme Tedesco : « Que nos voix vers
le ciel montent. » 4 50
13 bis. Les mêmes transposées pour soprano 4 50
4e ACTE.
14. AIR AVEC RÉCITATIF chanté par M. Roger : « A ce palais
dont la magnificence, . . » 5 »
Mi bis. Le même transposé plus bas 5 »
15. ROMANCE extraite de l'air chantée par M. Roger : « Vous
n'êtes plus, jours d'innocence. » 3 57
15 bis. La même transposée pour baryton 3 75
16. DUO chanté par Mlle La Grua et M. Roger : « Le ciel nous a
réunis. » 7 50
16 bis. ROMANCE extraite du duo : « O ciel! est-ce un rêve? » . . 3 75
17. AIR chanté par M. Massol : « De Dieu l'éternelle clémence. ». 5 »
1 7 bis. Le même transposé pour ténor 5 »
17 ter. Le même transposé pour basse 5 »
18. QUINTETTE pour 5 voix de basse, chanté par MM. Depassio,
Guignot, Canaple, Goyon et Noir : « La nuit est sombre. » S 75
1 8 bis. Le même réduit à 1 voix de basse 2 50
5* ACTE.
19. QUATUOR chanté par Mlle La Grua, Mme Tedesco; MM. Ro-
ger et Massol : « Tu m'as sauvé, mon père !» 5 »
19 bis. ROMANCE extraite du quatuor, chantée par M. Roger :
« Quand chacun te fuit ici bas. » 5 »
20. EVOCATION chantée par M. Chapuis : «,La voix du Seigneur
vous appelle. » 2 50
SEPT AIRS DE BALLET ET UNE MARCHE TRIOMPHALE
N° 1. Pas des Esclaves 4 50
2. Pas des voiles 4 50
3. Le Bourdonnement 4 50
N° 4. Le berger Aristée 4 50
5. La Ronde 4 50
6. La Reine des Abeilles 4 50
N" 7. La Ruche 4 50
Marche triomphale 2 50
Suite de Valses et deux Quadrilles par MUSARD.
Grande -valse pour piano, par Fr. BURGMULI.ER.
Polka des Abeilles, par E. ETTLING.
Scbottisch du Berger par J. PASDELOUP.
Polka-Hazurfaa, par G. DAN1ELE.
Redovva et quadrille, par S. de LENONCOURT.
Deux Bagatelles pour piano, par A. LECARPENTIER.
Des Morceaux de piano par H. ROSELLEN, A. TALEXY, Ch. VOSS,
O. COMETTANT, R. MULDER,J.-B. DUVERNOY, DECOURCELLE, etc.
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ff 23.
G Juin 1852.
Prix de l'Abonnement t
'21 fr.
Jîfc Jâ Isr |J JÊj
Londres. VessclelC\220,Bcgentslreot
S«-I»é«er.«ibotirs.l>,li/nr.l.
31
Le Jourruil pnrolt Le Dimanche.
wmm
©as Fâiïs,
SOMMAIRE. — Richard Wagner, par Félix père. — Un Ménétrier ou le Bois- aux
Loups, par ijia HuldiT. — Traité de prononciation, de M. Morin (deClaguy),
professeur au Conservatoire de musique et de déclamation. — Nouvelles et an-
nonces.
RICHARD WAGNER.
Sa vie. — Son système de rénovation de l'opéra. — Ses œuvres comme
poète et comme musicien. — Son parti en Allemagne. — Apprécia-
lion de li valeur de ses idées.
En 1839, un jeune poète et musicien allemand, inconnu jusqu'alors,
arriva à Paris dans une situation peu fortunée, à ne considérer que sa
bourse, mais riche d'espérances et de confiance en lui-même. Son
nom élait Richard Wagner. C'est ce même artiste, si obscurément jeté
dans le monde à cette époque, qui préoccupe en ce moment l'Allemagne
du Nord, et dont les idées sur l'art et les œuvres ont lancé le signal
de la guerre entre quelques amis enthousiastes et d'ardents antago-
nistes. Après son retour en Allemagne, Wagner avait rencontré des
circonstances favorables pour la représentation de ses ouvrages ainsi
que pour son bien-être : changement inouï dans sa fortune, péripétie
sans exemple, que lui-même n'eût jamais espérée dans ses plus beaux
rêves; mais des événements, dont il sera parlé plus loin, vinrent tout-
à-coup anéantir cette heureuse phase de la vie de l'artiste, l'obligèrent
à chercher un refuge sur une terre étrangère, et le condamnèrent au
silence pour quelque temps.
Peut-être la courte apparition de Wagner dans le monde musicaj
serait-elle maintenant oubliée si Liszt, plein de foi dans la valeur des
œuvres de cet artiste, n'eût résolu de les faire revivre, d'en proclamer
le mérite et d'en rendre l'exécution aussi bonne que possible dans la
mesure des moyens que lui offrait le petit théâtre de Weimar. Pour
atteindre son but, il ne fallait pas moins que ses convictions inébran-
lables, sa ferme volonté, et l'influence dont il jouit près de la cour si
bienveillante dont il est le premier maître de chapelle. Tanhauser et
Lohcngrin , derniers ouvrages de Wagner, qu'on peut considérer comme
l'expression finale de son sentiment et de sa conception, furent donc
représentés à Weimar dans les années 18Z|9 et 1850. La paisible popu^
lation de cette agréable ville ne comprit peut-être pas trop bien ce qu'on
lui faisait entendre; mais Liszt lui appliqua le précepte de l'Ecriture : il
la força d'entrer, et ce qui d'abord avait paru fort obscur finit par
s'éclaircir un peu. Ces représentations ne furent pas sans retentisse-
ment. Cependant Liszt, ne trouvant pas dans l'effet produit par quel-
ques articles de journaux ce qu'il attendait de ses efforts, voulut lui-
même fixer l'attention du monde musical sur ces œuvres qu'il considère
comme une transformation radicale de la musique dramatique, et en
écrivit l'analyse, qu'il a publiée sous le titre de : Lohcngrin et Tanhau-
ser (Leipsick, 1851, in-8°).
C'est dans ces circonstances que Wagner vient de rompre le silence et
qu'il a fait appel à la sympathie, à l'admiration de l'Allemagne, par la publi-
catian de deux ouvrages, dont un est composé des poëmes de ses trois
derniers opéras (1), et dont l'autre, intitulé l'Opéra et le Drame (2),
renferme l'exposé de ses opinions sur le mérite de ses contemporains
et de ses prédécesseurs dans l'art dramatique , au point de vue de la
musique et de la poésie, ainsi que de ses théories sur cet art. Les
poëmes du Hollandais votant , de Tanhauser et de Lohengrin sont
précédés d'une longue préface de près de deux cents pages que Ri-
chard Wagner a intitulée : Communications à ses amis (Mittheilungen
an seine Freunde). Rien de plus curieux que ce morceau ; car il ne nous
fait pas connaître seulement les vues de l'artiste et l'histoire de ses œu-
vres , il nous révèle l'homme tout entier. Or, comme le dit Wagner
lui-même, l'homme est inséparable de l'artiste. ' II s'explique à cet
égard d'une manière catégorique dès la première page de ses révéla-
tions : « J'adresse (dit-il) ces communications à mes amis; car je ne
» puis être compris que par ceux qui éprouvent le besoin et le désir
» de me comprendre, et ceux-là ne peuvent être que mes amis. Mais
» je ne puis considérer comme tels ceux qui disent m'aimer comme
» artiste, et qui croient devoir me refuser leur sympathie comme
» homme, parce qu'ils confondent le nom à.' homme avec celui de sujet.
» Si la séparation de l'artiste et de l'homme est aussi dépourvue de
» bon sens que la séparation de l'âme d'avec le corps (!), il est certain
» que jamais artiste n'a pu être aimé, jamais son art n'a pu être com-
» pris, sans qu'il fût aimé (du moins involontairement) comme homme,
» et sans qu'on comprît à la fois ses œuvres et sa vie. » Bien que Wa-
gner ne s'exprime qu'avec réserve dans ce qui suit sur les sentiments
qui doivent animer ceux qui l'admirent comme artiste et l'aiment
comme homme, il est évident qu'il s'adresse à un parti; parti sur le-
quel je ne m'expliquerai pas en ce moment, mais qui ne lui fait pas
défaut.
Il m'a paru que les lecteurs français de la Gazelle musicale peuvent
désirer de connaître celui qui, comme artiste et comme homme, est
l'objet de l'attention publique dans le nord de l'Allemagne. l'ai cru
aussi que ces lecteurs verront avec intérêt l'analyse du système par le-
quel cet homme s'est donné la mission de transformer l'œuvre drama-
tique connue sous le nom d'opéra. Je me propose de satisfaire leur
curiosité sur ces deux points. Et d'abord je m'occuperai de la personne
de Wagner et de son caractère , le laissant parler lui-même aussi sou-
(1) Drei Operndichtungen nebst Mittheilungen an seine Freunde ah Vor-
worl. Leipsick, Breitkopf et Haertel, ]852. 1 vol. petit in-8°.
(2) Opervnd Draina. Leipsick, J.-J. Weber, 1852. 3 petits volumes in-16.
186
REVUE LT GAZETTE MUSICALE
vent que je le pourrai, afin que ses amis ne puissent m'accuserde gâter
la ressemblance du portrait.
Richard Wagner est né à Leipsick le 10 mai 1813. Son père lui fut
enlevé dès ses premières années. Ce fut, selon lui, un grand bonheur;
car, après avoir rapporté l'histoire fictive d'un roi Wiking, qui chassa
de son palais certaine jeune fée , laquelle avait voulu doter son fils
nouveau-né de l'esprit mécontent de ce qui existe et passionné pour la
recherche du nouveau , il dit que cette fée nous offre à tous le même
don le jour de notre naissance, et que par lui nous pourrions devenir
tous des génies ; mais que la manie de l'éducation qui règne dans notre
monde dégénéré est telle, que le hasard seul nous apporte encore ce
don, lorsqu'il nous garantit du malheur d'être èduquè (p. 36). « Cer-
» taine de ne pas être empêchée (après la mort du père), la fée (ajoute-
» t-il) se glissa à mon berceau et m'accorda son présent qui jamais ne
» m'a quitté, et qui dans une complète indépendance, m'a fait mon
» propre instituteur, et m'a dirigé dans la vie et dans l'art. Voilà:
» c'est en cela que consiste tout le génie (seht, hierin liegt ailes Ge-
» nie !) » Auprès de Richard Wagner, Jacotot n'est qu'un bien pauvre
homme ; car, bien qu'il eût la persuasion que toutes les intelligences
sont égales, il avait conservé le préjugé de la nécessité d'une direction
dans l'étude. Delà vient sans doute qu'aucun génie, à ma connaissance,
n'est sorti des mains de Jacotot ou de ses disciples, et que son ensei-
gnement universel n'a guère produit que des ignorants et des esprits
vulgaires.
Cependant notre indépendance n'est jamais si absolue, même lors-
que nous avons le bonheur de perdre notre père dès nos plus jeunes
ans , que nous ne restions soumis à notre insu aux influences de ce
qui nous entoure. Ainsi, Wagner avait encore des parents, une famille,
quelque chose comme une mère, une sœur, un frère. Ces bonnes gens
vivaient du théâtre, et vraisemblablement s'occupaient peu du génie
doué par la fée ; mais ils lui faisaient fréquenter les coulisses ; il y prit
la connaissance et le goût de la comédie. A la vérité, il ne s'y livra que
sous la réserve de son indépendance juvénile. Il jouait la comédie,
mais dans sa chambre et seul. Il ne tirait pas les sujets des scènes qu'il
représentait des pièces qu'il avait vues au théâtre : lui-même les in-
ventait. Le théâtre n'avait été que l'occasion à l'aide de laquelle sa
passion dramatique s'était éveillée ; mais il ne prenait aucun plaisir à
ce qu'il appelait la comédie fardée ; elle était même pour lui l'objet
d'une véritable horreur. Quoi qu'il en soit, l'origine de ses idées con-
cernant le drame et la représentation de l'action théâtrale, ne fut.de
son propre aveu, qu'une imitation. Si négligée que fût son éducation,
on l'avait envoyé au gymnase dont il avait suivi les cours : en y appre-
nant à connaître l'antiquité, il y prit le goût de la poésie et de la mu-
sique aussi par imitation, et il cessa de s'essayer dans la peinture,
lorsqu'un peintre de portraits qui l'avait recueilli dans sa maison et
fournissait généreusement à ses besoins, vint à mourir.
» J'écrivais des drames, dit Wagner, lorsqu'à l'âge de quinze ans
» j'eus l'occasion de connaître les symphonies de Beethoven ; elles dé-
» cidèrent de ma passion exclusive pour l'étude de la musique, qui, du
» reste, agissait puissamment sur mon organisation depuis que j'avais
» entendu le Freischuls de Weber. Cependant, mes études dans cet
» art ne me détournèrent jamais de mon penchant à imiter les poètes;
« seulement, ce penchant se soumettait à l'impulsion musicale, et je ne
» cultivais la poésie qu'au point de vue de la musique. Ainsi , je me
» souviens que, dans mon exaltation pour la Symphonie pastorale , je
» composai une comédie champêtre dont j'avais pris le sujet dans les
» Caprices des amoureux, de Goethe. Je ne fis pas d'esquisse poéti-
» que ; j'écrivais en même temps les vers et la musique, et je laissais
)) ainsi surgir conjointement les situations du drame et leur expression
» musicale. »
Wagner venait d'entrer dans sa dix-huitième année lorsque la révo-
lution de juillet 1830 éclata; il avoue (page 38) qu'il éprouva une vive
émotion à la nouvelle de cet événement. Le sort de la Pologne, qui en
fut une des plus tristes conséquences, lui causa une affliction égale à
l'enthousiasme que lui avait inspiré le courage de ses habitants dans
la lutte avec les puissantes armées russes. 11 était trop jeune pour
prendre part à ces événements, mais ses instincts s'étaient révélés.
Cependant il n'en résulta pour lui qu'une surexcitation qui le porta à
écrire beaucoup de musique instrumentale, particulièrement des sona-
tes, des ouvertures et une symphonie. Ce dernier ouvrage fut exécuté
au concert d'abonnement le 10 janvier 1833. Wagner, alors dans sa
vingtième année, n'entendit pas son œuvre, parce que le mauvais état
de sa santé l'avait obligé à s'éloigner de Leipsick pour aller chercher
un climat plus doux à Wûrzbourg, près de son frère , professeur de
chant et père de Mlle Johanna Wagner, objet de tant de retentissement
à Londres dans cette saison, et dont le talent, quel qu'il puisse être,
sera vraisemblablement une cause de ruine pour les directeurs de
théâtre qui se le disputent.
Dans une situation de santé meilleure , après une année de calme et
de repos, Richard Wagner s'occupa de la recherche d'une position , et
la trouva dans la place de directeur de musique au théâtre de Magde-
bourg, où il fut installé dans les derniers jours de 183A. Ainsi qu'il le
dit lui-même, il ne connaissait jusqu'à cette époque que l'imitation du
style des compositeurs renommés. L'Oberon, de Weber, et le Vampire,
de Marschner, qu'on représentait alors à Leipsick, lui donnèrent l'idée
d'un texte d'opéra intitulé les Fées, qu'il tira d'une nouvelle de Gozzi :
il le mit immédiatement en musique. Cette musique était l'écho des
impressions qu'avaient fait sur lui les œuvres de Beethoven, de Weber et
de Marschner. Bientôt désabusé sur son ouvrage, et placé sous l'em-
pire de passions d'un autre genre, que ses relations de théâtre avaient
attisées, il sentit ses idées se modifier et prendre des tendances plus indi-
viduelles. Ce fut alors qu'il conçut le plan de son opéra intitulé la
Novice de Païenne, qui fut représenté sur le théâtre de Magdebourg
le 29 mars 183G et ne réussit pas. Le mécontentement qu'eut Wagner
de la chute d'un ouvrage auquel il attachait alors de l'importance , lui
fit quitter sa place dans la même année. Au commencement de 1837
on le retrouve à Kœnigsberg dans la position de chef d'orchestre du
théâtre ; mais, par des motifs qui ne sont pas connus, il n'y resta que
quelques mois. Lui-même garde le silence sur cette époque de sa vie,
dans ses Communications à ses amis. J'ai tiré mes renseignements
des journaux allemands de musique qui paraissaient alors. Autant qu'on
peut comprendre son récit (page 45) , c'est à cette époque qu'on doit
rapporter le mariage qu'il contracta trop légèrement, dit-il. Voici la
traduction de ses paroles : « J'étais amoureux ; je me mariai par ob-
» stination , et je rendis malheureux moi-même et autrui, tourmenté
» par les ennuis de la vie domestique pour laquelle je ne possédais pas
» le nécessaire : c'est ainsi que je tombai dans la misère dont les effets
» tuent tant de milliers d'individus. »
Engagé comme directeur de musique au théâtre de Riga, Wagner se
rendit dans cette ville. Il y eut d'abord le projet de composer un opéra-
comique dont il tira le sujet des Mille et une Nuits, et en commença
l'exécution ; mais bientôt après, ses dégoûts de la vie de théâtre et sa
position malheureuse lui firent abandonner cette entreprise. Résolu à
sortir de cette situation et à se rendre à Paris pour y écrire un grand
opéra, il conçut le plan de son ouvrage intitulé Kienzi. Travaillant avec
ardeur, il acheva ce plan et écrivit les deux premiers actes. Ce fut alors
que, poussé par le désespoir, il rompit (dit-il) les rapports qui avaient
existé jusqu'à ce moment (?), et se mit en route directement de Riga
pour Paris, sans avoir de ressources suffisantes pour un si long voyage.
Le vaisseau sur lequel il s'était embarqué fut battu par la tempête et
jeté sur les côtes de la Norvège ; mais enfin l'artiste put aborder les ri-
vages de France. Peu de jours après il entrait à Paris, ne possédant
que l'ébauche d'un opéra et l'espoir d'un temps meilleur. « Je me
» fiais en la musique (dit-il), cette langue universelle, et je la croyais
» propre à remplir entre la vie parisienne et ma personne une lacune
» sur l'existence de laquelle mon sentiment intérieur ne pouvait pas
» me tromper (page 52). »
Le premier soin de Wagner fut de chercher des compatriotes qui
DE PARIS.
187
pussent l'aider à sorlir de sa position actuelle. M. Maurice Schlcsinger,
alors éditeur de musique et propriétaire de la Gazette musicale, fut
celui qui lui rendit les services les plus utiles, en le chargeant de tra-
vaux dont le salaire satisfaisait aux besoins les plus pressants. Puis, il
le mit en relation avec les artistes et littérateurs qui pouvaient l'aider
à se faire connaître et à réaliser ses espérances en lui-même. Souvent
même il essayait de le diriger par ses conseils. Tantôt il lui faisait com-
poser des romances sur des paroles françaises, afin que son nom pé-
nétrât dans les salons ; mais les formes insolites de ces mélodies, et les
difficultés dont elles étaient remplies, à cause de l'ignorance absolue
du compositeur dans l'art du chant, rebutèrent les chanteurs : pas un
d'eux ne voulut se hasarder parmi les écueils de cette musique aussi
étrangère aux habitudes de leur oreille qu'à celles de leur larynx. Plus
tard, Schlesinger obtint de la Société des concerts la promesse qu'on
essaierait une ouverture de son protégé, et qu'elle serait exécutée
si l'effet répondait à ce qu'il annonçait. Sur cette assurance, Wagner se
mit au travail, traça le plan d'une ouverture pour le Faust de Goethe,
qui ne devait être que le premier morceau d'une grande symphonie
sur le même sujet, et acheva rapidement cette œuvre, dont on fit une
répétition qui parut une longue énigme aux exécutants. Après cette
épreuve, il ne fut plus question du placement de l'ouverture dans le
programme d'un concert. Schlesinger et les autres amis de Wagner
avaient conçu le projet de lui faire écrire un opéra du genre mixte pour
le théâtre de la Renaissance. 11 avait écrit, autrefois, un livret de cette
espèce auquel il donnait le titre de la Défense de l'amour ; on en com-
mença une traduction française, et son arrangement fut confié à un
littérateur connu par ses succès au théâtre. Mais celui-ci déclara bientôt
que celle pièce n'avait aucune chance de réussite sur la scène fran-
çaise : il n'en fut plus question.
Par une disposition d'esprit qui peut paraître fort bizarre au pre-
mier aspect, mais qui n'est qu'une conséquence naturelle de l'organi-
sation de Wagner, il éprouvait peu de regrets de ces contre temps. Il s'en
rehaussait même à ses propres yeux ; car il considérait comme indigne
de lui de descendre des hauteurs auxquelles il aspirait pour les œuvres
frivoles qu'on l'engageait à faire. S'il se prêtait en apparence aux con-
seils de ses amis, c'était simplement dans le but de ne pas décourager
leur bonne volonté. Pour lui, il ne voulait arriver qu'à l'Opéra , au
grand Opéra, avec toute la puissance de son effet musical et les ma-
gnificences de son spectacle. La persuasion que là était sa place l'avait
seule conduit à Paris. Ce qu'il avait vu à l'Académie royale de musi-
que avait de beaucoup surpassé ce qu'il avait imaginé, et avait donné
plus d'énergie à son désir de se produire par une œuvre sérieuse sur
cette vaste scène. Il ne se dissimulait pas les difficultés qu'il devait
rencontrer pour la réalisation de ses vœux : « Je manquais absolument,
» dil-il, des qualités personnelles qu'il aurait fallu posséder. A peine
» avais-je appris assez de français pour me faire entendre ; cette lan-
» gue m'inspirait des dégoûts invincibles. Je ne me sentais aucune in-
» clination pour les manières françaises ; mais je me flattais d'imposer
» les miennes. » Dans les premiers temps de son séjour à Paris, lors-
qu'il assistait à une représentation de l'Opéra, ce qui du reste était
assez rare, il éprouvait une sorte de vertige causé par l'effet de la
musique; mais plus tard, il eut l'espoir, la certitude même, dit-il, qu'il
emporterait la palme sur ses rivaux lorsqu'un de ses ouvrages serait
représenté sur cette vaste scène.
Il y a loin de là à l'arrangement de la musique d'un vaudeville pour
un théâtre des boulevarts ; la misère obligea cependant l'auteur de
Tanhauser et de Lohenyrin à accepter cette humiliation ; mais il n'en
recueillit pas même le bénéfice, car il se trouva, je ne sais comment,
que cette musique ne put servir. Alors il ne resta plus à Wagner
qu'une ressource, offerte par Schlesinger, à savoir : d'arranger pour le
violon et pour le cornet à pistons la musique des opéras nouveaux.
Ses dents durent grincer en faisant ce travail. Le dégoût qu'il en éprou-
vait détermina plus tard le bienveillant propriétaire de la Gazette mu-
sicale à lui proposer d'écrire des morceaux de fantaisie pour ce jour-
nal; morceaux que traduisait de l'allemand en français une plume
exercée. Wagner réussit mieux dans cette entreprise que dans ce qu'il
avait fait précédemment à Paris. Deux nouvelles composées par lui se
font remarquer par l'intérêt du sujet et par l'originalité de la forme.
La première est le pèlerinage d'un jeune compositeur à Vienne, pour
y voir Beethoven ; l'autre, un musicien étranger qui veut se faire con-
naître à Paris, et qui meurt à la peine. Dans le premier de ces mor-
ceaux il avait pris ses sentiments pour sujet; dans le second, sa per-
sonne. Ces fantaisies furent lues avec intérêt.
Wagner, après deux ans de séjour à Paris, passés en tentatives in-
fructueuses, arriva enfin à la conviction que ses idées et les tendances
de son goût n'y pouvaient réussir. Dès lors une seule pensée le préoc-
cupa : retourner en Allemagne et y faire représenter sur un grand
théâtre, sur un théâtre aulique, suivant son expression, son Rienzi,
qu'il avait achevé, et lui semblait enfin la réalisation complète de l'i-
dée qu'il poursuivait depuis sa première jeunesse. Il avait aussi achevé
son poëme du Hollandais volant, et s'était mis en relation avec sa pa-
trie pour l'admission de ces ouvrages dans quelque capitale. La mau-
vaise fortune qui le poursuivait depuis longtemps vint à cesser tout à
coup. 11 reçut à peu d'intervalle des lettres de Dresde et de Berlin qui
l'informaient de l'admission de Rienzi au théâtre de la première de ces
villes, et du Hollandais volant dans l'autre. Cependant une difficulté
considérable l'arrêtait encore ; car pour s'éloigner de Paris et faire un
long voyage, alors que les chemins de fer n'existaient pas encore, il
fallait beaucoup d'argent, et Wagner n'en avait pas. Ce fut encore
Schlesinger qui vint à son secours, en lui confiant l'arrangement de
l'opéra d'Halévy, la Reine de Chypre, pour le piano. Quelle que fût la
répugnance du musicien-poëte pour des travaux de cette espèce, il ac-
cepta avec joie les propositions de l'éditeur, dans la vue d'une prompte
délivrance de l'esclavage où Paris le retenait. Partir, arriver, entendre
enfin ces ouvrages qui avaient été le rêve de sa vie, telle était alors sa
seule pensée; le reste n'était que le moyen.
Il paraît qu'alors une autre ressource plus prompte que celle d'un
long et fastidieux travail lui fut offerte par M. Léon Pillet, directeur de
l'Op'éra. Cet administrateur avait besoin d'un sujet d'opéra pour le
confier à M. Dietsch, son protégé. On lui avait parlé du Hollandais
volant, de Wagner ; une négociation fut engagée avec celui-ci pour
qu'il le cédât en échange de quelques centaines de francs , sous la
condition qu'il conserverait la propriété de son œuvre pour l'Allema-
gne, et que le titre serait changé à Paris. C'est ce même sujet qui,
traité par M. Paul Toucher sous le titre du Vaisseau fantôme, a été joué
à l'Opéra en 18Z(2, avec la musique de M. Dietsch.
Désormais donc Wagner était libre ; une ère nouvelle s'offrait à lui ;
le temps de l'humiliation était passé, celui du triomphe était venu.
C'est dans cette pensée consolante qu'il s'éloigna de Paris au commen-
cement de 18/|2, après trois années de séjour qui n'avaient été pour lu;
qu'une longue torture.
FÉTIS père.
(La suite au prochain numéro.)
M MENETRIER
ou
LE BOIS AUX LOUPS.
Si le récit que l'on va lire, et qui se rattache à la longue histoire des
effets curieux de la musique, n'était pas vrai de tout point; s'il n'exis-
tait pas à l'appui de son authenticité d'irrécusables témoignages, nous
n'aurions pas pris la peine de le transcrire. Il est des choses qu'on n'a
pas le droit d'inventer et qui n'ont d'autre mérite que celui d'être arri-
vées. Telle est celle que nous allons retracer, presque sous la dictée
d'un ami. C'est l'ami qui parle : nous avons tâché de conserver la
forme aussi fidèlement que le fond.
« L'été dernier je fus poursuivi par une idée fixe, celle de voyager ;
j'étais fatigué de la vie parisienne, des concerts, des soirées, et, pour-
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
quoi le tairais-je? de l'Opéra, bien que pour en arriver à cette satiété,
il ne m'eût fallu pas moins que six mois passés au milieu des cercles
les plus brillants , sous le feu des bougies et des lustres. Le 15 mai était
arrivé et se révélait dans toute sa splendeur; les arbres s'habillaient de
leur robe d'émeraude, les oiseaux à leur tour donnaient au promeneur
matinal leur concert sans programme. Chaque matin , fidèle à l'appel
de mes petits chanteurs emplumés, je me rendais à la grille des Tuile-
ries, où je prenais un billet de plaisir gratis ; pendant une heure j'écou-
tais le chant de mes chers virtuoses avec autant de plaisir qu'un homme
blasé sur des mets exquis éprouve de joie à goûter la mûre des haies !
Je regrettais parfois que la masse des choristes ne fût pas plus grande :
le rossignol, ce soprano des bois, faisait défaut à la charmante troupe,
et, dans le morceau d'ensemble qui s'exéculaitdu haut des marronniers,
il manquait une partie importante. Je fis la réflexion toute simple que
si je quittais les Tuileries pour les bois, les plaines ou les forêts, mon
dilettantisme trouverait d'autant plus de ressources !
» Or donc, un beau matin, j'allai prendre congé de quelques amis ,
qui , moins heureux que moi, ne pouvaient franchir les murs de Paris,
et je partis pour la|Touraine ! Rassurez-vous, ami lecteur, mon inten-
tion n'est pas de vous décrire les villes par lesquelles j'ai passé, ni de
vous mettre au cou le chapelet des grains de sable que j'ai foulés , en-
core moins de vous dessiner la Loire que je parcourais sur un de ces
bateaux empanachés de fumée. Non ! je préfère m'en rapporter à vos
souvenirs ou.... à votre curiosité. Si vous voulez bien me suivre, je
■vous mènerai droit à la modeste auberge qui se trouve au village
d'Herbot, à 16 kilomètres de Blois. En arrivant, mon premier coup
d'œil fut pour la cuisine, car, je ne sais si vous l'avez remarqué, les
voyages font de l'homme une femme de ménage très-entendue. J'allais
donc m'occuper du menu de mon souper, lorsque de joyeux chants et
le son aigre d'un violon firent trêve à ma méditation gastronomique.
J'ouvrais la bouche pour demander la cause d'une gaîté si bruyante ,
quand la porte de la grande salle, vivement poussée, me laissa voir une
jeune fille que depuis quelques heures le oui solennel, ce mot si court
duquel dépend le bonheur ouïe malheur de toute une longue existence,
venait de transformer en une charmante jeune femme. Elle était encore
parée de la couronne et du bouquet virginal. A cet aspect, je l'avoue (
je tremblai, non, comme vous pourriez le croire, de l'émotion que me
causait sa beauté ,. mais pour mon souper ! Que pouvais-je espérer, en
effet, dans une méchante auberge de village, venant après une noce ?
J'interrogeai la cuisinière avec l'anxiété d'un estomac vide , et la ré-
ponse que je redoutais me fut faite : il n'y avait plus rien !....
» J'en élaisp me demander si je me contenterais de quelques œufs
et d'un morceau de fromage de chèvre, lorsque la jeune mariée, qui
était sortie de la cuisine sans que j'y prisse garde, y revint tenant par
la main un beau garçon de vingt ans ; elle me le présenta du geste, et
s'avançant vers moi : Monsieur, me dit-elle, puisque nous avons épuisé
toutes les provisions de la maison et qu'on vous propose un si maigre
repas, mon'imari et moi, nous serions heureux et fiers si vous consen-
tiez à vous mettre à notre table et à partager notre dîner. L'invitation
des jeunes époux était faite si simplement et, par cela même, si cor-
dialement, que, sans plus de façon, j'offris le bras à la jolie mariée, et
tous trois [nous entrâmes dans la salle du banquet. On venait de se
mettre à table ; mais, chacun poussant son voisin, on parvint à me faire
une place vis-à-vis de la reine de la fête, entre le marié et un pelit
homme dont je vous parlerai avec détail, car c'est le héros de notre
histoire. Les convives, fort étonnés de mon intrusion soudaine, me re-
gardaient avec cette persistance qu'ont seuls les paysans et les enfants ;
autant que ma politesse naturelle me le permettait, je pris ma revanche
et j'examinai à mon tour. Mais qu'importe, après tout, que les convives
soient bruns ou blonds, jeunes ou vieux, beaux ou laids?
» Je reviens au voisin que le hasard m'avait choisi tout aussi bien, du
reste, que s'il eût consulté mon goût pour la place que je devais oc-
cuper. C'était un homme de quarante ans environ ; son teint était ba-
sané ; ses petits yeux noirs, très-enfoncés sous d'épais sourcils, étaient
d'une vivacité remarquable ; mais comme si la nature, malgré sa pré-
voyance, ne les eût pas dotés d'un refuge assez profond, sa paupière,
par un mouvement rapide, s'abaissait convulsivement sur le point vi-
suel, sans doute trop faible pour supporter longtemps de suite l'éclat
de la lumière ; ce qui lui donnait un air inquiet et presque hagard. 11
était assez sérieux, bien que son métier fût d'apporter avec lui le plaisir
et la joie: c'était le ménétrier du village, le complément obligé de toute
noce de campagne. A la boutonnière de son habit bleu étaient attachés
de grands rubans floUants, et ce symbole de gaité faisait un contraste
assez singulier avec l'ensemble un peu triste de sa personne ; bref, il y
avait en lui un cachet de bizarrerie qui commandait l'attention.
» En me plaçant près de lui, j'avais déjà remarqué que, par une mono-
manie incompréhensible, il ne se séparait pas, même à table, des insi-
gnes de sa profession; car, sous sa serviette, on distinguait parfaite-
ment la forme d'un violon, qu'il portait, ainsi que nos chanteurs am-
bulants, suspendu à son cou. Un. peu plus tard, j'eus encore lieu de
remarquer son originalité. J'étais, comme étranger, l'objet des atten-
tions du marié, et comme, dans toutes les campagnes, la meilleure ma-
nière de fêter un convive est de lui faire boire une bouteille de vin par
demi-heure , il résultait pour moi, du bon accueil dont j'étais gratifié,
que je subissais depuis le commencement du repas une véritable ques-
tion. En ce moment je n'aurais pas plus redouté la vue du fameux Tor-
quemada, que ce goulot de bouteille s'inclinant à chaque instant sur
mon verre ! Dans un accès de désespoir, je désarmai mon trop gracieux
persécuteur, et m'emparant de la bouteille, je me tournai du côté du
ménétrier, et ne voyant rien dans son verre, j'y versai quelques gout-
tes de vin. — Ne versez pas ! ne versez plus ! — s'écria-t-il d'une voix
de Stentor. Je levai la tête, étonné de ce cri d'alarme, et je le vis pâle
comme un mort et tremblant comme un peuplier sous le vent d'au-
tomne. — Un autre verre, reprit-il d'une voix étranglée; je veux boire
de l'eau ! ^Et comme s'il eût cherché une arme protectrice, je le vis
serrer son violon convulsivement; ses yeux étincelaient et toute sa
physionomie dénotait une anxiété si violente, que, vu la petite cause de
ce grand effet, je le crus fou.
» Cependant, au bout de quelques minutes, sa figure se détendit, sa
main abandonna le violon qu'elle tenait toujours, et rapprochant sa
chaise de la table, il se remit en devoir de manger, de même qu'un
homme réveillé par un cauchemar se retourne sur l'autre oreille et se
rendort. Ma curiosité était si vivement piquée que je ne songeai pas
même à témoigner à mon singulier voisin le regret que j'éprouvais de
l'effroi que je venais de lui causer ; mon regard étant apparemment
moins discret que majxniche; le marié s'aperçut du désir que j'avais
de posséder le mot de cette énigme, et s'adressant au ménétrier : —
Allons, Raboulot, bien que nous connaissions tous ton histoire, conte-
nous-la encore une fois de plus; ça expliquera à monsieur la grimace
que tu viens de lui faire, et ça l'aidera à te la pardonner. Est-ce dit,
mon vieux ? Tu boiras une carafe d'eau de plus si bon te semble ! —
C'est bien ! c'est^bien ! mauvais plaisant, dit-il en clignant des yeux
plus que jamais; si tu avais passé cette nuit-là dans ma compagnie...
Enfin, puisque vous le voulez, je vais vous conter ça. Et se tournant
vers moi, il commença ainsi :
» Un jour de l'automne dernier, j'étais de noce comme aujourd'hui ;
après le banquet oiyievait danser, et, ainsi que vous le savez déjà,
c'est moi qui fais sauter la jeunesse. J'étais grimpé sur un tonneau ; et
là, mon violon à la main, je m'égosillais à crier : « La queue du chat!
en avant deux ! balancez vos dames ! » tant et si bien que, ma foi, j'a-
vais la gorge comme une râpe! Je demandai un verre de vin pour me
radouber le gosier à neuf; et comme la noce était riche, au lieu d'un
verre on mit deux bouteilles sur mon tonneau. Petit à petit et sans
m'en apercevoir, je. les vidai; si bien qu'à deux heures du matin,
quand il fallut descendre de [mon piédestal pour retourner chez moi, je
trouvai que la maison dansait mieux que la mariée et que le chemin se
tortillait comme un vrai serpent. Sans m'en douter, au lieu de suivre
mon chemin ordinaire, j'entrai dans le bois aux Loups! Vous qui n'êtes
DE PARIS.
189
pas du pays, Monsieur, vous saurez que tout homme qui jouit de sa
raison ne se risque jamais après huit heures dû soir dans le bois aux
Loups ; car, voyez-vous, si nous l'avons appelé comme ça au lieu de
lui laisser son vrai nom du Guérinet, ce n'est pas pour faire plaisir aux
roi de Prusse !
» J'avais à peine marché dix minutes qu'une pierre dont je ne sus
pas me garer, me fit tomber. Malgré tous mes efforts, je ne pus par-
venir à me relever ; mes jambes refusaient de me porter plus loin, et,
prenant mon parti avec l'insouciance d'un homme ivre, je m'endormis
sur la mousse aussi délicieusement que si j'avais été dans la plume
jusqu'au nez. Je ne sais combien de temps mon sommeil avait duré,
lorsqu'il me sembla qu'on me retournait du dos sur le ventre, et du
ventre sur le dos ! J'allais me relever, lorsque je reçus en plein visage
une haleine chaude et humide qui me fit frissonner des pieds à la tête ;
elle était trop abondante pour être celle d'un homme, et je ne m'y
trompai pas : je venais d'être retourné comme un morceau de viande à
la broche par un énorme loup qui maintenant me flairait les yeux, les
oreilles, puis enfin tout le corps.
» En un instant je fus dégrisé; je retrouvai juste assez de raison
pour comprendre qu'au moindre mouvement que je tenterais, je serais
dévoré. Je ne sais si j'aurais pu crier, mais je ne l'essayai pas ; la frayeur
m'avait comme paralysé... Un instant je me crus délivré : je ne sentais
plus la respiration du loup se mêler à la mienne ; j'ouvris les yeux et je
reconnus mon erreur. Le terrible animal était à mes pieds, occupé à
pousser avec son nez toutes les feuilles sèches qu'il avait pu amasser,
et il commençait à m'enterrer ! D'abord ce furent mes bottes, puis mes
jambes, puis ma poitrine. A ce moment je refermai les yeux.... il arri-
vait à ma tête ! ! Combien de temps dura cet ensevelissement, je ne
saurais le dire, pas plus que je ne pourrais vous peindre mes angoisses.
Cependant, chose inouïe, depuis que j'étais face à face avec cette bête
cruelle, je n'avais reçu ni coup de dent, ni coup de patte! Quand sa
besogne fut finie et qu'il me trouva suffisamment enterré, je le vis à
travers les feuilles qui couvraient mon visage s'asseoir à côté de moi et
contempler son œuvre avec des yeux injectés de sang; sa gueule ou-
verte me laissait voir deux rangées de dents aiguës qui me semblaient
déjà faire craquer mes os sous leur pression !... Tout-à-coup il se leva:
je crus mon dernier moment venu et je recommandai mon âme à Diei •
mais au lieu de s'élancer sur moi, comme je m'y attendais, à mon
grand élonnement, il se retourna, resta immobile, ayant l'air de se
tracer un plan de conduite, me jeta un dernier regard, puis enfin prit
sa course vers la profondeur du bois en poussant des hurlements af-
freux. Il n'était pas à deux cents pas, que d'un bend j'avais secoué
mon linceul de feuilles, et je me croyais sauvé!
» Cependant je ne marchais que l'oreille tendue et cherchant à percer
l'obscurité, car à chaque pas je craignais de me précipiter dans la
gueule béante de mon ennemi ; j'entendais toujours ses hurlements plus
forts de moment en' moment, et il me semblait que d'autres y répon-
daient ! Je m'arrêtai un instant le cœur serré, le front baigné d'une
sueur froide semblable à celle qui précède la mort. Retenant ma respi-
ration, le cou tendu entre deux branches que je tenais écartées... j'é-
coutai ! Une voix plus aiguë se mêlait à celle que je connaissais déjà!
Je lâchai une de mes branches ; le découragement commençait à s'em-
parer de moi; je ne pouvais me dissimuler que le cri que je venais d'en-
tendre était celui de la louve! J'aurais donc, dorénavant, deux ennemis
à combattre au lieu d'un; du moins je le croyais ainsi, mais Dieu en
avait décidé autrement. A ces deux cris différents s'en mêlèrent
d'autres... Je laissai échapper ma seconde branche, et, comprenant que
si je faisais un pas de plus j'étais perdu, je montai dans le premier arbre
qui se trouva près de moi, sans prendre le temps de calculer sa gros-
seur et son élévation, résolu à ne le quitter qu'au jour, lorsque le soleil
aurait forcé les loups à regagner leur tannière.
» A peine avais-je gravi la moitié de l'arbre auquel je demandais pro-
tection, que je vis passer au-dessous de moi une bande de quatre
loups! Ils couraient et ne firent aucune attention à la place que j'occu-
pais. A quelques pas de là, le plus fort se détacha de la troupe et mar-
cha droit au lieu où j'avais été enterré, sans doute par ses soins.
Lorsqu'il s'aperçut que sa proie lui était enlevée, il devint furieux ; ses
pattes creusèrent la terre, et ses compagnons se mirent en devoir de
l'y aider. Vous jugez si je perdais un seul de leurs mouvements! Ce-
pendant, ne trouvant rien, ils se lassèrent de labourer, et se mettant à
humer l'air fortement, je vis les quatre museaux noirs se diriger vers
la cime d'un arbre. J'étais encore à une assez grande distance de la
bande, pourtant je frémis à l'idée d'être découvert par ces intelligences
féroces! Ils passèrent en revue tous les arbre? qui me séparaient
d'eux, suivant exactement le chemin que j'avais pris, s'arrêtant par-
fois, puis reprenant leurs course avec des grognements sourds qui me
faisaient dresser les cheveux sur la tête.
» Je ne comptais plus que trois arbres entre eux et moi ; bientôt je
n'en comptai plus que deux, plus qu'un.... toute la distance était fran-
chie !... Je ne respirais par, ma raison m'abandonnait de nouveau, mes
os craquaient par avance ! Les cris redoublés des loups m'annonçaient
que j'étais découvert. Aussitôt ils se dressèrent tous les quatre sur leurs
pattes de derrière, cernèrent l'arbre et me jetèrent ma sentence de
mort à la face! Puis, s'éloignant de quelques pas pourprendrede l'élan,
toute la bande se rua sur le jeune arbre que je tenais embrassé. A cha-
que bond, je sentais des secousses d'abord faibles, ensuite plus fortes et
enfin terribles ! Encore quelques minutes, et l'arbre déraciné allait me
livrer à mes bourreaux !!
» Dans un suprême effort, réunissant tout ce qui me restait de vi-
gueur, je m'élançai sur une branche plus élevée , dans l'espoir, bien
faible, il est vrai, de gagner un gros chêne, dont l'abri me promettait
un refuge certain. Au moment où j'allais tenter ma périlleuse enjambée,
une branche s'embarrassa dans mon violon que je portais suspendu à
mon cou, et lui fit rendre un son prolongé et discordant. Désolé du
retard que cet accident apportait à ma fuite, je tirai vigoureusement
l'instrument à moi, et de nouveau les quatre cordes résonnèrent. A
l'instant même les secousses cessèrent, l'arbre redevint immobile!
Croyant à un miracle, ne pouvant m'expliquer le'silence qui succédait
à cette lutle acharnée, je me penchai pour regarder au-dessous de moi ;
j'eus beau chercher, je ne vis plus que des terres amoncelées et des
racines éparses. Quant aux loups, ils avaient disparu. Mon violon m'a-
vait sauvé ! Je ne pouvais croire si vite à tant de bonheur ; cependant,
le cœur plein de confiance, passant du désespoir à la plus vive joie, je
pris mon cher violon à qui je devais tant, et, sans quitter mon poste
aérien, je me mis à jouer avec frénésie ! Au bout d'un quart d'heure,
je plongeai du regard dans la profondeur du bois : tout était calme !
» Alors je descendis malgré les craquements de l'arbre prêt à se
briser sous mon poids. Dès que je touchai terre, j'entamai le concert
que je m'étais promis de leur donner tout en marchant. Jamais je n'a-
vais tant maltraité le pauvre instrument qui venait de me sauver la vie ;
je sciais mes cordes de manière à me faire grincer des dents moi-
même. Enfin, j'arrivai à la lisière du bois, puis à la route, et le soleil
s'étant levé, je n'avais plus rien à craindre. Je rendis grâce à Dieu et
à mon violon ; de plus, je fis vœu de ne jamais approcher de mes lè-
vres une seule goutte de vin, et de ne jamais me séparer de mon sau-
veur à quelque heure du jour ou de la nuit que ce fût.
» Cette affreuse aventure est encore si présente à ma pensée, con-
tinua-t-il, que la vue de celte liqueur qui a manqué me coûter la vie
produit sur moi un effet dont je ne suis pas encore maître. J'espère,
Monsieur, dit Raboulot en s'adressant à moi, que, sachant mon histoire,
vous me pardonnerez la manière dont j'ai accueilli votre politesse.
» Je l'assurai qu'il était complètement excusé et que son récit avait
fait une vive impression sur moi. Allons ! allons! enfants, dit-il en se
levant de table, assez causé! Est-ce que nous ne dansons pas ce soir?
Et montant sur une chaise : En avant deux ! cria-t-il de toutes ses for-
ces. Je pris la main de la jolie mariée et je dansaila première contre-
danse avec elle ; après quoi, l'ayant, ainsi que son mari, remerciée de
sa gracieuse réception, je fis un signe amical d'adieu au ménétrier, et
190
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
j'allai me coucher, me promettant bien de visiter dès le lendemain le
bois aux Loups, mais... en plein jour! »
Lia MULDER.
ÏBAITÉ DE PRONONCIATION
Par SI. saOKDW (île Clagmj),
Professeur de lecture à haute voix et de déclamation lyrique au Conservatoire.
Nous ne connaissons pas d'ouvrage plus clair, plus simple, ni en
même temps plus complet que ce traité, qui résume en 80 pages in-4"
de longues années d'étude et d'expérience. Toutes ces pages sont
autant de tableaux parlant aux yeux comme à la pensée. L'auteur ren-
ferme en neuf leçons, suivies de conseils généraux, tous ses enseigne-
ments, tous ses exemples, en sorte que d'un coup d'oeil on peut em-
brasser la méthode entière et choisir la partie à laquelle on croit devoir
s'attacher. Les cinq premières leçons ont pour objet l'articulation des
voyelles et des consonnes : ceci s'adresse à tout le monde sans dis-
tinction ; mais les quatre leçons suivantes indiquent le moyen de corri-
ger les défauts qu'il est heureusement, rare de trouver réunis en la
même personne, savoir : mollesse d'articulation, blésement et zézaie-
ment, grasseyement, bégaiement, et c'est ici que le partage commence,
suivant les accidents de nature et les nécessités d'éducation.
Chaque fois qu'il s'agit de prononciation, de son mécanisme et de
ses règles, la scène du Bourgeois gentilhomme revient involontaire-
ment à la pensée. Nous faisons tous plus ou moins de la prose sans le
savoir, et ce qu'il y a de pis, nous en faisons au hasard, sans nous dou-
ter de la manière d'en bien faire. De même nous prononçons sans savoir
au juste comment il convient de prononcer. Voilà précisément ce que
M. Morin enseigne avec une précison méthodique et, pour ainsi dire ,
géométrique. Si le bon monsieur Jourdain revenait au monde, dans
quelle extase ne tomberait-il pas en contemplant le tableau des voyelles
(et M. Morin en admet 18 !) rangées dans un ordre de croissance et de
décroissance progressive, ordre qui a pour base le degré d'ouverture
que chaque voyelle exige de la bouche ! Le crescendo commence par
l'e fermé et continue 'jusqu'à l'an nasal ; le decrescendo part de l'e muet
et se termine par l'j ou l'y. C'est comme un son enflé et diminué dans
l'exercice vocal. En montant ou en descendant pas à pas avec attention,
avec soin, tous les échelons de cette gamme nouvelle, on est certain
d'arriver à une exécution parfaitement nette et régulière.
Le chapitre final des Conseils généraux n'a qu'une page et demie ;
mais cette page et demie en vaut dix pour le moins ; chacun y a son
lot : le Parisienne provincial, l'étranger. L'auteur indique aux habitants
du nord et du midi de la France, aux Hollandais, aux Belges, aux An-
glais, en quoi leur prononciation est fautive , et leur donne le moyen
de se corriger. Aux uns il prescrit l'exercice des voyelles ouvertes et
nasales, la leçon sur le grasseyement; aux autres, la progression crois-
sante et décroissante de la mâchoire , les boules de caoutchouc , géné-
ralement substitués aux cailloux de Démosthène.
Un traité, quelque bon qu'il soit , ne dispense pas des leçons d'un
maître, mais il les abrège considérablement, quand l'élève a de l'intel-
ligence et de la volonté. La prononciation étant le principe de l'art de
bien chanter, comme de celui de bien dire , principium et fons , la
clientèle que M. Morin s'est plus que jamais assurée par son traité doit
être innombrable, car de nos jours qui ne se croit appelé à devenir un
peu orateur ou un peu chanteur? Dans ce moment peut-être le chan-
teur a l'avantage ; mais nous avons vu le temps où l'on se piquait
d'être avant tout danseur : nous trouvons donc qu'il y a progrès.
P. S.
NOUVELLES.
%* Demain lundi à l'Opéra, la 19" représentation du Juif errant,
*„* Jusqu'à présent, aucun ouvrage nouveau n'avait été donné dix-sept
fois de suite. Le Juif errant a eu cet honneur, au grand profit de la di-
rection, puisque les dix-sept premières représentations ont produit une
moyenne de 9,000 fr. par soirée, soit un total de 153,000 fr. Lundi der-
nier, Roger nous faisait ses adieux pour deux mois, et la salle était com-
ble. Mercredi le spectacle avait changé, Lucie et Yert-Vcrt occupaient
l'affiche. Mais vendredi, le Juif errant est revenu pour la dix-huitième-
fois. Ghapuis succédait à Roger dans le rôle de Léon ; et s'il y avait chan-
gement de personne, à peine une différence se faisait-elle sentir dans
la recette. Chapuis s'est bien acquitté d'une tâche difficile; sa voix jeune
et vibrante a racheté ce qui lui manque en expression de physionomie
et en talent dramatique pour être un artiste complet. Massol, légère-
ment indisposé, n'en a pas moins chanté le rôle d'Ashvérus avec son
succès ordinaire. Mme Tedesco et Mlle Lagrua ont aussi mérité d'être
applaudies, comme elles le sont toujours. 11 est dans la destinée du Juif
errant de ne pas s'arrêter.
*.,* L'Alboni est partie pour l'Amérique ; elle s'est embarquée à Sou-
thampton le 26 du mois dernier.
*„* Galathèe, VIrato, les Voilures versées, iiadflon, la Perruche, ont
composé, avec le Cnrillonn-ur de Bruges, le répertoire de la semaine à
l'Opéra-Comique. Dans ce dernier ouvrage, Mme Meyer-Meillet a pris le
rôle de Béatrix, successivement chanté par Mlle Wertheimber et Mme Dar-
der. 11 paraît que dès l'origine ce rôle lui avait été promis : elle n'a donc
fait que rentrer dans sa propriété avec l'intelligence et le sentiment dra-
matique qui ne lui appartiennent pas moins incontestablement.
%* M. Eugène Scribe est de retour à Paris depuis quelques jours. Après
avoir passé tout l'hiver en Italie, il est revenu par l'Allemagne. De Vienne
il s'est rendu à Berlin, où il a visité Meyerbeer. Le 29 du mois dernier,
ces deux grandes illustrations théâtrales assistaient ensemble à une repré-
sentation des Huguenot'.
%* La cantate composée par Meyerbeer pour le 25e anniversaire du ma-
riage du prince Charles, frère de S. M. le roi de Prusse, a été exécutée le
26 mai dernier dans le palais du prince. L'auditoire no comptait que des
têtes couronnées : l'empereur et l'impératrice de Russie, le roi et la reine
de Prusse, le grand-duc de Wcimar et son fils, le grand duc-d'Oldenbourg
et son fils, la duchesse de Mecklembourg, les princes des Pays-Bas et les
princes royaux de Prusse. L'œuvre de l'illustre compositeur a été fort
goûtée, et le compositeur lui-même comblé d'hommages et de distinc-
tions par ses nobles auditeurs. Le texte de la cantate est de M. le docteur
Goltdammer, conseiller à la Cour royale de Berlin ; M. le professeur Hen-
feld l'a enrichie d'illustrations. Un exemplaire en peau vélin sera bientôt
présenté au prince et à la princesse de Prusse par les trois auteurs.
%* Liszt se trouvait aussi à Berlin. Il y prenait des arrangements pour
une grande fête musicale qui sera donnée sous sa direction à Ballenstedt,
le 28 et le 29 juin. A ce Festival, il y aura quinze cents exécutants de
tous les pays de l'Allemagne.
%* Les examens semestriels commencent demain lundi au Conserva-
toire de musique et do déclamation.
*„* Comme nous l'avons annoncé, M. Cokken est nommé professeur de
basson au Conservatoire, en remplacement de feu Willent.
*„* Le théâtre français de la Haye a fait sa clôture le 22 mai dernier,
et à partir du premier de ce mois, il n'y a plus rien, ni opéra, ni comé-
die, ni vaudeville. C'est un deuil général parmi les artistes que la suppres-
sion de ce théâtre placé sous la haute protection du roi lui-même, et au-
quel ce prince, ami des arts, avait donné tant de marques d'affection.
Naguère encore, rien ne faisait pressentir une détermination de ce genre.
Au milieu de l'incertitude générale des entreprises dramatiques, le théâtre
delà Haye était une oasis réservée au talent, une espèce de terre pro-
mise, où les artistes rencontraient ce qu'il y a de plus rare, la sécurité
dans le bonheur. Nous ne sommes que leur interprète, en exprimant le
vœu d'un prochain retour de la faveur royale, qui les soutenait avec tant
de bienveillance, et qui en recueillait tant d'éclat!
*„* Vivier ne fait rien comme un autre. Tandis que le célèbre artiste
était attendu à Londres, et réclamé comme un des plaisirs obligés de la
saison, il se décidait à partir pour Constantinople, où son talent extraor-
dinaire ne peut manquer de produire tout son effet. Du reste, son excur- ■
sion ne sera pas de longue durée. Vivier se rend par terre dans la ville
des sultans, mais il en reviendra par mer, et s'il s'arrête en chemin, ce
ne sera que pour étonner en passant quelque ville d'Italie.
%* Emile Prudent vient de donner son second concert à Londres :
l'effet en a été extraordinaire. Sur les quatre morceaux qu'il a joués, on
en a bissé trois. La Villanelle obtient un succès merveilleux. Appelé par
la reine mardi dernier, Prudent a joué devant Sa Majesté deux morceaux:
la Somnambule et le Réveil des Fées. La reine a voulu entendre une se-
conde fois ce dernier morceau, et s'est placée à côté du pianiste, ainsi
que le prince Albert et la duchesse de Kent, pour observer sa manière de
jouer. Le troisième concert d'Emile Prudent aura lieu le 21 de ce mois.
%* Dans le concert dont nous venons de parler, on a vivement applaudi
et bissé un charmant morceau de Panofka intitulé la Fe^ta et chanté par
Mme E. Garcia.
%* Léopold de Meyer a dû donner un concert, jeudi 3 juin, à Mar-
seille, dans la salle du Cercle musical, avec les deux jeunes violonistes
Virginia et Carolina Ferai, dont nous avons parlé dernièrement.
%• On ne peut pas dire à M. Dietsch, à propos de ses œuvres de mu-
sique religieuse : Quand nous serons à dix, nous ferons une croix, car il
a fait exécuter sa douzième messe en l'église de la Madeleine, le dimanche
de la Pentecôte ; et ce dernier ouvrage, d'un très-bon style sacré, ne
prouve pas qu'il en fasse à la douzaine, bien que celui-ci ait atteint ce
nombre. Sans luxe d'instrumentation et accompagnée seulement du petit
orgue du chœur, cette messe est simple et d'un bon sentiment mélodique.
DE PARIS.
191
Xe Kyrie, bâti sur lu plain-chant, est large et grandiose. Le Cralo offre do
très-belles parties, un duo, entr'autres, dit par une voix de basse et un
enfant de chœur, et accompagné délicieusement par l'auteur, a produit
autant d'effet religieux et mémo dramatique qu'on on peut obtenir à l'é-
glise. Une fugue en style large, et rappelant la manière de Lesueur, a dû
contenter les auditeurs les plus difficiles, et leur prouver que M. Dietscli
sait écrire (Tune manière sévère et traditionnelle. WAgnus Dei est tout
empreint de grâce et de suavité. Tout cela s'est fait a l'a satisfaction des
fidèles, et au moyen d'un ténor, d'une basse, d'un enfant de chœur doué
d'une fort belle voix, et d'une trentaine de choristes intelligents qui ont
dû faire passer une douce matinée à l'auteur ainsi qu'aux amateurs de
bonne musique religieuse.
*„* Mathieu, le jeune et brillant ténor, qui, au sortir du Conservatoire,
était antre à l'Opéra, et de là au théâtre de Marseille, vient de passer une
année en Italie pour s'y perfectionner, en prenant des leçons du célèbre
Lamperti. Il est désormais rendu a la scène française, qui profitera de son
talent.
*„* M. Stroeken, l'habile pianiste, vient de partir pour la Hollande, où il
restera six mois.
*„* Eu reparaissant dernièrement sur le grand théâtre de Bruxelles ,
après une longue absence, Mme DulloUMaillard y a rapporté un talent
musical et dramatique tout à fait supérieur, fortifié par l'expérience, et
toujours dirigé par le goût. Son succès a été complet dans tous les grands
rôles où elle, s'est montrée.
V Nous signalons a l'attention de nos lecteurs un nouveau et excel-
lent morceau de Charles Voss, intitulé : Rossini et Rellini, grande scène
chantante sur des thèmes du Stabat Mater et de Nurma. Ce morceau de
concert , d'un genre large et grandiose, est dédié à Mlle Graever, qui
l'exécute avec infiniment de grâce.
%* M. Gustave Oppelt, autour des paroles françaises de l'opéra mis en
musique par S. A. R. le due régnant de Saxe-Cobourg-Gotha, a reçu de
son noble collaborateur la croix de chevalier de l'ordre du Mérite de Saxe.
"y* Dimanche dernier , jour de la Pentecôte, M. Masson, maître de
chapelle de Saint-lîoch, a fait exécuter dans cette église la deuxième messe
d'Haydn et le Saluiaris de Lesueur.- On ne peut que le féliciter sur la
manière dont ces deux belles œuvres ont été rendues ainsi que sur l'en-
semble qu'on remarque ordinairement dans les solennités musicales d'une
église qui compte toujours pour auxiliaire la belle voix d'Alexis Dupond.
*„,* Une petite fête artistique vient d'avoir lieu tout récemment à Stras-
bourg; les circonstances tout à fait méritoires qui l'ont entourée nous
font un devoir de donner la publicité qu'elle mérite. Une société d'ama-
teurs dramatiques, tous enfants de la ville, ont monté la pièce d'Arnold
intitulée le Pfingstmontag, comédie qui retrace avec la plus grande fidé-
lité le costume, le langage et les habitudes de la population strasbour-
geoise à la fin du xvmc siècle. Cette représentation, où l'on pu remar-
quer des talents vraiment distingués, était donnée par cette société au bé-
néfice de la caisse de secours de l'Association des artistes-musiciens. Le
comité correspondant de cette ville avait offert, par une gracieuse réci-
procité, le concours des talents des sociétaires dont il se compose pour
former l'orchestre de cet intéressant spectacle. On ne peut donner trop
d'éloges a cet échange de procédés délicats entre deux sociétés étrangères
l'une à l'autre, mais que rapprochaient en cette occasion une noble sym-
patgie et un commun dévouement pour la cause sacrée du malheur.
*„* Nous avons sous les yeux le programme d'un concert donné à Lon-
dres, le 2Zi mai dernier, au théâtre du Lycée, par M. Allcroft. Ce menu,
dans lequel brillaient les noms de MmePleyel, Sivori, Lablache, Bottesini,
Jetty de Treffz, accompagnés de douze ou quinze autres pour le moins, se
composait de deux parties, dont la première contenait vingt-trois morceaux
et la seconde vingt. Entre les deux parties, la prière de Moïse, de Rossini,
était exécutée, avec chœurs, orgue à percussion et huit harpes. La matinée
(car c'était une matinée) devait, selon le programme, commencer à une
heure précise et finir â quatre heures et demie. Seulement, vu sa lon-
gueur inévitable et la nécessité de finir à l'heure dite, M. Allcroft sup-
pliait le public do ne se permettre aucun bis! N'est-ce pas une chose ori-
ginale de défendre les bis par voie de programme?
*„,* M. Emile Solié nous adresse une réclamation que nous accueillons
avec grand plaisir. Sur la foi d'une correspondance de Constantinople,
nous disions dans un de nos derniers numéros que M. Emile Solié avait
encouru une condamnation correctionnelle. Mais il y a condamnation et
condamnation : celle qu'a subie notre ex-confrère avait pour cause un
soufflet par lui appliqué sur une joue quelconque et ne s'élevait qu'à I G fr.
d'amende ! De plus, M. Emile Solié ne s'est nullement voué à la profes-
sion de chanteur comique; il ne s'est essayé que trois fois en ce genre et
dans un salon où l'on n'était admis que sur invitation personnelle.
CRON1QUE DÉPARTEMENTALE.
*„* Marseille. — La dernière représentation du Proplicle a été pour
Mlle Heinefetter l'occasion d'un magnifique triomphe; bouquets, rappel,
applaudissements enthousiastes, rien n'a manqué au succès de l'émi-
nente artiste qui nous a fait ses adieux dans le beau rôle de Fidès. Son
départ laisse de vifs regrets chez nos dilettantes et rend bien difficile la
tâche de la cantatrice qui sera destinée à lui succéder.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
'in. — A l'occasion du séjour de l'empereur et de l'impératrice
le théâtre royal a donné le Prophète et Olympie.
%* Berlin.
de Russie,
*t* Vienne. — Le théâtre de la cour a donné deux nouveautés dans le
courant de la semaine : un ballet de Perrot, Odette, et Don Juan, avec le
texte italien. Les honneurs de la soirée ont été partagés entre Mme Me-
dori (donna Anna), et Mlle Marray (Zerline). M. Frédéric fticcio, qui se
trouve en ce moment à Vienne pour diriger les répétitions de l'opéra II
Maritb e l'Amante, qu'il a écrit pour le théâtre de la cour, a reçu de l'em-
pereur du Brésil la croix de chevalier de l'ordre de la Rose. — M. Chotek,
pianiste connu par ses compositions pour le piano , vient de mourir dans
cette ville.
*„* Ballenstedt. — La salle de concert pour le grand festival qui aura
lieu ici vers la tin de juin, pourra contenir 3,000 personnes. Parmi les
morceaux indiqués par le programme, nous avons remarqué le duo des
Huguenots, de Meyerbeer; la 9"' symphonie de Beethoven; Harold, de
Berlioz; l'ouverture de Struensée, de Meyerbeer, et la Nuit de Walpurgis,
de Mendelssohn.
%* Munich. — Mme Sontag a commencé ses représentations au Théâ-
tre-Royal par le rôle d'Aminé dans la Somnambule. — Le 15 mai, est mort
ici le musicien de la cour, M. Stahl, à l'âge de 57 ans.
*i* Hambourg. — Fanny Elssler vient de se marier; elle a épousé le
docteur Ilahn, dont, toutefois, elle ne portera pas le nom. La célèbre
danseuse a stipulé dans le contrat de mariage qu'elle continuerait à s'ap-
peler Elssler.
\* Râle. — Le grand festival fédéral aura lieu ici le 11 et le 12 juillet.
Le premier jour, concours pour les diverses sociétés de chant; le lende-
main, concert où l'on entendra entre autres le célèbre motet de Klein :
la Pésurrection, et un chant de fête de Mendelssohn.
*„* New-York. — Mme Otto Goldschmidt (Jenny Lind) donnera ses
trois derniers concerts les 18, 21 et 2& mai, et s'embarquera, le 29, sur
le vapeur i'Allantic, le même qui l'avait conduite d'Europe aux Etats-
Unis.
Le gérant : Ernest DESCHAMPS.
MUSIQUE NOUVELLE par H. HERZ.
Op. 166. Marche nationale mexicaine, composée à Mexico.
Op. 165. Tarentelle nouvelle et brillante.
Op. 171. La Tapada, polka caractéristique du Pérou, composée à Lima,
avec un lithographie.
Op. 168. L'écume de mer, valse brillante.
Op. 167. La californienne, polka composée à San-Francisco.
A Paris, chez les marchands de musique, et 48 rue de la Victoire.
EST TEXTE CHEZ BRAIVD1TS ET Cc, EDITK1JR§,
RUE RICHELIEU, 103,
OEuvres de
Blffl
Solfège avec accompagnement de basse chiffrée 42
Solfège à changement de clefs 36
messe tic RequSciu à h parties en chœur avec accompagne-
ment d'orchestre, en partition 60
Messe «le Requiem pour voix d'hommes avec accompagne-
ment d'orchestre, en partition 62
Messe solennelle à h parties avec accompagnement d'orches-
tre, en partition 90
Messe «lu «acre à 3 parties avec accompagnement d'orches-
tre, en partition. (Les parties séparées de chant sont gravées aussi.). . . 75
Messe solennelle à h et 5 parties avec accompagnement d'or-
chestre, en partition 75
FiinîKlïiB, opéra en 3 actes avec paroles italiennes, en grande
partition 250
Cours «le contrepoint el fugue net 30
a.odoBsKu, partition in-8°, pour piano et chant net 8
I<es Deux «fournées, partition in-8", pour piano et chant, net 8
Mnrclies «l'narmonie, pratiquées dans la composition, adop-
tées pour l'enseignement dans les classes du Conservatoire, net 45
Ouverture de E>o«loïska à grand orchestre net 15
19-2
REVUE ET GAZETTE MUSICALE DE PARIS.
EN VENTE
EDITEURS,
ISiac l$icliel£eu9 sa" fi ©S.
ETUDES.
C. V. de Bériot fils. Op. 1 Etude-caprice,
en ré 9
Czerny. Op. 817. Le Jeune élève, 80 mor-
ceaux faciles et progressifs, suivis
d'Etudes journalières dans tous les
tons, 2 suites, chaque ...... 9
— Op. 819. La Mélodie, 28 études mélo-
diques et harmoniques, 3 suites,
chaque 9
— Op. 8'0. 90 nouvelles études journa-
lières pour perfectionner l'agilité
des doigts 12
FANTAISIES ET AIRS VARIES.
A. Adam. Ouverture de la Poupée de Nu-
remberg, avec accompagnement de
violon ou flûte, arrang'e par Cro-
haré 6 »
— Oaverture du Farfadet , avec accom-
pagnement de violon ou flûte, ar-
rangée par de Gawa'"dé 6 »
— Ouverture du Toréador 5 »
Anber. Ouverture d?. Zerline , avec accom-
pagnement de violon ouflû'e, par
H. Potier 6 »
F. Eurjjmiiller. Grande valse brillante sur
la Poupée de Nuremberg .... 5 »
— Rondo villageois sur le Farfadet. . . 5 »
■ — Grande valse sur le Juif errant ... 5 •>
O. l'omettant. Op. 56. Fantaisie brillante
sur l'Enfant prodigue. 6 »
— Op. 57. Fantaisie caprice sur Zerline 6 »
Darbovill<-. Le Moine, Caprice-Etude. —
Etude romantique G »
De Vos. Op. 12. Rêverie du soir 6 50
Dœliler. Op. 74. Veder Napoli e poi morir,
fantaisie sur des chansons napoli-
taines 7 50
Dolmetsrh. Op. 16. Marche du sacre du
Prophète 6 »
DreysclincU. Op. 40 et 66. Deux rapsodies
en deux suites, chaque 5 »
«I. B. Dnvernoj. Op. 108. Deux fantaisies
faciles sur Zerline, deux suites,
chaque 5 »
— Op. 206. Fantaisie sur le Farfadet. . 5 »
C. Fradel. Mazurka sur le chant national
des Croates tx 50
I>. P. «ervilîe. Op. 5. Sallarelle 5 »
— Op. 6. Trois mazurkas 5 »
— Op. 7. Deuxième nocturne 6 50
A. lie Carpentier. 127e, 1" bagatelle sur
Zerline 5 »
— 128", 2e bagatelle sur Zerline .... 5 »
— 132e bagatelle sur la Poupée de Nu-
remberg 5 »
— 133e bagatelle sur le Fa> fadel . ... 5 »
— 136° bagatelle sur le Toréador .... 5 »
— Deux bagatelles sur le Juif errant, ch. 5 »
F. Liszt. Cujus animam. Air du Stabal de
Rossini, transcrit pour piano ... 5 »
■ — ■ La Charité, chœur de Rossini trans-
crit pour piano 5 »
Ci. Mathlae. Op. 13. Première valse de con-
cert 7 50
— Op. 14. Noce villageoise, morceau de
genre 9 »
IBciidelssolin-Sïairtliolily. Gondoline . . 3 »
IL. de Meyer. Op. 69. Souvenir d'Italie ,
grande fantaisie 9 »
— Op. 71. Grande fantaisie sur le Pro-
phète 10 •
16. SSuïoler. Op. 23. Caprice guerrier sur le
Juif errant "50
— Op. 24. Andan'e de concert sur une
romance du Juif errant 0 »
01. Potâer. Huit airs de ballet de Zerline :
1. La Valse 5 »
2. La Styrienne 5 »
3. Les Muses et les Grâces .... 5 »
4. Pas chinois 3 »
5. La Sentimentale et l'Enjouée. . 5 »
6. Le Bal d'enfants 5 «
7. Quadrille des fous 5 »
8. Le Carnaval de Palerme .... 3 »
— Sept airs de ballet et une marche sur
le Juif errant :
1. Pas des Esclaves 4 50
2. Pas des Voiles 4 50
3. Le Bourdonnement 6 50
4. Le berger Aristée 4 50
5. La Ronde 4 50
6. La reine des Abeilles 4 50
7. La Ruche 4 50
Marche triomphale 2 50
F. Prndent. Op. 37. Grande fantaisie sur
Guillaume Tell 9 »
— Op. 38. Air de Grâce, de Robert le
Viab'e 9 »
— Op. 39. Les Champs, fantaisie .... 9 »
£3. ISos'.-llcn. Op 127. Fantaisie brillante
sur la Tempcsla 7 50
— Miranda, valse brillante sur la Tem-
pesla 4 50
— Op. 128. Fantaisiebrillantesur Zerline 9 »
— Op. 132. Ballade 5 »
— Op. 133. Fantaisie sur îo Poupée de
Nuremberg 7 50
A. TTalexy Op. 2t. Fantaisie brillante sur
le Toréador 6 »
— Op. 33. Fantaisie brillante sur la. Dame
de Pique 7 50
C! Voss. Op. 114. Les larmes de Madeleine,
méditation 4 50
— Op. 117. L'Assaut, grand galop mili-
taire 5 h
— Op. 118. N" 1. Chant bohémien varié. 5 »
2. LaMêlancoliedePrume,
variée 5 »
— Op. 124. Grande fantaisie sur la Fa-
vorite 7 50
— Op. 127. Rossini et Bellini, grande
scène chantante sur Norma et le
Stabal 7 50
— Op. 120. Mon Etoile, grand nocturne . 7 50
— Op. 134. Barcarolle û'Oberon .... 5 »
■ — Op.l36.Lai\TapoIitaine, polka-tarentelle 5 »
— Op. 137. N" 1. Fantaisie élégante sur
la Poupée de Nuremberg ... 5 »
N" 2. Fantaisie élégante sur le Far-
fadet 5 »
— Op. 138. Grande fantaisie de concert
sur Don Juan 7 50
— Op. 139. Grande fantaisie dramatique
sur ie, Juif, errant 9 »
FANTAISIES ET MORCEAUX
A QUATRE MAINS.
Anber. Ouverture de Zerline arrangée par
Fessy 9 »
Adam. Ouvert, de la Poupée de Nurember g 6 »
— Ouverture du Farfadet 6 »
A. Croisez. Fantaisie sur Zerline 6 »
SE. Decon réelle. Op. 29. Fantaisie sur
Zerline 9 »
— Ouveture des Diamants de la Cou-
ronne, arrangée à 8 mains .... 12 »
F. IlaléTy. Ouverture du Juif errant ar-
rangée à 4 mains par Henri Potier 7 50
Hïendelssolni-Bartlioldy. Ouvert. à'Elie 5 »
H. Bosellen. Ouverture de Guillaume Tell,
nouvellement arrangée à 4 mains. . 10 &
SIX MORCEAUX CARACTÉRISTIQUES POUR LE PIANO
Op. 21.
N° 1. lues Primevères (Retour du printemps) 6 » t N° 4. Homarin (Deuil) 6 »
2. lia Violette (Modestie) 4 » 5. Bia Pensée (Souvenir) 5 »
3. lia Rose (Amour) 5 » I 6. Héliotrope (Enivrement) 6 ■
PARIS. — IHPIUMERIE CENTRALE DE NAPOLÉON C1IAIX ET C" RUE BEilCÈRE, 20.
BUREAUX A PARIS : BOULEVART DES ITALIENS, 1.
10e Aimée.
N» 24.
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Madrid. Union ortistico-musiculc.
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■Jcrllu. Selilesinger. 34, u.d. I.in.len.
— Dote et Bock, -12, Jacgerstr.
Iilslionnc, Sassctli.
13 Juin 1852.
Prix de rAbouueiuent t
Puris, un un 21 fr.
D>:-ji(jrlemcnts, Belgique et Suisse 30
Le Journal parait le Dimanche».
GAZETTE MUSICALE
9i p&ris,
-^wvw^KeJwvvv^-
SOMMAIRE. — Richard Wagner (2e article), par Féti» père. — Société libre des
Beaux-Arts, matinées de M. Gouffé, etc., par Uenrï Klaiivliaril. — Un
trait de Martini (Il Tedesco), par Paul Mniith. — Correspondance, Bruxelles.
— Nouvelles et annonces.
BICHABD WAGNER.
Sa vie. — Son système de rénovation de l'opéra. — Ses œuvres comme
poète et comme musicien. — Son parti en Allemagne. — Apprécia-
tion de la valeur de ses idées.
(Deuxième article.) (1).
Au moment où Richard Wagner s'éloignait de Paris, son esprit était
préoccupé" d'un nouvel ouvrage dans lequel, ses tendances continuant
à se caractériser, il se proposait de rompre d'une manière absolue avec
les formes du drame musical de l'époque actuelle, et de placer l'art
sous des conditions différentes. Le sujet de cet ouvrage lui avait été
indiqué par la légende populaire et par la chanson de Tannhauser. Ce
Tannhauser, d'une famille noble de Franconie, était un de ces trouvères
allemands qui brillèrent dans les xnc et xmc siècles sous le nom de
Minnesingers, qu'on traduit précisément par ceux de troubadours ou
de trouvères, mais qui, littéralement, signifie chanteurs amoureux,
parce que le sujet de leurs poésies chantées était souvent l'amour.
Tannhauser était bon chevalier, suivant la vieille chanson populaire
allemande :
Der Tannhauser war ein Ritter gut.
11 cultivait avec un égal succès la poésie, la musique, et fut un digne
rival de Wolfram d'Eschenbach, de Walther von der Vogehveide, de
Rodolphe de Rotenbourg, d'Ulric de Lichtenstein, en un mot, des plus
célèbres, si nous en jugeons par les seize chansons et ballades qui
nous sont parvenues sous son nom. En 1207, Tannhausser, ou ïhan-
hauser, ou enfin Tanhiiser, reçut, comme tous les poètes chanteurs de
l'Allemagne, une invitation du landgrave de Thuringe pour prendre
part au mémorable tournoi poétique ouvert par le prince à son château
de Warlbourg, près d'Eisenach. Point ne manqua au rendez-vous le
Minnesinger. C'est ici que commence le sujet de l'opéra de Wagner.
Il paraît que le bon chevalier avait trouvé en son chemin un des rares
manuscrits qui nous ont fait connaître les métamorphoses d'Ovide, et
qu'il s'était épris d'une véritable passion pour les allégories du paga-
nisme, particulièrement pour les galanteries de Vénus. Ce sujet fut ce-
lui qu'il choisit pour son poëme improvisé. Il chanta avec enthousiasme
les délices qu'on goûte dans un lieu mystérieux nommé le Venusberg.
Je ne vous traduirai pas ce mot, cher lecteur, parce que vous êtes de
cette race de plaisants qui rient de tout. Vous ne manqueriez pas de
gloser sur l'étymologie et de débiter des quolibets qui ne vont pas à
(1) Voir le n° 23.
mon sujet pris au sérieux. J'aime mieux vous dire qu'un cri d'indigna-
tion s'échappa de toutes les bouches lorsqu'on entendit faire l'éloge de
l'amour sensuel, au lieu de cet amour si pur, si platonique, dont étaient
épris la plupart des minnesingers pour des beautés qui n'existaient que
dans leur imagination. Déclaré indigne du prix, Tannhauser s'éloigna
le cœur ulcéré. Cependant, le remords finit par y pénétrer, et Tann-
hauser se rendit à Rome pour y confesser ses fautes, dont il espérait
l'absolution ; mais elle lui fut refusée. Désespéré, furieux, et n'espérant
de joie que dans ce qui avait causé sa perte, le poëte voua de nouveau
son culte à la fausse divinité qui l'avait égaré. Il mourut dans l'impé-
nitence finale et tomba au pouvoir du démon. Telle est la légende
transmise d'âge en âge par un chant populaire que répètent encore à
la veillée les paisibles habitants de la Thuringe.
Tieck a fait sur ce sujet un poëme dont Wagner parle avec peu d'es-
time : « Sa tendance mystico-coquette , catholico frivole , dit-il, ne
» m'avait inspiré aucune sympathie » La chanson populaire et la lé-
gende lui tombèrent sous la main à Paris ; c'est alors seulement qu'il
conçut le projet de faire de cette tradition le sujet d'un drame musical
dans lequel il réaliserait ses vues finales concernant l'opéra. Se diri-
geant vers Dresde , où l'attendait la mise en scène de son Rienzi , il
suivit la vallée de la Thuringe et passa près du château de Wartbourg,
dont l'aspect donna plus de force au projet qu'il avait conçu. Dès ce
moment, il élabora le sujet de Tannhauser, et caressa son imagination
de l'espoir d'un beau succès. Son retour en Allemagne était alors la
direction de tout son avenir, comme l'avait été, trois ans auparavant,
son arrivée à Paris. « Je foulais de nouveau, dit-il, le sol de ma patrie
» avec une joie patriotique et chaleureuse ; et maintenant j'en suis
» éloigné comme proscrit et comme réfugié politique. »
Arrivé dans la capitale de la Saxe, Wagner eut à s'occuper des répé-
titions de Rienzi ; il y trouva une satisfaction qu'il n'avait pas encore
goûtée dans l'intérêt que les chanteurs accordèrent à son ouvrage, dans
le zèle dont ils firent preuve pendant leurs études, et dans les éloges
qu'ils lui décernaient. Enfin arriva le jour de la représentation, qui fut
aussi celui du triomphe de l'artiste : le succès de l'opéra fut complet.
Le public comprit-il ce qu'il applaudissait? Cela est au moins douteux r
quoique les formes de la musique de Rienzi soient moins étrangères
aux habitudes acquises que celles des autres ouvrages de Wagner (je
dirai dans un autre article les circonstances dans lesquelles j'ai pris
connaissance des partitions de ces opéras , et comment j'en ai étudié
la contexture) ; mais beaucoup de personnes m'ont avoué à Dresde
qu'il y avait eu pour elles un premier mouvement d'entraînement causé
par l'étrangeté des déterminations de la pensée ; étrar.geté qui leur
avait paru annoncer un génie créateur destiné à diriger l'art dans des
voies nouvelles. Plus tard , il y eut contre ce succès une cruelle réac-
19 i
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
tion. Mais n'anticipons pas; laissons Wagner se plonger dans l'enivre-
ment du bonheur que dut lui apporter le résultat de tant d'efforts et de
persévérance. Ce résultat, le seul que son imagination d'artiste avait
rêvé, eut, peu de jours après, des conséquences qu'il n'avait pas pré-
vues et qui achevèrent la transformation de son existence , car le roi
de Saxe le nomma son maître de chapelle et lui accorda un traitement
considérable. '« Eh quoi , dit-il , moi , naguère isolé, abandonné, sans
» feu ni ]ieu,"]e' me trouvais tout-à-coup aimé , admiré , contemplé
» même avec étonnement ! Déplus, par l'effet de ce succès, je trouvais
» une base solide et durable du bien-être de mon existence dans ma
» nomination aussi inattendue que surprenante de maître de la chapelle
» royale de Saxe ! N'était-il pas naturel que je m'abandonnasse à de
» douces illusions, destinées pourtant à être dissipées par un doulou-
» reux réveil ? »
Tout le monde comprendra le sentiment exprimé clans ces phrases ;
mais il est difficile d'accorder une raison bien saine à celui qui , après
cette explosion conforme à la nature humaine, nous apprend qu'il eut
une grande répugnance à accepter la position que la bonté du roi ve-
nait de lui accorder. 11 y a sur cela deux pages d'incroyables divaga-
tions dans les Communications de M. Wagner à ses amis (pages 75 et
76). Quel que soit l'immense orgueil dans lequel se résume toute la
personnalité de cet artiste, et dont les Communications à ses amis sont
un monument si curieux , on a peine à se persuader la réalité de ses
hésitations. Pour moi, je considère ces pages comme une préparation
à des explications difficiles qui doivent venir plus loin sur certaines
circonstances dans lesquelles l'auteur s'est trouvé. Quoi qu'il en soit ,
les amis auxquels il confia ses scrupules, dit-il, ne les comprirent pas.
Plus sensés que lui , ils écartèrent ses objections et le décidèrent à
accepter l'humiliation d'être heureux.
Le succès de Rienzi avait décidé la direction du théâtre de la cour
de Dresde à mettre en scène le Vaisseau fantastique, que Wagner ap-
pelle le Hollandais volant (der Fliegende Hollander). L'ouvrage fut mis
immédiatement à l'étude, bien que la composition du personnel chan-
tant ne fût pas pour cet ouvrage ce que l'auteur aurait désiré. Le ténor
chargé du rôle principal était, suivant lui , absolument insuffisant. Soit
par cette cause, soit par toute autre, cette œuvre, à laquelle Wagner
accordait ses prédilections, eut une chute complète le 2 janvier 1843.
Je n'ai pas besoin de dire que l'auteur ne voit dans cette chute qu'un
défaut d'intelligence de la part du public. Cependant ses amis les plus
intimes n'essayèrent même pas de défendre son ouvrage ; ils crurent
lui rendre un service plus utile en effaçant ie souvenir de cette défaite
par une reprise brillante de Rienzi. On se souvient que les arrange-
ments avaient été faits par Wagner avec le théâtre royal de Berlin pour
la représentation de ce même opéra du Hollandais volant ; mais, après
la chute de cet ouvrage au théâtre de Dresde, Wagner avait peu d'es-
poir qu'on voulût encore le mettre en scène dans la capitale de la
Prusse : cependant il y fut représenté deux fois au commencement de
1844. L'exécution en fut satisfaisante ; néanmoins l'ouvrage ne put se
soutenir au répertoire, bien que quelques morceaux eussent été ap-
plaudis, parce que la salle fut presque déserte à la seconde représen-
tation. La critique ne parla guère que de l'excentricité des formes de
la musique, et le peu de sympathie qu'elle montra pour cette musique
eut sans doute une fâcheuse influence sur le public. Au milieu des cha-
grins que lui causait l'insuccès de son ouvrage, une consolation vint
pourtant trouver le poëte-musicien : ce fut une lettre de Spohr, par
laquelle ce vieux maître informait Wagner qu'il avait donné ses soins
à l'exécution de son Hollandais volant, au théâtre de Cassel , et l'en-
courageait à persévérer dans la voie qu'il s'était tracée.
Wagner attachait tant d'importance à la conception de son ouvrage
et croyait si fermement h son succès, que sa chute le jeta pendant
quelque temps dans le découragement. Ses projets de gloire par la
transformation du drame musical se trouvaient tout à coup renversés.
Diverses circonstances venaient ajouter à sa disposition d'esprit ac-
tuelle. A Hambourg , Rienzi n'avait pas réussi ; des copies autogra-
phiées que Wagner avait faites de ses deux opéras avaient été envoyées
par lui aux directeurs de théâtres de quelques grandes villes : la plu-
part lui étaient retournées, sans qu'on eût même, dit-il , ouvert les
paquets. Enfin, l'artiste se trouvait dans une de ces phases trop fré-
quentes dans la carrière des arts, où la route parcourue ne présente
que des épines. Le ciseau du statuaire, la palette du peintre, la plume
de poëte et du musicien sont alors foulés aux pieds comme d'indignes
instruments de supplice ; mais il y a au cœur de celui qui croit en sa
mission un besoin de produire qui bientôt guérit les blessures de
l'amour-propre, et ramène l'artiste à l'objet qui tour à tour reçoit son
culte ou ses malédictions. Le véritable artiste n'est jeûnais entièrement
satisfait, si ce n'est de l'ouvrage qu'il va faire, disait Méhul , avec le
profond sentiment digne d'un si grand compositeur. Ce mot est d'une
exacte vérité. Mais si l'homme d'élite s'avoue les imperfections de ses
ouvrages et se consume en efforts pour les éviter, il ne veut pas que
d'autres les aperçoivent , encore moins qu'elles deviennent l'objet de
manifestations humiliantes. Cette disposition d'esprit n'était pas celle
de Wagner, car il était satisfait de ce qu'il produisait. S'il éprouvait du
découragement, la cause n'en était pas dans un aveu tacite des défauts
de son œuvre, mais bien dans la conviction ou que l'exécution n'en
avait pas mis les beautés en relief, ou que le public était inhabile à le
comprendre. Ses Communications à ses amis ne laissent aucun doute
à cet égard.
Çà et là il rencontrait quelque enthousiaste qui, par penchant pour
la nouveauté des formes, quelle qu'elle fût, l'encourageait à persévérer
dans sa voie : celui-là seul lui paraissait digne de l'entendre. « A Ber-
» lin, dit-il, où j'étais absolument inconnu, je reçus de deux person-
» nés qui m'étaient étrangères, et que l'impression produite par le
» Hollandais volant avait amenées vers moi, la première satisfaction
» complète qu'il m'ait été donné de goûter, avec l'invitation de con-
» tinuer dans la direction particuliers que je m'étais frayée. Dès ce
» moment je perdis de plus en plus de vue le véritable public. L'opi-
» nion de quelques hommes intelligents prit chez moi la place de I'Ô-
» pinion de la masse, qu'on ne peut jamais saisir, bien qu'elle eût été
» l'objet de mes préoccupations dans mes premiers essais, alors que
» mes yeux n'étaient pas ouverts à la lumière. L'intelligence de mon
» but me devint de plus en plus lucide, et pour m'assurer qu'elle se-
» fait partagée, je ne m'adressai plus à cette masse qui n'avait aucun
» rapport avec moi, mais bien aux individualités dont les dispositions
» et les sentiments étaient analogues aux miens. Cette position plus
» certaine, relativement à ceux qui devaient recevoir mes communi-
» cations, exerça désormais une influence très-importante sur mon
» caractère d'artiste. »
Sorti enfin de l'accablement qu'avait occasionné la chiite du Hollan-
dais volant, Wagner voulut poursuivre sa mission de réformateur de
l'opéra qu'il s'était donnée, et revint à son sujet de Tannhauser dans
la disposition d'esprit qu'il vient d'expliquer lui-même. La composi-
tion de cet ouvrage fut laborieuse et pénible ; la santé de l'artiste en
fut même altérée. Les médecins avaient jugé nécessaire qu'il allât aux
bains de la Bohême et qu'il suspendit ses travaux ; il s'y rendit en
effet, mais il n'y suivit qu'à moitié les prescriptions de la médecine,
car il y ébaucha le plan de son dernier opéra {le Lohengrin).
De retour à Dresde, il fit commencer les répétitions du Tannhauser.
La direction du théâtre royal espérait beaucoup de cet opéra, et avait
fait de grandes dépenses pour sa mise en scène. Les acteurs, le chœur
et l'orchestre rivalisèrent de zèle et de soin pour que l'exécution ré-
pondît à la pensée du poëte-musicien ; mais le résultat ne répondit pas
aux espérances de succès qu'on avait conçues. Ici se trouve une des
nombreuses contradictions qui remplissent la longue préface des œu-
vres dramatiques de Wagner. Il nous a dit tout à l'heure qu'il avait
pris la résolution, en écrivant le Tannhauser, de ne plus s'occuper de
l'effet à produire sur le public en masse, et de ne chercher à satisfaire
que quelques individualités dont les opinions sympathiseraient avec les
siennes ; maintenant il avoue qu'il avait cru satisfaire dans son ou-
DE PARIS.
105
vrage les tendances de la population de Dresde ; mais le public fut
complètement trompe" dans son attente : il quitta la représentation en
témoignant son mécontentement, et l'ouvrage ne put être joué que
deux l'ois. (( Je fus, dit-il, accablé de ce revers, et ne pus me dissimu-
» 1er l'isolement complet dans lequel je me trouvais. Le petit nombre
» d'amis qui sympathisaient de cœur avec moi se sentaient eux-
» mêmes découragés par un vif sentiment de ma pénible situation.
» Une semaine s'écoula avant que la deuxième représentation put être
» donnée, parce que des changements eL des coupures avaient été ju-
» gés nécessaires pour rendre plus facile l'intelligence de l'ouvrage.
» Cette semaine eut pour moi le poids d'une vie tout entière. Ce ne
» fut pas la vanité blessée qui me frappa au cœur, mais l'anéantisse-
» ment absolu de toutes mes illusions. H devint évident pour moi
» qu'arec le Tannhauser, je ne m'étais révélé qu'au petit nombre de
» mes amis intimes, et non au public, à qui je m'adressais néanmoins
» involontairement par la représentation de l'ouvrage. 11 ne me parut
» pas possible de concilier cette contradiction. » Les coupures, les
changements qui avaient été faits dans l'intervalle de la première repré-
sentation à la deuxième, n'avaient produit aucune amélioration dans
l'impression que faisait l'ouvrage sur le public ; il fallut renoncer à la
faire entendre une troisième fois. C'est alors seulement que Wagner
fit les réflexions qu'on vient de lire. Je suppose que mes lecteurs con-
naissent déjà assez celui qui est l'objet de ces articles, pour être per-
suadés qu'il ne lui vint pas à l'esprit que, dans sa lutte prolongée avec
le public, l'erreur pouvait être de son côté ; non. Ce qu'il faudrait sui-
vant lui, ce serait de lever le voile qui couvre l'intelligence de ce même
public; mais comment l'espérer, placé comme il est, en présence de
notre opéra actuel, sous l'empire de ses jouissances auditives et toutes
sensuelles ? Voilà, suivant l'auteur de Tannhauser, où se trouve toute la
difficulté ; pour lui, il est dans la bonne voie; il crée le vrai et le beau !
Nouvelle contradiction. Après avoir acquis la conviction de l'inca-
pacité du public à comprendre, à goûter sa musique, il semblerait que
Wagner va se renfermer dans ses fonctions pratiques de maître de cha-
pelle, quant au matériel de son existence, et se borner à écrire pour le
très-petit nombre de ses amis intimes, pour satisfaire aux lois de son
organisation ; mais non , un autre soin le préoccupe, à savoir, de faire
représenter le Tannhauser sur les théâtres des grandes villes d'Alle-
magne. « Je fis (dit-il), des démarches pour la propagation de mon
» opéra et jetai particulièrement les regards sur le théâtre de Berlin ;
» mais je reçus un refus formel de l'intendant des théâtres royaux
» de Prusse. L'intendant général de la musique de la cour royale de
» Prusse paraissait mieux disposé ; par son intermédiaire, je fis sol-
» liciter le roi pour qu'il voulût bien s'intéresser à l'exécution de mon
» ouvrage , et demandai la permission de lui dédier la partition de
» Tannhauser. Par la réponse , on me dit que le roi n'acceptait ja-
» mais la dédicace d'un ouvrage sans le connaître ; mais qu'attendu
» les obstacles qui s'opposaient à l'exécution de mon opéra sur le
» théâtre de Berlin , on pourrait le faire entendre au roi si j'en ar-
:> rangeais quelques morceaux pour la musique militaire , lesquels
» seraient exécutés à la parade. Je ne pouvais être plus profondément
» humilié ni reconnaître avec plus de certitude quelle était ma véri-
» table position. Désormais toute publicité d'art avait cessé pour moi.»
Après ces aveux, c'est une chose curieuse que de voir l'auteur si peu
favorisé du Hollandais volant et du Tannhauser expliquer comment,
précisément au moment où ses sentiments recevaient de si rudes at-
teintes, il se remit immédiatement à,la composition du Lohengrin. Sa
séparation d'avec le public et le sentiment de son isolement, furent,
dit-il, la seule cause de l'excitation qu'il éprouva à se manifester à son
entourage dans tout le développement de ses idées. Je passe la des-
cription qu'il fait du sujet de son nouvel opéra dans le langage amphi-
gourique qui lui est familier, parce que j'en parlerai dans la suite. Près
de trois années s'étaient écoulées entre la représentation du Hollan-
dais volant et celle du Tannhauser , car ce dernier opéra n'avait été
joué pour la première fois que le 20 octobre 1845 : le Lohengrin ne
fut terminé que dans les derniers jours de l'année 1847. L'ouvrage fut
mis à l'élude au commencement de 1848; mais les événements qui
survinrent peu de temps après en empêchèrent la représentation.
Nous voici parvenus à cette époque néfaste qui mil en péril le sort
des populations civilisées, et sur laquelle NL Wagner , sans doute,
n'arrête pas ses souvenirs sans être oppressé par des regrets amers;
car c'est une des périodes les plus pénibles de sa vie, comme homme
et. comme artisle. Obligé de toucher à ce sujet dans ses Communica-
tions à ses amis, il se sent sur un terrain brûlant. Jamais, dil-il (page
131), il ne s'était occupé de la politique au point de vue des affaires;
mais son instinct le portait à y prendre intérêt lorsqu'il s'y mêlait
quelque élément révolutionnaire, c'est-à-dire (je Iraduis ses paroles),
lorsqu'il voyait la révolte du sentiment humain contre les institutions
politico-juridiques de la société moderne. 11 ne faut pas oublier, pour
comprendre le parti qu'il prit dans la crise européenne de cette époque,
que son génie, suivant ses expressions, n'est autre chose que le mécon-
tentement de ce qui existe. Tout, en effet, est l'objet de sa censure.La reli-
gion, l'État, la cour, labourgeoisie, les institutions sociales, les traditions,
les mœurs, le droit, l'administration de la justice, les formes de l'art, le
goût, et jusqu'à Dieu lui-même, rien n'y échappe. Je ferai voir, dans
un autre article, par des citations textuelles, ce que la personnalité de
M. Wagner a de caractéristique à cet égard. Dans ces dispositions, il
est facile d'imaginer ce qui se passa en lui lorsque cette révolte, pour
laquelle il avait tant de sympathie , éclata sur une grande partie du
continent européen, et particulièrement dans sa patrie. Il nous apprend
qu'avant cetle explosion, il était préoccupé du projet de réformer le
goût de la population de Dresde, et de ramener à lui celte population
par une organisation nouvelle du Théâtre-Royal et par de nouveaux
genres de spectacle. Mais il n'avait pas l'espoir de réaliser ses vues
aussi longtemps que le théâtre subirait l'influence de la cour, dont la
générosité comblait chaque année les déficits. Une révolution seule
pouvait rendre possible la réalisation de ses vues : elle se fit ! « La
» réaction et la révolution se placèrent nues en face l'une de l'autre,
» (dit M. Wagner) : alors se montra la nécessité ou de retourner à
» l'ancien régime, ou de rompre absolument avec lui. » Cette nécessité
ne parut pas d'abord avoir été comprise par la populace, qui obéissait
à ses instincts de révolte sans plan déterminé. Plus clairvoyant,
M. Wagner descendit dans la rue , et la révolution fut victorieuse.
Toutefois, son triomphe fut de courte durée, car l'armée prussienne
ne tarda pas à venir en aide à la cour de Saxe ; Dresde fut reconquise,
et M. Wagner s'en éloigna en fugitif.
Ainsi se trouvèrent anéantis en un instanl le bien-êlre matériel de
l'artiste, la considération que lui donnait une position honorable, les
ressources considérables qu'il y trouvait pour l'exécution de ses ouvra-
ges, et plus que tout cela, le sentiment de la dignité morale. Arrivé,
non sans avoir couru de dangers, dans cette belle vallée de la Thuringe
qu'il avait parcourue avec enthousiasme sept ans auparavant, M. Wa-
gner en suivit les sinuosités , agile de sentiments bien différents. Quel-
ques jours après, il franchissait les frontières de la Suisse dans la posi-
tion de réfugié politique, et fixait son séjour à Zurich, où depuis lors il
a vécu dans la retraite et la méditation. Pendant les années 1849 et
1850 son nom ne retentit en Allemagne que par les essais tentés par
Liszt pour fixer l'attention publique sur des œuvres dont la valeur était
grande à ses yeux ; mais une sorte d'agitation causée par les représen-
tations de Weimar, ayant succédé à l'oubli dans lequel l'artiste était
tombé depuis les événements de 1848, M. Wagner a jugé le mement
favorable et vient de publier les livres dont j'ai parlé. L'apparition de
ces livres a produit une assez vive sensation qui se manifeste en ce mo-
ment par des sentiments opposés dont la signification sera appréciée
dans la suite de ces articles.
{La suite au prochain numéro.)
FÉTIS père.
196
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
SOCIÉTÉ LIBRE DES BEAUX-ARTS.
MATINÉES DE M. GOCFFÉ.
EXPÉRIENCES D'EXTASE ET D'INSENSIBILITÉ.
Paris se donne tout entier aux institutions philanthropiques et artisti-
ques : c'est ce qu'il peut faire de mieux en ce moment. Parmi la foule
des sociélés de ce genre, d'académies au petit pied que renferme notre
capitale, on peut citer la Société libre des beaux-arts, qui, semblable à
une honnête fille, fait peu parler d'elle, comme disait Voltaire à propos
de l'académie de Marseille ; et cependant la Société libre des beaux-
arts est dans sa dix-huitième année, âge heureux pour le sexe féminin,
qui connaît alors le bonheur et peut le donner.
La Scciétê libre des beaux-arts fait aussi des heureux en distribuant
ses faveurs, qui consistent en médailles d'argent et de bronze; elle
offre même à ses auditeurs d'agréables concerts qui ne forment pas le
revers de leurs médailles. D'abord M. Chaudet, architecte, a obtenu
une médaille d'argent pour la restitution des propylées d'Athènes;
MM. Pierrat et Tachet, la même faveur, le premier, pour ses réparations
des émaux de Limoges et des faïences de Bernard Palissy, et le second
pour ses panneaux à peindre; ensuite Mme Elisa Mantois a pu entendre
aussi proclamer son nom pour sa préparation du blanc de zinc ;M. Du-
riri, pour son inventionde l'eau fixative, dite fixateur universel, et'M. Fi-
chtemberg pour ses crayons et pastels de mine de plomb; enfin
M. Maillet a fait connaître à l'auditoire, qui était très-nombreux, les
travaux de la Société pendant les années 1848, 49, 50 et 51 ; M. de
Sauclières s'est livré à un examen aigre-doux dusalon de 1852;
M. Vanderburch nous a lu des vers de sa façon surla peinture, et
M. Delaire , le président, une fable naïvement épigrammaiique. C'est
alors que la Société libre des beaux-arts a fait entrer son public à
pleines voiles dans l'océan musical, et le premier morceau qui lui a
été soumis est un trio de Mayseder pour piano, violon et violoncelle,
dit par Mlle Hersilie Rouy, MM. Adolphe Blanc et Nathan. Indépendam-
ment des faits et gestes des exécutants qui se sont fort bien acquittés de
leurs fonctions de virtuoses, on a remarqué la pantomime gracieuse d'un
King-Charles, vulgairement appelé un épagneul, appartenant à la ré-
citante, et qui, se promenant en tout sens sur l'estrade, semblait venir
demander par ses gentillesses au public, pour sa maîtresse et ses co-
concertants, des applaudissements qui ne leur ont pas fait défaut, Ce
petit épisode, qui a pour ainsi dire fait un quatuor du trio de Mayseder,
n'a pas été le moins amusant de cette jolie matinée musicale.
Mlle Révilly, de l'Opéra-Comique, a chanté l'air de la Muette et plu-
sieurs autres choses de brillante vocalisation en véritable canlairice de
concert à qui il a été permis de rêver naguère de monter sur une plus
grande scène lyrique que celle qu'elle devait quitter, mais où elle reste^
et où le public continuera de la voir avec plaisir et de l'applaudir ; elle
a lutté de traits audacieux contre l'instrument que Cherubini n'aimait
guère, comme on sait, et dont M. Conninx joue fort bien. Mlle Elise
Lucas est aussi une charmante cantatrice de concerts, et elle l'a prouvé
de nouveau dans le duo du Maître de chapelle qu'elle a dit avec
M. Beauce, qui n'a pas tout-à-fait autant de voix que d'aplomb , mais
qui chante cependant avec une sorte d'intelligence dramatique.
Mlle Chassant, pianiste au jeu classique, net, fin, délicat, et par cela
même un peu trop chaste, a été justement applaudie en laissant désirer
un peu plus de laisser aller et de chaleur artistique.
Une fantaisie pour flûte et piano a été dite par Mlle Hellenie Bernard
et M. Conninx. Mlle Bernard est une toute jeune personne qui a montré
de la verve et du brio en disant cette fantaisie dans laquelle, si le mor-
ceau avait été bissé, elle aurait pu remplir 1 un ou l'autre rôle; car, bien
qu'on hésite un peu pour dire de ces choses-là, Mlle Hellenie Bernard,
si elle est déjà habile pianiste, est aussi bonne.... flûtiste! Que voulez-
vous? Le caprice est un domaine dans lequel les jolies femmes aiment
à se promener ; et sous ce point de vue , il est permis à Mlle Héllénie
Bernard d'être capricieuse.
Le contre-bassiste Gouffé et ses adhérents, fidèles à leur culte,
continuent la mission qu'ils se sont donnée, de propager la foi musicale
en toute saison. Pour eux
L'été n'a point de feux , l'hiver n'a point de glace.
Haydn, Mozart et Beethoven sont toujours là sur le pupitre. Un des plus
beaux morceaux qu'ait écrits ce dernier, le trio en ut mineur pour violon ,
alto et violoncelle, a été dit mercredi dernier par MM.Guerreau,Ney et
Lebouc. Rien de large et de grandiose comme cet œuvre ; et nous le
signalons ici, parce que, nous ne savons pourquoi, on le dit rarement
dans nos plus intéressantes séances musicales. En louant l'ensemble ,
la justesse, le profond sentiment musical des exécutants , nous leur
ferons remarquer qu'ils en prennent les mouvements un peu trop vite.
Cela, d'abord, mesquinise le son général des instruments et permet à
peine de saisir les beautés harmoniques de cette musique si serrée
d'imitations, et de ce style si original et si pittoresque. Cette musique
n'a pas besoin d'être chauffée ; elle recèle en elle tout ce qu'il y a de
feu sacré dans l'art.
Et comme on est là classique et progressiste, on y a dit avec plaisir
et entendu de même un fort joli , nous pouvons même dire un fort bon
quatuor pour deux violons, alto et basse, de M. Gaslinel. En souvenir
de cette noble et généreuse pensée de Chateaubriand ; — 11 est temps de
quitter la critique des défauts pour l'analyse des beautés,— nous signa-
lerons l'adagio de ce quatuor comme satisfaisant aux exigences de l'é-
poque où nous sommes, c'est-à-dire réunissant l'unité de la pensée, la
logique, le travail de l'idée primitive avec le caprice et l'idéalité diver-
gente comme épisodes. C'est ainsi que nous comprenons le romantisme
intervenant dans l'art sans tout briser et renverser.
— La musique fait tellement partie de l'organisme humain, que le
magnétisme l'emploie maintenant comme un de ses plus puissants auxi-
liaires. Le planisme et le magnétisme se donnent la main. Il n'en est
pas de même des magnétiseurs eux-mêmes, peu d'accord sur le fluide
et la volonté de celui qui le donne. C'est, du reste, la question qu:
partage toujours les hommes dans l'ordre social , et qui se résume par
ce mot de Voltaire, qu'il faut être enclume ou marteau dans ce monde.
Malheur à ceux qui ne veulent être ni l'un ni l'autre, ou qui veulent
régulariser par la philosophie et la raison. Mais, pour en revenir à la
question magnétique et musicale, nous avons assisté à une séance dans
laquelle il s'est fait de curieuses expériences d'extase et d'insensibilité
par la musique et la catalepsie. Bien de plus extraordinaire à voir que
Mme Poindrel plongée dans un état de mort par suite de cette catalep-
sie, en sortir au moyen du fluide magnétique et musical , celui-ci plus
puissant que tous les autres, se tordre comme un fakir, ou prendre les
attitudes voluptueuses d'une aimée ou d'une bayadère, s'identifier à
vous, et répéter instantanément , comme un écho, tous les mots que
vous lui dites, en quelque langue que ce soit. Ces choses, et d'autres
bien plus incroyables encore, ne sont point dans la catégorie des fables,
quoique la personne qui vous initie à ces étonnants mystères porte le
nom de Lafontaine.
Henri BLANCHARD.
UN TRAIT DE KARTI9I
(IL TEDESCO.)
Savez-vous pourquoi je cède à l'envie de vous parler aujourd'hui de
ce compositeur qui a brillé d'un certain éclatdans la musique française?
Vous croyez peut-être que c'est parce qu'il portait un nom italien
quoiqu'il fût né en Allemagne, tout au rebours du célèbre violoniste
Jarnowick, qui s'appelait originairement Giornovichi, et qui avait vu
le jour en Sicile?
Ou bien vous vous imaginez que ce qui me frappe en lui, c'est l'a-
vantage d'avoir appartenu à deux siècles, d'avoir vécu plus qu'un âge
d'artiste, moitié compositeur, moitié professeur, et enfin d'avoir con-
servé sa force productive jusqu'au dernier des quelques mois et des
quelques jours qui suivirent ses soixante-quinze ans?
Vous supposez peut-être que le hasard m'a fait retrouver quelque mor-
ceau de sa musique militaire, qui précéda sa musique dramatique, ou bien
DE PARIS.
197
encore que j'ai relu quelqu'une de ses partitions, celle de l'Amoureux de
quinze ans, par exemple, qui fut son heureux début en 1771, ou celle
de Sap/io, qui ne réussit pas moins en 1704, et fut jouée plus de cent
fois?
Non, ce n'est rien de tout cela qui réveille en moi son souvenir. Je
ne lui tiens compte ni de ses fanfares guerrières, ni de ses romances
sentimentales, ni de sa Mélopée moderne, ni de son Ecole d'orgue, ni
de son Traité d'harmonie, ni de son ouverture de la Bataille d'Ivnj,
si longtemps populaire, ni de sa messe deRcquiem, composée, en 1816,
pour l'anniversaire du 21 janvier, et qui lui valut le grand cordon de
Saint-Michel. Hélas! c'était le dernier effort du vieil artiste ! La f:imil!e
royale avait trouvé la messe admirable : Martini aussi fut de cet avis,
et, sentant sa mort prochaine, il pria les musiciens d'exécuter cette
messe sur sa tombe, aussi bien qu'ils venaient de le faire sur celle des
défuntes majestés. Martini ne se trompait pas : à quelques jours de là,
le 10 février, il avait cessé de vivre, comblé d'honneurs, enseveli dans
son triomphe, c'est-à-dire dans son Requiem, comme Mozart dans le
sien ; mais Mozart n'avait que trente-six ans, et les honneurs, les
places, la fortune, ne lui étaient arrivés qu'à son lit de mort !
Non, encore une fois , toutes ces choses ne me paraissent valoir la
peine d'être relevées que dans l'ordre et la marche d'une biographie
exacte et consciencieuse, qui sait tout ce qu'elle doit savoir et enregis-
tre tout ce qu'elle doit enregistrer. Ce n'est donc ni la fin ni le milieu
de la carrière du compositeur qui m'intéresse plus que celle de tout
autre; mais c'est le trait de poésie qui en marqua le commencement.
Jamais Martini ne se montra plus original, plus hardi, plus inspiré, en
un mot , plus artiste , qu'à la première étape de son voyage dans le
monde de l'art.
Martini (Jean-Paul-Egide) était né à Freistadt dans le haut Palatinat.
De son nom véritable et patrimonial , il s'appelait Schwarts'endorf ;
cela suffit pour l'excuser d'en avoir pris un autre. Ce qui n'est trop
souvent qu'une faiblesse était pour lui une nécessité. Dès son enfance,
il apprit le latin et la musique. Comme musicien, ses dispositions fu-
rent assez décidées, ses progrès assez rapides pour qu'à l'âge de dix
ans , il fût employé comme organiste au séminaire des Jésuites de
Neubourg sur le Danube, où il achevait ses études. Sept ans après, en
1758, il s'en alla étudier la philosophie, non pas à l'université d'Ox-
ford, mais à celle de Fribourg en Brisgaw. Tant qu'il séjourna en cette
ville, il continua son métier d'organiste au couvent des Franciscains ;
ensuite il reprit le chemin de sa ville natale et rentra sous le toit pa-
ternel. Des désagréments et des chagrins l'y attendaient. Son père
s'était remarié : une belle-mère commençait son règne , et quelque
provision de philosophie qu'il eût pu faire, il ne s'en trouva pas assez
muni pour se résigner aux inconvéniens du nouvel état de choses. Il
résolut de voyager, de chercher à vivre par et pour la musique. Il s'en
retourna donc à Fribourg, sans avoir aucune idée du chemin qu'il pren-
drait en quittant cette cité.
En effet, là était la question. Prendrait-il à droite? Prendrait-il à
gauche? De ce côté était la France, de l'autre côté était l'Italie. Que
décider ? Que choisir ? Le jeune homme s'abîmait dans ses réflexions,
et il avait beau réfléchir , rien de décisif n'apparaissait à son esprit.
Que savait-il de l'Italie? Que savait-il de la France? Comment compa-
rer ce qu'on n'a jamais vu que dans des rêves plus ou moins vagues?
Ennuyé de flotter dans le doute, il monta sur un clocher.
Le voyez-vous d'ici, ce jeune et pauvre artiste, encore moins artiste
qu'écolier, incertain de sa destinée, cherchant le moyen de lire dans
l'avenir, ou plutôt non, cherchant tout simplement une raison de se
déterminer à quelque chose, et la demandant au hasard, puisque toute
sa sagesse naturelle et acquise ne la lui fournissait pas?
Il monta donc sur un clocher, et sur ce clocher que fit-il?
Que fit Jean-Jacques Rousseau, lorsqu'en proie aux terreurs de l'en-
fer, doutant de son salut, effrayé de la damnation éternelle, il s'en
remit à une espèce de pronostic du soin de l'éclairer sur le terrible oui
ou non. Vous vous rappelez qu'il était en train de lancer machinale-
ment des pierres contre des troncs d'arbre, et que tout à coup il se dit :
« Je m'en vais jeter une pierre contre l'arbre qui est vis-à-vis de moi.
» Si je le touche, signe desilut; si je le manque, signe de damnation.»
Disant cela, il choisit l'arbre le plus gros, jeta sa pierre d'une main
tremblante, et, comme d'ailleurs il était fort près de l'arbre, il l'attei-
gnit au beau milieu. « Depuis lors, ajoute-l-il lui-même, je n'ai plus
douté de mon salut. »
Martini s'en rapporta de même à une sorte d'oracle institué de sa
propre autorité. Il se dit : «Voici une plume ; je vais la jeter du haut de
» ce clocher, j'examinerai sa direction, et j'irai du côté où le vent
» l'aura poussée. » Le fait suivit la parole ; la plume lancée au vent fut
poussée vers la porte de France, et le jeune homme n'hésita plus à
sortir par cette porte, le cœur rempli de confiance, la bourse entiè-
rement vide d'argent.
Eh bien, l'oracle ne fut pas trompeur : la plume jetée au vent mit la
jeune artiste dans la bonne route; elle le conduisit à la fortune et
aux honneurs. Que serait-il advenu, de lui si la plume eût tourné ses
pas vers l'Italie? Peut-être aussi bien, mais non mieux, puisque
Martini fut tout ce qu'il voulait être, obtint tout ce qu'il voulait obtenir
et vécut plus longtemps que bien des artistes ne voudraient vivre.
Sorti de Fribourg, il s'achemina vers Nancy, où il arriva ne possé-
dant rien au monde, pas même un seul mot de la langue du pays où il
venait demander asile. Ce fut là qu'il changea son nom et se servit,
pour gagner son premier morceau de pain, du peu de connaissances
qu'il avait dans la facture des orgues. Il y apprit le français, l'harmonie,
le contrepoint, se produisit, à l'aide de quelques productions légères, à
la cour du roi Stanislas, et se maria. Que de choses dans la même ville !
De Nancy, Martini se rendit à Paris. Le jour de son arrivée, il y avait
un concours pour la composition d'une marche à l'usage du régiment
des gardes-suisses. Martini en composa une, et remporta le prix : sa
marche fut exécutée à la parade dans la cour du château de Versailles ,
et le duc de Choiseul le prit sous sa protection. La plume jetée au
vent n'avait donc pas eu tort !
Plus de trente ans après, Martini était l'un des cinq inspecteurs du
Conservatoire de musique. M. Fétis étudiait alors l'harmonie sous la
direction de Rey. « Martini vint inspecter sa classe, dit M. Fétis, et
» corrigea une leçon que je lui présentai. Je lui fis remarquer que la
» correction n'était pas bonne, parce qu'elle donnait lieu à une suc-
» cession de quintes directes entre l'alto ej le second violon. — Dans
» le cas dont il s'agit, on peut faire des quintes consécutives, dit-il.
» — Pourquoi sont-elles permises ? — Je vous dis que dans ce cas on
» peut les faire. — Je vous crois, Monsieur; mais je désire savoir le
» motif de cette exception. — Vous êtes bien curieux ! »
A ce mot, toute la classe et le grave professeur lui-même partirent
d'un éclat de rire. Martini en garda rancune, et chaque fois qu'il ren-
contrait l'élève, il lui lançait un regard plein de courroux. « Au sur-
» plus, ajoute M. Fétis, il eût été difficile de deviner, à la brusquerie
» à la dureté de ses manières et au despotisme qu'il affectait avec ses
» subordonnés, l'auteur d'une multitude de mélodies empreintes de la
» plus douce sensibilité. »
Martini, longtemps connu des musiciens sous le nom de Martini il
Tedeseo, fut donc un homme plus heureux qu'aimable : on a presque
oublié ses œuvres, mais on n'oubliera pas qu'il eut un jour de haute
poésie et qu'il jeta la plume au vent ! Pourquoi ne suivrait-on pas son
exemple?
Paul SMITH.
CORRESPONDANCE.
Bruxelles, 2 juin 1852.
Du temps où l'on avait du respect pour les traditions, un concert était
une succession de morceaux de chant et d'instruments. On ne se serait
pas avisé de composer autrement un programme. Ce temps n'est plus; les
traditions sont ce qu'on respecte le moins au monde. Il suffit même qu'une
chose ait été consacrée par un long usage pour qu'on n'en veuille plus
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REVUE ET GAZETTE MUSICALE
ou du moins pour qu'on s'efforce de la modifier. Un concert, aujourd'hui,
se compose d'éléments très-divers et parfois même étrangers à l'art mu-
sical. On y joue des comédies, des proverbes; bientôt on y donnera des
séances de magnétisme et de prestidigitation. Il n'y a pas jusqu'à leur
titre qu'on n'ait changé. Un concert s'appelle une audition musicale.
C'est à Paris que ces innovations ont été imaginées. Partoui on les imite ;
les mauvais plaisants diront que Bruxelles ne pouvait pas plus en cette
circonstance que dans d'autres demeurer en reste de contrefaçon. 11 est
de fait que nous venons d'avoir une audition musicale.
Le mot et la chose étaient aussi nouveaux l'un que l'autre. Vaudition
se composait de fragments d'un opéra de Judith, œuvre de M. Laroche ,
élève du Conservatoire de Paris , si je suis bien renseigné. M. Laroche ,
après avoir écrit sa partition, éprouvait, pour la faire exécuter, les diffi-
cullés qui s'opposent d'ordinaire au début des jeunes musiciens. Aucun des
théâtres lyriques de Paris ne se souciait de faire les frais de la mise en
scène d'un opéra présenté sous les auspices d'un nom obscur, surtout d'un
opéra biblique. Il prit le chemin de la Belgique avec son manuscrit. S'il
se fût obstiné à vouloir jouir des honneurs de la représentation, il n'eût
pas eu plus de succès à Bruxelles qu'à Paris, car notre théâtre d'opéra
chômera cette année durant toute la belle saison. Il ne s'est pas montré
si difficile. L'ne simple audition lui a suffi. Seulement, comme on ne peut
pas exécuter un drame lyrique tout entier dans Un concert, il a fait choix
de plusieurs fragments, ceux sur l'effet desquels il fondait sans doute le
plus d'espoir.
M. Laroche affectionne les formules italiennes. 11 n'y a pas de mal à
cela. Il n'y a de mal qu'à s'être persuadé qu'on pouvait, en écrivant pour
la scène française, adapter ces formules à un texte biblique. M. Laroche
a été plus rossiniste que Rossini, plus donizettiste que Donizetti ; car ces
deux maîtres avaient eux-mêmes compris la nécessité de se modifier dans
leurs partitions de Guill mm? Teli et des Martyrs. Le premier défaut de la
musique de Judith consiste dans l'absence des idées originales ; le second,
dans un manque absolu de couleur locale. Je ne voudrais point par ces
critiques décourager un jeune artiste au début de sa carrière; mais ne se-
rait-ce pas lui rendre un plus mauvais service que de ne pas l'éclairer sur
ses défauts? Les auteurs n'ont que trop d'amis complaisants. M. Laroche
sait tout ce qu'il faut savoir pour composer matériellement unjbon opéra.
Il ne s'agit pour lui que de donner une meilleure direction à ses idées.
Vous avez annoncé, il y a un an, que M. Géraldy avait donné sa dé-
mission de professeur au Conservatoire de Bruxelles, ne voulant pas s'en-
gager, ainsi que le voulait notre ministre de l'intérieur , à établir d'une
manière fixe sa résidence en Belgique. D'un autre côté, vos lecteurs ont
appris récemment que cet artiste venait de renouveler son engagement
comme professeur au Conservatoire de Liège. Le rapprochement de ces
deux décisions émanant de la même autorité ne causera sans doute pas
moins de surprise à Paris qu'à Bruxelles. Ici l'on regrette qu'on n'ait pas
continué à faire profiter concurremment les deuj établissements du sé-
jour momentané de M. Gérakly en Belgique. Quoi qu'il en soit, 'l'habile
maître a été remplacé au Conservatoire de Bruxelles par deux de ses
élèves, déjà chargés de faire l'intérim de sa classe durant ses absences
périodiques. On ne sait encore si cette organisation sera définitive. Peut-
être, s'il se présentait quelque grande illustration vocale qui voulût s'é-
tablir dans not'r.3 pays, se déciderait-on à créer en sa faveur une classe
supérieure de chant ou de déclamation lyrique. Ce n'est là qu'une éven-
tualité très-éloignée, mais que déjà plusieurs postulants ont entrepris
d'exploiter. Parmi les candidats à la place qui n'existe pas, on cite un
virtuose féminin que vous connaissez, Mme Duflot- Maillard. Ainsi s'ex-
plique le séjour prolongé à Bruxelles de cette prima donna in purlibu',
qui a passé ici plusieurs mois sans autre but apparent que de se faire en-
tendre dans quelques concerts philanthropiques.
Le Journal de Constanlinople annonce que Servais a été présenté der-
nièrement au sultan par le chargé d'affaires de Belgique. Servais venait de
Bucharest où il s'était arrêté après avoir parcouru une partie des pro-
vinces méridionales de la Hussie. J'ai eu sous les yeux une lettre de ce
célèbre artiste, où il rend compte des incidents de ses dernières péri-
grinations musicales de manière à tenter ceux des donneurs de concerts
auquels l'Europe dite civilisée n'offre plus guère de ressources. Parlez-
moi de ces pays primitifs où l'on est encore tout neuf aux impressions
sur lesquelles nous avons le malheur d'être blasés. Servais vient de faire
une" ample moisson de roubles et de couronnes. Arrivait-il dans un
chef-lieu de province, le représentant de l'autorité l'accueillait magnifi-
fiquement au nom de l'empereur; les nobles de la ville mettaient gratuite-
ment à sa disposition leur salle, leur redoute tout éclairée, et souscrivaient
pour un nombre considérable de billets au concert qu'il était prié de don-
ner. Ce concert annoncé, les propriétaires des châteaux voisins (et le
voisinage s'étend à une grande distance grâce à des moyens de commu-
nication au moins aussi expéditifs que celles des voies ferrées) faisaient
atteler leur traîneau et accouraient de toute la vitesse des bouillants cour-
siers de l'Ukraine. Servais était comblé d'applaudissements, d'honneurs
et de présents. A J;issy (en Moldavie), il reçut du grand logothète Con-
stantin Stourza, représentant les beaux-arts, un vase en or enrichi de
pierres précieuses ; et de l'hospodar de Valachie, une tabatière du plus
beau travail oriental, vrai chef-d'œuvre d'orfèvrerie. A Kircheneff, ca-
pitale de la Bessarabie, de nouveaux triomphes et de nouvelles marques
de la munificence russe l'attendaient. A Buchaest, après plusieurs bril-
lants concerts, on parlait sérieusement de le retenir de gré ou de force,
quitte à exposer l'empereur aux réclamations de la Belgique. Il obtint en-
fin de pouvoir s'éloigner, avec promesse de -retour, et s'embarqua pour
Constantinople. Quand il aura joué pour le grand-turc, il retournera à
Saint-Pétersbourg par Odessa, Pultawa, les Steppes, Kunkaff, Orell, Toula
et Moscou; puis il reprendra le chemin de la Belgique, où l'attendent ses
élèves, l'archet à la main.
Servais rapporte toute une collection d'airs moldaves et valaques char-
mants, dit-il, quand ils sont joués par les lanlars, orchestre composé de
quatre violons, une flûte de Pan, un luth et une mandoline. Son intention
paraît être de faire entendre à nos dilettantes, dans leur forme originale
et avec les instruments du pays, ces airs, dont le caractère diffère essen-
tiellement de ceux des autres provinces russes. Ce sera une diversion aux
fantaisies obligées de nos concerts.
Le Conservatoire de Bruxelles vient de perdre son professeur de piano,
M. Michelot, exécutant médiocre, mais maître intelligent et soigneux. Le
ministre est assailli des pétitions de ceux qui ont la prétention de recueil-
lir son héritage. Les pianistes ne sont ni moins nombreux, ni moins en-
treprenants en Belgique qu'ailleurs; malheureusement,' ils y sont moins
habiles. Nous brillons sur l'archet, sur l'embouchure, mais non sur le
clavier, du côté masculin bien entendu, car Mme Pleyel est une éclatante
exception qu'il est superflu de signaler. Une chose désirable, c'est que
l'autorité ne se presse pas de nommer à la place vacante.; c'est que, écar-
tant la considération étroite de la nationalité, elle fasse venir de l'étran-
ger un virtuose capable de fonder à Bruxelles une belle école de piano
pour les hommes, de même que Mme Pleyel en a créé une pour les femmes.
Il y a quelques années, Liszt parlait de la possibilité d'accepter une telle
mission II aurait passé pour cela chaque année plusieurs mois en Bel-
gique; mais il est fixé et si bien fixé à Weimar qu'il ne faut plus songer à
l'exécution de ce beau projet.
Nous avons failli avoir ces jours-ci une curieuse séance mi-partie mu-
sicale et littéraire. Mlle de la Morlière, cantatrice qui a traversé la scène
de l'Opéra, si j'ai bonne mémoire, avait annoncé une audition dans la-
quelle des artistes dramatiques représenteraient une comédie inédite
d'Alexandre Dumas. Cette séance, qui excitait un assez vif intérêt, fut
remise parce que les acteurs se trouvaient mal à l'aise dans une salle qui
n'était pas disposée pour les jeux de la scène. Elle aura lieu prochaine-
ment. On assure que la comédie annoncée est en effet complètement iné-
dite. Alexandre Dumas l'aurait improvisée pour Mlle de la Morl;ère dans
l'intervalle de deux chapitres de ses mémoires, j'aurais dit dans un mo-
ment de loisir si cet auteur infatigable avait des loisirs. Ce sera une solen-
nité tout à fait digne du public parisien. Je ne manquerai pas d'en faire
connaître le résultat aux lecteurs de la Gazelle musical. A. Z.
NOUVELLES.
%* Demain lundi, à l'Opéra, les Hugwnots , pour la rentrée de Guey-
mard, qui chantera le rôle de lîaoul ; Mlle Poinsot chantera celui de Va
lentine, et Mme Laborde celui de la reine Marguerite.
%* La dix-neuvième représentation du Juif-Errant a été donnée lundi,
la vingtième mercredi , toujours avec Chapuis dans le rôle de Léon. A la
dernière, Mlle Lagrua, indisposée, était remplacée par Mlle Marie Dussy
dans le rôle d'Irène. La jeune artiste a fait preuve, de beaucoup de talent
dès cette première épreuve. Mme Tedesco est toujours admirable de
voix, de méthode, et produit toujours un immense effet dans le beau rôle
de Théodora. Il faut en dire autant de Massol dans celui d'Ashvérus.
Mercredi ou vendredi prochain, le Jaif-Errant reparaîtra pour la vingt et
unième fois sur la scène.
*•„* Vendredi, le Freis'çtiutz et Vert-Vert composaient le spectacle.
Mlle Poinsot a fort bien chanté le rôle d'Agathe dans le chef-d'œuvre de
Weber. C'est Mlle Nau qui remplissait celui d'Annette.
%* On annonce pour l'année prochaine un grand ouvrage, dont les
paroles seront de MM. Maquet et Jules Barbier, la musique de M. Nieder-
meyer.
%* lloger est arrivé à Bsrlin, le 3 juin. Lundi dernier, il a dû chanter
dans un concert donné dans les appartements de LL. MM., sous la direc-
tion de Meyerbeer.
%* Nous recevons la lettre suivante , et nous nous empressons de la
communiquer à nos lecteurs : Smttgard, 9 mai. — « Permettez-moi de
vous transmettre en quelques mots la nouvelle des triomphes que Roger
vient d'obtenir ici : premièrement, dans les Huguenots, et après dans le
Prophète. Dès la première représentation, notre public avait ratifié la
DE l'AlilS.
199
grande réputation qui le précédai1! et contre laquelle Cependant quelques
esprits méfiants avaient voulu se tenir en gardé. Son apparition a dissipé
toutes ces dispositions, auxquelles un enTJidiusîaswe sans bornes a fait
place, et sLest traduit par 'des applaudissements frénétiques. Salué de iprà-
vos a clia(|ue entrée en scène, il aéié rappelé à deux reprises après chaque
acte. Le dut) du quatrième acte '1rs Ihi^iinml* a produit une vivo et. pro-
fonde impression sur le public, et beaucoup de personnes (,nl été émues
jusqu'aux larmes. C'est dans le Vioplute surtout qu'il s'est révélé à nos yeux
Yr ne le plus grand chanteur-ad ' que nous ayons. Co rôle, qu'aucun
de nos chanteurs allemands n'a su comprendre jusqu'à ce jour, reçoit de
Roger la plus haute signification, .levons traduis ici, en peu de mots,
les sentiments généralement exprimés par notre public et notre presse
locale. Ce que je veux ajouter encore, c'est l'étonnement et l'admiration
que Roger a produits par la merveilleuse et si pure prononciation de la
langue allemande, à ce point que personne ne voulait croire à son origine
française. On est d'accord qu'il la chante et la parle mieux que nos chan-
teurs indigènes. Roger donnera encore deux représentations, dont l'une
sera la Dame blanche, qui fera salle comble. comme un des opéras favoris
de notre public. Ce qui a été seulement regrettable, c'est que toute la
cour soit absente depuis plusieurs semaines. Le prince et la princesse
royale, qui sont partis pour se réunir à l'impératrice de Russie, ont ce-
pendant retardé leur départ de deux jours pour entendre Roger dans les
Huguenote » ^-'
%* Le Baiser de la Vierge, ouvrage en trois'actes, sera donné bientôt à
l'Opéra-Comique. Les paroles sont de MM. Dennery et Lockroy, la musi-
que de M. Maillart. Les principaux rôles seront joués par Bussine, Boulo,
Couderc, Jourdan et iMlle Lefebvre.-
%* 11 est aussi question d'un ouvrage en deux actes, dont la musique
est attribuée à M. le prince de la Moskowa, sans préjudice des partitions
de MM. Clapisson, Reber, etc.
%* L' 'Opéra au camp, dont la musique est de M. Varney, doit faire son
apparition sous peu de jours.
%* Les Porchet ons ont été joués mercredi. Boulo, qui prenait pour la
première fois le rôle créé par Mocker, s'en est acquitté avec talent.
V* Audran va partir prochainement pour Marseille, où l'appelle un
brillant engagement.
%* Jefiny Lind, aujourd'hui Mme Otto Coldschmidt, est arrivée mer-
credi dernier à Liverpool avec son mari. Elle a été très-souffrante pen-
dant la plus grande partie de la trav ersée. Le bâtiment qui l'a ramenée
en Angleterre est le même qui l'avait conduite en Amérique. C'est l'At-
lantique, capitaine West.
*t* La nouvelle du mariage de Fanny Klssler avec le docteur I-Iahn ,
annoncée par les journaux allemands, est démentie.
*,* Le Courritr des Etats- dus, du lli mai, annonçait que Lola-Montès
terminait le soir même sa carrière chorégraphique, et que, le lendemain,
elle devait aborder le drame, en se jouant elle-même dans une pièce
écrite exprès par un de ses amis : Lola Montés ci Bavière. -
%* .11 suffit d'annoncer la mise en vente des morceaux composés sur les
airs de danse du Juif i rranl , et de citer les noms de Musard, Burgmuller,
Pasdeloup, Ettling, pour en assurer la vogue. Dans tous les chefs-d'œuvre
lyriques, la musique de danse tient une place importante, et le Juif errant
ne déroge pas à la règle. 11 n'y a pas, en ce genre, de collection plus char-
mante que celle des Sept airs de balut et de la Marche triomphale, qui
paraîtra demain.
%* Charles Voss vient de partir pour les eaux de Tœplitz, où il se
propose de séjourner deux mois. L'excellent pianiste-compositeur sera
de retour à Paris au mois de septembre et y passera l'hiver.
%* La section de musique de l'Académie des beaux-arts a procédé hier
samedi au choix des six, concurrents pour le grand prix de composition
musicale. Voici leurs noms dans i'ordre de leur admission : MM. Saint-
Saëns, élève de MM. Ilalévy, Maleden et Benoist ; Portehaut, élève de
MM. Adam et Zimmerman; Laffitte, élève de M. Carafa; Léonce Cohen,
élève de M. Leborne ; Galibert, élève de MM. Ilalévy et Bazin ; Poise, élève
de MM. Adolphe Adam et Zimmerman.
*** M. Charles Jacobi, virtuose sur le hautbois et avantageusement
connu par ses compositions pour cet instrument, vient de mourir à l'âge
dé près de 64 ans, à Cobourg, où depuis vingt ans il remplissait les
fonctions de directeur de la chapelle ducale.
CROMIQUE BEP/lFiT^OTEttTALE.
*■,,*■ Lyn, 6 juin. — Voici en quels termes un journal de cette ville, le
Saluf pubhr, parle du premier concert donné le 3 juin, au Cercle musical,
par Léopold de Meyer : « Le proverbe, Menteur tomme un programme, en
a menti par la gorge; certaine affiche rose avait promis un beau concert,
et l'affiche a tenu parole. Cependant puisqu'il faut accuser quelqu'un ou
quelque chose du flagrant délit d'inexactitude, nous n'hésitons pas à si-
gnaler à la vindicte artistique une caricature que l'on a pu voir affichée
à la devanture des marchands de musique : elle représente M. L. de Meyer,
en train d'exécuter un piano réputé à toute épreuve... Non, pardon, c'est
la Bataille d'Isly, exécutée sur un solide piano d'Érard, que je voulais
dire. Sur la foi de ce méchant carré de papier, on s'attendait à trouver
en M. de Meyer un artiste à gros et forts poignets, qui aurait en perspec-
tive l'avantage de pouvoir s'enrégimenter dans les forts de la Halle, le
jour où l'art musical viendrait à chômer. Au lieu de ce robuste pianiste
devant qui Erard semblait devoir demandé grâce pour ses admirables in-
struments, nous avons rencontré un charmant virtuose, dont les compo-
sitions révèlent une douceur, une légèreté, une grâce remarquables,
mêlées à une certaine originalité de rli.Whme qui sert beaucoup à l'ell'et
de l'ensemble. La note de M. de Meyer est toujours pure et sonore : ses
traits finals sont d'une exquise délicatesse; les broderies du chant surtout
très-vigoureu-eriient dessinées et admirablement exécutées; nous n'en
citerons pour preuve évidente que les tlWs shjn'nr, grande fantaisie va^
riée, où la foi nie nouvelle des divers thèmes mélodiques du moi ■eeau iu-
le cède en rien à la richesse des variations qui les accompagnent. \1. de
Meyer a été applaudi à tour de bras après l'exécution de cette fantaisie
comme après ta grande Marche d'Isly, morceau capital par lequel l'au-
teur s'est révélé comme un talent hors ligne et surtout essentiellement
individuel et distinct de tous les autres maîtres. » Le célèbre artiste a
donné un second concert le vendredi suivant, et le lundi, un autre con-
cert au théâtre. La foule se presse pour l'entendre : on revient de la
campagne tout exprès. Les morceaux qu'il joue le plus souvent et avec
le plus de succès sont le Souvenir d'Italie et la fantaisie sur le Propl etc.
*\* Aancy. — Hermann-Léon et les Mousquetaires de la Reine viennent
d'obtenir ici un double succès des plus chaleureux et des plus productifs.
L'artiste a rendu le rôle du capitaine Roland , sa création originale, avec
tout le talent qu'il y déployait a Paris. Pour terminer, il a chanté le Vieux
Caporal, de Béranger, mis en musique par Bonoldi, de manière à produire
un effet électrique.
*** Carcassomv, 29 niai. — Le troisième ponpert de la Société philhar-
monique s'est' donné dans la salle de la mairie avec le concours; de l'école
de chant et des premiers artistes du théâtre. M. Teisseyre, directeur de
l'école, s'est montré, comme toujours, excellent et infatigable chef d'or-
chestre, chanteur consommé, accompagnateur habile. Il a dans ce concert
: joué le rôle le plus difficile et: le moins brillant, mais il a dû être bien
récompensé par les applaudissements qui ont été prodigués aux musiciens
et aux chanteurs. Les ouvertures de Leslocq, d'Auber, et celle de Misso-
lonyhi, d'IIérold, figuraient sur le programme avec le grand duo des Hu-
guenots,un chœur cVUlhal, un trio de J, seph, un duo de Norma, et autres
morceaux de musique d'élite.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
'** Londres, ii jùiri. — La popularité aristocratique d'Emile Prudent va
grandissant chaque jour, depuis qu'il- a- eu l'honneur d'être entendu et
applaudi -par la reine. Il est de. tous les grands concerts et vient encore de
jouer à Willis's'rooms, et Beethoven association. Partout mêmes bravos,
même triomphe. — La nouvelle Société philharmonique a donné son cin-
quième concert; entre plusieurs morceaux de.Mendelssohn, de Beethoven,
de Haendel, et autres, on y a exécuté l'ouverture des Francs-Juges, de
Berlioz, et V Invitation à la vulsi', de Weber, orchestrée par lui. Dans le
sixième et dernier concert, on redira la symphonie avec chœurs de Bee-
thoven, et Mme Pleyel se fera entendre. - En attendant, la célèbre pia-
niste est allée donner des concerts à Brighton. — Les deux théâtres
italiens ne sortent pas de leur répertoire ordinaire; ils ont l'air de som-
meiller ; c'est dommage que le bien ne vienne pas toujours en dormant.
*„.* Genève: — 'Ernst, le violoniste célèbre, s'est fait entendre dans deux
concerts au théâtre. Il nous a fait connaître ses plus belles compositions,
notamment son concerto (allegro pathétique), sa fantaisie sur Otello, ses
caprices' du Pirate, son Bondo t'apageno-et son célèbre Carnaval de Venise.
Le public l'a reçu avec enthousiasme; les couronnes et bouquets ne lui
ont pas manqué. Maintenant l'incomparable artiste nous donne une série
de soirées musicales, dans lesquelles il nous fait entendre la musique clas-
sique des grands maîtres. Dans sa première soirée, le 3 juin, il a exécuté
un quatuor d'Haydn, Feuillet d'Album, de Stephen Ileller, son Elégie, ses
airs hongrois, et la grande sonate de Beethoven, pour piano et violon
dédiée à Kreutzer. ; il a été secondé dans cette dernière œuvre par un
jeune pianiste distingué de Pesth, M. Adler, qui, sous l'inspiration du
grand artiste, a exécuté la partie de piano en grand maître. M. Paulin,
ancien artiste de l'Opéra de Paris, a aussi chanté d'une manière tout à
fait supérieure l'air de Don Juon, une romance des Puritains et deux
Lieder de Schubert. Ernst doit encore faire une excursion à Lausanne
pour y donner un second concert, ainsi qu'à Vevey, après quoi il nous
reviendra pour continuer ses intéressantes soirées, et nous espérons le
garder encore longtemps parmi ne us, qui avons conservé un souvenir si
vif de son séjour à Genève en 1833.
* * Vienne, 3 juin. — M. Joseph de Leidersdorff, jeune sous-lieutenant,
qui, dans les campagnes de la guerre de Hongrie, a perdu la vue en com-
battant pour la cause de l'ordre, vient de recevoir.de l'empereur une
marque précieuse de bienveillance. Sa Majesté ayant appris que M. de
Leidersdorff était un des ditetlahli les plus distingués de Vienne, et que,
malgré sa cécité complète, il continuait à cultiver avec ardeur la musi-
que^ lui a donné la jouissance d'une stalle d'orchestre au théâtre impérial
du Grand-Opéra pour toute sa vie. — Lindpaintner, maître de chapelle à
Stuttgart, vient d'arriver ici ; il y apporte avec lui'sou nouvel opéra qui
doit être joué pendant la saison allemande. Au théâtre Josephstadt on
annonce le Maçon, d'Auber.
*„* Cohurg.— Le 25e anniversaire de la fondation de notre théâtre a été
célébré par la représentation des Cantatrices de village, de Fioravanti ;
c'est par cette partition que le théâtre avait été inauguré il y a 25 ans.
Après la représentation, les artistes attachés à cet établissement ont as-
sisté à un banquet, auquel le duc de Saxe-Cobourg avait également invité.
Mme Schroeder Cevrient [Xme de Bock)-; Mme Charlotte Hagen (Mme de1
200
REVUE ET GAZETTE MUSICALE DE PARIS.
Oven), et M. de Kontski. M. de Wangenheim a pris la directioa de l'inten-
dance du théâtre et de la chapelle ducale, sous le titre de maréchal de la
maison du duc.
%* Munich.— Le Conservatoire de cette ville a perdu un de ses maîtres
les plus distingués : M. Oberlaender, excellent professeur de piano, vient
de mourir. — Mme Sontag continue ses brillantes représentations: la Fille
du régiment lui a offert l'occasion d'un véritable triomphe.
*t* S^inl-Pélersbourg. — La Société philharmonique a fêté le 50" anni-
versaire de sa fondation par un grand concert, auquel ont pris part l'élite
de l'orchestre impérial, les chanteurs de la cour, etc. ; il y avait en tout
360 exécutants. Le programme se composait des morceaux suivants :
l'hymne national des Russes ; première partie d'une symphonie du comte
Wielhorsky; le Stabat du général Lwoff, et enfin la première partie de
la Création, d'Haydn ; c'est avec ce fameux oratorio que la Société s'était
inaugurée il y a cinquante ans.
Le gérant : Ernest DESCHAMPS.
MUSIQUE NOUVELLE par H. HERZ.
Op. 1S6. Marche nationale mexicaine, composée à Mexico.
Op. 165. Tarentelle nouvelle et brillante.
Op. 171. La Tapada, polka caractéristique du Pérou, composée à Lima,
avec un lithographie.
Op. 168. L'écume de mer, valse brillante.
Op. 167. La californienne, polka composée à San-Francisco.
A Paris, chez les marchands de musique, et 48 rue de la Victoire.
EN VENTE :
C'BIEE ESRA1VOUS ET €", 103, RUE RICHELIEU,
SEPT AIRS DE BILLET ET UNE MARCHE TRIOMPHALE
JJfT
De F. MAÏiÉVY,
Arrangés pour le piano par
N" 1. Pas des Esclaves k 50
2. Pas des Voiles k 50
3. Le Bourdonnement U 50
U. Le Berger Aristée h 50
N0' 5. La Ronde 4 50
6. La Reine des abeilles 4 50
7. La Recherche 4 50
8. Marche triomphale 2 50
LÀ POUPÉE DE I1ÏR
La Purlition de ces opéras pour piano, in-8°, chaque, net .... 8 »
L'ouverture pour piano et à quatre mains, chaque 6 et 7 50
Choix des plus jolis airs arrangés pour deux violons, par ». «16«el-
hrimer, 2 suites, chaque 9 »
Les mêmes arrangés pour deux flûtes , par B. Walcltlers ,
2 suites, chaque 9 »
Les ouvertures de ces opéras pour deux violons, chaque A 50
Les mêmes pour deux flûtes, chaque à 50
Deux nouvelles Romances de
MARINE
Paroles cl' ADOLPHE CATELIN.
LA MER
Paroles de ERNEST DASSIER.
L'Ombre Album 1852. 2 50
Le Spahis — 2 50
Elle était là — 2 50
La Sœur des Marguerites ... — 2 50
Ange ou Démon . ". — 2 50
Loin du pays — 2 50
Ange, regarde-toi, romance 2 50
Adieu, patrie, romance 2 50
La même transposée four vois de basse . . 2 50
Aimer et souffrir, romance 2 »
Ce que j'aime, romance 2 »
La même transposée pour voix de basse . . 2 ■>
Chanson du Capitaine 2 50
OU MEME AUTEUR :
Le Chêne du Diable 2 50
La même pour voix de basse 2 50
Les Contrabandistas, romance 2 »
De la montagne je suis le Roi, romance ... 2 »
Les deux Corsaires, romance 2 »
Les Dragons de Castille, romance 2 50
Fou d'amour, mélodie 2 50
La même transposée pour voix de baryton . 2 50
Le Jour et la Nuit, sérénade 2 50
Je suis Braconnier 2 50
Iselle la Batelière 2 50
Les Larmes du cœur, romance 2 50
Ma Mère il faut mourir, romance ....... 2 »
Mère et Patrie, romance 2 :
Mon Pilote c'est l'amour, romance 2
Promenade en mer, barcarolle 2
Le rêve du Page, mélodie 2 !
Thérèse la blonde, pastorale 2
Trop tard, romance 2
Toujour t'aimer, romance 2
Une vengeance corse, romance 2
La même transposée pour voix de basse . . 2
Va t'en, je t'aime, mélodie 2
La même transposée pour contralto .... 2
Venise et Bretagne, romance 2
S. LEE.
Impromptu sur la POl'PEE DE aiHREJIBEKCi
de A». Adam ,
POUR VIOLONCELLE AVEC ACCOMPAGNEMENT DE PIANO.
Op. 63. — PRIX : 5 FR.
F. BURGMULLER.
Grande Valse brillante pour le piano sur le JUIF ERRANT
de F. Ûaléit,
PRIX : 5 FR.
ILLUSTRÉE DU PORTRAIT DE MADE «OI-ELLE LOUISE TAGLIOM.
PARIS. — IMPRIMERIE CE.NTRALE DE NAPOLEON CUAIS ET C", HUE DERGERE, -J0.
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REVUE
20 Juin 1852.
Prix de I Abonnement :
Pari*, uo in «M fr
Départements, Belgique et Suisse 30
Étranger 31
Le Joumol poroît le Dîmarctae.
GAZETTE MUSICALE
SOMMAIRE. — Richard Wagner (3* article), par IVlis père. — Un concert de
chant dans le département du Nord, par Edouard Fétis. — Nouvelles et
annonces.
Xos Abonné** reçoivent avec ce numéro
JUIF ERRtlT , pur Pnsdcloup.
SC1IOTTI*» Il SI R m:
RICHÀBD WAGNER.
Sa vie. — Son système de rénovation de l'opéra. — Ses œuercs comme
poète et comme musicien. — Son parti en Allemagne. — Apprécia-
tion de la valeur de ses idées.
(Troisième article.) (1).
Nous savons les principaux événements de la vie de Richard Wagner;
mais bien que certains traits, cités çà et là dans les deux premiers ar-
ticles de ce travail, aient pu donner une indication de son caractère,
nous connaîtrions mal cet artiste, si ses opinions et ses maximes n'é-
taient l'objet d'un examen attentif. C'est dans cet examen que nous trou-
verons le secret de la direction donnée à sa carrière comme homme
et comme novateur. Livrons-nous donc à la recherche des principes
fondamentaux sur lesquels repose tout l'édifice des conceptions de
l'auteur de Tannhauser et de Lohergrin. Si je sais dégager ces princi-
pes du fatras de déclamations oiseuses dans lequel il les a noyés, mes
lecteurs seront placés au point de vue sous lequel seulement on peut
apprécier les productions de l'hcmme singulier que je me suis chargé
de leur faire connaître.
Tout homme qui se donne la mission de changer les choses, les doc»
trincs ou les croyances, a un point de départ qu'il faut connaître si
l'on veut comprendre le but de son œuvre. Quel est donc le point de
départ de Wagner? Le voici : « L'ouvrage d'art absolu (dit-il, page 10
» de ses Communications à se< amis), c'est-à-dire l'ouvrage qui n'est
» lié ni au lieu, ni au temps, et qui n'est pas destiné à certains hom-
» mes, dans de ceri aines circonstances, pour être compris, seulement
» par eux, cet ouvrage est un non-sens, une chimère, qui ne peut
» exister que dans des rêves esthétiques. » La signification radicale
de cette maxime est que le beau n'a qu'une existence conditionnelle,
contingente, passagère, et qu'il ne peut se déterminer d'une manière
absolue. Or, si cela est, il devient impossible de le caractériser, ni de
dire par quoi on peut le reconnaître.
Une première et inévitable conséquence d'une telle maxime, c'est
que les œuvres considérées comme des modèles de beauté, de perfec-
tion, ne doivent avoir qu'une existence momentanée, transitionnelle.
(1) Voir les n° 23 et 24.
Elles n'ont de valeur qu'au moment de leur création, et seulement
comme manifestation de la puissance d'invention de leur auteur. Plus
tard, elles sont moins que rien, et leur valeur n'est tout au plus que
relie du papier (keinen Pfifferling werth ist, und hôchstens als das
Papier. Page 13, note). Cette conséquence, c'est Wagner lui-même qui
l'établit et la développe dans douze ou quinze pages écrites du style le
plus boursouflé, dans lequel les épithètes et la surabondance des ad-
jectifs accablent le lecteur de fatigue et d'ennui. Et qu'on ne croie pas
que j'exagère ici le sens de ses paroles : celles que je viens de citer
s'appliquent aux œuvres du génie de Shakespeare. L'auteur complète
sa pensée par cette phrase : « Le Shakespeare qui vaut quelque chose,
» c'est le poëte qui crée des choses nouvelles, et qui est à toutes les
» époques ce que Shakespeare a été de son temps (1). » Un passage
plus curieux encore est celui dans lequel il prétend que le Don Jvan,
cet ouvrage immortel de Mozart, a été bon pour son temps, mais qu'il
a perdu sa signification de nos jours. « D'abord, dit-il, l'ouvrage a été
» écrit en italien par le poëte, et maintenant on le joue en allemand! Il
>i était écouté par la génération pour laquelle il a été conçu. » Puis il ajoute
cette remarque bouffonne : « L'acteur qui a joué originairement le rôle
» de Don Juan avait les qualités nécessaires pour représenter ce person-
» nage, et d'ailleurs il avait été dirigé par le poëte et par le compositeur ;
» mais en est-il de même aujourd'hui (lorsqu'on représente cet ou-
» vrage) devant un public tout différent, préoccupé d'affaires de
» bourse, et composé de conseillers privés de gouvernements ; lors-
» que enfin l'acteur aime à jouer aux quilles, à boire de la bière, et
» échappe ainsi à toute occasion de devenir infidèle à sa femme? »
(Page 23.) Mes lecteurs trouveront peut-être que voilà des rai-
sons bien niaises pour arriver à la conclusion que le chef-d'œuvre de
Mozart a perdu la plus grande partie de sa valeur et qu'il n'a plus au-
jourd'hui que celle du papier de la parution. Mais si Richard Wagner
se montre assez faible dans ses arguments, il n'en fait pas moins une
longue et rude guerre à l'art monumental. Le monumental ! c'est, dans
ses idées, l'obstacle opposé à toute innovation ; c'est, suivant l'expres-
sion de Voltaire, l'infâme qu'il faut écraser! Le respect, l'admiration
des artistes et des connaisseurs pour certaines œuvres du génie, sont,
à son avis, des liens qui garrottent notre intelligence et l'empêchent de
comprendre les créations hardies de notre temps. Et voilà pourquoi
l'existence même du génie qui a produit ces œuvres est combattue par
lui ; voilà pourquoi il lui substitue l'esprit mécontent de ce qui existe.
Son tempérament se révolte contre la réalité de cette faculté excep-
tionnelle dont certains individus seraient doués par l'arbitraire de
(1) Der Shakespeare, der uns einzig etwas werth sein kann ist der immer neu
schaffende Dichter, der zu jeder Zeit das ist, was Shakespeare zu seiner Zeit war.
(P. H, noie.)
202
taiC3MAT]
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
Dieu ou de la nature (sie nicht durch die Willkûr Gottes oder der
IN'atur in das Lebenge worfen werden) ! La [faculté de conception et
d'invention n'est autre chose que le développement progressif de la
force vitale accordée à tous, et que Wagner appelle/ac*<//e communiste.
Si cette force vitale n'arrive à son développement que par exception,
c'est qu'elle se détériore et s'étiole sous l'influence de la discipline de
l'état, c'est-à-dire par l'éducation. Celui qui aie bonheur d'échapper à
cette délétère influence conserve l'intégrité de sa force vitale, d'où sa
faculté de conception : celui-là seul est capable des plus grandes choses.
Vous voyez, mon cher lecteur, que nous voici en pleine école de
M. Proudhon,
Dieu merci, nous voici débarrassés du génie et de ses œuvres ; nous
avons secouéle joug du respect et de l'admiration que nous leur por-
tions ; nous avons-même affranchi notre esprit de la chimère d'un beau
absolu, idéal, qui échapperait aux outrages du temps, et qui serait
senti par toutes les générations. Nous sommes donc parvenus à la situa-
tion dans laquelle M. Wagner voulait que nous fussions pour avoir
l'aptitude à comprendre ses œuvres! Mais non : il reste encore à nous
guérir d'une lèpre qui gâte tout. Et quelle est cette lèpre? La critique,
et surtout la critique historique, qui pose la base de ses analyses sur
le monumental, ce cauchemar de M. Wagner, et qui a exercé sa mali-
gnité sur le Hollandais volant et sur Tannhauser. Ici vient se placer
la deuxième déduction nécessaire de la maxime qui met au néant le
beau en lui-même, indépendant des temps et des circonstances; car
s'il n'y a plus de beau absolu, ses monuments s'écroulent avec lui ; et
s'il n'y a plus de beau comme règle, plus de monuments comme
exemples, la critique n'a plus de base; elle rentre dans la poussière,
et les novateurs respirent. Je ne puis vous le cacher, mes chers colla-
borateurs, MM. Blanchard, Maurice Bourges, Kastner, et tutti quanti :
Richard Wagner a pour nous des mépris dont vous serez fort humiliés,
si vous n'êtes pourvus de la philosophie qui me fait persévérer dans
ma placidité. Je ne sais ce qu'a dit la critique des productions de
M. Wagner ; mais il faut qu'elle ait été bien osée et qu'elle l'ait blessé
au cœur, car il la déclare dépourvue de toute intelligence, pour lui
avoir opposé des règles qui ne sont, pas les siennes. Il ne fait pas d'ex-
ception ; c'est la critique en masse qu'il proscrit, comme une des cala-
mités de l'art actuel. Le faire vivre en ; paix avec elle, ce serait comme
si l'on voulait donner une constitution sérieuse, une représentation na-
tionale véritable, et les libertés de la presse, au gouvernement de
l'empereur Soulouque.
On voit par ce qui précède que, pour se mettre au, point de vu favo-
rable à la conception du drame musical imaginé, par Richard Wagner,
il faut rompre avec les notions du beau absolu , du génie qui le réalise,
de ses monuments, et de la. théorie esthétique qu'on en aurait déduit.
Supposons pour un instant que ces résultats sont obtenus, et voyons
si l'auteur de Tannhauser et de Lohengrin atteint enfin sans obstacles
le but vers lequel il aspire. Hélas ! non ; car, s'il ne trouve pas en son
chemin l'art du passé, il y trouve celui du présent : l'art de la mode,
comme il l'appelle ! Peut-être penserez-vous que si cet art a des déter-
minations différentes de celles du passé, c'est qu'il s'est trouvé des
esprits mécontents qui ont fait de leur côté ce que Wagner' fait du
sien, et, conséquemment, qu'il doit y avoir sympathie entre eux.
Mais, non : une différence radicale les sépare, ainsi qu'on va le voir.
Les poètes dramatiques et les compositeurs de l'époque actuelle,
suivant l'opinion de Wagner, ont pour but unique l'art sensuel , c'est-
à-dire celui qui vise à produire des émotions agréables, à plaire, à
caresser les penchants de la multitude ignorante, tandis que lui songe à
réformer cet art, sans se préoccuper du plaisir qu'y pourront prendre
les gens de cour et la bourgeoisie. Cette différence de détermination
provient de ce que la force vitale qui se développe en faculté de con-
ception est composée de deux principes, dont un est masculin et l'autre
féminin. Si le principe mâle domine dans le développement de la fa-
culté de conception, alors on arrive à l'énergique, au grand , et l'on
voit se produire les symphonies de Beethoven ou bien le Tannhauser
et le Lohengrin. Mais, par cela même que la conception est forte, elle
reste obscure pour le vulgaire, et le temps seul peut initier celui-ci à
l'intelligence de ses beautés vigoureuses. Si , au contraire, le principe
féminin delà force vitale prend le dessus dans le développement de la fa-
culté de conception, celle-ci n'arrive que jusqu'au sensuel, aux émotions
qui tiennent plus de la sensibilité que de l'intelligence, et l'on voit sa
produire des choses telles, par exemple, que Guillaume Tell, Robert-
le-Diable et les Huguenots, la Muette de Portici ou la Juive. Ces pro-
ductions, faisant une large part à l'action des sens, sont à la portée du
plus grand nombre, et, par cela même, tombent; dans le domaine de
la mode. On voit donc que les tendances de l'art du xixe siècle ,
bien que différentes de celles du siècle précédent , n'ont .pas de rap-
ports avec celles de M. Wagner, et que les facultés créatrices des au-
teurs des ouvrages qui viennent d'être cités sont dans un ordre infé-
rieur à celles de ce réformateur. Telles sont les conclusions auxquelles
j'ai été conduit par la lecture de la préface qui me guide dans ce
travail.
« Je n'ai point été compris, dit M. Wagner : ni le public , ni les cri-
tiques n'ont eu l'intelligence de mes œuvres et de mon but ; le monu-
mental et l'art de mode ont été mes obstacles ; enfin , hormis le petit
nombre de mes amis, personne n'a sympathisé avec mon sentiment.
Quelles qu'eussent été mes espérances, j'ai dû reconnaître, après plu-
sieurs expériences, que je n'ai rien à attendre de la génération actuelle:
c'est pour l'avenir que je travaille. »
Je viens d'exposer les théories développées par Richard Wagner
dans ses Communications à ses amis, sans y mêler de réflexions sur leur
valeur, parce que j'ai voulu rendre aussi facile que je l'ai pu l'intelli-
gence des principes sur lesquels reposent ces théories, dont la con-
naissance est indispensable pour comprendre l'analyse des drames et
de la musique du réformateur. Arrivé au point où je suis, je pense que
le moment est venu pour examiner la véritable signification des propo-
sitions singulières qu'on vient de lire; propositions qui, du reste, ne
sont que des conséquences de l'esprit de révolte et de révolution qui
agite en ce moment le monde, et menace l'existence de l'art aussi bien
que celle de la société. Voyons donc quel est le degré de solidité des
principes avancés par M. Wagner.
Le beau absolu, indépendant des temps et des lieux, est une chi-
mère, et les œuvres des plus grands artistes, transportais dans des
temps postérieurs- à ceux de leur création, n'ont de valeur que comme
manifestation de la puissance de conception de leurs auteurs. Le but
de cette proposition est de faire considérer comme vaines les règles de
proportions, de goût et de formes qu'on prétendrait tirer de la perfec-
tion de certaines œuvres de l'art. Ceci ne s'adresse pas seulement au
drame, à la musique, mais à tout ce qu'ont produit la pensée et la
main de l'homme depuis l'origine du monde. Poésie, philosophie, ar-
chitecture, art statuaire, peinture, n'ont enfanté que des œuvres bon-
nes pour le temps qui les a vues naître, et condamnées, dès le moment
de leur création, à ne représenter plus tard que la personnalité de ceux
qui les avaient produites! 11 n'y a plus qu'illusion pour le poëte et pour
Tartiste, et tandis qu'ils aspirent à la postérité, c'est au néant qu'ils
aboutissent, en tant qu'ils croient à la réalité de leurs œuvres! Cou-
rage, hommes d'élite! courage! Une belle carrière vous est ouverte!
Evertuez-vous à tracer sur le sable du désert des siècles de belles pen-
sées, afin que le vent de l'avenir les efface, et qu'il ne reste que votre
nom dans les temps futurs, pour témoigner de votre impuissance 'à
rien produire de durable! Mais non, ne croyez pas à la maxime quj
dénie le droit d'existence à vos ouvrages, car elle se contredit elle-
même. Wagner 's'élève contre le despotisme des monuments de l'art
qu'on veut lui faire subir, et déclare que la beauté qu'on leur attribue
s'est anéantie dans le passage d'une époque à une autre. La contradic-
tion est manifeste; Car si le monument est là, ne fût-ce qu'en papier,
et si ses beautés sont senties par ceux qui les donnent comme modèles,
elles n'ont donc pas péri, et les objections qu'on tire contre elles de la
différence des temps et des circonstances, loin d'atteindre le but qu'on
DE PARIS.
203
se propose, consistent au contraire que ces beautés sont de tous les
temps, parce qu'elles sont l'expression idéale du sentiment du beau
absolu que nous portons au fond de notre àme. Eli quoi! c'est un
poêle, c'est un artiste, qui nie l'existence absolue du beau, et qui se
fait un argument de celte négation dans un but de polémique? Que se
propose-t-il donc dans ses œuvres? Oh! j'ai, moi, dos arguments bien
plus solides à opposer au scepticisme des instincts révolutionnaires de
M. Wagner. Je pourrais d'abord invoquer ceux de la philosophie la plus
élevée ; mais j'ai traité naguère scientifiquement ces questions, et la
Gazelle musicale a reproduit mes leçons sur ce sujet; je ne répéterai
donc pas ici ce que j'ai dit. Les arguments d'expérience ne me man-
quent pas, et ceux-là sont les plus puissants dans la discussion des faits-
Or, j'ai tiré de la poussière des bibliothèques de vieux papiers monu-
mentaux, et j'ai fait entendre dans mes concerts historiques et dans
mes cours la voix des siècles passés. Un enthousiasme qui ne s'est ja-
mais démenti depuis vingt ans a toujours accueilli ces reproductions
de beautés naïves ou grandes que les transformations de l'art n'ont pu
faire vieillir, parce que le beau idéal ne vieillit pas, et que la beauté
malérielle seule disparaît sous la main du temps. Le .beau absolu n'est
donc pas une chimère, car il est inhérent à l'organisation de la nature
humaine. 11 ne se produit pas par imilation, mais par le concours de
diverses facultés parmi lesquelles l'imagination tient le premier rang.
Enfin, par cela même qu'il est le beau, c'est-à-dire l'expression la plus
élevée et la plus pure du sentiment de l'homme, il est impérissable.
Je ne sais ce que M. Wagner a cru gagner pour son système négatif
par la substitution delà force vitale au génie, comme principe de produc-
tions dans l'art. Qu'entend-il par la force vitale ? Cette force ne réside
véritablement que dans l'âme, principe de vie qui pense, sent et veut.
Mais l'àme en laquelle se résument l'intelligence elle sentiment, c'est le
génie lui-même lorsque l'imagination, qui est une de ses facultés, est
douée d'une énergie plus grande que chez le commun des hommes.
Wagner ne veut pas que cette faculté soit un don du hasard ou de la
puissance souveraine de Dieu, qu'il qualifie d'arbitraire. Selon lui, la
force vitale est la même chez tous les individus; c'est, suivant son
expression, une faculté communiste ou pour parler plus exactement,
commune. Si elle ne produit pas toujours de beaux résultats, c'est que
la faculté de conception, qui en est le développement, est comprimée,
et par degrés détruite sous l'influence de l'éducation. Il oublie que la
plupart des hommes qui ne reçoivent aucune éducation sont des rus-
tres, et que les hommes les plus éminents de la science et de l'art ont
été soumis à un long enseignement. Lui-même, qui se vante d'avoir
échappé av. malheur d'être édvcjuc, ce que je ne mets pas en doute,
avoue qu'il a passé par tous les degrés de l'imitation dans les premiers
travaux, même de l'imitation de choses qui, plus tard, lui sont deve-
nues antipathiques. Or, qu'esl-ce que l'imitation si ce n'est une édu-
cation véritable? Lors même qu'on l'abandonne pour se livrer à ses
propres déterminations, on s'est instruit par elle. L'esprit révolution-
naire, qui rêve l'égalité absolue, ne veut pas qu'on lui oppose l'inéga-
lité des facultés , éternel écueil de cette égalité impossible. De là ces
théories communistes et socialistes, qui ne sont pas d'hier, mais que
nous avons vu reproduire depuis peu sous différentes formes. Je ne suis
pas étonné de trouver en M. Wagner des sympathies pour ces aberra-
tions de l'esprit; mais je ne puis m'expliquer ce qu'il en peut tirer à
l'appui de ses théories de l'art. Qu'on appelle gé/rie ou force vitale le
principe qui préside à la production des œuvres d'art, peu importe :
on ne détruit pas pour cela le sentiment du beau absolu, parce qu'il est
indestructible dans les âmes d'élite. A l'égard de la doctrine de l'éga-
lité des facultés, elle ne vaut pas la peine d'être discutée. En l'accor-
dant à M. Wagner, on ne lui fait pas un grand cadeau ; car si tout le
monde a la force vitale ou le génie, peu d'hommes en font usage; c'est
donc comme si les autres ne l'avaient pas.
11 est un point cependant sur lequel je ne puis transiger avec l'auteur
de Tannhauser : le principe qui préside à la production des œuvres
d'art, il l'appelle faculté do conception ; or, la faculté de conception ,
c'est l'intelligence, et l'intelligence est impuissante à produire seule le
beau. C'est l'imagination qui invente, et celle-ci est aussi inséparable
du sentiment que de l'intelligence. 11 y a évidemment confusion dans
l'esprit de M. Wagner à ce sujet; car il dit, dans un eiidruii (Je sa pré-
face, qu'il a produit par le sentiment, et que ses critiques l'ont jugé par
l'esprit; tandis que dans un autre passage , il parle de sa faculté de
conception comme du principe de ses ouvrages. Confond-il donc le
sentiment avec la faculté de concept.'on , et met-il son cœur dans sa
tète?
La confusion que je signale se manifeste d'une manière évidente
dans l'opinion qu'a Wagner, que si ses ouvrages n'ont pas eu de succès,
c'est qu'ils n'ont pas été compris par le public. Ce qui est produit par
le septiment n'a pas besoin d'être compris , il doit être senti. 11 y a
sans doute dans toute œuvre d'art certaines parties qui appartiennent
à la conception, car, ainsi que je viens de le dire, l'imagination parti-
cipe de l'intelligence et du sentiment; mais lorsque celui-ci a fourni sa
part dans l'œuvre, la part de l'autre devient bientôt intelligible. C'est
donc une erreur partagée par Wagner et par quelques autres artistes ,
dont les œuvres ne sont pas sympathiques aux masses, de se persuader
que les ouvrages d'art sont des problèmes dont il faut chercher la so-
lution. L'inspiration véritable n'est pas si bizarrement contournée
qu'elle ne puisse être comprise sans effort de l'esprit. Malheur à la
musique dont la signification reste environnée d'incertitude ou de dé-
goût après son audition ! Tenez pour certain que l'imagination y a eu
peu de part.
L'artiste incompris de son temps, ou qui du moins croit l'être, se ré-
fugie dans l'avenir , car nous avons toujours besoin d'espérer en quel-
que chose. Je comprendrais donc sans peine que tout autre que Richard
Wagner en appelât aux générations futures des injustices de ses con-
temporains ; mais lui qui croit que les ouvrages ne sont faits que pour
le temps où ils ont été faits et pour des circonstances données , com-
ment peut-il se persuader que les siens vivront dans l'avenir? Il re-
pousse le monumental, et lui-même veut en faire pour nos neveux ! La
contradiction ne peut être plus flagrante. Si je cherche à la concilier,
je ne puis y parvenir qu'en supposant que Wagner est partisan de la
doctrine du progrès dans l'art; doctrine qui ne soutient pas le plus
léger examen, et que l'expérience repousse aussi bien que la véritable
philosophie. FÉTIS père.
(La suite au prochain numéro.)
UN CONCOURS DE CHANT DANS LE DÉPARTEMENT DU NORD.
Le beau soleil de mai , qui , par exception , n'a pas fait mentir les
poètes cette année, m'avait donné des velléités champêtres. J'éprouvais
un besoin impérieux de fuir la ville , d'aller respirer l'air pur des cam-
pagnes et me rafraîchir l'âme par la vue de la végétation printanière.
Je formai le projet d'une excursion dans le département du Nord. Un
convoi du chemin de fer me déposa à Lille, d'où je pris ma course pé-
destre, heureux d'échapper au joug de la vapeur, d'être libre dans mes
allures, de m'appartenir enOn. Dût-on m'appliquer l'épithète de rétro-
grade, je déclare que, dans mon opinion, les chemins de fer ont détruit
le charme des voyages. L'homme qui preud place dans le train d'un
railway fait le sacrifice de sa personnalité; il abdique son libre arbitre;
il dépose sa dignité. L'administration qui se charge de le transporter
ne fait pas plus de cas de lui que d'un ballot de marchandise; il est
mis au même rang que sa malle et son sac de nuit. On n'a pas encore
imaginé de le revêtir d'un numéro ; mais avec les progrès de ce qu'on
appelle la civilisation, on ne peut manquer d'en venir là.
Au signal du coup de cloche , le voyageur s'est hâté de prendre sa
place, la première venue, car au chemin de fer on ne peut retenir un
coin, ainsi que cela se faisait au temps de la diligence. Le voilà ins-
tallé ; on part... on est parti. Tant pis pour les retardataires ; la vapeur
n'attend personne , impatiente qu'elle est d'employer sa force conte-
204
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
nue. Les arbres, les maisons glissent comme des fantômes le long des
portières. Un site pittoresque se présente ; le voyageur s'apprête à en
jouir. Soudain le convoi entre dans un tunnel, sous prétexte que les
terrains accidentés le gênent. On circule dans une obscurité profonde;
mais on a la satisfaction de savoir qu'au-dessus de soi sont de riches
prairies et des coteaux verdoyants. Une ville intéressante, à laquelle
se rattachent des souvenirs historiques , se présente sur la route qu'on
parcourt. Il faut renoncer à la connaître. Le chemin de fer ne franchit
pas plus volontiers les murs d'une cité que les flancs d'une colline. On
se contente donc d'apercevoir de loin les silhouettes des plus hauts édi-
fices se détachant sur l'azur du ciel. L'imagination, quand imagination
il y a, est chargée du soin de compléter le tableau.
Le convoi du chemin de fer suit obstinément sa ligne droite inflexi-
ble. Avec lui, plus d'imprévu, si ce n'est quelque explosion ou quelque
choc terrible qui vous envoie dans l'autre monde. Adieu les mille in-
cidents de la route , les enfants qui jouent sur le seuil des chaumières,
les villages traversés le soir, la forge qu'illuminent les étincelles jaillis-
sant sous les coups répétés du marteau, le passage mystérieux du pont
levis d'une place forte pendant la nuit, les haltes des relais, les discours
mêlés de coups de fouet que le postillon adresse à ses chevaux pour
stimuler leur ardeur, les côtes gravies à pied ; adieu tout ce qui faisait
le charme du voyage en diligence. Avec le chemin de fer, on part et
l'on arrive. Le trajet est supprimé.
Pour quiconque veut voir le pays qu'il parcourt, il n'y a plus qu'une
manière de voyager avec quelque agrément, c'est de voyager à pied.
Les gens qui ont peur de la pluie et du soleil, du vent et de la pous-
sière, ceux qui veulent tout régler méthodiquement apprécient peu les
avantages de ce moyen de locomotion essentiellement primitif, je l'a-
voue. Qu'il est doux cependant de se sentir libre, de ne dépendre de
rien, ni de personne, de cheminer à son aise le long des sentiers, de
s'arrêter si l'on veut pour admirer un beau point de vue, de s'asseoir
au bord d'une rivière si l'on en a la fantaisie, de cueillir en passant des
fleurs dans les prés, de respirer à pleins poumons les suaves senteurs
du bois dont on côtoie la lisière ! On marche au hasard, et comme on
n'a pas d'itinéraire tracé d'avance, on est sûr de ne pas éprouver de
mécompte. On arrivera toujours bien quelque part.
Je m'étais donc soustrait à la tyrannie du chemin de fer, et je goû-
tais dans toute sa plénitude le charme du voyage à pied. Vers le soir,
j'entrai dans un bourg que ses habitants décoraient, non sans préten-
tion et un peu arbitrairement, du nom de ville. Toute la population
était en mouvement. C'était un samedi, et le lendemain était le jour de
la fête communale, appelée Kermesse dans de certaines parties du dé-
partement du Nord et Lucassè dans d'autres. Sur une place plantée
d'arbres s'alignaient les boutiques de la foire. Les marchands profi-
taient des rayons du soleil couchant pour mettre la dernière main à
leur étalage. Pendant ce temps-là, les charlatans débitaient, à grand
renfort de mensonges emphatiques et avec l'aplomb qui les caracté-
rise, des drogues d'une vertu infaillible; Jocrisse et Paillasse exécu-
taient une parade provocatrice à la porte d'un spectacle dont les pom-
pes égalaient suivant eux, si elles ne les dépassaient, celles de l'Opéra;
les faiseurs de friture parfumaient l'air des produits de leur industrie;
des spéculateurs à la voix enrouée, qu'on aurait pu prendre pour des
philanthropes désintéressés, criaient à haute voix les numéros d'une
de ces loteries où tout le monde gagne, si ce n'est eux apparemment.
Ce mouvement, plus pittoresque, plus gai et surtout plus nouveau
pour moi que celui d'une grande ville, me plut infiniment. A quoi bon
aller plus loin ? Pourquoi ne m'arrêterais-je pas en cet endroit ? Je n'ai
pas, heureusement, retenu ma place pour telle ou telle station ; je n'ap-
partiens pas à la vapeur; je suis mon maître et j'en profite.
A l'une des extrémités de la place je vois une auberge qui n'a pas
l'apparence fastueuse des hôtels de nos cités, mais qui brille de cette
propreté qu'offre la plus modeste habitation dans les provinces du
Nord. Je me présente couvert de poussière , le sac sur le dos, le bâton
du voyageur à la main, dans un équipage enfin à me faire éconduire,
si je débarquais au sein de la moindre capitale, par tout hôte jaloux de
l'honneur de sa maison. Ici l'on n'y regarde pas de si près. On m'ac-
cueille d'une façon hospitalière. Me voici installé dans une chambre
dont l'ameublement est des plus simples, mais propre et riante, et d'où
je puis jouir à mon aise du spectacle de la fête.
J'étais descendu dans la salle commune des voyageurs, et j'attendais
qu'on me servît à dîner. Le propriétaire de l'hôtel s'y trouvait. Je le
vis tirer d'une armoire une cage qu'il déposa sur la table et dans la-
quelle il introduisit les aliments destinés au petit prisonnier qu'elle
contenait. Jamais je n'avais vu mettre un oiseau dans une armoire ; la
place me parut singulièrement choisie, et je me hasardai à en faire
l'observation à mon hôte. Il me répondit que c'était afin que son pin-
son, car c'était un pinson, fût en voix pour le concours du lendemain.
— Quel concours?
— Le concours de chant. Il paraît que monsieur est étranger, sans
quoi il ne me ferait pas cette question.
— A la vérité ; de plus, j'avoue que votre réponse ne me donne pas
la solution du problème de cette cage et de cette armoire. Quel rap-
port y a-t-il entre un oiseau et le concours de chant dont vous me
parlez ?
— Ce rapport est tout simple : c'est un concours de chant d'oiseau,
un concours de pinsons.
Je n'avais jamais entendu parier de luttes de ce genre. Je savais les
habitants de la Flandre française, aussi bien que ceux de la Flandre
belge, grands amateurs de concours de toute espèce : concours d'ar-
chers, d'arbalétriers et de carabiniers ; concours au jeu de balle et au
jeu de quilles ; concours de musique d'harmonie et de chant d'ensem-
ble ; concours dramatique ; concours pour le prix à décerner au plus
grand mangeur, au plus intrépide buveur, au plus habile faiseur de gri-
maces; mais le concours de pinson m'était totalement inconnu. Je priai
mon hôte de me donner quelques renseignements sur cette institution à
l'égard de laquelle je confessai mon ignorance absolue. Il mit à me sa-
tisfaire un empressement qui me prouva que je l'avais appelé sur son
terrain favori.
— Nous connaissons, me dit-il, deux espèces de pinsons dans le pays,
le pinson ordinaire et le pinson des Ardennes. Le premier est plus pe-
tit que l'autre. C'est celui qui chante le mieux et qu'on élève pour les
concours. Les pinsons sont grands amateurs de fruits ; ils se tiennent
dans les vergers; c'est là qu'on leur fait la chasse. On peut les prendre
tout petits dans les nids et les élever à la brochette, mais ceux-ci ne
deviennent jamais bons chanteurs. Pour faire des élèves distingués,
il faut attendre qu'ils aient un an environ et les attraper au moyen de
— De quelle nature sont ces pièges?
— Vous avez un pinson chanteur dans une cage que vous déposez
près d'un filet tendu sous les arbres d'un verger. Vous vous cachez
derrière un pommier ou un poirier, n'importe, prêt à tirer la corde qui
sert à fermer le filet. Le pinson captif chante; s'il s'en trouve un autre
dans le voisinage, il ne manque pas de venir se percher sur la cage;
vous faites jouer le filet, et le pinson est à vous. Ce n'est pas plus dif-
ficile que cela. Quand vous avez pris un pinson, vous pouvez retourner
chez vous ; vous n'en attraperez pas deux le même jour.
— Pourquoi cela ?
— C'est qu'il n'y a jamais deux pinsons dans un verger. Le premier
occupant se regarde comme légitime propriétaire du jardin et des
fruits qu'il renferme. S'il en survient un second, vous les verrez se
battre jusqu'à ce que l'un des deux meure.
— Et quand on a pris un pinson, comment le prépare-t-on aux con-
cours dont vous me parliez tout à l'heure? Comment fait-on son édu-
cation de chanteur?
— On le met dans une petite cage semblable à celle-ci, me dit mon
hôte en me montrant la cellule étroite et basse où s'agitait le petit
prisonnier ; toutes ont la même forme. Huit jours après, quand il s'est
accoutumé à sa captivité, on lui fait l'opération indispensable pour le
DE PARIS.
205
développement de son talent vocal : on l'aveugle en lui brûlant les
yeux avec un fer rouge.
— Quelle barbarie ! m'écriai-je.
— On assure que cela ne lui fait pas de mal, continua imperturba-
blement mon interlocuteur sans paraître attacher grande importance au
mouvement d'indignation qui m'était échappé. La preuve, c'est qu'à
dater de ce moment, il chante mieux et plus que jamais. Ne connais-
sez-vous pas le proverbe : Gai comme pinson?
Je ne sus trop d'abord que répondre à cet argument assez spé-
cieux. Pourtant je fis remarquer à mon hôte qu'il serait difficile de déci-
der du motif qui fait chanter le pinson aveuglé dans sa cage. Chante-t-
il parce qu'il est gai , comme dit le proverbe , ou bien , au contraire,
parce qu'il est triste et qu'il s'ennuie ? Le chant n'est pas toujours le
signe d'un état de contentement. L'homme chante dans toutes les con-
ditions : il chante quand il est heureux pour manifester sa joie, et
quand il souffre moralement , pour oublier ses maux. Les amoureux
chantent leur bonheur ou leur douloureux martyre, comme disaient
les poètes d'opéra du siècle dernier ; l'ouvrier chante en accomplissant
son dur labeur ; le prisonnier chante dans son cachot ; on chante à
l'occasion de tous les grands événements publics ; l'église a ses Te
Deum et ses De profundis; on chante aux funérailles de nos proches.,
et le chant fait couler nos larmes.
Mon hôte ne paraissait pas touché ' le moins du monde de mes
réflexions philosophiques. Il continua :
— La preuve que cette opération , barbare suivant vous, ne leur fait
pas de mal , c'est qu'elle n'en fait mourir aucun , quand elle est prati-
quée avec soin et dextérité.
— Mais à quoi bon les rendre aveugles ?
— C'est que, dans les concours , la vue des étrangers les effarou-
cherait, tandis que, de cette manière, ils n'ont pas de distractions.
— Leur faut-il longtemps pour s'accoutumer à leur nouvel état et
pour qu'ils soient aptes à figurer dans un concours?
■ — Ils chantent dès qu'ils sont guéris ; mais ce n'est qu'au bout de
quatre ou cinq ans qu'ils peuvent poser. Plus jeunes, ils n'ont pas de
chances d'obtenir le prix ; ils sont toujours vaincus par les vieux. Pour
préparer les pinsons novices à la lutte, on les place de temps en temps
dans le voisinage d'autres plus exercés. On en réunit ainsi deux , puis
trois, puis un plus grand nombre.
— Qu'entendez-vous par poser ? car vous venez , je crois, de vous
servir de ce terme.
— Le pinson pose lorsque, étant placé à côté d'autres oiseaux de son
espèce, il essaie de l'emporter sur ceux-ci en chantant plus fort et plus
longtemps. Autant de fois qu'un pinson fait entendre son chant , au-
tant de fois il pose.
— Ce chant est-il varié ?
— Assurément. L'organiste de notre endroit l'a noté en musique.
Je le sais par cœur, et, pour peu que vous le désiriez, je vous mettrai
à même d'en juger, puisque mon pinson , qui s'y prendrait bien mieux
que moi , semble vouloir rester muet aujourd'hui.
Cela dit , mon hôte se mit en devoir de satisfaire un désir que je
n'avais nullement exprimé. 11 siffla d'un bout à l'autre le chant en
question avec une telle perfection , que le pinson véritable, celui de la
cage, lui fit immédiatement concurrence de la façon la plus éner-
gique.
Pendant ce colloque, on avait servi mon dîner. Je m'attablai, décidé
à lui faire honneur ; car la nature, qui ne perd jamais ses droits, me
rappelait sa toute-puissance par un appétit qu'avait aiguisé une longue
marche. La monographie du pinson chanteur dont je venais d'être ré-
galé par un discoureur complaisant, si intéressante qu'elle fût, n'avait
pas le don de faire prendre à mon estomac le change sur la prosaïque
réalité de ses besoins. Mon repas terminé, et tandis que j'aspirais les
bouffées d'un cigare de contrebande, l'hôte s'approcha et me demanda
si j'étais curieux d'assister aux préparatifs du concours du lendemain.
N'ayant rien de mieux à faire, je mis volontiers à profit cette occasion
de compléter mon instruction ornithologique. Nous nous dirigeâmes
vers le lieu désigné pour l'assaut.
Tandis que nous nous acheminions vers l'une des extrémités du
bourg, je veux dire de la ville, où les éleveurs de pinsons se réunis-
saient d'habitude, mon conducteur acheva de me donner quelques in-
dications relativement aux soins que réclament les virtuoses ailés sur
lesquels allait bientôt se fixer l'attention générale. Nous arrivâmes
ainsi à un cabaret situé en plein champ, auquel était attenant un mur
d'environ vingt mètres de long qui servait de clôture à un jardin public.
Les oiseleurs y étaient en nombre ; autour d'eux s'était formé un cercle
d'amateurs. Tout en buvant force verres de bière, car rien n'altère
comme la discussion, on réglait les conditions du prochain combat, on
en supputait les chances, des paris s'engageaient, et pour d'assez
grosses sommes. Parmi les concurrents, il y en avait de préférés,
comme aux courses de chevaux ; on spéculait sur leur renommée, et
cependant la palme pouvait échoir à quelque obscur jouteur. Mon hôte,
connu pour un des éleveurs les plus experts de la contrée, fut accueilli
par des marques unanimes de déférence. On s'en rapporta à son expé-
rience pour les dernières dispositions à prendre.
La première mesure mise aux voix fut la nomination des juges du
concours. Le nom de mon hôte fut celui qui réunit le plus grand nombre
de suffrages ; vinrent ensuite ceux de l'organiste de l'église paroissiale
et du chef de musique de la garde nationale, auxquels on joignit des
amateurs connus qui n'avaient pas cette fois d'intérêts engagés. On
tira ensuite au sort les places qui seraient occupées par les concur-
rents. C'était, comme on me l'expliqua, une opération de la plus haute
importance, et je pus m'en convaincre par le vif intérêt qu'y prirent
les oiseleurs. Voici ce que j'appris à cet égard : à un mètre du mur at-
tenant au cabaret devant lequel nous étions réunis, était une rangée
de chaises assez largement espacées. Sur chacune de ces chaises de-
vait être placée la cage d'un pinson ; toutes portaient un numéro corres-
pondant à l'un de ceux que le sort allait répartir entre les propriétaires
d'oiseaux chanteurs. La distribution des places, réglée par l'aveugle
hasard, peut exercer une grande influence sur les résultats du con-
cours. Les chaises du centre sont beaucoup plus favorables que celles
des extrémités. Semblable à d'autres oiseaux et aussi à certains hommes
fort déplaisants dans une conversation générale, le pinson est ainsi
fait, que plus il entend chanter, plus il chante. Il s'efforce de dominer
de sa voix celle de ses voisins et mourrait à la peine, plutôt que de
céder sur ce point. Les pinsons placés au centre de la ligne ont des
voisins qui les excitent à poser; ceux des extrémités, n'étant stimulés
que d'un seul côté, sont moins portés à s'égosiller; ils se reposent de
temps en temps et laissent leurs compétiteurs plus animés prendre
l'avance.
Le jury nommé, les places des concurrents tirées au sort, on se re-
tira en prenant rendez-vous pour le lendemain. Je me promis bien de
ne pas arriver un des derniers à une solennité musicale d'un genre
si nouveau pour moi, et je me tins parole. Or il y avait quelque mé-
rite à cela, car les concours de pinsons ont lieu entre cinq et six
heures du matin. On aurait pu mieux consulter les convenances des
auditeurs ; mais ne fallait-il pas songer d'abord à celles des exécu-
tants ? On a reconnu que ceux-ci sont plus en voix et ^)lus en force
dans la première partie de la matinée. Je me levai donc dès l'aube ou
à peu près. Mon hôte s'était déjà dirigé vers le lieu de la fête ; on en
était aux derniers préliminaires quand j'y parvins seul et sans guide,
ce qui n'était pas dificile, vu le peu d'étendue de la localité. Sur cha-
que chaise était une cage de pinson ; auprès se tenait un des juges
ayant à la main une règle plate sur laquelle son office est de marquer
d'un trait à la craie chaque chant de l'oiseau qu'il épie. Le chant qui
s'arrête à mi-chemin, qui ne se compose pas du prélude, du roulement
et de la finale, qui n'est pas complet en un mot, ne doit pas être mar-
qué. Derrière chaque marqueur il se trouve un second juge chargé de
contrôler l'exactitude de ses opérations.
Les pinsons n'avaient pas attendu le signal des autorités pour se
206
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
faire entendre. Ils sifflaient depuis longtemps à l'envi, quand le. pré-
sident du jury proclama le concours ouvert ; mais alors seulement les
marqueurs firent leur office. L'auditoire observa un religieux silence.
Ce ramage d'oiseaux, par une riante matinée du printemps, me parut
d'abord agréable. Au bout d'un quart d'heure, je le trouvai monotone.
L'heure écoulée, il m'était insupportable. Cependant je tins bon jus-
qu'à la fin. Une heure est la durée fixée pour les concours. A un signe
fait par le chef du jury, les mains des marqueurs s'arrêtèrent toutes à
la fois.
11 restait une opération à faire, c'était d'additionner les lignes tra-
cées à la craie sur les règles. Leur nombre variait considérablement.
Les vieux pinsons avaient, comme de coutume, vaincu leurs jeunes
émules. Il restait à ceux-ci l'espoir de triompher à leur tour quand
l'âge et l'expérience auraient mûri leur talent. Il fut constaté que le
pinson auquel fut adjugé le prix avait posé six cent soixante jois dans
l'espace d'une heure.
On avait amené des concurrents de points éloignés du département
du Nord et de celui du Pas-de-Calais. Il en était venu de Belgique. Ce-
lui auquel échut cette fois la palme du vainqueur était d'Armentières.
Les amateurs de sa localité témoins de son succès firent entendre de
vifs applaudissements quand on publia le résultat du concours. Des
pigeons furent lâchés pour porter au pays celte bonne nouvelle dont
tout Armentières allait se réjouir. Jamais on n'avait fait une plus juste
application de leur instinct voyageur, puisqu'il s'agissait de célébrer la
gloire de la gent ailée représentée par le pinson couronné.
Une certaine agitation suivit la proclamation du lauréat. On s'occupa
de régler les paris. Il y eut comme toujours, en pareil cas , des satis-
fait et des mécontents. Ensuite, des marchés furent conclus ; quelques-
uns des pinsons qui avaient le mieux figuré dans la lutte se vendirent
forts cher. Il en est qui atteignirent le prix de deux cents francs.
Je rentrai à mon hôtel assez fatigué de la cérémonie dont je venais
d'être témoin, dégoûté pour longtemps du chant des oiseaux civilisés,
et décidé à faire part aux lecteurs de la Gazette musicale, avec l'agré-
ment de son rédacteur en chef, des particularités d'un concours de
pinsons. Edouard FÉTIS.
NOUVELLES.
*„;* Demain lundi, à l'Opéra, le Freischiilz, suivi du Diable à quatre.
*„* Une indisposition de Chapuis a empêché de donner le Juif errant
pendant toute la semaine. Mais Gueymard achevait d'apprendre le rôle
de Léon, et la vingt et unième représentation de l'ouvrage en vogue est
annoncée pour mercredi prochain.
*„* Deux belles représentations des Huguenots ont eu lieu lundi et ven-
dredi. La foule s'y est portée avec un empressement qui n'a pas besoin
d'être expliqué. Gueymard, revenu de Londres, a fait sa rentrée parle
rôle de Raoul, dans lequel il déploie des qualités supérieures. Au qua-
trième acte il a passionné la salle entière dans la grande scène avec
Mlle Poinsot, qui chante et joue avec beaucoup d'éclat le rôle de Valen-
tine. Mme Laborde rentrait aussi par le rôle de Marguerite, et son talent
de cantatrice brillante en a fait valoir toutes les beautés. Obin, Brémont,
Marié et Fleury ont eu leur part du succès.
V Mercredi dernier, le Freischiilz et le Vert-Vert composaient le spec-
tacle.
*„* Bien de moins fondé que le bruit d'une traduction du Camp de Si-
lésie, préparée par Meyerbeer en société avec M. Scribe, sous le titre de
Vielka.
*„* Galathê'ë, VIrato et le Farfadet occupent trois fois par semaine l'af-
ftce de l'Opéra-Comique. Les Porcherons et le Songe d'une nuit d'été ont
défrayé les autres jours avec les Voitures versets et Madelon. La salle n'a
jamais cessé d'être remplie.
*./ A la dernière représentation du Carillonneur de Bruges, Mlle Wer-
tlieimber a repris le rôle de Béatrix, dont Mme Meyer-Meillet avait, du
reste, fort bien rempli l'intérim.
*** C'est Delaunay qui joue maintenant dans le Farfadet d'Adolphe Adam,
et l'ouvrage est toujours représenté avec un égal succès.
V La Poupée de Nuremberg continue son tour de France. A Nantes, on
l'applaudit comme à Paris.
*„* Ulysse, tragédie en cinq actes, avec des chœurs, dont la musique
est de M. Gounod, a été représentée vendredi dernier au Théâtre-Fran-
çais. Nous parlerons de cette œuvre remarquable à tous égards.
*** La recette des divers spectacles, concerts et curiosités, pendant le
mois de mai, a produit une somme totale de 1,0-1 8, 58/i fr. 49 c. Celle du
mois précédent n'avait été que de 935,260 fr. 88 c.
*** Notre collaborateur Hector Berlioz est de retour à Paris.
%* Aujourd'hui dimanche, il y aura exercice dramatique et lyrique au
Conservatoire de musique et de déclamation. Le programme se compose
ainsi qu'il suit : 1° ouverture des Deux aveugles di Tolède, de Méhul ;
2° les -Précieuses ndicules ,. de Molière, jouéespar MM. Tuchmann, Buthiau,
Lesage, Mlles Valérie, Arrène et Blum ; 3° Joconde, d'Etienne et Nicolo,
joué par MM. Sapin, Crémers, Faure, Shannon, Boulanger, Laurent,
Mlles Geismar, Dhélens et Boulart.
*„,* L'examen semestriel du Conservatoire finira jeudi [prochain. Le
concours de chant sera cette année plus nombreux que jamais, surtout
pour les élèves du sexe masculin. Il n'y aura pas moins de 24 hommes et
de 26 femmes : en tout , 50 élèves. L'année dernière, il n'y avait que 13
hommes et 24 femmes : en tout , 37.
%* L'inspection des écoles succursales va commencer immédiatement
L'importance de cette mesure s'accroît encore cette année de la néces-
sité d'établir sur un pied nouveau les rapports des succursales avec la
métropole. Le gouvernement en a fourni les moyens, en accordant des
fonds supplémentaires aux quatre écoles de Toulouse,, Marseille, Lille, et
Metz. Il n'est pas douteux que les autorités locales ne s'empressent de
seconder ses vues de tout leur pouvoir.
%* Le succès d'Emile Prudent a Londres est toujours le même. Au con-
cert de Mlle Anichini, le llèceil des Fées a encore été bissé avec trans-
port.
*j* M. Georges Kastner, qui a déjà reçu, il y a quelques années, de
S. M Frédéric-Guillaume IV, roi de Prusse, la médaille d'or pour les arts
et les sciences, vient d'obtenir du même souverain , pour son bel ouvrage
historique, philosophique, littéraire et musical intitulé les Danses des
Morts, lai décoration dé l'ordre royal de l'Aigle-Rouge de troisième classe,
distinction qui correspond au grade de d'officier de la Légion-d'Ulonneur
en France.
%* La jeune et charmante chanteuse, Jetty de Treffz, vient d'accepter
un engagement pour l'Amérique, à raison de 30,000 dollars par an.
*„* Mme Rudersdorf-Kuchenmeister obtient de brillants succès a- Posen,
au théâtre et dans les concerts. C'est dans les Cantatrici villane et la Fille
du régiment, qu'elle a été le plus applaudie. Elle a dû jouer ce dernier
opéra trois fois de suite.
*** Nous avons déjà fait connaître à nos lecteurs un recueil sérieux- de
musique sacrée dirigé par M. J. Régnier, auteur du livre de VOrgue. Ce
recueil intitulé le Chœur, alimenté et répandu par une société fondée à
Nancy, en est à sa cinquième année. Nous le recommandons aux amateurs
des chefs-d'œuvre classiques , tels que ceux de Palestrina,. Arcadelt,
Orlando, Bach, Rinck, Marcello, Lachner, Baini, etc., etc.
%* Un concert donné lundi dernier au théâtre de Versailles a réuni
la plus brillante société de cette ville. Cette séance, musicale et drama-
tique en même temps, avait, il est vrai, de puissants éléments de succès.
La bénéficiaire de la solennité artistique en question était Mme Steineu-
Beaucé,sœur de la primadonna du théâtre ,çte l'Opéra-Comique, MmeUgalde,
qui a prêté le concours de son talent à Mme Steiner-Eeaucé, cantatrice
dramatique elle-même. On cite,, au nombre des séductions de ce char-
mant concert, le jeu fin, délicat, énergique et brillant de Mlle Grae-
ver sur le piano : elle a dit la Lucii de Prudent, le morceau si difficile de
Guillaume Tell par Liszt, et l'une des jolies bagatelles de Gottschalk, avec
cette prestesse de main, cette netteté, cette variété de. style qui distingue
la jeune et habile pianiste hollandaise. Mieux inspirée que la plupart de
nos virtuoses à réputations européennes, Mlle Graever a préféré les suffra-
ges des vrais amateurs de nos sociétés les plus distinguées de Paris aux
éventualités de la saison des concerts de Londres.
*„* Le dimanche 27 juin prochain doit avoir lieu, à Meaux, en présence
d'un jury composé de hautes sommités musicales, le second concours an-
nuel entre les sociétés chorales et les musiques d'harmonie du départe-
ment de Seine-et-Marne et des départements voisins. Cette solennité pro-
met d'être des plus brillantes; presque toutes les sociétés chorales de
Paris doivent y prendre part La lutte sera vive et animée ; partout on
travaille avec cet esprit d'émulation et de rivalité, dont l'heureuse
influence double les forces et multiplie les facultés. On ne saurait accueil-
lir avec trop d'empressement cette œuvre de propagande musicale. Elle
est évidemment un des plus sûrs moyens d'instruction et d'éducation
qu'il soit possible d'imaginer, une source intarissable de joies honnêtes et
de nobles récréations.
CRON1QUE DÉPaRTEMENTâLE.
*.,,* A7me\ — Les adieux de la troupe d'opéra ont eu lieu dans le Pro-
phète. M. Marioz (Jean deLeyde), le ténor à la voix puissante, et Mlle Elmire,
la cantatrice aimée, ont été couverts de bravos. Mme Lafont, première
chanteuse du théâtre de Toulouse, a donné une représentation du Pro-
phète. Le public lui a prouvé, en l'accueillant avec enthousiasme, que la
remarquable artiste n'est pas de celles qu'on oublie.
%* Rouen. — Nous avons déjà signalé le progrès que fait dans cette
ville l'art de la musique religieuse, grâce à la protection que lui accorde
le vénérable prélat qui a la direction spirituelle du diocèse. Le maître de
chapelle de la cathédrale, M. Ch. Vervoitte, dont le talent se produit dans-
toutes les solennités où l'Eglise appelle les arts à seconder les magnifi-
cences du culte, ne concentre pas son zèle dans la limite de notre ville ;
il se fait l'apôtre de la bonne musique dans les localités environnantes ;
il est partout le propagateur des bonnes méthodes d'enseignement choral.
Ainsi on l'a vu il y a quelques jours diriger, à la Société philharmonique
DE PARIS.
207
de Dieppe, l'exécution de plusieurs de ses compositions dont les dames
et les sociétaires s'étaient faits les interprètes, et do ce concert, dont les
virtuoses étaient tous gens du monde, H. Vervcùtte a passé à une séance
musicale dont les interprètes étaient soixante pauvres enfants formant la
classe chorale de l'institution des Frères des écoles chrétiennes. M. le
maître de chapelle de la métropole a fait subira ces jeunes exécutants un
examen dont le résultat a été des plus satisfaisants. Mgr l'archevêque,
dont chacun connaît le goût artistique, voit ainsi s'étendre dans tout son
diocèse l'heureuse impulsion qu'il a donnée dans sa cathédrale, et de tous
côtés le sentiment de la musique sacrée se révèle et donne à la prière un
charme auquel les plus indifférents en matière de religion ne restent pas
insensibles.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
%* Londres, 18 juin. — Le sixième, et peut-être le plus brillant, des
concerts de la nouvelle Société philharmonique, a terminé heureusement
la série de ses travaux pour la saison. Les dépenses préliminaires de pa-
reilles entreprises doivent être naturellement très-considérables, et sous
ce rapport, les directeurs de la nouvelle Société se sont exécutés avec la
plus entière libéralité. Ainsi le manque de répétitions suffisantes a tou-
jours été jusqu'ici la véritable cause de l'infériorité d'exécution des so-
ciétés musicales de Londres ; mais la nouvelle Société a résolu de com-
mencer la réforme, et, pour en citer un exemple, ,1a symphonie avec
chœurs n'a pas été répétée moins de six fois avant d'être exécutée en
public, Berlioz déployant toute son énergie et son talent pour orga-
niser la magnifique interprétation que nous avons eu enfin le bonheur
d'entendre. Aussi le triomphe artistique a été grand. De quinzaine en
quinzaine, des auditoires enthousiasmés ont rempli la vaste salle d'Exeter-
Hall pour entendre une musique à la fois nouvelle et classique, une musi-
que jusqu'ici peu connue, sinon des amateurs qui suivent les progrès
de l'art sur le continent. L'exécution de la symphonie avec chœurs est
certainement la meilleure qui ait jamais été produite en Angleterre, et,
en même temps, le génie de Berlioz a obtenu, avec sa merveilleuse
composition de Faust, un succès plus grand encore et plus enthousiaste
que celui qui avait accueilli sa symphonie de Romeo et Juliette. Ces frag-
ments de Faust, ont été le plus grand événement du sixième concert, et
ils étaient suivis de la Marche hongroise, qui a soulevé tout l'auditoire,
et qu'on a redemandée à grands cris. A la fin du concert, le com-
positeur lui-même a été rappelé plusieurs fois. — Au théâtre de Sa
Majesté, Sophie Cruvelli et Mme de la Grange se partagent tou-
jours le premier rang. Il y a peu de temps, la dernière a fait réel-
lement furore en chantant une mazurka de Schulhoff. Jamais la vocali-
sation n'avait été portée à un degré d'audace et d'agilité si extraordi-
naire. Dans un concert donné par la reine, en présence de toute la cour,
Sophie Cruvelli n'est arrivée qu'une heure après les autres artistes. L'or-
dre du programme avait dû être interverti. Il fallait que l'artiste passât
devant la reine pour se rendre à son poste. L'artiste s'est inclinée profon-
dément, et la reine s'est Contentée de sourire. Autrefois l'affaire n'eût pas
fini ainsi. — Au théâtre de Covent-Garden, il est toujours question du
Pietro il Grande, l'opéra de Jullien; mais on le réserve, dit-on, pour l'épo-
que où la saison touchant à sa fin commence à se ralentir et a besoin d'un
coup de fouet vigoureux. Jullien a remis le voyage qu'il devait faire cette
année en Amérique pour ne s'occuper que de son opéra. — La reine et le
prince Albert assistaient le 16 de ce mois à la représentation de Don Car-
los au Théâtre-Allemand. Dans une loge se trouvaient Jenny Lind et
M. Goldschmidt, son mari, qui ne cessaient d'attirer l'attention. Le cri de
vive Jenny Lind] accompagné d'applaudissements, s'est fait entendre sur
plusieurs points du parterre, mais il a été réprimé sur-le-champ, l'éti-
quette interdisant toute manifestation dont Sa Majesté n'a pas donné le
signal. Les directeurs des deux théâtres italiens de Londres et plusieurs
entrepreneurs de concert ont proposé à Jenny Lind les plus brillants-en-
gagements, mais la célèbre artiste a refusé, en disant que sa santé exi-
geait un repos absolu. On annonce que Jenny Lind s'embarquera prochai-
nement pour Gothembourg, d'où elle se rendre â Stockholm dans le sein
lit' sa famille.
*„* Berlin. — Au théâtre Fricderieh-Wilhelmstadt, la reprise du Maçon,
d'Auber, a fait le plus grand plaisir. Cette charmante partition a été vi-
vement applaudie. Une solennité commémorative a eu lieu à l'Acadé-
mie de cliant en l'honneur de feu le lieutenant-général de Unruh; on y a
exécuté un choral fie Séb. ISach, le Requiem de Jomelli, plusieurs compo-
sitions du défunt. Cette solennité, qui a produit un grand effet, s'est ter-
minée par un choral de Graun.
*i* Munich. — Mme Sontag a donné, le 6 juin, son dernier concert au
profit des pauvres. Des artistes et des amateurs ont voulu fêter l'illustre
cantatrice d'une manière digne d'elle. Au moment de lui faire eurs
adieux au nom du public bavarois, ils l'ont entourée et ont chanté en
chœur une ode composée, il y a déjà plusieurs années, en son honneur.
Mme Sontag a été vivement émue en reconnaissant dans cette ode des
vers composés pour elle par le roi actuel de Ba\ière, Maximilien II, lors-
qu'il n'était encore que prince royal et se trouvait à l'Université de Ber-
lin, au-x jours des premiers triomphes de la jeune artiste.
*** Clèves. — Le festival du Bas-Rhin, auquel concourent les liederta-
fel des Pays-Bas et de la Prusse- rhénane, aura lieu cette année dans cette
ville.
V Pcsih. — Mlle Liebhardt a chanté trois fois au Théâtre-National ; les
principaux rôles de Mttrthaet de-//«nyùtf(/-i<Hs/o,-opérade;Sl.;Br-feei,-0nt
été pour la jeune cantatrice l'occasion de véritables triomphes.
*s* Gênes. — M. Angelo-Mariani prend décidément la direction du
théâtre Carlo Felice. 11 a débuté par .Robert-le-Diabk, de manière à nous
faire espérer qu'on devra au nouveau directeur la restauration de l'art
musical en Italie.
Le gérant : Ernest DESCHAMPS.
— Une place d'alto est vacante dans l'orchestre de l'Académie de mu-
sique. Un concours aura lieu le samedi 26 de ce mois, à midi. MM. les ar-
tistes qui désirent y prendre part, sont priés de se faire inscrire au se-
crétariat de l'administration de l'Académie de musique, rue Drouot, 5.
— Nous croyons devoir recommander aux mères de famille les cours
d'instruction pour les jeunes personnes dirigés par Mme Jaccaz, rue Saint-
Georges, Zi3. Trois cours, formant chacune deux divisions, offrent à tous
les âges, depuis quatre ans jusqu'à dix-sept, une éducation graduée et
complète. Les parents sont invités à assister aux leçons que reçoivent
leurs enfants. Le prix se traite de gré à gré avec leurs familles.
— Mgr l'archevêque de Bordeaux, nos seigneurs les évêques de Ver-
sailles, de-Mende, d'Évreux, de Luçon, de Pamiers, d'Ajaccio, d'Hétalonie,
de Bourges, de Montpellier et de Beauvais, Noyon et Senlis, viennent d'ap-
prouver, par des lettres particulières, les harmonies sacrées du chevalier
Gaston d'Albano, publiées sous le titre : Les Femmes de la sainte Bible.
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27 Juin 1852.
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Bot.- ri Bock, 42. Juegerstr.
SuSatU.
I,ft Journal paraît le Dimanche.
GAZETTE MUSICALE
91 PâEIS,
■vwuW©858JV\aa«-
SOMMAIRE. — Richard Wagner (4" article), par ï-'étis père. — Théâtre-Français,
Ulyste, tragédie de M. Ponsard, avec chœurs et musique de M. Charles Gounod,
par IImhiki- Bourges. — Conservatoire national de musique et de déclama-
tion, exercice des élèves, les Précieuses ridicules et Jocunde. — Concours de
chant d'ensemble à -Lille. — Nouvelles et annonces.
EICHABD WAGNER.
Sa vie. — Son système de rénovation de l'opéra. — Ses œueres comme
poète et comme musicien. — Son parti en Allemagne. — Apprécia-
tion de la valeur de ses idées.
(Quatrième article.) (1).
Ainsi que la plupart des individus doués de cet esprit mécontent de
toutes choses, considéré par Wagner comme la source de l'invention,
cet artiste s'était épris de lui-même dès sa première jeunesse. Il n'a-
vaii rien produit encore, et déjà il était plein de confiance en ses fa-
cultés créatrices. Ses Communications à ses amis ne permettent aucun
doute à cet égard. 11 paraît néanmoins difficile de concilier cet éner-
gique instinct de la personnalité avec le penchant à l'imitation qui
dirigea Wagner dans ses premiers travaux, et qui même persistait en-
core au commencement de son séjour à Paris. D'abord ce furent les
symphonies de Beethoven qui lui parurent le type du beau par excel-
lence, car alors ses progrès ne l'avaient pas encore conduit à la néga-
tion de ce type. Il fit donc, à l'imitation de Beethoven, des ouvertures,
une symphonie, des sonates et d'autres morceaux de musique instru-
mentale. Puis Weber, et Marschner même, devinrent ses modèles pour
la musique dramatique, et ses premiers essais dans ce genre tendirent
à l'imitation de leur style. Puis certaines formes de la musique ita-
lienne exercèrent à leur tour une influence momentanée sur l'esprit du
jeune artiste. Enfin, lorsqu'il arriva à Paris, Wagner se passionna un
moment pour l'opéra français, auquel il a voué plus tard le plus pro-
fond mépris, et l'on voit clairement qu'il n'aurait point alors dédaigné
de lui emprunter quelque chose. Il est donc évident qu'il se cherchait
encore lui-même longtemps après que sa confiance dans ses propres
forces eut pris tout son développement. Wagner le reconnaît, et c'est
pour cela qu'il ne veut pas qu'on tienne compte de ses premiers essais.
C'est à son opéra de Rienzi que commence véritablement sa carrière,
quoiqu'il eût auparavant donné au Conservatoire de Paris un échan-
tllon caractéristique de sa conception de l'art dans une ouverture de
Faust, dont se souviennent encore les artistes qui composent l'orchestre
de la Société des concerts. Rienzi est donc le point de départ du ta-
lent de Wagner qui mérite de fixer notre attention, et nous ne remon-
terons pas au-delà.
Il est néanmoins une considération qui n'est pas dépourvue d'intérêt
et qui doit nous arrêter un instant, à savoir, que, dès l'âge de vingt
ans, l'imagination de Wagner ne s'occupe de la musique qu'au point de
(1) Voir les n" 23, 24 et 25.
vue de la poésie. Nous le voyons toujours et partout occupé de la re-
cherche d'un sujet de drame ou d'opéra, ou arrivant à l'exaltation lors-
qu'il en trace le plan , tandis qu'il garde un silence à peu près absolu
à l'égard de ses tendances concernant les modifications de la mélodie,
du rhythme, de l'harmonie et de la forme dans le développement des
idées. Il ne se dévoile à cet égard que dans ce qu'il dit de Lnhengrin
et d'un dernier ouvrage encore inconnu dont je parlerai tout à l'heure;
mais là même se manifeste jusqu'à l'évidence la domination de la poé-
sie sur la musique dans les conceptions dramatique de Richard Wa-
gner. Au surplus, lui-même s'en explique catégoriquement dans ce
passage des Communications (page 25) : « Je parle d'abord des poésies,
» parce qu'en elles, non -seulement le rapport de mon art avec ma vie
» est mis en évidence , mais aussi parce que je dois vous expliquer
» pourquoi mes compositions musicales d'opéras sont les conséquences
» nécessaires de ces mêmes poésies (1). »
A quinze ans, Wagner écrit des drames et ne s'occupe pas de mu-
sique ; puis, l'audition de la symphonie pastorale de Beethoven lui
inspire Vidée d'une comédie champêtre. Plus tard, le Freischûtz , de
Weber, et le Vampire, de Marschner, lui révèlent son penchant pour
l'opéra; mais ce penchant ne se manifeste que par le canevas d'une
pièce féerique qu'il tire d'une nouvelle de Gozzi ; enfin, la lecture d'un
drame de Shakespeare lui fournit la donnée de la Défense de l'Amour.
Il donne de longues analyses de ces ouvrages au point de vue du dé-
veloppement littéraire du sujet ; mais de la musique, pas un mot. En
parlant de cette dernière production , il nous apprend seulement que
la musique avait été écrite à l'imitation des formes de la musique fran-
çaise, sans objet déterminé, et qu'il l'ajusta ensuite sur les paroles. Il
paraît que l'imitation n'avait pas été très-adroite ; car les opéras fran-
çais jouissent depuis longtemps de la vogue sur les théâtres de l'Alle-
magne, et l'ouvrage de Wagner tomba tout à plat à la première et seule
représentation. Peu de temps après , il écrit le poëme d'un grand
opéra et l'envoie à Scribe, dans l'espoir que ce fécond et spirituel au-
teur l'arrangera pour la scène française ; mais il n'en reçoit pas de
réponse. Arrivé à Riga, il s'y occupe encore de la partie littéraire d'un
opéra comique dont il tire le sujet des Mille et une Nuits ; puis il con-
çoit le plan de Rienzi , et écrit la poésie des deux premiers actes. Le
héros de cet ouvrage devait exciter sa sympathie. On sait que Colas
Rienzi, ou Rienzo, fils d'un cabaretier de Rome, se saisit, en 1341, de
la puissance souveraine dans cette ville par l'effet de son éloquence
sur le peuple, et pendant que le siège de la papauté était à Avignon ;
(t) Ich spreche zunaechst \on don Dichtungen, weil in ihnen nicht nur das Band
meiner Kunst mit meinem Leben am offensten vorliegt, sondera auch weil ich an
ihnen deutlich zu machenhabe, dass meine musikalische Ausfuhrung, meine
Opernkompositionsweise, eben aus dem Wesen dieser Dichtungen sich bedang.
210
RI
EVUE ET GAZETTE MUSICALE
"■ ' A .- .-; .... ;
mais qu'il finit par s'aliéner ce même peuple par son faste, son inso-
lence, sa lâcheté, et périt dans une émeute. C'est aussi à Riga que la
lecture d'un roman du capitaine Marryat fournit à Wagner le sujet du
Vaisseau fantôme, dont il a fait plus tard son poëme du Hollandais
volant.
Ainsi qu'on le voit, c'est toujours le sujet, ce sont toujours les déve-
loppements poétiques qu'il lui donne dans sa manière de comprendre
l'effet dramatique, qui d'abord s'emparent de l'attention de Wagner. La
musique ne se présente à son esprit que secondairement, et seulement
comme auxiliaire de l'expression. Il ne conçoit pas cet art dans- sa toute-
puissance indépendante, et n'ayant d'autre sujet que l'imagination du
compositeur. Wagner, musicien incomplet, n'a l'intelligence de l'art
qu'à un seul point de vue, et déjà l'on peut voir que les formes musi-
cales en elles-mêmes perdront chaque jour davantage de leur impor-
tance à ses yeux. Cependant, après son arrivée à Paris, il éprouva l'in-
fluence de cette grande ville sur ses tendances d'artiste. Rien de sem-
blable à ce qu'il entendit à la Société des concets et à l'Opéra n'avait
frappé son oreille dans les petiles villes d'Allemagne où s'était éoulée
sa jeunesse. La puissance des moyens d'exécution s'y présentait à
lui dans de vastes proportions dont il n'avait auparavant aucune no-
tion! 11 y était saisi par un effet musical qui reléguait au second plan
l'importance du sujet et de la conduite du drame. Il y à lieu de croire
que cette influence exerça son empire sur ses facultés pendant qu'il
écrivit à Paris sa partitiort de Rienzi ; car les formes de cet ouvrage, à
part les excentricités du sentiment du compositeur, sont encore celles
de l'opéra, quant à la coupe des airs, duos, morceaux d'ensemble et
chœurs. Mais vers la fin du séjour de Wagner à Paris, une réaction se
fit clans son esprit contre ces formes et ces tendances, car la concep-
tion poétique du Hollandais volant s'en éloigne déjà d'une manière
sensible. On y trouve la ballade, la chanson ; mais l'air proprement
dit en a disparu, et quoiqu'on y rencontre des ensembles, ils ne s'y
présentent pas comme des retours périodiques de compléments
d'une période. La coupe régulière des morceaux de musique , non-seu-
lement ne paraît plus être considérée comme une nécessité par l'auteur
de cet ouvrage , mais il est même évident qu'il s'en éloigne avec affec-
tation. A dater de la conception du Hollandais volant, ce qu'il y avait
de Vague dans là pensée de Wagner se dissipe; ses idées se formulent
en système, en un parti pris. La poésie et la musique ne s'y placent
plus comme deux arts dont l'un doit subir la suprématie de l'autre, mais
comme les parties d'un tout dont l'équilibre est la loi suprême d'exis-
tence. De deux arts indépendants, l'auteur du Hollandais volant s'est
posé le problème de la formation d'un art mixte, et entreprend d'en
donner la solution.
"C'est dans la nouvelle direction systématique des vues esthétiques
de Wagner que fut conçu le Tannlïaùser. Mais ce nouvel ouvrage s'é-
loigne plus encore que le précédent dés formes et du but artistique de
l'opéra. Le chant, sous là forme de cantilène libre ou distribué en
couplets, s'y retrouve encore ; le chœur et les ensembles des principaux
personnages y ont leur place; mais'rien n'est disposé dans le poëme
pour les retours périodiques d'idées principales dans la musique, et
par cela même toutes les formes connues de l'air, du duo, du trio ou
quatuor, sont bannies de cette conception. 11 est évident que Wagner
ne considère plus ces dispositions, ces retours d'idées et ces formes
que comme des conventions arbitaires; enfin, l'art tel qu'il s'est déve-
loppé depuis deux siècles et demi; cet art qui, bien que basé sur la
libre inspiration du génie, donne à ces inspirations toute leur valeur
au moyen des ressources découvertes par l'expérience et l'étude ; cet
art, dis-je, est dédaigné par l'auteur de Tannkaûser. Ce n'est pas à
dire qu'il se propose d'ouvrir à la musique des routes plus larges et
plus belles; son but, au contraire, est d'en abaisser la prépondérance
en l'assimilant à un tout dans lequel elle doit se confondre. La poésie,
trop abondante en images, trop verbeuse, pour que la musique ne soit
pas souvent réduite au récitatif, suit à l'égard de celle-ci une marche
rétrograde, et rentre dans le système des opéras de Quinault et de Mé-
tastase, sauf cette différence que le poëte italien coupe admirablement
bien, par ses petits vers rhythmés régulièrement, les parties des
scènes que le compositeur devait prendre pour sujet de ses airs. La
mélodie avait dans la musique italienne du xvni0 siècle un rôle trop
important pour qu'il n'en fût pas ainsi; tandis que Richard Wagner ne
considère plus cette partie de l'art, à l'époque où il écrit le Tann-
kaûser, que comme le chant proprement dit, c'est-à-dire comme la
forme de la poésie chantée, par exemple, dans la ballade , la chanson,
les chœurs et autres choses de ce genre, mais non comme expression
vraie des situations et des passions. Ainsi le chant des Sirènes :
Naht ench dem Strande,
Naht euch dem Lande,
Etc.;
les trois strophes chantées par Tannhaùser aux sons de sa harpe,
dans la deuxième scène du premier acte, le chant des vieux pèlerins,
la lutte des Minnesaenger, sont, dans le système de l'auteur, les occa-
sions naturelles de la mélodie ; mais il n'en conçoit pas ailleurs la né-
cessité. Ce qu'il cherche, c'est le vrai ; il ne comprend pas que ce
tTMyobjet-de-ses efforts, -n'est dans l'art que le contingent, l'acces-
soire, et que le beau, c'est-à-dire l'art dans son essence, en est indépen-
dant. Le vrai, c'est le réel, autrement dit la manifestation des choses
en elles-mêmes ; le beau, c'est l'idéal, et l'idéal est l'expression la plus
élevée du sentiment et de la pensée. Hors de là il n'y a plus d'art vé-
ritable.
Je crois avoir démontré par ce que je viens de dire, que les efforts
de Wagner tendent à transformer l'art par un système, mais non par
l'inspiration. Et pourquoi cela ? Parce que l'inspiration lui manque;
parce qu'il n'a pas d'idées ; parce qu'il a conscience de son infirmité à
cet égard, et parce qu'il cherche à la déguiser. Ce qui me reste à dire
achèvera de fournir la preuve que j'ai mis le doigt sur la plaie.
Nous venons de voir dans Tannhaùser le progrès du système dont
le Hollandais volant est le commencement ; Lohengrin va nous en
présenter une modification bien remarquable. Le sujet de cet ouvrage
est tiré de la vieille légende du chevalier du Cygne, laquelle sup-
posait qu'un chevalier inconnu, jeune, beau, courageux, monté sur
une barque que traînait un cygne, était arrivé dans un pays étranger
au moment où son secours pouvait tirer d'un grand danger une belle
princesse accusée d'un crime; qu'il avait combattu pour elle et forcé
son accusateur à proclamer son innocence, puis l'avait épousée et était
devenu la souche d'une race illustre. Cette légende, dont on a voulu
rattacher l'origine aux épopées des chevaliers de la Table ronde, est
fort ancienne. On en avait tiré la généalogie fabuleuse de plusieurs fa-
milles souveraines, entre autres de la maison de Clèves et des comtes
de Roulogne, dont descendait par sa mère le fameux duc de Brabant,
Godefroid de Bouillon, qui fut roi de Jérusalem, et mourut l'an 1100.
L'histoire des Croisades, par Guillaume, archevêque de Tyr, qui s'é-
tend jusqu'à l'année 1183, est le premier monument où cette légende
est mentionnée (1) ; mais elle a servi de base à une multitude de chan-
sons degestes ou poëmes épiques et de romans écrits depuis la fin du
xnc siècle jusqu'au xve, dans toutes les langues, et qui présentent des
versions très-variées du premier type. Le Farcival, composé par le
minnesaenger Wolfram d'Eschenbach, vers 1205, en est tiré, et le Ti-
turel. autre poëme de ce chanteur célèbre, vient de la même source (2).
La tradition du Lohengrin de Brabant, autre reproduction de la légende
du chevalier du Cygne, est en partie une imitation du Farcival, faite
claus le xme siècle par un poëte anonyme (3),ainsiquele»S'c/«««mri7fe/-,
de maître Conrad de Wurtzbourg, mort en 1280, dont la ressemblance
avec le Lohengrin, pour le caractère et le style, est frappante, ainsi que
(1) Recueil des historiens des Croisades. Paris, Imprim. royale, 1844, in-folio,
tome I, page 371.
(2) Parcival, Rittergedicht non Wolfram von Eschenback. Ans dem Millel-
hochdeutschen zum erslai Maie ûbèrsetzt von San Marie. Magdebourg, 183G,
ili-6". ■•■.,. . ,.
(3) Grimm, Deutsche Sagen, tome II, pages 30G-310. „
DE PA1US.
211
:. i
l';i remarqué M. Gervinus (1). Au t-urplus, toutes ces traditions onlélé
précédées par l'œuvre d'un poète provençal, nommé Kyolc, qui l'écrivit
avant la lin duxn" siècle (2).
De toutes ces traditions, Wagner a choisi celle de l'auteur anonyme
publiée par Goerres dans les Deutsche Spgfn, de Grimm ; cette tradi-
tion est celle-ci : Eisa, fille du duc de Brabant et de Limbourg, est
devenue orpheline. Son père, en mourant, lui a donné pour tuteur son
vassal, Frédéric de Telramund (Tcrmonde), qui, abusant de sa posi-
tion, veut obliger sa pupille à l'épouser, afin de devenir possesseur
de ses riches domaines, et sous le faux prélexte d'une "promesse de
mariage. Eisa résiste et nie cette promesse. Frédéric en appelle à l'em-
pereur, Henri l'Oiseleur, qui ordonne qu'Eisa ait à se défendre par le
combat judiciaire d'un guerrier contre son accusateur. En vain la jeune
duchesse convoque à Anvers ses parents et les amis de son père pour
le combat : personne ne se présente. Eisa prie intérieurement Dieu de
la sauver; alors on entend dans le lointain les cloches de mont Salvatch
(Mons Salutis), près du Gràal (l'oracle du Saint-Sang ou du Saint-Ca-
lice, dont la garde était confiée aux chevaliers de la Table ronde), pour
annoncer que quelqu'un est dans la détresse et demande des secours.
Aussitôt le Gràal fait chercher le brave Lohengrin, fils de Parcival. Le
chevalier se dispose à monter à cheval ; mais il aperçoit un cygne qui
remorquait une barque sur l'eau ; plein de confiance en Dieu, il renvoie
son destrier et s'abandonne à la conduite de l'oiseau. Déjà le délai ac-
cordé à la jeune duchesse de Brabant allait expirer, lorsqu'on aper-
çoit un cygne qui remontait l'Escaut, tirant une nacelle dans laquelle
dormait Lohîngrin, étendu sur son bouclier. 11 aborde au rivage; mais
à peine le chevalier a-t-il touché la terre et revêtu ses armes, que le
cygne repart comme un trait. Frédéric est vaincu par Lohengrin en
champs clos à Mayence, et avoue qu'il a calomnié la princesse ; puis
Eisa devient la femme du chevalier, qui lui recommande de ne jamais
lui adresser une question sur sa famille et sur son origine, si elle ne
vent pas qu'il la quitte sur-le-champ. Cependant la duchesse de Clèves
élève des doutes sur la noblesse de Lohengrin; Eisa, blessée dans son
orgueil et digne fille d'Eve, ne peut résister à la tentation d'interroger
son époux sur sa naissance. Pénétré de douleur, il lui promet de la sa-
tisfaire au point du jour; il déclare en effet alors publiquement qu'il
est fils de Parcival et que Dieu l'a envoyé de Gràal en ces lieux. Il se
fait apporter les deux enfants qu'il a eus de la duchesse, les embrasse,
donne à sa femme son anneau, et l'on voit à l'instant même reparaître
le cygne sur l'Escaut. Lohengrin se jette dans la nacelle et disparaît
pendant qu'Eisa tombe évanouie. Toules les recherches qu'elle fit faire
ensuite pour découvrir la retraite de son époux furent sans résultat.
Wagner a modifié quelques circonstances de cette tradition pour en
former son poème d'opéra, mais il n'a pu lui donner un intérêt drama-
tique véritable, parce que cet intérêt ne peut naître que des affections
de l'âme et des passions vraies. Lohengrin est un personnage en de-
hors des conditions ordinaires de la vie; Eisa est justement punie de sa
curiosité et de son orgueil ; leur amour n'a rien de naïf ou de pas-
sionné; enfin, il n'y a dans cette légende féerique aucune oeccasion
d'émotion, et quel que soit le mérite de la poésie, il ne peut faire dispa-
raître les défauts d'un sujet glacial.
Tel est l'ouvrage que Wagner a conçu comme une manifestation
plus élevée de son système que ses productions précédentes. Non-
seulement il y prit une direction plus étrangère encore aux tendances
de ce qu'il appelle les conventions de la musique d'opéra, mais il vou-
lut donner à l'art une sorte de signification symbolique, par une appli-
cation toute spéciale d'un moyen qu'il reconnaît lui-même avoir été
imaginé par un autre compositeur dont il ne dit pas le nom. Ce moyen
consiste à caractériser chaque personnage principal par une phrase
musicale qui en est comme le symbole, et qui se représente sous des
(1) Geschichte der Nation. Literatur der Dculschen, tome I, page 467. Voyez
aussi F. VV. Ganthe, Deutsche Dichtungen des MUlelaller, Eisleben, 1841,
tome II, page 280.
(2) K. Lachmaan, Wolfram von Escher.bach. Berlin, 1833, in-8", pp. xxiv,
XXXII.
combinaisons différentes toutes les fois que le personnage ainsi carac-
térisé rentre dans l'action, ou est seulement indiqué. Mes lecteurs ont
déjà compris que cette idée est la reproduction du choral de Marcel
dans les Huguenots et du chant des anabaptistes dans le prophète. Je
suppose qu'ils se représentent aussi la monotonie, le pédantisme af-
fadissant et l'ennui qui doivent être les conséquences d'un tel moyen
converti en système. Employé dans une occasion exceptionnelle, il
peut être admis; mal appliqué aux personnages mis en action , il
anéantit nécessairement l'inspiration spontanée et convertit le travail
de l'artiste en une succession non interrompue d'opérations combi-
nées. Un ouvrage conçu de cette manière pourrait être considéré
comme une œuvre d'intelligence, mais ne pourra jamais produire l'im-
pression d'une production d'art, dans le sens vrai de ce mot.
Nous voici parvenu à la dernière période de modification du sys-
tème de Richard Wagner. On comprendra par ce qui me reste à rap-
porter qu'il ne peut, en effet, aller plus loin; car dans un dernier
ouvrage qui n'est pas encore livré à la publicité, il n'a plus voulu que
la poésie chantée fût un opéra, mais un drame. A tout jamais, les for-
mes de l'opéra sont celles qu'il repoussera. Le livre qu'il vient de
publier, sous le titre de Y Opéra et le Drame, a pour objet de faire con-
naître cette dernière forme de sa pensée, d'en proclamer l'excellence
et de faire le procès à tout ce qui a précédé cette divine création, aux
poètes, aux musiciens , à leurs ouvrages. Il ne s'arrête pas là , car il
supprime la mélodie et le rhythme. Ces choses sont trop curieuses
pour que je ne laisse pas Wagner expliquer lui-même ses idées. Si je
ne reproduisais pas textuellement ce qu'il en dit, on pourrait croire,
ou que je ne l'ai pas entendu , ou que je prêle à ses paroles un sens
trop absolu qui n'est pas dans sa pensée. Je donnerai donc une tra-
duction, avec le texte des principaux passages dans lesquels il établit
et développe sa doctrine; mais l'étendue de cet article m'obligea ren-
voyer ces citations au prochain numéro de la Gaselte musicale.
Je ne terminerai pas, toutefois, sans faire remarquer que Wagner a
été conduit d'une manière fatale à la dernière expression de son sys-
tème, par la nature même de ce système; car il est impossible d'en-
lever à la musique sa suprématie dans l'expression dramatique, ou, si
l'on veut, de faire monter jusqu'à elle l'importance de la poésie, sans
que ce partage ne prépare son anéantissement au point de vue de l'art
moderne, et sans ramener l'art musical à la conception grecque. Dès
que le principe du réel s'introduit dans l'art, celui du beau disparaît.
Dès ce moment, la tendance incessante consiste à s'approcher autant
que possible du vrai; à faire, comme dit Wagner, disparaître les con-
ventions , et conséquemment à substituer comme résultat définitif le
drame à l'opéra, et la déclamation à la mélodie.
FÉTIS père.
(La suite au prochain numéro.)
THEATRE FRANÇAIS.
UI/ÏSSE,
Tragédie de M. Poxsard, avec chœurs et musique
de M. Charles Gounod.
(Première représentation le 18 juin 1852.)
Ce n'est certainement pas une nouveauté que la tragédie entremêlée
de chant et de musique instrumentale. Ce genre mixte, pour ne pas
dire bâtard, a été surtout en honneur vers la fin du xvr siècle et pen-
dant le xvii0. Dans leur adoration sans bornes pour la belle antiquité,
ces deux siècles croyaient de très-bonne foi l'imiter ainsi et la repro-
duire fidèlement. Ils ignoraient que les conditions d'existence de la
musique moderne et celles de l'art que les Grecs nommaient musique,
diffèrent du tout au tout, et que, par conséquent, il y a impossibilité à
renouveler les effets de la musique des anciens, associée aux tragédies
d'Eschyle, d'Euripide, de Sophocle.
Les essais furent nombreux en France. Sans rappeler l'Andromède
et la Conquête de la Toison-d'or, de Pierre Corneille ; le Jonalhas, de
212
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
Duché ; le Jephté, de Boyer ; la Circé, de Thomas Corneille, tragédie
ornée de machines, de changements d? théâtre et de musique, et bien
d'autres pièces du même type, où le chant, l'orchestre et même la
danse avaient place, il suffira de citer les deux modèles du genre,
YEslher, de Jean Racine, dont Moreau fit la musique en 1689, et
YAthalie, du même poëte, pour laquelle Boïeldieu et, depuis, Men-
delssohn ont écrit des chœurs et des morceaux d'orchestre fort re-
marquables. Mais cette forme dut tomber en désuétude aussitôt que le
genre de l'opéra, de la véritable tragédie lyrique, fut créé et solidement
posé sur des bases sérieuses. De là vient que le x\iW siècle renonça à
cette alliance un peu barbare de la musique et de la tirade tragique.
Notre siècle cependant, habitué par l'opéra comique à l'alternative
de deux éléments aussi disparates que la musique et le dialogue , a
cherché parfois , mais rarement, à l'appliquer à la tragédie; témoin, le
Sait!, de Soumet; le Paria, de Casimir Delavigne; VAnïigone, donnée
à l'Odéon il y a peu d'années.' Mais c'est surtout au drame en prose
que la musique a souvent prêté son concours. Le répertoire allemand
est en ce genre d'une grande fécondité. Pour ne faire que quelques ci-
tations , rappelons que Beethoven a écrit de fort belle musique pour
VEgmont, de Goethe; pour les Ruines d'Athènes, de Kotzbûe; que
Weber a enrichi de ses vives inspirations le drame de Preciosa; que
Mendelssohn a composé, outre la musique d'Athalie, d' Antigone ,
d'OEdipe à Colone, une charmante partition pour le Songe, d'une nuit
d'été, de Skakspeare. En France, entre autres tentatives assez heu-
reuses qui sortent de l'ornière banale de la musique des mélodrames du
boulevart , on peut mentionner la musique du Missolonghi d'Hérold.
Mais les exemples y sont encore fort rares. Cela peut s'expliquer.
Si dans l'opéra comique la musique intervient pour fortifier l'expres-
sion dramatique , c'est du moins sans réduire au silence , sans frapper
de nullité les personnages principaux. Tous y prennent part, et ne font
seulement, en traduisant leurs émotions, que changer de langage. Au
contraire, dans la tragédie ou le drame mêlés de musique, les premiers
rôles, qui déclament, mais qui ne chantent pas du tout, s'effacent abso-
lument pour laisser la place à des choristes ou des solistes accessoires.
L'action reste suspendue, paralysée. Or, comment le goût français ,
qui vise toujours droit au but et se soumet avant tout aux lois du bon
sens, s'accommoderait-il volontiers d'une combinaison dont le vice ra-
dical est de refroidir l'intérêt, de rompre l'unité et d'annihiler à plu-
sieurs reprises les principaux personnages ? A ce point de vue, on trouve
que la musique, si laconique qu'elle soit, dérobe toujours trop au
drame.
L'auteur de la tragédie d'f'/ysse, M. Ponsard, a fait de visibles efforts
pour tourner cet écueil et rattacher autant que possible tous les chœurs
à l'action, déjà bien lente dans sa marche, et que ce luxe musical en-
trave certainement plus qu'il ne la précipite. Mais que disons-nous là?
Et quelle irruption osons-nous faire dans le domaine du feuilleton litté-
raire ? A d'autres d'apprécier les qualités ou les défauts de l'œuvre nou-
velle, le mérite ou le démérite de l'alliance du style noble et tragique au
style familier et même burlesque. A d'autres de déclarer si M. Ponsard
a bien ou mal fait de condenser en cinq actes les neuf ou dix derniers
chants de Y Odyssée, de dépecer Hcmère, et de pousser jusqu'à l'ex-
trême servilité cette étude d'une naïveté souvent par trop antique.
Tout cela n'est point de notre compétence. Mais puisque l'harmonie est
du ressort de notre critique, jetons en passant un tribut de justes
louanges à cette harmonieuse poésie, à ces vers si bien frappés, répan-
dus à profusion dans Ulysse.
Tout ce que le poëte a destiné à la musique lui est très-favorable. La
coupe des strophes n'a lien de vulgaire. Le mètre choisi est toujours
inspirateur. 11 est vrai que le musicien a dû repousser une partie des
richesses lyriques prodiguées par le poëte. On ne chante guère au théâ-
tre que le tiers des vers imprimés dans la brochure. Et cependant,
telle qu'elle est, la partition ne renferme pas moins de douze chœurs.
On y trouve aussi plusieurs petits morceaux d'orchestre sans mélange
de chant vocal, par exemple, les enlr'actes de peu de durée et quan-
tité de fragments détachés, qui préludent à l'entrée d'un personnage,
comme la cantilène de hautbois ramenée plus d'une fois à l'appari-
tion de Pénélope ; ou qui accompagnent le débit, comme la musique
expressive et très-caractéristique exécutée pendant la reconnaissance
de Télémaque et d'Ulysse, d'Ulysse et d'Euryclée, pendant la scène de
l'arc, les libations à Jupiter et la prophétie du devin Théoclymène. Ici
surtout l'orchestre a des accents singulièrement heureux.
L'introduction instrumentale est très-brève. Il règne dans ces quel-
ques mesures qui précèdent le réveil d'Ulysse, une sérénité, un charme
tranquille, particulièrement dû à la voix mélancolique des cors et à la
douce harmonie des flûtes et des clarinettes. On peut regretter cepen-
dant que M. Gounod n'ait pas suivi l'exemple de Beethoven, de Men-
delssohn , qui ont écrit des ouvertures pour Egmont , Prométhée ,
Alhalie, le Songe d'une nuit d'été. La matière ne manquait pas,
ce nous semble. Calypso, Polyphème, Circé, Nausica, les Syrènes,
quels souvenirs! quelles images! pour féconder l'imagination riche et
poétique du musicien.
Le premier chœur des naïades, Déesse gui portes l'égide, est une
mélopée simple, pure, dont la tonalité d'ut un peu incolore redouble la
placidité. On y remarque le bon effet des sourdines et aussi de l'unisson
vocal, que les nymphes d'Ithaque devraient chanter avec plus de jus-
tesse. Un deuxième chœur de naïades complète le prologue. C'est un
chant d'une fraîcheur, d'une grâce exquise. Les sons harmoniques des
violons à l'aigu, les frémissements brillants et légers du triangle lui
prêtent une sonorité cristalline. Le premier acte, qui se passe chez
Eumée, le chef des pasteurs d'Ulysse ou des porchers, comme se plaît
à le redire M. Ponsard, est précédé d'un petit morceau champêtre où
le hautbois trouve tout naturellement sa place. Peu après, la même
phrase de chant se reproduit pour amener le premier chœur, si éner-
gique, des porchers : Voraccs prétendants ! La rudesse du rhythme,
l'âpreté de l'harmonie, la véhémence d'une exécution rauque et sac-
cadée avec intention, peignent au mieux l'honnête mais brutale indi-
gnation des compagnons d'Eumée. On sent là que M. Ch. Gounod s'est
inspiré, lui aussi, de la crudité d'expression d'Homère. La phrase, Ne
le permets pas, Dku puissant, d'un style religieux et lié, produit un
beau contraste.
Si bon que soit ce chœur, encore qu'un peu écourté vers la fin, il est
complètement éclipsé par le suivant, un autre chœur de porchers, qui
est certainement le meilleur comme le plus brillant de l'ouvrage. L'in-
vocation chaleureuse, O dieu des bacchantes, y est amenée par un
crescendo ingénieusement ménagé. Dans cette mélodie à trois temps,
vive, originale, entraînante, il y a comme un air de famille avec cer-
taines mélodies verveuses de Monpou. L'accompagnement se distingue
surtout par un dessin de cor d'un effet très-neuf. Tout le récit du re-
tour triomphant d'Ulysse, que l'enthousiasme bachique fait rêver à ses
serviteurs, est traité dans ce chœur avec une adresse et une gradation
de chaleur surprenantes. Le point d'orgue après le cri retentissant, Il
entre, l'unisson lentement déclamé, // terrasse ses rivaux vaincus, puis
la rentrée d'une parcelle de chant sur ces deux vers :
Brillante de grâce
La reine l'embrasse.
enfin l'acclamation bruyante Erohe ! Eacchvs ! tout contribue à faire
de ce morceau, qui est toujours redemandé, une pièce achevée de tout
point et de beaucoup supérieure au troisième chœur des porchers :
Nous vous suivons , ô noble Télémaque !
Le début de ce dernier chant est d'une pompe martiale trop vulgaire.
Le chœur tlégant et léger qui ouvre le second acte ( Voici l'heure té-
nébicuse) vient dissiper bien vite cette impression. Il est chanté par
les suivantes infidèles et répété à la fin de l'acte par les mêmes escla-
ves, mais seulement sur de nouvelles strophes. La couleur de cette
mélodie coquettement voluptueuse contraste avec la plaintive mélopée
des servantes fidèles, qui déplorent le malheur de Pénélope. La flûte
est délicieusement employée dans la ritournelle de ce chœur. On re-
trouve là une suave émanation des inspirations antiques de Gluck.
DE PAP.IS.
213
Jusqu'ici les voix d'hommes et les voix de femmes n'ont pas été
confondues. Il en résulte quelque monotonie. La faute en doit retomber
sur l'auteur du scénario, qui n'a mis au prologue que des chœurs de
femmes, que des chœurs d'hommes dans le premier acte, que des
chœurs de femmes dans le deuxième. Mais voici que le troisième acte
débute par le grand morceau du festin (notez qu'on fcstir.e terriblement
dans Ulysse). Tous les timbres se marient ici avec un puissant effet.
C'est d'abord une strophe du chantre Phémius:
Voici comment agit le brave,
vigoureuse mélodie en/« majeur, que M. Sapin lance d'une voix écla-
tante, mais assez mal assurée ; puis, le chaut des serviteurs, Que le vin
coule en abondance, dont l'accompagnement est d'un rhythme vif et
dansant; puis encore un chœur de porchers caractéristique, où les
voix se traînent sourdement sur le trémolo des altos que sillonne un
trait rapide et brillant des premiers violons ; puis enfin l'ensemble
retentissant de ces trois mélodies attaquées à pleine voix et dont la
première, celle de Phémius, est reproduite par les femmes. L'union de
ces trois chants, qui se mêlent sans confusion, a beaucoup de gran-
deur. Le battement continu des croches dans la mesure à deux-quatre
est d'un entrain singulier. Les instruments de percussion, cymbales,
triangle, tambour de basque, ajoutent à l'énergie du rhythme et lui
donnent une étrangeté qui saisit l'imagination. C'est encore là une des
belles pages de l'œuvre de M. Gounod. Dans ce qui suit, il reste peu
de chose qui soit digne d'une mention toute particulière. Il y a pour-
tant de bonnes intentions dans le chœur des porchers qui pleurent en
reconnaissant l'arc de leur maître. Mais ce chœur a le tort d'être as-
sez décousu et d'entraver mal à propos la marche de la scène.
Plus loin, un dessin de deux notes, dont la première est fortement
accentuée par les altos, à trois reprises différentes, veut imiter les efforts
répétés d'Antinous cherchant en vain à tendre l'arc inflexible d'Ulysse.
Peut-être y a-t-il là quelque chose de plus puéril que de vraiment ingé-
nieux. Le chœur qui salue le triomphe d'Ulysse, Victoire au mendiant,
ne manque pas d'éclat. Son défaut est de rappeler la manière parfois
lourde et poncive de Haendcl. Même défaut dans le chœur final, Chan-
tons Ulysse; il a toute l'allure et la tournure d'un motet ou plutôt d'un
cantique de confrérie.
Du reste, ces imperfections secondaires n'empêchent pas que la
partition d'Ulysse ne soit d'un ordre supérieur. Ce qui la distingue
surtout, c'est un profond sentiment de couleur locale. Il s'exhale de
cette musique une senteur puissante qui prend au cerveau et réveille,
quoi qu'on en ait, le souvenir des temps fabuleux. Par là, le nouveau
chantre d'Ulysse surpasse incontestablement tous les compositeurs ses
devanciers, qui ont jadis traité le même sujet (dans d'autres conditions,
il est vrai). De 1670 à 1809, c'est-à-dire depuis Draghi jusqu'à Mayer,
il y a eu , pour le moins, vingt ou trente opéras donnés sous les titres
divers de : Pénélope, le Retour d'Ulysse, Ulysse à Ithaque. Si ces
œuvres, dont quelques-uns des auteurs sont Conti, Jomelli, Gazzaniga,
Cimarosa, Piccinni , l'emportent à certains égards sur la partition de
M. Charles Gounod , celle-ci respire je ne sais quel souffle enchanteur
venu des côtes de la Grèce antique. Puis, les inspirations mélodiques
ont généralement de la vérité et du caractère. Le coloris en est vif,
vrai et toujours séduisant , même lorsque les formes du chant sont
entachées d'une excentricité peut-être étudiée. Quant à l'instrumenta-
tion elle laisse peu à désirer; elle est à la fois sonore, intéressante et
expressive. Le personnel de l'orchestre, notablement augmenté, suffit
pour la mettre en relief. Treize violons, cinq altos, quatre violoncelles,
quatre contrebasses, une harpe, composent la masse des instruments à
cordes, que fortifie une harmonie complète d'instruments à vent en bois
et en cuivre. Tout cela fonctionne avec précision sous les ordres d'Oflén-
bach, qui est non-seulement un charmant violoncelliste et un compo-
siteur plein de charme, mais encore un fort bon chef d'orchestre,
habile, intelligent, consciencieux. M. Wekerlin, lui aussi, a prouvé
beaucoup d'intelligence, de conscience et même de patience en dres-
sant pour les représentations d'Ulysse les nombreux choristes qu'il di-
rige avec talent. Si par malheur (ce dont le préservent les Dieux .')
Ulysse après tant de traverses venait à subir encore l'infortune d'une
médiocre réussite, la musique en serait certainement bien innocente,
puisque le compositeur et ses interprètes ne sont pas restés au-dessous
de leur mission. Maurice BOURGES.
CONSERVATOIRE NATIONAL DE MUSIQUE ET DE DÉCLAMATION.
Exercice de» élèves. — Le» Fréciettaea ritliculea el
Jfocotttle.
Cet exercice, qui devait précéder le dernier examen semestriel, n'a
pu être donné que peu de jours avant sa clôture. Ainsi les répétitions et
l'examen ont marché de front, ce qui n'était pas petite affaire. La
séance commençait par l'ouverture des Deux Aveugles de Tolède, de
Mëh'ul. Et à propos de ce célèbre compositeur français, disons quel-
ques mots de la controverse tout récemment soulevée par la reprise de
VIrato. Méhul avait-il ou n'avait-il pas voulu faire de la musique ita-
lienne? S'était-il ou ne s'était-il pas annoncé d'avance comme auteur
de la partition nouvelle? Un ami du compositeur, un témoin delà
première représentation , vient de trancher ces questions , dans une
lettre qui confirme tous les faits reconnus, excepté de ceux qui aiment
à nier l'histoire. Dans cette lettre, M. Fabien Pillet, père de M. Léon
Pillet, l'ancien directeur de l'Opéra, tout en protestant contre l'in-
tention faussement attribuée à Méhul de mystifier un grand homme
qui avait bien le droit de ne pas se connaître en musique, rappelle
ce qui était resté dans toutes les mémoires contemporaines, à savoir
que la partition de VIrato fut une réponse au défi d'écrire quelque
chose dans le genre de Pergolèse, de Galuppi, de Paisiello, et
qu'elle fut présentée, répétée, exécutée même pour la première fois.,
sous le couvert d'un certain Fiorelli , compositeur fantastique. L'ou-
vrage ayant réussi , Méhul se nomma. Sa dédicace au premier consul
doit être considérée comme une sorte d'excuse du mauvais tour qu'il
avait cru pouvoir jouer aux amateurs exclusifs de la musique italienne.
Voilà la vérité, rien que la vérité.
Revenons à l'exercice et aux Précieuses ridicules, où il y a aussi de
la musique. C'est à M. Régnier, l'excellent acteur du Théâtre-Français,
qu'on attribue la composition , l'arrangement de l'air sur lequel le
marquis de Mascarille chante son fameux impromptu :
Oh ! oh ! je n'y prenais pas garde.
Sans compliment, nous déclarons cet air très-original et très-bien
conçu. Gilles de Saint-Germain, chargé du rôle du marquis, a chanté
comme il a joué, avec beaucoup d'intelligence, de finesse et d'adresse.
Si Mlles Valérie et Arréne, qui jouaient les rôles des Précieuses, ne
méritaient d'être louées que pour leur extérieur, nous dirions qu'à l'a-
vantage d'être jolies, ellesjoignent celui de posséder, chacune pour son
compte, une de ces tailles de guêpe telles qu'on n'en rencontre guères
ou même qu'on n'en rencontre pas. Mais, taille à part, elles mettent
dans leur jeu des qualités réelles qui annoncent deux actrices tout à
fait distinguées. Lesage, Roger, Tuchmann el Buthiau n'avaient que
des bouts de rôle, ainsi que Vonoven, à l'organe tragique, choisi pro-
bablement pour l'un des porteurs de chaise à cause de la tradition de
Lekain, qui ne dédaigna pas ce rôle dans un jour solennel, et y pro-
duisit un immense effet.
Joconde venait ensuite, ce Joconde si populaire, ce type d'opéra-
comique pur sang et commis voyageur, auquel on n'osa longtemps rien
préférer ni même rien comparer. Etienne, l'auteur du poëme, excel-
lait à traiter proprement les sujets d'une indécence extrême ; son style,
qui ne brillait ni par la vivacité, ni par le trait, avait toujours de la
tenue, de la convenance. On lui savait un gré infini d'être parvenu à
yaser la nudité italienne de l'Arioste, qui, dans les mots comme dans
les choses, brave l'honnêteté. Le parterre et l'orchestre, qui possédaient
leur La Fontaine, s'amusaient à l'excès de ces situations symboliques, à
travers lesquelles l'imagination voyait toute autre chose que ce qui se
passait sur la scène. Nicolo, compositeur négligé, mais plein de verve
214
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
et d'idées, broda sur ce canevas autant de mélodies-proverbes que
de morceaux. La partition de Joconde a dû être écrite au courant
de la plume, et instrumentée dans le bureau de copie, comme Nicolo
le faisait souvent. Elle a quelque chose de chaleureux , de tapageur,
comme une fête foraine ; elle a aussi des inspirations, d'une grâce ex-
quise et d'un sentiment parfait. Tout bien compté, Joconde mérita sa
fortune inouïe, quoique bien inférieur à plusieurs chefs-d'œuvre qui
l'ont précédé et suivi.
Dans cet ouvrage, il n'y a guère que trois rôles : celui de Joconde ,
celui de Robert et celui de Jeannette ; ceux de Mathilde, d'Edile, de
Lysandre, du bailli, de Lucas, rentrent à peu près dans les accessoires.
Deux élèves pensionnaires, Cremers et Sapin, remplissaient les deux
premiers. Cremers est entièrement novice comme acteur. Dans le
cantabile sa voix a du charme , aussi a-t-il enlevé un brillant succès en
chantant : Dans un délire extrême ! Sapin est né acteur ; il ne pèche
que par l'abus de qualités précieuses : l'aplomb, la chaleur, l'entrain.
Sa voix est forte et vibrante : avec du travail, de l'art, du goût, il ar-
rivera. La manière dont il a dit le couplet final :
De ma main, recevez ce gage.
Personne ne sait davantage
Combien vous l'avez mérité ,
prouve de reste que ce jeune homme est capable de modérer, de rete-
nir l'exubérance de sa nature et d'en tirer un vrai talent.
Mlle Boulart a été fort gentille dans le rôle de Jeannette ; ce qu'elle
a dit le mieux, ce sont les couplets :
Ma grand'mere disait souvent.
Mlles Geismar, Dhélens ; MM. Faure, Shannon et Laurent ont fait ce
qu'ils ont pu des autres rôles, hormis toutefois que Shannon aurait pu
moins charger le sien.
Nous avons des confrères, d'ailleurs très-indulgents et très-honora-
bles, qui trouvent que les exercices de cette année n'ont pas valu,
quant aux personnel des sujets principaux , les exercices des années
précédentes. Admettons le fait : qu'en conclure ? Que le Conservatoire
n'est pas toujours également partagé. Le Conservatoire n'est pas un
théâtre : il prend ce qui lui arrive ; il montre ce qu'il a. et les
spectateurs ne' sauraient- s'en plaindre. Une autre opinion que nous
ne croyons pas moins erronée, c'est que le Conservatoire ne devrait
produire dans ses exercices que les élèves tout prêts à passer au théâ-
tre. Alors, où et comment se formeraient ceux qui n'ont que des dis-
positions plus ou moins décidées? L'exercice est la grande épreuve,
la leçon suprême destinée à éclairer les élèves et les maîtres eux-
mêmes. Qui n'a pas vu ses défauts en plein jour ne les connaît certai-
nement pas. De plus, si le Conservatoire était condamné à ne montrer
que des élèves complets, il y a des circonstances où les exercices de-
viendraient impossibles, et ils sont prescrits par le règlement non
moins que par l'intérêt général de l'école.
Ce qui nous a frappé surtout dans le dernier exercice, ce que nous
nous plaisons à mettre en relief , c'est l'amélioration notable de l'or-
chestre, formé, réformé et dirigé par M. Massart. Il ne fallait qu'un
.peu d'énergie, et M. Massart l'a eue, toujours de concert et avec l'appui
de M. Auber. Dès ce moment, la discipline est établie ; les répétitions
se font avec ordre et attention ; la représentation n'est plus pour
les jeunes instrumentistes un simple spectacle, dont il s'agit avant tout
de prendre sa part : c'est un examen, c'est une épreuve qu'ils subis-
sent comme leurs camarades qui sont en scène. Il ne reste plus à de-
mander à cet orchestre régénéré qu'un peu moins de force et un peu
plus de nuances. Rien de plus facile à obtenir en persistant dans la
voie ouverte , et surtout en instituant pour la saison prochaine des
exercices de pure musique instrumentale, entremêlés de choeurs et de
quelques morceaux de chant. P. S.
COICOUBS DE CHANT D'ENSEMBLE À LILLE.
La ville de Lille, suivant son ancienne et louable habitude, s'est mise,
dimanche dernier, en grands frais de cavalcades, costumes, bals, etc., à
l'occasion de sa fête communale. Les journaux quotidiens ont, la plu-
part, depuis huit jours consacré plusieurs de leurs longues colonnes à la
description de cette solennité caractéristique Quant à nous, ce qui doit
le plus fixer notre attention, c'est le concours de chant d'ensemble qui a
été organisé pour cette circonstance par les soins de l'Association musi-
cale lilloise, lequel a été', sans contredit, l'une des plus curieuses et des
plus intéressantes parties de cette belle fête.
A dix heures du matin, la section d'harmonie de l'Association s'est ren-
due au débarcadère du chemin de fer, afin d'y recevoir officiellement les
diverses sociétés chorales françaises et étrangères qui s'étaient fait in-
crire pour prendre part au concours. Toutes ensembles se sont ensuite
rendues en cortège au local de l'Association, en traversant les rues prin-
cipales et la grande place ; chacune était précédée de sa bannière déployée,
et l'on reconnaissait en outre les membres des différentes sociétés aux
signes distinctifs qu'ils portaient, les uns à la boutonnière, les autres en
sautoir. Arrivés au lieu où devait se faire le concours, le président de
l'Association musicale lilloise, M. Henry Brunell, l'un des ordonnateurs et
des moteurs les plus zélés de cette fête mémorable, leur a adressé u e
allocution chaleureuse, bien sentie, et qui maintes fois a été interrompue
par des applaudissements unanimes. Puis on a fait circuler parmi tous
les groupes le vin d'honneur. L'un des chefs de la Société des chœurs de
Gand a répondu en excellents termes au discours de M. H. Brunell; l'Al-
lemagne, la Belgique et la France se sont confondues dans un même sen-
timent de cordialité, en attendant l'heure du pacifique combat, et quelle que
dût en être l'issue.
A cinq heures, après que la riche cavalcade des Fastes de Liile eut
parcouru la ville dans tous les sens et récolté une ample moisson au profi t
des pauvres, la foule avait envahi le local de l'Association pour être té-
moin de la lutte musicale qui allait être livrée. Plus de trois mille per-
sonnes encombraient la salle et le jard n au milieu duquel était placé le
jury, composé de M. letaron Taylor, président; MM. Ambroise Thomas,
Georges Bousquet et Hubert, mandés de Paris ; M. F. Lavainne, de Lille;
M. Choulet, professeur au Conservatoire de Douai ; M. Albert Seigne, pro-
fesseur au Conservatoire de Valenciennes; M. Albert Dommange, profes-
seur au Conservatoire de Gand, et M. Bovéry, chef d'orchestre du casino
de Gand. Les Sociétés chorales se sont présentées sur l'estrade dressée
pour le concours, dans l'ordre suivant : 1° Lille. Mais les chœurs de
l'Association musicale lilloise, faisant les honneurs de leur ville, ne concou-
raient point ; ils ont chanté les premiers, en quelque sorte, comme pour
inVitêr leurs hôtes au tournoi ; ils se sont faits, si l'on peut ainsi dire ,
leurs hérauts; ils ont chanté un très bon morceau intitulé le Réveil, ex-
pressément composé par M. F. Lavainne, qui en a dirigé lui-même l'exé-
cution ; 2" les Oiphéonistes û'Arras; ils ont chanté un Boléro de M. Lim-
nander, et les Enfants de Paris, de M. Adolphe Adam ; 3" la classe d'ensei-
gnement populaire du Conservatoire de Paris, qui a chanté un Sanctus de
M. Ilalévy, et le chœur des Gardes-Chasses , de M. Ambroise Thomas. —
Ces deux Sociétés, les seules françaises qui se soient rendues à l'appel des
Lillois, formaient une première'division du concours, et ne concouraient
point avec les Sociétés chorales étrangères. Celles-ci , nous devons le
reconnaître, étaient bien supérieures et en nombre et en valeur. —
La Liederlafel, de Mayence, a exécuté avec un ensemblj, une préci-
sion et une chaleur dignes des plus grands éloges un chœur de M. L.
Liebe (Multersproche) et un de M. C.-L. Fischer (Die Weltist so schocri).
La Sodé é d Orphée de Liège lui a succédé et a chanté avec beaucoup
de succès la Bra.-iche d'amandier,- chœur de M. E. Soubre, et un Chœur de
buveurs, de M. Birtsman. Après celle-ci, la Concordia de Gand a fat en-
tendre un chœur de M. C. Méry, intitulé Nuit d'amour et un Chœur de bu-
veurs, de M. deRillé. La Société des chœurs de Gand est venue après la Cvn-
cordia, et, dans deux morceaux de M. A. Gevaert (Sur l'eau etle Départ des
croisés), a montré une supériorité d'exécution vraiment inouïe ; le second
de ces morceaux, double choeur à huit parties, offrait des difficultés très-
grandes; elles ont été toutes surmontées avec un grand talent. Cette com-
position est d'ailleurs extrêmement remarquable tant sous le rapport de
la facture que de la pensée musicale. Une autre Société de Gand, qui a
Cela de particulier qu'elle ne chante qu'en langue flamande, et qui se
nomme Willems-Genuolscliap , a exécuté deux morceaux dont les titres
sont Het Kerkje et Di Zegezon. Si vous ne savez pas le flamand, tirez-vous
de là comme vous pourrez. Au reste, le programme nous ôte d'embar-
ras en nous apprenant que ces mots signifient Y Eglise et Soleil bienfaisant.
La Concordia d'Aix-LA-CHAi'ELLE a provoqué des applaudissements en-
thousiastes en chantant Abenilied, chœur de M. F. Abt^ et tm Walle, de
M. F. Kucken. Outre le mérite d'une exécution vraiment excellente, cette
Société a produit une vive sensation par la beauté et l'harmonie de ses
voix, qui par moments produisent des effets de sonorité d'une amplitude
pareille à celle du plein-jeu de l'orgue. Enfin les Ouvrnrs réunis, autre
Société chorale gantoise, a clos la séance par deux morceaux (Nocturne et
Chant triomphal), de M. J. Denefve.
DE PARIS.
215
Il était dix heures passées lorsque le président du jury est venu procla-
mer les noms des Sociétés victorieuses. Dans le concours entre les so-
ciétés françaises, Paris l'a emporté sur Arras; mais, il faut le dire, d'une
voix seulement. Quoi qu'il en soit, Paris a obtenu le. premier prix et Ar-
ras le second. Le jugement entre les sociétés étrangères a dû è\te difli-
cilo à rendre; le jury n'a pu faire autrement que de décerner deux pre-
miers prix ex (cquo : ce sont la Concordia, d'Aix-la-Chapelle, et la Société
des Chcews. de C.and, qui les ont obtenus. La Société d'Orphée, de Liège,
l'a emporté sur la Liedertafel, de Maycnce, pour le second prix ; cette
dernière société aurait eu cependant bon nombre de parieurs pour elle si
des paris se fussent ouverts dans le public.
Le. lendemain du concours a eu lieu a midi la distribution des récom-
penses si honorablement gagnées. C'a été l'occasion d'une nouvelle séance
de chant d'ensemble, à laquelle ont successivement participé chacune des
sociétés concurrentes ; et cette séance s'est terminée par un chœur géné-
ral dont la poésie a été écrite tout exprès pour cette fête par M. A. de Mus-
set, et la musique par M. Ambroise Thomas. Vainqueurs et vaincus ont uni
leurs voix dans un touchant concert de vœux pour la paix et le bonheur
de tous. Ce morceau, dont le compositeur dirigeait lui-même l'exécution,
a été accueilli par le public avec les marques d'une très-vive sypathie.
En terminant ce compte-rendu, nous ne pouvons nous empêcher de vous
communiquer cette réflexion, peu flatteuse pour la France, mais très-
vraie, c'est qu'en écoutant quelques-unes des sociétés chorales étran-
gères qui ont concouru à Lille dimanche dernier, tout le monde a pu ju-
ger de l'état d'infériorité où sont les nôtres. Puissent de pareilles luttes se
renouveler souvent afin de donner à nos sociétés chorales le stimulant,
ou, pour parler plus exactement, le goOt qui leur manque! Honneur à la
ville de Lille qui a su prendre l'initiative d'une mesure qui, pour peu
qu'elle rencontre des imitateurs, pourrait devenir de la plus grande uti-
lité pour la propagation et les progrès de l'art musical dans notre pays !
G.
*„* Demain lundi , à l'Opéra , la vingt-deuxième représentation du Juif
errant.
*»* C'est vendredi que ce grand et bel ouvrage, interrompu quelques
jours seulement, a reparu sur la scène, et que Gueymard a chanté pour
la première fois le rôle de Léon. La recette s'est élevée a 9,288 fr. 75 c.,
ce qui prouve que l'empressement du public n'avait rien perdu pour at-
tendre. La représentation a été fort belle. Le jeune chanteur a vaillam-
ment abordé le rôle de Léon, dont le costume va très-bien à sa figure et
à sa taille. La musique ne convient pas moins â la fraîcheur et à la puis-
sance de sa voix II en a dit supérieurement les plus saillantes parties, et,
avec un peu d'habitude, il les fera toutes valoir également. C'est un avan-
tage pour le rôle que d'avoir été. successivement essayé par des chanteurs
différents de voix et de méthode, comme autrefois ceux d'Arnold, de
r.obert et tant d'autres, et ce n'est pas un désavantage pour des artistes
éminents, qui savent tous s'y distinguer a leur manière. Massol, dans le
personnage du Juif ; Mme Tedesco et Mlle Lagrua, dans les rôles de Théo-
dora et d'Irène, n'ont jamais mérité ni obtenu plus de bravos que dans
la représentation dernière, qui en annonce d'autres toujours brillantes
et toujours suivies. La vogue constante du Juif errant en plein mois de
juin, au milieu de la saison chaude, continue d'être une exception.
%* La Xacarilla, substituée au Freischiiti, et le D'iaUe à quatie, com-
posaient le spectacle de lundi. Mercredi, on donnait la Favorite, chantée
par Mlle iMasson, Mairaltet Morelli.
%* L'Opéra-Comique donnera très-prochainement la Vierge de Kermo,
ouvrage en trois actes, dont les paroles sont de MM. Dennery et Lockroy,
la musique de M. Maillart. Ce même ouvrage avait été annoncé d'abord
sous le titre du Baiser de la Vierge. La première représentation aura lieu
au plus tard dans les. premiers jours de juillet. Les rôles principaux se-
ront remplis par Mlle Lefebvre, Bussine, Couderc, Eoulo et Jourdan.
%"* Pendant toute la semaine qui vient de finir, le répertoire a été à
peu près le même que celui de la semaine précédente, et le public n'a pas
fait défaut.
*** Une jeune cantatrice, Mme Colson, qui, sous le nom primitif de
Pauline Marchand, a fait sa réputation aux théâtres de Lyon et de la
Haye, vient d'être engagée par M. Jules Séveste au Théâtre-Lyrique do
Paris.
*„,* Jeudi dernier, le théâtre de Sa Majesté, â Londres, a donné avec un
grand succès la première représentation d'un grand ouvrage lyrique et
chorégraphique, Zélie ou l'Amour et la magie, qui portait d'abord le titre
des- Quatre déments. L'auteur est M. de Saint-Georges, â qui nos théâ-
tres lyriques,- comme ceux-de presque toute l'Europe, doivent tant et de
si beaux succès depuis dix ans.
*** On annonce que Mlle Johanna Wagner est de retour en Allemagne,
et qu'eflese trouve en ce moment aux eaux de Creuznach.
*t* Hier samedi, à l'Institut, les six élèves admis a concourir pour le
grand prix de composition musicale, et dont nous avons donné lès noms,
sont entrés en loges. Quatre-\ingt-cinq'cantates'avaient été envoyées au
secrétariat. Celle qui a été choisie a pour titre le Retour de Virginie (la
Virginie de Bernardin do Saint-Pierre), et pour auteur M. Auguste Hollet.
*„* Emile Prudent sera de retour à Paris dans quelques jours, et s'y
reposera des magnifiques succès qu'il vient d'obtenir h Londres. 11 y
jouera le 30 de ce mois, pour la dernière fois. Au concert donné par le
violoniste Sainton, le Réveil des fé*s a encore produit un effet merveilleux.
*»* Le talent des artistes et surtout des compositeurs a besoin de s'é-
prouver en passant viar diverses phases. C'est ainsi que M. Georges Ma-
thias, le jeune et brillant pianiste compositeur, qui s'était plu d'abord à
multiplier les difficultés dans les morceaux sortis -le sa plume, vient dVn
écrire deux d'un style tout différent et d'une exécution qui n'exige aucun
effort extraordinaire. Ces morceaux ont pour titre : Valse de concert et
Noce villageoise. L'auteur les a conçus pour être précisément ce qu'ils
sont, faciles, brillants et à effet.
*„* Notre collaborateur Georges Kastner vient de partir pour son
voyage annuel en Allemagne.
%ï Aujourd'hui dimanche, 27 juin, une grande solennité musicale réu-
nira à Meaux les Sociétés chorales de Paris, les orphéons et les musiques
des gardes nationales de Seine-et-Marne et des départements voisins. Un
concours de chant d'ensemble aura lieu ; un jury présidé par M. Adolphe
Adam, de l'Institut, décernera les prix.
%f Un concert des plus attrayants a eu lieu la semaine dernière à
Saint-Germain. M. S. Lee, le violoncelliste distingué, en était le bénéfi-
ciaire en même temps que le héros. Il a fait entendre, entr'autres, une
fantaisie ravissante sur le Juif errant; c'est un morceau plein de charme,
qui sera toujours entendu avec le plus grand intérêt Jamais l'artiste n'a-
vait été mieux inspiré; l'auditoire était transporté par son archet sympa-
thique autant que par les délicieuses mélodies dont il était l'interprète.
M. Maurice Lee et le jeune Edouard Lee, habiles pianistes de beaucoup
d'avenir, ainsi que M. Armingaud, le gracieux violoni- te de salon, ont
également charmé le public.
*„* Nous avons sous les yeux une lettre écrite â il. Bianchi, luthier, par
Bazzini, le célèbre violoniste. Nous voudrions pouvoir la transcrire tout
entière pour donner une idée du prix infini que le virtuose attache aux
réparations faites par l'habile main de M. Bianchi à son Guarnerius, à son
Galliano, et à son Gaspard Salo. Qu'il nous suffise de dire que ces répara-
tions sont presque des métamorphoses.
%* Nous avons annoncé le concours ouvert par la Société Sainte-Cécile
pour la composition, paroles et musique, d'une ode à la patronne de cette
Société. Le morceau couronné sera exécuté au mois de novembre pro-
chain dans le concert des jeunes compositeurs. — Les jeunes poètes qui
désirent prendre part au concours pour les paroles sont priés d'adresser
leurs œuvres, avant le 15 juillet, au bureau du comité des gens de lettres,
cité Trévise, lk. Une enveloppe séparée, renfermant le nom de l'auteur,
devra accompagner ces poésies, qui ne doivent pas être signées. Le con-
cours de poésie sera jugé par le comité de la Société des gens de lettres.
GROMÎQUE DÉP&RTERÏBMTALE.
%* Rouen. — Le concert donné par M. Dubosc a été fort agréable d'en-
semble et de détails. La chambrée était assez nombreuse Tous les ouvra-
ges, choisis avec goût, ont reçu leur part de bravos. Mlle Pauline Paul a
chanté avec beaucoup de grâce et d'esprit le boléro du Carillunwur ele
Bruges, et la romance Pourquoi? de Loïsa Puget ; Mlle Omont a fort bien
dit une romance et Je, duo de A'e bûchez pas à la rtine; M. Durand, jeune
ténor, a fait le plus grand plaisir en chantant la jolie barcarolle de
E. Dassier, Mon pilote cVt l'amour, le Rêve eu pag-,'da même auteur, et la
belle romance du Val d'Andorre. M. Dubosc. dont tout le monde ici con-
naît et apprécie la belle voix et la diction sympathique, a chanté avec
beaucoup de sentiment le Chêne du Dtabl- , de E, Dassier, mélodie dont les
accents dramatiques, parfaitement rendus par le chanteur, ont vivement
impressionné l'auditoire.
*„* Iio<deaux. — Mlle Esther Danhauser vient de débuter avec un très-
grand succès dans le rôle de Bose de Mai , du Val d'Andorre.
*J* Nantes. — Un conservatoire avait été fondé'en cette ville et confié
à la direction de M. Bressler. Par malheur, le conseil municipal a toujours
rejeté par ses votes successifs tous les projets qui tendaient â soutenir
cette institution utile, en lui accordant secours et protection. Il en ré-
sulte que non seulement les salles du Conservatoire sont désertes et si-
lencieuses, les cours, ajournés, les professeurs congédiés ; mais que d'au-
tre part, les libéralités du gouvernement qui se sont récemment étendues
sur le Cpnservatoire de Paris et les succursales de Toulouse, de Lille, de
Marseille, de Metz, ont glissé au-dessus de Nantes, sans laisser trace de
leur passage. Une autre conséquence de ce .--ystème d'économies mal en-
tendues, c'est que, malgré l'évidence du progrès musical auquel la créa-
tion du Conservatoire avait contribué, malgré le retentissement que
peuvent avoir dans les autres villes les fêtes instrumentales et chantan-
tes qui se donnent ici, soit au théâtre, soit à la mairie, soit dans la
salle des Beaux-Arts, si libéralement ouverte désormais aux talents vrai-
ment méritoires, Nantes n'est comptée pour rien dans l'Association mu-
sicale des départements de l'Ouest, tandis que sa position de grande cité et
de succursale du Conservatoire de Taris devrait la placer en tête des villes
qui figurent dans cette société philharmonique. Si Nantes avait un Con-
servatoire qui- fonctionne, comme il a fonctionné déjà sous l'habile direc-
tion de M. Bressler, il n'en serait point ainsi. Souveraine musicale de
l'Ouest, ainsi que le gouvernement l'avait souhaité et décidé, elle exer-
cerait son influence et sa suprématie sur les cités environnantes. Au lieu
d'ètie à la remorque, ou plutôt, d'ctie complètement annulée, elle con-
216
REVUE ET GAZETTE MUSICALE DE PARIS.
centrerait vers elle les travaux, les efl'orts, les éléments de l'art musical,
disséminés dans les autres villes; ou tout au moins elle serait représentée
avec honneur, avec supériorité même, dans les grandes fêtes que celles-ci
donnent alternativement chaque année. Ce sont là des considérations
qu'il serait urgent, selon nous, de ne pas perdre de vue ; elles en valent
bien la peine.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
%* Vienne. — Parmi les nouveautés qui feront incessamment leur ap-
parition au théâtre de la Cour, on cite le Val d'Andorre , d'Halévy. —
Après une saison des plus prospères, l'Opéra-Italien a fait sa clôture le
1b juin : il avait ouvert le 15 mars dernier. Depuis le temps de Barbaja,
les chanteurs italiens n'avaient point obtenu de pareils succès. En pre-
mière ligne, il faut citer Mme Médori, dont l'apparition dans le rôle de
Lucrezia fut saluée avec un enthousiasme qui est allé en augmentant jus
qu'à la fin. Mlle Marray, MM. Fraschini et Debassini se sont également
soutenus dans la faveur du public. C'est surtout dans Dona Anna, de Don
Juan , que la Médori a fait fureur.
%* B rlin — M. Charles Voss est arrivé dans notre capitale, d'où il
doit se rendre aux eaux de ïœplitz — L'événement le plus marquant dans
notre monde théâtral , c'est la représentation de Lucia, qu'on a reprise
pour Roger, qu'on attend cette semaine. Mme Tuczek y a été vivement
applaudie dans le rôle principal. — Vieuxtemps se trouve depuis quelque
temps en cette ville.
%* Brunswick. — Notre cinquième festival commencera le 2 juillet :
un orchestre composé de 140 instrumentistes et 700 chanteurs exécutera
VElie, de Mendelssohn , sous la direction de M. Muller. Le lendemain ,
Egmont et la grande symphonie de Beethoven.
*„,* Hambourg. — Struensée, avec la musique de Meyerbeer, a eu plu-
sieurs représentations ; l'ouverture, empreinte d'une énergie si profonde
et si caractéristique, la polonaise, le chant national danois et la scène du
rêve, ont produit le plus grand effet. ,
*„* Varsovie. — M. Lvoff, directeur de la chapelle impériale russe et
adjudant général de l'empereur, est arrivé ici. On espère que', pendant
son séjour, le Stabat, qui est la plus éminente de ses compositions, sera
exécuté, ainsi que le Stabat de Pergolèse.
*„,* Milan.— Mlle Sosse vient de chanter dans un concert donné au théâ-
tre de la Canobiana, la cavatine d'Attila et celle de Linda avec un immense
succès. Cette excellente artiste est engagée au même théâtre pour y créer
le rôle des Musnadiert.
*t* Slo kholm. 7 juin. — Mme Jenny Lind vient de faire remettre à
notre gouvernement la somme de 50,000 piastres fortes (250,000 fr.) pour
être employée à la création de nouvelles écoles primaires gratuites dans
les localités où le nombre de ces établissements ne répond pas aux be-
soins de la population.
Le gérant : Ernest bESCHAMPS.
MUSIQUE RELIGIEUSE.
LE CHOEUR
Collection périodique des meilleures pièces de musique d'église,
pour les voix et l'orgue.
Six numéros par an.
Envoyer un mandat de e fr. S0 sur la Pote, à M. REGNIER, secrétaire
de la Société de mwiqiie rehyieuse, à Nancy.
Chez aiMAr«IMJS et C% éditeurs, flOS, rue Kielielieu,
MM. E.
Opéra e» ci»<a îsri«-w ,
Paroles de
et DE S A WT -GEORGES
MSe l'Mnslilttt.
Partition nom* piano et clisiat, net 4© fr.
MORCEAUX DÉTACHÉS POUR CHANT AVEC ACCOMPAGNEMENT DE PIANO
PAR
illlî POTI2
MORCEAUX ET ARRANGEMENTS SUR CET OPERA
Ouverture arrangée par H. Potier 6 »
Fréil.Burgniullrr. — Grande valse 5 »
neeourceltc. — Fantaisie à quatre mains 7 50
iB. Il Du ver noy. — Deux fantaisies ; chaque 6 »
A.l-ecarpentier. — 230e et 139= Bagatelle ; chaque 4 »
II. llulder — Op. 23. Caprice guerrier 9 »
— Op . 24. Andante de concert 5 »
II, UoHellen. — Fantaisie brillante 7 50
A. Falévy. — Op. 46. Fantaisie, brillante 7 50
Cl». Vors. — Op. 139. Grande fantaisie dramatique 9 »
HT. KiO'ulN. — Op. 228. Fantaisie pour piano et violon
s.uv. — Op. 64. Fantaisie pour violoncelle avec accompagnement
de piano
A. Fes&y. — Trois fanfares pour musique de cavalerie. Chaque.
Airs arrangés pour deux violons, par N. Louis, trois suites. Ch.
— arrangés pour deux cornets à piston, par Caussinus , trois
suites. Chaque ,
— arrangés pour deux flûtes, par E. Walkiers, trois suites. Ch.
— arrangés pour violon seul, flûte seule et cornet seul. Chaque
instrument, deux suites à
MUSIQUE DE DANSE
n. PotiiJer. — Sept airs de ballet et une marche :
1. Pas des Esclaves 4 50
2. Pas des Voiles 4 50
3. Le Bourdonnement 4 50
4. Le berger Aristée 4 50
5. La Ronde 4 50
6. La Reine des Abeilles 4 50
7. La Ruche 4 50
Marche triomphale 2 50
Ettling. — Polka des Abeilles 4 »
.!• do Lcnonrourl, - Redowa
— Quadrille de salon
3Iarx. — Quadrille facile
Uii!«arU. — Deux quadrilles. Chaque
— Les mêmes, à quatre mains. Chaque
— Suite de valses
— Les mêmes, à quatre mains ....
«*asdvli>up. — Schottisch du Berger
îPilodo. — Schottisch
7 50
5 »
i »
h 50
4 50
4 50
4 50
6 »
7 50
4 »
3 »
Grande partition et partie «M'orchestre.
BUREAUX A PARIS : BOULEVART DES ITALIENS, 1.
19° Année.
\" 27.
4 Juillet I8ÎJ2.
ot aux Vuroaux iir* Mjcssugot les ifdes postes.
I.yon. A noire Àgonco générale
Oenève, et mm a,..,, m. i;,i ,i« In MMiil
TOUK iu'.im. i:il, rucilu IVmnlh/i.
Londres.
l'rii <!<■ I tliuiim uK'iil I
REVUE
Le Jouroul puroll te Dimu clic.
GAZETTE MUSICALE
Sïl Pâl2S,
-ww\AreaeaA/vw^-
SOMMAIRE. — Beethoven et ses trois stylos, de W. (le T.cnz, par IPîimI Win ï th.
— Concours d'orphéons et de musiques d'harmonie, à Meaux. — Revue critique :
Méthode de chant, de Piermarini ; rieurs d'Italie, de Léopold Terry ; Etudes pour
piano et violon, de Ferdinand Miller, par Henri Blauchs r<l. — Correspon-
dance, Bruxelles. — Nouvelles et annonces.
LITTÉRATURE MUSICALE.
BEETHOVEN ET SES TIIOIS ST¥I;ES,
PAR W. DE LENZ.
M. W. de Lenz est Russe et conseiller d'Etat. En nous envoyant son
livre de Saint-Pétersbourg-, où il a été publié, il nous adresse une let-
tre dont nous croyons devoir extraire les passages suivants : « J'ai
» écrit pour la vérité, rien que pour la vérité. — Rendez-le-moi dans
» votre estimable feuille. Je sais qu'à Paris on n'a pas le temps de lire
» un livre, qu'on y a à peine le temps d'en faire un. — J'ose cepen-
» dant vous prier de lire les deux premiers chapitres, etc., etc., les
» suppléments enfin, et le catalogue, qui est à lui seul unlivre, dont les
» recherches m'ont pris vingt ans. Soyez sévère, je crois l'avoir mé-
» rite; mais soyez juste. Je l'attends de vous, du caractère français. »
Eh bien , nous allons tâcher d'être tout ce que M. W. de Lenz désire
que nous soyons. Nous le traiterons comme un de ces compatriotes
des bords de la Newa , qui ne diffèrent presque en rien de ceux des
rives de la Seine. Les lignes qu'on vient de lire prouvent déjà que
nous avons affaire à un homme d'esprit ; son ouvrage prouvera peut-
être qu'il en a trop, et c'est un tort qui souvent empêche qu'on ait
assez de raison , qui nuit plus qu'on ne. saurait le croire, en France
surtout, où l'on connaît si bien la juste mesure des choses. L'auteur le
reconnaît lui-même dans un avant-propos où il rend compte des mo-
tifs qui l'ont porté à écrire son livre en français, la langue universelle
des artistes. Une autre considération encore l'a décidé : « Il faut con-
» venir, dit-il , que le français est une espèce de licou qui bride uti-
» lement l'enthousiasme par l'impérieuse nécessité qu'il impose de
» rester clair. » Hélas ! que de lois, en lisant les deux volumes de
M. Lenz, avons-nous regretté de voir que le licou ne servait presque
à rien !
Puisque nous en sommes à ce chapitre de la France, et que M. de
Lenz nous a demandé la vérité, disons-la-lui tout de suite sur un des
points qui doivent naturellement nous tenir le plus au cœur. M. de
Lenz, presque au début de son livre (à la page 12 du premier volume),
prononce sur la France et l'esprit français un jugement de la plus dé-
plorable légèreté, tranchons le mot, de l'absurdité la plus ridicule. Et
puis, quand il a fulminé tant bien que mal cet arrêt souverain, il le
termine par une contradiction des plus flagrantes, escortée d'un non-
sens des mieux conditionnés.
Voici l'arrêt textuel : « L'esprit français, à le considérer en masse,'
» est essentiellement contraire à la musique : positif, net , très-maté-
» riel, il trouve la poésie dans le trois pour cent et dans la vie de
» Bohême. On dit en français : travailler un instrument donné, le
» piano, le violon, etc. ; c'est la seule langue qui s'exprime ainsi. Tout,
» en effet, est travail en France : lutte sauvage d'individu à individu ;
» on ne voit rien au delà, et les arts n'y sont eux-mêmes qu'une ma-
» nière d'escompter au comptant les faiblesses du consommateur.
» Paris ressemble, sous ce rapport, à un bocal gorgé d'affreux insectes
» qui se mangent très-bien les uns les autres, le tout par concurrence.
» Aussi bien le public parisien semble-t-il, dans sa masse, destiné à
» former le public le moins musicien. Le Parisien pur sang dit Bee-
» thoven, il pense Musard. Paris, cependant, fait les réputations. Il
« faut bien qu'une ville les fasse : celle-là est la bonne, géographique-
» ment parlant. »
Autant et plus de folies que de lignes. Ainsi voilà, en quelques traits
de plume, l'esprit français mis au ban de l'Europe à cause de ses ten-
dances exclusivement positives et matérielles, de son attachement au
trois pour cent, ce qui implique un certain goût d'ordre et d'économie,
et en même temps à cause de son entraînement vers la vie de Bohême,
ce qui annonce la dissipation et le désordre ! Voilà les malheureux Fran-
çais condamnés au travail à perpétuité, sans repos ni trêve, parce qu'en
français on dit travailler un instrument, et non pas studiare, comme
en italien, ou studiren, comme en allemand, et que, par une consé-
quence forcée, jamais les Italiens, les Allemands, n'ont travaille leurs
instruments comme les Français ! Voilà encore ces mêmes Français con-
damnés à se dévorer les uns les autres comme d'affreux insectes dans
un bocal, parce que, chez eux seulement, les arts offrant un moyen de
vivre et même de faire fortune, il n'a jamais existé de concurrence que
chez eux, et que partout ailleurs les artistes n'ont jamais eu la cou-
pable pensée de spéculer sur les faiblesses du consommateur ! Enfin, et
c'est le bouquet, voilà le Parisien pur sang atteint et convaincu d'un
tel crétinisme qu'alors même qu'il articule le nom de Beethoven, toute
sa pensée est à Musard!
E pure si muove ! Et pourtant ce même Parisien, cette bête brute, ce
sauvage, est appelé à exercer la plus haute juridiction en musique !
Et pourtant ce Paris, dont on ne devrait pas laisser pierre sur pierre,
ce Paris, fait les réputations ! Pourquoi donc? Parce qu'il faut bien
qu'une ville les fasse. A la bonne heure! Mais pourquoi celle-ci plutôt
que celle-là? J'admets qu'on tire au sort, ce serait une raison ; mais si
on ne l'a pas fait, il y en a donc une autre? La situation géographique.
Oh ! pardon : je prends une carte d'Europe, et je ne vois pas du tout
que Paris soit au centre; il l'est beaucoup moins que Vienne, Berlin,
Munich, et pas plus qu'autrefois Athènes et Rome, qui ont aussi exercé
218
REVUE E! GAZETTE MUSICALE
dans les lettres et les arts une certaine souveraineté. Ne serait-il pas
possible qu'aujourd'hui Paris fît les réputations en vertu du même
droit et au même titre que ces immortelles cités qui ont dominé le
monde, géographie à part?
Que M. de Lenz se détrompe. 11 n'y a jamais eu d'effet sans cause,
et la cause qu'il attribue à l'effet qu'il constate est d'une bouffonnerie
à faire rire aux éclats. Lui-même ne la croit pas sérieuse, et peut-être
se moque- t-il de nous, qui nous amusons à la réfuter. Il sait trop bien
l'histoire pour ignorer que de tout temps, à peu d'exceptions près, les
artistes ont travaillé pour vivre et que la concurrence a été leur ai-
guillon. Il connaît les rivalités, les jalousies, les luttes acharnées des
composileurs italiens à l'époque des Pergolèse, comme à celle des Pic-
cinni, des Cimarosa et des Paisiello. Dans la biographie de Mozart, si
bien écrite par son compatriote et son devancier, M. Oulibicheff, il a
vu tout ce que l'auteur d'Idoménée et de Don Juan avait eu à souffrir
de la haine furieuse des pianistes et des compositeurs viennois ou au-
tres/ qui voulaient l'écra: er. Paris n'est donc pas une ville exception-
nelle, sauf toutefois en ce sens que, comme il y a place pour tout le
monde, les artistes y sont plus heureux, plus tranquilles, moins enne-
mis les uns des autres que partout ailleurs. Ils peuvent y faire leur ré-
putation, sans être nécessairement anthropophages. L'anathème rédigé
par M. de Lenz manque donc complètement de justesse. On le croirait
dicté par un de ces grands hommes incompris, comme parfois il s'en
trouve, qui s'exilent de Paris, en le chargeant d'invectives, parce qu'il
fait les réputations, et n'a pas daigné faire la leur !
Du chapitre de la France passons à celui de l'enthousiasme, dont,
suivant M. de Lenz , le français est le licov. Mais il y a enthousiasme
et enthousiasme : M. de Lenz n'est pas enthousiaste comme un autre ;
on en jugera par le trait suivant, à propos de la symphonie avec
chœurs : «Quand on la jcua pour la première fois à Saint-Pétersbourg,
» dit-il (Société philharmonique, 7 mars 1836), je rencontrai à la
» répétition Glinka, le célèbre compositeur. Nous étions placés sur les
« degrés auprès des fenêtres, qui, dans la salle d'Engelhardt , voient
» passer et repasser le flot incessant de la grande artère de Saint-
» Pétersbourg, de la Perspective. Glinka dit après l 'allegro: — Mettohs-
« nous par terre . ce sera plus décent. Et il s'assit sur le drap vert
» qui recouvrait les degrés. Le sentiment que j'éprouvais était d'aller
» me cacher dans les caves de la maison d'Engelhardt, sous les ton-
» neaux de la cave , si la symphonie eût pu s'entendre de là. Au
» scherzo, Glinka s'écria , en cachant sa tête entre les deux mains :
» : — Mais on ne touche pas là! Oh! c'est impossible! Il pleurait. Je re-
» connus. que je n'aurais pu me trouver aux côtés d'un plus grand ar-
» tiste. Je ne conserve pas de plus grande impression en musique ,
» malgré la médiocrité de l'exécution, qui était dans les conditions de
» l'ouvrage , dont on appellerait les chœurs — les impossibles. En
» sortant de la salle , je rencontrai à la tête du pont de Kasan , ce
» Pont-Neuf des rencontres de Saint-Pétersbourg, le pianiste-compo-
» slteur Yollweiler, talent remarquable , enlevé par une mort préma-
» lurée. Francfort-sur-le-Mein avait donné à Vollweiler quelques no-
» tions confuses de cuisine qu'il corrigeait chez nous. Il était près de
» cinq heures. — J'ai bien appétit, dit-il. Et me sachant bonne four-
» chette, expression de Servais à mon égard, Vollweiler ajouta : — J'ai-
» merais bien à dîner avec vous après cette invraisemblable sympho-
» nie que nous venons d'entendre. Nous entrâmes chez le restaurateur,
» qui avait nom Grand-Jean, à deux pas de la maison d'Engelhardt, sur
» la canal. A peine assis à une des tables rondes du petit appartement
» où on était sûr de ne rencontrer personne , je me mis à épancher
» mes impressions. L'heure passait. Vollweiler m'interrompit de loin
» en loin parle mot de menu. Ces interruptions finirent cependant par
» s'éteindre, et j'aime à attester le fait que nous étions, tous deux,
» assez émus ; qu'en dépit du proverbe : ventre affamé n'a pas d'o-
» reilles, Vollweiler me donna raison , qu'il tfa!Uàiï célébrer l'ëvéne-
« ment en s'abstenant ; que deux intrépides mangeurs et qui pouvaient
» payer leur dîner, sortirent, au grand étonnement de Grand- Jean, qui
» m'avait vu manger, mais qui ne m'avait pas entendu parler sym-
» phonie avec chœurs, sortirent, dis-je, de chez ce digne collatéral
» des Carême, sans avoir succombé à ses tentations. »
Comprenez-vous maintenant de quelle façon M. de Lenz pratique
l'enthousiasme et pourquoi le licou ne suffit pas toujours? Franchement,
un Parisien pur sang, tout en préférant Beethoven à Musard, n'eût rien
fait de semblable. Il se serait même permis de rire tant soit peu de cette
formule admirative qui devait se résoudre en une mauvaise nuit et des
crampes d'estomac. M. de Lenz dit, il est vrai, que « s'il faut se gar-
» der de l'enthousiasme fac lice, aveugle; l'enthousiasme sincère lui
» parait cire une belle chose et qui implique des conditions dont les
» personnes qui ne la comprennent pas, qui la proscrivent, sont pri-
» vées. » Nous le lui accordons ; mais de ce que l'enthousiasme est
sincère, s'ensuit-il qu'il ne puisse être aveugle? Et dans quelle caté-
gorie pense-t-il qu'on doive ranger celui dont il nous a donné le
plaisant spécimen? S'il rendait un digne hommage à Beethoven, celui
qui ne dînait pas après avoir entendu sa neuvième symphonie, que
faudrait-il dire de celui qui n'aurait ni déjeuné, ni dîné le lendemain?
Et de celui qui aurait jeune toute une semaine? Et de celui qui se se-
rait laissé mourir de faim? Et de celui qui se serait poignardé sur
l'heure même, pour ne pas survivre à tant de bonheur et à tant d'exal-
tation ? Une fois entré dans cette voie de macérations, de tortures, de
supplices même, renouvelés de l'Inde et des fakirs, il n'y a pas de mo-
tif pour s'arrêter, sinon au dernier terme. Notre avis est que ce sont
choses qu'on est libre do faire, pour peu que cela convienne, mais
dont il est sage de ne pas se vanter. Nous avons un auteur, parisien
pur sang, appelé Molière, qui a dit dans une sienne comédie, intitulée
Tartufe :
Les bons et vrais dévols qu'il faut suivre a !a trace
IVe sont pas ceux aussi qui font trnt de grimace.
Non, sans doute, la véritable et profonde admiration pour les mer-
veilles de l'art n'a pas besoin de ces manifestations excentriques, dont
la progression naturelle mène droit au suicide. Et ce qu'il y a de re-
marquable, c'est que M. de Lenz le sait bien ; c'est qu'il a en horreur
le tour de force et le puff, au point que dans un endroit de son livre,
il transcrit, avec approbation, ce passage d'un de nos confrères et
amis, Jules Janin : « Un homme avale une grenouille vivante, il finit
» par avaler une couleuvre ; il mâche de l'étoupe enflammée, il en
» vient à se plonger une épée au fond du gosier. Eh ! le tour de force, —
» on sait où il commence, on ne sait pas où il s'arrête. 11 ne faut pas
» toucher au tour de force, quand en est un vrai poëte et pour peu
» que l'on soit un grand artiste. » II n'y faut pas toucher, non plus,
quand On est un vrai dévot de l'art, sous peine de tomber dans le
fanatisme, et du fanatisme au puff il n'y a que la main. M. de Lenz
trouve, et nous trouvons comme lui, que les ovations transatlantiques
décernées à Jenny Lind ont comblé la mesure de l'absurde. Cepen-
dant nous n'avons pas ouï dire qu'une jeûne universel ait été prêché
en son honneur ! Quand on blâme le fétichisme, il ne faut pas s'y jeter
à corps perdu tout le premier.
M. de Lenz nous a demandé d'être sévère et juste : il nous pardon-
nera, nous l'espérons, d'avoir commencé par ce que notre lâche avait
de plus pénible. Nous avons voulu indiquer tout d'abord en quoi nos
opinions et les siennes différaient essentiellement. Maintenant il sait
quel est le point de départ, quelle sera la direction de notre critique.
Nous avons lu son livre tout entier, quoiqu'il s'imagine .qu'à Paris on
n'ait pas le temps de lire. Nous aurons encore bien des occasions de
sévérité, mais nous en aurons aussi de justice, si par ce mot on en-
tend l'hommage payé aux bonnes parties d'une œuvre que l'auteur
pourra rendre infiniment meilleure quand il le voudra.
Paul SMITH.
DE PARIS.
219
CONCOURS D'ORPHÉONS ET DE MUSIQUES D'HARMONIE
A 11V. AI IX.
Le 27 juin, le département de Seine-et-Marne a tenu pour la seconde
l'ois ses assises musicales annuelles. Le conseil général de ce départe-
ment, comprenant la salutaire influence que la musique peut exercer sur
la moralisation des masses , et sachant très-bien qu'un des meilleurs
moyens de la répandre parmi les populations qu'il administre, et de leur
y faire prendre un goût passionné, c'est l'émulation, a décidé que chaque
année aurait lieu, dans une des localités principales du département, un
concours public, suivi d'une distribution solennelle des prix, auquel se-
raient invités à prendre part non-seulement les Sociétés chorales et les
corps de musique de la garde nationale des villes et villages de Seine-et-
Marne, mais encore tous ceux des départements voisins. Déjà l'an dernier
cette excellente intention fut très-heureusement réalisée à Melun, pour
qui le jour du concours fut un jour de fête générale, dont tout le monde
dans la ville garde un bon souvenir. Cette année, c'est à Meaux que la
fête a eu lieu, et avec un véritable éclat. Les habitants étaient tous sur
pied; de tous côtés les trains de plaisir amenaient des Sociétés concur-
rentes et des amateurs qui venaient les entendre. La presse parisienne
avait été convoquée, et quelques-uns de ses feuilletonistes spéciaux s'é-
taient empressés de se rendre à l'invitation. Avec eux était arrivée de
Paris une foule considérable de dilettantes. Le jury était aussi tout pari-
sien ; il se composait, pour le concours d'orphéons, de M. Adolphe Adam,
président; de MM. Ambroise Thomas, Georges Bousquet, Gounod, Panse-
ron, Limnander et Laty ; pour le concours de musiques d'harmonie , de
M. Klosé, président; de MM. Triébert, Dauverné, Urbin, Artus, Cokken
et Forestier. En outre, quelques membres du conseil général de Seine-et-
Marne avaient été adjoints à l'un et à l'autre jury. On remarquait parmi
les membres du jury du concours de chant, le général Pelet, en grand
cordon de la Légion-d'honneur.
Les deux concours ont commencé simultanément à midi, celui des
orphéons, dans la salle de spectale ; celui des musiques de garde natio-
nale, sur la place. Au premier, vingt-trois Sociétés chorales sont entrées
en lice ; dix corps de musique d'harmonie se sont présentés au second.
Les concurrents avaient été classés par division, suivant leur degré de
force connu, ou leur temps d'existence : les orphéonistes formaient
quatre divisions. Le concours a commencé par la quatrième, qui se com-
posait d'enfants de différents établissements d'instruction publique. Le
premier prix a été décerné à l'Institution Fleury, de Lagny ; ses jeunes
chanteurs étaient au nombre de trente-cinq; l'Ecole communale des Frè-
res, de Meaux, a obtenu le second prix; son contingent de choristes im-
berbes était de trente. Le village de Trilport avait envoyé à ce concours
vingt-cinq de ses enfants. — La troisième division comprenait onze or-
phéons : celui de Fontainebleau au nombre de vingt-huit membres, celui
d'Epernay (vingt-cinq), de Sens (vingt), de Senlis (vingt-quatre), de Ne
mours (vingt-quatre), de la Ferté-sous-Jouarre (vingt-deux), de Ville-
neuve-sur-Yonne (treize), de Trilport (cinquante), de Clnilons (trente-
deux), de Lagny (quarante), de Vaugirard (vingt-cinq). L'orphéon de
Nemours a obtenu le premier prix; celui de Fontainebleau, le second;
une médaille a été accordée à chacun des orphéons de Lagny, de Tril-
port et de Sens. Un fait digne de remarque, c'est que ce village de Tril-
port, qui a figuré dans ces deux divisions, à l'une avec vingt-cinq
enfants, à l'autre avec cinquante adultes, ne compte que neuf cents ha-
bitants. — Six Sociétés choralas entraient dans la seconde division :
c'étaient les Enfants de la Seine, au nombre de trente; l'orphéon de
Meaux [(quarante-cinq); les Cécilitns , de Pari (trente); V Union
Wilhemienne, de Paris également (cinquante-huit) ; la Clurali de la Seine
(trente-neuf j, et les Enfants de Paris (cinquante). C'est la Société des En-
fants de Paris qui a obtenu le premier prix ; le second a été remporté par
la Société des Enfants de la Seine ; une médaille a été accordée à l'orphéon
de Meaux. — Enfin, les concurrents de la première division étaient
la Chorale populaire du Conservatoire (trente et un membres); la Société
chorale de Bercy (quarante-quatre), et les Enfants de Lutèce (soixante-dix).
Le premier premier prix a été obtenu par la Société des Enfants de Lutèce,
et le second par la Chorale populaire du Conservatoire.
Il n'y a pas eu de première division dans le concours de musiques
d'harmonie ; les conditions fixées par le programme n'ayant pu être rem-
plies par les corps de musique concurrents ; il n'y a eu qu'une deuxième
et une troisième division. Dans celle-ci , nous retrouvons le village de
Trilpoi't , avec vingt musiciens : il a eu le premier prix; le second a été
décerné à la musique de Villeneuve-sur-Yonne, également au nombre de
vingt exécutants ; la musique de Charly (dix-huit musiciens) a obtenu
une médaille. Dans la deuxième division, le premier prix a été décerné à
la musique de Meaux, et le second a la musique de Ylontcroaii ; une mé-
daille a été accordée a la musique de Melun.
Les concours se sont terminés à cinq heures et demie. A leur issue, les
diverses Sociétés se sont formées en cortège sur la place Henri IV, et,
précédées et escortées d'un détachement de cuirassiers, la musique du
3e léger en tête, se sont mises en marche, avectoutes les autorités dépar-
tementales et communales, en grand costume officiel, et les membres du
jury; puis, traversant les principales rues de la ville, se sont rendues à
la place Lafayette, élégamment décorée, où les récompenses ont été
distribuées aux vainqueurs, devant une très nombreuse assistance,
qui a applaudi avec enthousiasme a chaque nom proclamé. La distribu-
tion des prix a été précédée d'un discours chaleureux et bien senti , pa-
triotique, on peut le dire, à bon droit, de M. le préfet, et suivi d'un ban-
quet cffjrt à tous les concurrents, ainsi qu'aux personnes de distinction
invitées à la fête. La cordialité la plus franche n'a cessé de régner
pendant toute cette journée, qui fait vraiment honneur à la ville de
Meaux et au département de Seine-et-Marne. — Nous ne devons pas
omettre que la fête avait été inaugurée par une messe en musique de
M. Laurent de Itillé, chantée par des orphéonistes et accompagnés par
la musique du 3e léger. Il est juste aussi de nommer M. E. Delaporte,
l'infatigable et intelligent organisateur de ces concours musicaux , si
utiles sous tous les rapports, si intéressants tant au point de vue moral
qu'au point de vue de la propagation de l'art.
Ajoutons enfin que, comme témoignage de leur sollicitude, le Prince-
Président et M. le ministre de l'intérieur avaient envoyé, le premier, une
médaille d'or, qui constitue le premier prix de la troisième division du
concours vocal; le second, un tableau, ajouté en prime à la récompense
qui devait échoir au premier lauréat de la deuxième division du concours
instrumental. A. Z.
REVUE CRITIQUE.
Couru de chant, ou Méthode dlVisée en deux parties, par 6"18;&l-
MABSBWB, chevalier de l'ordre d'Isabelle-la-Catholique, et directeur du Conser-
vatoire de musique de Madrid, du conseil de S. M. C. la reine d'Espagne, et son
secrétaire honoraire.
Fleurs d'Italie, ou 12 Bsélodies italiennes, par I.i'opolil TERBY,
professeur de chant au Conservatoire royal , et chef d'orchestre de l'Association
musicale de Liège.
En religion ou en politique, le génie éloquent et passionné est un
slryge destructeur; dans les arts, et surtout en musique, c'est un dieu
créateur et bienfaiteur. L'art du chant, entre tous, contribue pour une
large part au bonheur de l'humanité. Le chant, et cela dit sans exa-
gération , c'est Je ryhthme impérieux de la science qui charme, en-
traine, persuade ; c'est l'éloquence , plus l'action ; c'est la vie active
donnée à la pensée de religion, de guerre, ou d'amour : aussi, depuis le
commencement du monde, si le monde a jamais commencé, l'homme ,
la femme, l'enfant, chantent involontairement et même volontairement.
Rien n'est aussi doucement consolateur que le chant :
Il purge, réjouit, conforte le cerveau ;
De toute noire humeur promptement le délivre ;
Et qui vit sans (.hanter n'est pas digue de vivre.
Par toutes les qualités que nous avons énumérées en tête de cet ar-
ticle, M. Piermarini est un autre Farinelli de la moderne Espagne ; il
semble avoir été presque un favori-ministre à la cour de Madrid. Parmi
toutes ses dignités, celle-ci, qui figure en tête de l'ouvrage qu'il a pu-
blié sur Fart de chanter, n'est pas la moins importante :
« Mon cher Piermarini, j'ai reçu et examiné avec attention votre mé-
thode de chant. Cet ouvrage, que je regarde comme très-utile pour l'art,
est digne de vous qui avez si bien chanté , et qui avez fait de si bons
élèves lorsque je vous ai connu à Madrid dans le Conservatoire que
vous dirigiez avec autant de talent que de zèle. Je me félicite avec
vous, mon cher ami, et je souhaite que cet ouvrage remarquable cou-
ronne vos désirs.
» Votre affectionné ,
» G. Rossini. »
220
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
I Cette approbation en vaut bien un autre ; car celui qui l'a donnée
ept ou fut un aussi habile chanteur qu'il s'est montré savant composi-
teur dans l'art d'écrire pour les voix.
La méthode de M. Piermarini est précédée de quatre pages de texte
seulement, c'est-à-dire d'un avertisscme?it et de quelques idées géné-
rales sur le chant. Cette sobriété de préceptes, d'explications, de clas-
sifications scientifiques , anatomiques , fait contraste avec le grand
nombre des cours de chant qu'on publie depuis quelque temps, et dans
lesquels on fait intervenir les définitions physiologiques, esthétiques,
en attendant qu'on y fasse entrer les dissertations psycologiques. Sans
avoir recours aux termes prétentieusement scientifiques , M. Pierma-
rini vous dit tout d'abord , dans une courte note de l'avertissement,
qa'iljavt commencer l'élude du chant par la chose la plus pénible et la
plus fatigante, qui est le développement de la voix de poitrine, l'union
des registres, la bonne manière de respirer, la pose enfin de la voix et
de la figure. Cette instruction concise est pleine de choses: c'est pres-
que un cours de chant, comme la page d'exercices qu'avait tracée pour
ses élèves un- célèbre chanteur italien, et qui résumait tout l'art vocal.
L'auteur du nouveau cours de chant qui nous occupe a cru devoir
définir le génie dont nous avons parlé plus haut. Sans traiter ce sujet
hyperboliquement , comme J.-J. Rousseau dans son dictionnaire de
musique, il dit que la troisième qualité du chanteur, qualité rare, es-
sentielle, c'est le gérAe ; c'est ce don du ciel qu'on n'acquiert pas, ce
privilège avec lequel naissent certaines organisations, feu sacré qui n'a
son foyer que dans quelques âmes d'élite. On ne l'acquiert pas : on le
développe, on le dirige; et c'est surtout lorsqu'il est fort de toutes les
ressources de l'art, lorsqu'il a dominé toutes les difficultés, renversé
tous les obstacles des longues et pénibles études, qu'il se montre au
grand jour et dams toute son entraînante beauté. 11 faut au génie cette
conviction de sa force ; il ne la devra qu'à un travail soutenu et bien
dirigé.
Al. Piermarini fait aussi de la critique à bon escient ; il parle, en s'en
moquant, des leçons d'anatomie qui se sont introduites depuis quelque
temps dans la plupart des méthodes de chant; chose aussi peu néces-
saire à connaître peur le chanteur, dit-il, que la conformation des doigts
pour le pianiste. Pour cet habile théoricien, enfin, le chant est l'âme de
la?nusique.Tvois choses sont nécessaires au chanteur : la voix, l'ait, le
génie. La voix, don de la nature, que l'art façonne et rend docile, que
le génie touche de son étincelle, anime et fait vivre. Mais l'art est le
produit du travail; le génie le développe et le féconde par l'application
constante de l'imagination. Ces deux études propres à l'art et au génie
influent prodigieusement sur l'amélioration de la voix, qui doit gagner
tous les jours en force, en souplesse, en étendue. La France, dit encore
M. Piermarini, est merveilleusement riche en voix. L'opinion contraire,
généralement accréditée, estime erreur; mais il faut savoir les mé-
nager, les conduire et laisser à chacune son caractère sans les déna-
turer comme on le fait : c'est là qu'est le mal.
La première partie de l'ouvrage de M. Piermarini se compose de
cinquante jolies petites leçons de solfège avec un simple accompagne-
ment de piano, mélodies faciles etprogres sives, écrites sur la clef de sol,
et de dix autres leçons sur la clef d'vt première ligne. Le professeur
conseille de solfier d'abord en nommant les notes, et de revenir, de
repassersur toute cette première partie, même les gammes, en les vo-
calisant.
La seconde partie de cette méthode présente, dans quarante exer-
cices, dont la dernière notée est sur la clef d'vt première ligne, toutes
les difficultés de l'art du chant. Les mélodies en sont tour à tour bril-
lantes, passionnées et dramatiques. Cela est bien accompagné, pure-
ment écrit, et toujours dans les cordes de la voix. Bien entendu que
ces études ne sont applicables qu'aux voix de soprano et de ténor.
Quand l'élève aura parcouru avec intelligence et avec le secours
d'un bon professeur, car il faut toujours un maître pour appliquer une
méthode quelconque, ce vaste cours de chant qui se compose de prè
de trois cents pages, il sera nécessairement un bon chanteur, ou, comme
cette personne qui jouissait d'une bien mauvaise santé, il faudra que
cet élève soit doué de bien médiocres facultés musicales; cardans cette
riche collection d'exercices on trouve tous les styles et tous les artifices
de l'art du chant : romances sans paroles, airs hérissés des difficultés
les plus ardues, et jusqu'à la scène dramatique avec récitatif à l'usage
du tragédien lyrique, du ténor d'opéra-comique et du brillant chanteur
de concert.
— Après l'art scolastique utile, vient celui de salon, qui se manifeste
par. l'album, les chants aisés, ausoniens. C'est un ouvrage de ce genre
que vient de publier à Bruxelles M. Terry, professeur de chant au Con-
servatoire royal, et chef d'orchestre de l'Association musicale de Liège-
Ce recueil de mélodies est dans le genre des Matinées de Rossini, sans
en avoir précisément l'originalité, la fraîcheur,, la nouveauté, lors-
qu'elles parurent. Ce sont des petits airs d'opérettes, des romances avec
paroles italiennes et françaises. C'est : il Canto délia Zingara, valse
légère et joyeuse, et pas mal modulée ; Barcarolle vénitienne et philo-
sophique, dite par une jeune et jolie gondoliôre qui pratique la vie et
sa profession en traduisant à peu près cet axiome de chanson française :
Et vogue la galère, avec de joyeux la. la, en mesure à six-huit, sur
laquelle ondule toujours toute barcarolle; et puis vient une romanza
sur la Rimenbranza del g. uramento; il Pellcgrino ; une chansonnette
ail' arnica, sur Lous les lieux communs de morale lubrique que Lulli
réchauffait des sons de sa musique, et que M. M. Glandier a fait passer
de la langue italienne dans la nôtre; il l> myroverq, lumento, suffisam-
ment lamentable ; il Menestrello; Che cos è amor ; Arietla, ou valse
avec paroles toujours traduites de l'italien par M. Glandier, et toujours
dans l'esprit de celles que réchauffait Lulli des sons de sa musique. Un
autre lamento en sept couplets sur les hirondelles, et un boléro intitulé
Y Indovinat rice terminent ce recueil de mélodies, ou Fleurs d'Italie,
comme dit le titre, et qui doit plaire à celte classe d'amateurs qui croient
toujours que ce n'est que de l'Italie que nous vient le chant. C'est une
idée tout comme une autre, une vérité qu'on peut défendre et contester.
Le recueil de M. Terry a donc des chances de succès auprès du plus
grand nombre. 11 y a du mouvement, de l'entrain, de la grâce clans sa
mélodie, et de la facilité dans ses modulations, dans ses accompagne-
ments.
Six «-(iulfs giour Piiant» v-t VàoHoin
liai' j?H. Fi:iiDErc.&«9» SI il tiiii-'.n.
Il y a consonnances et dissonnances en harmonie : cette science est
souvent en désaccord avec la mélodie , et ceux qui la professent comme
théoriciens ou virtuoses ne s'entendent pas toujours. Par exemple, les
maîtres de piano croient pouvoir tout enseigner à leurs élèves : exécu-
tion brillante, composition, et jusqu'au sentiment musical. Aussi ce
n'est jamais sans une sorte de jalousie qu'ils voient arriver chez ces
élèves le professeur d'accompagnement et de musique d'ensemble ; ils
font tout pour éloigner, sinon indéfiniment, pour ajourner du moins
sa présence. Et cependant, concerter avec une ou plusieurs personnes
est le seul moyen de compléter un enseignement musical quelconque.
La musique d'ensemble représente l'esprit de société. La première
excursion que font les élèves dans cette partie de l'art les embarrasse
fort; ils sont déroutés, et bientôt convaincus que faire ce qui est
écrit ne suffit pas dans le dialoguemusical, si multiple, si compliqué par-
fois ; dans cette conversation qui ne vit, comme la pratique du monde,
des affaires, que de concessions et de l'oubli de toute individualité, à
moins qu'on ne soit orateur ou virtuose.
C'est sans doute préoccupé de ces vérités, que M. Ferdinand Ilillcr,
le chef d'orchestre du Théâtre -Italien, pianiste et compositeur distin-
gué, vient d'écrire et de publier un ouvrage qui prendra nécessairement
une place essentielle dans l'enseignement musical. Cet ouvrage est un
recueil , non pas de vingt-cinq, quarante, soixante-quinze études pour
piano, comme on en a tant composé, comme on en a fait tant , et
\)E PARIS.
221
comme on est sans doute en train d'en écrire encore ; mais un livre de
six ■études pour piano et violon , bien dialoguées, pour ne pas dire
concertantes, et surtout bien dans le caractère des deux instruments.
1 A l'utilité dont ces excellentes études seront pour former de bons
musiciens, se joindra le plaisir de jouer de fort jolis duos pleins de
grâjce unie au savoir. C'est surtout par le contraste des rhylhmes que
se distingue chaque élude. La première, en vl mineur, en mesure à
six-huit, allegro appassionaio , est une élégie disperata pleine de
chaleur et de distinction. Sur celte belle et noble mélodie, se meut
un accompagnement tourmenté, en douze doubles croches, que se par-
tagent la main droite et la main gauche, celle-ci procédant par une
fraction de deux doubles croches, et une croche attaquée brusquement,
pcndanl que la main droite répond par un fragment obstiné et en
imitation renversée à l'appel de la basse, de tout quoi il résulte une
sorte de dispute de voix haletantes de colère et de passion pleine d'in-
térêt pour le lecteur et l'auditeur.
La seconde étude est un charmant scherzo, violon et piano procé-
dant par le même dessin, leste, pimpant , aisé et énergique tour à lour.
Cette étude est en Isol majeur et à trois temps. Celle qui suit est en
caractère de chasse ou de tarentelle. C'est dire qu'elle est écrite en
mesure à six-huit. La tonalité de la mineur lui donne un accent fébrile
:ét souffreteux qui attache et passionne celui qui dit et celui qui écoute,
comme dans le premier morceau de cet intéressant recueil.
le n° h est un allegro energico conjvoco, en ré mineur, mesure à
deux-quatre. Ce morceau est une imitation pressée en triolets pour
doubles croches entre le violon et la main droite du piano ; et puis, le
violon reprend sa voix mélodique et chante en doubles octaves sur le
trait en triolets obstinés, chaleureusement continués par la main droite
au piano.
La pensée de chacune de ces études est toujours claire, en mesures
simples, et surtout mélodique. On dirait même que l'auteur a voulu
payer son tribut à la mode, en donnant l'allure d'un galop à la basse
de la cinquième étude. Ce dessin, ce rhythme est maintenu pendant
toute la durée du morceau par la main gauche, pendant que la main
droite et le violon se partagent un petit trait en doubles croches et à
deux-quatre, plein d'élégance et de vivacité. Cette étude est un badi-
nage charmant, même dans ses caprices scientifiques et enharmoniques,
lorsqu'il passe de mi bémol en si dièze majeur : elle sera souvent re-
dite comme souvenir de bal.
La sixième et dernière étude a, pour ainsi dire, le caractère d'un
final, d'un final dramatique comme musique imitative. Cela peint bien
les ondulations de la vaste mer. Il vous semble voir les balancements
d'un navire par les Ilots, entendre les craquements du Saint-Géran,
cette frôle machine qui repoi lait Virginie à tout ce qu'elle aimait, dans
l'immortelle élégie de Bernardin de Saint-Pierre. Le rhythme original
du piano exprime, en s'abandonnant à cette pensée de terrible poésie ,
les secousses du vaisseau, tandis que le violon nous représente au
mieux, par son trait continuel de douze doubles croches en mesure à
six-huit refrappées deux par deux, les montagnes incessamment mobiles
de l'Océan. Ceux qui ne voient dans une étude instrumentale qu'un
exercice de mécanisme digitigrade, trouveront peut-être notre inter-
prétation exagérée et par trop pompeuse; mais nous ne pensons pas
qu'aucune loi mette des bornes à l'esthétique ; et c'est de cette méta-
physique de la science des sons , de ces idéalités capricieuses que
naissent la poésie et le vrai plaisir de l'art musical.
[Henri BLANCHARD.
CORRESPONDANCE.
Bruxelles 1" juillet 1855.
11 faut que je commence par vous remercier de la courtoisie avec la-
quelle vous avez traité mes compatriotes en parlant des fêtes musicales de
Lille où ils ont, à la vérité, obtenu des succès bien flatteurs. Deux villes
de la Belgique, Gand et Liège, je dirais même deux provinces entières, se
sont vivement émues des résultats du concours de chant d'ensemble ou-
vert dans le chef-lieu du département du Nord. L'ivresse des Gantois en
voyant revenir leur Société des chœurs ornée d'un premier prix obtenu en
partage avec la Concordia d'Aix-la-Chapelle, ne saurait se comparer qu'au
délire qui s'est emparé des Liégeois ù la nouvelle que la Société d Orphée
l'avait emporté sur la Liedertafel de Mayence. Dans chacune des deux
cités, la nouvelle du triomphe national ou pour mieux dire communal,
transmise par le télégraphe électrique, remplit la population d'une joie
indicible. Les affaires cessent; il n'est question que des préparatifs à. faire
pour accueillir les vainqueurs comme ils le méritent. Les autorités s'en
mêlent. On se rend processionncllement à la rencontre des concitoyens
qui ont si dignement soutenu la gloire de la ville natale ; les cloches tin-
tent, le canon gronde, les vivats remplissent l'air ; on les conduit en
grande cérémonie à l'hôtel-de-ville, où le vin d'honneur leur est offert,
avec accompagnement d'éloquence officielle. Ils auraient pris Paris d'as-
saut qu'on ne leur décernerait pas un triomphe plus éclatant. De tout
temps leslïelges ont été de furieux amateurs de concours; de tout temps
ils ont attaché un prix énorme aux succès obtenus dans ces luttes d'amour,
propre.
Vous avez la bonne foi de constater l'infériorité des Sociétés chorales
françaises ù l'égard des Sociétés étrangères au concours de Lille. Que
c'est bien d'un Parisien! Vous ne voyez là que la question d'art ; vous
applaudissez aux vainqueuis quels qu'ils soient. Si vous étiez de Gand ou
de Liège et qu'on n'eût pas couronné vos citoyens, vous vous en prendriez
au jury, vous l'accuseriez de partialité, d'injustice. On est ainsi fait chez
nous; on porte jusque làl'amour-propre local. J'ai vu, dans nos concours
de chant ouverts à Bruxelles, il y a quelques années, siffler une Société
allemande, celle de Cologne, je | ense, parce qu'elle avait obtenu le pre-
mier prix en concurrence avec les Sociétés du pays. C'est depuis lors
qu'on a créé des prix spéciaux pour les Sociétés étrangères. Ne concluez
pas de ce fait que nous soyons un peu de grossier, inhospitalier. Nous re-
cevons, au contraire, fort cordialement les voisins qui viennent nous vi-
siter soit du Midi, soit du Nord; mais en matière de vanité nationale et
surtout de concours, nous n'entendons pas raillerie. Nous conviendrons à
la rigueur que les Belges ont été vaincus sur tel champ de bataille ; mais
nous n'avouons pas que telle Société d'archers ou d'arbalétriers de notre
ville natale n'a pas mérité la palme dans une lutte où elle a figuré. Que
voulez-vous? c'est une faiblesse: chaque peuple n'a-t-il pas les siennes ?
Les journaux allemands nous apprennent qu'un concours de chant
d ensemble, pareil à ceux de la Belgique, que vous commencez à imiter
en France (on vous y prend à faire de la contrefaçon), aura lieu à Dussel
dorf, le 1" août prochain. Ce sera quelque chose de nouveau pour les
provinces rhénanes , mais ce ne sera point un progrès assurément. Dans
ces concours la musique proprement dite ne tient qu'une place fort se-
condaire. L'amour-propre particulier, l'orgueil collectif, la vanité natio-
nale, sont surtout en jeu. Je verrais avec regret ces éléments hétérogènes,
parasites, dissolvants, s'introduire dans les fêtes musicales de l'Allemagne
où le pi r amour de l'art avait seul accès jadis. S'il y avait émulation, si
l'on cherchait à mieux faire que son voisin, c'était pour que les œuvres
des compositeurs fussent dignement rendues. Quand on réunissait un
millier d'exécutants, c'était pour les faire coopérer à une œuvre com-
mune. On va les faire entendre par détachements de trente ou quarante
individus. Est-ce un progrès? je le demande. Les concours de chant d'en-
semble ont eu cela de bon en Belgique qu'ils ont stimulé le zèle des So-
ciétés chorales, et favorisé le développement de ce genre d'exécution
musicale. Ainsi que l'a très-bien fait observer la personne qui a rendu
compte des fêtes de Lille, le même but pourra être atteint en France par
des moyens semblables .Mais l'Allemagne n'en est pas là ; le chant choral
est chez elle une vieille institution en pleine prospérité et qu'il ne faut
qu'abandonner à elle-même. Quoi qu'il en soit, la ville de Dusseldorf a ob-
tenu des administrations de chemins de fer le transport à prix réduit des
Sociétés qui se rendront dans ses murs pour le concours du i" août, et
de plus elle se propose d'héberger gratuitement ceux des exécutants que
leur situation pécuniaire mettrait dans la nécessité de solliciter cette
faveur. On n'est pas plus hospitalier.
Autre concours de chant d'ensemble. Celui-ci aura lieu à Bruxelles, en
septembre, à l'occasion des fêtes commémoratives de la révolution de
1830. C'est la Société de la Grande Harmonie qui en a pris l'initiative en
fondant de fort beaux prix en médailles et en primes d'argent.
Plusieurs fois je vous ai signalé le tort que causent chez nous à l'art
dramatique en général et à l'art lyrique en particulier la multiplicité des
théâtres. C'est à cette cause qu'est due en ce moment la clôture de notre
Opéra. Le conseil municipal va entreprendre une croisade contre les
spectacles secondaires. On ne peut les interdire, car la constitution s'y
oppose, et le pacte politique est en Belgique l'objet d'un respect religieux.
Quiconque a l'envie d'établir un théâtre le peut faire librement, sans
autre formalité qu'une déclaration à l'autorité locale. Mais, s'il est des
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REVUE ET GAZE1
MUSICALE
accommodements avec le ciel , c'est assurément lorsqu'il s'agit de mettre
des obstacles quelconques aux jeux de la scène. Quand on n'a pas la
grande route à sa disposition , on se sert des voies détournées. Le conseil
communal de Bruxelles sait qu'il ne peut pas ordonner la fermeture des
théâtres secondaires en alléguant le dommage causé a ceux qu'il subven-
tionne ; mais il exigera, au nom de la sécurité publique, de telles précau-
tions contre les éventualités d'incendie, qu'aucun des entrepreneurs ne
sera en mesure de les remplir. Il restera à ceux-ci la ressource de faire
construire de nouvelles salles de spectacle; mais c'est ce qu'ils ne feront
pas, pour des raisons tirées de l'état de leurs finances. Le conseil com-
munal se flatte d'arriver ainsi à l'a suppression très-prochaine des théâtres
autres que les théâtres royaux. Le principe de liberté recevra là une at-
teinte ; mais on ne peut se dissimuler que la musique dramatique, les
artistes et les dilettantes s'en trouveront bien. L'Opéra, condamné par la
concurrence â une clôture de quatre mois, redeviendra permanent, grâce
au privilège.
Vieuxtemps a traversé Bruxelles dernièrement, se rendant à Londres.
11 n'est point passé si vite qu'il n'ait eu le temps de faire part à ses amis
du projet qu'il a de rentrer bientôt dans sa patrie. Son engagement avec
la Russie n'est pas expiré; mais des circonstances que j'ignore l'ont, à ce
qu'il paraît, engagé à en abréger la durée. Suivant toute apparence, il ne
retournera plus à Saint-Pétersbourg, et viendra se fixer à Bruxelles, non
à demeure fixe, mais en prenant cette ville comme un point central d'où
il étendra de divers côtés ses excursions artistiques.
Il nous est arrivé dernièrement toute une caravane de jeunes musul-
mans. Ils sont envoyés de Constantinople par le sultan, leur empereur
et maître, pour faire leur éducation en Belgique. Chacun suivra ses apti-
tudes et les injonctions qu'il a reçues. Celui-ci entrera à l'école militaire,
celui-là à l'école des mines; l'un suivra les cours de médecine, l'autre
s'appliquera aux choses industrielles. La diplomatie, le génie civil, font
également partie du programme de leurs études. La musique, enfin, n'a
pas été oubliée. On assure que l'un des jeunes Turcs dont je vous parle
se fera inscrire parmi les élèves du Conservatoire de Bruxelles, et qu'il y
recevra une instruction musicale complète, depuis les éléments du solfège
jusqu'aux subtilités du contrepoint. De plus, il se fera initier à la con-
naissance générale du mécanisme des instruments et de la théorie de leur
construction. L'intention du sultan paraît être de lui confier, à son re-
tour, la mission de fonder à Constantinople un conservatoire à l'euro-
péenne. Le dilettantisme bien connu d'Abdul-Medjid donne beaucoup de
vraisemblance à ce bruit.
La classe des beaux-arts de l'Académie royale de Belgique avait à faire
une nomination d'associé étranger pour la place devenue vacante par la
mort de Spontini, Il y a peut être de l'indiscrétion à vous dire que
M. Ambroise Thomas est porté en tête de la liste de ses candidats ; mais il
est convenu que l'indiscrétion est permise aux journaux. Ce n'est encore
que le résultat d'une élection préparatoire. Le mois prochain seulement
on saura ce qui est résulté du scrutin définitif.
NOUVELLES.
%* Demain lundi, à l'Opéra, Iioberl-h-DiMe.
***. La vingt-deuxième et la vingt-troisième représentation du Juif
errant ont été données lundi et mercredi, Gueymard a continué d'y chan-
ter avec un grand succès le rôle de Léon. La vingt-cinquième représen-
tation aura lieu mercredi , et n'aura pas moins d'éclat que les précé-
dentes.
%* Action est un de ces charmants ouvrages dont la reprise périodique
obtient toujours le même succès. L'Opéra-Comique vient encore de le
réintégrer dans sa place au répertoire. Mlle Félix Miolan, cantatrice ha-
bile et brillante, avait droit de succéder à Mme Damoreau et à Mlle La-
voye dans ce rôle de Lucrezia, composé avec tant de finesse et de charme.
La manière dont elle l'a rendu ne lui a rien fait perdre, et nous comptons
une excellente Lucrezia de plus. Mlles Révilly et Decroix, MM. Jourdan et
Coulon ont aussi montré beaucoup de talent dans les autres rôles de cet
ouvrage, l'un des fleurons les plus précieux d'une collaboration non moins
heureuse que féconde. Rarement MM. Scribe et Auber se sont mieux en
tendus pour la forme et pour la couleur : de là vient que tous les mor-
ceaux (V Action sont également populaires au théâtre et dans les salons.
%* l'emain lundi, au même théâtre, reprise de la Sirène, dont Mlle Fé-
lix Miolan chantera le principal rôle.
%* On annonce que Sophie Cruvelli a tout-à-coup déserté le théâtre de
Sa Majesté à Londres, mais on ne dit pas de quel côté du monde elle s'est
dirigée.
*** Mme Frezzolini, ainsi que Barroilhet, sont partis pour l'Italie, où
plusieurs théâtres leur offrent des engagements.
%* L'Alboni est arrivée à New-York le 15 juin dernier ; elle se pro-
posait d'y donner plusieurs concerts, dont les premiers devaient avoir
lieu le 31 du même mois.
*„* Le Corps législatif a définitivement approuvé tontes les propositions
du gouvernement en ce qui touche les allocations affectées aux beawx-
arts. Bien n'est donc changé au chiffre des subventions théâtrales. Pen-
dant l'année prochaine, comme pendant l'année présente, le grand Opéra
touchera une allocation supplémentaire de 60,000 fr\, destinée à liquider
son arriéré. Le budget du Conservatoire de Paris et celui des succursales
des départements continuera d'être augmenté cTuin somme de 37,600 Et.,
ce qui en porte le chiffre total à 206,000 fr.
*** Meyerbeer est à Paris en ce moment. L'illustre compositeur, qui
s'est longtemps ressenti de la grave maladie dont il avait été atteint
l'automne dernier, n'est venu que pour consulter le docteur Andral. De
Paris, il doit, sous peu de jours, se rendre à Spa, pour y prendre les eaux.
%* On sait avec quel soin et quel effet , Berlioz a fait entendre dér - '
nièrement le second acte de la Vestale, à l'un (tes concerts de la New
Philharmonie Society de Londres. Mme Spontini, la veille de ce magnifi-
que concert, lui écrivit la lettre suivante en lui envoyant le bâton de
chef d'orchestre dont l'illustre auteur de la Yestak s'était servi toute sa
vie :
« Londres, 28 avril.
« Monsieur, nous arrivons pour assister au concert de ce soir. Permet-
tez-moi de vous offrir le bâton de commandement dont mon cher mari se
servait pour diriger les œuvres de Gluck, de Mozart et les siennes. Com-
ment pourrait-il être mieux placé que dans vos mains habiles?... Ce soir,
en dirigeant la Vcstile, il vous rappellera encore plus vivement notre cher
Spontini qui vous aimait tant, qui avait tant d'admiration pour vos ou-
vrages!... Hélas ! Dieu lui a refusé cette suprême satisfaction d'entendre
la dernière reprise à'Olympie à Berlin, et la Vestale dirigée par vous!... A
ce soir donc. Veuillez en attendant agréer les compliments les plus af-
fectueux et les plus empressés de votre toute dévouée.
.» Ve C. SPONTINI. »
%f A Vienne, sur l'emplacement de la maisonnette où mourut l'au-
teur de Don Juan (ce chef-d'œuvre qui, soit dit en passant, ne lui
rapporta que huit ducats), s'élève aujourd'hui un fort bel édifice connu
sous le nom d'Hôtel de Mozart. Dans le faubourg de Josephstadt, on mon-
tre encore un cabaret à bière : <> A la bouteille bleue », qui comptait
Mozart parmi ses habitués. C'est dans le jurdin de cet établissement qu'il
écrivit la plus grande parlie de la Flûte enchantée. Le lieu où reposent les
restes du grand compositeur est inconnu, comme on sait. Les manuscrits
qu'il avait laissés furent traités avec la même indifférence par ses con-
temporains. Ils restèrent entassés sons son clavecin pendant plus de huit
ans. M. André les acheta 1,000 écus en 1799 ; les offrit, en 1837 , à la
bibliothèque impériale au prix de "20,000 florins, et son offre ne fut j.oint
agréée.
*„* Les fêtes musicales de l'Ouest, dont la célébration a eu lieu à Li-
moges, les 17 et 18 juin dernier, ont été fort brillantes. Quatre villes y
ont pris part : Niort, la Rochelle, Angoulème et Limoges. L'orchestre,
dirigé avec talent par M. Farge, a exécuté la symphonie pastorale de
Beethoven, les ouvertures de Freischulz et de Guillaume Tell. Les chœurs
ont dit le Dies irœ de Cherubini; l'introduction du premier acte de
Guillaume Tell, du premier acte de la Juive, le Kyrie et le Credo de la
messe de M. Beaulieu. Les parties vocales étaient confiées à Mlle Caroline
Duprez, à MM. Poultier et Balanqué ; les solos d'instruments à Mme Ben-
nassi, professeur à Limoges ; MM- Chaîne, Triébert, Jancourt, et à un
jeune amateur, digne élève du célèbre harpiste Godefroid.
*„* Bazzini donne en ce moment à Reims des concerts très-suivis et très-
productifs.
*„* Le jeune et célèbre pianiste, J. Blumenthal, a donné le mois dernier
à Londres un des plus brillants concerts de la saison. La duchesse de GIo-
cester et la fleur de l'aristocratie y assistaient. Le bénéficiaire a obtenu le
plus brillant succès en jouant plusieurs morceaux de sa composition, un
trio pour piano, violon et violoncelle, une mazurka, la Pensée, Fleur
emblématique, et Chant des Slovaques. Une charmante romance du même
auteur, le Chemin du paradis, chantée par Mario, a aussi plu beaucoup à
tout l'auditoire.
*„* W. Kruger est â Hambourg en ce moment. Il a joué tout-à-fait à
l'improviste dans un concert donné par le célèbre baryton Pischek. Son
succès a été tel que l'administration l'a engagé pour le concert suivant.
En attendant, le pianiste et le chanteur sont partis ensemble pour aller
donner des concerts dans les environs.
*»* Une compagnie hongroise, dirigée par M. Kalozdi, fait de la musi-
que depuis trois jours au théâtre des Variétés.
%* Mlle Graever a joué avec beaucoup de succès, dans la soirée de
M. Gouffé, l'étude de violon de Mathias, l'étude de Chopin, ainsi qu'un trio
de Beethoven.
%* Une audition des quintetti de Beethoven, Mozart et Haydn, arran-
gés pour instruments à vents par M. Bousquier, professeur de musique
du Lycée et de l'École normale de Nancy, a eu lieu dernièrement dans
les salons de PleyeL Les exécutants étaient MM. Verroust frères, Leroy,
Forestier et Jules Halary. L'effet en a pleinement répondu à ce qu'il était
permis d'attendre de l'auteur de l'arrangement et de ses interprètes.
V Le célèbre violoniste, H. Léonard, vient, de recevoir de la Société
de Sainte-Cécile de Bordeaux une médaille en or, avec cette inscription :
A H. Léonard, la Société de Sainte-Cécile reconnaissante, et sur le revers :
Festival du 3 mai 4S52. Léonard est parti pour Spa avec sa femme.
V Mardi, 6 juillet, à une heure après midi, dans l'église de Saint
Roch, un service funèbre sera célébré en l'honneur de Lambert,
DE PARIS.
223
professeur de chant distingué nous l'JEtnpire, auteur do la romance De ma
Céline, amant niodesl'., qui vient de mourir S Dijon, à l'htftèl de la pré-
fecture. Dans son testament, qui contient plusieurs legs au profit de
Partet des artistes, Lambert avait prié son ami Panseron de faireexé
cuter à ses obsèques un Magnificat a grand orchestre, avec chœurs,
de sa composition. Ce vœu sera rempli. MM. Alexis Dupond et Boulan-
ger chanteront les solos ; MM. Panseron et Georges Bousquet dirigeront
l'orchestre.
*„* L'art musical vient de perdre tin de ses amateurs les plus distin-
gués. M. le baron de Trémont est mort presque subitement dans sa 73' an
née. Ses obsèques ont été célébrées, hier samedi , à Saint-Germain , où il
avait fixé sa résidence. M. le baron de Trémont avait exercé des fonctions
publiques, et s'y était distingué par sa capacité non moins que par son
caractère. Les matinées musicales qu'il donnait chez lui , et dans les-
quelles il faisait sa partie, ont été longtemps célèbres.
CRON1QUE DÉPARTEMENTALE.
%* Toulouse. — La Société des concerts de notre \ille a clôturé ses
séances. Un public d'élite remplissait la vaste salle de l'Athénée, revêtue
de ses parures de fête, étincelantede (leurs et de lumières. Le programme
de ce cinquième et dernier concert était conçu de manière a attirer les
plus indifférents, l-'i^èle au but qu'elle se propose, faire revivre le goût
de la bonne, de la vraie musique et exécuter les œuvres des maîtres, la
Société avait conservé pour sa dernière soirée les plus belles pages de
Mozart, de Beethoven. A cûté de l'ouv rture de Fidclio et du délicieux
andante de la symphonie en la, de Beethoven, se trouvait la symphonie en
sol mineur, de Mozart, et l'ouvénure de Zam\. a, d'Hérold. Tous ces ou-
vrages ont été exécutés par l'orchestre avec un ensemble qui fait honneur
à son habile chef, M. Bequié. Mais l'orchestre n'a pas eu seul les hon-
neurs de la soirée : le chant peut réclamer une largo part de triomphe.
Deux solos et deux quatuors ont été parfaitement chantés par des ama-
teurs. Toutefois, sans vouloir amoindrir le succès des autres, disons que
le diamant de la soirée était Mlle Balla, élève de .M. G osseth, l'excel-
lent professeur de chant au Conservatoire de Toulouse. Cette jeune ar-
tiste de seize ans a chanté le grand air de la Somnambule, non pas comme
une élève, mais comme une cantatrice de premier ordre. Ajoutons que
la nature s'est montrée prodigue à son égard. Une voix qui descend jus-
qu'aula au-dessous des lignes et s'élève jusqu'à Val dièse, et cela sans
effort, sans contraction, exempte de ces sons aigus qui rappellent une
chanterelle gémissant sous un archet sans colophane. Ajoutez encore une
phrase large et bien finie, un style plein d'âme et de chaleur, et un mé-
canisme qui révèle de sérieuses études. Avec de semblables éléments on
peut prédire à Mlle Balla le plus brillant avenir. M. Barbot, l'intelligent
et gracieux pianiste, nous a fait entendre deux de ses charmantes compo-
sitions; inutile de dire qu'il a obtenu le plus brillant succès. L'année 1853
verra se renouveler nos soirées musicales. Mais nous ne sommes plus en
peine désormais pour la Société des concerts. Toulouse a compris les
services éminents que cette Société pouvait rendre non-seulement aux
artistes, mais à l'art lui-même en épurant notre goût, en nous faisant ap-
précier les œuvres des grands maîtres. Elle prêtera tout son appui à la
Société des concerts, qui a su se placer tout d'abord au niveau des sociétés
philharmoniques de Marseille et de Bordeaux.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
%* Londres, l1' juillet. — Nous n'avons qu'à confirmer la nouvelle du
brillant succès obtenu par le ballet donné au théâtre de Sa .Majesté sous
le titre de Zélie ou l'Amour et la magie. Cette charmante composition de
M. de Saint-Georges n'a qu'un malheur : c'est de n'avoir pas été mise en
scène par celui qui l'avait conçue, et d'avoir subi quelques altérations
que les mains paternelles lui eussent épargnées. En voici à peu près l'ana-
lyse. Un magicien nommé Pbocas a adopté une jeune fille qui est le type
de toutes les perfections. Quoique élevée par lui au milieu de tous les se-
crets et les enchantements de la magie, Zélie est restée une fille de la terre.
Elle aime éperdument le prince de Samos, jeune homme riche, d'une grande
beauté, et qui ne cherche le bonheur que dans les choses surnaturelles.
Ce n'est pas chose facile que de faire la conquête d'un prince, même pour
la fille adoptive d'un magicien. Attristé du découragement de Zélie, Pho-
cas fait usage du pouvoir i^ue la science lui donne ; il force le prince de
Samos à venir le consulter. Sur l'ordre du magicien, Zélie apparaît aussi-
tôt comme le génie de la Terre. Le prince ne veut pas rester en si beau
chemin, et demande à Phocas de personnifier en sa présence les trois
autres éléments : le Feu, l'Eau et l'Air. Trois gracieuses nymphes, Fiam-
ma, Fluvia et Eoline, s'élèvent à l'instant et comme par enchantement aux
yeux étonnés et ravis du prince. Le magicien a donné au prince une fleur
magique qui a le privilège de faire aimer celui qui la porte par celle qu'il
aime lui-même. Les éléments rivaux se disputent le cœur du prince, pre-
nant devant lui les postures les plus voluptueuses et lui lançant les regards
les plus passionnés. Mais le Feu est bientôt vaincu par l'Eau , l'Eau elle-
même cède à la force de l'Air, et l'Air, près de triompher, est à son tour
victime des rayons ardents du Soleil, que Phocas appelle à son aide. La
Terre seule survit, et Phocas, au comble de la joie, présente Zélie au
prince, non maintenant comme le génie de la Terre, mais comme l'une
de plus parfaites créations de la science du magicien. Le prince comprend
enfin que le surnaturel ne vaut pas ce qui est naturel , il préfère le na-
turel au figuré, et, ébloui par les charmes de la jeune fille, il se jette à
ses pieds et devient son heureux époux. Telle est la fable ingénieuse que
la Rosati a été chargée d'animer, et tout le monde reconnaît que jamais
la charmante danseuse n'a révélé autant do grâces, de talent, de prestige
que dans le rôle de Zélie. Le Feu, l'Eau et l'Air ont pour représentantes
Mlles Bosa , Espert et Lamoureux. Gosselin a réglé la chorégraphie, et
M. Nadaud a écrit la musique. Jamais le secours de la danse n'est venu
plus à propos : l'Opéra en avait grand besoin ; mais avec V Amour et la
.Vagir, il n'est pas douteux que la santé ne lui revienne, et que le théâ-
tre ne se peuple chaque soir.
*„* Hambourg, 25 juin. — Avant-hier, Boger, le célèbre ténor , a dé-
buté au théâtre de la ville par le rôle de Fernaud dans la Faroritr. Mal-
gré l'augmentation des prix, la salle était comble. A son entrée en scène,
Boger fut accueilli avec un enthousiasme qui répondait aux impressions
que les représentations antérieures de cet excellent artiste ont laissées à
Hambourg. Son chant ainsi que son jeu ont offert les qualités éminentes
que nous avions déjà été à même d'apprécier; on peut même dire qu'il y a
progrès chez lui, sous le rapport de la méthode et du fini précieux qu'il a
coutume de donner à ses rôles. 11 y a eu rappel à chaque entr'acte, et à
la fin de la pièce, une explosion d'applaudissements interminables, ac-
compagnés d'une pluie de bouquets. Pour cette fois, Boger ne chantera
plus que dans la Dam.'. Blanche et les Huguenots ; le célèbre ténor se ren-
dra d'ici à Berlin. — Mlle Garrigues, qui chantait le rôle de Léonore, s'est
acquittée dé sa tâche avec esprit et énergie ; son succès a surtout été des
plus brillants dans le second acte, qu'elle a chanté en français. Mlle Gar-
rigues, fille du consul de Portugal à Copenhague, dont la famille est d'o-
rigine française, est élève de Garcia.
%* Cologne, 19 juin. — Mme Sontag, dont le départ pour les Etats-Unis
aura lieu vers la fin d'août prochain, vient de choisir pour l'accompagner
dans ce voyage, on qualité de pianiste, M. Charles Eckert, qui l'année
dernière était sous-directeur de la musique à l'Opéra-Italien de Paris pen-
dant la dernière saison.
*,* Vienne. — Dans le courant de la saison allemande qui vient d'ou-
vrir, nous aurons d'abord : le Val d Andorre et le Juif errant, d'Ilalévy ;
puis viendront le Corse, de M. Lindpaintner, et un opéra nouveau de
lord Westmorcland. On annonce la nomination prochaine de M. Cornet,
en remplacement de M. de Holbein, directeur, pour la partie artistique,
du théâtre de la Cour. — Le célèbre professeur de violoncelle M. Merk
vient de mourir dans cette capitale.
*„* Mil-n, — Nous venons d'entendre le pianiste Fumagalli dans deux
concerts qui lui ont valu un éclatant succès. Parmi les morceaux qui ont
produit le plus d'effet, on a remarqué un très-beau duo pour deux pianos,
de Richard Mulder. Cette composition, exécutée de la manière la plus
brillante,, a été accueillie avec enthousiasme. Tous les journaux s'accor-
dent à dire que Fumagalli a fait de sensibles progrès pendant son séjour
à Paris.
%* Ntw-Yorjî. — Les quatre concerts de la Société philharmonique,
ainsi que les soirées de quatuors de M. Elsfeld, ont été très-suivis. M. Jaell
s'est fait entendre dans trente-cinq concerts à Boston ; à Philadelphie, il
a joué treize fois, et à Baltimore, seize fois. A son retour à Philadelphie,
le jeune pianiste a donné un concert avec Ole-Bull. Jaell est devenu très-
populaire en peu de temps; parmi ses compositions on a surtout remarqué
une fantaisie sur Norma. — La législature de l'Etat de Pensylvanie vient
de voter les fonds nécessaires pour la construction, à Philadelphie, d'un
théâtre de grand opéra, qui sera appelé Académie lalionale de Musique, et
qui sera assez grand pour pouvoir contenir cinq mille spectateurs, dont
chacun sera assis dans une stalle. Ce sera la plus vaste de toutes les salles
de spectacle actuellement existantes. — Le grand festival allemand aura
lieu dans cette ville du 19 au 21 juin : on évalue à plus de 1 ,4u0 le nombre
des chanteurs qui y prendront part.
— La saison des bains de Dieppe n'a commencé que très-tardivement,
on espère qu'elle n'en sera que plus brillante. Le célèbre professeur de
danse, M. Cellarius, vient de s'y rendre pour rouvrir son cours. C'est encore
M. Alkan jeune qui est avec lui comme accompagnateur. Nous félicitons
M. Cellarius de ce choix, car M. Alkan n'apporte pas seulement un ré-
pertoire de musique de danse tout à fait nouveau, maie c'est aussi un de
nos plus habiles pianistes. — La musique d'harmonie dans rétablisse-
ment des bains aux bords de la mer, a été confiée à un orchestre alle-
mand, venant de Dusseldorf.
Le gérant : Ernest DESCHAMPS.
MUSIQUE RELIGIEUSE.
Collection périodique des meilleures pièces de musique d'église,
pour lse voix et l'orgue.
Sis. numéros par an.
Envoytr un mandai de S fr. so sur la Po-.le, à M. RÉGNIER, secrétaire
de la Société de musique religieuse, à Nancy.
224
REVUE ET GAZETTE MUSICALE DE PARIS.
CHEZ) SBAKDÏÏS ET €1E, mïïH,TmiBE.B,
103, BUE RICHELIEU,
OPERA-COMIQUE EN UN ACTE,
Musique de
MemOi
GRANDE PARTITION, 100 Fn. -
PARTITION POUR PIANO ET
II
h
6
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2. AIR, « Il est des époux complaisants. » B.
3. DUO, « Pourquoi cet air sombre. » S. B.
U. ROMANCE, «Jeunes beautés, charmantes demoiselles.» T. 2 »
5. AIR, « Nina, jolie et sage. » S. à 50
ARRANGEMENTS SUR
A. Adam. Op. 98. Mélange pour piano 6
I.e Carpentïer. 91e bagatelle pour piano 6
Gwtsrlii- Op. 7. Air favori à quatre mains 5
L'Ouverture pour piano avec accompagnement de violon ou flûte. 5
— arrangée ù. quatre mains par Fessy 7
Klemrzyiislil. Duo facile pour piano et violon 7
Tulon Op. 71. Grandes variations pour flûte, avec accompagne-
ment de piano 9
— Id. avec orchestre li>
c de l'Imlilùt.
-LES PARTIES D'ORCHESTRE, 100 Fr.
CHANT, FORMAT IN-8°, NET, 8 FR.
Nu 6. QUATUOR, « Le destin comble mes vœux. » 2 S. S. T. B.
7. DUO, « Surprise nouvelle! ô terreur! » S. T.
8. TRIO, « Ce sont les Nymphes de Diane. ». . . . 2 S. S. T.
9. CAVATINE, « Vous obtenez avec sa main. » S.
DES MOTIFS DE CET OPERA.
Mo&ard. Deux quadrilles pour piano, chaque
— Les mêmes à quatre mains, chaque
L'Ouverture à grand orchestre
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L'Ouverture pour deux flûtes
— pour deux violons
Les Airs pour deux violons
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— Bote et Uock, 42, Joegerstr.
l.iNhoDnc, Sassetti.
Il Juillet 1852.
Prit tic I i5)n
D.'pjrtf-nicnts, Ru^'iiiiie <■{ Su
Le Journal pJiruît le Uima: chc.
GAZETTE MUSICAL
SOMMAIRE. — Richard Wasner (5e article), par Fétîs père. — Beethoven et ses
trois styles, de M. W. de Lenz {2e article), par 9»anl Sniitli.— Fêtes musicales
de l'Ouest. — Correspondance, Liège. — Nouvelles et annonces.
RICHARD WAGNER.
5a vie. — Son système de rénovation de l'opéra. — Ses œuores comme
poète et comme musicien. — Son parti en Allemagne. — Apprécia-
tion de la valeur de ses idées.
(Cinquième article.) (1).
J'ai dit, dans mon dernier article, que Richard Wagner a été conduit
par degrés, mais par une pente irrésistible, à l'abandon des formes de
l'opéra pour le drame, et à la négation de la mélodie et du rhythme ;
j'ai promis de le laisser expliquer lui-même ses idées à ce sujet : je
vais acquitter cet engagement. Je demande seulement à mes lecteurs
l'autorisation d'écarter des passages que j'emprunterai à ses écrits les
divagations oiseuses auxquelles il se laisse entraîner à chaque instant,
et de ramener à l'expression simple et claire de la langue française les
obscurités de son tudesque néologisme.
« Avec le Hollandais volant, dit-il (2), je me frayai une voie nou-
velle en devenant moi-même.... Désormais je devais être poëte, au
point de vue de mes travaux de musique dramatique : je ne redevins
musicien que dans l'exécution complète du poëme. Mais j'étais un
poëte qui connaît à priori les ressources facultatives de l'expression
musicale dans ses rapports avec la poésie. J'avais si bien exercé les
instincts de mon organisation à cet égard, que je possédais parfaite-
ment la capacité de réaliser toutes les conceptions du plan poétique,
et que je pouvais compter en toute assurance sur les ressources de
cette capacité dès que j'esquissais le sujet d'un drame. De même aussi
j'en étais venu au point de disposer mon œuvre poétique dans toutes
les conditions nécessaires pour son union avec la musique. Précédem-
ment, je m'étais approprié le talent de l'expression musicale de la
même manière qu'on apprend une langue. Quiconque ne sait pas en-
core parfaitement une langue étrangère doit avoir égard aux pro-
priétés de cette langue pour s'exprimer intelligiblement, et doit fixer
incessamment son attention, soit sur la prononciation, soit sur la va-
leur des mots. De là la gêne qu'il éprouve dans son énonciation pour
ne pas manquer aux règles de cette langue, et la difficulté de rendre
librement sa pensée ; tandis que sa langue maternelle lui fournit toutes
ses phrases sans qu'il y songe, comme expression naturelle de ses
idées. L'usage d'une langue étrangère ne devient facile que lorsqu'on
en a saisi l'esprit, et lorsqu'on s'est si bien identifié ses formes, qu'on
(1) Voir les numéros 23, 26, 25 et 26.
(2) Communications à ses amis, p. Ikk etsuiv.
pense dans cette même langue et qu'on peut même en développer les
ressources. Or, à cette époque, rien ne manquait à mon instruction
dans la langue musicale ; je la possédais comme ma langue naturelle,
et je n'étais plus obligé de m'occuper des formes de l'expression pour
communiquer mon sentiment intime , car toutes étaient à ma dispo-
sition.
» La langue de la musique a pour objet l'expression des sentiments
et des émotions de l'homme; elle diffère essentiellement de la langue
verbale, qui est l'organe de l'entendement. Le langage musical est
donc par lui-même incapable de déterminer avec exactitude l'objet
de son expression sentimentale : il n'acquiert celte faculté que par son
union avec la langue parlée. Mais pour que l'union se fasse avec suc-
cès, il faut, d'une part, que la musique assimile, autant que cela se peut,
ses facultés à celles de la langue parlée, et, d'autre part, que celle-ci
transforme son objet intellectuel en un objet sentimental. De là résulte
un langage mixte par lequel la poésie et la musique étendent réci-
proquement leurs moyens de communication, et parviennent à l'ex-
pression totale et finale de tout ce qui est humain, affranchi de toute
convention. »
A la lecture de ce dernier paragraphe, mes lecteurs se persuaderont
peut-être que l'union intime de la poésie et de la musique dans l'œuvre
dramatique, dont parle Wagner, a été réalisée par Gluck dans Orphée,
dans Alcesle, dans les deux Jphigénies, et dans Armide ; par Mozart
dans Idoménée, Don Juan, les Noces de Figaro, et la Flûte enchantée;
par Sacchini dans Œdipe, par Spontini dans quelques bellesparties de
ses ouvrages, Grétry dans un grand nombre des siens ; car chacun de
ces maîtres s'est affranchi de ce que l'auteur de Lohengrin appelle les
conventions, et a développé les ressources de son talent dans le do-
maine de son sentiment personnel, se proposant de donner à la musique
la mission spéciale d'augmenter la force d'expression de la poésie par
la puissance de ses accents. Mais ce n'est pas ainsi que l'entend Richard
Wagner: pour arriver à la formation de sa langue mixte, il ne suffit
pas que le musicien cherche dans las propriétés d'accents de son art
des ressources pour l'expresion vraie de la donnée poétique ; il faut
aussi que le poëte rende la tâche du compositeur plus facile en ne lui
présentant à exprimer que des idées sentimentales ; en un mot, il faut
que le musicien soit poëte, ou que le poëte soit musicien. Dans le mys-
tère de cette dualité réside uniquement la possibilité de création ab-
solue. Or, Wagner est à la fois le poëte du musicien et le musicien du
poëte! Vous comprenez? Continuons.
« Ce que je vis (à réaliser par l'art), je le vis par l'esprit de la mu-
sique , non de cette musique connue dont les déterminations formelles
m'eussent tenu à la gêne, mais de la musique dont j'avais la possession
et dans laquelle je m'exprimais avec autant de facilité que dans ma
226
REVUE r,T GAZETTE MUSICALE
1
angue maternelle. Ce qui fixa dès lors mon attention , ce ne fut donc
plus l'expression en elle-même, mais l'objet à exprimer. C'est dans
cette libre disposition que mes créations ont été conçues. Ainsi, ma
capacité acquise de l'expression musicale m'a rendu poëte, parce que,
n'ayant plus à m'occupe?- de l'expression même, mon attention se
portait tout entière sur son objet en artiste créateur (1).
» Conformément à la nature du progrès, je devais, dans ma posi-
tion entre le sentiment musical et la création des sujets poétiques, je
devais, dis-je, faire disparaître ce qu'il y a de confus dans la manifes-
tation de ce sentiment , arriver par degrés à des conceptions plus clai-
res, plus individuelles, et enfin parvenir là où le poëte inspiré par la
réalité vitale donne à l'expression musicale une signification positive.
Quiconque examinera avec attention les trois poëmes que je publie verra
que, dans le Hollandais volant , j'ai esquissé par de larges mais va-
gues ébauches, ce que j'ai exécuté d'une manière plus claire et plus
ferme dans le Tannhauser, et surtout dans le Lohengrin. Poussé par
le dévelopement de mes idées à entrer de plus en plus dans la vie
réelle par l'application de mes procédés, je devais, dans un temps
donné, et sous certaines influences extérieures, arriver à la conception
d'un sujet poétique (par exemple, Frédéric Barberousse) pour lequel
j'aurais dû renoncer directement à l'expression musicale. Mais ce fut
précisément là où mon procédé, ignoré jusqu'à ce moment, me pré-
senta avec évidence ses avantages artistiques. »
M. Wagner explique ici comment le sujet de Frédéric Barberousse
lui ayant paru incompatible avec la musique, il fut conduit à recon-
naître que les sujets purement historiques et politiques s'accommodent
mal de l'alliance de cet art , tandis que ceux qui reposent sur les affec-
tions humaines lui sont éminemment favorables. Cette découverte équi-
vaut à celle qu'un navigateur ferait aujourd'hui de l'Amérique. Quoi
qu'il en soit , elle détermina le novateur à abandonner son sujet histo-
rico-politique, comme il l'appelle, pour celui de la Mort de Seifried ou
Siegried, qui marque, dit-il, une période nouvelle et plus décisive de
son développement artistique et humain ; période dans laquelle il a
ouvert et frayé une voie absolument inconnue, et dont la nécessité
avait été ignorée jusqu'à ce jour. 11 ajoute que c'est dans cette voie
qu'il marche, comme homme et comme artiste, à la dêcouevrte d'un
monde nouveau (2). « J'ai signalé, dit-il , l'influence que ma posses-
» sion de l'esprit de musique a exercée sur le choix de mes sujets poé-
» tiques et sur la forme même de mes poésies ; j'ai maintenant à
» exposer quelle réaction opère mon système poétique, déterminé de
» cette manière, sur l'expression musicale et sur sa forme. » Nous
voici enfin parvenus au nouveau monde découvert par Richard
Wagner ! Laissons-le parler.
« L'influence relative de la conception poétique sur la musique se
fit sentir en deux choses principales, à savoir, dans la forme drama-
tico-musicale en général et dans la mélodie en particulier. Ma tendance
artistique, telle que je viens de la signaler une fois pour toutes, m'o-
bligeait à procéder, dans la formation de mon poëme, par des vues
absolument étrangères aux formes de l'opéra que je trouvais en usage.
L'opéra proprement dit n'a jamais eu une forme déterminée dans la-
quelle tout le sujet du drame fût embrassé ; ce n'est guère qu'un amal-
game arbitraire de conceptions mesquines de morceaux de chant qui ,
dans leurs combinaisons fortuites d'airs, de duos, trios, etc., avec les
chœurs et les prétendus morceaux d'ensemble, composent ce qu'on
nomme vulgairement un opéra. Dans la conception poétique de mes
sujets, il ne m'importait guère de remplir d'une manière convenable
cette forme trouvée ; mais je mettais un grand prix à représenter avec
(1) Grade durci) die gewonnene Fâhigkeit des musikalisehen Ausdruckes ward ich
somil Dichter, weil ich midi niche mehr auf den Ausdruck selbst, sondera auf den
Gegenstand desselbcn als geslallender Kiinstler zn bezichen hatte. (Page IIP.)
's) Hatte ich eine "eue und entscheidendste Période meiner kûnstlerischen
und menschlichen Entvvickelung angetreten, die Période des bewussten kiinstlerischen
Wollens auf einer vollkommen neuen , mit unbewusster Nothwendigkeit von mir
cingeschlagenen Bahn , auf der ich nun als Kunstler und Mensch einer neuen Welt
entgegenschreite.
sentiment et entendement l'objet du drame dans tout son développe-
ment. Dans tout le cours de ce drame, je ne vis d'autres séparations et
distinctions possibles que celles des actes et des scènes, par lesquelles
les temps, les lieux et les personnages changent. » (Page 150.)
Ici Wagner explique assez longuement comme quoi il évite dans la
contexture de ses poëmes les fades expositions des opéras modernes,
habile qu'il est à mettre en action tout ce qui importe à la clarté ainsi
qu'à l'intérêt du drame. Il ajoute : « Par la nature même du sujet et
par la disposition du poëme, je ne suis nullement entraîné à me préoc-
cuper d'une forme musicale quelconque, car les formes qui lui sont
nécessaires résultent toujours des situations ; enfin, dans ma concep-
tion du drame musical, je suis affranchi de la nécessité d'y introduire
violemment les formes conventionnelles des morceaux de chant en
usage dans les opéras. Je ne me suis pas fait le destructeur systémati-
que des airs, des duos, et autres morceaux d'opéras, mais l'omission
de ces formes est une conséquence de la nature du sujet et de la distri-
bution de l'ouvrage. La vérité de l'expression est la seule chose qui ait
de l'importance à mes yeux. La connaissance involontaire de cette
forme traditionnelle exerça encore son influence sur moi dans la com-
position de mon Hollandais volant ; l'observateur attentif reconnaîtra
à la lecture de cet ouvrage que cette influence me dominait encore
dans l'arrangement de mes scènes, et que je ne m'en suis affranchi que
par degrés dans le Tannhauser, et plus encore dans Lohengrin. Posté-
rieurement, je m'y suis complètement soustrait, et n'ai plus été dirigé
que par les exigences du sujet et par la disposition du drame. »
Le soin que prend ici Wagner de se défendre d'avoir voulu anéantir
les formes consacrées par les œuvres des plus grands maîtres, s'expli-
que dans une note par laquelle il répond aux critiques qui l'ont atta-
qué à ce sujet. On verra dans ce que je rapporterai de ses jugements
sur les artistes les plus célèbres, ce qu'on doit penser de sa dénéga-
tion.
Wagner explique ensuite comment il a conçu l'enchaînement du
poëme musical de manière que toutes les scènes sont nécessairement
la conséquence réciproque les unes des autres, en sorte que le sujet de
l'action et ses développements sont toujours présents à l'intelligence du
spectateur. Pour créer les mêmes avantages d'unité à l'égard de la
musique, il a imaginé de caractériser les principaux personnages et
même certaines situations importantes de l'ouvrage par une phrase
qui se reproduit de temps en temps à raison des nécessités du drame.
Il ne peut nier que cette idée se soit produite précédemment dans
quelques ouvrages, mais, dit-il, jamais dans un opéra entier. En effet,
Grétry dans Richard-Cœur-de-Lion, Mozart dans la Flûte enchantée,
Berton dans Aline et dans le Délire, Meyerbeer dans les Huguenots et
dans le Prophète, ont tiré de l'intérêt et de beaux effets de ce moyen,
mais Wagner ne veut pas avoir appliqué à toute la durée du drame
cette idée par imitation. Voici ce qu'il rapporte à ce sujet : « Je me
souviens qu'avant de procéder à la composition proprement dite du
Hollandais volant, j'ébauchai d'abord la ballade de Sente au second
acte, et en écrivis les vers et la mélodie. Dans ce morceau, je plaçai sans
le savoir le germe de toute la musique de l'opéra ; car c'est l'image
condensée de tout le drame tel qu'il était dans mon âme. Cette image
thématique s'étendit ensuite devant moi et comme un tissu complet sur
tout le drame, parce que chacune de ses phrases étaitl'expression d'une
situation.» (P. 155). Wagner dit ensuite que cette idée s'étendit dans
la composition de Tannhauser, et prit son entier développement dans
celle de Lohengrin. Dans ce dernier ouvrage, c'est tout un système,
mais chacun des thèmes caractéristiques est traité d'une manière
différente à chacun de ses retours ; ce qui, dit-il, établit une grande
richesse et beaucoup de variété dans les impressions de la musique.
Il continue :
» Je me souviens que dans la première période musicale de ma jeu-
nesse j'étais souvent préoccupé de la difficulté d'inventer des mélodies
originales d'un caractère particulier et qui m'appartinssent en propre.
Plus tard, lorsque j'entrai dans la voie de l'union intime de mes créa-
DE PARIS.
227
tiuns poétiques et musicales, cette inquiétude de mélodies s'affaiblit
par degrés, et je finis par la perdre complètement. Dans mes premiers
opéras j'étais simplement déterminé par les formes traditionnelles de
h mélodie moderne que j'imitais dans ce qu'elle a d'essentiel, et que
je tâchais de rn'approprier par des artifices d'harmonie et de rhythme.
Lorsque j'écrivis la Défense d'amour, je tombai ouvertement dans l'i-
mitation de la cantilène moderne d'Italie; dans Rienzi , lorsque le sujet
ne me fournit pas par lui-même de détermination caractérisée, je fus
entraîné à imiter le genre mixte italien-français qui m'avait plu dans
les opéras de Spontini. Insensiblement la mélodie des opéras moder-
nes perdit toute influence sur moi. Lorsque j'écrivis le Hollandais
volant, je cherchais à me rapprocher, dans la ballade, du caractère de
la chanson populaire, et cette tendance devint encore plus marquée
dans la chanson des fileuses, et surtout dans celle des matelots. Ce
qui distingue particulièrement la mélodie populaire des formes de la
mélodie italienne, c'est son incisive vivacité rhythmique. Notre mélo-
die absolue n'est si inférieure à la mélodie populaire que parce qu'elle
s'éloigne de cette qualité rhythmique. Or l'histoire de la musique mo-
derne d'opéra n'étant que celle de la mélodie absolue, il est évident
que les compositeurs de l'époque actuelle, particulièrement les Français
et leurs imitateurs, n'ont pu donner quelque valeur à leurs ouvrages
qu'en rapprochant leur mélodie du caractère de la danse : la contre-
danse avec ses variétés, telle est eu réalité la signification de la mélodie
actuelle de l'opéra. Or, il ne m'importe guère de trouver des mélodies
de cette espèce : ce qui m'intéresse, c'est l'expression la plus conve-
nable pour mon sujet. » Après ce curieux passage, Wagner accumule
les paradoxes pour démontrer que la mélodie est une partie de l'art à
laquelle on a accordé trop d'importance ; puis il termine par cette
phrase : « Dans le Hollandais volant, j'avais encore conservé par ci,
par là, quelques traces de chant, quelques cadences mélodiques ; in-
volontairement je m'y laissai encore entraîner dans le Tannhauscr et
même dans Lohenyrin; mais insensiblement je me suis soustrait a
celte influence, et j'y ai enfin échappé d'une manière dàcisiveâ mesure
que le vers parlé seul m'a déterminé par le progrès de son expression
musicale. » (Page 160.)
Que dire de pareilles folies? Que dire de cet orgueil exubérant, qui,
ne pouvant gravir les hauteurs de l'art d'inspiration, imagine de les
saper par le fondement, et de poser sur leurs débris les bases d'un art
systématique, d'un art impossible, qui ne peut avoir été conçu que par
un cerveau malade? Y a-t-il une réponse sérieuse à faire à de pareilles
choses ? Je n'en connais qu'une ; le poëte qui me la fournit l'adressa
jadis aux Wagners de tous les temps. Celui dont je m'occupe n'en eut
vraisemblablement jamais connaissance; je pense qu'il en pourrait faire
son profit, et je vais la lui dire :
Un vieux renard, mais des plus fins,
Grand croqueur de poulets, grand preneur de lapins,
Sentant son renard d'une lieue,
Fut enfin au piège attrapé.
Par grand hasard en étant échappé,
Non pas franc, car pour gage il y laissa sa queue;
S'étant, dis-je, sauvé sans queue et tout honteux,
Pour avoir des pareils (comme il était habile),
Un jour que les renards tenaient conseil entre eux :
Que faisons-nous, dit-il, de ce poids inutile
Et qui va balayant tous les sentiers fangeux ?
Que nous sert cette queue? Il faut qu'on se la coupe.
Si l'on m'en croit, chacun s'y résoudra.
Votre avis est fort bon, dit quelqu'un de la troupe;
Mais tournez-vous, de grâce, et l'on vous répondra.
A ces mots il se fit une telle huée,
Que le pauvre écourté ne put être entendu.
Prétendre oter la queue eût été temps perdu :
La mode en fut continuée.
La mode en fut continuée! Voilà quel sera le succès des entreprises
de M. Wagner contre l'art éternel dont il a rêvé la destruction , car le
principe de cet art est dans le cœur de l'homme. La mode, c'est ici la
nécessité de la soumission aux lois de la création. Le chant, n'est-ce
pas l'expansion des sentiments les plus purs et les plus élevés ? Est-il
dans sa nature de se confondre avec la parole? N'est-il pas la mani-
festation des émotions diversement modifiées de notre àrne ? Vous ne
voulez pas lui laisser le vague et l'indéterminé de nos sentiments, bien
que sa poésie y soit essentiellement inhérente. Vous voulez, par la
synthèse de l'intelligence et de la sensibilité, lui enlever ce qui le ca-
ractérise comme mélodie pure, pour le rapprocher du positif de la pa-
role , et afin que l'expression ait autant que possible le caractère du
vrai ! Mais en supposant que l'art pût ainsi changer de destination sans
être anéanti, l'entreprise de sa transformation serait insensée; car ja-
mais la synthèse de l'intellectuel et du sentimental ne pourra être telle
que l'accent de la passion s'identifie au positif philosophique ! Que
voulez-vous ? Que cet accent ait plus de liberté que dans les formes
delà mélodie purement conventionnelles, selon vous? Mais l'art a déjà
mis cette liberté de formes à votre disposition et vous en avez déjà
sous les yeux d'admirables produits dans certains récitatifs de Gluck,
de Sacchini et d'autres maîtres. Je sais que vous n'admettez pas les
modèles ; le monumental, comme vous l'appelez, vous importune ;
vous voulez l'anéantir par le même motif que vous niez le beau, le gé-
nie qui le crée, l'imagination qui, par sa spontanéité, en diversifie les
formes, enfin tout ce qui condamne votre folle entreprise ; mais pour-
tant votre prédécesseur Omar eut beau faire incendier la bibliothèque
d'Alexandrie, il ne put faire que le monde ne fût en possession des tré-
sors intellectuels de l'antiquité, ou du moins de quelques-uns des plus
beaux monuments de la science et de l'art ; vous ne pourrez faire
aussi que le cœur de tout être bien organisé ne batte sous les ravissan-
tes impressions que produit ce qui mérite le nom de beau ; et vos so-
phismes ne feront jamais croire que le monde attendait un rédempteui
pour le relever de cette erreur.
Par quelles pitoyables raisons, d'ailleurs, attaquez-vous les formes
de la mélodie ? L'art moderne, objet de vos mépris, vous parait dégé-
néré? Ses mélodies vous semblent vulgaires et dépouillées du senti-
ment poétique ? Soit. Admettons que vous êLes dans le vrai, et que votre
intérêt ne vous dicte pas vos critiques : qu'en devrons-nous conclure?
Evidemment qu'il faut rappeler l'art dans une direction plus pure, et
lui faire produire des mélodiesempreintes du charme qui séduitdansles
œuvres des plus grands artistes ; mais nier la valeur de la méthode en
elle-même, parce qu'elle ne sympathise pas avec un système pré-
conçu , parce qu'elle est trop évidemment la musique proprement
dite pour s'assimiler à la conception malheureuse qui vous préoc-
cupe : cela n'a point de sens.
FÉÏ1S père.
(La suite au prochain numéro.)
LITïMTUaE I0SÏCÂLE.
BEETHOVEN ET SES TlèOiS S'ff'E'fc.ES,
PAR W. DE LENZ.
(Second article.) (I)
11 faut convenir que l'architecture générale de ce livre est étrange et
que sa distribution intérieure a quelque chose de fort irr'gulier. L'au-
teur, comme son titre l'indique, voulait examiner les trois manières
de Beethoven, et, soit dit en passant, c'est M. Fétis qui le premier eut
l'idée de diviser les œuvres du grand maître en trois catégories ou trois
époques ; M. de Lenz le rappelle, tout en critiquant beaucoup M. Fétis,
mais M. Fétis est en fonds pour le lui rendre, et il aurait trop beau jeu.
N'empiétons pas sur le terrain et sur les droits du puissant athlète.
Bornons-nous à voir ce que M. de Lenz voulait faire et ce qu'il a fait.
Vous croiriez peut-être qu'il a commencé par écrire une large biogra-
phie de Beethoven, ou par dresser un catalogue complet de ses com-
positions pour les reprendre ensuite une à une, et les rattacher à l'un
des trois groupes suivant leur date et leur caractère ? Nullement.
M. de Lenz ne procède pas ainsi ; le plan de son livre, si cela peut s'ap-
(I) Voir le numéro 27.
228
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
peler un plan, a horreur de la ligne droite; il s'égare en une foule de
méandres et revient à chaque instant sur ses pas.
Ainsi, nous avons d'abord, en forme d'introduction, un chapitre in-
titule : De la voltige transcendante du piano. Pour sentir l'a propos
de ce chapitre tout bourré d'épigrammes et que l'on croirait sorti du
fameux bocal gorgé d'affreux insecte.1!, il faut savoir que, dans la
riche collection des œuvres de Beethoven, ce sont surtout les sonates
pour piano qui ont préoccupé M. de Lenz. Il reproche quelque part à
M. Oulibicheff de n'avoir pas dit un seul mot, dans ses trois volumes
sur Mozart, des compositions de ce maître pour piano seul et piano
avec accompagnement. M. de Lenz est tombé dans l'excès contraire ;
il n'a presque vu Beethoven qu'à travers ses sonates.
Au chapitre de la Voltige transcendante succède un autre cha-
pitre sur Haydn, Mozart, Beethoven , Weber, Mendelssohn ; puis nous
arrivons aux trois styles de Beethoven , d'où nous passons aux sonates
de piano de Beethoven. Ici, le fil se brise, et nous nous arrêtons devant
le Coin du feu du pianiste, espèce de parenthèse, comme dit l'auteur, à
l'abri de laquelle il essaie de caractériser Beethoven , en le comparant
à Mozart et à Weber. Alors aussi, profitant de la station, il trace en vingt
pages une esquisse biographique de Beethoven , et cette esquisse, un
peu trop laconique, termine l'introduction.
Nous voici parvenu au livre proprement dit, à l'analyse des trente-
deux sonates, première manière, seconde manière, troisième manière.
Après quoi, si vous supposez le livre fini, vous êtes dans l'erreur.
L'auteur va vous donner ce qui le couronne, ce qu'il contient certai-
nement de plus curieux , un catalogue qui lui a coûté vingt ans de re-
cherches, catalogue critique, chronologique et anecdotique, embrassant
l'œuvre entier, trios, quatuors, quintettes, symphonies, messes, con-
certos, et les trente-deux sonates, qui reparaissent encore, chacune à
son numéro, haute futaie musicale parsemée de cèdres du Liban ! En fin
de compte, viennent les quatre suppléments, dont le dernier renferme
deux lettres inédites de Beethoven. Ajoutez encore un tableau général
du catalogue, divisé par genres d'ouvrages, et tout sera consommé.
C'est surtout quand on a parcouru cette réunion de chapitres, plu-
tôt que ce livre, ce rendez-vous de châteaux, plutôt que ce château ,
comme on l'a dit de Fontainebleau antique et moderne, qu'on s'étonne
que l'auteur ait choisi pour exorde ce chapitre incroyable : De la Vol-
tige transcendante du piano. Et savez-vous, monsieur de Lenz , ce que
nous trouvons de plus choquant dans ce chapitre ? C'est qu'en vous
insurgeant de toutes vos forces contre la voltige transcendante du piano,
vous faites, ce qui est bien pis, de la voltige transcendante de. style.
Oui , vraiment , vous tombez dans tous les abus d'une école qui se
joue de la phrase comme d'un ballon vide; qui prodigue l'image, le
cliquetis, le calembour même ; école brillante qui a eu son temps et
sa vogue, mais dont les débauches de forme et de couleur n'ont jamais
été reçues clans le langage de la saine et sobre critique. Comprend-on
qu'un livre sur les trois styles de Beethoven débute ainsi : « Aujour-
» d'hui, on ne joue plus le piano, on le monte. Devenu cheval de
» cirque, de fougueux et intrépides cavaliers promènent ce pauvre
» piano aux yeux d'un public ébahi , à tant de notes par minute, et
» tous d'applaudir. On monte le piano sellé ou non sellé. Le non sellé,
» c'est la fantaisie ; le sellé, la transcription , la romance sans paroles,
» le plus souvent sans rien du tout, ou la paraphrase de n'importe
» quelle marche, peu turque apparemment, du sultan. »
Voyez-vous d'ici l'épigramme allonger sa griffe ? Le chapitre de la
Voltige tranesendanie ne fait autre chose que d'écorcher, à dire d'ex-
perts, un certain nombre de pianistes célèbres, les uns nommés
en toutes lettres, les autres désignés par quelques signes ou attributs.
Ainsi votre esprit perce facilement à travers les voiles de cette marche
peuturque, de cette paraphrase qui, suivant M. de Lenz, nous re-
vient des temps éloignés « voie de piano et d'un peu de Coran. » Et
il ajoute : « Apprenons le turc, s'il faut être infidèle pour déchiffrer au-
» jourd'hui une marche. » Vous pénétrez encore très-bien le mys-
tère de ce morceau « pompeusement a~ppe\épompa di festa, improvisé,
» il faut le croire, pour quelque fête de pompiers en pompettes \ »
Quelle plaisanterie de bon goût! quelle finesse de style! Et M. de Lenz
ne s'en tient pas là ; quelques lignes plus loin il continue, en enchéris-
sant : « Tous ces Auriol-pompiers du piano, etc., etc. » Décidément
il tient à ses pompiers, dérivant de pompa, jeu de mots rempli d'atti-
cisme !
Tout à l'heure on a vu par le piano sellé et non sellé que l'auteur
affectionnait la métaphore tirée des exercices équestres. En voici un
autre exemple qui n'est pas moins remarquable : il s'agit du presto,
presto indomptable en si mineur, d'une fantaisie de Beethoven pour le
piano forte, œuvre 77 : « Ce presto, dit M. de Lenz, où la bordée
» d'octave entre le premier et le second point d'orgue est d'une grande
» difficulté, a été fort imité. Weber et Mendelssohn l'avaient pour ami.
» Dans l'Erlkœnig de Schubert, dans le Maseppa de Lœve, partout
» où piaffa un cheval, ce presto le nourrit, Yétrilla, le pansa. C'est
» là un presto pur sang, etc., etc. » Que vous semble de cette nou-
velle façon de parler musique ? Passe encore si c'était de la musique de
cheval, et alors il faudrait que la critique allât faire ses [études chez
Franconi.
L'autre jour nous citions Molière, ce Parisien de bon sens et de
génie, à propos des excès d'enthousiasme ; nous sommes tenté de le
citer encore, à propos des excès de style. N'est-ce pas lui qui dit, dans
son Misanthrope :
Ce style figuré, dont on fait vanité
Sort du bon caractère et de la vérité.
Ce n'est que jeu de mots, qu'affectation pure,
Et ce n'est pas ainsi que parle... la critique.
Non, la critique sage et savante n'a que faire de ce jargon faux et
bizarre, inintelligible souvent; car, s'il vous plaît, qui nous expliquera
ce que M. de Lenz veut dire, quand il dit que Thalberg macadamise
sur son piano de la musique que les affiches appellent la sienne!
Qu'entend-il par des expressions comme celles-ci? « Beproduire l'her-
» maphrodite de l'artistc-hoimne du monde, du pianiste-pouvoir-social,
» créés de nos jours et déjà tant perfectionnés. » Fiat lux ! Nous ai-
mions encore mieux les métaphores équestres : du moins c'était plus
clair. Nous ferons grâce au lecteur de la tirade qui suit ces phrases
étonnantes , et au bout de laquelle l'auteur arrive à cette conclusion ,
plus étonnante encore, à savoir : que Thalberg n'est point sans avoir
rendu service au piano. La belle découverte ! Et comme c'est la peine
d'avoir tant étudié, pour nous apprendre cela !
Finissons-en donc, une fois pour toutes, avec cet impertinent et pré-
tentieux chapitre de la voltige transcendante. Retire-toi, voltige! Vol-
tige, que nous veux-tu ? Venons aux 32 sonates ; venons à ces pages
mieux pensées, mieux écrites, où l'auteur, sans renoncer jamais entiè-
rement à Satan et à ses pompes (voilà que le mal nous prend aussi),
n'en montre pas moins une rare sagacité d'observation relevée par un
souffle de poésie. Ce que nous allons citer n'est pas irréprochable ,
mais la justesse des aperçus y rachète ce que l'expression a parfois
d'incorrect et d'exagéré. L'auteur cherche à préciser ce que les grands
maîtres ont fait du piano (et non plus de la voltige transcendante).
« Weber, dit-il, ne marche l'égal ni de Mozart , ni de Beethoven ,
» mais sa musique de piano est un degré de plus, en ce qu'il agrandit
» les ressources de l'instrument et lui interdit cet air piteux qui sem-
» blait demander l'aumône à l'orchestre, dont le piano paraissait n'être
» que le domestique de confiance. On prendrait assez souvent les so-
» nates de piano de Mozart pour des cartons de quatuor, les sonates
» de Beethoven pour des cartons symphoniques, quand les quatre so-
)> nates de Weber sont le piano, sa plus belle expression, en tant qu'in-
» strument. En d'autres termes, le piano de Mozart est le clavecin per-
» fectionné de Haydn ; — le piano de Beethoven, la conquête de l'or-
» chestre par le piano, — instrument nouveau et terrible. Le piano
» amoureux, l'aimable piano de Weber, exagéré dans ses moyens, est
» devenu notre piano à nous, le piano olympique (?) le piano monté à
» mort par un peuple nouveau venu, forcé déjà à rebrousser chemin ,
» parce que le terrain [des difficultés vient à manquer. — L'impor-
DE PARIS.
229
» tance de la musique de piano de Weber ne fut bien reconnue qu'a-
» près sa mort. On doit à Liszt d'avoir fait triompher le nom de Wcber
» en l'inscrivant en tête du répertoire do ses concerts. Les contempo-
» rains de Weber n'avaient rien compris aux dixièmes de sa main
» gauche, aux octaves qu'il employa le premier en rapides figures. »
A quelque distance de là, M. de Lenz dit encore, toujours au sujet du
piano : « A considérer l'œuvre de piano de Mozart, il semblerait que
» le piano parût à Mozart, quoiqu'il fût pianiste, et peut-être parce
» qu'il fut pianiste, un trop pauvre hère et de trop médiocre maison
» pour mériter qu'on lui confiât le plus précieux de ses trésors. Mozart
» aima donc mieux s'adresser au quatuor, à la symphonie , au style
» d'église, à l'opéra : il confia fortuitement au piano l'interprétation
» des plus belles choses, par accident, quand il lui fallait faire un mor-
» ceau de pianc. Beethoven ouvrit amoureusement au piano le plus caché
» de son âme, jugeant la symphonie une trop grande dame pour la tenter
» plus de neuf fois pendant une vie de cinquante-sept ans. Haydn et
» Mozart composaient des symphonies comme ils composaient autre
» chose; Beethoven la regardait comme la majeure affaire de son exis-
» tence, comme le triomphe du style auquel il attacherait à jamais son
» nom. Par ses sympathies, et abstraction faite de musique, et rien
» qu'à les considérer comme édifice d'idées, Beethoven marche l'égaj
» des plus grands esprits que l'histoire de l'humanité connaisse.
» Comme Napoléon, Beethoven est déjà invraisemblable; on le pren-
» drait parfois pour un mythe. »
Ici, nous ne nous entendons plus: après une suite de remarques in-
génieuses et lucides, n'est-ce pas dommage d'aboutir au type-Napoléon
et au ?/?yWe-Beethoven ? Quelle comparaison possible entre un grand
homme de guerre, un grand législateur, un grand souverain, et l'auteur
d'admirables symphonies, compositeur gigantesque, à la vérité , mais
qui, en fait de gouvernement, ne pouvait pas même parvenir à mettre
un peu d'ordre dans son humble et grossier ménage ? Quel besoin de
faire de Beethoven un mythe ? Laissez-le plutôt ce qu'il est : il ne
peut qu'y gagner. Qui donc a jamais songé au mythe-Bossuët, au
mylhe-CoraeiWe, au mylher Voltaire, au w?///ie-Shakspeare, au mythe -
Newton ? Si vous voulez honorer dignement les grands hommes, ne les
enlevez ni à la sphère, ni aux conditions de l'humanité.
M. de Lenz sait encore cela tout aussi bien que nous, lui qui n'a
pas dissimulé les erreurs, les faiblesses causées par la nature mor-
telle et périssable de son dieu, lui qui n'a pas exalté la troisième ma-
nière de Beethoven au-dessus de la première et de la seconde, lui qui
a compris en quoi cette troisième manière devait se ressentir d'une
fatale infirmité : « Solitaire habitant, dit-il, de la vaste cité qu'il éle-
» vait sans cesse, que sa surdité entourait de hautes falaises, au pied
» desquelles expiraient pour lui les agitations du monde, sa pensée dut
» se compliquer du conflit de ses souvenirs et du monde fantastique de
» son âme. Fruit d'une immense méditation, dont il n'y a pas d'exem-
» pie, la troisième manière de Beethoven n'a plus la spontanéité des
» deux premières; mais elle a et elle aura à jamais l'intérêt de mon-
» trer le génie aux prises avec les réalités. Tout en s'appuyant sur les
» données de notre sphère d'impression, Beethoven la dépasse et la
» continue au-delà des limites qu'elle a pour nous. Cette existence, en
» dehors de nos réalités, a bien sa grandeur : l'existence des hommes
» perdue pour le maître , il semblerait le voir la chercher dans des ac-
» cents qui, direz-vous, auraient dû fléchir le sort. Le nombre même
» des notes que Beethoven croyait entendre et qu'il n'entendait plus,
» dut augmenter : n'aime-t-on pas immodérément un bien perdu à ja-
» mais? En d'autres termes, il y a beaucoup plus dénotes dans la troi-
» sième manière de Beethoven, parce qu'il n'y en avait plus du tout
» pour lui. »
Restons pour aujourd'hui sur ce dernier trait , dont nous faisons
compliment à M. de Lenz. Dans un prochain article, nous achèverons
d'étudier Beethoven dans son livre, et c'est surtout à l'homme que
nous nous attacherons. Paul SMITH.
{La suite cm prochain numéro.)
FÊTES MUSICALES DE L'OUEST.
Les t'êtes de l'Association musicale de l'Ouest ont été célébrées cette
année à Limoges, avec une grande solennité, les 17 et 18 juin derniers et
jours suivants. Deux concerts, bal, fêtes à la campagne, rien n'y eût man-
qué, si la pluie n'eût empêché d'exécuter un magnifique carrousel qu'on
avait préparé. Plusieurs des célébrités de la capitale ont été appelées
pour figurer dans ces deux concerts. Nous citerons d'abord Mlle Duprez,
quia chanté avec un grandsuccès, notamment un boléro de son père, après
lequel une triple salve d'applaudissements lui a prouvé la satisfaction de
l'auditoire. Elle a été très-bien secondée dans plusieurs autres morceaux
par MM. Poultier et Balanqué, qui ont été aussi parfaitement accueillis
dans les solos dont ils étaient chargés. Les inséparables JaDCourt et Trié-
bert, cet accord musical si parfait, quoiqu'il ne fasse jamais entendre
que deux notes à la fois, ont fait vibrer tous les cœurs, qui ont exprimé
avec enthousiasme le plaisir qu'i s éprouvaient. MM. Jacquart (violon-
celle), et Chaîne (violon), leur ont dignement succédé et se sont fait
remarquer par leur style pur et leur brillante exécution, ainsi que
MmeBennassi, de Limoges, par un jeu fin et délicat, dans une fantaisie
pour le piano.
En parlant des talents distingués que renferme la ville de Limoges,
nous ne devons pas omettre de mentionner plusieurs amateurs des deux'
sexes qui ont chanté divers morceaux d'une manière très-remarquable,
dans le premier et dans le second concert. L'un de ces amateurs s'est
manifesté comme excellent musicien et chanteur habile, en se chargeant
à l'improviste, le second jour, du rôle de Brogni dans l'introduction de la
Jan-c, en remplacement de M; Balanqué qui s'est trouvé subitement in-
disposé. Parmi ces amateurs, nous n'oublierons pas un jeune harpiste,
élève de Godefroid et de beaucoup de talent, qui appartient à Limoges
par sa famille, quoiqu il habite Paris, nous a-t-on dit, une grande partie
de l'année.
Voilà pour les solos, utile et brillant ornement; quant aux morceaux
d'ensemble, partie essentielle de ces fêtes, et que les comités organisa-
teurs ne doivent jamais perdre de vue, voici ceux qui entraient dans les
deux concerts dont nous rendons compte : 1 es deux premiers mouve-
ments de l'admirable Dies irœ de Cherubini ; YAvi verum, si plein d'onc-
tion, de Mozart ; la délicieuse introduction de Guillaume Tell ; celle si
belle et si solennelle de la Juive ; les ouvertures de Guillaume Tell et de
Robin des Bois ; la splendide symphonie pastorale. Tous ces morceaux ont
été parfaitement dirigés par M. Farge, que la Société philharmonique de
Limoges doit se féliciter d'avoir pour chef d'orchestre. Il a trouvé, du
reste, d'habiles et zélés auxiliaires dans un orchestre de cent cinquante
exécutants et plus de deux cents choristes : aussi l'effet a-til été très-
puissant dans une salle qui contenait de 15 à 1,800 auditeurs. Tous les
morceaux que nous venons de citer n'ont pas été dits par fragments,
mais en entier, trop en entier peut-être ; car, pour les morceaux d'opéra,
on aurait désiré quelques coupures dans les récitatifs où manquait par-
fois l'effet de la scène.
On a entendu, en outre, dans le premier concert, le Kyrie et le Credo
d'une messe solennelle de. M. Beaulieu, exécutés à Paris il y a quelques
années, à Saint-Eustache. M. Beaulieu est, dans nos contrées de l'Ouest,
un des plus ardents propagateurs de l'art auquel il a consacré sa vie;
c'est lui qui, en 1835, a été, à Niort, le premier promoteur de nos fêtes
musicales, et les journaux de la capitale ont rendu compte des séances
qu'il organise fréquemment dans ce centre des arts. 11 a lui-même di-
rigé son œuvre, et il a dû être satisfait de l'exécution ; les chœurs et
l'orchestre y ont apporté un soin et un zèle remarquable. Le Kyrie est
d'un caractère touchant ; les solos s'y marient bien avec le chœur. Le
Credo est conçu largement et d'une couleur dramatique ; on doit féli-
citer l'auteur d'y avoir fait usage du plain-chant des fêtes solennelles
pour donner plus de grandeur à sa musique. Cet ouvrage prouve que
M. Beaulieu sait écrire pour les voix; la mélodie n'y est jamais étouffée
par l'instrumentation.
Nous ne terminerons pas ce compte-rendu sans dire quelques mots
sur les avantages nombreux que procurent ces fêtes. Elles ont une grande
importance sous le rapport musical en faisant entendre, dans des loca-
lités plus ou moins éloignées de la capitale, toutes nos grandes composi-
tions religieuses, théâtrales et instrumentales, dans des conditions d'exé-
cution qu'on rencontre rarement, peut-être même dans de grandes villes
telles que Lyon, Bordeaux ou Marseille, et qu'on ne peut obtenir que
par la réunion des artistes et amateurs les plus capables de plusieurs
villes ; elles offrent aux artistes éminents de la capitale qu'on appelle
pour donner à ces réunions un plus grand éclat, des avantages qui ne
sont pas à dédaigner; enfin, elles sont pour les villes où elles se cé-
lèbrent l'occasion d'un activité inaccoutumée, même sous le rapport
commercial, et, ce qui ne doit pas être moins apprécié, elles rapprochent
les hommes, les populations clans une même pensée, dans un sentiment
230
REVUE ET GAZE1
MUSICALE
commun de plaisir doux et d'autant plus vif qu'un plus grand nombre le
partagent. Choses bien rares de nos jours !
CORRESPOHDAÏCE.
Liège, 30 juin.
Fendant les neuf semaines qui se sont écoulées depuis ma dernière let-
tre, nos annales musicales se sont grossies de quelques faits. Au nombre
des principaux, et après vous avoir déjà parlé du premier des trois con-
certs de carême donnés annuellement par la Société d'émulation, je men-
tionnerai ses deux derniers. Les protagonistes les mieux accueillis ont
été M. Reichert et Mlle Vervenne, Fréry et Vercken. L'étonnant flûtiste
Reichert est pour nous presque une vieille connaissance et des meil-
leures. Quant à Mlle Vervenne, de Bruxelles, elle a dit d'une voix belle,
puissante et large, mais avec trop peu de nuances, le grand air de Char-
les VI et celui de Y Italienne à Alger. Les éloges que votre spirituel colla-
borateur, M. Blanchard, a récemment adressés à Mlle Fréry, prouvent,
sans que je doive maintenant l'établir, que c'est à bon droit que notre
public avait fêté, à chacune de ses deux apparitions, la jeune violoniste
bruxelloise. Son talent s'est révélé à nous dans un air varié et dans le
1" et le 7e concerto de son maître, M. de Bériot. Mlle Vercken, l'une de
nos cantatrices liégeoises, a, de même, provoqué tous les suffrages par
sa grâce et par ses vocalises brillantes dans l'air du Démon de la Nuit et
dans celui du Toréa-ior.
Quelque temps' après, une matinée a été annoncée avec un tel fracas
que le dilettantisme s'en est ému. Il s'agissait d'un pianiste de Saint-Pé-
tersbourg (sic); je tairai son nom; mais il importait peu qu'il vînt de là
ou d'ailleurs : on n'assigne pas de frontières à la patrie des beaux-arts.
Cet artiste avait prétenduement trouvé un jeu individuel : force, chaleur,
style, mécanisme, poésie, rien n'y manquait..., si ce n'est la réalité de
la teneur de ce programme. Différentes fantaisies du bénéficiaire, — car il
compose aussi, — entre autres un air russe, une polka-mazurka, un polka
tremblante et le Carnaval de Venis; morceau grotesque, disait l'affiche;
tout cela plus grotesquement encore exécuté au moyen d'exercices di-
gitigrades audacieux, du revers de la main, de l'avant-bras et même du
coude, ont démontré, au sujet des réclames qui avaient été répandues,
la vérité de ce distique :
C'est promettre beaucoup; mais qu'en sort-il souvent?...
Du vent.
Aussi je me garderai bien de consailler à personne l'apprentissage de
ces évolutions gymnastiques, sous la pression desquelles le clavier et les
cordes ont eu rude besogne et ont produit des sons qui n'étaient pas ir-
réprochables. Toutefois, nous avons été dédommagés par la coopération
à cette matinée de Mlle Vercken et de MM. Dupuis et Van den Boom.
Mlle Vercken a, cette fois encore, obtenu un succès aussi complet que
celui que j'ai marqué précédemment; et dans le duo du Valet de chambre,
de Carafa, elle a été bien secondée pas son frère. M. Dupuis, professeur
de violon à votre Conservatoire, a rendu Regrets et prière, de notre com-
patriote Léonard, et Souvtniis de Grétry, du même, avec une justesse
d'intonation, un son nourri et une exécution correcte et soignée qui
ont excité d'unanimes applaudissements. VHymne triomphal pour deux
pianos, de Brisson, charmante page pleine de délicatesse et parfaitement
appropriée aux ressources de l'instrument, a fait ressortir le jeu pur, net,
élégant et exact des deux frères Van den Boom.
La clôture de l'année théâtrale a eu lieu à la fin de mai. La campagne
prochaine commencera au mois d'octobre. Trente-trois partitions d'o-
péras-comiques ont alimenté le répertoire fourni par les œuvres des
grands maîtres les plus favorisés du public. Les nouveautés ont été très-
rares ; on ne peut citer que les Monténégrins, Marie de Rohan et la Som-
nambule, déjà interprétée en italien sur notre scène. Le Val d'Andorre, qui,
d'après votre Chronique eu angère du n° 17, avait été, cet hiver, repré-
senté chez nous u pour la première fois avec le plus brillant succès, »
est depuis quatre ans acquis à notre répertoire.
Si le mois de mai, appelé le Mois de Marie, est particulièrement sanc-
tifié par l'Eglise, la Société du casino du Beau-Mur a aussi voulu , cette
année, solenniser les dimanches de ce mois. Lumière électrique pour
l'éclairage des jardins, feu d'artifice, chœurs, harmonie, danses, etc., tout
cela a concouru à servir aux plaisirs des nombreuses familles affiliées à
cette Société. Je n'indiquerai que les concerts d'harmonie donnés l'avant-
dernier dimanche. Vous savez ou vous ne savez pas que la plupart des
localités belges ont ou une Société d'harmonie ou une Société de chant,
et même, parfois, toutes deux. Mais l'un de nos plus vastes établissements
métallurgiques, la Société de la Vieille-Montagne, à Angleur, près de Liège,
a réalisé un autre essai : elle a formé un corps d'harmonie composé exclu-
sivement d'une partie de ses ouvriers. Ce corps, dont la tenue est fort
belle, a remporté, l'an dernier, à Bruxelles, un second prix dans le con-
cours ouvert pour la spécialité. C'est cette même harmonie qui s'est fait
entendre au Casino, où elle a été chaleureusement applaudie dans les di-
vers morceaux qu'elle a exécutés avec sentiment et entrain. Il serait à
souhaiter que l'exemple proposé par la Vieille-Montagne fût suivi par
d'autres établissements : l'ouvrier goûterait dans la musique, qui polit et
adoucit les mœurs, des délassements plus utiles que ceux qu'il va cher-
cher le dimanche dans l'atmosphère vicié du cabaret, où il dépense, en
outre, son argent et sa santé qu'il doit à sa famille.
Deux nominations longtemps attendues dans le personnel enseignant de
notre Conservatoire ont été conférées récemment : c'est celle de M. Frère,
en qualité de professeur de violon, et la réintégration de M. Géraldy aux
appointements de 3,000 fr, dans son ancienne classe de chant italien (cours
semestriel). On espère maintenant que la nomination de M. Reichert,
comme professeur de flûte, paraîtra sous peu.
Après la musique profane, il me reste à signaler une audition de musi-
que sacrée. Le décès de notre évêque a donné lieu d'abord à une messe
d'inhumation en plain-chant, et ensuite à des obsèques solennelles célé-
brées le 12 mai. On avait choisi la seconde messe de Requiem, de Cheru-
bini ; elle a été exécutée sous la direction de M. Duquet, maître de cha-
pelle de notre cathédrale, par un orchestre et par des chœurs fort nom-
breux. Un caractère vraiment religieux a été imprimé à cette exécution
très-satisfaisante, sauf dans quelques détails. Cependant j'ajouterai qu'elle
a été digne de la triste et pompeuse cérémonie par laquelle on payait un
tribut au prélat distingué qui a occupé le siège de saint Lambert.
Z.
ÎOÏÏVELLES.
*„* Demain lundi, à l'Opéra, le Prophète.
*„* Lundi dernier, Rolerl le Dia'Ae, chanté par Gueymard, Depassio,
Mmes Laborde et Poinsot. luttait victorieusement contre une chaleur tro-
picale.
*»* La vingt-quatrième représentation du Juif trranl, donnée le mer-
credi suivant, par une chaleur encore plus forte, n'en avait pas moins
réuni un brillant et nombreux auditoire.
*„* Vendredi, la Juive, chantée par Mairalt et Mlle Poinsot, clôturait
cette semaine vouée aux grands ouvrages et aux grands succès.
*„* La reprise de la Sirène a suivi de près celle d'Acté-.n. Mlle Félix
Miolan s'est également distinguée dans l'une et dans l'autre, comme
cantatrice parfaitement maîtresse de tous les secrets de son art, et aussi
comme actrice possédant, la finesse et la distinction. Boulo, qui chante
si bien, n'est pas précisément l'idéal du rôle de Scopetto, dans lequel
Roger était admirable. Ricquier est toujours excellent daus celui du duc de
de Popoli ; Jourdan et Nathan jouent très-bien ceux de Scipion et du direc-
teur, Bolbaya. Quant à la pièce, elle n'a rien perdu de son attrait, dû à
la spirituelle combinaison de son intrigue, et la partition est un des dia-
mants les plus brillants de l'écrin si riche de M. Auber. Les chants heu-
reux, les motifs élégants s'y succèdent sans intervalle.
%* L'opéra en trois actes de MAI. Locroy, Dennery et Maillard , an-
noncé d'abord sous le titre du Baiser de la Vierge et de la Vierge de Kermo,
aura décidément pour titre la Croix de Mari", et sera représenté dans les
premiers jours de la semaine prochaine.
*„* Hier au soir, on a fait relâche pour les répétitions générales de cet
opéra.
*** Meyerbeer, après quelques jours seulement de séjour à Paris, est
parti pour aller passer la saison à Spa et y prendre les eaux.
*** Spohr est arrivé le 22 juin à Londres, où il dirige les répétitions de
son opéra : Faust, au théâtre de Covent-Garden.
*„* Le compositeur Ferdinand Lavainne vient de recevoir de S. M. le
roi des Pays-Bas la décoration de l'ordre de la Couronne de Chêne.
*„* L'Alboni a donné son premier concert à New- York. D'après le Mu-
ii:al Times, sur l'annonce d'une voix de contralto, le public s'attendait à
quelque chose de rude et de masculin. La surprise a été grande en enten-
dant une voix si légère, si douce, un chant si accompli dans ses délica-
tesses infinies. Sangiovanni etllovere chantent avec la grande artiste.
*%* M. Devriés, directeur du théâtre d'Amsterdam, vient de quitter Pa-
ris, emportant avec lui les dessins des décors et des costumes du Juif er-
rant, qui sera immédiatement monté au théâtre de l'Opéra royal néer-
landais.
*4* Mme Duilot-Maillard, la célèbre cantatrice, est de retour à Paris.
De brillantes propositions lui ont été faites pour l'engager à accepter la
direction d'une école lyrique à Bruxelles.
\* Depuis plusieurs jours, M. Gustave Oppelt, littérateur belge, est
arrivé à Paris, porteur de dépêches de son gouvernement, et qui se ratta-
chent au traité de commerce à conclure entre la France et la Belgique.
*„* Nos correspondances de Londres, autant que les principaux organes
de la presse, anglaise se plaisent à constater les grandioses succès rempor-
tés par M. Wuille , clarinettiste et saxophoniste de la musique particulière
de S. M. le roi des Belges et du corps de musique du régiment royal des
guides. Placé par son talent sous la protection de M. Anderson, maître de
chapelle de la reine d'Angleterre, M. Wuille a signé un magnifique enga-
gement avec Jullien.
!)K PARIS.
231
V La Société pour l'instruction élémentaire, présidée par M. Boulay,
de la Meurthe, sénateur, a tenu, dinianclie h juillet, sa trente-septième
séance annuelle, à laSorbonne; une médaille d'argent et plusieurs mé-
dailles de bronze onl été décernées aux auteurs dos meilleurs ouvrages
classiques et de morale pour l'année 1651-1852. C'est M. l'anseron qui a
obtenu la médaille d'argent pour son solfège concertant.
*„* M. le baron J. de Rothschild a fait remettre une épingle garnie de
diamants à M. Emile Jonas, professeur au Conservatoire, et auteur des
belles compositions exécutées lors de l'inauguration de l'hôpital de la
rue l'iepus.
*„* Un homme d'un grand mérite, M. Venneulen, de Rotterdam, fon a-
teur de la Société des Pays-Bas pour l'encouragement de. l'art musical, Va
entreprendre un voyage scientifique eu Italie, dans le but d'y explorer les
bibliothèques cléricales et laïques, et d'y recueillir des matériaux pour la
magnifique édition de la CoWclio operum musicorum balavorum, XVI' siè-
cle, que public à ses frais la Société, et dont, sur l/i volumes que com-
prend la collection manuscrite, huit ont déjà paru. M. Vermeulen s'arrê-
tera, dit-on, quelques jours à Paris, pour se mettre en rapport personnel
avec MM. le prince de la Moskowa, Onslow, Berlioz, C.athy et autres
membres de la Société, avec lesquels il est depuis longtemps en relation
de correspondance. Pendant son absence, il sera remplacé dans ses fonc-
tions par M. le D' Ueije, son altfr ego, comme il appelle lui-même ce col-
laborateur dévoué, qui, de son côté, en sa qualité de secrétaire général
de la Société, a rendu de grands services à l'art musical.
t*t Le compositeur et professeur de chant, Lambert, dont nous avons
annoncé la mort, dimanche dernier, était né à Arras en 1779. Artiste dis-
tingué de talent et de manières, il avait été longtemps, mais fort jeune
encore (de seize à vingt-six ans), chef d'orchestre d'une troupe de comé-
diens qui exploitaient le département du Nord. En 180;!, il se trouvait à
Amiens, où décrivit plusieurs morceaux pour l'installation de l'évèque. Il
vint ensuite se fixer à Paris et s'y fit. connaître, comme professeur, comme
auteur de plusieurs romances, dont une entre autres lui survivra. Ne lais-
sant pas d'héritiers directs, il a légué par testament sa modeste fortune à
la ville d'Arras, pour la création de nouveaux lits, et à l'Institut de France,
pour l'institution de prix et de secours à distribuer aux artistes malheu-
reux. Lambert avait écrit trois quatuors pour instruments à cordes, et c'é-
tait, dit-on, ce qu'il avait fait de. mieux. 11 avait'aussi composé un Domine
saivum fac, un 0 Falutarïs, un Magnificat et un Chœur 'le vierge?. Le der-
nier vœu de l'artiste a été pieusement rempli. Dans le service, organisé eu
sou honneur, un beau et. pompeux Magnificat de sa composition a été fort
Lien exécuté mardi, dans l'église de Saint-Boch, par les soins de M. Pan-
seron, qui, de plus, a trouvé le moyen de lui rendre un dernier hommage
en intercalant dans un morceau religieux le thème de sa romance la plus
populaire, dite par la voix toujours pure et touchante d'Alexis Dupond.
%* Le fils de Mme Damore.au, jeune compositeur, vient de mourir à
Page de 32 ans, après une longue maladie.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
*„* Londres, 9 juillet. — Fallait-il donc que le théàtrede Covent-Garden re-
nonçât à donner le Prophète, dont chaque représentation aété toujourspour
lui une mine d'or, parce que Johanna Wagner lui manquait, parce que
Mme Viardot, annoncée par le programme, ne se hâtait pas d'arriver? Non
sans doute, et Mlle Grisi, qui deux fois déjà s'était bravement produite
dans le répertoire français, en se chargeant des rôles de Valentine et
d'Alice, s'est encore trouvée là pour prendre celui deFidès. Et son succès
n'y a pas été moins grand, moins légitime. Elle a joué en actrice consom-
mée, elle a chanté en cantatrice de premier ordre, et triomphé des diffi-
cultés d'une musique composée pour un tout autre gosier que le sien. Dans
trois morceaux seulement la transposition a été nécessaire. Du reste, il
■ si impossible de mieux saisir et de mieux rendre la haute physionomie
de la me re du Prophète que ne l'a fait Mlle Grisi, sans rien emprunter de
ses devancières, Mmes Viardot et Alboni. Le chef-d'œuvre lui doit une
Fidès toute neuve et originale. Mario est toujours un admirable Jean de
Leydo. Mme Castellan, dans le rôle de Berthe, continue à Londres sa
création parisienne. Formes, Stigelli, Polonini et 'i'agliafico complètent le
magnifique ensemble. Mlle Grisi et Mario ont été rappelés à la fin. —
— Jeudi dernier, au théâtre de Sa Majesté, les Puritains, donnés pour la
première fois, ont fait salle comble. Mme Lagrange s'est surpassée dans
lïlvira, qui est un de ses meilleurs rôles, sinon son meilleur. Elle a été ad-
mirable dans lacavatine :Q tila r<ce,et danslapolacca : Sonwrgin ve-zosi.
Ses ornements et fioritures sont nouveaux, d'un goût irréprochable, et elle
M'en abuse pas. Laeantatrice, applaudie àoutrance, aété obligée de répéter
deux morceaux — Depuis longtemps Gordoni n'avait chanté si bien et avec
tant d'expression. Le duo de la dernière scène, qui contient le passage si
connu : Vimi f*'a le. mi^brarcliia, a été rarement mieux rendu que par lui et
MmeLagrange; le succès a été jusqu'aux larmes. La voix de Bassini était
là dans sa sphère : elle se montre avec tout son éclat dans les phrases
larges. Le duo -.Suoni la iromia, chanté par lui et Lablache, aété bissé et
redemandé une troisième fois. Il n'y a rien à dire de Lablache ; comme
toujours, il a été parfait et inimitable comme acteur et chanteur. L'or-
chestre, sous l'habile direction de Balfe, a beaucoup contribué au succès.
— Mme Sontag, avant de partir pour l'Amérique, est engagée pour quel-
ques représentations. Nul doute qu'elle ne ramène la foule un peu dérou-
tée par la subite éclipse de Sophie Cruvelli, sitôt disparue du firmament.
—. Gordigiani a donné un concert dans lequel Mlle Dobré, Lablache,
Mario, Gardoni, Ferlotti et Marra se sont fait entendre. Mlle Dobré a
chanté avec beaucoup de succès une canzonelta intitulée : la Traiita, et
Mme Roubaud de Cournand n'a pas été moins vivement applaudie comme
excellente pianiste. — L'une des plus brillantes soirées musicales de la
saison a été celle de Mme Mortierde Fontaine, et a eu lieu le mois dernier.
Cette éminente artiste, qui a laissé tant de souvenirs en France, en Italie
et en Allemagne, s'était fixée à Londres pour cette année, et son succès y
a été fort grand. Entourée d'artistes supérieurs, qui se sont tous surpassés.
Mme Mortier de Fontaine a charmé son auditoire par sa belle voix de
contralto, par l'ampleur île son style, ainsi que par sa méthode pure et
classique.
%* Berlin. — Mlle Wagner doit nous revenir sous peu; la célèbre can-
tatrice se fera entendre devant l'impératrice de Russie, et doit aller en
représentation à Breslau. Nous avons en ce moment trois théâtres d'été,
qui tous les trois font de brillantes affaires.
*K* Vienne. — Ander et Staudigl sont toujours en congé; et , comme le
Pioplièle ne pourrait être mis de côté sans le plus grand préjudice pour
l'administration, c'est M. Ellinger qui a l'intérim du rôle de Jean de
Leyde. Mil- Schwarzbach, dont les débuts ont été heureux, a été engagée
au théâtre de la Cour. — Peu de temps avant la clôture de la saison ita-
lienne, nous avous eu, contre toute attente, un opéra-buffa, composé ex-
près pour Vienne par F. Ricci ; il porte le titre de : // Marito e l' Ameute.
C'est une assez lourde imitation du roman de Paul de Kock : la partition
n'offre rien de bouffon ni de nouveau.
*t* Hanovre. — Le magnifique théâtre récemment construit dans cette
résidence ouvrira le 1 2 septembre prochain, par le Prophète. C'est M. An-
der. du théâtre de la cour à Vienne, qui chantera le rôle de Jean de
Leyde.
%* HeUingfors. — Le premier opéra qui ait été donné en Finlande a
fait son apparition il y a quelques jours au théâtre de cette ville 11 est
intitulé : Une partie de. chassede Charles XI, roi de Suède. Les paroles sont
de Topelius, la musique est de Placci ; tous les deux sont nés dans cette
ville.
Le gérant : Ernest DESCHAMPS.
La Partition de ces opéras pour piano, in-8", chaque, net .... 8 »
L'ouverture pour piano et à quatre mains, chaque 0 et 7 50
Choix des plus jolis airs arrangés pour deux violons, par E8. IJîpS
StoEmpf, 2 suites, chaque 9 »
m
Les mêmes arrangés pour deux flûtes , par B. ivalrkicrs ,
2 suites, chaque 9 »
Les ouvertures de ces opéras pour deux violons, chaque h 50
Les mêmes pour deux flûtes, chaque k 50
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N° 1. COUPLETS, « Quand vient l'ombre silencieuse. » . . . . 3 75
2. TRIO, « Qu'une heureuse rencontre. » 6 »
2 bis. Le même en duo 6 »
3. COUPLETS, « 0 dieu des flibustiers. » 3 75
3 bis. Les mêmes transposés plus bas 3 75
4. QUATUOR, « O bonheur qui m'arrive. » 3 75
4 bis. Le même pour 2 sopranos, ténor et basse 3 75
5. AIR, « Qu'est-ce donc, mes amis? » 4 50
5 bis. Le même avec chœur . 4 50
N° 6. RONDE, « Prends garde, montagnarde. » 3 »
7. DUO, « C'est un ouvrier. » 6 »
8. TRIO, « De nos jeunes années. » 6 »
8 bis. ROMANCE extraite du trio 3 »
9. CAVAT1NE, « Je n'ose pas. » 3 75
10. CHOEUR à 4 voix, « Les chagrins arrière. » 3 75
11. DUO, « Je fais mal, je le sais. » 6 »
12. VOCALISE, « Voyez-vous là bas, parmi les frimas? 4 50
ARRANGEMENTS SUR DES MOTIFS DE CET OPÉRA.
OUVERTURE pour le piano
La même à 4 mains
a. adam. Mosaïque
— Six petits airs
u. cbamcb. Mélange
croisez. Op. 25. Fantaisie brillante
— Op. 24. Petite fantaisie à 4 mains
es. u. oiïEinoi'. Op. 135. Deux fantaisies faciles, 2 suites, ch.
— Op. 136. Fantaisie à 4 mains
a. fesst. Petite valse
nistni). Deux quadrilles, chaque
— Les mêmes à 4 mains, chaque
— Suite de valses
herz. Quadrille
4 50
6 »
4 50
hall. Op. 27. Grande fantaisie 7
u. herz. Op 141. Fantaisie et variations brillantes 9
hkivtew. Op. 34. Trois morceaux favoris, trois suites, chaque. . 5
KAi.BinnEXKKR. Op. 180. Souvenir 6
hxebicz'ïwsk.ï- Valse brillante 5
le carpentier. Op. 94. Fantaisie 6
ledec Op. 124. Fantaisie brillante 7
u. lemobwe. Bagatel'e 5
rosellew. Op. 66. Fantaisie brillante 7
e. wdhï. Op. 103. N° 1. Galop 5
N° 2. Fantaisie 5
— Op. 105. Réminiscences, grande fantaisie 9
— Op. 104. Duo brillant à 4 mains 9
POUR INSTRUMENTS DIVERS.
pierrot. Op. 2. Fantaisie pour cor et piano
schiltz et febsy. Fantaisie pour cornet et piano
coiiix. Op. 31. Douze fantaisies faciles pour flûte seule, 2 sui-
tes, chaque
REnuBAT. Op. 9. Fantaisie pour flûte et piano
HOFFMANN et htdller. Duo pour flûte et violon
carcasbi. Op. 74. Mélange pour guitare
Tim:i'\. Mosaïque pour guitare et flûte
— — pour guitare et violon
Ouverture pour harmonie militaire
2 quadrilles pour id. chaque
Airs pour id. 2 suites, chaque
Pas redoublé pour musique militaire
— Fanfare pour musique de cavalerie
lararrf. Op. 120. Mélange pour harpe et piano
verroi'st. Op. 33. Fantaisie pour hautbois
11 «II».
rr.ssi.
9 »
7 50
5
5
6
6
18
7
15 »
5 »
6 »
9 »
7 50
50
bériot et n»i,n. Duo brillant pour piano et violon
KLEnczYNSKi. Op. 57. Divertissement pour piano et violon . .
i». loi as. Op. '1 50. Fantaisie pour piano et violon
snotii Fantaisie pour violon avec accompagnement de piano.
lee. Op. 34. Divertissement pour violoncelle avec accompagne
ment de piano
L'OUVERTURE pour 2 flûtes
— 2 violons
AIRS pour 2 flûtes. 2 suites; chaque
— 2 violons
AIRS pour flûte seule
— cornet seul
— violon seul
QUADRILLE pour violon, flûte, clarinette, flageolet ou cornet seul.
Chaque
QUADRILLE pour 2 flûtes, 2 cornets ou 2 violons. Chaque
7 50
9 »
7 50
4 50
4 50
7 50
50
1 »
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N° 29.
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18 Juillet 18o2.
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Étranger 34
Le Journal paraît le Dimanche.
GAZETTE MUSICALE
DE PâEîS
AfiAAAresssjwvw —
SOMMAIRE. — Beethoven et ses trois styles, de W. de Lenz (3e et dernier article),
Paul Srailli. — Des Neumes employées a la notation du plain-chant (1" arti-
cle), par A<lrien «le la B-'aee. — Revue critique, grande fantaisie sur le
Prophète, de Léopold de Meyer; nocturne, romances sans paroles, galop, de
Charles John, par Uenri Blanchard. — Nouvelles et annonces.
LITTÉRATURE MUSICALE.
BEETHOVEN ET SES TROIS STYLES,
PAR W. DE LENZ.
(Troisième et dernier article.) (I)
Le génie est comme la fortune, suivant le mot de La Fontaine; presque
toujours il vend très-cher ce qu'il a l'air de donner. La part de Bee-
thoven fut immense ; mais il la paya plus cher qu'aucun autre, plus
cher même que Mozart , qui ne fut immortel qu'à condition de mourir
à trente-six ans. Beethoven vécut, lui , vingt et un ans de plus; mais,
pendant ces vingt et un ans, il avait tout-à-fait perdu la faculté d'en-
tendre, et il écrivait à M. de Seyfried ces lignes pleines de tristesse :
« L'art seul m'a retenu : Unie semblait impossible de quitter le monde
» avant d'avoir produit tout ce que je sentais devoir produire. C'est
» ainsi que je continuai cette vie misérable, oh ! bien misérable !
» avec une organisation si nerveuse, qu'un rien me fait passer de l'état
» le plus heureux à l'état le plus pénible. » Avec une organisation de
ce genre, Beethoven n'avait pas besoin d'être sourd pour être malheu-
reux ; mais, entendons-nous bien, malheureux en admettant, toutefois,
ces larges et magnifiques compensations que le vulgaire envie et a raison
d'envier aux hommes de génie. Le vulgaire n'est pas si loin de compte
dans ses appréciations. 11 ne se doute pas du mal que peut donner l'en-
fantement d'une œuvre telle que la symphonie en ut mineur ou la
symphonie pastorale ; mais il se doute bien qu'il y a quelque plaisir à
les concevoir, à les produire, à les tirer du chaos. En effet, ce plaisir
existe ; ce plaisir est grand , infini jusque dans ses douleurs. « L'art
seul m'a retenu, » écrivait Beethoven, et l'art n'est ici autre chose
que le plaisir dont nous parlons. Il y a de par le monde une multitude
de pauvres diables, autant et plus nerveux que Beethoven , autant et
plus sourds que lui, et qui n'ont pas l'art pour soutien, qui se traînent
comme ils peuvent d ans leur pauvreté, dans leurs souffrances, sans
avoir la consolation de mettre au monde une sublime symphonie, pas
même de récréer leur silence et leur solitude par l'élucubration de la
plus petite polka.
N'exagérons rien, ni les félicités, ni les misères des hommes de
génie. Beethoven ne pouvait être heureux à la façon d'un notaire ou
d'un banquier qui s'enrichit et se retire des affaires. Il ne pouvait
l'être non plus à la façon de ces artistes dont le travail est extrême-
(1) Voir les numéros 27 et 28.
ment facile, et pour qui le succès marche du même pas que le travail.
Il tenait de la nature l'aspiration aux choses grandes et neuves, diffi-
ciles à trouver, difficiles à faire comprendre. Pour se donner des émo-
tions, il avait besoin d'inventer, de créer, comme à tant d'autres il
suffit d'imiter, de continuer. Au lieu de s'en tenir au premier jet, il
éprouvait des peines incroyables à se satisfaire lui-même ; il cher-
chait longtemps, effaçait, corrigeait, recommençait avec cette infati-
gable opiniâtreté que Jean-Jacques Rousseau mettait à construire ses
savantes périodes, et ce n'est pas le seul trait de ressemblance que
l'étude de son caractère et de son génie nous révèle entre lui et le
citoyen de Genève.
Chez l'un et l'autre , même inquiétude native , même ombrageuse
susceptibilité, même misanthropie, même passion pour la campagne.
Beethoven écrivait ses plus beaux chefs-d'œuvre dans les mêmes con-
ditions que Jean-Jacques sa Julie, sa Lettre sur les spectacles et son
Emile. Tous les deux, ils souffraient d'une infirmité qui, bien que
diverse, les éloignait également des relations du monde. Tous les deux
ils avaient dans le cœur des amours, et des amours sans espoir, Jean-
Jacques pour Mme d'Houdetot, Beethoven pour des grandes dames, s'il
faut en croire ce que Wegelera écrit : « Beethoven ivar nie ohne Liebe,
» und meistens von ihr in hohem Grade ergriffen (Beethoven ne fut
» jamais sans amour, et toujours dans sa plus haute expression). »
Toute la différence, c'est que Beethoven ne se maria pas et qu'il n'eut
pas auprès de lui de Thérèse Levasseur, flanquée de sa hideuse mère,
pour troubler le repos de sa vie et en souiller la dignité ; mais, quoi-
que garçon, il eut aussi les charges et les ennuis de la famille sans en
goûter jamais les touchantes indemnités.
Beethoven avait plusieurs frères : la veuve de l'un d'eux, Charles ,
caissier à la banque d'Autriche, lui légua la tutelle de son fils mineur,
qu'elle ne voulait pas abandonner à son beau-frère. De là un procès ,
c'est-à-dire un cauchemar, qui pesa pendant quatre ans sur la poitrine
de l'artiste. Et comment deviner le premier chagrin dont ce procès fut
pour lui la cause? Nous laissons parler M. de Lenz : « Cet épisode de
» la vie de l'artiste rentre dans les proportions microscopiques de
» l'existence allemande Ainsi on prenait assez communément à
» Vienne la particule hollandaise van, dans le nom de Beethoven, pour
» la particule nobiliaire allemande von, surtout en écrivant par abré-
» viation : L. V. Beethoven. Beethoven porta son affaire devant le tri-
» bunal connaissant d'affaires entre nobles. Le tribunal exigea la pro-
» duction de ses titres de noblesse. Beethoven porta la main au cœur
» et à la tête. On pense bien que cette preuve ne put prévaloir en
» matière de juridiction. L'affaire fut renvoyée devant le magistrat de
» Vienne. Le croirait-on ? Ce renvoi, qui n'avait rien que de très-
» naturel, blessa profondément Beethoven. Il prétendit qu'un tribunal
234
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
» exceptionnel eût dû être appelé à connaître des affaires du génie ,
» idée oubliée par le digeste. » C'est que Beethoven était profondé-
ment aristocrate, et qu'il l'était sans s'en douter. Il dit un jour ce
mot, rapporté par Schindler : « L'homme supérieur ne doit pas être
» confondu avec le bourgeois, et j'ai été confondu avec lui. » Une au-
tre fois, [il entendit le prince Lichnowski ordonner à son valet de
chambre de servir Beethoven le premier, si Beethoven et lui venaient
à le sonner en même temps. Vous croyez peut-être que Beethoven fut
touché de cette attention ? Tout au contraire : il prit à l'instant même
un domestique pour lui tout seul.
Pendant quatre années, ce fatal procès fut toute l'occupation de
Beethoven. 11 y croyait son honneur engagé; il rédigeait lui-même
toutes les pièces et mémoires. Son avocat, le vénérable Bach, doyen
de la Faculté de droit, le laissa faire, comprenant bien que tout autre
procédé pouvait le rendre fou. Beethoven l'emporta enfin par voie
d'appel, après trois arrêts, qui. M. de Lenz a raison de le dire, nous
ont peut-être coûté une symphonie et quelques autres merveilles. Le
procès gagné, Beethoven eut l'idée de loger chez lui son neveu et d'or-
ganiser un ménage. 11 faut voir la lettre qu'il écrivit à un voisin pour
s'informer des choses les plus essentielles, dont il ne savait pas le
premier mot. 1° Que donne-t-on à manger à deux domestiques, soir et
matin, quantité et qualité? 2° Combien de fois leur donne-t-on de
rôti?.... etc., etc. 3° Combien de livres de viande pour trois person-
nes? Le voisin aurait dû répondre tout bonnement à Beethoven :
« Faites des symphonies. »
M. de Lenz achève ainsi ce récit curieux : « L'argent fut quelque
» chose pour Beethoven du moment que l'existence de son neveu fut
» devenue la sienne. Il thésaurisait pour lui, pour le jeune homme qui
» portait son nom. Ce neveu, le principe hostile de la seconde moitié
» de la vie de l'artiste, cruellement puni pour avoir exagéré les de-
» voirs d'un oncle, désola les dix dernières années de son existence.
» Beethoven faillit perdre la raison le jour que l'Université de Vienne
» expulsa de son sein, pour cause d'inconduite, ce fils adoptif sur le-
» quel il avait concentré l'impérieux besoin d'aimer qu'il ressentit
» toute sa vie. Le dernier amour du maître était mort du moment
» CjU'il vit son neveu abandonner la carrière littéraire pour entrer
» dans l'armée autrichienne. »
Laissons cet étourdi, ce vaurien, que Beethoven institua son héri-
tier, pour le récompenser sans doute de ce qu'il n'avait pas même dai-
gné se déranger et aller chercher un médecin, lorsque son oncle, son
bienfaiteur, revint à Vienne (décembre 1826), en proie au mal dont il
devait mourir quelques mois après. Mais Beethoven avait encore un
frère, apothicaire irès-connu dans Vienne, et qui s'y promenait souvent
dans un landau attelé de quatre chevaux. Ce frère, nommé Jean, était
à son aise et devait à Louis, à l'artiste, l'établissement de sa pharma-
cie. Quoique logeant à peu de distance, il ne le voyait jamais, et seu-
lement au jour de l'an il lui envoyait sa carte ainsi rédigée : « Jean
» Van Beethoven, Gulsbesiiser » (c'est-à-dire propriétaire de biens);
et l'artiste écrivait sur le revers : «Louis Van Beethoven, Hirnbesitzer»
(c'est-à-dire propriétaire de cervelle). Les médecins ordonnèrent à
Louis Beethoven des bains de foin, et comme Jean Beethoven avait
du foin à revendre, on s'adressa naturellement à lui pour s'en procu-
rer. Savez-vous ce que répondit le propriétaire de biens, qui par état
se connaissait en herbes et voulait tout garder pour lui? Nous ne
croyons pas que l'avarice sordide ait jamais rien inventé de plus su-
blime dans sa naïveté. Jean Beethoven , l'apothicaire , répondit que le
foin de sa propriété, à lui, n'était pas bon ; et Louis Beethoven, l'ar-
tiste, fut obligé d'en faire acheter ailleurs.
Voilà ce que fut la famille pour le grand artiste ; voilà comment ses
proches le payèrent de son dévouement, de ses sacrifices. Du reste,
comme Jean- Jacques Rousseau, Beethoven fut souvent injuste et ingrat
lui-même, à force d'être soupçonneux et irritable; souvent il repoussa
le bienfait par un sentiment exagéré d'indépendance, ou ne témoigna
qu'indignation et colère au bienfaiteur.
« Beethoven, dit encore M. de Lenz, passa sa vie dans la haute aris-
» tocratie viennoise. Il connut les plaisirs de la danse, qui étaient dans
» les mœurs simples de l'époque où l'on dansait encore au piano, mais,
» chose incroyable ! il ne parvint pas à danser en mesure. Ses mouve-
» ments étaient gauches ; il cassait d'ordinaire les choses auxquelles il
» touchait; aucun meuble chez lui, et moins que tout autre un meuble
» de prix, n'était à l'abri de ses attaques. Que de fois son encrier
» tomba dans le piano près duquel il travaillait ! Beethoven fit inté-
» gralement partie des maisons des Lichnowski, des Lobkowitz, des
» Browne, des Brunswick, des Erdody, des Thun. Son illustre élève,
» l'archiduc Rodolphe, donnait l'exemple. Artiste, il traitait le plus
» grand artiste du temps comme il devait être traité, comme un élu
» des largesses divines. Beethoven avait fait ses conditions avec le
» prince : il désirait être seul avec lui pendant sa leçon d'harmonie et
» de piano. Le prince observa la consigne. Beelhoven ne rencontrait
» chez lui que l'archiduc Charles, le héros d'Aspern, que l'archiduc
» Rodolphe savait lui être sympathique. Quelque charme que l'inti-
» mité de personnes de cette distinction exerçât sur l'esprit de l'ar-
» tiste, la seule idée que la leçon approchait suffisait pour le rendre
» malade... Jamais Beethoven ne réussit à se faire à la moindre gêne.
» L'invitiez-vous à dîner, il ne vous pardonnait pas d'avoir été tout
» un jour l'esclave de votre heure. L'heure pour lui, c'était un motif.
» Il avait encore la singulière idée qu'on mange quand on a faim. Un
» grand jour cependant arriva où il donna à dîner à Mines Sontag et
» Ungher. Ce dîner cachait la machiavélique pensée de faire trouver
» à ces dames les difficultés de leurs parties, dans la symphosie avec
» chœurs, plus supportables et de leur prouver qu'il était de toute
» impossibilité d'y changer quelque chose. »
Tous ces détails, et bien d'autres, qui fourmillent dans l'ouvrage de
M. de Lenz, doivent prouver à nos lecteurs qu'il possède admirable-
ment son sujet, et même qu'il ne se fait pas d'illusion sur Beethoven,
le Jean- Jacques de la musique et de l'Allemagne. M. de Lenz nous pa-
raît très-capable d'être juste en toutes choses; voilà pourquoi nous lui
avons reproché, et nous lui reprochons encore, d'avoir mal jugé la
France et noire temps, qu'en un endroit de son livre il appelle encore
« temps de boxe musv aie. » Qu'est-ce à dire? Voyons: quel temps
regrettez-vous? Est-celui où vécut Mozart? Et pourtant vous le con-
statez vous-même : « Il n'y eut sorte de déboires que Mozart n'é-
» prouvât à la suite de ses opéras. Il fallut un ordre de l'empereur
» Joseph pour mettre à la raison les chanteurs récalcitrants, inspirés
» en cela par l'intrigant Saliéri, lors de la première représentation des
» Noces de Figaro. » Est-ce le temps de Beethoven? Pas davantage,
car vous avez soin d'ajouter : « Ces mesquines intrigues, ces misé-
» râbles tracasseries, fidelio les renouvela pour Beethoven. » Croyez-
nous, ou plutôt ne nous croyez pas, mais étudiez l'histoire, et plus
vous en remonterez le cours, plus vous y trouverez de ces débats, de
ces intrigues, de cette boxe, dont vous voulez nous attribuer le pri-
vilège. Cela tient à quelque chose de plus fort que l'influence d'un
siècle, à la nature des artistes, qui ne sont après tout que des hommes,
avec plus de passions, d'orgueil, de jalousie, que le commun des mar-
tyrs dont se compose l'humanité.
Ce que nous disons du temps, nous le disons avec bien plus de force
encore du pays. Vous accusez la France ! mais regardez donc un peu
l'Allemagne : la lui préférez-vous ? II y a quatre ans , en rendant compte
du charmant livre de votre compatriote, M. Oulibicheff, nous avan-
cions que l'histoire de Mozart contenait plusieurs moralités, au nombre
desquelles celle-ci : « que notre pays si souvent accusé de frivolité,
» d'ignorance, d'injustice, surtout à l'égard des musiciens, mérite en-
» core moins ce reproche qee la grave, la savante, l'équitable A!le-
» magne, car il n'est jamais arrivé à la France de traiter un artiste
» français ou étranger de la taille et de la valeur de Mozart aussi mal
» que l'Allemagne traita ce merveilleux enfant sorti de son sein. »
Voilà ce que nous écrivions en 1848, et ce que vous confirmez en 1852.
« Le bourgeois de Vienne, dites-vous, aimait Beelhoven snns le com-
DE PARIS.
235
» prendre... (comme le Parisien pur sang, qui dit Beethoven et pense
» Musard!) Le séjour prolongé de Mozart et de Beethoven à Vienne
» ont fait à cet Eldorado de la mehlspeise (mets composés avec de la
» farine) la réputation d'un asile de la musique. Avoir laissé Mozart et
» Beethoven mourir dans la misère, avoir oublié d'encourager Schu-
» bert, voilà le plus clair de l'opinion musicale des Viennois, pour les-
» quels Strauss a eu raison d'écrire son Eisele-Bsisele, p'il/ca!! » Ne
voilà-t-il pas que Musard môme se retrouve à Vienne, en antagonisme
avec Beethoven ! Ne voilà-t-il pas que M. de Lenz se charge de venger
Paris? Où donc est la cité modèle? Où donc est l'âge d'or de la mu-
sique? Il nous semble que l'auteur de Beethoven et s"s trois styles au-
rait quelque peine à nous le dire catégoriquement.
Donc, finissons-en de toutes ces plaintes, de tous ces sarcasmes qui
frappent dans le vide et tombent à faux. Vouloir que tous les artistes
soient des Beethoven, ou que tous ceux qui connaissent la musique, au
moins de réputation, admirent Beethoven, c'est donner dans les chi-
mères. Est-ce que, dans l'art comme dans le monde, il ne faut pas
qu'il y ait des grands et des petits ? Autrement, plus de plaisirs choisis,
plus de ravissements, plus d'extases par excellence ! L'habitude émous-
serait la sensation. Professons un culte sincère et chaleureux pour les
grands artistes ; mais gardons-nous de ces dédains réels ou affectés
pour tout ce qui n'est pas l'idole, pour tout ce qui s'en éloigne peu
ou beaucoup. Oh ! l'intolérance, nous la délestons encore plus que le
tour de force, que la voltige transrendante, que la boxe musicale et
autres fléaux sur lesquels M. de Lenz jette l'anathème. L'intolérance,
dans l'art comme dans la religion, n'a pas de résultat plus sûr que de
rendre insociable, haineux, méchant, persécuteur. Jean-Jacques Rous-
seau a une bien belle phrase là-dessus dans sa Lettre à Voltaire :
« Ainsi, j'appelle intolérant par principe, dit-il, tout homme qui
» s'imagine qu'on ne peut être homme de bipn sans croire tout ce qu'il
» croit et damne impitoyablement tous ceux qui ne pensent pas comme
» lui. En effet, les fidèles sont rarement d'humeur à laisser les ré-
» prouvés en paix dans ce monde, et un saint qui croit vivre avec des
» damnés anticipe volontiers sur le métier du diable. »
Nous ne voudrions anticiper sur ce métier avec personne, avec
M. de Lenz moins que tout autre, lui qui, dans un endroit de son livre
où il se permet de critiquer un critique distingué , adresse un regret
bienveillant et flatteur à ce qu'il appelle les fines plumes de la Revue
et Gazette musicale. De plus, nous avons à le remercier du soin qu il
a pris ailleurs de relever une erreur par nous commise dans ce jour-
nal, lorsque Fidelio parut cette année au Théâtre-Italien. Sur la foi
d'un souvenir inexact, nous avons dit que Lèonore, tombée à Prague,
s'était relevée à Vienne, tout au rebours de Don Juan, tandis que Lèo-
nore fut donnée d'abord à Vienne, devant un auditoire presque en-
tièrement français, amené là par la victoire. Ce fut certainement un
malheur pour Beethoven que d'être jugé en premier ressort par la
France ; mais la France n'est-elle pas revenue un peu sur son arrêt?
N'a-t-elle pas compensé sa légèreté de 1805 à l'endroit de Léonore par
les témoignages d'une haute estime qui date de plus de vingt années?
A tout péché miséricorde. J^a France a du bon et l'ouvrage de M. de
Lenz aussi ; s'il n'est pas toujours équitable, il est presque toujours
spirituel, et à ce titre il est français.
Paul SMITH.
DES NEUMES
employées à la notation «lu plaln-cnant.
(Premier article.)
On va sans doute me trouver bien lourd et bien ennuyeux ; je le
le comprends, et c'est fâcheux ; mais, dans l'espèce, comme disent les
jurisconsultes, il n'en peut guère être autrement. 11 faut que je tienne
ma parole (1), que j'ai, malgré moi, bien tardé à dégager, mais que
je ne veux pas retirer. Pour vous, lecteurs bénévoles, qui jouissez de
(1) V. la Gazette musicale du 12 octobre 1851.
cette liberté et n'êtes astreints par aucune loi à lire votre journal de-
puis la date du jour jusqu'au nom de l'imprimeur, si vous ne songez
qu'à vous divertir (ce qui prouverait en vous un grand fonds de sa-
gesse), passez ceci , ce n'est point breuvage à vous destiné ; cherchez
plus haut, cherchez plus bas ; je vous absous d'avance de votre péché
d'omission et prie le ciel de continuer à vous tenir en allégresse.
Voilà donc qui est entendu , et, jusqu'à la fin de mon article, je ne
quitterai plus mes ntumes, dont je vais tâcher d'exposer en gros la
théorie, le plus clairement et le plus brièvement qu'il me sera pos-
sible.
Et, pour commencer, le mot neume est-il masculin ou féminin? II
n'existe pas dans la nomenclature académique, et les auteurs qui l'ont
employé le font tantôt d'un genre, tantôt de l'autre ; mais, comme il est
de forme féminine, se terminant par l'e muet, il me semble préférable
de le faire féminin ; ainsi, par une raison semblable, ont agi les Ita-
liens, quand ils ont fait passer ce mot dans leur langue. Les poètes qui
voudraient le faire entrer dans leurs vers ne lui trouveraient pas de
rime, et je leur conseillerais, par licence poétique, de dire nume, au
lieu de neume, comme l'on a dit rhume au lieu de rheume. Le mo^
neume, en latin neuma, on a aussi écrit neugm.a et neonia, est évidem-
ment grec, et personne, je crois, ne pourrait le contester ; mais, tout
en avouant sa source étymologique, on n'est pas d'accord sur son ori-
gine. Les uns, et tout récemment encore le père Lambillotte, dans sa
belle et récente publication de l'Antiphonaire de St-Gall, la fait venir de
vsû(ia, signe, geste, mouvement de tête, inclinaison, penchement, len-
dance, signification que justifie pleinement dans les écrivains grecs le mot
primitif vsûio. Mais on n'a pas remarqué que le mot vjûna n'a jamais
signifié signe d'écriture musicale, ni même signe graphique quelconque.
Pour lui trouver ce sens, il faut supposer une analogie que rienn'aulorise.
Il est beaucoup plus sûr de chercher cette origine dans le mot irvsD|ia,
vent, souffle, respiration, esprit. Le mot neume s'explique ainsi natu-
rellement: c'était une série de degrés musicaux exécutés d'une haleine.
Cette origine est d'autant plus certaine que les Grecs modernes appel-
lent OTEûjionra, esprit, une partie des signes de leur musique qui ex-
priment toujours des tons, par opposition à d'autres signes appelés
ou>[Aorai, corps, parce qu'ils n'ont pas tous la même faculté, et, en
plusieurs cas, n'ont d'autre objet que de signaler la valeur des -vsOaaTa
Ducange, si bien au courant de tout ce qui concerne le moyen-âge
grec et latin, ne s'y est pas trompé, et il ne désigne même les neumes
que par leur nom originaire, qu'il écrit en latin pneuma.
La notation en neumes, dont l'usage remonte assurément pour le
moins au vin' siècle et peut-être au vi°, fut peu à peu et même assez
promptement abandonnée lorsque plusieurs musicistes et, plus que
tous les autres, le célèbre Guido d'Arezzo, [en eurent démontré d'une
manière irréfragable tous les inconvénients, quand celui-ci eut proposé
pour les remplacer, ou plus exactement pour les corriger, un système
préférable à tous égards et qui avait l'avantage de ne s'écarter qu'au-
tant qu'il le fallait des habitudes reçues. Toutefois, la neumation à l'an-
cienne manière continua en quelques lieux, et l'on en peut citer des
exemples jusque dans le xuie siècle. La neumation primitive ayant été
ainsi abandonnée, on ne s'en occupa plus, et les érudits eux-mêmes
perdirent tout-à-fait la connaissance des signes neumatiques en les dé-
clarant indéchiffrables ; nous verrons qu'ils n'ont pas eu tort en un sens,
et qu'à plus forte raison ceux qui ne se donnent pas pour érudits (et
j'en suis) ont pu, à la suite de quelques essais, y jeter leur bonnet et
en donner leur part à qui voudrait la prendre. D'autres plus hardis, on
peut dire plus téméraires, ont décidé à tort et à travers, en se gardant
bien d'aller au but ; ils se sont par dessus tout imposé la tâche de
donner à croire qu'ils en savaient bien plus long qu'ils n'en disaient,
et la vérité est qu'ils ne disaient rien qui eût véritablement importance
ou utilité. C'est seulement à une époque toute récente qu'un des
hommes les plus patients et les plus laborieux que je connaisse,
M. Théodore Nisard, a, autant que faire se pouvait, débrouillé et dilu-
cidé cette ténébreuse matière, d'abord dans une série d'articles dont
236
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
s'est enrichie la Revue archéologique, et qui malheureusement n'ont pas
été continués, mais dont vraisemblablement l'auteur aura reproduit la
substance dans un Mémoire adressé à l'Académie des inscriptions et
belles-lettres, et que cette société a mentionné honorablement. Dans
ce que je vais dire je m'aiderai d'autant plus volontiers de ses savantes
recherches qu'il cite presque toujours in extenso les sources où il
puise. Le père Lambillotte est venu depuis apporter, pour l'illustration
de l'édifice neumatique, de nouveaux matériaux dont j'aurai aussi à
profiter.
En laissant de côté les discussions de détail, on peut dire que la neu-
mation était précisément ce qu'est pour nous la notation. Ntumer une
antienne ou toute autre pièce, c'était ajouter les notes au-dessus des
paroles destinées au chant : Neumare est notas verbis musice decon-
tandis superadilere, écrit Du Cange, et Guido dit à peu près la même
chose. Mais l'idée de neume ne correspondait pas précisément à notre
mot note ; car par celui-ci nous concevons toujours un signe isolé, re-
présentant un ton unique, tandis que par l'autre il faut entendre ,
comme je l'ai déjà marqué en parlant de son étymologie, une série de
tons plus ou moins nombreux , émissibles d'une seule haleine. Une
neume pouvait s'appliquer à plusieurs syllabes ou à une seule , et quel-
quefois une seule syllabe portait plusieurs neumes. Ces neumes pou-
vaient être de deux, de trois, de quatre, etc., degrés ascendants, des-
cendants ou permanents.
Les définitions données parles anciens écrivains rentrent toutes dans
l'idée qui vient d'être exprimée. Au dire de Hugband, le premier en
ordre chronologique des écrivains spéciaux du moyen-âge, ce sont des
parties de la cantilène, parles cantihnœ, des signes de plusieurs sons,
plurium soiiorv.ni signa. Dans des écrivains plus récents, c'est encore
pour Marchetti de Padoue une réunion de notes qui forme, assemble,
distingue et conclut le chant. Le même mot s'est aussi entendu non
plus des signes du chant, mais bien du chant lui-même. Saint Guillaume
l'a employé dans le sens ^'intervalle. On l'a aussi appliqué, sans doute
fort mal à propos, à la barre de mesure qui embrasse toutes les lignes
et marque les divisions d'un morceau de musique ou de plain-chant.
Enfin on s'est servi du mot neume pour désigner une traînée de notes
faite à la fin d'une antienne ou de toute autre pièce, sur la dernière
syllabe, et qu'ailleurs on a quelquefois appelée jubilus ; c'est même
dans cet unique sens que le mot neume s'est conservé dans les traités
modernes de plain-chant, l'autre étant tout à fait tombé en désuétude.
Ici ce n'est qu'en qualités de signes de l'écriture musicale que les
neumes doivent être examinées. Parmi ces signes, celui qui désignait un
ton unique appliqué à une syllabe portait entr'autres noms celui de
point, punclum, et l'on a par suite nommé points les éléments, c'est-
à-dire les différents degrés de la neume, et le sens primitif de ce mot
s'est conservé dans celui de contrepoint. Toutefois la division des neu-
mes en points pourrait bien n'avoir été admise qu'après Guido, et lors-
que l'on commençait à noter non plus en neumes, mais en points véri-
tables, ou bien lorsque les neumes se plaçant sur les lignes de la portée
guidonienne, le degré où la voix devait varier d'intonation dans les
nœuds de deux, trois, quatre, etc., degrés, était caractérisé par un angle,
une duplication, un grossissement, un épatement du trait qui détermi-
nait la série de tons à exprimer. Peu importe d'ailleurs que cette dé-
composition des neumes en points soit plus ou moins ancienne, puis-
qu'elle devait inévitablement exister dans la pensée du chanteur qui
lisait une pièce neumée.
Les signes neumatiques sont simples ou composés.
Les premiers s'appliquent à un seul degré, sans qu'il soit nécessaire
que ce degré ait une syllabe à lui propre. On les nomme punctum ou
punctus, virgula, pressus, etc.
Les signes composés sont ceux qui sous une seule figure renferment
plusieurs degrés : scandicus, climacvs, podatus, etc.
Les signes simples peuvent s'unir aux signes composés, et former
ainsi des groupes qui passent sur une seule syllabe; mais un signe
composé ne saurait jamais s'appliquer à plusieurs syllabes.
Les signes composés peuvent, d'après les principes de M. Nisard,
se diviser en trois classes : 1° signes formés d'une ligature simple qui
attache l'un à l'autre chacun des degrés de la neume, et que, par con-
séquent, on pourrait appeler nœuds ; 2° signes formés de points déta-
chés, mais groupés en raison de leur mouvement ascendant ou des-
cendant ; 3° signes mixtes qui se composent des deux combinaisons
précédentes. Ce mélange n'a rien qui doive étonner, et le motif en est
évident. Les neumatistes, n'ayant pas de signes pour exprimer tous les
groupes possibles de degrés, faisaient suivre un nœud d'un autre
nœud ou bien d'un signe simple, et, lorsque la chose leur convenait,
de plusieurs signes simples placés à la suite les uns des autres en di-
verses positions.
Se fondant principalement sur deux passages, l'un de Guido, l'autre
du poëte Prudence, M. Nisard croit que les neumes sont des formules
tachygraphiques du genre de celles dont les anciens Romains faisaient
usage pour la reproduction des discours de leurs orateurs et des le-
çons qui se donnaient dans des chaires publiques; mais j'avoue que ce
système ne me semble pas suffisamment étayé. D'abord ces écrivains
qui ont parlé des moyens de sténographie anciennement employés (et
ils ne sont pas fort nombreux) n'ont jamais dit que ces moyens s'ap-
pliquassent à la musique, et l'on ne voit pas véritablement quelle utilité
ils auraient eue en ce sens. A la vérité, Guido, après avoir dit que la
notation en lettres lui paraissait excellente, sans doute pour l'enseigne-
ment, puisque de son temps on ne faisait pas de la notation en lettres
un usage journalier,
Solis litteris notare optimum probavimus ,
ajoute que pour abréger l'on se sert de neumes :
Causa vero breviandi neumaj soient fieri;
mais évidemment ici le principe est tout différent. Les signes tachy-
graphiques de la parole devaient être traduits dans l'écriture vulgaire
pour être compris de tout le monde, et cela est si vrai que les manu-
scrits les plus anciens que nous connaissions ne renferment précisément
aucun signe abréviatif, tandis que tout au contraire les neumes chan-
geaient des lettres musicales connues en signes nouveaux dont il fallait
acquérir l'habitude. L'usage des neumes devait donc avoir un principe
différent.
Le passage de Prudence ne me semble pas non plus assez explicite
pour que l'on se décide, comme le fait sans hésiter M. Nisard, à en
faire application à la musique. Ce poëte du ive siècle, célébrant saint
Cassien, martyr, le représente comme un habile tachygraphe :
Verba rôtis brevibus comprendere multa peritus,
Raptimque punctis dicta prœpetibus sequi.
On sent bien que les mots notes, brèves et points ne peuvent s'appli-
q uer en ce cas à la musique que par une analogie qui n'est aucune-
ment indiquée , puisqu'il ne s'agit que de l'écriture reproductive du
discours. La conjecture de M. Nisard, tout ingénieuse qu'elle est, ne
me semble donc être en somme qu'une conjecture.
Je pense qu'il ne faut chercher l'origine des neumes que dans elles-
mêmes, c'est-à-dire dans leur forme matérielle et dans l'avantage
qu'elles offraient de peindre à l'œil les progressions de la voix. Là ré-
sidait leur véritable et incontestable utilité. Leur introduction fut une
innovation des plus importantes, et leur substitution aux lettres ou
mutilations de lettres grecques ou latines, un grand avantage pour
l'exécution. Elles présentèrent pour la première fois au sens delà vue
les formes en quelque sorte matérielles de la mélodie exprimée au
moyen de lignes et de points que la pensée analysait aisément. Je dirai
bientôt quels graves inconvénients elles portaient avec elles.
Adrien de la FAGE.
DE PAI'.IS.
237
REVUE CBITIQUE.
BIieM<iii<> ctc Piano.
GRANDE FANTAISIE SUR LE PROPHETE,
PAR M. LÉOPOLD DE MEYER.
NOCTURNE, ROMANCES SANS PAROLES, GALOP,
PAR M. CHAULES JOllX.
Depuis la venue en ce monde musical du Prophète, il est né de cette
belle partition une foule d'ouvrages, d'arrangements, de fantaisies qui
ont participé du bonheur de leur origine. Quand on a sous les yeux et
qu'on cherche à se mettre sous les doigts le morceau que vient d'é-
crire M. Léopold de Meyer sur cet ouvrage lyrique, si dramatique, on
se prend à se dire, h se répéter cet axiome populaire : Aux derniers
les bons. Ce morceau intitulé : Grande fantaisie sur les motifs du
prophète, à l'illustre giacomo meyerbeer, est un solo de piano, bril-
lant et dramatique et d'un effet sûr, soit qu'on le joue au salon ou dans
une salle de concert ; mais surtout quand il est exécuté par l'auteur.
M. Léopold de Meyer ne procède point comme ses confrères en fan-
taisies : ce n'est point sur un fragment étriqué d'un des motifs princi-
paux de la partition qu'il bâtit son introduction ; il entre tout d'abord
en matière par le cantique, la mélodie principale du final du troisième
acte : Roi du ciel et des anges, je dirai les louanges. Cette large mé-
lodie est attaquée en la bémol majeur et par accents brefs, puis en
style lié, puis une troisième fois surmontée d'un accompagnement fi-
gurant les arpèges entrecoupés de harpes du paradis ou celles de l'or-
chestre de l'Opéra. Après ces prolégomènes largement posés , excel-
lente préface qui fixe on ne peut mieux l'attention sur une des plus
belles mélodies de l'œuvre de Meyerbeer, le fantaisiste chante, avec
des broderies charmantes, avec des caprices délicieux de légèreté , la
jolie romance du deuxième acte :
Pour Bcrthe, moi, je soupire,
Je ne veux pas d'autre empire.
Ce chant, dit d'abord en si bémol majeur, comme dans la partition,
passe en ré bémol majeur, toujours orné de broderies que se partagent
les deux mains, et compliqué de plus, ici, d'un trille sur la dominante
de ce ton de ré bémol, trille d'une animation, d'une richesse et d'une
vivacité délicieuses. Tout cela aboutit à un point-d'orgue, une cadeuza,
un dessin en arabesque, sorte de pluie en perles fines ou de fines mé-
lodie qui ne cesse que pour laisser entendre le galop des chevaux de
l'escorte du comte Oberthal venant pour enlever Berthe. Le drame de
l'enlèvement se développe : on entend les menaces des féroces hom-
mes d'armes d'Oberthal ; les cris de rage, et de douleur et d'effroi de
Jean de Leyde, de sa mère et de sa fiancée. Avec cet ensemble si dra-
matique, s'annonce, en s'y mêlant le chant religieux du sacre dans la
basilique de Munster, qui, du ton de ré bémol, passe ingénieusement
en ut majeur et puis en mi bémol majeur. Sur la mélodie si religieuse
et si grandiose : Le voilà le roi prophète, etc., le compositeur, l'arran-
geur qui est pianiste, soliste avant tout, se livre à une intempérance de
broderies, de traits, de trilles incessants qu'il distribue en faciles et
difficiles pour les s mples amateurs ou amateurs-artistes par des ac-
colades supplémentaires ; et au milieu de ce luxe éblouissant de notes,
perce toujours la pompeuse mélodie annonçant l'arrivée dans le temple
du roi-prophète, qui va se dessinant dans son allure grave, et douce et
noble, sous ce gazouillement de mille oiseaux ; et cela, diminuendo,
perdendosi, se repose enfin sur la dominante du ton primitif de la bé-
mol, tonalité dans laquelle intervient le pas des patineurs qui imite
d'une façon si pittoresque l'exercice des coureurs sur la glace. Ce des-
sin-mélodie convient on ne peut mieux au piano ; il est d'un charmant
effet sur cet instrument ; il est léger, pimpant et plein d'élégance.
M. Meyer l'a orné d'une basse compliquée pour la main gauche, qu'il
a simplifiée encore par une troisième ligne supplémentaire comme
celles dont nous venons de parler plus haut.
A ce pas des patineurs, varié avec infiniment de goût, se joint, avec
une modulation rationnelle, le chœur si bien rhythmé des bourgeois de
Munster, par lequel s'ouvre le quatrième acte :
Courbons notre tête ;
Craignons les méchants.
Ce chœur si plein d'effets contrastés à la scène par les cris d'enthou-
siasmes et les malédictions à voix basse dont la bourgeoisie hypocrite
et lâche de Munster poursuit le tyran, est bien mis en scène aussi sur
le clavier. Cette mélodie énergique, franche et bien rhylhmée se mêle
à celle du chant religieux et guerrier du final du troisième acte : Roi du
ciel et des anges, qui est rappelé ici on ne peut plus heureusement, et
forme la péroraison animée et pleine de chaleur de cette grande fan-
taisie, de ce drame lyrique pour le piano, dans lequel une foule d'idées
accessoires, mais ingénieuses, viennent se joindre à celles du dernier
chef-d'œuvre de Meyerbeer, dont M. Léopold de Meyer a fait un
brillant résumé.
— M. Charles John est le virtuose de l'intimité, le pianiste des dames
baronnes, comtesses, vicomtesses, auxquelles il dédie des nocturnes,
des romances sans paroles, et des galops, etc. Comme Chopin, qu'il
n'a pas la prétention de remplacer cependant, il est craintif de-
vant le public et sa mélodie est gracieuse ; sa manière de'jouer du
piano craintive comme la sensitive; il lui faut le demi-jour du bou-
doir pour se faire ouïr: aussi le nocturne mystérieux, berçant l'audi-
teur de rêverie, lui va-t-il. Celui qu'il a écrit pour Mme la comtesse de
Béthune réunit toutes les conditions de ce genre de musique milliflue.
Cela est en mi mineur, en mesure à six-huit : cela va, se promène avec
assez de grâce. La mélodie, qui en est facile et naturelle, marche sans
être gênée d'un double dessin d'accompagnement en six croches et
douze doubles croches qui évoluent avec aisance à la Thalberg. Cela
n'a pas la prétention de moduler scientifiquement et n'a que l'étendue
de quatre pages de gravure qui sont dédiées à Mme la comtesse de
Béthune.
Comme Mendulssohn , qui a écrit des romances sans paroles ,
M. Charles John a jeté sur le papier, pour être offertes à Mme la vie vi-
tesse Elysa des Roys, trois jolies bagatelles de ce genre intitulées :
Barcarolles, Souvenir et Sérénade, douces élégies d'une forme encore
plus exiguë que le nocturne dont nous venons de parler. Ces gentilles
balançoires musicales, qu'on pourrait nommer aussi des berceuses, car
elles sont en mesures à douze-huit et six-huit, ont le caractère mélodi-
que et harmonique et peu modulé de nos romances françaises, ayant
sur elles cependant l'avantage de n avoir point de paroles niaises ou
inconvenantes. C'est toujours ça de gagné.
Le Galop brillant, mis sous le patronage de Mme la baronne Clo-
tilde Duquesne,est une œuvre largement terpsichorienne : c'est alerte,
varié, bien rhythmé, suffisamment modulé et largement développé ; il y
a là dedans de la gaîté, de la verve et de l'entrain et jusqu'à du délire...
réglé cependant par l'impérieux deux-quatre et la logique de la modu-
lation. Un peut dire enfin de ce galop , d'une exécution bridante et
même facile , ce que dit Damis, le métromane, dans le chef-d'œuvre
de Piron :
La mère en prescrira la lecture a sa fille.
Henri BLANCHARD.
NOUVELLES.
%* Demain lundi, à l'Opéra, le Juif errant.
*** Pendant la semaine qui vient de finir, la lutte s'est continuée entre
une chaleur tropicale et un répertoire des plus brillants. Le Prophète, le
Juif errant , Guillaume Ttll, se sont présentés successivement comme
champions du répertoire, et leurs efforts n'ont pas été perdus. La salle de
l'Opéra n'a cessé de présenter un aspect digne des meilleurs temps de
l'année. C'est au zèle des artistes qu'il faut rendre grâce de l'empresse-
meut du public, parmi lequel on remarque beaucoup d'étrangers.
%* Il est toujours question de reprendre le Mohe de Rossini, et les
études se poursuivent. Voici comment les rôles seront distribués :
Aménophis, Gueymard ; Eliezer, Chapuis; Pharaon, Jlorelli; Moïse, Obin;
Oziride, Depassio; Sinaïde, Mlle Poinsot; Marie, Mlle Masson ; Anai,
Mme Laborde.
238
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
%* Le ténor Rousseau de Lagrave quitte décidément l'Opéra et va don-
ner des représentations en province et à l'étranger. 11 commencera par
se faire entendre à Chambéry.
*„* Bauche, le ténor, que nous entendions il y a trois ans à l'Opéra-
Comique, doit débuter bientôt a l'Opéra.
*„* La première représentation de la Croix de Marie , musique de
M. Maillart, est annoncée pour demain lundi à l'Opéra-Comique.
%* Le directeur des Beaux-Arts vient de décider que les bustes des
principaux auteurs qui ont illustré la scène de l'Opéra-Comique seraient
placés dans le foyer de ce théâtre. En conséquence, quatorze bustes ont
été commandés a divers artistes, savoir : huit|pourlesmusiciens:Monsigny,
Grétry, Dalayrac, Méhul, Berton, Boïeldieu, Nicolo, Hérold; et six pour
les auteurs dramatiques : Favart, Sedaine, Marmontel, Marsollier, Saint-
Just , Etienne.
%* Adolphe Adam termine l'opéra en trois actes qu'il s'est chargé d'é-
crire pour la prochaine saison du Théâtre Lyrique dirigé par M. Jules
Séveste.
%* Georges Bousquet compose également la musique d'un opéra en
deux actes pour le même théâtre.
*** Un journal annonce à tort qu'Audran, l'ex-pensionnaire de l'Opéra-
Comique, est engagé au Grand Théâtre de Marseille en qualité de ténor
léger et pour tout le temps de la nouvelle campagne; on le dit même
parti pour cette ville. Il n'en est rien. Audran vit paisiblement en fa-
mille dans sa petite maison de campagne d'Ecouen. Il n'ira à Marseille
qu'au commencement du mois de septembre, où il se fera entendre dans
quelques représentations extraordinaires seulement En attendant l'époque
de son départ, Audran complète son répertoire d'opéra comique par l'é-
tude des derniers rôles créés par Roger, notamment celui de Scopetto,
dans la Sirène, qu'il chante à ravir.
%* Par décision ministérielle, le droit des hospices continuera d'être
payé par les théâtres sur le taux actuel.
*** Les concours à huis clos sont commencés au Conservatoire de mu-
sique et de déclamation. Dimanche dernier, les élèves des classes d'har-
monie et d'accompagnement pratique, ayant pour professeurs MM. Bazin,
Lecouppey, Bienaimé et Mme Dufresne, sont entrés en loge. Aujourd'hui
c'est le tour des élèves d'harmonie, dont les professeurs sont MM. Elwart
et Reber, et des élèves des classes de contrepoint et de fugue, tenues par
MM. llalévy, Carafa, Adolphe Adam et Leborne. Ces divers concours seront
jugés dans la dernière semaine du mois.
*„* Tamburini et Mme Persiani, à peine arrivés de Saint-Pétersbourg,
ont pris part l'autre semaine à une fête brillante qui se donnait dans les
salles de la mairie de Neuilly. Alexis Dupond a chanté avec Mme Persiani
un duettino d'Alary.Mlle Joséphine Martin, la charmante pianiste, Alard
et son violon prodigieux, tenaient aussi leur place dans cette fête musi-
cale, qui a produit pour les indigents une abondante aumône.
%* Un jugement de la 7e chambre du tribunal de première instance
vient de décider, contrairement aux conclusions du ministère public, que
les droits de la Société des auteurs et compositeurs de musique, dont
M. Henrichs est l'agent général, pouvaient s'exercer même contre les ar-
tistes qui organisent un concert à leur profit. M. Offenbach a été con-
damné à 25 fr. d'amende et 25 fr. de dommages-intérêts; M. Léon, à
50 fr. d'amende et à 50 fr. de dommages-intérêts. M. Offenbach a inter-
jeté appel de cette décision.
%* Rossini a présidé il y a peu de jours à l'exécution de ses admira-
bles chœurs, la Foi, l Espérance et la Charité, dans un concert de la So-
ciété philharmonique de Florence. Aux artistes les plus distingués s é-
taient joints d'illustres amateurs, comme la princesse Poniatowski et la
comtesse Orsini. Le prince Carlo Poniatowski a chanté plusieurs mor-
ceaux avec ce sentiment élevé de l'art que tout le monde lui connaît.
%,* Le jeune violoniste, Paul Julien, parti pour l'Amérique, vient d'ar-
river à New-York. Pendant la traversée, il n'a pu se dispenser déjouer
à bord du navire, le Franklin. La recette s'est élevée à plus de 60(i fr , et
l'intéressant artiste a chargé le capitaine de la remettre à l'asile des pau-
vres orphelins et veuves de la marine américaine.
*„* Le conseil municipal de Paris a voté récemment sur la réorganisation
des corps de musique de la garde nationale de Paris. Bien que réduite â
cinq corps, dont un pour chacune des subdivisions actuelles, la musique
delà garde nationale coûtera annuellement 18,000 fr. de plus que lorsqu'il
y avait douze lésions sur pied. Cette augmentation est consentie, dit la
déclaration, en vue d'encourager l'art et de venir en aide aux artistes.
V La Suède, qui avait déjà produit Jenny Lind et Mlle Nissen, vient
encore d'envoyer en Allemagne une nouvelle cantatrice, remarquable par
sa voix et par sa méthode : c'est Mlle Westersland, de Stockholm, qui est
maintenant à Berlin, pour s'y perfectionner dans la langue allemande.
%* Un projet qui obtiendra le sympathique assentiment de tous ceux
qui aiment l'art sérieux et gardent un culte aux grands artistes qui en
furent la gloire, est sur le point de s'effectuer dans le département des
des Hautes-Pyrénées Une souscription, à la tête de laquelle figurent les
noms des premières autorités et des hautes notabilités du département,
est ouverte à Tarbes pour l'érection d'un monument à la mémoire de
l'illustre violon Lafont, qui a péri si malheureusement dans cette contrée.
Toute, la France artistique voudra, de fait et de cœur, s'associer à cet
hommage rendu à un grand artiste qui a laissé de son admirable talent
un impérissable souvenir, et les noms des nombreux voyageurs qui vont
tous les ans faire une excursion d'art dans les Pyrénées ne tarderont pas
à remplir les listes de la souscription. — Les personnes qui désireront
souscrire à Paris sont priées de déposer leurs offrandes, dont le chiffre
est facultatif, au bureau de la Gazette musicale, chez M. Brandus, éditeur
de musique, rue Richelieu; ou, si elles le préfèrent, à Tarbes même, en
s'adressant à M. Guttmann, artiste et professeur de musique, chargé de
tous les détails de la souscription.
%* Emile Prudent n'est pas encore revenu de Londres. Il est retenu
dans cette ville parles magnifiques propositions qui lui sont faites pour
accompagner Mme Sontag en Amérique. On ne sait encore si réminent
artiste acceptera.
V Vieuxtemps est de retour, après avoir décidément renoncé au sé-
jour de la Russie et à la position qu'il y occupait.
%* M. Ilocmelle. organiste de Saint-Thomas d'Aquin, a improvisé un
Te Veum en cette église, hier samedi, veille de la fête patronale de la pa-
roisse.
%* Mme Steinor-Beaucé sœur de Mme Ugalde, vient de signer un ma-
gnifique engagement avec le théâtre de la Monnaie, à Bruxelles.
%* Les journaux de Boulogne ne tarissent pas en éloges sur le talent
de Mlle Sophie Noël, jeune cantatrice que nous pourrons incessamment
juger à Paris. Mlle Sophie Noël s'est fait encore très-vivement applaudir
il y a quelques jours dans la Fè<; aur. Ruses. Elle a été ravissante.
%• Mlle Mattmann, une de nos pianistes les plus distinguées, vient
d'épouser M. Démarche.
%* Les journaux de Madrid sont remplis des succès de Gottschalk. A
son dernier concert au théâtre del Principe on lui ajeté une magnifique
couronne.
*4* La Société de musique religieuse dont le journal (le Choeur) se pu-
blie à Nancy, avait mis au concours pour sa quatrième année 1851-52,
les sujets suivants : 1° traiter le Regma cœli en faux bourdon alla capella;
2° les mêmes paroles en motet à trois voix ; 3° l'hymne de l'office de
Sainte-Cécile (du bréviaire Mozarabe) en chœur et en solo alternatifs avec
refrain ; 4° un répons du même office arrangé de même ; 5" enfin une
pièce d'orgue sur la pastorale de Beethoven avec quelques lignes fuguées.
Le prix, qui, cette année, consiste en une médaille de bronze et un vo-
lume des œuvres des grands maîtres, a été gagné ex œquo par deux
étrangers d'une assez grande valeur artistique : M. Louis Liebé, directeur
de la Société philharmonique à Strasbourg, et M. l'abbé Jacques Toma-
tlini, organiste de la collégiale de Cividale en Lombardie. Le Chœur
va publier dans son dernier numéro une partie de la composition des
deux lauréats. Le dernier numéro de quatrième année contenait un motet
de Palestrina, un Tantum ergo de Lefranc, ancien enfant de chœur de la
Sainte-Chapelle; deux antiennes à quatre voix par Dom Schubgier, maître
de chapelle de Notre Dame-des-Ermites,un Ave maris Stella du xvi° siècle;
enfin une pièce d'orgue de Rinck.
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1" ACTE.
LÉGENDE chantée par Mme Tedesco : « Pour expier envers lui
ses outrages. » 3 75
bis. La même transposée pour soprano 3 75
LE COUVRE-FEU chanté par M. Merly et chœur : « De par le
bourgmestre, de par nos échevins. » 4 50
bis. Le même pour voix de basse seule 3 75
CHOEUR DE MALANDRINS : « Au loin tremblez tous. » 6 »
ROMANCE AVEC RECITATIF chantée par M. Massol : « Ils
partent frappés de terreur. » 4 50
bis. La Romance seule transposée pour ténor 3 75
DUO chanté par Mme Tedesco et M. Massol : a Théodora,
qu'ici le ciel m'envoie. » 7 50
«« ACTE
SCÈNE ET TRIO chantés par Mmes Tedesco et La Grua, et
M. Roger : « Douze ans sont écoulés. » 6 »
QUATUOR pour 4 basses, chanté par MM. Depassio, Guignot,
Canaple et Noir : » On m'a dit vrai, jamais plus charmante
beauté. » 9 »
. ROMANCE chantée par Mme Tedesco : « A moi, ta sœur et
ton amie. » 3 »
bis. La même transposée pour soprano 3 »
, DUO AVEC RECITATIF chanté par Mme Tedesco et M. Roger :
« Sa voix, sa vue enchanteresse. » 7 50
, CHOEUR de la Saint-Jean : « Saint-Jean ! Saint-Jean 1 » 6 »
3e ACTE.
il. AIR AVEC RÉCITATIF chanté par Mlle La Grua : « O mer-
veille ! ô prodige ! auquel je crois à peine. » 6
11 bis. Le même transposé pour contralto 6
MORGE&U& ET
Ouverture arrangée par II. Potier G »
Fréd. Burgmuller. — Grande valse 5 ,i
M. Decourcclie. — Fantaisie à quatre mains 7 50
•J. B. Uuvernoy. — Deux fantaisies ; chaque 5 »
A. E.e Carpemîer. — 138e et 139e Bagatelles; chaque .... 5 »
R. Unlder — Op. 23. Caprice guerrier 9 »
— Op . 24. Andante de concert 5 »
H- Kosellen. — Fantaisie brillante 7 50
A. Taléxy. — Op. 46. Fantaisie brillante 7 50
Cli. Vos». — Op. 139. Grande fantaisie dramatique 9 »
12. ROMANCE chantée par M. Roger : « Une sœur, une amie,
ange de la maison. » 3 »
12 bis. La même transposée pour baryton 3 »
13. STROPHES chantées par Mme Tedesco : « Que nos voix vers
le ciel montent. » 4 50
13 bis. Les mêmes transposées pour soprano 4 50
4e AWE.
14. AIR AVEC RÉCITATIF chanté par M. Roger : « A ce palais
dont la magnificence. . . » 5 »
14 bis. Le même transposé plus bas 5 »
15. ROMANCE extraite de l'air chantée par M. Roger : « Vous
n'êtes plus, jours d'innocence. » 57
15 bis. La même transposée pour baryton 3 75
16. DUO chi.nté par Mlle La Grua et M. Roger : « Le ciel nous a
réunis. » ? 50
16 bis. ROMANCE extraite du duo : « O ciel! est-ce un rêve? ». . 3 75
17. AIR chanté par M. Massol : « De Dieu l'éternelle clémence. ». 5 »
17 bis. Le même transposé pour ténor 5 »
17 1er. Le même transposé pour basse 5 »
18. QUINTETTE pour 5 voix de basse, chanté par MM. Depassio,
Guignot. Canaple, Goyon et Noir : « La nuit est sombre. » 3 75
18 bis. Le même réduit à 1 voix de basse 2 50
5<= ACTE.
19. QUATUOR chanté par Mlle La Grua, Mme Tedesco; MM. Ro-
ger et Massol : « Tu m'as sauvé, mon père !» 5 »
19 bis. ROMANCE extraite du quatuor, chantée par M. Roger :
« Quand chacun te fuit ici bas. » 5 »
20. EVOCATION chantée par M. Chapuis : <c La voix du Seigneur
vous appelle. » 2
50
SUR CET OPERA
W. ILouîk. —Op. 228. Fantaisie pour piano et violon 9 »
iLe*-. — Op. 64. Fantaisie pour violoncelle avec accompagnement
de piano 7 50
A. Feshy. — Trois fanfares pour musique de cavalerie. Chaque. 5 >•
1rs» arrangés pour deux violons, par N. Louis, trois suites. Ch. 9 ■>
— arrangés pour deux cornets à pistons, par Caussinus, trois
suites. Chaque 9 »
— arrangés pour deux flûtes, par E. Walkiers, trois suites. Ch. 9 »
— arrangés pour violon seul, flûte seule et cornet seul. Chaque
instrument, deux suites à 7 50
H. Potier. — Sept airs de ballet et une marche :
1. Pas des Esclaves 4 50
2. Pas des Voiles 4 50
3. Le Bourdonnement U 50
4. Le berger Aristée 4 50
5. La Ronde 4 50
6. La Reine des Abeilles 4 50
7. La Ruche 4 50
Marche triomphale 2 50
EUllng. — Polka des Abeilles 4 ,,
MUSIQUE DE DAHSE
A, de Lcnonronrt. — Redowa 4 "
— Quadrille de salon 4 50
Sïarx. — Quadrille facile 4 50
SZusard. — Deux quadrilles. Chaque h 50
— Les mêmes, à quatre mains. Chaque 4 50
— Suite de valses 6 »
— La même, à quatre mains 7 50
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S.'ISSCtli.
IY' 30.
2î> Juillet 18o2.
|l»rlx ilt I" tho
Départements, Belgique -
Étranger
Le Journal p/iroït le Dimai.che.
SOMMAIRE. — Théâtre de l'Opéra-Comique, la Croix de Marie, paroles de
MM. Lockroy et Dennery, musique de M. Aimé Maillart (première représenta-
tion), par ISi-nri Rlnnrlinr<<. — Richard Wagner (6e article), par IFV-tis
père. — De la musique plus que jamais. — Conservatoire de musique et de dé-
clamation, concours. — Nouvelles et annonces.
THEATRE DE L'OPÉRÀ-COBHQBE.
l'A CROUX E>E MARIE,
Opéra comique en trois actes, libretto de MM. Lockroy et Dennery,
partition de M. Aimé Maillart.
(Première représentation le 19 juillet 1852.)
La pièce représentée lundi dernier au théâtre de l'Opéra-C( mique
serait un drame émouvant, saisissant, et même un mélodrame, car il
y a de la musique de c° genre dans la Croix de Marie, si Couderc,
par son entrain et sa gaîté communicative , ne faisait un véritable
opéra comique de cette pièce, qui tient aussi du genre fantastique,
merveilleux et religieux : c'est une légende bretonne dans laquelle la
Vierge et l'une de ses élues jouent des rôles importants. Cet opéra co-
mique serait donc venu plus à propos dans le mois de Marie qu'en
juillet; mais quoiqu'il soit arrivé dans la morte saison, il est fait pour
raviver les succès continuels et traditionnels auxquels le théâtre de
l'Opéra-Comique est accoutumé. L'action se passe donc en Bretagne,
près de Vannes, au temps de la régence, époque peu propre aux
croyances religieuses, mais n'importe; la Bretagne a toujours été citée
pour sa catholicité et même, sa superstition. Le père Kérouan, vieux
pêcheur, est donc un Breton vertueux, entêté brutal et croyant. Sa
fille Marie croit aussi en la sainte Vierge. Comme Mlle Marie n'est pas
moins entêtée que M. son père, et qu'elle aime un fort aimable inconnu
qui se fait passer pour proscrit, son amour croît avec les obstacles.
Ces obstacles viennent d'un sous-officier de marine, jeune homme qui
a été élevé avec Marie, qu'il adore et dont il se croit aimé par suite
d'un quiproquo; du père de Marie qui la desîine à son jeune compa-
triote ; et de l'inconnu, qui n'est autre que le marquis de Torcy ou de
Dorcy, capitaine de vaisseau, marié, et l'un des roués du régent. En
cette dernière qualité, il s'est vanté près de ses amis de triompher de
la jeune Marie; et ce sont les roueries de ce marquis, l'amour noble
et généreux du jeune sous- officier, la vertu et la dévotion de l'héroïne,
et l'amour maternel de celle à qui elle doit le jour, intercédant auprès
de la vierge Marie et descendant du ciel pour venir protéger sa fille
chérie ; ce sont toutes ces choses et d'autres encore qui forment le
nœud de cette pièce quelque peu exceptionnelle, comme on voit par
le sujet, sorte de mystère dramatique, ainsi qu'il s'en jouait au moyen
âge. L'action en est bien mouvementée ; la coupe et la couleur en sont
musicales, et le compositeur s'est souvent bien inspiré de tout cela.
M. Aimé Maillart est de cette compagnie de compositeurs qu'on ap-
pelle les prix de Rome, et qui seront bientôt assez nombreux pour for-
former un régiment. Leur talent, leur faire semblent jetés dans le
même moule. Ils écrivent correctement, instrumentent brillamment ;
mais leur mélodie est pointue, boiteuse, maniérée et ne procédant
que par appogiaiure ; ils craignent tant de faire du chant commun,
plat, qu'ils le font d'un style tourmenté. M. Maillart n'est pas exempt
de ce défaut. De même que Grétry, qui aurait donné un louis pour en-
tendre une chanterelle en écoutant Uthal, opéra comique héroïque
dans lequel les altos remplaçaient les violons, on serait tenté d'offrir
une récompense honnête au jeune compositeur qui serait capable
d'écrire une mélodie simple, procédant diatoniquemenl dans le
principe vocal d'une déclamation vraie, et n'évitant pas de se reposer
sur la tonique ou la dominante, en déguisant ces repos naturels par
des petites notes supérieures ou inférieures. En écoutant même les
effets recherchés et crus de l'harmonie actuelle, on peut dire à ceux
qui tombent dans cet abus :
L'esprit qu'on veut avoir gâte celui qu'on a.
En ne forçant point son talent, comme dit encore le poëte, M. Mail-
lart a écrit une romance délicieuse de grâce, de naturel et de simplicité
chantée par Marie au deuxième acte. La ritournelle de cor, à laquelle
se joint la flûte, fait de cette petite élégie une perle mélodique d'un
sentiment musical exquis. Il y a dans le duo qui suit une charmante
mélodie aussi sur ces mots : Il faut céder. Le chœur des buveurs qui
ouvre ce second acte est coupé par des couplets chantés par Dorcy en
style fandango, boléro, avec castagnettes. Pourquoi? A quel propos la
couleur espagnole dans cette pièce à mœurs bretonnes?
Le plus grand tort de l'auteur de cette partition et de ses émules,
c'est de faire de l'éclectisme musical, de chercher une manière, de
manquer enfin d'originalité. Il y a dans le style de M. Maillart de l'Au-
ber, du Donizetti, du Meyerbeer, de l'Halévy. Certainement sa mélo-
die est distinguée et son harmonie élégante ; son instrumentation est
riche, animée, et sonne bien dans les morceaux d'ensemble, comme
elle est fine, ingénieuse, dans les petits morceaux détachés ; mais le
neuf, l'inattendu, le pittoresque, l'éclair de déclamation, comme, par
exemple, la note de basson qui exprime si bien le bâillement d'Ali dans
le premier duo de Zémire et Azor, et une foule d'autres effets qu'il se-
rait trop long de citer ici, l'inspiration scénique enfin manque. Nos
premiers prix de Rome, qu'on est convenu d'appeler de jeunes com-
positeurs, livrent au public des partitions bien faites, mais danslesquelles
se fait remarquer l'absence de ces chants qu'on retient tout d'abord,
de ces mélodies parlantes comme nous en ont tant donné Grétry,
Méhul, d'Aleyrac, Boïeldieu, Nicolo, Auber, et même de ces hardiesses
en harmonie qu'on trouve dans le Fràichûts de Weber et jusque dans
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
la partition du Délire, de Berton. Et d'abord, comme nous ne cessons
de le dire depuis longtemps, et comme nous le répéterons toujours, nos
vieux compositeurs français se donnaient la peine d'écrire une ouver-
ture, et ne se bornaient pas seulement à mettre pour préface à leur
ouvrage une espèce de fantaisie, de pot-pouri, d'arrangement de quel-
ques-uns des motifs de la partition. C'est dans ce système qu'est faite
l'ouverture de la Croix de Marie.
Les ouvertures conçues ainsi manquent de plan, d'unité de pensée.
Celle de l'ouvrage nouveau commence par une prière d'un bon style,
mélodique et harmonique. Les violoncelles se marient bien ensuite
avec des arpèges de harpes, instrument et forme d'accompagnement
consacrés à nous peindre la musique qui vienC du paradis : c'est con-
venu. La clarinette nous dit après ^cela une belle et noble mélodie en
fa majeur sur un joli pizzicato ; le hautbois imite au mieux ensuite le
son nazillard du biniou, instrument^ des paysans bretons, qui doit fi-
gurer plus tard dans la marche religieuse des vierges de Sainte-Kermo ;
puis vient le rondo, péroraison obligée de toutes les ouvertures mo-
dernes; et voilà la préface un peu décousue de la Croix de Marie,
dans laquelle le compositeur semble avoir mis, comme on dit vulgaire-
ment, tous ses œufs dans un panier, c'est-à-dire tous les soli, toutes
les ficelles de la moderne instrumentation, en style aussi bruyant que
brillant.
L'introduction consiste en un chœur ,?puis un chant du jeune sous-
officier de marine, fort bien dit par M. Jourdan, qui devient de jour en
jour le ténor intelligent et nécessaire à l'Opéra-Comique. M. Bussine à
la voix toujours bien timbrée et qui va se dramatisant, chante là, en
compagnie du chœur, deux couplets au milieu desquels intervient une
ritournelle à modulations recherchées et contournées , peu en harmo-
nie avec le caractère du personnage et ceux qui sont en scène avec
lui. D'autres couplets : Douxjantôme\ chantés par le marquis Boulo
sont d'un doux sentiment musical. Après cela vient un trio d'un style
élégant- dans lequel se fait remarquer une charmante modulation sur
ces mots: doux ave-nirl Ici, la ballade-légende annoncée dans l'ou-
verture, qui rappelle bien un peu V Ermite, fameuse romance de feu
Romagiesi ; puis un duo entre Marie et le marquis, morceau de scène
et de cœur bien traité, dans lequel interviennent de jolies ritournelles,
et qui finit par un unisson des deux voix, imitation de la forme ita-
t:enne etdu genre Donizetti, dont M. Maillart abuse un peu dans son
ouvrage. Si l'effet en est puissant, il est usé ; il faut donc chercher un
autre moyen vocal.
Le final du premier acte est varié d'effets en musique, musique de
mélodrame dans laquelle les flûtes en accords brisés luttent d'effets
aériens et mystérieux produits par les violonsqui procèdent en trémolo
au diapason aigu de l'instrument. Les sons agrestes du biniou qui se
mêlent à tout cela donnent à ce morceau du caractère et même de l'o-
riginalité.
Après la jolie romance que'nous avons signalée au second acte, on
entend encore un duo bien fait, avec un dessin des premiers violons
qui donne une couleur dramatique à ce morceau, et l'on y remarque
une charmante mélodie sur ces mots: Iljaut céder, etc. Garde ton
voile et prends courage, est encore un chant très-distingué; et puis
l'unisson italien d'une presque basse et de deux faibles ténors vient de
nouveau faire sentir l'insuffisance de cette manière trop répétée d'em-
ployer les voix.
Le troisième acte commence par un chœur lointain, et puis vient un
air avec un cantabile molto appoggiaturato. Il est vrai qu'à ce morceau
brillante de toutes les broderies de la vocalisation, succède une chanson
de matelots d'un rhythme franc et tout empreinte d'une couleur natio-
nale, locale. Si ce n'est point un chant du pays, nous félicitons le com-
positeur de la franchise et de l'inspiration de ces couplets qui sont
pleins de verve et de vérité. M. Bussine les dit de manière à mettre en
vogue cette chanson, qui deviendra certainement une marine de salon,
c'est-à-dire statiounaire sur tous les pianos des soirées musicales de
l'hiver prochain.
Il en sera probablement de même de la plupart des morceaux que
chante Mlle Lefèvre, comédienne intelligente, vive, accorte, et canta-
trice qui se distingue par la verve et l'éclat. Elle a créé le rôle de
Marie de manière à se faire distinguer, applaudir par les auteurs, les
compositeurs, et le public.
MM. Boulo et Jourdan se sont fort bien acquittés de leurs rôles; le
premier en ténor gracieux, sentimental, et le second en chanteur et
comédien chaleureux, passionné.
La pièce a été, comme toujours au théâtre de l'Opéra-Comique,
montée avec soin et jouée avec un ensemble, une chaleur d'intelligence
qui a dépassé celle de l'atmosphère, ce qui n'est pas peu dire. Cela
nous a rappelé cette anecdocte que racontait Berton. A la première
représentation de son Aline, reine de Golconde, il faisait une si grande
chaleur que la plupart des spectateurs demandèrent aux dames, dans
les loges, la permission, qui leur fut accordée, de mettre habit bas, et
d'assister à cette solennité dramatique et musicale en manches de
chemises. Ce laisser-aller public qui date d'un presque demi-siècle, n'a
pas été imité à la première représentation de la Croix de Marie, ce qui
n'a pas empêché certains spectateurs de lui faire un chaud succès, suc-
cès de pièce religieuse et de partition bien écrite.
Henri BLANCHARD.
Sa vie. — Son système de rénovation de l'opéra. — Ses œuvres comme
poète et comme musicien. — Son parti en Allemagne. — Apprécia-
tion de la valeur de ses idées.
(Sixième article.) (1).
Dans la doctrine de l'art, comme en morale, une erreur conduit à
une autre. Richard Wagner nous est un exemple frappant des consé-
quences où l'on peut être entraîné si l'on essaie d'enlever à la musique
son principe dans le but de lui en substituer un autre. Poursuivant la
recherche du vrai positif, au lieu de la vérité idéale, qui est l'essence
de cet art, dans son application à l'intérêt dramatique, il a fait de ce
même art le subordonné du sujet et de la poésie, et lui a enlevé pièce
à pièce tout ce qui caractérise sa puissance d'émotion. Dans le vrai ab-
solu, la musique est réduite à la condition d'une langue. Comme telle,
son plus grand mérite serait de dire d'une manière intelligible ce
qu'elle est chargée d'exprimer : tout ce qui, dans sa nature spéciale,
est étranger à cette destination de langag3, doit donc disparaître. Or,
rien n'est plus opposé au vrai positif que les formes musicales des airs,
duos et morceaux d'ensemble. Nous ne voyons pas dans le drame de la
vie, chaque personnage, à un moment donné, répéter jusqu'à satiété
un petit nombre de paroles, variant seulement le ton dont il les prononce
et les inflexions de sa voix. C'est là cependant ce que fait le musicien
lorsqu'il écrit un air; l'air est donc antipathique au vrai : suppri-
mons le.
Mais l'absence de vérité dans l'air n'est rien en comparaison de l'in-
convenance du duo. Le duo vrai, c'est la conversation de deux per-
sonnes qui, tour à tour, se communiquent ce qu'elles pensent, ce
qu'elles sentent, et se prêtent une mutuelle attention. Dans un duo de
ce genre, on n'a pas l'habitude de redire plusieurs fois les mêmes
choses; aucun des interlocuteurs ne fait à l'autre l'impolitesse de se
retirer à part pour prononcer des paroles qu'il ne doit point entendre :
encore moins parle-t-on tous deux à la fois ; car non seulement cela
ne serait pas conforme aux règles de la bienséance, mais cela serait
absurde, puisqu'on ne parle que pour être entendu et compris. Or,
toutes ces choses si contraires au vrai des situations de la vie, les
poètes dramatiques prétendus et les compositeurs de musique les font
dans leurs duos d'opéras, où l'on entend les mêmes paroles répétées
(1) Voir les numéros 23, 24, 25, 26 et 27.
DE PARIS.
243
vingt fois ; où chacun des chanteurs roucoule sur de longs à-parle,
et dans lesquels ils se réunissent à certains moments pour former des
ensembles qui ne finissent pas. Nul doute que, le vrai étant devenu le
principe de l'art, celte conception monstrueuse, contre laquelle s'élève
le bon sens, doive être bannie de la scène,
Les défauts du duo sont plus choquants encore dans le trio, dans
le quatuor, enfin dans tout morceau d'ensemble. Ces réunions de qua-
tre, cinq , huit, dix personnes, qui chantent ensemble ou à-par/e, sont
ce qu'on peut imaginer de moins vrai. C'est bien pis, lorsqu'une foule
d'individus, qu'on appelle le chœur, vient se mêler à des intérêts qui
ne sont pas les siens, et joint ses exclamations au chant des autres
personnages. Conventions ! conventions que tout celai s'écrie M. Wa-
gner. Le drame réel , le drame populaire, ne peut se développer dans
ces formes artificielles. Or, l'intérêt du drame est notre but : que ces
formes disparaissent donc, et nous serons dans le vrai !
Mais ce n'est point assez de nous débarrasser de toutes ces formes
de Y opéra vulgaire, sur lesquelles reposent des conceptions telles que
Don Juan, Fidelio, Guill tume Tell, les Huguenots, etc. ; nous n'at-
teindrions pas notre but, si nous laissions à la langue musicale son expres-
sion purement sentimentale, et si nous ne parvenions à Y élever jusqu'à
l'expression intelligible et à la vérité du langage parlé. Que faut-il faire
pour cela ? Évidemment, il faut supprimer la mélodie ; car il n'est pas
dans la nature de parler en modulant les intonations de la voix comme
on le fait dans le chant véritable. Nous cherchons la vérité ; nous la
voulons à tout prix ; ce n'est pas la payer trop cher que de l'obtenir
par ce sacrifice. Les compositeurs trouveront , d'ailleurs, un double
avantage dans cette suppression. Le premier sera d'être vrais et d'avoir
dans leur expression le naturel du parler de leur cuisinière ; l'autre,
qui a aussi son prix, sera de n'être plus à la recherche de ces satanées
mélodies qui ont fait le désespoir de tant d'honnêtes musiciens ! Et
puis, voyez-vous d'ici les critiques, ces loups-garous de Richard Wa-
gner ? 11 s'en trouvait qui ne savaient trop ce que c'est que l'harmo-
nie, la modulation , et qui souvent prenaient leurs bas pour leurs
chausses en parlant de l'instrumentation : plusieurs même ne s'étaient
pas élevés jusqu'à l'étude du solfège ; mais si leur embarras se trahis-
sait un peu lorsqu'ils se hasardaient dans le langage technique, ils re-
prenaient tous leurs avantages à propos de la mélodie; car, bien qu'elle
ne soit pas la langue parlée, cette forme essentielle de l'art se fait
sentir et comprendre par tous. Campé hardiment sur son terrain , le
critique attendait là de pied ferme le compositeur, et, ne sachant trop
au fond la valeur de l'ouvrage qu'il analysait, il était souvent dans le
vrai lorsqu'il reprochait à l'auteur de manquer de mélodie, c'est-à-dire
de ces mélodies trouvées, qui étaient le patrimoine du génie avant que
l'auteur de Lohenyrin eût aussi supprimé cette faculté d'invention.
C'était la charge à fond du critique sur la partition de l'opéra, et le pau-
vre compositeur s'en tirait toujours plus ou moins endommagé. Tout va
changer désormais ; car le critique, pris au piège par Wagner, ne
pourra plus formuler sa terrible accusation. On le montrerait au doigt,
s'il osait écrire encore le nom d'une vieillerie tombée en désuétude ,
et le premier barbouilleur tde doubles croches venu se gausserait
de ses anathèmes.
Toutefois, ce n'est pas chose facile que de faire disparaître cette
vieille erreur dont furent tant préoccupés les Piccinni , Sacchini , Ci-
marosa, Paisiello, Mozart, Beethoven, Grétry, Méhul, et tant d'autres
dont les noms se présentent immédiatement à notre souvenir ; car s'il
est rare de trouver de belles mélodies, il est encore plus rare de n'en
point trouver du tout. Une suite de sons, quelle qu'elle soit, est toujours
dans un sentiment quelconque de tonalité ; elle estrhythmée d'une cer-
taine manière : or, des sons qui se succèdent conformément à une for-
mule tonale et dans un ordre rhythmique , composent toujours une
mélodie. Wagner a raison quand il dit qu'en dépit de lui-même, il s'en
est encore glissé quelques traits dans le Lokmgrin, par exemple dans
ce motif caractéristique de Frédéric et d'Ortrad, joué par le violon-
celle :
fepllip^^ilpfpl|
Peut-être aimeriez- vous quelque chose de plus naturel, moins tour-
menté et plus gracieux ; mais enfin cela a un sens saisissable ; car les
sept premières mesures sont dans le ton bien caractérisé d'ut dièse
mineur, et le reste dans celui de fa dièse mineur ; enfin le rhythme est
régulier de deux en deux mesures. Le rhythme, en dépit qu'on en ait,
fait donc la mélodie. Arrivé à cette impasse, il ne reste plus à Wagner
qu'à renverser l'obstacle; c'est ce qu'il fait enfin : plus de rhythme!
Toujours préoccupé du soin de donner de la vérité au drame et d'at-
teindre à l'illusion, il se dit que le dialogue n'est jamais empreint de la
forme rhythmique ; qu'il tire son caractère du sentiment et non d'une
convention de cadence ; en conséquence, il jugea qu'il était nécessaire
de donner à la poésie du dialogue une forme plus libre, moins soumise
aux exigences de la césure et de la rime, afin qu'elle communiquât à la
musique son allure indépendante , et cette idée a été réalisée par lui
dans la Mort de Sicglried, suivant ce qu'il nous apprend (1). Un criti-
que allemand, qui a eu connaissance du nouveau genre de poésie ima-
giné par Wagner pour atteindre ce but, dans le manuscrit de Siegfried,
l'a qualifié de vieille friperie franque ( Altfrankisches Zeug) , parce
qu'elle rappelle la forme de vieux chants originaires de la Germanie ;
ce qui excite fort la colère de l'irascible auteur. Je n'examinerai pas ce
qu'il peut y avoir de fondé dans la critique , car j'ai à m'occuper de
choses plus importantes. Et d'abord je ferai remarquer à Wagner que
si son orgueil sans mesure ne l'avait pas égaré, il aurait vu que le but
qu'il se propose est une pure négation, puisqu'il ne peut l'atteindre que
par voie de destruction. A chaque pas qu'il fait dans la route où il s'est
engagé, il enlève quelque chose à la musique qui fut son point de
départ. De proche en proche le voici parvenu jusqu'à l'anéantissement
de la mélodie et du rhythme : que croit-il y avoir gagné, je ne dis pas
pour l'art en lui-même (car je ne le suppose pas assez dénué de sens et
d'instinct pour ne pas voir qu'il le met en lambeaux), mais pour sa re-
nommée particulière de novateur ? Il n'y a plus de formes dans la mu-
sique, plus de mélodie, plus de rhythme, et nous voyons le résultat
définitif de tout ce vandalisme dans des phrases de ce genre :
z§lS
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■rûck , El - sa ,
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nicht lân-ger will ich
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du) - den,dass ich glcicliei- ner
Magd dir fol-gensoll.
?$^ =
-+__
-g "
Voilà donc où nous sommes arrivés par tant d'efforts ! Nous avons
trouvé la conception d'un mauvais récitatif en échange des muti-
lations que nous avons fait subir à l'art véritable ! Et voilà ce qu'on
nous offre comme spécimen de l'art de l'avenir, dont les œuvres des
plus illustres maîtres passés et présents n'auraient été que les obstacles
ou les acheminements!
(1) Voyez les Communications à ses amis, pages 159 et ICI. — Voyez aussi le
troisième volume de l'ouvrage intitulé: Operund Drama, où ce sujet est développé.
I Si
2<i4
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
Mais comment Wagner ne voit-il pas que le but auquel il aspire, que
ce vrai à la recherche duquel il s'est mis , par désespoir de trouver
l'inspiration et l'idéal, comment ne voit-il pas, dis-je, que ce but lui
échappe et lui échappera toujours? Ce récitatif que nous venons de
voir, en quoi s'est-il rapproché de la parole articulée? En quoi est-il
plus près du langage vrai que le récitatif de Gluck? De combien, au
contraire, n'est-il pas inférieur à la noble simplicité de la déclamation
chantée de ce grand artiste, par ses intonations tourmentées? On pour-
rait comprendre qu'un musicien, ayant l'instinct de la bonne déclama-
tion parlée, se mît à la recherche de ces intonations heureuses, à force
ce vérité, qui faisaient naître l'enthousiasme lorsqu'on entendait au-
trefois Talraa.Molé, Mlle Contât, Mlle Mars, et qu'on retrouve quelque-
fois dans le beau talent de Mlle Rachel; Gluck et Grétry ont eu d'ad-
mirables inspirations en ce genre ; mais il est impossible d'admettre
que cette justesse d'expression soit le but principal de l'art. Quel
qu'en puisse être le mérite, ce ne serait jamais que celui de l'imitation
plus ou moins heureuse de la parole, mais toujours inférieur à elle.
Réduire la musique dramatique à l'état d'auxiliaire du langage et de
pur agent d'expression, c'est la méconnaître et l'anéantir. Il y a long-
temps que Villoteau est tombé dans l'erreur de Wagner lorsqu'il écrivit
son livre intitulé : Recherches sur l'analogie de la musique avec les
arts qvi ont pour objet l'imitation du langage. Avant lui, Chabanon
avait caressé les mêmes idées, dans l'ouvrage qui a pour titre : De la
musique considérée en elle-même et dans ses rapports avec la parole,
les langues, la poésie et le théâtre ; mais j'ai fait voir le faux de ces
vaines théories dont je repousse aujourd'hui l'application tentée par
Wagner.
Je disais il y a déjà longtemps : « Singularité remarquable ! Villoteau,
» pas plus que ceux qui l'ont précédé dans cette doctrine, ne s'est
» aperçu que réduire la musique au principe de l'imitation, c'est lui
» enlever le sublime de l'idéal pour la réduire à l'empirisme ; c'est
» la rabaisser en voulant l'élever; c'est rétrécir le domaine qu'on se
» propose d'agrandir. Le chant déclamé est sans doute une partie de
» cet art, et la vérité d'accent est un des éléments de son esthétique;
» mais ce n'est qu'un point dans son immensité. »
La vérité matérielle que recherche Wagner dans l'alliance de la
poésie et de la musique dramatique, et sa critique des formes musi-
cales, qu'il considère comme conventionnelles, sont les niaiseries que
j'ai entendu débiter dans ma jeunesse par les littérateurs dont les opi-
nions avaient cours alors dans les salons de Paris. Le défaut de vérité
reproché aux airs, aux duos, aux morceaux d'ensemble, me rappelle
les feuilletons de l'abbé Geoffroy et de Duvicquet ; eux aussi trouvaient
que la musique des opéras est une sorte de non-sens, considérée au
point de vue de l'action dramatique et delà vérité. Hommes d'un mé-
rite incontestable d'ailleurs, ils étaient de véritables sourds en musi-
que et n'avaient pas le sens de cet art. C'est là leur excuse; mais
Wagner! J'avoue que son entreprise me serait inexplicable, si je n'a-
vais étudié son caractère autant que ses doctrines. 11 ne peut se faire
une complète illusion et doit savoir que la part qu'il réserve à la mu-
sique dans le drame lui est antipathique ; qu'en vain il ferait des efforts
pour l'y assujettir, et qu'il faut ou que cet art périsse ou qu'il conserve
sa suprématie, ses tendances et ses formes. Le limiter, le réduire dans
ses moyens d'action sur la sensibilité, c'est lui ôter ses qualités pro-
pres, sans lui donner celles qui ne sont point de son essence. Est-elle
un obstacle à de certaines impressions que vous voulez produire par le
drame? Qui vous oblige à l'employer? Que ne laissez-vous parler ce
drame au lieu de le chanter mal , puisque c'est la vérité du langage
que vous cherchez ? Entre la poésie et la musique, le partage égal est
impossible : il faut que l'une tue l'autre, et de quelque manière que
vous vous proposiez d'éluder la difficulté, elle vous sera insurmonta-
ble. Vous avez si bien cempris vous-même qu'avec toutes vos mutila-
tions, l'opéra n'existe plus, que vous arrivez dans les dernières pages
de vos Communications à vos amis, au résultat final qu'il était facile
de prévoir : Siegfried, dites-vous, n'est plus un opéra, c'est un drame !
Ainsi je suis dans le vrai quand je dis que ce que vous faites est une
œuvre de destruction : privé de ses formes, l'upéra n'existe plus, et
vous gâtez le drame en y introduisant une certain genre de musique
qui le rend lourd, monotone et traînant. Le mélodrame français est la
seule forme possible du drame dans lequel la musique s'applique à
certaines situations. Meyerbeer a fait le chef-d'œuvre de ce genre dans
sa musique de Struensée.
Si nous considérons l'œuvre de Wagner, non plus dans son système,
mais dans sa réalisation, nous voyons que le caractère d'orignalité lui
manque absolument. Lorsque je visitai mon excellent ami Liszt à Wei-
mar, en 1850, je le trouvai plein d'ardeur pour la réhabilitation de
cette œuvre, qu'il croyait avoir été mal jugée à Dresde et à Berlin. La
tâche entreprise par l'illustre artiste était digne de son noble cœur.
Wagner nous en apprend lui-même les circonstances. Pendant son sé-
jour à Paris, Liszt l'y avait vu, et ne lui croyant pas une grande valeur,
lui avait accordé peu d'attention. Plus tard, le retrouvant à Dresde
après le succès de Riensi et la chute du Holl<ndais volant, frappé des
tendances d'innovation qu'il voyait dans les formes de ces ouvrages,
et surtout dans le Tannhauser, Liszt se reprocha d'avoir méconnu ce-
lui auquel il croyait maintenant un grand avenir, et ne négligea rien
pour lui faire perdre le souvenir de ses dédains. Lorsque Wagner tra-
versa la Thuringe en fugitif, après l'insurrection de Dresde, ce fut
chez Liszt qu'il trouva un asile et des ressources offertes généreuse-
ment pour la continuation de son voyage. C'est alors que mon noble
ami conçut le dessein de faire pardonner au conspirateur en faveur des
talents de l'artiste. Déjà, en 18^9, lorsque je visitai Weimar, à l'épo-
que de l'anniversaire de Goethe. Liszt avait fait un premier essai de
Tannhauser. Ce qu'il entreprenait était l'impossible avec les faibles
r essources du petit théâtre de cette résidence ; mais par cela même il
y prenait un vif intérêt. L'année d'après il avait vaincu toutes les dif-
ficultés, il avait fait réellement des miracles. C'est alors que me par-
lant de Wagner avec cette chaleureuse intelligence qui est dans sa na-
ture, il me demanda d'examiner les partitions de ses ouvrages et les
fit porter dans l'appartement où il m'avait donné l'hospitalité. Ce fut
pour moi un sujet d'étonnement que je ne puis exprimer que la lec-
ture de ces ouvrages où je trouvai du savoir à côté de nombreuses
hérésies harmoniques, et la connaissance des effets de l'instrumenta-
tion employés sans goût et sans mesure ; enfin, des formes insolites
et une absence presque totale de mélodie. Une chose me frappa dans
ce chaos dont je n'avais pas encore la clef; c'est que, bien qu'on ne
pût dire que Wagner avait eu des réminiscences de la musique de
Weber, il avait néanmoins écrit ses ouvrages sous l'influence de cette
même musique et en avait reproduit le caractère. Rien n'était resté
dans ma mémoire de la lecture de ces partitions , et je n'y pensais
plus quand j'eus occasion de lire l'écrit par lequel Liszt semble avoir
voulu justifier la haute protection qu'il a accordée au Tannhauser et à
Lohengrin. Les exemples qu'il y rapporte m'ont rappelé mes premières
impressions. Depuis lors, M. Jules Schâffer a publié dans la GazetU
musicale de Berlin de bons articles analytiques sur le Lohengrin, avec
quelques citations de passages détachés qui me confirment dans mon
opinion que Wagner s'est fait, par absence d'originalité, l'imitateur du
style de Weber, sinon de ses phrases proprement dites. On en peut
juger par ce motif joué par la clarinette dans la deuxième scène du
second acte :
And aille.
Cela est parent de Freisçhûis, d' Eurianthe, à'Oberon. Même analo-
gie se remarque clans ce trait :
(1er klu-jïe
£-
^
Held die Fra-ge drum ver
,5- —^
DE PARIS.
245
C'est encore de la môme source qu'est sortie cette autre phrase :
On pourrait multiplier les citations de ce genre; mais celles-là suffi-
sent pour démontrer l'origine des tendances harmoniques, modulantes,
et même mélodiques de Wagner. Une dilférence cependant, différence
essentielle, se trouve entre les œuvres de Weber et celles de l'auteur
de Lohengrin; car dans la nature toute artistique de Weber, c'est
l'unité musicale qui est dominante ; tandis que chez Wagner, les con-
venances dramatiques sont l'objet principal. Le premier se livre à l'in-
spiration, le second médite et calcule.
On sait quelle différence il y a aussi dans la destinée des productions
de l'un et de l'autre : Friischiltz, Oberon, sont les objets de l'enthou-
siasme de toute l'Allemagne, et jusqu'à ce jour, il n'y a guère eu que
des chutes pour Wagner. Toutefois un parti se forme pour opérer une
réaction en sa faveur. Liszt en a été la première cause, bien que les
dernières phrases de son écrit sur Lohengrin et Tannhauser semblent
indiquer que sa foi n'est plus aussi solide dans la destinée de ces pro-
ductions. 11 pense qu'à ne les considérer que comme des tentatives de
transformation, elles sont dignes d'intérêt: c'est beaucoup rabattre des
premières impressions auxquelles j'ai vu s'abandonner l'illustre artiste.
Aujourd'hui, les rédacteurs de la Nouvelle gazette musicale de Leipsick,
MM. Brendel et Uhlig, se sont faits les champions de la dégradation de
l'art entreprise (infructueusement j'espère) par Richard Wagner. Un
parti, qui n'est pas étranger à la politique, donne son appui à la prédi-
cation de ce nouvel évangile, et toutes ses sympathies au Messie de
nouvelle espèce. On ne se borne point aux écrits, car voici que les frères
et amis ont convoqué tous les adhérents à un festival qui s'est donné
les 21 et 22 juin à Ballenstadt, petite ville située dans les montagnes
du Hartz. Les sociétés musicales des villes environnantes ont fourni
leur contingent, et le nombre des exécutants, dirigé par Liszt, s'est
élevé à près de 500, à savoir 350 chanteurs et 150 instrumentistes.
Le programme du premier concert était composé des morceaux dont
voici l'indication :
1° Ouverture de Tannhauser, par R. Wagner ;
2° Duo du Hollandais volant, par le même ;
3° Fantaisie pour la harpe, exécutée par Mlle Rosalie Spohr ;
k° Le Pouvoir de la musique, cantate pour soprano solo avec or-
chestre, par Fr. Liszt;
5° Grande fantaisie pour orchestre et chœur, par Beethoven, exé-
cutée par M. de Bûlow;
6° Grande scène de YOrpIve de Gluck;
7° Symphonie avec chœur (9e), par Beethoven.
Le deuxième jour on a exécuté :
1° Ouverture de l'opéra le Roi Alfred, par J. Raff ;
2° Bas Liebesmahl der Aposlel, sorte d'oratorio pour voix d'hom-
mes, par R. Wagner ;
3° Harold, symphonie, par M. Berlioz ;
k° Die Walpurgissnachtj par Mendelssohn.
Trois mille personnes formaient l'auditoire de chacune de ces séances.
Elles ont accueilli Liszt avec un enthousiasme tout sympathique. Dans
le jeu de Mlle Spohr elles ont admiré un talent tout jeune encore qui,
dit-on, surpasse déjà celui de Parish-Alvars ; enfin on a vivement ap-
plaudi la belle voix de contralto de Mlle Franciska Schrecek, dans la
belle scène de Gluck. Les amis ont fait leur devoir après l'ouverture et
le duo de Wagner, et le public les a laissé faire ; mais l'oratorio a fait
un fiasco solennel. C'est tout ce qui m'est revenu de ce festival, qui ne
paraît pas avoir répondu à l'attente de ceux qui l'avaient organisé.
(La fin au ■prochain numéro.) FÉTIS père.
DE LA MUSIQUE PLUS QUE JAMAIS.
Chaque chose a son temps. Hier, c'était celui des agitations de la
place publique, des discussions orageuses au sein des assemblées par-
lementaires, des joules de la tribune, de la polémique passionnée dans
les journaux ; aujourd'hui, c'est le temps des lettres et des arts. Puis-
sent-ils rendre un peu de calme et de fraîcheur aux esprits enfiévrés
par les luttes ardentes des partis !
La politique sommeille. Son règne a été long ; elle n'a pas à se
plaindre. Ne troublons pas son repos, qui est une garantie du nôtre.
C'est donc l'ère des arts qui commence ; c'est surtout l'ère de la
musique. Pourquoi cette distinction en sa faveur? Nous allons le dire.
Elle n'est pas arbitraire ; nous ne l'établissons pas ici pour complaire
aux lecteurs spéciaux du recueil auquel ces lignes sont destinées. Notre
conviction est qu'elle ressort de la nature même des choses ; et cette
conviction, nous espérons la faire partager aux gens de bonne foi qui
ne demandent qu'à se rendre à de bonnes raisons.
Quelque fatigué qu'on soit des luttes ardentes de la politique, il est
difficile de passer tout-à-coup d'une agitation pareille à celle des années
que nous venons de traverser, au calme des idées purement spécula-
tives. Après les grandes tempêtes, les vents se sont depuis longtemps
apaisés, depuis longtemps le ciel s'est rasséréné, quand la mer roule
encore ses vagues écornantes. Les esprits, naguère en proie à une ex-
citation fébrile, ont besoin de se passionner pour quelque chose. Cha-
cun a sa vocation, la carrière de son choix, ses occupations favorites;
mais on ne trouve pas toujours dans la sphère où l'on vit de quoi porter
aux émotions vives. Laissons de côté l'industrie, le commerce et les arts
mécaniques, qui exigent assurément l'emploi de facultés intellectuelles
d'un certain ordre, mais qui n'ont rien de commun avec l'imagination.
Ne parlons que des sciences et des beaux-arts. On peut avoir un pen-
chant décidé pour la physique, la chimie, la botanique ; on peut être
plein de zèle pour les mathématiques, aimer particulièrement la philo-
sophie; mais on ne se passionne véritablement pour aucune de ces
choses, si attrayantes qu'elles soient. La peinture, la statuaire, l'archi-
tecture, sont l'objet du culte d'un grand nombre d'hommes de goût;
mais si les impressions qu'elles procurent sont nobles, pures, élevées,
profondes, elles n'ont rien d'exalté.
Quel est l'art qui avive les passions, qui porte le trouble dans les
sens ou les calme à son gré; qui excite le courage, la colère; qui
éveille les sentiments les plus doux, comme les plus énergiques; qui
est plus maître de nous que nous-mêmes? N'est-ce pas la musique?
La musique est donc, de tous les objets auxquels s'applique l'intel-
ligence humaine, celui qui est le plus approprié aux besoins d'une so-
ciété sortie récemment d'une tourmente révolutionnaire, et dont les
appétits moraux ne peuvent être satisfaits qu'au moyen d'aliments
de haut goût.
A ceux qui douteraient du pouvoir que nous attribuons à la musique
et qui nieraient qu'elle soit capable de remplir la mission à laquelle
nous la croyons appelée , nous opposerons des faits , arguments non
moins entêtés que les chiffres. Compulsez les annales de la France ,
arrêtez-vous aux pages remplies par l'histoire des discordes politiques,
philosophiques et religieuses, aux troubles suscités par la réformation
du xvie siècle, aux agitations de la Ligue et de la Fronde, et dites si
parmi toutes ces questions brûlantes qui divisèrent la nation , il en est
qui occasionnèrent une polémique plus ardente et qui passionnèrent
plus que les questions musicales.
Certes, les sujets de discussion ne faisaient pas défaut au xvme siècle.
La France ne s'ennuyait pas, pour nous servir du mot célèbre d'un cé-
lèbre poëte, et ce n'est point par désœuvrement qu'elle s'engagea avec
la chaleur que vous savez dans la fameuse querelle de la musique
française et de la musique italienne. J.-J. Rousseau, jusqu'à la publi-
cation de la lettre qui fut le point de départ de cette querelle, n'avait
pas suivi , on en conviendra, la piste des idées vulgaires. Cependant
aucun de ses principes les plus hardis , aucun de ses paradoxes les plus
240
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
bizarres et les plus téméraires n'avait causé une impression compara-
ble à celle que produisit la Lettre sur la musique française. Tout fut
oublié pour la dispute qu'elle souleva et à laquelle prit part la nation
entière. Nul ne pouvait rester neutre ; de toute nécessité il fallait être
avec Rousseau ou contre lui. Que de discussions où l'injure même n'é-
tait pas épargnée ! Que de pamphlets remplis de fiel ! Combien d'amis
brouillés et de familles divisées à propos du plus ou moins d'aptitude
des Français pour la musique!
Et la querelle des Gluckistes et des Piccinistes ? Citerait-on beaucoup
de circonstances où la société française ait été plus émue? Citerait-on
beaucoup d'objets qui l'aient passionnée à un plus haut degré ?
De nos jours encore n'a-t-on pas vu le public parisien profondément
divisé par l'apparition de certaines œuvres musicales? Souvenez-vous
des représentations de Robin-dcs-Bois à l'Odéon, quand la salle, par-
tagée en deux camps, les classiques d'un côté et les romantiques de
l'autre, retentissait chaque soir de cris d'enthousiasme et d'explosions
ironiques !
La France nous fournirait bien d'autres exemples encore : ceux-ci
suffisent. Les pays étrangers nous en offrent également, et nous les in-
voquons pour prouver que l'influence de la musique n'est pas une af-
faire de temps et de lieu , mais qu'elle est de tous les siècles comme de
tous les climats. Les Italiens ne se sont 'consolés de la perte de leur
liberté qu'en cherchant dans la musique les émotions nécessaires à
leur organisation éminemment impressionnable. Ils ont renoncé à la vie
poliiique ; ils ont, chose plus difficile, subi le joug de l'étranger ; ils ont
pris le parti de laisser faire le gouvernement sans contrôler ses actes
en aucune façon ; mais ils n'auraient pas renoncé à l'opéra. Si l'impré-
sario ne tenait pas les promesses de son programme, si l'opéra nou-
veau ne faisait pas son apparition au jour dit, si la cantatrice en renom
avait, comme il arrive parfois ailleurs, la fantaisie de ne pas chanter
son rôle et de s'excuser sous prétexte d'indisposition, il y aurait des
troubles sérieux à Milan, à Venise, à Rome, à Naples ; il y aurait peut-
être une révolution. Aussi, l'autorité prend-elle, avant tout, les me-
sures propres à assurer le service régulier des théâtres lyriques. Le
compositeur n'est pas obligé d'écrire une bonne partition, mais il faut
que, sous peine de la prison, il la livre à l'époque convenue. Le chan-
teur n'est pas tenu d'avoir de la voix ; mais la fièvre seule, constatée
par le médecin de la police , peut le dispenser de paraître dans son
rôle. Le soin que prend l'autorité de tout ce qui touche au théâtre té-
moigne du degré d'importance attribué à l'art musical.
Ne sait-on pas jusqu'à quel point les Allemands poussent le zèle
pour cet art? La musique est la première de leurs jouissances , le
premier de leurs besoins. Ils se passeraient de tout plutôt que de sym-
phonie et de chant choral. Au-dessus de l'exercice de leurs droits po-
litiques, ils placent le droit de se réunir pour exécuter les chefs-d'œu-
vre des maîtres. Nous ne conseillerions pas au gouvernement le plus
fort de tenter la suppression des festivals pour lesquels ils ont formé
de vastes associations.
En parlant des livres , ces amis de tous les hommes et de tous les
âges, Érasme a dit : « Libri vncati, prœdo sunt ; invocali, non inge-
runt s- se; jvssi loquuntur ; injussi lacent; secundis in rébus mode-
ranlvr, comolanlur in af/Uclis ; cum forlunâ minime variantur. » Si
nous n'avions que des lecteurs , nous ne commettrions pas l'imper-
tinence de leur offrir la traduction de ce passage ; mais nous avons des
lectrices, et c'est pour elles que nous ajouterons au texte d'Erasme
cette version : « Appelle-t-on les livres? soudain ils se présentent. Ne
les appelle-t-on pas ? ils ne s'imposent point. Ils parlent si on l'or-
donne, se taisent s'ils ne sont interrogés. Ils servent de modérateurs
dans la prospérité, nous consolent dans l'adversité et ne changent pas
avec la fortune. » Ces mots charmants s'appliquent merveilleusement
à la musique ; elle aussi nous vient en aide dans les diverses situations
de la vie et nous donne des sensations conformes à l'état de nos idées.
De tout ce qui précède, il nous semble résulter que les esprits vont
plus que jamais se tourner vers la musique en France. Il est de l'in-
térêt autant que du devoir du gouvernement de seconder ce mouve-
ment par toutes les mesures qui sont en son pouvoir. Quelles seront
ces mesures? Les voici :
La création d'une chapelle et d'une musique particulière du chef de
l'Etat où les artistes d'un mérite éminent trouveront des positions ho-
norables.
Une large protection accordée aux théâtres lyriques, protection com-
binée avec le dégrèvement de certaines charges qui pèsent lourdement
sur eux et qui neutralisent leurs éléments de prospérité.
Une impulsion intelligente donnée au développement de toutes les
institutions qui ont pour but de populariser la connaissance des princi-
pes de l'art et l'étude de ses chefs-d'œuvre ; au Conservatoire de Pa-
ris, à ses succursales de la province, aux écoles secondaires.
Une part considérable faite à la musique dans toutes les fêtes natio-
nales, dans toutes les réjouissances publiques, et cette part lui revient
de droit, car elle en sera toujours l'ornement par excellence.
Ces choses et d'autres encore sont du ressort du gouvernement.
Quant aux efforts particuliers qui atteignent à de si beaux résultats, et
qui ont placé cette France, proclamée par J.-J. Rousseau incapable
d'avoir jamais une école, à la tête de la civilisation musicale, ils n'ont
besoin que d'être dirigés avec un peu plus d'ensemble. On ne sait pas
encore assez, h Paris, ce qu'on peut obtenir de l'association. Il y au-
rait beaucoup à emprunter pour cela à l'Allemagne et même à UAngle-
terre. Si, dans de certaines circonslances, et pour de grandes solen-
nités artistiques, on réunissait les ressources qu'offre Paris pour
l'exécution vocale et instrumentale, on réaliserait des prodiges d'effet
qui ne sont pas soupçonnés.
Pour ce qui concerne l'instruction musicale populaire, on est entré
dans une voie de progrès ; mais on est encore loin du point où des
institutions anciennes et constamment perfectionnées ont amené la na-
tion allemande. On a semé, il faut au grain le temps de germer ; plus
tard on récoltera. Le temps viendra où la musique fera nécessairement
partie de toute bonne éducation, où un homme, fût-il avocat, médecin,
philosophe, militaire, industriel, ou simple ouvrier, rougira de ne pas
pouvoir, au besoin, lire couramment une partie de chant ou jouer d'un
instrument. C'est par l'enfance qu'il faut commencer la réforme pour
qu'elle soit un jour complète et radicale; c'est auxparenls, dont la né-
gligence serait désormais presque coupable, qu'est remis le soin de
l'accomplir. Les maîtres ne manquent pas, il en est et de fort bons à
tout prix. L'ignorance en fait de musique n'aurait plus d'excuse désor-
mais.
Saluons donc l'ère musicale qui commence, et qui ne sera ni sans
gloire pour la nation, ni sans profit moral ou matériel pour la masse
des citoyens. E. F.
CONSERVATOIRE NATIONAL DE MOSIQUE ET DE DÉCLAMATION.
Concourt».
Voici le résultat des concours à huis clos jugés la semaine dernière
dans les deux séances qui se sont tenues jeudi et vendredi.
Harpe, professeur, M. Prumier. 11 n'y avait cette année qu'une seule
concurrente, et c'est probablement pour cette raison que l'épreuve a
eu lieu à huis clos au lieu d'être subie, comme à l'ordinaire, en séance
publique. Au surplus, le jury a pensé que Mlle Coppée, qui l'année der-
nière avait obtenu le premier accessit, méritait cette fois un second
prix.
Harmonie. 1er prix, M. Taite; 2mc prix, M. Borelli, tous deux élèves
de feu Hippolyte Colet et Henri Reber; 1" accessit, M. Déplace;
2m' accessit, M. 01. Metra, tous deux élèves de M. Elwart. Ces diverses
nominations ont été faites à l'unanimité parle jury.
Etudes de clavier. 1" mention, partagée entre Mlles Zolobodjean et
Hesse, élèves de Mme Beaufour; 2D,e mention, Mlle Thouveuel, élève
de Mlle Jousselin.
Contrebasse, professeur, M. Chaft. 1er prix partagé entre MM. Paulin
DE PARIS.
247
et Toumier ; 2m' prix, M. Delafontaine ; l"1' accessit, M. Astruc; 2m0
accessit, M. Giraud.
Harmonie et accompagnement pratique. {Clause des hommes.) Pas
de premier prix. 2m« prix, M. Colin, élève de MM. Lecouppey et
F. iîa/.in ; 1" accessit, M. Viault, élève de M. F. Bazin; 2m° accessit,
M. Rèty, élève du même.
(Classe clrs Jemmes.) \" prix, Mlle Zolobodjean, élève de Mme Uu.
fresne; 2m" prix, Mme Chassai, élève de Mme Dufresne ; 1er accessit,
Mlle Casselin, élève de M. Bicnaimé; 2m° accessit, MlleLchuédé, élève
de Mme Dufresne.
Demain, lundi, les concours à huis clos continueront pour l'orgue, le
contrepoint et la fugue; ils se termineront mardi par celui de sol-
fège.
Jeudi, 29 juillet, premier concours public pour le piano ; vendredi,
violoncelle et violon; samedi, chant; lundi, 2 août, opéra comique ;
mardi, instruments à vent; mercredi, grand opéra; jeudi, tragédie et
comédie.
NOUVELLES.
*»* Demain lundi, â l'Opéra, reprise do, V Enfant prodigue.
%* Lundi dernier, le Juif errant était annoncé, mais Chapuis, qui devait
remplir le rôle de Léon, s'étant trouvé tout-â-coup indisposé, etGuey-
mard, qui, après avoir chanté trois fois la semaine précédente, avait cru
pouvoir compter sur un jour de liberté, n'étant pas à Paris, il y eut né-
cessité de faire relâche. Du reste, le Juif errant et Gueymard ont pris
vendredi une brillante revanche. Massol, ainsi que Mmes Tedesco et
La Grua n'ont jamais fait preuve de plus de talent, ni mérité plus de bra-
vos. Pour être juste , il faudrait nommer tous les artistes chantants et
dansants qui concourent à l'exécution de ce grand et bel ouvrage.
%* Mercredi, Guillaume. Te.ll, chanté par Gueymard, Morelli et Mme La-
borde. avait encore attiré la foule.
%* Mathieu, le jeune et brillant ténor, est engagé ; on annonce son dé-
but, ou plutôt sa rentrée dans Lucie de Lammermoor pour mercredi pro-
chain.
*„* Plusieurs journaux ont annoncé l'engagement de la charmante Ca-
roline Duprez à I'Opéra-Comique ; nous en féliciterions bien sincèrement
le théâtre et l'actrice, mais jusqu'ici l'engagement dont on parle n'est
pas signé.
%* La Cro'x de Marie, le nouvel opéra, a été joué quatre fois la se-
maine dernière : lundi, mercredi, vendredi et samedi. Désormais il sera
donné les mardi, jeudi et samedi de la semaine.
%* L'opéra de Madelon, de F. Bazin, qui avait été interrompu par la
maladie de Mlle Lefebvre, a repris cette semaine le cours de ses re-
présentations, le rôle principal a été joué par Mlle Talmon avec beaucoup
de talent et de succès, surtout dans les représentations qui ont suivi celle
de dimanche.
%* L'Alboni a donné son second concert à New- York, le mercredi
30 juin. Il y avait beaucoup de monde, quoique la salle [Meiropolitai Hall;
ne fût pas tout-à-fait remplie. La chaleur était accablante. L'un des mor-
ceaux les plus applaudis a été le rondo final de i'enerentota.
V Le jeune Paul Jullien donnait le même jour son premier concert, et
y justifiait sa renommée de violoniste précoce.
*„* Aujourd'hui dimanche, 25 juillet, une messe en musique de M. Lau-
rent de Riilé, sera exécutée dans l'église de Saint-Eustache, sous la di-
rection de M. Hurand, maître de chapelle de cette paroisse. Elle sera
chantée par les sociétés chorales de Paris, réunies au nombre de 300
voix, et accompagnées par les musiques de la garde républicaine et du
Gymnase militaire dirigé par M. Paulus.
%* Une grande solennité musicale se prépare à Lyon et s'y célébrera
vers le 15 août prochain, dans la cour du palais Saint-Pierre. Il s'agit de
l'exécution grandiose de plusieurs fragments de la messe composée par
Adolphe Adam et autres morceaux, qui seront exécutés par la musique mi-
litaire, sous la direction de M. Georges liainl. M. le préfet du Rhône et le
général Castellane ont accordé toutes les autorisations nécessaires pour
cette fête, qui sera donnée au profit de l'Association des artistes musi-
ciens.
*** Emile Prudent est de retour à Paris. Rien n'est encore décidé sur
le voyage qu'on le presse de faire en Amérique.
*** Henri Panot'ka a quitté Londres pour Paris, sa seconde patrie. Il se
propose d'y continuer l'application de sa méthode de chant, dont l'excel-
lence est établie par des succès constants.
*** Joach'im, le jeune et habile violoniste, est aussi à Paris depuis quel-
ques jours.
V Le Te Deum exécuté l'autre samedi à Saint-Thomas-d'Aquin par
M. Hocmelle, organiste de cette paroisse, a répondu à l'attente de tous
ceux qui connaissent le lalent éprouvé de ce jeune et intéressant artiste.
On a surtout remarqué l'introduction, le Julex, la fugue dans, lesquels
M. Hocmelle a produit de beaux effets, offrant le double, mérite de l'idée
et de l'exécution. Comme contraste au style grand et sévère, il avait in-
troduit la charmante Paiwne.du, xv° siècle, qu'il a travaillée de manière à
s'approprier son emprunt, en y mêlant la voix humaine et d'autres combi-
naisons que les ressources de l'instrument favorisent.
*„* Le succès du Val d'Andorre, à Bordeaux, et celui de la jeune artiste
qui a débuté par le charmant rôle de Hose-dc Mai, vont en augmentant
de jour en jour. Mlle Esther Danhauscr a montré dans ce rôle une voix
souple et bien posée, beaucoup de sentiment, de méthode et d'intelli-
gence de la scène. Ce sont des garanties pour l'avenir.
*** Un nouveau journal de musique vient de paraître en Italie, sous le
titre de Gazzetla musicale di Napolf. 11 se publie le samedi de chaque se-
maine.
CHROKIÇUS ÉTRANGÈRE.
*„* Londres, 20 juillet. — En attendant que les bruits de retraite di-
rectoriale se confirment ou se démentent, le théâtre de Sa Majesté s'est
signalé par une des plus belles soirées dont les amateurs gardent souve-
nance. VOlello de Rossini s'est présenté avec Aime Lagrange pour Desde-
mona, Bettini pour le More farouche, De Bassini pour lago, Calzolari pour
Roderigo et Lablache pour Elmiro. Bettini, comme on devait s'y attendre,
a pleinement réussi dans les passages de force. C'est le teiiore robusto par
excellence. De Bassini ne lui est pas demeuré inférieur dans le fameux duo
du second acte. Mme Lagrange aussi mérite de grands éloges. Calzolari
est excellent et Lablache toujours admirable. Le nouveaux ballet, Zélie,
terminait le spectacle et retenait tous les spectateurs par l'attrait de ses
magnificences. — Au théâtre de Covent-Garden, le Prophète continue
d'être en possession de la vogue, et Mlle Grisi de grandir dans le rôle de
Fidès. Le Fawl, de Spohr, représenté en présence de l'auteur, qui con-
duisait l'orchestre, a été reçu avec grande faveur; Ronconi, Formes,
Tamberlik, Aimes Castellan et Anna Zerr en remplissent les principaux
rôles d'une façon tout à fait supérieure. L'orchestre et les chœurs font
merveille.
V Munich, 17 juillet. — Samedi dernier, on a joué pour la première
fois en cette ville le Trésor supposé, d'Hoffmann et Méhul, ouvrage qui
remonte â 1796 et fut un des premiers essais du célèbre compositeur. Le
public l'a reçu avec une faveur qui se maintient, car on l'a exécuté trois
fois depuis la première , et les nombreux spectateurs se sont toujours
montrés fort satisfaits. — Le clergé catholique de Bavière vient de
perdre son doyen, M. Jean-Baptiste Weigl, conseiller ecclésiastique,
chanoine et officiai du diocèse de Ratisbonne, mort à l'âge de quatre
vingt-seize ans. 11 était célèbre à la fois comme théologien, mathémati-
cien et compositeur de musique sacrée. Parmi les partitions manuscrites
et inédites qu'il a laissées, on a trouvé celle d'un Requiem, qui sera exé-
cuté dans la cathédrale de Ratisbonne, aux funérailles de son auteur. —
La mort vient aussi d'enlever un de nos dilettanti les plus distingués,
M. le baron Louis-Joseph de Priuli, premier chambellan du roi, et qui,
pendant trente-deux années consécutives avait été intendant du théâtre
royal italien de Munich. Il était âgé de quatre-vingt-un ans.
%* Berlin. — Les représentations de Roger attirent toujours la foule,
en dépit de la chaleur tropicale qui nous accable depuis quelques jours.
La Dame Blanche et les Huguenots ont été de nouveau pour lui l'occasion
des plus brillants succès. Aux rôles de son aucien répertoire, le célèbre
ténor doit ajouter ceux d'Eléazar, dans la Juive; d'Edgar, dans Lucie,
et de Fernand, dans la Favorite
** Vienne. — Le monde musical a célébré, le à juillet, l'anniversaire
de la naissance de Gluck. Il y a quelques années on a restauré le monu-
ment qu'on avait érigé au célèbre compositeur dans le cimetière de Maz-
leindorf. Une petite table de marbre, scellée dans la maçonnerie de
l'ancien monument, portait 'inscription suivante : « Cy-gît un brave et
loyal Allemand, un zélé chrétien, un fidèle époux, le chevalier Christophe
Gluck, un grand maître du sublime art musical. 11 mourut le 15 novem-
bre 1787. »
*„* Humliourg. — Jenny Lind (Mme Goldschmidl) vient de partir pour
les eaux de Scheveningen, en Hollande. — Pischek a commencé ses re-
présentations par : Une nuit à Grenade.
%* Brunstcick. — Notre festival a eu lieu le 1" et le à juillet : on y a
exécuté, entre autre, X'Elie, de Mendelssohn, et la 9e symphonie de
Beethoven.
*t* Varsovie. — II. Dobrzynski, qui s'est fait connaître par quelques
compositions estimables, a été nommé chef d'orchestre du Théâtre-
Impérial.
Le gérant : Ernest DESCHAMPS.
En vente chez DR AND US et Ce, 10ô, rue Richelieu,
II
BALLADE POUR VOIX DE BASSE,
Paroles de M. le chevalier Châtelain,
Musique de
Clieiâlier de la LCoion-d' Honneur, professeur au Conservatoire.
Prix : h fr. B0. — La même pour baryton, k fr. 50.
248
REVUE ET GAZETTE MUSICALE DE PARIS.
103, BUE RICHELIEU,
luber. Valse des Etudiants, du Lac des Fées,
arrangée par II. Herz C
Berliul. Op. 120. Grande faulaUie sur le
Domino uni'- 9
Op. 125. Grande fantaisie sur le Lac
de.- fies 0
Op. 132. Souvenirs de Zanetta. ... 9
Op. 136. Grande fantaisie sur les Dia-
mants de la Couronne 9
— Op. 139. Duo sur le Duc d'Olunne. . 9
Op. 140. Grand duo sur le Slabal de
Rossini 9
— Op. 148. Grand duo sur la Part du
Diable 9
— Op. 159- Grand duo sur Moïse : ... 9
— Op. 173. Fant. sur des motifs de Rossini. 9
Bejer. Mosaïque sur les Diamants de la
Couronne 6
lliir;iiiiilli'r (FnÉo.). Les Fleurs mélodi-
ques.12 morceaux faciles et brillants,
arrangés à 4 ma ns par Farrenc. 4
suites, chaque 10
Chaque numéro séparément 4 5
— Les I:tincelles,i1 morceaux faciles et
brillants , arrangés à 4 mains par
Decourcelle. 4 suites, chaque. ... 12
Chaque numéro séparément 6
Blumentluil. Chant national des Croates. . 6
<T!i<>l>iii. Grand duo sur lioticrt-le- Diable. 9
— Op. 1. Rondo 7 5
— Op. 3. Polonaise brillante 7 £
— Scherzo et Marche funèbre de la sonate
op. 35. arrangés à 4 mains par Fontana. 7 E
— Op. 43. Tarentelle, arrangée à 4 mains
par Czerny 7 E
Croi«i'K. Op. 21. Petit souvenir de la l'arc
du Diable 6
— Op .24. Petite fantais. facile sur \s.Sirène. 5
— Duo enfantin sur Robert ISruce. ... 6
— Troisième duo enfantin sur llaydée. . 6
— Op. 46. Duo facilesurle Val d'Andorre. 6
— Op . 48 . Fantaisie sur la Fée. aux lias , s . 6
— Fantaisie sur Zcrliie 5
Uœhler. D'.'ux éludes 7 ;
— Le Zing iro, mélodie espagnole 7 i
— Le Bohémien 7 i
— L'Hidalgo 7 £
— Le Tournoi 7 £
— Op. 39. Tarentelle 9
Kccoiir-Tlli- (M.). Op. 28. Fantaisie sur la
Dune de. Pique 9
— Op. 29. Fantaisie sur Zerline 7 :
Duvernoy. (J.-B.). Op. 87. Fantaisie sur le
Domino noir 7 !
— Op. 136. Fantaisie facile sur la Sirène. 6
— Op. 149. Petite fant. sur la Jlurcarolle. 6
Op. 156. Deux petites fantaisies sur des
motifs de Bellini, 2 suites :
N" 1. La Somnambule 6
2. Les Puritains 6
— Op. 161. Fantaisie sur la marche des
Mousquetaires de. la Reine 6
— Op. 167. Marche de Robert Bruce. . . 6
Op. 111. Petite fantaisie sur le Pré aux
Clercs 5
— Op. 172. Petite fantaisie sur la Muette
de PorOci 5
— Op. 173. Marche de Guillaume Tell. . 5
— Op. 179. Petite fantaisie sur Haydèe. . 5
— Op. 194. Petite fantaisie sur YEnfant
prodigue, 5
Fessy. Galop favori de la Fille du hanube. . 6
tlu-lsfli). Op. 7. Air favori ù'Actéon. ... 5
— Op. 10. Air favori de l'Ambas'adrice. . 6
— Op. 13. Deux rondos-valses sur le Do-
mino noir 7
Op. 21. Deux rondos faciles sur le Lac
des Fées. 2 suites, chaque 5
Op. 34. Duo brillant etfacile sur Zone/ta 6
— Op. 35. Cavatine et ballade de Zanetta,
doigtées facilement 5
Les Soirées musicales de Rossini,
transcrites pour le piano, a 4 mains, et
doigtées facilement. 3 suites, chaque . 7
Xle»keit et Mosclielès. Rapsodie et valse
de Varsovie 7
Heu (H.). Op. 50. Grandes variations sur la
marche favorite de Guillaume Tell. . 9
— Op. 70. Variations concertantes sur le
PMllre 9
— Op. 71. Récréations musicales. Collec-
tion de 24 airs variés, rondos et fan-
taisies sur des thèmes choisis parmi
les plus beaux airs nationaux et les
motifs favoris des compositeurs célè-
bres, arrangés à quatre mains par
Henri Lemoine, 6 suites, chaque. . . 9 »
IIitz (IL). Op. 76. Variations brillantes sur le
Pré aux Cleics, arrangées par Hall. 12 »
— Op. 111. Grande fantaisie sur la Roma-
nesco, arrangée par R. Wagner. . . 9 »
Eïcrz. (J.). Op. 21. Cinq airs de ballet de Ro-
bert le Diable, arrangés en rondo,
chaque 7 50
— Op. 22. Trois chœurs de Rober' leDia-
bte, arrangés en rondos brillants, cha-
que 7 50
— Op. 29. Quatre airs de ballet des Hugue-
n"ls, arrangés à quatre mains par Ch.
Schwencke, chaque 7 50
— Op. :}9. Trois airs de ballet de Charles
17, chaque 9
— Op. 51. La Coquette, valse brillante. . 9 »
lEnul. .i (F.). Op. 82 bis. Deux rondos faci-
les, sur des motifs AesHvguenois, ar-
rangés à quatre mains, parC.Schunke:
1. Cavatine du Page 6 »
2. Ronde des Bohémiens 0 »
— Nouvelles récréations musicales très-fa-
ciles, divisées en 4 suit., chaque. . . 6 -
— Quatre airs de ballet de la Favorite :
1. Chœur dansé. — 2. Pas de
trois. — 3. Pas de six. —
4. L'Espagnole. Chaque. . 6 -
— Op. 40. Variations brillantessurla mar-
che favorite de Gu llaume Te 1 . . . 9 »
— Op. 174. Fantaisie sur Giralta. ... 7 50
B-c Cnrpi-utier. Op. 32. I" divertissement
sur le Lue des Fées 6 o
— Op. 24. Trois bagatelles sur des motifs
de V Éclair trois suites, chaque. . . 5 »
— Op 25. Trois bagatelles sur des motifs
des Hugue.nols, trois suites, chaque. 5 »
— Op. 43. Quatre divertissements sur des
motifs delà Favoi ite, quatre suites,
chaque 0 »
— Divertissement sur des motifs de Guido
et Ginevra 6 »
— Divertissement sur des motifs des Treize. 6 •
— Divertissement sur des motifs du Shérif. 6 »
— Divertissement sur le Guitarrero. . . . (i »
— Divertissements et variations sur des
motifs de la Reine de Chypre, deux
suites, chaque 6 »
— Divertissement sur Charles VI ... . 6 »
— Op. 141. Fantaisie sur le Prophète. . 7 60
Di.'iuoii.i' (H.). Galop favori de Gustave ou
lr bal m sqné 6 »
— Polonaise, favorite de l'opéra I Puri- 6 »
tan) 6 »
Memlelssohii-BSartholdy. Op. 56. Troi-
sième symphonie, arrangée à 4 maius
par l'auteur 18 »
— Op. 83 bis. Andante et variations ... 9 »
ÏBosc)>el<-s. Op. 112. Grande sonate sympho-
nique 24 »
Onslow (G.). Op. 7. Grand duo 9 »
— Op. 22. Grande sonate 12 »
Osboruc. Souvenir de la Juivfi 7 50
— Op. 18. Duo brill. sur l'opéra / Puri-
tani 'J »
— . Op. 41. Duo brill. surdes thèmes d'Auber. 9 »
- Duo brillant sur le Barbier de Séoille. 10 »
Boselleu. Op. 36. Fantaisie sur la Favorite. 9 »
— Op. 46. Fant. sur la Reine de. Chypre. 9 »
— Op. 54. L'Aérienne, valse 7 50
— Op. 56. Fantaisie sur Charles VI. . . 9 »
— Op. 71. Fantaisie sur la Juive 9 »
— Op. 82 bis. Premier trio, arrangé pour
le piano, à 4 mains, par l'auteur. . . 12 »
— Op. 86. Fantaisie sur les Mousquetaires. 9 »
_ Op. !t6 Id. sur l'Éclair 9 »
— Op. 102. Id. sur Robert le Diable. . . 9 »
— Op. 107. Id. sur les Huguenots. . . . 9 »
— Op. 108. Fantaisie de concert sur Mar-
guerite d'A njou de Meyerbeer. ... 9 »
— Op. 111. Fantaisie brillante sur le T'ai
d'Andorre 9 »
— Op. 114. Grande fantaisie sur le Pro-
phète 9 »
— Op. 119. Fantaisie élégante sur la Fée
aux Roses 9 »
— Op. 124. Grand duo sur la Favorite . 9 »
Roseuhain. Trois petits duos à 4 mains, cl,. 5 »
• — Grande fantaisie dramatique sur la Reine
de Chypre 9 »
Ito.ssini. Deux pas redoublés et une marche,
3 suites, chaque 6 »
— L'Orgie, air de ballet de liobert Rruc. 6 »
Tlitilbei-ï (S.) Op 1. Fantaisie sur Furiante 9 »
— Op. 10. Grande fantaisie sur/ Montée-
ch'' et Cnpû'etli .10 »
— Op. 19. 2e caprice, arrangé par Bénédict 9 »
— O . 31. Scherzo 9 »
— Op. 32. Andante, arrangé par Bénédict. 7 50
— Op. 31. Grandcfantaisie sur la prière de
Moïse, arrangée par Bénédict ... 10 »
— Op. 36. Etude en la mineur 7 50
— Op. 39. Souvenir de Beethoven, arrangé
par Czerny 1 0 »
— Op. 40 Fantaisie sur la Donnad-lLayo. 9 »
— Op. 41- Trois romances sans paroles ar-
rangées par Czerny 7 50
— Op. 42. Grande fantaisie sur la sérénade
et le menuet de Don Juan, arrangée
par Czerny 10 »
— Op. 43. Deuxième fantaisie sur les Hu-
guenots 12 »
— Op. 45. Thème et étude en la. mineur,
arrangés par Czerny 7 50
— Op. 47. Valses brillantes 9 >■
— Op. 48. Grand caprice sur Charles VI. 9 »
— Op. i!). Grande fantaisie sur Dealiiccdi
Tendu 12 »
— Op. 51. Grande fantaisie sur Sémira-
mide 12 »
— Op. 52. Grande fantaisie sur la tarentelle
de la Muette de. Partiel, arrangée par
Czerny 10 *
— Op. 54 Grand duo sur Sémiramide. . 10 ■>
— Op. 61. Mélodies styriennes, arrangées
à 4 mains par Ed. Wolff 10 »
— La Romanesca 5 »
- M- se : Mi manca la voce 5 »
— Fetice Douzel'.u, romance de Dessauer. 6 »
— Romance sans paroles 6 »
— ■ Adagio et rondo, tiré du 5' concerto. . 9 »
— Romance variée, arrangée par Czerny 5 »
Wolff. (En.) Op 26. Grand duo brillant . . 9 ..
- Op. 56. Grand duo sur les Diamants
de la Couronne 9 »
— Op. 57. Grand duo sur la Favorite . 9 »
— Op 59 Grand duo sur le Guitare.ro . 9 »
— Op. 67. Grand duo sur la Favori'e. . 9 ■
— Op. 72. Grand duo sur les Soirées mu-
sicales Ae Rossini 9 »
— Op. 74. Grand duo sur la Reine de Chy-
pre 9 «
— Op. 74 bis. Grand duo sur Robert le.
Diable 9 »
— Op. 75. Grand duo sur les Huguenots. 9 »
— Op. 79. Grand duo sur Guido et Gine-
vra. 9 »
— Op. 80. Grand duo sur la Juive . . . 9 »
— Op. 85. Souvenir de la Part du diable,
fantaisie élégante et facile 9 s
— Op. 86. Grand duo sur Chartes VI . . 10 »
— Op. 88. Grande valse de Charles VI . 7 50
— Op. 104. Réminiscence de la Sirène,
duo brillant 9 *
— Op. (07. Duo sur les motifs du Lazar-
rone 9 »
— Op 1 15. Réminiscence de la Rarearolle,
fantaisie brillante 9 »
— Op 122. Les Deux Amies, recueil de
morceaux faciles à l'usage des pension-
nats, divisé en 12 livraisons chaque . 6 »
— Op. 129. Grand duo sur les Mousque-
taires de lu Reine 9 »
— Op. 141- Réminiscence de Sultana, duo
brillant 9 »
— Op. 143. Réminiscence de Robert Bruce,
duo brillant 9 »
— Op. 146. Duo brillant sur V Eclair . . 9 •
— Op. 147. Les Jeunes Pensionnaires, six
duos faciles sur des motifs d'opéras
d'Auber Hérold et Rossini, 6 suites, ch. 6 »
— Op. 1 49. Duo sur Marie Thérèse. ... 7 »
— Op. 153. Réminiscence de llaydée. . . 9 >•
— Op. 156. Souvenir du Val d'Andorre. 9 »
— Op. 158. Réminiscence du Prophète . 9 »
— Op. |62. Souvenir de la Fée aux Roses 9 •
— Op. 163. Duo brillant sur l'Enfant Pro-
digue 9 «
— Grand duo sur les motifs de Don Juan. 9 »
— Arrangements des 4 airs de ballet du
Prophète, 4 suites, chaque 9 »
— Arrangement de la Marche du Sacre, du
Prophète 9 »
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BUREAUX A PARIS : BOULEVART DES ITALIENS, 1.
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WcssoletC*, 2-211, Itig.nt sire.'
irf5.ll.-li/nrd.
Scharfonberg ot Luis.
REVUE
i« Août 1852.
Prix de I r&bounemcDl t
Djpirtements, Belgique et Suis
Étranger
Le Journal parait le Dimanche.
TTE MUSICALE
mm fâiis,
-w\AAAP3©®©^V\AAA^-
SOMMAIRE. — La musique de la tragédie, du drame et de la comédie. — Conser-
vatoire national de musique et de déclamation, concours à huis clos et concours
publics. — Des neumes employées à 1b notation dà plain-chant (2e article) , par
Adrien «le la Face. — Correspondance, Berlin. — Nouvelles et annonces.
LÀ MUSIQUE DE LA TRAGÉDIE , DU DRAME ET DE LA
COMÉDIE.
Plusieurs compositeurs , parmi lesquels il en est d'habiles et d'illus-
tres, ont associé leur muse à celle de quelque grand poëte ancien ou
moderne pour ajouter un intérêt musical à l'intérêt littéraire de tragé-
dies ou de drames qui semblaient comporter l'adjonction de cet acces-
soire. Toutes les fois que le fait s'est produit, les amateurs ont crié à
la découverte, au miracle.'A les en croire, ces compositeurs avaient re-
trouvé la clef de la musique des Grecs ; le chœur antique était ressus-
cité ! Le public, s'en rapportant aux lumières des amateurs, était con-
vaincu que ce qu'on lui faisait entendre venait réellement d'Athènes
ou de Sparte. Le tout est d'avoir la foi , dira-t-on ; la couleur locale
existe réellement pour ceux qui croient la voir. Mais si l'on raisonnait
ainsi , il n'y aurait plus rien de vrai , rien de faux. Avant de dire que
la musique des anciens était retrouvée, il aurait fallu établir en quoi elle
consistait. On ne le fit pas, sans doute à cause de l'impossibilité de
tomber d'accord sur ce premier point, que n'ont pu éclaircir les inter-
minables discussions des érudits. Quoi qu'il en soit, l'intervention de
la musique dans la tragédie et dans le drame, chez les modernes, n'est
pas d'aussi récente origine qu'on le croit communément. Il y avait Ion-
temps qu'on avait fait en Allemagne des essais de ce genre, quand s'en
avisa la France. Nous trouvons dans un petit bouquin bien oublié
d'assez curieux détails sur ces essais. On y voit ce qui suit :
Jean Adam Scheibe , maître de chapelle de l'Opéra allemand de
Hambourg, avantageusement connu comme compositeur et comme
écrivain, fit, en 1736, une découverte qui aurait pu contribuer aux
progrès de l'art théâtral , si l'on en eût plus généralement apprécié
l'importance et si les musiciens se fussent entendus avec les poètes pour
unir plus intimement qu'on ne l'avait fait précédemment les deux arts
qui avaient tant de rapports naturels. L'orchestre, tenant en quelque
sorte dans nos spectacles la place du chœur des anciens, Scheibe en
conclut que chaque tragédie exigeait un genre particulier d'accompa-
gnement pour être en harmonie avec les impressions des spectateurs.
Non-seulement il composa des symphonies adaptées aux pièces de Po-
lyeucle etde Miihridaie, que Mme Neuber fit représenter avec un grand
succès sur son théâtre ; mais il donna dans une feuille périodique qu'ij
publiait sous le titre du Musicien critique, des préceptes à l'usage
du musicien qui voudrait entrer dans cette nouvellevoie du do-
maine de l'art : « Toutes les symphonies faites pour des tragédies
(c'est ainsi que parle Scheibe) doivent être pompeuses ou vives et
remplies de sentiment : voilà la règle générale; mais il en est de
particulières : ainsi , le compositeur doit tenir compte du sujet de la
pièce et du caractère des personnages ; cela est fort important. Chez
les héros de tragédie , nous remarquons tantôt une vertu , tantôt une
autre. Qu'on mette Polyeucte en présence de Brutus, Alzire en regard
de Mahomet , et l'on verra que la même musique ne leur convient
pas. Une tragédie où la religion et la piété sont les mobiles qui déter-
minent les actions du héros, exige une musique empreinte d'un carac-
tère grave et religieux; mais, quand les passions qui l'animent sont la
valeur, la magnanimité, le dévoûment, la musique doit prendre des
allures beaucoup plus vives. Caton, Brutus, Mithridate, appartiennent
aux héros de cette dernière espèce.
» Voici pour la tragédie ; parlons maintenant de la comédie. La sym-
phonie qui s'adapte à ce genre de pièce diffère essentiellement de celle
qui convient à l'autre. Elle affecte des formes plus libres ; elle est plus
légère et peut descendre parfois jusqu'au style badin ; mais il faut éga-
lement qu'elle s'accorde toujours avec le ton de la pièce. Selon que la
comédie est sérieuse, tendre ou badine, la symphonie doit l'être aussi.
Par exemple, la symphonie de V Avare ou du Malade imaginaire ne
conviendrait pas à V Irrésolu 'et |au Distrait. Les premières doivent
être gaies, bouffonnes même ; les autres, sérieuses et soutenues.
n L'ouverture présente l'idée générale de la pièce ; mais, comme elle
précède immédiatement le premier acte, il faut qu'elle s'accorde sur-
tout avec celui-ci. Les symphonies des entr'actes, dépendant également
et de la fin d'un acte et du commencement d'un autre, auront deux
caractères participant de celui des deux parties qu'elles servent à relier.
Cela n'a lieu toutefois que lorsque les situations des deux actes offrent
des oppositions ; autrement, il y aura unité dans le style du morceau,
qui, dans tous les cas, durera assez longtemps pour donner aux acteurs
le temps de se disposer à reparaître. Quant à la symphonie de la fin ,
elle sera exactement d'accord avec le dénoùment , pour que l'impres-
sion produite sur le spectateur soit plus vive. Qu'y a-t-il de plus ridicule
que de jouer une symphonie bouffonne après que le héros a perdu la
vie par suite d'une catastrophe émouvante ; et quand une comédie se
termine gaiement, quoi de plus absurde que d'entendre une symphonie
touchante ? »
Plusieurs compositeurs estimés, contemporains de Scheibe, mirent
la main à l'œuvre pour donner des modèles du nouveau genre de sym-
phonie dont l'auteur du Musicien critique avait posé les règles. Hertel
fit des entr'actes pour des tragédies allemandes ; Agricola en composa
pour la Scmiramis de Voltaire. Beaucoup de jeunes artistes entrèrent
dans la même voie. Il serait trop long d'en dresser le catalogue.
250
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
Il n'y a rien que de fort rationnel dans ce que dit Scheibe, de la ma-
nière dont le plan des symphonies destinées aux tragédies et aux co-
médies doit être conçu. Par principe, par tradition ou par le seul effet
de l'instinct, les maîtres allemands qui ont prêté aux œuvres littéraires
l'appui de leur talent ou de leur génie, se sont conformés aux règles de
cette poétique. Parmi ceux qui, de nos jours, sont parvenus au plus
haut point de perfection dans ce genre , il suffira de citer Beethoven
dans Egmont. et Meyerbeer dans Slruensée. En esquissant le pro-
gramme qu'il proposait aux compositeurs de son temps, comme un ré-
sumé des principes fondamentaux sur lesquels devraient reposer leurs
symphonies dramatiques, Scheibe n'a pas prévu que l'auteur de l'ou-
verture et des entr'actes de Struensée irait au-delà de la perfection
qu'il avait conçue. C'est ce qui arrive toutes les fois qu'un artiste de
génie se mêle d'appliquer la règle posée par un théoricien.
Les exemples de la participation de la musique au spectacle de la
tragédie et de la comédie sont infiniment plus rares en France qu'en
Allemagne. Dans ce dernier pays, la musique ne gâte jamais rien. Elle
s'accommode à tout, au contraire, et passe pour ajouter au charme des
meilleures choses auxquelles on l'associe. La littérature ne se trouve
nullement déshonorée d'invoquer son concours. Essayez de persuader
à des Berlinois ou à des Viennois qu'une belle symphonie est un fâcheux
voisinage pour de beaux vers ! En France la poésie est plus altière ;
l'obligation de partager l'attention de la foule l'humilie ; elle la veut
tout entière, et ce n'est que par exception qu'elle a permis à sa sœur
la musique de marcher à ses côtés.
La Comédie-Française a conservé les traditions du temps où un phi-
losophe, mauvais prophète assurément, soutenait que jamais les Fran-
çais n'auraient de musique. En vain quelques réformes ont-elles été
opérées par le chef d'orchestre actuel du théâtre de la rue Richelieu,
en vue de relever la musique de l'état d'abaissement où de temps im-
mémorial on la maintenait obstinément ; cet art n'y a pas encore une
position digne de lui, digne de la nation qui a la juste prétention d'ex-
celler dans tous ses produits. Voyez ce qui se passe encore dans tous
les théâtres où l'on joue les pièces du répertoire de la Comédie-Fran-
çaise, et où l'on se pique d'observer les usages traditionnels. Les entr'-
actes sont remplis par des fragments de quatuors d'Haydn et de Mozart,
que des exécutants maladroits défigurent à plaisir. Le rideau se lève
sans attendre la fin du morceau; les comédiens paraissent, et le chef de
pupitre, se conformant à la règle établie, frappe de l'archet sa lanterne
de fer-blanc pour interrompre ses partenaires. Ceux-ci n'ont pas le
droit d'achever la phrase commencée ; une note de plus leur serait im
putée à crime. Quand la poésie prend la parole, la musique, non
plus sa sœur, mais son esclave, doit se taire. Y a-t-il quelque chose de
plus contraire au bon sens, de plus absurde, de plus révoltant que
celte façon d'agir ? Si l'on demande pourquoi MM. les comédiens font
jouer à la musique ce rôle ridicule; si l'on fait observer qu'il vaudrait
infiniment mieux supprimer toute musique que d'en avoir de cette
sorte, les gens que la chose concerne vous répondent que le lever du
rideau doit nécessairement être précédé de quelques accords; qu'il ré-
gnerait sans cela un froid glacial sur l'ensemble de la représentation.
Mauvaise raison dont ne peut se contenter la dignité de l'art, ce qui
n'empêcherait pas les étrangers, disposés à apprécier sur cet échan-
tillon l'état du goût musical en France, d'accuser le peuple qui souffre
de pareilles monstruosités, de n'avoir pas d'oreilles.
Qu'y aurait-il à faire pour apporter un remède radical au mal que
nous prenons la liberté de qualifier de scandale artistique, dussent
s'indigner les poêles et les comédiens à cheval sur leurs traditions et
privilèges? Le voici. Toute tragédie nouvelle, quand par hasard il en
surgit, tout drame et toute comédie aurait pour accessoires obligés une
ouverture et des entr'actes composés ou arrangés ad hon et se présen-
tant sous une forme convenable. Pour les pièces de l'ancien répertoire,
on confierait à quelques uns des lauréats de l'Institut , revenus
d'Italie, et tandis qu'ils attendent encore le premier poëme objet
de leurs vœux, le soin de leur donner cet ajustement musical, en
leur recommandant d'être très-réservés dans leurs développements,
de s'en tenir au strict nécessaire. Pour certaines de ces pièces, et afin
d'en faire pour le public une sorte d'étude archéologique complète,
il serait curieux d'y joindre des fragments de compositeurs contem-
porains des poètes; mais ce ne serait pas une nécessité, caria musique
a cela de beau que lorsqu'elle exprime des passions ou des sentiments,
elle est de tous les temps et de tous les pays.
Que les auteurs dramatiques ne prennent pas ombrage de notre pro-
position. Il ne s'agit nullement d'empiéter sur les droits de la poésie.
Nous voulons qu'on respecte les limites naturelles des genres, et nous
serions les premiers à trouver ridicule qu'on donnât à la musique des
tragédies et des comédies une importance qui parût vouloir contreba-
lancer celle de l'œuvre littéraire. Ce que nous demandons, c'est qu'au
lieu de mettre l'oreille des spectateurs au supplice, les symphonies
d'entr'actes soient faites de manière à leur causer des impressions agréa-
bles et toujours en rapport, ainsi que le voulait Scheibe, avec le sujet
de la pièce. Nous sommes persuadé que les progrès naturels du goût
aboutiront nécessairement un jour au but que nous indiquons, et qu'on
s'étonnera que la musique actuelle des spectacles littéraires ait été si
longtemps supportée, de même qu'on s'étonne que les héros de la
Grèce et de Rome aient été représentés, à la grande satisfaction des
amateurs, sous les habits des marquis de la cour de Versailles.
E. F.
CONSERVATOIRE MTI9HAL DE MUSIQUE ET DE BÊCLAEÎATIOI?.
Concours à buis c9o« «-t concours psalsllcs.
Les concours à huis clos ont continué lundi et mardi. Lundi, c'é-
taient d'abord les élèves de la classe d'orgue, dont M. Benoist est pro-
fesseur, qui se livraient bataille entre eux ; et relativement à leur nom-
bre total, celui des vainqueurs a été grand. Deux premiers prix ont été
obtenus, l'un par M. Jules Cohen, l'autre par M. Franck 2'. Un se-
cond prix a été décerné à M. Vast, un premier accessit à M. Lecoq, et
un troisième (il n'y en a pas eu de second) à M. Delaruelle.
Ensuite le jury a procédé au jugement du concours de contrepoint
et de fugue. Le premier prix a été remporté par M. Deneaux, élève de
M. Adolphe Adam ; le second, par M. Lecocq, élève de M. Halévy; le
premier accessit, par M. Demerssemann, élève de M. Leborne; le se-
cond, par M. Vast, élève de M. Adolphe Adam, et le troisième par
M. Jules Cohen, élève de M. Halévy.
Le lendemain mardi, c'était le concours de solfège, un peu moins
effrayant cette année que les années précédentes, grâce au nouveau
règlement qui limite à quinze ans l'âge des concurrents et concurren-
tes, sauf les rares exceptions, dont le comité des études musicales est
le souverain juge. Cette année donc, au lieu des vingt-deux élèves du
sexe masculin et des soixante-deux du sexe féminin qui l'année der-
nière entraient en lice , il n'y avait que treize hommes et quarante-
deux femmes ; total cinquante-cinq, et non plus quatre-vingt-quatre !
Mais on conviendra que ce chiffre de cinquante-cinq est encore assez
agréable pour le jury, qui, cinquante-cinq fois de suite, entend chan-
ter la même leçon et répéter à peu près le même protocole de ques-
tions et de réponses. Ce ne sont pourtant que les roses du métier. Le
moment de peine et de véritable angoisse pour le jury, c'est celui où
il faut juger, prononcer, distinguer entre tant de petits mérites, qui
souvent ne diffèrent pas de l'épaisseur d'un cheveu ! Le solfège a quel-
que chose de positif et de mathématique; on ne s'y sauve pas par le
sentiment, l'impression, l'élégance. On lit ou on ne lit pas; on répond
bien, on répond mal ou pas du tout. Donnez une additionàfaireàvingt
élèves. S'il s'en trouve dix qui la fassent également juste, quelle nuance
établirez-vous entre eux ? De même pour le solfège. Encore lorsqu'il
n'y a que treize mérites à juger et à récompenser, comme cette année
dans les classes d'hommes, il est possible d'en venir à bout et d'être
juste envers tout le monde; mais lorsqu'il y en a quarante-deux comme
dans les classes des femmes, et que l'on n'a que six nominations à leur
DE PARIS.
2 M
partager, l'embarras devient inextricable. Aussi le jury a-t-il pensé, à
l'unanimité, que, sans augmenter le nombre de prix fixé par le règle-
ment (deux premiers et un second), il y avait indispensable nécessité
de doubler ou même tripler les trois accessits. Et c'est ce qu'il a fait,
persuadé que son infraction, légitimée par des arguments irrésistibles,
serait prise en bonne part et que le ministre l'approuverait.
Le jugement du double concours de solfège a donc donné les résul-
tats suivants :
Classes des hommes. — 1er prix : MM. Bernardel, élève de M. Jonas,
et Pazetti , élève de M. Durand. 2e prix : M. Pillevesse , élève de
M. Tariot. 1" accessit: M. Chambon, élève de M. Savard. 2e accessit:
M. Truy, élève du même. 3° accessit : M. Bernard, élève de M. Jonas.
Classes des femmes. — 1er prix : Mlle Costier, élève de M. Batiste,
et Mlle Darjou, élève du même. 2e prix: Mlle Brunschwig, élève de
Mlle Klotz. 1er accessit : Mlles Dubuisson-Guillemot, élève de Mlle Lo-
rotte; Biard, élève de Mme Mtrcié- Porte; Murer, élève de la même.
2" accessit: Mlles Bayon, élève de M. Lebel ; Rodrigues, élève de
Mlle Klotz ; Leclercq, élève de la même. 3e accessit, Mlles Tronquier,
élève de M. Goblin ; Villers, élève de Mlle Klotz et Urso, élève de
Mlle Lorotte.
Mais ne croyez pas qu'au moyen de ce triplement d'accessits tous
les mérites aient été récompensés, toutes les consciences satisfaites.
Beaucoup de jeunes filles qui dans des concours précédents avaient
déjà obtenu des distinctions, sont forcément restées où elles en étaient;
d'autres qui n'avaient encore rien obtenu, mais qui n'en méritaient
pas moins une mention pour leur intelligence et leur travail, ont vu
leurs espérances ajournées à l'année prochaine.
Les concours publics ont commencé jeudi par celui de piano. Les
hommes étaient au nombre de treize et les femmes de vingt-deux, en
tout trente-cinq. Les hommes avaient à exécuter le troisième concerto
de Henri Herz; les femmes, le quatrième concerto de Field, deux com-
positions égalemeni classiques, mais de caractère tout à fait divers, et
dont la seconde, par la grâce naturelle de ses mélodies, par l'élégance
de ses moindres détails, semblait faite exprès pour des talents fémi-
nins. Le morceau de lecture destiné aux élèves de ce sexe était aussi
conçu et écrit de manière à faire valoir tous leurs avantages, en
les plaçant sur leur véritable terrain, celui du charme et de la coquet-
terie.
Deux premiers prix ont été accordés aux hommes, l'un à M. Bizet,
âgé de 13 à 14 ans, qui avait obtenu le second prix l'année der-
nière ; l'autre à M. Savary, âgé de 17 à 18 ans, qui avait obtenu
aussi un second prix en 1850. M. Bizet, musicien consommé, doué de
sentiment et de force expressive, avait joué, comme s'il eût été de
quatre ou cinq années plus vieux que son émule, tandis que c'était
précisément le contraire. La plus grande qualité de M. Savary, c'est
d'être à peu près irréprochable. Il n'y a rien à ôter de son jeu, mais
il y a beaucoup à y mettre. M. Bizet est élève de M. Marmontel, et
M. Savary, de M. Laurent. Un autre élève du même maître, M. Guyon,
a obtenu le second prix ; plus exercé, plus habile à la lecture, il au-
rait eu droit au premier. MM. Ketterer, élève de Marmontel ; Delcroix
et Rembielinski, élèves de M. Laurent, ont enlevé les premier, second
et troisième accessit.
Le concours des femmes était plus fort que celui des hommes, en
qualité comme en quantité. Cependant, il n'y a eu qu'un premier prix.
Mlle Colin, jeune personne de 17 ans , élève de Mme Farrenc, s'était
certainement distinguée par une exécution exceptionnelle, en ce sens
qu'elle lui est tout à fait propre et qu'on y sent l'inspiration originale,
plutôt trouvée que dictée, plutôt spontanée qu'étudiée, la touche de
l'artiste enfin; mais il est regrettable que Mlle Watteau, élève de Herz,
et qui, bien qu'inférieure à Mlle Colin, avait joué de façon à mériter
le premier prix, n'ait pu l'obtenir, malgré la presque unanimité du
jury ; elle ne l'a manqué que d'une voix. Mlle Picard, élève de Mme Co-
che , a très-justement enlevé le second prix; Mlles Murer, élève
de la même, et Lhéritier, élève de Mme Farrenc, ont partagé le pre-
mier accessit ; le second a été décerné à Mlle Brunschwig, élève de
Mme Coche, et le troisième à Mlle Hersant, élève du même professeur.
La séance de vendredi était consacrée au violoncelle et au violon.
Pour le violoncelle il y avait six concurrents qui, selon l'usage, avaient
à jouer un concerto deRomberg. M. Jacquard, jeune frère de l'excellent
violoniste de ce nom, a obtenu le premier prix; M. Thomas, le second;
M. Sauvaget, le premier accessit. Tous trois sont élèves de Franchom-
me. Un second accessit a été décerné à M. Marix, élève de M. Vaslin.
Le concours de violon n'a pas dérogé à ses habitudes : il a été bril-
lant et fort. Quinze concurrents s'y disputaiant les palmes et récom-
penses, en jouant un des plus beaux concertos de Viotti, le vingt-
quatrième, chef-d'œuvre d'invention, de sentiment, d'originalité noble
et charmante. Deux jeunes gens, déjà possesseurs de seconds prix da-
tant de 1850, MM. Lancien et Viault, élèves d'Alard, ont obtenu le pre-
mier ensemble. M. Fournier, élève de Massart, a obtenu seul le second,
et M. Pazetti, élève d'Alard, le premier accessit; M. Lamoureux, élève
de Girard, le second. Le jury a décerné un troisième accessit à M. Mar-
tin, élève d'Alard, et à Mlle Urso, élève de Massart. Mlle Urso trouvera
peut-être qu'on l'a mal jugée, en ne lui accordant qu'une moitié dans
une récompense de cet ordre. En effet, cette jeune fille méritait mieux
au point de vue du public, accoutumé à l'applaudir, et sur qui elle pro-
duira toujours beaucoup d'impression, mais non au point de vue de
l'école, où le succès tient à d'autres conditions. Mlle Urso a bien joué
le concerto de Viotti, par rapport à son sexe et à son âge (elle compte
à peine douze ans), mais non par rapport à Viotti et à son style. Une
main de femme aura toujours tort de vouloir soulever la massue d'Her-
cule. La jeune Urso n'a pas besoin d'un effort de ce genre pour faire un
brillant chemin dans le monde musical, en deçà ou au delà des mers, sur
les traces de Teresa Milanollo.
Nous n'avons que le temps et l'espace nécessaires pour inscrirele ré-
sultat du double concours de chant qui a rempli la séance d'hier sa-
medi.
Classes des hommes. — 1" prix : M. Faure, élève de Ponchard.
2e prix : M. Bonnehée, élève de Révial. 1er accessit : MM. Crambade,
élève de Ponchard; Wicart, élève de Révial. 2e accessit ; MM. Bétout,
élève de Bordogni; et Bonheur, élève deGalli. 3e accessit : MM. Bou-
langer, élève de Panseron ; et Codelaghi, élève de Giuliani.
Classes des jemmes. — Pas de premier prix. 2e prix : Mlles Boulart,
élève do Mme Damoreau ; et Geismar, élève de Ponchard. 1er accessit :
Mlles Dietsch, élève de Mme Damoreau ; Rey, élève de Révial; et Ri-
golât, élève de Mme Damoreau. 3e accessit : Mlles Sannier, élève de
Battaille ; et Amélie Bourgeois, élève de Bordogni.
A dimanche prochain les détails.
DES NEMES
EEmpBoyées à la noîaîBom dln ïï»JaËn-C3»aBt.
(2e article) (1).
Risquerai-je ici une idée tant soit peu bizarre qui m'est venue plu-
sieurs fois et qui pourrait bien prêter à rire aux moqueurs? Pourquoi
non? Quand on donne une mauvaise pièce pour ce qu'elle vaut, on
n'est pas pour cela réputé faux monnayeur.
Tout le monde sait que l'usage de marquer la mesure, soit avec le
pied, soit avec la main, est fort ancien et n'a jamais cessé d'être pra-
tiqué. Les Grecs modernes appellent les règles relatives à ces mouve-
ments de la main, chironomie, et en font l'objet de chapitres de leurs
traités de musique et quelquefois même de traités spéciaux. Eh bien,
je me suis toujours demandé si par le passé il n'était pas possible que
la chironomie, autrement les gestes manuels convenus eussent ,'servi à
autre chose qu'à l'indication de la durée des sons, et s'ils n'avaient
pas pu être employés à désigner également l'intonation des intervalles.
Les neumes seraient alors la représentation de ces gestes. En effet,
leur ensemble se compose de points principaux liés entre eux par des
(1) Voir le n° 29.
)
Jj!
il
252
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
traits plus ou moins prolongés selon l'occurrence, et la main marque-
rait le tout avec une grande facilité. Un fait qui viendrait à l'appui
serait l'existence, par moi constatée dans d'anciens manuscrits, de dé-
monstrations élémentaires dans lesquelles les degrés de seconde, de
tierce, de quarte, etc., sont désignés par des lettres qu'attachent l'une
à l'autre des lignes traînées dans le sens de l'intervalle ascendant ou
descendant et en raison de sa distance, ce que l'action de la main
pourrait parfaitement imiter. Au surplus, il est bien entendu encore
une fois que cette proposition n'est qu'une pure hypothèse à laquelle
on est libre de n'attacher aucune valeur ; on ne lui en accordera ja-
mais moins que je ne lui en donne moi-même.
Quoi qu'il en soit , je n'ignore pas qu'à l'opinion qui donne pour
origine aux neumes l'intention d'offrir à la vue les ondulations du son,
il y a Iieu-de faire une objection fort grave, c'est que chez les anciens,
ou du moins chez les Grecs et chez beaucoup d'autres peuples, l'idée
du mouvement de la voix vers l'aigu ne comportait aucunement celle
d'ascension, pas plus que le mouvement vers le grave ne comportait
celle de descension. Ces effets se présentaient beaucoup plus régu-
lièrement à leur esprit par la tension et la détension; en effet, per-
sonne qui ne sache que le degré tonique d'une corde sonore varie
selon qu'elle est plus ou moins tendue ou détendue.
Toutefois, il paraît que dès une époque assez ancienne, on jugeait
chez les Romains du degré du son par la comparaison relative d'élé-
vation et d'abaissement. Ils pensaient sans doute qu'une corde tendue
au point de résonner a toujours à nos yeux la même apparence, quel
que soit le degré tonique qu'elle fasse entendre, tandis que l'espace
parcouru par la vue de bas en haut ou de haut en bas est chose tout à
fait sensible.
D'où leur était venue cette idée ? Peut-être de la forme de certains
instruments à cordes dans lesquels les cordes les plus aiguës se trou-
vaient placées à la partie montante du corps instrumental, ou bien des
instruments à vent, dont les tons sont plus aigus à mesure que l'on ou-
vre les trous de bas en haut.
Enfin, lorsqu'au vic siècle, Boèce en reproduisant les idées des Grecs
sur la division de la corde sonore, représenta le monocorde placé ver-
ticalement et les tons graves à la partie inférieure, tout le monde le
comprit et l'expliqua de la même manière. Or, l'époque de l'inven-
tion des neumes pourrait fort bien avoir suivi d'assez près celle à la-
quelle le ministre de Théodoric publiait ses cinq livres sur la musique,
qui ont servi de base h tous les traités du moyen âge.
L'usage des neumes fit promptement abandonner celui des lettres
latines, qui, du reste, paraît avoir été extrêmement rare pour les
pièces d'exécution, mais qui pour les démonstrations se conserva tou-
jours dans les ouvrages de théorie, dont, circonstance bien remarqua-
ble, aucun ne donne jamais ses exemples en notation neumatique,
mais les écrit au moyen, soit de seize lettres, soit de sept (se répé-
tant pour former le diagramme), soit de notations propres à l'auteur,
telle, par exemple, que celle de Hugband ou Hucbalde. Si la notation
en lettres eût été plus généralement employée, il en resterait plus de
monuments. On n'en cite que, deux dont l'un même est perdu: c'est le
rouleau de l'abbaye de lumiége qui contenait VExvltet du samedi
saint, et un autre rouleau qui, par une singulière coïncidence, contient
la même pièce et qui se conserve à Rome dans la bibliothèque Casa-
natense. Je ne parle pas de l'Antiphonaire de Montpellier ; il est bien
reconnu aujourd'hui, ainsi que je l'avais prévu et exprimé dès l'in-
stant de sa découverte, que les lettres y sont une traduction des neu-
mes et non pas les neumes une traduction des lettres.
Malheureusement, le pas fait en avant par l'introduction des neu-
mes pour l'écriture musicale était bien peu hardi, bien peu décidé,
tant ce système portait l'empreinte du défaut de précision et de la pe-
titesse d'esprit des inventeurs, qui s'étaient arrangés de manière à ré-
server une foule de cas d'interprétations, pour lesquels en chaque oc-
casion il fallait consulter le professeur. C'était ouvrir d'une main une
porte qu'ils refermaient de l'autre. Pour qu'il en fût autrement, il fau-
drait rejeter sur les copistes l'inexactitude qui existe dans la disposi-
tion des signes neumatiques. Je vais essayer de me faire comprendre.
Les neumes était composées de points tantôt isolés, tantôt atta-
chés l'un à l'autre par des traits, il est indubitable que si ces points
n'avaient pas reçu dans le principe une valeur de position, ils n'au-
raient pu avoir aucun sens, puisque leur figure était semblable ou bien
(si l'on veut regarder comme points tous les signes simples) puisque,
'eur figure étant différente, leur valeur était la même ; le point, le trait
court et la virgule ayant une seule et unique signification dans la no-
tation neumatique. Les premiers neumatistes avaient donc réglé que
l'élévation et l'abaissement des points indiqueraient la marche mélodi-
que ; à cet égard il ne peut, je crois, y avoir de contestations ; tous les
manuscrits connus sont là pour faire preuve. Lorsque des points iso-
lés sont appliqués à des syllabes un pour une, et lorsque plusieurs points
passent sur une même syllabe, le changement de position est sensible.
Dansles points liés, où plusieurs degrés sont représentés par un seul signe,
les parties extrêmes, saillantes, angulées, courbées, surchargées ou croi-
sées des ligatures qui désignent et dirigent l'intonation, sont constam-
ment situés de bas en haut si le chant monte, de haut en bas s'il des-
cend.
Voilà qui était fort bien. Mais ou les premiers neumatistes n'avaient
pas songé à tout, ou ils n'avaient pas voulu se rendre intelligibles à
tous, ou, enfin, ils ont été bien mal secondés par leurs successeurs ou
par leurs copistes.
D'abord, c'était un grand progrès d'avoir caractérisé le chant d'une
succession de degrés par l'élévation et l'abaissement des points ; mais
il eût fallu que cette indication eût été faite d'une manière rigoureuse et
que l'on eût bien reconnu dès le premier coup d'œil si en montant ou en
descendant, c'était d'une seconde, si d'une tierce, si d'une quarte, etc.;
tandis que le même signe, le podalus par exemple, qui ne s'appliquait
qu'à deux degrés ascendants, représentait indifféremment le saut de
seconde majeure ou mineure, de tierce majeure ou mineure, de quarte
et de quinte, en sorte que le lecteur allait au hasard s'il n'avait été
instruit à l'avance. Quelques copistes attentifs purent, parfois, régler
la distance des deux termes du podatus au moyen de la longueur de sa
queue ; mais ce podatus à longue queue n'était pas seul à exprimer le
saut de deux notes; il ne se voit même en cette forme que dans les ma-
nuscrits assez modernes ; d'ailleurs aucune mesure exacte ne décidant
de l'étendue du saut, elle aurait toujours été arbitraire. Ce vice radical
se retrouvait dans les signes plus compliqués, et, par exemple, le
gvtturali signifiait également /« sol la ou bien./» la ut ; pour les points
isolés eux-mêmes, il y avait incertitude à chaque instant, un point placé
au-dessus ou au-dessous d'un autre pouvant, dans la pensée du lec-
teur, désigner la seconde ou la tierce, etc. Cette incertitude continuelle
était dans la neumation la première difficulté, et elle se renouvelait à
tous les moments.
Supposons ensuite que cette difficulté n'eût pas existé, et que dans
chaque groupe de signes on eût pu distinguer parfaitement chaque de-
gré; il eût fallu de plus que les groupes fussent aussi entre eux en rap-
port d'abaissement et d'élévation ; or, cela n'existait pas. Chaque groupe,
après avoir suivi son mouvement ascendant ou descendant, était suivi
d'un autre groupe partant du même point que le premier. Pour expri-
mer cette idée d'une manière en quelque sorte matérielle, prenons
deux groupes, sol la ut viré mi fa mi miré; les lignes neumatiques
les représentaient, l'un par rapport à l'autre, comme on le voit ci-
dessous :
ut fa
la mi mi mi
sol ré ré
Ainsi le ré, quoique plus élevé d'une quinte que le sol, partait du même
point : seconde difficulté tout aussi grave que la première.
Enfin, quand même les chantres eussent possédé pour se reconnaître
dans tout ce labyrinthe des moyens qui ne seraient pas parvenus jus-
qu'à nous, ils ne devaient pas trouver de porte pour y entrer ; en d'au-
DE PARIS.
253
très ternies ils ne savaient comment commencer le morceau, car rien
dans la neumation ne leur marquait le degré d'où ils devaient partir;
et observez que chacun des huit modes du plain-chant peut commencer
par cinq ou six des degrés de son échelle : troisième difficulté. On avait
bien cherché une direction à cet égard en formant des tables d'an-
tiennes dont le psaume qui s'y rattachait aidait à discerner le mode,
et comme on avait, dès les premiers pas dans l'étude du plain-chant,
appris à distinguer le mode de chaque psaume, ce qui était assez facile,
la finale du verset psahnodique aidait à reconnaître le ton initial de
l'antienne. De là ces nombreux tonaire* et tonarions (tonarii, tonaria)
que l'on rencontre dans les anciens manuscrits/Mais, outre que ce pro-
cédé était en lui-même fort imparfait et fort douteux, il s'en fallait qu'il
pût s'adapter à toutes les parties du chant liturgique. Il ne convenait
véritablement qu'aux antiennes proprement dites et aux introïts, aux
offertoires et communions, lorsqu'un psaume les accompagnait, usage
assez rare et depuis longtemps abandonné. Quant aux répons-graduels et
autres répons, l'entrée en était fermée, et c'était à l'habileté et à la
mémoire des chantres de s'en tirer du mieux possible, ou pour tout
dire, ils ne s'en seraient jamais tirés d'eux-mêmes, mais le maître ve-
nait à leur secours en leur donnant la tradition qu'il avait reçue d'un
autre maître, et plus tard ils la transmettaient pareillement à leurs
élèves.
Remarquez, en outre, que la falsification d'un seul intervalle dans le
commencement ou le courant d'une pièce , entraînait celle de tout ce
qui venait à sa suite, si une nouvelle erreur, en corrigeant et compen-
sant la première, ne rétablissait l'équilibre.
On voit que ces difficultés de lecture sont fondamentales et de na-
ture à jeter une complète obscurité, une continuelle incertitude surtout
le système neumatique. Ce sont des embarras sans cesse renaissants et
auxquels ni le jugement le plus sûr, ni l'habitude la plus exercée ne
sauraient porter remède. Voilà précisément pourquoi je répugne à sup-
poser que les premiers inventeurs de la neumation l'aient conçue à un
point de vue aussi imparfait, quand la base même de leur système leur
offrait des moyens si faciles d'être plus intelligibles, puisqu'il suffisait
défaire pour chaque neume d'un morceau ce qu'ils faisaient pour cha-
que point d'une neume. Au fond , la grande et admirable réforme de
Guido n'a pas été autre chose, et il se pourrait fort bien qu'elle n'ait
fait que ramener la neumation à son état primitif. Le moine de Pom-
pose, en lui donnant une précision rigoureuse , y aurait ajouté d'im-
portantes améliorations, telles qu'un esprit aussi juste et aussi élevé
que le sien était capable de les concevoir. Cependant il ne faut pas dis-
simuler que dans les plus anciens monuments , les groupes neumati-
ques sont tracés sur une seule ligne, à moins que le chant ne soit fort
simple. J'en ai vu, en effet, dans lequels les syllabes ne portant jamais
plus de deux degrés, la position des points et virgules neumatiques et
des podates est forcément réglée sur le mouvement ascendant ou des-
cendant de la cantilène. Comment n'en a-t-il pas été ainsi dans tous
les cas ? Peut-être par la faute des copistes, sans doute par celle des
maîtres.
On doit considérer que les copistes, à l'époque où le système primi-
tif des neumes fut en usage, n'étaient point des calligraphes, des trans-
cripteurs de profession, faisant métier et exécutant sur commande, mais
des moines transcrivant pour leur propre et seul usage ce dont ils
avaient besoin, et dont le premier soin était toujours de ménager la ma-
tière première, c'est-à-dire le parchemin, alors fort cher. Et c'est ici le
lieu de remarquer pour ceux qui ne sont pas au courant des habitudes
du moyen âge, que ce serait une grave erreur de se figurer qu'alors on
employât pour les églises quelque chose de semblable à nos livres de
lutrin, sur lesquels un grand nombre d'exécutants peuvent lire à la fois.
Les livres de chant d'église , avant le xne siècle, ne dépassent pas le
format qui serait aujourd'hui notre in- 8°, et il s'en trouve d'infiniment
plus petits. Dans tous ces manuscrits , l'écriture est presque toujours
des plus fines et la neumation de la plus excessive ténuité. Pour que
deux personnes pussent y lire à la fois, il fallait non-seulement qu'elles
eussent bonne vue, mais que le livre fût parfaitement situé et ouvert
entre elles deux. Les paroles s'écrivaient d'ordinaire à l'avance et en
ignés assez serrées au milieu desquelles il fallait, en dépit du manque
d'espace, intercaler la neumation. Lorsque le transcripteur n'avait pas
été prévoyant et n'avait pas laissé entre les mots ou parties de mots
chargés de longues traînées de notes, un espace suffisant, il suivait
toujours en montant, afin que le mot qu'il outrepassait pût recevoir sa
propre neumation au-dessus de celle du mot précédent. 11 est aisé de
comprendre d'après cela que la position respective des signes dut être
promplement négligée et les signes imparfaitement tracés, mutilés et
dénaturés ; de ces négligences des copistes naquirent les variétés sou-
vent nombreuses d'un même signe que chacun d'eux modifiait à sa
guise, parce qu'en opérant ainsi il ne travaillait que pour lui et espé-
rait toujours s'y retrouver, car l'on sait, comment dans les écoles
s'appellent ceux qui ne savent pas lire leur propre écriture. Telles sont
les copies que nous avons aujourd'hui entre les mains et qui bien cer-
tainement n'avaient pas été faites pour nous.
Les maîtres du temps surent fort bien mettre à profit la multiplica-
tion de ces copies imparfaites qui faisaient d'eux des hommes indis-
pensables, s;ms lesquels, comme l'observe Guido, il était impossible,
étudiât-on cent ans, de parvenir à chanter de soi-même la plus chétive
antienne. Ils avaient , en effet, à décider à peu près de tout : 1° du
mode dans lequel était traité le morceau ; 2° de l'initiale ; 3° de la
fixation des intervalles dans les cas douteux, qui se présentaient souvent
sept ou huit fois dans une seule ligne. Ils réglaient tout cela d'après
leur savoir, qui n'était pas toujours très-grand, d'après leur juge-
ment, qui n'était pas toujours très- sain , et d'après la tradition,
qui, dans ce cas, eût été encore le guide le plus sûr, si elle n'eût varié
d'un pays, d'une ville, d'une église, d'une école à l'autre. Quoi qu'il
en soit, il est aisé de concevoir quelle importance et quelle influence
les maîtres conservaient dans un tel état de choses. Ils auraient beau-
coup perdu de leur prépondérance, si les neumes eussent été écrites
avec soin, curiose, comme le voulait Guido, qui donna pour y parvenir
des moyens sûrs et infaillibles.
Cette influence des maîtres aurait dès l'origine été encore bien
moindre, si l'on adoptait l'opinion de M. Nisard, qui, dans la partie
publiée de son beau travail sur les neumes, s'exprime en ces termes :
« Les neumes impliquaient d'une manière ingénieuse notre portée
musicale actuelle, du moins pour les notes modales et essentielles de
chaque ton. Certains signes avaient, en outre, un sens toujours sem-
blable, d'autres variaient suivant le mode. Indépendemment des signes
fixes et de modalité, il y avait des groupes neumatiques qui , au pre-
mier coup d'œil , indiquaient le ton du morceau. Le chanteur, ains
renseigné sur l'ensemble de la mélodie, n'avait plus qu'à rechercher;
la valeur des signes qui précédaient et suivaient les notes modales
échelonnées de distance en distance, et c'était pour lui un déchiffre-
ment beaucoup plus simple et plus facile qu'on ne le soupçonne au-
jourd'hui. «
Franchement, et en admettant que tout se soit passé comme le croit
M. Nisard, si bien au courant des écrivains et des usages musicaux du
moyen âge, je ne pense pas qu'il ait jamais pu résulter des procédés
et des connaissances qu'il attribue aux chantres de ces misérables
époques un système qui eut quelque chose de simple et de facile; la
nature même de l'objet y apportait une invincible opposition, et si l'on
examine combien les esprits étaient alors peu exercés, et combien
l'ignorance était profonde, on s'apercevra que l'embarras croissait à
proportion. Sans doute, les principes ci-dessus posés par le savant
musiciste sans aucun développement seront plus tard discutés et dé-
montrés par leur auteur : aussi n'éleverai-je point ici d'objection par-
ticulière ; je me contenterai de rappeler les justes attaques dirigées
contre le système neumatique depuis le vnie et le ixe siècle par ceux-là
même qui les étudiaient par état, à une époque où il n'existait pas d'au-
tre écriture musicale, et cette conclusion à laquelle il fallait toujours
arriver inévitablement, qu'il était impossible de chanter avec exacti-
254
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
tude une pièce neumée, si on ne l'avait au préalable apprise de la bou-
che d'un maître. C'est un tel état de chose que Guido trouvait misérable
et qu'il déplorait amèrement avant que son génie fût venu y porter
remède.
Pour prouver en quelques mots combien la neumation était un sys-
tème vicieux, toujours incertain, toujours embarrassant, ininterprétable
tant que le maître n'avait pas parlé, contestable dès qu'il avait ouvert
la bouche, il suffirait de remarquer d'une part l'adoption universelle des
améliorations guidoniennes, et de l'autre les persécutions qu'elles
suscitèrent comme de raison à l'inventeur.
Le mal avait été senti et signalé bien avant Guido. Le moine Hugbaud
proposait de substituer aux neumes un système de notation où chaque
tétracorde diatonique était caractérisé, et chaque degré du létracorde
facile à distinguer. Hartmann avait plus tard présenté des séries de
lettres qui avaient l'avantage d'une indication spéciale pour les demi-
tons. Eude de Cluny, ou l'auteur de l'opuscule qu'on lui attribue, vou-
lait qu'on se servît de sept lettres dont on reproduirait la série en
caractères différents pour la seconde octave. Tous ces changements,
qui avaient l'avantage incontestable de lever beaucoup d'incertitudes,
offraient sous d'autres rapports plusieurs inconvénients : aussi ne sor-
tirent-ils pas des écoles qui les avaient vus naître. Guido, à la fois plus
hardi et plus prudent, après avoir été chagriné, persécuté, calomnié,
obligé de quitter son monastère et de se réfugier auprès de son évêque
par lequel il fut heureusement protégé, eut enfin le bonheur de parve-
nir à faire reconnaître les avantages de sa méthode. Son système, plus
rationnel et plus sensible, avait en outre l'avantage de ne pas trop
s'écarter des habitudes reçues ; pour toute réforme, c'est là un grand
élément de succès : aussi ses innovations furent-elles rapidement et gé-
néralement adoptées en dépit des vaines clameurs de l'opinion arriérée.
Jean Cotton , qui est peut-être , sans même en excepter Guido , le
musiciste du moyen âge qui a mis dans ses écrits le plus de clarté,
d'ordre et de raison, venu peu de temps après , se fit naturellement
grand propagateur de la nouvelle doctrine, et porta les derniers coups
au système neumatique.
Quiconque s'attache aux neumes, dit-il, est dupe de la fausseté et
de l'imposture, et celui qui adopte les neumes musicales, c'est-à-dire
le système de Guido, suit le sentier delà vérité et de la certitude. Bien
loin d'être mères de la science, les neumes irrégulières (ou plutôt irré-
glées, c'est-à-dire sans lignes) n'engendrent que l'erreur et l'incerti-
tude. Qu'un élève étudie tout le graduel jusqu'au dernier office et à la
dernière communion : cette dernière communion, il sera réellement
incapable de la chanter par lui-même. Composés de virgules, d'hicli-
nes, de podals, les intervalles qu'expriment les neumes sont indiscer-
nables, et les chants qui en résultent ne sauraient se fixer dans la mé-
moire. Disposées sur un seul rang , elles ne désignent aucunement l'é-
lévation et l'abaissement du son , ni surtout la mesure précise de ce
mouvement ascendant ou descendant. Chacun monte ou descend selon
son bon plaisir : là où l'un fait une tierce mineure et une quarte, l'autre
fera une tierce majeure et une quinte, et si un troisième exécute le
même passage, il procédera différemment des deux autres. Alors grande
dispute entre eux : Ainsi me l'a enseigné maître Trudon, dira l'un. — Et
moi, dira le second, je le tiens de maître Aubin. — Bah! s'écriera le troi-
sième, maître Salomon le chante tout autrement. Ainsi trois chantres
pas plus que mille ne se trouveront d'accord sur une pièce de chant,
chacun alléguant l'autorité de son maître, d'où il s'ensuit qu'il y a
autant de manières d'interpréter les neumes qu'il y a de maîtres dans
le monde.
Après des opinions aussi nettement exprimées , après un anathème
si éclatant lancé par un contemporain , juge assurément fort compé-
tent en la matière, pouvons-nous raisonnablement espérer que les élu-
cubrations récentes produiront quelque fruit et amèneront des résultats
directement utiles, ou bien faut-il , comme Minerve, jeter au loin la
flûte dont nous ne saurions tirer un son qui nous plaise, et adopter le
parti de Baini, qui déclarait sans périphrase qu'il n'y avait aucun es-
poir de jamais interpréter sûrement les neumes, quand elle n'avaient
ni lignes, ni lettres, ni couleurs ? On a vu que M. Nisard ne le pensait
pas, et tel n'est pas aussi le parti suivi par le père Lambillotte, qui, par
son beau travail sur cet ingrat sujet, a mérité la recsnnaissance de tous
les amis de l'érudition musicale et de la perfection du chant liturgique.
Les recherches qu'il a faites et la marche qu'il a suivie pour arriver
autant que possible à la découverte de la vérité, seront exposées dans
mon prochain article, à la fin duquel je poserai mes conclusions,
non assurément comme juge, mes prétentions ne vont pas là , mais
comme simple rapporteur de cette affaire, plus épineuse que bien des
procès, dans laquelle toutefois il n'y aura, grâces à Dieu, à demander
pour personne ni l'amende ni la prison.
Adrien de la FAGE.
CORRESPONDANCE.
Berlin, 25 juillet.
Si j'occupais une place assez importante dans le monde pour que ma
disparition fût remarquée, je n'aurais pas été surpris de trouver un beau
jour dans votre journal la nouvelle de ma mort, avec une notice nécro-
logique, sans doute très-flatteuse.
En effet, pour un correspondant qui garde le silence pendant trois
mois, il n'y a guère d'autre excuse que sa mort, et puis celle que j'ai à
vous offrir, c'est-à-dire une maladie qui a duré trois mois , et dont j'ai
cherché à guérir à la campagne. Contre mon attente, il y avait disette de
virtuoses voyageurs de quelque importance, car les concerts des grenouil-
les, des hirondelles et des cigognes, n'entrent plus en ligne de compte ,
aujourd'hui que nos cantatrices sont toutes pour le moins des rossignols.
A propos de rossignols, je suis à même de vous donner quelques détails
intéressants. Il ne s'agit pas du chantre du printemps, qui, au sein des
frais buissons, chante au clair de lune, et charme un couple amoureux ,
comme Roméo et Juliette. — « C'est le rossignol qui chante sur les bran-
ches du grenadier. » (Shakespeare.)
Il est question de rossignols de l'espèce et de l'école modernes, tels
que , par exemple, le rossignol voltigeant , ainsi que Goethe a surnommé
dans le temps Mlle Sontag, aujourd'hui la comtesse Rossi; et de rossi-
gnols suédois, qui sont très en vogue de nos jours. Et en effet, c'est de
Suède que nous vient la cantatrice dont je vous signale l'apparition : elle
forme un glorieux quatuor avec ses trois célèbres sœurs, Jenny Lind,
Henriette Nissen et Mathilde Ebeling, qui, malheureusement, s'est envolée
l'hiver dernier de la scène du monde. La dernière venue, llertha Wester-
strand, a passé plusieurs fois par les bosquets de mon Tusculum, et a fait
résonner son ravissant flageolet à l'ombre des tilleuls, ou du sein de la
barque bercée par les ondes argentées du lac. On ne savait trop si l'on
avait affaire à une nymphe -bocagère ou à une naïade; quand elle chanta
le lied des sirènes dans Obéron, elle faillit être prise par les pêcheurs du
lac. Mais le côté sérieux de la chose, c'est qu'il nous est arrivé derechef
une jeune Suédoise qui possède l'art du chant poussé au dernier de-
gré de perfection; son organe a un timbre d'un charme sans pareil.
Avec cela, elle atteint avec une grande facilité le fa aigu , et par consé-
quent elle a des droits légitimes au trône de la Reine de la nuit, dans la
tflûts enchantée. Mme Westerstrand commencera sur notre théâtre ses
représentations en Allemagne ; elle veut, à l'instar de Jenny Lind, poser
ici la première pierre de sa réputation.
Quant au théâtre, voilà trois mois que je n'y ai mis les pieds. Je n'ai ni
entendu ni vu notre hôte harmonieux, M. Roger; je n'habite l'enceinte
des murs de la capitale que depuis trois jours ; une affection rhumatis-
male me retient prisonnier dans ma chambre ; mais si je n'entends pas
Roger, en revanche, j'entends beaucoup parler de lui. Avec un talent
comme le sien, il est facile d'obtenir des triomphes; mais ce qui est tou-
jours difficile, c'est de remporter de si brillantes victo res, surtout quand
il faut lutter contre la nature entière, et qu'une chaleur tropicale force
les spectateurs à quitter la salle au moment presque où ils viennent de
prendre place. Pendant que Rachel joue Phèdre devant des banquettes
vides, qu'une représentation au théâtre de la Cour est interrompue au
milieu de la pièce, Roger chante le rôle d'Eléazar dans la Juive, par 32 de-
grés de chaleur, et la salle est pleine depuis le commencement jusqu'à
la fin!
A propos de la Juive, le Juif errant me revient en mémoire; nous es-
pérons avoir bientôt sa visite, et sans doute il s'y arrêtera plus longtemps
que cela ne lui est permis dans ce drame : c'est une création fantastique
remplie de figures et de fleurs d'un caractère sérieux et qui attachent puis-
DE PARIS.
255
sammont. Votre correspondant a fait de son mieux pour hâter la pérégri-
nation d'Ahasvcr en Allemagne, en lui fournissant autant que possible les
vers allemands les plus harmonieux, pour le mettre à môme de s'exprimer
avec facilité dans cette langue. 11 y a tout lieu de croire qu'il nous arri-
vera l'hiver prochain.
L. IIEU.STAB.
NOUVELLES.
%* Demain lundi, a l'Opéra, Guillaume Tell.
%* VEnfanl prodiijué a repris lundi dernier sa place au répertoire. Ce
grand et bel ouvrage empreint de couleurs si vives et d un caractère si
oriental par le mélange de religion et de volupté, a reparu dans tout
son éclat, chanté par Massol, Gueymard, Mlle Dameron et Mme Labordc.
La charmante Plunkett ne manquait pas non plus aux mystères d'Isis,
dont elle est vraiment Pâme. Obin est remplacé par Merly , qui chante fort
bien le rôle du grand prêtre. Ccmme toutes les bonnes partitions, celle de
V Enfant prodigue n'a rien perdu à un éloignement momentané du théâ-
tre. Tout au contraire, les beautés originales dont elle est semée ont paru
saisir plus fortement que jamais le nombreux et brillant auditoire.
*„* Mathieu, lejeune ténor, dont l'éducation s'est faite au Conservatoire
de Paris et la renommée dans nos grandes villes départementales, nous
est revenu mercredi dans Lucie de Lamermoor. Son premier dé but à l'O-
péra date du mois d'octobre 1845; il parut d'abord dans Othello, puis dans
Guillaume Tell et dans la Muette. Alors il sortait de l'école, et il en appor-
tait, avec une voix magnifique, une inexpérience extrême. Aujourd'hui, la
transformation est complète. Mathieu possède toujours sa belle voix, et il
s'est formé à l'action scénique. 11 ne jouait pas assez naguères : peut-être
joue-t-il trop aujourd'hui, et met-il trop d'accent dans sa tenue, dans son
geste comme dans sa diction. Nous le jugerons mieux à une seconde
épreuve. Ce que nous devons constater, c'est que la première lui a été
pleinement favorable, et qu'il a déployé d'excellentes qualités dans le rôle
d'Edgard, si rempli d'imposants souvenirs. C'est Mlle Kau qui chantait le
rôle de Lucie, avec le talent consommé qu'on lui connaît. Dans celui
d'Ashton, Lyon a trouvé l'occasion de montrer ce qu'il pouvait faire ,
comme chanteur et comme acteur. Il a contribué pour sa bonne part à
l'ensemble de l'exécution.
*„* Le Juif tri an/, donné vendredi, avait fait salle comble.L'exécution
et la recette ne lai: soient rien à désirer.
*„* Mathieu doit l'aire son second début mercredi prochain dans le rôle
d'Éléazar, de la Juive.
%* Mme ïedesco doit chanter incessamment le rôle de Léonor dans la
FuvurUt.
*t* On s'occupe toujours activement des répétitions de Moïse.
*„,* La Croix de toaue est toujours représentée trois fois par semaine.
Mlle Lefebvre y fait preuve de beaucoup de talent.
*„* Guluthêe et Mudclon, le Cariltonneur de Jiruyes, occupent souvent
l'affiche et attirent le public.
%* On répète assidûment l'ouvrage en trois actes de MM. Sauvage et
Reber, dont les deux principaux rôles doivent être joués par Battaille et
Mlle Favel.
*„* La recette des divers spectacles, concerts et curiosités pendant le
mois de juin, a produit la tomme de 688,2;:4 fr. /il c. C'est une diminu-
tion de 33u,086 fr. 54 c. sur le mois précédent.
*„? M. de Saint-Georges, le fécond et spirituel auteur, a été gravement
indisposé ; mais , heureusement , son rétablissement n'a pus été moins
prompt à venir que sa maladie.
*,* La compagnie de musiciens hongrois, dont nous avons annoncé les
séances il y a quelque temps, a continué ses exercices de musique in-
strumentale; et, par le bon choix des morceaux de son répertoire, par
l'ensemble de son exécution, l'expression de ses mélodies eu unisson par
des instruments de timbres divers, elle s'est fait un noyau de dilettantes
parmi le public du théâtre des Variétés, assez ordinairement peu musical,
et qui ne tient pas essentiellement à la précision de la mesure. Cinq vio-
lons, un allô, un violoncelle, une contrebasse et un pareil nombre d'ins-
truments de cuivre, dans lesquels figure un bombardon d'une grande puis-
sance de son , forment le personnel artistique et instrumental de cette
compagnie. Ce petit escadron d'harmonie a perdu son chef, qui a passé
à l'ennemi ; mais il n'en combat pas moins d'une manière brillante, tant
il est d'une excellente discipline. Parmi les morceaux qui provoquent
d'unanimes applaudissements, nous citerons l'ouverture de l'opéra (TJtka,
d'Oppler, compositeur hongrois; la Polka des Bohémiens de Pétrack; une
cavatine de Nabucodonosor, un arrangement fort bien fait des principaux
morceaux de la Luda deDonizetti, un charmant mélange de différents mo-
tifs du Prophète, disposés pour cet orchestre exceptionnel par Ellenbo-
gen; puis enfin l'ouverture du Frehchiïtz, de Weber, dite avec autant de
verve que d'ensemble. En mettant les habitués de son théâtre à même
d'entendre et d'applaud r ces artistes étrangers, M. le directeur des Va-
riétés a fait preuve de goût et d'humanité, car ces pauvres gens n'ont cer-
tainement pas autant d'argent que de talent.
%* L'inauguration de la statue de Le Sueur, autorisée par un décret du
Prince-Président, aura lieu le 10 août. Les fêtes d'Abbeville paraissent
devoir être très-brillantes ; l'administration municipale les a organisées
avec un zèle et une intelligence remarquables. 11 y aura des courses et
joutes sur l'eau, un concours pour les musiques militaires de plusieurs
départements. Les médailles qu'elles recevront en prix seront frappées a
l'effigie de Le Sueur et aux armes de la ville. La cantate chantée lors
qu'on découvrira la statue est composée par Amb. Thomas. Un concert
vocal et instrumental sera donné par les amateurs et artistes de la ville,
dans lequel on entendra Mme Sabatier et MM. Alexis Dupond et Fu-
naro.
V Les journaux de Bruxelles parlent avec les plus grands éloges d'un
Te Deurn qui vient d'être exécuté ù Sainte-Gudule, le 21 de ce mois, sous
l'habile direction du maître de chapelle, M. Fischer. Ce Te Deum. qui a ré-
vélé chez son jeune auteur le talent le plus sérieux et le plus remarquable,
estde M. Alex. Stadtfeld, dont la Société Sainte-Cécile avaitexécuté l'hiver
dernier, une fort belle ouverture.
*** La ville de Louvain donne, le 13 septembre, une fête au roi des
Belges. A cette occasion, Mlle Wertheimber a été invitée à jouer le rôle
de Béatrice, dans le Cariltonneur, qu'on donnera pour la première fois. La
jeune cantatrice a gracieusement accepté l'invitation.
V* Mlle Clauss, la jeune et célèbre pianiste, vient de quitter Londres,
où le succès l'avait suivie, pour revenir à Paris.
^ V Une autre jeune et brillante pianiste, dont nous avions annoncé
l'indisposition douloureuse, Mlle Krinitz, après avoir été retrouver la
santé en Allemagne, vient de passer par Paris en retournant en Angle-
terre.
' V M. G. Vermeulen, secrétaire général de la Société néerlandaise pour
l'encouragement de l'art musical, est venu passer quelques jours à Paris
avant d'entreprendre son voyage d'Italie.
V Nous venons d'apprendre la mort de M. Frédéric Hill, célèbre flû-
tiste d'Angleterre. M. F. Ilill est mort subitement â Madras, aux Indes, où il
tenait le grade de chef de musique du 84e régiment anglais.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
V Londre', 29 juillet. — Le théâtre de Sa Majesté vient encore de don-
ner un divertissement intitulé la Bouquetière, qui sans avoir autant de dé-
veloppement que r Amour et la Mogie, a pourtant fait grand plaisir. C'est une
suite de pas exécutés avec un talent supérieurpar Mmes Guy .Stephan, Rosa,
Esper, Lamoureux, Allegrini et M. Durand, environnés d'un nombreux
corps de ballet. Mme Charton-Demeur, l'excellente cantatrice et actrice
française, va pour la première fois s'essayer sur la scène italienne. On an-
nonce aussi la rentrée de Mme Fiorentini , et il est question de repré-
senter prochainement Ci sdaa, l'opéra du duc de Saxe Cobourg, avec tout
l'éclat désirable. — Au théâtre de Covent-Carden, le Faust de Spohr a été
joué trois fois, l'auteur conduisant toujours l'orchestre. Les Hugutnots ont
été donnés pour la dernière fois, et la salle était comble.
*»* Vienne. — Dans le cours de la saison d'automne, le théâtre delà
Cour représentera Udin>, opéra nouveau de M. Lwoff, aide-de camp de
l'empereur de Russie, directeur de la chapelle impériale de chant et au-
teur de l'Hymne nationale. Les paroles sont de 11. de Saint-Georges.
Le 18 juillet, jour anniversaire de la fondation de l'Académie de musique,
on a exécuté une messe de M. Assmayer, maître de chapelle.
%* Bâle. — Le grand festival de chant est terminé. On a remarquer
de grands progrès dans l'exécution des chœurs, qui ont été rendus avec
une perfection â laquelle on n'avait pas encore atteint en Suisse. Immé-
diatement après le concert, on a procédé à la distribution des prix qui
avaient été mis au concours. C'est Zurich qui a obtenu le premier prix :
une magnifique bannière brodée par les dames de la réunion de chant
Reiter, une médaille envoyée par le Leider-Kranz de Stuttgart. Les autres
prix ont été répartis entre Saint-Gall, Berne, Argovie et Winterthur.
*„* Amsterdam. -■ M. de Boer, propriétaire du Jardin Français, vient
d'organiser dans son établissement des concerts qui attirent la plus haute
attention des vrais connaisseurs, et qui de plus en plus deviennent, no-
tamment les mardis, le rendez-vous de la haute société. Avec un orchestre
de cinquante musiciens, composé des artistes les plus en renom, tant
de la Hollande que de l'Allemagne, sous la direction de MM. Van-der Finck
père et fils, et pour la musique classique, sous la direction de M. Jacques
Franco-Mendès. Les morceaux d'ensemble y sont exécutés d'une manière
remarquable, M. Jacques Franco-Mendès, qui obtient les plus grands suc-
cès dans ses brillants solos de violoncelle, y fait aussi exécuter, sous sa
direction, des compositions de lui, qui excitent l'admiration générale.
** Milan. — Le ténor français Bordas, qui s'est fait entendre à Paris
avec un grand succès sur les deux scènes du grand Opéra et du Théâtre-
Italien, occupe sérieusement notre public, ordinairement si difficile, de-
vant lequel il chante depuis deux mois. La représentation à son bénéfice
se composait de deux actes de Maria Padilla , de la cavatine de Jacopo
Fuscari, et du magnifique duo de l'oliuto, qu'il a chanté avec Mlle Loca-
telli. Les bravos et les rappels sans nombre sont d'irrécusables témoigna-
ges de l'enthousiasme excité par son talent.
*„* i>a,ni Pélenbuurg, 14 mai. — Après Pâques notre saison des concert
s'est ranimée plus qu'on aurait pu l'espérer. Nous avons eu encore beau-
coup de concerts, grands et petits, et dans le nombre de fort beaux et fort
intéressants. Depuis la perte irréparable de Vieuxtemps, M. Louis Maurer
est à peu près le seul espoir, l'unique soutien de la musique élevée et sé-
rieuse parmi nous, et, comme preuve qu'il ne manque pas à sa noble mis-
256
REVUE ET GAZETTE MUSICALE DE PARIS.
sion, il a organisé trois matinées symphoniques qui, sous tous les rapports,
ont été admirables. Nous y avons entendu un choix des meilleures sym-
phonies et ouvertures des grands maîtres, exécutées sous la direction ha-
bile de M. Maurer par un orchestre d'à peu près soixante exécutants, com-
posé de l'élite des orchestres impériaux. Il y avait en outre dans chacune
de ces matinées un concerto de piano. Dans la première, M. Cerke a exé-
cuté celui en mi bémol de Mozart ; dans la deuxième, M. Rubinstein ous a
fait entendre le grand quintuor, accompagné par des instruments à vent,
de Beethoven; dans la troisième, enfin, le beau concerto en ut mineur,
de Beethoven, a été dit par M. Léwy. — A l'Opéra russe, le nouvel opéra
de Rubinstein, la Bataille de Koulikovo, a obtenu un beau succès, qui,
d'ailleurs, était bien mérité. Rubinstein n'a eu qu'à se réjouir du résultat
de sa première bataille ; tout le monde s'accorde à lui reconnaître un vé-
ritable et grand talent. Parmi quelques morceaux de valeur moindre, son
opéra en renferme plusieurs qui ne sont pas moins remarquables par
l'originalité de l'invention que par leur puissant effet dramatique. La
Bataille de Koulikovo a eu jusqu'à présent quatre représentations, dont les
trois premières étaient dirigées par le jeune maestro lui-même. Quatre
représentations consécutives d'un même ouvrage, c'est chose inouïe à
l'Opéra russe : aussi les ouvrages qu'on a repris depuis l'opéra de Rubin-
stein (la Vie pour le czar, de Geinka, et le Tombeau d'Ascollo, de Verstofski),
quoique appréciés depuis longtemps, ont-ils passé vite. Du reste, cela va
toujours ainsi et ne changera point tant que l'Opéra russe ne saura se
procurer la chose la plus indispensable à tout opéra, des chanteurs !
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A. E.c CarpenUer. — 138e et 139e Bagatelles; chaque .... 5 «
R. Maldcr — Op. 23. Caprice guerrier 9 »
— Op . 24. Andante de concert 5 »
H Uosellen. — Fantaisie brillante 7 50
A. Taléxy. — Op. 46. Fantaisie brillante 7 50
*»». Voss. — Op. 139. Grande fantaisie dramatique 9 «
W. Encrais». — Op. 228. Fantaisie pour piano et violon 9 »
Lcr. — Op. 64. Fantaisie pour violoncelle avec accompagnement
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— arrangés pour deux cornets à pistons, par Caussinus, trois
suites. Chaque 9 »
— arrangés pour deux flûtes, par E. Walkiers, trois suites. Ch . 9 »
— arrangés pour violon seul, flûte seule et cornet seul. Chaque
instrument, deux suites à 7 50
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1. Pas des Esclaves 4 50
2. Pas des Voiles 4 50
3. Le Bourdonnement , 4 50
4. Le berger Aristée 4 50
5. La Ronde 4 50
6. La Reine des Abeilles 4 50
7. La Ruche 4 50
Marche triomphale 250
Eïtlîng. — Polka des Abeilles 4 »
A. de lieraonsfœrairt. — Redowa
— Quadrille de salon
Slarx. — Quadrille facile
SHusard. — Deux quadrilles. Chaque
— Les mêmes, à quatre mains. Chaque
— Suite de valses
— La même, à quatre mains
Pasdelotip. — Schottisch du Berger
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4 50
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REVUE
Départements, Belgique et Suisse 3D
Étranger ai
Lo Journol paraît le Dimanche.
GAZETTE MUSICALE
DE FâiïS,
SOMMAIRE. — Richard Wagner (7e et dernier article), par Fétis père. — Théâtre
de l'Opéra-Comique, reprise de Giralda ; théâtre des Variétés et théâtre de l' Am-
bigu-Comique, par Henri Blanchard. —Conservatoire national de musique
et de déclamation, concours publics. — Correspondance, Dusseldorff. — Nouvelles
et annonces.
RICHARD WAGNER.
Sa vie. — Son système de rénovation de l'opéra. — Ses œuvres comme
poète et comme musicien. — Son parti en Allemagne. — Apprécia-
tion de la valeur de ses idées.
(Septième et dernier article.) (1).
Dans mes articles précédants, je me suis proposé de faire connaître
les idées qui ont conduit par degrés Richard Wagner à la conception
de son drame musical, et je crois avoir démontré que, pour y parvenir,
il lui a fallu faire table rase, et commencer par détruire l'art véritable,
sous prétexte des avantages qu'en pourrait retirer la vérité dramatique.
Au point de vue où s'est placé l'auteur de Tannhaùser et de Lohengrin,
il ne pouvait agir autrement : au risque de ne pouvoir reconstruire,
il fallait que d'abord il démolit; enfin, l'espoir bien ou mal fondé de la
création de l'art de l'avenir ne pouvait se réaliser, si préalablement le
créateur en expectative ne faisait disparaître l'art du présent. On a
vu comment il a essayé par la théorie ce qu'il n'a pu faire en réalité ;
mais on ne l'a vu qu'aux prises avec les idées et les principes ; pour le
bien connaître, il est nécessaire maintenant de le considérer dans ses
opinions sur la valeur des œuvres qui ont précédé la sienne. C'est
dans son livre sur V Opéra et le Drame, que nous allons apprendre à
le connaître sous ce rapport.
Wagner a fait une entreprise qui n'a pas réussi : le vrai public s'est
trouvé sans sympathie pour son œuvre ambitieuse : j'en ai dit la rai-
son. Mais ce n'est point impunément qu'on oppose de la résistance aux
projets des réformateurs : ce public, on se vengera en lui prodiguant
des mépris. Ce même public, si mal disposé pour l'audition des ou-
vrages de Wagner, se montre, au contraire, plein de penchant pour
la musique où se trouve tout ce que le réformateur veut bannir de
l'art : on va lui prouver que son goût est perverti , et que ce qu'il ap-
plaudit est sans valeur. Voyons donc quels sont les jugements de Ri-
chard Wagner sur toutes les célébrités dont les ouvrages sont consi-
dérés comme les monuments de l'histoire de l'art.
Wagner ne commence l'histoire de la musique qu'à l'origine de
l'opéra : antérieurement, on ne connaissait que la musique d'église et
ce qu'on appelait la musique de chambre : il n'en fait aucun cas. Le
sentiment religieux , dit-il, est improductif dans l'art (2). Cette sen-
tence, dont l'absurdité se démontre par le témoignage de notre con-
(1) Voir les numéros 23, 24, 25, 26, 27 et 28.
(2) Communications à ses amis.
science aussi bien que par l'expérience de tous les temps, ne se peut
comprendre que lorsque l'auteur nous apprend qu'il a abjuré le chris-
tianisme, et qu'il développe ses motifs basés sur l'athéisme. Wagner a
cependant imaginé un drame musical dont Jésus de Nazareth est le
sujet; mais il s'explique catégoriquement à cet égard, et nous apprend
qu'élève du docteur Strauss, il 'ne voit dans le Christ qu'un homme
vertueux, plein d'affection pour l'humanité. Améliorer l'espèce humaine
et travailler à son bonheur était le but unique de cet homme , doué
d'une bonté parfaite : cependant le découragement et le dégoût de la
vie s'emparèrent de lui après qu'il [eut considéré la dépravation des
peuples soumis à la domination romaine : il voulut en sortir par un
suicide ; mais il voulut en même temps que ce suicide servît à l'instruc-
tion de l'humanité, et, pour cela , il entreprit des prédications sédi-
tieuses qui le firent condamner à périr sur la croix. Le Chrift , [au
point de vue de la rédemption , n'est qu'un mythe pour M. Wagner.
Le Christ se suicidant ! A merveille, hommes de l'époque ! Vous ne
vous attaquez pas aux bagatelles dans vos monstrueuses fantaisies !
Donc, la religion n'étant qu'une erreur, la musique religieuse est
sans objet et sans valeur aucune. L'art ne commence qu'à l'opéra ;
mais son développement n'est qu'une suite de déceptions. Wagner re-
connaît que les artistes qui ont précédé l'époque moderne cherchaient
de bonne foi le vrai et le dramatique réel ; mais, incapables d'y at-
teindre, ils ne peuvent être considérés, dit-il , que comme les martyrs
de leur art (1). Si vous cherchez le sens de cette phrase, vous ne le
trouverez pas ; à moins que vous ne supposiez , comme Wagner, que
l'art a une forme positive, absolue, en dehors de quoi il n'y a rien , et
que lui seul était destiné à découvrir. Mais si vous pensez que l'art est la
création spontanée du génie qui en détermine et la pensée, et le senti-
ment et la forme, vous ne verrez dans chaque détermination qu'une de
ces transformations inépuisables qui font de l'art ce qu'il est effective-
ment, l'infini. En vain Wagner viendra-t-il vous dire que les anciens
artistes qui prenaient pour sujets de leurs ouvrages les fables de la
mythologie et des temps héroïques ne pouvaient exciter d'intérêt (2) ;
en vain assurera-t-il qu'il n'y a que la forme de l'air dans tout l'ancien
opéra ; que cet air n'est que le développement de la chanson populaire,
et que son rhythme n'est que l'application de celui de la danse (3) ; en
vain affirmera-t-il que le mérite principal de l'effet produit par cette
forme de l'art appartenait au chanteur (4) : vous repousserez ces
assertions mensongères, et, les yeux fixés sur les partitions d'Alexandre
Scarlatti , de Pergolèse, de Majo, de Jomelli , de Lulli , de Rameau , le
(1) Opéra et Drame (Oper und Drama), tome I", page 32 et suiv.
(2) Idem, page 35.
(3) Idem, page 30.
(4) Idem, page 33.
258
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
cœur ému par la beauté de leurs chants, vous vous direz que, quelle
qu'en soit la forme, l'expression vraie des sentiments humains, pre-
nant sa source dans l'individualité de l'artiste, est toujours le but de
l'art, pris à un certain point de vue. Les grands chanteurs de l'Italie
avaient sans doute une large part dans l'effet produit par la musique des
anciens maîtres ; mais il en doit être ainsi ; il en sera toujours ainsi de
tout interprète des œuvres d'art que le ciel aura doué d'un grand
talent, car c'est aussi l'inspiration et le génie qui élèvent l'exécutant
jusqu'à l'identité de pensée et de sentiment du compositeur.
Wagner ne voit dans la révolution opérée par Gluck qu'une révolte
contre ledespotisme des chanteurs (1). «Jusqu'à lui, dit-il, le composi-
teur ne venait qu'en second ordre dans l'attention que le public accor.
dait à unrbpéra ; les castrats avaient le pas sur lui. Gluck voulut limiter
l'arbitraire de ces artistes et les obliger à respecter l'expression donnée
par le compositeur aux paroles ; cette expression, il la trouva plus con-
venable que dans les œuvres de ses prédécesseurs ; mais voilà tout son
mérite. 11 n'est pas le premier qui écrivit des airs sentimentaux ; il «^in-
nova ni dans l'air ni dans le récitatif, et les choses demeurèrent dans
le même état (2) ! » 0 vous, génération française, qui vous passionnâtes
aux accents d'Orphée, d'Alceste, à'Armide, d'Oreste et d'Iphigénie,
vous ne vous doutiez guère, lorsque partagée en deux camps, sous les
bannières de Gluck et de Piccinni, vous défendiez avec tantd'animo-
sité l'objet de votre admiration, vous ne vous doutiez guère, dis-je, que
vous combattiez pour si peu de chose!
Les successeurs de Gluck, entre lesquels Wagner compte en première
ligne Méhul, Cherubini et Spontini, n'ont rien inventé, à proprement
parler; seulement ils ont élargi les formes de leurs prédécesseurs,
varié celles de l'air, introduit dans leurs ouvrages le duo, le trio et le
quatuor, qu'ils empruntèrent à l'Italie, et augmenté les ressources de
l'orchestre. Du reste, ils n'ont pas plus approché du but final de l'art
que les compositeurs auxquels ils succédaient (3). Wagner ne leur re-
connaît que le mérite d'avoir fait des efforts loyaux, convenables
(schickliches Erforderniss) pour y arriver (4).
Richard Wagner arrive enfin à l'époque moderne ou actuelle. C'est
là qu'il donne carrière à ses mépris pour les hommes que tous les peu-
ples ont salués de leurs plus vives sympathies. Et d'abord, il fait une
classification de l'opéra par écoles, comparant celles-ci aux divers ca-
ractères delà femme. «La musique, dit-il, est une femme. La nature de
la femme est l'amour, et la femme n'est dans sa nature naïve que lors-
qu'elle s'abandonne sans réserve à cet amour, et qu'elle (5) » Je
prie le lecteur de me dispenser de traduire en entier, car je serais fort
embarrassé. » La véritable femme aime nécessairement ; elle n'a pas le
choix à moins qu'elle n'aime pas. » Conséquence empruntée à la
chanson de M. de Lapalisse. » Or, la musique de l'opéra italien est la
femme à l'état de prostituée, qui se livre sans amour, et qui se rit des
jouissances qu'elle procure (6) ; c'est la musique de Rossini ! La musique
de l'opéra français n'est autre chose que la coquette qui, sans âme et
sans passion, compose toute son existence de faux semblants, de grâces
calculées, et ne vit que de succès de mode. La musique de l'opéra
allemand, Weber excepté, ajoute-t-il, est la pire de toutes, car c'est la
prv.de, objet d'horreur et type de la femme dégénérée (7). C'est l'opéra
de Weigl, de Winter, de Spohr, de Lindpaintner, de Lachner, de
Wolfram, de Marschner, de Lortzing et de Lobe. Enfin la femme con-
forme à sa nature primitive, la femme qui aime et qui se livre tout
entière à l'objet de son amour, n'est représentée que par la musique
d'un seul compositeur, par la musique de Mozart. » 0 grand homme!
objet de mon culte d'artiste, vous dontles productions ont faitnaîtreles
plus vives et les plus nobles jouissances de ma longue carrière, je me
(1) Opéra cl Drame (Oper ur.d drama), Tome Ier, page 35.
(2) ibid'., page 37.
(3) Ibid., pages 39-41.
(4) Ibid., page 40.
(5) Ibid., pages 186 et suiv.
(6) Ibid., page 1S8.
(7) Ibid., page 130.
sens humilié de l'hommage que vous rend l'auteur de Lohengrin, et le
pamphlétaire dont la plume a produit Opéra et Drame. Ne nous y
trompons pas, cependant ; bien que Richard Wagner reconnaisse que
Mozart est admirable en ce qu'il n'a pas de manière et se montre ab-
solument différent dans Don Juan, dans la Clémence de Titus, dans
Cosi fan lutte et dans les Noces de Figaro, il se sent entraîné à le
louer surtout parce qu'il s'unit intimement aux intentions de son poète.
Don Juan est pour lui un ouvrage parfait, parce que da Ponte, dans
son poème, et Mozart, dans sa musique, semblent ne former qu'une
seule force de conception pour produire ce type original et fort, cette
œuvre gigantesque que rien n'a pu égaler jusqu'à ce jour. Si Wagner
avait le sentiment vrai de la valeur de cette œuvre, il ^'entreprendrait
pas la destruction de l'opéra pour lui substituer je ne sais quel rêve
monstrueux qu'il décore du nom de drame. Dans ses livres, il revient
souvent à Mozart et à ses ouvrages, mais il évite avec soin de parler de
la Flûte enchantée, parce que le sujet et la conduite de cette pièce sont
absurdes, et que Mozart en a fait un chef-d'œuvre d'inspiration, en
tirant tout de son génie. C'est le triomphe de l'indépendance de la mu-
sique ; mais cela^ne va pas aux idées du critique.
Rien de plus comique que la manière dont Richard Wagner carac-
térise le talent de Rossini dans le travail de la composition. « Tout le
monde, dit-il, applaudissait aux mélodies de ce maître , moins à cause
de leur valeur, que par l'art particulier qu'il avait d'en faire l'emploi.
Très-insouciant du sujet, parce qu'il n'y touchait jamais , il employait
tout son talent aux fantasmagories les plus amusantes, et les faisait
entrer à toute force dans son ouvrage, sans se soucier de la poésie en-
nuyeuse qu'il mettait en musique. Aux chanteurs qui, précédemment,
avaient l'habitude de chercher l'expression dramatique des situations ,
il disait : Faites des paroles ce que vous voudrez-, mais n'oubliez pas
de vous faire applaudir. « II' écrivait les roulades pour ceux qui n'en
» pouvaient inventer et en mettait partout. Rossini, d'ailleurs, méritait
» l'engouement que le public montrait pour lui par le soin qu'il mettait
» à le satisfaire. Apprenait-il que dans certaine ville pour laquelle il
» écrivait on aimait les fioritures? il en mettait en abondance dans son
» nouvel ouvrage. Dans une autre, dont la population était mélanco-
» lique, il employait le chant langoureux. Savait-il que clans un en-
» droit on aimait le tambour dans l'orchestre? il faisait commencer
» l'ouverLure d'un opéra villageois par le roulement de cet instrument
» bruyant; enfin, était-il informé que dans une autre ville on aimait
» passionnément le crescendo? il composait son opéra dans la forme
» d'un crescendo perpétuel (1). » Rien des opinions ont été exprimées
sur la musique de Rossini à l'époque de ses succès; mais il faut avouer
que jamais son talent n'a été caractérisé d'une manière si grotesque.
Le grand reproche que lui fait Richard Wagner, c'est que, de même
que le prince de Metternich , Mécène de l'illustre maître, ne compre-
nait le gouvernement que dans la monarchie absolue, Rossini ne com-
prenait l'opéra qu'au point de vue absolu de la mélodie ! L'auteur de
Lohengrin ne court pas le danger de cette critique.
«Les œuvres de Weber, dit Richard Wagner, furent une protestation
contre le scandale des prodigieux succès de Rossini. Lui aussi fut mélo-
diste ; mais, plus près de la nature que le maître de Pesaro.il donna à
sa mélodie le caractère populaire de la chanson allemande : caractère
franc, gai, naturel, et non dénaturé par le luxe des fioritures. Suivant
l'auteur du livre Opéra et Drame, le malheur de Weber fut de s'exagé-
rer, surtout après le succès de Freischïits, la puissance d'expression
dramatique de la musique en elle-même, et de ne pas attacher assez
d'importance à la poésie. Quel que fût le mérite de sa belle et noble
mélodie , ainsi que des autres qualités caractéristiques de son talent, il
fit la rude épreuve, dans Eurianthe, de leur insuffisance pour atteindre
son but. Découragé, il tenta un dernier effort en faveur de la mélodie
surun sujet féerique dépourvu d'intérêt (Obsron), et mourut àla peine ! »
On ne s'attendait guère à voir dans Obercn la manifestation de l'impuis-
sance dramatique de son auteur, car la nullité de la conception de l'au-
(I) Ibid, page 06.
DE PARIS.
259
teur de la pièce est précisément ce qui relève la valeur de la musique.
Je continue mes extraits du livre de Wagner.
« Par le caractère de sa mélodie populaire, Weber fixa l'altenlion des
compositeurs français sur une source de. nouveautés qu'ils épiaient de-
puis longtemps ; mais ils n'en aperçurent que le côté trivial , car la po-
pulation de la grande ville de Paris, la plus anti-musicale qu'il >j ait
au monde, ne comprend que le vaudeville. Chez elle se trouve le
triomphe du couplet : où le couplet finit, commence la contredanse (1).
Après le succès de Robin des Bois commença donc la grande chasse
aux mélodies populaires des pays étrangers. Alertes sur leurs jambes,
les Français parcoururent bientôt la Suisse, l'Allemagne , l'Italie et
l'Ecosse, pour y rechercher ces mélodies caractéristiques ; mais le ca-
valier (Auber), chevauchant ça et là, les devança tous. Arrivé à Naples,
il courut au marché se mêler aux marchandes de légumes , puis s'en
alla chez les pêcheurs de Portici. Sa provision faite de chants de ce
peuple criard, il revint à Paris, et- fit de cela sa Muette ! » Qu'en dites-
vous ? Ne voilà-t-il pas une belle histoire d'un des plus beaux ouvrages
de la scène française? Laissez faire : M. Wagner n'est point au bout
de sa verve bienveillaute.
« La Muette de Portici fut le signal d'un nouveau genre, V opéra his-
torique. Dès ce moment, les sujets mythologiques et grecs disparurent
de l'Académie royale de musique, et l'histoire devint à la mode.
Guillaume Tell acheva ce que la Muette avait commencé, toujours avec
le secours des chants populaires (!). On ne s'en tint pas à ces mélodies ;
car le chant d'église fut aussi considéré comme une partie nécessaire
de l'opéra. Tout cela s'employa en son temps, d'après une formule
donnée, acceptée, et tout le peuple moutonnier des compositeurs de se-
cond ordre suivit l'exemple des chefs. Auber et Rossini se prélassèrent
dans le char somptueux de l'opéra, riant dans leur barbe de leurs pro-
cédés de fabrication. »
C'est dans ces circonstances qu'arriva Meyerbeer : oh ! pour ce-
lui-là, Richard Wagner lui garde les traits les plus envenimés de sa
haine bilieuse. Son immense succès, dit-il, est un, effet sans cause (2).
Il représente l'auteur de Robert- le-Diabte, des Huguenots et du Pro-
phète, comme serait un cuisinier qui rassemblerait toutes les épices
de l'office pour en assaisonner un mets destiné à réveiller le palais
d'un gastronome blasé, mais qui serait peu soigneux du choix de la
viande relevée par ce moyen. Wagner entasse paradoxes sur paradoxes
pour démontrer que les vives impressions produites dans toute l'é-
tendue du monde civilisé par ces grandes compositions ne sont que le
produit de froides combinaisons, comme si le feu pouvait se tirer de la
glace ! La scène d'amour du quatrième acte des Huguenots est la seule
qui trouve grâce à ses yeux. M. Wagner ne se souvient-il plus d'avoir
écrit en d'autre temps, pour la Gazette musicale de Paris, une analyse
de ces mêmes ouvrages, où se faisait remarquer une admiration sans
borne et peut-être exagérée ? L'article ne parut pas ; mais le manuscrit
a été conservé. A-t-il oublié les motifs qui lui dictaient alors des choses
si différentes de ce qu'il écrit aujourd'hui ? Lui serait-il agréable qu'on
publiât ce morceau?
A part les sentiments d'envie et de haine qui percent de tous côtés
dans les écrits de Richard Wagner, on y remarque une idée principale
qu'il essaye d'étayer de tous les sophismes imaginables, à savoir, que
la musique est incapable d'arriver par elle-même à l'intelligence, et que
le secours de la parole lui est impérieusement nécessaire pour atteindre
ce but : c'est pour cela que, nonobstant son admiration pour Beetho-
ven, il le représente comme s'égarant, par une erreur radicale, dans
les grandes œuvres de la dernière période de sa vie, à l'égard de la
signification qu'il a prétendu leur donner. Il appelle cela le malentendu
de Beethoven (5). « Ce grand artiste, dit-il, est, sous ce rapport, comme
Christophe Colomb, qui part pour trouver un nouveau chemin qui con-
(1) Ibid., page 86.
(2) Ibkl, page 159.
(3) Ibid., page lll.
duise aux Grandes-Indes, et qui découvre l'Amérique (1). La musique
instrumentale du maître montre avec évidence une immense activité
intérieure, aclivilé qui n'a plus d'analogie avec celle de ses prédéces-
seurs ; mais ce que produit cette activité ne peut être saisi que par la
sensibilité, et reste un problème pour l'intelligence. Beethoven fait,
d'ordinaire, sur nous l'impression d'un homme qui a quelque chose à
nous dire, mais qui cependant ne peut nous l'expliquer clairement ;
tandis que ses successeurs (Mendelssohn et son école) nous font con-
naître d'une manière très-claire et très-prolixe, bien que quelquefois
gracieuse, qu'ils n'ont rien à nous dire (2). Hector Berlioz, homme
d'une rare intelligence musicale, a poussé l'erreur de Beethoven à ses
dernières limites. Les dernières pensées les plus obscures du maître,
tombant sous ses yeux, le jetèrent dans le vertige. Persuadé qu'il
voyait des figures réelles et colorées là où il n'y avait que des spectres
et des apparences trompeuses, il entreprit de réaliser ses rêves et d'en
faire comprendre la signification. Ce qu'il avait à dire était si bizarre,
si inaccoutumé, si totalement dépourvu de naturel, qu'il ne pouvait le
rendre saisissable par des moyens ordinaires : il imagina donc un im-
mense appareil de machines compliquées dont la conception seule in-
dique une organisation toute exceptionnelle. L'orchestre de Berlioz est
un miracle de mécanique. Nous devons le considérer lui-même comme
le grand industriel de la musique ; car c'est lui qui a rendu possible aux
musiciens de faire entendre, sous la forme la plus merveilleuse, les idées
les plus futiles et les moins artistiques. Il n'est pas vraisemblable que
Berlioz ait cherché, au commencement de sa carrière, la gloire d'un
inventeur de mécaniques musicales; il y aura été poussé, à son insu,
par l'instinct; mais à son insu, aussi, il était destiné à périr, comme ar-
tiste, dans ses machines, et à s'enfoncer dans le matérialisme (3) . »
On voit que l'histoire de la musique n'est pour Richard Wagner que
celle de l'impuissance ou de l'erreur. Les. artistes mêmes auxquels il
accorde des éloges s'égarent toujours en se dirigeant vers le but. C'est
qu'il fallait bien que ce but eût été manqué pour tout le monde, pour
que Wagner le découvrît et y parvînt. Tel est le secret de la publica-
tion des livres par lesquels il a voulu, d'une part , venir en aide à ses
compositions infortunées, et de l'autre, se venger des succès d'autrui.
Impuissant à cultiver l'art dans son domaine idéal, il le dédaigne, le
rapetisse avec astuce et feint de n'y voir que des conventions puériles,
afin d'arriver à la démonstration de la nécessité de l'art positif. Il est
de toute évidence que M. Wagner est un des adeptes de cette philoso-
phie du positivisme dont M. Auguste Comte est le fondateur en France,
et qui a pour organes en Allemagne quelques-uns des élèves de Hegel.
Comme lui, ces philosophes suppriment le génie et lui substituent
l'action de la force vitale ; comme lui, ils repoussent l'idéal ; comme
lui enfin, ils veulent limiter les émotions de la sensibilité et les fantai-
sies de l'imagination au profit de la clarté des idées. L'unité est le but
de la philosophie positive ; c'est aussi l'unité que recherche M. Richard
Wagner dans sa fusion de la musique et de la poésie en un seul lan-
gage. Non-seulement les religions révélées sont anéanties par le posi-
tivisme, mais même la religion naturelle, le sentiment religieux, sont
sacrifiés à un seul culte : celui de l'humanité. On a vu que telles sont
aussi les doctrines de Richard Wagner. Ici pourtant une différence
s'établit fia voici : M. Auguste Comte à Paris, et M. Feuerbach à Ber-
lin, prêchent le culte de l'humanité. Mais M. Max Stirner, élève de
M. Feuerbach, et plus avancé que son maître, a publié, en 18/|6, un
livre dans lequel il établit que l'homme ne doit avoir d'autre Dieu que
lui-même, et qu'il doit s'adorer. Or c'est là le terme final auquel est
parvenu Richard Wagner : il s'adore lui-même et résume en lui l'hu-
manité tout entière.
FÉTIS père.
(1) Ibid., page 114.
(2) Ibid., page 121.
(3) Ibid., pages 113-135.
260
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
THÉÂTRE DE L'OPËRACOfflQDE.
Reprise de GirttMa.
Ce charmant imbroglio espagnol, intrigué comme le Mariage de Fi-
garo, et cette partition si vivace de mélodies , d'une instrumentation
leste, pimpante, animée et scénique, étaient tellement restés dans le
souvenir, dans les oreilles des auditeurs et des amateurs de la comédie
amusante, qu'on croyait avoir vu et entendu tout cela la veille, ou du
moins peu de jours avant. L'ouvrage et les auteurs s'étaient cependant
bien et dûment reposés, et Giralda n'était plus, comme on dit en ter-
mes de coulisses, au courant du répertoire; elle y a repris sa place, et
les auteurs, les acteurs, l'administration et les amateurs du véritable
genre de l'opéra comique n'auront qu'à s'en féliciter. Mlle Miolan,
Mme Meillet-Meyer, MM. Ricquier et Sainte-Foy ont seuls gardé leurs
rôles. Ceux du roi et de Don Manoel sont convenablement joués et
chantés par MM. Dufrène et Meillet, qui nous représente le personnage
du mari de la reine, dans lequel il pourrait montrer un peu plus de
distinction et dont il semble vouloir faire un roi pour rire. 11 n'est pas
nécessaire de respecter les traditions de ses prédécesseurs à ce point.
Du reste, s'il manque de noblesse, comme M. Bussine qui a créé ce
rôle, il le chante fort bien aussi. Si M. Dufrêne n'est pas précisément
un ténor léger, en fait de diction et de chant, il dit juste et bien, et se
tire d'une façon convenable de la partie lyrique. La pièce n'a donc
rien perdu à la nouvelle distribution. Le courtisan possesseur de deux
femmes malgré lui, mari tremblant de se voir enlever ce litre de bi-
game par son souverain, est représenté par M. Ricquier de la manière
la plus amusante ; et le personnage du meunier qui vend à beaux de-
niers comptants sa qualité de futur époux de la gentille Giralda, est
étourdissant de verve folle et de gaîté rapace sous la figure continuel-
lement étonnée et comique de M. Sainte-Foy.
Mme Meyer-Meillet fait un rôle essentiel du personnage de la reine,
par sa taille, sa diction et sa tenue excellente. La cheville ouvrière de
cette jolie machine dramatique et musicale, l'héroïne de cette amu-
sante intrigue, est le personnage de Giralda, représentée d'une grâce
charmante par Mlle Miolan. Si Mlle Miolan se veut préoccuper un peu
des cordes graves de sa voix dans le dialogue comme dans le chant ;
si elle veille à ne pas prendre la tenue d'une personne qui joue à colin-
maillard, étendant les deux bras en avant pour attraper un successeur
à ce jeu innocent, elle deviendra ce qu'elle est déjà à peu de chose
près, une actrice et une cantatrice charmante, la prima donna assoluta
de l'Opéra-Comique. Elle a pour concurrente à ce premier rang, dans
ce théâtre si riche en sujets lyriques, Mme Ugalde et Mlle Lefèbvre. Une
analyse creusée et une comparaison consciencieusement faite des ta-
lents de ces trois charmantes virtuoses ne seraient pas inutiles à l'art ;
et comme disait Talma dans son rôle de Sylla: J'y songerai !
La première représentation de la reprise de Giralda a été une véri-
table solennité dramatique pour l'effet de la pièce, de la musique, pour
la chaleur des acteurs, de l'orchestre et surtout celle de la salle.
THÉÂTRE DES VARIÉTÉS.
FrédérficK ILemaîtrc dans le Moi îles Brûles.
La virluoserie se repose, et pendant le chômage des donneurs de
concerts, il nous est loisible de jeter un coup d'oeil sur les faits et ges-
tes de quelques-uns de nos grands artistes de l'art dramatique. Per-
sonne ne conteste ce titre à Frederick Lemaître. Nous disions, dans
une esquisse biographique de cet acteur exceptionnel : Oh ! celui-là,
c'est le comédien de tous les temps, de tous les pays, de tous les rè-
gnes. C'est Néron, vainqueur des jeux olympiques; c'est le comique et
tragique Roscius, le mime Bathylle ; et, pour sauter bon nombre de gé-
nérations d'acteurs, c'est le vaniteux Baron avec l'esprit de La Rancune
du Roman comique deScarron ; il y a en lui du Garrick, du Lekain, du
Préville, du Taconnet, du Talma, mais surtout du Kean.
Comme le fameux acteur anglais, il est grand artiste, mais capri-
cieux, fantastique et parfois tyran ; il règne avec hauteur sur ses cama-
rades, et cependant il est bon diable. Fou d'argent, il le dépense avec
folie. Original par nature, il affecte l'originalité. Joueur par boutade,
buveur par goût, et par conséquent d'humeur inégale, Frederick Le-
maître, qui semble ne jouer la comédie que d'inspiration, analyse on
ne peut mieux, non-seulement l'esprit, le caractère du rôle dont il est
chargé, mais toutes les parties d'un ouvrage dramatique.
Et maintenant, que vous dire des antécédents de cet artiste excen-
trique ? Qu'importe de savoir où et quand il est né ? En serez-vous plus
avancé quand vous saurez que Frederick Lemaître a vu le jour à Paris
ou à Constantinople? qu'il a été acrobate, mime, figurant? que le
Conservatoire l'a fait passer sous son niveau pour en faire, à l'Odéon,
un confident de tragédie ?
Une sèche biographie vous dépoétiserait Frederick, et nous sentons
le besoin d'idéaliser nos acteurs à réputation ; de leur prêter des goûts,
des caprices étranges, fantastiques. Le bon bourgeois de Paris ne peut
se persuader que celui qui peignit avec tant de vérité Georges, du
Joueur; Edgard, de Ravenswood; Cartouche, dans lequel il était si
poétiquement audacieux ; Richard d'Arlington , ce grand et vrai
tableau de l'ambition ; on ne peut se persuader, disons-nous, qu'un
tel comédien soit un homme ordinaire , et l'on ne se trompe pas
trop. Frederick est un résumé de la société actuelle ; et comme il
y a dans cette société de la rouerie , du cynisme et toutes sortes
de belles, bonnes et grandes choses , le talent de Frederick la re-
flète merveilleusement. Il manque à cet artiste éminent de se des-
siner largement dans un personnage historique qui lui fasse repren-
dre la place que ses grands rôles lui avaient donnée. En atten-
dant, il vient de nous représenter un personnage qui est du domaine
de l'art musical, le neveu de Rameau, notre illustre compositeur fran-
çais; le neveu de Rameau, que Diderot avait surnommé le roi des drô-
les, musicien lui-même, organiste de la chapelle du roi, espèce de pa-
rasite, de mauvais sujet dans le genre de Robert-Macaire , de César de
Bazan, de Paillasse même ou de Tragaldabas de malencontreuse mé-
moire, se servant de la langue exceptionnelle d'Arnal dans toutes les
pièces de M. Duvert. qui, du reste, nous avait dit d'avance à nous-
même qu'il n'y avait pas de pièce dans le Roi des Drôles. Qu'importe?
Frederick, qui y tient le dé de la conversation, supprimera la première
lettre de ce mot ou de la qualification qu'on donne à ce personnage,
et, par son talent créateur, il saura bien en faire le roi des rôles.
Mlle Clarisse Miroy joue et chante dans la pièce le rôle de Mme Ra-
meau en bonne comédienne qu'elle est, et en presque cantatrice, di-
sant avec intelligence musicale bien sentie de jolis airs fort bien
choisis par M. Nargeot. On peut ajouter à ces termes d'art la for-
mule sacramentelle que Frederick Lemaître, en Roi des Drôles, fera
beaucoup d'argent.
THÉÂTRE DE LÂSBÏGU-COMI0UE.
Sous le titre modeste de Berthe la Flamande, la nouvelle adminis-
tration de l'Ambigu a donné un drame émouvant, saisissant, qui fait
pleurer son public tous les soirs , public populaire et distingué , car
les auteurs ont réussi à frapper au cœur de toutes les classes de la so-
ciété, par une peinture vraie, attachante et dramatique de la cour de
Charles II, roi d'Angleterre. Il faut dire aussi que la manière dont la
belle Mme Guyon joue le rôle de Berthe la Flamande, n'est pas pour
peu dans la cause qui fait que la foule se porte au théâtre de l'Ambigu-
Comique , soit qu'elle se montre astucieusement commerciale comme
un homme d'affaires, soit qu'elle agisse et parle à la cour en fière lady,
soit qu'elle peigne la maternité ; Mme Guyon a composé le rôle de
Berthe en grande comédienne ; elle y déploie, avec une noble expan-
sion d'âme, une pure et irréprochable diction.
Henri BLANCHARD.
DE PARIS.
261
CONSERVATOIRE NATIONAL DE MUSIQUE ET DE DÉCLAMATION.
Concourt! publIrH.
Réparons d'abord une omission dans la liste des accessits obtenus
au concours de chant par les élèves-femmes. Nous avons dit que le
premier avait été décerné conjointement à Mlles Dielsch et Rey ; le
troisième, à Mlles Sannier et Amélie Bourgeois. Le second l'a été de
même à Mlle Girard, élève de Révial , et à Mlle Rigolât, élève de
Mme Damoreau, et cette double mention était restée incomplète dans
notre compte- rendu.
Jamais concours de chant n'avait été aussi nombreux , du moins
pour les hommes. Il n'y avait pas moins de vingt-trois concurrents, et,
parmi eux, ce n'étaient pas les voix dont l'absence se faisait le plus
sentir. Beaucoup d'éducations sont encore imparfaites , mais il ne
s'agit que d'élèves ; on l'oublie trop souvent, quand on vient au Con-
servatoire. Comme il faut toujours se plaindre de quelque chose, on
trouve les concours trop riches ou trop pauvres, trop longs ou trop
courts. Chaque système a son danger, sans doute ; on nous permettra
de croire, après mûr examen et expérience faire, que celui qui en-
courage et facilite est préférable à celui qui comprime et repousse.
Un ancien l'a dit : « Dans l'éloquence comme dans les arts, pour qu'un
petit nombre excelle, il faut qu'une multitude s'essaye. » C'est la règle
que l'on doit suivre au Conservatoire plus qu'ailleurs.
M. Faure, qui a mérité le premier prix de chant, possède une excel-
lente voix de baryton , et sait à peu près tout ce qu'il faut savoir pour
réussir au théâtre. M. Bonnehée, le second prix , le suit de près , et
M. Crambade, qui a partagé le premier accessit avec M. Wicard , ne
tardera pas à marcher sur les brisées de l'un et de l'autre : ce sont trois
barytons de nature vraiment distinguée. Quant à M. Wicard, c'est un
ténor qui , dès demain, produirait beaucoup d'effet dans un ou deux
morceaux ; mais, pour chanter un rôle entier, il faut se ménager plus
qu'il ne le fait, chanter avec moins de force et plus de mesure, de
rhythme. Il y a de l'espoir, beaucoup d'espoir dans les deux seconds
accessits, MM. Bétout, ténor, et Bonheur, baryton. Les deux troisièmes,
MM. Codelaghi et Boulanger, tous deux barytons, peuvent devenir des
artistes, sinon très-brillants, du moins fort utiles.
Pas de premier prix de chant dans le concours des femmes : c'était
là une grande nouveauté. Le jury a voulu témoigner qu'il trouvait le
concours de cette année inférieur à ceux des années précédentes , et
cela s'explique. Dès qu'une jeune personne obtient un second prix, un
accessit même, et qu'indépendamment de son talent musical elle a un
peu de figure, de tournure, les théâtres s'en emparent, et le Conser-
vatoire se la voit enlever. Que le Conservatoire s'y oppose : il le peut,
dira-t-on. Oui, certes, le Conservatoire a le droit de refuser sa permis-
sion ; il a le droit d'empêcher un jeune homme, une jeune fille de
signer un engagement avant la fin de ses études. Mais si cet engage-
ment, et c'est trop souvent le cas, doit donner du pain à toute une fa-
mille, s'il doit mettre fin à des misères noblement supportées , croyez-
vous qu'il soit si facile au Conservatoire d'user de ses droits? L'art en
souffre peut-être, mais l'humanité en profite, et, dans la balance des
intérêts, c'est l'humanité qui l'emporte toujours.
Encore quelques progrès, et Mlle Boulart, Mlle Geismar, qui ont par-
tagé le second prix, s'élèveront au premier. Nous en dirons autant de
Mlle Dietsch, charmant spécimen de la méthode de Mme Damoreau; de
Mlle Rey, élève de Révial, qui ont partagé le premier accessit; de
Mlles Rigolât, autre élève de Mme Damoreau, et de Mlle Girard, autre
élève de Révial qui ont partagé le second. Mlles Sannier et Amélie
Bourgeois, à qui le troisième est échu, sont douées de voix robustes,
que le grand Opéra réclame. Le chant de la première est un peu ro-
cailleux ; celui de l'autre a besoin d'acquérir plus d'expression et de
nuances.
Pourquoi donc MM. les professeurs de chant persistent-ils dans un
choix malheureux d'airs étrangers, traduits en uu français plus malheu-
reux et plus étranger encore? C'est non-seulement une injure gratuite
aux maîtres de notre école, aux producteurs illustres et féconds qui
alimentent nos théâtres et ceux de l'Europe c'est de plus un outrage au
bon goût, et un écueil placé sous les pas de leurs élèves, à moins que
ceux-ci ne se le placent d'eux-mêmes pour venir s'y briser, comme de
vrais étourneaux qu'ils sont, et la catastrophe n'est pas sans exemple.
Pourquoi aussi, dans le concours d'opéra comique, cette reproduc-
tion presque périodique d'une scène ou de plusieurs scènes baptisées
du titre de : V Italienne à Alger? Et savez-vous ce qu'il y a de l' Ita-
lienne dans ce monstrueux pastiche ? Un air de Scmiramis, un duo de
Zelmire, et un dialogue indigne des tréteaux. M. Faure est bien heu-
reux d'avoir ajouté à cette macédoine le trio de Pappatacci, qui nous
faisait un peu rentrer dans le sujet, encore plus heureux d'avoir chanté
le tout à merveille, ce qui lui a valu un premier prix, malgré l'Ita-
lienne plutôt qu'à cause de l'Italienne. Espérons que cet indigeste frag-
ment disparaîtra pour jamais du répertoire de l'école.
Voici le résultat du concours d'opéra comique pour les élèves des
deux sexes.
Classes des hommes. — l°r prix : MM. Faure, élève de Moreau-
Sainti ; et Beckers, élève de Morin. 2e prix : M. Sapin, élève de Moreau-
Sainti. 1" accessit : M. Codelaghi , élève de Morin. 2e accessit :
M. Bonnehée, élève du même. 3e accessit : M. Holtzem, élève du
même.
Classes des femmes. — Pas de premier prix, comme pour le con-
cours de chant. 2' prix : Mlles Boulard, élève de Moreau-Sainti ; et
Girard, élève de Morin. 1er accessit : Mlle Geismar, élève de Morin.
2e accessit : Mlle Rey, élève du même. 3' accessit : Mlle Klotz, élève de
Moreau-Sainti.
Ce qu'il y a eu de plus remarquable dans ce concours, d'abord lan-
guissant et faible, c'est vers, la fin, l'exécution presque intégrale de
l'Eau mirveilleuse, ce bouffon chef-d'œuvre de Grisar, par MM. Bec-
kers, Holtzem, Codelaghi, Mlle Girard; et, immédiatement après, celle
d'un fragment d'Actéon, par Faure et Mlle Boulart.
Dans le grand opéra, ni les hommes ni les femmes n'ont obtenu de
premier prix. Voici comment le jury a distribué les récompenses.
Classes des hommes. — 2° prix : MM. Wicard, élève de Duvernoy;
Bonnehée, élève du même. 1" accessit : M. Sapin, élève du même.
2e accessit : M. Jollois, élève du même. 3e accessit : M. Crambade,
élève de Levasseur.
Classes des femmes. — 1' prix : Mlles Geismar, élève de Levasseur ;
Dherbay, élève de Duvernoy. 1er accessit : Mlle Rey, élève de Duvernoy.
2e accessit : Mlle Amélie Bourgeois, élève de Levasseur. 3° accessit :
Mlle Rimbaut, élève du même professeur.
Malgré l'absence de premier prix, plusieurs scènes très-bien rendues
ont été chaudement applaudies, notamment celle du second acte de
Charles VI , chantée par Bonnehée et Mlle Dherbay ; le trio de Guil-
laume Tell, chanté par Wicard, Bonnehée et Frèret; le troisième acte
à' Othello, chanté par M. Sapin et Mlle Geismar; le fragment du second
acte de la Juive, chanté par Mlle Rey et M. Sujol, ancien élève lauréat,
qui a bien voulu venir en aide à ses jeunes camarades, et qui n'a pas
moins fait preuve de zèle que de talent.
Entre les concours d'opéra comique et de grand opéra se trouvait
placé celui des instruments à vent, dans lequel les concurrents sont
toujours en si petit nombre, que presque tous obtiennentdes prix et au-
tres distinctions. Voici la liste de cette année, dans l'ordre qu'avait fixé
le sort.
Cor à pistons. — (Professeur M. Meifred.) Pas de premier prix ;
2° prix : M. Lefebvre. 1er accessit : M. Carmont, aveugle.
Basson. —(Professeur, M. Cokken. ) 1er prix: M. Villaufret;
2e prix : M. Jullien. 1" accessit, M. Bardin.
Clarinette. — (Professeur, M. Klosé). 1" prix, MM. Desormeaux et
Boutmy ; 2e prix : M. Ledé. Pas d'accessit.
Trombone. — (Professeur, M. Dieppo.) 1" prix : M. Sauret ; 2e prix :
M. Chattelyn.
262
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
Hautbois. — (Professeur, M. Vogt.) 1" prix : M. Colin ; 2e prix :
M. Klemmer. 1er accessit : M. Dordet ; 2e accessit : M. Blanchet ;
aveugle ; 3e accessit, M. Ortmans.
Trompette. — (Professeur, M. Dauverné.) Pas de premier prix ;
2e prix : M. Guignery. 1" accessit : M. Pilliard ; 2e accessit : M. Lam-
bert ; 3e accessit : Lagarde.
Flûte. — • (Professeur, M. Tulou.) 1" prix : M. Heimback; 2e prix :
M. Alvès.
Cor. — (Professeur, M. Gallay.) 1er prix : M. Bonnefoy 1"; 2e prix:
M. Pothin ; 3e accessit, M. Bonnefoy, h'-
Enfin, la tragédie et la comédie ont clos l'ordre et la marche. Dans
la tragédie, M. Vonoven a obtenu un second prix, et il n'y a pas eu
d'autre prix ni accessit : les concurrents n'étaient que deux. Dans la
comédie, au contraire, deux premiers prix ont été décernés aux clas-
ses d'hommes et de femmes. MM. Lesage et Gilles de Saint-Germain
ont partagé le premier prix des hommes ; M. Vonovem, déjà nommé,
le second prix; M. Buthiau, le premier accessit, et M. Tuchmann le se-
cond. Parmi les femmes, Mlles Valérie et Arrène ont mérité le premier
prix; Mlle Dubois, le second ; Mlles Féraudy et Rousselle, le premier
et le second accessit.
Et voilà pour toute une année de travaux, d'efforts, de succès et de
revers ! Que de désappointements, de douleurs même à côté de quelques
bonheurs inatlendus, de quelques récompenses inespérées ! Ainsi va le
monde ! Le temps nous manque pour traiter une question soulevée,
dit-on, par plusieurs professeurs, qui demandaient qu'on supprimât les
applaudissements : ils auraient été les premiers punis. M. Auber a sa-
gement fait de mainlenir l'usage, et nous devons constater que jamais
l'auditoire n'en a profité plus judicieusement, avec indulgence toujours,
mais aussi toujours avec justesse et justice. P. S.
Dusseldorff, 4 août 1852.
J'ai pensé qu'il ne serait peut-être pas sans intérêt pour vous de rece-
voir d'un témoin oculaire quelques détails sur le grand concours de
chant en chœur qui vient d'avoir lieu à Dusseldorû", les 1, 2, et 3 août.
Je laisse de côté la question de savoir si ces sortes de joutes musicales,
où il y a toujours nécessairement des vaincus et des mécontents, sopt
véritablement utiles au progrès de l'art. Il est des gens sérieux, trop sé-
rieux, qui prétendent le contraire, mais ceci n'est pas de mon ressort.
Dusseldorff avait . donc, ces jours passés, un air de fête. Pas une rue,
pas une maison, qui ne fût ornée de bannières et de guirlandes de feuil-
lage; il était facile de voir que la ville entière s'associait à la solennité
du jour.
La salle du concours, immense comme la nef . d'une cathédrale, était
pleine d'un public enthousiaste. A l'une des extrémités, sur une vaste es-
trade, se tenaient les vingt et une sociétés de chant qui étaient venues
prendre part à la lutte. Chaque groupe se reconnaît à son drapeau. Fer-
dinand Ililler et Robert Schumann sont à la tête du jury musical.
Et d'abord voici défiler le menu fretin des sociétés chorales. Elles
Viennent des bourgades et villages environnants ; on le devine à cette te-
nue sans apprêt et à ces mains privées de gants. Voici les liedertaf^ l de
Neuss, de Gladbach, de Essen, etc Qui jamais a entendu ces noms-là?
Et cependant quelles voix fraîches, quels timbres sonores, et quel sen-
timent des nuances ! Le public les applaudit avec acclamation, et déjà m
petto il a nommé les vainqueurs.
Mais voici les sociétés de premier rang qui entrent à leur tour dans la
lice. Ce sont les cohortes serrées de Bonn, de Cologne, d'Elberfeld. Quel ad-
mirable ensemble ; et comment vous dire l'enthousiasme qui s'est emparé
des auditeurs lorsque la Concordia, de Bonn, a entonné ce bel hymne de
Mendelssohn :
So rûckt denn in die Runde !
Quel triomphe pour l'art vocal, qui, sans le prestige de la scène, et même
sans l'appui de l'orchestre, sait produire de si fortes émotions.
Deux soirées furent consacrées tout entières à ces luttes pleines d'in-
térêt. La troisième n'a pas été la moins belle. L'élite des sociétés chan-
tantes, c'est-à-dire 300 voix environ, s'est réunie à un nombreux orches-
tre pour un concert que dirigeait R. Schumann.
La séance s'ouvrit par l'ouverture en ut majeur (œuv. 12&) de Beethoven,
presque inconnue en France. Le génie du maître s'y manifeste sous sa der-
nière forme, et cette œuvre puissante porte l'empreinte de ce penchant
qui entraîna Beethoven dans ses derniers ouvrages vers le style fugué et
les formes polyphoniques.
Après un hymne pour voix d'hommes, de Schnabel, et un air du Faust,
de Spohr, chanté par Mlle Schloss, Mme Schumann (née Clara Wiek, j oua
le concerto en mi bémol, de Beethoven, comme il n'est donné qu'à elle et
à Liszt de le jouer. Quant à l'orchestre, il y fut admirabie d'intelligence et
de discrétion. La première partie du concert fut terminée par le Calme
de la mer (Meeresstille) pour chœur et orchestre, par Fischer, jeune com-
positeur, qui habite Mayence. Cette poésie de Goethe a déjà inspiré plus
d'un musicien et des plus illustres. M. Fischer n'a pas craint de redouta-
bles souvenirs, et il s'en est tiré, il faut le dire, avec beaucoup de talent.
Le public bissa le morceau, et le compositeur reçut une véritable ovation
avec Twch (fanfare de l'orchestre). La deuxième partie s'ouvrit par une
ouverture de Schumann pour la tragédie de Shakespeare Jules César. Vous
n'ignorez pas, Monsieur, le rang que tient Schumann aujourd'hui en Al-
lemagne. Ses partisans, qui sont en grand nombre, lui assignent le pre-
mier rang parmi les compositeurs allemands de l'époque. Cependant, sa
musique est loin d'être généralement acceptée comme l'est celle de Men-
delssohn. Son ouverture de Jules César, a paru à quelques-uns d'une in-
telligence assez difficile. Néanmoins, le public lui fii un chaud accueil,
et le Tusch ne fit pas défaut.
Le grand air de Fidtlio, des variations pour deux pianos, de Mendels-
sohn et Moschelès, exécutées par Mme Schumann et sa jeune sœur, qui
marche sur ses traces ; enfin, le magnifique chœur de Bacchus, tiré de
YAntigone ; tel fut encore le menu du festin, qui se termina par trois pe-
tits morceaux de maîtres :
•L" Saltarelle, de Stephen Heller; 2° Nocturne de Chopin, et 3° Romance
sans paroles, de Mendelssohn. Mme Schumann rendit tous ces petits chefs-
d'œuvre avec une grâce et un sentiment de délicatesse exquis.
Les noms des vainqueurs furent ensuite proclamés au milieu de fanfares
et d'applaudissements enthousiastes. Le premier prix (prix d'honneur),
échut à la Concordia, de Bonn; le deuxième, à la Pohjmnie de Cologne. Les
petites villes de Neuss, Gladbach, etc., obtinrent les autres prix.
Aujourd'hui h août, cette série de plaisirs doit se terminer par une fête
artistique, avec tableaux organisés par les soins des peintres de Dussel-
dorf. La musique y jouera certainement son rôle. Mais je n'abuserai pas
plus longtemps, Monsieur, de votre patience de lecteur, et dans l'espoir
que vous vous voudrez bien excuser ma prolixité, je vous prie d'agréer
l'hommage de mes sentiments les plus distingués.
Th. G.,
SOCIETE SAI5STE-CECHE.
Le Comité de la Société des gens de lettres, appelé à choisir, par
suite d'un concours, une Ode à sainte-Cécile, vient d'accorder la préfé-
rence à l'oeuvre de M. Nibelle.
Un nouveau concours est ouvert pour mettre en musique cette pièce
de vers ; les compositeurs peuvent la traiter avec tous les développe-
ments que permettent des voix soli, chœur et orchestre. La partition
qui aura réuni les suffrages du jury sera exécutée dans le concert an-
nuel que donne la Société Sainte-Cécile , pour l'audition des œuvres
des compositeurs contemporains.
Le jury de musique sera composé. de MM. Halévy, Ad. Adam, H. Re-
ber, Ch. Gounod, Th. Gouvy, Seghers et Wekerlin.
Les partitions doivent être envoyées, avant le 15 octobre 1832, à
M. Seghers, 52, rue de Caumartin; elles seront accompagnées d'une
enveloppe cachetée renfermant le nom du compositeur, et portant ex-
térieurement une épigraphe reproduite sur la partition.
Après la décision du Comité, on pourra retirer les œuvres non ad-
mises ; la signature en restera inconnue.
Les auteurs qui ont pris part au concours de pésie peuvent retirer
leurs manuscrits à l'Agence générale de la Société des gens de lettres,
14, cité Trévise.
©DE-CAKJ'a'A'S'ïB ®B5 H. RiaBEï,]LlE!.
Diligam te, Domine, fortitudo mea.
Psal. xvir. v. 1.
SAINTE CÉCILE (1).
BÉCITATIF.
L'hymen allumait son flambeau,
Mais à ton fiancé, dans un pieux délire,
(I) Sainte Cécile, jeune et belle Romaine, d'une famille noble el chrétienne, s'élait vouée a la
virginité. Ses parens la contraignirent d'épouser Valerien, riche seigneur blolàire Cécile le convertit
le premier jour de ses noces. Elle couviriu île même Tiburce, son beau-frère, cl un officier nommé
Maxime. Valerien, Maxime, Tiburce et plusieurs Romains île ilistimliuti périrent dans les supplices,
et la v erg e subil elle-même le martyre avec une grande énergie.
DE PARIS.
263
Tu montrais, noble fille, une palme, un tombeau,
L'éelmfaud pour autel, pour bonheur le martyre,
Pour prêtre le bourreau.
Calme au milieu d'un long supplice,
Invoquant l'Etcrnol et bravant les faux dieux,
Tu voyais du Dieu fort l'éclatante milice,
Tu voyais resplendir les cieux !
CHOEUR.
Du Seigneur chante les louanges,
Et que ton luth sacré frémisse sous tes doigts!
Tes citants, aux saints parvis, réjouissent les anges,
Et la terre écoute ta voix.
Pour enivrer la foule,
Que soulevé l'enfer,
Lentement le sang coule
Sous*des ongles de fer ;
Mais aux martyrs la gloire,
Un Dieu, l'éternité :
La mort, c'est la victoire,
C'est l'immortalité!
De la récompense
Le grand jour commence,
Le grand jour a lui.
Sur ton front qu'il aime,
Cécile, Dieu même
Pose un diadème
Brillant comme lui.
CHOEUR.
Du Seigneur chante les louanges,
Et que ton luth sacré frémisse sous tes doigts !
Tes chants, aux saints parvis, réjouissent les anges,
Et la terre écoute ta voix.
Tes dieux et de marbre et de pierre,
Rome, que sont-ils devenus ?
Depuis longtemps ils ne sont plus,
Et l'oubli couvre leur poussière.
La vierge, on l'invoque en ces lieux
Où son pied renversa l'idole ;
Sur les débris du Capitule
Son nom s'élève radieux.
INVOCATION.
Reine de l'harmonie,
Inspire et soutiens nos accords,
Donne à tes enfants ton génie,
Donne-leur tes transports.
La divine harmonie embrase
De ses feux l'esprit et le cœur,
Et dans une sublime extase,
Nous porte vers le créateur.
ciiOEUr.
Du Seigneur chante les louanges,
Et que ton luth sacré frémisse sous tes doigts !
Tes chants, aux saints parvis, réjouissent les anges,
Et la terre écoute ta voix.
NOUVELLES.
*** Demain lundi, à l'Opéra, la Favorite Le rôle de Léonor sera chanté
pour la première fois par Mme ïedesco.
%* Guillaume Tell a été joué lundi. Gueymard y chantait le rôle d'Ar-
nold avec son talent et son effet ordinaire.
*** Mercredi, un ténor nommé Bauche s'essayait dans les Huguenots, et
remplissait le rôle de Raoul. C'est le même artiste que nous avons vu se
produire à TOpéra-Comique dans lés Monténégrins, en 1849. Nous l'avons
reconnu à ses qualités et surtout à ses défauts, qui nous ont paru plus
saillants encore. Sa voix manque trop souvent de pureté et son intonation
de justesse. Obin et Mlle Poinsot ont fort bien rendu les rôles de Marcel
et de Valentine.
V La Juive, donnée vendredi , pour le second début de Mathieu, nous
l'a montré dans le rôle d'Eléazar. Quoiqu'il en ait fort bien rendu quel-
ques parties, cependant il souffrait d'une indisposition trop manifeste
pour qu'il fût juste et possible de l'y juger. Une autre fois il prendra sa
revanche. Mlle Poinsot s'est distinguée dans le rôle de Rachel, et, dans
celui du cardinal , Depassio a largement déployé sa voix magnifique.
V Le Juif errant sera la première pièce qu'on montera cet hiver à
Lyon.
V Le directeur du théâtre de Kœnigsberg, qui est venu à Paris cette
semaine, se propose aussi d'être le premier en Allemagne à faire connaî-
tre ce chef-d'œuvre.
V La réouverture du Théâtre-Lyrique (Opéra-National) doit avoir lieu
le 1" septembre prochain, avec l'ouy^ge en trois actes, dont la mu iique
est de M. Adolphe Adam, l'ar une. cqmbinaison toul à l'ail neuve, ce même
ouvrage est répéjjé en môme temps par deux troupes différentes, afin qu'il
puisse être donné tous les jours de la semaine, .'•ans intervalle, et que
rien n'inteiTiimp ■■ soi) succès.
V L'Académie des beaux arts a jugé hier samedi le concours de com-
position musicale : 1" grand prix, M. Léonce Cohen, élève de M. Leborrié ;
2" grand prix, M. Puise, élève de MM. Adolphe Adam el ftnvmérrhàn. La
cantate du' premier était chantée par mm. Houle. SI èrly et Mme Potier ;
celle du second, par m\i. Bbulo, Coùlon, et, Mme Meillet.
%* Mlle Dobréest de retour à Paris, où elle va se reposer des brillants
succès obtenus par elle dans la saison de Londres.
V* Les concerts donnés à Nancy par Bazzini, le célèbre violoniste,
ont produit un effet immense. Chaque morceau était suivi d'un rappel, et
jamais artiste n'avait excité d'enthousiasme plus unanime.
*** Les fêtes splendides que l'on prépare à Abbevillc pour l'inauguration
de la statue de Lesueur vont commencer dimanche prochain 8 août. M. le
ministre de l'intérieur présidera la cérémonie d'inauguration. La statue
part, aujourd'hui par un train express du chemin de fer du Nord. Ce bronze
monumental n'a pu être terminé assez à temps pour être exposé publi-
quement à Paris Cela est regrettable pour l'œuvre et pour l'artiste, car
cette statue, la deuxième que la France élève à une illustration musicale,
est fort remarquable de conception et de travail. Elle sort d'ailleurs du
ciseau de M. Hochet, qui s'est acquis une si juste renommée par son
bronze équestre de Guillaume U Conquérant.
%* Mlle Guénée, la pianiste habile et distinguée, vient de partir pour
Bagnères-de-Luchon. Elle s'y rend à la demande de la princesse Callimaki,
dont elle est l'artiste favorite.
CRON1QUE DÉPARTEMENTALE.
%* Boulogne-sur-Mer, h août. — Le 2 de ce mois, la Société philhar-
monique a donné un brillant concert dans lequel figuraient trois artistes
de Paris. Mme Gavaux-Sabatier y chantait avec le talent, le charme et la
distinction que tout le monde lui connaît, l'air du Cheval de Bronz?, l'air
du Caïd, et deux romances : Pourquoi? et la Pavana, qui ont été bissées
aux applaudissements enthousiastes de la salle entière. M. Léon Jacquart,
le violoncelliste, a fait grande sensation en exécutant les Souvenirs de Spa
et Une larme, fantaisies de Servais. Expression, pureté, justesse irrépro-
chables, facilité d'archet, traditions de la belle école, M. Léon Jacquart
réunit toutes les qualités qui placent l'artiste au premier rang; du reste,
sa famille a le privilège des succès, puisque son jeune frère vient d'ob-
tenir le 1" prix de violoncelle au concours du Conservatoire. M. Joseph
O'Kelly, pianiste de beaucoup de mérite, a dit d'une manière très-remar-
quable un concerto de Mozart, avec orchestre, et une fantaisie de sa com-
position. De nombreux applaudissements l'ont salué comme exécutant et
compositeur. M. Georges O'Kelly, son frère, tenait le piano d'accoxpagne-
ment dans ce concert, l'un des plus beaux que la Société philharmonique
ait donnés.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
*Jf Londret, h août. — Le théâtre de la Reine déploie une activité sans
exemple, et à la fin de la saison , pendant que tous les autres théâtres se
relâchent, il offre à ses abonnés nouveautés sur nouveautés, et rappelle
les plus belles époques de sa gloire. Avant-hier, jeudi, la première repré-
sentation de Casilda, opéra du'grand duc de Gotha , a été donnée avec un
succès complet. La marche des Bohémiens du quatrième acte a été bissée
avec frénésie, et quoique le décor vînt d'être changé, on a été obligé de
la répéter. Mme Lagrange a une large part des applaudissements à reven-
diquer. L'exécution et la mise en. scène sont parfaites.— Mme Charton-De-
meur a fait son début dans la Somnambule. Son succès n'a pas été dou-
teux. On l'avait applaudie au Théâtre-Français, dans l'opéra comique; on
ne l'a pas moins bien accueillie dans l'opéra italien. Gardoni chantait le
rôle d'Elvino avec tout le charme qu'on lui connaît. Lucrezia Borgia est
venue ensuite pour la rentrée de Mme Fiorentini. De Bassini chaulait le
rôle d'Alfonse; Gardoni, celui de Gennaro, et Mlle JdaBertrend retrou-
vait son succès d'habitude dans celui d'Orsini.
%* Ba ien, 2 août. — Nous sommes en pleine saison, et celle-ci est
des plus brillantes. Vendredi dernier Mme Sontag a donné, dans la
grande salle de la Conversation, un concert auquel assistait l'élite de la
société; têtes couronnées, princes, comtes et barons y abondaient : son
succès a été prodigieux, et la recette a dépassé 5,000 florins (11,000 fr.)
La célèbre cantatrice a chanté, avec tout le charme qui la caractérise,
Una voce po( o fii ; l'air du Toréador, d'Adam, et une foule de jolies baga-
telles qui lui ont valu force bravos et bouquets. A côté d'elle nous avons
entendu Teresa Milanollo, que l'on peut appeler, sans exagération, la
reine du violon ; son jeu, à la fois grandiose, fin et délicat, est d'une per-
fection rare; ajoutez à cela qu'elle fait des choses toutes nouvelles et ob-
tient des effets inconnus jusqu'ici sur le violon, et vous ne serez pas
étonné de l'enthousiasme du public, qui l'a obligée â répéter son Rhein-
iveinlied. Nul doute qu'elle ne donne un second concert. Cossmann, le vio-
loncelliste, a fort bien tenu sa place entre ces ta'ents hors ligne, et sa
fantaisie sur le Prophète a obtenu trois salves d'applaudissements. — Après
264
REVUE ET GAZETTE MUSICALE DE PARIS.
demain, Aille Rachel donnera une représentation composée de Phèdre et
du Moineau de Lesbie. Tout est loué d'avance. — Mlle Kastner, jeune et
très-jolie pianiste de Vienne, est ici en ce moment. Son exécution prodi-
gieuse et l'extrême délicatesse de son jeu lui présagent de grands succès
pour l'hiver prochain, à Paris.
*,* Berlin — Roger obtient des succès vraiment inouïs. Trois fois en
dix jours, il a chanté le rôle d'Eléazar, de la Juive, et, nonobstant la
chaleur africaine qui régnait dans la vaste salle, toutes les places étaient
occupées. Meyerbeer, digne appréciateur de ces triomphes, a dit que nul
artiste n'avait pu et ne pourrait se faire estimer plus que Roger, qui unit
aux dons précieux de la nature, une éducation, une science exquise et
une distinction personnelle des plus remarquables.
*„* Wiesbade. — La société italienne de Bruxelles, dirigée par M. Bocca,
a donné ici huit représentations qui ont été assez suivies. La comtesse
Rossi (Mme Sontag) a donné un concert le 26 juillet.
%* Vienne. — Parmi les pièces portées au répertoire du théâtre de la
Cour pour le mois d'août , se trouvent les Mousquetaires de la Reine et le
Prophète. Au sujet de l'opéra de Meyerbeer, nous avons remarqué une
innovation qui peut être justifiée au point de vue de la spéculation , mais
que la critique la plus indulgente ne saurait permettre : le 5 août , on
donne les trois premiers actes de la pièce, et le lendemain , le quatrième
et le cinquième; pour le 7, on annonce V Enfant prodigue, et Robert-le-Dia-
ble pour le 8 du même mois.— Mme Ney, la mère de Mlle Jenny Ney, can-
tatrice attachée au théâtre de la Cour, vient de mourir. Mme Ney, qui ,
elle aussi, avait appartenu à ce théâtre, et qui était également distinguée
comme virtuose et comme professeur, avait dirigé l'éducation musicale
de ses deux filles, Jenny et Caroline.
*„* Jassy. — En l'honneur de Servais, qui , à son retour d'Odessa , a
passé par notre ville, une soirée musicale a eu lieu chez le ministre de la
justice, le prince Stourdza. Le célèbre violoncelliste ajoué sa fantaisieica-
ractéristique, ses airs russes, avec sa perfection accoutumée. Dans la
même soirée s'est fait entendre le jeune violoniste Graff, d'origine hon-
groise, qui est de retour de son voyage en Orient.
\* Helsingfors (Finlande), 15 juillet. — La municipalité de cette ville
ayant résolu de faire recruter à l'étranger un orchestre complet pour les
besoins du nouveau théâtre et l'exécution de grandes compositions dans
les solennités publiques, ce projet a déjà reçu son exécution, et nous pos-
sédons un orchestre composé de quarante-deux artistes, à la tête duquel
se trouve M. Gauzangue, habile violoniste, natif de Metz, en France.
Le gérant : Ernest DESCHAMPS.
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EES AIRS DÉTACHÉS »E CHANT AVEC ACCOMPAGNEMENT E>E PIMO.
N0' 9. TRIO, « Où donc est-il? »
10. AIR, « De cette pompeuse retraite. »...
10 bis. Le même transposé .
1 1. COUPLETS, « 0 mon habit, mon bel habit de mariage. ». . 3 »
2. CAVATINE, « Rêve heureux. » 3 »
2 bis. La même transposée pour voix de contralto 3 »
3. DUO, « Faut-il donc vous aider, ma chère? » '. 9 »
i. AIR, «Rêve si doux! » 5 »
à bis. Le même transposé 5 »
5. DUO, « C'est dans l'église du village. » 7 50
5 bis. Le même transposé, pour voix de ténor et de baryton. . 7 50
6. AIR, « Que saint Jacques et les saints me viennent en aide.» 5 »
6 bis Le même transposé 5 »
7. COUPLETS, « Tant que j'étais. » i 50
8. DUO, « O dieu d'amour. » : 9 »
11. ROMANCE, « Je suis la reine. » .
12. AIR BOUFFE, « Je ne puis affirmer si celui que j'accuse.
13-. COUPLETS, « Il a parlé, terreurs soudaines. »
14. ROMANCE, « Ange des cieux, charme des yeux. »...
14 bis. La même transposée
15. DUO, 0 O perfidie, qui sacrifie. »
1 6. AIR et VARIATIONS, « Par vous brille la Castille. »...
16 bis. Les mêmes transposés
ARKAWeœMiEIÏTS SUR liES MOTIFS »E CET OPERA-
PIANO.
Adam. — Mélange " 6 »
Rrissox. — Op. 40. Fantaisie 7 50
œti'HïJinii B.t.i.Ei (F.). — Valse 7 50
Cohevimi (O.). — Op. 36. Fantaisie 7 50
DiiKiivni (J.-B.) — Op. 190. Fantaisie. ........ 6 »
Hunteut (F.). — Op. 174. Fantaisie à quatre mains 7 50
Le Caiifestieb. — Deux bagatelles, chaque 5
Redleb. — Op. 144. Fantaisie facile 5
I60HEin.1t (H.). — Op. 122. Fantaisie 9
Voes (C). — Op. 120. Fantaisie de salon 6
L'OUVERTURE, avec accompagnement de violon ou flûte ... 6
— à quatre mains 7 50
Mesau». — Deux quadrilles, chaque 4 50
Xie Cakjpeutbkb. — Quadrille facile 4 50
tiTLuc. — Valse 6 »
Pasdeeoue». — Polka- mazurka 4 »
— Schottich 4 »
Pieodo. — Redowa 3
INSTRUMENTS DIVERS.
Eoois (N.). — Op. 201. Sérénade pour piano et violon . . .
I.EFEGB (A.). — Trois fantaisies pour flûte avec accompagne-
ment de piano
Les mêmes pour flûte seule
IHoiib. — Deux pas redoublés, chaque
L'OUVERTURE arrangée pour deux violons
pour deux flûtes
LES AIRS arrangés pour deux flûtes en deux suites, chaque. .
— pour flûte seule
pour deux violons, deux suites, chaque . .
— pour violon seul
pour deux cornets, deux suites, chaque. .
— pour cornet seul
L'OUVERTURE à grand orchestre
— en partition
6 »
3 »
à 50
3 »
3 »
3 »
6 „
3 »
3
9 »
7
50
7
50
6
»
4
50
4 50
7
50
7
50
7
50
7
50
9
»
7
50
18
»
18
»
Polka 3
«IR.-iJVMSE PARTITION ET PARTIES D'ORC'MBESTRE.
PARIS. — IMPRIMERIE CENTRALE DE NAPOLÉON OUA1X ET C\ IUE BERGERE, 20.
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Sassotli.
REVUE
15 Août 1882.
Prix de l'Abonnement i
Paris, un an
Départements, Belgique et Suisse
étranger
Le Journal paraît le Dimanche-.
GAZETTE MUSICALE
II FâBlS.
norccuu de
SOMMAIRE. —Théâtre de l'Opéra-Comique, les Deux Jaket, opéra en un acte,
libretto de M. de Planard, partition de M. Cadaux (1™ représentation), par
De ii ri Bl:i ucharil. — Inauguration de la statue de Lesueur, à Abbeville. —
Testament de M. le baron de Trémont. — Des Neumes employées à la notation du
plain-cliant (3e et dernier article), par Ailrïen t)e la Bi'aïe. — Revue criti-
que, Harmonie des Fleurs, six morceaux pour le piano, de J. Blumenthal, par
llauricu Bourses. — Correspondance, Marseille. — Nouvelles et annonces.
THÉÂTRE DE L'OPËRA-COBIIQDE.
LES DEUX JAHIX
Opéra comique en un acte, libretto de M. Planard; partition de
M. Justin Cadaux.
(Première représentation le 12 août 1852.)
M. Planard, le librettiste expérimenté, ayant écrit le poème des Deux
gentilshommes pour M. Cadaux, avait le droit de lui confier celui des
Devx Jaket, et il a usé de son droit. M. Cadaux est un compositeur à
mélodies faciles, et qui n'abuse pas de sa facilité. Son poëte, dont le
talent n'est pas moins facile, mais qui exploite de préférence les idées
rétrospectives en art dramatique, a mélangé dans son libretto la mo-
rale et les éternelles plaisanteries sur les maris trompés, ce qui fait
beaucoup rire.... ceux qui ne le sont pas (mariés ou trompés), et cha-
cun a cette prétention-là plus ou moins." Cela rend sérieux, il est vrai,
les pères de famille, les époux qui s'aiment sincèrement, les femmes
fidèles (et il en est), les demoiselles bien élevées; mais qu'importe, si
cela fait rire les célibataires vieux ou jeunes, et les spectateurs qui
siègent au centre du parterre ?
L'action de la pièce nouvelle se passe dans le pays où se confectionne
le curaçao. M. Vander Chnick, distillateur marchand d'esprits, débi-
tant de consolation , paraît tout consolé d'avance des catastrophes
conjugales qui pourront lui survenir, et qui ne lui ont pas fait défaut
lors de son premier mariage. Il va donc convoler en secondes noces et
se résigne à tout ce qui pourra lui arriver, même au charivari que ses
voisins lui donnent. Au moment d'épouser, un matelot hollandais,
amoureux de sa future et qu'on croyait mort, arrive et reprend ses
droits de fiancé. M. Vander Chnick ou Chenic reste veuf et continue
ses fonctions d'insulteur du beau sexe. Nous n'avons pas encore parlé
des époux Bleemann chez qui se passe la scène, et qui sont victimes
d'un quiproquo provoqué par l'infâme Chnick ou Chenic, qui fait croire
au bon Bleemann, mari confiant et plein d'amour, que Jordi Jaket,
le matelot revenu pour épouser la jeune Marguerite, est William Ja-
ket que Mme Bleemann avait aimé avant son mariage, et qui a péri
dans un naufrage, heureusement pour la morale.
Après que tout cela est fini, que le dénouement s'est fait à la satis-
faction de tous, Mme Bleemann vient faire assez intempestivement un
petit prêche luthérien sur la confiance conjugale et sur la jalousie, à
son mari, qui l'avait soupçonnée un instant; elle lui pardonne, et le
Jaket restant et bien portant épouse Mlle Marguerite, à la satisfaction
du public, qui s'est assez amusé des péripéties de ce petit acte, fait,
comme nous l'avons dit, par un homme expérimenté qui connaît par-
faitement toutes les ficelles, même usées, qui font réussir au théâtre. La
partie lyrique de M. Planard se distingue par des vers simples, natu-
rels et naïfs, comme ceux de Marie, où se trouve la fameuse robe lé-
gère d'une entière blancheur. Le compositeur a mis sur tout cela des
chants faciles et vrais, d'une vérité parfois un peu commune , mais
qui plaisent à la généralité des auditeurs.
L'ouverture, d'une allure franche, est peu modulée ; elle passe de re
majeur en la majeur, module quelque peu en si bémol et fa majeur,
et rentre dans le ton primitif de ré comme tout l'opéra de feu Mainzer.
La principale mélodie en est sautillée, et prête au galop comme la plu-
part des opéras, comiques ou non, de nos jours. Après cette préface
instrumentale dans le caractère et dans la tonalité des ouvertures du
Calife ou d' Une heure de mariage, Mme Meyer, qui nous représente
Mme Bleemann, avec le charme qui la caractérise chante, en forme
d'introduction, de jolis couplets sur le Joli chapeau du mari; puis
vient un chœur bruyant, tumultueux, qui peint avec énergie et fran-
chise le charivari qui poursuit le distillateur. D'autres couplets vien-
nent ensuite, et puis d'autres couplets; car, ainsi que nous l'avons
déjà dit, cette forme poétique et musicale abonde dans l'ouvrage. Ceux
dits par Bleemann sont d'une mélodie agréable et facile à retenir, sur-
tout la phrase musicale sur ces vers qui les terminent :
Près de ma ménagère,
Joyeux de revenir,
Je trouve en ma chaumière
L'amour et le plaisir.
Le matelot Jaket, déguisé en vieux savant, botaniste, quelque peu sor-
cier, chante un air sur l'hospitalité qui ne manque pas d'animation, mais
dans lequel se trouvent plusieurs fautes de prosodie, ce qui paraît sin-
gulier dans un compositeur français. La valse qui sert de coda, de pé-
roraison, a de l'entrain, mais un entrain vulgaire. Les deux couplets
chantés à table par Mme Meyer sur le Doux signal d'amour, sont
charmants ; ils ont plu tout d'abord à la première audition et plairont
de plus en plus aux représentations suivantes. Une musique instrumen-
tale de scène de mélodrame continue à l'orchestre après ces couplets,
et s'enchaîne avec un duo dramatique entre le mari qui se croit trompé
ou celui qui aspire à l'être. Ce morceau est assez bien traité dramati-
quement. La mélodie chantée ensuite par Bleemann, et que nous ap-
pellerons la romance du Dernier soupir, puisque ces mots se trouvent
à la fin de chaque couplet, est d'un bon sentiment musical et délicieu-
266
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
sèment dite par M. Meillet. Un duo entre le même et Mlle Decroix, qui
joue et chante très-agréablement le petit rôle de Marguerite. Là s'ar-
rête la mission musicale confiée à M. Justin Cadaux par M. Planard,
mission dont il s'est acquitté en disciple et continuateur de nos mélo-
distes quand même nommés d'Aleyrac, Nicolo, etc.
Les Deux Jaket sont de ce genre d'ouvrages appelés opérette, comé-
dies à ariettes, qui peuvent faire diversion parfois, et sans en abuser,
aux partitions hériss ées de science et de vocalises audacieuses qu'on
désignait autrefois par la qualification de casse-cou. Si ce genre de
musique ne fait pas révolution dans l'art, il fait plaisir à la majorité du
public de l'Opéra-Comique, moins musical que. scénique, et plus vau-
devilliste que dilettante. Henri BLANCHARD.
INAUGURATION DE LA STATUE DE LESUEUR A ABBEVILLE.
La France est dans une bonne veine de reconnaissance et d'hom-
mages. Elle prend décidément l'habitude de payer ce qu'elle doit à ses
grands écrivains, à ses grands poètes, à ses grands artistes, à ses illus-
trations de toutes les époques et de tous les genres.
Lundi dernier, c'était la ville du Havre qui dressait des statues à
deux de ses plus glorieux enfants. L'Académie française était représen-
tée à cette cérémonie par M. Alfred de Musset, qui a dit quelques mots
en prose, et par M. Ancelot, qui a caractérisé en fort beaux vers le gé-
nie et les ouvrages de Bernardin de Saint-Pierre et de Casimir Dela-
vigne. M. Ancelot est lui-même un enfant du Havre; lors de ses débuts,
il se trouva posé comme rival de Casimir ; sa tragédie de Louis IX fit
quelque temps échec à celle des Vêpres siciliennes. Nous ne rappelons
ce fait que pour rehausser encore la valeur du magnifique et chaleureux
éloge dont il vient d'honorer son ancien concurrent, en attendant
qu'un autre lui accorde à son tour la même justice ; mais nous suppo-
sons qu'il attendra volontiers.
Dans la revue poétique et pittoresque des travaux dramatiques de l'au-
teurdes Comédiens, du Paria, àesEnJants d'Edouard, et de tant d'autres
chefs-d'œuvre, M. Ancelot n'a omis que le dernier, Charles VI. Il est
vrai que Charles VI est un opéra, et que dans cette production, Casi-
mir a eu pour collaborateur son frère, Germain Delavigne ; mais toutes
ces raisons n'en sont pas pour nous, qui aimons à nous rattacher à
l'illustre auteur par ce qu'il a de musical, et qui ne pouvons oublier
que son dernier soupir fut un chant, le chant du cygne, immortalisé
par les inspirations sublimes qu'il a fournies au génie d'Halévy.
Le lendemain, mardi, une autre statue s'élevait en l'honneur d'un
musicien. Abbeville payait son tribut à la mémoire de Lesueur, l'au-
teur de la Caverne, de Paul et Virginie, de Télémaque, des Bardes, et
de tant de chefs-d'œuvre du genre religieux. La renommée de Lesueur
s'appuie également sur l'église et le théâtre. C'est dans l'église que
son talent s'était formé, comme maître de chapelle et compositeur. La
révolution l'en arracha et le condamna pour ainsi dire aux succès du
théâtre, succès consacrés plus tard par la toute puissante faveur d'un
grand homme. Napoléon avait fait jouer les Bardes ; après la représen-
tation, il fit appeler l'auteur dans la loge impériale, en l'invitant d'un
geste à s'asseoir auprès de lui.
Une statue revenait de droit à ce compositeur, dont la patrie est
fière, à ce descendant d'Eustache Lesueur, le grand peintre, à ce
maître dont les élèves se nomment Ambroise Thomas, Berlioz, Bois-
selot, Elwart, Gounod, sans parler de beaucoup d'autres. La piété cou-
rageuse de sa veuve et son infatigable dévouement à une tâche qu'elle
avait acceptée comme un devoir rigoureux, ont puissamment contribué
à cet acte de justice nationale, dont tous les amis de l'art doivent se
féliciter.
La députation de l'Académie des beaux-arts, attendue au débarca-
dère du chemin de fer par les autorités, n'est arrivée que quelques
instants avant la cérémonie. Le cortège, après s'être réuni à l'hôtel-
de-ville, s'est rendu au pied de la statue de Lesueur, érigée sur la
place principale de la ville. A un signal donné, le voile qui recouvrait
la statue est tombé au bruit des applaudissements d'une foule im-
mense, accourue de toutes les villes et communes voisines. Alors on
a exécuté une cantate composée par M. Ambroise Thomas, et cet
hommage de l'élève au maître a été fort applaudi.
Plusieurs discours ont été prononcés par M. le maire d'Abbeville,
par le sous-préfet, par M. Caristie, membre de l'Institut, et par M. El-
wart. Des musiques ont exécuté ensuite plusieurs morceaux, notam-
ment l'ouverture de la Caverne.
Un banquet de soixante-dix couverts , préparé à l'hôtel-de-ville ,
réunissait à trois heures tous les invités , au nombre desquels se trou-
vaient Mme Lesueur, sa fille et son gendre, Xavier Boisselot. Un toast
a été porté par le sous-préfet au Prince-Président de la République ; un
autre par le maire d'Abbeville, qui a remercié l'Académie des beaux-
arts de son concours à la fête. M. Lemaire, membre de l'Institut et
député au Corps législatif, a répondu au nom de ses collègues,
et a ensuite invité l'assemblée à se joindre à lui pour porter un toast à
Mme Lesueur. M. Ambroise Thomas, auteur de la cantate, et M. Ro-
chet, auteur de la statue, ont également reçu un hommage de même
espèce, et M. X. Boisselot a prononcé, au nom de la famille, quelques
paroles de remersîement accueillies avec un vif enthousiasme.
Après le banquet , on s'est rendu à un concours de musique qui
avait lieu sur la place même où s'élève la statue. Quinze musiques des
villes et des communes, ainsi que celles d'un régiment de cuirassiers
et du Z|8e de ligne, prenaient part au concours. Le prix principal était
une médaille d'or à l'effigie deLesueur.il a été remporté par la musique
de Boulogne ; d'autres prix ont été obtenus par les villes d'Amiens,
d'Hesdin, etc. Une médaille en or a été décernée, comme prix spécial,
à la musique du Z|8° de ligne. Les bravos de la foule des auditeurs ont
ratifié la justice et l'à-propos de cette distinction.
P. S.
TESMENT DE I. LE BARON DE TRËIOST.
Nous annoncions, il y a peu de jours, la mort presque subite d'un
de ces hommes honorables qui savent partager leur existence entre les
affaires et les arts. M. le baron de Trémont, qui avait rempli les fonc-
tions de préfet dans trois villes différentes, ne cessa jamais de cultiver
la musique, tout en portant à la littérature et à la peinture un intérêt
non moins vif qu'éclairé. Il n'était pas de ceux que surprend la der-
nière heure ; il la prévoyait sans la craindre, et il avait prié son méde-
cin et ami, le docteur Trousseau, de lui dire à quels symptômes il
pourrait en reconnaître bien positivement l'approche.
Toutes les dispositions de M. le baron de Trémont étaient donc faites,
toutes ses volontés exprimées dans un testament et un codicille mûre-
ment délibérés. L'autre semaine, une convocation extraordinaire réu-
nissait les comités des cinq associations d'artistes chez M. le baron
Taylor, leur président. Cette convocation avait pour but de leur
apprendre qu'avant de mourir, M. le baron de Trémont avait voulu
donner aux arts et aux artistes un dernier gage d'affection et de re-
connaissance, en léguant à chacune des cinq associations, à celle
des artistes musiciens, ensuite à celle des artistes peintres, archi-
tectes, etc., des artistes dramatiques, des gens de lettres, des artistes
inventeurs et industriels, une rente annuelle de 330 fr. Par le testa-
ment dans lequel le testateur ne s'occupait que de l'association des
artistes musiciens et de celle des artistes peintres, la rente n'était
portée qu'à 220 fr. : le codicille l'élève à 330, en étendant le bien-
fait aux trois autres sociétés.
Quand le testament de M. le baron de Trémont sera entièrement
connu , on verra que toute la fortune laissée par lui est employée en
fondations d'utilité publique. Aujourd'hui nous nous bornons à en pu-
blier les clauses qui nous touchent le plus directement.
L'association des artistes musiciens, la première nommée dans le
testament, devait être aussi la première à honorer d'un pieux hommage
DE PARIS.
267
la mémoire du bienfaiteur. Aussi le comité a-t-il décidé, dans sa der-
nière séance, qu'une messe funèbre serait célébrée en l'honneur de
M. le baron de Trémont, dans l'église de Saint-Eustache. L'exécution
en aura lieu vers la fin du mois de septembre, et le beau Requiem com-
posé par M. Hector Berlioz a été choisi pour cette solennité.
P. S.
DES NEUMES
Employées û la notutîou «!«i Plnin-Cliaot.
(3* et dernier article) (1).
Ainsi que l'a remarqué M. Nisard , les monuments de la notation
neumatique peuvent se diviser en trois classes : 1° musique d'église :
ceux-ci sont fort nombreux , et presque toutes les grandes bibliothè-
ques, sans parler d'établissements moins considérables, possèdent des
livres de liturgie de diverses époques notés en neumes pures ou li-
gnées; 2° musique séculière : les monuments de ce genre sont rares,' et
la liste de ceux qui sont connus n'est pas longue à rédiger ; 3e musique
élémentaire ou tableaux des signes neumatiques avec leur dénomination,
plus rares encore que les précédents. C'est à ces derniers qu'il faudrait
surtout s'attacher, s'ils nous fournissaient les documents nécessaires ;
mais il s'en faut qu'ils nous instruisent de ce que nous voudrions sa-
voir. Quand, au moyen-âge, il s'agit d'expliquer quoi que ce soit , les
auteurs ont deux manières tout à fait opposées : ou ce sont de prolixes
et confuses dissertations appliquées à des questions oiseuses, tandis
que les points essentiels sont constamment négligés ; ou bien tout se
borne à des renseignements trop succincts, de toute part insuffisants,
et souvent à de simples tables, à des traductions d'un mot par un autre
qui ne sauraient rien éclaircir, et parfois embrouillent et obscurcissent
la matière.
C'est dans cette dernière situation que nous nous trouvons par rap-
port aux neumes. Tout ce que nous possédons à cet égard se réduit
à des tables de signes. Walther en a publié le premier une dans son
Lexicon diplomaticon. Gerbert en a donné une autre plusieurs fois
reproduite depuis, jusqu'à ce que M. Danjou en fît lithographier, il y a
quatre ans, une troisième, d'après un manuscrit du xin" siècle qui se
conserve au Vatican. Le père Lambillotte vient d'ajouter à nos res-
sources une nouvelle table de cinquante-quatre signes, et deux autres
de dix-sept signes chacune à peu près identiques ; la première est tirée
d'un manuscrit de Munich , provenant de l'abbaye d'Ottenburg ; les
deux autres, de manuscrits de Murbach et de Toulouse. J'en publierai
moi-même bientôt une autre, que j'ai copiée dans deux manuscrits de
Florence, et qui contient trente-cinq signe* dont les appellations, toutes
différentes de celles que l'on connaît, peuvent en certains cas éclaircir
le sens. Au reste, cette table, ainsi que celles de MM. Danjou et Lam-
billotte, se rapporte plus spécialement à l'époque à laquelle les neumes
s'écrivaient sur la portée, et bien que ce soient toujours au fond les
mêmes signes, comme ils sont tracés en caractères à la fois plus gras
et plus élégants, elles sont moins utiles que les anciennes, puisque les
neumes appliquées à la portée ne sont jamais bien difficiles à lire.
A ces moyens d'étude, il faut joindre l'Antiphonaire de Montpellier,
dans lequel la neumation est perpétuellement interprétée au, moyen
des quinze premières lettres de l'alphabet latin ; et un tableau des huit
modes en double notation dont l'infatigable père Lambillotte a publié
le fac simile d'après un manuscrit de Munich. Chose singulière, les
terminaisons psalmodiques, qui seraient ici le point utile à vérifier,
sont précisément celles où manque la lettration.
Toutes ces pièces suffisent de reste pour nous faire comprendre ce
que, d'ailleurs, la seule inspection des signes neumatiques nous avait
appris, savoir, que tel d'entre eux se composait d'un, de deux, de
trois ou d'un plus grand nombre de degrés ascendants ou descendants ;
(1) Voir les n°' 29 et 31.
mais voilà tout. Les difficultés énoncées plus haut subsistent dans leur
entier, et nous ignorons toujours, dans un très-grand nombre et même
dans le plus grand nombre des cas , la distance des degrés entre
eux. (Il est bien entendu que je ne parle que des neumes pures,
c'est-à-dire dépourvues de portée et des autres indications qui
pourraient aider à la lecture.) Or, nous n'avons plus là les maîtres
du x« siècle pour les consulter, et nous ne pouvons plus savoir ce que
pensent sur tel graduel ou telle antienne maître Salomon, maître Aubin
ou maître Trudon ; d'ailleurs, nous savons qu'ils n'étaient pas d'accord,
et nous ignorons si, revenant au monde aujourd'hui , nos vieux con-
frères s'entendraient mieux : laissons-les donc dans leur repos,
Ainsi l'a pensé le père Lambillotte dans l'ardue et pénible tâche
qu'il s'est imposée et pour laquelle il lui faut véritablement un courage
et une persévérance bien rares et bien dignes d'éloges, sans parler des
moyens matériels dont il peut disposer. En effet, il se donne bien de
garde d'afficher la prétention d'interpréter les neumes à priori; son
procédé est, au contraire, complètement a posteriori. Après avoir
examiné bien attentivement le sens des neumes et les moyens que l'on
a d'arriver à en avoir l'intelligence, il ne s'aventure pas à traduire de
lui-même , il interroge les traducteurs les plus rapprochés de l'époque
et il suit jusqu'à nos jours les opérations des reproductions de traduc-
tions anciennes ; car il ne faut pas se faire illusion : une fois les neu-
mes placées sur des lignes, c'est à ces nouvelles copies que chacun
s'est attaché , et personne n'a plus été faire de confrontation dans
les manuscrits en neumation pure. Partant donc de l'époque de
Guido, c'est-à-dire des neumes appliquées à la portée musicale, qui con-
duisent assez promptement à la notation actuelle du plain-chant, le
père Lambillotte procède précisément comme ont fait les savants qui
ont expliqué les hiéroglyphes égyptiens au moyen de l'inscription si
connue écrite en caractères hiéroglyphiques et démotiques, puis en
langue et lettres grecques. Ici les neumes pures sont les hiéroglyphes ;
les neumes accompagnées de lignes, de couleurs, de lettres ou de clefs,
sont les caractères démotiques; enfin, notre notation du plain-chant
correspond aux caractères helléniques.
Observons, toutefois, que les illustres interprètes de l'antique in-
scription avaient un grand avantage et pouvaient opérer avec une par-
faite certitude ; car la version grecque , la seule dont ils comprissent
d'abord le sens, était contemporaine des deux textes, unique et d'une
fidélité inattaquable. Sitôt donc qu'ils eurent bien établi dans les deux
écritures inconnues le rapport des mots et des signes avec les mots
et les signes de la version grecque , le travail était fait, et ils pou-
vaient se dire en toute confiance qu'en retrouvant ces mêmes caractè-
res ailleurs, ils en connaissaient la signification, sauf les circonstances
modificatives ordinaires que pouvait présenter l'association de tel mot
à d'autres mots : ils avaient pleinement raison.
Pour la métagraphie des neumes le même avantage n'existe pas. Les
travaux du père Lambillotte et de tous ceux qui se sont occupés de la
neumation ne pourront donc atteindre à un tel résultat. Le laborieux
jésuite le sait fort bien lui, dont, au reste, le but était moins d'é-
tablir une théorie générale et absolue de neumation que de trouver
en l'étudiant les moyens de ramener le chant ecclésiastique à son texte
primitif. Aussi avoue-t-il avec la droiture de l'homme studieux qui a
épuisé tous les moyens de vérification , et pris la question sous toutes
ses faces, que les signes neumatiques ont tantôt un sens, tantôt un
autre, sans qu'aucune particularité aide à discerner quel est le véritable.
La valeur musicale des neumes, dit-il, ne saurait se retrouver dans les
neumes elles-mêmes, ces signes n'ayant par eux-mêmes qu'une valeur
tonale indéfinie, et la manière de les chanter ne s'étant jamais apprise
que par l'usage.
L'opinion d'un écrivain qui a étudié la matière avec autant de pro-
fondeur laisse peu d'espoir à quiconque se proposera d'interpréter les
neumes autrement que par les traductions qui en ont été faites, et en
vérifiant laquelle de ces versions mérite d'être préférée. Hors de là ,
tout est imaginaire. On pourra bien tirer des neumes un chant plus ou
268
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
moins beau , plus ou moins naturel , portant plus ou moins dans ses
tournures mélodiques la date approximative de son origine ; on ne sera
jamais sûr de reproduire une cantilène telle que l'exécutaient les chan-
tres avant le xie siècle.
A l'égard du plain-chant , nous possédons une ample série d'inter-
prétations plus ou moins recommandables, qui fournissent au travail de
tout nouvel éditeur de chant d'église les secours nécessaires ; mais
pour les chants séculiers écrits à l'époque des neumes, nous n'avons
rien de pareil. Serons-nous donc à tout jamais privés de la lecture des
pièces de ce genre déjà signalées et de celles qui pourront par la suite
se retrouver ? Cela est fort à craindre. Et pour mon compte, après une
étude attentive des travaux entrepris en ces derniers temps, particu-
lièrement par MM. Nisard et Lambillotte, je me vois forcé de m'en tenir
à l'opinion que j'ai toujours manifestée sur ce sujet, et que j'ai de nou-
veau exprimée lorsqu'il fut question pour la première fois de l'Anti-
phonaire de Saint-Gall (1) ; c'est à savoir que, si les neumes ne sont
pourvues de clefs, de lettres, de couleurs ou enfin de lignes, nous ne
saurions les lire d'une manière certaine; et prétendre le contraire, c'est,
comme le dit Guido, vouloir tirer de l'eau d'un puits où manque la
corde, sauf peut-être le cas où les neumes seraient composées de points
ou signes analogues isolés et espacés avec une régularité suffisante;
encore resterait il un vaste champ à l'arbitraire, surtout si rien ne
faisait connaître la note initiale.
Lorsqu'il s'agira de pièces liturgiques, on pourra, si l'on veut, dire
qu'on lit les neumes; mais, en réalité, ce ne sera jamais le texte origi-
nal des neumes que l'on lira , ce sera leur traduction ; autrement , leur
application sur la portée ou leur métagraphie en caractères de plain-
chant , et l'opinion à laquelle on s'arrêtera ne sera, en dernière ana-
lyse, que celle de l'un des traducteurs qui , lui-même, aura été plus ou
moins bien inspiré ou plus ou moins bien conseillé, puisque nous avons
vu que l'on n'a jamais possédé aucun moyen certain, aucune méthode
rationnelle de vérification et, au besoin, de rectification, tout dépen-
dant de la décision du maître.
Ce fait, malheureusement trop bien prouvé, et que le père Lambillotte
ne fait nulle difficulté d'avouer, ainsi que nous l'avons vu il y a un ins-
tant, n'ôtera rien au mérite des travaux qu'il a si courageusement en-
trepris et poussés en avant, non plus qu'à tous ceux qui pourraient être
exécutés dans le même sens. Il est des choses qu'il faut bien se résou-
dre à ignorer, et elles sont nombreuses; maisl orsque notre ignorance
en pareil cas nous laisse assez de points éclaircis pour que la marche
de l'esprit n'en soit point ralentie, mais seulement contrariée, il n'y a
pas tant à se plaindre. Selon toute apparence nous ne saurons jamais
d'une manière certaine si la lune est habitée, et surtout quelle est la
nature de ses habitants ; cela nous empêche-t-il d'être assurés que le
satellite attaché à notre planète fait autour d'elle des révolutions de
27 jours 1/3, et de connaître chacune des phases de ces révolutions ?
Sachons donc nous contenter des moyens que nous possédons de
remonter au plain-chant, tel qu'on l'a connu au xie siècle ; ce sera en-
core beaucoup, et peut-être ne gagnerions-nous pas grand'chose à re-
monter plus haut, si ce n'est de satisfaire notre curiosité ; c'est une
proposition que je développerai dans une autre occasion. Quant aux
pièces dont nous ne possédons pas de traduction qui date de l'époque
où les neumes commencèrent à être délaissées, comme il n'existe jus-
qu'à présent aucune méthode dont la certitude soit démontrée pour
arriver à les déchiffrer, il n'y a, je pense, aucun espoir raisonnable
de lire et interpréter ces caractères, que nous connaissons bien indivi-
duellement, mais qui, ayant plusieurs sens, prêtent aune multitude d'in-
terprétations et, dans les cas les plus favorables , ne peuvent aboutir
qu'à des conjectures.
Si l'on en voulait un exemple, je proposerais de soumettre aux musi-
cistes qui se sont le plus occupés des neumes, c'est-à dire à MM. Fétis
Nisard et Lambillotte, que je nomme ici selon la date de leurs travaux,
(1) Voir la Gazette musicule du 12 octobre 1851.
une pièce de quelques lignes en neumation pure, en les priant de la
traduire dans notre système, tandis que de mon côté je ferai la même
opération. Qu'arrivera-t-il (;uand ce sera terminé? Il se pourra fort
bien que l'on ait quatre interprétations différentes : chacun de nous
trouvera des raisons également plausibles pour soutenir sa version et
des motifs attaquer chacune des trois autres, qui aura pour se défendre
à son tour, non moins admissibles ; en sorte que, tout comme au temps
de Jean Cotton, l'on aura une pièce de maître Fétis, de maître Nisard,
de maître Lambillotte, de maître Adrien. C'était celle de l'auteur primitif
que l'on demandait.
Adrien de La FAGE.
REVUE CRITIQUE.
HARHOXIB DHiSS H.SSUttS*,
SIX MORCEAUX POUR LE PIANO, PAR M. J. BLUMENTHAL.
Faire de la musique de piano à la fois facile et jolie, c'est fort joli ,
vraiment ; mais ce n'est pas facile, puisque si peu de gens en ont le
secret. Vous plaît-il d'en chercher la preuve ? Additionnez patiemment
tout ce qui se publie au jour le jour à l'usage ^des moyens d'exécution
médiocres, incomplets, bornés. Le chiffre est considérable, n'est-ce
pas ? Mais la valeur, quelle est-elle généralement ? Quelque chose
comme zéro. Rendez donc justice au talent, bien moins ordinaire qu'on
ne croirait , qui sait flatter l'oreille sans mettre en mouvement tout
l'arsenal des complications formidables du mécanisme ; et reconnaissez
que si la musique à grands effets de bruit et de difficulté, la musique à
grand ramage, est de mise au concert sous la main des premiers vir-
tuoses,'les compositions moins étourdissantes, moins ambitieuses, mais
quelquefois aussi plus aimables et mieux aimées, ont bien leur prix et
leur mérite dans l'intimité du salon ou du cabinet d'étude.
Elles s'adressent d'ailleurs à une population d'élèves et d'amateurs
bien autrement nombreux. Les grandes forces ne sont que des excep-
tions. La majorité, soit défaut de courage, soit manque de vocation , se
contente d'atteindre un certain juste-milieu , ligne d'arrêt qu'elle ne
franchit point. Mais, elle aussi a son amour-propre, de l'amour-propre
jusqu'au bout des doigts. Elle tient à briller dans sa sphère mixte. Elle
veut moins être que paraître. Ce qu'il lui faut donc, c'est d'abord de la
musique toute nouvelle, toute fraîchement écrite, puis de la mélodie
séduisante, pnis encore du trait assez pimpant pour faire bonne figure,
assez facile cependant pour ne réclamer ni travail ni fatigue, puis, en-
fin, dans le sujet quelque chose de poétique qui permette à l'auditoire
de se récrier sur les trésors de sentiment, d'esprit, d'expression , dont
chacun se croit bien sincèrement le fortuné possesseur. Comprenez-
vous maintenant pourquoi il n'est pas si aisé de satisfaire avec un égal
succès à toutes les conditions du programme ?
Entre les quelques compositeurs-pianistes qui ont aujourd'hui cette
habileté ou, si vous voulez, ce bonheur, M. Blumenthal, l'auteur de la
Source, n'est pas le moins favorisé. Il a su saisir avec adresse le point
précis, en deçà et au delà duquel on n'est plus accepté par le tiers-
état des exécutants. Aussi se garde-t-il bien soigneusement des excen-
tricités rhythmiques ou harmoniques, des écarts d'imagination. Tout
cela manquerait le but. Ce qu'il recherche et ce qu'il trouve, c'est un
mélange exactement pondéré, d'agrément, d'effet, de pittoresque, le
tout approprié à des mains d'une dextérité secondaire.
L'ordre, la clarté, sont naturellement les qualités dominantes de son
style. Sa mélodie, ennemie de la vulgarité banale, allie au charme so-
nore le mérite de V expressivité ; le coloris musical répond fidèlement
à la donnée poétique.
Toutes ces qualités, qui expliquent et justifient le succès de la mu-
sique de M. Blumenthal, ne font point faute aux six nouveaux morceaux
dont se copmose le recueil intitulé Harmonie des fleurs : recueil aussi
joli que le titre, et qui tient tout ce que le titre promet. Il était tout
simple que M. Blumenthal (traduisez littéralement Florival ou Val
DE PARIS.
269
fleuri) rendît hommage à l'empire de Flore d'où lui esl venu son nom.
Quoi de plus poétique d'ailleurs, de mieux fait pour porter à l'imagi-
nation que cette langue symbolique des fleurs, qui s'exhale avec mys-
tère des corolles parfumées? Quel cortège de brillantes réminiscences
traverse la pensée en songeant à ce langage pénétrant et suave, né
dans l'Orient, à l'ombre voluptueuse du harem, parmi les belles es-
claves de l'Asie ! Charmant pays vraiment que celui où pour parler le
plus éloquemment du monde, on n'a nul besoin d'enlacer les plus
belles fleurs de rhétorique. Un tout petit bouquet parle plus savamment
qu'un Bossuet. Son style fleuri a dit bien vite amour, désir, ivresse.
Les six compositions de M. Blumenthal disent-elles donc toutes ces
charmantes choses? Oui vraiment et d'autres encore.
La rose y parle d'amour; l'héliotrope, d'enivrement; les prime-
vères, des fraîches illusions de la jeunesse. Mais il y a aussi la violette
qui dit modestie et retenue ; la pensée, tendres souvenirs ; le romarin,
deuil et tristesse. En six mots ou plutôt en six fleurs, voilà tout un ro-
man. Cette énigme que l'artiste propose en musique à ses sentimentales
lectrices, mesdames, on vous la laisse à deviner.
Ali ! que ces bouquets,
S'ils n'étaient discrets,
Diraient de secrets!
Voyez d'abord quel aimable éclat dans les Primevères. Ce motif en
trilles brillants comme le ramage du rossignol, ce chant expressif que
soupire la main gauche, cette coda scintillante où l'on croit retrouver
les frémissements de la brise, des feuillages, des eaux argentées, n'est-
ce pas tout le printemps avec sa riante suite et aussi le délicieux
rayonnement des premières impressions de l'âme et de la vie? Lisez
ou écoutez la Violette, cantilène fraîche et naïve, dans le goût des al-
legretto de Mozart, sans faste ni prétention. On y voudrait pour épi-
graphe ce joli quatrain de Saint-Sorlin, mêlé à la guirlande poétique
de Julie de Rambouillet :
Franche d'ambition, je me cache sous l'herbe,
Modeste en ma couleur, modeste en mon séjour;
Mais si sur votre front je me puis voir un jour,
La plus humble des fleurs sera la plus superbe!
11 est juste que la Rose (le n° 3) soit moins timide, moins modeste.
Tout d'abord elle se pose en reine des fleurs ; c'est bien son droit de
rose. Elle triomphe donc en ré majeur (le ton classique de tous les
triomphes), dans un neuf-huit qui plaît d'autant plus que le début rappelle
clairement un thème aimé du public, un beau tutti du Val d'Andorre.
L'épisode du milieu en fa dièse majeur forme un contraste bien ac-
cusé. Il y a dans ce court andante du mystère, de la tendresse provo-
quante, même un grain de volupté; et tout de suite, la rose, plus co-
quette qu'aimante, plus sensuelle que sensible, reprend l'attitude et le
chant du triomphe.
A cet éclat, le Romarin vient opposer le regret douloureux, l'an-
goisse passionnée. C'est bien ici
La plaintive élégie en longs habits de deuil.
Voici d'abord une marche funèbre, qui n'est pas sans porter quel-
que lambeau du crêpe des marches funèbres de Beethoven ; plus loin,
un agilalo chaleureux, pathétique. La conclusion en fa majeur exprime
la prière et la résignation. Ce quatrième numéro est un petit drame
qui a droit au succès.
Le n° 5, la Pensée, ramène à des émotions moins vives. C'est la mé-
lancolie du souvenir, mélancolie qui a son charme et sa douceur.
Aussi le thème est-il affectueux et paisible, mais de forme résolu-
ment italienne. Ce n'est, du reste, qu'une simple mélodie trois fois ré-
pétée avec variation d'accompagnement, le même joli minois qui se
montre sous différents costumes. Disons ici à l'auteur qu'il abuse un
peu du droit de placer la mélodie aux deux mains à la fois. Revenir à
ce moyen bruyant à peu près dans les six morceaux, c'est quelque peu
monotone. Il est vrai que le tort en est à la mode, fort engouée de ce
procédé.
V Héliotrope a beaucoup de verve et de vivacité. Le thème en trio-
lets donne quelque idée du désordre de l'ivresse. Le deuxième chant
doit plaire tout autant que l'épisode développé et impétueux qui le
suit. Ce morceau, un peu plus difficile que les précédents, est brillant
et susceptible d'effet.
On le voit, les fleurs musicales de M. Blumenthal portent dans leur
calice le germe d'un honorable succès. Plus d'une main jolie les voudra
cueillir et respirer. Si elles étaient écloses cent ans plus tôt, le Mercure
de France, mielleux contemporain des Indes galantes de Rameau,
n'eût pas manqué de leur appliquer galamment le chœur de cet opéra :
Triomphez, agréables fleurs.
Répandez vos parfums, ranimez vos couleurs,
Triomphez agréables fleurs.
Maurice BOURGES.
CORRESPONDANCE.
Marseille, 7 août 1852.
La compagnie italienne, dont les travaux ont commencé vers le milieu
du mois de juin, vient de terminer ses représentations devant un nombreux
auditoire.
Après avoir débuté par Nabuco, la compagnie de M. Provini sentit le
besoin de passer à un ouvrage plus populaire, et le Barbier de Sêvillé parut
avec l'appui de Lucchesi, habile et gracieux ténor, et Galli, l'excellente
basse bouffe. Par malheur, Mmes Finetti-Battochi (Rosine) et Col i va (Fi-
garo) , peu familiers avec les traditions rossiniennes, au lieu de contribuer
à, l'ensemble de l'exécution, en ont paralysé l'effet ; aussi , comme attrait
nouveau, la direction a-t-elle offert immédiatement au public MaihiUe de
Sabran.
Cette partition, que vous avez entendue à Paris avec Lucchesi, renferme
de beaux morceaux d'ensemble , quelques duos et trios empreints de la
main du maître ; mais les longueurs fastidieuses d'une intrigue absurd ,
rendues moins supportables encore par la présence de quelques chanteurs
médiocres, ont mis à bout la patience des auditeurs, malgré le talent de
Lucchesi et de Galli, qui figuraient en première ligne dans Maihilde.
Vous le voyez, les débuts de la compagnie italienne ne s'annonçaient pas
sous de très-favorables auspices; heureusement, M. Provini, qui d'habitude
ne néglige rien pour satisfaire son public, a écrit en toute hâte à M. et
Mme Gassier, en représentation à Barcelone, et dès-lors le succès de l'en-
treprise a été complètement assuré.
Mme Gassier, dont la voix étendue, brillante et légère (cette voix donne
le contre fa au-dessus des lignes), aborde avec une audace peu commune
et un rare bonheur les rôles les plus forts du genre italien, a été reçue avec
enthousiasme dans Rosine. Au 3e acte du Barbier, la cantatrice a placé fort
à propos de fort jolies romances espagnoles qui ont ravi l'auditoire, car
Mme Gassier dit ces gracieuses bluettes en véritable Castillane, c'est-à-
dire avec la couleur et l'accent qui leur sont particuliers.
Gassier, jadis élève du Conservatoire de Paris, est aujourd'hui un des
meilleurs barytons de l'Italie. Si l'on excepte Ronconi et Tamburini, per-
sonne, je crois, à l'heure qu'il est, ne comprend le rôle de Figaro mieux
que lui. Comme chanteur et comme comédien, Gassier a fait de très-
grands progrès. Il parle la langue italienne avec une pureté tout à fait
irréprochable, et avec un chic qui donne le change sur son origine pro-
vençale. Ajoutez à cela que notre chanteur est doué d'un très-beau phy-
sique, et vous expliquerez facilement les succès qu'il obtient partout.
Ces artistes remarquables sont venus accompagnés de M. Cavallini, pre-
mière clarinette sulo du théâtre de la Scala. Ici les formules les plus élo-
gieuses seraient insuffisantes pour vous parler du mérite de ce virtuose,
qui chante sur son instrument comme on chantait jadis au bon temps du
Théâtre- Italien. Le style de M. Cavallini est exempt de tout charlatisme;
il est simple, correct, élégant. Dans les mélodies suaves qui forment ses
compositions, très- purement écrites, l'oreille est toujours charmée, sans
qu'une seule note défectueuse ou un trait de mauvais goût vienne jamais
déparer son admirable exécution.
Quant aux difficultés entassées comme à plaisir par l'artiste dans les
mouvements animés, il les résout avec une facilité qui tient du prodige ;
et chose plus étonnante encore, c'est qu'au milieu de cette immense
quantité de notes savamment combinées dans toute l'étendue de l'instru-
ment sur des positions souvent très-scabreuses, le rhythmeet la mesure ne
souffrent aucune atteinte et sont toujours rigoureusement respectés.
Un des morceaux qui ont produit le plus d'effet est le duo concertant
de Norma, exécuté par Mme Gassier et M. Cavallini, dans lequel l'instru-
ment et la voix font assaut de difficultés, et réalisent pour ainsi dire
l'impossible. Je dois vous signaler aussi une valse brillante du maestro
Venzano, écrite pour voix de soprano, et avec laquelle Mme Gassier enlève
270
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
chaque soir les applaudissements de l'auditoire par l'éclat et l'agilité de
sa vocalisation.
Les ouvrages représentés par la compagnie italienne 'sont : Nabuco,
le Barbier, Mathilde de Sabran, I Capuleti, où s'est produit Mlle Borghi-
Vietti, jeune contralto en espérance; Linda et Don Pasquale, qui est le
triomphe de Galli.
La troupe française doit commencer ses représentations dans les pre -
miers jours de septembre. Parmi les principaux sujets qui doivent en
faire partie, on cite M. Fedor. premier ténor de grand opéra, actuelle-
ment à Londres ; Mlle Lafont, première chanteuse dramatique ; M. Martin,
baryton de Bruxelles déjà connu à Marseille ; Mme Charton, notre chan-
teuse légère de l'année dernière, et Audran, de l'Opéra-Comique. Lorsque le
moment sera venu, je vous dirai comment ces artistes ont été reçus par
le public marseillais.
NOUVELLES.
*„* Demain lundi, à l'Opéra, la 127' représentation du Prophète.
%* Hier samedi, à l'occasion des fêtes, il y a eu spectacle gratis aux
trois grands théâtres, à ceux de la Gaîté et de l'Ambigu-Comique. L'Opéra
donnait la Favorite et le Diable à quatre; l'Opéra-Comique, Bonsoir, Mon-
sieur Pantalon et Giralda; le Théâtre-Français, Cinna et le Malade ima-
ginaire ; le théâtre de la Gaîté, les Chevaux du, Carrousel et le Fils de
l'Empereur ; l' Ambigu-Comique, la Queue du Diable et le Roi de Rome.
*„* Lundi dernier, Mme Tedesco chantait pour la première fois le rôle
de Léonor dans la Favorite. C'est un succès de plus, et un brillant succès,
pour la cantatrice dont la voix si belle et si étendue possède une grande
puissance d'expression. Comme actrice, Mme Tedesco a aussi mérité son
succès. Dans le duo final avec Gueymard, elle a enlevé la salle, et le bis a
été unanime. Il faut dire que Gueymard avait été supérieur dans le rôle
de Fernand; Morelli et Obin remplissent les deux autres rôles d'une ma-
nière non moins distinguée, ce qui donne à l'ouvrage entier un ensemble
des plus remarquables.
*** Le Prince-Président de la République assistait mercredi à la reprise
de Gisèle. Cent cinquante places de parterre avaient été réservées aux
marins venus de Cherbourg à Paris pour concourir aux fêtes nationales.
La Xacarilla commençait le spectacle, et nos braves marins ont paru
beaucoup se plaire à ce petit opéra, dans lequel bon nombre de matelots
sont en scène. Le Prince est resté jusqu'à la fin du spectacle, qui ne s'est
terminé qu'à minuit.
%* Giselle, ce charmant ballet, dont la partition vaut celle d'un opéra,
n'a pas moins réussi que dans sa primeur, et à toutes les reprises qui ont
eu lieu depuis. Mlle Regina Forli, qui joue le rôle principal, est une dan-
seuse agréable, et Mlle Bagdanoff montre beaucoup de talent et d'entrain
dans la fameuse valse du premier acte.
*„* Le spectacle de vendredi se composait encore des deux mêmes ou-
vrages, la Xacarilla et Giselle.
*** Le théâtre de Sa Majesté , à Londres , a dû faire hier samedi sa
clôture. Celui de Covent-Garden annonçait pour le même jour : Pietro il
Grande, l'opéra de Jullien.
%* Mmes Viardot Garcia, Castellan et Clara Novello viennent d'être
engagées pour les deux grandes fêtes musicales qui seront données pro-
chainement à Hereford et à Birmingham, en Angleterre. Chacun de ces
festivals durera quinze jours, et il y aura environ deux mille exécutants.
%* Mme Sontag et son accompagnateur, Cari Eckert, sont en ce moment
à Paris. Le 25 de ce mois , ils s'embarqueront à Liverpool pour l'Amé-
rique.
%* Géraldy est de retour, après avoir donné de brillants concerts à Liège
et à Spa.
V L'Académie impériale des beaux-arts de Saint-Pétersbourg ouvrira
vers la fin de septembre prochain une exposition des beaux-arts. Les
artistes de tous les pays sont admis à y exposer leurs ouvrages.
V Georges Mathias , le pianiste compositeur, a quitté Paris pour se
rendre à Ems.
V Un Te Deum, composé par M. Dietsch, sera exécuté aujourd'hui
dans l'église de la Madeleine.
%* Voici le programme du concert d'harmonie qui sera donné ce soir
anx Tuileries sur la terrasse des Feuillants : 1, Air de la Reine Hortense ;
2. Ouverture de la Sirène, d'Auber; 3. Fantaisie sur les Huguenots, de
Meyerbeer (avec les nouveaux instruments de M. Sax) ; U. Fantaisie sur
l' Enfant prodigue, d'Auber ; 5. Boléro de Fessy ; 6. Fantaisie militaire, de
Mohr; 7. Ouverture du Jeune Hturi, de Méhul ; 8. Cavatine du Chakt,
d'Ad. Adam; 9. Sanctus, d'Ad. Adam (avec les nouveaux instruments de
M. Sax) ; 10. le Rossignol, valse de Julien ; 11. Allégro militaire, de Lan-
delle. Les instrumentistes, au nombre de deux cents, seront dirigés par
M. Landelle.
*„.* Le prince Lucien Murât vient d'inaugurer le beau château de
Buzenval par une fête que le Président de la République honorait de sa
présence. La partie musicale était confiée à M. Mairalt, ténor; Ed. Beauce,
baryton ; Dobbels, basse-taille ; à Mme Clary et à la jeune Urso, la précoce
violoniste. Le programme avait pour morceau principal des stances com-
posées par M. Charles Pollet, sous ce titre : Dieu protège la France ! chant
héroïque interprété par M. Mairalt avec une sympathique énergie, et
dont, après avoir félicité l'auteur, le Président a bien voulu accepter la
dédicace. Une particularité qui mérite d'être mentionnée, c'est que dans
la prière de Moïse, dont les solos ont été chantés avec suavité par
Mme Hostie et les chœurs avec une rare précision, la voix argentine de
M. Gozora avait un accompagnement de harpe, dont les vigoureux arpè-
ges étaient marqués par une femme qui n'est plus jeune, Mme Simouin
Pollet, mère de l'auteur des stances, et qui était, il y a trente-huit ans,
harpiste à la cour de Joachim Murât, roi de Kaples, père du prince Lucien
Murât.
*„* On se souvient du succès qu'a obtenu au concert des compositeurs
modernes un chœur pastoral de M. Charles Vervoitte , maître de chapelle
de la cathédrale de Rouen. Une messe à quatre voix et accompagnement
d'orgue, du même auteur, sera exécutée à Saint-Roch le 22 août, jour de
la fête patronale de cette paroisse. Les solos seront chantés par M. Alexis
Dupond.
*** Le journal de Constantinople du 19 juillet nous apporte des nou-
velles de Vivier. Le feuilleton parle de lui, sous ce titre : Un esprit in-
croyable et un cor merceilleux. Il paraît que Vivier est toujours le même,
comme homme et comme artiste. 11 ne se prodigue pas plus à Constanti-
nople qu'à Paris ou à Londres, et c'est là-bas comme ici une rare bonne
fortune de l'entendre; mais chaque fois qu'on l'entend, il provoque la
surprise, l'admiration, l'enthousiasme. La symphonie qu'il a composée et
qu'il exécute à lui tout seul a inspiré à l'auteur du feuilleton un petit
poëme que nous regrettons de ne pouvoir transcrire.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
%* Berlin. — Le jour anniversaire de la naissance du feu roi a été célé-
bré par une solennité musicale et dramatique. La grande marche de fête
et l'hymne national prussien, exécutés par la chapelle royale et tous *es
corps de musique de la garnison ont produit l'effet le plus grandiose. Dans
l'hymne national prussien les soli ont été chantés par Roger et les artistes
les plus éminents du théâtre royal. — La représentation de Lucia au même
théâtre a offert le plus vif intérêt. Cette charmante partition a été chantée
en italien par toute la troupe ainsi que par le ténor français, qui a fait
merveille dans le rôle d'Edgard : il en a rendu toutes les nuances, tous les
plus fins détails avec unererfection étonnante, avec un goût exquis. Mais
c'est surtout comme acteur que Roger a soulevé un enthousiasme dont il
serait difficile de se faire une idée. La scène finale du second acte est une
des plus admirables créations de l'artiste ; la passion y éclate et déborde
dans toute sa plus véhémente énergie, sans jamais franchir la limite du
beau. Roger a eu plusieurs fois les honneurs du rappel, ainsi que
Mme Tuczek, qui s'est fait applaudir à côté de lui dans le rôle de Lucia.
*„* Bade, 12 août. — Les soirées, bals et concerts se suivent ici, mais ne
se ressemblent guère. Mlle Teresa Milanollo a donné son second concert ;
nous y avons remarqué le prince et la princesse Frederick de Prusse, la
princesse Stéphanie, une foule de princes et princesses plus ou moins
couronnés, toute la haute société russe, la noblesse allemande, et an-
glaise, auxquelles se joignait la haute bourgeoisie de tous les pays, émail-
lée des plus jolies femmes en toilettes éblouissantes. Vous dire que la
grande artiste a admirablement joué cinq morceaux, qu'elle s'y est sur-
passée, qu'elle a été couronnée et rappelée, c'est raconter ce qui lui
arrive tous les jours et partout. La recette a été très-considérable. Le
lendemain, un pianiste qui s'intitule 1" prix du Conservatoire (ce qui
est vrai) et professeur à la même école (ce qui est moins exact), M. De-
combes avait pour auditeurs une quinzaine de personnes. Hier, MM. Ha-
berbier et Nathan ont donné une matinée musicale. Vous savez que le
dernier joue du violoncelle comme un bon amateur. Quant à M. liaber-
bier, nous sommes forcés de dire qu'il tape très-fort sur le piano, et
qu'il fait avec les deux mains ce que Liszt, Thalberg et Dreyschock ont
toujours fait d'une seule : voilà ce qu'on appelle de l'invention et du pro-
grès. Samedi prochain, Seligmann donnera un matinée musicale, et
quelques jours après, Cossman un concert, dans lequel Rosenhain
fera entendre un trio nouveau. Vous voyez que si la musique se tait chez
vous, ici elle se dédommage de son silence. Au théâtre nous avons en-
tendu un ténor, M. Reer, dont la belle voix rappelle celle d'Uaitzinger
dans son bon temps. Par malheur il ne sait pas s'en servir, et il lui fau-
drait un bon professeur. Il a chanté dans l'opéra de Flotow, Martha,
dans la Dame blanche, et se fera entendre demain dans les Hugumots. Le
public se porte en foule à ces représentations. 11 est difficile de voir une
saison plus brillante et plus élégante. Aussi faut-il dire que M. Benazet
accorde une protection toute particulière aux artistes, et ne néglige rien
pour amuser la haute société qu'il sait attirer chaque année à Bade. En
attendant le grand bal qui doit avoir lieu le 29 de ce mois, M. le comte
de Stakelberg en a donné hier un très-élégant, malgré l'absence de la
société française et anglaise, qui, dit-on, n'était pas invitée.
* * fienne. — Pour la prochaine saison des concerts on annonce
M. Léopo d de Meyer, Dreyschock et Kontsky, ainsi que Teresa Milanollo.
MM. Adam, Auber, Berlioz, de Beriot, Fétis (père), Halévy, Liszt, Lachner,
Lindpaintner , Marx, Marschner , Meyerbeer, Mercadante, Woschelès,
Molique, Reissiger, Rossini, Spohr, Fréd. Schneider, Rob. Schumann et
DE PARIS.
271
Thalberg, viennent d'être nommés membres honoraires de l'Académie de
musique. — Les restes mortels d'Haydn ont été exhumés en présence
de l'autorité et de témoins a ce requis. Quelques journaux avaient ré-
pandu le bruit que pendant que le célèbre compositeur était resté ex-
posé dans la chapelle du cimetière, la tête aurait été enlevée. Ce bruit
avait pris assez de consistance pour motiver l'exhumation que l'on vient
d'opérer et dont les résultats ne sont point encore connus.
•„• Madrid, 1" août. — Voici les principales dispositions du décret or-
ganique sur les théâtres, récemment .'rendu par la reine : a le gouver-
nement nommera des experts qui examineront tous les théâtres actuel-
lement ouverts,' et ceux de ces théâtres qui ne présenteront pas des
garanties de sûreté suffisantes seront réformés ou fermés. Les théâtres ap-
partenant aux municipalités seront vendus publiquement avant le i"' sep-
tembre prochain. Faute d'acquéreurs, le gouvernement en concédera
l'exploitation a des compagnies. A conditions égales, les compagnies es-
pagnoles devront être préférées aux compagnies étrangères. L'année théâ-
trale commencera le 1M septembre et finira;ie 30 juin ; néanmoins, lesjen-
t repreneurs pourront donner des représentations dans les mois de juillet
et d'août, s'ils le jugent convenable â leurs intérêts. Les représentations
théâtrales pourront avoir lieu tous les jours de l'année, excepté le jour de
la Toussaint, le vendredi saint jusqu'au samedi saint inclusivement. [Les
entrepreneurs de théâtres auront le droit de résilier leurs contrats, en cas
de calamités publiques qui les obligeraient à fermer indéfinivement leurs
établissements. Lorsqu'un acteur ou une actrice d'un mérite reconnu se
trouvera contraint de se retirer du théâtre par suite de.blessuresou d'autres
accidents qui lui auraient été causés dans l'exercice de ses fonctions, il
aura droit à une pension viagère qui lui sera payée par le gouvernement,
et dont le chiffre sera fixé en raison de son talent et des services qu'il
aura rendus. Dans aucune ville du royaume, il ne pourra y avoir plus
d'un théâtre italien. Le gouvernement, sur l'avis de la junte consultative
des théâtres, pourra autoriser l'ouverture d'un théâtre dramatique étran-
ger dans la ville de Madrid ; mais à la condition que l'on n'y jouera que
pendant trois mois de l'année théâtrale, et que la troupe étrangère com-
prendra au moins un acteur ou une actrice d'une réputation artistique
bien établie. Aucun artiste dramatique ne pourra cumuler ses fonctions
spéciales avec celles d'entrepreneur de théâtre ou de directeur de
la scène. Quatre primes de 6,000 réaux (1,500 fr.) chacune seront dé-
cernées tous les ans, savoir : deux pour les meilleurs ouvrages drama-
tiques nouveaux joués sur les théâtres de Madrid ; une pour le meil-
leur poëme d'opéra , et une pour la meilleure partition composée
sur un libretto espagnol. Ces primes seront adjugées par deux tribu-
naux nommés ad hoc, et composés chacun de trois à cinq juges.
L'un de ces tribunaux jugera les pièces ; l'autre ne jugera que les par-
titions. Ces tribunaux ne jugeront que les ouvrages qui leur auront été
présentés directement par les auteurs. Les librelli d'opéra comique sont
exclus du concours. Les tribunaux prendront leurs décisions à la majorité
des voix. Chaque juge donnera son avis et le signera. Les jugements avec
les avis à l'appui seront publiés dans la Gazette de Madrid (journal officiel).
Il y aura quatre censeurs dramatiques â Madrid, et un dans chacune des
autres villes du royaume. Si l'auteur ne consent pas aux modifications ou
suppressions exigées par le censeur qui aura examiné sa pièce, il pourra
se pourvoir contre la décision de ce censeur devant le comité de censure
qui se composera des quatre censeurs de Madrid, et aura pour président
le gouverneur de la province. Un droit de 10 0/0 sera prélevé au profit des
pauvres sur la recette brute de tous les théâtres et de tous les autres spec-
tacles publics, excepté sur celle des combats de taureaux, en faveur des-
quels ce droit est réduit à 5 0/0.
*** New-York. — Le troisième festival de chant a duré depuis le 19 jus-
qu'au 22 juin ; il y avait 1,100 exécutants, et les frais se sont élevés à
6,000 dollars.
— La direction du théâtre de Lille étant vacante pour l'année 1852-1 853,
avis est donné par le premier adjoint, remplissant les fonctions de maire,
des diverses conditions moyennant lesquelles le privilège sera concédé.
Le directeur s'engagera à entretenir une troupe d'ordre complète pour
jouer les différents genres et principalement l'opéra comique ; le grand
opéra et la danse ne seront point obligatoires. Il devra en outre fournir
un cautionnement en numéraire de 6,000 fr., et exécuter toutes les clau-
ses et conditions du cahier des charges dont on pourra prendre connais-
sance au secrétariat de la Mairie. Les avantages suivants seront accordés
à la direction : 1° la jouissance gratuite de la salle, ainsi que des déco-
rations, costumes, partitions et mobilier scénique appartenant â la ville;
2° le prix de la location du café établi dans la salle; 3° la ville pourvoit,
à ses frais, à l'entretien de la salle, et affecte une allocation annuelle à
l'achat de nouveaux décors ou à la restauration des anciens. Elle acquitte
en outre le traitement du machiniste et les gages du concierge; 4° les
frais d'éclairage de la salle pendant les représentations sont à la charge
de la commune- Un crédit spécial est inscrit au budget pour faire face à
cette dépense. Les soumissions des concurrents devront être déposées à la
mairie dans le plus bref délai.
Le gérant : Ernest DESCHAMPS.
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arrangée par H. Herz C »
Herliui. Op. 120. Grande fantaisie sur le
Domino noir 9 »
, Op. 125. Grande fantaisie sur le Lac
des Fées 9 »
— Op. 132. Souvenirs de Zanetta. ... 9 »
— Op. 136. Grande fantaisie sur les Dia-
mants de la Couronne 9 »
— Op. 139. Duo sur le Duc d'Olonne. . 9 »
— Op. 160. Grand duo sur le Stabat de
Rossini 9 »
— Op. 148. Grand duo sur la Part du
Diable 9 »
— Op. 159. Grand duo sur Moïse. ... 9 »
— Op. 173. Fant. sur des motifs de Rossini. 9 »
Beyer. Mosaïque sur les Diamants de la
Couronne 6 »
Burgniuller (Fréd.). les Fleurs mélodi-
ques. 12 morceaux faciles et brillants,
arrangés à 6 mains par Farrenc. 4
suites, chaque 10 »
Chaque numéro séparément 4 50
— Les Etincelles, 12 morceaux faciles et
brillants, arrangés à 4 mains par
Decourcelle. 4 suites, chaque. ... 12 »
Chaque numéro séparément 6 a
Rlumenthal. Chant national des Croates. . 6 »
Chopin. Grand duo sur Robert-le- Diable. 9 »
— Op. 1. Rondo 7 50
— Op. 3. Polonaise brillante 7 50
— Scherzo et Marche funèbre de la sonate
op. 35. arrangés à 4 mainsparFontana. 7 50
— Op. 43. Tarentelle, arrangée à 4 mains
par Czeruy 7 50
Croisez. Op. 21. Petit souvenir de la Parc
du Diable 6 »
— Op.24.Petitefantais. facile sur laSirène. 5 »
— Duo enfantin sur Robert Bruce. ... 6 »
— Troisième duo enfantin sur Haydée. . 6 »
— Op. 48. Duo facile sur le Val d'Andorre. 6 »
Op .48. Fantaisie sur la Fée aux Roses. 6 »
— Fantaisie sur Zerline 5 »
Dœhler. Deux études 7 50
— Le Zingaro, mélodie espagnole 7 50
— Le Bohémien 7 50
— L'Hidalgo 7 50
— Le Tournoi 7 50
— Op. 39. Tarentelle 9 »
Decourcelle (M.). Op. 28. Fantaisie sur la
Dame de Pique 9 »
— Op. 29. Fantaisie sur Zerline 7 50
UuYernoy. (J.-B.). Op. 87. Fantaisie sur le
Domino noir 7 50
Op. 136. Fantaisie facile sur la Sirène. 6 »
Op. 149. Petite fant. sur la Barcarolle. 6 »
Op. 156. Deux petites fantaisies sur des
motifs de Bellini, 2 suites :
N° 1. La Somnambule 6 »
2. Les Puritains 6 »
— Op. 161. Fantaisie sur la marche des
Mousquetaires de la Reine 6 »
— Op. 167. Marche de Robert Bruce. . . 6 »
Op. 171. Petite fantaisie sur le Pré aux
Clercs 5 •
Op. 172. Petite fantaisie sur la Muette
de Porlici 5 »
— Op. 173. Marche de Guillaume Tell. . 5 »
— Op. 179. Petite fantaisie sur Haydée. . 5 »
— Op. 194. Petite fantaisie sur l'Enfant
prodigue 5 »
Fessy. Galop favori delà Fille du Danube. . 6 »
Gœtschy. Op. 7. Air favori A'Actcon. ... 5 »
— Op. 10. Air favori de V Ambassadrice. . 6 »
— Op. 13. Deux rondos-valses sur le Do-
mino noir 7 50
Op. 21. Deux rondos faciles sur le Lac
des Fées. 2 suites, chaque 5 »
— Op. 36. Duo brillant et facile sur Zanetta 6 »
— Op. 35. Cavatine et ballade de Zanetta,
doigtées facilement 5 »
Les Soirées musicales de Rossini,
transcrites pour le piano, à 4 mains, et
doigtées facilement. 3 suites, chaque . 7 50
Henselt et Moschelès. Rapsodie et valse
de Varsovie 7 50
Hcrz (H). Op. 50. Grandes variations sur la
marche favorite de Guillaume Tell.. 9 «
— Op. 70. Variations concertantes sur le
Philtre 9 »
— Op. 71. Récréations musicales. Collec-
tion de 24 airs variés, rondos et fan-
taisies sur des thèmes choisis parmi
les plus beaux airs nationaux et les
motifs favoris des compositeurs célè-
bres, arrangés à quatre mains par
Henri Lemoine, 6 suites, chaque. . . 9 »
Herz (H.). Op. 76. Variations brillantes sur le
Pré aux Clercs, arrangées par Hall. 12 »
— Op. 111. Grande fantaisie sur la Roma-
nesca, arrangée par R. Wagner. . . 9 »
Herz. (J.). Op. 21. Cinq airs de ballet de Ro-
bert le Diable, arrangés eu rondo,
chaque 7 50
— Op. 22. Trois chœurs de Robert leDia-
ble, arrangés en rondos brillants, cha-
que 7 50
— Op. 29. Quatre airs de ballet des Hugue-
nots, arrangés à quatre mains par Ch.
Schwencke, chaque 7 50
— Op. 39. Trois airs de ballet de Charles
VI, chaque 9
— Op. 51. La Coquette, valse brillante. . 9 »
Hunten (F.). Op. 82 bis- Deux rondos faci-
les, sur des motifs des Huguenots, ar-
rangés à quatre mains, par C. Schunke :
1. Cavatine du Page 6 »
2. Ronde des Bohémiens 6 »
— Nouvelles récréations musicales très-fa-
ciles, divisées en 4 suit., chaque. . . 6 »
— Quatre airs de ballet de la Favorite :
1. Chœur dansé. — 2. Pas de
trois. — 3. Pas de six. —
4. L'Espagnole. Chaque. . 6 »
— Op. 40. Variations brillantes sur la mar-
che favorite de Guillaume Tell. . . 9 »
— Op. 174. Fantaisie sur Giralcla. ... 7 50
Eie Carpentier. Op. 32. 1er divertissement
sur le Lac des Fées 6 »
— Op. 24. Trois bagatelles sur des motifs
de l'Éclair, trois suites, chaque. . . 5 »
— Op 25. Trois bagatelles sur des motifs
des Huguenots, trois suites, chaque. 5 »
— Op. 43. Quatre divertissements sur des
motifs delà Favoiite, quatre suites,
chaque 6 »
— Divertissement sur des motifs de Guido
et Ginevra 6 »
— Divertissementsurdesmotifsdes Treize. 6 >■
— Divertissement sur des motifs du Shérif. 6 »
— Divertissement sur le Guitarrero. ... 6 »
— Divertissements et variations sur des
motifs de la Reine de Chypre, deux
suites, chaque 6 »
— Divertissement sur Charles VI ... . 6 »
— Op. 141. Fantaisie sur le Prophète. . 7 50
B.i'iiioi ne (H.) . Galop favori de Gustave ou
le bal masqué 6 »
— Polonaise , favorite de l'opéra / Puri- 6 »
tant 6 »
Mendelssohu-Kartlioldy. Op. 56. Troi-
sième symphonie, arrangée à 4 maius
par l'auteur 18 »
— Op. 83 bis. Andante et variations ... 9 »
Hoschelès. Op. 112. Grande sonate sympho-
nique 24 »
Onslow(G.). Op. 7. Grand duo 9 »
— Op. 22. Grande sonate 12 »
Osborne. Souvenir de la Juive 7 50
— Op. 18. Duo brill. sur l'opéra / Puri-
tani 9 »
— Op. 41. Duobrill.surdesthèmesd'Auber. 9 »
- Duo brillant sur le Barbier de Séville. 10 »
Roselleii. Op. 36. Fantaisie sur la Favorite. 9 »
— Op. 46. Fant. sur la Reine de Chypre. 9 »
— Op. 54. L'Aérienne, valse 7 50
— Op. 56. Fantaisie sur Charles VI. . . 9 »
— Op. 71. Fantaisie sur la Juive 9 »
— Op. 82 bis. Premier trio, arrangé pour
le piano, à 4 mains, par l'auteur. . . 12 »
— Op. 86. Fantaisie sur les Mousquetaires. 9 »
— Op. 96 ld. sur V Éclair 9 »
— Op. 102. Id. sur Robert le Diable. . . 9 n
— Op. 107. ld. sur les Huguenots. . . . 9 »
— Op. 108. Fantaisie de concert sur Mar-
guerite d'A njou de Meyerbeer. ... 9 n
— Op. 111. Fantaisie brillante sur le Val
d'Andorre 9 »
— Op. 114. Grande fantaisie sur le Pro-
phète 9 »
— Op. 119. Fantaisie élégante sur la Fée
aux Roses 9 »
— Op. 124. Grand duo sur la Favorite . 9 »
Rosenhain. Trois petits duos à 4 mains, ch. 5 *
— Grande fantaisie dramatiquesur la Reine
de Chypre 9 »
Rossini. Deux pas redoublés et une marche,
3 suites, chaque 6 »
— L'Orgie, air de ballet de Robert Bruce. 6 »
'fl'h;ilberjr (S.) Op. 1. Fantaisie sur Euriantc 9 •
— Op. 10. Grande fantaisie sur / Montec-
chi et Capuletti 10 »
— Op. 19. 2° caprice, arrangé par Bénédict 9 »
— Op. 31. Scherzo 9 »
— Op. 32. Andante, arrangé par Bénédict. 7 50
— Op. 33. Grande fantaisie sur la prière de
Moïse, arrangée par Bénédict ... 10 »
— Op. 36. Etude en la mineur 7 50
— Op. 39. Souvenir de Beethoven, arrangé
par Czerny 10 »
— Op. 40 Fantaisiesur la Donna delLago. 9 •
— Op. 41. Trois romances sans paroles ar-
rangées par Czerny 7 50
— Op. 42. Grande fantaisie sur la sérénade
et le menuet de Don Juan, arrangée
par Czerny 10 »
— Op. 43. Deuxième fantaisie sur les Hu-
guenots 12 »
— Op. 45. Thème et étude en la mineur,
arrangés par Czerny 7 50
— Op. 47. Valses brillantes 9 »
— Op. 48. Grand caprice sur Charles VI. 9 »
— Op. 49. Grande fantaisie sur Beatricedi
Tenda 12 »
— Op. 51. Grande fantaisie sur Sémira-
mide 12 »
— Op. 52. Grandefantaisiesurlatarentelle
de la Muette de Porlici, arrangée par
Czerny 10 »
— Op. 54 Grarid'dub sar Sémiramide. . 19 •
— Op. 61. Mélodies styriennes, arrangées
à 4 mains par Ed. Wolff 10 »
— La Romanesca 5 »
— M osé : Mi manca la voce 5 »
— Felice Donzella, romance de Dessauer. 6 »
— Romance sans par oies 6 -
— Adagio et rondo, iré du 5" concerto. . 9 o
— Romance variée, arrangée par Czerny 5 »
Woltr. (Ed.) Op 26. Grand duo brillant . . 9 »
— Op. 56. Grand duo sur les Diamants
de la Couronne 9 »
— Op. 57. Grand duo sur la Favorite . 9 »
— Op 59. Grand duo sur le Guilarero . 9 »
— Op. 67. Grand duo sur la Favorite. . 9 »
— Op. 72. Grand duo sur les Soirées mu-
sicales de Rossini 9 »
— Op. 74. Grand duo sur la Reine de Chy-
pre 9 »
— Op. 74 bis. Grand duo sur Robert le
Diable 9 «
— Op. 75. Grand duo sur les Huguenots. 9 »
— Op. 79. Grand duo sur Guido et Gine-
vra 9 »
— Op. 80. Grand duo sur la Juive ... 9 »
— Op. 85. Souvenir de la Part du diable,
fantaisie élégante et facile 9 »
— Op. 86. Grand duo sur Charles VI . . 10 »
— Op. 88. Grande valse de Charte s VI . 7 50
— Op. 104. Réminiscence de la S irène,
duo brillant 9 »
— Op. 107. Duo sur les motifs du Lazar-
rone 9 »
— Op 1 15. Réminiscence delà Barcarolle,
fantaisie brillante 9 »
— Op 122. Les Deux Amies, recueil de
morceaux faciles à l'usage des pension-
nats, divisé en 12 livraisons chaque . C »
— Op. 129. Grand duo sur les Mousque-
taires de ta Reine 9 »
— Op. 161. Réminiscence de Sullana, duo
brillant 9 »
— Op. 163. Réminiscence àcRobert Bruce,
duo brillant 9 »
— Op. 166. Duo brillant sur l'Eclair . . 9 »
— Op. 167. Les Jeunes Pensionnaires, six
duos faciles sur des motifs d'opéras
d' Auber Hérold et Rossini , 6 suites, ch. 6 »
— Op. 169. Duo sur Marie Thérèse ... 7 »
— Op. 153. Réminiscence de Havdée. . . 9 »
— Op. 156. Souvenir du Val d'Andorre. 9 »
— Op. 158. Réminiscence du Prophète . 9 »
— Op. 162. Souvenir de la Fée aux Roses 9 »
— Op. 163. Duo brillant sur l'Enfant Pro-
diuue 9 «
— Grand duo sur les motifs de Don Juan. 9 »
— Arrangements des 6 airs de ballet du
Prophète, 6 suites, chaque 9 »
— Arrangement de la Marche du Sacre, du
Prophète 9 "
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Étranger 34
Le Journal p/iraït le Dimo plie.
GAZETTE MUSICAL
Nîo.m abonné» reçoivent, avec ee numéro , le CAPBICÏ «il'EIimiER,
oinposc par nli-linrd "ïd »tl«l«-i- sur leN motifs du Jl'IlF c sert t K"W.
SOMMAIRE. — Bibliographie: Essai sur la typographie, d'Ambrnise T'irmin Didot.
— Revue critique. : Le Juif euhant. — Caprice guerrier et andante de concert, de
Richard Mulder; Fantaisie d'A. Talexy; sept Airs de ballet et Marche triomphale,
de Henri Potier; grande Valse brillante, de F. Burgmuller; Bagatelles, de Le
Carpentier; I'olka des abeilles, d'Emile Ettling; Quadrille et Redowa, d'A. Sublet
de Lenoncourt; Schottisch du berger, de J. Pasdeloup ; Quadrilles, de Musard;
Comettant, Voss et Rosellen — Les Femmes de la Sainte Bible, de Gaston d'Al-
bano; Consolation Espérance et galop, de Wuck-Sabathié ; Système de notation
musicale, de M. Perrot, par Henri ESlaticliard. — Correspondance, Russie.
— Nouvelles et annonces.
BIBLIOGRAPHIE.
ESMAI SSJUR I.A TT Y PO G B A PU I E ,
Par Ambroise FIRMIN- DIDOT,
Paris, 1831. — 4 vol. in-8°.
(1er article.)
" In quo Aui mei, parentisq uestigia cum
sequar; si me dignum utroque non prœbuero;
imbecillitas ingenij mei culpam sustineat, uo-
luntas quidem reprehendenda non uidetur. »
(Aldus Manutius, Pavlli F.,
Orthographia ruiio. 1566.)
La musique n'est pas moins redevable à l'imprimerie que la poésie,
la philosophie, les sciences et tout ce qu'on est convenu de désigner
par le mot de liltérature. Sans l'imprimerie, où serait le journal qui
s'occupe spécialement de musique ? Où en serait la musique, toujours
réduite à la main coûteuse et fautive des copistes, lors même que dans
le nombre il se trouverait plusieurs Jean-Jacques Rousseau ? Donc,
l'ouvrage de l'un des hommes qui rendent le mieux à l'imprimerie l'il-
lustration qu'ils en ont reçue, ne nous est pas étranger : il nous inter-
resse à trop d'égards pour que nous ne cédions au plaisir de rendre
hommage à son mérite.
« La découverte de l'imprimerie sépare le monde ancien du monde
moderne; elle ouvre un nouvel horizon au génie de l'homme, et , par
son rapport intime avec les idées, semble être un nouveau sens dont
nous sommes doués. Une immense différence la distingue des autres
grandes découvertes de la même époque, la poudre à canon et le
Nouveau- Monde ; celle même qui nous est contemporaine, la vapeur,
ce saurait lui être comparée. En effet, ces grandes et utiles découvertes
n'ont agi que sur les parties matérielles de l'humanité : !a poudre à
canon , en égalisant la force brutale; le Nouveau-Monde, en nous com-
plétant les dons terrestres du Créateur ; enfin , la vapeur, en accrois-
sant les forces productrices de l'homme, qu'elle délivre de l'excès du
labeur auquel il était condamné ; tandis que l'imprimerie, qui n'a pas
encore achevé sa mission d'éclairer le monde sans l'incendier, élève le
niveau de l'intelligence humaine, en propageant la parole que l'écriture
avait fixée. »
C'est ainsi que M. Ambroise Firmin-Didot entre en matière, et certes»
ce n'est point à nous, ignorant mais fervent adepte de la science des
livres, qu'il appartient de venir critiquer, analyser, juger en dernier
ressort un aussi beau travail que celui que M. Didot vient de faire pa-
raître sous le modeste titre d'Essai sur la typographie. A moins de citer
textuellement la moitié du livre, il nous serait impossible de donner
au lecteur une idée exacte des patientes recherches, de la lucidité des
aperçus nouveaux , en un mot , de l'immense érudition de notre
auteur.
Que de gens croiront avoir fait une critique suffisante de ce livre en
disant: « Ce n'est qu'une compilation, savante il est vrai, et d'une
clarté merveilleuse, d'une importance réelle pour l'histoire de la typo-
graphie.... mais ce n'ebt qu'une compilation ! »
Savez-vous ce qu'il a fallu de temps et de travail à M. Didot. à com-
bien de sources quasi-inconnues il lui a fallu puiser, ce qu'il a dû con-
sulter de documents arides, de textes souvent incomplets, de versions
souvent opposées, pour mener à bonne fin cette compilation ? Savez-
vous que cette compilation résume les travaux de Panzer (Annales
typog.), de Wurdtwein (Bibli. Moguntina), du P. d'Audiffredi (Catal.
loman. et ltal. edit. xv sœc), les traités de M. Renouard sur les Aide
et sur les Estienne, de J. de la Caille, de Maittaire, de Luckombe, de
Mercier de Saint-Léger, Magné de Marolles, Bayle, Fournier, Atkins, La
Crusca, Meermann, Duverger, et enfin Brunet, et cent autres ouvrages et
mille autres traités concernant les annales typographiques? Savez-vous
qu'il n'y a peut-être pas cent bibliographes au monde capables de ju-
ger sainement et d'approfondir un pareil travail ?
Acceptons donc le mot compilation, si vous le voulez : mais que ce
mot soit à l'éternel honneur de M. Didot, qui, du reste, a eu le bon
goût d'indiquer à chaque ligne les sources où il a puisé, et la modestie
d'y renvoyer le lecteur.
Après avoir passé rapidement sur les temps antérieurs à la décou-
verte de la typographie, n'acceptant que ce qui est authentifié par des
documents certains, sans admettre mille fables plus ou moins garan-
ties, comme par exemple ce que nous dit Josèphe, dans ses Antiquités
hébraïques, que Seth, fils d'Adam, ayant appris de son père que le
monde devait périr deux fois, par l'eau et par le feu, fit élever deux
colonnes sur lesquelles il grava tout ce qu'il savait (Josèphe ne nous
dit pas ce qu'il savait) ; l'une de ces colonnes était de pierre pour résis.
ter à l'action de l'eau; l'autre de briques pour qu'elle pût braver le
feu. Voilà une bonne histoire qui ferait remonter la gravure un peu
haut ; mais M. Didot n'admet pas si facilement les visions des vieux
conteurs ; ce qu'il dit, il reut le prouver, et il y réussit presque tou-
jours.
L'origine de l'imprimerie, comme celle des religions, comme celle
274
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
des grandes découvertes qui sont appelées à renouveler la face du
monde, est enveloppée de nuages presque impénétrables. Plongeant
hardiment à travers ces épais brouillards, obligé souvent de s'appuyer
sur une tradition ffama est obscurior annisj, sur un fait contesté,
d'opler entre le pour et le contre, quand le pour et le contre ont cha-
cun pour soi des autorités respectables, M. Didot s'efforce, et souvent
avec succès, de pénétrer et d'éclaircir ces ténèbres.
A qui, à quelle ville et à quelle époque précise faut-il attribuer
l'honneur de la découverte de la typographie?
Les droits de Gutenberg, ceux de Laurent Coster, ceux de Mentelin,
de Faust et de Pierre Schœffer, sont tour à tour examinés, pesés dans
la balance de l'impartialité, avec une netteté et une logique incontes-
tables. Se rangeant de l'avis, des nombreux bibliographes qui, ap-
puyés par la tradition, vox gentiwn, font de Jean, dit Gensfleich, au-
trement dit Gutenberg ou Gudinberg, de Mayence, le père de l'impri-
merie, M. Didot fait justice des prétentions des villes rivales, Harlem,
Strasbourg, Bamborg, Bâle, Nuremberg, etc.
C'est dans cette première partie de son travail qu'il déploie surtout
une érudition profonde et infatigable : la part de gloire qui revient à
chacun est faite avec intégrité. Les témoignages d'Ulric Zell , de
Trithême , de Jean Schasffer, etc. , d'autant plus importants qu'ils
sont presque contemporains , sont analysés et rigoureusement appré-
ciés. Les monuments les plus importants, les pièces du procès que
Gutenberg eut à soutenir, le premier, contre André Dritzehen ; le se-
cond, contre Faust, sont passés en revue.
Malheureusement, et malgré les vastes connaissances typographiques
de M. Didot, malgré l'immense travail de recherches auquel il s'est
livré, il est encore bien des points sur lesquels il ne peut que former
des conjectures : ainsi, pourquoi Gutemberg s'est-il abstenu de mettre
son nom aux ouvrages qu'il a imprimés ? Quels furent les procédés par
lui employés pour obtenir les caractères qui ont servi à l'impression du
Catholicon de Jean de Janva et de la Bible de trente-six lignes, etc. ?
La sagacité de Nostradamus et le travail d'un bénédictin seraient im-
puissants à résoudre ces importants problèmes.
L'examen des premiers monuments de l'art encore existants est fait
par M. Didot avec cette profonde connaissance de la matière et cette
exactitude scrupuleuse qui sont le caractère distinctif du livre.
Toute cette partie, je le répète, est incontestablement la plus impor-
tante : elle est traitée d'une façon supérieure, féconde en aperçus aussi
nouveaux qu'ingénieux. L'auteur cherche surtout à masquer pour les
gens du monde l'aridité du sujet sous des détails piquants, d'un intérêt
universel. En cela il a pleinement réussi , et c'est ce qui le distingue
des plus illustres bibliographes, ses devanciers.
Après ce laborieux exposé, M. Didot commence son voyage typogra-
phique à travers le monde et débute par l'Italie.
A la suite des troubles survenus à Mayence en 1462 et 1/|63, plusieurs
ouvriers imprimeurs de cette ville émigrèrent, emportant leur décou-
verte dans les parties les plus civilisées de l'Europe. Ils eurent le
bonheur de se rencontrer en Italie avec d'autres exilés, les savants de
l'Orient : les Zach. Calliergi , les Marc Musurrus, les Jean Lascaris et
autres , qui , fuyant l'invasion des Barbares, venaient y chercher un
asile , apportant avec eux leur doux langage, leur science et leurs tré-
sors littéraires.
Ce furent les couvents qui presque partout accueillirent ces émigrés:
en Italie, le couvent de Subiaco , près de Rome, eut la gloire ou le
bonheur d'arrêter le premier ces enfants errants qui portaient avec eux
la lumière. Sweinheim et Pannartz, Ulric Gall , Ph. de Lignamine , à
Rome ; à Venise , Jean de Spire , Nie. Jenson , Français envoyé par
Louis XI pour y surprendre les secrets de l'art, Waldarfer, etc. , don-
nent, avec l'aide des savants hellènes que nous venons de nommer,
d'excellentes éditions des Livres saints et des classiques grecs et latins.
Vers 1490, Aldus Pius Romanus fonde à Venise sa célèbre impri-
merie. M. Didot consacre une longue et intéressante notice à cette fa-
mille de savants à la fois et d'imprimeurs illustres, qui s'éteint à la mort
d'Aide le jeune, à Rome, le 28 octobre 1597; famille à laquelle nous
devons, dit avec justice M. Didot, la conservation de tant de précieux
monuments littéraires de l'antiquité grecque et latine.
Quittant brusquement l'Italie, M. Didot retourne en Allemagne, où il
passe en revue Bamberg, Augsbourg, Nuremberg, Cologne, etc., la
Prusse, l'Autriche et la Hongrie. Il revient en Italie, où il nous montre
les progrès de l'imprimerie, à Milan, avec Valdarfer et Démétrius Chal-
condyle, avec les frères Minutianus, qui donnent en 1499 la première
édition collective des œuvres de Cicéron ; à Florence, où nous regrettons
de ne pas lui voir consacrer une notice plus détaillée à la famille des
Junte, dont les productions typographiques sont restées célèbres ; en-
fin, dans les principales villes de l'Italie, qu'il quitte après Bodoni,
l'illustre imprimeur de Parme, pour n'y plus revenir.
Une excursion en Suisse nous fait voir à Bâle les Amerbach et Fro-
benius ; et comme il n'est guère possible do parler de Froben sans
mentionner Erasme, nous y gagnons de curieux et piquants détails sur
le savant illustre dont Rotterdam est la patrie.
M. Didot passe de Suisse en Angleterre , où tout d'abord il signale
ce fait, important pour ceux qui ont étudié les institutions anglaises :
la corporation des imprimeurs-libraires, Stationer's Company, fondée
en 1403, existe encore à Londres, où elle occupe une maison connnue
sous le nom de Stationer's hall; c'est là que sont enregistrés tous les
livres imprimés à Londres.
Guillaume Caxton est nécessairement l'objet d'une notice dévelop-
pée. Cet imprimeur, dont les éditions ont atteint de tout temps en An-
gleterre un prix si exorbitant, mérite les éloges que lui donne M. Di-
dot, peut-être un peu pour ne pas se brouiller avec le Roxburgh's Club
et avec les nombreux collectionneurs des trois royaumes, qui n'enten-
dent pas la plaisanterie à l'endroit de Caxton.
M. Didot dit quelques mots de Baskerville, dont les caractères, après
avoir servi à imprimer quelques admirables volumes de classiques la-
tins, furent achetés par Beaumarchais, qui les employa à la confection
des différentes éditions de Voltaire, imprimées dans le fort de Kehl. 11
parle aussi de Bensley, de l'imprimerie célèbre fondée à Oxford par
lord Clarendon ; des frères de Foulis, à Glasgow, et de quelques autres
artistes recommandables ; mais il ne mentionne même pas Balfour,
d'Edimbourg; Brindley, de Londres; Burmann, de Glasgow; non plus
que les éditions de classiques latins, revues par Maittaire et imprimées
à Londres de 1713 à 1722, par Jacq. Tonson et J. Wath.
Malheureusement pour ces imprimeurs, M. Didot n'oublie rien ;
quand il ne parle pas de quelqu'un, c'est que ce quelqu'un ne mérite
pas de mention ; et les jugements de notre auteur, corroborés par
l'autorité de son nom et le poids de ses connaissances typographiques,
font presque loi en pareil cas.
Nous sommes forcés de laisser de côté nombre de fait intéressants,
d'observations neuves, rapportées par M. Didot dans le cours de sa lon-
gue excursion en Angleterre ; cependant, en voici qui nous ont paru
curieux :
Veut- on avoir une idée de ce qu'était la liberté de la presse au
xvie siècle?
Le premier index des livres défendus venait de paraître à Venise,
en 1543 ; à peu près à la même époque, le 4 mai 1556, une charte est
accordée à la communauté des libraires de Londres, par Philippe et
Marie ; et cette charte, après avoir été confirmée à plusieurs reprises,
même sous le gouvernement de la maison de Hanovre, reste en vi-
gueur jusqu'à la fin du dernier siècle.
Elle accordait aux syndic et adjoints de cette profession (Master and
Keepers) le droit :
1° De surveillance sur tout écrit littéraire ;
2° De rechercher dans les maisons tout livre réputé nuisible à l'Etat
ou à l'intérêt de leur profession ;
3° D'entrer aussi souvent qu'ils le veulent dans les maisons et en
tout lieu dépendant d'un imprimeur, relieur ou vendeur de livres de
quelque manière que ce soit ;
DE PARIS.
275
k° De saisir, enlever, brûler ou convertir à leur usage ce qu'ils
soupçonnent d'être imprimé contrairement aux statuts, actes ou pro-
clamations faites ou à faire.
Ces miracles d'intolérance sont encore exagérés dans tous les pays
ressortisant de la domination espagnole : en Hollande , à Francfort,
à Venise, à Baie, les lois sont moins rigoureuses.
En France, pendant que le chevaleresque François Ier et son fils
Henri II, qui tous deux recherchent le titre de restaurateurs dis let-
tres, donnent force édits en l'honneur et en faveur de l'imprime-
rie, ils laissent brûler à la place Maubert, Estienne Dolet, le docte
imprimeur, l'élégant esprit, le pair de Marot, de Rabelais, de Du-
bellay , pendant qu'un autre grand esprit , un autre imprimeur plus
célèbre encore, Robert Estienne , meurt en exil à Genève. Et sa-
vez-vous pourquoi ce pauvre Etienne Dolet est condamné au feu?
Dans un passage du Dialogue de Platon, VAxiochus, malencontreu-
sement traduit par Dolet, Socrate dit : « La mort ne peut rien sur les
vivants, par le fait qu'il* existent ; elle ne peut rien sur les morts,
car ils ne sont plus. » Mais Dolet, malheureusement, avait dit:
« Quand tu seras décédé, la mort n'y pourra rien aussi, attendu que
tu ne seras plus rien du tout. »
Ce rien du tout est déclaré pompeusement, par la faculté de théolo-
gie de Paris, hérétique, athée, conforme à l'esprit des saducéens et des
épicuriens ; la censure ajoute que le passage est mal traduit et contraire
à l'intention de Platon , qui jamais n'avait dit : Rien du Uut ; enfin , la
Grand'Chambre, le 2 août 1546, condamna solennellement le pauvre
Dolet, comme blasphémateur et relaps, à être soulevé à une potence
et jeté dans un grand feu , avec tous ses livres, sans exception , après
avoir été préalablement mis à la torture extraordinaire, pour enseigner
S"s compagnons, ceux qui lui avaient conseillé de faire dire à Platon
qu'après la mort , on n'est plus rien du tout. Estienne Dolet avait
trente-sept ans.
De retour sur le continent , M. Didot fait sa tournée en Belgique;
après quelques mots sur Colard-Mansion , de Bruges , il arrive à
Anvers, où il fait de Christophe Planlin et de ses belles et correctes
éditions un éloge plus détaillé.
Nous regrettons que François Foppens, de Bruxelles, n'ait pu trou-
ver grâce devant ses yeux.
De Belgique, il vient naturellement en Hollande, où il consacre une
longue note, assez peu favorable, à MM. les Elzeviers ou Elzevirs, cou-
pables à ses yeux de n'être pas érudits comme les Aide et les Estienne,
chez lesquels il fallait que les servantes parlassent latin. Du reste,
cette notice est aussi exacte, aussi consciencieuse que possible, et tout
le monde est de l'avis de M. Didot, quand il dit que : « les ouvrages
sortis de leurs presses, remarquables par la beauté de l'exécution , ne
le sont pas à un aussi haut degré par leur correction typographique. »
Témoin la célèbre et coûteuse édition de Virgile, donnée en 1636,
qui fourmille de fautes.
M. Didot visite ensuite rapidement les autres parties de l'Europe, où
l'imprimerie, à cause du degré de civilisation moins avancé, fait
de moins rapides progrès et donne de moins excellents résultats ; passe
en Asie et dans les autres parties du monde, où nous ne le suivrons
pas, pour enfin revenir en France avec la joie d'un voyageur qui, après
une longue absence, revoit enfin sa terre natale.
L'histoire approfondie et consciencieuse qu'il y fait de l'imprimerie
et des imprimeurs, ses confrères et ses nationaux, sera pour nous
l'objet d'un examen particulier dans un second article.
E. D.
REVUE CRITIQUE.
JUIF BHBASiTj Caprice guerrier et andante de concert, par Richard Mul-
der. — Fantaisie, par A. Talexy. — Sept airs de ballet et marche triomphale, par
Henri Potier. — Grande valse brillante, par F. Burgmuller. — Bagatelles, par
Le Carpentier. — Polka des Abeilles, par Emile Ettling. — Quadrille et redowa,
par A. Sublet de Lenoncourt. — Schottisch du Berger, par J. Pasdeloup. —
Quadrilles, par Musard. — Voss, Roscllen et Comettant.
En transcrivant cette longue liste d'œuvres , toutes diverses de
genre, de caractère et de dimension, comment ne pas penser à Bernar-
din de Saint-Pierre et à l'histoire de son fraisier, sur lequel, en trois se-
maines, l'illustre écrivain vit s'épanouir trente-sept espèces de jolies
petites mouches toutes différentes de couleurs, de formes, d'allures, les
unes dorées, les autres argentées; celles-ci bronzées, tigrées, rayées;
celles-là bleues ou vertes, rembrunies ou chatoyantes? A la fin, les
jolies mouches vinrent en si grand nombre et en telle variété, que le
naturaliste renonça forcément à les étudier et à les décrire, parce
que, dit-il lui-même, le loisir et les expressions lui manquaient.
Un grand opéra, quand il est bon et beau, un chef-d'œuvre lyrique,
signé du nom d'un maître, ne ressemble-t-il pas beaucoup à ce fraisier,
dont l'analyse faite avec soin, poussée avec ardeur jusqu'à ses der-
nières conséquences et dépendances, n'aurait pas moins d'étendue que
l'histoire naturelle tout entière ? Un grand opéra, c'est la source-mère
d'où dérive une multitude de ruisseaux ; c'est le tronc principal d'où
rayonnent des milliers de branches. Essayez seulement de suivre une
de ses mélodies originales dans les transformations infinies que l'ar-
rangement lui fait subir, et vous verrez si vous y trouvez plus de fa-
cilité que Bernardin de Saint-Pierre à la description des charmantes
hôtesses de son végétal. Pour cette année, notre fraisier à nous, c'est
le Juif errant, composition immense et magnifique, dont la création
devait donner naissance à une innombrable quantité d'arrangements.
Et ne nous y trompons pas : arranger, c'est encore créer, du moins
en la forme. Pour réunir dans le même cadre plusieurs pensées qui
n'ont rien d'analogue et qui sont comme des parents éloignés d'une
même famille, pour les rapprocher, les marier et en faire, non pas un
pastiche, mais un morceau, il faut beaucoup d'art, beaucoup de savoir
et même d'imagination.
Richard Mulder a fait preuve de toutes ces qualités dans les deux
morceaux dont le Juij errant lui a fourni les thèmes. On y trouve ce
cachet original et pittoresque qui a fait le succès de ses autres mor-
ceaux : la Cascade, le Galoubet, le Tambour de basque.
Sous le titre Caprice guerrier, Richard Mulder a écrit un morceau
caractéristique d'une excellente facture, et dont la difficulté ne dépasse
pas la moyenne force, bien que les pianistes plus avancés y puissent
trouver l'étoffe d'un morceau à grand effet. L'introduction, d'une cou-
leur toute militaire, prépare fort heureusement au motif principal du
fameux quintetlo des brigands. Ce motif a inspiré à l'auteur une se-
conde reprise très-énergique. Vient ensuite une variation d'un dessin
neuf et brillant, qui nous conduit lestement à la belle phrase si bien
dite par Mme Tedesco, dans le duo du second acte avec Roger. Le fi-
nal reproduit le premier thème sous une forme rhythmique nouvelle,
et marche à travers des modulations habilement ménagées à la péro-
raison scintillante et chaleureuse.
L' Andante de concert est une transcription fort ingénieuse des belles
strophes chantées par Mme Tedesco : Que nos voix vers le ciel, etc.
Les pianistes les plus habiles aborderont avec intérêt ce morceau,
qui demande de la puissance et beaucoup de style, sans que pourtant
le piège soit caché sous les fleurs, le feu sous la cendre, c'est-à-dire
sans que le virtuose modeste ait à trembler devant l'ombre d'un casse-
cou !
Ces deux compositions nouvelles nous semblent destinées à aug-
menter la vogue qui déjà s'attache au nom de leur auteur. Elles seront
avidement reçues par ce monde d'amateurs qui, dès l'apparition d'une
grande œuvre lyrique, attendent avec impatience le moment d'en re-
produire sur leur instrument les motifs les plus saillants, ornés de
276
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
riches broderies, d'arabesques capricieuses, et ne le voient jamais ar-
river assez tôt.
A ces amateurs se présente aussi de fort bonne grâce la fantaisie de
M. A. Talexy, qui, après une introduction marziale maestoso, choisit
pour premier thème cet adorable bourdonnement des abeilles volti-
geant , tourbillonnant , avec un murmure si musical et à la fois si poé-
tique. Et puis, du bourdonnement , il passe à l'admirable duo d'amour
du quatrième acte, chanté par Roger et Mlle La Grua, pour revenir à cet
autre duo, non moins admirable, du premier acte, chanté par Massol
et Mme Tedesco. Faut-il ajouter que l'auteur ne touche à aucun de ces
thèmes sans l'exploiter à sa façon , le tourner et le retourner, le déco-
rer de traits pleins d'élégance et de bon goût ?
Comme dans toutes les partitions de premier ordre, les airs de dan? e
occupent nne place importante dans celle du Juif errant. Le ballet du
troisième acte est un petit drame chorégraphique, se divisant en autant
d'actes qu'il y a de pas et d'entrées. Ces actes sont au nombre de cinq,
ni plus ni moins. Le premier s'appelle le Bourdonnement ; le second ,
le Berger Aristée; le troisième, la Ronde; le quatrième, la Reine des
abeilles ; le cinquième, la Ruche : le tout terminé en manière d'épilo-
gue, par une Marche triomphale. Joignez à ces cinq actes et à cet épi-
logue les deux pas ravissants du second acte, celui des Esclaves et
celui des Voiles, vous aurez huit numéros, huit morceaux complets que
vous pourrez jouer séparément ou à la suite l'un de l'autre. Vous le
pourrez d'autant mieux, que M. Henri Potier, l'habile transcripteur de
la partition entière, s'est donné la peine de transcrire un à un ces huit
excellentes et charmantes scènes : il a démonté pièce à pièce les dia-
mants, les rubis, les perles fines, que la main puissante d'Halévy s'était
appliquée à réunir ; il a détaillé ce que l'auteur nous avait livré en gros,
et ni l'auteur, ni l'œuvre n'ont perdu le moins du monde à ce marché.
Au contraire, je vous assure que tous ces fragments d'un bloc gigan-
tesque, considérés à part, étudiés solitairement, paraissent encore plus
étonnants, plus éblouisants que dans leur masse primitive.
Puisque nous en sommes à la danse, parlons de M. Burgmuller et de
sa valse brillante; oui, brillante en effet, et entraînante au superlatif.
Qui l'eût deviné ? qui l'eût prévu? L'introduction de cette valse est
empruntée au duo d'amour du quatrième acte, et la valse même n'est
autre chose que le duo du premier acte, brisé, rompu, tordu dans
son allure, dans son rhytme, et n'en marchant pas moins, comme si
la mesure à trois quarts était sa mesure native et originelle ! Le vertige
me prend, rien que d'y penser: un duo si tendre, si touchant, si pathé-
tique , métamorphosé en valse brillante ! Après cela, je suppose
M. Burgmuller très capable de faire bien d'autres merveilles, et de dire,
par exemple, aux boiteux et aux invalides, aux notaires retirés et aux
douairières émérites : « Levez-vous et valsez ! »
Reposons-nous avec M. Le Carpentier et ses Bagatelles en deux nu-
méros de cette valse effrénée à laquelle M. Burgmuller nous avait con-
damnés. Les Bagatelles se promènent de fleur en fleur, de motif en
motif, et ne se reposent pas sur les moins heureux. Ce sont tour à tour
la ballade chantée par Mme Tedesco, la romance chantée par Roger,
le bourdonnement, la ronde, etc. Le titre donné à l'œuvre en indique
la portée ; c'est à l'intention des mains jeunes et encore peu nerveuses
que M. Le Carpentier a écrit ses Bagatelles, et je leur garantis une vo-
gue proportionnée à la quantité des pianistes en état de les jouer avec
plaisir et succès.
Et ne voilà-t-il pas que la danse nous ressaisit encore ? Ne voilà-t-il
pas que nous avons à nous défendre contre la Polka des Abeilles,
d'Emile Ettling, contre le Quadrille et la Redoiva, de M. de Lenoncourt,
contre la Scholtisch du Berger , de Pasdeloup ? Mais à quoi bon
résister? Quand nous échapperions au prestige de tous ces enchanteurs,
que pourrions-nous opposer aux deux quadrilles composés par Musard ?
Comment nous soustraire à leur magnétique influence, soit qn'on les
joue à deux ou à quatre mains ? Et comment choisir entre tant de sé-
ductions qui vous enlacent et vous étourdissent de leurs fanfares
joyeuses? Ne vaut-il pas mieux se résigner et se soumettre à toutes
successivement? C'est le parti que nous conseillons de prendre à ceux
de nos lecteurs qui ont la bonté de nous accorder quelque confiance,
et nous ne douions pas qu'ils ne s'en trouvent bien.
Tandis que nous écrivons, trois fantaisies signées Rosellen, Comet.tant
et Voss se disposent encore à paraître, et nous nous hâtons de quitter
la plume pour n'être pas obligés d'en parler aujourd'hui. Voss, Ro-
sellen et Comettant sont aussi entrés dans le cercle magique tracé par
le Juif errant autour des compositeurs et des pianistes. Ils seront
encore suivis de bien d'autres, car le Juif errant n'est pas près de
s'arrêter, ni dans sa marche, ni dans ses miracles, ni dans son succès.
P. S.
LES FE3H5BBÎS »E liA SAIOTK E2BS5B..E; , poésie et musique par
M. Gaston , d'Albano. — C«S.^S©ï>A'ffaO'U , ES 3» [fi SEANCE BT
K.4MP, par M. Wuck-Sabathié. — SYSTÈME UE TCO'fi'ATTE'»:*;
SSSJSICABjE , par M. Perrot.
M. de Ségur jeune, esprit fin et délicat, émule de Parny et de
Legouvé, qui nous a chanté le Mérite des femmes, nous a laissé aussi,
lui, deux volumes de prose historique sur l'intervention et les vertus
du beau sexe en France. C'est qu'en effet les femmes ont joué et joue-
ront toujours des rôles importants, brillants et intéressants dans notre
histoire politique, littéraire et artistique.
La plus belle moitié de l'ordre social, comme on nous l'a fait, serait
certainement fort injuste de se plaindre du sort que lui a fait la plus
laide moitié du genre humain. Voyez plutôt les publications des femmes
de Shakespeare, celle de Walter Scott, de lord Byron. Y a-t-il rien de
plus enchanteur que les recueils de ces délicieuses figures si délicieu-
sement gravées ?
Voici venir, après tous ces prestiges d'art et de galanterie, M. le che-
valier Gaston d'Albano, nom peu connu dans le monde poétique et mu-
sical, mais qui ne se montre pas moins chevalier galant près le beau
sexe. 11 a reconnu, avec l'illustre auteur du Génie du christianisme ,
que dans la Bible comme dans Homère se trouvent les sources de toute
poésie, de toute inspiration et de toutes les beautés; et il a traité, au
moyen de fort beaux vers et de bonne musique, les Femmes de la
sainte Bible, en hymne, en duos, trios, chœurs, etc.
Notre mère Eve commence tout naturellement cette galerie de
femmes aux types de figures hébraïques et aux noms harmonieux
d'Âgar, Rébecca, Racket, la fille de Pharaon, Débora, la fille de
Jeplité, Noémi, les deux mères devant Salonmn, la Reine de Saba.
Tous ces personnages poétiques chantent des mélodies qui se distin-
guent plus par la facilité que par l'originalité, sur une harmonie tou-
jours correcte et pure. La poésie en est d'un caractère élevé, coloré,
et s'appuie sur le texte de l'Ecriture sainte, de la Genèse, du livre des
Juges, des Rois, etc.
MM. les archevêque et évêques de Bourges, de Beauvais et d'Evreux
ont pris sous leur patronage ce beau recueil de nobles et belles pensées,
publiées aussi sous le titre A' Harmonie sacrée, et en ont témoigné leur
satisfaction à l'auteur par des lettres extrêmement flatteuses, que l'au-
teur des Femmes de la Sainte-Bible a fait figurer en tête de son ou-
vrage. Nous dirions que ce livre de bonne poésie et de bonne musi-
que sera favorablement accueilli dans le monde littéraire et musical,
s'il n'y jouissait déjà d'un brillant succès.
M. Wuck-Sabatié est un musicien pianiste qui n'a guère plus fatigué
les voix de la publicité, et par conséquent celles de la renommée, que
le poëte-compositeur dont nous venons de parler, bien que cet écrivain
musical en soit à son vingt-quatrième ou vingt-cinquième œuvre. Sous
le titre & Espérance, il a lancé dans la circulation de musique facile ,
agréable et mélodique, une mazurka toute empreinte d'une couleur li-
thuanienne et qui semble une émanation du génie de Chopin, dans ce
genre de musique rhythmée par lui d'une façon si originale. La Conso-
lation, andante de concert, aussi pour piano seul, est une sorte de
nocturne, d'élégie en fa mineur qui se distingue par un bon sentiment
de mélodie. Le chant est bien soutenu , et richement accompagné jus-
DE PARIS.
277
qu'à la fin ; et comme il faut absolument qu'un pianiste soit de son
temps, à moins qu'il n'ait le goût d'écrire des fugues comme Sébastien
Bach, M. Sabalié-Wuck, en disciple de Terpsychorc, a publié un (îrand
galop de bravoure qui a toutes les qualités requises pour le mener au
trot à la célébrité que donnent la Chaumière, la Closerie des Lilas ou
autres bals publics, nec plus vitra du succès de ce genre de musique.
M. Perrot, ancien élève du Conservatoire de Paris, professeur et di-
recteur du chant élémentaire au Lycée de Bordeaux et à l'Ecole nor-
male primaire de la Gironde, publie un nouveau système de notation
musicale digne de fixer l'attention des hommes compétents. C'est un
éclectisme rationnel de tous les systèmes de l'enseignement musical, et
qui est basé sur quarante ans de professorat. L'auteur résume dans son
ouvrage les systèmes J.-J. Rousseau, Galin, Wilhem, Paris, Chevé, etc.,
qui au fond sont les mêmes. Son changement de la portée de cinq li-
gnes en six lignes, formée de deux petits groupes de trois lignes cha-
cun, séparés au milieu par un intervalle équivalant à une double in-
terligne, cette disposition de la portée est ingénieuse, quoiqu'elle ne
soit pas absolument neuve. Dans le cas où cette division serait adoptée,
cela simplifierait beaucoup le mécanisme des clefs, qui n'est pas une
des moindres difficultés de l'enseignement musical.
Il nous faudrait un plus long espace que celui dont nous pouvons
disposer ici pour faire comprendre à nos lecteurs tout ce qu'a de bon
ou de défectueux l'ouvrage de M. Perrot. Le premier et le plus grave
des inconvénients qu'offrent les systèmes des théoriciens novateurs
dans une science ou un art, c'est qu'ils ne savent pas s'arrêter quand
ils sont entrés dans la voie des innovations. Selon eux, il faut tout d'a-
bord brûler ce que vous avez adoré : il n'y a pas de milieu. C'est venir
dire à tout un peuple civilisé, usé, blasé et par conséquent paresseux :
Ta religion artistique est fausse ; les signes qui servent à la pratiquer
sont mauvais, stupides : il faut renouveler tout cela ; je viens après
mille ans changer ces lois grossières. M. Perrot n'est pas précisément
aussi tranchant; il respecte la notation; il est plus qu'ingénieux, il est
praticable, et le comité d'enseignement du Conservatoire l'a pensé
puisqu'il lui a délivré une sorte d'autorisation d'ouvrir des cours pré-
paratoires pour former des élèves qui voudront se faire admettre dans
notre premier établissement musical. Dans tous les cas, l'ouvrage de
M. Perrot est bon à lire, à consulter. Le texte en est instructif, clair,
lucide; et l'on voit que ce n'est pas vainement que l'auteur a professé
pendant quarante ans de sa vie, ainsi que nous l'avons dit plus haut :
c'est un livre, enfin consciencieusement faite , et qui offre plusieurs
moyens d'apprendre la musique d'une manière abréviative.
Henri BLANCHARD.
CORRESPONDANCE.
Nous recevons de M. le prince Nicolas Boris Galitzin la lettre sui-
vante, que nous nous faisons un devoir de publier :
Russie, Karkoff (Ukraine), 9 (21) juillet 1852.
Monsieur,
Etranger depuis plus de vingt-cinq ans à tout ce qui s'imprime en Alle-
magne, habitant la province, il n'est pas étonnant que j'aie complètement
ignoré l'existence d'une biographie du célèbre Beethoven, publiée par un
nommé Schindler, dont je n'ai jamais entendu parler, pas plus que de son
ouvrage. Depuis peu seulement, et fortuitement, j'ai appris que ce Mon-
sieur, à propos des trois quatuors que Beethoven a composés à ma de-
mande, me prête un rôle qui n'a jamais existé que dans son imagination.
Ce prétendu biographe avance, comme un fait incontestable, que Beetho-
ven n'a jamais été payé des trois quatuors qu'il a composés pour moi, et
enjolive son récit de détails monstrueux, qui sont tout à fait l'opposé de
la vérité. Le silence que j'ai gardé depuis l'apparition de ce livre aura
dû sans doute accréditer jusqu'à un certain point la calomnie, et je ne
doit pas m'étonner si après cela, quelques personnes qui ne me connais-
sent pas et qui ignorent la nature de mes relations avec le grand homme,
ont pu y ajouter foi. Pour ce qui me concerne, j'ignorerais jusqu'à ce
jour l'absurde récit de Schindler, si un de mes frères n'eût aperçu sa
brochure dans un salon de Moscou ; en la feuilletant, il tombe sur les
pages qui me sont consacrées ; il les arrache et nie les transmet. Après
les avoir lues, je me suis convaincu qu'il n'y avait en elTet qu'un frère
qui eût pu me donner avis d'un semblable pamphlet, et je ne m'étonnais
plus qu'aucun de mes amis ne m'en eût instruit. Qu'avais-je à faire dans
cette occurcnce? Descendre dans la lice pour m'escrimer contre un
Schindler me semblait peu compatible avec ma dignité, à cause de la
virulence même de l'article, où les faits sont accumulés sans preuve au-
cune. Je me bornai donc à rédiger une relation fidèle de mes rapports
avec Beethoven, et je remis cette note, forte de preuves, à M. Pamcke,
homme de l'art, publiciste distingué et considéré en Allemagne, tout en
le laissant parfaitement libre d'en faire l'usage qu'il jugerait convenable
dans l'intérêt delà vérité. Toutefois, M. Damcke rencontra assez de mau-
vais vouloir de la part des rédacteurs des feuilles musicales allemandes,
dont les principaux subissent encore l'influence de Schindler et croient
devoir le ménager :« Il est vieux, disait-on; attendons qu'il soit mort. »
Mais M. Damcke n'est pas homme à reculer devant de pareils arguments,
quand il s'agit d'établir une vérité, et il poursuivra son œuvre conscien-
cieuse.
Mais voilà qu'une Histoire de la musiqw. vient de paraître en Allemagne;
cet ouvrage très-remarquable d'ailleurs, à ce qu'on dit, me force de rom-
pre le silence. L'auteur, M. Brendel, de Leipsick, venant à parler de ces
mêmes quatuors, ne craint pas de dire, sur la foi de Schindler : « Um das
» Honorar dirser Quantelte, wurde. Beethoven belrog n. » Ce qui veut dire:
« Pour ce qui est des honoraires dus pour ces quatuors, Btethoven fut
» trompé. » Or, veut-on savoir comment Beethoven a été trompé? Voici le
fait : En 1822 j'écrivis à Beethoven sans le connaître, pour le prier de me
composer trois quatuors, et d'en fixer les honoraires comme il l'enten-
drait. 11 ne tarde pas à me répondre qu'il consent à ma proposition, et
fixe la rémunération à 50 ducats de Hollande, pour chaque quatuor. Aus-
sitôt la somme de 50 florins lui est expédiée par l'entremise des banquiers
Stieglitz et Ce, de Pétershourg, et Heninstein et C, de Vienne. Réponse
de Beethoven , qui se confond en remercîments sur mon empressement à
solder une œuvre qui n'est pas même commencée. Cependant deux années
et demie s'écoulent, et l'œuvre du grand maître tarde encore à paraître.
Enfin, au mois de mars 1825, arrive le premier des trois quatuors promis;
mais avant ce terme, Beethoven avait encore reçu de moi une somme de
54 ducats envoyée par la même voie (1824). Il est possible que cet em-
pressement même de payer si longtemps d'avance, ait pu suggérer l'idée
au moment de la mort de Beethoven, que les quatuors, à peine terminés ,
n'avaient pas été payés, puisqu'on ne voyait pas de sommes nouvellement
rentrées à cet effet. J'admettrais cette excuse, toute mauvaise qu'elle est
L'année 1826 vit paraître les deux quatuors suivants. Mais à cette époque
j'avais cessé d'habiter Pétersbourg, mon service m'ayant transporté par
delà le Caucase, où la guerre avec la Perse venait d'éclater. Sur ces entre-
faites Beethoven mourut. Ces deux circonstances furent cause que les
50 florins du troisième quatuor furent remis à Charles Beethoven, neveu
et héritier du grand homme, aujourd'hui domicilié à Vienne. 11 suit de là
qu'au lieu de n'avoir rien payé, j'ai déboursé 154 ducats pour les trois
quatuors en question. Les incrédules peuvent demander à voir les quir.
tances autographes de ces divers envois chez les banquiers Heninstein, de
Vienne, et en recevoir la confirmation de M. Charles Beethoven lui-même,
demeurant au faubourg de Josephstadt, 221, à Vienne.
Je vous prie, Monsieur, de vouloir bien accueillir ma protestation et de
lui donner place dans un des prochains numéros de la Revue et Gazette mu-
sicale qui paraît sous vos auspices à Paris. Vous comprendrez que la vérité
en matière aussi délicate ne saurait avoir trop de publicité, et vous m'o-
bligerez véritablement, si dans la suite vous voulez bien me communiquer
les observations auxquelles cette lettre donnera peut-être lieu, et qui né-
cessiteraient de ma part des développements plus étendus sur les circon-
stances qui ne sont pas rapportées dans la présente lettre, parce qu'ici je
me borne purement à réfuter la calomnie de Schindler, et à faire voir une
fois de plus cuiuvunt on écrit l histoire.
Veuillez agréer l'assurance de mes sentiments les plus distingués.
Le prince Nicolas Boris GALITZIN.
NOUVELLES.
%* Demain lundi, à l'Opéra, la 222e représentation des Huguenots. Ma-
thieu continuera ses débuts dans le rôle de Raoul.
*i* Lundi dernier la 127e représentation du Prophè'e avait attiré une
foule immense. La recette s'est élevée à plus de 9,600 fr. II n'y a que
des éloges à donner à l'exécution, qui a été magnifique.
%* Vendredi c'était la 333e représentation de Ikèert-k Diable. Ainsi,
comme on le voit, les trois chefs-d'œuvre marchent régulièrement, par
rang d'âge, et quel beau total que celui de ces trois chiffres réunis ! Ro-
bert-le-D:able, 333 ; Huguenots, 222 ; Prophète, 1 27 ; ensemble. 682. Robert-
le Diable n'avait pas exercé sur le public une attraction moins l'orteVjue le
278
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
Prophète, et il a fallu renvoyer beaucoup de monde. Gueymard, qui chan-
tait pour la troisième fois de la semaine, a dignement rempli le rôle du
prince normand. Comme chanteur et acteur, il gagne de jour en jour.
Mlle Emmy La Grua débutait dans ce charmant rôle d'Alice qui a fait la
fortune de tant cantatrices, à commencer par Mme Dorus et Mlle Falcon.
La nouvelle venue se rapproche plutôt de la seconde que de la première.
Si l'on peut lui reprocher quelque chose, c'est de donner au personnage
un caractère un peu trop viril, et de mettre une certaine emphase dans
sa déclamation et ses gestes. Du reste, Mlle La Grua porte à merveille le
costume de la fiancée de fiaimbaud ; elle a parfaitement réussi dans toutes
les parties dramatiques du rôle, et les précieuses qualités de sa voix y ont
produit tout leur effet Quand la première émotion sera passée, la jeune
artiste s'élèvera encore plus haut. Mme Laborde chantait le rôle d'Isa-
belle avec son talent ordinaire ; Depassio montrait, dans celui de Ber-
tram, toute la puissance de sa voix.
%* La Favorite a été donnée mercredi, devant un nombreux auditoire.
Mme Tedesco, dans le rôle de Léonor, a confirmé le brillant succès qu'elle
avait obtenu dès le premier jour.
*** Le répertoire varié de l'Opéra-Comique ne laisse pas languir la cu-
riosité. Parmi les spectacles qu'il a donnés cette semaine, celui qui se com-
posait de Giralda et du Toréador, deux opéras d'Adolphe Adam, n'était
pas le moins attractif. Actéon, Galàlhée et les Diux Jaket ont concouru à
en former d'autres, d'un effet certain.
*** Les répétitions de l'opéra de Reber, à l'Opéra-Comique, sont très-
avancées ; mais il est probable que la première représentation sera retar-
dée de quelques jours par suite d'un changement dans la distribution des
rôles. Mme Darcier sera définitivement chargée du rôle principal , qui, du
reste, a été écrit pour elle.
*„.* Les représentations gratuites données le samedi 14 août se sont fort
bien passées, à la satisfaction mutuelle du public et des artistes. Comme
sous l'Empire et sous la Restauration, les spectateurs y étaient admis
librement, sans autre condition que quelques heures d'attente à la porte
et un certain déploiement de force physique au moment de l'entrée. Au-
cun accident grave n'a'été signalé, et, comme autrefois, on a remarqué de
nombreuses preuves d'intelligence et de bon goût données par un audi-
toire beaucoup moins cultivé que celui qui siège ordinairement dans nos
grands théâtres.
%* Le Théâtre-Lyrique doit toujours faire sa réouverture dans les pre-
miers jours de septembre, par le grand ouvrage de MM. Dennery et Ad.
Adam, S* j'étais roi. On étudie en même temps la pièce en trois actes, à
quatre personnages et sans chœurs, dont la musique est de M. Varney, qui
nous quittera cet hiver pour aller diriger l'orchestre du théâtre de Gand.
Un ouvrage en un acte, de MM. de Leuven, Ch. Deslys et Gautier, Flore
et Zéphyrc, est aussi en répétition.
%* C'est M. Dietsch qui dirigeait lui-même la messe en musique et le
Te Deuoi composés par lui nour la cérémonie du 15 août, et exécutés dans
l'église de la Madeleine. L'orchestre était composé de soixante musiciens
et d'un nombre à peu près égal de choristes empruntés aux théâtres lyri-
ques et au Conservatoire. Les soli étaient chantés par MM. Guyemard, Cha-
puis, Morelli et Marié ; Mmes Poinsot et Laborde. MM. Potier , chef de
chant à l'Opéra, etElwart, professeur au Conservatoire, conduisaient
l'orchestre et les chœurs.
V A l'occasion de la fête du 15 août, MM. Pupeuty et Théodore Co-
gniard, acteurs dramatiques ; Verdi, compositeur; Joyant, peintre ; Paul
Dupont, imprimeur; Prévost, graveur, et Monpied, prote d'imprimerie,
ont été nommés chevaliers de la Légion d'honneur.
%* Parmi les divertissements du 15 août, on a généralement remarqué
le concert d'harmonie de la place de la Concorde, dirigé par M. Lan-
delle. M. Schlottmann y a été couvert d'applaudissements dans la belle
fantaisie sur des motifs du Chalet, qu'il a exécutée sur le trombone; mais
le morceau qui a produit l'impression la plus vive et soulevé les bravos
les plus énergiques, c'est, sans contredit, une fantaisie sur les Hugue-
nots, rendue par les seize artistes du Juif errant, armés de leurs énergi-
ques sax-tubas et qui ont produit à eux seuls plus d'effet qu'une légion
d'instrumentistes. Les sax-tubas n'ont pas obtenu moins de succès au
combat naval, dans lequel leurs puissantes fanfares luttaient sans désa-
vantage contre le canon et la fusillade ; enfin, le surlendemain, ils s'é-
taient transformés en instruments de danse, et remplissaient de leurs notes
brillantes la vaste enceinte de la salle de bal construite sur le marché des
Innocents. Dans cette même fête, Marx et son admirable orchestre se
distinguaient également.
%* A la revue du 15 août, on a regretté que, dans la nouvelle organisa-
tion de la garde nationale, la musique de la garde à cheval n'eût pas
été mieux traitée, et que ce corps brillant n'eût plus aujourd'hui à sa tête
que quelques trompettes. Clea est d'autant plus fâcheux que la musique de
la garde nationale à cheval était la seule de ce genre qui appartînt en
propre à la ville de Paris.
*„* En s'éloignant du théâtre, Duprez, notre grand artiste, n'a pas re-
noncé à ses habitudes de noble et ingénieuse bienfaisance. C'est dimanche
prochain, 29 août, qu'il donnera son grand concert annuel, vocal et in-
strumental, â l'Isle-Adam, au profit de» pauvres de l'Isle-Adam et de Val-
mondois. Il aura pour associés dans cette belle œuvre : MM. Gueymard ,
Chapuis, Morelli, Verroust; Mlles Poinsot, Félix Miolan et sa charmante
fille, Caroline Duprez. Voici, du reste, le programme de cette intéressante
solennité. — Première partie : 1. Quatuor du Comte Ory, de P.ossini, par
MM. Duprez, Gueymard, Chapuis et Morelli; 2. duo de Bélisario, de Doni-
nizetti, par MM. Duprez et Morelli; 3. duo du Maçon, d'Auber, par
Mlles Poinsot et C. Duprez ; 4. solo de hautbois, de Verroust, par le même ;
5. air d'Olello, de Rossini, par M. Chapuis; 6. air de Freischiilz, de Weber,
par Mlle Poinsot ; 7. duo de Joanita, de Duprez, par Mlles Miolan et Duprez.
— Seconde partie : 1. Duo de la Dame blanche, de Boïeldieu, par M. et
Mlle Duprez; 2. air de Gemma di Yergy, de Donizetti, par M. Morelli ;
3. morceau de hautbois, de Verroust, par le même; 4. air (YActèon, d'Au-
ber, par Mlle F. Miolan ; 5. la Nuit du bûcheron , de E. Boulanger, par
M. Gueymard ; 9. boléro de Joanita, de Duprez, par MlleC. Duprez ; 7. grand
trio bouffe, de Duprez, par MM. Duprez, Gueymard et Chapuis ; 8. roman-
ces, de Duprez, par Mlles F. Miolan et C. Duprez. — Le piano sera tenu par
M. Panseron. — Prix d'entrée : 5 fr. — Le concert commencera à deux
heures précises. — Un convoi spécial partira de l'Isle-Adam après le con-
cert. — On peut se procurer à l'avance des billets chez les dames patro-
nesses : A l'Isle-Adam , chez Mmes Duchaufour; à Valmondois, chez
Mmes de Provigny et Duprez; à Beaumont, chez Mme Meunier; à Coye
(Chantilly) chez Mme Andrianne; à Anvers, chez Mme Mény; à Royau-
mont, chez Mme Paul Berthier; àPontoise, chez Mme Camille d'Auribeau;
â Paris, chez M. Brandus, éditeur de musique, rue Richelieu, 103.
*.„* Une cantate ayant pour titre : Tout pour le peuph, a été exécutée le
15 août au théâtre de la Porte-Saint-Martin. Les paroles de cette œuvre,
dont le mérite a été généralement reconnu, sont de M. Méry et la musique
de M. deGroot, l'habile chef d'orchestre de ce théâtre. C'est un nouveau
titre pour lui que le succès de cette cantate, applaudie très-chaudement
par le public.
*** Aujourd'hui dimanche, il y aura concours d'orphéons et de musi-
ques militaires à Villeneuve-sur-Yonne, près de Sens.
*„.* Pour la solennité du 15 août, Liszt a fait exécuter à Weimar, dans
la chapelle catholique, et sous sa direction, une messe nouvellement écrite
par lui, et dont le style se distingue, dit-on, par un caractère de grandeur
et d'animation dramatique. Deux morceaux surtout, le Gloria et le Sanctus,
ont vivement impressionné l'assemblée, qui se composait de l'élite de la
société, les proportions de la chapelle ne permettant pas d'y admetire la
foule.
*„* Mme Cabel, la charmante cantatrice, vient de débuter à Lyon de la
manière la plus brillante dans le rôle de Coraline du Toréador. Toutes les
qualités qu'exige ce rôle ravissant, mais périlleux, Mme Cabel les réunit en
elle : finesse de diction, vocalisation parfaite, sûreté d'intonation, délica-
tesse de nuances. Les fameuses variations sur l'air Ah ! vous dirai-je ma-
mnn ont produit un effet irrésistible; le public en masse a manifesté son
enthousiasme par des bravos sans fin. Le succès de la cantatrice s'est con-
firmé dans le Barbier, Giralda. la Fille du régiment et les Mousquetaires de
la Reine.
*** Décidément Emile Prudent ne fera pas le voyage d'Amérique avec
Mme Sontag. C'est lui qui a refusé des propositions d'ailleurs extrêmement
brillantes, et nous croyons qu'il a bien fait pour lui comme pour nous.
%* Vivier a eu l'honneur de jouer devant le sultan, le 31 du mois der-
nier. Sa Hautesse a reçu l'artiste dans un immense salon, où elle est res-
tée seule avec lui de sept a neuf heures du soir. Vivier a joué quatre mor-
ceaux et des chasses. Le sultan a témoigné un vif plaisir et a curieusement
examiné l'instrument fabriqué par Sax. Sa musique avait ordre d'attendre
l'artiste au jardin et de lui jouer des airs européens à son arrivée et à son
départ. Pour ses adieux â Constantinople, Vivier donnera bientôt un con-
cert, et il se rendra à Athènes, où on le presse de venir.
*4* Le saxophone, dont nous avons eu plus d'une fois occasion d'entre-
tenir nos lecteurs, fait des progrès aussi éclatants que rapides. Jullien
vient d'engager, pour ses concerts de Londres, les deux plus habiles vir-
tuoses sur ce nouvel instrument : Soualle, de Paris, et Wuille, de Bruxelles.
Les Espagnols, qui aiment et recherchent les nouveaux effets en musique,
se passionnent à tel point pour cette belle invention due au génie de
Sax, que la plupart de leurs musiques sont déjà munies de trois ou quatre
saxophones dans différents tons, dont le timbre moelleux, vibrant et ex-
pressif ressort admirablement dans des solos habilement ménagés. Pour
ceux de nos lecteurs qui n'auraient pas encore entendu parler du saxo-
phone, — chose, au reste, peu vraisemblable, — nous dirons que cet
instrument est en cuivre, à clefs, avec une embouchure dans le genre de
la clarinette, et nous ajouterons que son doigter offrant une grande ana-
logie avec celui de la flûte, de la clarinette, du hautbois et du basson, un
artiste jouant de l'un de ces instruments n'a pas besoin de plus de huit
jours d'étude pour se familiariser avec lui.
*** Après la clôture du théâtre de Sa Majesté, à Londres, Mme La-
grange s'est rendue immédiatement à Paris; elle partira bientôt pour
l'Allemagne, où l'appelle un engagement.
%* Mme Charton-Demeur est aussi venue de Londres à Paris avant de
se rendre à Marseille.
*** Jenny Lind (Mme Otto Goldchmidt) et son mari sont à Paris en ce
moment.
*** Bordas est engagé au théâtre de la Nouvelle-Orléans; avant de s'y
rendre il compte passer quelque temps â Paris.
*** Le pianiste Gottschalk vient d'être nommé par la reine d'Espagne
chevalier de l'ordre royal d'Isabelle-la-Catholique.
*„* Nous avons dit que la musique d'un régiment de cuirassiers figurait
à Abbeville dans la fête d'inauguration de la statue de Lesueur : c'était
celle du 10e ; une médaille d'or lui a été décernée par le jury.
DE PARIS.
279
*„* La ville de Dieppe s'est trouvée un jour, en «'éveillant, toute surprise
d'être musicale, grâce a ses bains, à un orchestre de musiciens allemands
qui lui sont venus de Dusseldorf, et surtout grâce à Vieuxtemps et â
Mlle Graever, la charmante pianiste, qui a quitté Paris et ses élèves mo-
mentanément. Ces deux éiuinents artistes se sont fait entendre ensemble
et séparément avec un égal succès. Mlle Graever a dit un concerto de
Ilummel, avec accompagnement d'orchestre, de ce style classique, pur,
énergique et chaleureux qui caractérise son talent de première ligne. La
musique moderne, actuelle, a surtout en elle une séduisante propagatrice,
soit qu'elle exécute sur le clavier d'un de ces beaux pianos d'Krard qui
l'inspirent, la charmante Élude de violon de Georges Mathias, soit qu'elle
rhythme puissamment la Marche des Croates de Blumenthal, ou qu'elle
s'associe à VËloile de Charles Voss, qui semble (l'étoile bien entendu)
avoir filé du ciel pour enchanter la terre. Mlle Graever est tour à tour la
pianiste rétrospective, par la manière irréprochable avec laquelle elle in-
terprète les fugues de Sébastien Bach, et la pianiste du jour, en disant
dans leurs façons individuelles, les morceaux si difficiles et si brillants de
Prudent, Liszt et Thalberg.
*„* Un journal de musique vient de paraître à Rio Janeiro, sous le titre
de V Union musicale. 11 a pour fondateur un de nos compatriotes, J. S. Bril-
lant, qui dirigeait naguère à Paris une société chorale et l'école de chant
créée a Neuilly par l'ex-reine, Marie-Amélie. Le premier numéro du jour-
nal contient de curieux détails sur Mme Stoltz et sur les causes diverses
qui ont longtemps retardé son apparition. Parmi ces causes figurait la
juste crainte de la fièvre jaune, qui a frappé mortellement deux artistes,
Basadonna et Bianchi, à côté de la cantatrice, et pendant les répétitions
mêmes de la Favorite, sa pièce de début. 11 y avait de quoi effrayer les
plus intrépides. Cependant Mme Stoltz a triomphé d'un appréhension
toute naturelle, et son succès a été des plus éclatants. Après la Favorite,
elle a chanté le rôle d'Arsace dans Sémiramide.
*4* La littérature italienne a perdu récemment un de ses librettistes les
plus habiles et les plus féconds, Salvatore Cammarano. Dans le nombre
de ses ouvrages, on distingue Lucia di Lammermoor, Belisario, Pia dei
Tulomei, Roberlo Devenux, Maria di Rudenz, Poliuto, la Veslale, Saffo,
Luisa Miller.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
%* Londres, 19 août. — Le théâtre de Sa Majesté a terminé sa saison
de 1852. Ouvert le jeudi 1er avril , il a fermé le samedi 14 août. Les repré-
sentations ont été au nombre de 56, savoir : 45 soirées d'abonnement,
9 soirées extraordinaires et 2 bénéfices, ceux de Puzzi et de Balfe. Il n'y a
eu qu'une matinée, celle de Mme Puzzi. Le répertoire s'est composé des
opéras suivants : Il Barbiers, joué 9 fois; Otello, 1 fois; VllaUana, 2; Ce-
nereniola, 4 ; Don Giovanni, 1 ; Fiielio, 4 ; Maria di Rolian , 3; Lucia, 5 ;
Don Pasquale, 5; Norma , h; Sonnambula, 5; Puritani, 5; Ernani , 3 ; Ca-
silda, 2; en tout, 14 opéras et 7 compositeurs. On se rappelle les noms
des artistes qui ont chanté cette année, et dont les principaux étaient
Mmes Sophie Cruvelli, Lagrange, Ida Bertrand, Fiorcntini, Charton, d'An-
-ii; \l\l. l.aMache, Belletti , Gardoni , Calzolari , Bettini. Le programme
annonçait Mlle Johanna Wagner. M. I.umley. n'ayant pu la produire, par le
fait de M. Gye. directeur du théâtre de Covent-Garden , a formé contre ce
dernier une demande* en paiement de dommages intérêts qui] a évalués
lui-même à la somme de 30,000 liv. (750,000 fr.). — L'opéra de Jullien ,
Pietro il Grande, est enfin apparu mardi dernier au théâtre de Covent-
Garden. Le succès de cette première représentation in extremis ne sau-
rait avoir grande conséquence, puisque le théâtre va bientôt fermer. La
question restera donc indécise, et tout porto à croire que c'est ce qui
pouvait arriver de plus heureux à l'auteur de la partition.
*„* Bruxelles, 18 août. — Al. Hanssens s'étant démis de la direction des
théâtres royaux, le conseil communal a nommé en sa place M. Letellier,
qui a laissé, comme artiste, d'honorables souvenirs en cette ville.
*** Amsterdam: — Jacques Franco-Mendès, le célèbre violoncelliste et
compositeur, vient de faire exécuter sous sa direction, au Jardin-Fran-
çais, son premier quinlelto et son otteito pour des instruments à cordes,
ses trois ouvertures et sa seconde symphonie pour grand orchestre. Toutes
ces œuvres portent le cachet du maître, et sont accueillies par le public
avec enthousiasme; le virtuose lui-même est toujours aussi l'objet des
témoignages d'une vive sympathie.
*** Milan. — Verdi vient d'écrire deux opéras nouveaux pour la saison
d'autommo : /( Trovatore (le trouvère^, qui sera représenté à Rome le 2g
décembre prochain ; une autre partition, dont le titre n'est pas indiqué,
doit faire sa première apparition au théâtre de la Fenice.
Le gérant : Ernest DESCHAMPS.
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280
REVUE ET GAZETTE MUSICALE DE PARIS.
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ÎÉTHODES, ÉTUDES, CONCERTOS ET AIES VARIES-
. 15
E'fffSJES ET C:ABBKE€ES
POUR LE VIOLON.
Bsiillot. Douze caprices ou études
Bériut (Ch. de). Op. 0. Dix Etudes ou Capri-
ces, pour violon seul
— Op. 27. Six Etudesbrill.pourviolon seul
Les mêmes avec ace. de piano . . .
_ Op. 29. Trois caprices brillants, ou Etu-
des pour violon
— Op. 37. Trois Etudes caractéristiques
pour violon, avec ace. de piano. . . .
— Op. 63. Trois grandes Etudes pour deux
violons concertants
— Op. 75. Premier Guide du violoniste.
Etudes élémentaires en deux livres :
N° 1, contenant dix Etudes élémentai-
res, avec accompagnement d'un
second violon
N° 2, contenant dix Etudes de style en
forme de petits solos , avec ac-
compagnement de piano. . . .
Bolircr (Ant.). Dix-huit Caprices ou Etudes,
deuxième édition
Fiorillo. Op. 3. Trente- six Etudes ....
Jlaueneek aine. Trois Caprices pour le violon
avec accompagnement de basse . .
Kreutzer (R.). Quarante Etudes pour le vio-
lon , avec accompagnement ad libitum
d'un second violon concertant, par
Habeneck aîné, di visées en 2suites, cl).
I>ouis (N.). Op. 87. Vingt-quatre Etudes, avec
accompagnement d'un second violon.
SIay»e«ler. Op 29. Six Etudes
E°»D!(>n-.a H). Op. 30. Vingt-quatre Etudes
mélodiques et progressives . . .
'3'ron j.cnu- (J.). Caprices ou études. ... 12
comcEKir®»
POUR LE VIOLON.
SSailloi 1er concerto, avec ace. d'orchestre. 18
— 2' concerto, avec ace. d'orchestre ... 18
— Op. 7. 3° concerto, en fo majeur ... 12
— 4' concerto, avec ace d'orchestre . . 18
— Op. 18. 6" concerto, en la mineur. . . 12
Op. 21. T concerto eu re majeur ... 12
— Op. 22. 8e concerto en lit majeur. ... 12
— 9e concerto, avec ace. d'orchestre ... 18
ÏBéri .1 (Ch. de) Op. 26. 1" concerto, avec
accompagnement d'orchestre .... 24
Avec accompagnement de quatuor . . . 18
Avec accompagnement de piano .... 12
— Op. 32. 2' conceno, avec accompagne-
ment d'orchestre 3C
Avec accompagnement de quatuor ... 24
Avec accompagnement de piano . . . . 2t
Complet 4C
Op. 44. 3' concerto, avec ace. d'orchestre 3(
Avec accompagnement de quatuor . . . 21
Avec accompagnement de piano ... .21
Complet 4(
— Op. 66 4e concerto, avec accompagne-
ment d'orchestre 21
Avec accompagnement de quatuor. . . 1!
Avec accompagnement de piano . . . . 1!
Complet 3(
— Op. 55. 5- concerto, avec accompagne-
ment d'orchestre 21
Avec accompagnement de piano . . . . 1!
Complet 31
— Op. 10. 6" concerto, avec ace. de piano . V.
Le quatuor seul Il
L'orchestre seul 21
— Op. 73. 7e concerto, avec ace. de piano. Il
Le quatuor I1
L'orchestre 1;
Dritsl. Op. V3. Concerto 1!
Vieu.ilein.ps. Op. 10. Grand concerto dédié
au roi des Belges.
Le violon principal 1!
Avec accompagnement d'orchestre. . . 3
Avec accompagnement de quatuor. . . 2
Avec accompagnement de piano .... 2
Complet 5
Op. 8. 2e concerto, avec accompagne-
ment d'orchestre 1
Avec accompagnement de piano . . . . 1
Complet . . . -
— Op. 25. 3' grand concerto, dédié à Guil-
laume II, roi de Hollande.
Le violon principal seul 1
Avec accompagnement d'orchestre. . . 5
Avec accompagnement de quatuor ... 3
Avec accompagnement de piano .... 2
Complet 6
fitoliri-r. 4 concerto 1
Kreutzer. 5" concerto en la majeur . . . . 1
— 10e concerto en rt mineur 1
Krcu«zer. 11e concerto en ut majeur ... 12 »
— Op. 12. Grand concerto avec accompa-
gnement d'orchestre 15 »
Spolir. Op. 92. 2" concertino, avec accompa-
gnement d'orchestre 24 »
Avec accompagnement de quatuor. . . 18 »
Avec accompagnement de piano . ... 12 »
SONATES, AIRS VARIES ET FANTAISIES
POUR LE VIOLON.
Alard. Op. 20. Fantaisie de concert sur la
Favorite 0 h
Ariuïustiud. Op. 8. Fantaisiesur l'Absence,
de Félicien David 9 »
Artôt. Op. 19. Grande fantaisie sur Roberl-
le-Diable 9 »
maillot. Douze Caprices ou Études 12 »
— Op. 17. Thème varié, ace. de quatuor. 7 50
Avec ace. d'orchestre 15 »
— Op. 19. Je suis Lindor, air varié, avec
ace. de piano ou d'un second violon
ou basse 7 50
— Op. 20. Trois airs russes, avec ace. de
piano; 3 suites. Chaque 6 »
Avec ace. de trio ; 3 suites, (.haque. 6 »
— Op. 21. Andante à sourdine, avec ace.
de piano 5 »
— Op. 40. Adagio et rondo , avec ace.
de piano 7 60
Avec ace. de quatuor 12 »
Avec ace. d'orchestre 15 »
KérJot (C. de1. Op. 1. 1" air varié en ré mi-
neur, avec ace. de piano 7 50
— Op. 2. 2e air varié en ré majeur, avec
ace. de piano 7 50
— Op. 3. 3e air varié en mi, avec accom-
pagnement de piano 7 50
— Op. 5. 4e air varié, air montagnard en
si bémol, avec ace. de piano. ... 7 50
— Op. 7. 5e air varié en mi, avec accom-
pagnement de piano 7 50
— Op. 9. Dix Études ou Caprices .... 10 »
— Op. 12. 6e air varié en ta, avec accom-
pagnement de piano 7 50
— Op. 15. 7" air varié en mi, avec accom-
pagnement de piano 7 50
— Op. 30. Le Trémolo, caprice, avec ac-
compagnement de piano 7 50
Avec ace. d'orchestre 15 »
— Op. 32. Andante et rondo russe, extrait
du 2 concerto, avec accompagne-
ment d'orchestre 24 »
Avec ace. de quatuor 18 »
Avec ace. de piano 15 »
Complet 30 »
— Op. 42. 8e air varié en ré, avec accom-
pagnementde piano. ...... 7 50
— Op. 52. 9e air var é en ré, avec accom-
pagnement de piano 9 »
— Op. 69. 10e air varié, avec accompagne-
ment de piano 9 *
— Op. 76. 11" air varié, avec ace. de piano 9 »
N. B. L'orchestre seul de chaque air varié . . 7 50
ËnisC.Op. 5. Trois rondinos av. ace. depiano:
N" 1. tiathalie 7 50
2. Lu Tentation 7 50
3. A'. berl-lc- Diable 7 50
— Op. 6. Introduction et variations brill.
sur Ludovic, ncc. de quatuor. ... 12 >>
Avec ace. de piano 7 50
— Op. 11. Fantaisie bnllante sur la mar-
che à'Olello, avec ace. de piano. . . 9 «
Avec ace. d'orchestre 18 «
— Op. 19. Le Carnaval de Venise, 25 va-
riât, burl. ace. de quatuor et depiano. 9 »
— Op. 20. Variations sur le Pirate, avec
ace. de piano ou de quatuor .... 9 »
Avec ace. d'orchestre 18 »
— Deuxmorccauxdesalonav.acc. depiano:
N° 1. Àdatjiosentimei.tal. ... 6 »
2. Rondin o qrazioso 6 »
— Feuillet d'Album, étude de Heller, trans-
crite pour violm avec ace. de piano.. 6 50
— La Romanesca, ancien air de danse,
avec ace. de piano on de quatuor . . 4 50
— Op. 21. Rondo Scherzo à la papageno . 9 »
— Op. 24. Fantaisie brillante sur le Pro-
phète, avec ace. de piano. . . . 9 »
L'orchestre seul 9 »
8«lijs. Op. 26. Sixième air varié, avec acc. de
piano 7 50
— Op. 36. Le Mouvement perpétuel ... 9 »
— Op. 37. Triste pensée et délire .... 7 50
CbÏbjs et Paganini. Le Carnaval de Venise,
précédé d'un adagio appassionato. . 7 50
L'accompagnement de quatuor . . 4 50
ISanmann Op. 10. Fantaisie sur Guido et
Gmevra
— Op. 7. Grandes variations sur la tyro-
lienne de la Fiancée, avec accompa-
gnement de piano
Kreutzer (R.). Nil cor jiit non mi sento,
varié, avec acc. de piano
Avec acc. de quatuor
ILr.foni. Minuit, grand fant. sur le Domino
noir, avec acc de piano
— Deuxième fantaisie sur la prière du Do-
mino voit, avec acc. de piano . . .
— Grande fantaisie sur les motifs de la
Muette de Portici, avec acc. d'orch.
Avec acc. de piano
fljufv>iit. Op. 35. Grande fantaisie et varia-
tions sur un thème original, avec ac-
compagnement de piano
— Op. 36. Variations brillantes sur la
valse d'Alexandra
B>e Cieux. Op. 8. Fantaisie pour piano et
violon, sur le Duc it'Olonne ....
ILipiusky. Op. 2S. Réminiscence des Puri-
tains, grande faut., avec acc. depiano.
3*anoi'lka. Op. 8. Fantaisie sur Cosimo, avec
accompagnement de piano
— Op. 9. Morceau de salon ; notturno et
rondo grazioso, snrV Eclair, av. piano
— Op. 11. Souvenir des Huguenots, noc-
turne et variations brillantes avec acc.
de piano
— Op. 14. Air tyrolien va-ié, avec acc. de
piano
— Op. 21. Fantaisie brillante sur la ro-
mance de Guido et Ginevra, avec ac-
compagnement de piano
— Op. 24. Adagio sentimental, suivi d'un
boléro
— Op. 28. Divertissement brillant sur des
motifs de la Juive, avec acc de piano
— Op. 31. Divertissement sur des motifs de
la Favorite, avec acc. de piano. . .
— Op. 32. Deux nocturnes sur le Guilar-
rero, avec acc. de piano
— Op. 35. Grand nocturne brillant sur la
Reine de Chypre, avec acc. de piano
— Op. 39. Grande scène dramatique, avec
acc. de piano
— Op. 40. Valse de bravoure, avec acc. de
piano
— Op. 50. Nocturne et rondo militaire sur
le Val d'Andorre, avec acc. de piano
— Op. 56. Grand rondo de concert, avec
acc. de piano
Vicniteni|t«. Air varié sur le Pirate, avec
acc de piano
— Op. 7. Romances sans paroles, avec acc.
de piano, 2 suites, chaque
— Op. 9. Hommage à Paganini, caprice sur
des thèmes de Paganini, av. acc. d'orch.
Avec acc. depiano
— Op. 11. Fantaisie-caprice, acc. d'orch.
Avec acc. de piano
— Op. 15. Les Arpèges, caprice, avec acc.
de violoncelle obligé et d'oréhestre. .
— Les Arpèges, caprice, acc. de piano. .
— Op. 16. Six études de concert avec acc.
de piano, 2 suites, chaque
Les mêmes pour violon seul, ensemble .
— Op. 17. Souvenir d'Amérique, air varié
sur l'air américain Yankee doodle
Avec acc. de piano.
— de quatuor
— Op. 18. La K'onna, fantaisie sur la
4' corde avec acc. d'orchestre. . . .
Avec acc. de piano
— Op. 21. Souvenirs de Russie, fantaisie,
avec acc. d'orchestre
— avec acc. de piano
— Op. 22. 1" morceau de salon, air varié
avec acc. de piano
— 2' morceau de salon, air varié avec acc.
de piano
— 3e morceau de salon, rêverie, adagio
avec acc. de piano
— 4" morceau de salon, Souvenirs du Bos-
phore, avec acc. de piano
— 5' morceau de salon, Tarentelle avec
acc. de piano
— Op . 27. Gr. fant. sur des thèmes slaves :
la partie principale de violon . . . .
Avec acc. d'orchestre
— de piano
complet
— Op. 29 Introd. et rondo av. acc. de piano
L'orchestre
7 50
7 50
7 50
9 »
7 50
6 »
9 ii
C »
7 50
15 »
7 50
20 »
BUREAUX A PARIS : BOULEVART DES ITALIENS, 1.
19e Année.
l'nhonnc dnriR les Départements et n l'Êtrangi
lez tou* 1rs MttrL'h'inUs ili- Musique, les I.ibruir
aux Uureuux dos Messageries it des poste*.
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rue du Caret.
nève, ht pnrn Chez M. 1M. de io FlOChlûrO,
N° 35.
lillct.
«-lie
! des
Wesselet t>, 220, llegeut streot.
Belizard.
Scharfenberg et Luis.
Union artislico-musieale.
Schlesingor, 34, u.d.Linden.
Bote et Dock, 42, Juegerstr.
Sassetti.
REVUE
29 Août 1852.
Prix de rihoiiiKinenl i
Départements) Belgique et Suisse 30
Étranger 34
Le Journal pnrolt le Dimanche.
GAZETTE MUSICALE
SOMMAIRE. — Du développement futur de la musique dans le domaine du
rliythme ( 1" article), par IFétis père. — Deux cérémonies religieuses, par
livnri Blnncharfl. — Littérature musicale : Dictionnaire des beaux-arts. —
Morceaux choisis de Catulle, Gallus, Properce, etc., traduits en vers. — Nouvelles
et annonces.
DU DEVELOPPEMENT FUTUR DE LÀ MUSIQUE
Dans le doni:eiiie du rhytliine.
(1er article.)
L'art s'est tant élevé par les travaux de quelques grands artistes,
qu'en quelque genre que ce soit, il paraît maintenant difficile d'atteindre
à son sommet. Il semble que toutes les formes soient épuisées, que
toute création vraiment idéale soit devenue à peu près impossible, et
qu'il n'y ait plus de ressource pour l'avenir que dans la restauration du
passé, dans des combinaisons éclectiques et dans le domaine de l'art
historique. Tout jeune compositeur commence, sinon par imiter servi-
lement le style de quelqu'un des grands maîtres, au moins par subir
l'influence de celui pour lequel il éprouve une sympathie plus éner-
gique; mais après les premiers essais, l'artiste bien organisé arrive à
la conviction que l'originalité seule est destinée à vivre dans l'avenir
et à devenir modèle à son tour. Or, l'originalité se caractérise dans la
musique tantôt par l'abondance des idées mélodiques, tantôt par l'ex-
pression sentimentale ou dramatique, ou bien par la vérité de l'accent
scénique, ou encore par une forte conception qui, d'un sujet simple,
sait tirer de vastes développements et parvient par degrés à la plus
grande puissance de l'effet ; ou aussi par le génie de l'harmonie et la
nouveaulé des modulations, par le coloris de l'instrumentation, ou en-
fin, par des rhythmes inusités. Le génie est d'autant plus élevé, l'ar-
tiste est d'autant plus grand, que ces qualités sont plus saillantes et en
plus grand nombre dans ses œuvres. C'est pour cela que Mozart est,
de toute évidence, le plus éminent des compositeurs ; car il est à la
fois le mélodiste le plus riche et le plus varié, l'harmoniste le plus
hardi et le plus émouvant, le créateur inépuisable de modulations aussi
suaves qu'inattendues, le rénovateur de toutes les formes et de toutes
les nuances du coloris instrumental. C'est lui qui a porté l'expression
dramatique, la grâce, la force, l'élégance et la justesse de l'accent à
leur plus haute puissance dans Don Juan, Idoménée, les Noces de Fi-
garo, la Flûte enchantée et la Clémence de Titus; c'est lui qui a donné
le modèle de tous les développements de l'opéra moderne ; c'est lui
qui, au point de vue de l'expression sentimentale, a atteint la plus
grande perfection de la musique d'église dans quelques morceaux de la
messe de Requiem et dans Y Ave verum ; c'est lui qui le premier a mis
le drame passionné dans la musique instrumentale, et s'est élevé aux
plus hautes régions de l'idéal dans la symphonie en sol mineur, dans
ses quintettes de violon, dans le quatuor en sol mineur pour piano,
et dans le quintette pour piano et instruments à vent. Il est le créa-
teur de la musique de piano à quatre mains, et l'a portée à une
perfection non encore égalée, dans les sonates en fa et en ut, et dans
la fantaisie en fa mineur. Avant lui, on ne connaissait rien qui pût être
mis en comparaison avec ses concertos de piano en ut mineur et en
ré mineur, chefs-d'œuvre de pensée, de sentiment, de forme et de
facture; avant lui, enfin, rien n'avait été imaginé qui pût soutenir le
parallèle avec la grandeur du style de l'ouverture de la Flûte enchantée.
Et remarquez que chez Mozart le goût égale le génie, en dépit de l'an-
tipathie qui, suivant les cerveaux brûlés et les grimaciers d'inspiration,
existerait entre ces facultés. Dans ses productions, il y a en toute chose
tout ce qu'il faut, rien que ce qu'il faut. Sa pensée se développe dans
toutes ses conséquences, et jamais ne tombe dans la divagation ; la
hardiesse de sa conception est toujours accompagnée de la raison, et
ses épisodes les plus inattendus sont toujours le fruit d'une inspiration
simple, jamais celui d'une recherche péniblement élaborée. De là vient
que ses traits les plus hardis ne se présentent pas à l'état de problèmes
dont il faut chercher la solution, mais saisissent l'auditoire parleur
merveilleuse lucidité. Mozart étend autant qu'il est possible le domaine
de son art, mais n'en sort jamais pour se jeter dans celui de la con-
ception métaphysique. Il est l'artiste par excellence, l'artiste à sa plus
haute expression ; mais il ne veut pas être autre chose.
Mais de ce qu'il y a eu un homme doué de toutes les qualités néces-
saires pour réaliser en tout la perfection , il ne s'ensuit pas que l'art
soit épuisé ; car, ainsi que je l'ai dit tout à l'heure, l'originalité se ma-
nifeste dans divers ordres d'éléments et d'idées. L'imagination entrant
en exercice et s'exaltant dans certaines conditions, à l'exclusion des
autres, peut conduire le compositeur jusqu'au sublime dans le genre
qu'il adopte ou pour lequel il est né , dussent même ses inspirations
n'être pas exemptes de défauts considérables. Ainsi , me bornant à
quelques exemples postérieurs à Mozart , je dirai que Beethoven , bien
qu'il n'ait pas eu l'abondance mélodique de son premier modèle , bien
que ses inspirations laissent souvent apercevoir le travail , tandis que
celles de son prédécesseur sont toujours spontanées ; bien qu'il n'ait
ni son universalité, ni son inépuisable variété ; bien qu'il soit plus véhé-
ment que passionné; enfin, bien que le goût ne le dirige pas toujours
et qu'il n'ait pas su, comme Mozart, contenir sa 'pensée dans de justes
limites et dire beaucoup en peu de phrases, Beethoven, par le génie de
la grandeur que Dieu avait mis en lui, par la hardiesse de ses détermi-
nations, par son art admirable de présenter le sujet principal sous
mille formes toujours originales, par l'inattendu de ses épisodes , par
la plénitude harmonieuse de son instrumentation, et pour tout dire, en
282
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
un mot, par le caractère éminemment poétique de ses œuvres , est un
colosse parmi les compositeurs. Son génie est spécial : c'est celui de
la musique instrumentale. Dans d'autres genres, bien qu'il ait trouvé
quelquefois de grandes beautés, il est inférieur à lui-même et l'est sur-
tout à Mozart, car il reste toujours le poëte de la musique d'instruments.
C'est le style propre de cette musique qui brille dans tout ce qu'il fait.
Il est même permis de dire que les développements de sa pensée appar-
tiennent particulièrement au talent de la symphonie : ses sonates de
piano, ses trios, ses concertos pour cet instrument, sont des sympho-
nies véritables ; c'est aussi l'inspiration symphonique qu'on retrouve
dans Fidelio, et quand ce n'est pas cela , l'œuvre est faible, comme le
Christ au mont des Oliviers.
Rossini, comme Mozart, a le génie éminemment mélodique ; mais il
y a entre eux cette différence, que la mélodie de Mozart est toujours
caractéristique du sentiment à exprimer, tandis que celle de Rossini ,
moins déterminée quant à l'expression, a pour objet spécial la produc-
tion de l'effet, soit par les occasions de briller qu'elle offre rmx chan-
teurs, soit par la vivacité de ses rhytbmes. Rossini connaissait bien le
goût de la nation pour laquelle il écrivait : il voulait lui plaire et réussir.
Les défauts de formules qui lui ont été reprochés n'ont pas d'autre
cause. Mais, bien qu'il sacrifie parfois l'intérêt de la scène à l'effet d'en-
traînement, nul n'a su mieux que lui ou plutôt aussi bien saisir la cou-
leur locale de son sujet, pris dans l'ensemble. On peut s'en convaincre
en considérant l'esprit et la verve du Barbier de Séville, le je ne sais
quoi de fatal et de poignant répandu dans YOtello, la mélancolie et
l'énergie écossaise de la Donna del lago, le parfum asiatique de Sémi-
ramis, et surtout le caractère naïf et montagnard de la Suisse du moyen-
âge, dans Guillaume Tell. Cette faculté de varier le caractère de la
composition à raison du sujet, de n'épuiser jamais la source de mélo-
dies analogues à cette diversité, et de colorer chaque ouvrage par des
nuances bien tranchées d'harmonie et d'instrumentation ; cette faculté,
dis-je, est le trait saillant du talent de Rossini. Mozart, comme je l'ai
dit, l'avait possédée au plus haut degré, dans des conditions différentes;
mais ce grand homme n'a eu dans aucune de ses compositions la gaîté
irrésistible qui brille dans quelques opéras bouffes du maître italien ;
par exemple, dans l'Italienne à Alger et dans le Turc en Italie. Ne
demandez point à celui-ci les savantes combinaisons par lesquelles un
thème unique peut être présenté sous cent formes différentes : son in-
stinct s'y refuse, et d'ailleurs il sait que le public des théâtres est peu
sensible à ce genre de beautés ; mais soyez certain que son imagination
facile trouvera tout d'abord l'effet qu'il faut produire pour décider le
succès. Quels que soient donc les reproches qu'a pu lui faire la critique
éclairée, Rossini n'en est pas moins un des plus grands musiciens du
xixe siècle.
Dans les ouvrages de Meyerbeer , c'est aussi la faculté dramatique
qui brille d'un vif éclat , mais par des qualités spéciales toutes diffé-
rentes. Ce compositeur entre plus profondément qu'aucun autre dans
une situation forte, et parvient, dans un moment donné de cette situa-
tion, à un développement de puissance dont personne avant lui n'avait
trouvé le secret. Ce qui est antipathique à Rossini, c'est-à-dire le déve-
loppement d'une phrase principale par tout ce qui peut en augmenter
l'effet jusqu'à sa plus forte expression, est précisément le triomphe du
talent de Meyerbeer. C'est pour le point culminant de l'ouvrage, sous
le rapport de l'impression dramatique, que se réservent toutes les res-
sources du génie de l'artiste. Jusque-là, il semble qu'il dédaigne les
scènes secondaires qui préparent la situation , et qu'il ne veuille
faire remarquer son œuvre que par son immense habileté dans les dé-
tails ; mais vienne enfin le moment critique, alors toutes ses facultés
se déploient et frappent l'auditoire par des commotions redoublées.
C'est ainsi que Meyerbeer étale sa puissance dans la seconde partie du
troisième acte et dans le cinquième de Roberl-le-Diable, dans le qua-
trième des Huguenots, et dans le quatrième du Prophète. Abandonné à
lui-même, et puisant toutes ses ressources dans son art infini de dé-
velopper une simple phrase et de la conduire jusqu'aux proportions les
plus colossales , il peut enfanter de véritables poëmes , comme dans
l'ouverture, dans les entr'actes et dans les fragments mélodramatiques
de St?-uensée. Voilà donc deux grands artistes, Meyerbeer et Rossini,
qui, dans des voies opposées, parviennent au résultat définitif de la
musique dramatique, le premier par la force, l'autre par le charme.
Ces deux détermaintions si différentes épuisent-elles le domaine de
l'opéra? Non, certes ; en voici d'autres qui ont aussi leur valeur et aux-
quelles on pourrait encore en ajouter beaucoup. Tel compositeur se
fait remarquer par ses inspirations simples et naïves ; tel autre, parla
vérité d'accent et par l'esprit de la scène. Les artistes de l'école fran-
çaise se distinguent surtout par ce dernier genre de mérite, inséparable
du génie mélodique. A leur tête se placent, dans le xix° siècle, Boïel-
dieu, Hérold, Auber et Halévy. Chacun de ces maîtres se fait remarquer
par des nuances particulières qui caractérisent la spécialité de son ta-
lent. Boïeldieu ne s'élève pas aux grandes proportions ; le pathétique
n'est pas son genre ; son harmonie manque de hardiesse, et sa modu-
lation est un peu uniforme; mais il y a tant de séduction, tant de
grâce, tant d'élégance dans sa mélodie , tant de finesse et de tact dans
la manière dont il la fait accompagner par l'orchestre ; son goût est si
pur dans les détails , son instinct si vrai, si spirituel dans le choix de
l'accent destiné à l'expression du sentiment et de la parole, que la
France le considère avec raison comme un de ses plus grands artis-
tes, et que la plupart de ses ouvrages conserveront toujours leur
fraîcheur. Plus hardi que Boïeldieu ; doué d'un sentiment plus énergi-
que et plus profond ; moins fin, moins châtié, Hérold possède aussi l'es-
prit de la scène et produit presque toujours avec bonheur l'effet qu'il se
propose ; mais il est plus pathétique que gracieux, plus sentimental
qu'élégant. Hérold s'est cherché longtemps et a essayé de pousser son
talent dans diverses directions ; mais à voir les progrès de son style
vers la fin de sa carrière, dans Marie, le Muletier, Zanipa et le Pré-
aux-Clercs, il est permis de croire que s'il ne fût mort à la fleur de
l'âge, son talent d'expression mélancolique se fût caractérisé de plus
en plus, et fût devenu un type en son genre. Auber a sur lui l'avantage
de l'originalité plus nettement accusée , car il est à peu près impossible
de méconnaître sa manière. L'instinct de la scène, la vérité d'accent et
de diction, sont les caractères principaux de son talent. Ses ouvrages
renferment un grand nombre de morceaux qu'on peut citer comme ex-
cellents sous ce rapport ; par exemple, deux duos du premier acte de
Leicesler, un trio du troisième acte de la Neige, presque tout le Ma-
çon, la plus grande partie de la Muette de Portici, presque tout le Philtre,
plusieurs scènes de Fra Diavolo, du Domino noir, delà Part du Dia-
ble, un admirable duo placé dans la Marquise de Brinvil tiers, et beau-
coup d'autres choses. Plus spirituel que tendre, Auber brille surtout
par le trait et par la vivacité du style. On peut dire à cet égard qu'il
est le musicien nécessaire de son poëte, M. Scribe. Son harmonie a de
la distinction; son instrumentation, du brillant. Dans l'analyse musi-
cale que j'ai récemment donnée de la partition du Juif errant, j'ai assez
mis en relief les grandes et rares qualités qui distinguent l'inspiration
d'Halévy et les immenses ressources que lui fournit la profonde con-
naissance de son art, pour que je me croie dispensé d'y revenir aujour-
d'hui.
On le voit, l'originalité se caractérise d'une manière bien différente
dans les œuvres des artistes que je viens de nommer; elle pourra
prendre encore beaucoup d'autres formes. Le jeune artiste ne doit
donc pas croire que la faculté de création soit épuisée dans l'art, ni
qu'elle puisse s'épuiser jamais. J'entends dire souvent aux composi-
teurs qui en sont encore aux essais de leur talent : On ne sait plus que
faire pour intéresser le public ! Ces pauvres jeunes gens ne savent pas
que lorsqu'on en est là, l'imagination manque, et que sans elle il n'y a
point d'art, point de succès, point de présent, et surtout point d'avenir
possibles. Ils se sont persuadés qu'on fait de l'art par des moyens quel-
conques ; à cet égard il y a dans leur esprit une confusion qu'il me pa-
raît nécessaire de dissiper.
Il n'y a pas de procédés qui puissent remplacer le génie, c'est-à-dire
DE PARIS.
283
la faculté do créer l'inconnu dans le beau. Si l'âme de l'artiste n'est
peint émue dans l'enfantement de son œuvre, celle-ci ne fera pas naître
l'émotion. L'imagination et le sentiment, voilà donc les conditions né-
cessaires. Mais l'imagination entre en exercice dans un certain ordre
d'idées, et produit à l'aide de certains éléments dont elle dispose; c'est
ce qu'il ne faut pas confondre avec les procédés d'art par lesquels on
reproduit ce que l'imagination a déjà fait, procédés qui ne peuvent
donner pour résultat que l'imitation, c'est-à-dire des œuvres sans
valeur.
Je viens de dire que l'imagination entre en exercice dans un ordre
déterminé d'idées, et qu'elle produit à l'aide de certains éléments dont
elle dispose; il est nécessaire que j'explique ceci, car dans cette inat-
taquable vérité est contenu le secret des transformations de l'art. Or, si
nous considérons l'harmonie, par exemple, nous verrons qu'après l'in-
troduction des accords dissonants naturels dans la musique, les com-
positeurs furent en possession de l'accent expressif et passionné, de la
modulation et de la cadence des phrases, qui n'existaient pas aupara-
vant. Il y avait dans ces choses tout un monde nouveau d'idées et
d'éléments d'effets dans lequel les imaginations s'exercèrent. La créa-
tion de la mélodie en prit un caractère absolument différent de celui
qu'elle avait avant cette importante découverte, et le style dramatique
ne commença que dès cette époque. Timides d'abord dans la formation
de ce style, parce qu'ils en ignoraient la portée et les ressources, les
compositeurs s'y enhardirent par degrés, et des hommes de génie, tels
que Scarlatti, Lulli, Keyser, Pergolèse, Rameau, Haendel, Jomelli,
Gluck, Piccinni, Sacchini, Monsigny et Grélry, y appliquant leurs facul-
tés personnelles, produisirent autant de types originaux dont chacun a
une signification très-différente des autres. Pendant que l'art se déve-
loppait ainsi dans une grande variété de sentiments et de formes, la
musique instrumentale, née du même principe, avançait plus lente-
ment, parce que, trop attachés à certaines formes primitives et conven-
tionnelles, les compositeurs n'avaient pas encore compris la force poé-
tique dont elle est susceptible. Jean-Sébastien Rach et Haendel furent
les premiers qui s'avancèrent dans ce domaine idéal de l'art. Plus
hardi, plus indépendant des anciennes formes, Charles-Philippe-Emma-
nuel Bach créa la sonate dramatique ; Haydn le suivit dans cette voie,
et fit pour la symphonie ce que le maître avait fait pour la sonate
Quant à l'instrumentation proprement dite de l'opéra, elle n'existait pas-
L'orchestre ne faisait entendre que des ritournelles et l'accompagne-
ment du chant. Jean-Sébastien Rach, doué d'un immense génie de
combinaison et d'un profond sentiment de l'art, avait seul compris
ce que peut être l'intérêt de l'instrumentation réuni à celui de la partie
vocale ; mais ses grandes et sublimes compositions, dont l'existence fut
ignorée pendant près d'un siècle, n'exercèrent pas d'influence sur le
développement de la musique dramatique. D'ailleurs, il n'écrivit pas
pour la scène. Gluck eut aussi le sentiment de l'effet de l'instrumenta-
tion dans l'accompagnement du chant ; mais ce fut plutôt par de
simples accents, par des notes de hautbois, de basson ou de cor jetées
çà et là avec un sentiment exquis, que par des formes saillantes, qu'il
fit distinguer l'effet de son orchestre de celui de ses prédécesseurs.
Tel était l'état de l'art lorsque Mozart écrivit son Idomenco , en
1780. Ce qu'il y a de prodigieux dans cette œuvre n'a peut-être pas été
compris jusqu'à cette heure, parce qu'on n'a pas vu que c'est une trans-
formation de la musique pour laquelle le compositeur a créé de nou-
veaux éléments et un nouvel ordre d'idées. Tous les compositeurs des
époques antérieures ont écrit dans les conditions de l'harmonie disso-
nante naturelle, à laquelle on avait ajouté seulement les substitutions
du mode mineur, depuis le commencement du xvnr siècle. Toutes les
résolutions de dissonances étaient uniformes et prévues ; toutes les ca-
dences étaient tonales, c'est-à-dire ou finales ou rompues ; enfin ,
toute modulation se faisait par le passage de l'accord consonnant d'un
ton à l'accord consonnant d'un autre ton , ou par l'accord dissonant
du ton nouveau qui, seul, constitue la transition naturelle. L'altération
ne se pratiquait que dans l'harmonie de sixte du sixième degré du mode
mineur, et sa résolution se faisait toujours sur l'accord parfait de la
dominante. Par une inspiration toute instinctive, Mozart comprit que
toute note qui fait un mouvement ascendant ou descendant , dans les
successions d'accords, peut être altérée, soit isolément , soit collecti-
vement , et que ces altérations constituent autant d'accents expressifs.
De plus, il vit que les notes altérées des accords dissonants naturels ou
substitués sont susceptibles de résolutions diverses, d'où résulte l'évi-
tation de cadence et les modulations inattendues. Enfin , le génie du
grand artiste lui fit apercevoir dans ces phénomènes harmoniques la
possibilité d'indiquer une modulation dans l'accompagnement d'une
mélodie, tandis que celle-ci poursuit sa période dans le ton primitif ,
et de tromper l'oreille par le retour de l'harmonie dans ce ton , au lieu
d'accomplir la modulation pressentie. Ces choses étaient l'ouverture
d'un champ immense à des idées nouvelles, à des effets auparavant
inconnus. Mozart n'en fit pas une formule ; mais il en usa en son temps,
avec ce goût fin et sûr qu'il portait en toute chose, dans trois morceaux
de YIdoménée, dans le grand duo du premier acte de Don Juan et
dans le sextuor du second acte; dans Yadagio en fa d'un quatuor de
l'œuvre dixième, dans le sublime quintette en sol mineur, dans la
symphonie du même ton, et en quelques autres endroits.
Son inépuisable imagination ne s'arrêta pas là ; car ce fut dans YIdo-
ménêe qu'il créa l'instrumentation moderne de la musique dramatique,
en ce sens qu'il lui donna une signification propre, au lieu de la laisser
dans les formes du simple accompagnement. Dès lors, la composition
de la musique de ce genre devint complexe, de simple qu'elle était, et
l'on peut dire qu'en ce sens le grand homme fut l'inventeur de la mu-
sique transcendante. C'est aussi dans cet ouvrage qu'il fit intervenir le
chœur d'une manière nouvelle dans les morceaux d'ensemhle et dans
les airs, par des harmonies émouvantes, inattendues. Ce fut enfin lui
qui, en plusieurs endroits de Yldoménée, et plus tard dans presque tous
ses grands ouvrages, fit connaître l'heureux emploi des oppositions de
sonorité dans les combinaisons d'instruments. De toutes ces choses
sont venues la transformation- de l'art et la création des éléments de
toute la musique jusqu'à l'époque actuelle. Le génie des plus grands
artistes, de Cherubini, de Méhul, de Beethoven, de Rossini, de Weber,
de Meyerbeer, de tous ceux enfin qui se sont fait une renommée posté-
rieurement à Mozart, s'est développé dans ces conditions, et l'on n'y
a rien ajouté, sauf l'emploi de nouveaux instruments et le crescendo du
bruit. Ce n'est pas à dire que ces éléments aient été des moyens certains
offerts aux artistes célèbres pour faire de belle musique, car beaucoup
d'autres s'en sont servis sans sortir de la médiocrité et sans échapper
au naufrage du temps. Ce n'est pas à dire non plus qu'en l'absence de
ces éléments, les grands musiciens des temps antérieurs aient été pri-
vés de ressources suffisantes pour le développement actif de leur talent,
ni qu'au point de vue poétique, idéal , au point de vue de l'art véri-
table enfin , leurs ouvrages soient inférieurs à ceux de leurs illustres
successeurs. Alexandre Scarlatti , Marcello , Haendel , Jean-Sébastien
Bach, Gluck, Haydn , dans la première partie de sa carrière, n'en sont
pas moins des colosses de talent, pour avoir exercé leur imagination
dans un autre ordre d'éléments, et leurs productions ne perdent rien
de leur valeur pour représenter d'autres directions de l'art que celles
de la musique postérieure. J'insiste sur ce point, parce que beaucoup
de jeunes artistes se persuadent que l'art est en progrès parce qu'ils
voient inventer de nouveaux agents de sonorité, de nouvelles combi-
naisons, de nouvelles formules d'effet ; il est nécessaire qu'ils se pénè-
trent de cette vérité, qu'une seule chose vaut, à savoir, le génie qui
met en œuvre les éléments dont il dispose.
Lorsque, continuant et complétant par la méditation et l'analyse
toutes les conséquences de l'altération des intervalles des accords, dans
la troisième partie de mon Traité de l'harmonie, j'ai ouvert aux com-
positeurs de nouvelles routes de modulations multiples et inattendues
qu'on n'a pas connues auparavant , je n'ai pas fait faire de progrès à
la musique ; j'ai offert seulement au talent vrai de nouveaux faits har-
moniques dans lesquels son action pourra se développer pour produire
284
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
le beau. Il en sera de même lorsque je publierai mon Traité des voix
et des instruments, où l'on trouvera de nouvelles formes d'organisation
du chœur et de l'instrumentation. Enfin , il en sera de même encore
quand on verra paraître prochainement mon livre Sur la mélodie et le
rhythme. Le rhythme ! c'est tout un monde inconnu dont j'indiquerai
la route ; mais il faudra le génie pour y pénétrer et le gouverner. J'ai
entrepris ce travail , dont cet article est l'introduction , pour fixer l'at-
tention des artistes sur cet objet important, et pour en expliquer som-
mairement les conséquences dans la transformation de l'art qui en sera
le produit.
FÉTIS père.
DEUX CEREMONIES RELIGIEUSES.
Deux solennités religieuses ont eu lieu à peu de distance l'une de
l'autre, la première à Saint-Roch, et la seconde dans une nouvelle
église située rue de Calais, sous l'invocation de la Trinité.
Dans toute la France on construit de nouvelles basiliques , on res-
taure les anciennes : il n'y a que la musique religieuse en style sacré,
classique, qu'on ne restaure pas. Le clergé, très-inintelligent à l'en-
droit de cette belle partie de l'art musical, s'en tient toujours au
plain-chant, ou se montre progressif à la façon du père Lambillote, qui
allie volontiers, pour célébrer la divinité, le gai pont-neuf à la mélodie
surannée en style de nos vieilles romances françaises.
Dimanche passé, jour de la fête patronale de Saint-Roch, on a exé-
cuté dans cette église une messe de M. Vervoitte, maître de chapelle
de la cathédrale de Rouen. Cette composition fait honneur au savoir et
au sentiment mélodique de ce jeune maître ; il a su se tenir à l'abri de
la sécheresse du style trop classique, sans tomber dans la divagation
romantique. Son Kyrie est d'une facture tout à la fois douce et pom-
peuse; mais d'un style un peu trop lié, ainsi que son Gloria in excelsis,
qui manque d'enthousiasme, d'élan. Pour faire transiger les idées an-
ciennes et nouvelles, pour ménager tout à la fois la chètre romantique
et le classique chou, M. Vervoitte a mêlé dans son Credo ses propres
inspirations mélodiques au plain-chant moderne de Dumont, en met-
tant au moyen de l'orgue du chœur, une harmonie distinguée et ra-
tionnelle sous ce mélange, qui exhale comme un parfum d'art rétrospec-
tif et moderne en même temps.
Après un 0 salutaris bien écrit, enchevêtré d'imitations serrées,
puis un Crucifixus d'un bel effet, vient un Agnus Dei tout empreint
d'une suavité céleste, d'un style charmant et pur, dans lequel Alexis
Dupond a laissé désirer quelque chose : c'est de chanter plus longue-
ment seul. Le compositeur y a pourvu du reste, à ce qu'on nous a dit,
en rendant plus mélodique l'intervention de ce chanteur par excel-
lence dans le style sacré, en isolant un peu plus enfin de la masse har-
monique la voix du ténor. On en pourra juger, cette messe étant déjà
mise au courant du répertoire des solennités musicales de l'église de
Saint-Roch. C'est justice; car, de quelque amour que soit animé un
compositeur pour son art, on doit penser qu'il ne s'en trouvera pas
toujours un grand nombre qui consentiront à composer, écrire une
messe, ce grand et beau drame religieux, pour ne le voir représenter
qu'une fois, et sans autres applaudissements que le suffrage d'un petit
noyau de connaisseurs et d'hommes compétents.
Monseigneur de Bailleul, archevêque de Rouen, qui comprend, aime
et protège l'art musical, a mis à la disposition de M. Vervoitte toutes
les facultés vocales qui se trouvent dans le séminaire de Rouen, de
manière que cette ville, exclusivement commerciale, devient musicale,
malgré qu'elle en ait par les enfants de chœur et les apprentis théolo-
giens.
La seconde cérémonie religieuse à laquelle nous avons assisté lundi
dernier, en la petite église de la Trinité, rue de Calais, avait pour but
de rendre les derniers devoirs à Mme Boursault, morte subitement,
dans la nuit de samedi au dimanche, d'un anévrisme au cœur. Veuve
d'un homme remarquable; par les divers rôles qu'il a remplis dans nos
affaires publiques, ainsi que dans l'industrie et les arts, Mme Boursault
aimait et protégeait aussi les artistes. On s'en est souvenu, et une fort
bonne messe de Requiem, fort bien chantée, a servi dignement d'inter-
prète aux profonds et sincères regrets des nombreux amis venus là
pour conduire au champ du repos la belle-mère de notre ami et colla-
borateur, Georges Kastner.
Henri BLANCHARD.
LITTÉRATURE MUSICALE.
DICTIONNAIRE MES BEAUX-ARTS.
On sait que l'Académie des Beaux -Arts travaille à la rédaction
d'nn dictionnaire qui doit renfermer tous les mots dont se compose
l'idiome spécial des artistes, et, sous chacun de ces mots, un résumé
des idées et des connaissances qui s'y rattachent. M. Halévy, l'auteur
de la Juive et de tant de chefs-d'œuvre, est chargé de la partie mu-
sicale de ce travail. Sur notre prière, l'illustre compositeur a bien
voulu nous communiquer quelques-uns des premiers articles rédigés
par lui, et nous ne doutons pas du plaisir qu'auront nos lecteurs à par-
tager avec nous cette confidence.
ACCENT. — Ce mot a plusieurs significations, et chacune de ses
acceptions a beaucoup d'importance.
Dans le sens le plus général, le mot accent est presque l'équivalent
d'expression, et on peut aussi bien l'appliquer à l'instrumentiste qu'au
chanteur. Ainsi, on peut dire d'un artiste exécutant qu'il joue de son
instrument avec beaucoup d'accent; cela veut dire qu'il donne à cha-
que mot la valeur qui lui appartient, qu'il entre bien dans l'idée du
compositeur et qu'il la rend bien ; cela veut dire qu'il donne au chant
instrumental toute la puissance d'expression du chant proprement dit.
C'est -ç^rY accent que la mélodie instrumentale charme et émeut l'audi-
teur, malgré l'absence des paroles qui donnent au chant tant d'avan-
tages, et tant de moyens d'ajouter encore au charme de la phrase mu-
sicale, si touchante, si vraie, et si belle qu'elle puisse être.
Appliqué au chanteur, ce mot accent conserve d'abord le sens gé-
néral et purement musical qui lui est propre. Mais il s'applique, en
outre, à la manière de dire, de faire entendre les paroles. Nous ne
voulons pas seulement parler de la prononciation, qui doit toujours
être irréprochable, mais de cette expression toute particulière et quel-
quefois tout individuelle qu'un bon chanteur sait donner, dans une
phrase musicale, à certains mots, quelquefois même à certaines sylla-
bes, qui acquièrent ainsi une grande importance, et sur lesquels se
concentre l'effet. C'est une espèce de coloris qui met en lumière les
principales notes de la mélodie, qui donne à la pensée du compositeur
toute la valeur, tout l'éclat qu'elle peut avoir, et parfois même, sup-
plée à l'insuffisance de l'idée. C'est ainsi qu'un grand chanteur peut,
dans une musique médiocre, produire un grand effet.
Le mot accent a aussi un sens purement grammatical, et alors il
s'applique à la différence qu'on doit apporter dans la prononciation
des syllabes longues et des syllabes brèves; on le nomme alors l'accent
p>rosodique. Dans la langue italienne, qui doit être familière à tout
bon chanteur, Vaccent prosodique est beaucoup plus déterminé que
dans la langue française. Quelle que soit d'ailleurs la langue qu'il em-
ploie, le compositeur aussi bien que le chanteur doit toujours res-
peder l'accent prosodique, et ne pas placer une note brève sur une
syllabe longue, ni placer le temps fort sur une syllabe brève.
Le mot accent reçoit une acception encore plus restreinte, appliqué
à l'émission des voyelles. Ainsi, IV, avec un accent aigu, ne se pro-
nonce par comme l'è, avec l'accent grave, ou l'é circonflexe. C'est au
proiesseur de chant qu'il appartient de bien déterminer la prononcia-
tion des voyelles diversement accentuées.
Enfin, le mot accent s'emploie quelquefois dans le sens de pronon-
ciation. On dit qu'un acteur, un chanteur a un accent agréable, pour
DE PARIS.
285
dire qu'il y a dans sa manière d'articuler et de prononcer quelque
chose de sympathique à l'auditeur.
Dans cette acception, on peut aussi le prendre en mauvaise part.
On dit qu'un chanteur a de l'accent, pour dire qu'il y a quelque chose
d'étranger dans sa manière de prononcer. En général, un artiste chan-
tant dans une langue qui n'est pas la sienne, a presque toujours de
Yacceni, parce qu'il conserve malgré lui certaines inflexions, certaines
articulations familières à sa langue maternelle, et qui viennent, mal-
gré ses études et ses efforts, trahir son origine et frapper les oreilles
les moins exercées.
ACOUSTIQUE. — Doctrine ou théorie physique des sens, du
grec Ayovu, j'entends.
L'acoustique ne traite que de la production du son et des phéno-
mènes que présente la résonnance des divers corps sonores, cordes,
tubes, plaques, timbres, etc. C'est à elle qu'il appartient de déterminer,
autant qu'il est possible de le faire, les raisons du plaisir que nous
fait éprouver l'audition des sons, ou du moins de constater les circon-
stances qui influent à divers degrés sur la jouissance que nous procure
la musique; c'est elle encore qui apprécie les causes de la gravité et de
l'acuité des sons, ainsi que les rapports des intervalles harmoniques.
C'est à Sauveur, le célèbre géomètre, qu'on doit la création de cette
science, acoustique musicale. On connaissait avant lui les rapports des
corps sonores, considérés sous leurs différentes relations de longueur,
de tension, de grosseur, etc., mais ce fut lui qui eut l'idée de constater
le nombre absolu de vibrations que fait, dans un temps donné et dans
des circonstances déterminées, soit un tuyau d'orgue, soit une corde
sonore, et d'assigner ainsi à un son musical, à une note, le nombre de
pulsations ou de vibrations nécessaires pour la production de ce son.
L'on perdrait aujourd'hui tous les diapasons (voyez ce mot), tous les
instruments de musique disparaîtraient du monde, que, grâce aux tra-
vaux de Sauveur, à l'idée fondamentale qui lui fit créer cette branche
des sciences physico-mathématiques, on pourrait reformer la gamme,
telle qu'elle existe aujourd'hui, puisque l'on sait quel nombre de vibra-
tions est nécessaire pour produire, par exemple, l'ut grave de l'orgue,
dont on est sûr aussi de retrouver l'intonation.
Les anciens ne nous ont laissé aucun moyen de retrouver, d'une ma-
nière certaine et authentique, l'unisson d'une des cordes de leur
système musical, et ce n'est que par analogie et par l'étendue de la voix
humaine, qui n'a dû subir aucun changement, que nous pouvons tra-
duire en notes modernes les signes de leur écriture musicale.
Le physicien, pour s'occuper utilement de musique, doit être lui-
même assez musicien pour saisir facilement les rapports des sons, et
cependant, Sauveur, qui consacra les vingt dernières années de sa vie
à l'étude de ces questions, à qui l'on doit la création de cette science,
avait la voix et l'oreille fausses, et était sourd. Il se faisait aider dans
ses expériences par des musiciens très-exercés à apprécier les inter-
valles et les accords.
Le musicien n'a nul besoin d'étudier V acoustique, qui, comme nous
l'avons dit, ne traite que de la production des sons ; le. musicien ne
s'occupe que de leur emploi.
Le mot acoustique s'emploie aussi adjectivement; on dit l'organe
acoustique, un phénomène acoustique, des instruments acoustiques, etc.
Nous aurons occasion aux mots Musique, Mélodie, Harmonie, Inter-
valles, Vibrations, de traiter quelques questions acoustiques, mais
succinctement, puisque ce dictionnaire est un livre qui ne doit traiter
les questions qu'au point de vue de l'art, et non de la science.
ACTE. — Il y a dans un drame de quelque importance des situa-
tions capitales après lequelles l'action doit s'arrêter, se reposer, pour
ainsi dire, pour continuer ensuite avec plus de force et avec le sur-
croît d'intérêt que la situation nouvelle a dû apporter au drame. Ces
points de suspension qui ménagent l'attention de l'auditoire et exci-
tent sa curiosité, introduisent dans l'action dramatique des divisions
naturelles.
Chacune de ces divisions a reçu le nom d'acte. C'est au point de vue
du drame lyrique seulement que nous envisageons l'acte.
Après les conditions essentielles du drame lui-même, c'est-à-dire
l'intérêt des situations et leur aptitude à inspirer le musicien, la con-
dition la plus désirable pour le compositeur, c'est la variété. Non seu-
lement chaque acte devra lui fournir une couleur bien tranchée , et
tout îi fait différente de celle de l'acte qui a précédé ou de celui qui
doit suivre, mais il faut encore que dans l'acte considéré isolément,
l'auteur sauve au musicien le danger de l'uniformité. Ainsi donc, dans
un opéra, chaque acte, quoique ne formant qu'une partie d'un tout,
doit offrir un ensemble satisfaisant, aussi complet que possible, et une
distribution intelligente et bien entendue des effets dont peuvent dis-
poser et le musicien et le théâtre sur lequel son œuvre devra se pro-
duire.
Un bon acte d'opéra renfermera donc au moins une situation impor-
tante, qui sera comme le pivot de l'acte, et sur laquelle le musicien
devra concentrer tous ses efforts et toute la puissance de son art. Les
autres scènes devront, sans être sacrifiées, concourir à fair ressortir
l'éclat de ce point lumineux ; ainsi, le beau trio de Guillaume Tell est
habilement amené et ménagé. Il est inutile d'ajouter que la scène ca-
pitale dont nous parlons devra arriver à la fin ou vers la fin de l'acle.
L'auditoire, encore sous le coup de l'impression qu'il aura éprouvée,
sera, dès le début de l'acte suivant, plus accessible aux émotions nou-
velles, et s'associera avec plus de chaleur et de sympathie au dévelop-
pement du drame et aux inspirations du musicien.
Après ces considérations générales, nous entrerons dans quelques
détails sur la contexture purement musicale d'un acte d'opéra.
L'auteur et le compositeur doivent s'y étudier à varier les combi-
naisons offertes par les voix différentes des personnages qui prennent
part à l'action. Il faut éviter, autant que possible, qu'un air succède à
un air, un duo à un duo ; il faut donc faire entendre alternativement
les voix isolées, combinées, et les masses chorales.
Le morceau de musique qui commence un acte reçoit le nom d'm-
troduction; il doit avoir un certain développement, une certaine im-
portance musicale. Ceci s'applique surtout au morceau qui commence
le premier acte et succède à l'ouverture. Il doit être traité avec soin.
Ordinairement, une introduction se compose de plusieurs scènes va-
riées et se termine par un ensemble vocal.
Comme nous l'avons dit plus haut, l'auteur aussi bien que le compo-
siteur doivent, en établissant le plan général de l'ouvrage, se préoc-
cuper beaucoup de la fin de chaque acte. Il faut, autant que possible,
laisser l'auditoire sous l'impression d'une vive émotion. Chaque fois
que le rideau se baisse, il importe qu'aucun des actes ne se termine
froidement. Dans un opéra en cinq actes, il faudra donc cinq fois agir
puissamment sur le public et par des moyens variés : c'est une tâche
difficile.
Quand un acte se termine par un morceau de musique développé,
composé de plusieurs scènes et auquel prennent part les personnages
et le chœur, ce morceau reçoit le nom as final.
Les opéras de Quinau/t, créateur du drame lyrique en France,
étaient divisés en cinq actes. Ils sont habilement coupés. Secondé par
l'instinct de Lully, Quinault avait deviné que dans un ouvrage de lon-
gue haleine, le compositeur, comme nous l'avons dit, a surtout besoin
de variété. En effet, la diversité du spectacle, le changement fréquent
du lieu où la scène se passe, les caractères différents des personnages
introduits dans le drame, tout cela est nécessaire au musicien; ce
sont des éléments dont il profite aussi bien que le spectateur lui-même,
et l'opposition qui en résulte, en même temps qu'elle plaît à l'audi-
teur, vient en aide au compositeur et fertilise son imagination, en lui
fournissant des inspirations nouvelles.
On se tromperait beaucoup, cependant, si l'on croyait qu'alors la
tâche du compositeur fut ce qu'elle est aujourd'hui, dans la production
d'un opéra en cinq actes. Outre que l'action était plus simple, et par
REVUE ET .GAZETTE MUSICALE
conséquent comptait moins de situations musicales, les situations elles-
mêmes étaient moins développées par le poëte ; puis la musique ne
nécessitait pas le développement que l'art moderne exige. Si l'on abuse
quelquefois aujourd'hui de ce développement, que les progrès de la
science, l'art du chant, la déclamation lyrique ont rendu en quelque
sorte nécessaire, il est juste de dire qu'alors les situations, aussi bien
que les mélodies, n'étaient pour ainsi dire qu'indiquées ; les composi-
teurs n'avaient pas encore trouvé ces belles phrases musicales, com-
plètes pour l'oreille comme pour l'esprit et l'intelligence, qu'on ad-
mire dans Mozart, dans Cimarosa , dans Rossini. Il en résulte qu'un
seul acte d'un opéra moderne renferme beaucoup plus de musique
que les cinq actes d'un opéra tout entier de Lully.
Rameau, et après lui, Gluck, donnèrent une plus haule importance à
la phrase musicale. Les actes, par conséquent, prirent plus d'impor-
tance, et les opéras eurent plus de durée. Depuis Gluck jusqu'à nos
jours, on a joué à l'Opéra des tragédies lyriques en trois, en quatre et
en cinq actes. On y représente aussi de petits ouvrages en un ou deux
acl"s, que l'on désigne quelquefois sous le nom d'opéra de genre, et
que l'on représente avant les ballets.
On joue sur le théâtre de l'Opéra-Comique des opéras en un, deux
ou trois actes, et quelquefois, exceptionnellement, en quatre et même
en cinq actes. Les Italiens écrivent généralement leurs opéras , aussi
bien sérieux que bouffes, en deux actes, assez développés pour con-
tenir un grand nombre de morceaux ; il y a cependant des exceptions,
et l'on compte aussi parmi les beaux ouvrages dont nous a dotés l'Ita-
lie, des opéras en trois actes.
On représente ordinairement en Italie, entre les deux actes d'un
opéra, un ballet tout à fait étranger à l'action de ces opéras. En
France, le ballet fait partie de l'opéra et de l'action. C'est au poëte
et au compositeur à s'entendre pour que chaque acte ait des élé-
ments suffisants de curiosité, en donnant une place importante à la
danse dans un acte, quelquefois dans deux, et en réservant pour les
autres parties de l'ouvrage tout l'intérêt des situations, toute la puis-
sance de la musique.
(La suite au prochain numéro.)
MORCEAUX CIBOÏSÏS
De Catulle, Gallus, Properce, Tibulle, Ovide, Maximien, Pétrarque
et Jean Second,
Traduits en fers par iiOUBS Ï.ANGI1OIS.
La traduction des poètes est une chimère, mais une douce chimère,
qui charme les loisirs. « Traduit-on la musique ? » disait Voltaire, et
pourtant il avait traduit beaucoup lui-même. Il avait traduit, comme il
faut traduire, quand on veut réussir sans trop se fatiguer, non des au-
teurs, ni des ouvrages entiers, mais des fragments et passages favoris.
C'est ainsi qu'a fait M. Louis Langlois, dont la plume s'était déjà exer-
cée dans plus d'un genre, qui avait écrit en prose avec autant d'élé-
gance et de pureté qu'il en a su mettre dans ses vers.
Que de gens qui parlent tous les jours de Catulle, de Tibulle, et qui
n'en savent pas le premier mot ! Que d'autres (et ceci regarde les mu-
siciens) qui demandent partout des vers à mettre en chant et se plai-
gnent de n'en pas trouver d'agréables ! Le recueil de M. Louis Langlois
arrive tout à point pour fournir aux uns d'utiles renseignements, et de
charmants canevas aux autres. Le traducteur a eu soin de faire précé-
der d'une notice biographique les fragments de chacun des poètes adop-
tés par lui. La moins connue, mais non la moins intéressante, est celle
de ce poëte latin, né à La Haye, dans le xvi" siècle, et qui, bien que
mort à vingt-cinq ans, est demeuré immortel sous le nom de Jean Se-
cond. Pourquoi Second, lui, dix-huitième enfant de Nicolas Everardi,
président au conseil suprême de Hollande ? Parce qu'un autre enfant,
nommé Jean, venait de succomber lorsqu'il vil la lumière, et qu'on
l'appela comme celui dont il effaçait la perte. Il était donc bien et dû-
ment Jean second du nom. Son père le destinait à l'étude des lois, à la
magistrature, et il cédait au penchant irrésistible qui l'entraînait vers
tous les arts, la peinture, la sculpture, la gravure. Il avait étudié à
Bourges sous l'illustre Alciat, de Milan ; il avait reçu le bonnet de docteur
et cueilli le laurier académique. Il prit sa course à travers l'Europe. En
Espagne, il devint secrétaire intime de l'archevêque de Tolède. Charles-
Quint voulut l'emmener à la conquête de Tunis, mais il ne put accom-
pagner longtemps le monarque guerrier. Il paya la conquête de sa
santé, et revint finir sa trop courte carrière à Tournay, lorsque Charles -
Quint le désignait pour aller féliciter à Rome le nouveau pontife. Tel fut
l'auteur de ces Baisers fameux qui feront vivre son nom jusqu'à l'extré-
mité des âges. C'est ainsi qu'il fonda sa renommée sur ses plaisirs, qui,
grâce à son talent, sont devenus les nôtres.
M. Louis Langlois a traduit les dix-neuf Baisers de ce poëte aimable,
sans leur rien ôter de leur vivacité ni de leur chaleur, ce qui fait que ,
tout en les recommandant aux musiciens , dont la verve amoureuse
pourra s'en inspirer, nous n'osons pas en prescrire indistinctement l'é-
tude à toutes les musiciennes , de crainte d'avancer un peu trop vite
leur éducation. Nous sommes forcé d'en dire autant des morceaux
empruntés aux poètes de l'antiquité. La traduction élégante et correcte
de M. Louis Langlois ne voile pas assez leurs beautés naïves, pour qu'il
soit possible de les exposer à tous les yeux. Un certain choix est donc
indispensable ; mais quelque morceau qu'on choisisse , on est sûr d'y
trouver le texte original reproduit avec une exactitude facile et une
précision qui ne nuisent pas à la clarté. Jamais Catulle, ni ses char-
mants confrères en poésie et en amour n'ont mieux parlé français que
sous la plume de leur nouvel interprète.
P. S.
La conclusion des arrangements avec la Belgique est annoncée en
ces termes par le Moniteur :
« Hier dimanche M. le ministre des affaires étrangères a signé avec
» MM. Firmin Rogier et C. Lieds, plénipotentiaires de S. M. le roi des
» Belges, deux traités que l'opinion publique accueillera avec la même
» satisfaction à Paris qu'à Bruxelles.
» Le premier de ces traités consacre définitivement entre la France
» et la Belgique la garantie réciproque de la propriété des œuvres
» d'esprit et d'art, et abaisse en même temps, dans une juste mesure,
» les droits respectivement imposés à l'entrée des livres, papiers d'im-
» pression, gravures et lithographies.
» Le second traité sanctionne quelques dégrèvements de tarif.
» Si la convention littéraire donne pleine satisfaction aux intérêts si
» nombreux et si respectables de la propriété intellectuelle, l'arrange-
» ment commercial qui a été conclu le même jour aura certainement
» pour effet de consolider et d'étendre les fructueux échanges qui
» s'opèrent entre les deux pays. »
Paris, ce 28 août.
Monsieur le Gérant,
Des bruits de toute nature ayant couru sur le Théâtre-Italien de
Paris, permettez-moi de démentir le seul qui m'intéresse personnelle-
ment.
Il est complètement faux que j'aie jamais songé à devenir directeur
de ce théâtre.
J'ai pu rendre quelques services à M. Lumley, mais sans aucune
prétention à son héritage, en supposant qu'il fût vacant.
Je ne suis et ne serai jamais qu'éditeur de musique, et ne veux me
mêler, ni de près ni de loin, d'aucune administration théâtrale.
Agréez, Monsieur, etc.
L. BRANDUS,
103, rue Richelieu.
DE PARIS.
287
NOUVELLES.
*„■* Demain à l'Opéra la Favorite, suivie du deuxième acte du Diable à
quatre.
%* Mathieu , complètement remis de son indisposition, a joué lundi
dernier le rôle de Raoul dans les Huguenots. I.a revanche a été brillante et
tout-à-fait décisive pour l'artiste. Mathieu avait retrouvé les qualités de
chanteur qui lui ont valu de si grands succès clans plusieurs villes et qui
lui en procureront à Paris. Mlle Poinsot a été fort remarquable et fort ap-
plaudie dans le rôle de Valcntine, ainsi que Mme Laborde et Obin dans
ceux de Marguerite et de Marcel.
%* Mercredi , le Prophète ; vendredi, Guillaume Tell, avaient attiré la
foule, comme lundi les Hugwnots. C'est Gueymard qui chantait le rôle de
Jean de Leyde et celui d'Arnold. Dans le rôle de Fides, Mme Tedesco est
plus que jamais admirable par sa voix extraordinaire et son expression
dramatique.
%* Le Juif errant va bientôt reparaître dans tout son éclat. Roger et
Massol reviennent à la fin de ce mois et feront leur rentrée dans les deux
rôles si admirablement créés par eux.
VLa reprise de Jérusalem, réduite en trois actes, aura lieu la semaine
prochaine. C'est Chapuis qui chantera le rôle créé par Duprez.
„% La Reine de Clnjpre vient d'être reprise à Lyon avec un succès com-
plet. Duprat, Ismaël et Mlle Lacombe remplissent avec un vrai talent les
trois principaux rôles.
*** Tandis qu'il était question de la rentrée de Mme Darcier dans un rôle
nouveau , la charmante actrice résiliait son engagement, et renonçait une
seconde fois au théâtre. Nous ignorons ce qu'il adviendra de cette réso-
lution dans l'avenir. Ce qu'il y a de certain , quant à présent , c'est que
Mlle Favel conserve le rôle qu'elle avait déjà étudié dans l'opéra en trois
actes de MM. Sauvage et Reber, dont la première représentation aura lieu
prochainement.
%* On annonce l'engagement à l'Opéra-Comique du jeune Faure, pen-
sionnaire du Conservatoire, qui, aux concours de cette année, a remporté
le premier prix de chant et le premier prix d'opéra comique à l'unanimité.
Faure est au moins l'égal , quant à la voix et à la méthode, de tous les
barytons ou basses chantantes que le Conservatoire a formés depuis lon-
gues années. Il est élève de Ponchard.
*t* La recette des divers spectacles et curiosités, pendant le mois de
juillet, a produit, savoir : théâtres nationaux subventionnés, 100,839 fr.
47 c.; théâtres secondaires, 212,163 fr. 1S c; concerts, cafés-concerts et
bals, 101 ,195 fr. 75 c. ; curiosités diverses, 48,922 fr. 95 c. ; total : 463,1 21 fr.
35 c. La recette de juillet offre sur celle de juin une diminution de225,103fr.
6 c, et sur celle de mai, de 355,189 fr. 60 c, c'est-à-dire de plus de moi-
tié; mais il est juste de faire observer qu'au mois de mai tous les théâtres
étaient encore ouverts, et qu'en juillet il y en avait quatre de fermés,
l'Odéon, le Théâtre-Lyrique, l'Ambigu-Comique et la Gaîté.
*** C'est aujourd'hui dimanche qu'aura lieu le charmant concert donné
à l'Isle-Adani par Duprez, au bénéfice des pauvres de lTsle-Adam et de
Valmondois.
%* Les deux dernières compositions d'Emile Prudent paraissent appe-
lées au succès le plus éclatant et le plus durable. A peine sont-elles mises
en vente, et déjà elles ont obtenu l'honneur de plusieurs tirages successifs.
Nous apprécierons, dans un de nos prochains numéros, la Villane le et la
Danse des Fées, avec le soin que comportent ces œuvres, empreintes au
plus haut degré de charme, de couleur et de poésie. L'auteur des Champs,
des Buis et du Cunarlu-symphunie occupe une position éminente parmi
les compositeurs de son époque; nous dirons quelle part légitime, incon-
testable, lui revient dans le mouvement musical de ces dernières années.
%* Sowinski, le pianiste compositeur, est de retour à Paris.
%* Sophie Cruvelli, dont nous avons annoncé dans le temps le brusque
départ de Londres, n'est point perdue pour le théâtre, comme on l'avait
craint un moment. Le 16 août dernier, elle a donné un concert au Kur-
saa', à Wiesbade.
%* Sa Majesté le roi des Belges vient de faire remettre à M. Joseph
Franck, de Liège, organiste de la paroisse Saint-Thomas-d'Aquin, à Paris,
la grande médaille en or à son effigie, avec une lettre très-flatteuse, à l'oc-
casion d'un recueil de huit motets à 1 , 2, 3, 4 et 8 voix, et à deux chœurs,
avec accompagnement d'orgue et de quatuor, que ce jeune compositeur a
dédié à Sa Majesté. On sait que M. Joseph Franck, qui, en 1850, a rem-
porté à son premier concours, dans la classe de M. Ad. Adam, le pre-
mier grand prix de contre-point et de fugue , et, cette année, dans la
classe de M. Benoist, le premier prix d'orgue au Conservatoire de Paris,
est un organiste très-distingué, et un musicien des plus érudits en ma-
tière de plain-chant et de musique religieuse.
*„* On s'imagine que les librettistes italiens se donnent à peine le temps
d'écrire leurs ouvrages. Ce n'est qu'un préjugé, comme celui des vaude-
villes qui se font en déjeunant. Dans un article publié par Ylta'ia musicale
sur Salvatore Cammarano, nous lisons que ce poète distingué mettait six
mois et plus à composer ses livrets, dont plusieurs sont des modèles.
*„* Parmi les œuvres musicales exécutées pendant les fêtes religieuses
du grand jubilé séculaire qui vient d'avoir lieu à Cambrai, les journaux
citent une messe et un Dumine salvum de Ferdinand Lavainne, qui ont pro-
duit le plus grand effet; ces nouvelles compositions brillent principa-
lement par une grande vérité d'expression ; les procédés d'exécution en
sont tout à la fois aussi simples que neufs. Telle a été l'impression géné-
rale produite sur tous les auditeurs. En résumé, c'est un succès qui fait
le plus grand honneur à M. Ferdinand Lavainne.
*** Pans le Mo:arteum, à Solzbourg, se trouvent encore de nombreux
manuscrits de W. A. Mozart, dont on annonce la prochaine publication.
Ces précieux documents sont : 1° 160 lettres formant toute la correspon-
dance avec son frère Léopold; 2° Etudes de Mozart sur le contre-puint;
3° 60 morceaux autographes : pour la plupart ce sont des esquisses d'ou-
vrages que l'auteur n'a pas achevés; 4° un Kyrie en mi bémol en partition
et entièrement achevé. De plus, on a mis en vente à Salzbourg un clavi-
corde construit à Milan en 1775; il avait appartenu à Mozart, dont la veuve
l'a légué par testament à son propriétaire actuel.
*** M. Oambaro, musicien distingué, pianiste, compositeur-éditeur, qui
s'était adonné à la spécialité de la musique militaire, vient d'être enlevé
par une fièvre typhoïde à l'âge de 43 ans. C'est à Charleville, pendant un
voyage d'agrément, que la mort l'a frappé.
CRON1QUE DÉPARTEMENTALE.
*** Boulognr-sur-Mer, 26 août. — Un grand concert a été donné hier,
par la Société philharmonique, devant une brillante assemblée que le nom
de Bazzini avait attiré àlaCrande salle. Ce nom était dignement accom-
pagné, sur le programme, par ceux de Mlles Dobré et Guilmant. La pre-
mière a dit, avec un sentiment dramatique qui a vivement impressionné
l'auditoire, deux airs et des mélodies; elle a été applaudie avec trans-
port, surtout dans l'air de Fernand Curiez et dans les Adieux de Marie
Stuart. Mlle Guilmant est une pianiste à juste titre estimée , et dont le
talent est des plus remarquables; elle a parfaitement exécuté un con-
certo de Mendelssohn avec orchestre, un nocturne de sa composition, et
une étude de Lee : son succès a été complet. Bazzini a joué, avec la verve
spirituelle et le sentiment poétique, entraînant, qu'on lui connaît, la mé-
lodie intitulée l' Absence et sa lïunde des lutin', inimitable conception; une
fantaisie sur la Sonnamlula, une autre sur Y air final de Lucie ; il a ter-
miné par le Carnaval de Venise. Pendant tout ce temps le public était sous
le charme, et interrompait fréquemment l'artiste par les manifestations
les plus chaleureuses, par des bis et des rappels. — Dans huit jours , le
Ie' septembre, un concert non moins intéressant sera donné par la So-
ciété avec Mlle Caroline Duprez.
%* Villeneuvé-sur-Yonne. — Cette jolie petite ville a voulu , elle aussi ,
avoir son festival. Dimanche dernier, 22 août, dès le point du jour, les
maisons étaient ornées avec goût de guirlandes de fleurs et de feuillage;
les habitants des environs, en toilette de fête, arrivaient de tous côtés Les
cloches de la paroisse sonnaient à toutes volées, car la fête s'ouvrait par une
messe en musique de Tanseron. Ponchard, qui avait prêté à cette cérémo-
nie l'appui d'un talent toujours jeune, a admirablement chanté l'Offertoire
et l'O salularis. Deux élèves de Panseron, MM. Boulanger, lauréat du
Conservatoire, et Sautot, se sont fait remarquer dans les solos du Qui tol-
lis, du Sancim et de VAgnus. Le grand orgue était touché par M. Batiste,
organiste de Paris. Un auditoire nombreux écoutait pieusement cette mu-
sique, qui se distingue par des mélodies d'un caractère essentiellement
religieux. Parmi les notabilités qui y assistaient, on remarquait le sous-
préfet de Joigny, M. Davesiès de Ponties; le maire de Villeneuve, M. de
Châteaubourg ; deux littérateurs, MM. Belmontet et Chalon d'Argé;
MM. Panseron , Bazin, Elwart, Panofka, Laurent de Ril.é, Laty, Klosé,
Dauverné, Cokken , Triebert, Urbain, Forestier, Artus , formant le jury
venu de Paris pour juger les concours d'orphéons et de musique d'harmo-
nie. Après la messe, la foule s'est portée en masse pour assister au concours
d'orphéon, qui avait lieu dans la petite salle de spectacle. Quatre divisions
entraient successivement en lice. La quatrième était composée en grande
partie de petits enfants de quatre à cinq ans appartenant aux salles d'a-
sile de Villeneuve et d'Auxerre. La médaille d'argent a été accordée à l'école
communale de filles de Villeneuve. La troisième division se disputait une
médaille d'or de 500 fr, donnée par M. le Prince-Président. L'orphéon de
Sens a obtenu ce prix, si vivement et si noblement disputé. Une médaille
en vermeil était le premier prix de la seconde division: plusieurs Sociétés
se le sont disputé ; il a été gagné par les enfants de la Seine. Dans la pre-
mière division, les Enfants de Paris et la Société chorale du Conservatoire
se sont seuls présentés au combat. Une médaille en vermeil était le prix ;
les Enfants de Paris l'ont obtenue; mais l'exécution de deux Sociétés avait
été si remarquable, que M.le maire de Villeneuve, se rendant au vœu général,
a voté une médaille particulière à la Société chorale du Conservaioire, di-
rigée par M. Batiste. Des éloges sont dus à M. Delaporte, dont le zèle infa-
tigable est le provocateur de tous ces concours d'orphéons des départe-
ments. Le concours de musique d'harmonie, qui avait lieu sur le boule-
vart, était non moins brillant, malgré un temps déplorable. Les corps de
musique de Champignolles, de Montereau , de Toucy et de Villeneuve-
Saint-Georges, malgré des mérites réels, ont été battus par leurs heureux
rivaux de Sens, Villeneuve-sur-l'ï'onne et Auxerre. Après la distribution
des prix, un banquet attendait les membres de la commission musicale.
Quelques paroles bien senties ont été prononcées par M. le sous-préfet de
Joigny ; des toasts d'usage ont été portés pendant que les orphéonistes
défilaient, bannières en tête.
288
REVUE ET GAZETTE MUSICALE DE PARIS.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
*„,* Berlin, 16 août. — Avant-hier, à l'occasion de la fête du célèbre
chanteur français, Roger, l'orchestre et les chœurs du théâtre royal ont
exécuté une aubade sous les fenêtres de l'appartement qu'il habite. Dans
la journée, un très-grand nombre d'artistes sont allés le complimenter.
Parmi eux se trouvaient les premiers sujets des théâtres lyriques de cette
ville, entre autres Mmes Herrenberger, Tuczek, MM. Mantius et Damke ,
élève de Bordogni.
*%* Vienne. — Le 15 août, pour la fête du Président de la République,
les Français résidant à Vienne ont fait chanter dans l'église Sainte-Anne,
la grand'messe ainsi que le Te Deum de Haydn.
%* Prague. — M. Perina, professeur de physique à l'Université , a in-
venté un instrument dont les vibrations sont produites par un courant
électro-galvanique. Ce qu'il y a de plus merveilleux dans cette invention,
c'est que l'air que l'on joue sur un instrument se reproduit à l'instant
sur un second instrument mis en rapport avec le premier.
%* .Rom.», 20 août. — La foule continue de se porter au théâtre Argen-
tina pour entendre l'œuvre remarquable de Raimondi, compositeur célè-
bre, âgé de soixante-six ans, Romain de naissance, mais qui a fait ses
études à Naples au Conservatoire appelé Societa dei Turchini, d'où sont
sortis Léo, Durante, Jomelli et tant d'autres. Chaque séance commence
à huit heures du soir et ne finit qu'à deux heures du matin. Plusieurs
motifs justifient cet empressement extraordinaire à cette époque de l'an-
née, et qui se prolonge depuis plusieurs jours. 1° 11 s'agit d'une œuvre
charitable, au profit des membres pauvres de la Société de Sainte-Cécile ;
2° les chœurs sont composés uniquement d'amateurs des deux sexes appar-
tenant à la classe distinguée de la société : 3° l'œuvre même a des pro-
portions gigantesques, et offre, sur une immense échelle, la solution d'un
problème musical. Cette œuvre est un oratorio, ou plutôt ce sont trois
oratorios, formant ensemble une épopée, qui se compose de trois épi-
sodes. Le sujet est l'histoire de Joseph, déjà si largement traitée par
Méhul. La première partie, intitulée Putiphar, renferme les incidents de
cette histoire jusques et y compris l'emprisonnement de Joseph. La
seconde partie, intitulée Joseph, comprend l'histoire de son triomphe et de
sa puissance. La troisième et dernière partie, intitulée Jacob, est, y com-
pris la mort du patriarche, le complément du poëme. Pour l'exécution, il
y a trois orchestres et autant de chœurs, parfaitement distincts et séparés.
Ainsi, l'oratorio intitulé Putiphar terminé, les exécutants, chœurs et or-
chestres deviennent spectateurs, et attendent que les deux autres le
soient également, et ainsi de suite. Ce n'est qu'à la fin du troisième ora-
torio que se développe l'idée principale du compositeur dans l'exécution
simultanée, par chacun des orchestres et des chœurs, des trois oratorios,
exécutés d'abord isolément et écrits même, dit-on, dans des temps diffé-
rents. Le prodige est que ces trois œuvres très-distinctes, exécutées à la
fois, s'harmonisent parfaitement ensemble. L'oratorio intitulé Jacob est
celui dans lequel l'auteur a voulu faire prédominer l'effet, tandis que les
deux autres peuvent être considérés comme parties concertantes. Le
nombre des exécutants se monte à trois cent cinquante, c'est-à-dire
soixante ou soixante-dix pour chacun des chœurs et cinquante par or-
chestre. De ces divers orchestres, l'un est placé à l'endroit ordinaire qui
porte ce nom, tandis que les deux autres, mais avec séparation, occupent
la scène ; les chanteurs sont avec leur orchestre. Les chœurs, ainsi qu'on
peut le croire, sont la partie principale de cette composition vraiment
grandiose. On a été frappé surtout d'un chœur de femmes accompagné
par cinq harpes et soutenu par la masse des trois orchestres. On a re-
marqué aussi des solos d'une grande beauté : celui du ténor dans le pre-
mier oratorio est très-admiré ; dans le troisième, un morceau magnifi-
quement chanté par Colini , l'artiste dramatique , a enlevé tous les
suffrages. En somme, le succès est un des plus éclatants qui se soient ja-
mais vus dans cette ville, la première représentation surtout, remarqua-
ble par le nombre et la qualité des spectateurs, l'éclat des toilettes, et ces
gracieuses salutations échangées entre parents et amis, qui, les uns sur
la scène, les autres dans les loges, agitaient leurs mouchoirs en signe de
reconnaissance. Le coup d'œil était magique et le triomphe du composi-
teur si complet qu'il n'a pu surmonter son émotion et s'est évanoui. De-
puis ce jour, ce n'a été qu'une suite d'ovations bien méritées.
%* Milan. — Le nouvel opéra de lord Westmoreland sera représenté
pendant la saison du carnaval au théâtre de la Scala.
%* Madrid, 20 août. — La troupe lyrique et la troupe chorégraphique
du théâtre royal viennent d'être complétées. Parmi les nouveautés qui se-
ront données dans la prochaine saison, on cite lioberl-le-Diable, de Meyer-
beer, et la Conquista di Granada, grand opéra, dont le jeune compositeur
espagnol M. Arieta vient d'écrire la musique. Les décors de cet ouvrage
ont été commandés au peintre français M. Philastre.
— C'est vraiment une belle solennité musicale que celle qui a lieu
aujourd'hui dimanche, 29, au Jardin-d'Hiver, à une heure. Le Christophe
Colomb, cette admirable symphonie, qui a toujours attiré la foule, y sera
exécutée par 200 musiciens d'élite dirigés par Félicien David. M. Jour-
dan, le brillant ténor de l'Opéra-Comique, M. Ribes et Mlle Guichard,
deux des meilleurs artistes du Théâtre-tyrique, sont chargés de la partie
vocale. Mlle Jouvante interprétera, avec son talent bien connu, les belles
strophes du poëme. 11 a longtemps qu'un spectacle aussi varié n'a été of-
fert au public dilettante. La foule ne peut manquer à un si harmonieux
appel.
En-rat m bso. — Dans la lettre de M. le prince Nicolas Boris Godounoff,
que contenait notre dernier numéro, page 277, deuxième colonne ,
ligne 30, au lieu de « Aussitôt la somme de 50 florins lui est expédiée; »
lisez : « Aussitôt la somme de 50 ducats, etc. »
Le gérant : Ernest DESCHAMPS.
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REVUE
5 Septembre 1852.
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Étranger M
Le Journal parait le Dimanche.
GAZETTE MUSICALE
3)E FâE!S.
SOMMAIRE. — Du développement futur de la musique dans le domaine dn
rliythme (2« article), par lfélis père. — Revue critique, Beethoven, Panse-
ron et Dancla, par Henri ISlaneliarai. — Concert donné par Duprez à l'Isle-
Adam. — Correspondance, Berlin et Liège. — Nouvelles et annonces.
DU DEVELOPPEMENT FUTUR DE LÀ MUSIQUE
Dans le domaine du rhythme.
(2e article) (i).
Je ne veux ni ne dois faire ici un traité systématique du rhythme ;
mais il n'est pas inutile, pour l'intelligence de ce que j'ai à dire, de
rappeler quelques notions fondamentales, particulièrement en ce qui
concerne la mesure du temps musical. J'entre donc en matière par
l'exposé de ces notions.
Nous avons le sentiment du temps dans la succession des sons par
ses deux attributs principaux, qui sont la durée et le mouvement. Le
mouvement consiste dans la lenteur et la vitesse des successions ou
des percussions. Des combinaisons du mouvement et de la durée naît
un ordre de conceptions régulières, dont l'action puissante sur l'orga-
nisation humaine est une des sources les plus abondantes d'émotions
diverses. Le principe de combinaison régulière et symétrique de la
durée et du mouvement dans la succession des sons ou dans leur réper-
cussion, se désigne par le nom de rhythme. Le rhythme nous affecte
sous une multitude de formes et de combinaisons, dont le mécanisme
ne peut être bien saisi qu'autant qu'on possède une connaissance suffi-
sante de la mesure de la durée et de la vitesse.
La durée des sons est à la fois relative et absolue. Elle est relative
en ce que, dans un temps donné, il y a des sons qui n'ont que la moitié
de la durée d'un autre son, d'autres qui n'en ont que le quart, le hui-
tième, le seizième, les deux tiers, les trois quarts, etc., ou qui ont une
durée double, triple, quadruple, octuple, etc.
La durée absolue des sons est la conséquence du mouvement qui ca-
ractérise la musique. Ce mouvement peut être plus ou moins vif, plus
ou moins lent ou modéré. Or la lenteur et la vitesse ayant une infinité
de nuances, lesquelles se multiplient par le nombre de durées relatives
des sons , on en a conclu que la simplicité de la notation ne pouvait
être obtenue pour la durée des sons qu'en se bornant à représenter la
durée relative ; d'où il suit que les signes de cette notation ne sont
l'expression d'aucune valeur déterminée de temps.
Mais le système serait incomplet si toutes les valeurs de durée repré-
sentées par des signes, ne pouvaient être mesurées rigoureusement.
Cette considération a conduit à l'usage des chronomètres pour la me-
(1) Voir le n" 35.
sure de la vitesse en musique. Le meilleur instrument de ce genre est
le métronome, connu de tout le monde. Grâce à cet instrument, il est
possible de connaître avec exactitude la valeur de chaque signe de no-
tation ; car une échelle de vitesse , parallèle au balancier, correspond
par chacun de ses chiffres à chaque position du poids sur le pendule.
Les vibrations de ce pendule, en raison de la position du poids, sont
les divisions de la minute prise pour unité de temps. C'est par le nom-
bre de ces vibrations que se mesure la durée des sons et que se déter-
mine la valeur absolue des signes de durée relative qui les représentent.
Ainsi, à l'inspection d'un morceau de musique noté, nous voyons
bien que ce signe o représente une durée double de celui-ci jfc,
et que diverses combinaisons d'autres signes, par exemple, |5> . |* ou
£j f , équivalent à la durée représentée par ce même
signe o ; mais rien n'indique quelle est la valeur positive de ces si-
gnes, tandis que si la vitesse est égale à 60 |%, par exemple, la durée
sera déterminée pour chacun de ces signes, à savoir : h secondes pour
le son représenté par o . 2 secondes pour |^, 1 seconde pour l*,
1/2 seconde pour la croche , etc. ; dès lors le temps sera mesuré d'une
manière absolue, et la valeur de chaque signe sera connue.
Avant que le perfectionnement des instruments de précision eût été
trouvé pour la mesure des divisions du temps, en raison du mouvement,
on indiquait celui-ci par les moLs italiens largo, maesloso, adngio, an-
dantinô, aidante, qui, dans l'ordre où ils sont placés, indiquent une
lenleur décroissante, et par ceux-ci, allegretto, allegro, allegro con
moto, agitnto, presto, vivace, prestissimo, qui présentent dans leur or-
dre respectif les divers degrés de vitesse, depuis le mouvement mo-
déré jusqu'à la plus grande rapidité ; mais la signification de ces mots
n'a pas assez de précision pour déterminer d'une manière certaine la
durée représentée par les signes de la notation. Ce qui est vague
avec le mot seul, devient clair et positif dès qu'on y applique le mé-
tronome. Par exemple, si l'on cherche le chiffre par lequel on peut
mesurer les divisions du temps dans le mouvement très-lent appelé largo,
on trouve que 60 coups du balancier correspondent à autant de croches
de ce mouvement; d'où il suit que chacune de ces croches a la durée
d'une seconde; que la noire en a le double, la blanche le quadruple,
la ronde l'octuple; que la double-croche n'en a que la moitié, la triple-
croche le quart, etc. L'adagio, un peu moins lent, a soixante-douze
croches par minute, ce qui donne à la noire une durée de — de se-
conde. La durée de chaque division de temps diminue ainsi progressi-
vement en raison de l'accélération du mouvement ; mais la vitesse
augmentant, les vibrations du balancier répondent à des signes de
durée plus grande, parce que les divisions devenant plus facilement
saisissables, il n'est plus nécessaire de les subdiviser pour en sentir la
290
KEVUE ET GAZETTE MUSICALE
valeur. C'est ainsi qaeVallegro, qui répond au chiffre 112 du métro-
nome, a une noire pour chaque vibration; d'où l'on voit que chacune
de ces noires a une durée d'un peu plus d'une dpmi-seconde. Si le
mouvement est un vivace à temps égaux, le numéro du métronome sera
120; chaque vibration du balancier sera donc d'une demi-seconde. Ces
divisions seront représentées par un nombre égal de blanches, et la
noire n'aura plus en conséquence que la durée d'un quart de seconde.
Tel est le système d'après lequel se détermine la durée positive des
sons représentés par les signes de la notation ; système qui, par sa com-
binaison avec celui de la représentation de la durée relative, offre un
ensemble admirable de simplicité et d'enchaînement logique.
On sait que les rapports des sons ne sont pas toujours binaires, c'est-
à-dire dans la proportion de h : 2, 8 : k, etc., car de même que nous
pouvons concevoir la durée d'un son divisible en deux, quatre, huit,
seize parties, etc., nous pouvons imaginer aussi que cette durée soit di-
visée par le tiers, le sixième, le douzième, etc. Or, cette dernière divi-
sion est appelée ternaire.
Les rapporls binaires et ternaires des sons se saisissent avec facilité
par l'intelligence et semblent inhérents à l'organisation humaine Les
rapports moins simples, par exemple ceux de la division du temps
musical par cinq ou sept, nous sont antipathiques et ne se peuvent
mesurer avec exactitude ; delà vient qu'ils ne sont pas admis parmi les
éléments de la mesure des sons. Toute division du temps en musique
est donc binaire ou ternaire. Quelquefois ces deux éléments se combi-
nent, comme on le verra tout à l'heure.
Dans les idées et dans le langage des musiciens, la considération
des signes de la durée relative des sons a absorbé la notion du temps,
qui mesure la durée absolue. En réalité, nous n'avons d'idée du temps
en musique que par le coup (ictus) qui correspond aux vibrations
du balancier d'un chronomètre, lequel se succède avec plus ou moins
de rapidité, en raison de la longueur du pendule ou de la position de
son centre de gravité. Le nombre plus ou moins grand de ces coups,
appelés temps, pendant la durée déterminée, en est la mesure. Mais ce
n'est pas ainsi que les musiciens conçoivent l'idée de mesure; car leur
habitude de réaliser la durée dans les signes qui la représentent, est
cause qu'au lieu de voir dans le temps, ou le coup, l'unité et la mesure,
on considère le signe de la durée proportionnellement la plus longue
comme l'unité de cette mesure, dont les temps ne sont que des frac-
tions. Ce signe d'unité est la ronde o ■ Les idées des artistes et leur
langage proviennent de ce que, pour rendre la lecture de la musique
plus facile on a imaginé de renfermer des quantités de signes de du-
rée d'une valeur égale à la ronde, ou à une certaine partie de cette
valeur, dans des cases formées de traits perpendiculaires aux lignes
de la 'portée. Le contenu de chacune de ces cases est appelé mesure;
et chaque mesure, lorsque le contenu est égal à la ronde, est divisé en
deux ou en quatre temps, c'est-à-dire en deux ou quatre coups.
Plusieurs conséquences ont été le résultat de l'idée qu'on s'est faite
de la mesure réalisée clans le signe de la durée relativement la plus
longue : la première a été de considérer toutes les autres combinaisons
de mesures comme des fractions ou des amplifications de celle qui est
représentée par la ronde, et d'appeler mesure à deux-quatre (deux
quarts), à trois-quatre (trois quarts), à six-quatre (six quarts), à six-
huit (six huitièmes), à douze-quatre (douze quarts), à douz:-huit
(douze huitièmes), etc., les cases qui contiennent en moins ou en plus
une certaine quantité des parties de la ronde, comme si celle-ci était
la mesure nécessaire de la durée, plutôt que la blanche, la noire ou la
croche.
La deuxième conséquence de cette manière de considérer l'unité de
mesure est une classification peu rationnelle des combinaisons de ces
diverses parties en mesures parfaites et imparfaites, simples et com-
posées. Par la raison qu'il n'y a pas dans la notation de signe simple
pour l'unité de la mesure à trois temps, comme pour la mesure à qua-
tre ou à deux , et que ce n'est que par l'addition d'un point à une note
de valeur binaire qu'on représente la somme totale des temps, on s'est
j persuadé que la mesure ternaire est imparfaite, la considérant comme
manquant d'un temps pour atteindre à la perfection. Cette idée est une
des plus bizarres qui aient trouvé place dans l'imagination des théori-
ciens. Les musiciens des siècles antérieurs au xvne avaient à cet é°-ard
: une opinion absolument opposée, qui n'était pas moins fausse, car ils
! considéraient la mesure ternaire comme parfaite, et la mesure binaire
comme imparfaite, en ce qu'il lui manque un temps. Le sentiment de
la mesure ternaire du temps musical nous est aussi naturel que celui
de la mesure binaire, et résulte aussi de notre organisation.
Les musiciens n'admettent comme simples que les mesures à quatre
temps, à deux et à trois, dont chaque temps est représenté par une
blanche ou par une noire. Toutes les autres mesures, bien qu'elles
soient nécessairement ou binaires ou ternaires, sont considérées comme
composées. Cette fausse notion de composition de mesures provient de
ce qu'il y en a dans lesquelles les fractions de la ronde sont combinées
de telle sorte, qu'il y a , par exemple, dans les cases formées par les
barres verticales, six , neuf ou douze quarts, six , neuf ou douze hui-
tièmes, etc., de la ronde, ce qui excède ou n'atteint pas la somme de
l'entier considéré comme unité de mesure, et détruit conséquemment
l'idée de simplicité attachée à celte unité factice. Par cela même, on se
persuade que les mesures de cei le espèce sont composées.
Si l'on eût compris qu'il n'y a pas d'autre unité dans la mesure que
le temps ou le coup ; que la notion de cette unité est indépendante de
toute idée de signe et de notation; enfin, qu'elle se combine par deux
ou par trois, en raison du caractère de la musique, on aurait vu que
les mesures indiquées par C ou h, (p ou 2, ou—, sont des combinai-
sons binaires de temps divisés par des fractions binaires; que les me-
sures indiquées par -~ •— jj" ~ y et 7-. ne sont que aes combinai-
sons binaires de temps divisés par des fractions ternaires ; que celles qui
sont indiquées par —, — et - sont des combinaisons ternaires de
i i 2 ' k 8
temps divisés en fractions binaires; et, enfin, que celles qui sont in-
diquées par — — et —, sont des combinaisons ternaires de temps
divisés en fractions ternaires. Tel est en réalité le système de la mesure
du temps en musique; système qui ne permet pas la confusion à l'é-
gard de mesures formées en apparence de valeurs semblables de du-
rée, et qui néanmoins se divisent d'une manière différente , comme
— et — — et — — et — ; car on voit que toutes les mesures qui
ont 6 pour numérateur appartiennent à des combinaisons binaires de
temps divisés par fractions ternaires, tandis que celles dont le numé-
rateur est 3, appartiennent à la division ternaire de temps subdivisés
par des fractions binaires. Ainsi, dans la mesure à -, il y a six croches
comme dans la mesure à - ; mais clans la première, les six croches
sont divisées en deux temps de trois croches chacun ; et dans la me-
sure à-, ces six croches sont divisées en trois t.mps de deux cro-
ches chacun. Le mouvement étant semblable, il semblerait au premier
aspect que l'effet des six croches dût être identique dans les deux me-
sures, à l'égard du sentiment musical ; mais il n'en est point ainsi, car
l'accentuation nous empêche de confondre l'une avec l'autre. Dans la
mesure à —, X accent frappe sur la première croche de trois en trois,
et nous sommes sous l'impressio.i de la grande division binaire de
temps ; dans la mesure à —, l'accent porte sur la première croche
de deux en deux, et nous sentons impérieusement la division ternaire.
Mais qu'est-ce que l'acceat? L'accent est de deux espèces. Celui de
la première est une intonation de la voix par laquelle les êtres animés
expriment leurs passions, leurs affections, leurs sentiments ; l'autre est
une force active qui donne l'impulsion à nos mouvements et qui se
fait sentir dans le langage de tous les peuples; force répandue dans
toute l'organisation du monde physique, et à l'action de laquelle nous
ne pouvons nous soustraire. C'est cette derinère espèce d'accent qui se
DE PAP.IS.
291
combine avec les divisions du temps et avec les diversités de mouve-
ments pour constituer ce qu'on nomme le rhythme. On lui donne com-
munément le nom de temps fort. I) se fait sentir par instinct au temps
frappé des mesures et sur la première d'un groupe de deux, de trois,
de quatre ou de six notes égales ou inégales en durée ; à moins que le
rhythmo ne soit à contre-temp>, ainsi que cela sera expliqué plus loin.
La régularité du retour de l'accent fort est ce qu'on appelle cadence,
dans le sens le plus étendu. Cette cadence se fait sentir dans la poésie,
dans la danse, dans le tambour qui règle la marche des soldats, dans
le frappement du marteau des forgerons qui battent le fer sur l'en-
clume, et jusque dans l'allure du cheval. C'est elle qui met tous nos
mouvements en équilibre. Elle n'est donc pas une invention de l'homme ;
mais elle n'est pas imposée à l'artiste d'une manière fatale, car c'est
son génie qui en détermine la forme et qui en règle le retour. L'accent,
d'où naît la cadence, n'est donc pour l'imagination de l'artiste qu'un
élément de son art, comme la tonalité, l'harmonie des sons, les combi-
naisons du temps, le mouvement et l'intensité.
L'intensité, dont je viens de parler, et que certains théoriciens ont
confondue avec l'accent, diffère de celui-ci en ce que l'accent propre-
ment dit est une détermination de l'organisation physique, tandis que
l'intensité , immensément variée dans ses nuances , est l'expression
idéale du sentiment dont le compositeur est animé. Les nuances de
l'intensité sont sans doute la source d'une infinité d'accents ; mais ces
accents, qui dans tous les cas ne dépendent que de l'imagination, ren-
trent souvent dans la catégorie de ceux qui ont pour but l'expression
des affections de l'âme. Comme le temps et le mouvement, l'intensité
est un des éléments du rhythme et peut en varier les effets à l'infini.
Nous voici en possession de tous les éléments de cette partie de la
musique qu'on désigne sous le nom de rhythme ; il ne me reste plus
qu'à expliquer en quoi celui-ci consiste. Le rhythme est la symétrie de
la durée, du mouvement et de l'accent (1). Cette symétrie peut s'établir
de deux manières, à savoir : dans les temps de la mesure, et dans le
nombre de mesures qui entrent clans la formation des phrases et des
périodes. Non-seulement le rhythme de temps peut se combiner avec
le rhythme phraséologique et périodique; mais plusieurs rhythmes dif-
férents de temps se font souvent entendre simultanément dans les
combinaisons de voix et d'instruments.
Le rhythme de temps est binaire ou ternaire, en raison des néces-
sités de la pensée du compositeur. Il est formé de temps égaux, ou
inégaux , ou d'une combinaison des uns avec des autres. Si ces temps
sont égaux, le rhythme peut produire des sensations différentes par la
division binaire ou ternaire de la mesure, à cause de la différence du
placement de l'accent. Prenons, par exemple, le rhythme égal de
noires ou de croches', qui est souvent employé dans l'accompagnement
de la mélodie ou dans la mélodie elle-même : l'impression sera très-
différente, si la mesure est binaire, comme :
4i i i r r ir r ir ri
ou si elle est ternaire, comme :
\ r r r I r r r i r r r \? u r
Dans le premier exemple, l'accent se fait sentir de deux en deux
temps ; dans le second, il frappe de trois en trois. Il n'est pas de mu-
sicien qui ne sache l'énorme différence qui existe dans l'impression de
ces deux rhythmes. Cette différence se multiplie par les nuances de la
lenteur ou de la vitesse du mouvement. Appliquez aux deux exemples
précédents seulement les différences de X adagio, de Y allegretto et du
pieslo, et vous reconnaîtrez que, restant ou binaires ou ternaires, les
rhythmes lent , modéré ou pressé des temps égaux n'ont aucune ana-
logie de caractère.
Cette remarque me paraît importante pour dissiper une erreur ac-
(1) Cette définition, que je crois complète, ne convient qu'au rhythme de la mu-
sique ; le rhythme de la poésie est beaucoup plus ; impie. On s'est trompé quand on
a cru que la même définition pouvait convenir a deux choses très-différentes.
créditée jusqu'à ce jour. Si l'on en croit les savants auteurs de la plu-
part des traités du mètre et du rhythme de la poésie antique, le rhythme
est exactement le môme que celui de la musique; car, disent- ils,
les pieds poétiques sont tous construits dans les mesures binaires
et ternaires; leur rhythme est ou égal ou inégal, et leur mécanisme
a pour base la différence des durées longues et des durées brèves ;
enfin , la symétrie est la loi qui règle l'arrangement de ces pieds
dans la formation des vers. Ces savants prétendaient aussi que les
pieds poétiques renferment tous les mouvements rhylhmiqucs possi-
bles ; car le spondée est le rhythme à temps égaux et long?, comme :
vEne | as jam | etc. ; on le représente dans la notation de la musique par
f ? |f f | °U f f | f f | ; lo dactyle est le
mouvement rhythmique composé d'une durée longue suivie de deux
brèves, comme dans ce fragment d'un vers de Virgile :
Qua data | porta ru | unt, etc.
qu'on noterait ainsi :
e o o I a p p | o etc.
I U 1 1 u I, I
L'anapeste est l'inverse du dactyle, car il est composé de deux du-
rées brèves suivies d'une longue; tels sont les mots latins faciès,
pueros, et les mots français souvenir, charité dont la notation
musicale est '^j | J LJ \ \
Les auteurs dont je parle prétendent que la syncope musicale n'est
que le pied poétique appelé amphibraque , comme aperta, docere
qu'on noterait ainsi : f ? f \f f f etc
Tous ces pieds poétiques représentent, dans l'opinion dont je parle,
les différentes formes possibles du rhythme dans la mesure binaire.
Quant aux rhythmes de la mesure ternaire, on les trouve dans le tro-
chée, composé d'une durée longue suivie d'une brève, comme musa
forma, dont la notation est J t | { f letc. et dans V iam.be,
qui est l'inverse du trochée, c'est-à-dire qui est composé d'une durée
brève suivie d'une longue, et dont la notation est f. f f f |ctc"
Il y a encore le tribraque, composé de trois brèves qu'on pourrait re-
présenter par trois croches de la mesure à — d'un mouvement vif,
et le moloste, qui serait exprimé par trois noires de la mesure à —
d'un mouvement lent.
A l'égard de Vamphimacre, dont la forme est composée de deux du-
rées longues séparées par une brève ; du bacchius, formé d'une durée
brève suivie de deux longues, et dapa/imbacchius, qui en est l'inverse,
étant composé de deux durées longues suivies d'une brève, ce sont des
mesures à cinq temps qui n'ont pas d'emploi dans la musique, et qui
sont en quelque sorte antipathiques au sentiment de cet art, à moins
qu'on ne les considère sous un aspect particulier dont je parlerai dans
la suite.
A l'examen de tous ces pieds poétiques, nous voyons qu'ils ne sont
composés que de deux valeurs de durée, à savoir, le temps et le demi-
temps, ou si l'on veut, du temps double et du temps simple, et consé-
quemment qu'ils sont dépourvus de toutes les autres valeurs de temps
musicaux qui mettent une immense variété dans le rhythme de la mu-
sique, par exemple celui-ci :
Cetautre: f f Ç\( f . -jj | f f .f|f -
\ r L/ip r u\f eic-
et beaucoup d'autres.
Si nous examinons, en outre, les vers grecs et latins, nous voyons
que leur harmonie n'admet pas le rhythme tel que nous le concevons
dans la musique ; car cette harmonie exige une combinaison élégante
292
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
de pieds divers, tels, par exemple, que le spondée et le dactyle dans
l'hexamètre. L'affectation de l'emploi prolongé d'un de ces pieds ne se
trouve pas dans les bons poëtes, et l'on a toujours considéré comme
dénués de grâce les vers tels que celui-ci d'Ennius :
Spartis | hustis | longis | cumpos | splondet et | horret |
à cause de l'usage obstiné du spondée. Le vers harmonieux était celui
dans lequel les divers pieds s'enchaînaient avec grâce, comme :
Arma vï | rumque ca | no Tro | jœ qui | primus ab | oris |
Les six pieds dont se composent ces deux hexamètres sont égaux, étant
tous deux de deux temps; mais le premier est lourd et sans grâce, et
l'autre est d'une élégance remarquable. Cependant le premier donne le
sentiment d'un rhythme musical binaire à durées égales, tandis qu'il
n'y a point de trace d'un rhyLhme soutenu dans l'autre.
La loi de la poésie antique, c'est le mètre et non le rhythme ; car le
mètre est la mesure sans symétrie, et le rhythme est, comme je l'ai
dit, la symétrie dans la mesure et le mouvement. Il est, en effet, im-
possible qu'il y ait symétrie dans une poésie où le nombre des syllabes
varie en raison du nombre de spondées, de dactyles ou d'anapestes qui
entrent dans la formation des vers. Dans le vers d'Ennius, rapporté
ci-dessus, nous trouvons treize syllabes; dans celui de Virgile il y en a
quatorze. La poésie des langues modernes est dépourvue du mètre ;
mais elle est susceptible de rhythme parce qu'elle est syllabique. On
trouvera dans mon Traité de la mélodie et du rhythme l'indication des
moyens par lesquels on peut la perfectionner dans le genre lyrique, en
lui donnant les diverses formes du rhythme musical.
Il est évident, d'après l'analyse précédente, que l'abbé Baini s'est
trompé lorsqu'il a écrit une dissertation pour prouver que le rhythme
de la poésie chantée des anciens était identiquement le même que celui
de la poésie moderne. Vossius (1), Bonesi (2), Scoppa (3), M. Lurin (4),
et beaucoup d'autres, ont partagé la même erreur. Ainsi que je l'ai dit
dans mon Résumé philosophique de l'histoire de la musique, le mètre
de la poésie antique absorbait le rhythme musical, tandis que le
rhythme de la musique moderne absorbe souvent les défauts de symé-
trie de notre versification.
FÉTIS père.
{La suite au numéro prochain.)
REVUE CRITIQUE.
BEETTIÏ©VEiV, PAKSEROX et DA1VCLA.
Depuis près de deux cents ans on fait des pièces de théâtre avec
celles de Molière, comme il en faisait lui-même sur celles de Ménandre,
Plaute, Térence ; de même qu'on s'inspire de Beethoven depuis un
demi-siècle pour faire toute sorte de musique, et même pour arranger
la sienne. Ses concertos pour le piano, admirables solos, sont aussi de
fort belles symphonies qui ne sont pas assez connues, attendu qu'il est
difficile pour la plupart des pianistes de pouvoir disposer d'un orches-
tre complet pour faire jouir un public vraiement musical de l'audition
de cette partie importante des œuvres du grand symphoniste. Le cé-
lèbre Moschelès a pensé avec raison que le piano est un excellent ré-
sumeur de toute musique d'ensemble et à grand orchestre, et il a
fondu, arrangé pour piano seul tous les concertos qu'a écrits Beethoven
pour cet instrument.
Voici venir M. Panseron, l'artiste consciencieux et laborieux que
vous savez, le théoricien solfégiste par excellence, qui, contrarié de
voir les concertos de Beethoven réduits à leur plus simple expression
intrinsèque, a cru devoir ajouter une partie de second piano à l'arren-
(1) De Puematum cantu et virihus rhythmi. Oxonii, in-12.
(2) Traité de la mesure, ou de la Uicision du temps dans la musique et dans
lapotsie. Paris, 180C, in-8".
(3) Les vrais principes de la versification, otc. Paris, 1811-1814, 3 vil in-8".
(li) Eléments du rhythme dans la wry'Jicatwn et la prose françaises. Lyon,
1850, 1 vol. in-8°.
gement Moschelès, un piano ripieno chargé de représenter les accom-
pagnements de l'orchestre, et qui laisse à la partie principale toute la
liberté de son allure. Cette réduction, qu'on peut appeler une addi-
tion, est faite avec le scrupule artistique et le savoir, et le soin qui dis-
tinguent M. Panseron dans tout ce qu'il écrit. L'œuvre arrangée ainsi
est le fameux concerto en ut mineur.
Nous n'entrerons pas dans l'analyse de ce morceau si connu; c'est,
comme on le sait, un des chefs-d'œuvre de Beethoven. Rien n'égale
l'énergique franchise de la première partie, la suavité du laryo, et l'es-
prit du final. Jamais on n'a tiré un parti plus spirituel d'un motif. Le des-
sin de ce thème est varié de la façon la plus ingénieuse et la plus origi-
nale. Les cadenze introduites dans ce concerto comme dans les autres
par Moschelès ont été conservées par le nouvel arrangeur, et ne con-
tribuent pas peu au brio de ces morceaux classiques, dont l'exécution
est devenue possible par l'adjonction de ce piano d'accompagnement.
Puisqu'on trouve maintenant un piano dans toute arrière-boutique de
marchand, et jusque dans les loges de concierge, il serait bien éton-
nant qu'on ne trouvât pas deux de ces instruments, qui sont à la musi-
que de concert ce qu'est le pain pour tout repas, dans un appartement
distingué Le troisième concerto de Beethoven, arrangé ainsi pour deux
pianos, fera sentir l'impérieuse nécessité de cette augmentation du mo-
bilier musical.
Un de nos excellents violonistes, M. Charles Dancla, s'est également
senti inspiré des pensées de Beethoven et de Weber. Par un souvenir
de ces deux illustrations musicales, il a récemment lancé dans le monde
artistique et amateur une charmante fantaisie pour piano et violon, qui
ne peut qu'obtenir beaucoup de succès parmi ceux qui la joueront et
ceux qui l'écouteront. C'est la valse si passionnée du Désir, et l'une
des belles et féeriques mélodies d'Obéron, qui font les frais de cette
charmante fantaisie ; puis, M. Dancla a encore écrit et pubiié un fort
joli morceau intitulé Elégie et barcarolle, aussi pour le violon , avec
accompagnement de piano, qui plaît beaucoup, soit qu'il l'exécute lui-
même ou qu'il soit dit par Mme Antoinette Bédier, charmante créole,
son élève, à qui cette œuvre est dédiée. Sa troisième fantaisie est aussi
un solo de concert que tous les violonistes de France, de Navarre et de
beaucoup d'autres lieux ont adopté pour se produire en public, attendu
qu'ils sont certains de leur effet en exécutant ce morceau brillant. La
quatrième corde, montée d'un ton plus haut, c'est-à-dire au la, donne
une sonorité brillante à la corde sol, qui est d'un très-bon effet.
La publication de ces divers morceaux n'a été pourl'auteur qu'une
distraction artistique pendant la confection de sa méthode de
violon, ouvrage consciencieux et basé sur une longue expérience de
l'auteur dans la pratique et l'enseignement de l'art déjouer du vio'on,
et qui vient de paraître. Celte méthode résume on ne peut mieux les
manières de Baillot, Rode et Kreutzer, ces trois derniers représentants
de la belle école française. Excellents conseils sur la tenue du violoniste
sous les armes; toutes les variétés des évolutions de l'archet; enfin une
foule d'autres qualités que nous n'avons pas assez de place ici pour si-
gnaler aux amateurs du violon, et sur lesquels nous reviendrons plus
tard, font de cette méthode un des bons ouvrages sur l'enseignement
du violon.
Henri BLANCHARD.
CONCERT DONNÉ PAR DUPREZ
A L'ISLE-ADAM.
Les échos d'alentour retentissent encore des bravos que ce concert
a soulevés. Duprez, le grand artiste, était là, jouant le triple rôle d'or-
ganisateur, de compositeur et de chanteur. Il avait pour adjoints Guey-
mard, Chapuis, Morelli, Verroust, Caroline Duprez, sa charmante
fille; Mlles Poinsot et Félix Miolan, ses anciennes élèves. Le pro-
gramme ne comptait pas moins de quinze morceaux, tous de musique
DE PARIS.
293
vocale, excepté les deux solos exécutés par Verroust sur son hautbois
magique, tous accompagnés par Duprez ou par Panseron.
Dire quel est l'artiste ou le morceau qui a produit lcplusd'effetserait
difficile, s'il n'y cùteu le grand trio bouffe des ténors sérieux. Figurez-
vous trois ténors de province se rencontrant à Paris après une heu-
reuse campagne théâtrale, tout couverts de lauriers de Carpentras, de
Brives-la-Gaillarde et autres fameuses cités. Chacun d'eux, fier de son
succès, veut faire comme le corbeau de la fable, et pour montrer sa
belle voix, il ouvre un large bec... ! Le premier, Chapuis, chante l'air
de Jérusalem ; le second, Duprez, l'air de la Juive ; le troisième, Guey-
mard, la cabaletta du duo de Guillaume Tell: « O Malhilde, idole
de mon âme. » Tandis que l'un des trois chante, les deux autres l'ac-
compagnent tout bas de leurs sarcasmes. Ils disent de Gueymard :
Quel exécrable chanteur!
Brailler ainsi, quel malheur!
Ils disent de Duprez :
Sa voix n'est pas belle,
Et ses sons tremblants
Montrent la ficelle :
Il se met dedans.
Et comme jamais le grand artiste n'avait entonné avec plus de puis-
sance la phrase célèbre : « Dieu m'éclaire, etc., » un éclat de fou rire
a salué l'observation, d'autant plus comique qu'elle tombait si mal à
propos. Cette scène, très-spirituelle et très-amusante, fait beaucoup
d'honneur à Duprez qui en est l'auteur. Tout le monde aurait voulu
l'entendre une seconde fois, mais sa longueur y mettait obstacle.
Le boléro de Joanila, chanté par Caroline Duprez, est aussi un des
morceaux qui ont ravi l'auditoire.
400 billets avaient été placés par les dames patronesses ou pris au
bureau. Les pauvres de l'Isle-Adam et de Valmondois auront donc
fait une excellente affaire. Après le concert, Duprez a reçu le titre de
conseiller municipal de sa commune. Le public était venu de dix lieues
à la ronde, et dans l'affluence on avait remarqué une brillante caval-
cade partie des environs de Montmorency. Voilà une fête qui en pro-
met bien d'autres : chacun se donnait rendez-vous à l'an prochain.
P. S.
CORRESPONDANCE.
Berlin, 1" septembre 1852.
Un correspondant qui , pendant quatre mois, est tantôt malade, tantôt
en voyage, et tantôt à la campagne, comme en ce moment, ne mérite plus
ce titre, à vrai dire; toutefois, il cherche à le reconquérir, puisque voilà
l'hiver qui approche. De temps à autre, je quitte les régions sereines et
paisibles de la vie des champs pour me plonger dans le tourbillon de la
capitale. Des événements de quelque importance me décident à quitter ma
retraite. Un des plus importants, mais qui est en même temps fort triste,
c'est le départ de Roger. Cet artiste aimé et fêté, qui ne s'est fait que des
amis, des amis chauds dans le monde musical, parmi ses camarades, et en
général dans toule la ville, a fait ses adieux au pubic de Berlin dans le rôle
de George Brown, de la Dame Blanche-, Huit jours auparavant, Roger nous
avait fait entendre la Farorile, opéra de Donizetti , qui jusque-là nous
était resté inconnu; le succès en a été grand pour l'acteur, plus que pour
l'ouvrage. Il faut convenir néanmoins que Donizetti a jeté un vêtement élé-
gant et gracieux sur le tragique personnage, pour lequel sa musique est un
vrai manteau de charité chrétienne. Si cette statue, avec sa grâce d'em-
prunt , est placée, par une exécutiou convenable et en partie excellente,
sur un piédestal qui la fasse valoir, elle ne peut manquer de produire une
impression profonde. Mme Strantz, jeune cantatrice dont la voix a de fort
belles cordes dans les régions basses, a contribué, après Roger, au succès
de la Favoi ile. Mais la soirée d'hier appartient tout entière à Roger. Après
nous avoir fait admirer l'énergie passionnée de son chant dans le rôle
chevaleresque d'Edgard, par le charme irrésistible et la verve spirituelle
qu'il a déployée dans Georges Brown, Roger a conquis les cœurs de tow.
Les rappels, les salves d'applaudissements, les pluies de bouquets et de
couronnes, les bravos de tout genre se succédaient sans interruption. Tel
a été le dernier et le plus brillant triomphe du célèbre artiste, qui nous
quitte tout resplendissant de gloire. Ce qui vaut peut-être autant, il em-
porte en nous quittant l'affection de ses admirateurs ; son instruction ,
ses manières distinguées, sa cordiale bienveillance, lui ont concilié tous
les cœurs.
l'uisse-t-il nous revenir l'année prochaine 1
La cantatrice suédoise llertha de Westerstrand doit débuter la semaine
prochaine par le rôle d'Amina dans la Somnambule. Nous pouvons pro-
mettre un brillant succès à la jeune débutante.
L. RELLSTAR.
Liège, 2G août 1652.
La Société du Casino a donné récemment un concert qui avait réuni un
auditoire nombreux et choisi. Il s'agissait de faire une démonstration sym-
pathique à un jeune compatriote, le pianiste Dupont, d'Ensival, qui, après
avoir visité l'Angleterre, revenait de l'Allemagne, où les plus beaux succès
lui ont été prodigués. Mlle Vercken, notre excellente cantatrice, et M. Du-
puis, professeur de violon au Conservatoire, ont participé à cette solen-
nité, dans laquelle on les a fêtés comme de coutume. Mais le favori de la
soirée a été M. Dupont : les salves réitérées d'applaudissements qu'il a re-
çues le lui ont prouvé : l'ovation a été complète. Il a d'abord rendu les
Illustrations du Prophète, de Liszt, de telle sorte que Liszt même n'aurait
pas désavoué son interprète. 11 a ensuite exécuté des morceaux de sa com-
position, une pastorale avec un effet en tremulo-slarcato, une sérénade et un
(,a!op fantastique. — Ce qui caractérise l'exécutant, c'est la beauté
du son qu'il tire du piano, sa manière de phraser, son style distingué;
Son jeu est en même temps gracieux et correct , et son exécution aisée,
puissante, large et originale, et, de plus, exempte d'exagération dans les
mouvements et de charlatanisme dans les poses. — Quant aux compo-
sitions de M. Dupont , elles sont bien rhythmées et modulées ; la mélodie
et l'harmonie en sont généralement heureuses, et une grande clarté les
rehausse
Depuis vingt-cinq ans, notre Conservatoire royal s'est acquis une répu-
tation méritée que plusieurs des virtuoses qu'il a produits ont même por-
tée au delà de nos frontières. Aussi l'intérêt qu'on attache à son enseigne-
ment musical attire toujours aux concours annuels une grande affluence
d'amateurs. Les concours à huis clos de solfège ont ouvert la série le
31 juillet ; elle s'est terminée, le 7 août , par les concours publics qui ont
nécessité quatre séances.
Pour les concours ordinaires, les classes d'harmonie et de contre-point
et fugue, de trombone et de bugle, n'ont fourni aucun prétendant; depuis
longtemps déjà, les deux premières paraissent ne pas vouloir donner signe
d'existence ; les classes de trompette, de cornet à pistons, de cor, d'o; hi-
cléide, de hautbois, de clarinette, de flûte, de violoncelle et de contre-
basse, n'ont présenté rien de remarquable ; la classe de basson s'est assez
bien posée ; quant à la classe de littérature française, elle est vacante de-
puis deux ans.
La lutte entre les élèves des quatre classes de violon, des deux classes
de piano et des deux classes de chant, a principalement fixé l'attention des
auditeurs.
Plusieurs nominations ont été réparties entre les violonistes, savoir:
un premier prix à M. Malherbe, élève de M. Frère, et un premier
prix avec distinction à M. Mozin, élève de M. Dupuis : ce dernier vain-
queur, s'il persévère, prendra place à côté des violonistes distingués que
notre école a formés. Quelques-uns des champions ont exécuté la Fantai-
sie-caprice, de Vieuxtemps, et les autres, le septième concerto de De Bériot.
Pour le piano, classe des femmes, le concerto en la bémol, de Hummel,
op. 113, a valu le premier prix à Aille Jacquemin, élève de M. Jalheau. —
Dans la classe des hommes, des premiers prix ont été remportés par
MM. Ghymers et d'Archambeau, élèves de M. Ledent, et par M. Libert,
élève de M. Jalheau. Ces concurrents, dans le deuxième concerto de Kalk-
brenner, ont principalement fait preuve de fermeté et de vigueur.
Pour le chant, le contingent des femmes était très-faible. L'une d'elles,
musicienne estimable, mais que la nature n'a pas pourvue d'une bonne
voix, est parvenue au premier prix. — Cette condition première ne faisait
pas aussi complètement défaut pour la classe des hommes. M. Ledent, élève
de M. Géraldy, a mérité le premier prix dans une 'ocalise et dans l'air de
Joseph, de Méhul, qu'il a chantés avec goût et méthode : il a une voix de
ténor agréable, peu puissante encore. M. Wéry, élève de .M. Terry, bary-
ton à la voix pleine et assez sonore, a obtenu un second prix (rappel de
l'an dernier). Les deux autres seconds prix ont été trop facilement accordés.
Venaient ensuite les concours supérieurs, ouverts seulement aux anciens
lauréats, premiers prix des concours ordinaires. Dans cette catégorie, ils
sont tenus de réunir au talent qu'ils possédaient déjà, l'expression, le mé-
canisme, enfin ce qui constitue l'artiste d'élite. Ont été jugés tels ou à peu
29a
REVUE ET GAZE7
MUSICALE
près : M. Tricot, flûtiste, dans une fantaisie de Boëhm ; Mlle Piette, dans
une scène d'Otello et dans l'air de Giralda; Mlle Charlier, dans l'air du
premier acte de Lucie et dans celui du FreischuU ; l'une et l'autre canta-
trices, élèves de M. Géraldy ; et Mlle Frère, violoniste, élève de son frère,
dans le quatrième concerto de De Bériot, t ù elle a déployé une hardiesse
et un brio d'exécution dignes d éloges. La médaille d'argent a été dé-
cernée à chacun de ces lauréats.
On remarquait parmi les membres du jury, présidé par SI. Daussoigne-
Méhul, MM. Snel et Wéry, du Conservatoire de Bruxelles, et le violoniste
Léonard, notre compatriote.
P. L. Z.
NOUVELLES.
*„* Demain lundi à l'opéra le Juif errant pour la rentrée de Boger et de
Massol.
_%* Lundi dernier, la Farorit. a encore été l'occasion d'un triomphe
pour l'admirable voix de Mme Tédesco : Gueymard et Morelli n'ont pas
moins brillé auprès d'elle.
%* Jérusalem, l'opéra de Verdi, toujours en quatre actes, mais allégé
de danses et d'un changement à vue final, a reparu mercredi dernier. La
seule nouveauté que présentât l'ouvrage, était dans la distribution des
rôles. Chapuis y succédait à Duprez, Depassio à Alizard, Mlle Poinsot à
Mme Julian. Les trois jeunes artistes ont fait de leur mieux et déployé
beaucoup de talent dans des rôles difficiles. Jérusalem a encore été donné
vendredi. La première fois, le spectacle se terminait par la Vivandière, et
la seconde par le premier acte de la Péri, joli ballet dans lequel Mlle
Plunkett est charmante.
*** Roger nous est revenu depuis quelques jours, et ce n'est pas sans
peine qu'il a pu rompre les chaînes d'or et de fleurs avec lesquelles on
voulait le retenir à Berlin. Les succès qu'il a obtenus en Allemagne sont
absolument sans exemple.
*„,* Massol s'était promis de consacrer cette année tout le temps de son
congé au repos, et il s'est tenu parole. 11 vient de passer un mois dans
une propriété qu'il possède aux environs d'Etretat sur le bord de la mer.
*t* On annonce pour mardi prochain à l'Opéra- Comique, la première
représentation du Père (Jadlard., l'ouvrage en trois actes de MM. Sauvage
et Reber.
*** Hier, samedi, a eu lieu la réouverture du Théâtre-Lyrique (ancien
Opéra-National). Dimanche prochain, nous rendrons compte de l'ouvrage
en trois actes, Sij'étais roi, de MM. Dennery et Adolphe Adam, qui doit
encore être joué ce soir, mais avec une troupe différente.
%*. Alexandre Billet, le pianiste distingué, qui depuis quelques années
s'est établi à Londres, vient d'arriver à Paris, où il se propose de rester
quelques jours, pour se rendre ensuite dans nos principales villes du
Midi.
*** M. Bazzini, le charmant violoniste, n'a fait que passer à Paris, ve-
nant de Boulogne-sur-Mer et allant à Laval, où il est engagé pour le festi-
val qui doit y avoir lieu, et où de nouveaux succès l'attendent.
*„*Mlle Ida Bertrand, la célèbre cantatrice, dont le talent a été, comme
toujours, l'un des principaux soutiens du théâtre de Sa Majesté â Londres,
a quitté cette ville pour Paris.
%* Dans un concert d'adieu donné à Bordeaux par l'acteur et chanteur
distingué, Barielle, Mlle Sarah Danhauser a fort bien chanté deux airs du
Juif errant, ce qui lui a mérité les bravos de tout l'auditoire.
*** Le jeune violoniste Léon Reynier est de retour à Paris après une
brillante tournée en Bretagne.
*„* Mme de Lagrange est Paris en ce moment. Tout fait espérer qu'on
saura la garder dans cette ville.
*„* M. Van der Heyden, l'habile violoncelliste, est de retour à Paris,
_ après avoir joué avec succès devants. A. R. Mme la duchesse de Berry, à
Venise, à la cour de Turin, et donné un concert à la Scala, de Milan.
ta >[*** Mlle Darboville, pianiste fort distinguée, qui était venue se reposer
r pendant quelques jours à Paris des travaux de son enseignement à Slar-
, seille, s'est fait entendre à son passage à Lyon dans une réunion d'artistes
£t,/d:amateurs. La jeune artiste, dont le talent rappelle celui de
Mme' Pleyel, a produit beaucoup d'impression en exécutant plusieurs
'mor'ceaù'i d'une grande difficulté sur deux superbes pianos d'Erard et de
95>fépi.91"'
,- A*' Le ténor Lagrave s'est fait entendre le jour de l'Assomption dans
r église de liloiitmélian, et l'on a pu admirer sa voix sympathique et tou-
•'châht'è1,' ^'laquelle les eaux du pays ont rendu toute sa pureté.
*„!* «os lecteurs se rappellent l'impression qu'avaient produite les jeunes
'ïrères' Laprét, lors de leur première audition à Paris. ,Ces deux artistes
"sont de 'retour; 'nous les avons entendus tous les deux dans une réunion
,;d'e famille à la salle dès concerts des artistes-musiciens, et nous avons pu
juger de leurs progrès remarquables. Nous ne doutons pas que, cet hi-
ver, dans les soirées et dans les concerts, ils n'achèvent de se faire une
réputation que leur talent sérieux et leurs qualités brillantes ne peuvent
manquer de justifier.
%* Une erreur s'est glissée dans le compte rendu du concours musical
de Villeneuve-sur Yonne (voyez notre dernier numéro). Il y est dit que :
n Les corps de musique de Champignolles, de Montereau, de Toucy et de
» Villeneuve-Saint-Goorges, malgré des mérites réels, ont été battus par
» leurs heureux rivaux de Sens, Villeneuve sur Yonne et Auxerre. » Nous
devons constater au contraire que le corps d'harmonie de Villeneuve-
Saint Georges, dont M. Charles de Dez est le clref, a obtenu un premier
prix, consistant en une médaille de vermeil.
CRON1QUE DÉPARTEMENTALE.
*** Boulogne-sur-Mer, 27 septembre. — La Société philharmonique a
donné hier un magnifique concert avec Mlle Caroline Duprez. A chacune
de ses apparitions la jeune cantatrice a été accueillie par un enthousiasme
croissant, et Duprez, l'illustre maître, était là au piano, jouissant double-
ment du triomphe de sa fille et de sa digne élève! Ce triomphe s'est ma-
nifesté par des applaudissements sans fin, par des rappels, des bouquets
et une couronne offerte à la brillante virtuose, après le boléro de Joanita,
qu'elle a dit de manière à ravir tout l'auditoire. Mlle Duprez a aussi chanté
la cavatine de Lucia, l'air de la Sonnimbula, et deux charmantes ro-
mances : la Petite fleur et le Secret surpris, dont Duprez est l'auteur. Dans
ce concert figuraient, pour la partie instrumentale, deux artistes de la lo-
calité. Mlle Blahetka, pianiste supérieure,s'estfaitvivementapplaudirdans
une polonaise de sa composition et dans la fantaisie sur Mois , de Thal-
berg, qu'elle a dite avec la distinction qui la caractérise et le talent ma-
gistral du créateur de cette œuvre grandiose. M. Chardard, qui joue de la
flûte comme Bazzini joue du violon, a fait entendre une fantaisie sur un
air allemand de Boëhm, et des variations sur Malborough. Ce dernier mor-
ceau, dans le genre du Carnaval de Venise, a mis en relief toutes les qua-
lités de l'artiste : ausri a-t-il été couvert d'applaudissements et rappelé aux
acclamations de la salle entière.
*** Bognèr-s-di-l.uchm. — Notre ville a été cette année le rendez-vous
de la haute aristocratie, c'est surtout hier au concert de Mlle Guénée que
nous avons pu en juger. Le nom de l'artiste avait eu seul le pouvoir de
réunir dans un même salon, des princesses royales, des duchesses, et
nos plus jolies femmes du grand monde. Pendant deux heures entières,
Mlle Guénée a su tenir son auditoire sous le charme. Sa fantaisie sur la
Favoite, ses Moissonneurs et son galop de bravoure ont été redemandés.
%* Tioumlle-w-Mer. — Un très-beau concert a été donné par Mme Sa -
batier et M. Lecieux, et les nombreux visiteurs de notre belle plage ont
vivement applaudi la première dans l'air des Moufquetaires de la Reine, et
M. Lecieux dans sa belle fantaisie sur le Duc d'Olonne, M. Charles John, le
pianiste de l'intimité, cédant aux sollicitations de ses amis, a fait entendre
dans le même concert ses gracieuses compositions. Son succès a été aussi
grand que légitime, succès qui l'attend partout où il voudra se faire en-
tendre.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
*„.* Londres, 2 septembre. — Le théâtre italien de Covent-Garden a
terminé sa saison. Ouvert le 27 mars, il a fermé le 1" septembre.
68 représentations ont été données, savoir : kit d'abonnement, 19 extra-
ordinaires, et 3 (lundi, mardi et mercredi derniers) â prix réduits. 11 n'y
a eu que deux matinées, celle de Mme Anderson, et une autre donnée par
l'administration. Le répertoire s'est composé comme il suit : Guillaume
Tell, joué k fois. Il Barbier?, 1. O.ello, 1. Sjnnairi'ula, 1. Nomia, 2. Puri-
tani,5. MaiadiRoUan,^. 1 Marliri, 5. LucreziaBoryia,5. Elisir d'amore, <l.
Lucia di Lammermuor, \. Ernani, 1. Don Giovanni, 1. Il Flauto magico, 3-
La Juive, 2. Robtri le D.abl*-, 3. Le* Huguenot', 11. Le Prophète, 7. Pietro il
Grande, li. On remarquera que le répertoire du grand Opéra de Paris a
fourni 3/i représentations, la moitié juste du total. Les nouveautés, qui se
réduisent à trois, ont eu peu de succès. 1 Marliri n'ont réussi qu'à cause
de Mme Jullienne et de Tamberlick; Fau<:>, que par l'estime qu'on porte
au compositeur, qui lui-même dirigeait son ouvrage, rietro il Grande a fait
un fiasco complet le premier jour. Vainement on a tenté par des coupures
el autres moyens de relever l'ouvrage : l'opinion publique s'est prononcée
contre la musique de Jullien, qui n'est que la parodie de beaucoup d'au-
tres musiques. Du bruit, du bruit et toujours du bruit. Les recettes de la
saison ont été bonnes, mais les dépenses accablantes, par suite d'engage-
ments inutiles et du procès Wagner.
*t* Hanovre, 27 août. — Le nouveau théâtre de la Cour, dont la con-
struction vient d'être achevée, sera inauguré le 1er septembre prochain
par la première représentation en cette ville du Prophète, de Meyerbeer.
Aux deux premières répétitions de cet ouvrage, les dix-huit cents places
que contient le nouveau théâtre étaient toutes occupées par des militaires
de la garnison que l'on y avait introduits afin de juger de l'effet de la mu-
sique lorsque la salle est entièrement pleine.
Bade, 2 septembre. — Le lion de la saison est décidément Vieuxtemf s.
I)K PARIS.
295
Son premier concert a eu lieu vendredi dernier, et son succès a été py-
ramidal. Le volume de son qu'il tire de son violon, et surtout sa qualité,
ont produit un très grand effet sur le nombreux et élégant auditoire qui
assistait à cette soirée dans le joli salon des Qeurs. Il faut dire aussi que
ses compositions sont pour beaucoup dans le succès. Vieuxtemps réunit
l'élégance et l'énergie, et dès le premier coup d'archet on s'aperçoit qu'il
sait maîtriser l'orchestre. Demain aura lieu son deuxième concert, qui,
sans nul doute, sera suhi encore de plusieurs autres. M. Amat chantait
dans le premier de jolies romances do sa composition, entre autres son
fameux Petit oiseau, qui ont fait le plus grand plaisir. Cette semaine nous
avons entendu exécuter dans un salon particulier deux trios pour piano ,
violon et violoncelle, de P.osenhain et Beethoven, par Vieuxtemps, Ro-
senliain et Cossmann. Le trio de Iiosenhain était inédit, et c'est vraiment
un petit chef-d'œuvre de grâce et de mélodie; le scherzo, que les artistes
ont été obligés de répéter, pourrait être signé Beethoven ou llummel ;
c'est une création tellement remarquable, que lorsque ce trio sera gravé.
nous lui prédisons le succès du fameux trio de Mayseder, ou du grand
trio de llummel. Ce morceau était suivi du trio de Beethoven, œuvre 97e.
Bien souvent nous avons entendu dire par des grands artistes cette admi-
rable création, mais jamais avec un entrain et un ensemble pareil. —
Parmi les nombreux concerts qui ont eu lieu récemment, il faut citer en
première ligne celui de Cossmann, qui avait attiré une nombreuse et
brillante société. Le bénéficiaire a fait entendre une nouvelle fantaisie sur
des thèmes de la Juive, un nocturne de Chopin arrangé par lui pour le
violoncelle , et une canzonfita napoHtun •. Le jeu de Cosmann est bril-
lant et correct ; il tire beaucoup de son de son instrument et le traite en
grand artiste. Depuis son départ de Paris il a fait des progrès notables, et
certes on doit le placer maintenant en première ligne parmi les violon-
cellistes de grand talent. Le charme et le sentiment élevé qu'il a mis dans
Y Ave Maria, de Schubert, l'ont obligé à répéter ce morceau, le dernier
du concert, que tout le monde trouvait trop court. — Levassor a donné
deux soirées, et là, comme partout, il a fait pouffer de rire le nombreux
public attiré par son nom.
%* Vienne. — Le Prophète exerce toujours la même puissance attractive
sur le public ; à la dernière représentation du chef-d'œuvre, la salle était
comble. Ander s'est fait applaudir dans le rôle de Jean de Leyde. — On
va mettre à l'étude Ondine, opéra nouveau de M. Lvoff, qui sera représenté
avec un grand luxe de décors et de costumes.
%* Dresde, 27 août, à l'occasion du congrès d'archéologues et d'histo-
riens allemands qui vient d'être tenu sous la présidence du prince
Jean de Saxe, on a donné un festival dont le programme se composait
entièrement d'ouvrages anciens, savoir: Chant grégorien (vi° siècle);
Hymne à la sainte Vierge, par Michel Praetorius , de Creutzbergen , en
Thui'inge .'1572) ; Motet dePa'estrina (1S52) ; Madrigal, par Thomas Morby
(16i2) ; Chant populaire, de Lemblin (1637) ; deux Chants de fête, par Jean
Eccard (1571) ; la Tassion, oratorio en latin, de Henri Schutz, de Koertritz
(158A). Toute la famille royale honorait de sa présence cette solennité
musicale, à laquelle assistaient aussi nos sommités artistiques et litté-
raires. Toutes les compositions que nous avons citées ont été applaudies
avec la plus grande faveur par le public d'élite que le festival avait attiré.
*„* Madrid, 23 août. — Une société de capitalistes qui vient de se for-
mer, sollicite du gouvernement l'autorisation de créer un nouveau théâ-
tre lyrique destiné exclusivement à la représentation d'opéras de compo-
siteurs nationaux et de traductions d'opéras de compositeurs étrangers,
autres que ceux d'Italie. On espère que cette autorisation sera accordée,
à cause des progrès que le goût de la musique fait de plus dans toutes
les classes de la population de Madrid 11 en est de même en province. A
Grenade, Ronconi fait fureur : on lui donne 1,2(10 piastres (ù, 200 fr.) par
représentation. Le public de Xerès-la-Frontera a offert à Mme Monté-
négro une couronne de laurier en argent, et un bracelet orné de pierre-
ries de la valeur de 12,000 réaux (3,150 fr.). A Cordoue, où le pianiste
Gottschalk venait de donner une. série de dix-huit concerts, la munici-
palité est allée le trouver au moment où il allait partir, pour le supplier
de donner encore un concert Gottschalk y a consenti, et le concert a pro-
dnit une recette de 16,500 réaux (4,23i> fr.), dont l'artiste a fait don aux
établissements de charité de la ville.
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peuples, depuis l'antiquité jusqu'à nos jours;
2° La nouvelle organisation instrumentale prescrite par l'ordonnance mi-
nistérielle du 19 août 18/i5;
3° La description et la figure des instruments de M. Adolphe Sax ;
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— Haydée ou le Secret
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— Lestocq
— Muette de Portici (le)
— Part du Diable (la)
— Philtre (le)
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— Sirène (la)
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BAZIN. Malheur d'être jolie (le)
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— Carnaval romain (le)
boubgks (M.). Sultana
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COHIS. Diable à Séville (le) 12
— Portefaix (le) 15
niLÉVT. Artisan (1') 12
— Charles VI 15
— Dame de Pique (la) 20
— Dilettante d'Avignon (le) 12
— Eclair (1') 15
— Fée aux Roses (la) 24
— Guitarrero (le) - 15
— Juive (la) 24
— Juif errant (le) 24
— Langue musicale (la) 12
— Mousquetaires de la reine (les) 24
— Prométhée enchaîné (en partition) 18
— Reine de Chypre (la) 15
— Shérif (le) 15
— Treize (les) 15
— Val d'Andorre (le) 24
HÉROLU. Pré aux Clercs (le) 18
EABARRE. Deux familles (les) 18
LOUS (N.). Marie-Thérèse 20
BIÉUUE. Chasse du jeune Henri (la) 12
UEIVDElssouiv. Songe d'une nuit d'été (le) 15
NEYERBEEK. Huguenots (les) 24
— Robert le Diable 15
— Struensée 25
AICOLO. Billet de loterie (le) 12
— Cendrillon 12
— Jeannot et Colin 12
— Joconde 12
— Rendez-vous bourgeois (les) 12
PRÉVOST (E.). Cosimo 15
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— Robert Bruce 18
— Siège de Corinthe (le) 18
— Stabat Mater 18
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— Oberon 15
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12 Septembre 1852.
i-i-i\ «le i 'Abonnement i
Départements, Belgique '•! Su sse . . , . 30
Étranger 34
Le Journal purolt le Dimanche
GAZETTE MUSICALE
./wV\Af©©®£J\A/W/v —
SOMMAIRE. — Du développement futur de la musique dans le domaine du
rhythme (3' article), par IKctis père. — Théâtre de l'Opéra-Comique, le Père.
GaiUar ■', opéra comique en trois actes, libretto de M. Sauvage, partition de
M. Reber (première représentation), par 2tt-ni-i Blanrlianl. — Réouverture
du Théâtre-Lyrique, Si j'étais roi, opéra comique en trois actes, paroles de
M. Dennery, musique de M. Ad. Adam, par M. lB<-qu<»t. — Littérature musi-
cale, Dictionnaire des beaux-arts, par F. Blalvvy. — Bibliographie, Essais sur
la typographie, d'Ambroise-Firmiu Didot |2' article). — Nouvelles et annonces.
LU DEVELOPPEMENT FUTUR DE LÀ MUSIQUE
Dans le (lointaine du rliytlime.
(3e article) (l).
Le rhythme dans la mesure, sa forme étant donnée, est susceptible
de variétés très-remarquables sur lesquelles l'attention des artistes ne
me paraît pas s'être fixée jusqu'à ce jour, et qui, réunies à diverses
modifications du rhythme phraséologique dont je parlerai dans la suite,
doivent ouvrir un champ plus vaste à l'imagination des compositeurs.
Je vais essayer d'indiquer en quoi consistent ces variétés.
Je suppose cette forme :
Allegro.
020 a
LU II
m
H
cctfir r rcffir
Le caractère de ce rhythme résulte évidemment de ce que les trio-
lets sont placés aux temps pairs des mesures, c'est-à-dire aux temps
levés. Supposons maintenant qu'après avoir été entendus sous cette
forme, et après une interruption incidente, on les fasse entendre aux
temps impairs, c'est-à-dire au premier et au troisième temps , de
cette manière :
cûstff Idrrrr Idttùit Irîrrr ri
On comprend que l'impression sera très-différente, et qu'il y aura
dans celte mutation d'un même rhythme et d'une même phrase carac-
térisée de deux manières différentes, une émotion de surprise sur l'au-
ditoire. Il en sera de même si la mutation se fait ainsi :
ç'tdrr rlr dit rlr dit cirlr dit rir i
Si le rhythme est moins simple, et s'il se compose de plusieurs élé-
ments, l'effet des mutations de ce genre sera plus sensible encore. Sup-
posons celui-ci :
Allegro.
Il est fac.le de comprendre que l'énergique caractère d'une phrase
construite sur ce rhythme se transformera en un caractère brillant,
mais moins ferme, si la phrase commence au temps levé de cette ma-
nière :
A llegro.
IL/lf
r
e \ê . e
LJ
U±J\
1 1 lhj i r
Si faible que soit l'organisation musicale de quiconque sera placé
sous l'impression de ces deux rhylhmes , en apparence semblables
quant à la valeur des notes, il me paraît à peu près impossible que l'é-
norme différence entre l'attaque au temps frappé ou au temps levé ne
soit pas sentie, et qu'on ne comprenne pas la variété qui peut être ti-
rée de la mutation de ces deux rhythmes.
Il me semble nécessaire de prévenir ici un malentendu, et d'empê-
cher qu'on ne donne un sens erroné à ce que je viens de dire. Les mu-
tations dont je viens de parler ne sont applicables qu'aux rhythmes
très-déterminés ; car si le rhythme ne se caractérise que par la corres-
pondance des phrases, la mélodie ne pourrait changer de temps à son
entrée sans perdre son charme et sans être gauche. On peut en voir la
preuve dans ce motif d'un amiante de Haydn :
Cette mélodie, commencée au temps levé, tomberait partout à faux
et perdrait tout son charme si elle était écrite de cette manière :
TFr^
S±=tS
£
:H^=±^r^ê^MEgïL
wmw
(1) Voir les n01 35 et 36
Le compositeur intelligent et bon musicien ne se trompe pas sur le
temps de la mesure par où commence sa phrase ;maisil en est qui, non-
obstant un heureux instinct de mélodie, ne saisissent qu'avec diffi-
culté le véritable sentiment rhythmique du temps levé et du temps
frappé. Tel était Bellini, le plus ignorant des compositeurs qui" se sont
fait un nom, mais un des plus heureusement doués, dans de certaines
limites. Ses amis les plus intimes m'ont dit que pendant qu'il écrivait
les Puritains, à Paris, il était souvent incertain de la mesure des mé-
lodies qu'il imaginait ; circonstance assez vraisemblable par la multi-
tude de gaucheries dont ses partitions sont remplies. Avant que l'étude
de la musique devînt en quelque sorte universelle, il n'était pas rare
de voir des amateurs en qui le goût de cet art, et même un sentiment
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
assez vif de ses beautés, n'empêchaient pas qu'ils ne prissent la mé-
lodie à contre-temps, et qu'ils ne battissent la mesure à faux. Battre
la mesure à faux, ce n'est pas être dépourvu du sentiment de la ré-
gularité des temps : on peut battre très régulièrement la mesure en la
battant à faux ; on se trompe seulement sur le point de départ, en pre-
nant pour le temps frappé ce qui est au levé ou le contraire. On trou-
vera dans mon Traité du rhythme et de la mélodie le moyen analyti-
que par lequel on aura la certitude d'éviter cette erreur. Je reviens à
mon sujet.
Le rhythme poétique appelé anapeste est susceptible de deux formes
en musique, tandis qu'il n'en a qu'une dans la poésie ; car on sait que
les vers métriques commencent toujours par le temps frappé, en sorte
que l'anapeste a invariablement cette forme :
i - - - i - - - l
ou deux brèves suivies d'une longue en commençant au frappé. Dans
la musique, les deux brèves peuvent se trouver ou au temps faible, ou
au temps fort, ce qui produit deux rhythmes très-différents, à cause
du déplacement de l'accent. Mozart a fait un très-heureux emploi du
premier de ces rhythmes dans l'air des Noces de Figaro, dont les pre-
mières paroles sont : Non sàpiù cosason, cosaj'accio, disposé de cette
manière :
Vivace.
*rtïr fcrccirr 'tnrjcr ccirr ri
Il est évident que, quelle que fût l'inspiration d'un chant, ce chant
aurait un caractère absolument différent de la mélodie de Mozart si les
deux brèves de l'anapeste tombaient au temps frappé, comme dans cet
exemple :
\W
II/!
\0 O 0
\9 s g
II/
Remarquez que cette diversité de caractère peut se multiplier par
toutes les nuances de lenteur ou de vitesse du mouvement. 11 en est
de même à l'égard du rhythme dactyle, qui est précisément l'inverse
de l'anapeste. Comme ce dernier pied poétique, le dactyle n'est suscep-
tible que d'une forme dans la poésie, parce que la longue qui précède
les deux brèves tombe toujours au temps frappé, de cette manière :
l - » ■■- I -•» h l
tandis que dans la musique, cette longue peut être entendue au temps
frappé ou au levé, ce qui produit deux rhythmes d'un caractère très-
différent, comme on peut le voir dans les deux exemples suivants :
2 9
Hir ccir jjif r
N°2.
cf icer ccr irrrucrcçrir mi
Ainsi que dans les deux formes de l'anapeste, la diversité des formes
du dactyle peut évidemment se multiplier par les nuances de la vi-
tesse. Mais il est une source de variété qui ne me semble pas avoir été
aperçue jusqu'ici , et qui pourrait offrir de nouvelles ressources h
l'imagination : elle consiste dans le passage alternatif d'une forme à
l'autre dans chacun de ces rhythmes. Mozart a tiré le plus heureux
parti de la succession du rhythme anapestique ou dactylique, dans le
rondo de Bon Juan : Fin che dal vino, dont la disposition est celle-ci:
Presto.
2 « s a \ a o e \ o p p \ e a 0 letc.
cciw if tnccr ni
: De même, Beethoven a développé les trésors de son imagination
dans le passage du rhythme dactylique au rhythme spondaïque, dans
Mandante, de la symphonie en la, qui se présente sous cette forme :j|2
îf cci r r ir Mit t ri
Mais ni ces hommes illustres, ni aucun autre compositeur, que je
sache, n'a essayé de prendre alternativement sa phrase basée sur ces
rhythmes caractérisés tantôt sous la forme du temps frappé, tantôt
sous celle du temps levé; alternative de laquelle on pourrait tirer des
effets très originaux, et qui n'attend, pour faire briller ses richesses,
que l'inspiration du génie. Vienne l'homme prédestiné, et l'on verra
ce que peut produire le domaine, inculte jusqu'à ce jour, de la muta-
tion des formes du rhythme. N'oublions pas cependant que je ne suis
encore qu'à l'entrée de ce domaine, et faisons-le mieux connaître.
Mon analyse ne s'est exercée, dans ce qui précède, que sur le sys-
tème de la mesure binaire; je n'en ai même considéré qu'un très-petit
nombre de formes, parce que je dois me borner dans ce travail à de
simples indications. J'ai maintenant à faire voir que les mutations d'un
même rhythme ne sont ni moins riches, ni moins remarquables dans
le système de la mesure ternaire.
Le premier rhythme qui se présente, le plus simple de tous, est ce-
lui des durées égales. 11 est susceptible de beaucoup de caractères dif-
férents, en raison des nuances du mouvement, et l'on en pourrait mul-
tiplier les exemples ; mais je n'ai pour objet que de faire voir comment
le même rhythme, le même motif mélodique peut nous affecter d'im-
pressions très-diverses, par le simple changement du temps par lequel
il commence. Prenons pour exemple le scherzo de la symphonie pas-
torale de Beethoven. Tout le monde le connaît; je me borne donc à le
rhythmer :
Vivace.
fff
| g b 0 | a s 0
Mil 1 1 i !
Rien de plus léger, de plus libre, de plus en train que ce rhythme.
Mais supposons qu'après s'en être joué avec son intarissable fantaisie,
Beethoven, n'ayant pas à peindre la scène villageoise et l'orage qui
lui inspirent de nouveaux motifs, eût eu à faire simplement un scherzo
sans objet déterminé et sans autre plan que celui de développer , sous
toutes les formes possibles, le même sujet; n'est-il pas évident que
son thème, pris tout à coup au temps frappé, au lieu du levé, lui au-
rait fait produire une sensation imprévue, et lui aurait fourni le moyen
d'enfanter une multitude de combinaisons nouvelles, d'un effet original
et piquant. Chacun peut s'en convaincre en écrivant ou exécutant le
thème de Beethoven sur le rhythme suivant :
Viraçe. etc.
'; 0 a y | 0 p o j 0 e r j 0 si s j 0 S s I 0 e w I s e 0 I « s [!
De léger badinage qu'il était sous sa première forme, le thème de-
vient, dans l'autre disposition, une attaque ferme et décidée, par cela
seul que l'accent frappe sur la première note, de trois en trois. Ce
même thème changera encore de caractère si le début est au deuxième
temps de la mesure : également éloigné de la légèreté de la première
forme et de la fermeté de la seconde, il deviendra gracieux , élégant
dans celle-ci :
Va-ace. elc.
rrr irr rirrpii r iif rriff r ir r rir rn
Telle est la puissance de la place de l'accent dans la disposition
d'une phrase dont le rhythme est vigoureusement caractérisé par le
mouvement. Les exemples suivants nous fourniront des effets non
moins remarquables dans les rhythmes inégaux de la mesure ternaire.
Deux de ces rhythmes sont analogues au trochée et à l'iambe de la
poésie antique ; mais chacun d'eux est susceptible de transformation ,
en raison du temps par où il commence, tandis que le trochée et l'iambe
ont chacun une forme invariable, commençant toujours au frappé. On
sait que le premier de ces rhythmes est une longue suivie d'une brève;
il peut se présenter dans une phrase sous cette forme :
\ r
DE PARIS.
299
ou sous celle-ci :
* 9 9 \ 0 fi fi
III I I I I
Il n'est pas nécessaire que j'insiste pour faire voir combien l'effet de
ces deux formes est différent, car on serait même tenté de les considé-
rer comme des rhythmes étrangers l'un à l'autre. On se tromperait
cependant si l'on considérait la seconde forme comme appartenant à la
syncope de l'amphibraque , car celle-ci procède de la mesure binaire
dans celte forme :
vï e ri r r r I r r r
Beethoven, dont le génie poétique trouvait souvent ses plus beaux
effets dans les transformations multipliées de sa pensée première, aurait
pu, si son attention s'était fixée sur les richesses des mutations de rhyth-
mes, ajouter aux émotions que fait naître son sublime scherzo de la
symphonie en ut mineur, au moyen des deux formes du rhythme Iro-
chaïque. On sait que le thème de ce scherzo est ainsi conçu :
3 ?
o o e \ o
i I I I I
r r i r
i i h 'i
O etc.
Or, si , dans une des rentrées du sujet, ce rhythme eût commencé au
second temps, au lieu de commencer au troisième, on aurait eu :
Basses. , , „ , Violons.
iTf'rirrfirffifffirfrrr-[.Ti!f]Trfr
et l'effet de surprise et de contretemps de ce rhythme aurait été saisis-
sant ; enfin, après le trouble occasionné par celte mutation, le retour
au rhythme primitif aurait eu du charme.
Je dois protester ici contre toute fausse interprétation qu'on pourrait
donner à mes paroles. Si je choisis mes exemples dans les œuvres des
plus grands artistes pour en soumettre les idées à des modifications de
formes, c'est afin de me faire mieux comprendre à l'aide de choses qui
sont connues de tout le monde ; mais loin de moi la pensée sacrilège de
toucher à ce qui a fait les délices de ma vie d'artiste ; loin de moi le
sot orgueil qui me conduirait à vouloir y ajouter quelque chose, j'indi-
que simplement un ordre d'éléments et d'idées auquel on n'a pas songé
jusqu'à ce jour, et j'en cherche des applications dans les œuvres cé-
lèbres, afin de rendre facile l'intelligence de la théorie que j'expose :
rien de plus. J'ajouterai que les résultats seront beaucoup plus impor-
tants quand les compositions seront conçues au point de vue des muta-
tions de rhythmes, et lorsque l'imagination des artistes entrera en
exercice dans ce nouvel ordre de choses. L'amour de l'art me guide
seul , non les intérêts de la vanité. Qu'on lise dans la Revue musicale
de juin et juillet 1832 le résumé du cours de philosophie de la musique
que j'ai fait alors à Paris : on y verra qu'à cette époque j'étais en
possession des formules de modulations omnilouiques que je n'ai pu-
bliées que douze ans plus tard, dans la troisième partie de mon Traité
de l'harmonie, et de la Théorie cl^s mutations de rhythmes, que je fais
connaître aujourd'hui, après avoir employé plus de vingt années à en
perfectionner les détails par la méditation. J'espère qu'on verra dans
ces longs délais que les jouissances de l'amour-propre ne sont pas ce
que je recherche. Après ces explications, qui m'ont paru nécessaires
pour éviter tout malentendu, je reviens à l'objet de ce travail.
Le rhythme ternaire inégal inverse du précédent est celui qui ré-
pond à l'iambe : c'est le temps bref qui précède le long. Ainsi que
l'autre, il est susceptible de deux formes, à savoir : l'une qui a le temps
bref placé au frappé de la mesure, l'autre avec le même temps au levé.
La première est disposée de cette manière :
tf f i f r i
L'autre forme est celle-ci :
3 9 I ç P \ ç
f f f I ' f * 1
f i r r i r
C'est dans cette dernière forme du rhythme iambique qu'est conçue
la touchante romance de Grétry : Une fièvre brûlante. Il est bon de
remarquer, à ce sujet, que le rhythme inégal du système ternaire a, sur
le système binaire, l'avantage de conserver son caractère dans le mou-
vement lent, tandis que les rhylhmes binaires s'affaiblissent dans la
lenteur, et ne sont sensibles qu'autant que le mouvement a une certaine
animation.
Il y a de la grâce et de la naïveté dans l'opposition des deux formes
du rhythme iambique, lorsque le mouvement est lent et modéré. On voit
un exemple de cette opposition dans la chanson populaire Charmante
Gabriclle. L'effet de l'opposition y est d'autant plus remarquable que,
dans la conception de cette mélodie, un rhythme phraséologique par-
faitement régulier résulte de l'enchaînement des divers rhythmes de
temps. En voici la disposition :
Andanle. el<;
îrrrifffifffirfirnriffrifffifffirfifnn
Dans les mouvements animés, l'opposition du rhythme iambique au
rhythme trochalque peut avoir un grand effet d'énergie. En voici un
exemple :
Mullo allegro.
4i i 1 1 1 h i i ! i ii 1 1 1 i i r 1 1 i r r il
11 est une multitude de rhythmes ternaires qui n'ont pas d'analo-
gues dans les pieds poétiques. Les bornes de ce travail ne me permet-
tent pas d'en rechercher toutes les formes : je m'attacherai seulement
à un de leurs éléments dont l'usage est fréquent. Cet élément est
celui-ci
s p
L'I
Dans la lenteur, dans le mouvement modéré,
dans la vitesse, cet élément joue un grand rôle, soit qu'il se succède,
soit qu'on le combine avec d'autres. Tout le monde connaît le noble
caractère dont il est emprunt dans l'air national anglais God save the
King, dont le mouvement est majestueusement lent , et dont la dispo-
sition est celle-ci :
3 fi 9 *
e o
o o e
o
I ! I
9 O
f f ? I f
| etc.
La même disposition se retrouve dans l'air des Noces de Figaro, de
Mozart : Se vuol bal/are signor Contino ; mais le caractère du rhythme
est tout différent, à cause de l'animation du mouvement. L'expression
dont Mozart avait besoin exigeait une certaine verdeur, quelque chose
qui sentît la menace : ce rhythme a répondu admirablement à sa pensée.
Le voici :
etc.
3 ê 0 o\ § • a 0 I b fi fi | p 0 ? 1 9 f e I 9 • f # [ f f fi 1 9 fi X\\
4 r i n i i/ 1 1 1 . i h i i r 1 1 1 1 b r i r i r 1 1 1 h
Lorsque l'élément se succède dans sa^vitesse, de cette manière :
't
O
il a une singulière énergie. On en retrouve de beaux exemples dans les
œuvres des grands maîtres.
Comme la plupart des rhythmes fortement caractérisés, celui-ci est
susceptible de transformation, à raison de la différence des temps de
son attaque. Supposons que le troisième temps de la mesure soit sub-
stitué au premier, de cette manière :
9 r
if |-pf f l'îf r \;t r
il est évident que le caractère sera absolument différent de celui de la
première forme, et que l'un de ces rhythmes succédant à l'autre, il en
pourra résulter un effet saisissant.
Je pourrais multiplier les exemples à l'aide d'éléments divers; mais
ce qui précède me paraît suffisant pour faire comprendre la richesse
d'effets qui peut naître pour l'art par les mutations d'un même rhythme,
si les inspirations des compositeurs se produisent dans ce but. Dans
un autre article, j'examinerai l'effet de la mutation des rhythmes dans
300
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
les mesures binaires et ternaires à divisions ternaires. Je rechercherai
aussi quels effets peuvent se produire par les déplacements de l'accent
intense dans les rhythmes binaires et ternaires; comment ces déplace-
ments peuvent donner le sentiment d'un changement de mesure, bien
que celle-ci reste invariable; et, enfin, comment ils peuvent préparer
au passage d'un rhythme et d'un système de mesure à un autre. Je
donne le nom d'ordre transi-rhythmique à cette partie non encore cul-
tivée de l'art. La seconde division de mon travail aura pour objet Vordre
pluri-rhythmique, c'est-à-dire l'immense et nouveau domaine de la mu-
sique dans lequel des rhythmes divers et des systèmes différents de
mesures peuvent se succéder et s'enchaîner d'une manière naturelle et
produire des impressions inconnues jusqu'à ce jour. Dans la troisième
et dernière partie, j'examinerai comment la poésie lyrique peut s'enri-
chir des ressources du rhylhme musical.
FÉTIS père.
(La svile au prochain nutnéro.)
THÉÂTRE DE L'OPÉRA-COMIQUE.
ILE PERE GAIMjAR».
Opéra comique en trois actes, libretto de M. Sauvage, partition de
M. Reber.
(Première représentation le 7 septembre 1852.)
A tort ou à raison, on ne sait pourquoi, chacun imagine une donnée
dramatique sur le simple titre d'une pièce nouvelle qu'on va jouer; et
plusieurs de ces impatients s'étaient comme préparés à voir une sorte
de vaudeville sur l'annonce du Père Gaillard, qui a fait son apparition
mardi passé au théâtre de l'Opéra-Comique. On ne se trompait pas trop.
Le père Gaillard est un personnage du genre de maître Adam de Ne-
vers menuisier et poëte, qui avait peu recours aux chevilles dans ses
vers, bien qu'il les surnommât ainsi. Avec son double talent de manier
le rabot et la plume, il confectionnait fort bien la table et la chanson,
chansons à boire qui out plus duré que ses tables. Le père Gaillard pos-
sède donc aussi la double qualité de cabaretier et de poëte; il est de
plus bon mari et bon père, aimant de toutes les facultés de son âme sa
femme Franchie et sa fille Pauline ; il ne chérit pas moins le jeune
Gervais que lui a confié quelque temps avant de mourir l'historien
Eude, qui prit le nom de Mézeray, d'un village de Normandie voisin de
celui où il était né, et qui venait se distraire de ses travaux littéraires
dans le cabaret du père Gaillard.
Quoiqu'il ait à peine dix-huit ans, Gervais aime Pauline, beaucoup
moins âgée que lui, et il en est fort aimé aussi. Le père Gaillard con-
sentirait volontiers à cette union, quoiqu'il ne connaisse pas les pa-
rents du jeune orphelin ; mais sa femme s'y oppose, attendu qu'elle
trouve les deux amoureux trop jeunes, elle qui s'est cependant ma-
riée à quinze ans, ainsi que le lui rappelle son mari, le père Gaillard.
Celui-ci, tout en persistant à vouloir marier ces enfants, ajourne ce-
pendant la décision de cette affaire après l'ouverture du testament de
son ami, le bon Mézeray. Jacques, le garçon de cabaret, n'est pas fâ-
ché d'ajourner aussi son mariage avec Marotte, la servante de la maison,
qui ne demande pas mieux, elle, que de faire le bonheur de Jacques en
qualité de femme légitime, de M. Jacques qui paraît avoir une assez
haute idée de ses qualités physiques et morales, et qui n'est pas très-
pressé de serrer les nœuds de l'hymen, comme on dit en style d'opéra
comique. Entre temps, arrivent chez le père Gaillard le vieux capitaine
Orson, borgne, manchot, ivrogne et bravache, accompagné de sa
femme et d'un procureur, tous trois cousins et héritiers de l'historien
Mézeray, et qui viennent, à ce qu'ils croient, recueillir sa succession.
Nous dirons ici sans marchander et sans trop ajourner la péripétie
dramatique, que le défunt historiographe de France a eu quelques re-
lations intimes avec Mme Orson, sa cousine, intimité dont il est résulté
Ijb jeune Gervais, confié au père Gaillard par le père Mézeray ; et pour
reconnaître les soins qu'il a prodigués à cet enfant de l'amour et du
mystère, il institue le cabaretier son légataire universel. Bien entendu
que nous ne nous chargeons pas, comme Mme de Genlis le faisait en
relatant les faits et gestes de ses héros de roman, d'écrire à prspos de
l'acte des dernières volontés de notre historien : (Historique!) Nous
en laissons à l'auteur du libretto toute la responsabilité.
On devine le désappointement, la colère, la fureur du capitaine et du
procureur. Ce dernier ne se tient pas pour battu ou déshérité, car pour
lui c'est tout un. Les deux cousins s'entendent pour faire croire au père
Gaillard, par des insinuations perfides, que si le testateur lui a légué
son bien, c'est pour reconnaître les bontés qu'avait pour lui Francine sa
femme. Ici finit le vaudeville et commence le drame intime, de cœur,
de paternité brisée. L'action devient dramatique; et la manière dont
se justifie Francine en invoquant l'amour conjugal est morale, noble
et simple, de ce simple qui est touchant parce qu'il est vrai. La preuve
écrite qui vient corroborer les assertions énergiques de la femme hon-
nête, qui parle de cœur et d'âme à son mari qu'elle aime et qui la soup-
çonne injustement, couronne dignement, par un seul mot, cette bonne
scène, et satisfait tout le monde. Assez et trop longtemps les plaisants
du parterre, les roués, les jugeurs blasés sur les plus purs sentiments
de la vie, se sont moqués des pères, des maris trompés d'après les
errements du théâtre ancien. Il est curieux de savoir si l'on ne peut
pas s'amuser ou s'intéresser au spectacle sans blesser le sens moral du
public. Le dénouement du Père G'nllqrd a résolu la question en faveur
de l'honnêteté, quelque ridicule qu'elle soit depuis si longtemps au
théâtre. L'auteur du nouveau libretto a fait comme Sedaine ; il a su
tour à tour provoquer le rire et l'intérêt. La scène où le cabaretier
poëte envoie aux cinq cents diables Jacques, qui, décidé enfin à se
marier, vient lui demander une chanson-épithalame, est d'un excellent
comique , et la scène musicale qui en résulte entre Jacques et sa fiancée
Marotte n'est pas moins amusante. La situation de Pauline et de son
père, qui doute de sa paternité, est d'un dramatique neuf et saisissant.
Enfin le touchant coudoie la gaîté dans le Père Gaillard, et c'est la
franche allure, le vrai genre de l'opéra comique. L'auteur expérimenté
de ce libretto a traité celui-ci de façon à réussir, et il a réussi.
Le compositeur est considéré par le monde musical comme un
homme sérieux dans l'art. Symphoniste à la manière de Haydn, avec
un peu plus de bruit dans son instrumentation, mais un peu moins
d'originalité mélodique, M. Henri Reber a essayé de se faire aussi
Uediste dans le genre de Schubert. Il égalerait peut-être ces deux
grands modèles s'il avait plus d'élan, de chaleur. Il a déjà débuté au
théâtre de l'Opéra-Comique par un ouvrage intitulé la Nuit de Noël.
Cet opéra n'est pas resté au théâtre. Le sujet en était peu intéressant
et peu amusant. Cette partition parut digne d'estime, et l'on remarqua,
entre plusieurs morceaux distingués, un air chanté par Mlle Darcier,
qui peignait on ne peut mieux les accents entrecoupés d'une personne
qui grelolte de froid.
La partition du Père Gaillard est plus franche que celle de la Nuit
de Noël.
L'ouverture commence par une introduction pleine d: grâce, de
distinction et de suavité mystérieuse. Un solo de clarinette délicieuse-
ment dit par M. Leroy en relève encore le mérite. 11 est fâcheux qu'a-
près cette charmante entrée en matière, l'auteur ait fait intervenir un
allégro, dont le motif est commun, banal, suivi d'un autre motif tout
aussi peu distingué. C'est un tribut payé à la contredanse. II est vrai
qu'en compositeur instruit et ingénieux, qui connaît sans doute le
précepte du poëte :
Il faut mOmc en chanson du bon sens et de l'art ,
M. Reber a travaillé ces deux mélodies communes, et qu'il en fait
jaillir, par l'arrangement, des éclairs de savoir, et, pour ainsi dire,
d'inspiration spirituelle.
La scène s'ouvre musicalement par un duo qui finit en trio. Le style
en imitation comique, que l'auteur paraît affectionner, domine dans
cette introduction ; il fait aimer à ses auditeurs cette forme de l'art,
qui, du reste, jette une allure rétrospective et de la clarté dans le dia-
SVPPLÉMEJSf.
SUPPLÉMENT.
CE PARIS.
301
]oguc musical, il a Francine! ma Pauline] mélodie chantée par le père
Gaillard à sa femme et à sa fille, est aussi toute empreinte de cette
couleur de vieille musique qui rappelle le beau caractère du trio de
Félix ou l'Enfant trouvé, de Monsigny : Nous vous chérirons, etc.; de
celte musique intime et de famille, comme Grétry en a fait dans Lu-
ette et dans plusieurs de ses opéras. Le morceau sur ces paroles : Tra-
vailler, c'est la loi ! est encore de ces mélodies franches, et aussi
bien déclamées que bien rhythmées.
Attendons, il le faut, est un duo charmant du genre syllabique, et
par conséquent impérieux, entraînant. L'air qui suit : Ah ! je suis une
femme heureuse ! est un peu trop développé; mais il peint bien les
élans de l'âme. La romance sur la félicité suprême, dite par Gervais,
est un dialogue vocal et instrumental entre la voix de Mme Meillet et
une partie de cor obligé, à l'orchestre, dialogue plein de mélancolie et
de charme, grâce au compositeur, à la cantatrice et à l'habile instru-
mentiste de l'orchestre.
L'arrivée du notaire qui doit procéder à l'ouverture du testament
fait le sujet principal du final du premier acte. Le compositeur semble
avoir voulu s'amuser de la gravité de M. le garde-notes ; et il a été
comique, plaisanterie â part, comme on dit en style de coulisse. Il a fait
là de la musique un peu prétentieusement vocale pour l'Opéra-Comique.
Faire parler ou chanter un homme de loi en style fugué n'est pas d'une
nécessité absolue : c'est une nature de convention ; mais, enfin , c'est
bien écrit pour les voix , et ce talent n'est pas commun.
Après une ronde en sol mineur, qui n'a rien de saillant et qui ouvre
le second acte, vient un délicieux trio en si bémol majeur ; puis, un
sextuor on ne peut mieux traité, aussi pour les voix ; ensuite, un très-
beau trio vocal sur ces paroles : Nous bénissons ton souvenir !
Le chœur qui vient féliciter le père Gaillard sur l'héritage qui lui est
survenu , et auquel il ne s'attendait nullement , est traité de main de
maître. La mélodie en est bien homogène aux paroles, que l'auditeur
saisit bien. Les interprétations de ces paroles par le procureur et le ca-
pitaine sont bien scéniques et bien déclamées. L'agitation, le trouble et
la fureur du cabaretier sont on ne peut mieux gradués. La mélodie par
laquelle tout cela s'exprime est excellente. Une autre ronde, en deux
couplets, vient encore se fondre dans un ensemble dramatique et ca-
nonique, en style fugué qui devient intéressant ici; et puis, un crescendo
sur le mode majeur donne de l'ampleur à l'effet musical , qui se marie
fort bien ici avec la situation dramatique. On y distingue une jolie
phrase de mélodie sur ces mots : Pour moi, quelle félicité ! Cependant,
il faut le dire, en cet endroit se produit un dessin mélodique à deux
temps impérieux qui a beaucoup de similitude avec la cabalette en
mesure à six - huit qui termine l'ouverture du Fra Diavolo , de
M. Auber.
La romance : J'ai perdu mon bonheur, et finissant par : Tais-toi,
mon cœur ! est mie de ces inspirations qui émeuvent , attendrissent
l'auditeur le plus froid, malgré qu'il en ait. Le hautbois se mêle déli-
cieusement au chant, et les unissons des violons donnent à cette mé-
lodie une puissance extrême qui vous berce de mélancolie et vous
associe aux impressions du personnage. Par la science sobre et bien
entendue de l'instrumentation , le compositeur transforme ainsi le
hautbois en voix pure et naïve qui s'unit à celle d'un ami pour le con-
soler, et les voix impressionnantes des violons en échos d'une douleur
poignante et sans espoir. Après ce morceau tout empreint d'une pro-
fonde sensibilité, M. Reber a placé là, dans sa partition, un véritable
chef-d'œuvre d'amour, de dépit, de passion, de comique et d'élo-
quence du cœur. Cette bonne fortune musicale, ce morceau capital de
la partition est un petit air chanté par Marotte à Jacques, qui, d'après
quelques paroles échappées au pôreGaillard, se refuse de nouveau à deve
nir le mari de la pauvre Marotte. Oh ! alors, elle n'y tient plus, et lui dit
sur tous les tons de la colère et d'un cœur et d'un esprit froissé : Ex-
pliquez-vous, expliquez-vous ! La manière dont ces mots ont été tra-
duits par le musicien et dits par l'actrice, Mlle Decroix, ont provoqué
d'unanimes applaudissements, et un bis de l'assemblée entière. C'est
qu'il est vrai de dire qu'on ne peut rien entendre de plus joli, de plus
coquet, de mieux déclamé par le compositeur et son interprète. C'est
une idée dans le genre du duo des deux vieillards dans la Fausse ma-
gie, de Grétry ; ce sont de ces étincelles musicales qui, tombant sur le
baril de poudre de l'enthousiasme, mettent une salle en feu.
Après cet incendie est venu un grand et large duo entre M. et
Mme Gaillard, morceau de scène et de sentiment bien déclamé aussi,
mais trop développé. La transformation de la colère de Mme Gaillard
en rires est peu naturelle, quoiqu'elle soit ingénieusement exprimée
par le musicien. Cette explication conjugale gagnerait à être abrégée
et la marche de la pièce aussi. Après les explications voulues, les ma-
riages à peu près arrêtés et l'héritage accepté par le père Gaillard, un
auteur en renom arrive de Paris pour deviser musicalement avec notre
cabaretier poëte sur l'art de bien chanter , et le tout se termine par
des chansons , comme a dit Beaumarchais dans son Figaro. Ce
morceau final est d'un bon rhythme et d'une couleur de musique ré-
trospective que M. Reber paraît affectionner, mais qui ne tient guère à
l'action. Les chœurs sont bien traités : c'est franc, et sans recherche de
ces petits moyens harmoniques perdus que mettent dans les masses
chorales les compositeurs instrumentistes ou inexpérimentés dans l'art
d'écrire pour les voix. C'est que l'instrumentation de M. Reber, comme
ses chœurs, ne procèdent qu'avec économie, goût et sobriété : rien de
trop, rien de moins, que ce qu'il faut pour produire de l'effet. Sa musi-
que dramatique, comme sa musique instrumentale, a la clarté que don-
nent le savoir et l'expérience de l'art d'écrire. Sans avoir ce qn'on
appelle du génie, de la force, de l'ampleur, de la fougue, du caprice,
une originalité piquante et neuve, M. Reber montre, surtout au théâtre,
de l'individualité, de la mélodie, de la vérité de déclamation, de la
forme, un plan et de la logique dans ses morceaux.
M. Battaille a joué et chanté le principal rôle en acteur et en chan-
teur principal. Mlle Favel a fait preuve de talent et de goût dramati-
que en ne reculant pas devant un rôle de mère qui est de l'emploi dit
des jeunes duègnes; elle s'y montre vraie, et comme toujours bonne à
voir. M. Sainte-Foy ne s'ennuie pas, à ce qu'il paraît, de la monotonie
des succès qu'il obtient dans tous les personnages qu'il représente.
Comme il continue à se montrer amusant, on continue à l'applaudir.
Henri BLANCHARD.
EÉOÙVÊaîïïBE EU THÉÂTRE-LYRIQUE.
§H «nÉffAÏS EBOH!
Opéra-comique en trois actes, paroles de M. Dennery, musique de
M. Ad. Adam.
(Première représentation, le h septembre 1S52.)
DÉBUTS DE Mme COLSON, MM. TALLON ET PIERRE-LAURENT;
DE Mhes SOPHIE NOËL, DE CORCELLE, ET DE M. CARRÉ.
C'est l'Opéra-National de l'hiver dernier qui s'appelle aujourd'hui
Théâtre-Lyrique. On a considéré, apparemment, que l'Opéra du boule-
vart du Temple n'avait, au fond, rien de plus national que celui du
boulevart des Italiens; peut-être même s'est-on dit que le plus national
des Opéras devait être celui qui coûtait le plus cher à la nation, et que
le théâtre de M. Séveste n'avait aucun titre de cette espèce à faire va-
loir. Bref, on s'est aperçu qu'Opéra-National ne signifiait rien, et l'on
a pris le parti d'y renoncer. On a bien fait.
Il est vrai que Théâtre-Lyrique n'est guère plus satisfaisant. C'est
une qualification générale, au lieu d'un titre spécial qu'il aurait fallu.
L'Opéra-Comique est tout juste aussi lyrique que l'établissement de
M. Séveste ; le Grand- Opéra l'est beaucoup plus encore, puisqu'on y
danse davantage et qu'on n'y parle pas du tout. M. Séveste dira que le
nom de son théâtre importe peu, pourvu qu'on s'y amuse. Nous lui
répondrons qu'il a raison, et nous nous bornerons à lui reprocher les
vacances de quatre mois passés qu'il vient de prendre. Quatre mois de
silence, c'est bien long. Il y a des gens à qui l'on saurait gré de se
302
REVUE ET GAZETTE MUSICNLE
taire pendant douze mois chaque année, mais le Théâtre-Lyrique n'est
pas de ces gens-là.
Donc, il a rouvert ses portes au public le k septembre dernier. Le
public n'a eu garde de se faire prier : il savait d'avance ce qu'on avait
préparé pour lui plaire ; il connaissait le menu du festin. Un poëme de
M. Dennery ! Une partition de M. Adam ! On est friand de pareils mor-
ceaux. Voilà vingt ans, et plus, que l'on applaudit M. Adam : c'est une
habitude prise et à laquelle on n'est pas près de déroger. Quant à
M. Dennery, s'il n'y a pas aussi longtemps qu'il a commencé à cultiver
la muse lyrique, les essais heureux qu'il a déjà tentés en ce genre diffi-
cile semblent lui promettre de brillants succès pour l'avenir.
Le sujet qu'il avait choisi cette fois n'était pas nouveau, et plus d'un
écrivain dramatique l'avait déjà traité. Il a été puisé à cette inépuisable
source d'inventions ingénieuses qui, partie de l'Orient, s'est répandue
sur l'Europe, et alimente, depuis deux siècles, l'imagination des poètes
occidentaux. — Ma chère sœur, si vous ne dormez pas, je vous sup-
plie, en attendant le jour qui paraîtra bientôt, de me raconter un de
ces contes agréables que vous savez. — Et Scheherazade raconte la
plaisante histoire du Dormeur éveillé. — Que ne suis-je le comman-
deur des croyants seulement pour un jour ! dit Abou-Hassan à son hôte,
en lui racontant les mauvaises pratiques de l'iman de son quartier. Cet
hôte est justement le kalife Haroun-al-Raschid, ce Louis XIV des Orien-
taux, à qui le ciel avait donné une humeur facétieuse et une facilité de
mœurs qu'il refusa, plus tard, au fastueux sultan de la Gaule. Haroun,
sans rien dire, mêle subtilement un narcotique au vin d' Abou-Hassan,
et, quand il est bien endormi, le fait emporter dans son palais. Le
lendemain, quand il se réveille, Hassan se voit entouré des dames de la
cour et des grands officiers de l'empire. On lui dit : Votre majesté,
on le revêt d'habits magnifiques, on prend ses ordres en tout, et on les
exécute au pied de la lettre; il préside le conseil des ministres, il dé-
crète, il juge, il est kalife, et même assez bon kalife, pendant tout un
jour. Puis, le soir venu, et son repas — jugez quel repas ! — étant ter-
miné, on le rendort par le même procédé que la veille, et on le rem-
porte où on l'a pris. Mais la grandeur lui a monté au cerveau. 11 s'est
habitué à être roi, et n'en ,veut pas démordre. Il repousse et maltraite
sa mère, qui le croit possédé de l'esprit malin. Il n'est point possédé,
mais il est fou, et l'on est obligé de le mettre aux petites maisons pen-
dant quelques jours.
On voit immédiatement tout ce que cette donnée a de comique, et
combien elle offrait de ressources au drame lyrique, qui vit de con-
trastes, et qui a besoin, aujourd'hui, de flatter les yeux presque autant
que les oreilles. Mais M. Dennery a très-bien compris qu'il fallait abso-
lument la renouveler. Il a déplacé la scène. Haroun-al-Raschid est de-
venu, sous sa main, un roi de Goa, dont les Portugais commencent à
menacer la puissance. C'est un fort honnête homme que ce roi, un
homme aimable, un homme d'esprit. II vient se promener au bord ^de
la mer avec la princesse Néméa, sa parente, qu'il veut marier à son
cousin, le prince Cador. Cador est en tout le contraire du roi son cou-
sin. Il a peu d'esprit, et encore moins d'amabilité; d'ailleurs, un coquin
digne de la hart. Il médite de détrôner son roi légitime et de prendre
sa place, et, à cet effet, il correspond secrètement avec les Portugais,
qu'il croit assez sots pour faire la guerre à son profit: jugez de la por-
tée de son intelligence ! En même temps il est amoureux de Néméa.
Mais Néméa l'apprécie à sa juste valeur, et répond assez mal à ses ga-
lanteries.
Et puis Néméa est amoureuse... Amoureuse de qui? D'un homme
dont elle iguore à la fois le nom, la condition et même le visage;
qu'elle n'a jamais vu ni entendu, mais qui s'est jeté courageusement
dans la mer pour l'en retirer, un jour qu'elle s'y noyait, qui l'a ame-
née évanouie sur le rivage, et a disparu aussitôt qu'elle a paru reve-
nir à elle, sans lui laisser même le temps de rouvrir les yeux. On ne
saurait réunir plus d'intrépidité, de désintéressement et de discrétion.
Néméa cherche en tous lieux cet homme rare, et a juré de lui réser-
ver son cœur et sa main. Elle présume que c'est un des seigneurs de
la cour. 0 mortels ignorants de leurs destinées ! comme dit Bossuet.
Ce libérateur inconnu, c'est le pêcheur Zéphoris, qui ne possède en ce
monde qu'une chaumière, une barque, des filets et son amour.
Car, — vous vous en doutez bien, — si Néméa n'a pu voir Zéphoris,
Zéphoris, en revanche, a vu Néméa un peu plus peut-être que Néméa
ne l'aurait voulu, et ce qu'il a vu était si beau que le pauvre Zéphoris
en a perdu la tête. A cela près, il ne sait rien de celle qu'il aime, et,
depuis huit mois, il ne l'a revue que la nuit, dans ses rêves. Grâce à
M. Scribe, le législateur du théâtre lyrique, il est de règle que l'amant
ne doit pas connaître sa maîtresse, ni la maîtresse son amant. Il n'y a
de bon opéra qu'à cette condition. Néméa donc peut impunément ren-
contrer Zéphoris. Mais quand Zéphoris aperçoit Néméa, son saisisse-
ment, ses gestes, son extase, le font remarquer du prince Cador, lequel
mis sur la voie par quelques mots, et devinant le reste, se fait raconter
par le pêcheur tous les détails de son aventure, lui fait jurer de garder
le silence par respect pour la princesse, et finit par lui intimer l'ordre
de quitter le pays. Cela se comprend. Dès qu'il revoit Néméa, il lui
dit : C'est moi qui vous ai sauvée. Et il le lui prouve par les circon-
stances. Voilà Néméa prise. Elle a promis d'épouser son sauveur. Elle
se venge par une impertinence magnifique.
— Soit! il aura ma main, mais je garde mon cœur.
— Et pour qui ? d mande Cador tout étonné.
— Pour moi-même.
Cela n'est pas encourageant. Mais Cador est un sot.
— Prenez toujours là main, lui dit tout bas le roi, le cœur viendra
plus tard.
C'est l'inverse de ce que dit Voltaire :
. . . . Quand on a le cœur
De femme honnête, on a bientôt le reste.
tant il est rare que deux hommes d'esprit se trouvent d'accord , sur
quelque sujet que ce soit !
Zéphoris se dispose à partir. Il vient se coucher une dernière fois à la
place où il a jadis étendu sa princesse évanouie. Elle est princesse, dit-
il, et moi je ne suis qu'un pêcheur. Ah! si j'étais roil Et il s'endort
après avoir écrit sur le sable la pensée qui le préoccupe : Si fêlais
mi !
Le roi revient ; il voit le pauvre dormeur, il lit son inscription. —
Que ferait-il, s'il était roi ? — On devine le reste. Au seconi acte, Zé-
phoris est dans le palais, et fait à peu près tout ce que nous avons ra-
conté d'Abou-Hassan. Il faut y ajouter seulement qu'il y retrouve Né-
méa, qu'étant ou se croyant roi, il lui déclare son amour, lui apprend
la vérité, et veut se marier avec elle, à la barbe de Cador. Tout ce se-
cond acte est une suite non interrompue de scènes plaisantes, dont le
véritable roi se divertit de tout son cœur, — en cela il fait comme le
public, — jusqu'au moment où il trouve enfin que la plaisanterie a
duré assez longtemps. Alors il fait reprendre au pauvre Zéphoris une
autre dose d'opium, et on le reporte dans sa chaumière.
Le troisième acte est moins gai. Zéphoris est bien près de devenir
fou, quand Néméa, qui se repent d'avoir participé à cette mystification,
et qui d'ailleurs l'aime en secret, vient lui expliquer tout le mystère.
Cador survient, et comme c'est un de ces hommes qui vont droit au
but et ne connaissent que les grands moyens, il s'est fait escorter de
deux esclaves pour couper le cou à Zéphoris. Néméa le défend, comme
de raison. Mais tout-à-coup le roi arrive. On signale la flotte portu-
gaise. Zéphoris démêle les complots de Cador, et le convainc de trahi-
son. La veille, étant roi, il a donné des ordres qui assurent la défense
de Goa et la défaite de l'ennemi. Il devient tout-à-coup un héros, prend
une épée, court au combat... Vous voyez bien que le roi ni la princesse
n'ont plus rien à lui refuser.
Tout cela exhale une forte odeur de mélodrame. Mais le mélodrame
' n'est point déplacé entre la Gaîté et l'Ambigu-Comique. C'est la plante
qui vient le mieux dans ce pays-là. Il ne faut donc pas s'étonner que le
public prodigue les applaudissements à une pièce qui l'a tout à la fois
intéressé et réjoui.
DE PARIS.
303
La partition do M. Adam est fort bien faite, et l'on y reconnaît, à
chaque page, la main exercée de ce fécond compositeur. C'est son style
habituel, style facile, naturel, gracieux, souvent élégant. C'est cette ha-
bileté à manier la voix et l'orchestre, dont il a déjà donné tant do
preuves. Peut-être s'est-il élevé quelquefois plus haut. Peut-être y a-t-il
plus d'invention dans Giralda, plus de verve dans le Postillon, plus de
distinction dans le Chalet. Mais il n'y en a pas moins , dans ce nouvel
ouvrage, une foule de jolies phrases, des morceaux très-bien écrits et
très-agréables. Tels sont les couplets comiques du pêcheur Piféar, dans
l'introduction ; telle est la première romance de Zôphoris : J'ignore
son n/m, etc. La romance du roi: Dans le sommeil, l'amour, je
gage, etc., est spirituelle et pleine de grâce, et d'ailleurs elle est déli-
cieusement chantée. L'air de Zéphoris : Si j'étais roi, commence à
merveille : il semble seulement que l'auteur manque d'haleine avant la
fin. Mais il reprend toute sa verve dans un petit chœur sans accompa-
gnement, et chanté sotto voce, d'une mélodie suave, d'une harmonie
calme et limpide, et telle qu'il la fallait pour peindre les sensations de
gens qui se promènent sur une mer tranquille, le soir d'un beau jour,
dans ces climats heureux où tout respire la volupté.
Il y a au second acte un duo comique: Ah! l'étonnante aventure!
dont le rhylhme est très-franc et le caractère fort gai. Cependant,
l'auteur a fait mieux encore en ce genre , dans ce même ouvrage,
ainsi que nous le dirons tout à l'heure. L'air de Néméa est très-distingué
d'un bout à l'autre. V amiante est fort élégant, Y allegro plein de finesse
et de coquetterie. Il fera plus d'effet quand la cantatrice qui l'exécute
sera plus sûre d'elle-même et le possédera mieux. Le duo qui suit,
entre Zéphoris et la princesse, a de bonnes parties, et d'autres, à ce
qu'il nous semble, moins heureuses. La chanson à boire, dite par le roi
dans le final du second acte, est un de ces morceaux au rhythme dé-
cidé, à l'allure franche, qui ne manquent jamais leur effet.
La chanson de l'Oiseau moqueur est cherchée, ce nous semble, mais
non trouvée. Il n'en est pas ainsi du duo bouffe chanté par Zélide et
Piféar. La première partie de ce morceau nous paraît un chef-d'œuvre.
Le nom de Zélide qui vient se placer entre tous les vers du premier
couplet est un effet neuf et très-piquant. Les soupirs des deux interlo-
cuteurs, Ah\ ah\ ah\ ah\ promenés de modulations en modulations,
avec cette prestesse facile et naturelle qui n'appartient qu'à l'extrême
habileté, sont une des plus fines plaisanteries musicales que nous ayons
vues depuis longtemps. On ne saurait avoir plus d'esprit ni plus de
verve. C'est là, selon nous, le meilleur morceau de la partition, et nous
gagerions bien que M. Adam est de notre avis.
L'exécution est fort bonne dans son ensemble, et , dans certaines
parties, extrêmement distinguée.
Mme Colson n'a pas encore une ^vocalisation irréprochable, ni une
prononciation suffisamment nette ; mais sa voix est brillante, énergi-
que, bien timbrée et d'une grande étendue: c'est un mezzo-snprano
de la plus belle qualité. Elle a de la volonté, de l'ardeur, et l'instinct
de l'expression dramatique. Elle a déjà du talent; dans six mois, elle
en aura beaucoup plus encore. D'ailleurs, une taille élégante, un visage
des plus distingués. M. Séveste a fait là, sous tous les rapports, une
excellente acquisition.
II faut le féliciter aussi d'avoir trouvé, nous ne savons où , M. Talion,
qui a une très-jolie voix de ténor, de l'expression et un bon style. S'il
pousse un peu trop le son, c'est faute d'être habitué à la salle où il se
trouve , et où l'on produit d'autant plus d'effet qu'on fait moins
d'efforts.
Nous arrivons à M. Laurent. C'est le grand succès d'aujourd'hui, et
jamais succès ne fut plus mérité. Voix naturellement émise et profon-
dément sympathique, vocalisation habile, prononciation limpide, style
toujours élégant, exécution spirituelle, charmante etpleine de verve...
c'est un artiste du premier ordre, qui était, il y a huit jours, complè-
tement inconnu. Quelle trouvaille!
MM. lunca, Menjaud, Leroy et Mlle Rouvroy contribuent par un
talent que le public a déjà su apprécier l'année dernière, à l'exécu-
tion de cet ouvrage, ainsi que l'orchestre, que M. Placet conduit fort
bien. Tous méritent une bonne part d'éloges , y compris le direc-
teur , qui recevra ceux du public par l'intermédiaire du caissier.
G. HlvQUET.
P. S. — l.c nouvel opéra se joue tous les jours, M. Seveste s'étant
trouvé assez riche pour doubler sans inconvénient plusieurs rôles.
M. Carré, Mrnes Sophie Noël et de Corcelles remplacent, trois fois par se-
maine, M. Talion, IMmes Colson et P.ouvroy, sans que l'ouvrage y perde.
Les habitudes du public des boulevarts exigeaient apparemment que l'on
prît ce parti.
LITTÉRATURE MUSICALE.
BBBCTTaOSrcABKE DES ÏSEASJ^-.ftl&Tê».
(2e article) (1).
ACTTBffiS. — On dit qu'il y a de l'action dans un drame, lorsque
le sujet comporte du mouvement dans la manière dont les situations se
succèdent, et qu'il y a beaucoup d'incidents dans la contexture du
drame : il y a beaucoup d'action dans ce drame.
Ce mot action se prend quelquefois aussi pour le sujet, la fable
même du drame : l'action de cet opéra est touchante.
Il ne faut pas que dans un drame destiné à la musique, l'action soit
trop compliquée. Il faut que le sujet soit simple, et plus passionné
qu'accidenté. S'il y a beaucoup d'action dans un opéra; s'il est chargé
d'événements; si les situations se succèdent rapidement et sans laisser
pour ainsi dire respirer le spectateur, la musique ne trouve plus sa
place; elle est étouffée entre les incidents ; et quelque vifs et concis que
puissent être les morceaux de musique, ils ralentissent ou du moins
semblent ralentir l'action. La musique est le développement d'une si-
tuation donnée et un repos dans l'action. Il faut donc que l'auditeur ne
soit pas trop pressé par l'action elle-même d'arriver aux scènes sui-
vantes; il faut donc que l'intérêt de la situation elle-même lui permette
d'écouter sans impatience ce développement musical. C'est au compo-
siteur, de son côté, à apprécier la situation, et à ne pas lui donner
plus de musique qu'elle n'en comporte.
Le public français est sévère à cet égard; un public italien donne
plus de place à la musique et plus de latitude au compositeur.
Le mot action s'applique aussi au comédien. L'art du comédien se
compose de deux éléments : la diction et l'action. Pour un comédien
chantant, la diction c'est le chant, et c'est la partie principale, celle
qui doit d'abord attirer toute son attention, parce que c'est par le
chant qu'il produira ses plus grands, ses véritables effets. Le public
sera plus indulgent pour l'action, qui doit toujours cependant être juste
et convenable.
Quelques chanteurs prennent l'habitude de faire concorder ensem-
ble le geste et le son : c'est quelquefois une nécessité, et si l'on a vu
des chanteurs célèbres affectionner certains gestes, certaines altitudes,
c'est qu'ils y trouvaient une facilité pour l'émission du son. Le public
pardonne volontiers cette tactique, qui est une sorte de gymastique
appliquée au chant, surtout lorsqu'elle sert à produire degrands effets.
AMATEl'Eî.
Il y a plusieurs sortes d'amateurs dé musique. Il y a d'abord, si l'on
peut s'exprimer ainsi, l'amateur passif et l'amateur actif.
L'amateur passif est celui qui aime à entendre la musique. Il fré-
quente les théâtres lyriques et se montre assidu aux concerts. Il est
ordinairement exclusif, et concentre toute son admiration sur un seul
genre de musique. Il est passionné pour la musique bouffe, ou pour la
(I) Voir le n" 35.
30Ji
REVUE ET (;AZETÏE MUSICALE
musique allemande , ou bien pour les vieux maîtres, ou bien en-
core pour la musique de chambre , et il reste indifférent et froid
pour toute musique qui n'entre pas strictement dans le genre qu'il
affectionne. Il ne faut pas lui parler de Beethoven, s'il est admirateur
de Cimarosa, ni de musique théâtrale, s'il s'est voué à la musique reli-
gieuse. Ce n'est pas toujours, comme on pourrait le croire, un parti
pris d'avance, c'est souvent une conviction sincère ; c'est quelquefois
aussi le résultat d'études incomplètes, qui donnent à l'amateur demi-
savant un peu d'orgueil et beaucoup de confiance. Souvent, enfin, les
premières émotions que l'art a fait éprouver dans la jeunesse ont, en
épuisant la dose de sensibilité ou d'intelligence musicale, laissé dans
l'esprit une trace profonde ; et le souvenir de ces premières émotions,
souvenir qui ne s'efface jamais, ferme absolument le chemin à de nou-
velles impressions. On rencontre souvent chez les vieillards cette es-
pèce de reconnaissance, dont cependant ils ne se rendent pas compte ;
elle se fortifie avec les années et les fait vivre sous un charme perpé-
tuel. L'art est fini pour eux; il s'arrête avec leurs souvenirs, et ne
peut leur offrir rien de pareil à ce qu'ils éprouvaient lorsqu'ils avaient
vingt ans : c'est un hommage touchant rendu au passé et un regret de
plus donné à la jeunesse.
Si V amateur est riche, il consacre sa maison à de véritables solen-
nités. Son habitation est un temple dédié à la musique ; il y attire les
célébrités, les artistes étrangers, et prend plaisir à protéger, à pro-
duire les talents naissants. II se fait leur patron, les introduit dans le
monde, et leur donne l'appui de son nom et de ses relations. Les ama-
teurs rendent ainsi, quelquefois, de véritables services à l'art. M. de
la Popelinière était, dans le siècle dernier, un amateur de ce genre : ii
avait à son service un orchestre tout entier, et c'est certainement à sa
persévérance que Hameau, qui voulait à cinquante ans entrer dans la
carrière théâtrale, dut ses succès à l'Opéra, et l'éclat qui plus tard en-
toura son nom. M. de la Popelinière fit donner à Rameau, par l'abbé
Pellegrin (1), le poëme d'Hippolyte et Âricie, et en fit exécuter le pre ■
mier acte clans son hôtel, devant ce monde brillant et élégant, devant ces
hommes de lettres passionnés dont il fallait conquérir le suffrage, et
ouvrit ainsi à Rameau les portes du théâtre, qui jusque là s'étaient tou-
jours fermées devant lui. Vingt ans plus tard, en 1751, M. de la Pope-
linière accueillait aussi Gossec, qui arrivait à Paris pauvre et inconnu,
et le chargea de diriger son orchestre. On voit que M. de la Popelinière
a rendu des services importants ; il mérite encore aujourd'hui la re-
connaissance des musiciens.
L'amateur actif (et ce mot l'indique assez) prend une part directe
aux productions de l'art : il compose ou joue d'un instrument. Le grand
Frédéric était amateur de musique, composait et jouait de la flûte. Il
y a, de nos jours encore, plusieurs amateurs couronnés. Le roi de
Suède, le roi des Pays-Bas, le prince royal de Hanovre, le prince Al-
bert, sont compositeurs.
Il y a des amateurs qui font de l'art une pratique constante, et lui
consacrent leur vie entière. On ne leur donne le nom d'amateurs que
parca que leur fortune leur permet de ne pas demander à leur talent
une aisance que l'artiste de profession est obligé de rechercher par
ses travaux. Certes, c'est faire de la fortune un bel et noble emploi,
que de consacrer uniquement les loisirs qu'elle donne à la culture des
arts ou des lettres.
Certains amateurs s'occupent spécialement de musique instrumen-
tale, de musique dite d'ensemble ou de chambre, et font, avec plaisir
et dévouement, souvent avec un véritable talent, leur partie dans un
quatuor ou un quintette; d'autres se vouent exclusivement à l'art du
chant. Le salon est leur théâtre, et le piano leur orchestre ; si quel-
ques-uns ne s'élèvent pas au-dessus du nocturne ou de la romance, et
justifient souvent le proverbe qui condamne la musique d'amateurs,
d'autres ont véritablement un talent de premier ordre: il y a eu sou-
(1) C'est pour l'abbé Pellegrin qu'ont été faits ces deux vers si connus :
Le matin catholique et le soir idolâtre,
Il dîna de l'autel et soupa du théâtre
vent à Paris, il y a encore aujourd'hui, des amateurs dont le talent n'a
rien à envier à celui des artistes les plus renommés.
D'autres amateurs, enfin, ont occupé une place importante dans
l'histoire de l'art. Ce sont les écrivains qui, servant d'organe à l'opi-
nion publique en la dirigeant presque toujours, prennent parti dans
les luttes que soulèvent quelquefois certaines questions d'art. On con-
naît la part qu'ont prise Marmontel, Suard, l'abbé Arnaud, aux discus-
sions passionnées élevées entre les Gluckistes et les Piccinistes.
D'Alembert a rendu un service d'un autre genre à l'art musical en
mettant sa plume au service de Rameau, et en prêtant à ses nouvelles
doctrines l'autorité de son nom et de sa réputation. Nous donnons à
ces écrivains célèbres le nom d'amateurs, parce qu'ils n'avaient pas
étudié la musique, que, par conséquent, ils ne la savaient pas, et qu'ils
jugeaient dans ces questions avec leur esprit, leurs passions, leurs
amitiés quelquefois et leurs goûts particuliers, et que, par cela même,
ces discussions n'avaient pas ce caractère spécial que des critiques
musiciens, s'il y en avait eu à cette époque, n'auraient pas manqué
de leur donner. Des amateurs de cette force et de cette valeur ren-
dent de grands services, parce qu'ils grandissent les questions, même
lorsqu'ils se trompent.
Il y a encore, pour la musique comme pour les tableaux et les gra-
vures, les amateurs collectionneurs et curieux. Les uns recherchent
les manuscrits d'une certaine époque, d'autres font collection de par-
titions, copiées ou gravées. L'abbé Santini, mort à Rome il y a quel-
ques années, a laissé une riche bibliothèque composée de manuscrits
originaux, et d'un grand nombre de copies qu'il avait faites lui-même
avec le plus grand soin. M. Bottée de Toulmon, bibliothécaire du
Conservatoire de musique, mort récemment à Paris , avait aussi réuni
un grand nombre d'ouvrages rares et curieux. C'était un des amateurs
les plus instruits en fait d'archéologie musicale.
Il faut pardonner à certains amateurs leurs prétentions, et quelque-
fois leurs ridicules, qui sont innocents et ne nuisent qu'à eux-mêmes,
et être reconnaissant envers les vrais amateurs, parce qu'ils servent
l'art avec conviction et désintéressement, et qu'ils sont réellement
utiles en formant le lien qui unit le public aux artistes.
F. IIALÉVY.
mi
ESSAI SUIS IL A TTYEPOfK ES APIIIE ,
Par Ambroise FIRMIN-DIDOT,
Paris, ISS1. — / vol. in-S°.
(2e article) (1).
Labor absque labore.
Après un rapide exposé de l'origine et des progrès de la typographie
dans tous les pays plus ou moins civilisés de l'ancien et du nouveau
monde, M. Didot est revenu en France, et c'est à sa patrie qu'il con-
sacre près de la moitié de son beau travail. C'est aussi à l'examen de
cette seconde partie que nous allons consacrer ce second article.
Après un rapide examen des temps antérieurs à l'introduction de
l'imprimerie à Paris, M. Didot raconte comment cette découverte^ plus
divine qu'humaine (2), fut accueillie, les luttes qu'elle eut à soutenir et
les rapides progrès qu'elle fit malgré les obstacles qui assaillirent son
début ; il suit pas à pas les phases diverses par lesquelles elle eut à
passer avant d'arriver au temps des Estienne, c'est-à-dire bien près de
la perfection. De là, sans omettre aucun fait important, il donne au
lecteur, année par année, le précis le plus complet des progrès et des
perfectionnements de l'art, obligé de clore par son propre nom la lon-
gue nomenclature des imprimeurs qui ont honoré Paris et la France.
Cette partie de son travail est terminés par un exposé des procédés
nouveaux, dont les résultats ont paru à l'Exposition de Londres, en
1851.
(1) Voir le n° 34.
(2) Déclaration du roi Louis XII, donnée àBloi>, le 9 aviil 1513.
DE PARIS.
305
Puis il fait une trop courte excursion dans les villes de France où la
typographie a été le plus en honneur, c'est-à-dire Lyon, Troyes, Rouen,
Tours, Bordeaux, Marseille, Moulins. 11 reproduit un poëme latin sur
l'imprimerie, de Cl. Louis Thiboust, imprimé par l'auteur en 1756;
curieux, parce qu'il donne une idée exacte de ce qu'était l'imprimerie
à cette époque. Ce petit poëme sert, en quelque sorte, de lien entre
la partie historique et la partie technique du livre.
M. Didot, ancien typographe, (ainsi qu'il s'intitulait lui-même en
juillet 1830, dans une adresse aux ouvriers, anciens compagnons de
ses travaux), M. Didot devait à son nom de terminer son livre par un
exposé des notions pratiques de l'art, auquel ses ancêtres et lui-même
sont redevables de leur gloire et de leur fortune. Cette partie pratique,
un peu trop restreinte, est rendue aussi lumineuse que possible par
l'illustre typographe ; elle est complétée par plusieurs planches re-
marquablement gravées, parmi lesquelles la plus intéressante est sans
contredit celle qui représente la presse à cylindre vertical inventée par
M. Applegath : cette nouvelle presse imprime le journal le Times à
10,080 exemplaires par heure, ou 168 feuilles par minute !
Imprimit ille die quantum non scribitur anno,
disait un auteur du xve siècle, parlant d'Udalrichus Gallus, imprimeur
en 1470, ce qui veut dire qu'avec la presse verticale, on imprime à
peu près en une minute ce qu'un bon copiste du xv" siècle aurait mis
un an à transcrire.
Nous ne savons trop ce que l'histoire de la typographie en Chine
vient faire après cela. Nous sommes loin de vouloir formuler un blâme
pour ce détail, mais il nous semble que ce travail trouvait sa place na-
turelle après l'exposé de l'histoire typographique de l'Inde, de l'Amé-
rique et de l'Australie.
Revenons, s'il vous plaît, au point de départ, c'est-à-dire à l'aperçu
de l'histoire des temps antérieurs à l'introduction de l'imprimerie à
Paris.
Les statuts de 1275, 1323, 1342, 1351, dit M. Didot, prouvent qu'a-
vant l'invention de l'imprimerie, le libraire n'était qu'un simple agent,
par l'entremise duquel les manuscrits se vendaient au public, avec une
commission modique fixée par l'Université, et réduite d'un tiers pour
tout livre acheté par un professeur ou écolier de l'Université. Ces li-
braires louaient aussi quelquefois des livres ou cahiers aux écoliers de
l'Université. L'établissement des cabinets de lecture est tout à fait mo-
derne ; le premier ouvert à Paris date de 1740.
Alors le luxe des manuscrits était poussé à un degré fabuleux, et ils
avaient un prix énorme; on les laissait par testament comme un
héritage considérable ; on les vendait par contrat. Au temps de Char-
les VI et de Charles VII, dit Monstrelet, les livres étaient chose si pré-
cieuse qu'on les renfermait dans une cage de fer scellée dans un mur ;
on passait le bras à travers les barreaux pour tourner les pages.
M. Didot nous permettra de citer une lettre intéressante d'un sa-
vant du xve siècle, qui montre jusqu'où allait à cette époque l'amour
de la science et des livres.
Ant. Pécatel, de Palerme, vend, en 1455, sa métairie pour acheter
un Tite-Live, appartenant à Pogge, Florentin; il écrivait à ce sujet à
Alphonse, roi d'Aragon, de Naples et de Sicile, la lettre que voici :
« Sire,
» Vous m'avez mandé de Florence que les œuvres de Tite-Live,
écrites en belles lettres, sont à vendre et qu'on en vent six-vingt écus.
Je supplie Votre Majesté de me faire apporter cet auteur, que nous avons
coutume d'appeler le roy des livres ; et je ne manquerai pas d'en en-
voyer le prix. Mais je désire savoir de votre prudence qui fait mieux
de Pogge ou de moi, lui qui pour acheter ma métairie, près de Florence,
vend Tite-Live, et moy qui pour l'acheter, écrit de sa main, vends
mon fonds. Votre bonté et votre modestie m'ont persuadé de vous faire
cette question familière. Portez vous bien et triomphez. »
Les écrivains, libraires (stalionarii), relieurs, enlumineurs et par-
cheminiers faisaient partie de l'Université, qui exerçait un droit de con-
trôle et même de censure sur tous les livres qui passaient par les mains
de ces ouvriers.
Nous ne pouvons suivre M. Didot dans tous les détails, un peu con-
fus peut-être, qu'il a accumulés pour bien déterminer la position
qu'occupaient les libraires vis-à-vis de l'Université, et les privilèges de
celle-ci. Parmi les nombreux règlements portés à cette époque, nous
remarquons ces clauses qui sont importantes :
Les libraires de Paris avaient seuls droit de vendre dans tout le
royaume. {Brevet de librairie donné le 8 juin 4 53.1)
Aucun libraire ne devait se défaire de son fonds de librairie ni l'alié-
ner sans le consentement de l'Université. (Statuts de ï Université, §
octobre 1342.)
Les parcheminiers formaient un corps particulier qui avait ses privi-
lèges, mais l'Université s'attribuait sur chaque botte de parchemin un
droit de 16 deniers parisis, droit qui remontait à Charlemagne, le pre-
mier roy, fondateur d'icelle, et que maints arrêts postérieurs avaient
confirmé.
Le papier, au contraire, fut toujours franc de tout droit. Charles IX,
par son édit d'Arles de novembre 1554, établit un impôt sur le papier,
mais, lors de la vérification de l'édit au Parlement, l'Université, jalouse
de ses privilèges, défend vigoureusement sa cause.
Comme cette affaire offre un assez piquant intérêt d'actualité, qu'on
nous permette d'entrer dans quelques détails.
Montholon pour le recteur de l'Université, de Thou pour les vingt-
quatre libraires jurez et autres, escrivains et papetiers, et Versoris
pour les maîtres gardes de la marchandise, plaident énergiquement la
cause de la franchise du papier, c'est-à-dire de l'indépendance et de
l'avenir intellectuel du monde entier.
« Jamais, dit Montholon, le papier blanc et les autres objets indispen-
sables aux études n'ont été soumis aux impôts dans les circonstances les
plus critiques; en 1418, par exemple, lors des guerres contre les An-
glais qui occupaient une partie du royaume, quand une contribution
jut mise pour lanécessitè publique, l' Université fit offre d'y contribuer,
mais le roy (Charles V) ne le voulut accepter, pour la conséquence, et
d'abondant fit déclaration d'exemption générale pour toute chose estant
à l'usage des escholiers et rstudiants.
Si le prix du papier augmente, le pauvre escholier qui a un double
ou un liard pour avoir une feuille sera contraint de laisser l'étude, et
en quoy V Estât public a intéresl, estant le séminaire de vertu par ce
m^yen suffoqué et éteint....
De Thou ajoute que la fabrication du papier est pour la France une
source de richesse inappréciable : Les eslrangers, ruesme ceux d'Espa-
gne, se sont toujours fournis en France, et c'est par le moyen de la
papeterie, plus que par autre trafic ou mrachandise qui se fasse en
Fronce, tiré l'or étranger.
Après avoir établi combien l'effet qui résulterait de la vérification de
cet effet serait désastreux pour l'imprimerie et pour les études, Verso-
ris dit : // faudra que les maisires papetiers dé/aisst nt leurs manufac-
tures, et on verra en bref les ouvriers passer aux pays étrangers, et
cette manufacture tellement délaissée en ce royaume, qu'au lieu que
par cidevnnt on avoit le papier à vil prix et que l 'on en vendait grande
quantité aux étrangers, on sera dorénavant contraint d'en acheter bien
chèrement d'tux.
Et supplie la cour très-humblement de faire entendre au roy ces
motifs, afin que si la calamité du temps ne se peut passer sans mettre
opposition, que ce soit sur un autre endroit, dont le roy puisse tirer
plus de profit et S"s humbles sujets moins d'oppressioti.
Le 14 août 1565, le roi, par ses lettres patentes dudit jour, fit dé-
fense aux fermiers de lever ledit impôt, sous peine du quadruple et
d'emprisonnement.
Et depuis cette époque , le papier, cet indispensable auxiliaire de
l'imprimerie, destiné par elle à multiplier les produits du génie et de
l'esprit humain, et à les répandre dans toutes les classes de la société,
est resté franc et quitte de tout droit.
306
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
Un siècle auparavant, l'imprimerie se glissait inaperçue dans Paris.
Le bruit de la découverte de Gutenberg s'était rapidement répandu
à l'étranger : en 1 409, trois imprimeurs allemands, Martin Krantz ,
Michel Friburger et Ulric Gering , sont attirés à Paris par le prieur de
la Sorbonne, l'Allemand de la Pierre, et le premier ouvrage sorti de
leurs presses, établies dans la maison même de Sorbonne, fut un livre
intitulé : Gasparini Pergamcnsis Epistolw, in-4°, sans date, mais bien
positivement de 1470.
Ainsi , l'imprimerie date à Paris de 1470 ; et cette ville est la pre-
mière de France et seulement la dixième de l'Europe qui ait joui de
ce bienfait. Celles qui la précèdent, sont: Mayence, Bamberg, Su-
biaco, Rome, Esfeld, Cologne, Augsbourg, Venise et Milan. Il faudrait
y ajouter Erfurth , si l'on pouvait se fier à la note manuscrite qui se
trouve sur l'exemplaire des fameuses lettres d'indulgence de Ni-
colas V, que possédait lord Spencer. Ces lettres sont datées de 1455;
mais le nom de la personne à qui les indulgences ont été adressées,
le quantième et le mot Erffurdie sont écrits à la plume.
La même année, les trois imprimeurs donnèrent une édition de Sal-
luste, que l'on peut considérer comme l'édition princeps ; car elle est
de la même année que celle donnée par Vindelinus de Spire , à
Venise.
Quatre années après, ils obtiennent du roi Louis XI des lettres gra-
tuites de naturalisation. Cette pièce est intéressante pour l'histoire de
l'imprimerie (1) ; comme M. Didot, nous en citerons le commence-
ment :
Loys, parla grâce de Dieu , roy de France, sauo r faisons que
nous auons receu humble supplication de nos bien amés Michiel Fri-
burgier, Ulric Quering et Martin Granets , du puis dAUemaiyne,
(ontinant que ils sont venus demourer en nostre royaume puis ancien
temps en ca pour lexercice de leurs ars et mestitrs de f«ire Hures de
plusieurs manières d'escriptures en mode et autrement et de les
vendre en ceste nuire ville de Paris, où ils demeurent à présent.
Les mêmes lettres de naturalisation exemptent du droit d'aubaine
tous les biens appartenant aux trois imprimeurs.
A la fin de 1478, le nom de Géring paraît seul sur les publications
postérieures au mois d'octobre de cette année ; ce qui laisse supposer
que ses deux associés moururent eu retournèrent en Allemagne. Il
s'associa, en 1494, avec Bertrand de Rembolt, originaire de Stras-
bourg, et mourut en 1510, léguant à la Sorbonne, au collège de Mon-
tagu et aux écoliers pauvres une fortune considérable et glorieusement
acquise. La Sorbonne eut pour sa part 8,500 livres d'argent comptant,
somme énorme pour le temps.
Le nombre des imprimeurs augmente rapidement à Paris, aussitôt
que l'on commence à sentir l'importance de ce nouvel art.
En 1473, Pierre Césaris et Jean Stol ;
En 1474, Aspais Bonhomme et Pierre Caron ;
En 1475, Pasquier Bonhomme;
En 1480, Antoine Vérard , si célèbre par ses romans de chevalerie.
Il meurt en 1513. —Barthélémy Vérard lui succède, et l'on voit en-
core un troisième imprimeur de ce nom en 1518.
Nommant seulement les Marnef, les Regnault, les Dupré, les Pigou-
chet , les Lenoir, les Jean Petit, les Josse Bade, les Kerver, etc., qui
illustrèrent encore ce premier siècle de l'imprimerie, nous arrivons,
en 1502, aux Estienne.
Ici nous citons textuellement :
« En 1502, Henri Estienne, premier du nom , dérogeant à ses titres
de noblesse et bravant l'exhérédation paternelle pour se dévouer à la
typographie, qui devait l'illustrer par une noblesse plus réelle et plus
personnelle, devient le chef de cette illustre famille d'imprimeurs qui
portent son nom. Venu de Provence à Paris, vers l'an 1500, les pre-
miers livres qu'il y imprima prouvent qu'il s'était associé avec Henri
(Il Ces lettres avaient été publiées, en 1183, par G. de Bure dans l'excellent ca-
talogue de Lavallière, 3- vol., p. 141.
Wolfgang , et l'on voit par ses publications qu'il affectionnait la philo-
sophie et les sciences naturelles. »
M. Didot, dans une noie fort intéressante qu'il donna sur l'origine de
la famille des Estienne, explique ainsi l'olivier qui se trouve sur beau-
coup de livres imprimés par Henri Eslienne :
« Godefroi, père de Henri, premier du nom, avait épousé Laure de
Montolivel. Je pense donc que c'est en souvenir de ce nom et de
l'olivier, blason des armes de la famille de sa mère, que Henri l'a-
dopta comme emblème placé sur tous les livres qu'il imprimait, fai-
sant ainsi revivre les armes de la famille de sa mère, puisque son
père l'avait privé des siennes. »
Nous ne pouvons, malheureusement, suivre M. Didot dans les déve-
loppements qu'il donne sur cette grande famille. Nous renvoyons le
lecLeur à son livre, ou bien (etil ne s'en formalisera pas) au beau traité
de M. Renouard sur les Estienne.
1502. — Henri Eslienne. Il meurt jeune en 1520, laissant 121 ou-
vrages, la plupart in-fol., tous remarquablement exécutés. Sa veuve s»
remarie à Simon de Colines, habile imprimeur et graveur en lettres,
qui fut probablement l'associé d'Henri Estienne et celui de son fils
Robert Estienne.
1524- — Robert Estienne, né en 1583, quitte son beau-père et rentre
dans la propriété de l'imprimerie paternelle. En 1527, il épouse
Perelte Bade, fille de Josse Bade, excellent imprimeur ; ce fut la digne
épouse de Robert, et la digne mère d'Henri Estienne, deuxième du
nom.
Les ouvrages célèbres sortis des presses de Robert Estienne, sont :
la Bible, in-fol., avec l' Index no niinum;
Le Dictionarium, sive laiinec liiujuœ thésaurus, in-fol., rédigé par
lui-même : il en donne, en 1536, une 2e édition en 2 vol. in-fol., et
une 3e en 1543, en 3 vol. in-fol. Magnifique et gigantesque travail ! —
En 1537, une 2° édition in-fol. de la Bib'e latine, avec annotations et
commentaires. — En 1539-1544, la Bible en hébreu, 4 vol. in-4°.
En 1550, une magnifique édition du Nouveau-Testament, in-fol. On
esLime qu'il ne donna pas moins de onze éditions complètes de la Bible
et autant du Nouveau-Testament. — En 1551, il est obligé de se ré-
fugier à Genève, pour fuir les persécutions de la Sorbonne et des théo-
logiens. Il y publie plusieurs ouvrages pour sa défense, et, en 1557, sa
Grammaire française, in-8°; et il meurt en exil, le 7 septembre 1559,
laissant huit enfants.
Écoulons ce qu'en dit Paul Manuce, le digne fils d'Aldus Pius :
a J'ai entendu dire à mon père que nul n'avait égalé Robert Estienne
par le soin et le zèle qu'il apportait à la correction et à la publication
des anciens auteurs. »
Robert Estienne avait eu deux frères, Charles et François, imprimeurs
tous deux.
Henri Estienne, deuxième du nom, né en 1532, déjà imprimeur en
1554, réunit en 1559 l'imprimerie de son père Robert Estienne à la
sienne. 11 meurt à Lyon en 1598. Aussi célèbre oomme écrivain que
comme imprimeur , il laisse, entr'aulres ouvrages, son célèbre traité
de la Conformité du langage français avec le grec, sa Précellence du
langage français, son Apologie pour Hérodote, son Thésaurus grœcce
linguw, 5 tomes en 4 vol. in-fol., et ure grande quantité d'ouvrages,
tous pleins de science et de style, d'une philosophie un peu rabelai-
sienne, mais dont un seul aurait suffi pour faire passer son nom à la
postérité.
Cette famille, qui a donné au moins vingt imprimeurs à la France, et
dont les chefs ont tant fait pour les lettres, n'est peut-être pas en-
core éteinte, car M. Didot parle d'un descendant en ligne directe, An-
toine Estienne, colonel en retraite, ancien inspecteur de la librairie,
mort à Paris en 1826. S'il a laissé un fils, il y a bien peu de noblesse
en Europe que l'on puisse comparer à la sienne, car la famille des
Estienne remonte au xn" siècle, et elle s'est vigoureusement retrempée
au xvi".
Pendant que la pléiade des Estienne illustrait la France, d'autres ex-
DE PARIS.
307
cellents imprimeurs apportaient, leur concours modeste, mais dévoué,
à ce grand œuvre qu'on appelle la résurrection des lettres et des arts,
ou encore la renaissance.
Galliot Dupré ; Geoffroy Tory ; Simon de Colincs, le digne allié des j
Estienne; Chrestien Michel (1), un des imprimeurs de Rabelais; Michel
Vascosan, beau-frère de Robert Estienne, l'éditeur d'Amyot ; Gilles
Corrozet, poète, historien, traducteur; les frères Angelicrs; Robert
Ballard, le premier imprimeur royal pour la musique, chef d'une fa-
mille dans laquelle se perpétuèrent ces fonctions (2); Adrien Turnèbe,
le célèbre helléniste; Frédéric Morel, gendre et successeur de Vasco-
san ; Gabriel Buon, l'éditeur de Ronsard ; Mamert Pâtisson, Abel Lan-
gelier ; Rollin Thierry; Sébastien Cramoisy, etc., sont les principaux
de ces hommes modestes et savants qui firent de l'imprimerie française,
au xvi° siècle, la première imprimerie du monde. Ils étaient souvent
correcteurs, traducteurs, auteurs tout à la fois-, presque tous ensei-
gnaient leur art à leurs enfants. Aussi voit-on avec respect quelques-
uns de ces noms qui reparaissent pendant deux et trois siècles.
Les rois de France avaient, pendant le laps d'années qui s'étend de
l'introduction de l'imprimerie à Paris, au xvne siècle, rendu de fameux
édits en faveur de l'imprimerie et persécuté les imprimeurs; témoin les
édits de François I" en 1533 et 153/i, de Henri II en 1551, de Char-
les IX en 1 563 et 156/i : {Tous libraires qui imprimeront aucun livre,
lettres, harangue ou autre écrit en rhythrne ou en prose, sans permis-
sion du seigneur roy, seront pendus et estrangtez, arrêt du 10 sep-
tembre 1563); témoin E. Dolet, Robert Estienne, D. Chrestien Wae-
chel, Geoffroi Vallée, Martin l'Homme, etc.
Nous aimons par dessus tout le xvie siècle; c'est pour nous le grand
siècle de la monarchie française; c'est le siècle de la renaissance, c'est
celui de la réforme : on voit la pensée humaine se dégager peu à peu
des ténèbres épaisses qui l'ont obscurcie pendant si longtemps.
Eh bien ! qui croirait qu'au milieu de ce grand siècle, à travers cette
vaste rénovation de toutes choses, sous le règne de ce roi-chevalier
qui se fait appeler le Père des Lettres, de ce roi qui fait antichambre
chez Robert Estienne, peut-être parce que Charles-Quint, son rival,
ramasse le pinceau du Titien, qui croirait que l'imprimerie a été à deux
doigts d'une ruine complète?
« En 1533, François I" étant à Lyon, le 7 juin, la société de Sorbonne
lui présenta une requête fort pressante au sujet des livres hérétiques ;
elle y exposa fortement au roi que s'il voulait sauver la religion atta-
quée, et ébranlée de tous côtés, il était d'une nécessité indispensable
d'abolir pour toujours en France, par un édit sévère, l'art de l'impri-
merie, qui enfantait chaque jour une infinité de livres qui lui étaient
si pernicieux. Ce projet de la Sorbonne fut sur le point d'être réalisé ;
mais Jean du Bellay, évêque de Paris, et Guillaume Budé parèrent heu-
reusement le coup ; ils firent entendre au zélé monarque qu'en conser-
vant un art si précieux, il pourrait efficacement remédier aux abus dont
on se plaignait si justement. » (Voy. M. l'abbé Labouderie, Notice sur
la vie et les écrits du p. Colonia, p. xlvij.)
Si François Ier eût cédé, nul doute que quelques esprits pervers
comme Marot , Rabelais , Saint-Gelais, et Dubellay , et Dolet, et les
Estienne, et d'autres encore ne l'eussent surnommé le Démol'sseur des
Lettres , mais la faculté de théologie, l'inquisition et la cour de Rome
l'auraient canonisé.
(La suite prochainement.)
E. D.
(1) Ce fut lui qui fit tirer les Colloques d'Érasme à 24,000 exemplaires, nombre
inusité pour ce temps.
(2) Cette imprimerie s'est continuée jusqu'à nos jours. M. Vinchon, allié de
Mme veuve Ballard, lui a succédé comme imprimeur de ki ville de Paris.
NOUVELLES.
*„* Pcmain lundi, à l'Opéra, Guillaume. Tetl.
*** Le Juif errant a reparu lundi dernier, et l'aflluence était telle que
la salle s'est trouvée trop petite pour contenir tous les amateurs 1 ercredi
et vendredi, le spectacle est resté le même, mais le public sVst renouvelé
avec un empressement, véritable pierre de touche des succès. Roger et
Massol reparaissaient ensemble dans les deux rôles qu'ils ont créés avec
une supériorité si grande. Ils y ont été l'un et l'autre aussi admirables,
aussi applaudi-; que dans les premiers jours. On dirait qu'ils ont gagné en
puissance de moyens, soit par le travail, soit par le repos. Mme Tedesco
et Mlle La Grua, qui ne nous avaient pas quittés, que nous n'avions jamais
cessé d'entendre, ont pris comme un nouvel élan d'inspiration, Je verve,
et leurs belles voix ont enlevé l'enthousiasme. Plusieurs fois rappelés,
pendant le cours de ces trois représentations, ces quatre artistes ont re-
paru aux applaudissements de tout l'auditoire. Une jeune cantatrice,
Mlle Mendez, conquise par l'Opéra sur le Théâtre-Lyrique, s'est essayée
au troisième acte dans le petit rôle de la dame d'honneur, chanté d'abord
par Mlle Petit-Briôre. Comme sa devancière, eile est élève de Mme Darno-
reau, et possède une voix très-agréable.
*** Après avoir obtenu les plus brillants succès à Madrid, Fanny Cerrito
vient d'arriver à Paris. Elle est engagée au théâtre impérial de Vienne.
*** Lablache est parti hier samedi pour Saint-Pétersbourg, où l'appelle
un engagement au théâtre Italien.
*** Ferdinand Ililler a résilié son engagement de chef d'orchestre du
Théâtre-Italien L'éminent artiste et compositeur est à Paris en ce mo-
ment. 11 n'est pas encore certain qu'il retourne en Allemagne.
V M. Séveste , directeur du Théâtre-Lyrique, vient de confier un
poëme en un acte à M. Wekerlin ; le libretto est de M. Alboize.
*„* On monte, à, Lyon, le charmant opéra d'Adol| he Adam, la Poupée
de Nuremberg. Le principal rôle sera joué et chanté par Mme Cabel.
%* Alexandre Billet, dont nous annoncions l'arrivée dans notre dernier
numéro, et qui ne s'est pas fait entendre à Paris depuis le beau concert
donné par lui au Théâtre-Italien en 1845, a, depuis ce temps, parcouru
l'Eurone et confirmé sa brillante réputation. Définitivement fixé à Londres,
il s'y est fait une position importante, à laquelle n'ont pas peu contribué
ses concerts de musique classique, dont les programmes sont exclusive-
ment composés des œuvres des plus grands maîtres, depuis Sébastien
Bach, Ilaendel, Scarlatti, jusqu'à Mendelssohn. Dans chaque séance, l'ar-
tiste exécute trois sonates, quatre fugues, cinq ou six études de différents
auteurs, et le public anglais s'est habitué à considérer ces concerts comme
des cours pratiques, auxquels il se porte avec un empressement soutenu.
*** Soivinski est de retour à Paris. A son passage à Saintes, il a été in-
vité par Mme la supérieure du couvent de Sainte-Marie- de-la-Providence
à se faire entendre sur le piano au concert qui a suivi la distribution des
prix. Mgr l'évèque de la Rochelle, entouré d'un nombreux clergé, prési-
dait à cette fête, à laquelle assistaient aussi les autorités de la ville et
beaucoup de parents des jeunes personnes. M. Sowinski a d'abord exécuté
sa fantaisie sur l' Enfant prongue; ensuite, il a dit avec beaucoup de déli-
catesse et de verve la Berceuse et la Sicilienne .
*#* Charles Dancla, l'éminent violoniste, et sa sœur, Laure Dancla, la
pianiste si distinguée, sont en ce moment à Saint-Sauveur, dans les
Pyrénées, et en l'ont les délices par leur double talent.
*„* Mme Sontag s'est embarquée dans les derniers jours du mois d'août
sur le paquebot â vapeur VArctic pour New-York. Les artistes qui l'accom-
pagnent dans son voyage en Amérique sont Mil. Cari Eckert, pianiste
compositeur, et Pezzolini, jeune ténor, qui, pendant la dernière saison ,
était attaché au théâtre impérial Italien de Saint-Pétersbourg, où il a
figuré avec succès à côté de Mario et de Tamberlik.
%* M. Gilardoni, le contrebassiste qui s'est fait une brillante réputa-
tion en Italie, vient d'arriver à Paris, où il se propose de passer l'hiver.
%* Ce n'est pas dans un concert que H. Charles John s'est fait entendre
à Trouville. Le ieune et habile pianiste n'a joué que devant quelques amis
et amateurs, qui se sont trouvés fort heureux d'être admis dans ce cercle
exceptionnel.
%* Le concours d'harmonie et de composition pour les musiques
d'infanterie et de cavalerie a eu lieu jeudi dernier au Gymnase musical
militaire. Les concurrents avaient à composer un /-us redoublé sur un
fragment de mélodie donnée, dont ils devaient trouver les développements,
et â écrire ensuite à quatre parties vocales une ba^se et un chant donnés.
Voici le résultat de ce concours : — Pour la musique d'infanterie : premier
prix, partagé entre MM. Bourdeau, du 17e de ligue et Josneau, du 6e de
ligne, élèves de M. F. Bazin; second prix, M. Loustalot, du 11e de ligne,
élève de M. F. Bazin ; accessit partagé entre M. Sarnette, du 8e léger,
élève de M. Vialon, et MM. Leroux, du 38' de ligne, et André, du 3e de
ligne, élèves de M. F. Bazin. — Pour la musique de cavalerie : second
prix, partagé entre MM. Yung, du 1" lanciers, etGaudin, du T cuirassiers,
élèves de M. F. Bazin; accessit, M. Ch. Prévost, du h' cuirassiers, élève de
M. F. Bazin.
V Au concours d'Abbeville, c'est la musique d'Eu qui a remporté la
médaille d'ur. Cette musique est patronée et dirigée par un amateur des
plus distingués de la ville, M. de Gromard. Elle se compose entièrement
d'instruments sortant de la fabrique de M. Sax. Au même concours, le
second prix a été adjugé à la musique d'Oesdin, patronée et dirigée par
308
REVUE ET GAZETTE MUSICALE DE PAP.IS.
MM. Ilouzel et Ricard; elle se compose également en totalité d'instru-
ments du même facteur.
*„* Au concours qui a eu lieu à Meaux, le 22 juin dernier, la musique de
Trilport, petit village de mille habitants dirigés et patronés par M. le vi-
comte de Ponton d'Amicourt, a remporté, avec 21 musiciens, la première
médaille d'or de la 3' division, dans laquelle elle concourait. Les concu-
rents étaient deux fois plus nombreux, venaient de villes importantes et
comptaient beaucoup d'artistes. Les musiciens de Trilport, au con-
traire, étaient tous de simples villageois, mais munis, en totalité, d'in-
struments de la manufacture d'Ad. Sax.
%* Une mort subite vient d'enlever un homme dont le nom n'a pas été
sans retentissement dans le journalisme et les théâtres. M. Anténor Joly
avait créé un journal littéraire qu'il dirigea longtemps, le Vert-Vert. Il
fonda aussi le théâtre Beaumarchais et le théâtre de la Renaissance, où
fut représentée Y Eau merneilleuse., deGrisar, etoùCarlottaGrisi commença
sa réputation. Malgré une surdité complète, M. Anténor Joly n'avait pas
renoncé à la vie active, et n'avait rien perdu de son caractère aimable et
facile.
%* Mlle Louise Noblet, qui fut longtemps première danseuse à l'Opéra,
vient de mourir aux 'J hernes, après une longue et douloureuse maladie.
Elle était sœur de Mme Alexis Dupond et de Mlle Noblet du Théâtre-Fran-
çais. Elle eut cet honneur, unique peur une danseuse, dinspirer l'idée
d'u.i grand opéra et d'y créer le principal rôle, celui de Fenella dans la
M aille de Po: tid.
CRON1QUE DÉPARTEMENTALE.
%* Strasbourg 5 septembre. — Les Mousquetaires d» la Reine et Giralla
ont brillamment inauguré la réouverture théâtrale. Montaubry, le jeune
ténor, et sa charmante femme (Caroline Prévost) s'y sont distingués dans
les pr ncipaux rôles. Mlle Elisa Marchand a aussi fort bien réussi dans ce-
lui de Berthe de Simiane et dans le Chalet.
%* La Rochelle, 6 septembre. — Pendant la saison de bains de mer, les
bals, soirées et concerts se sont succédé sans interrpution. Deux artistes
aimés du public bordelais ont ouvert la marche, MM. Sarreau etFerrières;
le premier, chanteur d'une voix peu étendue, mais sympathique; le se-
cond, violoncelliste, premier prix du Conservatoire. Puis est venu le
concert de Mlle Joséphine Martin, qui a exécuté avec une perfection mer-
veilleuse la Danse ïyriaqu; la Tarentelle, Y El m du cœur et la Kerms-e.
Dans ce concert, notre compatriote, le jeune Sauvaget, élève de Franc-
homme, a préludé à celui qu'il devait donner bientôt avec le concours de
la Société philharmonique.
* * Lons-le-Savnier, 8 septembre. — Un magnifique concert a été donné,
le 5 de ce mois, chez M. de Grimaldi, président du Conseil général. La
partie vocale était confiée à MM. Gueymard, Morelli, Protêt, Malézieux et
Mme Laborde ; la partie instrumentale, à MM. Ropicquet etDietsch. Guey-
mard et Morelli ont dit avec un effet entraînant les duos de Belisario
et de Guillaume T'U: M. Protêt, l'un des bons élèves de Boldogni, a fort
bien chanté un air de Charles VI, et Mme Laborde a littéralement ébloui
l'auditoire avec l'air du Barbier et les variations de Rode.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
%* Bruxelles, 30 août. — Le festival qui aura lieu dans cette ville aux
fêtes de septembre sera remarquable par le grand nombre d'artistes qui
y prendront part. Cinquante-six Sociétés philharmoniques de Belgique ,
de France , d'Allemagne, de Suisse et de Hollande ont promis d'y concou-
rir : elles fourniront au moins trois mille chanteurs. Une commission
spéciale a été nommée pour organiser ce festival , qui , selon toutes les
apparences, fera époque dans les annales de la musique.
*** Berlin. — Roger s'est mis en route pour Paris immédiatement après la
représentation à son bénéfice. Mlle Wagner lui avait promis son concours
pour cette représentation , ce qui aurait perm is d'off ri r autre cheseaup ubli c
que la Dame Blanche, qui avait déjà été jouée neuf fois; mais la jeune canta-
trice, ou plutôt son père, a renouvelé la manœuvre qu'il avait déjà pratiquée
à Londres. 11 a écrit une lettre pour excuser tant bien que mal l'absence de
sa fille. Roger, dans l'intérêt du public, a fait parvenir à M. Wagner une ré-
ponse dans laquelle il lui explique la valeur de cette expression : tenir parole.
Néanmoins, la recette s'est élevée à environ 4,300 thalers; frais déduits, il
serait resté mille écus au bénéficiaire; si Roger, toujours galant et géné-
reux, n'avait offert, comme souvenir, des présents de prix aux chanteurs
et aux cantatrices, ainsi qu'aux premières danseuses qui lui avaient prêté
le concours de leur talent. Les gens de service et les employés subalter-
nes ont également reçu des marques de sa munificence. Un joli bracelet,
estimé 20 frédérics d'or, avait été destiné à Mlle Wagner. Si Roger doit
nous revenir l'année prochaine, le public est en droit d'exiger que l'on
s'y prenne à temps pour qu'il y ait une cantatrice qui puisse le seconder.
%* Vienne. — Ander vient de contracter un engagement à vie au
théâtre de la Cour; il a 12,000 florins par an (3\000 fr.), trois mois de
congé et une pension de 2,0C0 florins.
*„* Munich. — L'ex-chanteur Brizzi, âgé aujourd'hui de 81 ans, qui
habite depuis longtemps notre capitale, avait reçu de l'empereur Napoléon
une pension viagère, qui ne lui fut payée ni par la Restauration ni par
Louis Philippe. Brizzi a fait valoir ses titres auprès du Prince-Président,
et la pension lui a été rendue.
*„,* New-York. --Pendant les grandes chaleurs notre monde élégant
jouit de la belle saison à Saratoga, Newport, Cape Mai, Lake-George, et à
la chute du Niagara. La plupart des artistes de quelque importance
vont également aux eaux pendant les vacances. L'Alboni a encore réussi
à faire naître un engouement populaire. Après elle, peu de prime donne
pourront spéculer avec un succès extraordinaire sur les bourses et sur les
cœurs des Américains. Pour le moment il n'y a guère que Mme Sontag
ou la comtesse Rossi, comme on l'appelle de préférence dans ce pays-ci.
C'est avec une conviction profonde que je prédis à cette artiste qu'elle aura
encore plus de succès et qu'elle fera des récoltes plus abondantes que
Jenny Lind. Cela vous paraîtra incroyable, et pourtant c'est la vérité.
C'est parce qu'elle n'est pas seulement une virtuose du premier rang, mais
qu'elle est comtesse par dessus le marché, qu'Henriette Sontag aura pour
elle les sympathies de notre aristocratie républicaine. Si Mme Sontag
chante un air dans les cercles de la haute volée, cela lui vaudra autant
que si Barnum faisait vendre ses cartes d'entrée aux enchères publiques.
De plus, les journaux français, allemands et anglais ont rendu le nom de
Aime Sontag populaire. — Nos innombrables théâtres ne font pas de mau-
vaises affaires, et qui plus est, ils n'ont pas fermé pendant les chaleurs.
Au musée américain du fondateur de la spéculation en matière de beaux-
arts, M. Barnum, on donne avec un grand succès la Sonnambula, en an-
glais. Le Broadway-Theater a de nouveau recours à son Doc 'eur Faust, mi-
sérable rhapsodie anglaise. La machinerie de ce théâtre est merveilleuse.
Les deux théâtres populaires Bowerg et Chatham continuent à exploiter le
genre naïf qui est leur spécialité. Pikle-llouse, le plus beau et le plus frais
parmi les théâtres de New-York, est occupé en ce momentpar une Société
d'Opéra français, qui, avec Mme Fleury Jolly et M. Menehaud, surpasse de
beaucoup Mme Thillon et M. Hudson, qui l'avaient précédée. M. Thorne a
pris la direction de Ashton Place-House, et a l'intention d'engager en même
temps une troupe française, une troupe anglaise et une troupe allemande.
M. Thorne, qui a fait trois fortunes en deux ans à San-Francisco, paraît
être impatient de marcher par un triple chemin à sa ruine. Ole Bule réus-
sit; cet artiste sait faire vibrer les cordes sensibles de nos Yankee; sa
virtuosité s'empare de l'Américain, qui , dans le fond , a peu de connais-
sances musicales ; et quand Ole-Bule se penche sur son violon, qu'il ap-
proche l'oreille le plus qu'il peut de la chanterelle, pour aspirer au moins
lui-même quelques-uns des sons qui depuis longtemps sont devenus imper-
ceptibles pour l'auditoire, celui-ci éclate en applaudissements et en cris
de joie.
— On demande pour la saison du carnaval et du carême , au grand
théâtre de Trieste, une première danseuse française qui ait fait sa répu-
tation et obtenu des succès sur les principaux théâtres de Milan, de Ve-
nise, de Turin, de Naples, de Rome, de Vienne, de Paris, de Londres ou
de Saint-Pétersbourg. La direction du théâtre invite les correspondants
à lui adresser des propositions.
Le gérant ■ Ernest hESCHAMPS.
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Passage Choiseul, 54 :
m. KOSEJLïiEBf. Op. 137. Fantaisie sur le Tre Nozze. . 9 »
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S.lvrlli.
»• 38.
REVUE
10 Septembre 1882.
I»rlx de l'Abonnement i
Paris, un an 24 fr.
Départements, Belgique et Suisse 30
Étranger 34
Le Journal parait le Dimanche.
AZETTE MUSICALE
m fâiis,
SOMMAIRE. — Les Soirées de l'orchestre, par Slceior Berlioz. — Bibliogra-
phie, Essai sur la typographie, d'Ambroise-Firmin Didot (3° et dernier article). —
Notes historiques sur les concerts donnés par l'Association des artistes-musiciens
à Vienne — Èlie, de Mendelssohn, par Sjéon 3ïr*uizer Revue critique,
Czerny, Doelder, Théodore Gouvy. — Les Chantres des bois, de Richard Muldcr,
par Sleuri Blancliuri!. — Nouvelles et annonces.
LES SOIRÉES DE L'ORCHESTRÉ.
Berlioz va publier un volume intitulé : Les Soirées de l'orchestre,
dans lequel, sous une forme tantôt sérieuse, tantôt comique ou roma-
nesque, des questions importantes pour l'art musical sont traitées.
Ainsi qu'il l'indique dans le prologue, son livre contient des soirées
littéraires, et d'autres qui ne le sont pas. Quand on joue au théâlre un
opéra franc as très-plat, ou un opéra italien 1res, etc., ou encore un
opéra allemand, etc., — car l'auteur n'a point de préjugés, il indique le
mauvais partout où il le trouve, — les trois quarts de l'orchestre s'abs-
tenant alors d'exécuter leur partie, l'un des musiciens fait un conte
joyeux, un autre lit tout haut un roman, celui-ci une nouvelle senti-
mentale, celui-là fait la biographie d'un grand compositeur; ou bien,
pour répondre aux questions des artistes de cet orchestre étranger, l'au-
teur, qui est fort de leurs amis, trace le tableau des mœurs musicales
de Paris et de Londres; puis, les musiciens jugent et condamnent sa
critique ; et ce sont, ensuite, des discussions d'une verve fort ori-
ginale.
Mais si l'on joue dans ce théâtre, que Berlioz place dans une ville
civilisée qu'il ne nomme pas, un chef-d'œuvre de quelque grand com-
positeur, mort ou vivant, alors il n'y a ni lecture, ni récit, ni discus-
sions à l'orchestre ; personne n'y parle; chacun des musiciens faitjsa
tâche avec zèle et respect : c'est une soirée perdue.
Ce mélange d'enthousiasme impétueux pour les grandes choses de
l'art musical, d'humour souvent sarcastique, et de petits romans pleins
d'un poétique intérêt, donnent à ce volume une physionomie particu-
lière qui doit en assurer le succès.
Nous croyons être agréables aux lecteurs de la Gazette musicale en
leur donnant, par des extraits des diverses parties de ce livre (en ce
moment sous presse, chez Michel Lévy), une idée du plan de l'auteur
et de la manière piquante dont il l'a exécuté.
Il y a dans le nord de l'Europe un théâtrelyrique où il est d'usage que les
musiciens, dont plusieurs sont gens d'esprit, se livrent à la lecture et
même à des causeries plus ou moins littéraires et musicales pendant
l'exécution de tous les opéras médiocres. C'est dire assjz qu'ils lisent
et cause. it beaucoup. Sur tous les pupitres, à côté du cahier de musi-
que, se trouve, en conséquence, un livre tel quel. De sorte que le mu-
sicien qui paraît le plus absorbé dans la contemplation de sa partie, le
plus occupé à compter ses pauses, à suivre de l'œil sa réplique, est
fort souvent acquis tout entier aux meitteilleuses scènes de Balzac, aux
charmants tableaux de mœurs de Dickens, et même à l'étude de quel-
| que science. J'en sais un qui, pendant les quinze premières représen-
tations d'un opéra célèbre, a lu, relu, médité et compris les trois
; volumes du Cosmos de Humboldt ; un autre qui, durant le long succès
j d'un sot ouvrage, très-obscur aujourd'hui, est parvenu à apprendre
: l'anglais, et un autre encore qui, doué d'une mémoire exceptionnelle,
I a raconté à ses voisins plus de dix volumes de contes, nouvelles, anec-
j dotes et gaillardises.
Un seul des membres de cet orchestre ne se permet aucune dis-
j traction. Tout à son affaire, actif, infatigable , les yeux fixés sur ses
I notes, le bras toujours en mouvement, il se croirait déshonoré s'il ve-
| nait à omettre une croche ou à mériter un reproche sur sa qualité de
i son. A la fin de chaque acte, rouge, suant, exténué, il respire à peine ;
et pourtant il n'ose profiter des instants que lui laisse la suspension
des hostilités musicales pour aller boire un verre de bière au café voi-
sin. La crainte de manquer, en s'at tardant , les premières mesures de
l'acte suivant, suffit pour le clouer à son poste. Touché de son zèle, le
directeur du théâtre auquel il appartient lui envoya un jour six bou-
teilles de vin à titre d'encouragement. L'artiste, qui a la conscience de
sa valeur, loin de recevoir ce présent avec gratitude, le renvoya super-
bement au directeur avec ces mots : « Je n'ai pas besoin d'encourage-
ment ! » On devine que je veux parler du joueur de grosse caisse.
Ses confrères, au contraire, ne font guère trêve à leurs lectures, récits,
discussions etcauseries, qu'enfaveur des grandschefs-d'œuvre, ou quand,
dans les opéras ordinaires, le compositeur leur a confié une partie princi-
pale etdominante ; auquel cas leur distraction volontaire serait trop aisé-
ment remarquée et les compromettrait. Mais alors encore, l'orchestre
ne se trouvant jamais mis en évidence tout entier, il s'ensuit que si la
conversation et les études littéraires languissent d'une part, elles se
raniment de l'autre, et que les beaux parleurs du côté gauche repren-
nent la parole quand ceux du côté droit reprennent leurs instruments.
Mon assiduité à fréquenter en amateur ce club d'instrumentistes
pendant le séjour que je fais annuellement dans la ville où il est institué,
m'a permis d'y entendre narrer un assez bon nombre d'anecdotes et de
petits romans; j'y ai même souvent, je l'avoue, rendu leur politesse aux
conteurs en faisant quelque récit ou lecture à mon tour. Or, le musi-
cien d'orchestre est naturellement rabâcheur, et quand il a intéressé ou
fait rire une fois son auditoire par un bon mot ou une historiette quel-
conque, fût-ce le 25 décembre, on peut être bien sûr que, pour recher-
MO
REVUE ET GAZETTE MUSICALE DE l'ARIS.
cher un nouveau succès par le même moyen, il n'attendra pas la fin de
l'année. De sorte, qu'à force d'écouter ces jolies choses, elles ont fini
par m'obséder presque autant que les plates partitions auxquelles on
les faisait servir d'accompagnement; et je me décide à les écrire, h les
publier même, ornées des dialogues épisodiques des auditeurs et des
narrateurs, afin- d'en donner un exemplaire à chacun d'eux et qu'on
n'en parle plus.
Il est entendu que le joueur de grosse caisse seul n'aura point part
à mes largesses bibliographiques. Un homme aussi laborieux et aussi
fort dédaigne les exercices d'esprit.
Personnages du dialogue.
LE CHEF D'ORCHESTRE.
Corsino, premier violon, compositeur.
Siedler, chef des seconds violons.
Dimski, première contrebasse.
Tdrdth, seconde flûte.
Kleiner aîné, timbalier.
Kleiner jeune, premier violoncelle.
Dervikck, premier hautbois.
Winter, second basson.
Bacon, alto. (Ne descend pas de celui qui inventa la poudre.)
Moran, premier cor.
Schmidt, troisième cor.
Carlo, garçon d'orchestre.
un monsieur, habitué des stalles du parquet,
l'autecr.
DEUXIÈME SOIRÉE.
Exécution d'un oratorio. — - Le sommeil des justes.
II y a concert au théâtre.
Le programme se compose exclusivement d'un immense oratorio,
que le public vient entendre par devoir religieux, qu'il écoute avec un
silence religieux, que les artistes subissent avec un courage religieux,
et qui produit sur tous un ennui froid, noir et pesant comme les mu-
railles d'une église protestante.
Le malheureux joueur de grosse caisse, qui n'a rien à faire là-dedans,
s'agite avec inquiétude dans son coin. Il est le seul aussi qui ose parler
avec irrévérence de cette musique, écrite, selon lui, par un pauvre
compositeur, assez étranger aux lois de l'orchestration pour ne pas
employer le roi des instruments, la grosse caisse.
Je me trouve à côté d'un alto; celui-ci fait assez bonne contenance pen-
dant la première heure. Après quelques minutes de la seconde, toute-
fois, son archet n'attaque plus que mollement les cordes, puis l'archet
tombe... et je sens un poids inaccoutumé sur mon épaule gauche.
C'est celui de la tête du martyr qui s'y repose sans s'en douter. Je
m'approche, pour lui fournir un point d'appui plus solide et plus com-
mode. 11 s'endort profondément. Les pieux auditeurs, voisins de l'or-
chestre, jettent sur nous des regards indignés. Grand scandale!... Je
persiste à le prolonger en servant d'oreiller au dormeur. Les musiciens
rient. « Nous allons sommeiller aussi, me dit Moran, si vous ne nous
tenez éveillés de quelque façon. Voyons, un épisode de votre dernier
voyage en Allemagne ! C'est un pays que nous aimons, bien que ce
terrible oratorio vienne de là. Il doit vous y être arrivé plus d'une
aventure originale. Parlez, parlez vite ; les bras de Morphée s'ouvrent
déjà pour nous recevoir. — Je suis chargé ce soir, à ce qu'il paraît, de
tenir les uns endormis et les autres éveillés ? Je me dévouerai donc s'il
le faut; mais quand vous répéterez l'histoire que je m'en vais vous
dire, histoire peut-être un peu décolletée par-ci par-là, ne dites pas
de qui vous l'avez apprise ; cela achèverait de me perdre dans l'esprit
des saintes personnes dont les yeux de hibou me fusillent en ce mo-
ment. —Soyez tranquille, répond Corsino ; je dirai qu'elle est de moi.»
Ici l'auteur raconte aux musiciens l'histoire du Harpiste ambulant,
que nous ne P ouvons reproduire, et après laquelle il continue ainsi son
récit de la deuxième soirée :
« Silence!... Les ronflements de mon alto et ceux du joueur de
grosse caisse, qui a fini par suivre son exemple, se distinguent au tra-
vers des savants contrepoints de l'oratorio.
» De temps en temps aussi, le bruit des feuillets tournés simultané-
ment par les fidèles lisant le sacré livret, jette une agréable diversité
sur l'effet un peu monotone des voix et des instruments. — Quoi,
c'est déjà fini ? me dit le premier trombone. — Vous êtes bien hon-
nête! Ce sont les mérites de l'oratorio qui me valent ce compliment.
Mais j'ai réellement fini. Mes histoires ne sont pas comme cette fugue,
qui durera, je le crains, jusqu'au jugement dernier. Pousse, bourreau !
va toujours! C'est cela, retourne ton thème maintenant ! On peut bien
dire de lui ce que madame Jourdain dit de son mari : « Aussi sot par
derrière que par devant ! » Patience, dit le trombone, il n'y a plus
que six grands airs et huit petites fugues. — Que devenir! — Il faut
êtrejusle, c'est irrésistible. Dormons tous ! — Tous? Oh non, cela ne
serait pas prudent. Imitons les marins; laissons au moins quelques
hommes de quart. Nous les relèverons dans deux heures. » On désigne
trois contrebassistes pour faire le premier quart, et le reste de l'or-
chestre s'endort comme un seul homme.
Quant à moi, je dépose doucement mon alto, qui a l'air d'avoir res-
piré un flacon de chloroforme, sur l'épaule du garçon d'orchestre, et
je m'esquive. Il pleut à verse; j'entends le bruit des gouttières; je
cours m'enivrer de cette rafraîchissante harmonie.
H. BERLIOZ.
Le numéro prochain contiendra le fragment intitulé : de virisillus-
tribus urbis r.OMiE, et le vocabulaire de la langue romaine.
ÏIBUOGBÀPKIE.
ESSAI SHJE& LA 'ff'ïrlFsO(KÏSAEI,EaiE3,
Par Ambroise FIRMIN-D1DOT,
Paris, /Si'/. — / vol. in- S*.
(3° et dernier article) (1).
Le xvnie siècle ne nous offre que bien peu de noms à mettre à côté
de ces noms illustres crue l'on rencontre si souvent dans le siècle pré-
cédent : lesDenys Thierry, les Louis Billaine, les Claude Barbin, les Sé-
bastien Cramoisy, etc., éditeurs de Corneille, de Molière, de Racine et
de La Fontaine, sont plus célèbres pour avoir été les imprimeurs privi-
légiés de ces grands hommes, que pour l'exécution typographique de
leurs impressions. Cependant, Sébastien Cramoisy, reçu libraire en
1602, fut justement honoré pour son savoir, sa probité et ses talents ;
il fut syndic de sa communauté, échevin de la ville de Paris, grand-
juge, consul, administrateur des hospices; enfin il est le premier au-
quel fut confiée, par le cardinal de Richelieu, la direction de l'Impri-
merie royale, établie au Louvre en 1640, et après sa mort, arrivée en
1669, cet emploi fut donné à sa veuve.
Antoine Vitré, nommé imprimeur du roi en langues orientales (1630),
acquis une grande réputation par ses éditions en caractères orientaux :
sa Polyglotte (2), 9 vol. gr. in-f°, est un des chefs-d'œuvre de l'im-
primerie parisienne.
Nous ne devons pas laisser passer l'année 1631 sans saluer la nais-
sance de la presse périodique: Louis XIII, par une charte, donne la
direction et le privilège de la Gazette de France (petit in-4") à son
médecin Théophraste Renaudot, qui, pour amuser ses malades, avait
amassé de tous côtés des nouvelles, ce qui l'avait mis en grande mode.
Ce fut le premier journal de tout le royaume ; en 1731, il n'en existait
encore que quatre, dont trois littéraires : la Gazelle de France, le
Journal des Savcnts, le Mercure et les Mémoire des Trévoux. Aujour-
d'hui les unités ont été remplacées par des centaines.
(1) Voir les n°' 34 et 37.
|2) Dite du président Le Jay, parce que ce magistrat, après avoir sacrifié toute sa
fortune à ce grand ouvrage, se fit pi être et fut nommé plus tard conseiller d'Etat
par Louis XIV.
DE '"MUS.
311
Louis nillainc, dont le pure et l'oncle étaient libraires dès 1614, fut
reçu imprimeur libraire en 1652, sa librairie fut la plus importante du
temps. 11 publia, êri 1078; le Glessariurn mediœ et infiniçe latinitatis,
de du Gange ; 3 vol. in-f°. — Les épreuves de ce grand ouvrage, dont
l'immense mérite et la belle exécution typographique font honneur à
la France, furent corrigées par J. Spon, le célèbre voyageur, et ensuite
par le P. Colonia, jésuite non moins célèbre.
Le nom de Didol, qui doit tant briller dans le siècle suivant, appa-
raît pour la première fois en 1698.
Pourquoi les hommes illustres du siècle de Louis XIV, puisqu'on est
convenu d'appchr ainsi les soixante dernières années du xvn* siècle,
pourquoi ces hommes qui ont tant fait pour la gloire de la France,
n'ont-ils pu trouver un seul imprimeur digne d'attacher son nom à
leurs œuvres impérissables? Pourquoi ces hommes, Corneille et Molière
par exemple, sont-ils obligés de courir sans cesse d'imprimeur en im-
primeur, et souvent de faire vendre leurs pièces de théâtre chez tel ou
tel pour leur propre compte ? Voyez Molière : sa première pièce esl
imprimée par Claude Barbiri et Gabriel Quinet ; pUjs viennent Jean Ri-
bou, Charles de Sercy, Guillaume de Luyne, Louis et Claude Billaine,
Robert Ballard, Nicolas Le Gras, Pierre le Monnier, Pierre Prouvé et
Denys Thierry enfin, l'un des imprimeurs, avec Claude Barbin, de l'é-
dition originale collective de ses œuvres, donnée en 1674 ? Que de
temps précieux perdu par Molière dans toutes ces courses à l'impri-
meur ! Que de soucis, que de fatigues, que de fastidieux embarras un
homme comme Henri Estienne, comme Pierre Didot. ne lui aurait-il
pas épargnés ?
Pendant la première partie du xvme nous voyons apparaître quel-
ques noms destinés à la célébrité.
Jean Anisson et son fils Laurent, tous deux directeurs de l'Imprime-
rie royale, le premier en 1701, le second en 1723. C'est un de leur
descendant, M. Anisson-Duperron(l), qui, le 23 août 1792, porta plainte
à l'Assemblée nationale de l'enlèvement fait par Marat, au nom de la
commune de Paris, de quatre presses avec les accessoires nécessaires
pour l'impression de ses pamphlets révolutionnaires. Marat n'en resta
pas moins détenteur des presses, et plus tard fit monter Anisson-Du-
perron sur l'échafaud(2).
Joseph Barbou, qui vient s'établir libraire à Paris en 1704.
L'origine de cette famille remonte au milieu du xvr siècle. Jean Bar-
bou, imprimeur à Lyon, s'était fait remarquer par plusieurs éditions,
et particulièrement par celle des Œuvres de Marot, 1539, petit in-8\
L'homme le plus considérable de celte nombreuse famille d'imprimeur
fut Joseph-Gérard Barbou, neveu de Joseph, reçu imprimeur à Paris en
1750. C'est en 175/| que paraît le premier volume de la charmante col-
lection des auteurs latins imprimée par lui. Cette collection forme 71
volumes in-12.
Coutellier (Antoine-Urbain), reçu libraire en 1712. Son fils, portant
le même nom, le fut en 1741. Secrétaire de la Fillon, romancier, édi-
teur, il est connu par sa jolie édition des classiques latins, et de quel-
ques anciens romans qu'il fit imprimer à Paris. — Il meurt en 1763.
Avant d'arriver aux Didot, citons encore quelques noms recomman-
dables et qui, pour la plupart, se sont perpétués jusqu'à nous.
Marie-Joseph Barrois, reçu libraire en 1734.
Tillard (Nicolas-Martin), bibliographe distingué. 1744.
Debure (Guillaume-François). 1753 (3). C'est l'auteur de la Biblio-
graphie instructive ou Traité des livres rares et singuliers, 7 volumes
in-8», 1763.
Panckoucke (Charles-Joseph), fils d'un libraire de Lille, libraire a
Paris en 1762. Imprimeur en 1774.
Delalain (Nicolas-Augustin), 1764.
(1) Aussi directeur de l'Imprimerie nationale.
(2) C'est son fils, M. Anisson-Duperron, ancien régisseur de l'Imprime nationale
en 1815, ancien pair de France, qui vient de mourir ces jours derniers dans un âge
avancé.
(3) En 1600, nous trouvons déjà un Dubure (Nicolas), libraire à Paris.
l'oiirnicr jeune, 1766, auteur du Manuel ti/poyrapfn'qw, 2 volumes
in-12 imprimés chez Barbou.
Nyon (Marie-Jean-Luc), savant bibliographe. 1787.
Crapclet (Charles). 1789.
Momoro. gendre de Fournier jeune. 1792. Son nom acquit une cer-
taine célébrité pendant la révolution. Il périt sur l'échafaud rn 1794.
L'imprimerie est tout à fait a la mode, pendant ce xvnr siècle, à la
cour, chez les princes et chez les grands.
Caron de Beaumarchais se fait imprimeur à Kebl ; M. de Boisgelin,
un archevêque d'Aix, fait imprimer chez lui quelques petites pièces de
poésies légères, beaucoup trop légères; Horace Walpole a son imprime-
rie à Strawberry-IIill, où il corrige les épreuves de son ami, le vieux
président Ilénault; et tant d'autres qui impriment ou font imprimer à
cent lieues de la Bastïlf et aux risques de 3,000 livres d'amende qui
menacent tout individu, quel qu'il soit, possesseur d'une presse parti-
culière.
D'un autre côté, les princes ne dédaignaient pas de consacrer quel-
ques soins à cet art.
Le régent fait imprimer à ses frais et surveille lui-même quelques
éditions restées célèbres , entre autres celle de Daphnis et Ctàué (trad.
d'Âmyot).
Le duc de Bourgogne a son imprimerie h Versailles.
Louis XV imprime lui-même à Paris un ouvrage qui porte ce titre :
Cours des principaux fleuves et rivières de l'Europe, composé et im-
primé par Louis XV, roi de France et de Navarre, en 171 S; Paris, dans
l'imprimerie du cabinet de Sa Majesté, dirigée par J. Colombat; 1718,
iri-8°.
Louis XVI et ses frères ont les mêmes goûts : la collection ad usum.
Delphini, confiée par le roi aux presses de Didot l'aîné, et qui forme
un choix d'ouvrages d'une admirable exécution : la Gerusahmme li-
berata , de Monsieur (Louis XVIII) ; enfin, la charmante collection du
comte d'Artois, en font foi.
Pendant que nous parlons des rois de France, n'oublions pas
Mme de Pompadour, qui se donne une petite imprimerie dans son
appartement, au Nord, et y fait imprimer la Rodogune, de Corneille,
précédée d'une estampe de Boucher, gravée par les blanches mains
de la favorite. Ce volume in-4°, tiré seulement à vingt exemplaires ,
est un de ces bijoux qu'un amateur ne saurait trop payer.
En 1723 parut le règlement pour la librairie et l'imprimerie de Paris,
arrêté en conseil du roi le 28 février 1723.
Cet important document, rédigé avec un soin extrême par le chan-
celier d'Aguesseau, est cité en grande partie par M. Didol. Comme cela
ne doit intéresser que médiocrement le plus grand nombre de nos lec-
teurs, nous passons outre.
Ainsi que nous l'avons dit plus haut, le nom de Didot se rencontre
pour la première fois dans les annales de la librairie en 1698. Marie-
Anne Didot, fille de Denys Didot, marchand de Paris, et femmede Jean-
Luc Nyon, est reçue libraire.
François Didot, son frère, libraire en 1713, est nommé imprimeur
seulement en 1754. Inlime ami de l'abbé Prévost, il publia tousses
ouvrages, et ce fut dans la maison de Saint-Firmin que ce pauvre abbé
vint mourir des suites d'une autopsie prématurée. L'abbé de Bernis
avait été employé chez lui comme correcteur à sa sortie du séminaire:
c'était, en quelque sorte, un moyen pour certains jeunes gens avides
de savoir, de perfectionner leur éducation.
François Ambroise Didot, fils du précédent, fut reçu imprimeur en
1753 ; ses éditions seront toujours et ajuste titre renommées. La col-
lection des classiques français imprimés pour l'éducation du Dauphin ,
et la collection dite d'Artois suffiraient largement pour établir la répu-
tation d'un imprimeur. Nous avons sous les yeux son admirable Bible
latine de 1785 en 2 vol. in-4°. 11 est impossible de rencontrer un mo-
nument typographique plus complet : luxe d'impression et de papier,
élégance des caractères, admirable exécution , en un mot , tout s'y
trouve réuni au même degré. C'était par ses conseils que Johannot,
1!
312
,'L-E
iZETTE MUSICALE
d'Annonay, avait imité en 1780 le papier vélin employé par Basker-
ville pour sa belle édition du Virgile, in-40; et depuis cet essai, l'im-
primerie des Didot eut à sa disposition du papier égal, sinon supérieur
à celui des célèbres typographes anglais.
En 1790, Benjamin Franklin, l'ouvrier imprimeur, vint visiter son
imprimerie et lui confia son petit-fils. Ce sont là de ces souvenirs qu'il
est bon de consigner, parce qu'ils n'intéressent pas seulement une fa-
mille, ils appartiennent à l'histoire d'un pays.
Pierre-François Didot, second fils de François , fut reçu libraire la
même année que son frère, en 1753. Il est le fondateur de la papeterie
d'Essonne, et sa fille épousa Bernardin de Saint-Pierre. Plusieurs de
ses fils rendent d'éminents services à la typographie, par les perfec-
tionnements et les découvertes dont ils l'enrichissent.
Pierre Didot, fils aîné d'Ambroise, est nommé libraire en 1785, et
imprimeur en 1789; il succède à son père cette même année. En
1798, il présente à l'Exposition des produits de l'industrie sa grande
édition du Virgile, gr. in-fol., sur papier vélin, enrichie de gravures
d'après Gérard et Girodet, imprimée avec des caractères neufs gravés
et fondus par son frère Firmin.
Ce Virgile, YHorwe de 1799, le Racine de 1801, sont des livres qui
n'ont jamais été surpassés. « La correction de Virgile est telle, dit Le-
» pelletier, que malgré les plus minutieuses recherches, on ne trouva
» à reprendre qu'un J dont le point s'était détaché à la pression. »
Pour honorer l'imprimerie dans la personne de Pierre Didot, le gou-
vernement fait placer ses presses au Louvre, en 1798. C'est de là que
sortent les belles éditions dites du Louvre.
Firmin Didot, frère du précédent, succède à son père pour la fon-
derie, en 1789. Inventeur du stéréotypage, imprimeur du roi, plusieurs
fois député , il termine en 1836 sa glorieuse carrière.
En 1819, M. Ambroise-Firmin Didot, notre auteur, et son frère,
Hyacinthe Firmin, qui, depuis longtemps, secondaient leur père Firmin
Didot, deviennent ses associés pour la gravure et la fonderie en carac-
tères, l'imprimerie, la librairie et la papeterie. Ils obtiennent des. mé-
dailles d'or en 1819, 1823, 1827, 1834 et 1839. L'aîné des deux frères
ayant été nommé membre du jury de l'Exposition, leur établissement
se trouve hors de concours en 1844 et 1849.
Les poinçons dont les frappes avaient servi à l'édition de Virgile et
de \' Horace, améliorés par M. Ambroise-Firmin Didot, furent déclarés
atteindre le me plus ultra de la perfection par les membres du jury de
l'Exposition de Londres, en 1851. M. Didot avait été chargé de pré-
senter le rapport du jury de cette grande manifestation industrielle.
S'il nous était permis de développer ce qui ne peut être ici qu'une
analyse, nous devrions consacrer un long article à la' série innombrable
de perfectionnements ingénieux, de découvertes précieuses, qui ont
permis aux membres de la famille Didot, depuis 1713 jusqu'à nos jours,
de porter la typographie à sa perfection et les ont placés au niveau des
Estienne, au-dessus des Aide.
Cette partie du travail de M: Didot, où il rend compte, avec modes-
lie, des efforts qu'ont fait ses ancêtres et lui-même pour arriver à cet
éclatant résultat, est fort intéressante pour tous ceux qui ont quelques
notions pratiques de cet art.
Il nous reste encore quelques mots à dire sur l'état de l'imprimerie
dans ces derniers temps : nous ne pouvons oublier les noms de Panc-
fcouckefils, imprimeur, depuis 1814, des frères Benouard, imprimeurs
et libraires, dignes ûls de l'auteur des annales, des Aide et des Estienne ;
de M. Hachette, imprimeur et libraire de l'Université, de M. Paul Du-
pont, l'inventeur de la litho-typographie, etc.
Un mot aussi, puisque notre travail est accueilli dans les colonnes
d'un journal de musique, sur M. Duverger.
En 1834, M. Duverger, imprimeur à Paris, expose les résultats de
son nouveau système pour exécuter typographiquement la musique.
Le procédé consiste à mouler dans le plâtre les pages composées en
caractères mobiles, qui ne contiennent que les notes et les porlées. Le
tracé des lignes est fait ensuite dans ce moule en plâtre par un procédé
mécanique, en sorte que le cliché que l'on retire du moule ainsi com-
plété donne à la fois, réunies, les notes, les portées et les lignes
exemptes de la brisure qui se fait toujours remarquer dans la musique
exécutée par les anciens procédé*.
En 1844, il obtient la médaille d'or pour le succès de cette décou-
verte et pour de nouvelles cartes géographiques exécutées d'après un
procédé de son invention.
L'histoire de l'imprimerie, son établissement, ses progrès dans les
provinces, sont ensuite rapidement passés en revue par M. Didot. A
Lyon, où elle fut établie presque en même temps qu'à Paris (1473), il
rencontre Barthélémy Buyer, Dolet, Jean de Tourner, les Gryphes,
Guillaume Boville, Jean et François Frellon, Jacques et François Junte1,
Cardon et les Anisson.
A Bouen, où l'imprimerie date de 1474, il cite Pierre Maufer, Jehan
Lebourgeois, Martin Morin, etc.
A Tours, il parle des ateliers immenses et des onze machines de
MM. Marne, qui tiennent aujourd'hui, avec M. Silbermann, de Stras-
bourg, le premier rang parmi les imprimeurs de province.
A Marseille, où l'imprimerie ne fut introduite que fort tard, il cite
l'aïeul du prédicateur Mascaron, Pierre Mascaron.
II avait parlé plusieurs fois, dans le corps de l'ouvrage, de M. Sil-
bermann, de Strasbourg, qui obtint, à l'Exposition de 1839, la médaille
d'or pour ses impressions polychromes exécutées typographiquement
et avec succès.
Nous regrettons que le temps et l'espace aient manqué à M. Didot
pour s'étendre un peu plus longuement sur les phases diverses de la
typographie dans les principales villes de France: les Marnef, de Poi-
tiers; Cl. Millanger, de Bordeaux, et tant d'autres méritaient au moins
une mention honoroble. Mais, dans une note, M. Didot prévoit celte
objection, et tout en convenant que son travail n'est pas complet à cet
égard, il semble s'engager un jour ou l'autre à combler cette lacune ,
ce que nous espérons vivement.
Nous le répétons en finissant : ce n'est point à nous, obscur biblio-
phile, qu'il appartient de mesurer à M. Didot la part d'éloges qui lui
revient pour le long et minutieux travail que nous venons d'analyser.
Ce ne serait point à nous non plus à formuler un blâme , y eût-il ma-
tière à blâme. Nous n'aimons point la critique injuste et malveillante,
surtout quand elle s'attaque à un ouvrage de cette portée. A celui qui
reprocherait à M. Didot quelque confusion dans les détails, un défaut
de suite dans le plan de son travail, nous répondrions, comme nous
avons cherché à le faire, en résumant les faits intéressants et curieux
qu'il a cités, les aperçus nouveaux qu'il a mis en lumière avec une
patience, une érudition et une sagacité merveilleuses ; nous cherche-
rions enfin à démontrer que cet essai sur la typographie est peut-être
le monument le plus complet qui ait encore été consacré à l'histoire
de cet art.
Un mot encore que nous empruntous à M. Audouin de Geronval, qui,
lui aussi, a fait un traité sur la typographie :
« La protection constante accordée par nos rois aux imprimeurs de
Paris n'a point encore été imitée par les sociétés savantes. On n'a pas
encore vu siéger à l'Académie des sciences un seul des artistes habiles
qui ont concouru au progrès de cet art. »
A bon entendeur, salut !
E. D.
BOTES HISTORIQUES
Sur l'S concerts donnés par l'Association des artistes-musiciens à
Vienne , au profil du fonds de pensions pour les veuves et les orphe-
lins.
Ces concerts, qui datent de l'année 1772, et dont le nombre s'élève
aujourd'hui à 264. fournissent, dans leurs programmes , des données
du plus haut intérêt, par la raison que les plus célèbres compositeurs des
temps passés y ont pris part. Nous en extrayons les détails suivants :
DE PARIS.
1. Dans le 34' concert, 3 avril 1781, fut exécutée une symphonie
pour orchestre, composée iar M. W. Amédée Mozart.
Le programme original que nous avons sous les yeux renferme une
note fort naïve, que nous transcrivons textuellement : « Ensuite mon-
sieur le chevalier W. A. Mozart — il avait reçu l'ordre de l'Éperon
d'or — se fera entendre seul sur le piano. M. Mozart est déjà venu ici
à l'âge de sept ans, et il a obtenu dès lors les suffrages unanimes du
public, soit comme compositeur, soit par son habileté singulière à
frapper. »
En effet, cela est fort singulier. A l'époque où l'on jovaH encore
réellement du clavecin, on employait le terme frapper ; aujourd'hui,
où, en vérité, on frappe le piano, on se sert du moi jouer.
2. Dans le 42" concert, 22 janvier 1783, fut exécutée, pour la
première fois, une symphonie pour orchestre, de Joseph Haydn, par
180 instrumentistes. Dans la même soirée, W. A. Mozart joua un
concerto pour clavecin, de sa composition.
3. Le 28 mars 1784, fut exécuté, pour la première fois, l'oratorio de
Joseph Haydn : le Refour de Tobie.
h- Le 23 décembre 1785, il est dit de nouveau dans le programme .
« Dans l'entr'acte suivra un concerto pour clavecin, composé eifappé
par W. A. Mozart. »
5. Le 9 avril 1786, le compositeur Charles de Dittersdorf a dirigé en
personne son oratorio Job.
6. Dans le 61e concert de la Société, le 22 décembre 1789, le cé-
lèbre quinttette en la majeur, pour clarinette et instruments à cordes,
composé par Mozart, fut joué pour la première fois.
7. Le 70e concert, 22 décembre 1793, emprunta un grand éclat de
la présence du grand maestro Joseph Haydn, qui dirigeait en personne.
Deux de ses grandes symphonies, qu'il venait d'écriie pour Londres,
y furent exécutées à cette occasion pour la première fois, ainsi qu'un
chœur.
8. Dans le 79e concert, 29 mars 1795, Louis Van Beethoven a joué
un nouveau concerto pour clavecin, de sa composition.
9. Dans le 90e concert, 1er avril 1798, le quintetto en mi bémol mi-
neur, pour clavecin et instruments à vent (œuvre 16e), nouvellement
composé par L. V. Beethoven, fut exécuté par les artistes suivants :
l'auteur y tenait le piano; hautbois, M. T. Riebensee; basson, M. Ma-
tauschek; clarinette, M. Béer; corno (?), M. Nikl.
10. Dans le 92e concert, 22 décembre 1798, Joseph Haydn dirigea
de nouveau, en personne, sa symphonie militaire.
11. Dans le 96e concert, le 22 décembre 1799, la Société fit exé-
cuter pour la première fois la Création, de Haydn ; les chanteurs-
solistes étaient : Mlle Saal, M. Matthaeus-Heitmayer, M. Saal. Les prix
avaient été doublés, et la recette fut de A, 11k florins.
12. Ce fut dans le 104e concert, 22 décembre 1801, que l'on donna
pour la première fois les Saisons, de Joseph Haydn, avec les mêmes;
on fit 3,983 florins de recette.
13. Dans le 12e concert, 22 décembre 1803, le célèbre compositeur
abbé Vogler dirigea son opéra de Castor et Pollux.
1/). Le 120" concert, 22 décembre 1805, fut dirigé par M. Luigi
Cherubini, directeur du Conservatoire de Paris, qui se trouvait alors à
Vienne ; on y entendit une ouverture et deux chœurs de sa compo-
sition .
15. Dans le 126e concert, 22 mars 1807, le maître de chapelle
Hummel dirigea sa cantate : Diane et Endymion.
16. Dans le 165e concert, 31 mars 1817, la Société donna, pour la
première fois: 1° la 7° symphonie en la; 2° le Christ au jardin des
Olives, par le même. Produit de la soirée : 3,164 florins.
Cet exposé nous fournit la preuve que de tout temps les plus grands
artistes se sont empressés de consacrer leur double talent de composi-
teur et d'exécutant à la création et à la conservation d'une institution
philanthropique.
{Nouvelle Gazelle de Vienne, 26 août 1852.)
JEÏÏjÏÏE, 15 E ÏMfE^UEliSSOIlîir.
Je n'ouvre jamais sans un sentiment d'admiration mêlé de douleur
les grandes partitions de la musique religieuse allemande : la Passion,
de Bach ; le Messie, de Haendel; Elle, de Mendelssohn. L'admiration, je
l'accorde à cette puissance d'imagination qui, dans un champ restreint
par les convenances du sujet, sait faire jaillir des ressources de l'art
seules assezd'éléments pour exciter constamment l'intérêt des auditeurs ;
la douleur, il faut l'avouer, c'est l'indifférence avec laquelle mon pays
accueille de semblables œuvres qui me la cause. Si l'on disait à un habi-
tant de Berlin ou de Vienne qu'à Paris il n'existe pas une salle où l'on
puisse exécuter les grands ouvrages de Haendel et de Bach, que pour
les entendre nous sommes obligés de passer le détroit et d'aller les de-
mander à ces Anglais dont la France conteste avec si peu de raison le
bon goût musical; si l'on ajoutait qu'il y a quatre ou cinq ans le nom
de Mendelssohn était à peu près inconnu du public tandis qu'il soulevait
l'admiration de l'Allemagne entière ; que la Société des concerts osait
à peine hasarder devant son opiniâtre public quelques fragments de ses
symphonies; que l'ouverture de la Grotte de Fingal, par exemple, fut
exécutée deux ou trois fois à cette Société, et, qu'accueillie avec la plus
froide réserve, ce ne fut que plus tard qu'on daigna lui accorder droit
de cité; alors l'honnête Allemand resterait muet d'étonnement, et se
demanderait : Quel est donc ce peuple qui s'arroge le droit de faire et de
défaire les réputations, et qui ne connaît même pas les auteurs dont il
parle et les causes qu'il prétend juger ?
Soyo: s francs. Je veux bien, puisque j'écris dans une feuille fran-
çaise, reconnaître aux Français tous les mérites, la grâce, l'esprit,
le bon goût, l'instinct des délicatesses de l'art; mais, en tout cas, on
accordera bien que cette initiative généreuse qui pressent les chefs-
d'œuvre ; que cette intelligence vive et patiente à la fois qui les analyse
et ne se presse pas de jouir, pour plus tard se presser d'oublier; que
ces deux qualités, indispensables à tout juge équitable, le public fran-
çais ne les possède pas. Sa devise, c'est bien ce vers de Lamartine :
Hâtons-nous. Jouissons !
Il nous est malaisé de dépouiller l'ordre habituel de nos pensées, de
nous associer à celui des écrivains, des artistes d'une autre nation.
Pour q elques grands hommes dont le public a eu la révélation, com-
bien d'autres sont ignorés de lui ! C'est hasard si les noms de Shakes-
peare, de Beethoven, de Murillo, sont parvenus à lasser son indiffé-
rence ; c'est à un concours de circonstances trop long à analyser qu'ils
doivent leur renommée, tandis que des artistes d'un génie égal ne
peuvent chez nous soulever le poids de leur obscurité. Faut-il un
exemple? Je citerai Lopez de Vega pour la poésie, S. Bach pour la
musique, Hemling pour la peinture. En musique, ce que la France
préfère, ce sont les terrains plats, les chemins bien frayés ; une petite
montagne nous fera peur, c'est-à-dire que si le public rencontre un
chef d'oeuvre , pour peu qu'il soit pénible de s'élever à cette hauteur,
il préférera passer au pied. Il y gagne, après tout, ce que gagnerait un
voyageur qui parcourrait les Pyrénées et les Alpes, mais seulement
sur les routes accessibles aux calèches à deux chevaux.
La musique religieuse de Mendelssohn est si peu connue en France,
qu'il ne semblera pas inopportun d'analyser un de ses plus remarquables
ouvrages. Cette analyse pourra rectifier des erreurs. Si d'après ses œu-
vres de piano, d'après ses symphonies et ses ouvertures, on portait un
jugement général sur les œuvres de l'auteur d'Etie, l'on se tromperait
étrangement. Avant tout, Mendelssohn est un classique ; c'est-à-dire
qu'il pouvait quelquefois manquer d'imagination : tous les hommes
sont sujets à ce malheur ; mais, au moins, il ne manquait jamais de
science et de goût.
Il possédait une admirable mémoire, avait approfondi les secrets des
anciens maîtres, savait emprunter à chacun ce qu'il avait d'excellent;
de plus, il avait le don de l'imagination, quoique ses fruits fussent chez
lui quelquefois tardifs. Nul compositeur n'a su, mieux que lui, confor-
mer son style au caractère du morceau qu'il doit traiter. S'agit-il de la
314
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
symphonie, il trouvera moyen de renchérir sur les délicatesses, sw les
subtilités même de Beethoven: 11 fera de son instrumentation une den-
telle dont l'œil le plus exercé pourra seul suivre les infinis détours.
S'agit-il de musique de chambre, il ne laissera rien s'égarer dans l'œuvre
immense de Haydn et de Mozart et puisera à coupes abondantes dans
l'œuvre de Beethoven. Et ceci, je veux le déclarer, n'est nullement une
accusation de plagiat. Mendelssohn s'assimilait les procédés, le moule
pour ainsi dire; mais l'ordre des pensées lui appartient bien réelle-
ment. Lui-même, dans le champ si vaste et qui offre encore tant d'es-
pace à explorer, la mélodie harmonique et le rhythme, a fait des décou-
vertes dont ses successeurs profiteront à leur tour. Ainsi , de Haydn à
Mendelssohn les perspectives de l'artmusical vont toujours s'élargissant :
la musique, cet art si jeune et déjà si puissant, est loin encore d'avoir
atteint le but après lequel toute chose décroît et périt d'après les lois
immuables qui régis -ent l'humanité.
Dans la musique instrumentale, le musicien exercé s'apercevra aisé-
ment que la muse de Mendelssohn est petite-fille de la muse de Haydn.
Dans ses oratorios, il semble répudier toute parenté avec l'illustre
auteur des Saisons. C'est à d'autres sources que Mendelssohn s'est ins-
piré; il a gravi des hauteurs sublimes pour y recueillir des pensées
plus grandes. Aussi, selon moi, Àthalie, Paulus, Elie, sont-ils les véri-
tables titres de gloire du maître allemand. Il y a dans l'art allemand
deux styles, deux écoles, deux courants d'idées bien distincts : l'un
noble, gracieux, enchanteur, inépuisable en richesses, accessible à
tous, fertile en aspects variés, en perspectives nouvelles : c'est le style
de Haydn, de Mozart, et de Beethoven dans sa première manière; l'au-
tre, plus solitaire, plus difficile à pénétrer, plus austère, mais aussi
plus grandiose, plus véritablement destiné à chanter la gloire du Sei-
gneur : c'est celui de Haendel, de S. Bach avant tout, et aussi de Bee-
thoven vers la fin de sa carrière ; de Beethoven, dont le génie eut la
singulière destinée d'être le confluent où devaient se réunir les ondes
abondantes de ces fleuves immenses. Lisez les Saisons, la Création
d'Haydn, le David pénitent, même le Requiem de Mozart, vous trou-
verez une belle et expressive musique, mais qui, par la périodicité des
mélodies, parleur forme même, par le caractère de l'instrumentation,
appartiennent à la musique profane. Le caractère religieux leur manque
essentiellement, sauf dans les morceaux où l'expression des affections
humaines peut être confondue avec celle des affections divines. Disci-
ple de Mozart et de Haydn dans la musique instrumentale, Mendelssohn
a rompu hardiment avec leurs traditions dans ses oratorios. C'est à
Haendel, c'est à Bach qu'il est venu renouer la chaîne du passé ; c'est
du Messie et de la Passion qu'il s'inspire. 11 ne rencontre pas l'inspi-
ration brûlante qui a dicté dans le Judas Machab'e le célèbre
chœur : Chantons vict-ire; son génie ne lui soufflera pas l'introduc-
tion, avec choral et double chœur, de la Passion : œuvre qui ne pou-
vait être continuée avec une telle grandeur sans dépasser les limites de
l'intelligence humaine ; mais, venu plus tard dans la carrière, il a pu
éviter plusieurs fautes où sont tombés ses illustres devanciers; il a pu
resserrer dans un cadre moins vaste l'oratorio, l'oratorio dont les
formes fatiguent par la multiplicité de ses ressorts. De plus, il a pu les
. varier par les combinaisons orchestrales, par les diversités du timbre.
Dans quelques scènes bien motivées, il a pu, par des transitions ména-
gées avec art, faire intervenir le style profane. Les ressources de l'har-
monie moderne lui sont aussi venues puissamment en aide. Enfin si quel-
quefois l'inspiration ne l'eût abandonné, si quelquefois il n'eût pris
pour le souffle du génie ce qui souvent n'était que le conseil de l'ex-
périence, il aurait réalisé le plus grand de tous les problèmes, celui de
captiver constamment pendant de longues heures un public avec un
ouvrage où l'intérêt dramatique est modéré, où celui de la mise en
scène n'existe pas, où les chanteurs et les instrumentistes, par les
convenances du sujet, doivent imposer un frein à leurs excursions vo-
cales et instrumentales , où l'instrumentation doit toujours revêtir un
caractère sobre et grandiose à la fois, et par conséquent est privé de
son plus puissant moyen d'expression, la force et l'éclat. Si Mendels-
sohn n'a pas en tous points résolu le problème dans Paulus et dans
Athalie, il l'a presque vaincu dans Elie; et si sa vie n'eût été si brus-
quement tranchée, quelque nouveau chef-d'œuvre eût définitivement
assigné à l'oratorio ses véritables et majestueuses limites.
Dans un prochain article, j'analyserai les principaux morceaux de
cette grande partition.
Léon KREUTZER.
lîil
90 laonveHes ESUades journalières. 4]
IÇEB, Vesler Kapoll e poi mori. ©p. S41.
CJOUJ'Vlf. Sérénade, etc., etc.
82®. —
THÉ©».
11 se livre en ce moment devant le public de l'Europe musicale un
assaut général entre les compositeurs, arrangeurs, consommateurs,
éditeurs de musique de piano surtout. Rien n'égale le nombre des pro-
ducteurs de ce genre de musique. Voici venir ou plutôt revenir dans
l'arène des producteurs, que, du reste, il n'a jamais quittée, M. Czerny,
armé de son 820e œuvre, intitulé 90 Études journalières, recueil utile,
indispensable aux jeunes pianistes qui se veulent familiariser avec tous
les rhythmes,tous les doigtés, ou plutôt avec le doigté rationnel qu'il a
donné à ses élèves, Thalberg, Liszt, Doehler, Mme Blaetka...Nous cite-
rions de plus illustres noms dans l'art de jouer du piano et celui de s'y
faire applaudir, si nous connaissions de plus habiles prestidigitateurs. Et,
à propos de Doehler, cet écrivain charmant de charmantes fantaisies pour
le piano, nous signalerons parmi ses derniers caprices-arrangements
pour cet instrument, un joli mélange de mélodies italiennes, comme il
en naît continuellement sous le beau ciel de l'Ausonie , intitulé Veder
Napuli, poi mori. Que dire de ces chants faciles, à tournure originale,
qui jouissent déjà, peut-être même depuis longtemps, des privilèges de
la popularité ? Qu'arrangées de cette manière fine et distinguée qui
caractérise le faire de M. Doehler, ces mélodies vont passer de la rue au
salon, et qu'on les y jouera, qu'on les applaudira, qu'on les redira
pour soi et pour le public. Si, de cette charmante musique qui est ce-
pendant d'une assez difficile exécution, nous passons à l'arrangement
facile, les consommateurs de cette légère denrée musicale n'ont que
l'embarras du choix. Mettez quatre jolies petites mains avec la Fan-
taisie sur la Corbeille d'oranges, par M. Croisez, et elles évolueront
sur le clavier aussi facilement que gracieusement ; et deux jeunes in-
telligences musicales jouiront d'un bonheur naïf et pur, mélangé d'é-
mulation en exécutant, en disant ce charmant duo à quatre mains,
inspiré par la Zertine à M. Croisez.
Descendant des hauteurs do la symphonie et se débarrassant des
iuextricabilités de l'instrumentation à grand orchestre, M. Théodore
Gouvy a envoyé sa muse, si les romantiques veulent bien permettre
qu'on ait encore une muse, en ce pays qu'on nomme poétiquement
l'Ibérie, et vulgairement l'Espagne ; et ladite muse, ou sa pensée, lui a
dicté une charmante sérénade qui évoque, qui peint boléros, séguidil-
les, balcons et toutes sortes de jalousies, jalousies qui vous aveuglent,
et jalousies à travers lesquelles on voit l'amant qu'on aime et le rival
qui vient interrompre la sérénade, et change l'harmonie en cliquetis
d'épées se choquant.
Comme un docteur ès-sciences des sons, nous vous tracerons ici nos
prescriptions pharmaceutiques et musicales, pour bien établir l'équili-
bre dans vos humeurs physiques et morales. Êtes-vous sur le point de
quitter l'objet que vous aimez, avec l'espoir de le revoir bientôt? Met-
tez-vous au piano, ■ — car nous traitons toujours nos clients ou nos ma-
lades dans cette hypothèse qu'ils sont pianistes, — et qui n'est pas pia-
niste aujourd'hui? — jouez Départ et RiiToun, deux charmants noc-
turnes de M. Léopold de Meyer, et vous serez promptement guéri de
toute noire humeur. Car, soit qu'il développe une pensée originale et
qui lui est propre, soit qu'il se transforme en arrangeur, comme dans
DE PARIS.
sa grande fantaisie sur le Prophète, Léopold de Meyer esl toujours bon
à prendre, et surlout à entendre.
En l'ait de médicament applicable à l'ouïe, le Prélude, de Hcrmann-
Franck ne peut que produire un fort bon effet. Ce doit êlre, du moins
la pensée de Mme Ange de Fleury, qui doit trouver le caprice du Pré-
lude, qui lui est dédié, une ebarmante chose.
Voulez-vous vous bercer d'une mélancolie noble et douce ? Prenez à
fortes et fréquentes doses I'.Vndvnte de concert sur la romance du Juif
criai)/, par M. Richard Mulder. Vous vous sentirez fortifié, content et
joyeux de cet excellent arrangement. Désirez-vous vous pénétrer d'i-
dée martiale, rêver de gloire et de combats? Mettez-vous au régime
du Galop-Étude de M. Viénot, qui se dédommage d'être officier de ca-
valerie en écrivant de charmantes polkas et mazurkas, entre autres
celle de Léonore, qui est un fort joli et fort brillant solo de piano.
Lancé sur la voie de la fantaisie militaire, n'allez pas oublier le
Caprice guerrier, non plus que la Polka-Mazurka sur le Juif errant, par
M. Giuscppo Daniele. Cela vous locomotione, vous transporte et vivifie
en vous l'esprit guerrier. Mais comme il faut, dans les arts comme
dans la vie, des contrastes, des calmants après des irritants, reposez
vos oreilles et vos doigts au moyen de deux jolies petites fantaisies sur
le Juif errant, par M. Duvernoy. Les grands compositeurs doivent
avoir de la reconnaissance pour les petits arrangeurs ; car, ainsi que
le théâtre et les bons acteurs, ces manipulateurs d'idées musicales po-
pularisent les inspirations du génie et les font avaler par petites et
dulcifiantes doses aux consommateurs.
ILES CBOLTCTTfi&ES USES BS»ff§.
Six morceaux caractéristiques pour le piano,
par M. Richard Mulder.
Ce n'est plus seulement le rossignol qui chante sur la flûte magique
de Tulou ou de Dorus; ce n'est plus la Philomèle plaintive, ni la tendre
fauvette soupirant leurs amours ; c'est toute une volière d'oiseaux ga-
zouillant, caquetant, fioriturant le plus gentiment du monde, et que l'on
pourrait croire renfermée dans un piano. Voici d'abord la Caille, dont
le chant sert d'avis à tous ceux qui oublient.... leur créanciers, puis le
Coucou, dont le chant, réduit à deux ncles, et bien que formant une
tierce majeure, dispose aux mélancoliques rêveries; la Fauvette, dont
les notes cadencées forment d'harmonieuses cascades de perles; le San-
sonnet, dont le doux sifflement a tout le charme de la mélodie; enfin
Y Oiseau-mouche et autres charmants hôtes des bois, qui, tant chantés
jusqu'ici par les poêles et les symphonistes, pouvaient bien, en raison
des perfectionnements de l'industrie musicale, être imités aussi par les,
touches d'ivoire d'un piano d'Erard ou de Pleyel.
C'est ce que vient de faire avec un merveilleux talent M. R. Mulder,
dans les six morceaux poétiques composés par lui, et qui viennent de
paraître. Le chant de chacun des charmants oiseaux désignés dans les
différents titres se mêle à des mélodies aussi fraîches, aussi riantes
qu'une idylle de Mme Deshoulières. Les accents de la fauvette, de la
caille et du coucou sont surtout reproduits avec un art infini : c'est la
nature pour ainsi dire prise sur le fait au moyen d'un daguerréotype
musical. L'oiseau semble avoir dicté d'abord pendant que l'auteur écri-
vait ; puis ensuite M. Mulder a orné ces premiers thèmes avec des mé-
lodies pleines d'inspiration, de fraîcheur, et écrites avec ce talent sûr,
cette pureté de style qui révèlent de prime abord un compositeur très-
distingué.
Les (.hentres dès bois prouveront donc encore une fois que leur au-
teur méritait à juste titre la place que, sur ses premières productions,
la faveur publique lui a assignée parmi les mélodistes les plus riches en
idées fraîches et magistralement rendues.
Le succès et la vogue sont assurés à ces charmantes compositions
nous en sommes certain ; on en aura même bientôt la preuve, car as-
surément, il est peu de compositions qui puissent offrir plus d'attraits
aux pianistes de tous les genres cl de toutes les écoles, quel que soit le
degré de leur talent.
Henri BLANCHARD;
NOUVELLES.
%* Demain lundi, à l'Opéra, Rohrl k-Diabk.
*** Une légère indisposition empêchera Mlle Emmy La Grua de clianter
pour la seconde fois le rôle d'Alice dans cette représentation.
%,* Encore une semaine magnifique. Lundi, Guillaume Tell; mercredi, le
Prophète, et vendredi, le Jwf errant, qui avait été donné trois fois la se-
maine précédente, ont successivement attiré la foule. L'exécution do ces
chefs-d'œuvre a été excellente.
%* Fanny Cerrito est réengagée à l'Opéra pour deux ans. C'est elle qui
créera le principal rôle du ballet nouveau que Mazi ier est chargé de
mettre en scène.
%* On annonce aussi rengagement de Mlle Duez, qui, l'année dernière,
tenait l'emploi de première cantatrice à l'Opéra-National, aujourd'hui
Théâtre-Lyrique.
%* Le Père (laillard, la Cr.rix de Marie, ont concouru, avec la reprise
de Joseph, Gira'da, le Fidèle Berger. Madelon, à composer les spectacles de
la semaine.
%* On répète les Noaet de Jeann U*, ouvrage en un acte de MM. Carré
et Barbier; musique de M. Victor Massé, auteurs de Galaihée.
%* En quittant Paris, Xavier Boisselot, l'auteur de Ne louchez pas à la
Reine et de Mosquita la Sorcière, a emporté deux poëmes, dont il va écrire
la musique. A son retour nous pouvons donc compter sur deux bonnes et
charmantes partitions de plus.
%* On écrit de Londres que M. Lumley vient de terminer un arrange-
ment financier qui assure la position du théâtre de Sa Majesté dans cette
ville, et du Théâtre-Italien de Paris. Tous les journaux du 13 de ce mois
contenaient l'insertion de la mise en société du théâtre de Sa .Majesté,
au capital de 5 millions, divisés en actions de 123 fr. chacune. Les mem-
bres du conseil d'administration sont : le duc de Leinster, le marquis de
Clanricarde, le comte de Harrlngton, le major général Cavendish, M. Ben-
jamin Obviera, membre du Parlement, et M. Frédéric Mildred, l'un des
associés de la maison de banque Masterman, Peteis, Mildred et C; â tous
ces noms il faut encore ajouter celui de .M. Hopkinson, banquier, et con-
stater que déjà les souscriptions et versements s'élèvent à une somme de
60,000 livres sterling (1,500,000 fr.).
*„* Le théâtre ae .Marseille vient de mettre à l'étude les deux charman-
tes partitions d'Ad. Adam , le Farfadet et la Poupre de Nuremberg.
Mme Charton Demeur continuera ses succès dans ce dernier ouvrage.
%* Le Crand-Théâtre de Lyon monte en ce moment le Fernand Curie:,
de Spontini. Cet ouvrage sera représenté avec un luxe inusité pendant les
fêtes qui signaleront le séjour du Prince-Président de la République à
Lyon.
*„* Pendant l'hiver prochain il y aura spectacle français dans onze
villes situées hors de France et des autres pays dont la langue française est
l'idiome naturel. Ces villes sont La Haye, Amsterdam, Hambourg, Berlin,
Dresde, Vienne, Madrid, Londres, Saint-Pétersbourg, Ode--sa et Co-
penhague.
*„* Bazzini vient de traverser Paris, en se rendant à Lyon et à Turin,
où des engagements l'appellent. Son dessein est de revenir passer l'hiver
parmi nous.
%? Les cafés-chantants des Champs-Elysées ont subi récemment une
interdiction de huit jours, pour contravention à la défense de laisser
prendre à leurs artistes aucun déguisement.
%* A partir du I" de ce mois, M. Alboize remplace M. Jules Seveste
dans la direction des théâtres de la banlieue.
%* L'Académie de Rouen,. qui, jusqu'à présent ne s'était jamais occu-
pée des beaux-arts, a décidé, il y a trois ans, qu'elle décernerait des ré-
compenses triennales à la peinture, à l'architecture et à la musique, en
donnant des médailles en vermeil aux artistes qui, dans l'espace de trois
années, auraient produit l'œuvre la plus remarquable dans chacune de
ces spécialités. Le résultat de ce concours s'est produit cette année,
et le prix de musique a été décerné à notre collaborateur, M. Amédée
Aléreaux, pour une grande messe en musique qu'il a fait exécuter en 1850,
le jour de Pâques, à la cathédrale de Rouen, et dont nous avons rendu
compte à cette époque. De plus, on a voulu, comme le constate le rapport,
récompenser ses divers actes artistiques, les concerts historiques donnés
par lui, ses compositions instrumentales, et le mérite d'un professorat,
qui a formé beaucoup d'élèves de talent, artistes ou amateurs, entre au-
tres Mlle Charlotte de Malleville, que Paris connaît et apprécie. Ces rému-
nérations sont offertes par l'Académie de Rouen, non seulement à tous
les artistes rouennais ou normands, mais encore à tous ceux qui tien-
nent à la Normandie par quelque lien artistique, comme M. A. Méreaux,
qui est de Paris, maisqui s'est fixé depuis plusieurs années à Rouen.
*„* ociété symphonique, fondée en 1852 sous la direction d'A Farrenc,
dans la salle llerz. — Le directeur de la Société symphonique a réuni
cinquante artistes de mérite parmi lesquels figurent, comme chefs de pu-
316
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
pitre, des talents de premier ordre. L'orchestre sera dirigé par M. Mas,
du Théâtre Italien. La Société donnera six concerts où l'on entendra les
symphonies de Haydn, Mozart, Beethoven, Mendelssohn, Spohr et de plu-
sieurs autres compositeurs modernes ; un choix d'ouvertures des mêmes
maîtres, comme aussi de Méhul, Cherubini, Weber, Hummel, etc.; les
concertos de piano de Mozart, Beethoven, Mendelssohn, Weber et Hum-
mel; les concertos de violon de Viotti, Kreutzer, Rode et autres virtuoses
célèbres. La partie du chant sera confiée à des artistes distingués, et le
choix des morceaux sera fait de manière à intéresser les connaisseurs. Les
grands artistes étrangers qui arriveront à Paris seront invités à contribuer
par leur talent à l'éclat des concerts. — Prix des places : Stalles d'orches-
tre, 6 fr.; stalles de parquet, 5 fr.; stalles de pourtour, 1" rang, 4 fr ; 2e.
3e et 4e rangs, 3 fr. Toutes les places seront numérotées. Les personnes
qui désireront choisir et s'assurer leurs stalles pour les six concerts,
trouvront le plan de la salle et des cartes d'abonnement chez M. Prilipp,
éditeur de musique, boulevart des Italiens, n° 19. Le premier concert est
fixé au vendredi 24 décembre 1852, à 8 heures du soir ; le second, au
vendredi 14 janvier 1853 : les suivants auront lieu de quinzaine en quin-
zaine.
%* Sur le rapport de M. le ministre de l'instruction publique, un dé-
cret du Prince-Président de la République vient d'ordonner la publication
d'un Recueil général des poésies populains de, la France, soit qu'elles aient
été déjà imprimées, soit qu'elles existent en manuscrit dans les biblio-
thèques, soit enfin qu'elles nous aient été transmises par les souvenirs
successifs des générations. Ce recueil comprendra : 1° les chants religieux
et guerriers; 2° les chants de fête, ies ballades; 3° les récits historiques,
les légendes, les contes, les satires. Le comité de la langue, de l'histoire et
des arts de la France, établi près le ministre de l'instruction publique, est
chargé de recevoir les textes et la traduction de tous les morceaux qui
seront adressés au ministre de l'instruction publique, de les mettre en or-
dre, en les accompagnant de tous les commentaires propres à en consta-
ter la valeur aux différents points de vue de l'histoire du pays et de celle
de la langue française et des idiomes locaux de la France. Une médaille
commémorative sera décernée sur la proposition du comité aux personnes
qui auront le plus contribué par leurs recherches et par leurs découvertes
à enrichir cette collection.
%* Au mois de juin dernier est mort à Rio-Janeiro, Giovanni Basadonna,
qui a laissé les meilleurs souvenirs à Vienne, comme chanteur et profes-
seur de chant.
V Mlle Eugénie Ilérold, l'une des filles du célèbre compositeur de ce
nom, vient de mourir à l'âge de vingt ans.
CRONIQUE DEP.1RTERÏE3ITAÏ.E.
%* Toulouse. — Le concert donné par Mlle Guénée dans les salons de
M. Meissonnier, a été brillant. Comme pianiste et compositeur, l'artiste a
également mérité son succès. On a beaucoup applaudi sa mélodie des
Moissonneurs, le souvenir de la Favorite, l'air de Field, arrangé par elle,
l'étude de concert, le galop di Bravura, ainsi que Waldora, valse char-
mante.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
*„* Louvain. — Le Carillonneur de Bruges vient d'être donné a l'occa-
sion des fêtes célébrées en cette ville. Mlle Wertheimber jouait le rôle
de Béatrix, qu'elle a créé à Paris; elle y a porté l'inspiration, l'enthou-
siasme et déployé une voix d'uue grande étendue, pleine d'ampleur. Au
second acte, toutes les dames pleuraient. Le lendemain tout l'orchestre
s'est rendu sous les fenêtres de Mlle Wertheimber pour lui donner une
magnifique sérénade. La jeune artiste, n'oubliant pas les pauvres, a donné
deux jours après une représentation à leur bénéfice.
*** Merlin. — Mme de Strantz a fait ses adieux au public dans le rôle de
Fidès : la jeune cantatrice a reçu de l'assemblée de nombreuses marques
de satisfaction. — Mlle Wagner est rentrée par le rôle de Roméo. Ce
rôle ne lui permet guère de déployer toutes les ressources de son ma-
gnifique organe ; cependant, Mlle Wagner l'a chanté avec tant de verve,
avec une telle puissance dramatique, que le succès n'a pas été douteux un
instant. Mme Herrenberger a été une charmante et toute gracieuse Ju-
liette. — Mlle Westerstrand a débuté dans un concert, où elle a chanté le
grand air d'Amina, de la Sonnambuia, une tyrolienne, une mazurka et des
chants populaires de la Suède. La jeune virtuose possède, comme ses com-
pagnes venues du Nord, une sensibilité profonde; sa voix douce et déli-
cate aie timbre argentin de celle de l'alouette; à ces avantages naturels
Mlle Westerstrand joint une excellente méthode.
%* Cn;rlsruh". — L'ouverture de la nouvelle salle de spectacle, qui
devait avoir lieu au mois de novembre, a été remise au mois de mai de
l'année prochaine. — Vieuxtemps donne ici des concerts qui sont très-
suivis.
*„* Amsterdam, 15 septembre. — La troupe d'opéra français en cette
ville est maintenant au grand complet. Les représentations commenceront
le samedi 18 de ce mois.
%* Odessa. — Après avoir donné trois brillants concerts avant son dé-
part pour Constantinople, Mme Nissen Saloman a été engagée, lors de son
passage pour se rendre en Crimée, pour une série de représentations au
Théâtre-Italien.
Le itérant KkNkst DhiSCHÀMPS.
es p
s musicales
7, vite Jùitfjilte, « S'ut'is.
LÉOPOLD DE MEYER. RICHARD SDLDEB.
Les Chantres des bois, 6 morceaux car actéristiques, pour piano :
Op. 72. L'Iris, galop de concert pour le piano . . .
Op. 73. Fleurs d'Italie, pour le piano
Op. 74. L'Espérance, nocturne élégant pour le piano
Op. 75. Adieu, nocturne en ré b. pour le piano. . .
Op. 76. Airs styriens variés pour le piano
ADOLPHE FUIÂGALLI
Op. 86. Danse des Sylphes, d'après F. Godefroid, fantaisie pour le
piano
Op. 87. Nocturne élégant en si , fantaisie pour le piano
Op. 88. Laura, polonaise brillante, fantaisie pour le piano ....
Op. 61 bis. Casta Diva (A'oi ma), étude, main gauche
FÉLIX GODEFROID.
La Mélancolie, étude pour harpe
Le Rêve, —
La Danse des Sylphes, —
Les mêmes pour piano seul
7 50
7 50
7 5>'
7 50
Op. 22. N" 1. La Caille, chant du matin
2. Le Coucou, pastorale
3. La Fauvette, caprice de salon . . .
4. L'Oiseau-Mouche, impromptu-étude
5. Le Sansonnet, thème original varié.
6. L'Oiseleur, impromptu-caprice. . .
Op. 12 bis. La Cascade, caprice-étude
Op
12. La Styrienne
Op. 19. Cécilia, mazurka-caprice.
Op. 20. Le Retour, nocturne . . .
KïïDELSSOMBARTÏÏXOBY.
Op. 57. Six mélodies sans paroles
Op. 61. Scherzo à 4 mains sur le Rêve d'un», nuit d'été
Op. 61 bis. Nocturne et Marche à 4 mains sur le Rêve d'une
t. HgzT. Élégie sur une mélodie de Soriano, pour le piano. ... 750
a. jakl. Op. 14. Fantaisie sur la Danse des Sylphes, de Gode-
froy, pour le piano 7 S0
ï. Fi.nn.tiug. Op. 14. L>s l'uritain-, pour le piano 6 »
v. A.t B.is. Impromptu, pour le piano 5 »
(H unît:*, Nocturne pour le piano 5 »
— Op. 50. Priinavera, valse 5 »
— Op. 51. Fantaisie sur l'Elùire 7 50
en. wisïooi. Op. 5. Scherzo brillant, pour le piano 7 50
— Op. 6. Sérénade, pour le piano 7 50
éd. ïiisn. Op. 5. Fantasia, grande valse de concert 5 »
— Op. 6. Gelsamina, grande valse de concert 6 »
— Op. 8. Suléika, grande valse de concert 6 »
— Lorenza, grande valse de concert 6 »
n.tntc bi'rtt. Op. 8. Souvenir de Brixen, pour le piano. ... 7 50
o. «««:«*.¥». Op. 60. Gasilda, petite fantaisie, pour le piano . 5 »
— La Vision, polka-mazurka, pour le piano 5 »
j. F»riiT. Galop de concert 6 »
— Les Willis, polka-mazurka, redowa, schottisch, polka et
valse 7 »
jr. carli. Op. 14. Le Troubadour, schottisch 5 »
a. G«5ESH4. Op. 59. La Campanella
m, «oTT8cm-Ai,K; La Mélancolie, étude d'après Godefroid. . . .
«. cAicvi.Lt. 25 études progressives pour piano
w. vÈBfiAfeàs. Op.10. Harmonies poét, études pour piano. Liv. 1.
— Op. 11. Harmonies poétiques, études pour piano. Liv. 2.
— Op. 12. Harmonies poétiques, études pour piano. Liv. 3.
Di'vKnsitï jj. m. Danses :les sylphes, facile, de Godefroy ....
m mc-BUKTT. 'Les Brises du Nord, 5 polkas mazurka
— La Fête des fous, quadrille pour piano
— Bertrand Duguesclin, quadrille pour le piano
mï'PMKT. Le Chevalier Bayard, quadrille pour le piano
— Don Juan, quadrille pour le piano
m mochism. Op. 7. Mazurka originale
e. jiKt.tTTi. L' Angélus du pâtre, romance avec ace de piano. . .
— Le Vieux Forban, ballade pour voix de basse
gbéïhw. L'Ange et l'enfant, à 4 voix . . . .
N. ». Enfant, songe à ta mère, mélodie avec accompag. de piano.
6
»
6
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1?
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»
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2 50
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50
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REVUE
2G Septembre 1852.
Prix de ribonncmcnt i
Paris, un an 2W
Départements, Belgique et Suisse 30
Étranger 34
Le Journal paroît le Dimanche.
GAZETTE MUSICALE
Vous préparons pour nos abonnés an très-beau porlralt de FIRilf-
^niN SCHUnERT. Ce portrait, qui eomplétcra In eolleetlon de ses
nélodics que nous leur avons déjà offerte sera prêt pour le numéro
prochain.
SOMMAIRE. — Les Soirées de l'orchestre (suite), par Hector Berlioz. — Elie,
de Mendelssohn. (2e article), par Léon Kreutzer. — Testament de M. le ba-
ron de Trémont. — Discours prononcé par M. Fétis comme directeur de la
classe des beaux-arts de l'Académie de Bruxelles. — Nouvelles et annonces.
LES SOIRÉES DE L'ORCHESTRE.
(2e fragment) (1).
SIXIÈME SOIRÉE.
On joue Ylphigénie en Tauride de Gluck.
Tout l'orchestre, pénétré d'un respect religieux pour cette œuvre
immortelle, semble craindre de n'être pas à la hauteur de sa tâche. Je
remarque l'attention profonde et continue des musiciens à suivre de
l'œil les mouvements de leur chef, la précision de leurs attaques, leur
vif sentiment des accents expressifs, la discrétion de leurs accompa-
gnements, la variété qu'ils savent établir dans les nuances.
Le chœur, lui aussi, se montre irréprochable. La scène des Scythes,
au premier acte, excite l'enthousiasme du public spécial qui se presse
dans la salle. L'acteur chargé du rôle d'Oreste est insuffisant et presque
ridicule; Pylade chante comme un agneau. L'Iphigénie seule est digne
de son rôle. Quand vient son air : « 0 malheureuse Iphigénie ! » dont
le coloris antique, l'accent solennel, la mélodie et l'accompagnement si
dignement désolés, rappellent les sublimités d'Homère, la simple gran-
deur des âges héroïques, et remplissent le cœur de cette insondable
tristesse que fait toujours naître l'évocation d'un illustre passé, Gorsino
pâlissant cesse de jouer. Il appuie ses coudes sur ses genoux et cache
sa figure entre ses deux mains, comme abîmé dans un sentiment inex-
primable. Peu à peu je vois sa respiration devenir plus pressée, le sang
affluer à ses tempes qui rougissent, et à l'entrée du chœur des femmes
avec ces mots : « Mêlons nos cris plaintifs à ses gémissements ! » au
moment où cette longue clameur des prêtresses s'unit à la voix de la
royale orpheline et retentit au milieu du conflit des sons déchirants de
l'orchestre, deux ruisseaux de larmes jaillissent violemment de ses
yeux ; il éclate en sanglots tels que je me vois forcé de l'emmener hors
de la salle.
Nous sortons je le reconduis chez lui Assis tous les deux dans
sa modeste chambre qu'éclaire la lune seulement, nous restons long-
(1) Voir le n° 38.
temps immobiles Corsino lève un instant les yeux sur le buste de
Gluck placé sur son piano Nous nous regardons la lune dispa-
raît il soupire avec effort se jette sur son lit je pars
nous n'avons pas dit un mot
SEPTIÈME SOIRÉE.
Etudes historiques et philosophiques.
On joue un opéra italien moderne très-plat.
Un habitué des stalles du parquet, qui, les soirs précédents, a paru
s'intéresser beaucoup aux lectures et aux récits des musiciens, se pen-
che dans l'orchestre, et s'adressant à moi : Monsieur, vous habitez or-
dinairement Paris, n'est-ce pas ? — Oui, monsieur, je l'habite même
extraordinairement et souvent plus que je ne voudrais. — En ce cas,
vous devez être familiarisé avec la langue singulière qu'on y parle et
dont vos journaux se servent, eux aussi, quelquefois. Expliquez-moi
donc, s'il vous plaît, ce qu'ils veulent dire, quand, en rendant compte
de certains incidents assez fréquents, à ce qu'il paraît, dans les repré-
sentations dramatiques, ils parlent des Romains. — Oui, disent à la
fois plusieurs musiciens, qu'entend-on en France par ce mot? — Ce
n'est pas moins qu'un cours d'histoire romaine, Messieurs, que vous
me demandez. — Pourquoi pas ? — le crains de n'avoir pas le talent
d'être bref. — Qu'à cela ne tienne! l'opéra est en quatre actes, et nous
sommes à vous jusqu'à onze heures. — Alors pour vous mettre tout de
suite en rapport avec les grands hommes de cette histoire, je ne re-
monterai pas jusqu'aux fils de Mars, ni à Numa Pompilius ; je sauterai
à pieds joints par-dessus les rois, les dictateurs et les consuls ; et pour-
tant je dois intituler le premier chapitre de mon histoire :
De viris illustribus urbis Romœ.
Néron — (vous voyez que je passe sans transition à l'époque des
empereurs), Néron ayant institué une corporation d'hommes chargés
de l'applaudir quand il chantait en public, on donne aujourd'hui en
France le nom de Romains aux applaudisseurs de profession, vulgaire-
ment appelés claqueurs, aux jeteurs de bouquets, et généralement à
tous les entrepreneurs de succès et d'enthousiasme. Il y en a de plu-
sieurs espèces :
La mère qui fait si courageusement remarquer à chacun l'esprit et
la beauté de sa fille, médiocrement belle et fort sotte; cette mère qui,
malgré son extrême tendresse pour cette enfant, se résoudra néan-
moins le plus tôt possible à une séparation cruelle en la remettant aux
bras d'un époux, est une Romaine.
L'auteur qui, dans la prévision du besoin qu'il aura l'an prochain
318
REVUE ET GAZETTE MUSICALE DE PARIS.
des éloges d'un critique qu'il déteste, s'acharne à chanter partout les
louanges de ce même critique, est un Romain.
Le critique assez peu Spartiate pour se laisser prendre à ce piège
grossier, devient à son tour un Romain.
Le mari de la cantatrice qui... — C'est compris. — Mais les Ro-
mains vulgaires, la foule, le peuple romain enfin, se compose surtout
de ces hommes que Néron enrégimenta le premier. Ils vont le soir
dans les théâtres, et même ailleurs aussi, applaudir, sous la direction
d'un chef et de ses lieutenants, les artistes et les œuvres que ce chef
s'est engagé à soutenir.
Il y a bien des manières d'applaudir.
La première, ainsi que vous le savez tous, consiste à faire le plus de
bruit possible en frappant les deux mains l'une contre l'autre. Et dans
cette première manière, il y a encore des variétés, des nuances : le
bout de la main droite frappant dans le creux de la gauche, produit un
son aigu et retentissant que préfèrent la plupart des artistes ; les deux
mains appliquées l'une contre l'autre sont, au contraire, d'une sonorité
sourde et vulgaire ; il n'y a que des élèves claqueurs de première année
ou des garçons barbiers qui applaudissent ainsi.
Le claqueur ganté, habillé en dandy, avance ses bras avec affectation
hors de sa loge, et applaudit lentement, presque sans bruit, et pour les
yeux seulement; il dit ainsi à toute la salle : Voyez! je daigne ap-
plaudir.
Le claqueur enthousiasmé (car il y en a) applaudit vite, fort et long-
temps; sa tête, pendant l'applaudissement, se tourne à droite et à
gauche ; puis ces démonstrations ne lui suffisant plus, il trépigne, il crie
bravo! bravo! (remarquez bien l'accent circonflexe de Fo), ou brava
(celui-là est le savant; il a fréquenté les Italiens; il sait distinguer le
féminin du masculin), et redouble de clameurs au fur et à mesure que
le nuage de poussière que ses trépignements soulèvent augmente d'é-
paisseur.
Le claqueur déguisé en vieux rentier ou en colonel en retraite, frappe
le plancher du bout de sa canne d'un air paterne et avec modération.
Le claqueur violoniste (car nous avons beaucoup d'artistes dans les
orchestres de Paris qui , pour faire leur cour, soit au directeur de leur
théâtre, soit à leur chef d'orchestre , soit à une cantatrice aimée et
puissante, s'enrégimentent momentanément dans l'armée romaine), le
claqueur violoniste, dis-je, frappe avec le bois de son archet sur le
corps de son violon. Cet applaudissement, plus rare que les autres, est
en conséquence plus recherché. Malheureusement, de cruels désillu-
sionnements ont appris aux dieux et aux déesses qu'il ne leur était
guère possible de savoir quand l'applaudissement des violonistes est
ironique ou sérieux. De là le sourire inquiet des divinités en recevant
cet hommage.
Le timbalier applaudit en frappant sur ses timbales ; ce qui ne lui
arrive pas une fois en quinze ans.
Les dames romaines applaudissent quelquefois de leurs mains gan-
tées ; mais leur influence n'a tout son effet que lorsqu'elles jettent leur
bouquet aux pieds de l'artiste qu'elles soutiennent. Comme ce genre
d'applaudissement est assez dispendieux , c'est ordinairement le plus
proche parent, le plus intime ami de l'artiste, ou l'artiste lui-même qui
en fait les frais. On donne tant aux jeteuses de fleurs pour les fleurs,
et tant pour leur enthousiasme; de plus, il faut payer un homme ou un
enfant agile pour, après la première averse de fleurs, courir au théâtre
les reprendre et les rapporter aux Romaines placées dans les loges
d'avant-scène, qui les utilisent une seconde et souvent une troisième
fois.
Nous avons encore la Romaine sensible, qui pleure, tombe en attaque
de nerfs, s'évanouit. Espèce rare, presque introuvable, appartenant de
très-près à la famille des girafes.
Mais pour nous renfermer dans l'étude du peuple romain proprement
dit, voici comment et à quelles conditions il travaille.
Un homme étant donné qui , soit par l'impulsion d'une vocation na-
turelle, irrésistible, soit par de longues et sérieuses études, est parvenu
à acquérir un vrai talent de Romain ; il se présente au directeur d'un
théâtre et lui tient à peu près ce langage : « Monsieur, vous êtes à la
tête d'une entreprise dramatique dont je connais le fort et le faible ;
vous n'avez personne encore pour la direction des svccès ; confiez-la
moi ; je vous offre 20,000 fr. comptant et une rente de 10,000 fr. —
J'en veux 30,000 fr. comptant, répond ordinairement le directeur. —
10,000 fr. ne doivent pas nous empêcher de conclure; je vous les ap-
porterai demain. — Vous avez ma parole; mais j'exige cent hommes
pour les représentations ordinaires , et cinq cents au moins pour toutes
les premières et pour les débuts importants. — Vous les aurez, et plus
encore. » Comment ! dit un des musiciens en m'interrompant, c'est le
directeur qui est payé!.... J'avais toujours cru le contraire ! — • Oui,
Monsieur, ces charges-là s'achètent comme une charge d'agent de
change, un cabinet de notaire, une étude d'avoué.
Une fois nanti de sa commission, le chef du bureau des succès, l'em-
pereur des Romains, recrute aisément son armée parmi les garçons
coiffeurs, les commis voyageurs, les conducteurs de cabriolet à pied (1),
les pauvres étudiants, les choristes aspirants au surnumérariat, etc.,
etc., qui ont la passion du théâtre. Il choisit pour eux un lieu de ren-
dez-vous, qui, d'ordinaire, est un café borgne ou un estaminet voisin
du centre de leurs opérations. Là, il les compte, leur donne ses instruc-
tions et des billets de parterre ou de troisième galerie, que ces malheu-
reux payent trente ou quarante sous, ou moins, selon le degré de
l'échelle théâtrale qu'occupe leur établissement. Les lieutenants seuls
ont toujours des billets gratuits. Aux grands jours ils sont payés par le
chef. Il arrive même, s'il s'agit de faire mousser à fond un ouvrage
nouveau qui a coûté à la direction du théâtre beaucoup d'argent, que
le chef, non-seulement ne trouve plus assez de Romains payants, mais
qu'il manque de soldats dévoués prêts à livrer bataille pour l'amour
de l'art. Il est alors obligé de payer le complément de sa troupe et
de donner à chaque homme jusqu'à trois francs et un verre d'eau-
de-vie.
Mais dans ce cas, l'empereur de son côté ne reçoit pas uniquement
des billets de parterre; ce sont des billets de banque qui tombent dans
sa poche, et en nombre à peine croyable. Un des artistes qui figurent
dans la pièce nouvelle veut se faire soutenir d'une façon exception-
nelle ; il propose quelques billets à l'empereur. Celui-ci prend son air
le plus froid, et tirant de sa poche une poignée de ces carrés de pa-
piers : « Vous voyez, dit-il, que je n'en manque pas. Ce qu'il me faut
ce soir, ce sont des hommes, et pour en avoir je suis obligé de les
payer. » — L'artiste comprend l'insinuation et glisse dans la main du
César un chiffon de 500 francs. Le chef d'emploi de l'acteur qui s'est
ainsi exécuté ne tarde pas à apprendre cette générosité ; la crainte
alors de n'être pas soigné en proportion de son mérite, vu les soins
extraordinaires qui vont être donnés à son second, le porte à offrir à
l'entrepreneur des succès un vrai billet de 1,000 francs et quelquefois
davantage. Ainsi de suite, du haut en bas de tout le personnel drama-
tique. Vous comprenez maintenant pourquoi et comment le directeur
du théâtre est payé par le directeur de la claque, et combien il est fa-
cile à celui-ci de s'enrichir.
(La suite au prochain numéro.)
H. BERLIOZ.
(1) Quand un conducteur de cabriolet a encouru le mécontentement de M. le préfet
de police, celui-ci lui interdit pendant deux ou trois semaines de faire son métier de
cocher, auquel cas, le malheureux, qui ne gagne rien, ne va certes pas en voiture. Il
est à pied. Il entre alors souvent dans l'infanterie romaine.
DE paii:
319
ELIS,
DE RIEJVDSJLSSOIIIir.
2' article. (I)
t
Abordons l'analyse de cette grande partition.
Elic prophétise la parole de Dieu ; il annonce les malheurs qui me-
nacent Israël; il ressuscite le fils de la veuve de Sarepla, renverse les
autels de Baal et disparaît dans un char de feu. Voilà le sujet : c'est
l'Ancien-Testament dans toute sa simplicité. Le texte, c'est la prose
même de l'Ancien-Testament. Un texte en prose, qui rendrait impos-
sible la musique de théâtre, convient, au contraire, au style religieux;
car si le vers par son rhythme guide souvent l'inspiration du compo-
siteur, souvent aussi il l'entraîne à des combinaisons mélodiques vul-
gaires. La prose n'a pas ce défaut. Plus dure à manier, si elle n'aide
pas le compositeur, elle ne le dirige pas du moins dans des routes déjà
parcourues.
L'oratorio d'Éliene contient pas moins de quarante-trois morceaux :
ouverture, airs, duos, trios, récitatifs, chœurs et doubles chœurs,
chœurs sans accompagnement, chœurs alternant avec les personnages
récitants. Toutes les formes qui peuvent résulter de la combinaison
des instruments entre eux, des voix entre elles, des voix dialoguant
avec les instruments, y sont savamment employées. Privé de l'intérêt
de la mise en scène, c'est aux seules resssources de l'art que le com-
positeur a dû recourir pour enchaîner l'attention.
Les récits et les airs sont confiés à six personnages principaux :
Élie, Obadja, le roi, la reine, un soprano solo et un ténor solo.
Un grave récitatif, accompagné par les instruments de cuivre, com-
mence la partition : c'est la parole de Dieu qui doit être entendue
avant les murmures des hommes. Puis se développe une ouverture en-
tièrement fuguée sur un thème franc et majestueux, où tous les pro-
cédés de la science sont employés pour préparer une explosion éner-
gique. Elle éclate à l'entrée du chœur qui déplore les malheurs
d'Israël. Ce premier morceau est d'une grande puissance ; on sent que
le compositeur a toute sa force et qu'il la retient plutôt qu'il ne la
laisse s'épancher ; la fatigue se décèlera plus tard. Je signale comme
d'une beauté achevée le passage (page 28 delapartition). Rienn'estplus
dramatique que cette extinction subite des forces de l'orchestre et du
chœur. Le rhythme syncopé des instruments à cordes, le roulement
sourd des timbales , ajoutent à l'impression profonde que le composi-
teur a réussi à produire.
Le n° 2 est un duo avec chœur qui repose sur un court fragment
mélodique réparti dans toutes les voix. Ce fragment semble l'axe sur
lequel viennent s'enrouler les mélodies principales. Déjà se montre
l'art ingénieux et subtil, à côté de l'art puissant et grandiose.
C'est par des oppositions de rhythme que le chœur n" 3 est remar-
marquable. Il a cependant moins de caractère que celui qui commence
la partition.
Le n° 7, le double quatuor des anges, est écrit à huit parties réelles;
réelles, je répète le mot, car Mendelssohn ne se sert pas pour écrire à
huit parties de ce procédé commode qui consiste à faire entrer le se-
cond chœur sur l'accord qui termine le premier et à faire taire celui-
ci. Les huit parties se meuvent réelleaient ensemble, et malgré les
difficultés de ce genre de travail, l'on ne remarque rien dans la marche
des parties qui trahisse l'effort.
L'étude de ce quatuor sera de la plus grande utilité pour les jeunes
compositeurs. Elle sera d'autant plus utile que les morceaux de ce
genre sont rares, et que, ne pouvant être expédiés au courant de la
plume, ils répugnent aux compositeurs. On n'en a guère pour modèles
que les deux grandes fugues de Cherubini et de Sarti qu'on fait étudier
au Conservatoire; et encore, si la forme est savante, le style est loin
d'en être bon.
Le n° 8 est un chef-d'œuvre : c'est la prière de la pauvre veuve qui
(1) Voir le n" 38.
demande au prophète de rappeler son fils à la vie. Ce morceau me
suggère une réflexion. Dans mon dernier article, je parlais de la mélo-
die harmonique ; ce morceau en offre de fréquents exemples. Cette
intime union de l'harmonie et de la mélodie est difficilement comprise
par le vulgaire, qui s'efforce toujours de séparer ce que le musicien
doit s'attacher à réunir. Cette union est facile à établir cependant.
Une note est mise en vibration. Jusqu'ici la mélodie n'existe pas. Mais
cette note elle-même fait partie d'un accord ; la voilà affectée d'une
certaine façon: l'accord reçoit d'elle son complément; mais elle, à son
tour, reçoit de l'accord une physionomie particulière. Le sol faisant
partie de l'accord d'ut n'amène pas une sensation semblable à celle du
sol, quatrième note d'un accord de septième diminuée. Ceci est élé-
mentaire. Mais supposons que cette note soit suivie d'une autre note,
laquelle portera un nouvel accord : voici déjà un fragment de mé-
lodie constitué. Or, suivant l'harmonie que porteront ces deux notes,
suivant l'ordre de succession des accords, ce fragment mélodique pren-
dra un aspect différent. Les deux notes si ut, faisant partie, la première
de l'accord parfait de sol, la seconde de l'accord parfait d'ut, ont un
caractère essentiellement différent de ces mêmes notes faisant partie,
l'une de l'accord de septième diminuée sur sol dièse, et l'autre de
l'accord parfait de la. Au lieu de ce court fragment, si nous adop-
tions une série de sons, quelle prodigieuse variété d'aspects les combi-
naisons harmoniques viendront leur prêter! A son gré, l'on verra
l'harmonie interrompre le sens de la mélodie, ou le préciser, éclairer
ou assombrir ses contours. C'est ainsi que dans l'ogive gothique, sur
le prisme éblouissant des vitraux de couleur, la colonnette trace ses
lignes élancées, le trèfle arrondit ses onduleux contours. La mélodie
harmonique a été entrevue par les anciens maîtres allemands ; elle est
peu pratiquée par les compositeurs français, qui ont plutôt le don de la
grâce, de la mélodie facile, que celui la combinaison des sons ; et ce-
pendant c'est l'admirable loi d'où découleront les destinées de la mu-
sique future. Par sa conquête, par celle des combinaisons rhythmi-
ques, par celle des sonorités, éléments de l'art longtemps négligés, et
qui contribuent comme l'harmonie à colorer la mélodie, la musique,
dont les bases ne sont pas encore posées, prendra enfin possession de
son trône. Ces heureux temps, que ne soupçonne pas le vulgaire, ce
sera presque une gloire que de les avoir entrevus.
La scène de la veuve, occasion de cette digression, est un modèle
de mélodie harmonique; le chant emprunte à l'accompagnement une
tristesse suppliante à laquelle nulle phrase mélodique n'eût pu atteindre
par ses seules forces. L'harmonie, secourable sœur, alors est venue à
son aide, et la plainte désolée de la pauvre femme fait vibrer les fibres,
même les plus rebelles, du cœur.
La scène des prêtres de Baal (n° 11 et suiv.) est une des plus larges
conceptions de l'ouvrage. Les prêtres invoquent leur dieu pour que
la flamme céleste descende sur le bûcher qu'ils ont élevé. « Criez, criez
encore plus haut et plus fort, » dit le prophète. La prière devient plus
pressante. « Plus haut, » répète Elie. La prière alors devient passion-
née et presque furieuse. On comprend que le plan de cette scène pou-
vait être pour le musicien un écueil ou la source de grandes beautés.
Il y avait une gradation à observer que pouvait seul aborder un artiste
sûr de sa plume. Le compositeur a su traiter ce plan avec un rare ta-
lent. Peut-être pouvait-on l'interpréter d'une manière plus large en-
core ; mais contentons-nous du beau quand nous le rencontrons.
On remarque dans cette scène un choral majestueux, accompagné
par les instruments à vent. Présenté d'abord par les voix d'hommes ,
il est répété par les voix de femmes ; puis il reparaît dans le chœur tout
entier en imitations serrées. La phrase était riche par elle-même, et
voilà sa richesse doublée. Tels sont les secrets de la science. Vient en-
suite un chœur des prêtres très-énergique (page 137) , et caractérisé
dans les accompagnements par une succession de notes rapides que se
rejettent alternativement les deux groupes des instruments à cordes et
des instruments à vent. Enfin, le morceau se termine par une explosion
de toutes les forces de l'orchestre et des voix où le compositeur a tout
320
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
réuni, clameurs des instruments, imprécations des prêtres, pour pro-
duire la confusion : la confusion savante, qui n'est pas le désordre ,
qui n'obscurcit pas la pensée du compositeur, mais qui la roule dans
ses flots comme la mer se joue du rocher qu'elle a déraciné.
C'est une belle chose que ce choral (n° 15) ; il est écrit dans le style
simple qu'affectionnait S. Bach, et de plus, ces légères broderies que
murmurent les premiers violons lorsque les voix se taisent, lui prêlent
un charme inexprimable.
Sauf la fin, j'aime beaucoup moins le chœur (n° 16); cela rentre dans
ces habitudes de musique brutale qui étaient si fort à la mode au der-
nier siècle, et qui sont cause que Mozart a souillé (qu'on me passe le
terme) son sublime Requiem de la fugue la plus tapageuse et la plus
brutale. Il serait temps d'en finir avec ces allures de cabaret que trop
d'auteurs impriment encore à la musique d'église. Les passages où ce
défaut peut être signalé sont rares chez Mendelssohn ; ceux où il a fait
abus, moins que ses devanciers cependant, de certains autres procédés
de la science sont, au contraire, assez communs : par exemple, ces
imitations à la quarte et à la quinte, qui font les délices du Conserva-
toire.
Ce genre d'imitalions fuguées à quatre ou à huit parties donne cer-
tainement plus de peine à traiter que le genre de la musique plane, il
est difficile de faire concorder ces fragments, dont le compositeur s'im-
pose de ne pas déranger l'ordonnance, avec les obligations de l'harmo-
nie ; mais l'effet ne résulte pas toujours de ce long travail. La fugue du
Requiem dont je viens de parler est un chef-d'œuvre, si l'on considère
le temps qu'elle a dû coûter; mais que ceux qui l'ont entendue, même
bien exécutée, si la chose a pu exister, s'adressent à moi et qu'ils me
communiquent franchement l'impression qu'ils en ont reçue. Pales-
trina, il est vrai, le plus grand compositeur de musique religieuse, s'est
servi de ces imitations ; mais, par la lenteur des mouvements, elles dé-
pouillent l'accent brutalement rhythmique que leur donne un mouve-
ment précipité.
Dans le chœur n° 20 qui termine la première partie, rien n'est plus
beau que la disposition Je l'orchestre. Le chœur s'écrie : « Les sources
jaillissent,, les eaux bondissent, » et les violons de l'orchestre lui ré-
pondent par des gammes rapides et violentes qui tantôt plongent dans
les profondeurs du grave, tantôt atteignent les hauteurs les plus ai-
guës et accélèrent leur course comme les eaux impétueuses qui vien-
nent rafraîchir la terre embrasée. (Page 208.) Les harmonistes
admireront une modulation du plus grand effet où le compositeur, à
la tonalité sombre de ut mineur, fait presque subitement succéder la
tonalité claire et vibrante de ré majeur.
(La fin au numéro prochain.)
Léon KREUTZER.
TESTAIENT DE M. LE BARON DE TBËiOIT.
Le moment est venu de donner toute la publicité qu'il mérite à l'acte
de dernière volonté par lequel M. le baron de Trémont a dignement
couronné une honorable existence, partagée entre les affaires publi-
ques, les lettres et les arts.
Dans notre numéro du 15 août dernier, nous avons déjà dit com-
ment, en vertu de cet acte, les cinq associations : 1° des artistes mu-
siciens ; 2° des artistes peintres, sculpteurs, architectes, graveurs et
dessinateurs ; 3° des artistes dramatiques ; k° des gens de lettres ;
5° des inventeurs et artistes industriels, se trouvaient dotées d'une
rente de 330 fr. chacune.
Aujourd'hui que nous avons entre les mains une copie exacte du
testament et des codicilles, contenant toutes les dispositions du défunt,
expliquées, commentées, justifiées par lui-même, nous entrerons dans
de plus amples détails sur ces pièces vraiment originales, dont la re-
production ou l'analyse ne peut que grandement profiter à la mémoire
de leur auteur.
Le testament de M. le baron de Trémont porte la date du 5 mai
1847.
Alors, toute sa fortune se composait de 16,621 fr. de rentes sur
l'Etat, du petit domaine de Rosey, de son mobilier, argenterie, biblio-
thèque, collection d'autographes et d'estampes.
Lors de son premier codicille, rédigé le 15 mai 1851, ses rentes
s'étaient élevées à 17,180 fr., ce qui lui permit d'augmenter la nom-
bre et le chiffre de ses legs, montant à une somme totale de 18,108 fr.
par année, c'est-à-dire 928 fr. de plus que ses rentes sur l'Etat.
Ainsi, M. le baron de Trémont donnait tout ce qu'il pouvait donner,
ne laissant rien au hasard des parentés lointaines et oubliées. Il était
célibataire, sans frères, ni sœurs, ni neveux. II avait quitté de bonne
heure la Franche-Comté, son pays natal; il ne se connaissait que des
cousins et des cousines plus riches que lui, et qui l'avaient perdu de
vue. 11 se croyait donc, et il devait se croire, le droit de faire tout ce
que la loi ne défend pas. Après avoir nettement exposé sa situation,
et s'être rendu le témoignage que toute bonne conscience est admise à
se rendre, il ajoute ce qu'on va lire :
« Je déclare que les dispositions qui vont suivre ont toujours été ma
» pensée dominante, et que pour arriver à leur réalisation, j'ai refait
» mon testament autant de fois que les vicissitudes de ma vie l'ont
» exigé. Ayant vécu dans un monde où le superflu est la chose la plus
» nécessaire, j'aurais doublé mon revenu en plaçant ma fortune à
» fonds perdu; j'aurais doublé ces jouissances matérielles que les céli-
» bataires aiment tant à se procurer ; j'aurais enfin augmenté cette part
» mal réfléchie, mais non moins réelle, de considération que la société
» accorde à la fortune. Une volonté ferme a éloigné de moi cette pen-
» sée égoïste. »
Grâces soient rendues à M. le baron de Trémont ! L'homme qui pense
comme lui n'a pas besoin d'oraison funèbre ; son testament devient un
miroir dans lequel son esprit et son cœur se reflètent éternellement.
1. Le premier legs de M. le baron de Trémont est à coup sûr le plus
singulier et pourra prêter à des opinions diverses.
Ce legs, ou fondation, consiste en un prix annuel (une médaille de
cinq cents francs) décerné au plus noble usage de l'opulence.
L'Institut donnera ce prix, cette médaille, au Français ou à l'étran-
ger établi en France, jouissant d'au moins cinquante mille francs de
revenu, qui aura fait le plus bel emploi de ce revenu, ou des capitaux
non nécessaires au maintien de sa famille, selon sa position sociale.
Et le testateur a bien soin de dire que l'emploi devra consister en
importants secours accordés au malheur, en création ou soutien d'éta-
blissements de bienfaisance et d'utilité publique, en travaux remar-
quables d'assainissement, de défrichements, en construction de monu-
ments, de chemins, de ponts, enfin en dons précieux aux collections
nationales d'art et de science.
Ceci est le revers du prix de vertu fondé par Montyon au profit des
pauvres. M. de Trémont fonde un prix d'honneur exclusivement ré-
servé aux riches, et à quels riches? Cinquante mille francs de rente
pour le moins ! Heureux ceux qui pourront concourir ! Mais il est à
craindre que les concurrents ne soient guères nombreux. M. de Tré-
mont le savait; il l'a dit d'avance; il a même prévu le cas où il n'y
aurait pas de concurrent du tout. Si les riches manquent, au bout de
deux ans la valeur du prix sera distribuée aux femmes et enfants de
pauvres ouvriers malades.
D'ailleurs, M. de Trémont déduit fort ingénieusement les motifs qui
l'ont déterminé à celte fondation d'un genre si neuf : « L'étude du cœur
» humain, dit-il, montre que l'épreuve de l'adversité est, chez des
» gens honnêtes , moins difficile à subir que celle de la prospé-
» rite. Lorsque le pauvre est né bon et courageux, rien n'arrête en
» lui l'élan du dévouement, rien ne paralyse les mouvements de son
» cœur. Étranger aux distinctions et aux besoins créés par la haute
» société, ses sentiments sont ceux d'une nature encore vierge. Il est
» dévoué, parce qu'il ne calcule pas ce que coûte le dévouement : il
» est désintéressé, parce que le travail de chaque jour semble lui
DE PARIS.
321
.) voiler l'avenir. Le riche, au contraire, vit dans une sphère qui se meut
» au milieu d'éléments d'ambition, d'avidité, de vanité, d'égoïsme et
» de nécessités factices. L'habitude de regarder au-dessus et rarement
» au-dessous de soi, tout, enfin, concourt à affaiblir cette générosité
» bienfaisante qui ne favorise aucune prétention et ne flatte aucune
» faiblesse. N'être point avare, améliorer son bien, occuper des ou-
» vriérs est fort louable sans doute, mais il l'est davantage d'y joindre
» cet esprit philanthropique qui soulage l'humanité souffrante, qui
« améliore la condition de ceux qui n'ont que des bras sans intelli-
» genec ou de l'intelligence sans culture. »
M. de Trémont a donc pensé qu'il était bon et utile de signaler à la
reconnaissance publique ces bienfaiteurs opulents, de stimuler leur
émulation par l'attrait d'une récompense décernée en pleine Académie.
Il a retourné le vers célèbre :
Hiilas ! qu'aux cœurs heureux les vertus sont, faciles.
Il croyait qu'on est plus facilement vertueux et généreux quand on
est malheureux, et il pourrait bien ne pas avoir eu complètement tort.
Laissons de côté les dificultés inévitables du concours, la rareté obligée
des concurrents, peut-être même l'impossibilité d'en trouver ; ne
voyons que la beauté, la noblesse d'une idée fine et juste en elle-même.
Surtout, ne désespérons de rien et ne décourageons personne : les gens
qui ont plus de 50,000 livres de rentes méritent autant d'égards que
s'ils n'avaient rien.
2 . La seconde fondation de M. le baron de Trémont s'adresse à trois
étudiants distingués et sans fortune, appartenant aux trois Facultés :
des sciences, de droit et de médecine. Elle consiste en trois prix de
1,000 fr. chacun, qui seront décernés à titre d'encouragement et d'as-
sistance, dont l'utilité ne saurait être contestée.
3. Prix d'encouragement à un jeune peintre ou statuaire et à un
jeune musicien. Ces deux prix, également de 1,000 fr. chacun, ont la
même destination que les trois précédents. Les élèves qui auront ob-
tenu le grand prix de Rome n'y parliciperont qu'à leur retour, et dans
le cas seulement où le manque de travaux les mettrait dans la gêne,
(i Je désire, dit le fondateur, que les seconds prix appellent principa-
» lement l'attention de l'Académie. Lorsqu'elle le jugera convenable,
» elle pourra partager l'encouragement ou le différer, et encore le con-
» tinuer au même sujet, comme il a été dit pour la fondation 2, etc. »
k et 5. Ici viennent les deux fondations de 220 fr. de rente faites
d'abord aux deux associations des artistes musiciens et des artistes
peintres, portées ensuite à 330 fr., et étendues aux trois autres asso-
ciations par le premier codicille.
6. Fondation de 1,000 fr. de rente, pour aider un savant sans for-
tune dans les frais de travaux et d'expérience, qui feront espérer une
découverte ou un perfectionnement très-utile dans les sciences, dans
les arts libéraux et industriels.
7. Fondation de trois bourses entières et de trois trousseaux à l'É-
cole polytechnique. « le me plais, dit M. de Trémont, à lier cette fon-
» dation aux souvenirs de ma carrière administrative. Lorsqu'aux
» époques des révolutions les passions fermentent, l'administrateur
» qui n'épargne rien pour faire prévaloir l'intérêt public reçoit sa
» récompense en emportant l'estime de ses administrés. J'ai eu cette
» satisfaction dans les préfectures de l'Aveyron, des Ardennes et de
» la Côte-d'Or. » C'est donc à des élèves sortis de ces trois départe-
ments que la munificence est destinée. Dans le cas où il n'y aurait pas
de sujets, la bourse annuelle serait capitalisée, et la somme excédant le
prix de la pension, serait remise, soit à l'élève sortant de l'école pour
ses frais d'équipement, soit à ses parents, s'ils sont chargés d'une nom-
breuse famille. Lefondatenr prévoit tout, même le cas où l'admission à
l'école serait rendue gratuite.
8. Fondation de trois bourses entières et de trois trousseaux à
l'Ecole des arts et métiers de Chàlons.
9. Fondation pour les pauvres de la commune de Rosey, près Ve-
soul, Haute-Saône. Avant 1789, le grand-père de M. de Trémont pos-
sédait dans cette commune un domaine considérable dont le petit-fils
ne recueillit que la moindre partie. Cent francs de rente sont laissés
aux pauvres, à titre de souvenir.
10. Dot pour faciliter le mariage d'une fille-mère reçue à l'hospice
de la Maternité de Paris. Que les moralistes sévères ne prennent pas
l'alarme, en lisant ce litre auquel nous n'avons voulu rien changer.
Loin du fondateur l'idée d'encourager, de protéger le vice ! Il n'a tout
au contraire d'autre intention, d'autre espérance, que de ramener à la
vertu la pauvre fille qui n'y aura manqué qu'une fois, et dont le com-
plice sera un bon sujet, un bon ouvrier. Cinq cents francs devront
servir à établir régulièrement le jeune ménage.
11. Il s'agit ici de récompenser les loyaux services, le dévouement
même d'un honnête domestique attaché à M. Trémont depuis 1837.
Huit cents francs de pension viagère lui sont assurés.
12. Contribution annuelle à l'établissement agricole de Mettray.
Trois cents francs de pension annuelle sont affectés à cette institution
philanthropique.
13. Huit livrets de vingt- cinq francs chacun à huit pauvres enfants,
ouvriers apprentis, de l'âge de huit à douze ans. Encouragement de
bonne conduite.
ih- Quatre livrets de cinquante francs à quatre pauvres ouvriers
apprentis, aussi de Paris, et de l'âge de treize à dix-sept ans.
15. Prix d'encouragement de deux cents francs pour un jeune ou-
vrier sans fortune, suivant avec assiduité et distinction les cours de
l'Ecole des arts et métiers de Paris.
16. Enfin, à la ville de Saint-Germain-en-Laye (où M. de Trémont
a terminé ses jours), fondation d'une rente perpétuelle de quatre cents
francs, dont trois cents pour les pauvres et cent pour achat de livres à
la bibliothèque publique de la ville. Plus, une médaille de vingt francs
pour l'ouvrier qui aura été le plus assidu à la lecture. Lorsqu'il n'y
aura pas lieu à la décerner, ces vingt francs seront réunis aux cent
francs destinés aux acquisitions.
Tel est, dans son ensemble et seulement dans la rapide énonciation
de ses dispositions principales, cet acte de volonté suprême, si élevé
de pensée, si simple de style, et qui jette un reflet lumineux sur le
nom modeste de celui qui l'a conçu, médité, rédigé avec tant de bonté
d'âme , de calme d'esprit , de prévoyance ingénieuse. S'il nous
eût été possible de le transcrire tout entier, on aurait vu que M. de
Trémont n'a rien omis de ce que la prudence humaine comporte.
Ainsi, et tout d'abord , il a voulu que la retenue d'un dixième fût
affectée à un fonds d'accroissement de toutes ses fondations per-
pétuelles , comme moyen de les mettre à l'abri de la dépré-
ciation progressive des valeurs monétaires , dépréciation qu'amène
toujours la plus grande abondance de l'or et de l'argent. —
« Louis XVI, dit-il, dans son ordonnance de 1780 sur les dotations
» des hôpitaux, l'a prévu. Je suis cet exemple. Mais pour que la
» somme à distribuer le soit intégralement, au lieu d'en retenir le
» dixième, j'ajoute en plus ce dixième, qui sera affecté chaque année
» à un fonds d'accroissement. » En conséquence, la rente annuelle
de chacune des associations d'artistes est portée à 330 fr., pour que la
distribution annuelle soit bien de 300 fr. et que les 30 fr. d'excédant
soient placés au fur et à mesure des échéances. C'est à l'Académie
française et à l'Académie des beaux-arts que le testateur confie la
surveillance de toutes ses libéralités intéressant les lettres et les arts.
Cependant il va jusqu'à prévoir le cas où les Académies n'accepte-
raient pas cette mission pieuse, et, par son troisième codicille, il s'en
rapporte à ses exécuteurs testamentaires du soin de le remplacer et de
faire ce qu'il eût fait lui-même de son vivant.
Au début de son testament, M. le baron de Trémont réclame l'indul-
gence de ses exécuteurs testamentaires pour la peine qu'il va leur don-
ner : « Inconvénient qui, dit-il, ne peut pas se renouveler. » Vers
la fin il dit encore : « Je termine par des excuses à tous ceux qui
» devront lire cet acte , dont je n'ai pas pu ou plutôt pas su abré-
)> ger la longueur. J'en adresse de nouvelles à mes exécuteurs testa-
» mentaires sur la complication de la tâche dont ils sont chargés. Je
352
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
» trouve ma reconnaissance insuffisante, elje voudrais que tous ceux
» qui profitent de mes legs pussent les remercier . »
Nous n'ajouterons qu'un mot, c'est que l'Association des artistes mu-
siciens exprimera sa reconnaissance en faisant exécuter dans l'église
Saint-Eustache, du 15 au 20 octobre, le Requiem de Berlioz, à la mé-
moire de M. le baron de Trémont.
P. S.
DISCOURS PR0I0NCË PAR M. FÉTÏS,
COMME DIRECTEUR DE LA CLASSE DES BEAUX-ARTS DE L'ACADEMIE
ROrALE DE BELGIQUE.
Bruxelles.
Dans sa séance du 22 septembre, la classe des beaux-arts de l'Acadé-
mie royale de Belgique a procédé au remplacement de ses membres
associés et correspondants décédés depuis 18/|8. Elle a nommé Mer-
cadanle, directeur du collège royal de musique de Naples, en rempla-
cement de Spontini. M. Bosselet, professeur d'harmonie au Conserva-
toire de Bruxelles, a été choisi pour remplacer Mengal comme corres-
pondant. Dans les autres sections de la classe, plusieurs membres de
l'Institut de France ont obtenu la majorité comme membres associés ;
entre autres, M. Schnetz, aujourd'hui directeur de l'Ecole de France
à Rome, pour la peinture ; M. le comte de Nieuwerkerke, directeur
des Musées de Paris, et M. Dumont, pour l'architecture ; enfin, M. Du-
chesne aîné, conservateur du cabinet des estampes de la Bibliothèque
nationale de Paris, dans la section des sciences et des lettres appliquées
aux arts.
Le lendemain, 23, la classe des beaux-arts a tenu sa séance publi-
que annuelle, sous la présidence de M. Fétis, directeur de la classe,
pour la présente année. Le vaste local des Augustins était encombré
d'une foule compacte, attirée par l'attrait qu'offre toujours la musique
dans ces solennités. La séance s'est ouverte par l'ouverture de Sémi-
ramis, de Rossini, exécutée par l'orchestre du Conservatoire, sous la
direction de M. Bosselet. Après ce morceau, dit avec un chaleureux en-
traînement par le jeune orchestre, M. Fétis, en sa qualité de directeur,
a prononcé le discours suivant :
Messieurs,
L'institution des académies d'artistes a précédé celle de toutes les so-
ciétés savantes. La plus ancienne de ces académies fut formée, en 1345,
par les peintres vénitiens, sous la protection de saint Luc. Cinq ans après,
il s'en établit une semblable à Florence. Le but de ces associations était
le progrès de l'art, au point de vue de la forme qui, vers le milieu du
xiV siècle, commença en effet à sortir des lignes longues et raides des
temps antérieurs. Les bons résultats produits par les académies de Flo-
rence et de Venise firent multiplier les institutions de ce genre dans toute
l'Italie. Le xvi* siècle en vit naître un très-grand nombre à Rome, à Bo-
logne, à Parme, à Padoue, à Milan et ailleurs. Dès l'année 1391. les pein-
tres et imagiers de Paris avaient déjà formé une association dont saint Luc
était le patron, et à laquelle les rois de France accordèrent des privilèges
à diverses époques. Chaque art eut ses académies; la peinture d'abord;
l'architecture ensuite, et puis la musique. Au xvn0 siècle, cependant,
quelques académies se formèrent pour favoriser l'art dans son ensemble,
en l'associant à la philosophie. Telles furent les académies des Lincei, de
Rome ; des Gelati, de Bologne ; des Fervedi, de Florence ; des Zelati, de Ve-
nise. Ces institutions, dont l'influence perfectionna le goût des populations,
ont fait naître l'idée des grandes sociétés modernes, où la philosophie, les
lettres, les sciences et les arts ont été réunis en un seul corps, dans le but
de travailler de concert au perfectionnement moral delà société, en con-
servant, toutefois, leur indépendance et leur mode spécial d'action.
Cette spécialité d'action sur l'intelligence et le sentiment des nations
explique, Messieurs, pourquoi les classes des beaux-arts de l'Institut de
France, de l'ancien Institut du royaume des Pays-Bas, de l'Académie
royale de Belgique, et les Académies spéciales des Beaux-Arts de Berlin et
de Stockholm, ne publient pas de mémoires, comme les sociétés pure-
ment littéraires et scientifiques. Le pinceau du peintre, l'ébauchoir et le
ciseau du sculpteur, le burin du graveur, le crayon, la règle et le compas
de l'architecte, la plume et le papier réglé du compositeur, sont les inter-
prètes naturels des pensées et des inspirations de ces artistes. C'est par
les produits de leur art qu'ils agissent sur la sensibilité et parlent à l'in-
telligence. Individuellement, chacun des membres d'une académie de
beaux-arts fait, dans sa sphère d'activité, tout ce qu'on est en droit d'at-
tendre de son talent pour sa propre renommée, pour l'avancement de
l'art, et conséquemment pour la considération du corps auquel il appar-
tient. Comme partie intégrante de ce corps, il y porte ses idées, ses vues,
ses sentiments, et reçoit en échange communication des aperçus et des
intuitions qui caractérisent d'une manière particulière les talents divers
de ses confrères. De l'échange des idées, de leur discussion jaillit quel-
quefois une lumière inattendue sur des questions demeurées longtemps
dans les obscurités du doute. C'est ainsi qu'après avoir mis en évidence
l'individualité de ses conceptions, de ses inspirations, et de son habileté
dans le mécanisme de son art, chacun des membres d'une académie d'ar-
tistes rend encore des services importants à l'art pris dans le sens le plus
étendu, ainsi qu'à la patrie, bien qu'il ne prenne pas la plume pour ex-
poser ses théories ou pour discuter celles d'autrui.
En ce sens, Messieurs, je pense que la classe des beaux-arts de l'Aca-
démie royale de Belgique satisfait à ce qu'on est en droit d'atte ndre d'elle.
Cependant elle a cru pouvoir faire plus, par la coopération de toutes les
capacités dont elle est composée. L'histoire de l'art en Belgique, de ses
développements, de ses transformations et de ses vicissitudes ; celle des
artistes, de leurs études, de leurs travaux et des luttes où leur talent s'est
engagé, où leur courage s'est quelquefois épuisé ; cette histoire, dis-je,
a été considérée par la classe des beaux-arts de l'Académie royale de Bel-
gique comme le travail le plus important et le plus utile qu'elle pût en-
treprendre au point de vue de l'instruction de tous et de la gloire de la
patrie. Elle a pensé que le livre qui aurait cette histoire pour objet ne
devait pas être une simple nomenclature d'œuvres enfantées par le génie
belge, depuis les temps anciens jusqu'à nos jours ; mais que le but de sa
conception était de mettre en évidence les rapports constants des arts,
avec les mœurs, les institutions, les transformations sociales et les gou-
vernements.
Pour faire ce livre et pour lui donner le caractère d'authenticité d'où
doit dépendre sa valeur, par la reproduction des monuments et des do-
cuments, le concours du gouvernement ne serait pas seulement utile,
mais indispensable. Depuis plusieurs années la classe des beaux-arts le
sollicite ; mais il y a lieu de croire que l'importance de cet objet n'a pas
été saisie, car nos lettres sont restées sans réponse jusqu'à ce jour. Obli-
gée de suspendre l'exécution de sa noble entreprise par cet empêchement,
la classe des beaux-arts n'y a cependant pas renoncé. Elle espère des
temps meilleurs et s'y prépare en recueillant les communications et les
renseignements qui peuvent l'aider dans ce grand ouvrage. Chacun de ses
membres y apportera le tribut de ses idées, de ses recherches et de son
talent.
Composée d'hommes qui tiennent le premier rang parmi les artistes du
pays et dont l'expérience a mûri le talent, la classe des beaux-arts a pensé
qu'elle pourrait être utile d'une autre manière; elle a cru qu'elle serait le
tribunal le plus compétent pour juger les grands concours de composi-
tion musicale, de peinture, de sculpture, d'architecture et de gravure.
L'influence qu'elle pourrait exercer sur la situation des arts en Belgique
deviendrait plus active par cette mission; mais elle ne lui a pas été
donnée. Les récompenses qu'elle distribue, elle ne les a pas décernées.
Elle a dit son avis à ce sujet au gouvernement ; mais le gouvernement
n'a pas partagé son opinion. A la vérité, quelques-uns de ses membres
sont appelés à faire partie des jurys spéciaux qui jugent les concours;
mais ils n'y siègent que comme individus avec des personnes étrangères
à la classe des beaux arts.
Les académies sont des êtres moraux et collectifs qui ne peuvent se
scinder sans cesser d'exister. Lors même que la raison ne démontrerait pas
que la classe des beaux-arts était dans le vrai en réclamant le droit de
juger les grands concours, elle aurait pour elle l'exemple de l'étranger;
car c'est l'Académie des beaux-arts de l'Institut de France qui a cette
mission à Paris ; il en est de même à Berlin. C'est par là que ces corps il-
lustres ont l'autorité qui leur est nécessaire ; c'est par là qu'ils manifes-
tent leur indépendance, et qu'ils exercent à l'égard des jeunes artistes un
patronage salutaire, tout en laissant à l'art la liberté qui est de son essence.
11 y a lieu de croire que lorsque la question sera mieux comprise par
l'administration belge, ses répugnances à ce sujet disparaîtront, et qu'elle
reconnaîtra la vérité de ce principe, que l'Etat, dans ses rapports avec
les artistes, ne doit qu'encourager et récompenser.
Je viens de me servir de deux mots qui n'ont guère d'application, re-
poussés qu'ils sont par cet autre, l'économie. Celui-là triomphe de tous les
sentiments, dès qu'il s'agit de l'art ou de la science. Cependant les arts
réclament à bon droit la part la plus solide et la plus brillante de la gloire
nationale. C'est par eux que la patrie s'est illustrée dans l'histoire; c'est
par eux qu'elle établit encore ses meilleures relations avec les nations civi-
lisées; c'est par eux que le peuple belge goûte ses plaisirs les plus vifs et
DE PARIS.
323
les plus purs: c'est par eux, enfin, qu'il se polit et devient meilleur. A ces
titres, ils méritent les sympathies des dépositaires du pouvoir. Malheu-
sement, les intérêts et les besoins matériels, maladies de notre siècle, ab-
sorbent toute l'attention de ceux-ci.
Si l'on accordait a ce qui procure les jouissances de l'âme et le bien-être
moral une minime part de la sollicitude qu'on a pour des choses moir.s
élevées, on ferait enfanter des merveilles par ces arts qu'on néglige et
qui ne se soutiennent guère que par leur propre force. Il y a eu d'autres
temps aussi mauvais que le nôtre, et peut-être pires. Au xvi° siècle, par
exemple, les entreprises violentes contre la foi, contre la propriété, le
carnage des champs de bataille, les malheurs de la guerre civile, la misère
et tous les fléaux réunis désolaient, le monde; mais les hommes d'élite
cherchaient des consolations dans les arts, et les artistes belges, en hon-
neur dans toute l'Europe, faisaient les délices des populations, charmaient
Rome, Vienne, Munich, Taris, et trouvaient des protecteurs chez les
Sforce à Milan, chez les Médicis à Florence, chez les d'Esté à Ferrare ,
chez les Farnèse à Parme, chez les Gonzague à Mantoue, et jusque dans
le sénat de Venise. Resterons-nous au-dessous de ces temps qualifiés de
barlares par la civilisation moderne? Je ne puis le croire. Si la sécheresse
et les vues mesquines de l'esprit démocratique ne parviennent pas à étouf-
fer le sentiment du grand et du beau, principe éternel de l'art, un temps
viendra où le pouvoir ne craindra pas de se compromettre en demandant
aux assemblées législatives les moyens nécessaires pour faire avec dignité
envers les artistes ce qu'expriment ces deux mots : Encourager, récom-
penser.
Réduite à placer ses espérances dans l'avenir, la classe des beaux-arts
a pu, du moins, réaliser une bonne pensée, par l'institution d'une caisse
de secours pour les artistes malheureux, pour leurs veuves et orphelins.
Non-seulement les membres de la classe ont contribué de leur bourse à
la fondation de cette caisse, 'non-seulement ils y ont porté le tribut de
leur talent, par le don généreux de leurs ouvrages , mais ils ont mis de la
persévérance à solliciter les secours et à exciter le zèle et la coopération
d'hommes intelligents, dévoués au soulagement de l'infortune. Leurs cou-
rageuses démarches ont été couronnées de succès. Qu'il me soit permis
d'être l'interprète de la reconnaissance de la classe, pour l'inépuisable
bonté du roi envers notre œuvre, et pour l'appui que le gouvernement a
bien voulu lui accorder en toute circonstance. En Belgique, on peut dif-
férer d'opinion en certaines choses ; mais on sûr do frapper juste quand
on s'adresse aux sentiments d'humanité.
A ce discours, salué par les vifs applaudissements de l'assemblée, a
succédé la proclamation du résultat des élections faites le jour précé-
dent ; puis le secrétaire perpétuel de l'Académie a fait un rapport sur
le grand concours de peinture de l'année 1852, sur ses résultais, et a
proclamé les noms des vainqueurs, auxquels le président a remis les
couronnes qu'ils ont conquises. La séance s'est terminée par l'exécu-
tion de la cantate : Le Festin, de Batlhasar, par M. Rongé, de Liège,
qui, l'année dernière, avait obtenu le second grand prix. En Belgique,
le grand concours de composition musicale n'a lieu que tous les deux
ans; la cantate qui obtient le premier grand prix est exécutée à la
séance publique de l'Académie des beaux-arts, dans la même année ;
celle à qui le second prix est décerné jouit du même avantage l'année
suivante.
\\ y a du savoir, un bon sentiment d'harmonie et déjà de l'habileté
d'instrumentation clans l'ouvrage de M. Rongé ; le caractère de la scène
est bien saisi, et le récitatif est convenablement déclamé ; mais les
idées manquent de distinction ; et d'ailleurs, la seconde partie de la
cantate, où l'intérêt devrait s'accroître, est inférieure au commence-
ment. Le jeune compositeur, qui dirigeait l'exécution de son ouvrage,
aura sans doute fait de lui-même ces remarques, dont il fera son profit
au prochain concours.
Au Directeur de la Gazette musicale.
Monsieur le Directeur,
Veuillez réparer une erreur de fait échappée à M. llalévy dans son ar-
ticle Amatiur, inséré dans votre numéro du 12 courant.
Le bon abbé Santini, qui depuis vingt-quatre ans daigne m'honorer de
son amitié, n'est point mort il y a quelques année!:. Agé de soixante-quatorze
ans, il jouit encore d'une santé parfaite et continue d'employer son temps
à mettre en partition la musique des grands maîtres du xvi» siècle. J'a-
jouterai que la vie des hommes sincères, modestes et laborieux comme lui
est de celles dont on doit le plus désirer la prolongation.
Agréez, etc., Adrien de La FAGE.
Saint-Mandé, 18 septembre.
NOUVELLES.
%* Demain lundi à l'Opéra, la Favorite, suivie du premier acte de la
Péri.
*„* Guillaume Tell a été donné lundi dernier, au lieu de Hobert-te-Diable.
Une indisposition de Depassio avait empêché de maintenir le spectacle.
L'affluence était grande et s'est augmentée encore pour le Juif errant, re-
présenté mercredi avec le succès qui accompagne toujours ce magnifique
ouvrage. lÙAert-le- Diable a repris son tour vendredi, avec Gueymard, De-
passio, Mme Laborde et Mlle La Grua, qui chantait pour la seconde fois
le rôle d'Alice. La jeune cantatrice en a parfaitement saisi le caractère
poétique et musical ; il n'y a plus, maintenant, que des éloges à lui don-
ner. Ihiber.t-le-Diable avait rempli la salle, comme dans les premiers jours
de son apparition.
*** Adolphe Adam est chargé d'écrire la musique du ballet nouveau,
dans lequel Fanny Cerrito fera sa rentrée ; ce ballet doit être donné dans
le courant du mois de novembre.
"V Le Père Gaillard et la Croix de Marin ont alterné à l'Opéra-Comique,
pendant la semaine qui vient de s'écouler. Actéem, la Perruche, Adolphe et
Clara, le Culife de Balowi, accompaguaient ces deux grands ouvrages.
%,* Mme Ugalde profite de son congé pour donner à Bruxelles et à An-
vers des représentations extrêmement brillantes et suivies.
Ve On annonce la première représentation de l'ouvrage en trois actes
de MM. Scribe, Germain Delavigneet Clapisson pour le commencement du
mois prochain.
*** L'opéra d'Adolphe Adam, *i j'étais roil poursuit sa brillante carrière
au Théâtre-Lyrique. Jusqu'à présent il a servi presque uniquement à for-
mer le répertoire. Deux fois seulement, depuis l'ouverture, on a donné
un autre spectacle, composé de la Poupée, de Nuremberg, cet ouvrage
si spirituel et si amusant, dont la musique est du même maître; de il a
tante Aurore, et du Mariage en l'air. Dans Si j'étais ro' ! la combinaison
des deux troupes se borne actuellement au partage du rôle de ténor entre
MM. Talion et Carré, et de celui de la prima donna entre Mmes Golson et
Sophie Noël. Laurent conserve toujours celui du roi, et Junca celui du
prince Kador. Nous devons signaler une très-jolie personne, Mlle Garnier,
qui chante au second acte un petit rôle de coryphée.
%* Rol)in-de,<-Dois doit être joué bientôt à ce théâtre. Les premières
nouveautés qui succéderont au chef-d'œuvre de Weber sont Tabarin, en
deux actes, de MM. Alboize et Georges Bousquet; Flore et Zéphyr, en un
acte, et Choisy. aussi en un acte, dont la musique est de M. Gautier.
*** Lablache n'est pas encore parti pour Saint-Pétersbourg, ainsi qu'on
l'avait annoncé par erreur.
t*t VA B C musical; la suite, le Solfège à deux voix, de Panseron,
ainsi que son Nouveau solfège concertant, à l'usage des pensions, des
classes d'ensemble et de l'école Wilhem, obtiennent toujours un immense
succès ; il en est de même de ses méthodes de chant pour toutes les voix.
Tous ses ouvrages sont adoptés dans toutes les classes. L'auteur re-
commencera ses cours de solfège, de chant et d'harmonie, le 1er octobre
prochain.
'%,* La messe à solos, composée par le même maître, a été exécutée deux
fois pendant le mois de septembre, à Beaumont et à Savigny, en Touraine.
%* Nous recommandons à nos lecteurs le cours d'harmonie pratique
dirigé par Mlle Juliette Dillon, organiste de la cathédrale de Meaux. Le
but spécial de ce cours est d'exercer les élèves à préluder et à improviser
sur le piano. Par une méthode toute pratique et un système nouveau,
Mlle Juliette Dillon garantit des progrès rapides et des résultats certains
en un court espace de temps. Joignant l'exemple au précepte, Mlle Ju-
liette Dillon improvise ou prélude devant les élèves à chacune de ses séan-
ces. 11 y a une séance tous les vendredis, de 2 à k heures. Les élèves sont
admises après un examen préparatoire. 11 y a aussi des séances à part
pour les jeunes personnes qui se destinent au professorat. — 17, boule-
vart de la Madeleine, et cité Vindé, à, Paris.
*:k* M. le chevalier de Landsberg , l'amateur distingué, si connu de
tous les artistes qui ont visité Rome, où son salon représente le véritable
centre de la vie musicale, est en ce moment à Paris. M. de Landsberg
possède, en outre, une des bibliothèques les plus riches et les plus cu-
rieuses de l'Europe.
%* L'inauguration du salon des bains de Sainte-Adresse s'est faite le
4 5 de ce mois, par une matinée musicale que donnait M. Sautreuil, ancien
lauréat du Conservatoire, et violoncelle-solo du théâtre du Havre. L'ar-
tiste a enlevé tous les suffrages, notamment dans son morceau sur des
motifs de Guillaume Tell, exécuté avec le concours de MM. Buziau et
OEschner, et dans sa fantaisie expressive sur les Monténégrins. Uue canta-
trice, Mlle Lassenne, et un chanteur, M. Bonnefoy, ont pris part au sus-
cès de cette brillante matinée.
VM. Widor, l'un des pianistes les plus distingué de Lyon, où il professe
avec le plus grand succès, est à Paris en ce moment. 11 promet de se faire
entendre à Saint-Vincent-de-Paul sur le bel orgue de Cavaillé-Coll, car
l'habile artiste excelle autant sur l'orgue que sur le piano.
%* M. J.-R. Croze vient de recevoir une lettre officielle de Rome qui
l'informe que le Saint-Père a bien voulu accepter la dédicace d'un 0 salu-
laris pour voix et orchestre, que cet artiste a composé et fait exécuter
avec un très-grand succès à Versailles.
%* Aujourd'hui, dimanche, doit avoir lieu à Lyon le grand concert mi-
litaire dirigé par George flainl, et donné au profit de l'Association des
324
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
artistes-musiciens. Douze corps de musique, donnant un total de sept
cents exécutants, y prendront part. Le programme se compose du Kyrie,
du Sanclus, de 1*0 salutarisde la messe de Sainte-Cécile, d'Adolphe Adam;
d'une fantaisie militaire, de Mohr, de la prière de Moise, de l'ouverture
de Fia Diavolo, d'une chasse de Rossini, arrangée par Fessy, des Bords
du Rhin, de Klosé, et de Judas Macchabée.
CRON1QUE SÉPfiRTSItlENÎflI,E.
%* Marseille, 25 septembre. — Le programme de la distribution des
prix aux élèves du Conservatoire avait été formé cette année avec au-
tant d'intelligence que de goût. Parmi les morceaux nouveaux figuraient
un air dela7'cmfes/a,chantéparM. Michel, jeune ténor;, un trio du Caril-
lonneur de Biuges et le chœur du Juif errant (la Saint-Jean). Ce morceau
d'ensemble si vif, si original et d'une orchestration si brillante, a produit
un immense effet sur l'auditoire. Nous avions rarement vu de succès
plus franc et plus unanime. Il faut dire aussi que les musiciens du
grand théâtre et les jeunes choristes y ont mis de l'amour-propre et riva-
lisé d'intelligence et de précision. L'air de Charles VI, chanté par Mlle de
Maupoint, est un de ceux qui ont eu les honneurs de la séance. Mlle de
Maupoint a dit ce morceau magnifique, non pas en élève, mais en artiste.
Un élève de M. Millont s'est également distingué dans un fragment du
sixième concerto de Rode ; l'air de la Somnambule par M. de Maupoint,
les couplets du Fou de Saint-James, par Mlle Reille, ont été ensuite fort
applaudis, ainsi que le grand concerto de Mendelssohn, exécuté par le
jeune Loreau, élève de M. Barsotti. Le grand final de la révolte, de Fer-
nand Cortés, dans la partie récitante avait été confiée à M. Méritan, an-
cien élève de M. Benedit, a vivement impressionné l'auditoire. Le public,
qui depuis longtemps était privé de ce chef-d'œuvre, a tressailli d'admi-
ration aux accents inspirés du conquérant espagnol et de ses soldats in-
trépides ; il a couvert de bravos et d'applaudissements chaleureux les der-
nières mesures du magnifique final. L'intermède de déclamation par
les élèves de M. Bénedit n'avait jamais obtenu autant de succès. Les élè-
ves ont dit cette année une scène de VEcole des Vieillards et un morceau
du Mercure galant.
*„* Louvain. — Vous aurez lu le résultat de cette tentative hardie, in-
croyable, de la part d'une société d'amateurs d'avoir voulu représenter
le CariW nneur de Bruges avant aucun théâtre de la province. Ce tour de
force sans exemple a réussi au-delà de toute attente, sous les yeux des
deux auteurs, MM. de Saint-Georges et Albert Grisar, et avec le brillant
concours de Mlle Wertheimber, la créatrice du rôle de Béatrix sur vo-
tre théâtre de l'Opéra-Comique. MM. de Sainl-Georges et Grisar ont été
ravis, transportés de l'exécution parfaite, admirable de leur œuvre.
Cette représentation a eu lieu en présence de LL. AA. RR. le duc de Bra-
bant et du comte de Flandre, qui ont fait demander dans leur loge les
deux auteurs et leur ont fait une réception des plus cordiales. Pendant
huit jours, MM. de Saint-Georges et Grisar ont été accablés de prévenan-
ces, d'attentions délicates, dignes, en un mot, de cette vieille réputation
d'hospitalité brabançonne. Banquet royal, bal royal, dîners, réceptions,
rappels au théâtre, fleurs, couronnes, aubades, compliments, félicitations
de la part de tout ce que l'ancienne capitale du Brabant, la dojte cité
louvaniste, compte d'hommes éminents parmi les magistrats, les artistes,
les gens du monde, rien n'a manqué à la gloire des deux illustres hôtes
que la ville universitaire avait l'honneur de posséder dans son sein.
%* Aix-la-Chapelle, 15 septembre. — Samedi dernier, la jeune et cé-
lèbre violoniste Mlle Milanollo, a failli être victime d'un affreux acci-
dent. Sur le grand théâtre de notre ville. Pendant que Mlle Milanollo
exécutait les variations sur le Rheiniveinliid, le bas de sa robe fut poussé
par le vent, qui venait d'une coulisse, près d'une des bougies du trou du
souffleur, et prit feu. Des cris retentissent de tous les points de la salle ;
mais la jeune artiste, sans se déconcerter le moins du monde, passe son
archet sur les flammes, qui s'éteignent immédiatement. Le public applau-
dit a outrance, et Mlle Milanollo reprit tranquillement l'exécution des va-
riations à partir de l'endroit où l'accident l'avait interrompue.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
%* Berlin. — Le 15 octobre prochain, sera représentée la Clémence de
Titus ; Mlle J. Wagner chantera le rôle de Sextus, et Mme Herrenburger
celui de Vitellia. — Mlle Franciska Wagner, sœur de la célèbre prima
donna, doit donner quelques représentations au théâtre de la Cour.
%* Weimar. — On attend pour le mois prochain Berlioz, qui doit diri-
ger en personne son opéra Ben ucnulo Cellini.
*** Francfort-sur-Mein.—A partir du l,r octobre, la direction du théâtre
passe aux mains de M. Hoffmann.
%* Vienne. — M. Strauss avait arrangé pour le Mi septembre une solen-
nité commémorative en l'honneur de son père. Plus de 4,000 personnes
ont assisté à cette fête funèbre, dans laquelle on n'a entendu que des
morceaux écrits par le compositeur défunt. — La reprise du charmant
opéra d'Auber, les Diamants de la couronne, a fait le plus grand plaisir.
*** Hanovre. — M. Marschner, maître de chapelle de la cour, vient de
donner sa démission. On ajoute que le célèbre compositeur aurait été
nommé directeur général de musique à Vienne.
%* Lisbonnr. — Mme Castellan doit débuter le 5 octobre dans la Son-
nambula. Le Théâtre-Italien promet d'être plus brillant que jamais.
— Plusieurs places d'enfants des chœurs sont vacantes à l'Opéra. Un
concours aura lieu le vendredi, l1' octobre, à midi, au théâtre.
EKH6.4f ajs?. — Dans l'article de M. Henri Blanchard sur l'Opéra-
Comique, que contenait notre avant-dernier numéro , au lieu de : le
style en imitation comique, lisez canonique.
Le gérant : Ernest DESCHAMPS.
chez l'auteur, rue taitbout, 10,
Et chez PRILIPP, éditeur de musique, boulevart des Italiens, 19 :
Op. 33. 1" trio pour piano violon et violoncelle 20
Op. 34, 2e trio pour piano, violon et vionloncelle 20
Op. 39. 2° sonate pour piano et violon 15
Passage Choiseul, 5i :
H. KOSEIAŒnv. Op. 137. Fantaisie sur le Tre Nozse. . 9 »
C. SCïHJBERT'. Op. 162. Echos du Rhin, valse pour
piano 6 »
Les mêmes a quatre mains 7 50
I'Duve BBÎArSEÏSJS et C, éditeurs, H©S, rue ESU-BneBûc oo,
SIX MORCEAUX CARACTÉRISTIQUES POUR LE
Op. 21.
N<" 1. lies Primevères (Retour du printemps) 6 > i S" l. Homarin (Deuil) 6
2. la Violette (Modestie) 4 » 5. E<a Pensée (Souvenir) 5
3. La Rose (Amour) 5 » I 6. Héliotrope (Enivrement 6
Op. 1. La Source, caprice 6
Op. 2. Deux caprices : le Rêve, la Brillante . 5
Op. 3. Trois mélodies: le Calme, une Fleur,
Valse styrienne 5
Op. ti. Fête cosaque, caprice 6
Op. 5. Trois mazurkas 6
Op. 6. Deux valses en 2 suites, chaque ... 5
Op. 7. Une nuit à Venise, fantaisie 0 »
Op. 8. Les deux Anges, morceau caractérist. 5 »
Op. 9. Trois mazurkas 6 »
Op. 10. N° 1. La Brise du soir 5 »
2. Nocturne • 5 »
Op. 11. Les Oiseaux, caprice 6 »
Op. 12. Chant national des Croates 4 50
Op. 14. La Plainte 6 •
Op. 1 5. L'eau dormante 6 »
Op. 16. Consolation, fantaisie 7 50
Op. 17. Marche militaire. 5 »
Op. 17 bis. Marche funèbre 5 »
Op. 18. Scène de ballet 7 50
Op. 19. Nocturne impromptu 5 »
Op. 20. Trois mazurkas 7 50
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Lisbonne.
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N« 40.
REVUE
3 Octobre 1852.
Prix de l'Abonnement :
Départements, Tlelgiquc cl Su
Étranger
Le Journal parait le Dimanche.
GAZETTE MUSICALE
9i garnis
■~v/\nArj\3'M<evfJ\n/v\/w
Nos abonnés reçoivent, avec le présent numéro, le portrait de
IRtXCOIS SCHUBERT, destiné a compléter la collection de ses
Mélodies, fjuc nous leur avons déju offerte.
SOMMAIRE. — Du développement futur de la musique dans le domaine du rhythme
(4' article), par Fétis père. — Les Soirées de l'orchestre (3e fragment), par KBec-
tor Kerlioz. — Elle, do Mendclssolm 13e et dernier article), par Léon
Kreutzer Théâtre de la Porte-Saint-Martin. — Eglise de Saint-Vincent-de-
Paul. — Jenny Lind. — Léopold Aimon, par SEenri lElancliard. — Nou-
velles et annonces.
DU DEVELOPPEMENT FUTUR DE LA MUSIQUE
Dans le «loisiisiDie du rliythme.
(fie article) (l).
Les mesures binaires et ternaires à divisions ternaires se confon-
dent quelquefois par l'effet avec les mesures binaires et ternaires à
divisions binaires, dans les rhythmes où celles-ci ont des temps en
triolets. Supposons, par exemple, un rhythme de cette espèce :
A llegro.
6 fi • fi * \ÊÊÊtâfi\Ê . g . \fippspfi\a
o I i M If i i II I h i M l Ml
rien ne le fera distinguer de celle-ci :
ir r icMirr \ûsûs
\tfififilfi\fi
3 3
Il est de même dans les rapports de la mesure à 9/8 avec la mesure
à 3/4, et de la mesure à 12/8 avec la mesure à Q.
Cependant, il est rare que la soppa, comme disaient les anciens
musiciens italiens, c'est-à-dire l'allure boiteuse des temps de ces me-
sures, ne les caractérise pas à un moment donné , et ne fasse cesser
la confusion dont je viens de parler. Dès qu'on entend ce mouvement
rhythmique : F FF F \F l'équivoque n'est plus possible ; car,
en supposant que le caractère eût été identique dans les premières
mesures, l'incertitude se dissiperait bientôt par la différence du temps
carré et du temps boiteux qui distinguent les deux systèmes de mesures.
Ainsi, les rhythmes que je viens de donner pour exemples cesse-
raient de se confondre si chacun d'eux se combinait avec un autre qui
résultât du caractère de la mesure, comme ici :
g r c r nccrcerir c r piccrccrir s r ciccrccnr i
Ittfoflf
Les rhythmes des mesures à temps ternaires procèdent du trochée
et de l'iambe ; mais, bien plus riches de combinaisons que ces pieds
poétiques, ils s'allient aussi bien avec la division binaire du temps mu-
sical qu'avec la division ternaire; et de plus, ils ont, dans cette der-
nière division, un double caractère ternaire qui n'existe pas dans la
poésie, celle-ci n'ayant rien qui réponde à la mesure ternaire à temps
égaux, bien que la théorie admette la tribraque et le molosse, lesquels,
comme l'on très-bien remarqué Hermann et Boeckh, se confondent
avec les pieds à temps binaires.
Les rhythmes basés sur les mesures à temps ternaires sont suscep-
tibles de deux genres de mutations. Les mutations de la première es-
pèce sont celles qui résultent du changement de temps dans l'attaque.
Ce système est celui que j'ai analysé dans mon troisième article, en ce
qui concerne les rhythmes des mesures binaires et ternaires à temps
binaires ; mais les transformations ont un effet plus saisissant dans les
rhythmes des mesures à temps ternaires, à cause de l'inégalité de ces
temps.
Supposons que le rhythme soit celui-ci :
Allegro.
srctirir ML'ir&m/
CM
(I) Voir les n" 35, 36 et 37.
il est évident que la force d'accent sera très-sensible sur la noire au
temps frappé, etquela première des trois croches, au temps levé, aura
un caractère beaucoup plus faible ; mais si le même rhythme com-
mence au temps levé, sa force d'accent sera déplacée et transportée à
la première du groupe des trois croches, ainsi qu'on peut le voir ici :
îî flÉiff CltL'f fltLVClfll
La mutation sera plus remarquable encore si le rhythme est iam-
bique au lieu d'être trochaïque, c'est-à-dire si la note brève précède la
longue. Supposons cette forme :
Allegro.
îtt or
eu r ■
tu
Ce rhythme a le caractère énergique ; mais si, après avoir été traité
avec développement dans cette forme par le compositeur, la phrase
est prise au temps levé de cette manière :
icir tr Gic/r trir cr
l'accent sera transporté de la première note sur la seconde , et le ca-
ractère général du rhythme, ainsi transformé, fera naître des impres-
sions absolument différentes, bien que la phrase mélodique soit restée
identiquement la même. Voici encore un exemple très-remarquable de
326
REVUE ET GAZETTE MUSICALE DE PARIS.
notation d'un rhythme basé sur la mesure ternaire à temps ternaires:
Moderato.
i ccrccrccr iccrtcrr
'f
La phrase ayant été développée en période dans ce caractère aryth-
mique, le compositeur pourra donner à sa pensée une signification
nouvelle, s'il change le temps d'attaque et dispose la phrase dans cette
forme :
Moderato.
9 7 fi fil f
o o s o
l/IUJ
m\
\i
'sa
Les dispositions rhythmiques susceptibles de transformations de ce
genre sont en nombre incalculable. Le génie peut y trouver d'im-
menses ressources non encore mises en œuvre, et le sentiment musi-
cal en éprouvera des émotions qui n'ont pas été suscitées jusqu'à ce
jour.
Le second genre de mutation du rhythme dans les mesures à temps
ternaires, résulte des rapports de ces mesures avec les mesures à
temps binaires dans lesquelles on introduit' des triolets accidentels.
Ces rapports fournissent le moyen de passer à l'improviste d'un sys-
tème de mesure à l'autre, et de caractériser une même phrase mélodi-
que par deux rhythmes différents. Ici, pour me faire comprendre, je
suis obligé de prendre mou exemple dans une phrase mélodique , car
une notation aphone serait insuffisante pour l'intelligence de l'effet ;
soit donc la phrase suivante :
Allegretto quasi andanle.
^^^mmmm
islesso tempo
Si je ne me trompe, il y a dans ce genre de mutation de rhythme,
appliqué à des phrases mélodiques, une source d'expression sentimen-
tale et d'effet dont l'art peut s'enrichir par l'heureux usage qu'en fera
le génie. Au moment où s'opérera la mutation, la sensation de surprise
s'ajoutera toujours à l'impression générale que produira la musique
par ses autres qualités.
Je viens de toucher à un ordre de faits et d'idées qui n'appartient
plus aux mutations d'un même rhythme et d'une mélodie identique
par le simple changement du temps de l'attaque. Il s'agit maintenant,
non des transformations d'un seul rhythme, mais de l'enchaînement
d'un rhythme avec un autre, soit par le moyen que je viens d'indiquer,
soit par tout autre. Mais avant d'aborder ce sujet si nouveau de la
transition des rhythmes dans le temps, il me reste à faire connaître
un autre moyen par lequel cette transition peut s'opérer d'une ma-
nière inattendue.
Indépendamment de l'accent involontaire que nous distribuons dans
les temps de la mesure, à raison de notre organisation physique, il est
une sorte d'accent esthétique dans lequel réside l'expression sentimen-
tale et poétique de la composition. Ce sont ces nuances de la sonorité
qui, par un mystère de notre organisation morale, nous émeuvent
quelquefois jusqu'à nous arracher des larmes , ou qui causent dans
tout notre être des élans énergiques et nous conduisent jusqu'à l'exal-
tation. L'accent esthétique semble ne pouvoir s'unir que d'une manière
absolue au sentiment qui a produit l'ouvrage ; s'il a la signification que
nous lui attribuons, on serait tenté de croire qu'il doit être invariable-
ment fixé pour chaque phrase, et qu'il ne pourrait être déplacé sans
qu'il en résultât quelque contre-sens, quelque impression antipathique
à notre sensibilité ; il n'en est pourtant pas ainsi. L'accent, dans l'exé-
cution, naît de l'inspiration spontanée, comme la conception de l'ou-
vrage en toutes ses parties.
J'ai vu jouer les mêmes rôles par Monvel et par Talma, par Mole et
par Fleuri, par Michot et par Baptiste cadet, par Dugazon etparDazin-
court, par Mlle Contât et par Mlle Mars. Ces artistes étaient tous de
premier ordre ; leur talent donnait toujours l'idée et le sentiment d'une
perfection qui a disparu du théâtre. Eh bien, chacun d'eux, puisant
dans son âme la seule règle de ses accents , disait différemment de
l'autre les mêmes passages ; je les ai même entendus plusieurs fois
dans les mêmes rôles, presque toujours différents d'eux-mêmes par
les inflexions ou les accents, et néanmoins toujours admirables. Il en
a toujours été de même dans le chant et dans le jeu des instruments.
Ainsi, j'ai entendu Crescentini et Garât chanter l'air : Ombra adorata,
aspetta, qui fit verser des pleurs à Napoléon ; tous deux y atteignaient
le sublime de l'expression ; cependant, leur manière de sentir et d'ex-
primer était souvent en opposition. Là où l'un deux diminuait l'inten-
sité du son jusqu'aux plus extrêmes délicatesses, l'autre arrivait par
degrés à l'énergique expression du désespoir, et tous deux faisaient
naître une irrésistible émotion. Serait-ce donc que le coloris de la
musique, parles nuances de la sonorité, n'aurait pas de base réelle?
Serait-ce qu'il dépendrait uniquement de la disposition individuelle et
momentanée de l'artiste ? Nullement; les accents par lesquels se colore
la musique sont toujours vrais et beaux lorsqu'ils sont inspirés par une
organisation d'élite, quelque différents qu'ils soient dans leur appli-
cation à des choses identiques , car nos sentiments sont eux-mêmes
susceptibles d'une infinité de nuances. Or, l'une ou l'autre de ces nuan-
ces venant à prédominer dans l'âme de l'artiste, son imagination se
monte à l'unisson du sentiment qui l'anime, et lui fait trouver l'accent
qui en est l'expression juste. De là l'originalité du talent.
Voilà sans doute un bien long préambule pour ce que j'ai à dire du
déplacement de l'accent intense qui peut exercer une très-grande in-
fluence sur le rhythme, et en préparer le mutations. C'est qu'il
est important d'établir que l'accent n'est pas destiné à se faire sentir
inévitablement à un instant donné dans une composition quelconque.
Toute phrase admet plusieurs modes d'expression, et l'une ou l'autre
manière de placer l'accent peut être également bonne. Supposons que
le compositeur ait conçu la première forme de sa pensée de cette
manière :
Allegro.
if r i r r i r r .
f V f P f P f
rien n'empêchera qu'il en change ensuite l'effet par ce déplacement
d'accent :
ff ,
îf f
V f
f f I f f
r r
p f ■ p f p
Ces deux modes d'expression seront également bons, et de leur op-
position naîtront des impressions variées.
L'exemple que je viens de donner n'est qu'une variété d'accentua-
tions d'un même rhythme ; mais il se peut que, une phrase rhythmique
étantdonnée, l'accentuation change l'impression du rhythme. Cette mu-
tation a lieu lorsque l'accent intense est binaire, c'est-à-dire frappe
de deux en deux sur un rhythme ternaire, ou lorsqu'il frappe de trois
en trois sur un rhythme binaire. Voyons un exemple de la première de
ces combinaisons. Je suppose que la phrase soit celle-ci, et que le com-
positeur l'ait d'abord accentuée de cette manière :
Allegro.
i r r r i r r r i r r f i r r f 1
f V f P f p f P
Dans le cours du morceau et au retour de la phrase, il pourra lui
appliquer le rhythme binaire, et l'effet sera celui-ci :
r r
p f
r r i r r r 1 1 r r
f p f p f p r p
DE PARIS.
327
Or, en dépit de ce rhythme d'accent binaire, l'auditoire, encore saisi
par le sentiment du rhythme ternaire de la composition, en conservera
l'impression : c'est alors que le compositeur pourra tromper son oreille
et passer réellement dans la mesure et dans le rhythme binaire ; la
musique aura changé de caractère sans que l'auditeur ait senti le mo-
ment de la transition. Voici un exemple de cet artifice. Je suppose que
la phrase soit celle que j'ai donnée primitivement avec son accentuation
ternaire conforme au rhythme, puis que la même phrase ait été répétée
avec l'accentuation binaire.
>c
v f * f P t V f P
^F
i
73.-4 -a- 4"
f T r
^â
f '■ V ' P
Supposons maintenant que la transition inverse soit à opérer, c'est-à-
dire que, la mesure et le rhythme étant binaires, le compositeur veuille
passer par une phrase caractéristique dans la mesure et dans le rhythme
ternaire de la manière la moins sensible : il pourra satisfaire sa fantaisie
à cet égard en opposant à la mesure et au rhythme binaire une accen-
tuation à temps ternaires. Supposons que la mesure et le rhythme
soient comme dans cet exemple :
c
cou nwlo
9 S 0 0 |
(P
0 s 0 a
1 h 1
s s
II
fp
tft
r p
S S S (S 9 9}
1 m F I ri'l .
fp I p f p f p f
etc.
» I!
Le compositeur préparera la transition par le retour de la phrase à
laquelle il appliquera l'accentuation ternaire, de cette manière :
etc.
<ç r 1 r 1 1 r m 1 1 r 1 r r 1 1 . 1 r r 1 1 1 r 1 1 r r r 1 1 r n
fp t p fp fp fp f p fp fp f
L'effet de cette accentuation boiteuse jette le désordre dans le senti-
ment rhythmique dont l'auditoire a été précédemment saisi : le moment
est favorable alors pour faire la transition dans la mesure et dans le
rhythme. Si nous supposons que la phrase primitive est celle-ci :
A llegro conmoto.
f P
' P f P f f
la transition se fera par l'accentuation ternaire, comme ici :
■ V f « f V
f P
f^i
f p f p f p
W
q=H=
f P
Tr=3
r p, f- f
Il est évident que ces procédés sont applicables aux mesures binaires
et ternaires à temps ternaires. Je ne multiplierai pas les exemples pour
démontrer que tous les rhythmes basés sur ces mesures de la division
du temps musical, peuvent être transformés par le moyen du déplace-
ment de l'accent, soit de la mesure binaire à temps ternaire dans la
mesure ternaire du même genre, soit de celle-ci dans la première, soit
enfin de l'une des deux dans une mesure binaire ou ternaire à temps
binaire. Chacun peut appliquer les procédés que je viens d'indiquer à
des rhythmes basés sur des mesures de ce genre, et acquerra la con-
viction que la transformation du rhythme se fera toujours d'une ma-
nière naturelle et presque insensible.
Le déplacement de l'accent n'est pas une nouveauté ; on en trouve
de nombreux exemples dans la musique instrumentale de Haydn, de
Mozart, de Beethoven et des compositeurs de l'époque actuelle; mais
aucun de ces artistes ne l'a conçu comme moyen de transition dans le
rhythme et dans la mesure.
Jusqu'ici je n'ai parlé que de la transition du rhythme par les muta-
tions des temps de la mesure et par le déplacement de l'accent : ces
transitions, comme on a pu le remarquer, ont pour effet d'introduire
dans la musique la variété du rhythme et la mutation de mesure, en
conservant l'unité de la pensée et l'analogie du sujet. L'objet que se
proposeront les compositeurs, dans l'usage qu'ils feront de ces nou-
veautés, sera de jeter une sorte d'agitation dans l'àme de leurs audi-
teurs, parla difficulté de saisir immédiatement la combinaison par la-
quelle s'opère le changement ; mais il existe d'autres moyens de passer
d'un système de mesure à un autre et de mettre en succession immé-
diate deux rhythmes de caractère différent. Dans cet ordre de concep-
tions rhythmiques, l'objet change; car il ne s'agit plus de faire éprouver
l'émotion d'incertitude; ce que se propose l'artiste, au contraire, dans
l'usage qu'il fera de cet autre système, sera de frapper d'une impres-
sion soudaine, par l'opposition des rhythmes, en laissant à l'intelli-
gence le moyen d'analyser rapidement la cause de la perturbation. Ce
second mode de mutation des rhythmes offre plus de variété que le
premier; son caractère est aussi plus original. Au premier aspect, il a
quelque chose d'étrange ; peut-être même pourra-t-il paraître en oppo-
sition avec notre sentiment, par cela seul qu'il est nouveau et, consé-
quemment, hors de nos habitudes; mais il est hors de doute que les
transitions de rhythmes sont dans le domaine de l'art, comme les tran-
sitions d'harmonies. Avant que celles-ci eussent été découvertes, on
n'en comprenait ni la nécessité, ni la possibilité; et même, lorsqu'un
homme de génie en trouva le principe, le premier sentiment fut celui
de la répulsion. Plus tard, l'art tout entier s'est transformé par là, et
l'on a fini par se passionner pour ce qu'on avait d'abord repoussé. Il
en sera de même à l'égard des transitions de rhythmes, quand on s'y
sera accoutumé, et surtout quand de grands artistes s'en seront em-
parés pour y appliquer les trésors de leur imagination. J'en expliquerai
le second système dans un prochain article.
(La suite prochainement.)
FÉTIS père.
LES SOIRÉES DE L'ORCHESTRE.
(3' fragment) (1).
Le premier grand Romain que j'aie connu à l'Opéra de Paris se nom-
mait Auguste : le nom est heureux pour un César. J'ai vu peu de majesté
plus imposante que la sienne. Il était froid et digne, parlant peu, tout
entier à ses méditations, à ses combinaisons et à ses calculs de haute
stratégie. Il était bon prince néanmoins, et, habitué du parterre comme
je l'étais alors, j'eus souvent à me louer de sa bienveillance. D'ailleurs,
ma ferveur à applaudir spontanément Gluck et Spontini, Mme Branchu
et Dérivis, m'avait valu son estime particulière. Ayant fait exécuter à
cette époque, dans l'église de Saint-Roch, ma première partition (une
messe solennelle) , les vieilles dévotes, la loueuse de chaises, le don-
neur d'eau bénite, les bedeaux et tous les badauds du quartier s'en
montrèrent fort satisfaits, et j'eus la simplicité de croire à un succès.
Mais, hélas! ce n'était qu'un quart de succès tout au plus; je ne fus pas
longtemps à le découvrir. En me voyant, deux jours après cette exécu-
tion : « Eh bien ! me dit l'empereur Auguste, vous avez donc débuté à
Saint-Roch avant-hier? Pourquoi, diable, ne m'avez vous pasprévenu de
cela? nous y serions tous allés ! — Ah ! vous aimez à ce point la mu-
sique religieuse? — Eh! non, quelle idée! mais nous vous aurions
chaujfé solidement. — Comment? On n'applaudit pas dans les églises.
— On n'applaudit pas, non; mais on tousse, on se mouche, on remue
les chaises, on frotte les pieds contre terre, on dit : « Hum ! Hum ! »
(1) Voir les n<" 38 et 39.
328
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
on lève les yeux au ciel ; le tremblement quoi ! Nous vous eussions fait
mousser un peu bien ; un succès entier, comme pour un prédicateur à la
mode. »
Deux ans plus tard, j'oubliai encore de l'avertir quand je donnai mon
premier concert au Conservatoire. Néanmoins Auguste y vint avec deux
de ses aides-de-camp ; et le soir, quand je reparus au parterre de l'O-
péra, il me tendit sa main puissante en me disant avec un accent pa-
ternel et convaincu (en français, bien entendu) : « Tu Marcellus eris ! »
(Ici Bacon pousse du coude son voisin et lui demande tout bas ce que
ces trois mots signifient. — Je ne sais, répond celui-ci. — C'est dans
Virgile, dit Corsino qui a entendu la demande et la réponse. Cela si-
gnifie : Tu seras Marcellus ! — Eh bien.... qu'est-ce donc que d'être
Marcellus? — Ne pas être une bête; tais-toi.)
Pourtant les maîtres ès-claques n'aiment guère, en général, les
bouillants amateurs tels que j'étais; ils professent une méfiance qui va
jusqu'à l'antipathie pour ces aventuriers, condottieri, enfants perdus de
l'enthousiasme, qui viennent à l'étourdie et sans répétitions, applaudir
dans leurs rangs. Un jour de première représentation, où il devait y
avoir, pour parler la langue romaine, un fameux tirage, c'est-à-dire
une grande difficulté pour les soldats d'Auguste à vaincre le public, je
m'étais placé par hasard sur un banc du parterre que l'empereur avait
marqué sur la carte de ses opérations, comme devant lui appartenir
exclusivement. J'étais là depuis une bonne demi-heure, subissant les
regards hostiles de tous mes voisins, qui avaient l'air de se demander
comment ils pourraient se débarrasser de moi, et je m'interrogeais avec
un certain trouble, malgré la pureté de ma conscience, sur ce que je
pouvais avoir fait à ces officiers , quand l'empereur Auguste, s'élançant
au milieu de son état-major, vint me mettre au courant en me disant
avec une certaine vivacité, mais sans violence toutefois (j'ai déjà dit
qu'il me protégeait) : « Mon cher monsieur, je suis obligé de vous dé-
ranger ; vous ne pouvez pas rester là. — Pourquoi donc ? — Eh non !
c'est impossible ; vous êtes au milieu de ma première ligne, et vous
me coupes. » Je me hâtai, on peut le croire, de laisser le champ libre
à ce grand tacticien.
Un autre étranger, méconnaissant les nécessités de la position, eût
résisté à l'empereur et compromis ainsi le succès de ses combinaisons.
De là cette opinion parfaitement motivée par une longue série d'obser-
vations savantes, opinion ouvertement professée par Auguste et par
toute son armée : Le public ne sert à rien dans un théâtre; non-seule-
ment il ne sert à rien, mais il ydte tout. Tant qu'il y aura du public à
l'Opéra, l'Opéra ne 'marchera pas. Les directeurs de ce temps-là le
traiLaient de fou, à l'énoncé de ces fières paroles. Grand Auguste ! Il ne
se doutait pas que peu d'années après sa mort une justice si éclatante
serait rendue à ses doctrines ! C'est le sort de tous les hommes de
génie d'être méconnus de leurs contemporains et exploités ensuite par
leurs successeurs.
Non, jamais plus intelligent, ni plus brave dispensateur de gloire ne
trôna sous le lustre d'un théâtre.
En comparaison d'Auguste, celui qui règne maintenant à l'Opéra
n'est qu'un Vespasien, un Claude. Il se nomme David. Aussi qui oserait
lui donner le titre d'empereur ? Personne. C'est tout au plus si ses flat-
teurs osent l'appeler roi, à cause de son nom seulement.
Le chef illustre et savant des Romains de l'Opéra-Comique s'appelle
Albert ; mais, comme pour son ancien homonyme, on dit en parlant de
lui : Albert le Grand.
Il a, avant tous, mis en pratique l'audacieuse théorie d'Auguste, en
excluant hardiment le public des premières représentations. Ces jours-
là, maintenant, si l'on en excepte les critiques, qui, pour la plupart,
appartiennent encore d'une ou d'autre façon Vins illuslribus urbis
Romœ, du haut jusqu'en bas la salle n'est remplie que de claqueurs.
C'est à Albert le Grand que l'on doit la coutume touchante de rappe-
ler à la fin de chaque pièce nouvelle tous les acteurs. Le roi David l'a
promptement imité en ceci ; et, enhardi par le succès de ce premier
perfectionnement, il y a joint celui de rappeler le ténor jusqu'à trois
fois dans la soirée. Un dieu qui, dans une représentation d'apparat,
ne serait rappelé comme un simple mortel qu'une fois à la fin de la
pièce, ferait four. D'où il suit que si, malgré tous ses efforts, David n'a
pu arriver pour un ténor généreux qu'à ce mince résultat, ses rivaux
du Théâtre-Français et de l'Opéra-Comique se moquent de lui le len-
demain et disent: « Hier, David a chauffé le four. » Je donnerai tout
à l'heure l'explication de ces termes romains. Malheureusement, Al-
bert le Grand, las du pouvoir sans doute , a cru devoir déposer son
sceptre. En le remettant aux mains de son obscur successeur, il eût
volontiers dit comme Sylla, dans la tragédie de M. de Jouy :
J'ai gouverné sans peur et j'abdique sans crainte,
si le vers eût été meilleur. Mais Albert est un homme d'esprit, il exècre
la littérature médiocre ; ce qui, à la rigueur, pourrait expliquer son
empressement à quitter l'Opéra-Comique.
Un autre grand homme que je n'ai point connu, mais dont la célé-
brité est immense dans Paris, gouvernait au Gymnase-Dramatique. Il
se nomme Sauton. Il a fait progresser l'art dans une voie large et
nouvelle. Il a établi par d'amicales relations l'égalité et la fraternité
entre les Romains et les auteurs ; système que David encore, ce
plagiaire, s'est empressé d'adopter. Maintenant on trouve un chef
dejclaque familièrement assis à la table, non-seulement de Melpomène,
de Thalie ou de Terpsichore, mais à celle même d'Apollon et d'Or-
phée. Il engage pour eux et pour elles sa signature; il les aide de
sa bourse dans leurs secrets embarras, il les protège, il les aime de
cœur.
On cite ce mot admirable de l'empereur Sauton à l'un de nos écri-
vains les plus spirituels et les moins enclins à thésauriser :
A la fin d'un cordial déjeuner, où les cordiaux n'avaient point été
ménagés, Sauton rouge d'émotion, tortillant sa serviette, trouva enfin
assez de courage pour dire sans trop balbutier à son amphitryon :
« Mon cher D..., j'ai une demande à vous faire... — Laquelle? parlez!
— Permettez-moi de... vous tutoyer., tutoyons-nous! — Volontiers.
Sauton, prête-moi mille écus. — Ah ! cher ami! tu me ravis ! (Et tirant
son portefeuille) : Les voilà ! »
Je ne puis vous faire, Messieurs, le portrait de tous les hommes il-
lustres de la ville de Rome ; le temps et les connaissances biographi-
ques me manquent. J'ajouterai seulement , au sujet des trois héros
dont je viens d'avoir l'honneur de vous entretenir, qu'Auguste, Albert
et Sauton, bien que rivaux, furent toujours unis. Ils n'imitèrent point,
pendant leur triumvirat, les guerres et les perfidies qui déshonorent
dans l'histoire celui d'Antoine, d'Octave et de Lépide. Loin de là,
quand il y avait à l'Opéra une de ces terribles représentations où il faut
absolument remporter une victoire éclatante, formidable, épique, à
rendre Pindare et Homère impuissants à la chanter, Auguste, dédai-
gneux des recrues inexpérimentées, faisait un appel à ses deux trium-
virs. Ceux-ci, fiers d'en venir aux mains près d'un si grand homme,
consentaient à le reconnaître pour chef, lui amenaient, Albert, sa pha-
lange indomptable ; Sauton , ses troupes légères, toutes animées de
cette ardeur à laquelle rien ne résiste et qui enfante des prodiges. On
réunissait en une seule armée ces trois corps d'élite, la veille de la
représentation, dans le parterre de l'Opéra. Auguste, son plan, son li-
vret, ses notes à la main, faisait faire aux troupes une répétition labo-
rieuse, profitant quelquefois des observations d'Antoine et de Lépide,
qui en avaient peu à lui adresser, tant le coup d'œil d'Auguste était
rapide et sûr, tant il avait de pénétration pour deviner les projets de
l'ennemi, de génie pour les contrecarrer, de raison pour ne pas tenter
l'impossible. Aussi quel triomphe le lendemain! que d'acclamations,
que de dépouilles opimes! qu'on n'offrait point à Jupiter Stator, qui ve-
naient de lui, au contraire, et de vingt autres dieux.
Ce sont des services sans prix rendus à l'art et aux artistes par la
nation romaine"
Croiriez-vous, Messieurs, qu'il est question de la chasser de l'Opéra?
Plusieurs journaux annoncent cette réforme, à laquelle nous ne croi-
rons pas, même si nous en sommes témoins. La claque, en effet, est
DE PARIS.
329
devenue un besoin de l'époque : sous toules les formes, sous lous les
masques, sous tous les prétextes, elle s'est introduite partout. Elle
règne et gouverne, au théâtre, au concert, dans les sociétés indus-
trielles, dans la presse et jusque danslessalons. Dès que vingt person-
nes assemblées sont appelées à déciderde la valeur des faits, gestes ou
idées d'un individu quelconque qui pose devant elles, on peut être sûr
que le quart au moins de l'aréopage est placé auprès des trois autres
quarts pour les allumer s'ils sont inflammables, ou pour montrer seul
son ardeur, s'ils ne le sont pas. Dans ce dernier cas, excessivement
fréquent, cet enthousiasme isolé et de parti pris suffit encore à flatter
la plupart des amours-propres. Quelques-uns parviennent à se faire
illusion sur la valeur réelle des suffrages ainsi obtenus; d'autres ne s'en
font aucune et les désirent néanmoins. Ceux-là en sont venus à ce point
que, faute d'avoir à leurs ordres des hommes vivants pour les applau-
dir, ils seraient encore heureux des applaudissements d'une troupe de
mannequins, voire même d'une machine à claquer dont ils tourneraient
eux-mêmes la manivelle.
Telle est l'impression inexplicable que ressentent presque tous les
artistes des bruits approbateurs ou improbateurs, lors même que ces
bruits n'expriment ni l'admiration ni le blâme. L'habitude, l'imagina-
tion et un peu de faiblesse d'esprit leur font ressentir de la joie ou de
la peine, selon que l'air, dans une salle de spectacle, est mis en vibra-
tion d'une ou d'autre façon. Le phénomène physique, indépendamment
de toute idée de gloire ou d'opprobre, y suffit. Je suis certain qu'il y a
des acteurs assez enfants pour souffrir quand ils voyagent en chemin
de fer, à cause du sifflet de la locomotive.
L'art de la claque réagit même sur l'art de la composition musicale.
Ce sont les nombreuses variétés de claqueurs italiens, amateurs ou ar-
tistes, qui ont conduit les compositeurs à finir chacun de leurs mor-
ceaux par cette période redondante, triviale, ridicule et toujours la
même, nommée cabalelta, petite cabale, qui provoque les applaudisse-
ments. La cabalelta ne leur suffisant plus, ils ont amené l'introduction
dans les orchestres de la grosse caisse, grosse cabale qui détruit en ce
moment la musique et les chanteurs. Blasés sur la grosse caisse et im-
puissants à enlever les succès avec les vieux moyens, ils ont enfin exigé
des pauvres maestri des duos, des trios, des chœurs à l'unisson. Dans
quelques passages, il a même fallu mettre à l'unisson les voix et l'or-
chestre; produisant ainsi un morceau d'ensemble àwraeseule partie,
mais où l'énorme force d'émission du son paraît préférable à toute har-
monie, à toute instrumentation, à toute idée musicale enfin, pour en-
traîner le public et lui faire croire qu'il est électrisé.
Les exemples analogues abondent dans la confection des œuvres
littéraires.
Pour les danseurs, leur affaire est toute simple; elle se règle avec
\' imprésario : « Vous me donnerez tant de mille francs par mois, tant
de billets de service par représentation, et la claque me fera une entrée,
une sortie, et deux salves à chacun de mes échos. »
{La suite au prochain numéro.)
H. BERLIOZ.
ELIE,
DE l?f EJVDEIiSSOHN.
3' article. (1)
La seconde partie commence par un air de contralto d'un rhythme
assez mollement balancé, mais dont la pensée flotte un peu indécise
au milieu de vagues harmonies.
Le chœur n° 22 pourrait être retranché sans grande perte pour l'ou-
vrage. Le caractère en est peu noble, et il emprunte à ce rhythme si
connu : une croche pointée suivie de la double croche, un caractère
héroïque qui, dans un tel sujet, est déplacé. Il n'en est pas de même
(1) Voir les n" 38 et 39.
du chœur n° 24 : « Qu'il périsse, qu'il périsse ! » Les cris de la foule
en imitations serrées (ici elles sont parfaitement à leur place, la scène
étant toute d'imprécations et de violences), sont d'une rare énergie;
l'accompagnement de cet impétueux morceau présente une figure de
doubles croches tourbillonnantes qui n'est pas sans analogie avec l'ac-
compagnement étrange sur lequel Beethoven a fait danser ses dervi-
ches dans les Ruines d'Athènes.
Je tourne vite plusieurs feuillets; je passe sur plusieurs morceaux
sans grande valeur, et j'arrive au bijou, à la perle de cette partition, le
trio des anges. Depuis Y Ave verum de Mozart, l'on n'avait rien écrit
de plus exquis. Que la musique excelle même à peindre les nuances
les plus délicates d'un même sentiment ! Dans l'Ave verum, le senti-
ment religieux est plus grave , plus touchant , plus douloureux. Un
souvenir des souffrances du Messie en rend l'expression à la fois poi-
gnante et douce. Dans le trio des anges qui protègent le sommeil
d'Élie, l'expression est également divine, mais aucune pensée de dou-
leur n'en trouble la limpidité. On ne saurait trop admirer d'abord
l'onction du chant ; ensuite, le soin extrême avec lequel le composi-
teur a su concentrer les voix de soprani dans les limites les plus mé-
lodieuses. En musique, choisir les timbres comme les rhythmes, tout
aussi bien qu'inventer une mélodie, c'est créer. Sans doute, le trio des
anges, transposé une tierce plus haut, ne perdrait rien de sa valeur
absolue, mais l'effet serait détruit. Ici la mélodie est effacée; c'est le
timbre qui lui donne ce caractère séraphique.
Le chœur qui suit semble comme un écho, dans la pensée humaine,
des vœux formés par les anges pour le sommeil du prophète ; mais la
musique perd un peu de son caractère extatique. Remarquez que le
trio est écrit sans accompagnement, et que la seule introduction des
instruments à cordes suffit pour faire descendre la pensée des humains
du ciel sur la terre. Par instinct nous sentons que le plus beau des
instruments, celui qui, naturellement, traduira le mieux les émotions de
l'âme, celui qui célébrera le plus dignement la divinité, c'est la voix
humaine. Aussi, les grands compositeurs la font-ils intervenir pres-
que seule, lorsqu'ils ont à exprimer un sentiment purement divin. C'est
une loi dont le raisonnement nous a donné la connaissance ; mais, chez
les anciens maîtres, c'est la conscience et la foi qui la leur ont donné.
Les instruments à cordes, fruit du travail de l'homme, n'offrent pas
ce caractère d'élan et de spontanéité. Et il est bon de signaler que
leur perfectionnement a coïncidé avec la décadence du style religieux
qui, à l'époque de Palestrina, brillait d'un immortel éclat.
Le chœur (n° 34) est très-remarquable, parce que le principe des
imitations, qui gouverne assez despotiquement le style religieux, est mis
ici au service d'une pensée musicale moderne. Ce morceau ne se pour-
suit pas d'une manière uniforme et d'un bout à l'autre, comme les
fugues anciennes ; il suit toutes les indications du texte. « Tout l'Horeb
s'ébranla. » La phrase musicale est énergiquement accusée. « Mais
Dieu n'était pas dans l'orage. » Ici la voix du chœur s'abaisse dans
un majestueux murmure. Cette scène, commencée avec une énergie
puissante, s'assoupit et prend à la fin un caractère suave et pieux.
Le récitatif et chœur qui suit (n° 35) est un double quatuor très-ha-
lement fait, mais inférieur, comme style, à celui que j'ai signalé (n° 7).
On y rencontre certaines formules scolastiques qui se présentent à
l'inspiration du compositeur lorsqu'il commence à s'épuiser.
11 faut l'avouer, l'intérêt décroît dans les dernières scènes. Par de
pittoresques détails, tels que l'enlèvement d'Elie, le compositeur sait
nous intéresser encore ; mais pour rendre cette seconde partie digne
en tout de la première, il eût fallu que Mendelssohn eût osé tenter un
nouveau courant de pensées qui l'eût entraîné plus haut et plus loin
que les limites qu'il s'était tracées. La venue d'Elysée, le nouveau
prophète auquel Dieu a remis sa parole, pouvait lui suggérer un final
pompeux qui dépassât encore la grande scène de BaaI. Chose étrange,
les compositeurs qui ont cultivé avec le plus de succès le style de l'ora-
torio ont prodigué au début toutes les ressources de l'imagination sans
songer presque que la terminaison de l'œuvre réclamait également
330
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
toute leur inspiration. La Création d'Haydn, si merveilleusement com-
mencée, après avoir parcouru un grand nombre de petits morceaux
sans intérêt, se termine malheureusement. Le chœur final de la Passion
de Bach est très-beau et très-touchant, mais il n'a pas le caractère pro-
fondément sublime de l'introduction. Quel prodigieux effet produirait
cette grande œuvre encadrée entre ce magnifique début pour préface,
et pour épisode, une hymne triomphale qui célébrerait la résurrection
du Christ ! Moins primitif, plus familier avec la science du succès, Men-
delssohn eût dû comprendre qu'il devait quelque chose à son auditoire,
si consciencieux qu'il ait pu le supposer. Tous les procédés de l'art
musical, il en avait usé, avec convenance il est vrai. La Passion, de
Bach, dans son introduction, lui offrait une combinaison nouvelle, com-
binaison rare, difficile, accessible seulement aux plus grands maîtres,
celle du double chœur, auquel se joint un choral qui plane, dans sa gra-
vité majestueuse, au milieu des combinaisons multiples des voix. C'eût
été une fin digne de l'ouvrage. Peut-être l'absence d'un grand morceaà
pour le chœur est-il le seul sérieux reproche que l'on puisse adresser à
Mendelssohn, et je ne doule pas que si sa main n'eût été glacée par la
mort, il n'eût modifié son dénouement.
Telle est l'analyse, imparfaite sans doule, de cette grande partition.
Je n'ai consigné dans cette revue que les points qui m'ont paru les
plus importants pour l'avenir d'un art qui est l'objet de mes sympa-
thies les plus ardentes. J'aurais pu signaler mille détails dignes des
méditations des artistes, mais j'aurais dépassé les bornes que je me
suis assignées. Je terminerai par un vœu et par un regret. Le vœu,
c'est qu'une partie de ces subventions, de ces encouragements qui
vont au théâtre pour y soutenir des pièces d'une morale plus que dou-
teuse, des compositeurs d'un talent plus qu'équivoque, se détournent
pour raviver en France les sources du grand style, pour préparer un
avenir aux compositeurs que le goût de la belle musique attirerait,
ceux qui ont la simplicité de supposer que l'Opéra et l'Opéra -Comique
ne sont pas les seuls temples de l'art, et qu'au delà de leurs coulisses
il n'y a rien à tenter.
Le regret le voici : M. Maurice Bourges nous a donné une excellente
traduction d' Etie; c'est celle qui est jointe à la partition de piano. 11 fal-
lait son habileté d'écrivain et surtout ses connaissances de musicien,
pour mener à bonnefin un travail si difficile. Mais enfin, j'ai sous les yeux
la grande partition. Le texte est en allemand, et au-dessous nous trou-
vons... le texte anglais. Ainsi l'éditeur a pensé que le nom de Mendels-
sohn réveillerait bien les échos de Londres ou de Manchester, mais qu'à
Paris le silence lui répondrait. C'est aux amateurs de musique qui
m'auraient suivi jusqu'au bout dans ce travail, et qui peut-être au-
raient puisé le désir d'approfondir l'œuvre eux-mêmes, à démentir la
prédiction. Léon KREUTZER.
THÉÂTRE DE LA PORTE-SâlMARTIN,
BlEVBB.UfSSD IBM , ntitsUgMe f8e -W. «le Groot.
Eglise fie Saint-Vlncent-de-Puni. — tlciinj Lin«l.
313, îiéopold Aimon.
Si la terreur et la pitié, au dire d'Aristote, sont les éléments es-
sentiels au succès de la tragédie, de toute œuvre dramatique, historique
et sérieuse, le Richard III, imité de Shakspeare et joué mardi dernier au
théâtre delà Porte-Saint-Martin, a complètement réussi. La plupart des
scènes de ce drame sombre et terrible sont autant de lames d'acier qui
flambloient aux yeux du spectateur en traversant son cœur et son ima-
gination. La pensée, le souvenir, l'image fréquemment retracée du
meurtre des enfants d'Edouard domine dans tout l'ouvrage, plane in-
cessamment sur l'action. Rutland, le confident, l'agent des cruautés du
duc de Glocester, est jeté dans une oubliette comme l'Amy Robsart du
Château de Kenilworth, de Walter Scott ; la reine-mère vient mourir
sous les yeux de son fils en le maudissant, pendant que la femme de
ce mauvais fils succombe, empoisonnée par lui ; il administre aussi du
poison à son ami, son confident, qu'il voit mourir sous ses yeux, chez le
vieux juif Awkins, et fait de plus empoisonner sa nièce Elisabeth parce
qu'elle refuse de l'épouser. Enfin, percé de coups à la bataille de Bos-
worth , il vient mourir devant les spectateurs , mourir à la manière théâtrale
des acteurs anglais, en se tordant et luttant contre la mort. L'auteur et
l'acteur ont bien compris ces caractères, ces tableaux si fortement
dessinés par le puissant Shakspeare : c'est Desdemone, c'est Roméo,
c'est Rachel enfin, dans son Adrienne Lecouvreur, peignant toutes les
affres du trépas. Il est impossible de mourir d'une façon plus énergique
et plus tragique que Ligier, qui joue admirablement Richard III ; il est
impossible de mourir d'une manière plus noble, plus touchante et plus
effrayante que Mme Person dans le rôle de la duchesse d'York; on ne
peut quitter la vie plus lestement que le personnage de Rutland ,
avec des convulsions plus que vraies, que le confident du Glocester, et
d'une manière plus gracieuse que Mlle Lia Félix dans son rôle de la
jeune Elisabeth, étendue dans sa tombe avant le temps.
Malgré tous ces trépas, et peut-être à cause de toutes ces morts, la
pièce vivra, car elle est bien constituée ; et ce qui ne contribuera pas
peu au charme de son existence , c'est que sur cette action riche et
puissante se meut une musique bien senlie, bien faite, colorée et dra-
matique, écrite par M. Groot, le chef d'un fort bon orchestre qu'il di-
rige habilement, et qui exécute d'une manière remarquable une remar-
quable ouverture de ce jeune compositeur.
Mme Lucie Mabire continue ses débuts dans cette pièce et fait ap-
précier de nouveau sa bonne diction et sa profonde sensibilité. Le rôle
important de Scropp est joué par Bignon avec un entrain, une chaleur
qui vivifient l'ouvrage et le pousseront dans une longue voie de repré-
sentations. Le théâtre de la Porte-Sair.t-Martin est exceptionnel par ses
grands succès et ses grands acteurs. Il y a d'anciens échos de musique
et de danse dans cette salle qui a été bâtie pour l'Opéra; elle a retenti
de grands et beaux succès littéraires. Ligier y a créé le Marino Faliero
qu'il reprendra sans doute. En attendant, on respire dans cette salle le
parfum des fleurs, et on y entend le murmure des jets d'eau qui se
jouent parmi ces fleurs ornant la devanture de la galerie et des loges.
Il y a quelque chose d'oriental et d'italien dans cette salle décorée
ainsi.
Comme l'abbé Pellegrin,
Qui dînait de l'autel et soupait du théâtre,
passons, sans autre transition, du théâtre à l'église. L'église accueille
aussi les arts, et s'en trouve bien. Celle de Saint-Vincent-de-Paul et
celle de la Villette s'ornent en ce moment de peintures à fresque qui
nous rappellent les basiliques orientales et occidentales du temps de la
renaissance. C'est dans l'église de Saint- Vincent-de-Paul que l'habile
organiste Lemmens, de Bruxelles, s'est fait entendre l'année passée,
et qu'il a eu pour auditoire l'élite des artistes et de la presse musicale
de Paris, qui a dignement apprécié et le virtuose et le bel instrument
de M. Cavaillé-Coll. Un autre artiste de talent, M. Charles Widor, or-
ganiste de Saint-François, à Lyon, s'est aussi donné le plaisir, lundi
dernier, de venir s'essayer sur l'orgue de Saint- Vincent-de-Paul, pour
quelques auditeurs que M. Cavaillé-Coll avait invités pour lui.
M. Charles Widor n'aborde pas la fugue, par soumission à certaines
tendances et prédilections ; il fait de la musique libre de toutes entraves,
mais non de toutes règles harmoniques. Sa mélodie est de bon goût,
distinguée même, et son harmonie pure et sévère, mais un peu froide.
M. Lefebure-Wely nous disait dernièrement qu'il n'est resté organiste
à Saint-Roch qu'à la condition, à lui imposée, de ne jamais jouer la
moindre fugue. Il faut cependant qu'un organiste connaisse cette partie
essentielle de l'art, non pour faire une fugue en style rococo, mais pour
savoir tirer parti d'une idée s'il lui en vient une, pour la traiter avec
clarté, sobriété, pour ne pas tomber dans la routine des cadences par-
faites, fort imparfaites au point de vue du goût et de la variété, pour
trouver, enfin, de ces mélodies contrastées que fait naître le contre-
point, etc., etc., etc., et une foule d'autres etc.
— Jenny Lynd vient d'envoyer 400,000 rixdalers de banque (un
million de francs) à M. Thomander, archi-prêtre de la cathédrale de
Dli PARIS.
331
Stockholm, et au docteur Wieselgrcen, premier pasteur de la même
église, pour fonder une école gratuite déjeunes filles suédoises, ses
compatriotes. Cela est grand, cela est beau. Jcnny Lind se fait ainsi
prêtresse de la charité matérielle et intellectuelle, après avoir ac-
compli dans les deux mondes sa noble mission d'artiste, de cantatrice
sans pair.
— M. Léopold Aimon est un de nos bons compositeurs. Après avoir
donné sur notre première scène lyrique les Jeux floraux, il s'est sou-
mis à une audition pour un second ouvrage intitulé : Abufar. L'effet
produit par celte partition a été des plus honorables pour le composi-
teur ; mais là s'est borné le résultat de cette audition. L'intelligent di-
recteur du grand théâtre do Marseille, s'est emparé de cette belle
partition et va monter l'opéra de MM. Aimon et Vaëz.
Henri BLANCHARD.
NOUVELLES.
%* Demain, lundi, à l'Opéra, Robert-h- Diable.
*„* La Favorite, le Juif errant, le Prophète, donnés lundi, mercredi et
vendredi, avaient attiré une foule immense. Le mois de septembre a été
l'un des plus productifs de l'année pour l'Opéra.
%* Avec la Favorite on donnait, lundi, le 1er acte de la Péri, pour la-
quelle M. Burgmullcr a écrit une si charmante musique.
%* Les études de Mo'Ue se poursuivent sans relâche. On répète au
théâtre les jours où il n'y a pas spectacle.
*J* Le nouveau ballet dont Adam écrit la musique et dans lequel Fanny
Cerrito fera sa rentrée est annoncé sous le titre (.YOrpha. La mise en scène
doit en être magnifique et dépasser la splendeur des féeries lesplus célèbres.
*** Le Père Gaillard est toujours en tète du répertoire de l'Opéra-Co-
mique et son entourage ne manque pas de variété.
%* La rentrée de Mme Ugalde aura lieu incessamment.
%* L'ouvrage en trois actes, dont la musique est de M. Clapisson, doit
être représenté dans les premiers jours d'octobre.
%,* On a lu aux acteurs l'ouvrage de MM. Scribe et Auber, dans lequel
Mlle Caroline Duprez jouera le principal rôle.
*,* Un journal de théâtre annonçait hier que Meyerbeer avait présenté
trois actes d'opéra comique à M. Perrin. Kous pouvons affirmer de la ma-
nière la plus positive que Meyerbeer n'a rien présenté.
%* La réouverture du Théâtre- Italien aura lieu le 1er novembre par uu
ouvrage nouveau de Frédéric Ricci.
*** Si j'étais roi l l'opéra d'Adolphe Adam, a continué la semaine der-
nière de former seul le répertoire du Théâtre-Lyrique.
*„* Hier samedi, on a donné la première représentation de Flore et Zè-
phir, ouvrage en un acte.
\* Hier aussi, l'Académie des beaux arts a tenu sa séance annuelle
pour la distribution des prix et l'exécution de la cantate couronnée. Nous
en rendrons coinpie dimanche prochain.
*** La réouverture des classes du Conservatoire de musique et de dé-
clamation a eu lieu vendredi en même temps que celle de la Bibliothèque.
*** Meyerbeer, qui était allé prendre les bains de mer à Boulogne,
est arrivé depuis huit jours à Paris, où il s'arrêtera quelques semaines
avant de retourner à Berlin.
*** Notre savant collaborateur, George Kastner, est revenu de Stras-
bourg pour quelque temps seulement.
%* On vient de composer à Berlin un texte explicatif, destiné à lier
entre eux les différents morceaux écrits par Meyerbeer pour le drame de
Struensée. Ce travail, fort habilement conçu, réunit dit-on, toutes les
conditions désirables, indépendamment de son mérite principal qui aura
pour résultat de rendre possible dans les concerts l'exécution du chef-
d'œuvre.
*** C'est le vendredi 22 octobre qu'aura lieu l'exécution du Requiem
de Berlioz, â la mémoire de M. le baron de Trémont, dans l'église de St-
Eustache.
*„* Ernst est toujours à Genève, où son talent rencontre les plus vives
sympathies. Quoiqu'il s'y soit fait entendre bien souvent, il annonce un
nouveau concert pour le 8 de ce mois.
%* Henri Rosellen, qui était allé passer les vacances â Trouville, est
de retour à Paris. Une nouvelle œuvre du fécond compositeur vient de
paraître : c'est une fantaisie brillante inspirée par les motifs du Juif er-
rant, et admirablement réussie comme tout ce qui. sort de la plume de cet
excellent auteur.
*„* Le journal de Constantinople nous apporte des nouvelles de Vivier.
Il nous apprend que le célèbre artiste donnait, au commencement du
mois dernier, un fort beau concert â Buyudkéré, dans la maison de
M. Jacques Alléon; que peu de jours après il prenait sa part d'un grand
dîner diplomatique chez le ministre des affaires étrangères, FuadEffendi,
et que, dans la soirée, il étonnait et charmait les convives en leur révé-
lant dans plusieurs morceaux son talent extraordinaire. « Vivier, ajoute
le journal, est un rare et brillant esprit qui jettera volontiers devant vous
toutes les fleurs de son imagination ; mais il garde précieusement dans
leur écrin toutes les perles de son talent et s'en montre fort avare. Il a su
toujours conserver sa dignité, n'a jamais voulu se prodiguer â tout venant
et a l'habitude de traiter d'égal â égal avec son public, qu'il porte cou-
ronne de reine ou d'empereur, peu lui Importe. 11 lui faut avant tout un
public qui lui plaise, qui ait ses sympathies et qui sache convenablement
apprécier, le croiriez-vous? et telle est cependant la charmante originalité
de cette rare organisation d'artiste, ses bulles de savon, qu'il aime et cul-
tive autant que son cor. »
*„* Masset, l'excellent chanteur, que nous avons entendu à l'Opéra-
Comique et au Grand Opéra, est de retour d'Italie. Son intention est de se
fixer à Paris et de s'y livrer au professorat.
%* Mlle Clauss, la jeune et célèbre pianiste, partira au mois de dé-
cembre prochain pour Saint-Pétersbourg.
*„* L'exécution du grand concert militaire donné â Lyon dimanche
dernier, sous l'habile direction de M. Georges Ilainl, a été fort belle. Rien
n'avait été changé, au programme que nos lecteurs connaissent déjà. Voici
la désignation des douze corps de musique, formant un total de sept cents
hommes, qui ont concouru à l'exécution. Infanterie, \k" de ligne, chef,
M. Bonnot;2ie, chef, M. Metzger; àt", chef, Sf. Brunet; 53°, chef, M. Wil-
hem; 57e, chef, M. Loth; 70e, chef, M. Schaller; 71°, chef, M. Abeneti. Cava-
lerie,1er dragons, chef, M. Barthe; 3° cuirassiers, chef,M. IIefner;5e dra-
gons, chef. M. Charpentier; 5e cuirassiers, chef, M. Bourguy ; fanfare lyon-
naise, chef M. Luigini. M. le baron Taylor avait fait exprès le voyage pour
présider à cette brillante solennité, à laquelle assistaient aussi MM. Zim-
merman et Alary, et qui se renouvellera bientôt, grâce â la bienveillante
protection des autorités militaires et civiles.
*,,* Sous le titre (Tor.gano fonocronico (orgue phonochronique), la Gazette
musicale de Milan fait un grand éloge d'un instrument dont l'inventeur est
M. de Lorenzi, à qui l'on doit déjà d'autres créations du même genre et
de la même perfection.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
%* Vienne. — Une des cantatrices des plus distinguées du théâtre de la
Cour, Mme Schutz-Odolsi , vient de mourir subitement à Bade , près de
Vienne. — Léopold de Meyer vient d'arriver. Schulhoff est parti pour
Odessa, où il compte donner une série de concerts. — Mme de la Grange
doit débuter incessamment par le rôle de Rosine, du Barbier. — M. Cornet,
ancien directeur de théâtre à Hambourg, remplacera M. de Holbein dans
la direction du théâtre de la Cour. La gestion de M. Cornet commencera
au printemps prochain. — Le 9 septembre, la Giralda, d'Ad. Adam, a été
donnée avec le plus brillant succès. Il revient en grande partie à
Mlle Schwarz, à qui le rôle de la reine a de nouveau fourni l'occasion de
faire applaudir son magnifique organe.
*„* Hambourg. — Pendant le séjour du roi de Suède on a donné le Pro-
phète; la salle était décorée et richement illuminée. Après la représenta-
tion, le corps de musique anséatique a donné une sérénade au souverain,
qui était descendu à l'hôtel de l'Europe. La reprise de Fra Diavolo, d' Au-
ber, a fait le plus grand plaisir.
*** Prague. — Une cantatrice qui avait joui autrefois d'une grande ré-
putation, Mme Batka. vient de mourir à l'âge de 88 ans. Parmi ses nom-
breux admirateurs on cite Schiller, qui l'avait entendue au théâtre de
Leipzig.
*,* Berlin. — M. Taglioni a composé un nouveau ballet, les Amazones,
qui surpasserait, dit-on, en luxe et magnificence de mise en scène, tout
ce que l'on a vu jusqu'ici on ce genre. La présence de M. Balfe se ratta-
che à la création d'un opéra italien dans cette capitale.
%* Stockholm, 17 septembre. — Le Théâtre-Royal, qui, comme tous les
ans, est resté fermé pendant les trois mois d'été, vient de faire sa réouver-
ture avec deux pièces françaises, le Mariage de Victorine, de George Sand,
et le Coucher d'une étoile, de Léon Gozlan. Avant la représentation et dans
les entr'actes, l'orchestre a exécuté l'ouverture du Domino noir, celle du
Siège de Corinthe, et la symphonie en la mineur de Mendelssohn.
*„* Grenade, 15 septembre. — Dimanche dernier, Ronconi a donné sur
le grand théâtre, au bénéfice du dépôt de mendicité, une représentation
de Maria ii Rohan. Après le spectacle, le premier alcade, président de la
municipalité, est allé trouver l'artiste dans sa loge, et lui a remis une
lettre de remercîment officielle. Le lendemain, la municipalité a offert à
Ronconi une couronne de lauriers en argent sur laquelle sont gravées les
armoiries de Grenade, et une inscription en rapport avec la circonstance.
Mme Vitalini, qui chantait le rôle de Marie, a reçu un bouquet de fleurs
exotiques, du prix de 700 réaux (175 fr.).
*„* Neiv-York, 8 septembre. — Mme Sontag est arrivée avant-hier au
soir avec le comte son mari, Cari Eckert et le ténor Pozzolini. Elle s'est
rendue dans les appartements qui lui avaient été préparés à Union-Place
hôtel, où l'on doit lui donner une magnifique sérénade. On a préparé pour
elle une voiture admirablement ornée de l'écusson de ses armes. On s'at-
tend à un succès d'enthousiasme de la part de la population entière des
Etats-Unis. — L'Alboni est rentrée en cette ville, où elle vient de donner
son premier concert de la seconde série. Les succès qu'elle a obtenus déjà
lui en promettent encore beaucoup d'autres.
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cm. widok. Op. 5. Scherzo brillant, pour le piano
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éd. vieiot. Op. 5. Fantasia, grande valse de concert
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— Op. 12. Harmonies poétiques, études pour piano. Liv. 3.
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— Bertrand Duguesclin, quadrille pour le piano. . . . .
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PARIS. — lMWUMI.UIt. U.NT1ULE TiE NAI'ULLO.N '
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K« 41.
REVUE
10 Octobre 1852,
>*Mx de l'Abonnement t
PoTis.m an. . . 24 lï.
Département», Belgique el SuL,sl! 30
Étranger , 34
Le Journal parait le Dimani\ ,fl
GAZETTE MUSiCALE
T&m PARIS
SOMMAIRE.— Raimondi et son oratorio, par Fétis père. — Académie des Beaux-
Arts, séance annuelle. — Distribution des prix. — Théâtre-Lyrique, Flore et
Zcph'r (première représentation!, par <«. Hoquet. — Les Soirées de l'orchestre
(4e fragment), par Hector Brrlioz. —Revue critique, la Charité et Cujus
animai», de Rossini; Transcription pour le piano, de Liszt, par Menri SSlan-
cliarel. — Nécrologie, J.-M. Schneitzhoeffer. — Correspondance, Bruxelles.—
Nouvelles et annonces.
RAIMONDI ET SON ORATORIO,
Bruxelles, 7 octobre 1852.
Permettez-moi de suspendre un moment la continuation de ma nou-
velle théorie du rhythme pour fixer l'attention des lecteurs de la Ga-
zette musicale sur l'œuvre colossale de Raimondi, dont il a été donné
une notice abrégée dans votre numéro 35, publié le 29 août dernier
Bien que cette notice explique suffisamment quelle est la nature de
l'oratorio dont l'histoire de Joseph est le sujet, j'ai pensé qu'un peu
plus de détails, particulièrement sur la personne du compositeur de
cette grande œuvre, ne serait pas sans intérêt pour quiconque aime
l'art, et que cela pourrait avoir le mérite de l'à-propos.
Et d'abord remarquons cette singularité, qu'en parlant d'un ouvrage
presque surhumain, et qui n'a pas' d'antécédent dans l'histoire de la
musique, on est obligé de donner au public quelques renseignements
sur son auteur, comme s'il s'agissait d'un inconnu, tandis que le
nom de Raimondi est celui d'un compositeur qui, pendant quarante
ans (1808 à 1848), adonné sur tous les théâtres de l'Italie soixante-
deux opéras, a écrit la musique de vingt et un grands ballets en deux
et trois actes, cinq oratorios, non compris le Joseph dont il est mainte-
nant question ; quatre messes à grand orchestre ; deux messes à 8 voix
réelles avec deux orchestres; une messe à deux chœurs réels dans le
style sévère; deux messes de Requiem à grand orchestre; une autre
messe de Requiem, à 8 et à 16 voix réelles; quatre vêpres complètes
avec orchestre et orgue; des compiles solennelles; un Credo à 16 voix
réelles; un Libéra ; un Te Deum à 4 voix; trois Stabat mater à 2, 3 et
4 voix; trois Miserere à 4 et à 8 voix, dont un avec orchestre; trois
Tantuin ergo ; deux litanies ; plusieurs psaumes à 4 et à 8 voix à grand
orchestre; les sept paroles de J.-C. à 3 voix; deux symphonies à grand
orchestre, combinées pour être exécutées ensemble ; les cent cinquante
psaumes de David à 4, 5, 6, 7 et 8 voix, dans le style alla Palestrina,
formant une collection de 15 volumes; un recueil de basses d'imitation
etfuguées pour l'étude de l'accompagnement et de la composition, pu-
blié à Milan chez Ricordi, à Rome et à Naples; un nouveau genre de
compositions scientifiques inventé par l'auteur, et démontré en douze
exemples très-remarquables, ouvrage publié à Naples chez P. Trama-
ter ; deux fugues en une, bien que différentes de forme, ouvrage divisé
en dix exemples, et qui a été imprimé à Rome ; une collection de parli-
menti composée de quatre-vingt-dix basses avec trois accompagnements
différents sur chacune, ouvrage élémentaire divisé en deux livres et
publié à Naples chez Clausetti ; quatre fugues à 4 voix, toutes en des
tons différents, mais qui peuvent être réunies en une seule fugue à 16
voix réelles; ce chef-d'œuvre de combinaison a été imprimé à la typo-
graphie Tiberina, de Rome; six fugues à 4 voix en des tons différents,
réunies en une seule fugue à 24 voix, publiées à Rome, à la même ty-
pographie; un fugue à 64 voix réelles, divisées en seize chœurs; seize
fugues à 4 voix ; enfin, vingt-quatre fugues à 4, 5, 6, 7 et 8 voix. Dans
cet ouvrage, publié à Milan, chez Ricordi, on trouve quatre ou cinq
fugues réunies en une seule.
Moi-même, qui fais aujourd'hui ces remarques, je connaissais à peine
Raimondi quand j'ai écrit sur lui une notice assez insignifiante dans la
Biographie universelle des musiciens. L'Italie n'est pas assez soi-
gneuse de la renommée de ses hommes d'élite.
C'est l'auteur de toutes ces choses, où brillent beaucoup d'inventions
nouvelles, et par dessus tout l'esprit de combinaison le plus extraor-
dinaire, c'est ce même Raimondi qui termine aujourd'hui sa carrière
par la composition prodigieuse dont le succès a tant d'éclat en ce mo-
ment. La plupart des lecteurs de la Gazette musicale se demande-
ront sans doute, en parcourant ces lignes, comme il se peut que le
nom d'un musicien si fécond et si habile soit tombé dans l'oubli. Je
crois pouvoir expliquer cette singularité par les observations que voici :
depuis le temps où Paisiello, Cimarosa et Guglielmi se partageaient le
sceptre de la scène lyrique en Italie, les habitants de ce pays n'ont
plus admis ce partage, et leurs sympathies se sont toujours concen-
trées sur un seul maître, astre autour duquel les autres gravitaient
plus ou moins obscurément. C'est ainsi qu'au commencement du siècle
présent, Mayr était le compositeur dont les succès avaient le plus de
retentissement et qu'on recherchait dans les villes les plus importantes,
quoique Fioravanti, Niccolini, Farinelli, Nasolini, un peu plus ancien,
Federici, Gnecco, Pavesi, et quelques autres, fussent des artistes de
mérite. On estimait leur talent; mais ils n'avaient pas la vogue de
Mayr. Rossini les fit bientôt tous oublier, et concentra presque sur lui
seul l'attention de toute l'Italie, quoiqu'il eût pour contemporains Ge-
nerali, Morlacchi, Pacini, et plus tard Mercadante, Bellini et Donizetti.
Après que l'illustre auteur A'Otello eut quitté l'Italie pour se fixer en
France, la fortune de Bellini commença, et tant que celle-ci dura, Do-
nizetti, bien plus grand musicien que son émule, ne fut qu'au second
rang pendant la vie de celui-ci, et ne jouit de toute la faveur de la po-
pulation italienne que dans ses dernières années. Mercadante, artiste
d'une grande valeur, a eu des phases très-variées dans sa carrière,
tantôt porté aux nues, tantôt presque oublié. Aujourd'hui, Verdi seul
334
REVUE ET GAZETTE MUSICALE DE PARIS.
occupe l'attention des dilettanli; demain ce sera quelque autre qui
mettra en oubli tous ses prédécesseurs et ses contemporains. Raimondi
fut du nombre de ces hommes de talent dont les ouvrages n'obtiennent
que des succès d'estime, la pire espèce de succès, et dont la vie se
consume en espérances toujours déçues. La plupart de ses opéras fu-
rent écrits pour les théâtres de Naples, de Milan, de Venise et de Pa-
ïenne; quelques-uns seulement furent mis en scène à Gênes, à Flo-
rence et à Rome. Au nombre de ses productions dramatiques, on cite
comme les meilleures: La Donna colonello, I Minatori scozsesi, II
Diserlore, l'Orfona russa, I Parenti ridicoli, II Ventaglio, tous re-
présentés à Naples; Le Finte Amazzoni, h Milan, et Francisco Do-
nato, écrit à Palerme.
Né à Rome le 20 décembre 1786, dans une condition peu fortunée,
il perdit son père à l'âge de onze ans et fut recueilli par une parente
qui le confia aux soins d'un prêtre, chargé de lui enseigner la langue
latine et les éléments de la théologie. Cependant, le penchant de Rai-
mondi pour la musique lui faisait négliger ses autres études. Ce pen-
chant se manifestait avec tant d'énergie, que la protectrice du pauvre
enfant consentit à le placer, en 1800, au Conservatoire de la Piela dei
Turchini,à Naples, où il fut mis sous la-direction -du-maîtreia Bar-
bera, et de Tritlo, pour le contrepoint.
Après six années d'études, Raimondi se trouva tout à coup privé des
secours qui l'avaient soutenu au Conservatoire, et dut quitter cette
école. Sans ressources, il fit à pied la route de Naples à Rome. Heu-
reusement il retrouva dans cette ville un frère de son père qui le re-
cueillit avec affection ; mais, trop pauvre pour lui procurer les moyens
de continuer sa carrière d'artiste , ce parent l'envoya à Florence, près
de son ancienne protectrice. Le pauvre Raimondi ne retrouva plus en
elle les sentiments d'autrefois, parce qu'il s'était toujours refusé à em-
brasser l'état ecclésiastique. La seule marque d'intérêt qu'elle lui donna
en le voyant arriver malade chez elle, fut de le faire entrer à l'hôpital
de Santa Maria Nvova. Triste situation pour un jeune homme de vingt
ans qui, jusqu'alors, s'était flatté des illusions de la gloire à venir!
Grâce à sa bonne constitution, il triompha de la maladie, peut-être
même de la médecine, et se retrouva dans la rue, respirant un air pur,
et sans autre souci que l'embarras de trouver un gîte et d'apaiser sa
faim. Il prit alors la résolution d'aller trouver sa mère à Gênes, bien
qu'elle lui eût montré peu de tendresse jusqu'alors, et, sans tarder,
il prit à grands pas le chemin de la délicieuse contrée connue
sous le nom de Rivièie de Gênes. Les enchantements de cette vallée le
ramenèrent à ses rêves de bonheur. Pour la première fois, il comprit
alors quel était l'état avancé de son instruction musicale et sentit qu'il
pouvait acquérir l'indépendance par sa propre force.
Arrivé à Gênes, il s'y livra au travail et se fit connaître par quelques
ouvrages qui commencèrent sa réputation. Bientôt après il reçut un en-
gagement de Florence et se rendit dans cette ville, où il écrivit pour le
théâtre de la Pergola la musique du drame Eloïsa Werner. Le bon
accueil fait à cet ouvrage le fit appeler à Naples dans la même année ;
il donna au théâtre Saint-Charles VOracolo di Delfo. Dès lors il montra
une prodigieuse activité dans ses travaux. L'opéra sérieux n'était pas
le genre pour lequel il était né ; la gaîté de son caractère le portait vers
le style bouffe, et il y montra incontestablement un talent qui eût été
mieux apprécié s'il se fût fait connaître dans des circonstances plus
favorables. Les premiers ouvrages par lesquels il donna des preuves de
cette spécialité de son talent furent II Panatico deluso, et Lo Sposo
acjltalo. Son chef-d'œuvre dans le même genre est II Ventaglio, joué à
Naples en 1831, puis sur tous les théâtres de l'Italie. Toutefois, il faut
le reconnaître, c'est moins par le brillant de l'imagination et par l'au-
dace de la fantaisie que Raimondi ajoutera son nom à la liste des illus-
tres musiciens, que par le génie de la combinaison des sons ; génie en.
son genre non moins rare que tout autre, et que cet artiste possède au
degré le plus éminent.
Raimondi, reconnu depuis longtemps pour le musicien le plus savant
de l'Italie, fut appelé à Palerme vers 1830, en qualité de directeur du
Conservatoire de cette ville, dont il a été la gloire pendant plus de dix-
huit ans. Par ses soins et ses leçons, plusieurs jeunes Siciliens ont ac-
quis de l'habileté dans l'art d'écrire ; les plus distingués sont Pittari,
Barbieri, Bonanno, et surtout Cutreva, dont le Solitario, joué au théâ-
tre de Palerme en 1838, donnait de grandes espérances, et qui, par
des circonstances inconnues, n'a pas poursuivi sa carrière d'artiste.
Les événements de la révolution, si funestes pour l'Italie et particu-
lièrement pour la Sicile, dans ces dernières années, paraissent avoir
porté atteinte à l'existence du Conservatoire de Palerme. C'est dans
ces' circonstances que Raimondi a revu la ville éternelle, à laquelle se
rattachent les souvenirs de son enfance et de quelques-uns de ses suc-
cès. C'est là qu'il a préparé l'exécution de son œuvre colossale, de cet
oratorio de Joseph , composé de trois oratorios susceptibles de cinq
combinaisons que le poëte sicilien, Joseph Sapio, a disposés pour le
tour de force inouï du compositeur. Cette œuvre immense a coûté plu-
sieurs années d'un travail environné d'immenses difficultés, que ne
peuvent comprendre les personnes qui n'ont pas fait une étude spé-
ciale et sérieuse de l'art d'écrire ; toutefois, lorsque l'immense assem-
blée qui encombrait le théâtre Argentina entendit les trois orchestres,
les trois chœurs éf les chanteurs solistes des trois oratorios de Putiphar,
Pharaon et Jacob se réunir en un seul corps de près de quatre cents
musiciens dans l'exécution simultanée de ces trois ouvrages ; lorsque,
saisie par l'immense majesté de cet ensemble, dont les détails conser-
vaient toute leur clarté, cette assemblée sentit les effets de la prodi-
gieuse puissance de tête qui avait combiné de tels effets , tout le monde
se leva spontanément, jetant des cris d'admiration ; une agitation im-
possible à décrire régna dans toute la salle ; des battements de mains,
des trépignements, des hourras enthousiastes saluaient le maître de
toutes parts, pendant que les femmes agitaient leurs mouchoirs dans
toutes les loges. Raimondi avait pu contenir au dedans de lui-même le
sentiment de sa force jusqu'à l'âge de soixante-six ans ; sa philosophie
avait pu se résigner à l'obscurité relative dans laquelle il était resté
pour la plus grande partie de l'Europe ; mais il ne put supporter l'é-
motion de l'incomparable succès qui venait couronner sa vieillesse : il
s'évanouit, et l'on fut obligé de l'emporter hors de la scène et loin du
bruit pour lui faire reprendre ses sens.
On comprend qu'il est impossible de trouver l'effet dramatique dans
la combinaison de trois sujets absolument différents qui se développent
simultanément. Il est facile de comprendre aussi que chacune des par-
ties du grand tout ne peut avoir la plénitude et l'intérêt d'une œuvre
simple dans laquelle le sentiment domine la conception. On ne doit
pas croire enfin qu'il puisse y avoir dans une combinaison esthétique,
telle que le Joseph, l'originalité d'idées qui peut se trouver dans un
opéra. Dans une conception semblable, le compositeur, constamment
occupé de la réunion totale de toutes les parties, est souvent obligé de
sacrifier dans celles-ci des beautés qui ne pourraient pas entrer dans
la combinaison. De là vient que le Putiphar n'a pas offert d'abord à
l'auditoire un grand attrait de nouveauté, quoique plusieurs morceaux
aient été remarqués par les connaisseurs ; entre autres, un chœur d'eu-
nuques à voix blanches, d'un effet fort original, une prière de ténor
bien chantée par M. Cecchi, un bon trio chanté par Adda, femme de
Putiphar, Joseph et Pharaon ; enfin, un ensemble agifato dans le final
de la troisième partie de ce premier drame, dont l'exécution fut diri-
gée par M. André Salesi.
Dans le second drame , intitulé Joseph ou Pharaon, l'introduction
est un chœur de fête où le peuple de Memphis chante la gloire de Jo-
seph. Ce chœur est disposé en accords staccati et sotlo voce, pendant
que les cors et trompettes font entendre une harmonie et une mélodie
d'un bel effet. Cette introduiclion a été fortapplaudie. On distingue aussi,
dans ce même drame, le beau chant, Vieni, ah ! vieni, o mio diletlo,
qui forme l'objet principal du final de la deuxième partie, et le final
de la troisième, Per quai via d'infinili portent/, avec une instrumenta-
tion i.euve et pittoresque.
Le Jacob est le même sujet qui a fourni à MéhulJ'occasion d'écrire
DE PAlilS.
335
un de ses chefs-d'œuvre. Entendue séparément, cette partie de l'œuvre
de Raimondi ne peut soutenir la comparaison avec les grandes beautés
de l'opéra du compositeur français : j'en ai dit la raison. Néanmoins,
l'introduction commence par un très-beau chœur de ténors et de basses,
lequel est suivi d'un chant très-expressif et irès-suave, sur les paroles :
Ah! di piunlo etemo, que Golini a dit avec avec un très-grand talent.
Dansle final de la première partie, se trouve un trio de Rachel et de Judas
réunis à Jacob, sur le beau chant Dchl Cessale, ofujli miei. L'introduc-
tion de la deuxième partie renferme un chœur du plus grand effet, ac-
compagné de harpes, sur les paroles: Oh ria sventural OduollLe
correspondant de la Gazelta musicale di Napoli s'exprime ainsi, en
parlant de morceau : « Ce grand chœur est magique ; les chants, en
» rapport avec l'expression de la poésie, passent alternativement des
» voix de dessus et de contraltos à celles de ténors et de basses, en
» mouvement contraire. Le coloris est partout de la plus exquise dé-
» licatesse ; la conduite du morceau est tracée avec une immense ha-
» bileté, l'instrumentation est ce qu'elle doit être, et l'ensemble est
» parfait. Ce grand chœur est l'émanation d'un génie véritable, et un
» chef-d'œuvre entre tant d'autres de'J'immortel Raimondi ! » Ce même
morceau paraît avoir excité un véritable enthousiasme dans toutes les
exécutions du Joseph qui se sont succédé depuis le 7 août. Un beau trio
et le final de la troisième partie ont aussi fait naître beaucoup d'in-
térêt.
Mais c'est surtout lorsque, après avoir entendu et applaudi ces trois
drames séparés, sous les directions particulières de MM. Salesi, Ratta-
glia et Terziani, l'exécution simultanée des trois drames, dirigée par
Raimondi en personne, s'est fait entendre; c'est alors que l'admiration
pour une si grande conception n'a plus eu de bornes. Qu'on y songe :
non-seulement aucune œuvre du même genre n'a jamais été essayée,
mais sa possibilité ne s'est présentée à l'imagination d'aucun composi-
teur. Au point de vue esthétique, il n'est pas désirable que des tours
de force de ce genre se multiplient ; mais on ne peut s'empêcher de
rendre un éclatant hommage au génie spécial qui a pu concevoir et
réaliser une entreprise si gigantesque.
FÉTIS père.
ACADÉMIE DES BEAUX-ARTS.
Séance annuelle. — Sistriteastâoai «Ses prix.
La musique est toujours l'élément principal de cette séance, et cette
année elle la remplissait presque entièrement. On y exécutait une ou-
verture, une cantate, et on y lisait l'éloge d'un musicien. L'ouverture
est l'œuvre de M. Duprato, lauréat de 1848, élève de M. Leborne, qui,
lui aussi, a formé M. Léonce Cohen, second prix de 1851, et premier
prix de 1852. Dans le rapport sur les envois des pensionnaires .de Rome,
il était question de M. Duprato, et même il n'était question que de lui
seul, d'où il faut conclure que les autres jeunes compositeurs n'ont rien
envoyé du tout. M. le secrétaire perpétuel parlait avec éloges d'une
symphonie de sa façon. Quant à son ouverture, nous avouerons fran-
chement qu'elle n'est pas excellente. Le premier mouvement a de la
grâce et du charme, mais il se prolonge trop et le charme s'évanouit.
Le second mouvement n'est qu'un pasticcio de thèmes venus des divers
coins du globe : il y a de tout, même un coup de grosse caisse imitant
le canon, sans qu'on en devine la cause. On dit que les ouvertures doi-
vent expliquer les opéras, mais quelquefois il peut arriver que les
opéras expliquent les ouvertures, et si nous entendions celui que M. Du-
prato a dans la tête, peut-être saurions nous mieux ce qu'il a voulu
faire. Ce n'est pas, assurément, chose facile et commode que d'écrire
la préface d'un livre qui n'existe pas.
M. Léonce Cohen, auteur de la cantate couronnée, était plus heureux
que M. Duprato. 11 avait un poëme, un sujet déterminé, des couleurs
indiquées d'avance. Ses collaborateurs étaient fiernardin de Saint-
Pierre et M. Rollet, qui, sous le titre de Retour de Virginie, avait mis
en action les dernières pages du plus admirable et du plus vrai des
romans. C'est dommage qu'à ce Retour de Virginie il manque tout
simplement une Virginie. Le drame, à trois personnages, se passe entre
Paul , sa mère et le missionnaire des Pamplemousses. Paul chante son
amour et les chagrins de l'absence dans des vers tendres et mélodieux.
Sa mère vient lui annoncer que Virginie arrive de France à bord du
Saint-Géran ; le missionnaire vient ensuite l'avertir que l'orage com-
mence et l'inviter à la prière. Après avoir prié, Paul veut s'élancer
dans les flots , et les flots lui apportent le cadavre de Virginie : voilà
tout le drame. M. Léonce Cohen n'a pas eu besoin d'un canevas plus
fort pour faire preuve d'un talent véritable. Le petit morceau instru-
mental servant d'introduction est parfaitement écrit. Le musicien avait
à reproduire des airs de danse nègres, se mariant au chant des oiseaux.
11 l'a fait d'une main très-habi!e et très-exercée : il a réussi par le co-
loris, par le rhythme, à tracer un tableau exquis. Son air et son duo
sont moins bien , le duo surtout, parce qu'il n'y avait pas là matière à
duo ; mais il se relève dans le trio par les belles et larges proportions
de la prière, par l'esquisse magistrale de la tempête. Son exorde et sa
conclusion sont tout à fait hors ligne ; c'est ce que nous avons entendu
de mieux depuis longtemps dans les cantates couronnées. Il y a là
l'étoffe d'un musicien qui possède son art, qui sait concevoir et conduire
un morceau, qui ne manque pas de souffle après une romance. Déjà au
concours dernier, nous , qui avions entendu les six' cantates, nous don-
nions la préférence à celle de M. Léonce Cohen , et nous ne doutions
pas que l'Académie ne la lui accordât l'année suivante. C'est un élève
qui fail beaucoup d'honneur à son maître, M. Leborne, l'excellent pro-
fesseur du Conservatoire. L'exécution de l'ouverture et de la cantate
n'en fait pas moins à M. Rattu, second chef d'orchestre de l'Opéra, et
toujours premier chef de l'orchestre académique. Roulo, Merly et
Mme Potier ont fort bien chanté les trois rôles de la cantate.
Entre ces deux jeunes musiciens, qui ne font que de naître, se pla-
çait la grande ombre d'un compositeur illustre, qui est mort récem-
ment plein de gloire et d'années. M. Raoul Rochette nous a lu sa notice
historique sur la vie et les ouvrages de Spontini, l'auteur de la Vestale
et de Fernand Cortez. Il nous a raconté avec son talent accoutumé
l'histoire de cet éminent artiste, qui marquera une époque de l'art et
dont le nom ne périra pas. Mais nous nous permettrons de lui dire
qu'il n'a pas raconté cette histoire tout entière, ou plutôt qu'il en a
effacé le trait le plus saillant. Sa notice historique est un peu trop dra-
pée en éloge toujours et constamment admiratif, sans restriction, sans
contraste. Ce qu'il y a de plus étonnant, de plus curieux en Spontini,
ce n'est pas qu'il ait eu du génie, mais qu'il n'en ait eu que deux fois ;
car on se trompe en voulant le représenter comme grand composi-
teur italien à son aurore, et grand compositeur allemand à son dé-
clin. Il n'a été que grand compositeur français au milieu de sa car-
rière, et c'est quelque chose dont on peut se contenter. Il nous semble
encore que dans la notice la plu? bienveillante, le caractère de l'homme
peut être au moins accusé; que ses travers, s'il en a eu, doivent en-
trer en ligne de compte et servir de commentaire à ses erreurs, à ses
déceptions. Le panégyriste de Spontini a retranché tout un côté de sa
physionomie, toute une moitié de son histoire, et ce qu'il s'est privé
d'écrire eût certainement acquis sous sa plume un très-haut degré
d'intérêt.
Pendant que nous sommes en train, signalons encore un grief qui
touche la dignité de notre ancien Conservatoire, contemporain de la
grandeur de Spontini. Cette grandeur avait eu des commencements
bien modestes, trop modestes surtout pour exciter l'envie. Spontini
seul au monde pouvait s'être imaginé, et persister à croire que le
Conservatoire tout entier s'était ligué pour faire tomber la Petite mai-
son, l'un de ses premiers et de ses plus faibles ouvrages ; qu'une ca-
bale avait été organisée, et que, à un signe du chef, la bande s'était
ruée sur l'orchestre, sur le théâtre, pour y mettre tout en pièces, ta-
bourets et instruments. Que le Conservatoire ait eu des préjugés, cela est
tout simple: Spontini lui-même en avait plus que personne, et puis qu'il
§36
REVUE ET GAZETTE 'MUSlCALë
n'admettait rien de ce qui était venu après lui. Mais d'un préjugé, d'une
antipathie, d'un pédantisme à une lâche et vile cabale, il y a loin, et
nous avons profondément regretté d'entendre l'existence de cett.e ca-
bale proclamée dans l'enceinte de l'Académie. Nous avons beaucoup
connu l'un des auteurs de cette malencontreuse retite maison, qui l'a-
vait bâtie en collaboration avec Dieulafoy, et nous pouvons affirmer
qu'il était le premier à en blâmer la structure, à déclarer qu'elle avait
mérité sa chute, sans que le Conservatoire fit jouer la sape et lamine.
Nous avons dit dans ce journal même (1) commeni et par quelle ren-
contre heureuse l'échec de la Petite maison valut au compositeur le
succès de la Vestale. Mais enfin la Vestale même avait eu besoin d'être
revue et corrigée, polie et repolie par des musiciens qui appartenaient
à ce même Conservatoire tant calomnié. Nous ne faisons nul doute que
Sponlini ne leur en ait gardé une rancune éternelle ; est-ce donc une
raison pour qu'elle soit épousée par ses historiens ?
P. S.
THÉA1 RE-LYRIQUE.
FIUSS5E ET ZlÉPia'W'IB.
Opéra comique en un acte, paroles de MM. De Leuven et Deslys,
musique de M. Gautier.
(Première représentation.)
Des gens qui ont la mémoire longue soutiennent que pour faire cet
ouvrage, M. de Leuven a eu d'autres collaborateurs que M. Deslys, et
M. Deslys d'autres associés que M. de Leuven. Ils parlent d'anciens
vaudevillistes nommés Barré, Radet, De Piis, que sais-je, moi? et d'un
vieux vaudeville intitulé, dans son temps, la Danse interrompue...
Aviez-vous jamais entendu parler de cela ? Sans remonter si haut, je me
souviens d'avoir vu jouer au Gymnase, dans ma jeunesse, les Vieux
péchés, qui peuvent se vanter d'une étroite parenté avec Flore et Zé-
phyr. Qu'est-ce que cela prouve ? Que l'idée est bonne, apparemment.
Et si MM. de Leuven et Deslys ont eu cinq prédécesseurs, que ne doit-
on pas attendre d'une œuvre à laquelle sept hommes d'esprit ont mis
successivement la main?
Donc, M. Vertbois est un vieux danseur qui a fait des économies, et
s' est retiré à Montargis avec Mme Vertbois, son épouse. Je ne saurais
dire lequel de M. ou de Mme Vertbois eut jadis le plus de réputation et
acquit le plus de gloire. Vertbois avait un jarret incomparable ; mais
tout le monde avouait que Mme Vertbois possédait un ballon merveil-
leux. Malheureusement, Berlin était le théâtre de leurs exploits, et faute
de savoir l'allemand, je ne puis consulter les documents officiels qui
m'aideraient à résoudre cette importante question. A danser si loin,
M. et Mme Vertbois ont perdu les trois quarts de leur gloire.
Faites vos flic-fiacs à Paris,
Et n'allez point en Allemagne,
dit le Temple du goût. A tous les points de vue, M. et Mme Verbois
ont dansé pour le roi de Prusse.
Que leur importe, après tout ? Ils sont bien revenus de toutes ces
chimères. Le mari est marguillier de sa paroisse ; la femme est dame
de charité. Ce sont d'honnêtes bourgeois, passablement fiers de leur
fortune, tenant furieusement à leur considération et gardant sur leurs
antécédents un silence obstiné.
Us ont une nièce, et cette nièce a un amoureux. Quant à l'amoureux,
il n'a rien, lui, si ce n'est une clarinette, dont il charme les habitants
de Montargis quand ils vont à la comédie. Il y est, dit-il, tout l'orches-
tre. Je crois qu'il se vante. 11 doit y avoir une grosse caisse à Montargis.
Vous imaginez bien de quel air hautain , de quelle œillade altière,
impérieuse, M. et Mme Vertbois accueillent ce téméraire virtuose quand
il leur vient demander la main de Mlle Mariette. — Impertinent ! malo-
tru! paltoquet ! A la porte! Un artiste! un musicien! et d'orchestre,
encore ! Ah ! fi !
(■) Voyez le numéro du 9 février 1851.
Saturnin expulsé, M. et Mme Vertbois partent pour le théâtre. Com-
ment résisteraient-ils à la tentation? L'on y joue Flore et Zéphyr, ce
charmant ballet, où ils ont jadis brillé tous les deux. Pendant qu'ils sor-
tent par la porte, Saturnin rentre par la fenêtre, et Mariette s'unit à lui
pour conspirer contre l'orgueilleux marguillier. — Si l'on pouvait lui
jouer quelque bon tour! Mais par où le prendre? — Une armoire est la,
qui habituellement reste fermée, et qu'on a défendu à Mariette de ja-
mais ouvrir. Par mégarde, la clef, cette fois, est restée dans la serrure.
— Que renferme donc de si mystérieux ce vieux meuble à moitié ver-
moulu ? — 0 surprise ! un casque de carton doré, un arc et des ailes
d'amour,
Une robe légère ,
D'une entière blancheur,
Un chapeau de bergère ,
une houlette, la défroque complète d'un Vestris et d'une Guimard de
province. Précieuse découverte! Mais Saturnin n'a guère le temps de
s'en réjouir. On heurte à la porte ; on monte l'escalier : c'est M. et
Mme Vertbois qui rentrent pendant que Yorcheslre était chez eux, fai-
sant l'inventaire de leur mobilier. Je me demande comment a pu mar-
cher la représentation de Flore et Zéphyr. Il faut que l'artiste qui joue
de la grosse caisse à Montargis ait bien du talent !
N'importe ! tout a mal été. Le parterre a montré, à l'égard des époux
Vertbois, une insolence rare. Il s'est moqué de la perruque à frimas de
monsieur et du vertugadin rose de madame. — Ah ! de notre temps
les jeunes gens avaient bien plus de politesse et dégoût! Et puis, quelle
exécution déplorable ! On ne danse plus aujourd'hui. Zéphire était
oui je lâche le mot, il était flasque. — Et Flore donc ! Vous en con-
viendrez, monsieur Vertbois : elle n'a pas de ballon ! — Ah ! ma chère,
quand je me souviens — Ah! mon ami, quand je me rappelle
— Quelle légèreté ! — Quelle grâce ! — Vous étiez séduisant ! — Vous
étiez divine !
Et là-dessus la perruque et le vertugadin mesurent leurs distances,
prennent des poses, sautent en cadence, et exécutent une dernière fois
ce fameux pas de deux qui fut leur triomphe, — se croyant seuls.
Déception ! ils ne sont pas seuls. Une clarinette tout à coup se fait en-
tendre à côté d'eux, et leur marque la mesure. C'est celle de Saturnin
caché sous la table, d'où il atout vu. Vous devinez le reste. Entre deux
contractants, dont chacun possède ce que l'autre désire, le marché est
bientôt conclu. — Vous nous garderez le secret ? — Vous m'accorderez
votre nièce? — Donnant, donnant.
Rien ne convient mieux à l'opéra que ces folies. Malheureusement,
ici , le dialogue n'est pas toujours aussi gai que les situations, et la mu-
sique l'est bien moins que le dialogue. Le genre bouffe exige de la lé-
gèreté, de l'entrain, une rapidité facile, un style naturel et simple, une
grâce sans apprêts ; il repousse tout ce qui sent le travail et l'effort,
tout ce qui semble courir après l'effet. Les harmonies compliquées ne
lui vont pas, ni les accompagnements prétentieux. Il veut surtout de la
mélodie, beaucoup de mélodie, et réserve ses plus grandes faveurs à
ceux qui la lui donnent vive, piquante et originale.
En fait d'idées mélodiques, nous n'accusons pas, à Dieu ne plaise!
M. Gautier d'être indigent. Mais, cette fois, il s'est montré un peu trop
avare. Dans les affaires, l'épargne est indispensable ; mais, dans les
arts, un peu de prodigalité sied bien. Son style, d'ailleurs, est lourd,
ou du moins paraît lourd, parce qu'il est plus sérieux que ne le com-
porte l'amour de M. Saturnin, la colère de M. Vertbois ou la douleur
de madame son épouse, qui a peur de ne plus être dame de cha-
rité. Il faut dans ces bouffonneries de la verve, du laisser aller, une
gaîté franche et intarissable. Quelques négligences n'y nuiraient pas :
la science guindée y glace tout.
M. Gautier, chef d'orchestre habile, connaît fort bien les procédés de
l'instrumentation, et tient à le faire voir. Cela est très-naturel. Mais
Pexcès en tout est un défaut. Son accompagnement est si serré, si plein
de détails, si riche d'effets, si sonore, que la voix en est étouffée. Il
prodi gue l'harmonie et lésine sur le chant. Le contraire vaudrait mieux,
SUPPLEMENT.
SUPPLEMENT.
LE PARIS.
337
et si nous lui disons aussi nettement la vérité, c'est parce qu'il est à un
âge où l'on peut encore changer d'habitudes.
Nous nous en tiendrons à ces observations générales, qu'il serait inu-
tile d'appliquer à chaque morceau en particulier. Quelques-uns, néan-
moins, ont été assez favorablement accueillis. Il y en a même un qui
a obtenu les honneurs du bis. Ce sont des couplets que chante Ma-
riette, pendant que son amoureux fait le pied de grue sous sa fenêtre
et sous la pluie. L'orchestre chante l'air : Il pleut, bergers, et cette
mélodie de Fabrc d'Égîantine lui servant de point de départ, l'auteur a
trouvé cette fois un rhythme franc, un chant assez naturel et facile à
comprendre, un discours musical qui se présente bien, avec homogé-
néité jusqu'au bout, ou peu s'en faut. Voilà ce que le public demande,
et ce qui réussit au théâtre. Pourquoi M. Gaultier ne procède-t-il pas
toujours ainsi? Nous n'aurions alors qu'à le louer, et notre tâche de
critique en deviendrait bien plus agréable.
G. HÉQUET.
LES SOIRÉES DE L'ORCHESTRE.
(4° fragment) (I).
Par la claque, les directeurs font ou défont à volonté ce qu'on appelle
encore des succès. Un seul mot au chef du parterre leur suffit pour tuer
un artiste qui n'a pas un talent hors ligne. Je me souviens d'avoir en-
tendu un soir, à l'Opéra, Auguste dire, en parcourant les rangs de son
armée avant le lever du rideau: a Rien pour M. Dérivis! rien pour
M. Dérivis! » Le mot d'ordre circula, et de toute la soirée Dérivis, en
effet, n'eut pas un seul applaudissement. Le directeur qui veut se dé-
barrasser d'un sujet pour quelque raison que ce soit, emploie cet ingé-
nieux moyen, et après deux ou trois soirées où il n'y a rien eu pour
M. *** ou pour Mme *** : « Vous le voyez, dit-il à l'artiste, je ne puis
vous conserver; votre talent n'est pas sympathique au public. » 11 ar-
rive, en revanche, que cette tactique échoue quelquefois à l'égard d'un
virtuose de premier ordre. « Rien pour lui ! » a-t-on dit dans le centre
officiel. Mais le public, étonné d'abord du silence des Romains, devi-
nant bientôt de quoi il s'agit, se met à fonctionner lui-même officieuse-
ment et avec d'autant plus de chaleur, qu'il y a une cabale hostile à
contrecarrer. L'artiste alors obtient un succès exceptionnel, un succès
circulaire, le centre du parterre n'y prenant aucune part. Mais je n'o-
serais dire s'il est plus fier de cet enthousiasme spontané du public ,
que courroucé de l'inaction de la claque.
Songer à détruire brusquement une pareille institution dans le plus
grand de nos théâtres, me paraît donc aussi impossible et aussi fou que
de prétendre anéantir du soir au lendemain une religion.
Se figure-t-on le désarroi de l'Opéra , le découragement, la mélan-
colie, le marasme, le spleen où tomberait tout son peuple dansant,
chantant, marchant, rimant, peignant et composant ? le dégoût de la
vie qui s'emparerait des dieux et des demi-dieux, quand un affreux si-
lence succéderait à des cabalettes qui n'auraient pas été chantées ou
dansées d'une façon irréprochable ? Songe-t-on bien à la rage des mé-
diocrités en voyant les vrais talents quelquefois applaudis, quand
elles, qu'on applaudissait toujours auparavant, n'auraient plus un coup
de main ? Ce serait reconnaître le principe de l'inégalité, en rendre l'é-
vidence palpable !
D'ailleurs, qui est-ce qui rappel-
lerait le premier sujet après le troisième et le cinquième acte? Qui est-
ce qui crierait Tous ! tous ! à la fin de la représentation ? Qui est-ce qui
rirait quand un personnage dit une sottise? Qui est-ce qui couvrirait
par d'obligeants applaudissements la mauvaise note d'une basse ou d'un
ténor, et empêcherait ainsi le public de l'entendre? C'est à faire frémir.
Bien plus, les exercices de la claque forment une partie de l'intérêt du
spectacle ; on se plaît à la voir opérer. Et c'est tellement vrai, que si
(1) Voir les n°' 38, 39 et 40.
on expulsait les claqueurs à certaines représentations, il ne resterai t
personne dans la salle.
Non, la suppression des Romains en France est un rêve insensé, fort
heureusement. Le ciel et la terre passeront; mais Rome est immor-
telle, et la claque ne passera pas.
Ecoutez!.... Voici notre prima donna qui s'avise de chanter avec
âme et une simplicité de bon goût, la seule mélodie distinguée qui se
trouve dans ce pauvre opéra. Vous verrez qu'elle n'aura pas un ap-
plaudissement Ah! je me suis trompé; oui, on l'applaudit;
mais comment! Comme cela est mal fait! quelle salve avortée, mal
attaquée et mal reprise ! Il y a de la bonne volonté dans le public, mais
point de savoir, point d'ensemble, et par suite il n'y a point d'effet.
Si Auguste avait eu cette femme à soigner, il vous eût enlevé la salle
d'emblée, et vous-même qui ne songez point à applaudir, vous eussiez
partagé bon gré mal gré son enthousiasme.
Il me reste à vous donner maintenant l'explication des termes les
plus fréquemment employés dans la langue romaine ; je profiterai pour
cela du dernier acte de notre opéra qui va bientôt commencer. Faisons
un court entr'acte, je suis fatigué.
(Les musiciens s'éloignent de quelques pas, se communiquant tout
bas leurs réflexions, pendant que le rideau est baissé. Mais trois coups
du bâton du chef d'orchestre sur son pupitre indiquant la reprise de la
représentation, mon auditoire revient et se groupe attentif autour de
moi.)
— Voici, Messieurs, quelques exemples tirés de cette belle langue
que les Parisiens seuls comprennent bien.
Faire jour signifie ne pas produire d'effet, tomber à plat devant
l'indifférence du public.
Chauffer un four, c'est applaudir inutilement un artiste dont le ta-
lent est impuissant à émouvoir le public ; cette expression est le pendant
du proverbe : Donner un coup d'épée dans l'eau.
Avoir de l'agrément, c'est être applaudi et par la claque et par une
partie du public. Duprez le jour de son début dans Guillaume Tell eut
un agrément extraordinaire.
Egayer quelqu'un, c'est le siffler. Cette ironie est cruelle, mais elle
présente un sens caché qui lui donne plus de mordant encore. Sans
doute, le malheureux artiste qu'on siffle n'éprouve par le fait qu'une
gaîté fort conteslable ; mais son rival dans l'emploi qu'il occupe s'égaie
de l'entendre siffler, mais bien d'autres encore rient in petto de l'acci-
dent. De sorte qu'à tout prendre, quand il y a quelqu'un de sifflé, il y
a toujours aussi quelqu'un d'égayé.
Tirage est pris, en langue romaine, pour difficulté, labeur, peine.
Ainsi le Romain dit : a C'est un bel ouvrage, mais il y aura du tirage
pour le faire marcher. » Ce qui signifie que, malgré tout son mérite,
l'ouvrage est ennuyeux, et que ce ne sera pas sans de grands efforts
que la claque parviendra à lui faire un simulacre de succès.
Faire une entrée, c'est applaudir un acteur au moment où il entre en
scène avant qu'il ait ouvert la bouche.
Faire une sortie, c'est le poursuivre d'applaudissements et de bravos
quand il rentre dans la coulisse, quels qu'aient pu être son dernier
geste, son dernier mot, son dernier cri.
Mettre à couvert un chanteur, c'est l'applaudir et l'acclamer violem-
ment à l'instant précis où il va donner un son faux ou éraillé, afin que
sa mauvaise note soit ainsi couverte par le bruit de la claque et que le
public ne puisse pas l'entendre.
Avoir des égards pour un artiste, c'est l'applaudir modérément, lors
même qu'il n'a pu donner de billets à la claque. C'est l'encourager
d' amitié ou a l'oeil. Ces deux derniers mots signifient gratuitement.
Faire mousser solidement ou à fond, c'est applaudir avec frénésie,
des mains, des pieds, de la voix et de la parole. Pendant les entr' actes,
on doit alors prôner l'œuvre ou l'artiste dans les corridors, au foyer, au
café voisin, chez le marchand de cigares, partout. On doit dire :
« C'est un chef-d'œuvre, un talent unique, ébouriffant! une voix inouïe.
On n'a jamais rien entendu de pareil. »
33S
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
L'ensemble de ces dernières opérations s'exprime par les mots soins,
soigner.
Faire empoigner, c'est applaudir hors de propos une chose ou un
artisle faibles, ce qui provoque alors la colère du public. Il arrive quel-
quefois qu'une cantatrice médiocre, mais puissante sur le cœur du di-
recteur, chante d'une façon déplorable. Assis au centre du parterre,
l'air morne, accablé, l'empereur baisse la tête, indiquant ainsi à ses
prétoriens qu'ils doivent garder le silence, ne donner aucune marque de
satisfaction, se conformer enfin à ses tristes pensées ! Mais la diva goûte
peu cette réserve prudente, elle rentre indignée dans la coulisse et
court se plaindre au directeur de l'ineptie ou de la trahison du chef de
la claque. Le directeur ordonne alors que l'armée romaine donne vi-
goureusement à l'acte suivant. A son grand regret, le César se voit
contraint d'obéir. Le second acte commence; la déesse courroucée
chante plus faux qu'auparavant ; trois cents paires de mains dévouées
l'applaudissent quand même, et le public furieux répond à ces manifes-
tations par une symphonie de sifflets instrumentée à la façon moderne
et de la plus déchirante sonorité. La diva l'a voulu, elle est empoignée.
Je crois que l'usage de cette expression remonte seulement au règne
de Charles X, et. à la mémorable séance de la chambre des députés,
dans laquelle Manuel s'étant permis de dire que la France avait vu
revenir les Bourbons avec répugnance , un orage parlementaire éclata,
et M. Foucault, appelant ses gendarmes, leur dit, en montrant Manuel :
Empoignez-moi cet homme-là.
On dit aussi, pour désigner cette désastreuse évocation des sifflets,
faire appeler Azor, de l'habitude où sont les vieilles femmes de sifflot-
ter en appelant leur chien, qui porte toujours le nom A' Azor.
J'ai vu, après une de ces catastrophes, Auguste désespéré prêt à se
donner la mort, comme Brutus à Philippes. Une seule considération le
retint : il était nécessaire à l'art et à son pays; il sut vivre pour eux.
Conduire un ouvrage, c'est, pendant les représentations de cet ou-
viage, diriger les opérations de l'armée romaine.
Brrrrrr ! ! Ce bruit que fait l'empereur avec sa bouche en dirigeant
certains mouvements des troupes, et qui est entendu de tous ses lieute-
nants, indique qu'il faut donner une rapidité extraordinaire aux claque-
ments et les accompagner de trépignements. C'est l'ordre de faire
mousser solidement.
Le mouvement de droite à gauche et de gauche à droite de la tète
impériale éclairée d'un sourire, indique qu'il faut rire modérément.
Les deux mains de César appliquées avec vigueur l'une contre l'autre
et s' élevant un instant en l'air ordonnent un brusque éclat de rire.
Si les deux mains restent en l'air plus longtemps que de coutume, le
rire doit se prolonger et être suivi d'une salve d'applaudissements.
Hum! lancé d'une certaine façon, provoque l'émotion des soldats de
César; ils doivent alors prendre l'air attendri, et laisser échapper, avec
quelques larmes, un murmure approbateur.
Voilà, Messieurs, tout ce que je puis vous dire sur les hommes et les
femmes illustres de la ville de Rome. Je n'ai pas vécu assez longtemps
parmi eux pour en savoir davantage. Excusez les fautes de l'historien.
L'amateur des stalles me remercie avec effusion ; il n'a pas perdu un
mot de mon récit, et je l'ai vu prendre furtivement des notes. On éteint
le gaz ; nous partons. En descendant l'escalier : « Vous ne savez pas
quel est ce curieux qui vous a questionné sur les Romains ? me dit
Dimsky d'un air de mystère. — Non. — C'est le directeur du théâtre
de ***; soyez sûr qu'il va profiter de tout ce qu'il a entendu ce soir et
fonder chez lui une institution semblable à celle de Paris. — Très bien !
En ce cas je suis fâché de ne pas l'avoir averti d'un fait assez important.
Les directeurs de l'Opéra, de l'Opéra-Comique et du Théâtre-Français
de Paris se sont associés pour fonder un Conservatoire de claque, et
notre curieux, afin de placer à la tête de son institution un homme
exercé, un tactitien, un César véritable, ou tout au moins un jeune
Octave, pourrait engager l'élève de ce Conservatoire qui vient d'obte-
nir le premier prix. — Je lui écrirai cela, je le connais. — Vous ferez
bien, mon cher Dimsky. Soignons notre art.
DIX-SEPTIÈME SOIRÉE.
On joue le Barbier de Séville de Rossini.
Personne ne parle à l'orchestre. Corsino se contente, à la fin de l'o-
péra, de faire observer que l'acteur chargé du rôle d'Almaviva, dans
cet étincelant chef-d'œuvre, était né pour être bourgmestre, et que
Figaro eût fait un suisse de cathédrale accompli.
DIX-NEUVIÈME SOIRÉE.
On joue Don Giovanni.
Je reparais à l'orchestre après plusieurs jours d'absence. Mon inten-
tion n'était pas d'y rentrer ce soir-là ; mais Corsino et quelques-uns de
ses confrères sont venus m'exprimer leurs regrets de m'avoir blessé
en taxant de cruauté ma critique; j'ai ri, j'étais désarmé et je les ai
suivis au théâtre. Les musiciens m'accueillent avec la plus vive cor-
dialité ; ils veulent me faire oublier mon mécontentement, qu'ils ont
cru réel ; mais dès le premier ccup d'archet de l'ouverture, chacun
cesse de parler. On écoute religieusement le chef-d'œuvre de Mozart,
dignement exécuté par le chœur et par l'orchestre. A la fin du dernier
acte : « Que pensez- vous de notre baryton Don Giovani ? me demande
Bacon d'un air de fierté nationale. — Je pense qu'il mérite le prix
Montyon. — Qu'est-ce que c'est? dit-il en se tournant vers Corsino.
— (Corsino). C'est le prix de vertu. — ■ (Bacon, étonné d'abord, très-
flatté ensuite, reprend avec une satisfaction douce : ) Oh ! c'est vrai,
M. K*** est un bien brave homme ! »
H. BERLIOZ.
REVUE CRITIQUE.
IL» «'dl idiote': et <ra .un » s. .1 c sa .c su du stabat mati-i' de BSOSSMï. —
S's'WQBgcii'ûgsaioias posta* Be B&ijûHno, par Hiïïfezv'T.
La mélodie italienne, et notamment les Soirées musicales de Rossini,
ont si souvent porté bonheur à Liszt ; il s'en inspire si bien , il les orne
de si brillantes arabesques, que tous les amateurs demusique de piano,
et ils sont nombreux, doivent se féliciter quand cet admirable méca-
niste veut bien se faire arrangeur. Moins fantaisiste que de coutume, et
s'occupant d'idées musicales plus graves, il vient de paraphraser, de
transcrire, comme il le dit modestement, sous le titre de deux mor-
ceaux écrits par lui, le bel air : Cvjus animam, du Stabat de Rossini,
et le Chœur de la charité, œuvre détachée, du même compositeur.
Dans une introduction assez courte , l'habile arrangeur procède
comme tous les faiseurs de fantaisies dans l'air du Stabat de Rossini ;
il annonce par fragments de deux mesures la mélodie principale, puis
il l'attaque franchement en doubles octaves de la main droite, avec un
dessin de marche fière et bien rhythmée à la main gauche. Sur cette
belle mélodie, qui se développe largement dans son intégrité, se des-
sine aussi un accompagnement en croches, six pour quatre, qui figure,
pour peu qu'on veuille voir de la poésie dans un accompagnement, les
harpes célestes ; et comme il y a toujours un trop plein d'harmonie et
de difficultés dans la tête et les doigts du compositeur-arrangeur, il met
des lignes supplémentaires au riche accompagnement qu'il a placé sous
la pompeuse mélodie de Rossini, supplément orné du mot italien ossia,
pour remplacer le ou alternatif, qui désigne le passage, le trait facile à
faire en place du difficile.
Après tout le luxe de la riche harmonie accompagnante que Liszt a
mise sur cette noble mélodie, vient un decrescendo de cette puissante
harmonie qui va perdendosi avec les arpèges des harpes dont les sons
semblent monter au ciel, et cesser d'être perceptibles à l'ouïe en entrant
dans l'infini.
Le Chœur de la Charité n'est pas arrangé avec moins de goût, d'es-
prit, on pourrait même dire d'inspiration; il est plus largement, plus
longuement traité. C'est, comme dans l'autre morceau, le même respect
de la mélodie bien exposée, bien mise en relief, mais avec une similitude
parfois de dessin dans l'accompagnement en arpège des harpes.
DE PARIS.
339
Ce chœur faisait partie d'un recueil de petites pièces de ce genre,
que l'importunité de ses éditeurs parvint à arracher à la paresse del
maestro di grari genio e di grari' far mente, alors qu'il avait juré de ne
plus rien écrire de nouveau. Ces chœurs étaient déjà anciens, excepté
celui sur la charité, qu'il composa pour parfaire le recueil. C'est donc
ce dernier morceau en mi naturel, en mesure à douze-huit, que Liszt a
transcrit pour le piano avec tout le tact, l'habileté qu'il apporte dans
ces sortes d'ouvrages. Le chant en est on ne peut mieux distribué entre
les deux mains, et domine toujours, bien que, par le luxe difficul-
tueux et brillant des traits, ces invocations h la douce charité ressem-
blent parfois aux accents de colère. Quoiqu'il n'aitque dix doigts, l'ha-
bile pianiste fait entendre plus de dix sons simultanément. Au reste,
comme il ne rêve qu'effets d'orchestre, le piano, par sa plume et ses
doigts, est orchestral ; et dans ce morceau, il lui fait rendre toutes les
sonorités et tous les timbres de voix dont se compose un chœur. S'il
se remettait à voyager et à donner des concerts, tous les publics de
l'Europe musicale lui demanderaient la Charité.
Henri BLANCHARD.
NÉCROLOGIE.
.s. xi. r>'i en-:, ■■ G'S'ïïaa •::>:;■; c-'E'b-:b5.
Peu de musiciens ont apporté dans l'étude et la pratique de leur art
des dispositions plus remarquables que celui dont nous avons à dire
quelques mots en ce moment.
Jean-Madeleine Schneitzhoeffer, dont le nom est si peu français, avait
pourtant vu le jour à Paris. La Biographie universelle des musiciens le
fait naître en 1789, et dans ce cas il n'aurait eu que 63 ans; mais lesbillets
envoyés par sa famille lui en donnent 67. Il était fils d'un hautboïste de
l'Opéra ; il fut admis au Conservatoire, et y reçut des leçons de Catel,
pour l'harmonie et la composition. Ses premiers essais donnèrent de
grandes espérances. 11 écrivit des ouvertures et même des sympho-
nies qui furent exécutées publiquement. Le jeune artiste ne tint pas
toutes ses promesses, et ce fut un goût trop vif pour le plaisir qui
l'arrêta dans son chemin.
Nommé timbalier de l'Opéra et de la chapelle du roi, en 1815, il
quitta cet emploi, en 1823, pour succéder à Adrien, comme chef du
chant, et en remplit les fonctions jusqu'en 1840. En 1833, il entra au
Conservatoire comme professeur d'une classe de chœurs, et y resta
jusqu'en 1850. A cette époque, ses infirmités toujours croissantes l'obli-
gèrent à se retirer.
Schneitzhoeffer a composé la musique de plusieurs ballets, et c'est
là son vrai titre de gloire. On a de lui la partition de Proserpine, de
Claire et Melctal, de Zëmire et Asor, des Filets de Vulcain, et de la
Sylphide, son chef-d'œuvre. Dans tous ces ouvrages on trouve beau-
coup d'idées, de fraîcheur, d'abondance, de coloris. Il avait aussi com-
mencé la musique d'un grand opéra, Sardavapale, mais il ne l'a pas
achevée; et en effet, il n'avait pas la force de tête, la persévérance de
travail, indispensables pour conduire à bonne fin la composition d'un
opéra. Il était presque le dernier d'une race qui se perd tous les jours,
celle des musiciens bouffons et mystificateurs. Doué d'un cœur excel-
lent, d'un caractère inoffensif , tant que dura sa jeunesse, il ne se plut
que dans les interminables plaisanteries qui étaient encore à la mode.
Le sérieux lui manquait dans les idées comme dans la tenue. Quand
l'âge mûr survint, et bientôt la vieillesse, il lui arriva ce qui devait lui
arriver : il tomba dans le découragement et la tristesse. Quelques
rares éclairs perçaient encore le nuage, mais c'était pourpeu de temps.
Nous avons conservé sa dernière carte de visite; c'était un canon com-
posé par lui, paroles et musique, et dont voici les paroles :
Pour l'an mil huit cent cinquante,
Je souhaite a mes amis
Bonne santé, forte rente
Et tous les plaisirs permis ;
Aux dames, un cœur traitable;
Aux messieurs, beaucoup d'ardeur.
Et quant a moi, pauvre diable,
Je reste leur serviteur.
On ferait des volumes avec le souvenir des facéties dont Schneitz-
hoeffer fut l'inventeur ou l'acteur. L'une des meilleures fut celle-ci. A
l'époque où M. Woets, pianiste distingué, avait cru devoir rédiger
ainsi ses cartes : Woets, lisez Outs; Schneitzhoeffer l'imita en mettant
sur les siennes : Schneitzhoeffer, lisez Bertrand.
Quelques amis, d'anciens collègues, des choristes de l'Opéra en grand
nombre l'ont accompagné, l'un des derniers jours de celte semaine, à
sa dernière demeure. Dans l'église de Montmartre , un de ses amis et
collègues voulait lui dire un adieu musical, et réclamait la clef
d'un piano qui se trouvait là pour l'accompagnement des offices ; il n'a
pu l'obtenir. Dans le cimetière, les choristes ont entonné tout à coup à
pleine voix le De profundis , pour se dédommager du silence forcé
qu'ils avaient gardé dans l'église, et pour répondre à l'intention pieuse
qui n'avait pu recevoir d'exécution.
P. S.
CORRESPONDANCE.
Bruxelles, 28 septembre 1852.
Après une clôture de quatre mois, notre opéra a rouvert. Il n'y a pas
eu seulement interruption momentanée des représentations ; il y a eu
changement de direction. Le sceptre lyrique est passé des mains de M. Ch.
Hanssens dans celles de M. Letellier, déjà entrepreneur du théâtre d'Am-
sterdam, et qui conserve, dit-on, les deux exploitations. M. Hanssens a
seulement conservé le bâton de commandement de l'orchestre.
La plupart des premiers sujets de l'ancienne troupe sont partis, sans
laisser de trop profonds regrets à la vérité, à l'exception de Mme Cabel
toutefois, dont on ne connaît pas encore la remplaçante, mais qu'on eût
fort souhaité de conserver. Nous avons fait connaissance avec presque
tous les nouveaux artistes. Je vais vous dire brièvement quel a été le ré-
sultat de leurs débuts.
Au ténor la première mention, car il peut être ou la ressource par ex-
cellence ou la ruine de la direction. Vous croyez sans doute que je vais
commencer par la jérémiade ordinaire sur la rareté des ténors, sur l'im-
possibilité d'en trouver de passables et sur l'obligation où l'on est d'ac-
cepter des voix médiocres, faute de celles qui n'existent plus à l'état de
pureté. Détrompez-vous. Qui est-ce qui a dit qu'il n'y avait plus de ténors?
Il y en a encore. La preuve, c'est que noos en possédons un ; non pas un
ténor d'occasion, un ténor de rencontre, plus ou moins avarié, esquivant
ce qu'il ne peut pas faire et retranchant son incapacité derrière les exi-
gences de la musique du jour. Notre ténor est un vrai ténor, puissant et
doux, d'un timbre énergique ou moelleux, selon les besoins de la scène,
prenant avec une singulière aisance les notes devant lesquelles nous n'é-
tions que trop accoutumés à voir échouer nos chanteurs égosillés avant
l'âge. Voulez-vous savoir d'où vient ce rare virtuose? Je vais me rendre
l'écho du bruit répandu sur la manière dont s'est révélée sa vocation.
M. Mirapelli (c'est ainsi qu'on appelle notre ténor) est né dans le midi
de la France. Il faisait, tout dernièrement encore, la guerre en Algérie
avec le grade de fourrier ou de sergent. Son capitaine l'entendit un soir
chanter au bivouac, fut frappé de la beauté de sa voix, et lui donna le
conseil de quitter l'état militaire pour embrasser la profession d'artiste
dramatique, non moins glorieuse parfois et toujours plus lucrative. Le con-
seil était bon ; mais comment le suivre ? Le capitaine se chargea de lever
les obstacles. A sa demande, le jeune sous-officier obtint son congé.
M. Mirapelli sortait du régiment avec sa jolie voix, mais voilà tout;
musicien, il ne l'était guère ; chanteur, il ne l'était pas. Avec des disposi-
tions naturelles secondées par un travail soutenu, il devint un peu l'un,
un peu l'autre; il apprit quelques rôles... et le voilà lancé dans la carrière.
Ses débuts à Bruxelles ont été assez heureux. Le public, charmé d'en-
tendre une voix fraîche et pure dirigée avec goût, sinon avec art, l'ap-
plaudit et le rappelle. Cette existence vaut bien celle qu'on goûte sur la
terre d'Afrique. M. Mirapelli ne deviendra pas maréchal de France; mais,
en échangeant cette éventualité douteuse contre les appointements et
les succès d'un premier ténor en faveur, il n'a pas fait un mauvais
marché.
Comme basse nous avons M. Ballanqué, que vous connaissez. Le premier
soir, dans la Favorite, on lui a trouvé peu de voix, et comme la puissance
pectorale est ce que les dilettantes de Bruxelles prisent le plus, on fut
340
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
très-froid à son égard. Dans la Juive il fut mieux accueilli, et dans les
Huguenots il eut du succès. En suivant cette progression, il triomphera
dans Robert-le-Diable. On s'accoutume à n'entendre pas des sons volumi-
neux, et l'on remarque de plus en plus l'intelligence et le bon style du
chanteur.
Faut-il vous parler des prime donne? Il le faut assurément, puisque j'ai
entrepris de vous faire passer en revue notre nouvelle troupe lyrique ;
mais ce n'est point la partie agréable de la tâche que je me suis donnée.
La direction avait engagé deux cantatrices, sauf ratification de ses habi-
tués, pour tenir le premier emploi, Ces deux cantatrices étaient Mme Stei-
ner-Beaucé, sœur de Mme Ugalde, et Mlle Uranie Cambier, Chacune d'elles
a fait deux des trois débuts auxquelles les obligent nos usages drama-
tiques. Mme Steiner-Beaucé a choisi pour les siens la. Favorite et Charles 17;
Mlle Cambier a paru dans la Juive et dans les Huguenots. Le public s'est
montré d'une réserve extrême à l'égard de la première, et a fait acte
d'hostilité contre la seconde. Quelle sera pour l'une et l'autre l'issue de la
dernière épreuve? C'est ce que personne ne sait, pas même la direction,
qui retarde tant qu'elle peut le moment de la crise, de peur d'être, un
beau matin, sans prima donna pour son spectacle du soir.
Voilà où en sont les choses de notre Opéra. Je ne vous parle pas des
emplois secondaires, qui sont tenus tant bien que mal. Du reste, le grand
répertoire n'est pas, pour le moment, ce qui préoccupe le plus vivement
l'attention publique. Elle porte tout entière sur Mme Ugalde, qui ne s'é-
tait jamais fait entendre à Bruxelles, et que nous possédons depuis bientôt
un mois. Le Caïd, V Ambassadrice, le Toréador, le Songe d'une nuit d'été, ont
appris successivement aux amateurs de notre capitale toutes les ressources
d'un talent que vous connaissez trop bien pour que je l'analyse ici. On
n'a pas trouvé à Mme Ugalde la voix sur laquelle on comptait; mais la per-
fection du mécanisme et le coloris de l'exécution ont dépassé ce qu'on
attendait. Il y a donc compensation à l'avantage de l'artiste, car il peut
être donné à tout le monde d'avoir de la voix, et tout le monde ne peut
pas acquérir un grand mérite de chanteur.
Les opéras repris par Mme Ugalde auraient suffi pour satisfaire la cu-
riosité pendant le nombre trop limité des soirées qu'elle comptait nous
consacrer ; mais elle a voulu, par une coquetterie dont chacun ici lui
sait gré, faire plus qu'il n'était nécessaire, en montant un ouvrage nou-
veau. Cet ouvrage, c'est Galathée, qu'on n'avait pas encore représenté
sur notre scène et qui vient d'obtenir un brillant succès, dû à la jolie mu-
sique de M. Victor Massé, en même temps qu'à son habile interprète.
Je quitte le théâtre pour vous parler de nos fêtes musicales. Quand je
dis fêtes musicales, il ne s'agit ni d'un de ces concerts interminables
comme on en donne en Angleterre, ni de l'exécution de quelque
chef-d'œuvre par de puissantes masses vocales et instrumentales. C'est
tout bonnement d'un concours de chant d'ensemble qu'il va être question.
C'est là notre fort ou, pour mieux parler, notre faible : les concours ! Les
gens ne se dérangeraient point pour venir coopérer à une œuvre artisti-
que; mais qu'on mette en jeu leur amour-propre personnel et leur vanité
communale, si je puis m'exprimer ainsi, vous les verrez accourir. Je re-
grette d'en faire l'aveu ; mais la vérité m'y oblige, et, d'ailleurs, les na-
tions pas plus que les individus ne gagnent à se dissimuler leurs défauts.
Il vaut bien mieux les confesser, et s'en corriger si l'on peut.
Nous avons donc eu un concours de chant d'ensemble. Ce concours était
international, suivant le programme, et pourtant on n'y a vu figurer que
des Sociétés belges, et cependant aucun appel, si je suis bien informé, n'a-
vait été fait aux Sociétés étrangères. Que signifie donc ici l'épithète d'in-
ternational? Le rédacteur du programme ignore-t-il la valeur de ce mot?
La chose est possible. La Belgique a conservé tous les préjugés de son an-
cienne organisation communale. Chaque province, chaque ville a sa phy-
sionomie, ses intérêts, son caractère et ses mœurs. Les Flamands ne
veulent avoir rien de commun avec les Walons, pas plus que les Liégeois
avec les Brabançons. Pour l'habitant de Bruxelles, le citoyen de Gand,
celui d'Anvers, celui de Bruges, sont des étrangers ; c'est ainsi qu'on les
nomme publiquement et de la meilleure foi du monde. C'est probable-
ment pour ce motif qu'on aura qualifié d'international le concours dont
j'ai à vous entretenir.
Prévoyant, d'après le nombre des Sociétés inscrites, que la durée du
concours dépasserait les limites raisonnables si on les faisait toutes com-
paraître dans la même séance et devant le même jury, on les divisa en
deux catégories. Pendant que la lutte s'ouvrait entre les Sociétés des
communes dans la salle de la Grande-Harmonie, les Sociétés d'ouvriers,
celles des villes de second et de premier rang entraient en lice dans le
temple des Augustins. Nonobstant cette précaution, le concours, pour la
seconde catégorie, se prolongea de neuf heures du matin jusqu'à dix
heures du soir. Il va sans dire que les auditeurs n'étaient pas tenus de
subir le supplice de ces treize heures de chant choral; mais le jury n'a-
vait pas, lui, la faculté de se l'esquiver. Quelle situation que la sienne !
L'inquisition n'eut pas de torture comparable à celle-là.
Quoi qu'il en soit, ce que j'ai entendu de ces concours, tantôt m'échap-
pant pour aller respirer, tantôt revenant à la charge, m'a donné la con-
viction que le chant en chœur a fait beaucoup de progrès en Belgique de-
puis quelques années tant dans les communes que dans les grandes villes.
Nous ne sommes pas encore arrivés au point où en sont les Allemands
après une longue expérience, mais nous sommes en train de les rattraper.
Les associations chantantes d'ouvriers sont nombreuses et déjà passable-
ment exercées. Ne trouvez-vous pas que ce sont là des institutions excellen-
tes, et qu'on ne saurait trop encourager dans l'intérêt de la civilisation?
Les ouvriers qui se réunissent pour chanter et qui donnent à la culture de
l'art musical les loisirs qu'ils consacraient jadis à de grossiers divertisse-
ments, font un grand pas dans l'ordre des idées morales.
Outre les prix généraux fondés pour les différentes catégories de Socié-
tés, il y avait un prix particulier, un prix d'excellence auquel pouvaient
seulement prétendre lès Sociétés couronnées dans des concours précé-
dents. La lutte a été vive entre les Mélomanes de Gand, les Chœurs de la
même ville et Orphée, de Liège. La palme est échue aux Mélomanes de
Gand. Vous imagineriez difficilement quelle scène de confusion suivit la
proclamation de ce résultat. Ce lurent tout à la fois des applaudissements,
des cris de joie et des explosions de murmures à réveiller un sourd. De
l'intérieur de la salle l'agitation gagna la rue, où stationnaient des groupes
de Gantais et de Liégeois dans l'attente d'une décision à laquelle ils atta-
chaient la plus haute importance. On ne fut pas sans crainte sur la pos-
sibilité d'une collision ; on était animé de part et d'autre ; les deux Sociétés
de Gand surtout semblaient prêtes à céder aux mauvaises inspirations
d'une vanité mal placée. L'émulation est une chose louable ; mais il ne
faut pas qu'elle soit poussée jusque là. Si des concitoyens s'oubliaient au
point d'en venir aux mains à propos de chant d'ensemble, que faudrait-il
penser de l'opinion des philosophes qui attribue à la musique le pouvoir
d'adoucir les mœurs? Que faudrait-il penser de la nation chez laquelle
s'accomplissent de pareils actes et qui a la prétention, justifiée sous beau-
coup de rapports, de marcher de pair avec les plus civilisées? Pour notre
honneur national , il est heureux que les choses n'en soient pas venues à
cette extrémité.
%* Demain lundi, à l'Opéra, Guillaume Tell.
*** Robert-lc-Diable, les Hugwnoti et le Juif errant, successivement
représentés , ont amené trois soirées d'abondance et de fête. C'est
Gueymard qui chantait le rôle du héros normand : Roger chantait ceux
de fiaoul et de Léon. Mmes Tedesco, Lagrua, Poinsot et Laborde ont par-
tagé avec les deux ténors les bravos et les rappels.
*** Mme Ugalde a fait sa rentrée lundi dernier dans Galathée. 11 y avait
foule pour assister au retour de la brillante cantatrice, qui a été reçue
comme elle devait l'être. Mercredi, elle a encore chanté dans Galathée ;
jeudi et samedi dans la Fille du Régiment.
V Le Père Gaillard, qu'une indisposition de Battaille a empêché de
donner la semaine dernière, est annoncé pour mardi.
*** La Dame Blanche et Joseph ont remplacé mardi le Père Gaillard.
Jeudi et samedi, la Fille du Régiment était accompagnée des Voilures
versées.
*t* M. Lumley est à Paris depuis deux jours. La réouverture du Théâtre-
Italien ne se fera pas attendre.
*** Chollet va bientôt reparaître au Théâtre Lyrique dirigé par M. Se-
veste. Il a choisi pour sa pièce de rentrée, le Postillon de Longjumeau,
dont la fortune fut si populaire et clans lequel il chantait si bien. Ensuite,
il doit créer le rôle principal d' un opéra nouveau : le Duc de Beaufort.
%? La Poupée, de Nuremberg, d'Adolphe Adam, se répète à Montpellier
et à Bordeaux. Pans la première de ces villes, à la Poupée succédera
immédiatement le Farfadet, du même auteur. Le Toréador va aussi être
bientôt joué à Orléans.
%* Mme Viardot vient de faire, pour ainsi dire, sa rentrée comme can-
tatrice, après un repos qu'il ne lui était pas possible d'éviter. C'est dans
les grandes fêtes musicales de l'Angleterre qu'elle a repris l'exercice de
son art et occupé la première place avec un succès d'autant plus flatteur
que les mêmes villes avaient entendu récemment Jenny Lind , Alboni ,
Grisi, Sontag. Les journaux de Norwich et de Liverpool, que nous avons
sous les yeux, parlent de la grande artiste en des termes tout à fait dignes
d'elle, qui ne laissent aucun doute sur l'état de sa voix, ni sur le constant
progrès de son talent.
V Hermann Léon est à Bruxelles, où il va donner une suite de repré-
sentations.
%* Charles Dancla vient de donner son troisième concert au bénéfice
des pauvres de Chollet ; et, dans cette circonstance , il n'a pas moins fait
preuve de talent supérieur que de généreuse sympathie.
*** Léopold Dancla, son frère, va épouser Mlle Delphine Skopetz.
V Le North américain de Philadelphie annonce qu'Ole Bull a acheté
récemment dans le comté de Potter (l'ensylvanie) 120,000 acres déterre,
où il compte fonder une colonie de ses compatriotes.
%* Les comités des quatre associations d'artistes ont été convoqués
-
DE PARIS.
341
vendedi ilernior chez M. le baron Taylor pour y entendre la lecture en-
tière du testament de M. de Trémont. Comme nos lecteurs le savent,
l'honorable testateur a voulu consacrer toute sa fortune à des fondations
philanthropiques, sans en rien distraire au profit de ses parents ou de ses
amis. Il ne faudrait pourtant pas croire qu'il fût oublieux ni ingrat. Il
s'est justifié lui-même à l'égard de sa famille; quant à ses amitiés, voici
un trait qui prouve à quel point il leur était dévoué. Un jour (et il y a de
cela bon nombre d'années) M. de Trémont se trouvait avec deux dames qui
le conduisirent chez la fameuse Mlle Lenormand. Les dames consultèrent
la devineresse et voulaient que leur cavalier se fît faire les cartes à son
tour. Mais M. de Trémont s'en défendit, alléguant son incrédulité pro-
fonde. Enfin, cédant à l'insistance, il consentit Ci ce que les cartes fussent
faites, non pour lui, mais pour un ami absent auquel il pensait. Cet ami,
devenu depuis l'un de nos plus grands artistes, l'une des illustrations de
notre siècle et de notre pays, hésitait encore sur le choix d'une carrière,
et doutait même de sa vocation. Mlle Lenormand interrogea son grimoire,
et déclara que s'il ne lut arrivai! quelque chose d'exhaordinaire, l'ami fini-
rait sa vie pauvre et malheureux. En rentrant chez lui, M. de Trémont
se hâta de faire son testament et de léguer à son pauvre ami 6,000 li-
vres de rente. Mais depuis, le quelque chose d'extraordinaire é'ant arrivé,
M. de Trémont raya son legs, et il n'eut pas tort.| L'ami s'était enrichi
par son génie; il avait fait trente chefs-d'œuvre, parmi lesquels on compte
la Mutile, le Djmino noir et Fra- Diovolo.
%* II. Wehle, pianiste et compositeur très-distingué de Berlin, est ar-
rivé à Paris avec l'intention de s'y fixer.
%* Le docteur John Bull, organiste de la reine Elisabeth, et reconnu
comme l'auteur véritable du fameux Cod save the h'ing, a quitté l'An-
gleterre vers l'année 161 k. Les musicographes ont ignoré jusqu'à ce
jour dans quel pays il avait passé le reste de sa vie, et à quelle époque il
était décédé. M, le chevalier Léon de Burbure, à qui l'histoire de la mu-
sique est redevable de tant de découvertes d'un intérêt majeur, vient en-
core de combler ces lacunes regrettables dans la biographie de John Bull:
ses recherches lui ont fait découvrir que ce dochur en musique vint à An-
vers, en 1617, solliciter la place d'organiste des trois orgues de la cathé-
drale, qui était alors vacante par la mort de Rombout Waelrant. Le
chapitre de Notre-Dame la lui accorda, et le docteur prêta serment le
29 décembre de la même année. Au mois d'avril 4620, John Bull habitait
la petite maison voisine du portail du Sud, là même où demeure actuel-
lement le portier de la cathédrale. Il mourut à Anvers le 12 mars 1628
et fut inhumé le 15 du même mois. D'autres particularités sur ce savant
musicien, recueillies par M. Léon de Burbure, témoignent de la considé-
ration exceptionnelle dont il a joui en Belgique. Le gouvernement anglais
est disposé, paraît-il, à faire ériger, dans la cathédrale d'Anvers, un
monument somptueux à l'auteur de son immortel hymne national.
*** M. Saint-Léon, premier maître de ballet de l'Opéra, vient de publier
un ouvrage qui nous paraît appelé à produire une immense sensation
dans le monde chorégraphique. La Si énochoré graphie ou iarl d'écrire
promptement. la danse, tel est le titre du livre. M. Saint-Léon est parvenu,
à force d'études et de recherches, à pouvoir noter la danse, grâce à l'em-
ploi de signes particuliers combinés avec la musique, c'est-à-dire que les
temps d'oppositions de bras et jambes seront indiqués par des signes, et
la durée de ces temps et oppositions par la valeur des notes, placées im-
médiatement au-dessus de ces signes. Nous souhaitons vivement voir
cette méthode de sténochorégraphie obtenir le succès qu'elle mérite si
bien ; nul doute qu'elle ne soit adoptée dans les conservatoires de danse.
M. Saint-Léon a depuis longtemps fait ses preuves en fait de science, et
l'éminent danseur sait mieux que qui que soit tous les procédés de Fart
si difficile où il brille au premier rang. Les biographies et les portraits
des plus célèbres maître de ballets anciens et modernes ajoutent encore
à l'attrait de cette publication, qui paraît tous les mois par livraisons,
dont le prix est de 2 fr. L'ouvrage complet aura 12 livraisons, et coûtera
24 fr. On souscrit chez M. Brandus, éditeur de musique, 103, rue de Ri-
chelieu.
*** M. Augustin Collin, homme de lettres, auteur des paroles du Désert,
qui a commencé la réputation de Félicien David, vient de mourir à la
suite d'une fièvre cérébrale.
*** Antonio Tosi, fondateur et directeur de la Société philodramatique
de Rome, vient de mourir. On lui doit des écrits estimés sur l'art mu-
sical.
V Un des chanteurs italiens qui jouirent d'une certaine célébrité dans
les vingt premières années de ce siècle, Torto, est mort à Florence, à la
suite ct'i;i;c douloureuse maladie.
CRON1QUE DÉPARTEMENTALE.
%* Nancy. — Bazzini, le célèbre violoniste, vient de se faire entendre
dans deux concerts donnés par lui à la salle du Théâtre; et l'impression
causée par ce talent si noble, si pur, si sympathique, a été vive et pro-
fonde. Jamais, depuis Paganini, nous n'avions entendu un talent aussi
complet, un style aussi large, un chant si expressif, une aussi grande jus-
tesse dans les doubles cordes, une aussi grande pureté dans les sons har-
moniques. Après les brillants concerts de Reims et de Nancy, Bazzini a été
invité à l'ourbonne-les-Bains pour y donner un concert; mais le public ne
s'en est pas contenté, et il a dû en donner un second. La Société philhar-
monique de Langres, instruite de la présence de l'éminent violoniste à
Bourbonne, l'a sollicité de venir donner un concert dans cette localité ;
mais ici comme à Bourbonne, un seul n'a pas suffi à l'empressement du
public. A Metz, de nouveaux triomphes attendaient Bazzini ; de toutes
parts on lui demandait un second concert, mais il a dû le refuser, car il
était attendu à Boulogne pour un grand concert de la Société philharmo-
nique, et de là il devait se rendre à Laval pour le festival de la Mayenne,
auquel doivent prendre part Mlle Lavoye et Poultier. Partout, le voyage
du grand violoniste a été une véritable ovation ; applaudissements cha-
leureux, rappe's à chaque morceau, bouquets, etc., rien n'a manqué au
triomphe de l'artiste. Aussi espérons-nous que cette réception engagera
le grand artiste à revenir cet hiver dans notre département, où son suc-
cès est d'avance assuré. N'oublions pas, en terminant, de signaler Mlle Hu-
cher, jeune et charmante prima donna, qui, se trouvant par hasard dans sa
ville natale, a interprété avec une rare perfection l'air du Barlner, et sur-
tout celui du Strmtnl ; et Mlle Lévis, élève de Mme Damoreau et profes-
seur de chant, qui, dans les autres, a prêté au grand artiste un si gra-
cieux et si remarquable concours, qu'elle a conquis auprès de lui une
large part de bravos justement mérités.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
%* Berlin. — La semaine passée nous amené les T):amanlsdelacou-
rorm». Cette charmante partition d'Auber n'avait pas été entendue depuis
huit ans environ. La distribution des rôles a été renouvelée, ainsi que la
mise en scène. Sous le rapport musical, l'exécution a été parfaite; mais
comme toujours chez nous pour les opéras comiques, on aurait désiré un
peu plus de verve et d'entrain dans le dialogue. — Après cette reprise est
venue la Favorite, qui a été mise au répertoire pour Roger, et jouée par
cet érninent artiste et Mme Strantz. Cette dernière a été remplacée par
Mlle Wagner, et M. Formes s'est chargé du rôle de Fernand; Mlle Wagner
a été surtout vivement applaudie au quatrième acte. — M. Ilenselt, de
Saint-Pétersbourg, qui, à son retour de Londres, n'est resté qu'un jour à
Berlin, a joué devant une société d'artistes et d'amateurs qui avaient été
invités. Le célèbre virtuose est peut-être le plus solide d'entre les pianistes
du jour. C'est plaisir de lui entendre exécuter les sonates de Weber; on
l'admire également dans les petits morceaux de sa composition, et plus
encore dans les gracieuses élégies de Chopin. — Les représentations de
l'opéra italien, au théâtre Frederic-Wilhemstadt, ont dû commencer le
2 octobre. On attend Mlle Milanollo et M Formes (la basse), frère du ténor
attaché au théâtre de la Cour. — Mme Kœster a fait sa rentrée au théâtre
Royal; l'éminente cantatrice a été reçue avec enthousiasme.
%* Francfort. — Sophie Cruvelli donne ici des représentations fort
suivies. La jeune prima donna a débuté par le. rôle de Rosine, qu'elle chan-
tait et récitait en italien, tandis que les autres rôles étaient rendus en
langue allemande. Si la cantatrice, qui est Allemande aussi, ne chantait
pas dans cette langue, c'est que probablement elle n'avait pas en le temps
d'apprendre le rôle dans un autre idiome que celui qu'elle emploie habi-
tuellement.
%? Siullgard. — Mlle Katinka Ileinefetter, qui a laissé de si brillants
souvenirs à Paris, donne ici des représentations. Cette cantatrice, qui est
de la grande écoie des Pasta et des Malibran, se distingue surtout par la
puissance dramatique du chant et par une méthode sévère. Mme Ileine-
fetter, qui a chanté jusqu'ici le rôle de Valentine et de Norma, a été saluée
d'applaudissements enthousiastes.
*„* Vimne. — On attend au premier jour le général russe, M. de Lvoff,
qui doit diriger les répétitions générales de son opéra : Ondine.
%* Herrmanstwit (Transylvanie). — On annonce que M. Zenker possède
trois trios inédits de Beethoven, pour piano, violon et violoncelle. On
ajoute que ces compositions sont de la première manière du maître, dont
le génie s'y révèle dès les premières mesures. M. Zenker en a reconnu
l'authenticité par un fac simiie de l'écriture de Beethoven.
*„* Jliga — On -vient enfin d'accorder la permission déjouer le Pro-
phète, dont la représentation avait été interdite jusqu'à présent.
%* New York. — L'Alboni donne en ce moment une série de concerts
qui obtiennent un succès merveilleux, même après les grands triomphes
de Jenny Lind. — Mme Sontag ne s'est pas encore fait entendre, et, con-
tre toute probabilité, il paraît qu'elle aura à combattre une opposition et
une malveillance organisée on ne sait par qui. Deux. sérénades, que l'on a
voulu lui donner sous les fenêtres de l'hôtel qu'elle habite, ont été trou-
blées par des bandes qui semblent obéir à un mot d'ordre. A la seconde
de ces manifestations sympathiques, on n'a même pas pu achever le pre-
mier morceau, l'ouverture de Freischulz.
— Conservatoire de musique et de déclamait: n. — La classe de chant po-
pulaire à l'usage des adultes (hommes) et destinée à l'enseignement si-
multané de chant, vient d'être réouverte au Conservatoire national de
musique et de déclamation. Ce cours gratuit, dirigé par M. Edouard Ba-
tiste, professeur titulaire, a lieu deux fois par semaine : les mardis et
vendredis à huit heures du soir. On s'inscrit tous les jours au bureau de
MM. Ferrière, surveillant des classes du Conservatoire, rue du Faubourg-
Poissonnière, 15, de neuf heures à quatre heures et aux heures des le-
çons.
— M. Benacci-Pescher, éditeur de musique, rue Laffitte, 7, à Paris, a
acquis la propriété du nouvel opéra, Si fêtais roi, d'Adolphe Adam, qui
obtient en ce moment de si beaux succès. La petite partition piano et
chant, ainsi que les morceaux de chant détachés, seront publiés le 20 octo-
bre. La grande partition et les parties d'orchestre seront publiées le 25 du
même mois. Tous les arrangements pour piano et autres instruments par
les meilleurs compositeurs paraîtront dans la quinzaine.
— Un organiste de talent, et qui exerce depuis longtemps, désire une
place à Paris ou dans la province ; s'adresser au bureau de la Gazelle mu-
suale.
Le gérant : Ernest DESCHAMPS.
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REVUE ET GAZETTE MUSICALE
PARTITIONS PaJR&IÈES PAIR RRAWaHTS ET C% ÉDITEURS,
RUE RICHELIEU, 103,
Anber. La Muette de Portici, in-8". . net 10
— La Part du Diable, in-8". . . net. 8
— Le Domino noir, in-S°.. . . . net. 8
— Haydée, in-8° net. 8
Berlioz. Symphonie fantastique . . . net. .20
Bellini. Norma 24
— Il Pirata . 20
— Straniera 20
Bonizetti. Anna Rolena 24
— Belisario 24
— La Favorite net. 25
Donizetti. La Favorite net.
Hnlryy. La Juive net.
Halévy. Guido et Ginevra net. 25
— Charles VI net. 25
— ■ La Juive net. 25
— La Reine de Chypre net. 25
— Les Mousquetaires de la Reine,
in-8" net. 8
— Le Val d'Andorre, in-8". . . . net. 8
— La Fée aux Roses, in-8". . . . net. 8
llérold. Le Pré aux Clercs, in-8°. . . net. 8
Meyerbeer. Il Crc«iato 20
Bleyerbecr. Les Huguenots net. 25
— Robert-le-Diable net. 25
— Le Prophète, in-8" net. 10
SSoznrt. Don Giovanni 20
— Nozze di Figaro 20
Rossini. Le Comte Ory net. 15
— Guillaume Tell net. 25
— Stabat Mater 20
Weber. Oberon 24
— Robin des Bois 24
Meyerbeer. Le Prophète net. 25
Kossini. Le Stabat Mater 20
AVEC PAROLES FRANÇAISES.
Adam. Le Mal du pays . net. 7
— Le Postillon de Lonjumcau . . net. 12
Anber. Actéon net. 20
— L'Ambassadrice net. 30
— Le Dieu et la Bayadère. . . . net. 30
— Le Domino noir net. 30 -
— L'Enfant prodigue net. 40
— Gustave ou le Bal masqué. . . net. 30
— Le Lac des Fées net. 40
— La Muette de Portici net. 30
— La Neige net. 12
— Le Philtre 60
— Le Serment ou les faux Monnayeurs. 60
— Zanetta net 30
Beethoven. Fidelio net. 10
Bellini. Norma net. 12
Beethoven. Fidelio net. 10
Bellini. Norma net. 10
— Il Pirata net. 10
— La Straniera net. 10
Bonizetti. Adelia net. 12
— La Favorita net. 40
Hercadaute. Elisa e Claudio. . . . net. 10
— Il Giuramento net. 10
— La Vestale. net. 10
Adam. Giralda net. 15
— Le Postillon de Lonjumeau . net. 8
— La Poupée de Nuremberg. . net. 8
— Le Farfadet net. 8
— Le Toréador net. 10
Auber. Actéon net. 8
— L'Ambassadrice net. 12
— La Barcarolle net. 12
— La Bergère châtelaine. . . . net. 8
— Le Cheval de Bronze .... net. 12
— Le Dieu et la Bayadère . . . net. 12
— Les Diamants de la couronne net. 12
Le Domino noir net. 12
— Le duc d'Olonne net. 12
— La Fiancée net. 12
— Fra Diavolo net. 12
— Haydée net. 12
— Lestocq net. 12
— La Muette de Portici. . . . net. 15
— La Muta di Portici (en italien) ne.t. 15
— La Neige net. 8
— La Part du Diable net. 12
— Le Philtre net. 12
Bertin (Mlle). Esmérajda ....... net. 40
Bourses Sultana net. 15
Bonizetti.. La Favorite net. 40 i
Glnck. Alceste 36
— Armide. 36 i
— Iphigénie en Aulide 36
— Iphigénie en Tauride 36
— Orphée 36
BBiilévj. Charles VI. net. 40
— L'Eclair net. 30
— Guido et Ginevra net. 40
— Le Guitarrero net. 30
— La Juive net. 40
— Le Lazzarone net. 30
— La Reine de Chypre net. 40
Kreutzer. Le Mort d'Abel 36
AVEC PAROLES ITALIENNES.
Meyerbeer. Il Crociato net. 10
— Margarita d'Anjou net. 10
Mozart. Collection d'airs , duos ,
trios, etc net. 10
— La Clemer.za di Tito .... net. 10
— Cosi fan tutti net. 10
— Don Giovanni net. 10
— Il Flauto magico net. 10
— Idomeneo net. 10
— L'Impressario et le Requiem, net. 10
FORMAT m-®0.
Auber. Le Serment
— La Sirène
— Zanetta
— Zerline ou la Corbeille d'o-
Bazin . Le Trompette de Monsieur le
Prince
Bach (.3. -S.). La Passion
Beethoven. Fidelio
Bellini. La Sonnambula
Clicrubini. Les Deux journées . . .
— Lodoïska
Devienne. Les Visitandines
Donizetti. La Favorite
Gluck. Iphigénie en Tauride. . . .
— Iphigénie en Aulide ....
Gretry. Richard Cœur-de-Lion ....
ïialévy. La Dame de Pique
— L'Éclair
— La Fée aux Roses
— Les Mousquetaires de la
Reine
— La Tempesta
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Meyerbeea*. Les Huguenots
— Le Prophète
— Robert-le-Diable
nossinî. Le comte Ory
— Guillaume Tell
— Moïse
— Le Siège de Corinthe
— Stabat Mater
Kaccîiliii. Dardanus
— OEdipe à Colone
§>pontini. Olympie
■Wefoer. Robin des Bois, paroles fran-
çaises et allemandes . . . '.
tTeigle. Emmeline
Winter. Le Sacrifice interrompu . .
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, . . 25
. . 30
Mozart. Le Nozze di Figaro
— Il Rato del Seraglio
Rossini. Il Barbiere di Siviglia . . .
— Semiramide
— Tancredi
— Zelmira
Spohr. Fausto
■Ç^ebcr. Oberon
— Il Franco arciero (Freischùtz)
Halévy. Le Val d'Andorre
Bérold. Le Pré aux Clercs
B.oui-i (^'.). Marie-Thérèse
Mcndt-Issolin. Paulus (Conversion de
saint Pau!)
— Elie , oratorio
Meyerbeer. 40 mélodies à l'et à 2 v.
— Il Profeta (en italien). . . .
— Roberto il Diavolo (en italien)
TCicolai. Il Tcmplario
Riicolo. Cendrillon
— Jeannot et Colin
— Joconde ....
— Les Rendez-vous bourgeois. .
Rossini. Le comte Ory
— Guillaume Tell
— Robert Bruce
— Moïse
Sacchini. OEdipe 1 Colone
■ÇTVebcr. Freischùtz, avec récitatifs de
Berlioz
— Euriante
— Oberon
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DE PARIS.
343
BRANDUS ET GIE, ÉDITEURS,
!03, rue El if [se Ht eu
USIQU
MAIÉD
LE CASSPHHTSER.
Mosaïque sur les Treize, 2 suites, chaque . . 6 »
Mosaïque sur le Shérif, 2 suites, chaque ... 6 »
Op. 37. Trois mélodies de Schubert, variées:
A'°'l. Sa Sérénade 4 50
2. Adieu 4 50
3. Rosemonde /i 50
Op. 42. Variations brillantes sur la Favorite. 6 »
Op. 54. Fantaisie sur la Heme de Chypre . . 6 ..
12' bagatelle sut le Lac cl ex Fées 5 »
13e — sur Guielo et Ginevra 5 »
14e — sur les Treize 5 »
15« — sur le Shérif 5 »
16' — sur la Tarentelle, de Rossini . 5 ■>
23* — sur Zanetla 5 »
Op. 94. Fantaisie facile sur la Sirène .... 5 »
24e et 25e bagatelle sur la Favorite, chaque. . 5 »
26e et 27" — sur le Guitarrero, chaq . 5 »
33' et 34" — sur la Reine de Chypre,
chaque 5 »
36e et 37' — sur Charles VI, chaque . 6 »
tili' bagatelle sur Otello 5 »
45* — sur / Purilani 5 >.
46e — sur la Muette de Portici ... 5 »
47' — sur la Danse des Esprits ... 5 »
48" — sur Moïse 5 »
49" — sur le C/ieval de Bronze ... 5 »
50* — sur le Réveil d'un beau jour. . 5 ■>
52e — sur la Barcarolle. ...... 5 »
53° — sur Guillaume Tell 5 ..
54" — sur le Philtre 5 »
55" — sur le Stuba' de Rossini . . . . 5 »
56" — sur le Serment 5 »
57° — sur le Comte Or y 5 »
59" — sur Fra Diavolo 5 •
GO" et Cl' bagatelle sur les Mousquetaires de
la Heine, chaque 5 »
63e bagatelle sur le Barbier de Séville ... 5 »
64° — sur la Donna det Lago .... 5 »
65" — sur la Norma 5 ..
66" — sur la Gazza ladra 5 »
67" — sur 11 Malrimonio segreto . . 5 »
68" — sur la F tancée 5 »
69" — sur le Dieu et la Bayadère . . 5 »
70" — sur llaliana in Algeri 5 »
71" — sur Leslocq. ... • 5 >,
75° — sur Sultana .' 5 »>
76° — sur le Siège de Corinthe .... 5 »
77" — sur le Pirate 5 »
78° — sur faconde 5 »
79° — sur le Tromp. de M. le Prince. 5 »
82" — sur Robert Bruce 5 »
83" — sur Jeannot et Colin 5 »
84e — sur Elisir d'amore 5 »
86° — sur Zelmire 5 »
87° — sur les motifs d'Hérold 5 »
88" — sur la Bergère châtelaine. . . 5 »
89° — sur Cendiillon 5 »
90" — sur les Soirées de Rossini ... 5 »
91" — sur Acléon 5 »
92e — sur Marie-Thérèse 5 »
93° — sur le Portefaix 5 »
94" — sur le Malheur d'être jolie . . 5 »
95' — sur les Chaperons blancs ... 5 »
98" — sur les Chasse de Labarre. . . 5 u
99" — sur le Billet de Loterie. ... 5 »
100" — sur Tancredi 5 n
101" — sur Haydée 5 »
102° — sur la Aiobé 5 >,
103" — sur Anna Boléna 5 »
104° — sur Don Juan 5 »
106" 1" bagatelle sur le Val a" A ndorre . . . 5 »
107' 2" — surferai d'Andorre ... 5 »
108' — sur le riolon du Diable . . 5 •
100° 1" — sur le Prophète 5 .,
110' 2" — sur le Prophète 5 »
D6° 1" — sur la Fée aux Roses ... 5 »
117° 2° — sur la Fée aux Roses ... 5 ..
122° 1" — sur l'Enfant prodigue. . . 5 »
123° 2" — sur l'Enfant prodigue. . . 5 »
124* 1'° — sut la Dame de Pique. . . 5 ,>
125° 2° — sur la Dame de Pique. . . 5 »
127' 1°" — sur Zerline 5 ,
128° 2° — sur Zerline 5 „
Mfiifti
Op. 11. Divertissement sur Guillaume Tell . 5
12° — sur le P ré aux Clercs 5
13° — sur le galop de Gustave .... 5
25' — sur l'A mbassadrice 5
26° — sur le Domino noir 6
Bagatelle sur les Diamants de la couronne. . 5
— sur la Part du Diable 5
— sur la Sirène 5
Op. 99.
Op. 110.
Op. 124.
Op. 127.
Op. 136.
Op. 137.
N"l.
Op. 140.
Fantaisie
Fantaisie
Fantaisie sur le Duc d'Olonne. . . 5 »
— sur la Pari du Diable . . 6 »
— sur la Sirène 7 50
— sur la Barcarolle .... 6 »
— sur les Mousquetaires de
la Reine 6 »
Les Mignonnes, 3 petites fantaisies,
3 suites :
Le Domino noir 5 »
Les Diamants de la couronne. ... 5 »
Le l'ré aux Clercs 5 »
Fantaisie sur Robert Bruce .... 6 »
sur Guillaume Tell 7 50
sur Haydée 5 »
B. CEAIHÉR-
Fleurs des Opéras, douze mélanges sur des
opéras favoris de Rossini et Auber :
N"l. Fra Diavolo 6
2. Les Diamants de la couronne .... 6
3. La Part du Diable, premier mélange . 6
4. La Muette de Portici 6
5. La Sirène 6
6. Guillaume Tell 6
7. Moïse 6
8. Le Domino noir G
9. La Gazza ladra 6
10. La Part du Diable, deuxième mélange 6
11. Haydée 6
12. Siège de Corinthe 6
Op. 25. Fantaisie brillante sur la Sirène. . . 6
Op. 42. Petite fantaisie sur Haydée 5
Fantaisie facile sur Robert Bruce 5
Op. 47. Fantaisie sur le l'ai cl' Andorre ... 5
Op. 49. Souvenir de la Fée aux Roses. ... 5
Le Livre d'or des jeunes demoiselles :
Op. 45. 1" bagatelle sur Robert le Diable. . 5
Op. 46. 2° — sur la Favorite .... 5
Op. 47. 3" — sur la Juive 5
Op. 48. 4° — sur les Huguenots . . . 5
Op. 49. 5° — sur la Reine de Chypre. 5
Op. 50. 6" — sur Charles VI ... . 5
Op. 56. 7' — sur le Désert* ur. ... 5
Op. 74. Variations sur le Lazzaronne. ... 5
Op. 79. Les Roses sans épines, en 6 livres :
Liv. 1. Huit petits airs faciles .... 5
2. Huit petits airs de divers carac-
tères . 5
3. Quatre bluettes 5
i. Trois rondinos 5
5. Deux divertissements 3
G Variationssur un tlième original 5
Op. 98. Valses sur les Mousquetaires de la
Reine 5
Op. 137. Fantaisie sur le l'ai d'Andorre. . . 5
Op. 141. Fantaisie sur la Fee aux Roses . . 5
Op. 144. Fantaisie sur Giràldà 5
Op. 147. Pelite fantaisie sur l'Enfant pro-
digue 6
S- B
Op. 21. Variation» sur la marche de Moïse . 5
Op. 31 Fantaisie sur la Muette de Portici. . 5
Op. 32. — sur le Comte Ory 5
Op. 42. — sur Fra Diavolo 6
Op. 54. — sur un motif du Serment . . 6
Op. 56. — sur le Pré aux Clercs ... 5
Op. 58. — sur Gustave ou le Bal masqué 5
Op. 64. Variations sur Leslocq 5
Op. 66. Variations sur une cavatine de Bellini 5
Op. 70. Fantaisie sur le chœur des buveurs de
la Juive 6
Op. 75. Divertissement sur l'Eclair . . . . . 6
■Op. 76. Deux divertissements sur les Hugue-
nots, 2 suites, chaque 6
Op. 82. Une heure de loisir, 3 divertissements
sur des valses de Strauss, 3 suites, ch. 6
Op. 85. Trois fantaisies sur Guido et Gine-
vra, 3 suites, chaque 6
Op. 86. Deux divertissements sur le Domino
noir, 2 suites, chaque 5
Op. 88. Six bagatelles sur des molifs d'Auber
et de Rossini, 3 suites :
NM 1. Le Philtre, la Fiancée 5
2. Le Siège de Corinthe, le Cheval de
bronze 5
3._ Guillaume Tell, l'Ambassadrice ... 5
Récréations de l'Etude, choix de morceaux fa-
ciles tirés des 'opéras de Rossini, Weber,
Meyerbeer, Bellini, Carafa et Beethoven . . 5
Souvenirs des compositeurs célèbres, ou choix
d'airs favoris d'Auber, Bellini, Rossini, Hé-
rold, 2 suites, chaque 6
Op. 95. Deux divertissements sur le Lac des
Fées, 2 suites, chaque 5
Premières leçons de piano, choix d'airs très-
faciles, doigtés soigneusement pour les com-
mençants, 2 suites, chaque 5
Op. 96. Deux divertissements sur les Treize,
chaque 6
Op. 99. Deux divertissements sur le Shérif,
chaque 6
Op. 102. Deux divertissements sur les motifs
de Zanetla, 2 suites :
N° 1. La Chasse 5
2. Le Galop 5
Op. 104. Réminiscences italiennes, six thèmes
faciles, 3 suites :
N* 1. Polacca sur un thème de Donizetti,
Ronde sur un thème de Mercadente. 5
2. Variations sur un thème de Bellini ,
Rondo-valse sur un thème de Rossini. 5
3. Variations sur un thème de Bellini ,
Ronde sur un thème de Donizetli. . . 5
Op. 107. Rondo-galop sur la Favorite. ... 6
Op. 11 1. Deux rondeaux sur les Diamants de
la Couronne, 2 suites, chaque. ... 5
Op. 117. Deux rondeaux sur le Duc d'Olonne,
2 suites, chaque 5
Op. 126. Deux fantaisies sur la Part du Dia-
ble, 2 suites, chaque 5
Op. 135. Deux fantaisies sur la Sirène, 2 sui-
tes, chaque 6
Op. 148 Deux fantaisies sur la Barcarolle,
2 suites, chaque 5
Op. 155. Souvenirs d'Italie, 3 fantaisies faci-
les, 3 suites :
N° 1. Les Puritains, de Bellini 5 .
2. Marino Faliero, de Donizetti 5 1
3. Les Soirées musicales, de Rossini. . . 5 1
Op. 169. Fantaisie sur les Mousquetaires de
la Reine. 6 1
Op. 166. Deux fantaisies sur Robert Bruce, 2
suites , chaque 6 »
Op. 178. Cavatine et Barcarolle sur Haydée,
2 suites, chaque 5 >i
Op. 181. Fantaisie sur le l'ai d'Andorre. . . 6 r
Op. 182. — sur le Prophète 5 «
Op. 1S5. — sur la Fée aux Roses. . . 5 «
Op. 193. Deux fantaisies sur l'Enfant prodi-
gue, 2 suites, chaque 5 »
Op. 194- Fantaisie sur la Dame de Pique. . 5 »
Op. 198. Deux fantaisies sur Zerline ou la
Corbeille d'orunges, 2 suites, chaque. 5
344
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
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errant " "
BAMCRE. Op. 21. Hymne russe varié pour le piano ... 5 »
HEXSEfl/B'. La Gondole, étude pour le piano 4 »
Rlcbelieu.
atOSEEEW. Op. 136. Fantaisie sur le Juif errant pour piano 9 »
E. WOliFF. Op. 172. Réminiscence du Juif errant, grand
duo à 4 mains 10 »
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4. Itomariu (Deuil) 6
5. Eia Pensée (Souvenir) 5
6. Héliotrope (Enivrement) 6
Op. 1. La Source, caprice 6
Op. 2. Deux caprices : le Rêve, la Brillante . 5
Op. 3. Trois mélodies: le Calme, une Fleur,
Valse styrienne 5
Op. 4. Fête cosaque, caprice 6
Op. 5. Trois mazurkas 6
Op. 6. Deux valses en 2 suites, chaque ... 5
Op. 7. Une nuit à Venise, fantaisie 0 »
Op. 8. Les deux Anges, morceau caractérist. 5 »
Op. 9. Trois mazurkas 6 »
Op. 10. N° 1. La Brise du soir 5 »
2. Nocturne - 5 »
Op. 11. Les Oiseaux, caprice fi »
Op. 12. Chant national des Croates 4 50
Op. 14. La Plainte 6 »
Op. 15. L'eau dormante 6 »
Op. 16. Consolation, fantaisie 7 50
Op. 17. Marche militaire. 5 »
Op. 17 bis. Marche funèbre 5 »
Op. 18. Scène de ballet 7 50
Op. 19. Nocturne impromptu 5 »
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REVUE
17 Octobre 1852.
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Paris, un ao 24 I
Départements, Belgique et Suisse 30
étranger 34
Le Journal porolt le Dimanche.
GAZETTE MUSICALE
mm PARIS.
-AAMAfSSSaAAAAw-
SOMMAIRE. — Théâtre-Lyrique, Çholiy-le-Roy, opéra comique en uu acte de
MM. de Leuven, Michel Carré et Gautier (première représentation), par «3.
lli'-qnet. — Gymnase musical militaire, distribution des prix. — Les Soirées de
l'orchestre (4" fragment), par Hector Br rliox. — Correspondance : Réplique
de M. Antoine Schindler a M. le prince Nicolas Boris Galilzin. — Revue critique :
Musique de piano, Chant du matin, Chant du troubadour,, Chant du dimanche,
Chant du chasseur, l'Adieu du soldat, Chant du berceau, Saltarello, Promenades
d'un solitaire, mélodies sans paroles, de Stéphen Heller. — Messe des mort de
Berlioz — Nouvelles et annonces.
THÉÂTRE-LYRIQUE.
ClIOf S Y - IiE - KOY ,
Opéra comique en un acte, paroles de MM. de Leuven et Michel Carré,
musique de M. Gautier.
DÉDUT DE Mlle PETIT-BRIÈRE.
(Première représentation.)
Madame la marquise de Pompadour est en disgrâce... Cela arrivait
de temps en temps; d'abord quand le roi était malade : — c'étaient là
les moments de crise les plus terribles pour les favorites de Louis-le-
bien-aimé; — ensuite quand le roi voulait faire ses pàques. 11 avait quel-
quefois cette fantaisie. Alors, la favorite s'éloignait pour quelques jours.
On ne la voyait plus ni à Versailles, ni à Marly, ni à Fontainebleau. Le
royal pénitent ayant ainsi publiquement renoncé à Satan et à ses œu-
vres, son confesseur ne pouvait plus décemment lui refuser l'absolu-
tion. Puis, la cérémonie achevée, et le fils aîné de l'Eglise s'étant mis
en règle avec elle, la favorite reprenait tout doucement sa place, et il
n'y paraissait plus. Chacun trouvait son compte à cet ingénieux ar-
rangement.
Nous ne saurions dire à quelle occasion est arrivée cette rupture,
véritable ou simulée, de Louis XV et de Mme de Pompadour; mais
il n'est pas possible d'en douter. Depuis huit jours madame la marquise
est à Choisy-le-Roy, et ses ennemis voudraient bien l'empêcher de re-
venir à la cour. Pour cela, le meilleur moyen serait de lui trouver
une remplaçante. Un diplomate s'est chargé de ce soin. C'est M. le
baron... Baron de qui? baron de quoi? Je n'en sais rien. Et qu'im-
porte? c'est un baron et cela suffit. Ce baron d'ailleurs a un habit de
velours doré sur toutes les coutures et un grand gilet de brocard d'or.
Venez donc à présent lui contester son titre !
M. le baron en veut prodigieusement à Mme de Pompadour, et c'est
bien naturel : elle lui a joué un de ces tours qu'un homme qui a la
conscience de son mérite ne pardonne point. En arrivant à la cour, il a
jadis négligé de lui rendre hommage : elle s'en est aussitôt vengée, en
lui faisant donner une mission diplomatique lointaine et pressée. Il a
été chargé de porter officiellement au schah de Perse des nouvelles de
la santé de Minette, la chatte de Trianon. Le voilà revenu de ce long
voyage : jugez de sa colère ! étonnez-vous qu'il ait juré de se venger !
Malheureusement il s'y prend mal. Il a entendu parler d'une jeune
paysanne dont la fraîcheur et la grâce naïve doivent, à son avis, faire
sur le roi une vive impression. Il a déjà sondé le terrain. Il croit s'être
assuré de la connivence d'un vieux fermier, parrain de la jeune Per-
rette.
Mais était-ce donc à Choisy-le-Roi qu'il devait chercher une rivale à
Mme de Pompadour? A Choisy, où Mme de Pompadour habite? Et peul-i'
être assez sévèrement puni de son imprudence? Ce fermier est un homme
moral, que l'appât du gain n'éblouit pas, et qui préfère l'honneur à
l'argent; — un homme rare! — Il veut que sa filleule épouse Lucas,
son amoureux : cela lui paraît préférable à toutes les gloires du parc
aux Cerfs, et Perrette est de son avis. II faut convenir que le pauvre
baron s'est mal adressé.
Que fait le rusé villageois? Il conte toute l'affaire à Mme de Pompa-
dour elle-même, et se met sous sa direction. Par son ordre, il promat
au baron de lui ménager un entretien avec Perrette. La marquise
prend les habits de Perrette, son patois et son orthographe, reçoit
la visite du baron, l'enchante par sa naïveté, en fait son messager ga-
lant, et se sert de lui pour faire parvenir au roi une lettre qui fait cesser
sa disgrâce. Elle dote Perrette, et marie les deux amants.
Peut-être aurait-il mieux valu que ce fût le baron lui-même qui payât
la dot. Peut-être aurait-il été plus plaisant que le baron [amenât le roi lui-
même, et que Mme de Pompadour se servît de ses habits de paysanne
pour se présenter à son amant blasé sous un aspect nouveau. Il y au-
rait eu là une scène piquante, et le dénouement eût été un peu moins
froid. Mais on ne s'avise jamais de tout, dit la sagesse des nations.
Il n'y a pas plus de huit jours que nous avons eu à apprécier déjà la
musique de M. Gautier. Deux partitions du même compositeur en huit
jours ! C'est un fait assez rare et une faveur singulière. Nous constatons
avec plaisir que celle-ci est moins bruyante, moins chargée d'instru-
mentation que la précédente. Le style en est plus facile et plus gai. Il y
a çà et là des intentions comiques, notamment dans l'air: J'suis g°nlil
et doux a" caractère, que l'auteur fait chanter à Colas. Ce premier vers,
dit avec un calme et une lenteur affectés, contraste plaisamment avec
la phrase précipitée qui le suit. Mais l'effet de ce passage syllabique est
gâté par les violons qui viennent étouffer mal à propos la voix du chan-
teur, et empêche qu'on n'entende les paroles qu'il prononce. L'air de
la marquise n'a pas ce défaut. L'orchestration en est discrète, et le
chant y est bien ménagé. Il ne manque pas de grâce, mais cette grâce
est un peu maniérée. Les autres morceaux n'ont rien de saillant, et la
critique doit les laisser en paix.
346
KEVUE ET GAZETTE MUSICALE
Mlle Pelit-Brière a débuté à l'Opéra-National du temps de M. Adam.
Depuis on l'a vue à l'Opéra, où elle chantait forl agréablement la chan-
son du chamelier dans V Enfant prodigue. L'année dernière elle était à
l'Opéra-Comique, où l'on n'a pas tiré de son talent tout le parti qu'on
aurait pu en tirer. La voilà revenue à son point de départ : elle y peu1
rendre d'utiles services. Sa voix est sonore et assez étendue. Sa pro-
nonciation est nette, son exécution vive et quelquefois brillante. Elle a
de la hardiesse, et n'aurait besoin que de quelques études pour rendre
sa vocalisation tout à fait correcte, C'est une artiste qui a de l'avenir.
MM. Grignon père et fils et M. Neveux s'acquittent fort agréablement
des autres rôles.
G. HÉQUET.
GYMIASE MUSICAL MILITAIRE.
BBS TRIBUTS©^ BE-* PRIX.
Suivant le programme annuel, la distribution des prix aux élèves de
cette intéressante école était encadrée de musique, précédée d'un pas
redoublé, suivie d'un concert instrumental et vocal, destiné à mettre
en relief une foule de talents collectifs et individuels.
Dans le nombre il ne s'est produit qu'un soliste, mais il est de pre-
mière force. C'est l'élève Frédéric Selmer, qui a remporté le premier
prix de solfège dans la classe de M. Hubert, et un prix d'honneur de
clarinette dans la classe de M. Klosé. Il appartient au 26e régiment de
ligne et ne compte qu'une année d'études au Gymnase. Cette année lui
a suffi pour perfectionner une exécution encore défectueuse et, se mettre
en état de plaire, même partout ailleurs que dans une musique de ré-
giment. Le morceau qu'il a joué est une des meilleures compositions
de son maître, qui en a tant écrit de charmantes. Il n'a rien laissé à
désirer sous le rapport du goût, du sentiment, des nuances, et à plu-
sieurs reprises l!auditpjre l'a salué d'unanimes applaudissements.
La masse entière des instruments a fort bien rendu, avec une préci-
sion toute militaire et un entrain chaleureux, le pas redoublé qui ouvrait
la séance et celui qui la terminait; l'un de M. Bourdeau, l'autre de
M. Josneau; tous deux premiers prix d'harmonie et de composition,
tous deux reçus chefs de musique. L'ouverture i'Oberon, cette inspi-
ration vraiment féerique, cette œuvre immortelle d'un auteur qui était
mourant; le délicieux ballet de l'Enfant prodigue, féerie d'un autre
ciel et d'un autre coloris, n'ont eu qu'à se louer, non plus, de leur tra-
duction pour bois et pour cuivre. Un air de ballet d'une allure svelte et
gracieuse, dont l'auteur est Mme Mennechet de Barival, a bravement
affronté le voisinage de ces chefs-d'œuvre. Ce n'est pas la première
fois que nous entendons la salle du Gymnase militaire retentir d'inspi-
rations féminines, e t que nous voyons les auteurs elles-mêmes assister
à leur succès.
La musique de cavalerie (fanfare), qui s'escrime en plein air, à deux
pas de la salle, offrait pour son contingent l'ouverture du Domino noir
et une polka de Frantz, répondant au nom de Rosine. Les élèves or-
phéonistes chantaient deux chœurs, le Chant des Amis, composé par
Ambroise Thomas pour les fêtes de Lille; Mars et Vénus, composé par
Cottin. Le général Carrelet, qui présidait à la cérémonie, a dû être
content de la vigueur et de la résolution avec laquelle tous ces jeunes
soldats enlèvent des notes et des morceaux, absolument comme s'ils
chargeaient à la baïonnette ou le sabre en main, non pas toujours sans
frémir, mais toujours sans broncher.
P. S.
LES SOIBËES DE L'ORCHESTRE.
(5e et dernier fragment) (1).
ÉPILOGUE.
Le dîner de l'étrier. — Toast de Corsino. — Toast du chef d'orchestre.
— Toast de Schmidt. — Toast de l'auteur.
A sept heures, j'entre dans la salle choisie pour le dîner que les mu-
siciens ont voulu me donner avant mon., départ. J'y trouve réunis tous
mes bons amis de l'orchestre de***, y compris leur digne chefetmêmele
joueur de grosse caisse, qui ne m'a jamais regardé de très-bon œil. Mais
c'est un repas de corps, et le brave homme a cru devoir mettre de côté
ses antipathies personnelles pour y prendre part. D'ailleurs, puisqu'il
s'agit d'un tutti, a-t-il pensé, que serait-ce sans la grosse caisse?
L'assemblée est, comme sont toutes les réunions d'artistes, gaie et
bruyante. Puis viennent les toasts.
Corsino le premier se lève son verre à la main: « A la musique,
Messieurs ! s ecrie-t-il; son règne est arrivé ! Elle protège le drame,
elle habille la comédie, elle embaume la tragédie, elle loge la pein-
ture, elle enivre la danse ; elle met à la porte ce petit vagabond de
vaudeville ; elle mitraille les ennemis de ses progrès ; elle jette par
les croisées les représentants de la routine ; elle triomphe en France,
en Allemagne, en Angleterre, en Italie, en Russie, en Amérique
même; elle lève sur toute l'Europe des tributs énormes; elle a des
flatteurs trop peu intelligents pour la comprendre, des détracteurs qui
n'apprécient pas mieux la grandeur de ses desseins, la savante audace
de ses combinaisons; mais les uns et les autres la craignent et l'admi-
rent d'instinct. Elle a des adorateurs qui lui chantent des odes, des
assassins qui la manquent toujours, une garde prête à mourir pour elle
et qui ne se rendra jamais. Plusieurs de ses soldats sont devenus prin-
ces, des princes se sont faits ses soldats. Devant d'ignobles caricatures
qui passent pour ses portraits, à cause du nom qu'elles portent, le
peuple se découvre; il se prosterne, il crie, il pleure d'en!housiasme,
quand, aux grands jours, il la voit en personnne le front resplendis-
sante de gloire et de génie
» Les opinions de nos juges sont diverses, j'en conviens, les intérêts
des artistes paraissent opposés, une foule de préjugés existent encore
dans les écoles, le public pris en masse est peu intelligent, frivole,
injuste, indifférent, variable. Mais son intelligence, qui s'est éteinte ou
affaiblie pour certaines choses de notre art, semble se développer pour
d'autres ; sa variabilité, qui le fait revenir si souvent sur ses premiers
jugements, compense son injustice ; et si l'atrophie du sens de l'expres-
sion est évidente en lui, ce sont les méprisables produits de Part faux
qui l'ont amenée. L'audition fréquente d'oeuvres douées de qualités
poétiques et expressives parviendra peut-être à ranimer ce sens qui
semble mort.
» Maintenant, si nous examinons la position des artistes dans le milieu
social où ils vivent, le malheur a souvent, il est vrai, poursuivi et ac-
cablé des hommes inspirés, mais ce n'est pas aux illustrations de notre
art et de notre temps seulement qu'il s'est attaché. Les grands musi-
ciens partagent le sort commun des pionniers de 1 humanité. Nous avons
eu Beethoven isolé, incompris, dédaigné, pauvre; Mozart toujours
courant après le nécessaire, humilié par d'indignes protecteurs, et ne
possédant à sa mort que 6,000 fr. de dettes; et tant d'autres. Mais si
nous voulons regarder à côté du domaine musical , dans celui de la
poésie par exemple, nous verrons Shakespeare, las de la tiédeur de ses
contemporains, se retirant à Slralford dans la force de l'âge, sans vou-
loir plus entendre parler de poëmes, de drames ni de théâtre, écrivant
son épitaphe pour léguer sa malédiction à quiconque dérangera ses os;
(1) Voir les n" 38, 39, 40 et 41. — Dans l'impossibilité où nous sommes de re-
produire entièrement ce morceau capital, à cause de son étendue, nous n'en cite-
rons que le; commencement et la fin, renvoyant nos lecteurs au livre même, qui
ne tardera pas à être publié.
DE PARIS.
9Û7
nous trouverons Cervantes impotent et misérable; Tasso mourant pau-
vre aussi et fou, autant d'orgueil blessa que d'amour, dans une prison;
Camoëns plus malheureux encore. Camoëns fui guerrier, voyageur
aventureux, amant et poule; il fut intrépide et patient; il eut l'inspira-
tion, il eut le génie, ou plutôt il appartint au génie qui en lit sa proie,
qui l'entraîna palpitant par le monde, qui lui donna la force de luller
contre venls, tempêtes, obscurité, ingratitude, proscriptions, et la pâle
faim aux joues creuses; flots amers qu'il fendit bravement de sa noble
poitrine, en élevant sur eux, d'un geste sublime, son poëme immortel.
Puis il mourut après avoir souffert longuement, et sans qu'un jour il
ait pu se dire : « Mon pays me connaît et m'apprécie ; il sait quel
homme je suis, il voit l'éclat de mon nom rejaillir sur le sien, il com-
prend mon œuvre et l'admire ; je suis heureux d'être venu, d'avoir vu
et vaincu; grâces soient rendues à la suprême puissance qui me donna
la vie! » Non, loin de là ; il vécut perdu dans la foule des souffrants,
la gente dolorosa, toujours armé et combattant, versantà flots ses pen-
sées, son sang et ses larmes ; indigné de son sort, indigné de voir les
hommes si petits, indigné contre lui-même d'être si grand, agitant
avec fureur la lourde chaîne des besoins matériels, sera? orjnor fre-
mente. Et quand la mort vint le prendre, il dut aller au-devant d'elle
avec ce triste sourire des esclaves résignés qui, sous les yeux de César,
marchent à leur dernier combat.
» Puis la gloire est venue... la gloire !... ô Fjalstaff !
» Les grands musiciens ne sont donc pas les seuls à souffrir.
» D'ailleurs, à ces malheurs trop bien constatés, on peut opposer de
nombreux exemples de destinées brillantes et heureuses, fournis par
des hommes éminents dans l'art. Il y en a eu, il y en a, il y en aura.
En tous cas, nous qui n'avons pas de prétentions au rôle ni au sort des
Titans, reconnaissons que notre part est encore assez belle. Si nos
jouissances sont peu fréquentes, elles sont vives et élevées. Leur ra-
reté même en double le prix. Tout un monde de sensations et d'idées
nous est ouvert, qui surajoute une existence de luxe et de poésie au né-
cessaire de la vie prosaïque, et nous en usons avec un bonheur aux
autres hommes inconnu.
» Il n'y a point là d'exagération. Ces joies de musiciens, plus profon-
des que toules les autres, sont bien réellement interdites à la majeure
partie de la race humaine. Les arts, dont les uns ne s'adressent qu'à
l'intelligence, et dont les autres sont privés du mouvement, ne sau-
raient rien produire de comparable. La musique (réfléchissez bien à ce
que j'entends par ce mot, et ne confondez pas ensemble des choses
qui n'ont de commun que le nom), la musique, dis-je, parle d'abord à
un sens qu'elle charme et dont l'excitation, se propageant à tout l'or-
ganisme, produit une volupté tantôt douce et calme, tantôt fougueuse
et violente, qu'on ne croit pas possible avant de l'avoir éprouvée. La
musique, en s'associent à des idées qu'elle a mille moyens de faire
naître, augmente l'intensité de son action de toute la puissance de ce
qu'on appelle vulgairement la poésie; déjà brûlante elle-même, en
expriment les passions, elle s'empare de leur flamme ; étincelante de
rayons sonores, elle les décompose au prisme de l'imagination; elle
embrasse à la fois le réel et l'idéal; comme l'a dit J.-J. Rousseau, elle
(ail jiarler le silence même ; en suspendant l'action du rhythme qui lui
donne le mouvement et la vie, elle peut prendre l'aspect de la mort.
Dans les jeux harmoniques auxquels elle se livre, elle pourrait se bor-
ner (elle ne l'a que trop fait) à divertir l'esprit, dans ses jeux mélo-
diques à caresser l'oreille. Mais quand, réunissant à la fois toutes ses
forces sur l'oreille qu'elle charme ou offense habilement, sur le sys-
tème nerveux qu'elle surexcite, sur la circulation du sang qu'elle ac-
célère, sur le cerveau qu'elle embrase, sur le cœur qu'elle gonfle et
fait battre à coups redoublés, sur la pensée qu'elle agrandit démesu-
rément et lance dans les régions de l'infini, elle agit, dans la sphère qui
lui est propre, c'est-à-dire sur des êtres chez lesquels le sens musical
existe réellement ; alors son pouvoir est immense et je ne sais trop à
quel autre on pourrait sérieusement le comparer. Alors aussi nous
sommes des dieux, cl si les hommes comblés des faveurs de ia fortune
pouvaient connaître nos extases et les acheter, ils jetteraient leur or
pour les partager un instant.
» Aux artistes donc, que rien ne saurait avilir ni décourager, aux
artistes véritables, à ceux qui vous ressemblent, Messieurs, aux persé-
vérants, aux vaillants, aux forts ! »
Les hurras éclatent ; je m'esquive au milieu du tumulte.
H. BERLIOZ.
CORRESPONDANCE.
Nous recevons de M. Antoine Schindler les deux lettres suivantes,
que notre impartialité nous oblige à insérer, sans rien changer à leur
texte, et moyennant lotîtes réserves à l'égard du prince Boris Galitzin ,
qui le premier a eu recours à notre publicité.
Francfort-sur-le-Mein. le 12 octobre I8j2.
Monsieur le Directeur,
J'ai l'honneur de vous envoyer ci-joint ma réplique au prince Nico-
las Boris Galitzin, et je vous prie de l'insérer dans la GazHte musicale.
La curiosité, fortement excitée dans le monde musical de l'Allemagne
et de l'Angleterre par cette affaire, doit l'être aussi en France, où le
nom de Beethoven esl tant honoré. Le journal Neua Zeilschnft fur
Musil:, à Leipzick, contient cette réplique dans son numéro du 8
courant.
Un scandale pareil à celui que cette affaire produira n'a peut-être
jamais eu lieu dans le monde musical. Que le prince Galitzin voie
comme. ;t il s'en retirera.
Veuillez agréer, Monsieur, l'assurance de ma haute considération,
avec laquelle j'ai l'honneur de signer,
Antoine SCHINDLER.
ESénliqnc de SI Ânloinc Scraândler à In protestation de
II. le prince Nicolas Boris Galitzin (I).
Parmi les nombreuses répliques que j'ai été dans le cas de devoir
publier depuis la mort de Beelhovcn, soit quant à lui personnellement,
soit quant à ses relations avec d'autres personnes, la présente paraît
surtout vouloir devenir importante par suite de ses circonstances par-
ticulières, et je suis heureux d'avoir assez vécu pour voir enfin cette
ténébreuse affaire des quatuors mise en discussion. Je dois malheureu-
sement remarquer en commençant déjà, que cette affaire a été rendue
plus obscure encore par les publications du prince. Le niblo habitant
de l'Ukraine a encore amené plus de complications qu'il n'y en avait
déjà. Voilà ce qui m'empêche d'être aussi court que je l'eusse désiré
et me force à réclamer un peu d'espace.
Lorsque déjà, peu de temps après l'inauguration du monument de
Beethoven à Bonn (1845), il plut à M. le prince Galitzin depublier, dans
un journal politique de Paris, une longue description, qu'il signa
en toutes lettres, de ses relations écrites avec Beethoven et des qua-
tuors composés pour lui, j'attendais, ainsi que l'avocat de Vienne,
M. le docteur Bach aîné, que l'illustre compositeur avait, on le sait,
nommé lui-même curateur fidéicommissaire de sa succession, j'alten-
dais, dis-je, qu'un rayon de lumière tombât enfin sur l'affaire d'argent
en question, que Beethoven mourant avait particulièrement recomman-
dée à son curateur. Mais en vain ; rien ne suivit cette publication, dans
laquelle son auteur ne prononçait pas encore l'assurance que les senti-
ments de noblesse et de délicatesse du grand homme n'étaient pas à la
hauteur de son génie, accusation contre son caractère, aussi ignoble et
peu délicate que peu méritée de Beethoven, et que nous avons dû lire
avec étonnement dans la protestation du prince que renferme le jour-
nal A'. Zeilschrift fur .Vusi/c (Leipzick) , du 6 août, et dans la lettre que
le prince m'a adressée, en date du 15 juillet.
(1) Voir le N° Zk de la Gazette musicale. — Diverses correspondances sur cette
afiaire, avec Vienne et Saint-Pétersbourg, ont retardé cette publication.
348
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
Tel autre qui à sa place (quoique non prince) n'eût rien entendu dire
de ce qui a été imprimé depuis vingt-cinq ans en Allemagne, comme,
de son propre aveu, c'est le cas du prince, lequel, avant la mort de
Beethoven, déjà quitta Pétersbourg pour se rendre à l'armée du Caucase,
et a vécu dès lors dans une des provinces les plus reculées de la Rus-
sie européenne ; tel autre, dis-je, se serait, en pareille circonstance,
informé préalablement avec circonspection de l'ensemble des choses
qui le concernent avant que de publier hautement en Allemagne et en
France, — peut-être même en Russie et en Turquie, — des erreurs quj
m'accusent au hasard de calomnie. Le prince Galitzin s'oublie dans la
Gazette musicale au point de suspecter les rédactions allemandes de
me vouloir protéger et épargner contre lui. « 11 est vieux, disait-on ;
attendons qu'il soit mort. » Voilà quels sont les rêves du noble sire de
l'Ukraine et ses idées sur la presse allemande. Je comprends bien qu'il
est contre sa dignité de s'abaisser jusqu'à entrer en discussion « avec
un Schindler, dont il n'a jamais entendu parler et dont il ne connaît
point l'ouvrage. » Pour calmer ses esprits que ncus avons si audacieu-
sement excités, je recommande au prince la note ci-dessous (1). L'au-
guste Mécène des arts ne doit pas ignorer plus longtemps qui est l'au-
teur, malheureusement encore si obscur sur les bords de la mer Noire,
de la biographie de Beethoven ; il doit apprendre qu'aucun homme n'a
été pendant un grand nembre d'années aussi près de l'immortel artiste
que moi ; ce qui fait que dans la question pendante, j'étais non-seule-
ment obligé de me présenter comme réfèrent, mais en même temps
comme témoin oculaire et auriculaire.
C'est le passage suivant de la lettre du prince à mon adresse qui a le
plus excité mon étonnement :
« Mais mes rapports avec Beethoven m'ont entraîné à des dépenses
de plus de 500 ducats. Comment et de quelle manière ? Vous le saurez
quand j'aurai publié toutes les circonstances et les détails de mes rap-
ports avec Beethoven. Cette publication, je ne la ferai qu'avec la plus
grande répugnance, parce que je devrai malheureusement prouver
que les sentiments de noblesse et de délicatesse du grand homme n'é-
taient pas à la hauteur de son génie. » Voilà ce qu'on y lit en toutes
lettres. Certainement , ainsi que moi, tous ceux qui honorent Beetho-
ven atler.dent avec impatience celte publication, à laquelle les senti-
ments princiers de noblesse et de délicatesse ne feront sans doute pas
défaut. 11 faut qu'il soit prouvé si la somme mentionnée se rapporte
directement à Eeethoven ou à quelqu'un de ses parents, oui ou non.
Dans ce dernier cas, ce qui dépasse la somme de 125 ducats exigée
par Beethoven ne nous regarde plus.
Comme je n'espère pas atteindre l'âge de Mathnsalem, il m'importe
tout particulièrement de voir bientôt cette affaire que les déclarations
sus-mentionnées du prince ont fini d'embrouiller, expliquée jusqu'à l'é-
vidence, ce à quoi pourrait contribuer peut-être la découverte des
lettres du prince à Beethoven en 1824. On voit qu'il s'agit surtout ici
de l'honneur de l'homme qui a si bien mérité du monde musical, et
qui me fut particulièrement encore un paternel maître et ami. Qui de-
vra , qui pourra repousser, quand je ne serai plus, les soupçons qui
peuvent l'atteindre?
Lorsqu'en 1839 je commençai la biographie de Beethoven , j'avais
(l) Gazette musicale universelle de Berlin, 1827, n" 30, rapports de Vienne du
mois de mai :
" Ilummo! nous a fait ses adieux au théâtre de Josephstadt,dans un concert,
qui, par suite de précédents traités, a dû Être accordé à l'ancien chef d'orchestre
Schindler. M. Schindler a été, dans toute l'étendue du terme, le fidèle Pylade de feu
notre Beethoven ; il en a soigné depuis des années les affaires domestiques et est
resté à ses côtés jusqu'à son dernier soupir. Dans l'espoir de sa guérison, Beetho-
ven voulait prouver sa reconnaissance par une nouvelle composition qui devait être
exécutée pour la première fois à cette occasion. Toutefois, lorsqu'il s'aperçut que le
destin en avait autrement décidé, il remit ce devoir à Hummel. qu'il pria encore,
dans les dcrnieis moments de sa vie, de payer à sa place à son ami, toujours géné-
reux et dévoué, le tribut de la reconnaissance. Hummel le promit, le cœur brisé, et
il a reculé son départ pour accomplir sa promesse sacrée, etc. »
La manière dont Beethoven mourant prit congé de l'auteur de cette réplique, est
de même conservée dans la Gazelle musicale universelle de Leipzig, 1827, n° 22,
et dans les journaux de Vienne de l'époque.
déjà quitté Vienne depuis plusieurs années, et dus, par conséquent
prendre par écrit maintes informations, auxquelles, chose remarquable,
le docteur Bach seul put répondre. Les souvenirs de ceux qui , jadis
aussi, avaient eu beaucoup de relations avec Beethoven, se réduisaient
à ceci: qu'il avait vécu à Vienne. M. Bach me répondit quant à l'af-
faire des 125 ducals restants du prince Galitzin, qu'elle n'était pas en-
core arrangée , et qu'il ne pouvait réussir à découvrir la retraite du
prince. En même temps il me recommanda beaucoup de publier ce
cas singulier, de même qu'en général toute l'histoire des quatuors pen-
dant depuis plus de trois ans, ainsi que toutes ses désagréables consé-
quences, parmi lesquelles se trouve la demande de secours si fortement
blâmée à Vienne, que Beethoven adressa à la Société philharmonique
de Londres (1).
Et pourtant elles ne sont pas encore toutes là, ces conséquences ! On
n'y lit point les amers chagrins que le grand maître eut à souffrir par
suite des jugements insensés portés sur les derniers produits de son
esprit; on n'y lit point non plus que son ancien ami C. Bernard s'est
éloigné de lui, parce que cet ami est resté avec moi dans la minorité
lors des délibérations du printemps 1824 sur la question que nous avait
posée Beethoven : Après la prochaine première exécution de la neu-
vième symphonie et de la Missa solemnis, dois-je écrire des quatuors
ou achever la dixième symphonie , puis l'oratorio la \icloire de la
Croix, de C. Bernard, déjà esquissés? C'est dans ce fait qu'il faut cher-
cher les raisons pour lesquelles Bernard ne voulut jamais consentir à
publier des mémoires sur Beethoven, ce qui est fort à regretter. La
majorité, pour la composition des quatuors, était composée de M. Schup.
panzigh et de ses collègues du quatuor (les raisons en sont claires),
auxquels Jean, le frère de Beethoven et pharmacien, s'était joint. Ce
dernier flairait dans les lettres du prince de riches mines d'or sur les
bords de la Neva, et contribua le plus à la résolution prise. Nous ver-
rons ci-dessous comment cet homme, dans la dédicace de l'ouverture,
ceuv. 124, et selon sa manière de juger toutes les choses, sut faire va-
loir son influence sur notre Beethoven.
J'ajouterai encore à ce qui précède , qu'avant son impression , j'ai
envoyé mon manuscrit de la troisième période dans laquelle se trouve
l'affaire Galitzin au docteur Bach pour qu'il le revoie. Il me le renvoya
avec quelques additions et loua ma modération , non-seulement dans
l'affaire en question, mais dans d'autres encore qu'il avait été chargé
de diriger, et dont, le cas échéant, il voulait rendre raison. Avant que
la seconde édition démon livre (1845) parût, jem'enquis encore au-
près de lui si rien de nouveau n'était survenu dans l'affaire Galitzin.
Réponse : non. Ce juriste distingué et honoré est mort à Vienne en
1847. 11 n'y a plus maintenant dans cette ville qu'un seul homme vi-
vant qui ait été en relation intime en 1825 et 26 avec Beelhoven ,
M. Charles Holz, employé de la caisse publique auprès de la diète de
la Basse- Autriche, et qui a dû être cité comme témoin dans l'affaire en
question. Son témoignage est d'autant plus important, que M. Holz ,
comme membre du célèbre quatuor de Schuppanzigh, a été particuliè-
rement en rapports et en délibérations avec Beethoven, auquel il a
rendu encore maint service en matière de finances.
Voyons les dépositions de ce témoin, déposilions qui m'ont été re-
mises déjà le 23 août par M. Aloys Fuclis, lequel m'écrit : « M. Holz
a déclaré :
» 1" Que votre exposition des faits sur l'envoi des quatuors au prince
russe, est entièrement conf rme à la vérité ;
« 2° Qu'il (M. Holz) n'a jamais entendu parler de la réception d'hono-
raires que pour le premier quatuor, et qu'il sait quelles démarches
Beethoven a déjà dû faire en Russie pour obtenir cet honoraire, et
combien de fois il s'était plaint auprès de lui de ce que d'ultérieures
contributions n'arrivaient point.
(1) Qu'il nous soit permis de remarquer ici en passant que l'ouvrage The Life
of Beelhoven , qui a paru en JS41 à Londres, en deux volumes, chez Henri Col-
burn, est la traduction littérale de mon livre sur Beethoven (à l'omission de l'intro-
duction près ), quoique sur le titre du livre, le nom seul de Moscheles figure comme
éditeur.
DE PARIS.
•WJ
»M. Holz fait encore remarquer que connaissant exactement l'étatdc
la caisse de Iieethovcn, il eût nécessairement dû s'apercevoir de l'ar-
rivée d'une telle somme (125 ducats). »
Cette déclaration nous apprend donc de plus que Beethoven avait
déjà du faire des démarches pour obtenir sa paie pour le premier qua-
tuor, ce qui m'avait échappé. Que penser donc de la vérité des décla-
rations du prince, qui prélend avoir envoyé à Beethoven en 1822 déjà
50 ducats d'honoraires pour le premier quatuor? Dans la Gazette imisi-
culeil dit 50 florins (1). (Le prince au reste parle tantôt do ducats et
tantôt de florins, ce qui augmente encore la confusion.) Puis le prince
ajoute quant à cette remise : « Réponse de Beethoven, qui se confond
en remerciments sur mon empressement à solder une œuvre qui n'est
pas même commencée. » Quoi, le fier artiste qui ne s'est jamais départi
de ses principes vis-à-vis de la haute aristocratie aurait vraiment fait
cela ! Il se serait si profondément incliné devant le prince russe que de
se confondre en remerciments pour quelques ducats ou florins ! In-
croyable ! Quelques organes publics, la Gazette musicale du Rhin
même, ont accepté comme vraies ces déclarations du prince. Puissent-
ils se rétracter et contribuer à maintenir intact l'honneur de Beethoven
dans de semblables affaires aussi !
Nous savons parfaitement que les négociations avec le prince n'ont
commencé qu'au printemps de 1824 (si même une lettre devait être
arrivée en 1822 déjà), attendu que ses propositions nous ont été commu-
niquées. Le premier quatuor, œuv. 127, a été écrit dans l'été et envoyé
à Pétersbourg dans l'automne de 1824. Quiconque ose dire avoir payé
Beethoven avant d'avoir reçu l'œuvre commandée, fait une injure gros-
sière à son honneur. Beethoven n'a jamais accepté d'avance aucun
honoraire. Nul de ses éditeurs ne pourrait le dire; et il y aurait con-
senti vis-à-vis d'un étranger! et même deux ans avant d'avoir mis la
main à l'œuvre!
Deux lettres adressées à M. C.-F. Peters, son éditeur, à Leipzick,
par Beethoven et imprimées dans le n° 21 du journal N. Zeitschrift
fur Musik, en 1837, prouvent la manière dont l'illustre compositeur
soignait l'encaissement de ses honoraires. Il lui écrivait le 3 août 1822 :
« Tout pourra être livré jusqu'au 15 de ce mois ; j'attends vos ordres là-
dessus et ne ferai point usage de votre lettre de change. » Il lui écrit de
nouveau le 31 mars 1823 : « Ne m'envoyez pas les honoraires en gé-
néral, avant que vous ayez reçu la nouvelle que l'œuvre a déjà été ex-
pédiée. » Tel était son principe immuable dans les affaires. J'omets ici
les faits qui se rapportent au deuxième et au troisième quatuor. Ils
viendront toujours assez à temps dans le procès en diffamation dont le
prince me menace, si je ne me rétracte pas immédiatement. Ce procès
peut devenir, en tout cas, une riche source dépiquantes notices pour le
prochain biographe de Beethoven.
Dans sa protestation allemande comme dans sa protestation française,
le prince se réfère à la maison de banque Henikstein et C", à Vienne;
il dit encore expressément dans sa protestation française : « Les incré-
dules peuvent demander à voir les quittances autographes de ces divers
envois chez les banquiers Henisktein et Ce, de Vienne, et en recevoir
la confirmation de M. Charles Beethoven lui-même , demeurant au fau-
bourg de Josephtadt, 221, à Vienne. »
J'ai suivi cette indication en citant textuellement le passage ci-dessus.
La réponse de MM. Henikstein et Ce, en date du h septembre, dit :
« que par suite de l'invitation du prince Galitzin, ils avaient donné à ce
dernier, il y a longtemps, toutes les explications désirées dans cette
affaire de Beethoven, et que, par conséquent, ils ne pouvaient que me
renvoyer au prince, qui seul était à même d'expliquer le véritable état
des choses, n
Excellent ! Le prince renvoie « les incrédules» au banquier, et celui-
ci les renvoie de nouveau au prince, et M. Charles Beethoven ne de-
meure plus à Vienne ; mais où? C'est ce que MM. Fuchset Holz ne savent
pas. Mais, au reste, que peut savoir et témoigner, dans l'affaire en ques-
(1) C'était une faute d'impression corrigée par un erratum dans le n° 35.
tion, ce neveu de Beethoven, qui, dans les dernières années de la vie
de son oncle, ne fut que rarement auprès de lui, et, lors de la catastrophe
de sa mort, ainsi que bien des années ensuite, a été dans le militaire et
absent de Vienne?
El maintenant donc, il ne me reste plus qu'à répondre à la question
suivante, posée par le noble sire de Karkoff (dans sa protestation al-
lemande) comme l'argument le plus fort : «Si Beethoven avait à se
plaindre de moi, pourquoi m'a-t-il dédié après les quatuors, et sans que
je l'aie désiré ou même su, l'ouverture, œuv. 124? »— Cette dédicace a
eu lieu vers le milieu de 1825, avant même que le second quatuor en
la mineur fût terminé et avant que Beethoven pût prévoir le sort qui
lui était réservé à l'occasion de ces quatuors ; elle a eu lieu alors déjà,
parce que l'éditeur de musique Schott, à Mayence, voulait hâter la pu-
blication des œuvres de Beethoven (parmi lesquelles se trouvait celte
ouverture) qu'il avait achetées en 1825, et qu'ainsi tous les litres des
œuvres devaient être aussitôt mis en ordre. De plus, cette dédicace eut
lieu par suite du désir impérieux de son frère Jean , désir dont
nous avons déjà indiqué les causes ; et notre maître céda à ce désir
pour ne plus être incommodé. Le litre de cette œuvre devrait plu-
tôt donc être ainsi conçu : « Ouverture composée par L. van Bee-
thoven, et dédiée à tel ou tel par Jean van Beethoven, pharmacien, n
Celte œuvre ( sur laquelle M. de Lenz , dans son ouvrage :
Beethoven et ses trois styles, fait force commentaires), fut écrite,
on le sait, pour la fête d'inauguration du nouveau théâtre de Josephstadt
(à Vienne), occasion dans laquelle — 30 octobre 1822— j'eus l'honneur
de me trouver à la tête de l'orchestre avec Beethoven et fus introduit
par lui dans ma nouvelle carrière artistique. Celte ouverture a été im-
primée en janvier 1826, et le premier quatuor, œuv. 127, en décem-
bru 1825, ainsi toute une année après qu'il eut été envoyé à Péters-
bourg. Ainsi fut remplie la condition posée par le prince « de vouloir
posséder seul chacun des quatuors une année entière avant qu'ils soient
livrés à la publication. »
Donnons encore l'assurance en terminant, que nous attendons tous
avecimpalience les explications du prince. Puissent-elles être suffisan-
tes dans tous les points, de manière que l'honneur de tous ceux qui
sont engagés dans la question ne reste point entaché ! Puisse-t-il être
démontré que ce conflit ne doit être attribué qu'à un ensemble de cir-
constances et de hasards, peut-être à la grande distance qui sépare les
personnes intéressées dans la question. — Mais les 500 ducats !
Antoine SCHINDLER.
REVUE CRITIQUE.
MUSIQUE DE PIANO.
Chant iln mutin. — Cliant du TrouEiadoiir. — rhant du fi>i»ianchc. —
Chant <I» chassenr. — «,' Atiicii du Soidut. — riinut du Berceau — Snl-
tarello. — fl»ronaeuaiIe d'un Solitaire, mélodie* Nanti paroles, par M6-
ph.
Heller.
Si vous avez lu complètement le titre qui précède, vous savez qu'il
s'agit de huit productions de Sléphen Heller.
Avant de parler de ces huit morceaux, nous nous demandons : Est-ce
un portrait qu'il faut esquisser ou une analyse qu'il faut entreprendre?
Nous aimerions autant l'un que l'autre, et nous le ferions aussi facile-
ment. Oui, quand même nous ne connaîtrions pas du tout Stephen
Heller, nous le déduirions sans faute de ses inspirations, de son style ;
nous le verrions tel qu'il est, nous affirmerions que tel il doit être. Et
quelle charmante individualité que la sienne ! Quel cachet de distinction,
d'élégance, de sentimentalité exquise, imprimé à tout ce qui sort de sa
pensée et de sa plume! Impossible de ne pas songer aux chapitr s
d'un roman de Sterne, à ces pages souvent si courtes, mais si colorées,
si profondes, lorsqu'on joue ou qu'on entend jouer ces petits morceaux
qui se suivent sans se ressembler, si ce n'est par la supériorité de leur
350
REVUE ET GAZfc
MUSICALE
conception, et nous dirions presque, par l'aristocratie de leur allure!
Dans la grande famille musicale, les hommes d'esprit ne sont pas
rares ; Stephen Ileller se distingue encore parmi ceux qui en ont le plus,
et il ne le montre pas seulement qnand il cause, quand il flâne ou qu'il
fume, quand il écoute, quand il sourit : il a toujours de l'esprit au bout
des lèvres et au bout des doigts. Il n'écrit pas pour écrire ; il n'enchalnc
pas des notes pour le plaisir d'enchaîner des notes. 11 a, au fond du
cœur, un trop sincère dédain pour le vulgaire accouplement de ces
phrases qui se rejoindraient d'elles-mêmes, quand personne ne prendrait
la peine de les rapprocher ! Ne le cherchez pas dans la foule, dans la
cohue ; la ligne droite d'un chemin tout plat n'a pour lui aucun charme.
Il préfère, comme de juste, les sentiers sinueux, les ombrages touffus,
dans lesquels un rayon se joue. Il aimerait mieux ne rencontrer per-
sonne sur sa route, que de ne pas choisir sa société ; et si ses
compagnons de voyage venaient à l'ennuyer, nous ne doutons pas qu'il
ne trouvât le moyen de les planter là bien vite. Sa nature est essentiel-
lement tendre et rêveuse ; on sent qu'il doit avoir des prédilections et
dus antipathies dont il n'est pas maître, mais dont on lui sait un gré
infini, parce que ce sont elles qui constituent son caractère d'homme,
sa vocation d'artiste ; et que s'il ressemblait un peu plus à tout le monde,
il serait nécessairement beaucoup moins lui.
Nous disons donc qu'il suffirait d'avoir lu et bien lu quelques-uns des
petits morceaux signés du nom de Stephen Heller pour se faire une
idée de sa physionomie morale et spirituelle. Cette conviction nous
revenait sans cesse, à mesure que nous déroulions et que nous passions
en revue la série de ses nouvelles compositions. Le Chant du matin,
le Chant du troubadour, le Chant du dimanche ont pour thèmes des
mélodies de Mendelssohn ; Saltarello est aussi écrit sur une mélodie
du même maître, avec lequel Stephen Heller a tant d'affinités. Mais
combien l'ajustement, le costume, la parure, qui lui appartiennent en
propre, ajoulent de prix à ces éléments simples ! combien ils les font
valoir et les transforment ! Le Chant du matin n'a que trois pages ;
mais c'est un début plein de fraîcheur, une hymne touchante et naïve ,
dont l'exécution n'a pas l'air difficile, et pourtant ne vous y fiez pas,
car il faut jouer cela comme l'auteur l'a écrit, sans qu'une note
demeure indifférente. Le Chant du troubadour a six pages ; celui du
Dimanche n'en a que quatre, et ce sont des morceaux complets dans
leur genre, laissant une impression nette et vive, une trace lumineuse
d'originalité.
Le Chant du chasseiir, l'Adieu du soldat, le Chant du berceau, que
Stephen Heller a composés seul, et sans avoir Mendelssohn pour col-
laborateur, sont à peu près de la même, dimension que les aulres (le
Chant du berceau n'a que deux pages), et méritent le même éloge. Si
quelque chose pouvait contribuer à former des pianistes soigneux, at-
tentifs jusqu'au scrupule, ne posant jamais le doigt sur la touche sans
savoir pourquoi et comment; des pianistes ennemis du bruit, hydro-
phobes des sonorités vagues et uniformes, ce serait assurément l'élude
assidue, amoureuse de ces petits morceaux, qui ne demandent pas une
longue haleine, mais dont chacun en dit infiniment plus que sa taille
ne le comporte.
Saltarello nous ramène à Mendelssohn, et enmême temps au monde
des salons, au monde qui aime la lumière et l'éclat. C'est un morceau
des plus brillants, qui a tout l'élan des saltarelles, sans en avoir le
commun. La seconde partie en est doucement teintée d'une expression
mélancolique, comme on en trouve quelquefois jusque dans les salles
de bal. Dans les Promenades d'un solitaire, c'est Stephen Heller qui
revient seul et sans partage ; c'est lui tout entier, rien que lui, et nous
le répétons h titre de louange. Des quatre Promenades, celle que nous
aimons surtout, c'est la seconde en fa majeur, dont la forme mélodi-
que est vraiment ravissante, et dont les modulations, toujours inatten-
dues, quoique souvent répétées, ont un accent plaintif qui ressemble
aux s oupirs de la brise à travers l'épaisseur des bois.
P. S.
3SEQZrSE.VW HÏE 6:EKB,EOZ.
C'est vendredi prochain, à 11 heures, qu'aura lieu dans l'église de
Saint-Eustache le service funèbre de M. le baron de Trémont, et l'exé-
cution du Requiem de M. Berlioz. Les associations des artistes musi-
ciens et des artistes dramatiques se sont réunies pour donner à cette
solennité une pompe musicale extraordinaire, et M. Auber a autorisé le
Conservatoire tout entier à y prendre part. Le solo du Sanctus sera
chanté par M. Roger.
Les exécutants, au nombre île six cents, seront dirigés par M. Ber-
lioz ; M. Tilmant conduira le chœur. On parle d'une dépulalion d'artistes
de la ville de Lille qui voudrait à cette occasion se joindre aux artistes
parisiens.
M. Berlioz nous prie d'annoncer qu'il lui est impossible de faire droit
aux demandes de places réservées qui lui sont adressées de toutes parts;
ces détails concernant exclusivement le comité de l'Association des ar-
tistes musiciens.
ELLES.
%* Aujourd'hui dimanche, par extraordinaire, à l'Opéra, le rr^phè'e. —
Demain lundi, Lucie et Vert-Vert.
%* Guillaume T< Il a été chanté lundi dernier par Cueymard, Mme La-
borde, Obin et Merly, qui, pour la première fois, remplissait le rôle du
héros de l'Ilelvétie, en remplacement de Morrlli. Le jeune artiste a heu-
reusement profité de l'occasion et l'épreuve lui a été tout à fait favorable.
*** Le Juif errant, donné mercredi, avait encore rempli la salle. Massol
est toujours admirable de physionomie et de voix dans le rôle d'Aliasve-
rus. Roger, l'artiste supérieur, tire un immense parti de celui de Léon,
comme Mme Tedesco de celui de Théodore. Mlle Dussy remplaçait
avec talent Mlle Lagrua indisposée.
%.* La Favorite et la Péri composaient le spectacle de vendredi, Roger
et Mme Tedesco ont eu les honneurs de la'soirée.
*„* La reprise de Moïse n'aura lieu que dans huit jours.
%* I.e rere Gaillard a été repris lundi dernier et joué quatre fois dans
le cours de la semaine. La musique est de plus en plus goûtée et le succès
grandit
%* La Fée aux Tîows a reparu vendredi devant un nombreux auditoire.
Le rôle de Nérilha est toujours l'un des plus grands triomphes de
Mme Ugalde.
%* L'ouvrage en trois actes, de MM. Scribe, Germain Dèlâvigiie et Cla-
pisson, qui sera joué prochainement aura pour titre les Mystères d UdiJphît.
%* far arrêté du ministre de l'intérieur, M. Alexandre C.orti, ancien
directeur des théâtres de Milan et de Rergame, a été nommé directeur du
Théâtre-Italien de Paris.
V M. Lumley se préparait à remplir ses obligations de directeur avec
le même zèle et le même courage que par le passé, lorsqu'il a appris son
remplacement. Deux jours après, il est reparti pour Londres, où de grands
intérêts rappellent. Quoi qu'il arrive, il faut le féliciter d'une décision qui
le délivre d'une mission périlleuse et pour laquelle il a sacrifié en deux
années plus de 300,<'OD IV.
%* Voici, d'après le journal de Saint-Pétersbourg, la composition défi-
nitive de la troupe du théâtre impérial italien : MM. Mario et Tamberlick,
premiers ténors; fionconi et de lîassini, barytons; Lablache et Tagliafico,
premières basses; Kemorino et Davide, seconds ténors; Polonini et Cec-
coni, secondes basses; Mmes Cruvelli, Marray et Mcdori, prime donne;
de Meric, contralto; Cotti, seconda donna. M lie Crisi, primitivement en-
gagée pour cette saison, a dû résilier son engagement pour cause de
santé,
*,,* Uermann-Léon donne à Bruxelles des représentations très-brillantes
et très-suivies. Après avoir d'abord paru dans les Muritéhéyriris et produit
une impression vive, dans un rôle dont tout le monde à Paris se rappelle
la création originale, il a chanté le Lertram de Robert le DiM- avec un
plein succès et un effet plus grand encore. Ensuite il a paru dans
le capitaine Roland des Mousqut taira, d, la Rtïrie, et doit ainsi passer en
revue tout son répertoire parisien.
*„* Dans peu de jours, Mme Viardot sera de retour à Paris et y passera
l'hiver.
*** Charles de Rériot est de retour à Taris, et son intention est de s'y
fixer. L'éminent artiste se propose d'ouvrir une école de violon pour y
enseigner l'art qu'il a pratiqué toute sa vie et en transmettre les principes
dans toute leur pureté Après avoir longtemps et avec tant de succès
prêché d'exemple, il entrera dans l'analyse méthodique du procédé qui Ta
fait ce qu'il a été, ce qu'il est encore, un des grands maîtres dont la
France s'honore, un de ces modèles accomplis que les étrangers nous en-
vient, parce que toutes les qualités saillantes se trouvent réunies chez eux
dans la juste mesure du bon goût.
%* Voici le moment où tous les artistes voyageurs reprennent le che-
min de la capitale. Au nombre de ces retours, qui se succèdent inces-
samment, nous remarquons en première ligne celui de deux compositeurs-
DE PARIS.
351
pianisfrs, Georges Mathias et Charles Voss, qui ne nous quittera pas de
tout l'hiver.
*»* lie Kontski, le célèbre pianiste, est aussi à Paris, mais pour peu de
temps. Ses fonctions doivent le rappeler bientôt auprès de S. M. le roi de
Prusse. Après les avoir remplies, il nous revendra et donnera un grand
concert.
*** La Société Sainte-Cécile, qui a conquis en peu de temps une place
si élevée, va bientôt reprendre ses travaux. Far une idée aussi ingénieuse
que généreuse, son fondateur, M. Seghers, ne voulant pas être accusé donc
travailler qu'au profit des morts, a décidé que tous les ans une séance
serait consacrée à l'exécution d'ouvrages contemporains. 11 est bon de
rappeler que cette faveur n'a rien d'exclusif et ne s'adresse pas seulement
aux compositeurs français. Ceux de tous les pays peuvent également y
prétendre et n'ont d'autre formalité à remplir que l'envoi de leurs manu-
scrits, sur lesquels un jury spécial est appelé à prononcer.
*,* Pu 1" au 6 de ce mois, il a été payé, pour secours, par les agents
trésoriers des trois Sociétés fondées par M. le baron Taylor, savoir :
1° Par l'Association des artistes dramatiques 1,940 fr.
2" Par l'Association des artistes musiciens 810
2° Par l'Association des artistes peintres 764
Total 3,514
*„* Le jour où S. A. le Président a honoré le théâtre de Marseille de sa
présence, on a exécuté plusieurs morceaux de la Favorite, et l'opéra de
Ne tout hes pas a la Hein", de Xavier lîoisselot.
%* M. Edouard de Ilartog, jeune compositeur hollandais, qui donna, la
saison dernière, un grand concert (salle Ilerz) dans lequel il ne fit dire
que de sa musique, doit revenir bientôt dans Paris, pour y faire exé-
cuter une grande scène lyrique à trois voix et avec chœurs.
*** VO salutoris, pour ténor-solo, composé par M. J. B. Croze, dédié
à Sa Sainteté Pie IX, vient d'être publié. Nous recommandons aux ama-
teurs de musique religieuse cette production digne du jeune artiste, dont
la Gazelle a eu occasion de signaler les succès.
V Nous avons déjà indiqué quelques œuvres pour piano de Paul Bar-
bot, Berihe, la Shj'icnne, Rose Brune, la Brise. Cette dernière, étude de
concert, a obtenu à Bordeaux un grand succès lors du passage du compo-
siteur-pianiste, qui a fait entendre également deux nouvelles études, les
Oraues du cœur et les OiseauûPveyageurs.
*t* Sivori vient de donner son dernier concert a Bruxelles, au théâtre
de la Monnaie, avec le. concours de M. Gilardoni, contrebassiste. Les deux
artistes sont dignes l'un de l'autre, et ce n'est pas peu dire. Ils ont été
rappelés tous les deux après chaque morceau.
*„,* M. Parnum vient de faire connaître le compte de la campagne mu-
sicale qu'il a faite l'année dernière aux Etats-Unis avec Jenny Lind. Elle
a rapporté 610,000 dollars 3 millions 253,000 fr.), dont 302,000 pour l'ar-
tiste et 308,000 pour l'imprésario.
%* La classe des beaux-arts de l'Académie royale de Belgique a mis au
concou s pour l'année 1 853 la question suivante : Délern iner l'influence
que /' introduction île la musique de l'Orient a ix'rcce, à la suite des croisades,
sur la musique de l'Occident, et décrire les modifications qu'elle a pu faire su-
bir aux formes de c* llc-ri, soit dans le style religieux, soil dans le style pro-
fi^ ne. Le prix est une médaille d'or de la valeur de 600 fr. — Les mémoires
doivent être écrits lisiblement en latin, en français ou en flamand, et se-
ront adressés, francs de port, avant le ltr juin 1853, à M. Quetelet, secré-
taire perpétuel. L'Académie exige la plus grande exactitude dans les ci-
tations; à cet effet, les auteurs auront soin d'indiquer les éditions et les
pages des livres qu'ils citeront. Cn n'admettra que des planches manu-
scrites. Les auteurs ne mettront point leur nom à leur ouvrage, mais seu-
lement une devise, qu'ils répéteront sur un billet cacheté, renfermant
leur nom et leur adresse. Les ouvrages remis après le temps prescrit ou
ceux dont les auteurs se feront connaître, de quelque manière que ce soit,
seront exclus du concours. L'Académie croit devoir rappeler aux concur-
rents que, dès que les mémoires ont été soumis à son jugement, ils sont
déposés dans ses archives, comme étant devenus sa propriété. Toutefois,
les intéressés peuvent en faire tirer des copies à leurs frais, en s'adres-
sant, a cet effet, au secrétaire perpétuel.
*+* Le ministre de l'intérieur vient d'adresser à MM. les préfets des dépar-
tements la circulaire suivante : « Je suis informé que, dans les départements,
lesétablissementsconnus souslenomde (o/es-c/ian'un/s font aux théàtresun
tort considérable. Dans les grands centres de population surtout, ils se sont
multipliés d'une manière extraordinaire; et ce qui rend leur concurrence
redoutable et même ruineuse pour les entreprises dramatiques, c'est qu'on
y exécute les morceaux les plus remarquables des opéras nouveaux. Il y
a là un abus qui soulève de justes réclamations et qui doit être réprimé.
A Paris, le répertoire des théâtres lyriques est interdit aux cafés-chan-
tants; leurs programmes ne se composent que de chansonnettes ou ro-
mances à une ou deux voix. Il est nécessaire que l'exploitation des cafés-
concerts soit circonscrite dans les mêmes limites. En conséquence, je vous
invite à informer MM. les maires de votre département que les autorisa-
tions de ce genre doivent être données de manière à réduire le répertoire
de ces établissements au genre que je vous ai indiqué, c'est-à-dire : chan-
sonnettes à une voix, romances à une ou deux voix, sans costumes, ni mise
en scène. Aucun de ces morceaux ne peut être chanté sans avoir été
approuvé par l'autorité locale. Vous voudrez bien m'accuser réception de
cette circulaire et me rendre compte des mesures que vous aurez prises
pour assurer l'exécution de mes instructions. Je vous demande de joindre
à votre réponse l'état des établissements de ce genre qui existent dans
votre département, avec les noms des propriétaires, et des observations
sur leur tenue et leur importance. »
V Les journaux anglais annoncent la mort de M. Oulibicheff, qui
s'est fait connaître par un excellent livre sur la vie et les ouvrages de
Mozart, dont nous avons rendu un compte détaillé. (Voir la B, vue et
Gazette musical? de 1848.)
*„* L'exécution typographique des exemples du cinquième article de
M. Fétis père sur le Déoelopp-nvnt. futur de la musique ilans le domaine du
rhvlhme, nous oblige à en retarder la publication jusqu'au numéro pro-
chain.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
*„* Piétiné. — Au théâtre de la Cour on annonce les nouveautés suivan-
tes: le Dieu et la Bayadcre, d'Auber, pour le 9 octobre; Ondine, de Lvoff,
pour le 20; puis viendra Irmcne, opéra nouveau, que M. de Flotow a écrit
pour ce théâtre.
*4* Francfort. Sophie Cruvelli a encore donné trois représentations. Jus-
qu'à présent elle a chanté, avec le même succès, les rôles de rtosine et de
Lucrèce.
*„* Detmohl. — Par ordre du prince, la symphonie de Berlioz : Bornéo
et Juliette, a été mise en répétition sous la direction de M. Kiel, maître de
chapelle.
*lt* Milan. — Au théâtre AVa Cannobiana on vient de représenter pour
la première fois un opéra nouveau de Pedrotti : Fiorina ou In j'une fille de
Claris. La partition, exécutée dans le meilleur style italien, a eu un grand
succès, qu'elle doit en partie à la prima donna Mlle Foroni Conti, et au
ténor Carrion. Tous les morceaux ont été salués d'acclamations unanimes,
et le compositeur a eu fréquemment les honneurs du rappel.
%* Nazies. — Le théâtre de San-Carlo nous promet un opéra nouveau
de Mercadante : la Violclfa. Le personnel de la troupe n'offre point de nom
de quelque importance.
%* New-York, 28 septembre. — Le grand événement de la saison mu-
sicale est arrivé. Mlle Sontag a donné son premier concert, et aujourd'hui
elle est acceptée par le public et les critiques américains pour ce qu'elle
a été en Europe, la reine du chant. La foule était immense, l'élégance
portée à son degré le plus élevé: l'intérieur de la salle présentait un coup
d'œil magnifique. Le concert a commencé par l'ouverture du Frrischiilz,
exécutée par un orchestre de 70 instruments que dirigeait M. Eckert.
Ensuite est venu l'air : Tu vedra>, du Pirate, chanté par M. Pozzolini, qui
a été lui-même très-bien reçu. L'entrée de Mme Sontag a été le signal
donné à l'enthousiasme. Les applaudissements ont duré pendant plusieurs
minutes. La cantatrice était vêtue d'une robe de satin blanc broché,
couverte de dentelles blanches mêlées de nœuds amarantes. On dit que
cette belle robe, confectionnée à New-York, n'a pas coûté moins de 1,500
dollars (7,930 fr.). lime Sontag portait au cou une rivière '!e diamants
d'un très-grand prix, sur la poitrime un diamant d'une extraordinaire
beauté, et aux poignets des bracelets d'or du travail le plus exquis. Elle
a chanté l'air de la Sinnambula : Come per me. s<r<w, puis les variations
de Rode; l'air de Linda : O Luce di questa anima; un air suisse arrangé
pour elle, par Eckert, et la célèbre ballade anglaise : Home, sweet home.
ËKS5ATWM.
Des fautes de dispositions dans les exemples de musique du qua-
trième arlicle sur le rhythme ont été faits et nuisent à l'intelligence
(n° /(O de la Gazette musicale). Elles doivent être corrigées de la ma-
nière suivante :
Page 327, 1" colonne, 1" exemple en ni mineur, supprimez la dou-
ble barre à la fin de la première portée, la deuxième portée formant la
suite immédiate de la première dans la transformation du rhythme.
Même page, même colonne, le premier exemple en ré doit être mis
à la suite du premier, parce qu'il en est la transformation de rhythme.
— M. Mecum, luthier à Cologne fPr. Rh.), 10, L'rsula-Strasse, possède
un alto magnifique de Jos. C.uarnerius. Cet instrument est, sans contredit,
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352
REVUE ET GAZETTE MUSICALE DE PARIS.
Cites BRAreMJS ei Cic, Editeur».
RUE RICHELIEU, 103.
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N" 1. L'Empereur passe. I N" 3. Veillons au salut de l'Empire.
2. La Monaco. ' à. L'Arc de Triomphe.
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Ji" 1 . La France.
2. Air favori de Napoléon.
3. Veillons au salut de l'Empire.
N6" 4. Histoire de Napoléon raconté
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5. Le 20 Décembre.
Peur piano, i fr. 50.
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MORCEAUX DÉTACHÉS POUR CHANT AVEC ACCOMPAGNEMENT DE PIANO PAR
MM. CKOHARÉ et TA1UOT.
9. Duo chanté par M. Talon et Mme Colson : « Vous m'aimez,
dites-vous? « 6 n
10. Couplets chantés par M. Laurent : « La fleur boit la rosée, n 3 »
11. Air chanté par Mlle Garnier : « Bondissez et dansez, fol
essaim. 4 »
12. Air de danse 6 »
13. Air indien de l'Oiseau moqueur, chanté par Mme Rouvroy :
« Entends-tu sous les bambous. » 4 50
14. Duo chanté par M. Talon et Mme Rouvroy : « Tant d'or à
vous, O ciel, Zélide. » 9 »
15. Trio chanté par MM. Talon, Junca et Mme Colson : « Hélas!
tout m'abandonne. » 10 »
15 bis. Romance et duettu, extraits du trio, chantés par M. Talon
et Mme Colson : « Hélas ! tout m'abandonne. » 4 »
). Couplets chantés par M. Menjaud : « Zéphoris est bon cama-
rade. » ^ "
2. Romance chantée par M. Talon : « J'ignore son nom. » 4 »
3. Duo chanté par M. Laurent et Mme Colson : « Arrêtons-nous
sous ces épais ombrages. » à 50
4. Trio chanté par MM. Laurent, Junca et Mme Colson: «O sur-
10 »
prise inouïe. »
4 bis. Couplets extraits du trio, chantés par M. Laurent : « Dans
le sommeil, l'amour, je gage. » 3 »
5. Cavatine chantée par M. Talon : « Un regard de ses yeux
viendrait finir ma peine » 3 »
6. Chœur sans accompagnement : « O barque légère et fidèle. » 2 50
7. Duo chanté par MM. Laurent et Talon : « On ne peut pas
rêver et manger à la fois. » 9 »
8. Grand air chanté par Mme Colson : « De vos nobles aïeux et
de votre couronne. » .
Grande partition
Parties d'orchestre
Chaque partie séparée
Ouverture à grand orchestre 18
Petite partition, in-8, piano et chant, net 15
400 fr.
400
30
Arrangements pour le piano et tous les instruments, par les meilleurs
compositeurs.
Fantaisies, airs variés, caprices, quaWilles, valses, polkas; polkas-
mazurkas , scho'tischs, mazurkas, galops, etc., etc. Deux quadrilles ,
par MUSARD.
BUREAUX A PARIS : BOULEVART DES ITALIENS, 1.
19e Année.
On 9'nbonno dan* 1rs I).|i,irtomonts et ft l'KtrnnCLT,
.■heztoas les Morch ls do Musique, tes T.lbrairea
ut uns llureaux des Mosiifri i. s, t ,k- |u.si,..
Lyon. A notn- ARonco gÙDOrnle,
rue du Goret.
4; r 11. v*., tT pni n Chez M. Ed. de la Flechtùrc,
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Bruxelles. Décrie Tmuson, 15, rue des
Dominicains.
Londrei. Wessel et t".', 22», negi'nt Btreet.
Hf.PclerHbuiirg. Ilcli/nrd.
New. York. Scharfonberg et I.uis.
Mmlrl.l. linîi'ii .irti^liro-niusinilo.
i\« m.
24 Octobre 1852.
ET
Prix il.- >-_:..,,
Départements, Belgique '--t Suûse JtO
Étranger 31
Le Journal parait le Dimanche.
USICALE
II PâlIS.
^A/W\J\r©©©€></VAA/w
SOMMAIRE. — Du développement futur de la musique dans le domaine du rhythme
; (D'article) par Fétis père. — Théâtre de l'Opéra-Comique, Galatftte. — Début
de M. Faure. — Solennité à Saint-Eustache à la mémoire de M. le baron de Tré-
mont, Requiem de Berlioz, par l^éon Kreutzer. — Assemblée des cinq Asso-
ciations. — Correspondance, Berlin. — Nouvelles et annonces.
DU DEVELOPPEMENT FUTUR DE LA MUSIQUE
Dans le «Inntnine «lu rhythme.
(5e article) ()).
Nous entrons dans un monde nouveau. Il y a de la hardiesse à l'a-
border. Plus tard, sans doute, on se dira que nos premiers pas ont été
timides ; mais on devra se souvenir que, sans autre guide que la con-
science logique du but, nous marchions à l'aventure sur une terre in-
connue. Au moment où, de toutes parts, on exprime la crainte que
l'art ne soit épuisé, et lorsque l'on entend à chaque instant de jeunes
artistes dire avec découragement : On ne sait plus que faire pour in-
téresser le public ; ce que nous nous proposons avant tout, c'est de
protester contre ces funestes préjugés ; c'est de soutenir, contre toute
assertion contraire, que l'art ne s'épuise jamais pour un sentiment actif
et pour une riche imagination ; c'est enfin de faire voir dans quelles
régions nouvelles le génie peut s'exercer. Et d'abord, je crois en avoir
dit assez dans mes articles précédents pour f? ire entrevoir ce qui se
peut faire par le rhythme : celui-ci me fera pénétrer plus avant dans ce
monde inconnu ; mais l'expérience y fera découvrir des multitudes de
trésors que je ne puis qu'indiquer aujourd'hui.
L'objet de cet article est de faire connaître comment on peut com-
biner les divers systèmes de mesures binaires et ternaires pour en faire
sortir des moyens nouveaux d'expression et d'effet. Quelques essais,
assez peu satisfaisants, ont été faits pour produire de la musique dans
une de ces combinaisons appelée mesure à cinq temps. On sait, en
effet, que cette mesure, dans l'usage qu'on en a fait, n'est qu'une suc-
cession alternative de mesures à trois et à deux temps. C'est ainsi que
Boïeldieu a écrit, dans la Dame blanche, la seconde partie d'un air de
ténor :
nous re - paiid, sur nous ré-panil son om - bre.
Ce qui revient à ce rhythme :
(!) Voir les n" 35, 36, 37 et .'|0.
2 0
4 1
ti
,|f
U
2 0
9 0
3 0
4 f ' 5 5 '
2 0 0
Mais ce môme rhythme est sucseptible de plusieurs formes ; car, in-
dépendamment de celle que je viens de citer, on peut imaginer des
formes rhythmiques de cantilènes à cinq temps dont le caractère se
déterminera par deux temps suivis de trois, ou par quatre temps suivis
d'un seul, ou par un seul suivi de quatre. Voyons en quoi ces formes
différeraient du rhythme de trois temps suivis de deux, et si le caractère
de chacun d'eux serait facilement saisissable. Je suppose, pour le rhy-
thme de deux temps suivis de trois, la phrase suivante :
Allegretto.
Pour avoir la preuve qu'ici la mesure à deux temps précède la me-
sure à trois, il faut considérer où est la signification du chant ; or, il
est évident que cette signification commence au troisième temps de
chaque mesure, comme on le voit par cette analyse :
1 „„— 2
ï
ifcai
m
^m
On voit donc que le rhythme de celte phrase ne peut être mesuré
que de cette manière :
2 9
4 i
.ï fi 9 p fi 9\2 fi f
4 i LUixJ 14 1 I
3 » fi 0 0 p\2 0 fi
Il I
3 fi etc.]
41
J'ai parlé de deux formes du rhythme à cinq temps dans lesquelles
l'irrégularité serait produite par un temps surabondant ou ajouté à la
mesure à quatre temps, soit avant, soit après. Se peut-il, en effet, que
les membres d'une phrase aient une signification absolue en faisant
abstraction d'un temps? Je le crois, et j'en donne pour exemple cette
période :
Allegro. , __ , ^
ËP
rf
s
354
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
Il est facile de voir que la signification de cette mélodie réside dans
les quatre derniers temps de chaque mesure, et que le premier temps
n'en est que le complément. Supposons que tous les premiers temps
soient supprimés; ce qui restera conservera la signification primitive,
comme on peut le voir ici :
La division des temps, pour marquer le véritable caractère rhythmi-
que de celle période est donc celle-ci :
c
I f |c
I I
p 0 fi
Iflcffft/lfMcf-f elc' "
Remarquons |que bien^ que le premier temps de chaque mesure
puisse être supprimé sans anéantir la signification de cette mélodie, ce
temps , qui porte au nombre de cinq ceux de la mesure , donne au
chant une grâce qu'il n'a plus lorsqu'il est réduit au rhythme de la
mesure carrée. Il y a sans doute quelque chose d'étrange dans ce
nombre cinq; mais cette étrangeté n'est pas sans charme, quand la mé-
lodie est conçue de telle sorte qu'on ne puisse en supprimer une
ne te ou lui en ajouter une sans lui ôter de son agrément. Cette condi-
tion est radicale dans la composition du rhythme à cinq temps. Si la
mélodie peut être ramenée aux simples rhythm.es binaires ou ternaires
sans en rien ôter, salconstruction en mesure à cinq temps n'est qu'une
bizarrerie sans objet. C'est pour cela que le morceau de Boïeldieu que
j'ai cité, a toujours produit un effet peu satisfaisant; car ce n'est évi-
demment qu'un rhythme ternaire altéré sans motif, comme je le dé-
montre ici :
S
SS^
^Ë
w&
s
f^ÊÉ
Auber a fait de ce morceau une critique aussi juste que spirituelle,
en disant que c'est un trois temps en négligé.
Le rhythme à cinq temps se régularise à notre oreille par la conti-
nuation, surtout si toutes ses notes sont égales. Dans un mouvement
rapide ainsi continué, on finit par s'accoutumer à la marche d'un tel
rhythme ; l'imperfection ou la surabondance de temps s'efface par de-
grés, et l'impression de l'originalité seule demeure. Voyez-en un
exemple ci-contre, marqué A.
Ce même rhythme de cinq temps peut se trouver dans les mesures
binaires à temps ternaires, particulièrement dans les mouvements lents
ou modérés. Si le caractère de la musique a quelque chose de vague,
de rêveur, le rhythme, par lui-même étrange, indéterminé, ajoutera,
par son allure difficile à saisir au premier abord, un certain charme
au caractère de la mélodie et de l'harmonie. J'ai essayé de donner un
spécimen de ce genre de musique dans l'exemple B qu'on trouvera ici
près. Ce genre de mesure ne peut être indiqué que par 15/8.
11 ne faut pas se le dissimuler , le rhythme à cinq temps ne peut être
que l'exception, l'épisode, car il est une perturbation du sentiment na-
turel à l'homme. Cependant, traité avec talent et avec circonspection,
il prend sa place parmi les moyens de variété à introduire dans le sys-
tème rhythmique de la musique future.
Il est une autre source de variété bien plus riche, dans les combi-
naisons des mesures régulières des divers systèmes binaires et ter-
naires à temps binaires (et ternaires : on peut considérer celle-là
comme inépuisable. Une composition conçue dans une alternative de
mesures binaires et ternaires suivant de certaines proportions observées
dans la contexture des phrases, n'aurait pas l'inconvénient de contra-
rier notre sentiment de la mesure ; elle pourrait avoir la symétrie
rhythmique, qui résulte du retour fréquent et régulier d'une combi-
naison quelconque du nombre, mais elle éviterait la monotonie de l'u-
niformité. Plusieurs modes de combinaisons de ce genre peuvent se
présenter à l'imagination des compositeurs , car le thème commencera
par la mesure binaire ou par la ternaire à temps binaires ou à temps
ternaires. La succession des mesures différentes pourra se faire ou
après que la phrase initiale sera terminée, ou pendant la continuation
de cette même phrase. Les alternatives de mesures différentes seront
ou régulières ou irrégulières : dans le premier cas, les mesures binaires
et ternaires se succéderont de deux en deux, de trois en trois, de qua-
tre en quatre, ou par des périodes plus longues. De cette régularité de
retour naîtra un nouveau genre de rhythme qui sera saisi par l'intelli-
gence musicale et qui aura son charme particulier. A l'égard des suc-
cessions irrégulières, elles pourront donner à la musique le caractère
de l'originalité, mais l'abus de leur emploi ferait naître inévitablement
la fatigue, comme tout ce qui manque de naturel.
Pour donner des exemples de quelques-unes des combinaisons de
rhythmes à changement de mesure, supposons d'abord une phrase
ainsi construite :
Métr.J =100
La première impression du changement de mesure, étant inattendue,
causerait de l'étonnement ; mais le retour alternatif et régulier des sys-
tèmes différents de mesures, bientôt saisi par le sens musical, déter-
minerait un rhythme véritable dont le sentiment s'emparerait, et dans
lequel il trouverait le caractère de la beauté, si le génie de l'artiste
avait su l'y mettre ; car le beau ne réside pas nécessairement dans
certaines formes invariables : il est partout où la proportion peut s'é-
tablir et régulariser l'inconnu.
Dans les mouvements rapides, le changement de mesure est plus
sensible que clans les mouvements lents. Par exemple, il y aurait beau-
coup d'effet dans une conception rliythmique de mesures différentes,
si, le mouvement du métronome étant
ractérisée de cette manière :
132, la phrase était ca-
Allegro.
I I
P 0 9
Il I I
r rîirrnitr ri\
etc.
r r-{iirf-fi.rr.r,fW,f,r;f.ifff\fif i
Si la phrase se développe dans la mesure primitive avant qu'une
autre mesure lui succède, l'intérêt rhythmique pourra s'accroître en
resserrant par degrés les changements de rhythmes. Pour éclaircir
cette proposition, supposons que l'idée du compositeur s'est d'abord
établie dans une seule mesure, et que la perturbation du rhythme ne
s'est produite qu'après cette première période de l'ouvrage ; suppo-
sons, enfin, que les changements de mesure ne se soient ensuite fait
entendre que de loin en loin ; par exemple, de huit en huit mesures.
Eh bien, vers la seconde partie, et lorsque le sentiment a saisi toute la
pensée, si les changements de mesures et de rhythme se serrent d'a-
bord de quatre en quatre, puis de deux en deux, il en résultera un
effet très original et un caractère d'animation irrésistible. J'en ai fait
des essais qui ont surpassé mon attente. Leur développement assez
étendu ne me permet pas de leur donner place ici ; mais on les trou-
vera dans mon Traité du rhythme et de la mélodie.
Cet effet de progrès d'animation par le changement de mesure se
peut faire sentir tout d'abord dans le passage de la mesure binaire à
DE PARIS.
355
la mesure ternaire, par certains rliythmcs caractérisés. En voici un
exemple :
Allegro Même mouvement.
<ec/ir rrc/ir r rcmr
* $ »
i u
nu
r u r ilt f Lfl'Gr r r i/ir r r"i
De tels effets sont surtout singulièrement heureux dans la musique
instrumentale.
On conçoit aisément la possibilité de mêler plusieurs systèmes dans
des combinaisons de cette nature. Ainsi, l'on commencera aussi bien
par la mesure à trois temps que par la mesure à deux ou à quatre ; on
y pourra faire intervenir le six-huit, le neuf-huit ou le douze-huit, et
tout cela pourra prendre une forme rhythmique régulière, soit de deux
en deux mesures, soit de trois en trois, de quatre en quatre ou par
des périodes plus longues. Une immense quantité de combinaisons dif-
férentes est possible dans ce nouveau système de rhythme, sans sortir
du domaine de la régularité. Supposons-en un exemple qui pourra
donner la clef de tous les autres; soit donc celui-ci :
Mclr. Jz= 103.
• .' o o o c I o o 9\Ç,9ps§as\Beeeea\^ee9 0BB\
1 1JJJ I [ I \j I 8 lLI UJ I LU UU I S I \J\ [) I )j\
0 69a80Bp\2f0P?\ff P\Ç,8S998O\S0OPPB\
9 « o b ss a \ p p p s g 9 g 0 I 2 s g g \ 6 s a g g g p\
8 1 1 [ 1 [ 1 1/ h [/-Lu LU I 4 1/ 1 [/ I 8 LU LU I
etc.
On voit que dans cette combinaison de trois mesures différentes,
la régularité du rhythme est bien établie par le retour symétrique des
mêmes valeurs de temps dans des proportions données. Ne perdons pas
de vue cette condition, sans laquelle le rhythme n'existe pas. Le
rhythme, c'est la régularité établie jusque dans le désordre, même par
la continuité du retour des mêmes combinaisons dans un certain temps
déterminé. Si cette régularité ne s'établit pas au milieu des éléments les
plus compliqués, il n'y a plus de rhythme véritable.
Au moment où j'écris ces mots, je reçois de mon ami, M. Ferdinand
Hiller, une lettre toute bienveillante et flatteuse, concernant le travail
que je publie en ce moment. M. Hiller m'apprend qu'il a écrit des
morceaux de piano dans lesquels il a fait un essai du mélange de me-
sures paires et impaires, qui, dit-il, se trouvent par ci, par là, dans les
œuvres des grands maîtres, mais toujours accidentellement. Il ajoute,
avec beaucoup de modestie, qu'il ignore s'il a réussi dans son entre-
prise, parce que les avis sont partagés, comme il en est toujours de
toute chose nouvelle. Quelques artistes, dit M. Hiller, trouvent cela
magnifique ; d'autres prétendent que cela est impossible. Enfin il ajoute
que l'étude en 3/4 et 6/8 (n° 3 du recueil) est la seule dont tout le
monde soit satisfait. Je ne connaissais pas l'ouvrage de M. Hiller;
mais il a bien voulu en joindre un exemplaire à sa lettre amicale, et
je l'ai parcouru avec un très-vif intérêt. Cet ouvrage a pour liLre :
Bhythmische studien fur das Piano-forte (Etudes rhythmiques pour le
piano forte). Il forme l'œuvre 52e de l'auteur et a été publié à Leipsick,
chez Frédéric Hofmeister. Je prie M. Hiller d'excuser si je ne réponds
immédiatement à sa lettre, désirant lui donner sur son ouvrage mon
opinion d'une manière analytique et développée ; mais, connaissant son
amour sincère pour l'art, je crois pouvoir lui expliquer ici en quelques
mots la cause du peu de penchant que montrent certains artistes pour
une partie de ses études dites rhythmiques, et sur le bon effet que pro-
duit la troisième surtout le monde.
L'explication se trouve dans ce que je viens de dire concernant la
nécessité de la symétrie dans le mélange des éléments rhythmiques les
plus compliqués; car, ainsi que je l'ai dit, là où cette symétrie manque,
le rhythme s'anéantit. Or, telle est la cause de l'impression pénible
qu'ont pu éprouver certains artistes à l'audition de la plupart des études
de M. Hiller, malgré leur mérite incontestable de pensée : dans le plus
grand nombre, la régularité est bannie du mélange des mesures diver-
ses, et dans la troisième, qui plaît généralement, elle existe. Cilons-en
quelques-unes et analysons-les. La première est composée dans les
mesures à quatre et à cinq temps. D'abord on y voit une certaine sy-
métrie , la première mesure étant à quatre temps, la seconde à cinq, la
troisième à quatre, la quatrième à cinq; mais on trouve ensuite deux
mesures à quatre temps, puis une à cinq , puis trois à quatre, et ainsi
du reste. La seconde étude est écrite dans les mesures à 2/4 et à 3/4.
Les six premières mesures sont alternativement dans ces deux divisions
du temps musical ; mais ensuite on trouve trois mesures à 2/4 , puis
une mesure ternaire , puis une mesure à 2/4 , puis une ternaire , puis
trois à deux temps, et enfin, plus loin, sept mesures à deux temps sui-
vies d'une à trois. Evidemment il n'y a pas de rhythme possible avec
de telles combinaisons. Mais le numéro 3 offre la régularité qui manque
aux autres. Elle est écrite alternativement à 6/8 et à 3/4. Le thème
s'établit parfaitement dans cette alternative, et la symétrie n'est rompue
que par la mesure de cadence des phrases, ce qui est parfaitement ré-
gulier. M. Hiller me paraît ne s'être trompé que dans le choix du titre
de son ouvrage ; il aurait fallu l'appeler Etudes aniirhjihmiqy.es; car
son but est évidemment de s'affranchir de l'obligation de symétrie dans
le nombre, de faire fonctionner sa pensée dans une liberté absolue, et
de ne connaître d'autres règles que celles de la fantaisie. M. Hiller et
moi marchons dans des directions opposées. Je me propose d'étendre
le domaine du rhythme, et son but est d'en sortir. Il me paraît néces-
saire de bien établir ici l'état de la question, afin d'éviter les égarements
où elle pourrait nous entraîner.
Il en est du rhythme comme de l'harmonie ; celle-ci s'anéantit lors-
que les rapports de tonalité ou de modulation ne sont plus saisissables
par l'intelligence dans la contexture ou dans la succession des accords;
et le rhythme disparaît lorsque les rapports de nombres s'évanouissent
dans la division du temps. Or, ces rapports ne sont saisissables que par
la symétrie. Multiplier les points de contact par lesquels la symétrie
peut être sentie et conçue, c'est enrichir l'art dans ses moyens d'effet
et d'impression ; et conséquemment les rendre plus rares, c'est le pri-
ver d'une partie de sa puissance d'action, en croyant le rendre plus
libre et plus audacieux. Ne nous y trompons pas : il s'agit ici de la ques-
tion vitale de la mélodie; or, la mélodie est le sine qvâ non de la mu-
sique. Dans la troisième partie de mon traité de l'harmonie, où se
trouve un développement très-étendu des voies de modulation, j'ai par-
tout établi que les transitions les plus hardies ont toujours un point de con-
tact entre le ton quitté et le ton nouveau ; ce point de contact n'est autre
chose que le rapport tonal. Aujourd'hui j'établis d'une manière inatta-
quable dans mon Traité du rhythme et de la mélodie que, quelles (pie
soient d'ailleurs la nouveauté et l'élégance de la forme mélodique d'une
œuvre musicale, ces qualités ne peuvent produire leur effet et se ca-
ractériser que par la symétrie du nombre dans le rhythme, mais qu'on
peut multiplier beaucoup plus qu'on ne l'a fait jusqu'à ce jour les rap-
ports ou les points de contact par lesquels le rhythme se fait sentir et
se conçoit. Tel est l'état véritable de la question rhythmique ; c'est le
méconnaître que de chercher la transformation de l'art dans l'affran-
chissement d'une condition qui nous est imposée par notre organisa-
tion même.
Mais, dira M. Hiller, si des artistes ont repoussé comme impossibles
mes innovations rhythmiques, d'autres se sont passionnés pour elles :
qui décidera entre eux? La réponse à cette question est facile, et je
vais la faire. Il est, comme tout le monde sait, des esprits timides et
routiniers qui s'effraient de toute nouveauté et la rejettent par la force
de l'habitude. La science et la civilisation, dont le progrès est la marche
naturelle, rencontrent à chaque instant cet obstacle en leur chemin.
L'art, qui ne progresse pas, parce que le beau est absolu, mais qui se
transforme, parce qu'il est infini, n'est pas mieux compris par ces
356
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
esprits bornés, dont le préjugé habituel consiste à considérer ce qu'ils
connaissent comme la borne du possible. Mais en face de cette portion
de l'espèce humaine, il en est une autre composée d'esprits inquiets et
aventureux qui rêvent le progrès là où il ne peut être, pour qui la règle
est une gêne, et qui se jettent volontiers dans l'inconnu, déterminés
qu'ils sont par la haine de ce qui est, et par l'espoir d'un changement
ou d'une amélioration. Depuis un certain nombre d'années, cet esprit
a fait invasion dans l'art en général, et dans la musique en particulier.
Faire autrement semble être le but unique de quelques artistes, et ce
but, ils s'efforcent de l'atteindre à tout prix. Se considérant comme des
rénovateurs de l'art, parce qu'ils le démolissent pièce à pièce et heur-
tent de front les lois de la tonalité, de l'affinité harmonique et du rhy-
thme, ils sont encouragés dans ces erreurs par des esprits de même
trempe. Mais c'est en vain qu'on essaie de changer ce qui a sa base
dans l'organisation humaine : de la loi tonale dérivent nécessairement
les affinités harmoniques et mélodiques , et de la cadence instinctive
de nos mouvements résulte la nécessité de symétrie de nombres et le
rhythme. Ou ne peut loucher à ces choses sans que la musique s'é-
croule. En réalité, le beau, le grand et le neuf ne peuvent être créés
que par l'action réciproque du sentiment et de l'imagination; jamais
on ne les verra sortir d'une détermination systématique. Ces détermina-
tions peuvent bien causer de l'étonnement et fixer un moment l'atten-
tion ; elles peuvent même avoir des partisans qui s'évertuent à en
assurer le succès ; mais les hommes éclairés par le goût et par la raison,
convaincus que ce qui est en opposition avec notre organisation n'est
pas l'art véritable, repoussent les nouveautés qui ne sont pas sympa-
thiques à la nature humaine, et sont dans le vrai quand ils déclarent
qu'elles sont impossibles. Ceux-là ne doivent pas être confondus avec
les défenseurs de la routine.
Au résumé, dans la diversité d'opinions concernant l'essai tenté par
M. Hiller, ce sont ceux qui n'admettent pas comme possible l'absence
de symétrie rhythmique dans la musique qui jugent sainement ; les
autres ne s'y complaisent que par cette maladie de l'esprit qui carac-
térise notre époque. Aux résistances de leur propre sentiment, ils op-
posent leurs désirs de changement; mais il ne leur est pas donné de
faire vivre ce que ce sentiment condamne.
FÉTIS père.
THEATRE DE L'OPÉRA-COMÏQOE.
GAILA.'ÏÏMEE. — Début <îe M. Faure.
Galathée est toujours et plus que jamais la pièce des métamorphoses.
Uue statue s'y changeait en femme et la femme redevenait statue. Voici
maintenant que Pygmalion lui-même a changé de sexe : joué par une
femme d'abord, il a aujourd'hui un homme pour interprète; il revient à
sa première destination. Ecrit pour Battaille (ou basse-taille, si mieux vous
aimez), il échut à Mlle Wertheimber par une de ces combinaisons har-
dies que justifie le succès. Mlle Werlheimber fit un vrai tour de force
en se chargeant d'un tel personnage ; elle sut y mettre une certaine
virilité de voix et de talent, à défaut de celle de la figure et de la tour-
nure, et ce qui lui manquait sous ce double rapport expliquait assez
bien la préférence que la sensuelle Galathée donnait à l'esclave Gany-
mède sur son maître Pygmalion.
Aujourd'hui ce n'est plus cela; nous rentrons dans la nature et la
vérité. Pygmalion est un beau jeune homme ; il a tout ce qu'il faut
pour plaire, sauf la" poésie, la rêverie, l'enthousiasme, que Gala-
thée lui trouve de trop, ce qui fait qu'elle continue de préférer l'es-
clave, qui est bien paresseux pourtant. Faure, qui succède à Mlle Wer-
theimber, élève du Conservatoire comme elle, lauréat comme elle et
lauréat de cette année, ne compte pas plus de vingt-deux ans. Il pos-
sède une belle et bonne voix, qu'il conduit avec art, avec goût; il est
excellent musicien, bien fait de sa personne, comédien autant qu'on
peut l'être à son âge et à son début. 11 a donc réussi autant que possible :
il a été applaudi, rappelé. Ses amis n'ont plus qu'une chose à lui sou-
haiter, c'est de rester ce qu'il est, c'est-à-dire modeste, et de ne pas se
croire un grand homme parce qu'il a bien joué et bien chanté un rôle
d'opéra.
Faure est la meilleure réponse que le Conservatoire puisse faire aux
critiques acerbes qui, cette année, ont trouvé qu'il dégénérait, parce
que, suivant eux , les concours de chant et de déclamation lyrique
n'ont pas été aussi forts que ceux des années précédentes. Quand
le fait serait vrai , qu'en conclure? Le Conservatoire est-il forcé de
produire annuellement la même quantité de ténors, de barytons, de
basses-tailles, de soprani ou contr'alti première qualité? Et la nature
donc! Trouvez moyen de la contraindre à fournir ainsi annuellement
la même quantité de matières premièresl On ne fait pas des voix
comme on fait des articles : les voix sont encore plus rares que l'es-
prit.
Mme Ugalde est toujours entraînante de verve et d'audace dans le
rôle de Galathée; Sainte-Foy, très-plaisant dans celui de Midas. De-
launay s'acquitte fort bien aussi de celui de Ganymède.
R.
SOLEINITÉ k SAINT-EUSTACÏÏE
A LA SIÉÏSIOIJSÎE EMH M. H.Bî ÎÏARQN1 EDS3 B'RÉMOSî'ï.
MeQttieui de Berlioz.
M. le baron de Trémont, dont l'art musical déplore la perte, a con-
sacré toute sa fortune à des fondations utiles aux artistes. L'Association
des musiciens, qui s'était acquis toutes les sympathies du donataire et
par les bienfaits qu'elle répand sur les artistes et par les services
qu'elle rend à l'art, avait été noblement mentionnée dans le testament
de M. de Trémont : aussi a-t-elle voulu reconnaître la munificence de
ce généreux protecteur en consacrant à sa mémoire une de ces solen-
nités qui exigent des ressources extraordinaires qu'elle seule peut réu-
nir. Vendredi dernier, son Comité avait organisé dans l'église Saint-
Eustache l'exécution du Requiem de Berlioz. Je commencerai d'a-
bord par féliciter le Comité de ce choix ; car aujourd'hui , parmi
certains artistes, il semble exister ce mot d'ordre , de ne se déranger
que pour Haydn, Mozart, ou tout autre compositeur du siècle passé.
Or, l'Association a voulu prouver que le respect pour les anciens au-
teurs peut parfaitement s'allier avec la sympathie pour les composi-
teurs vivants. Je féliciterai ensuite les dames patronesses pour leur
zèle, les artistes pour leur exactitude à se rendre à l'appel du Comité,
et l'auditoire pour son empressement à venir entendre l'œuvre d'un
compositeur qui, il faut le dire, n'a pas encore conquis la popularité.
Avouons-le , certaines parties de l'exécution ont encore été défec-
tueuses; cependant, à mesure que l'instruction musicale se perfectionne
chez les artistes, à mesure que certaines parties obscures de l'art de-
viennent pour eux lumineuses , l'exécution des ouvrages de Ber-
lioz est rendue plus facile, et si les artistes pouvaient y consacrer
autant de temps qu'ils y consacrent de zèle, ces terribles difficultés
dont on fait tant de bruit seraient à la fin vaincues. Peut-être, il en ad-
viendrait d'elles comme de Vut si souvent cité des violons de Rameau.
Quoi qu'il en soit, l'exécution a été généralement bonne, précise et
transparente, c'est-à-dire qu'un grand nombre de détails ont été révé-
lés à l'auditoire, qui avaient complètement échappé à de précédentes
exécutions ; elle n'a péché que par le style, auquel les exécutants ne
pourront prétendre que lorsque leur pensée ne sera plus préoccupée du
travail de leur vue ou de leurs doigts. Roger a chanté le Sanctvs
avec beaucoup d'onction, de douceur, d'égalité dans la voix. Sans au-
cune prétention de chanteur , il s'est acquitté de sa tâche en artiste.
Les chœurs étaient dirigés par MM. Batiste, Laty et Tariot. L'illustre
directeur du Conservatoire, qui porte un intérêt réel à l'Association, et
qui, d'ailleurs, a été heureux de contribuer à cette solennelle manifes-
tation d'une des plus grandes œuvres que l'esprit humain ait enfantées,
DE PARIS.
357
avait donné l'ordre aux élèves du Conservatoire de se mêler au
chœur déjà très-nombreux, et où l'on remarquait les premiers chan-
teurs de nos théâtres lyriques : Levasseur, Ferdinand Prévôt, Merly,
Couderc, Jourdan, Sainte-Foy, Bussine, Mmes Dccroix, Sainte-Foy,
Meillet, Félix, Révilly, Dobré, etc. Dans l'orchestre , l'on remarquait
également nos premiers professeurs, se contentant du rôle le plus mo-
deste, du moment qu'ils pouvaient être utiles. En résumé, Berlioz a
dû être fier du concours de tant d'intelligences dévouées. L'Associa-
tion, de son côté, a dû s'applaudir, car les auditeurs étaient très-nom-
breux et le produit de la quête a été considérable. Voici pour elle de
nouvelles ressources à consacrer au talent et au malheur. Ce sont là
ses conquêtes et ses succès.
Je quitte mon rôle de narrateur fidèle et je prends celui de critique.
La nature même des compositions de Berlioz, les ressources
qu'elles exigent, l'armée musicale qu'elles sont obligées de lever, en
rendent l'exécution plus rare, si rare même que pour le public qui n'a
pas la faculté de recourir à la lecture de la partition, cette exécution
fxéc, il perd tout souvenir de l'ouvrage entre une exécution et l'autre.
Cependant tel est lecaracière des belles œuvres qu'elles forcent l'estime
bien avant la popularité ; tandis qu'au milieu du plaisir que font éprou-
ver au public certaines œuvres médiocres, il sent qu'il leur manque
quelque chose de réel, de vital. C'est la conscience qui en définitive dit
toujours son mot.
Des facilités que les œuvres vulgaires, dramatiques ou autres, ont à
se produire, et des difficultés, des impossibilités, pourrait-on dire, que
rencontrent les grandes œuvres, doivent naître deux systèmes d'appré-
ciation pour le critique. Pour les œuvres que le public a l'occasion
d'entendre tous les jours au théâtre, au concert, au salon, œuvres où
ses goûts, ses instincts sont flattés, au détriment souvent du vrai et du
beau, le critique n'est qu'un greffier ; il n'a d'autre mission que de re-
cueillir les suffrages et de constater l'opinion ; la changer, la modifier,
même, serait une tâche impossible. Four les œuvres qui appartiennent
plus réellement au domaine de l'art, la mission du criLique devient plus
sérieuse et plus noble, il interroge la pensée du compositeur, la pénètre,
la dévoile; il est le trait d'union qui joint le compositeur au public;
c'est à lui de ne pas laisser l'attention s'éparpiller sur mille détails
qu'elle embrassera plus tard, mais de la concentrer sur les véritables
beautés; c'est, dans la limite de mes forces, la tâche que je me suis im-
posée à propos du Requiem de Berlioz
Qu'on en soit le partisan ou l'adversaire, l'on ne peut nier que le
Requiem de Berlioz ne marque un jalon nouveau dans le champ de
l'art musical. Loin de moi l'idée de nier l'imcomparable mérite des Re-
quiem de Mozart et de Cherubini, mais enfin ces maîtres n'ont pas eu la
pensée d'introduire d'une manière manifeste le drame au sein de l'art
religieux. En elle-même cette introduction est-elle un bien, est-elle un
mal? Je n'examinerai pas aujourd'hui cette question; je veux seulement
constater que Eerlioz a été plus loin, sinon plus haut que ses devan-
ciers. Pour cela, et avec de très-rapides commentaires, je citerai seule-
ment les noms des auteurs célèbres qui ont traité ce grand sujet de la
messe des morts.
Envisageons d'abord en quelques mots le sujet. Le Requiem est le
plus grand, le plus saisissant, le plus humain de tous les drames reli-
gieux, celui où l'expression des sentiments mystiques a la moindre part.
On n'y rencontre pas certaines formules appartenant au dogme qui
régnent dans le Credo, dont la traduction est presque impossible pour
le musicien, et qui par cela même sont devenues un thème vague sur
lequel ils ont dépensé au hasard leur science et leurs inspirations. Dans
le Requiem tout est précis. C'est le dernier jour dans tout ce qu'il a de
terreurs pour le coupable, de délices pour l'élu du Seigneur ; c'est le
gémissement, la prière, élevant leur voix au-dessus du bruit formidable
qui accompagne les convulsions du globe à l'agonie. C'est un sujet qu'il ne
devrait pas être permis d'aborder si l'on ne sent en soi un peu de cette
force qui débordait de la plume de Dante ou du pinceau de Michel -Ange.
Les anciens compositeurs, il faut le dire, les Italiens surtout, étaient
rarement effrayés par la grandeur de leur sujet. L'un des premiers qui
aient mis en musique la messe des morts est Scarlatti, dont les artistes
admirent encore la belle musique de chambre. J'ai lu avec attention le
Requiem qui est composé pour quatre voix et orgue ; il est entièrement
écrit dans le style a caprtla, sans aucun changement de rhylhme ou
de mesure ; c'est à peine si dans quelques passages, dans quelques dis-
sonances un peu accusées, l'intelligence peut deviner une apparence
d'intention dramatique. Pour cela il faut le microscope du savant qui
saisit ce qui reste inaperçu du vulgaire. Plusieurs auteurs du temps de
Scarlatti ont également écrit des Requv m, mais dans une tonalité vrai-
ment barbare, et sans que l'on puisse soupçonner si leur intention était
ou non de traduire en musique les sentiments exprimés par le texte
sacré.
Je rends pleine et entière justice aux compositeurs italiens du xviiie
siècle; je leur accorde le charme, la grâce, la variété même, mérite
qui, chez eux, est plus difficile à distinguer tout d'abord, mais c'est à
la condition qu'ils restrein Iront leur inspiration dans une sphère mo-
deste. Comme véritable type de la musique italienne à cette époque, on
peut signaler pour l'église l'admirable Mis»rere de Léo, le plus grand
nombre des versets du Sl'>bat de Pergolèse; — pour le concert (les
deux styles souvent se confondent), les madrigaux de l'abbé Clari, la
cantate d'Orfeo de Pergolèse, etc. Le charme et la grâce sont l'élément de
cette école sensualiste jusque dans l'expression de la plus intime douleur ;
mais comme l'entente des effets de l'orchestre était à peu près étran-
gère à ces maîtres, qu'ils ne pratiquaient jamais ces combinaisons har-
moniques et rhythmiques qui relèvent l'énergie des voix, du moment
que la douceur, la grâce mélancolique, disparaissent du sujet pour faire
place à la grandeur et à la force, leur style devient mesquin, presque
ridicule. Ils se sentaient mal à l'aise au milieu de leur sujet, et alors ils
avaient recours aux fugues, leur dernier refuge. Ces fugues fort longues,
obligatoires dans les morceaux d'une certaine étendue, occupaient des
places désignées, telles que la fin du Kyrie, du Credo, du Gloria, etc.
Il arriva, en conséquence, que tandis qu'un développement assez court
était accordé aux principales scènes du drame religieux, au Pansus, au
Sepultus du Credo, au Hors stupebit de la messe des morts, une éten-
due bien plus grande était donnée à ces paroles moins essentielles :
In gloria Dei Patris, quàm olim, Abrahœ, etc., etc. Ce manque d'équi-
libre dans la distribution de l'édifice musical semble d'autant plus cho-
quant, que les côtés suaves du drame sont souvent rendus avec bon-
heur. Dans leur Requiem, ni Durante, ni Jomelli, ni Cimarosa, ni Tergo-
lèse, ni Cherubini, ni Mozart lui-même, n'ont évité ce défaut. Ces deux
derniers maîtres, il est vrai, le rachètent par de sublimes beautés. Chez
Mozart, le Record-are, le Lacrymosa, le Confutaiw, d'où s'exhale cette
sublime prière : Voca me cum benedictis^ VOro *upplex, avec ses mo-
dulations exquises, portent ce caractère de divine grâce qui caractérise
les œuvres du grand maître. On sait d'ailleurs que plusieurs parties de
cet immortel ouvrage n'ont pas été écrites par Mozart; la mort le sur-
prit avant qu'il eût eu le temps de mettre la dernière main à son
Requiem. C'est Sussmayer qui acheva le Lacrymosa. Le Sanctus et le
E?nediclus sont de lui : il a été le Jules Romain du Raphaël de l'art
musical. Ce que je dis n'attaque en rien le mérite de l'œuvre ; mais si
Mozart n'eût été pressé par la main de la mort, il eût probablement
donné de plus grands développements à sa pensée. Je saisis cette occa-
sion de rendre justice à Sussmayer, compositeur de la plus belle espé-
rance, mort à trente-cinq ans. La biographie de M. Mozart, si remarquable
d'ailleurs, de M. Oulibichcff, incline à persuader que Sussmayer n'a eu
d'autre mission que de mettre en ordre les pensées éparses de Mozart.
Je crois qu'il s'est trompé: Sussmayer avait un beau génie qui fut mé-
connu, et l'admiration pour un grand homme ne doit pas rendre injuste
pour ceux qui ont pu quelquefois lutter d'inspiration avec lui.
Le Kyrie, le Graduel, le Pie Jesu de Cherubini respirent peut-être
un sentiment plus intime, plus détaché du monde, plus divin encore que
les mélodies de Mozart. J'oserai dire que la prière de Mozart semble
plus inquiète, plus troublée que celle de Cherubini; celle-ci respire déjà
358
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
la félicité des élus. Je ne parle que de ces trois morceaux, car en somme,
le style de l'école reparaît toujours, elle est l'âme du talent de Cheru-
bini. Il lui valut, il y a trente ans, la plus grande renommée musicale
qui, avant Rossini, ait accueilli en France un compositeur étranger;
elle lui vaut maintenant une indifférence assurément imméritée. En
écrivant son Pie Jesu, Cherubini ne se doutait pas qu'il écrivait pour
la postérité, et que la grande fugue qui termine la prose n'aurait pour
elle que l'admiration des doctes en matière de contrepoint. A la mort
de Cherubini, son Requiem fut exécuté à la Société des concerts; et
ici je crois ne traduire que les impressions du public.
Le Requiem de Jomelli est écrit avec grâce, mais faiblesse, le Tuba
mirum, le Con/utatis, sont absolument manques; l'orchestre continue
sa marche paisible sans paraître s'inquiéter du changement terrible qui
vient de s'accomplir dans le texte; le Quantus tremor est un solo de
ténor d'une nuance douce et presque tendre; le Salva me, en revanche,
est plein d'une émotion vraie et sentie. Les fautes de goût sont encore
plus sensibles dans le Requiem de Pergolèse; il a moins de grâce mélo-
dique que celui de Jomelli, sans atteindre plus haut. On ne conçoit
pas les roulades dont il charge ces mots : Spargens sonurn. Certes, s'il
y a un passage dans le Requiem où la trompette soit à sa place, c'est
bien évidemment celui-ci.
Est-ce par quelques groupes de doubles croches confiées aux soprani
et aux ténors, que Pergolèse prétendait traduire l'effet d'une pareille
scène? Chose remarquable, Durante, le plus ancien des grands composi-
teurs après Scarlatti qui nous aient laissé un Requiem, dans maints en-
droits s'est plus rapproché de la vérité que ses successeurs. Le début
de l'ouvrage dans les voix est fort beau, à l'exception du dessin des
premiers violons, qui n'a pas l'allure majestueuse que comporte le su-
jet. L' Tnrjemisco tanquàm reus , le Confutatis , le Voca me, ont la
couleur nécessitée par le sujet; enfin, le Quam olim ne porte pas de
fugue. A l'époque de Durante, il existait encore à cet égard une sorte
de liberté qui dut bientôt disparaître. Ses successeurs arrondirent et
ornèrent les contours du chant, mais en même temps ils s'enfermèrent
dans une forme plus arrêtée, plus inexorable. Il semble, à cette épo-
que, que l'art musical ne fait quelques progrès qu'à la condition de les
payer par quelque perte.
Les Requiem de Vogler,de Michel Haydn, renferment des parties es-
timables, mais qui ne les élèvent pas au-dessus du médiocre. Il me
restera, dans un prochain article, à analyser l'œuvre de Berlioz en
la comparant à celles de ses devanciers, lorsqu'il pourra en jaillir quel-
que lumière pour l'intérêt de l'art musical.
Léon KREUTZER.
ASSEMBLÉE DES CIH9 ASSOCIATIONS.
Les membres des cinq associations des gens de lettres, des artistes mu-
siciens, des peintres, sculpteurs, graveurs, dessinateurs et architectes,
des artistes dramatiques, des inventeurs et artistes industriels, se sont
réunis lundi dernier dans la salle du bazar Bonne-Nouvelle pour entendre
la lecture du testament de M. le baron de Trémont. La séance était prési-
dée par M. le baron Taylor, et l'on remarquait au bureau MM. Meyerbeer,
Berlioz, Ambroise Thomas, Panseron, Georges Bousquet, etc. M. Samson
a donné lecture du testament. M. le baron Taylor a annoncé qu'une lettre
avait été adressée par l'Association des artistes musiciens â NN. PS. les
archevêques et évêques de France pour obtenir qu'une messe en musique
fût dite pour le repos de l'âme de M. le baron do Trémont. Cette lettre est
ainsi conçue :
« Monseigneur,
» Monsieur le baron de Trémont, ami des lettres et des arts, it protec-
teur des hommes honnêtes et pauvres voués aux travaux de l'intelligence,
vient de décéder. Il a fait de sa fortune le plus magnifique emploi en la
distribuant par un testament en œuvres de bienfaisance et de prévoyance
pour encourager l'étude et la pratique des sciences, des lettres et des arts.
Cette fortune se montait à 18,000 fr. de rente. Il a laissé particulièrement
à nos sociétés l ,630 fr. de rente, et fondé plusieurs prix en faveur des
musiciens et des peintres. Nous avons obtenu de Mgr l'archevêque de
Paris et de M. le curé de Saint-Eustache la permission de faire dire une
messe des morts en son honneur, et de la faire exécuter et chanter par les
artistes des différents orchestres et par les chanteurs qui font partie de
nos sociétés. Auriez-vous l'extrême bonté, Monseigneur, de nous accorder
de faire exécuter un Requiem dans votre cathédrale, afin que les artistes
de votre diocèse puissent, comme nous l'avons fait, exprimer leur recon-
naissance pour leur bienfaiteur et offrir à Dieu leurs actions de grâce pour
j le bienfait? Si vous voulez bien nous accorder notre demande, nous vous
prions de permettre qu'une quête soit faite , pendant l'exécution de ce
Requiem, en faveur de nos pauvres. Tout l'argent que nous recueillons est
entièrement distribué en œuvres de charité aux vieillards, aux veuves,
aux orphelins, aux infirmes et aux malades, enfin atout ce qui souffre sur
la terre dans tous les rangs; et souvent ceux qui ont possédé une grande
fortune, l'artiste ou l'ouvrier qui sont tombés dans la misère, nous doivent
des adoucissements à leur malheur et le repos pour la fin de leur car-
rière. Veuillez, Monseigneur, agréer l'expression de notre profond res-
pect. »
Un membre de l'assemblée ayant demandé l'impression du testament,
M. le baron Taylor a annoncé que la Société des gens de lettres s'était
chargée de pourvoir à cette impression, et avait confié à l'un de ses mem-
bres, M. Julien Lemer, la mission d'écrire une notice sur la vie de M. le
baron de Trémont.
M. le baron Taylor a ensuite apprécié dans une courte et éloquente
allocution l'œuvre admirable du testateur et rappelé d'une façon heu-
reuse les motifs qui ont fait choisir l'église Saint-Eustache pour l'exécution
du R-quiem. Cette église, en effet, par la plus singulière rencontre, semble
représenter les cinq associations légataires qui se réunissent pour rendre
hommage à leur bienfaiteur; elle contient les tombeaux de Colbert, le
protecteur de l'industrie et du commerce et des génies littéraires du grand
siècle ; de Coysevox, sculpteur ; du musicien Rameau; du grand poète La
Fontaine, et enfin d'un comédien, Scaramouche.
11 est encore entré dans quelques détails au sujet de cette église; ainsi
il a fait remarquer que les chapelles sont ornées d'un grand nombre de bla-
sons illustres ; qu'on y voit les armes accordées par Louis XIV à la com-
munauté des peintres et sculpteurs de l'Académie royale du Louvre, et
que cette Académie avait choisi l'église Saint-Eustache pour le centre
principal des réunions religieuses de ses membres; que, près des blasons
de la communauté, se trouvent ceux des Séguier, de Philippeaux de la Vril-
lière, de Brûlart de Puysieux, de Lecoulteux et de Roulier, d'Hébert de
Montmort, de Louis-Philippe d'Orléans, du cardinal de Richelieu, de
Fouquet, du duc d'Epernon, de Charles de Valois de Bourbon, de Nogaret
de Lavalette, de Choisy, de Montholon, de la duchesse d'Orléans mère,
de la duchesse de Cossé-Brissac, de Nicolaï, d'Aubusson, de Penthièvre, et
enfin de Fiesque et de Strozzi, les femmes qui avaient accompagné Cathe-
rine de Védicis en France.
Outre les tombes déjà signalées, M. le baron Taylor a rappelé encore
que l'église Saint-Eustache renferme aussi les restes mortels de sept mem-
bres de l'Académie française, parmi lesquels on distingue le nom de Ben-
serade, et il a terminé par cette image poétique : « Si la foi patriotique
des Espagnols, a-t-il dit, laisse croire au peuple de cette grande terre de
poésie et de religion qu'au moment où l'ennemi met le pied sur le terri-
toire de Castille, les os du Cid tressaillent, nous devons croire, nous, dans
l'exaltation de notre foi poétique, que les ossements de ces grands morts
qui reposent sous les dalles de l'église s'agiteront en présence de nos priè-
res, de cette brillante et religieuse manifestation de ce pieux et solennel
hommage rendu à la mémoire d'un homme de bien par tout ce qui illustre
les lettres et les arts en France. L'éclat de cette solennité prouvera enfin
que, si rien n'égale la générosité de l'ami des lettres et des arts, rien ne
dépasse la reconnaissance du poète et de l'artiste. »
L'assemblée a applaudi avec enthousiasme son digne président, et s'est
séparée en le remerciant avec effusion d'avoir si bien exprimé les senti-
ments de reconnaissance et d'admiration qui étaient dans le cœur de
chacun.
CQBBESPOIBAICE.
Berlin, 13 octobre.
Notre campagne musicale d'hiver est ouverte. A la vérité, les divers
corps d'armée n'ont encore donné que sur quelques points ; mais le plan
de campagne est arrêté jusqu'au printemps prochain, où le rossignol nous
ramènera la paix. Nos corps d'armée sont distribués ainsi qu'il .suit :
1" L'Opéra. Nous avons d'abord le grand opéra au Théâtre-Royal, puis
l'opéra italien, Frédéric-Wilhelmstadt et l'opéra comique (operett) au
même théâtre.
2° Musique d'église, avec une demi-douzaine d'oratorios de gros calibre;
3" Soirées de symphonie, avec de brillants orchestres d'infanterie et de
cavalerie ;
h" Musique de chambre, avec de charmantes sonates, de jolis trios et
quatuors en tirailleurs ;
5" Les Corps-francs des concerts qui ne sont point encore organisés ;
6° Enfin la Landstarm des orchestres de danse qui mettent en mouve-
ment tout ce qui peut remuer bras et jambes. Bref, vous voyez que ce sera
une véritable guerre nationale et une ardente mêlée musicale.
Quant à votre correspondant, il s'est proposée d'être un fidèle et pi-
nrc paris.
359
quant historien de tous les faits et gestes dignes d'être remarqués. Il vient
d'acquérir une rossinante sur laquelle il pourra suivre toutes les manœu-
vres et marches forcées, de sorte qu'il sera toujours à même de taire son
rapport sur tout ce qui sera digne de figurer dans un bulletin. Il espère,
modestement, être le Tacite musical, sinon du siècle, tout au moins de la
saison de 1852 a 1853, et il croit que ses annales passeront à la postérité,
tout aussi bien que celles que le farouche Romain a écrites en style
lapidaire.
Les grandes batailles viendront plus tard; en attendant, tenons-nous-en
aux affaires d'avant-postes qui viennent d'être engagées. A dater du l"r oc-
tobre, la troupe italienne a fait son entrée au théâtre Wilhelmstadt; elle
a donné trois fois jusqu'à présent. La première tranchée a été ouverte avec
Lucrèce Boryia ; la démonstration était courageuse, on peut même dire
cinéraire ; en effet, la veille, le Théâtre-Royal avait remporté une de ses
plus belles victoires. Dans le rôle de Lucrèce, Mlle Wagner est comme
Médée ou comme la tête de Méduse, à la fois belle et terrible. La Lucrèce
de Wilhelmstadt est plus terrible que belle, et plutôt respectable par son
âge qu'attrayante par la jeunesse : aussi son succès a-t-il été assez mé-
diocre. Néanmoins la place a eu quelques moments d'hésitation et ellea
été plusieurs fois sur le point de capituler. Après un jour de repos,
le corps d'armée italien a risqué une seconde attaque : au lieu du drapeau
de Venise et de Ferrare, il a arboré cette fois la bannière écossaise de
Ravenswood. La signora Fodor, cette belle cantatrice, très-aimée du pu-
blic, a ouvert la marche dans le rôle de Lucia; elle était suivie de son
vaillant chevalier, Edgard (signor Brignoli), ténor, dont la voix monte
jusqu'à l'uf. A ses côtés combattait son fidèle écuyer.
L'affaire a été heureuse, mais la victoire restait indécise. Alors l'impré-
sario eut un rêve, comme jadis Constantin le Grand : il crut voir dans les
nuages l'image de Pon Pasquale, avec ces mots en légende : Sub hoc signo
rinces ; le rêve fut décisif. Le lendemain soir Don Pasquale apparut sur la
scène ; au bout de deux heures, il avait remporté une victoire complète.
Le peuple salua les vainqueurs de ses bruyantes acclamations. Somme
toute, la troupe italienne a fait grand plaisir dans l'opéra comique et y a
été fort applaudie ; dans l'opéra séria, elle n'a eu qu'un succès d'estime ou
plutôt un demi-succès, mais elle attend de Londres la signora Fiorentini,
une héroïne qui la conduira sans doute à des succès aussi éclatants dans
le genre tragique.
Le 20 octobre prochain, nous célébrons un jubilé musical d'un nouveau
genre. Une association de chant, fondée par l'organiste Hausmann, en
1816, et dirigée depuis sa mort par M. Jules Schneider, donne, pour la
centième fois depuis sa fondation, un concert spirituel au profit des indi-
gens. Cette association a fait gagner ainsi plus de 50,000 thalers aux pau-
vres ; il est vrai que les chanteurs et les cantatrices ainsi que l'orchestre
du Théâtre-Royal, lui sont venus en aide dans cette œuvre pieuse. On a
choisi la Création de Haydn pour la solennité que nous annonçons.
II. RELLSTAB.
P. S. — Ce soir, la guerre éclate entre l'Autriche et la Prusse ; mais ce
sera une guerre toute pacifique; le simulacre d'un combat, non pas un
combat. Dans le magnifique local de Kroll, M. Strauss, le directeur de la
Société, donnera dans un double concert l'attrayant spectacle d'un duel
musical. Plus de dix mille pieds trépignent d'impatience en attendant le
moment de s'y rendre.
*x* Demain lundi, la Favorite, suivie du premier acte de la Péri.
*** La représentation du prophète, donnée dimanche dernier, a été ma-
gnifique. Roger et Mme Tedesco se sont surpassés dans les rôles de Jean
de Leyde et de Fidès.
%* Lundi,. Lucie de Lamnmoor et Vertvert composaient le spectacle. Ma-
thieu, quoique enrhumé, chantait le rôle d'Edgard ; Mlle Kau, celui de
Lucie.
*„' Rjbert-k-Diable avait attiré mercredi une affluence extraordinaire.
*** Vendredi le Juif errant a terminé [dignement cette semaine labo-
rieuse et productive.
*„,* La reprise de Mois", aura lieu probablement mercredi prochain. Cet
ouvrage est monté avec autant de soin et de luxe que si c'était une pièce
nouvelle. Les principaux rôles seront chantés par Gueymard, Obin, Mo-
relli, Chapuis,Mmes Laborde, Poinsot et Duez, dont ce sera le début sur
la première scène lyrique.
%*■ L'ouverture du Théâtre-Italien est annoncée pour le 15 du mois
prochain. M. Corti, le nouveau directeur, a décidément engagé Sophie
Cruvelli, au prix de soixante-dix mille francs pour la s.ùson. Il a égale
ment engagé MM. Bettini, Belletti et Masset.
V Nous recevons de M. Adolphe Adam la lettre suivante : « Une
» faute d'impression, qui m'a échappé dans la correction des épreuves
» de la roupée de Nuremberg, fait attribuer au ténor le rôle de MM r, créé
» par M. Meillet, et écrit en clef de fa. Malgré l'évidence de cette erreur,
» plusieurs lettres me sont adresséesà ce sujet Permettez-moi d'y répon-
» dre collectivement dans votre journal, en déclarant que le rôle de
» Mi lier appartient de droit au premier baryton. »
*„* Mlle Ida Bertrand, l'excellente cantatrice, qui, dans la dernière
saison, a obtenu de si beaux succès à Londres, est revenue à Paris.
*** Mockcr vient de quitter Paris pour une longue tournée départemen-
tale et étrangère. Il visitera successivement Amiens, Mons, Bruxelles,
Anvers, Garni, Lyon et autres villes.
*** L'anniversaire de la mort de Chopin tombant un dimanche, la messe
consacrée à sa mémoire avait été remise au mardi 19 de ce mois et a été
célébrée dans l'église de la Madeleine. Quelques-unes des sublimes mélo-
dies du compositeur, sitôt ravi à son art, faisaient partie dn service.
V M. Debruoq, directeur du Conservatoire de Toulouse, a été nommé
chevalier de la Légion d'honneur par le Prince-Président, à son passage
en cette ville.
*„,* Nous publierons avec l'un de nos prochains numéros une mélodie
de M. Gastinel, qui a dans ce moment un ouvrage en répétition à l'Opéra-
Comique. Cette mélodie est d'un bon augure pour l'opéra, qui sera le dé-
but du jeune compositeur. La pièce est de MM. Kayard et d'Avrigny ; les
deux principaux rôles seront joués par Mlle Lefebvre et Jourdan ; les au-
tres par Mmes Félix, Talmon et M. Nathan.
*** L'assemblée générale annuelle de la Société des auteurs, composi-
teurs et éditeurs de musique, aura lieu mardi prochain, 26 du courant, à
sept heures et demie du soir, dans les salons de M. Souffleto, rue Mont-
martre, 171. MM. les sociétaires sont instamment priés de ne point man-
quer à cette réunion.
%* Les artistes qui désirent faire partie des chœurs au Théâtre-Italien,
peuvent s'adresser de midi à deux heures, à,M. Lorini (10, rue Notre-
Dame-de-Lorette). Le concours est ouvert jusqu'à la fin du mois.
%* Nous recommandons à nos lecteurs trois romances nouvelles qui
viennent de paraître, et dont la musique est de M. rhilippe Lamotte.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
%* Brlin, 15 octobre. — Aujourd'hui, anniversaire de la naissance du
roi, Mme Amélie Béer, mère de l'illustre auteur de Robert le Diable, a
offert un banquet à tous les invalides de l'armée qui se trouvent à Berlin.
Ce repas était présidé par M. le pasteur Blanck, qui a prononcé un dis-
cours. Le prix annuel de peinture fondé par feu Michel Béer, frère cadet
de Meyerbeer, en faveur de jeunes artistes israélites, a été décerné au-
jourd'hui par le sénat de l'Académie royale des Beaux-Arts de Berlin à
M. David Simonsen, de Dresde, âgé de vingt-trois ans, élève de l'école
royale de peinture de Dresde, et du célèbre Bendemann. L'ouvrage qui a
valu à M. Simonsen cette haute distinction a pour sujet Agar et son fils
Ismaè'tdans ledéserl. — Le même jour, 15 octobre, le Théâtre-Royal arepré-
senté le Camp de Silésie, de Meyerbeer. Les riches et gracieuses mélodies
de ce drame national ont produit leur effet accoutumé, et comme tou-
jours, Mme Ilerrenbourg a été très-applaudie dans le rôle de Vielka.
%* Munirh, 12 octobre. — Mlle Sophie Méquillet, de passage en cette
ville, s'est fait entendre dimanche dernier dans le rôle de Fidès du Pro-
phète avec un immense succès. Fort applaudie après l'air de la Bénédic-
tion, le duo des deux femmes, elle a été rappelée après ce morceau et le
final du W acte. Son grand air du 5e a été pour elle un véritable triomphe,
ainsi que le duo avec le ténor, et, à la chute du rideau, Mlle Méquillet a en-
core été rappelée deux fois. Cette représentation, devant l'élite de notre
cité, a été l'une des plus brillantes que nous ayons vues depuis longtemps.
Chacun admirait la voix pure, étendue, sympathique, de Mlle Méquil-
let et son excellente prononciation allemande. Sa Majesté le roi Louis et
les princesses qui assistaient à la représentation ont beaucoup applaudi.
%* Vienne. — Thalberg s'est fait entendre récemment dans une soirée
musicale donnée par M. Horzalka. On y a entendu une fantaisie de ce
compositeur sur la 9° symphonie de Beethoven, pour trois pianos, et exé-
cutée par l'auteur, Thalberg et Mlle Capponi, professeur au Conserva-
toire.
*t* Francfort — Mercredi, 1 2 octobre, a eu lieu au théâtre de la ville la
première représentation d'Aurélia , œuvre posthume] de Conradiu
Kreutzer. Cette partition, quoique inférieure à Une nuit à Grenade, n'en
doit pas moins être placée au nombre des bonnes productions lyri-
ques. Les deux principaux rôles, Aurélia et Dobroslau, ont été parfaite-
ment rendus par Mme Anschutz et Mme Besk.
%* L'ipzig — Deux célébrités du jour, Mlle Treffz, et le pianiste
J. Blumenthal, se trouvent en ce moment parmi nous.
%* Munich. — Le chanteur pensionné de la cour, M. Schimon, vient de
mourir. Cet artiste estimable s'était d'abord consacré à la peinture ; on
lui doit un des portraits les plus ressemblants de Beethoven.
%* Rai.ôvre. — M. Marschner ne nous quittera pas; ses appointements
ont été considérablement augmentés, mais toutes les dispositions prises
par M. l'intendant du théâtre resteront en vigueur.
%* Madrid. — Le cercle philharmonique a ouvert sa nouvelle saison de
concerts sous la direction habile et intelligente du célèbre maestro Espin
y Guillen. La Rosa, mélodie du même maître, dédiée à la belle et distin-
guée dilettante, Mme Dolores de Ardoy, fait en ce moment le tour de tous
360
REVUE ET GAZETTE MUSICALE DE PARIS.
les salons aristocratiques. Il n'est pas de femme qui ne veuille chanter
La Ro-a, pas de société où l'on ne parle de cette composition.
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Op. 87. Nocturne élégant en si , fantaisie pour le piano
Op. 88. Laura, polonaise brillante, fantaisie pour le piano ....
Op'. 61 bis. Casta Diva {No: ma), étude, main gauche
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2. Le Coucou, pastorale
3. La Fauvette, caprice de salon
4. L'Oiseau-Mouche, impromptu-étude
5. Le Sansonnet, thème original varié
6. L'Oiseleur, impromptu-caprice
Op. 12 bis. La Cascade, caprice-étude
Op. 12. LaStyrienne
Op. 19. Cécilia, mazurka-caprice
Op. 20. Le Retour, nocturne
MEIDELSSOM-BARTHOLBY.
Op. 57. Six mélodies sans paroles
Op. 61. Scherzo à 4 mains sur le Rêve d'une nuit d'été.
Op. 61 bis. Nocturne et Marche à lx mains sur le Rêve d'une
«suin pfebffer. Trois études caractéristiques pour le piano 9 »
f. nui'. Élégie sur une mélodie de Soriano, pour le piano. ... 750
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froid, pour le piano 7 50
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■v. AB.utAre. Impromptu, pour le piano 5 »
en. rbiebs. Nocturne pour le piano 5 »
— Op. 50. Primavera, valse 5 »
— Op. 51. Fantaisie sur l'Elmre 7 50
cm. iiimi!. Op. 5. Scherzo brillant, pour le piano 7 50
— Op. 6. Sérénade, pour le piano 7 50
éd. tiéxot. Op. 5. Fantasia, grande valse de concert 5 »
— Op. 6. Gelsomina, grande valse de concert 6 »
— Op. 8. Suléika, grande valse de concert 6 »
— Lorenza, grande valse de concert 6 n
marc BtitiT. Op. 8. Souvenir de Brixen, pour le piano. ... 7 50
o. corar.TT.isiT. Op. 60. Gasilcla, petite fantaisie, pour le piano . 5 »
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REVUE
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31 Octobre 18.12.
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Klrnnuer M
Le Journal parait le Dimanche.
GAZETTE LHUS
dis ïïM.mn,
SOMMAIRE. — Du développement futur de la musique dans le domaine du rhythme
(6e article) par Kélis père. — Grand opéra, représentation solennelle. — Théâtre-
Lyrique, la Ferme de lîilmoor, paroles de MM. Deslys et Eugène Woestin, mu-
sique de M. Varney (première représentation), par «S. lléquii. — Institut na-
tional de France, séance annuelle des cinq Académies, notice sur Thomas Britton,
de F. Iliilé»}-. — Le Requiem de Berlioz (2e article), par iLéon Kreutzer.
— Correspondance, Paris. — Nouvelles et annonces.
DU DEVELOPPEMENT FUTUR DE LÀ MUSIQUE
Dans Se domaine du rlijJlmie.
(6" article) (l).
J'ai établi dans mes articles précédents que le rhythme musical est
de trois espèces, à savoir, le rhythme qui résulte de l'accent, celui qui
est le produit des combinaisons de nombres dans la mesure du temps,
et enfin le rhythme périodique, basé sur les rapports des phrases et des
périodes. Je n'ai traité jusqu'ici que des deux premiers genres de
rhythmes ; la suite de mon travail aura pour objet de faire connaître
les moyens par lesquels le rhythme périodique peut s'enrichir de nou-
velles combinaisons. Mais avant d'aborder ce sujet, il me paraît néces-
saire de résumer ce qui a été dit précédemment, et de constater les
précieux avantages qui se peuvent tirer des innovations proposées dans
le rhythme d'accent et dans le rhythme de mesure.
Le rhythme d'accent, ainsi que je l'ai fait voir, est basé sur le temps
de la mesure par lequel commence la phrase, et sur l'accent dynamique
produit par la différence d'intensité des sons. La source immense de
variété qui réside dans ces deux formes du rhythme d'accent n'a pas
été aperçue par les compositeurs jusqu'à ce moment ; mais si j'en puis
juger par le grand nombre de lettres qui m'arrivent de toutes parts
depuis que j'ai commencé la publication de ce travail, l'attention des
artistes et des amateurs s'est fixée sur cette nouveauté : il est donc
présumable que des essais seront faits dans ce domaine de l'art encore
inexploré.
La différence d'accent rhythmique qui résulte de la diversité du
temps d'attaque de la phrase, a ce caractère particulier, parmi les inno-
vations de rhythmes que je propose, qu'une seule phrase peut se pré-
senter sous plusieurs formes et produire des impressions différentes;
c'est par là que ce mode de transition est digne de l'intérêt des artistes ;
car il constitue le développement rationnel et complet de l'unité de la
pensée.
J'ai démontré ensuite que l'opposition régulière et symétrique de
l'accent fort et de l'accent faible engendre un rhythme d'espèce particu-
(I) Voir les n" 35, 36, 37, 40 et 43.
Hère, et j'ai fait voir que le déplacement de ces accents d'expression
prépare d'une manière imperceptible le passage d'un système de me-
sures à un autre. J'ai fait voir également que l'analogie des triolets des
mesures à temps binaires avec les valeurs des mesures à divisions ter-
naires de temps est un autre moyen de passage immédiatetpeu sensible
d'un système de mesures à un autre. Si l'on m'a compris, on a dû voir
qu'il y a dans ces choses tout un monde nouveau de formes d'art, d'effet
et d'impression.
Abordant un autre ordre de faits et d'idées, je me suis livré à l'exa-
men des nouveautés qui pourraient être introduites dans les rhythmes
des temps de la mesure, et d'abord je me suis occupé de la mesure à
cinq temps, qui me paraît être le produit de la réunion des mesures
binaires et ternaires affectant tour à tour la sensibilité. En général, les
essais que l'on a faits de cette mesure ne sont pas autre chose. Cepen-
dant j'ai cru qu'il était possible de donner, par le rhythme égal, un
caractère absolument quinaire à la mesure dont il s'agit, et j'en ai
donné des exemples dans une étude en mi bémol et en mesure à 5/4,
pour les mouvements vifs, et dans le commencement d'une autre étude
en 15/8, pourles mouvements modérés ou lents. Ces exemples sont con-
tenus dans la double planche qui accompagne mon cinquième article.
J'avais craint d'abord de me laisser aller aux illusions d'un esprit pré-
venu dans l'effet que me faisaient éprouver ces essais, mais les artistes
que j'ai consultés à ce sujet m'ont déclaré qu'ils sentaient à leur au-
dition un effet inconnu qui n'avait pas d'analogie avec l'alternative des
mesures à trois temps et à deux. Au surplus, le public est maintenant en
possession de ces essais ; c'est à lui de prononcer.
J'ai reçu, au sujet de cette mesure à cinq temps, une lettre de
M. Alkan aîné, laquelle a eu pour moi beaucoup d'intérêt. Cet artiste
de grande distinction n'a pas vu la planche qui accompagne mon arti-
cle, en sorte qu'il croit que je n'en suis encore qu'à la théorie de la
mesure à cinq temps. Pour me confirmer dans mon opinion concernant
la possibilité du rhythme quinaire, il m'apprend qu'un Espagnol, son
ami et bon musicien, lui a fait connaître un air de danse populaire
dans une grande partie de l'Espagne, lequel est en mesure à cinq temps.
Cet air, appelé Zorcico, est dans ce rhythme :
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^s^
~ïï
w
362
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
Il est remarquable que la mesure à cinq temps de cet air de danse est
surtout en usage dans les provinces où le peuple espagnol a conservé
le caractère original et un peu sauvage des populations dont il des-
cend; dans les cantons où la civilisation a fait plus de progrès, l'air
s'est rapproché de nos formes modernes, car on a ajouté un temps à
la mesure, qui estdevenue un 6/8. Par la manière dont il est ici noté, le
Zorcico semble n'être pas une mesure véritable à cinq temps, mais une
alternative de trois et de deux. Mais c'est l'accent qui donne à la me-
sure son caractère quinaire ; car cet accent fort, placé sur le premier
temps et sur le cinquième, empêche de sentir le premier de la division
à deux temps.
M. Alkan me communique, dans la même lettre, les motifs de trois
morceaux qu'il a publiés dans son deuxième recueil d'impromptus
pour le piano, chez MM. Brandus et C\ Ils m'étaient inconnus. L'au-
teur de ces morceaux justifie par leur caractère mon opinion sur la
possibilité de scander la mesure à cinq temps de diverses manières, à
raison de la signification de la phrase ou de l'accentuation. Ainsi, son
premier caprice, en 5/4, est évidemment un 2/4 suivi d'un 3/4, et non
un 3/4 suivi d'un 2/4. Le deuxième allegretto en 5/8 fait sentir un
premier temps isolé suivi d'une mesure à 2/4. A l'égard du troisième,
qui est un vivace en 5/16, je crois devoir faire remarquer à M. Alkan
que la conception du rhythme quinaire dans ce mouvement rapide et
avec des valeurs de temps si minimes est très-difficile. Son thème est
dans un deux temps suivi de 3; mais représenté par 5/16; il n'a pas pour
la plupart des exécutants la clarté nécessaire. Beaucoup, j'en suis cer-
tain, en feraient involontairement un 2/4, dont le second temps serait
en triolets. Je pense donc que les diminutifs de valeurs de temps em-
ployés dans les mesures binaires et ternaires ne sont pas d'une heu-
reuse application danslamesure à cinq temps, et qu'il vautmieux adop-
ter la mesure à 5/4 pour les divisions de temps binaires, et la mesure
à 15/8 pour les divisions ternaires. L'impromptu vivace de M. Alkan
ne peut se rapporter ni à l'une ni à l'autre de ces conceptions, à cause
de la très-minime valeur de chaque division qui ne permet pas de les
mesurer rigoureusement, le nombre diviseur manquant de simplicité
dans ses rapports. Mon avis est que le morceau est à un seul temps di-
visé par cinq, et qu'il doit être indiqué à la clef par 1 -j- 5.
Après cette digression, pour laquelle je demande grâce, je reviens
au résumé de mes articles précédents sur le rhythme, ayant, je crois,
épuisé les considérations relatives à la mesure à cinq temps.
L'objet important pour la variété des rhythmes de temps, c'est la
combinaison des mesures diverses ; car si elle est traitée comme elle
doit l'être , il n'en peut résulter rien qui blesse le sentiment le plus
délicat, et l'on y peut puiser des inspirations et des effets inconnus.
Rappelons-nous que le rhythme n'est autre chose que la symétrie dans
le temps et dans l'accent. Cette règle posée , le problème est résolu ,
et toutes ses conséquences se présentent avec clarté. J'ai fait voir dans
mon cinquième article comment cette combinaison peut se faire d'une
manière régulière, c'est-à-dire avec cette symétrie qui , nonobstant les
changements de mesures, constitue un rhythme véritable , mais non
encore pratiqué dans l'art. Je dis à dessein dans l'art, parce que le
mélange des mesures n'est pas une chose absolument nouvelle : l'in-
stinct y à conduit plusieurs peuples dans leurs chants nationaux. Dans
l'Ukraine, en Norwége, en Pologne, dans la Bohême et chez les Dal-
mates, on entend des airs populaires dans lesquels certaines phrases
de refrain changent de mesure d'une manière rhythmique, et font un
retour régulier dans une longue suite de couplets. Ces successions de
rhythmes différents, mais symétriques, produisent un effet original qui
a beaucoup de charme. A cette occasion, qu'il me soit permis de ré-
péter ici ce que j'ai dit en plusieurs endroits, à savoir, que l'histoire
du chant populaire, dont on ne s'est occupé jusqu'à ce jour qu'au point
de vue de la curiosité, est la véritable histoire de la musique. Poëte et
musicien par instinct, parce qu'il est passionné, le peuple a eu partout
dans sa poésie et dans ses chants des hardiesses heureuses devant les-
quelles le goût, parfois timide, des artistes , a reculé. Le rhythme, par
lequel se caractérise la mélodie, est en quelque sorte l'expression du
génie et des passions populaires. C'est par lui et par des singularités
tonales que chaque nation a , dans ses chants, une physionomie toute
spéciale. On vient de voir que les Espagnols ont, par une antique tra-
dition, l'usage de la mesure à cinq temps appliqué à la danse : les mé-
langes de rhythmes sont populaires dans les contrées que je viens de
nommer ; d'autres peuples ont des variétés de rhythme périodique dont
je parlerai tout-à-1'heure : tout cela a son origine dans les temps les
plus reculés , et l'art est encore dépourvu de ces richesses au xrxe siè-
cle ! Il est vrai qu'il avait à se développer dans le domaine de l'har-
monie et de la modulation , et qu'après deux siècles et demi de décou-
vertes successives, il n'en a pas encore parcouru toute l'étendue. Or, il
est dans la nature des choses que les artistes n'abandonnent point un
ordre d'idées avant qu'il soit épuisé. Tant qu'il restera quelque chose
à faire pour atteindre les limites de l'omnitonalité et pour épuiser les
effets de la sonorité, tout porte à croire qu'on ne s'occupera pas d'une
manière sérieuse des trésors que renferme le domaine du rhythme.
Continuons cependant d'appeler sur ce sujet l'attention du monde mu-
sical, et ne négligeons rien pour faire comprendre aux artistes que la
hardiesse dans l'innovation ne doit avoir pour contrepoids que les né-
cessités de l'organisation humaine.
Ces nécessités sont, comme je l'ai déjà dit, le point de contact tonal
dans les combinaisons harmoniques et dans les modulations, la pro-
priété d'accent clans l'expression sentimentale et passionnée, et la sy-
métrie dans le rhythme. Quiconque voudra s'affranchir de ces lois delà
nature, dans les fantaisies de son imagination, sera repoussé parle
sentiment universel. Quel que soit son génie, il n'aboutira qu'au nau-
frage de ses espérances. Mais pourquoi parlé-je de génie? Le génie,
dans ses plus grandes hardiesses, ne se met jamais en dehors des con-
ditions de l'humanité', car il en est la plus haute manifestation. Ce qui
égare l'artiste, c'est le système préconçu, le parti pris, sans égard pour
ce que notre organisation admet ou repousse. Telle est chez quelques-
uns la tendance de l'époque actuelle. Les artistes lancés dans cette fu-
neste direction se persuadent que le siècle n'est pas mûr pour eux et se
fient à l'avenir ; mais leur espérance n'est qu'une erreur : il n'y a point
d'avenir pour ce qui est contraire aux lois immuables de l'art. Pour
réussir dans l'innovation, il faut être à la fois hardi et circonspect :
hardi, pour le développement des formes de l'art dans les limites du
possible ; circonspect, en ce qui touche aux facultés sentimentales et
intellectuelles. Où les rapports échappent à l'intelligence, le sentiment
est blessé et la borne est posée. Dans le domaine du rhythme, le rap-
port n'est saisissable que par la symétrie ; cette symétrie, il la faut dans
le mélange des mesures comme dans la mesure unique. N'espérez rien
de l'introduction de cette nouveauté dans l'art, si vous ne vous sou-
mettez à cette loi de notre organisation.
Me voici parvenu à la partie de mon travail qui concerne le rhythme
périodique de la phrase. Avant d'aborder les nouveautés qu'on peut
y introduire , il est nécessaire que je donne quelques explications
sur la nature de ce rhythme, le seul qui, jusqu'à ce jour, ait fixé l'at-
tention des musiciens.
La symétrie de nombre nous est si naturelle dans la musique, que la
plupart des compositeurs, sans y songer et par la seule direction de
leur instinct, subissent cette loi de la nature lorsqu'ils imaginent des
mélodies. Si la première phrase de leur chant est composée de quatre
mesures (ce qui se recontre plus fréquemment que toutautre rhythme),
la seconde phrase, qui continue la période ou la complète, renferme
aussi quatre mesures. Si la période est de seize mesures, elle est pres-
que toujours formée de quatre phrases de quatre mesures chacune,
dont la première pose la pensée, que la seconde continue jusqu'à un
repos incident ; puis, une pensée analogue à la première s'établit dans
la troisième phrase, et la quatrième, qui l'achève, complète la période.
Ce rhythme, aussi bien que celui de la période de huit mesures, pour-
rait être appelé fondamental; car c'est celui qui domine dans la plu-
part des compositions de tout genre, sans en excepter les œuvres des
DE PARIS.
363
plus grands artistes. On le désigne ordinairement par le nom de
rhythme carré, et l'on appelle carrure des phrases, la nécessité de sy-
métrie de nombre dans la composition de la mélodie.
Pourquoi cette régulière uniformité dans un art qui est le produit
de l'imagination pure ? Voici la réponse à cette question : Il n'y a pas
de sensation si vague, si indéterminée, produite par l'art, qui ne soit
accompagnée d'une aclion rapide de l'intelligence dont l'objet est de
discerner d'une manière plus ou moins nette la nature de cette sensa-
tion, et de saisir les rapports qui la causent. Lorsque l'intelligence
parvient à saisir ces rapports, la sensation est accompagnée d'un juge-
ment. Si les rapports sont simples, l'intelligence, les saisissant avec
plus de facilité, réagit sur le sentiment et lui donne la conscience d'une
qualité essentielle de la beauté , car le beau est ordinairement simple.
Or, rien de plus facile à comprendre que le rapport d'un nombre qui
se multiplie par lui-même pour former un tout complet. De là le pen-
chant universel pour la carrure des phrases, considérée comme une des
conditions de la beauté de la mélodie.
Un phénomène, qui paraît en contradiction avec ce principe, se pro-
duit cependant quelquefois dans la composition delà période musicale;
car il n'est pas rare de rencontrer de ces périodes qui, au lieu de seize
mesures, n'en ont que quinze. Pour l'explication de cette singularité,
il est nécessaire de remarquer que deux choses sont contemporaines
dans l'impression que nous recevons de la musique : l'une est la forme
de la mélodie, laquelle se compose de la succession de ses sons, des
intervalles qn'elle parcourt, des relations tonales qui s'y font sentir, de
son accentuation, et enfin de son rhythme de temps ; l'autre est le
rhythme périodique que je viens d'expliquer. L'attention, partagée
entre ces choses complexes, est, avant tout, soumise à l'impression
sentimentale. Or, il arrive que la huitième mesure, par laquelle se ter-
mine la deuxième phrase du premier membre de la période, est en
même temps la première mesure de la troisième phrase, par laquelle
commence le second membre de la période ; en sorte que la même
mesure a tout à la fois la signification d'une mesure finale et d'une me-
sure initiale, d'où il suit que la période est complète par quinze me-
sures, sans que le sentiment du rhythme périodique soit blessé, parce
que l'intelligence a saisi le double rapport de la huitième mesure. Les
exemples d'enjambement de cette espèce se rencontrent assez fré-
quemment pour que chacun puisse se convaincre de la réalité de l'effet
dont je parle.
De même que la mesure ternaire du temps musical nous est aussi na-
turelle que la mesure binaire, le rhythme périodique, composé de
phrases symétriques de trois mesures correspondantes, est aussi satis-
faisant que le rhythme carré des phrases de quatre mesures, bien que
l'usage en soit moins fréquent. Pour en indiquer un exemple connu de
tous les artistes, je citerai le début du premier quatuor en fa de l'œu-
vre 18e de Mozart; ce début est composé de deux phrases de trois me-
sures chacune qui, bien que non carrées, sont cependant symétriques
et constituent un rhythme régulier.
A l'égard du rhythme périodique formé de phrases correspondantes
de cinq mesures, il est d'un usage très-rare, bien qu'il satisfasse aux
conditions de symétrie. Presque toujours il est le produit ou d'un dé-
faut de construction de la phrase, ou de la répétilion d'une mesure
imaginée pour quelque but particulier par le compositeur. Dans ce
dernier cas, ce rhythme est quelquefois gracieux. On en trouve des
exemples dans les œuvres de Haydn, de Mozart, de Beethoven et de
Haendel ; mais ces artistes ne l'ont employé que dans des cas très-rares.
Je n'ai pas parlé du rhythme de deux mesures, quoiqu'on le rencon-
tre souvent, parce que ses conditions de carrure sont les mêmes que
celles de la phrase de quatre. Ce rhythme est également employé dans
les mouvements vifs et dans les mouvements lents. Mozart en a un
exemple très-remarquable pour le mouvement vif dans l'air de Don
Juan, Fin che dal vino, et Beethoven l'a également employé avec bon-
heur dans Yandante de la symphonie en la.
Il y a des périodes composées de phrases de huit mesures, telles, par
exemple, que le scherzo de la symphonie pastorale de Beethoven. Lors-
que le mouvement est vif comme dans ce morceau, la longueur de la
phrase n'empêche pas de sentir le rhythme régulier; mais si le mouve-
ment est lent ou modéré, le sentiment rhythmique s'affaiblit, et l'im-
pression devient vague. Il est des auteurs qui mettent à grand prix le
mérite de ne pas tomber dans ce qu'ils appellent la phrase courte, et qui
retardent autant qu'ils peuvent la conclusion de leur période. Mendels-
sohn est au nombre de ces artistes, et souvent il porte jusqu'à la fatigue
de l'auditeur la suspension de sa conclusion. Ce défaut est très-consi-
dérable, car il donne à la musique un caractère de monotonie, et affai-
blit jusqu'à l'excès le sentiment du rhythme phraséologique et périodi-
que.
Dans les mouvements lents, le sentiment de ce rhythme est, en gé-
néral, plus faible que dans la musique animée, surtout si les autres
qualités de la mélodie sont assez saillantes pour en détourner l'atten-
tion. Je citerai à ce sujet l'air admirable, par son expression d'amour
passionné, que Piccinni a écrit pour sa Bidon. Cet air : Ah ! que je fus
bien inspirée ! offre l'exemple le plus frappant du désordre dans le
nombre et de l'absence de tout rhythme périodique; car on y trouve des
phrases de quatre mesures, de cinq, de sept, de neuf, de deux et de
trois, jetées pêle-mêle ; mais la lenteur du mouvement, jointe au charme
de l'accent et à la forme gracieuse de la mélodie, je ne sais quoi de vo-
luptueux empreint dans ces phrases d'amour passionné ; tout cela,
dis-je, détourne l'attention de la construction rhythmique des périodes,
et en fait oublier les défauts.
Ai-je besoin de rappeler que, dans ce siècle de scepticisme, on a nié
la réalité du rhythme périodique, parce que nos génies incompris y
trouvaient de la gêne? S'il fallait les en croire, ce rhythme n'était qu'une
pauvre invention imaginée dans des temps antérieurs aux progrès d«
la musique moderne; invention surannée qui devait tomber dans l'oubli
avec les œuvres de ceux qui en ont fait usage. 0 digne Sganarelle, qui,
refaisant l'homme à votre fantaisie, lui mettez le cœur à droite, vous
êtes de la race de ces génies ! Pour moi, qui viens vous proposer d'é-
largir le domaine de ce rhythme et indiquer les moyens de réussir dans
cette innovation, en introduisant dans les relations rhythmiques de la
période des éléments nouveaux, j'en suis encore pourtant à ces vieilles
théories qui proclament la puissance du nombre sur l'organisation phy-
sique et morale de l'homme, dans la construction de la période et de
la phrase, comme dans les temps de la mesure, comme dans le mé-
lange des mesures diverses, comme dans toutes les parties de l'art qui
sont susceptibles de proportion et de symétrie. Dans un prochain
article j'analyserai ces nouveaux rhythmes périodiques, et je ferai voir
que, comme tout ce qui tient à la durée dans le temps, le rhythme de
cette espèce, le plus hardi en apparence, est nécessairement soumis
aux conditions de la régularité.
FÉTIS père.
GEAIÛ OPÊEA.
C'était jeudi dernier jour de fête extraordinaire dans le sanctuaire
poétique et musical de la rue Lepelletier. Le Théâtre-Français, en vertu
de son droit d'aînesse, avait pris, le vendredi précédent, l'initiative de
ces brillantes solennités, par lesquelles la ville de Paris répond aux
belles manifestations de la province. L'Opéra est venu à son tour et a
déployé toutes ses pompes. Jamais rien d'aussi vraiment féerique n'avait
été vu jusqu'alors. La rue entière était illuminée. A la façade principale
du théâtre, des aigles et des N couronnées se dessinaient en feux bril-
lants, et tout autour de l'édifice le chiffre impérial rayonnait en lettres
tracées par le gaz. Le péristyle extérieur avait pris l'aspect d'un salon.
D'immenses glaces couvraient les murs; des corbeilles de fleurs s'éle-
vaient sur des colonnes en brocard et des guirlandes de fleurs serpen-
taient autour de ces colonnes. Le péristyle intérieur était rempli de
fleurs et de drapeaux.
364
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
La salle même, le foyer, les escaliers, les corridors garnis de tapis,
couverts de tentures, ornés de trophées, étaient éblouissants. Des lus-
tres nombreux, étincelants de bougies, descendaient du cintre. La loge
du Prince-Président était tendue en velours rouge, parsemé d'abeilles
en or, avec le chiffre de S. A. I., qui se répétait dans des écussons au
pourtour de la salle. Au-dessus de la loge étaient placés la couronne
impériale, le sceptre et la main de justice avec un aigle sur un manteau
d'hermine.
Longtemps avant le commencement du spectacle, une foule innom-
brable se pressait dans la rue Lepelletier, dans les rues adjacentes, et
n'a cessé d'y stationner jusqu'à la fin.
Vers huit heures, des acclamations ont annoncé l'arrivée du Prince-
Président. A son entrée dans sa loge, tous les spectateurs se sont levés,
et les cris de vive Napoléon ! vive l'Empereur ! ont retenti de toutes
parts. Les ministres de l'intérieur, des finances et de la guerre ont tour
à tour pris place auprès de S. A. I. Le prince Jérôme occupait une loge
des premières entre-colonnes ; le prince Murât et la princesse Mathilde
une loge d'avant-scène, à côté de celle du Prince- Président.
Un personnage dont la présence était tout à fait imprévue, l'émir
Abd-el-Kader, accompagné de deux Arabes et de deux aides de camp
du ministre de la guerre , excitait vivement l'attention. Il était placé
dans la dernière loge des premières de face touchant aux colonnes, en
regard du Prince-Président, auquel il est allé rendre hommage dans un
entr'acte.
Le spectacle commençait par le premier acte du Philtre, que chan-
taient Gueymard, Massol, Brémont, Mmes Laborde et Dussy. L'acte
fini, la toile s'est relevée pour l'exécution de la cantate, dont les paroles
sont de M. Philoxène Boyer, la musique de M. Victor Massé, l'auteur
de la partition de Galathée. Tous les artistes de l'Opéra concouraient
à l'exécution de ce morceau, dont les parties principales étaient confiées
à Roger, Mmes Tedesco, La Grua et Duez. Plusieurs passages de cette
composition, qui porte moins le caractère d'une cantate proprement
dite que d'une espèce de symphonie vocale, ont été vivement applau-
dis. Les belles voix de Roger, de Mme Tedesco et de Mlle La Grua se
sont particulièrement distinguées dans ce mélange de déclamation et de
chant.
Un acte de la Filleule des fées et un acte de Stella complétaient le
spectacle. Mme Cerrito, dont l'engagement ne commence qu'avec le
mois de novembre, avait devancé cette date, et nous est revenue avec
tout son talent, ce qui veut dire avec tout son succès.
Plusieurs fois, pendant le cours de la représentation, le Prince-
Président a donné le signal des applaudissements. S. A. I. a daigné
adresser les paroles les plus affables au directeur, M. Nestor Roqueplan,
qui était venu le recevoir à l'entrée de sa loge particulière, et qui avait
su disposer avec tant d'éclat et de goût cette fête nationale.
P. S.
THEATRE-LYRIQUE.
XaA. FEKSIE BE Î4BSLÏS©©ES,
Opéra comique en deux actes, paroles de MM. Deslys et Eugène
Woestin, musique te M. Varney.
(Première représentation.)
Bob est un fermier écossais qui devrait servir de modèle aux fermiers
de tous les pays , jeune, brave, honnête, laborieux, rangé, et ne lais-
sant jamais les filles dans l'embarras. 11 en a déjà recueilli deux. L'une,
qui n'avait ni feu ni lieu, mendiait son pain sur la grande route. Il lui
a donné une chambre dans son cottage, une place devant son foyer et
à la table, sans compter la robe à larges carreaux, l'écharpe, le cha-
peau de paille pour l'été, le plaid pour l'hiver, et même des brodequins
couleur marron qui lui font le pied le plus coquet du monde.
L'autre avait pour père le ministre de son village. Cet homme pieux
est mort, et Bob, non moins pieux, a consolé ses derniers moments par
la promesse solennelle de se charger de son enfant unique , de veiller
sur elle, de ne l'abandonner jamais. Et il a tenu parole. Et ce vertueux
agriculteur vit entre ces deux jeunes filles avec une modestie, une
réserve, une continence qui le rendent bien supérieur à Scipion ; car
Scipion n'a triomphé de lui-même qu'un moment, tandis que la vic-
toire de Bob se répète chaque jour depuis plusieurs années.
Et cependant Bob n'est pas insensible. Bien loin de là ! f 1 aime éper-
dument la plus élégante de ses deux pupilles, la fille du ministre, Susan-
nah. Mais, aussi discret que sentimental, il s'est bien gardé de révéler
son amour à celle qui en était l'objet. En cela il a eu tort. Cette ex-
trême réserve n'a été de sa part qu'une extrême imprudence. Il ne
faut jamais laisser l'imagination et le cœur d'une jeune fille dans l'oi-
siveté.
Qu'est-il arrivé ? Susannah, n'ayant rien de mieux à faire, a prêté
l'oreille aux propos flatteurs de sir Francis Mac-Yvor, un jeune frelu-
quet des environs, qui, chassé d'Edimbourg par la meute nombreuse et
affamée de sescréancieurs, et mourant d'ennui dans le château de son
vieil oncle, conte fleurette aux paysannes du canton pour tuer le temps.
Bob surprend ce secret délicat, et le vieil oncle aussi. Celui-ci donne
le choix à son neveu entre l'amour et la misère. ■ — Renonce à cette
fille des champs, et viens épouser ma fille, ou je te déshérite. — Ah!
dit Francis, l'indigence n'a rien qui m'effraie pour moi-même. Mais
puis-je y condamner Susannah, que je voudrais couvrir d'or?
C'est ici que Bob déploie tout son héroïsme. — Comment! s'écrie-t-il,
vous craignez d'être pauvre, jeune comme vous êtes, et pourvu de deux
bras? Faites comme nous, btj God, travaillez, et vous aurez de quoi
nourrir votre femme et vous-même. — Au fait, pourquoi pas ? dit Fran-
cis. Et dans un beau moment de fierté, il envoie promener son oncle
et sa cousine, et s'engage comme journalier dans la ferme du philo-
sophe Bob.
Hélas ! pour être agriculteur, la bonne volonté ne suffit pas. C'est
comme pour être poëte, comédien ou rôtisseur. Il faut encore l'apti-
tude. Au bout d'un mois, sir Francis n'est pas meilleur paysan que le
premier jour. Se lever à trois heures du matin pour aller ramasser du
foin sur un pré, quelle vie pour un gentilhomme ! et quelle compagnie
que celle des faneurs de maître Bob ! Il étire ses bras, il bâille, il a mal
aux reins, il ploie sous le poids de sa fourche et de son ennui. Ce qui le
soutient un peu, c'est qu'il est à la veille de son mariage. Demain sera
un beau jour. Mais après demain il faudra se remettre à l'ouvrage. C'est
bien dur !
Heureusement une âme compatissante a entrepris de le tirer de peine,
Leghy, la compagne de Susannah, l'autre pupille du vertueux fermier.
Bob est triste. Il n'a pu étouffer son amour. Il est jaloux. Il ne peut voir
la fête qui se prépare et dont il fait les frais II a résolu de partir, de
s'en aller bien loin, dans un lieu où il pourra mourir. Un homme aussi
sage devrait réfléchir qu'on peut mourir partout. Mais Leghy a pénétré
son projet funèbre, aussi bien que le refroidissement graduel de Fran-
cis et le désenchantement de Susannah. Et comme c'est une fille très-
franche, et qui sait que la ligne droite est le plus court chemin d'un
point à un autre, elle va tout droit à son but. — Quoi ! vous persistez à
vous marier, sir Francis, et vous ne voyez pas le mal que vous faites à
ce pauvre Bob ! — Moi ! je fais du mal à Bob? — Oui, car il aime Su-
sannah, et il mourra de votre mariage. Francis répond assez pertinem-
ment qu'il en est bien fâché ; mais qu'après tout, c'est lui, Francis, et non
Bob, qui est aimé de Susannah. Leghy, emportée par son zèle, n'avait
pas prévu cet argument, et ne trouve rien à répliquer. Mais le vieil on-
cle vient très à propos à son secours, et offre à Francis de reprendre
sa malédiction, de payer ses dettes, de lui rendre son amitié et son
héritage, ne lui demandant, en retour, que d'épouser sa fille, qui,
apparemment, a de la peine à trouver un mari. Cela est bien tentant.
— N'importe, dit le généreux Francis, je ferai mon devoir. Et il pré-
sente à Susannah le bouquet classique de fleurs d'oranger, qui n'a pas
dû être facile à trouver en Ecosse. Mais à ce mot de devoir, la fierté de
Susannah se révolte. — Son devoir! — Il faut avouer que cela n'est
SUPPLEMENT.
SUPPLÉMENT.
DE PARIS.
3G5
que médiocrement flatteur. Elle rend à sir Francis sa promesse, déclare
qu'elle s'est trompée, et que c'est Bob qu'elle aime. Et tout le monde
s'en va content, à l'exception des spectateurs, qui n'ont trouvé dans
cette fade pastorale aucun prétexte ni pour rire ni pour pleurer.
C'est une pièce tout à fait manquée, et sur laquelle la critique la
plus bienveillante no ferait illusion à personne. Ni intérêt, ni esprit, ni
style. 11 n'y a pas de théâtre à qui n'arrivent quelquefois pareils mal-
heurs. Mais M. Sévesteest homme de ressource, et ne tardera pas, nous
en sommes certain, à prendre glorieusement sa revanche.
M. Varney, l'auteur de la partition, est l'habile musicien qui, l'année
dernière, dirigeait avec tant de succès l'orchestre du Théâtre-Lyrique,
qu'il avait formé. Son œuvre atteste un travail consciencieux ; son in-
strumentation est bien entendue, son harmonie toujours correcte et sou-
vent élégante. Ses morceaux sont clairement dessinés et habilement
conduits. Il a du savoir et du métier, du bon sens et du goût. Quel
dommage qu'il ne joigne pas à ces estimables qualités un peu plus
d'imagination ! Si sa mélodie était plus riche, sa phrase plus originale
et plus piquante, nous n'aurions qu'à le louer sans réserve. Sa partition
pèche beaucoup moins par ce qui s'y trouve que par ce qui n'y est pas.
Mentionnons cependant une ballade écossaise qui a de la couleur,
une élégante simplicité, et une expression mélancolique pleine de
charme. Les couplets à la louange du travail agricole, qui ouvrent le
second acte,'sefont remarquer par unrhythme naturel et franc, de l'en-
train et une certaine ampleur de style. Ils font de l'effet, principalement
au refrain : Dieu bénit les paysans. Mais nous préférons encore, pour
notre part, un sextuor sans accompagnement qui donne beaucoup de
prix au final du premier acte. Le chant en est simple et expressif, les
voix bien disposées, l'harmonie excellente, les détails distribués avec
art. Il y a là de la science et un véritable talent. On a vivement ap-
plaudi ce morceau : on ne pouvait trop l'applaudir. Il n'y a pas de com-
positeur qui ne fût fort aise de l'avoir écrit.
L'ouvrage est d'ailleurs très-agréablement exécuté par Mlle Rouvroy,
Mlle Guichard et M. Grignon le fils. M. Neveux fait de louables efforts
pour rendre son rôle plaisant : s'il ne réussit pas mieux, ce n'est pas sa
faute. M. Biéval lutte courageusement contre l'insuffisance de sa voix :
à l'impossible nul n'est tenu.
G. HÉQUET.
INSTITUT NATIONAL DE FBAICE.
SÉANCE ANNUEL ILE HES CINQ ACADÉMIES),
L'Institut solennisait lundi, 25 octobre, la date mémorable de sa
formation, qui remonte déjà à près de soixante années. Le président,
M. Lebrun, a dignement rappelé, dans une courte mais substantielle
allocution, les avantages de cette réunion fraternelle des diverses aca-
démies en un seul corps ; il a cité les noms glorieux des académiciens
qui ne sont plus, mais dont les admirables travaux ont illustré le der-
nier demi-siècle, et lui permettent de soutenir le parallèle avec tous
les âges précédents.
Suivant l'usage, chacune des académies apportait son tribut à la
séance commune. L'Académie des sciences morales et politiques était
représentée par M. Louis Rcybaud, qui a lu la relation d'une visite au
couvent de la Trappe de Staouéli, en Afrique; l'Académie des beaux-
arts, par M. Halévy, qui a lu une notice sur Thomas Britton ; l'Acadé-
mie des inscriptions et belles-lettres par M. Victor Leclerc, qui appor-
tait de nouvelles études sur trois fabliaux ; l'Académie française, par
M. Ampère, dont le contingent se composait d'un fragment de voyage
au Canada. L'Académie des sciences avait pour champion M. Babinet;
mais comme elle ne venait qu'en cinquième, l'heure avancée l'a obli-
gée à garder son offrande pour une autre occasion.
De toutes ces lectures, dont chacune avait son mérite et son intérêt,
la seule qui nous concerne directement, c'est celle de la notice sur
Thomas Britton, cet amateur, cet artiste, cet antiquaire musical d'une
espèce si rare, sur lequel notre collaborateur, Edouard Fétis, nous a
donné en 1849 trois articles si curieux, publiés en ce journal. L'illustre
auteur de la Juive et de tant de chefs-d'œuvre avait choisi ce même
Thomas Britton pour texte d'une esquisse non moins musicale que litté-
raire. Plus d'une fois déjà M. Halévy a prouvé qu'il écrit aussi bien
qu'il compose : jamais peut-être il n'avait mieux réusi à mettre en
relief un talent qui n'est chez lui que du luxe, si cela pouvait se dire
d'un talent. 11 a constamment charmé, captivé, amusé son auditoire,
tout en l'instruisant et en l'élevant à de hautes pensées. Aussi a-t-il re-
cueilli en bravos chaleureux le prix bien légitime d'un travail qui sera
mis à côté de ses meilleures partitions. Nous en dirions davantage, et
nous entrerions dans plus de détails, si nous ne reproduisions la notice
tout entière : tous nos lecteurs nous en remercieront.
Notice saur THOMAS BEtlVrON.
L'homme qui fait le sujet de cette notice n'occupe qu'une place mo-
deste dans l'histoire de la musique ; sa vie cependant mérite d'être ra-
contée. Né dans la classe la plus pauvre de la société, et s' élevant par
degré, sans quitter pour cela la position inférieure où le sort l'avait
placé, il ajoutait pour ainsi dire une vie nouvelle à sa vie ancienne, de
sorte que son histoire offre l'exemple curieux, et peut-être unique,
d'une existence tout entière passée à la fois dans le travail le plus vul-
gaire et dans l'exercice intelligent d'un art délicat et difficile. Il faut
supposer deux hommes, dont l'un, forcé, pour gagner sa vie, de se
livrer à la plus humble des professions, en contact journalier avec des
hommes grossiers, habite une obscure boutique , tandis que l'autre ,
doué d'un goût éclairé pour les arts, en relation avec les artistes les
plus célèbres de son époque, et artiste lui-même, reçoit les hommes
les plus instruits d'une grande capitale, les femmes les plus élégantes
de l'aristocratie, et fait de sa maison le centre de brillantes réunions.
Thomas Britton réunit à lui seul ces deux existences si diverses.
Thomas Britton, né vers 165/i, dans le comté de Northampton, fut
mis en apprentissage à l'âge de huit ans, à Londres, chez un charbon-
nier qui l'employa à porter du charbon dans les rues et à crier sa
marchandise. Il resta pendant sept ans serviteur chez ce maître, après
quoi celui-ci, reconnaissant que l'éducation de son élève était termi-
née, lui donna une petite somme d'argent et le renvoya, exigeant de
lui la promesse qu'il ne s'établirait pas marchand de charbon. Il faut
admirer la sagacité de ce prudent maître charbonnier, et croire que,
jaloux des dispositions précoces de son élève, inquiet de son intelli-
gence d'un commerce qu'il ne lui avait que trop bien enseigné, il avait
déjà deviné en lui un concurrent redoutable.
Le jeune Tom, emportant son petit pécule, retourna dans son pays
natal et y passa plusieurs années. Comme, malgré mes recherches, je
n'ai pu découvrir le nom du maître qui lui a enseigné la musique, cet
art qui devait occuper une si grande place dans sa vie, il m'est permis
de supposer que c'est pendant cette retraite qu'il en reçut les premiè-
res notions, et qu'il apprit aussi à lire et à écrire. J'aime donc à me
représenter notre héros libre, fier, maître de son temps, ravi de cette
existence toute nouvelle pour lui. Assidu aux leçons de l'école du
village, prêtant pendant le service divin une oreille attentive et char-
mée aux improvisations du vieil organiste, il consacre à l'étude le loisir
que lui a fait l'inquiétude de son patron. Il devient musicien ; une an-
tique basse de viole, trouvée au presbytère, est désormais sa compagne
constante et l'interprète du sentiment musical dont il est animé. Cu-
rieux d'apprendre, il copie les antiennes , les hymnes sacrées des
vieux maîtres anglais contenues dans le livre du chantre. Dès lors
commencent pour lui ces habitudes de travail et d'étude qu'il ne de-
vait plus oublier. Son âme s'éveille au souffle de cette vie libre et ac-
tive, l'enfant est devenu un homme, et l'homme un artiste !
Mais cette existence si heureuse , si conforme à ses instincts, doit
enfin cesser. Les ressources sont épuisées, le pécule du maître est tari.
11 faut vivre, il faut apprendre, il faut surtout retourner à Londres,
car c'est là seulement que Tom peut continuer cette vie d'étude com-
366
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
mencée dans la retraite. Ce n'est pas le voyage qui l'embarrasse, trente
lieues sont bientôt franchies; mais, encore une fois, il faut vivre, vivre
indépendant, ne rien devoir qu'à son travail. Tom n'hésite pas. !1 re-
devient charbonnier.
Certes, pour prendre ce parti, il fallait un grand fonds de haute
raison, de courage, de simplicité et d'amour du travail. L'abnégation
de tout sentiment de vanité ne saurait aller plus loin ; c'est l'acte d'une
âme simple, concentrée en elle-même ; aucun effort ne s'y fait sentir,
et l'on ne voit là ni l'orgueil du stoïcien ni l'insolence du cynique.
Britton sait qu'il est seul, inconnu, perdu sur le pavé de Londres : il
ne demande rien, ne cherche ni ami ni protecteurs, ne frappe à au-
cune porte. Jeune, plein de confiance en Dieu, humble et fort à la fois,
il retourne sans honte à ce travail pénible de ses premières années, et
lui demande la vie de son corps et la liberté de son esprit.
C'est donc le sac sur le dos que nous retrouvons Britton dans les
rues de Londres. J'aime à croire, pour son honneur, que son ancien
patron était mort ou avait au moins renoncé à son industrie, et que
par conséquent Britton ne manquait pas à ses engagements.
On eut alors un étrange spectacle : on voyait un homme de taille
moyenne , à la physionomie ouverte et intelligente, vêtu d'une jaquette
bleue, coiffé d'un sac de charbon , furetant chez les libraires, bouqui-
nant chez les étalagistes, recherchant les vieux livres, avide de vieille
musique. C'était notre ami Thomas Britton, et ce goût pour les vieille-
ries curieuses fut l'origine des relations qu'il contracta avec de hauts
personnages.
Vers cette époque, une véritable passion pour la recherche des vieux
livres et des manuscrits s'était déclarée parmi la noblesse. Les princi-
paux amateurs étaient Edouard, comte d'Oxford ; le duc de Devonshire,
les comtes de Pembroke, de Sunderland, de Winchelsea. Comme le
parlement ne siégeait pas le samedi , ces personnages se rendaient en-
semble dans la Cité. Bientôt, se séparant, ils prenaient des routes di-
verses et parcouraient les rues habitées par des libraires. Lorsqu'ils
avaient visité les principales boutiques, ils se réunissaient, un peu avant
midi, chez Christophe Batteman , libraire et marchand de musique.
C'était là leur quartier général. 11 s'y rencontraient d'autres amateurs,
entre autres M. Bagford qui, de cordonnier, était devenu antiquaire cé-
lèbre. La discussion s'engageait alors sur les trouvailles de la journée.
C'est là qu'un jour, vers midi, au moment où ces graves personnages
étaient réunis dans une chaleureuse discussion, Thomas Britton, qui
venait de finir sa tournée du matin , entre dans son accoutrement de
charbonnier, et, déposant avec précaution son sac sur l'appui de la fe-
nêtre du libraire, il demande à Christophe Batteman des renseignements
sur un livre rare, un recueil d'anciennes mélodies. Qu'on juge de la
surprise des nobles lords! On entoure Britton, on l'interroge; la con-
versation devient générale ; le goût , l'intelligence, les connaissances
réelles du pauvre Tom font oublier son costume plus que simple ; on
est touché de l'honnêteté de son caractère, de sa bonté, de sa modestie
vraie ; il devient pour un moment l'égal des pairs d'Angleterre ; il sé-
duit, il étonne, il captive son auditoire, et bientôt toute la compagnie,
dans l'entraînement d'une sympathie réciproque, décide qu'elle ira
dîner et passer le reste du jour à la taverne.
Cette taverne, où se réunissaient habituellement ces nobles seigneurs,
était la taverne du Bouchon en deuil, fondée, sous le règne de Charles Ier,
par le célèbre chansonnier Taylor, surnommé le Poète d'eau, parce
qu'il était batelier. Cette enseigne du Bouchon en deuil mérite quelque
explication, parce qu'elle est la manifestation singulière d'un sentiment
pieux. Lorsque Charles I" fut décapité, Taylor fut tellement affecté de
la mort du roi, qu'il voulut que son enseigne portât le deuil, et qu'il la
fit peindre en noir.
Dès lors Britton fut admis régulièrement aux réunions hebdomadaires
du libraire Batteman. Il y trouva toujours ses honorables amis. Ces re-
lations durèrent pendant toute la vie de Britton; elles n'altérèrent pas
son indépendance. Il resta toujours le même, aussi simplement à son
aise dans les rues de Londres, sous le sac de charbon, que le chancelier
d'Angleterre sur le sac de laine à la chambre des lords.
Lorsque Thomas Britton, après ses courses fatigantes dans la ville,
rapportait chez lui ce sac vide, ce sac, son cher gagne pain, le porteur
de charbon redevenait musicien. Il prenait alors sa basse de viole, sa
viola cli gamba, et s'enfermait soigneusement dans son domicile. Mais
il faut dire ce qu'était ce domicile.
C'était une écurie que Britton avait louée à son arrivée à Londres , et
dans laquelle il s'était d'abord arrangé le mieux qu'il avait pu, lui et ses
sacs de charbon. Peu à peu, les bénéfices de son commerce lui avaient
permis d'en faire une habitation supportable, un magasin et une biblio-
thèque. Tandis qu'ainsi renfermé et caché à tous les yeux , il exécutait
sur sa basse de viole quelques compositions de Jenkins , de Simpson ,
du célèbre Purcell, le plus renommé des maîtres du temps, ou peut-être
une sonate manuscrite de Corelli, dont la réputation naissante avait déjà
pénétré en Angleterre, Britton avait vivement excité la curiosité d'un
de ses voisins; mais l'habitation singulière de ce voisin avait aussi, de
son côté, attiré l'attention de Britton.
Car si la demeure de Britton, située au rez-de-chaussée, ne se dis-
tinguait le soir que par l'obscurité dans laquelle elle restait plongée,
et ne trahissait la présence du propriétaire que par les sons discrets et
mystérieux de la basse de viole; la demeure de l'inconnu, au contraire,
située à l'étage le plus élevé de la maison voisine , resplendissait
souvent de lueurs singulières. On voyait briller à travers les vitres des
feux sombres, dont, l'éclat colorait d'une teinte rougeàtre des cornues,
des alambics, qu'une main hardie soulevait au milieu de ces nuages et
de ces flammes.
Cette demeure aérienne était celle d'un alchimiste, d'un frère de la
Rose-Croix très-versé dans l'art de la magie et de la cabale, et qui
poursuivait le grand-œuvre. Un soir, l'alchimiste, une lampe à la main,
descendit de son laboratoire et, guidé parla musique de Britton, il vint
frapper à la porte, que celui-ci ne craignit pas d'ouvrir.
L'alchimiste, vu de près, n'était plus qu'un pauvre diable ruiné par
ses fourneaux, auxquels le charbon de Britton allait donner une acti-
vité nouvelle. Car tel était le but secret de la visite de l'alchimiste aux
abois.
Ce savant malheureux, cet illuminé était un Français, un Parisien,
le docteur Théophile de Garencières, médecin de la faculté de Caen.
Après toutes sortes de vicissitudes et de mauvaises fortunes subies
dans son pays, il était venu en Angleterre, avait abjuré la religion ca-
tholique, et avait été reçu agrégé à l'université d'Oxford. Nommé plus
tard médecin de l'ambassade française à Londres, il n'avait pu conser-
ver cette place, et avait trouvé la misère en cherchant la pierre philo-
sophai. Une amitié profonde, basée probablement sur la bizarrerie
de leur condition, s'établit bientôt entre ces deux hommes d'un carac-
tère si différent. L'un, né d'une bonne famille, véritablement instruit,
mais courant après des chimères, était tombé de l'aisance, et d'une
position honorable, dans l'obscurité. L'autre, au contraire, né dans la
pauvreté, avait trouvé l'aisance dans la simplicité de sa vie laborieuse,
et était parvenu à concilier le goût des lettres et la passion de la mu-
sique avec l'exercice d'une profession pénible. Britton cependant se
laissa séduire aux discours de Garencières. Il étudia avec lui la chimie
et l'art du chercheur d'or, et bientôt, avec l'intelligence qu'il portait
en toutes choses, il construisit pour Garancières un laboratoire portatif
qui excita l'admiration des chimistes de Londres, et qu'on vint visiter
avec empressement de toutes parts.
Cet incident, qui détournait Britton de ses études habituelles, et qui
aurait pu le ruiner, puisqu'il l'attaquait au vif dans son commerce, fut
pour lui un bonheur. Un gentilhomme du pays de Galles, qui avait vu
le fameux laboratoire, obtint de Tom qu'il lui en construirait un sem-
blable. Il l'emmena dans son pays et le récompensa généreusement.
Tom revint à Londres muni d'une somme assez importante. Heureuse-
ment pour Britton, Garencières mourut bientôt après, emportant avec
DE PARIS.
367
lui ses rêves dorés, et pcul-être ceux de Britton, que la mort de son
ami rendit à ses premiers travaux.
Nous voici arrivés à l'époque la plus remarquable de la vie de Tho-
mas Britton. L'argent qu'il avait rapporté du pays de Galles le mit à
même d'agrandir son habitation et de réaliser un projet conçu depuis
longtemps. Il voulait réunir chez lui les premiers artistes de Londres,
les amateurs les plus distingués ; mettre à leur disposition la bibliothè-
que musicale qu'il avait l'ondée, cl qu'il augmentait encore touslesjours,
et donner à ses frais des concerts sérieux auxquels il inviterait gratui-
tement la belle société de la ville.
Rien de semblable encore n'avait existé à Londres. Quelques artis-
tes, quelques professeurs donnaient à la vérité des concerts, mais ces
concerts n'avaient aucune importance sous le rapport de l'art; le plus
souvent, d'ailleurs, ils avaient lieu dans une taverne. On les annonçait
dans la Gazelle de Londres avec le plus d'art et de séduction possible.
Mais l'art de l'annonce, si habilement perfectionné depuis, était encore
dans l'enfance, comme on peut en juger par l'exemple suivant :
« Aujourd'hui, h février 1674, à la taverne de la Toison, près Saint-
» James, à deux heures de l'après-midi, tous les jours de la semaine,
» excepté le dimanche, rare concert par quatre trompettes marines,
» instrument inconnu jusqu'à ce jour en Angleterre; prix des places,
» un shelling les meilleures, six sous les autres. »
La trompette marine, dit M. Jourdain, est un instrument qui me plaît
et qui est harmonieux. M. Jourdain, qui ne voulait qu'une trompette
marine, eût été bien heureux d'assister à ce concert qui lui en pro-
mettait quatre. Peut-être n'est-il pas inopportun de dire ici ce qu'est
ou plutôt ce qu'était cet instrument harmonieux. La trompette marine
n'est pas une trompette ; c'est une sorte de guitare montée d'une seule
corde très grosse, disposée sur un manche très long, et que l'on joue
avec un archet. Je n'ai pu découvrir l'origine du nom que porte cet
instrument, ni ce qui a pu lui mériter l'honneur d'être attaché à la
marine.
Ce que voulut établir Britton, et ce qu'il établit en effet, c'est un club
musical, une société tenant des séances régulières, s'occupant de mu-
sique, non dans un but de lucre, puisque le public était invité, mais
pour le plaisir des exécutants eux-mêmes, pour satisfaire leur goût et
leur amour pour l'art. On voit d'un coup d'œil ce qu'il y avait d'élevé
dans l'entreprise de Britton, ce qu'elle avait de véritablement utile, de
véritablement fécond pour l'avenir de la musique en Angleterre, et
quelle distance séparait ces assemblées des concerts publics et des
charivaris de taverne. L'idée de cette création, si désintéressée dans
son but, si heureuse dans ses résultats, appartient donc entièrement au
charbonnier Thomas Britton, et ce doit être pour sa mémoire un éter-
nel honneur.
On ne peut s'empêcher d'éprouver un étonnement profond en son-
geant qu'une pensée pareille, qui a quelque chose d'éminemment aris-
tocratique, est sortie du cerveau, ou plutôt du cœur d'un homme livré
depuis son enfance à des travaux si humbles, si pénibles et si peu en
harmonie avec l'élégance de cette pensée ; mais c'est là le problème de
la vie entière de Britton.
Voici comment était disposée la maison où se donnaient ces concerts
qui attirèrent bientôt la fleur de l'aristocratie. Au rez-de-chaussée était
le magasin de charbon. Au-dessus du magasin se trouvait la salle de
concert, longue et étroite, et si basse de plafond, qu'un homme d'une
taille élevée avaitpeine à s'y tenir debout. L'escalier, ou plutôt l'échelle
qui conduisait à ce sanctuaire, était appliqué au mur extérieur de la
maison, et l'ascension n'était pas sans danger.
Cette description n'a rien d'attrayant, et l'on conviendra que cette
maison offrait un assemblage bizarre; elle reflétait, au reste, la parfaite
image du propriétaire, et représentait bien aux yeux ce mélange in-
croyable de simplicité presque grossière et d'une intelligence fine et
délicate, cette aspiration aux nobles jouissances de l'art confondue avec
le préoccupations d'un commerce vulgaire. 11 est certain que Britton,
avec les goûts que nous lui connaissons et la vie qu'il s'était faite, ne
pouvait avoir d'autre habitation.
Cette maison de si triste apparence reçut donc une sociélé nom-
breuse ; dans cette salle obscure qui, malgré tous ses défauts, paraît
avoir été favorable à la musique, une foule brillante et dorée venait se
presser, et cachait la pauvreté des lambris sous l'éclat des toilettes. Les
femmes du rang le plus élevé, les beautés les plus élégantes, les plus
célèbres de l'époque, ne craignaient pas de gravir l'escalier escarpé de
la salle de concert, et oubliaient, en écoutant, les difficultés qu'il avait
fallu braver pour trouver place par les élus.
C'est au commencement de 1678 que Britton inaugura ses concerts.
11 n'est peut-être pas inutile de jeter un coup d'œil rapide sur l'état gé-
néral de la musique à cette époque.
Il semble que le xvn" siècle, presque tout entier, ait été, pour l'art
musical, une époque de repos et une époque d'attente. Un grand mou-
vement s'était opéré pendant le siècle précédent, un grand mouvement
devait s'accomplir plus tard. C'était une de ces époques intermédiaires
pendant lesquelles ceux qui sont appelés à féconder le champ fertile
de l'art étudient le passé et préparent l'avenir. C'est le silence d'où
sortira bientôt le son retentissant ; c'est l'ombre d'où va jaillir la lu-
mière ; c'est le recueillement d'où naîtront les grandes pensées , les
nobles enfantements. L'art de la musique moderne, le dernier né des
beaux-arts, était jeune encore, car, au temps de la renaissance, la
peinture, l'architecture, la sculpture, avaient précédé le réveil de la
musique. Toute cette grande famille des premiers peintres italiens, née
vers le milieu du xv" siècle, disparaissait emportée par le siècle sui-
vant, quand Palestrina, ce révélateur lumineux de la vraie musique re-
ligieuse, naissait comme pour consoler le monde de la mort de Ra-
phaël.
A l'époque dont nous retraçons quelques traits, il n'y avait pas plus
de cent ans que Palestrina avait produit ses belles prières, austères et
suaves à la fois. Mais déjà de nouveaux changements commençaient à se
manifester. Les tentatives hardies de Monteverde, qui, lui aussi, avait
ouvert une voie nouvelle aux inspirations des maîtres qui viendraient
après lui, commençaient à porter leurs fruits. La musique théâtrale,
née à la fin de l'autre siècle, faisait partout des conquêtes. Déjà un
événement remarquable s'était accompli : le premier, parmi tous les
rois, Louis XIV avait pris sous sa protection ce spectacle nommé Opéra,
à la splendeur duquel devaient concourir tous les beaux-arts, mais seu-
lement pour faire cortège à la musique, qu'on entourait ainsi à son
berceau de luxe et d'éclat, comme un enfant d'un sang royal. Autour
de Lully, domintteur jaloux, on voyait en France un groupe assez
nombreux de bons musiciens, que son humeur ombrageuse savait tenir
à distance : Henry Dumont, maître de chapelle de Louis XIV, excellent
compositeur et organiste, qui, par un scrupule religieux, et pour obéir
aux décisions du concile des Trente, refusa pendant longtemps, malgré
le désir du roi, d'ajouter à ses motets des accompagnements d'or-
chestre, et dont les productions religieuses, d'une expression vraie,
sont encore appréciées et entendues avec plaisir ; Michel de Lalande,
auteur de motets estimés, qui, refusé par Lully comme violoniste, de
dépit brise son instrument, retourne à l'étude de la composition, et
devient aussi plus tard un des maîtres de chapelle du roi; Jean-Baptiste
Moreau, arrivant presque enfant et sans appui à Versailles, et, déses-
péré de ne pouvoir se faire entendre à la cour, parvenant à se cacher
dans le cabinet de toilette de la dauphine Victoire de Bavière, qui rit
de sa naïveté, se laisse charmer par un air de sa composition et le pré-
sente au roi. Il dut à cette audace d'entrer à la chapelle royale, et
d'être ensuite choisi par Racine et par Mme de Maintenon pour mettre
en musique les chœurs A'Esther et i'Athalie; Michel Lambert, le chan-
teur élégant illustré par Boileau, le maître à chanter du beau monde,
et l'auteur de charmantes petites cantates, de chansons tendres et
d'une mélodie facile, qu'on appelait des brunelles, et dont Benserade
et Quinault lui fournissaient les paroles. Lully devint son gendre. C'é-
taient encore Guillaume Minoret, Marc-Antoine Charpentier, Loulié,
368
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
professeur et théoricien, premier inventeur du métronome; Marchand,
Couperin et d'autres que je m'abstiens de nommer.
L'Allemagne n'était encore habile que dans la musique instrumen-
tale, et célèbre que par ses excellents organistes et clavecinistes. La
forte dynastie des Bach florissait déjà; mais le maître, le grand Sébas-
tien, ne devait naître qu'à la fin du siècle.
En Italie, Alexandre Scarlatti, le premier d'une race nouvelle, se
préparait à inaugurer sa brillante et féconde carrière , et bientôt
on allait représenter à Rome, dans le palais de la reine Christine,
le premier des cent quinze opéras qu'il devait composer. La réputation
des maîtres qui l'avaient précédé depuis le commencement du siècle,
Cavalli, Cesti, Rovetta et d'autres encore, allait s'éteindre devant l'é-
clat de cet astre, déjà puissant à son aurore.
La musique en Angleterre, grave et doctorale à l'église, naïve et
quelquefois piquante dans ces petits airs qu'on nommait des Glees,
arrêtée dans ses développements par les révolutions, comptait cepen-
dant des maîtres savants. Le plus habile, le plus profond, était Henry
Purcell, musicien fécond et original, plein de sève et de vigueur, qui
mourut à trente-sept ans, laissant après lui de nombreuses productions,
remarquables par l'élévation et la majesté du style.
Nous venons de tracer un aperçu sommaire de l'état de la musique
en Europe. Louis XIV venait de créer l'opéra en France, la reine
Christine livrait son palais aux débuts de Scarlatti. En Angleterre, un
pauvre charbonnier ouvre à la musique une sorte de salle d'asile. Mis-
sionnaire humble et dévoué, il répand autour de lui l'amour sincère et
profond dont il est animé. Utile par l'exemple qu'il donne, par l'œuvre
qu'il a fondée, il rendra la voie facile à ceux qui le suivront, longtemps
encore après que son nom aura été oublié. Les arts ont aussi leurs pion-
niers, et le chef renommé qui marche au grand soleil, portant fièrement
sa bannière éclatante, ne sait pas le nom du soldat obscur qui lui a
frayé le chemin.
Essayons de recomposer par la pensée une séance du club deBritton.
N'oublions pas que ces concerts se soutinrent pendant près de trente-
six ans, depuis 1678 jusqu'en 171/j, époque de la mort de Thomas
Britton, et que pendant ce long espace de temps le personnel des exé-
cutants, aussi bien que celui des auditeurs, dut se renouveler plusieurs
fois avec des chances diverses. Prenons donc une époque brillante, et
supposons qu'au mois de décembre 1710, époque de l'arrivée^ de
Handel à Londres, nous entrons dans le salon de musique de l'as-
semblée.
Mais ce n'est plus dans la maison noire de Britton que se tiennent les
séances. C'est dans une habitation plus confortable du voisinage. Là,
plus d'échelle à gravir : nous pénétrons dans la salle de concert par un
degré commode et convenable. Britton a quitté sa maison pour échap-
per à un commencement de persécution, à des propos de tous genres.
La singularité de sa vie et de son caractère avait éveillé l'attention des
mécontents et des jaloux. On commençait à dire que ses assemblées
pouvaient bien cacher des menées séditieuses; d'autres, se rappelant
sa liaison avec Garancières, prétendaient qu'on ne s'y occupait que de
magie; d'autres encore le donnaient pour un athée, pour un presbyté-
rien ou pour un jésuite. « Mais tout cela n'était que des conjectures
mal fondées, dit un biographe anglais : il était honnête, simple et droit,
et parfaitement inoffensif. »
Quoi qu'il en soit, il paraît que Britton crut devoir quitter sa maison
et constituer un véritable club. Les souscripteurs furent dès lors natu-
rellement soumis à une cotisation. Elle était de dix shellings par an.
L'établissement se trouvait enrichi d'une buvette dans laquelle chaque
abonné avait le droit de prendre du café moyennant la redevance d'un
sou par tasse. Il ne faut pas oublier que le café n'était introduit que
depuis quelques années en Angleterre et en Europe : il ne faut donc
voir là qu'un tribut payé à la mode, et n'en rien conclure de fâcheux
pour la dignité du club.
Entrons dans cette nouvelle salle. Nous y trouverons des artistes
bien placés dans le monde, de nobles seigneurs de la cour de la reine
Anne, et de belles dames dans d'élégants atours. Voici lord Bolingbroke,
puis le comte de Burlington et le duc de Chandos, deux Mécène poul-
ies musiciens. Le clavecin, accordé avec le plus grand soin par
Britton lui-même, est déjà chargé du pupitre. Des volumes sortis
de la bibliothèque de Britton, dont le catalogue est entre nos mains,
sont déjà préparés, ouverts au bon endroit. Nous voyons sur ce cata-
logue les plus illustres noms contemporains.
On va exécuter des fragments du Roi Arthur, célèbre opéra de
Purcell, mort depuis quinze ans, la musique composée par Mathieu
Lock pour le Macbeth de Shakspeare, des sonates de Bassani et de
Corelli, et d'autres morceaux encore. Le grave et savant docteur Pe-
pusch, qui, marchant sur les traces de Britton, vient de fonder la So-
ciété de l'ancienne musique, entre et se met au clavecin. Voici un des
meilleurs violonistes du théâtre de Drury-Lane, M. John Banister,
élève de son père, qui perdit la place de directeur de la chapelle
royale, pour avoir osé dire, devant le roi Charles II, que les Français
jouaient mieux du violon que les Anglais. Voici M. Henry Needler,
contrôleur général des douanes, élève pour la composition de feu Pur-
cell, et pour le violon de Banister le père. Cet autre est le poëte Jean
Hughes, l'ami de Pope et d'Addison, l'auteur d'une ode en l'honneur
de la musique, et excellent musicien. Tout en jouant sa partie, il pense
à sa tragédie du Siège de Damas qu'il vient de commencer, mais qu'il
ne verra pas, car il mourra le jour même de la première représenta-
tion. Peut-être Pope et Addison sont-ils dans l'auditoire. Voici M. Woo-
laston, le peintre, qui vient de terminer le portrait de M. Britton. Brit-
ton, un matin, pendant sa tournée habituelle de charbonnier, se rap-
pela qu'il avait à parler à M. Woolaston ; mais n'osant, par discrétion,
se présenter chez lui dans son ajustement, il eut l'idée de passer de-
vant la demeure du peintre en criant son charbon M. Woolaston re-
connut la voix de son ami, ouvrit la fenêtre et, l'invitant à monter,
profita de cette occasion pour commercer son portrait, en jaquette
bleue, avec une mesure de charbon à la main. Le poëte Jean Hughes a
composé une inscription en vers pour ce portrait, que vous avez pu
voir au Musée britannique. Voici les organistes Philippe Hart, Obadiah
Shuttleworh, Abel Whichello. Ce jeune homme qui entre maintenant,
et sur lequel tous les yeux se portent avec tant d'intérêt et de curiosité,
c'est un étranger, c'est M. Handel , Te maître de chapelle de l'électeur
George de Hanovre ; c'est la première fois qu'on va l'entendre à Lon-
dres, où il arrive précédé d'une immense réputation. Les dames se
lèvent pour le regarder. Le voilà qui se met au clavecin , au grand
chagrin du docteur Pepusch. Cet enfant qui monte sur un escabeau, et
qui paraît tellement ébloui de la splendeur de cet auditoire imposant,
qu'il tomberait si on ne venait à son aide, c'est un petit prodige dont
s'entretiennent déjà tous les amateurs de Londres, c'est le jeune Ma-
thieu Dubcurg, l'élève de Geminiani; il va tout à l'heure, et pour son
début en public, jouer sur le violon une sonate de Corelli , et Handel
lui-même l'accompagnera. Vous voyez qu'avec de tels éléments la
séance ne peut manquer d'être variée et intéressante.
Comme si l'existence de Britton eût été liée à celle de ces concerts,
c'est dans cette salle qu'il avait fondée et au milieu d'un concert qu'il
reçut le coup qui devait le frapper mortellement, et sa mort fut aussi
singulière que l'avait été sa vie.
Parmi les habitués du club Britton se trouvait un nommé Robe, qui
faisait fréquemment sa partie dans les concerts. Comme il était un des
juges de paix pour le comté de Middlesex, il avait reçu le surnom de
Robe de Justice. Robe avait fait la connaissance d'un forgeron nommé
Honeyman. Ce forgeron était ventriloque. Robe eut la malheureuse
idée d'amener son ventriloque à un concert, pour effrayer Britton dont
il connaissait la simplicité. Il n'y réussit que trop bien. Au milieu d'un
morceau qui captivait l'attention de l'assemblée, une voix se fit enten-
dre, qui semblait sortir des entrailles de la terre : « Tombe à genoux,
Thomas Britton, ton heure est venue ; fait ta prière, tu vas mourir ! »
Le pauvre Britton, saisi d'effroi, tombe à genoux, et, dans une su-
prême angoisse, il recommande son âme à Dieu. On dit qu'il avait cru
DE PARIS.
369
reconnaître la voix de Garencières, son ancien ami. On s'empressa de
le détromper ; il fut à l'instant même l'objet des soins les plus assidus;
mais tout fut inutile, le coup était porté. Thomas Britton mourut deux
jours après, au mois de septembre 1714, à l'âge de soixante ans.
« Au résumé, dit un écrivain anglais, ce fut un homme très-extra-
ordinaire et très-estimé, fort admiré par les gentilshommes, même
ceux de la plus haute qualité, aussi bien que par les hommes d'un
rang inférieur. Tous étaient pleins de respect pour sa probité, son in-
telligence, son exactitude et son humilité. Je dis humilité, parce que,
tout renommé qu'il fût pour ses connaissances, et pouvant par consé-
quent vivre très-honorablement sans son commerce, il le continua ce-
pendant jusqu'à sa mort, ne le regardant pas comme au-dessous de
lui. 11 était tellement connu, continue l'historien, que lorsqu'il passait
dans les rues de Londres, vêtu de sa blouse bleue et son sac sur la
tête, on disait autour de lui : « Voilà le fameux charbonnier, l'ami du
savoir, l'habile musicien et le camarade des gentlemen. » 11 fut enterré
dans le cimetière de l'église de Clerkenwell, quartier qu'il avait tou-
jours habité, sans monument ni inscription, mais accompagné à sa der-
nière demeure par un grand concours de public de toutes les condi-
tions. »
Telle fut la fin de Thomas Britton : ce composé bizarre a vécu dans
un temps et dans un pays qui lui ont permis de se développer en toute
liberté. Il me semble qu'un charbonnier, donneur de concerts, patron
des artistes, collectionneur de curiosités , recevant, avec sa jaquette
bleue, de belles dames dans un salon situé au-dessus d'un magasin de
charbon, et auquel il fallait arriver par une échelle, n'aurait pu exister
ailleurs qu'en Angleterre.
Britton avait été marié; sa femme ne paraît avoir rempli dans son
existence que le rôle d'une bonne ménagère. Il ne lui laissa guère que
ses livres, sa bibliothèque musicale, composée d'ouvrages gravés ou
copiés de sa main , et une collection considérable d'instruments de
musique. Les catalogues de ces diverses collections ont été imprimés
et sont peut-être encore aujourd'hui entre les mains des curieux. Tout
cela fut vendu au profit de la veuve, et dut produire une somme assez
importante, puisque la vente dura trois jours.
L'exemple donné par Thomas Britton ne fut pas stérile. Déjà, de
son vivant, la Société de l'ancienne musique avait été fondée. Le sol
de l'Angleterre fut bientôt couvert de nombreuses associations de ce
genre, aujourd'hui en pleine voie de prospérité. A sa mort, la musique
avait fait de grands progrès, et les brillantes promesses du passé com-
mençaient à s'accomplir. Porpora, Léo , Durante, ces maîtres toujours
vénérés de la belle école napolitaine, allaient charmer l'Europe par la
pureté, l'élégance de leur style. Le génie de Sébastien Bach semblait
prédire les futures destinées de l'Allemagne, où déjà la musique dra-
matique de Keyser signalait une ère nouvelle. En Angleterre, Handel
allait imprimer à la musique le sceau de sa puissante manière, tandis
qu'en France, Rameau se préparait, par de patientes études, à ses
belles découvertes thériques, et aux succès tardifs que son talent ner-
veux et original réservait à sa maturité. Pendant ce temps aussi, et à
quelques années de distance, deux enfants étaient nés, l'un dans la pa-
trie de Raphaël, l'autre dans une petite ville d'Allemagne. Le premier
de ces enfants se nommait Pergolèse, le second était Gluck.
F. HALÉVY,
Membre de l'Académie des Le tux-arts.
(2e article) (I).
Dans le dernier article que j'ai publié au sujet à'Elie, de Mendels-
sohn, je renvoyais, par des indications, le lecteur à la grande partition
dont la bibliothèque du Conservatoire possède quelques exemplaires.
( ) Voir le numéro d3.
Cette bibliothèque, si incomplète qu'elle soit, peut être regardée ce-
pendant comme l'arche de Noé de l'art musical ; elle nous conserve les
spécimens des ouvrages perdus pour le vulgaire. Des artistes m'ont su
gré de ces indications; ils ont approuvé ce système de critique qui
consiste à n'avancer une opinion qu'en offrant le moyen de la discuter.
Persuadé, d'ailleurs, que ces études sont profitables aux artistes et aux
amateurs éclairés, et que la lecture de la partition en dit plus que bien
des pages de critique, j'aurai recours au même système, pour le Re-
quiem de Berlioz ; j'engagerai à le consulter ceux qui ont le bonheur de
pouvoir suivre de l'œil les lignes si croisées, si savamment entrelacées
de ce bel édifice musical : une partition de l'un de nos grands maîtres
modernes.
Commençons notre analyse du Requiem. Le Kyrie (n° l)est l'un des
morceaux où l'inspiration est en même temps la plus diverse et la plus
continue. On pourrait dire qu'il y a surabondance de richesses, si ces
mélodies qui éclosent spontanément, si ces rbythmes qui surgissent
d'un détail isolé placé sur le second plan, pour céder à leur tour la
place à quelque création également inattendue, n'avaient pour pilier
l'admirable phrase du début (page 2, mesure 6) proposée par les basses-
tailles. Cette phrase qui persiste au milieu de tant d'accents divers ,
c'est le tronc séculaire autour duquel un riche feuillage déroule ses pa-
naches ondoyants. Grâce à cette noble phrase, toujours présente à la
pensée du compositeur et à l'intelligence de l'auditeur, grâce aussi au
dessin chromatique qui en embrasse les contours, l'unité linéaire, comme
s'exprime au sujet de la peinture un illustre critique, non-seulement
est conservée, mais elle s'embellit de tous les charmes que viennent
lui prêter le prestige de l'imagination et le solide appui de la science.
Je n'ai pas besoin de dire que cette grâce, que ces charmes n'ont rien
en eux-mêmes que de sérieux et de compatible avec la gravité du
sujet. La grâce dans la grandeur, dans l'austérité même, c'est le secret
des plus grands artistes : c'était celui de Raphaël lorsqu'il peignait les
Stanze du Vatican ; de Dante lorsqu'il traçait de sa plume inspirée
l'admirable épisode de Francesca et de Paolo, et, qu'on me permette
de le dire, même après avoir cité ces grands noms, c'est le secret de
l'auteur du Requiem dans ce majestueux morceau.
Au milieu de ces nombreux détails, j'arrêterai d'abord l'attention du
lecteur sur les premières mesures. J'ai parlé dans cette revue de l'u-
nion qui devait un jour s'accomplir entre la mélodie, Y harmonie et le
rhythme, diversifiés par la sonorité, et colorés par l'accent, l'agent le
plus immatériel de la pensée du compositeur, celui qui donne le relief
suprême à son œuvre; j'ai dit comment de cette union des éléments
primordiaux doivent naître, dans l'avenir, une foule de combinaisons
précieuses, et quel vaste champ sera ouvert au génie. Le début du
Requiem en offre un exemple remarquable. Ici c'est l'unisson, incolore
de sa nature, qui est modifié par le timbre et l'accent : les instruments
à cordes déroulent lentement en unisson une période chromatique de
six notes ; sur la sixième note les cors et bassons s'insinuent pour ainsi
dire dans la mélodie ; le crescendo renforce la sonorité, qui, toutà coup,
s'affaiblit et retombe dans un morne silence (page 1).
Dans le caractère de son instrumentation, Berlioz se plaît quelquefois
à confier au chœur ou à certaines voix de l'orchestre des passages dont
la texture naturelle semblerait appartenir à une autre famille d'instru-
ments. Cette transposition, tentée par une main maladroite, produirait
un déplorable effet; mais exécutée par une main habile, elle donne une
extrême variété à l'orchestration. A considérer la figure écrite pour les
premiers soprani (page 3) , on la prendrait facilement pour la suave et
molle ondulation d'un accompagnement de violon. Dans ce dernier cas
elle serait peu remarquée ; mais le timbre séraphique des voix de
femmes uni aux sons des violons et de la flûte, rend plus moelleux
encore les contours de la mélodie. Cette phrase, du reste, demande
beaucoup d'égalité dans les voix ; elle exigerait des chanteurs des
beaux temps de l'école romaine, alors que le style lié était en honneur
et qu'il n'avait pas fait place à ce placage vocal qui , sur nos théâtres,
détruit à la fois le charme de l'articulation et celui de l'accent, et trans-
570
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
forme le sublime interprète de l'âme, la voix humaine, en instrument
de percussion.
Un rhythme curieux est celui que proposent les violoncelles à la page 6:
il présente au-dessous d'une belle et noble mélodie confiée aux ténors,
une figure en croches, disposée de façon à introduire le rhythme binaire
au milieu des combinaisons du rhythme ternaire. Ces intersections de
rhythmes étaient peu pratiquées par les anciens compositeurs : on en
trouve rarement des exemples chez Haydn et chez Mozart ; elles de-
viennent moins rares dans les ouvrages du dernier style de Beethoven ;
chez Berlioz elles abondent au point de devenir quelquefois un défaut ;
mais presque toujours elles sont la source de beautés inattendues. Dans
le domaine du rhythme Berlioz est un novateur ; et à propos de cette
branche de l'art, l'inspiration depuis longtemps lui avait dicté ce qu'en-
seigne aujourd'hui la théorie.
Je signale (je suis obligé de me borner, je ne puis faire un livre)
parmi les variétés d'accents et de rhythmes le murmure produit par
le dédoublement du mouvement (page 9) sur les paroles Defimctis Do-
mine, et ce brusque et dur pizzicato , pareil à un accent de menace qui
répond aux pécheurs suppliants. Quelques mesures après, un rayon
vient traverser ces nuées sombres ; la flûte et la clarinette s'unissent
sur une cadence lente, d'une molle langueur. 11 est évident que les
mots Lux perpétua ont dicté cette nuance au compositeur : c'est la
lumière, mais point encore la lumière éclatante des élus ; c'est une
pâle lueur du séjour céleste à peine entrevu. Je signale également la
mélodie implacable que les instruments à vent font entendre au-
dessus du brouillard harmonique qui s'élève du sein des instruments
à cordes. Pour faire preuve de science, j'ajouterai que c'est à peu près
la phrase chromatique du début traitée par mouvement contraire. C'est
le terme dont se sert l'école ; les savants seront contents, eux qui n'ap-
prouvent un effet nouveau qu'à la condition de pouvoir l'encadrer dans
un des articles de leur code.
L'Iterwn venturus est est, on le sait, une phrase du Credo. Au
point de vue liturgique, Berlioz a commis une licence qui pourrait
passer pour une sorte de dédain du texte sacré, si elle ne cadrait pas
parfaitement avec le sujet. Au point de vue du drame, cela est d'autant
plus facile à excuser, qu'il en résulte les plus grandes beautés. Les in-
struments de cuivre (page 26) sont disposés sur quatre coins de l'or-
chestre. C'est la voix des anges qui résonnent du midi au nord, de
l'orient au couchant. , Les rhythmes inflexibles se croisent , se
mêlent . s'enchevêtrent ; les triolets s'entassent sur les doubles
croches, que découpent et hachent les syncopes énergiques ; le plus
terrible des ré \> qui soit sorti de la plume d'un compositeur éclate
comme un coup de tonnerre, entr'ouve les flancs du globe et montre au
jour les morts épouvantés. Là ne s'arrête point l'émotion. Les timba-
les, comme de fougueu:es cataractes, se précipitent au milieu des
ondes bouillonnantes de l'harmonie. Elles sont accordées de façon à
produire les principaux accords de la gamme. Isolées de l'orchestre,
leur sonorité serait peut-être confuse et difficile à apprécier ; mais sur
le coup violent qui accuse le troisième temps de la mesure (page 31),
elles arrivent à s'affermir. La grosse caisse vient joindre aux timbales
sa voix tonnante. Et ici, j'en fais l'observation, elle occupe convenable-
ment un poste d'honneur; elle dépeint les détonations souterraines du
globe miné par les volcans. A propos d'un de ses opéras, l'on disait à
Mozart : « Que de notes! — Pas une de trop, » répondit Mozart. De
même, si l'on reprochait à Berlioz les instruments de cuivre : « Pas
un de trop, » aurait-il le droit de répondre.
Je saisis cette occasion de faire cette observation, que de tous les
compositeurs modernes, Berlioz est celui qui sait tirer de l'orchestre
une sonorité plus pleine, plus ronde, plus homogène, sans jamais dé-
passer les limites du bon sens et de la vérité ; je dis cela à l'adresse des
bonnes gens qui supposent que Berlioz est le compositeur qui fait le plus
de bruit. Il n'est pas de mince auteur d'ouvrages en un acte au théâtre
de l'Opéra-Comique qui ne pourrait lui en remontrer à ce sujet.
Les compositeurs, aidés, on pourrait peut-être dire trahis, par le
rhythme des versets de la prose, sont presque tous retombés dans les
mêmes formules au début Le dessin rhythmique de ce vers : Dies irœ,
dies Ma, est le même chez Mozart et chez Cherubini; la note seule (je
ne puis dire la mélodie) est changée. Je n'accuse pas ces grands maî-
tres d'une faute où il semble si naturel de tomber; mais, avec plus de
recherches, ils eussent donné plus de nouveauté à leur pensée. Chez
Mozart, l'entrée du Tuba mirum est merveilleuse; la voix du trombone
proclamant dans le silence des cieux l'arrêt de mort de la terre, est une
idée sublime; mais c'est plutôt un trait de génie qu'une composition
puissamment conçue. Berlioz, lui, ne s'est pas abandonné à la séduc-
tion d'un rhythme tout tracé; il a pnisé son inspiration dans les en-
trailles mêmes du sujet. Ce Dies irœ, conçu d'un seul souffle, semble
un bloc énorme et incandescent de notre planète brisée au jour du ju-
gement.
En musique, le caractère des œuvres sérieusement inspirées, c'est
non seulement d'émouvoir l'âme par les moyens qui appartiennent en
propre à l'art, mais encore de raviver en elle le souvenir des grandes
pensées qui l'ont émue jadis, des belles œuvres dont les autres arts lui
ont laissé une empreinte affaiblie par le temps, mais ineffaçable. Je
ne puis entendre ce morceau de Berlioz sans songer à ce chef-d'œuvre
de Byron, le Ciel et la terre, le plus grandiose de ses drames, sans me
souvenir de ses vers sublimes, dont la musique de Berlioz semble une
énergique traduction :
For prayer!!!
And where
Shall prayer ascend
When tue swoln clouds ur.to the montains bend
And burst
And gushing océans every barrier rend
Until the very déserts know no thirst.
Prier! Et où s'élèverait la prière, lorsqueles nuages s'affaissent vers
les montagnes, qu'ils se déchirent, et que l'Océan déchaîné brise ses
barrières, et tarit jusqu'à la soif même des déserts ?
Les derniers jours sont venus, la terre a chancelé; une ombre sinistre
a passé sur le soleil; les enfants des hommes sont réunis sur le sommet
des montagnes: les passions humaines sont mortes dans leur sein; ils
contemplent les astres qui s'éteignent un à un dans le ciel; ils penchent
l'oreille vers la terre, qui bouillonne dans ses profondeurs, déchirée
par le feu des volcans; ils lèvent au ciel des mains suppliantes: voilà le
sujet. Comment le compositeur l'a-t-il exécuté? Le Dies irœ (page 17)
est conçu sur un choral qui n'est pas sans analogie (je ne parle ici que
du caractère général) avec le choral final de la symphonie avec
chœur. Les basses exposent une psalmodie d'une expression austère et
sombre; les voix de femmes y répondent par une prière humble et ré-
signée. Cependant l'entrée successive des différentes voix éveille une
vague inquiétude. A peine le morceau a-t-il commencé, que déjà le
souffle de la tempête se fait pressentir, mais léger encore, et comme
un inappréciable murmure. Tout d'un coup le choral s'arrête; une bouf-
fée d'orage passe sur ce peuple de suppliants; la prière recommence;
Mais le ton de si \> a succédé à celui de la mineur; la prière est plus
haute, l'inquiétude a fait place à l'effroi : les ténors, sur les cordes
aiguës accompagnent le choral d'un long sanglot. L'heure fatale s'a-
vance. Comme une paille légère, le souffle puissant de la tempête en-
traîne les voix éperdues dans les régions aiguës de ré mineur. Dès lors,
s'élèvent les mugissements de l'orchestre, pareils aux sourds bouillon-
nements de la lave qui tourmentent la montagne avant de la déchirer.
L'explosion des foudres vengeresses ne se fait pas attendre; elle éclate
sur un formidable accord des instruments de cuivre, dont l'effet est
d'autant plus admirable, que le compositeur, qui, à cette heure d'en-
fantement, devait avoir, lui aussi, une lave ardente dans le cerveau, a
su en refréner les élans jusqu'au moment suprême.
Comme contraste, comme modèle d'apaisement des forces orches-
trales, j'indiquerai la belle phrase Mors stupebit (page 33).
On me tiouvera peut-être bien fécond en remarques, mais elles pour-
ront profiter aux artistes. Il est convenu que le Dies irœ de Berlioz est
DE PARIS.
371
un chef-d'œuvre. Il n'est si rigide professeur du Conservatoire qui ne
rende justice au compositeur pour son habileté à déchaîner les cuivres.
C'est beau, c'est grand, c'est saisissant, disent le plus prévenus. Eh bien,
si à ce sujet je suis un peu de l'avis de tout le monde, à un autre égard
tout le monde n'est pas du mien. Je distingue deux ordres de beautés,
une beauté en quelque sorte matérielle, qu'elle ait l'effroi ou la volupté
pour objet, et une beauté spirituelle qui se distingue par des conditions
absolument différentes. A l'une, l'éclat, la vivacité des nuances; à l'au-
tre, l'harmonieuse pureté de la ligne. Le Tuba wiritm, auquel je viens
d'ailleurs de rendre justice, appartient au premier de ces ordres : aussi
quelle que soit la vivacité de l'impression que l'on éprouve, ne dure-t-
elle pas plus longtemps que le moment qui l'a vue naître, et peut-être,
que Berlioz me pardonne, regrette-t-on de s'être laissé impressionner
si vivement. D'autres morceaux, que j'analyserai dans le prochain nu-
méro, sont moins connus, moins appréciés du public ; on ne les cite
jamais, et cependant ils appartiennent à un ordre d'idées bien supé-
rieur. Le jour qu'il traça les foudroyantes harmonies du Tuba mirum,
le compositeur a fait faire moins de progrès à l'art que le jour où il écri-
vit ce noble Offertoire, où la fugue, la forme définitive de l'art, maîtrisée,
vaincue, obéissant aux lois du sentiment, est venue dérouler en vagues
assouplies ces ouragans sonores que les anciens compositeurs déchaî-
naient sans savoir les gouverner.
Léon KREUTZER.
P. S. Nous n'avons pas un mot à retrancher des éloges que nom
accordions à Roger dans notre précédent article, et qu'un spirituel
confrère nous reproche malignement. En effet, tous ces éloges, Roger
les avait mérités à la répétition du Requiem par la manière dont il avait
chanté le Sanctus, et nous avons écrit le commencement de notre ar-
ticle sous cette impression. 11 est vrai qu'au jour solennel, par des
motifs qui importent peu, la voix de Roger a été remplacée par trois ou
quatre autres voix, parmi lesquelles celle de Sainte-Foy dominait exclu-
sivement et se faisait seule entendre. Nous avons oublié de le dire, mais
notre spirituel confrère a été plus habile : il a entendu six chanteurs
au lieu d'un ! Nous en concluons qu'il doit avoir l'oreille encore plus
fine que la plume.
CORRESPONDANCE.
.4 Monsieur T'étis. à Bruxelles,
Paris, ce 26 octobre.
J'ai d'abord à vous remercier, Monsieur, de l'intérêt que vous témoi-
gnez au Recueil d'études dont vous avez eu la bonté de parler dans votre
dernière lettre, et je me réjouis d'avance de l'analyse développée que vous
me promettez à leur sujet. Si, en attendant, je prends la liberté de vous
adresser ici quelques mots par rapport à quelques unes de vos observa-
tions, c'est seulement pour protester contre la tendance que vous m'attri-
buez : celle de vouloir sortit durhylhme. Je poursuis, autant que mon faible
talent me le permet, le même but que vous, Monsieur, celui d'ayrundir
son domaine, et j'ai, comme vous, la conviction qu'il s'agit avant tout de
trouver des combinaisons nouvelles ; mais je crois aussi qu'il est des mo-
ments où, pour arriver à l'expression de certains sentiments, il faut savoir
sortir des allures trop régulières. Quelques uns des morceaux contenus
dans le Recueil en question doivent vous le prouver, et un assez grand
nombre de compositions que je me propose de publier très-prochaine-
ment vous le démontreront davantage.
Je n'ai pas besoin d'ajouter, Monsieur, que c'est seulement parce que
je tiens trop à être, en général, de votre avis sur cette matière si inté-
ressante du rhythme, que je me permets de vous contredire sur un point
qui me concerne, et j'attends avec impatience les nouveaux éclaircisse-
ments que vous me faites espérer à ce sujet.
En attendant, Monsieur, veuillez recevoir l'expression de la haute con-
sidération avec laquelle j'ai l'honneur d'être votre tout dévoué,
Ferd. hiller.
NOUVELLES.
%* Demain lundi à l'Opéra le Juif errant.
V Lundi dernier, la favorite, et le premier acte de la l'éri composaient
le spectacle ; mercredi, le théâtre a fait relâche, à cause des préparatifs
de la grande représentation du lendemain. Vendredi , les Huguenots ont
été donnés, et Roger a chanté avec sa supériorité ordinaire le rôle de
Raoul.
%* Adolphe Adam a terminé la musique du nouveau ballet d'O/a, dont
le rôle principal doit être dansé par Fanny Cerrito. Ou assure que la
première représentation aura lieu du 20 au 30 novembre. A côté de
Mme Cerrito, on y verra Mmes Taglioni, Bagdanoff, Emarot, Louise et Ma-
thilde Marquet, etc.
*»* Le l'ère Gaillard , Galathée, la Croix de Marie , les Porcherons et
les Deux Jalcel ont composé les spectacles de la semaine dernière à l'O-
péra-Comique.
*** La première représentation des Mystères d'Udolphe est annoncée
pour mercredi prochain.
%* L'ouverture du Théâtre-Italien, sous la direction de M. Corti, est
toujours fixée au 15 novembre. VO,cllo, de Rossini, servira au début de la
nouvelle troupe. Toutes les difficultés pour la location de la salle ne sont
pas encore levées ; il y a lieu de croire pourtant qu'elles n'offriront pas
d'obstacle sérieux.
*** Adolphe Adam est chargé de composer la cantate pour la représen-
tation extraordinaire qui doit être donnée à l'Opéra-Comique.
%* La cantate du Théâtre-Italien est confiée à M. Ambroise Thomas.
*Jt Une indisposition prolongée de Chollet a retardé au Théâtre-Lyri-
que la reprise du Postillon de Lonyjumeau. 11 est probable toutefois que
cette reprise aura lieu la semaine prochaine.
***La recette générale des théâtres, concerts, cafés-chantants, bals, etc.,
pendant le mois de septembre a été de 905,837 fr. 44 c. Celle du mois pré-
cédent n'avait été que de 720,455 l'r.
*** Les journaux de Lyon nous ont apporté la nouvelle du succès que
vient d'obtenir l'opéra de MadAon, de F. Bazin. La musique et le poème
ont été fort goûtés par le public lyonnais. L'exécution de l'ouvrage a été
excellente. Mme Cabel, qui remplit le rôle de Madelon, est accueillie tous
les soirs, à son entrée en scène, par une pluie de bouquets. M. Anthiome,
dans le rôle d'Arthur Landry, et M. Froraant, dans le rôle de Joseph, re-
çoivent leur part d'applaudissements.
***• Aujourd'hui dimanche, â une heure, la lecture et l'audition d'une
traduction de la tragédie d'Euripide, Achille porte couronne, par M. Sébas-
tien Rhéal, avec chœurs en musique par M. Elvvart, auront lieu au bazar
Bonne-Mouvelle dans la salle des concerts des artistes-musiciens.
*„* Ferdinand Hiller a définitivement accepté les propositions avanta-
geuses et flatteuses qui lui ont été faites de revenir à Cologne. Il re-
prendra les fonctions de directeur des concerts et du Conservatoire de
musique. Cependant, il passera encore cet hiver à Paris, après l'excursion
qu'il doit faire dans la capitale de la province rhénane pour y diriger
quelques concerts et y faire une inspection des classes de l'école de mu-
sique.
*** Frédéric Brisson est de retour à Paris, après une brillante tournée
en iNormandie. Il se dispose à reprendre ses cours de piano.
*„* Dimanche prochain, 7 novembre, Ferdinand Hiller se propose de
faire entendre dans la salle de M. Sax un choix de morceaux de musique de
chambre de sa composition. Il y exécutera entre autres plusieurs études
et esquisses rhythmiques (publiées ou inédites), qui emprunteront un inté-
rêt particulier des intéressantes lettres sur le rhythme de M. Fétis, que
nous publions dans ce journal.
%,* En même temps que nous annonçons le cours de chant que va ou-
vrir Henri Panofka, l'excellent professeur, dont la méthode a si bien fait
ses preuves, nous devons dire que son Luide de chant pratique paraîtra
incessamment.
%* M. le ministre de l'intérieur a accordé dernièrement une somme
de 4,000 fr. pour la statue de Le Sueur, érigée à Abbeville le 10 août de
cette année. Nous ne pouvons qu'applaudir à cet acte de haute justice
envers cet illustre compositeur.
%* L'un des principaux directeurs des théâtres d'Italie, Alexandre
Lanari, vient de mourir à Florence.
CRON1ÇJUE BÉP&RT£MBMTAI.E.
V Lyon, 14 octobre. — La reprise du chef-d'œuvre de Meyerbeer, le
Prophète, annoncée plusieurs jours à l'avance, était attendue avec une
vive impatience; des avis bien divers, et tous soutenus par des raison-
nements qu'une observation superficielle pouvait faire croire justes, étaient
émis par les amateurs. L'exécution de cet opéra devait, suivant les uns,
sinon être impossible, tout au moins laisser à désirer; suivant les autres,
au contraire, Duprat possédait toutes les qualités nécessaires pour bien
rendre le beau rôle du prophète. Pour nous, notre opinion était formée
depuis longtemps ; le jugement que nous avons porté sur Duprat et que
chaque représentation vient corroborer, nous donnait la certitude de ne
pas le voir faiblir sous cette lourde tâche. Ce rôle, tout de détail, devait
essentiellement convenir à ses qualités. Bon comédien, possesseur d'une
excellente méthode qui lui permet de bien utiliser sa voix, et de la mena-
372
REVUE ET GAZETTE MUSICALE DE PARIS.
ger assez pour arriver à bonne fin, Duprat n'était-il pas assuré de réussir?
Un succès franc et de bon aloi est venu mettre un terme à toutes les
diseussions, et nous démontrer que nous n'avions pas trop présumé de
notre premier ténor. Le ProphèU a été repris jeudi dernier sur notre
scène en présence d'une société aussi nombreuse que choisie, et au mi-
lieu de plus d'applaudissements qu'il n'en obtint jamais dans aucune des
trente-huit représentations données l'année dernière. Le temps n'avait
pas effacé les beaux souvenirs laissés par Mlle A. Lacombe dans le rôle
de Fidès, sa plus belle création parmi nous ; le public a battu des mains à
son entrée en scène. Mlle Lacombe se montre, dans cet opéra, sous son
jour le plus favorable ; aucune œuvre ne sert mieux à faire briller la ri-
chesse de ses qualités si diverses et si précieuses; son habileté dramatique
lui permet de s'identifier complètement avec le rôle dont elle est chargée.
Mlle Chambard a rendu avec bonheur le rôle de Berthe, et s'est fait sou-
vent applaudir. Bonnesseur chante admirablement l'air : Aussi nombreux
que les étoiles. Ismaël et Lucien se sont aussi distingués. Les patineurs ont
fait merveille.
*„* Boulogne 2S octobre. — Hier mercredi, devant une salle comble,
Mlle Nau, p our la première fois, paraissait aux concerts de la Société phil-
harmonique. L'éminente artiste a reçu l'accueil le plus sympathique dès le
premier morceau, la cavatine du Bravo, de Marliani. Elle a aussi chanté
avec un succès croissant les couplets du Démon de la nuit, le grand air de
Lucie, parfaitement accompagné, dans le dialogue de la flûte avec la voix,
par notre excellent flûtiste M. Chardard. Cet air a été pour Mlle Nau un
véritable triomphe, et lui a valu un rappel avec applaudissements enthou-
siastes, qui se sont reproduits pour l'air de De Bériot, par lequel elle a
terminé ce brillant concert. Les instrumentistes qui en faisaient partie
étaient : MM. D. de Grau, pianiste et J. Froment, violoniste. Le premier a
dit avec énergie la fantaisie sur Robert le Diable, de Prudent; avec déli-
catesse une Étude de Bertini; avec brio, une mazourka intitulée : Hom-
mage à Mlle Blahetka, et dont il est l'auteur. Dans deux fantaisies, l'une
sur la Reine de Chypre, de Lée, l'autre sur Lucie de Lammermoor, de Sélig-
mann, M. J. Froment a fait preuve de beaucoup de talent sur le violon-
celle. Nous devons mentionner honorablement une ouverture composée
expressément pour notre Société philharmonique par M. Osborne pendant
son séjour à Boulogne. L'éminent pianiste-compositeur vient d'ajouter une
belle page à ses œuvres par cette composition nouvelle, où les idées les
plus heureuses sont rehaussées par une instrumentation claire et brillante.
L'orchestre, dirigé par M. Péret, ami de l'auteur, s'est surpassé, afin de se
montrer digne de cette honorable dédicace.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
*„* Vienne. — Austin, opéra nouveau de Marschner, doit être représenté
dans le courant de l'hiver. Le 18 octobre, on a donné le Dieu et la Bayadére
d'Auber, avec Lucile Grahn. Cette reprise a fait le plus grand plaisir. L'A-
cadémie de musique vient de créer une école d'opéra, sous la direction de
MM. Gentilhomme et Barth; le baron Pietrich a mis à leur disposition
l'élégante salle de spectacle qu'il a fait construire dans son palais.
%* Hambourg. — M. J.-F. Schwenke, organiste de l'église Saint-Nicolas,
vient de mourir dans sa soixantième année. On doit à cet artiste un grand
nombre de compositions religieuses estimées; mais ce qui lui assure un
nom durable, c'est un recueil de préludes et d'intermèdes (Zwischen-
spiel) pour l'orgue.
%* Darmstadt. — Depuis l'ouverture du théâtre on a représenté Norma;
le Prophée a été joué en présence du grand-duc héréditaire de Russie et
du prince héréditaire de Wurtemberg. L'exécution a été digne de l'œu-
vre et de l'auditoire; puis sont venus Marina, Catarina Oornaro, les
Mousquetaires de la Reine et Robert.
*t* Hanovre. — Nous possédons aujourd'hui la plus riche et la plus élé-
gante salle de spectacle de l'Allemagne. La décoration des loges est blanc
et or avec tentures rouges. Aux balustrades des secondes et troisièmes lo-
ges, on voit en relief les portraits des poètes, compositeurs, acteurs et
chanteurs les plus célèbres. Ce qui frappe surtout quand on entre dans
la salle, c'est un lustre colossal avec 288 becs de gaz disposés en groupes.
La voûte, blanc et or, est décorée de huit tableaux de Creling. Les foyers
sont garnis de divans en velours rouge ; au milieu s'élève la statue
d'Hébé. La scène a 90 pieds de large sur une profondeur de 150 pieds,
*„* Leipzig. — Le second volume des œuvres de Sébastien Bach que pu-
blie la Société Bach, paraîtra avant la fin de l'année : il contient douze
cantates d'église inédites.
%* Dresde. — Une artiste dramatique jadis célèbre, Caroline Neuber,
qui a fait époque dans l'art théâtral en Allemagne, mourut en 1760 à
Laubegast, près Dresde, dans un dénûment complet. Un monument vieut
d'être érigé sur sa tombe au cimetière de ce village, par les soins de
M. Edouard Devrient et de ses collègues, M. Winger et Gerstofer.
%* Amsterdam. — Il y a ici dans ce moment un opéra allemand qui n'en
est encore qu'à ses débuts, mais qui paraît devoir faire de bonnes affaires.
*** Barcelone, 24 octobre. — Après quatre mois de silence, la saison ly-
rique a commencé au théâtre de Santa-Cruz, avec Lucrezia Borgia, chantée
par Mme Jullienne, dont la belle voix a bien vite conquis les sympathies
du public. Le Barbier de Séville a suivi Lucrezia. Mme Debelke chantait
le rôle de Rosine, Lucchesi celui d'Almaviva. Manfredi celui de Basile, et
Bellincioni celui de Bartolo. L'exécution du chef-d'œuvre a été peu satis-
faisante, à l'exception de Lucchesi, artiste vraiment distingué, chanteur
habile, qui a obtenu un grand succès. Le violoniste Robbio, l'élève de
Paganini , a donné deux concerts, dans lesquels il a grandement réussi par
son jeu hardi , plein d'éclat, qui rappelle tout à fait l'école du maître. Un
autre artiste de talent, M. Ribas, né en cette ville, et qui depuis quelques
années tenait l'emploi de première flûte au théâtre de Covent-Garden à
Londres, a aussi donné un concert, et enlevé les bravos de ses compatrio-
tes par la douceur avec laquelle il file le son, par son exécution brillante
et nette. Sa fille, âgée de treize ans, a montré un précoce talent, comme
pianiste.
— Cours de chant et leçons particulières de M. H. Panofka. Les cours
seront de deux heures et auront lieu chez M. Panofka deux fois par
semaine. Chaque cours se composera de six élèves. — S'adresser à M. Pa-
nofka, cité d'Antin, ik, tous les jours, de onze heures aune heure.
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connu comme celui d'un excellent professeur et d'un charmant composi-
teur, renferme les qualités qu'il est si difficile de réunir dans une œuvre
théorique : l'utilité et l'agrément. Elle peut servir de solfège pour les
personnes qui commencent l'étude de la musique, et de méthode pour les
jeunes voix que l'on craint de fatiguer, et qui cependant doivent travailler
de bonne heure l'art du chant avec tout le développement nécessaire du
goût. Les petites vocalises qui la terminent sont tout à la fois des leçons
dont les difficultés sagement graduées soutiennent l'attention de l'élève, et
des'mélodies distinguées et gracieuses qui rendent le travail facile et même
attrayant. Nous pouvons prédire à M. Bordèse un succès réel et bien légi-
timé par l'approbation de tous les professeurs qui ont regardé son nouvel
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Étranger
Le Journal parait le Dimanche.
USECÂLE
91 PASIS,
SOMMAIRE. — Grand-Opéra, reprise de Moïse, opéra en quatre actes, de Rossini.
— Théâtre de l'Opéra-Comique, l-s Mystères d'Udolphe, opéra comique en trois
actes, de MM. Scribe, Germain Delavigne et Clapisson (première représentation),
par Uenri Bl nui- lin rit. — Théâtre-Lyrique, reprise du Postillon de Lonpju-
meau, par (i. BB, I — L'Ermitage, souvenirs de J.-J. Rousseau etde Grétry,
par Eilounrd Fi'-tls. — Revue critique, Emile Prudent, ses dernières composi-
tions, la Danse des Fées, Villanelle, six Etudes deLéon Kreutzer, etc. par ifaiil
Mmith. — Compositions diverses de Joseph Franck, d'Albert Sowinski et Louise
Farrenc, par t.lrien île la Faîf. — Du quatuor instrumental et vocal, par
Henri Blanchard.— Correspondance, Bruxelles, Berlin et Harkoff. —Nou-
velles et annonces.
GRAND OPÉRA.
Reprise de Moïse,
OPÉRA EN QUATRE ACTES, DE ROSSINI.
Depuis longtemps il était question d'une reprise de ce chef-d'œuvre,
et plus il s'écoulait de jours, de mois, d'années, plus nous étions cer-
tains que cette reprise produirait un effet d'admiration, d'enlhousiasme
supérieur à celui de la première représentation. On ne saurait croire
à quel point les productions capitales d'un artiste gagnent à se dégager
du voisinage de ses œuvres moyennes, à quel point leurs immortelles
beautés se purifient, s'éclairet, se transfigurent en sortannt de l'atmo-
sphère qui environnait leur création.
Lorsque Rossini donna Moïse en France, le 23 mars 1827, quelques
mois après le Siège de Corinthe, un an et demi après le Viagyo à
Rehns (devenu plus tard le Comte Ory), nous n'entendions partout que
lui : nous ne vivions que de ses opéras et de sa musique. C'était notre
pain quotidien, et, malgré soi, le pain quotidien a toujours quelque
chose qui fatigue et qui rassasie. Malgré soi, une certaine indifférence
succède à l'appétit, lors même que ce pain serait le gâteau le plus ex-
quis. Aujourd'hui nous n'en sommes plus là : les chants n'ont pas cessé,
mais ils sont devenus plus rares ; nos oreilles et nos âmes se sont rem-
plies d'autres mélodies, d'autres harmonies que celles qui nous avaient
presque seules occupés pendant dix années. Aujourd'hui la musique de
Moïse est une nouveauté plus neuve que lorsque nous l'entendîmes
d'abord ; ajoutons que, généralement, l'exécution en est beaucoup
meilleure ; que l'art de la décoration , du costume, de la mise en
scène, a fait des progrès, et que le directeur qui régnait à l'Opéra en
1827 s'était bien gardé de traiter Rossini avec autant de magnificence
que celui qui le gouverne en la présente année 1852. Il est donc tout
simple que Moïse ait fait sur la scène française une triomphale rentrée,
et qu'il semble désormais appelé à y prolonger son séjour.
Le Mosè italien, donné en 1818, marqua une grande époque dans la
vie de son auteur : c'est à partir de ce moment surtout qu'il sentit sa
haute portée et qu'il se prit un peu plus au sérieux. 11 avait vingt-six
ans alors, et l'année précédente il avait donné la Gazza Indra à Milan,
deux ans auparavant le Barbier à Rome, Olello à Naples. Mosè fut joué
dans cette même ville , à San Carlo , tandis qu'Otello l'avait été au
Fondo. Quel prodige que ce Mosè si grave, si religieux, si sublime, ait
été écrit de la même main qui avait tracé les délicieuses folies du Bar-
bier ! Quelle variété d'inspiration ! quelle souplesse de génie ! Et l'on
sait tout ce que Rossini créa, inventa de grand, d'admirable pour le
Moïse français! Celait une partition complètement reprise en sous
œuvre, enrichie de chœurs , de finals , d'airs chantés et d'airs de
ballet, qui auraient suffi à la fortune d'un opéra entier.
Nous n'avons ni le temps ni l'espace nécessaire pour étudier page
à page cette infiniment belle partition. Nous ne pouvons et ne voulons
quant à présent que dire en peu de mots de quelle façon les artistes
l'ont rendue. En 1827 les rôles étaient, ainsi distribués : Levasseur
représentait Moïse; Dabadie , Pharaon; Adolphe Nourrit, Améno-
pliis. Mme Damoreau chantait le rôle d'Anaï, que Mlle Falcon re-
prit en 1832; Mme Dabadie, celui de Sinaïde; Mme Mori, celui de
Marie. Aujourd'hui tous ces artistes ont pour successeurs Obin, Morelli,
Gueymard, Mines Laborde, Poinsot, Duez. Chapuis remplace Alexis
Dupond dans le personnage d'Eliezer; Guignot succède à Ronel dans
celui d'Osiride, et Lucien, à Ferdinand Prévost, dans celui d'Alfide, le
messager qui porte des ailes à la tête.
Sans doute Levasseur a laissé dans le rôle de Moïse, soit en italien, soit
en français, des souvenirs imposants. 11 était impossible de s'y montrer
plus beau de physionomie et de voix. Cependant nous devons dire qu'Obin
n'y fait naître aucun regret, et que ce jeune artiste vient de s'y ré-
véler d'une manière presque inattendue, malgré les honorables succès
obtenus par lui jusqu'alors. 11 a chanté avec une largeur de voix magni
fique et une pureté de style irréprochable. Dans le final du troisième
acte, dans la prière du quatrième, il a été vraiment à la hauteur du
rôle poétique et musical Morelli a chanté Pharaon comme jamais
personne ne l'avait fait h l'Opéra. C'est au Théâtre-Italien qu'il fau-
drait aller chercher un souvenir rival, mais non vainqueur. Gueymard
a triomphé de difficultés inouïes, et qu'on aurait pu croire insurmon-
tables dans le rôle du ténor. C'est pour lui le meilleur exercice vocal,
et il en recueillera d'excellents fruits. Mme Laborde a chanté avec tout
le talent qu'on lui connaît le charmant rôle d'Anaï, et Mlle Poinsot a
élevé celui de Sinaïde au-dessus du rang qu'il tenait jadis. La débu-
tante, Mlle Duez, n'avait qu'un emploi modeste, mais dans lequel,
pourtant, on a jugé avec faveur sa voix et sa figure. Chapuis, Guignot,
Lucien, ont aussi donné de la voix et de la verve, argent comptant.
Quant à l'ensemble des chœurs, il n'avait jamais été plus puissant : ja-
mais les masses vocales ne s'étaient associées aux masses orchestrales
avec une plus cordiale sympathie. Des études longues et assidues
avaient préparé ce résultat, qui n'a trompé l'attente de personne.
374
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
Aucune dépense, aucune peine n'avait été épargnée. Moïse, quoi-
que âgé de vingt-cinq ans et plus, n'a pas dû coûter moins que
s'il venait de naître. La danse apporte aussi son contingent de luxe et
d'élégance : Mlles Taglioni, Bagdanoff et plusieurs autres encore ont
été applaudies. Tous les artistes du chant ont été rappelés. On a voulu
entendre deux fois le fameux duo d'Aménophis et de Pharaon, chanté
par Gueymard et Moreili. On voudra entendre bien des fois tout le
chef-d'œuvre, et Moïse guidera l'Opéra vers la terre promise, comme
il y conduit les Hébreux.
R.
THÉÂTRE DE L'OPÉRA-COMIQUE.
IiES M"ïSTÈKES DrUDQIiPHE,
Opéra comique en trois actes, libretto de MM. Scribe et Germain
Delavigne, partition de M. Clapisson.
(Première représentation le k novembre 1852.)
Il a existé, vers le commencement de ce siècle, une génération de
lecteurs de noirs romans anglais, dilettantes fanatiques des aventures
extraordinaires, incroyables, impossibles, dont le Moine de Lewis
était le modèle. Maria-Régina Roche et la fameuse Anne Radcliff se
distinguèrent dans ce genre fantastique. Toute la génération dont nous
venons de parler se plaisait infiniment à frémir des apparitions de la
tour du Nord et des Mystères du château d'Vdolphe de cette célèbre
romancière d'outre-Manche. Les auteurs du libretti de la Muette de
Portici et de Bobert-le-Diable ont emprunté le sujet ou pour mieux
dire le titre de leur dernier ouvrage au roman d'Anne Radcliff, et ils
ont placé le lieu de la scène en Danemark. Il s'agit d'arrêter, par ordre
d'un roi quelconque de ce pays, une princesse Ulrique qui traverse
son royaume pour se rendre en Suède. L'exposition de ce petit événe
ment politique à accomplir est assez obscure, passant par la bouche du
propriétaire du château d'Udolphe. Cette exposition rappelle celle de
la tragédie de Bhadamiste et Zenobie, de Crébillon, qui fit jeter les
hauts cris à Boileau sur la décadence de l'art dramatique, dans la
vieillesse de ce législateur du Parnasse, comme on disait alors.
L'action de la 'pièce nouvelle de MM. Scribe et Delavigne se passe
donc en Danemark. La famille des Udolphe et celle des Norby se dé-
testent comme les Monlaigus et les Capulets. 11 ne tient pas aux au-
teurs que cette haine de famille infiniment trop prolongée , ne soit
ridicule par la physionomie que donnent à cette haine le comte
Udolphe et l'amiral Norby ; mais ce ridicule est peu amusant parce
qu'il n'est pas naturel dans son expression. Suzanne, la fille du con-
cierge du château d'Udolphe, parlant et chaulant sans cesse sa terreur
à propos des apparitions dans le château, n'est guère plus gaie. La pièce
peut donc être rangée dans la catégorie des mélodrames, intéressante
parfois, et, du reste, bien coupée pour la musique.
Nous nous félicitons qu'il ne soit pas dans nos attributions musicales
de suivre les détours de cette intrigue compliquée, afin de la faire
comprendre à nos lecteurs. Les feuilletonistes du grand format use-
ront assez largement de cette partie de leurs fonctions pour nousôter
tout scrupule de nous en être dispensé. Pourquoi déflorer, d'ailleurs, le
plaisir que doivent éprouver les spectateurs aux trucs-péripéties expli-
qués rationnellement par les auteurs au dénouement?
M. Clapisson , qui s'est montré depuis longtemps compositeur fin ,
gracieux, dans une foule de charmants albums, avait une responsabilité
complexe dans la nouvelle partition qu'il donnait au public : c'était de
soutenir ce qu'on est convenu d'appeler le poème qu'on l'avait chargé
de mettre en musique , et de se montrer digne de sa réputation de
mélodiste et d'harmoniste correct; quant à son instrumentation, elle
est bien de ce temps , c'est-à-dire suffisamment bruyante et bril-
lante. L'ouverture participe de ces deux caractères : elle est riche et
pauvre ; abondante en petits motifs, et manquant d'une idée largement
développée comme cela se trouve dans nos belles ouvertures de l'école
française.
Le petit morceau vocal après l'ouverture, et que nous désignerons
par les couplets de la peur, chantés par Mme Meillet, chargée du rôle
de Suzanne , est pittoresque sous le double rapport de la mélodie et
de l'instrumentation, qui en est ingénieuse. Après ce morceau, d'une
juste mesure, vient un trio entre Arved-Dufresne , Christine-Miolan et
Suzanne-Meillet. C'est de la mélodie bien écrite pour les voix ; mais
cela est trop long et gagnerait à être abrégé. Le duo qui suit entre
Arved et Christine se distingue par la chaleur et la grâce, surtout la
péroraison, qui offre un joli nocturne de salon d'un sentiment tout
empreint de mystérieuse intimité d'amour.
A la suite d'un chœur d'entrée fort bien traité, viennent deux cou-
plets dits par Udolphe-Lemaire. Ils sont d'une mélodie franche, d'une
déclamation vraie et d'une instrumentation spirituelle. On aurait l'air
d'adresser une épigfamme à l'auteur en lui disant que ces couplets
sont le meilleur morceau de la partition , et cela n'en est pas moins
vrai cependant. Ils sont tout empreints d'une couleur rétrospective et
d'une ironie sur les croyances populaires en fait de revenants, mis en
saillie par des effets d'orchestre on ne peut plus piquants : aussi ont-ils
été bissés. Nous voudrions cependant que le passage où le comte dit
que les croyances superstitieuses le font rire aux éclats, imitassent
avec plus de vérité ces- rires éclatants, ce qui serait facile en doublant
la valeur des notes qui expriment ce rire ; comme aussi le trait de pe-
tite flûte, auquel se mêle un autre trait de hautbois, devrait être sou-
tenu de quelques notes de basse dites par le basson pour donner plus
de corps à ce petit dialogue, qui, du reste , est d'un comique fort
original, et qui fait de ce morceau un diamant de bonne déclamation
scénique et musicale. Le final du premier acte, qui vient après ce mor-
ceau, est beaucoup plus important et ne le vaut pas à beaucoup près.
Une ronde de marins ouvre le second acte. Ces couplets visent à l'o-
riginalité mélodique sans y atteindre absolument. Un air de basse chanté
par l'amiral succède à cette ronde bien rhythmée. Soit que ce brave ,
amiral chante une élégie un peu monotone sur son fils qu'il croit mort,
soit que la mélodie ne soit pas bien neuve non plus, cet air semble fait
pour passer inaperçu, ou même pour être passé. Le duo bouffe qui suit
entre le comte Udolphe et l'amiral est bien fait; mais il a le tort de
faire grimacer le comique entre deux hommes sérieux, malgré la bonne
volonté des auteurs qui ont prétendu ou qui ont cru les rendre!
plaisants.
L'air con coro misierioso, chanté par Mlle Miolan, est d'un effet pitto-,
resque, avec la phrase du chœur souterrain : Non, cet hymmi ne s'ac-
complii a pas ! et la mélodie dite par Christine :
Je crois à la magie
Qui promet le bonheur.
Cette mélodie est bien sentie et bien exprimée par la cantatrice, quifi
l'a dite avec une sensibilité venant du cœur et un bon style de chant. r;
Le final de cet acte, après une romance peu saillante, est, comme celui
du premier acte, long, large et trop longtemps aérien, c'est-à-direfl
vague et sans aucune originalité mélodique, comme il est sans effetfl
dramatique. 11 rappelle, pour la situation , le chœur de Camille ou
le Souterrain, de d'Aleyrac, qui est d'un dessin mélodique et d'une
forme dramatique bien mieux arrêtée; car on sent, on frémit, en écou-fj
tant ceux qui sont en scène, qui prient et cherchent les moyens de dé-jj
livrer les deux malheureuses victimes qui vont mourir dans les souter-fj
rains du château.
L'air qui se trouve au commencement du troisième acte est charmant
de mélodie et d'effet d'orchestre ; car le compositeur s'est inspiré, sans
doute involontairement, du motif d'un air de la Flûte enchantée da
Mozart, et d'une charmante pédale de cor qui se trouve dans le Muw
lier d'Hérold, au moment du sommeil, et qui produit un délicieux
effet.
Ici se trouve placé un sextuor vocal sans autre accompagnement que
DE PARIS.
quelques notes de timbales pour maintenir les chanteurs dans la tona-
lité. C'est un morceau bien écrit pour les voix, bien fait, mais trop
long. Indépendamment de la situation dramatique qui languit, les des-
sins mélodiques et harmoniques n'offrent rien de nouveau, de pitto-
resque dans l'enchevêtrement des voix, et on est forcé de dire encore
que le trio qui suit est aussi bien long, quoique la situation soit inté-
ressante, cl peut-être parce que la situation est dramatique. I, 'amiral
Norby, nouveau Brutus, est prêt à sacrifier la vie de son fils pour rem-
plir son devoir envers son pays et son roi, en faisant arrêter cette
malheureuse princesse Ulriquc qui gêne tant de monde dans le château
d'Udolphe, et qu'on ne voit qu'un instant au dénouement. Supplié par
ses enfants de fermer les yeux sur l'évasion de ladite princesse, l'en-
têté marin résiste, oh ! mais résiste beaucoup trop longtemps ! Et alors
la situation languit, l'intérêt s'évanouit. La mesure, la mesure au théâ-
tre! c'est ce qu'il y a de plus dificile à trouver. Comme ces gens qui
n'abandonnent point un bon mot qu'ils n'en aient fait une sottise, ainsi
que disait Chamfort , que d'auteurs et de compositeurs gâtent une
bonne pensée ou une belle situation à force de les développer ! Quoi
qu'il en soit de ce trop plein qui témoigne de l'abondance d'un au-
teur, cette dernière partition est digne des autres ouvrages de M. Cla-
pisson, et sera entendue avec plaisir par les amateurs de la musique
bien faite, et dans laquelle abondent des mélodies et faciles et pitto-
resques, et des effets d'orchestre riches et piquants.
Henri BLANCHARD.
THÉÂTRE-LYRIQUE.
REPRISE DU
PWSTIBiBiOJï ME liOKCiJlifflEAUJ.
Le Fostillon de Longjumeau est un des ouvrages d'Adolphe Adam
qui ont obtenu le succès le plus brillant et le plus populaire. Nous
n'avons donc pas à le juger. Il a pris sa place depuis longtemps parmi
les partitions les plus gaies et les plus facilement écrites du répertoire
moderne de l'Opéra-Comique. Son apparition remonte à 1836. Il n'y a
pas bien longtemps qu'on le jouait encore clans la salle Favart. Pendant
plus de quinze ans, ses joyeux refrains ont retenti d'un bout de la
France à l'autre, portés de théâtre en théâtre par tous les Marlins de
province, qui étaient devenus des Chollets, portés jusque dans le der-
nier hameau par les orgues de Barbarie.
Eh bien ! ce Postillon nous revient encore, à l'époque où les postil-
lons sont en train de disparaître de la face du monde entier ! 11 nous
revient avec l'artiste qui l'inaugura si brillamment, et dont la renommée
grandit, s'étendit avec la vogue de l'ouvrage. Chollet n'a rien perdu de
son talent d'autrefois. Il a toujours sa figure originale, ses gestes comi-
ques, sa prononciation nette et énergique, son esprit, sa finesse, son
ardeur, sa verve,, et ces inflexions bouffonnes, et ces ports de voix pro-
digieux, qui faisaient de lui, sinon un artiste d'un goût irréprochable ,
du moins l'un des chanteurs les plus amusants qu'il y eût au monde.
Vous devinez comment l'artiste, le chanteur, l'acteur a été reçu
dans le rôle qui fut toujours son triomphe. C'était comme une fête de
famille, un de ces retours d'enfant prodigue, en faveur desquels tout
s'oublie, même le temps qui s'est écoulé depuis le départ. Mlle Gui-
chard a fort bien rempli le rôle de Madeleine, qu'elle avait pu étudier
dans le temps à l'Opéra-Comique d'après Mlle Prévost, cet excellent
modèle. Grignon père nous a rendu aussi la plaisante originalité
d'Henri, qui, dans le rôle de Biju, s'était avisé pour la première fois
de son talent comique.
Les chœurs et l'orchestre ont largement concouru au succès de cette
reprise, dont la ravissante partition d'Adolphe Adam n'aura qu'à se
féliciter.
G. HÉQUET.
L'ERIHITAGE.
KouvcDlrN de «S -.3. RouNseau et de tii-lrv.
Les journaux annoncent que l'Ermitage vient d'être acheté pour être
converti en une chapelle placée sous l'invocation de la Vierge. Cette
nouvelle n'aura pas été accueillie avec indifférence par les amis de la
musique, par ceux qui sont attachés d'esprit et de cœur aux traditions
de l'art français. Nous espérons donc qu'on ne regardera pas comme
inopportunes quelques réflexions sur la destination nouvelle qui va être
donnée à la charmante retraite peuplée des souvenirs de J.-J. Rousseau
et de Grétry.
L'Ermitage, son nom l'indique assez, fut originairement un lieu con-
sacré à la prière. Les archéologues nous apprennent qu'il fut élevé par
un ermite nommé Leroi, qui le vendit au cardinal de Richelieu, à la
condition d'en conserver la jouissance jusqu'à sa mort. Il devint plus
tard la propriété du prince de Condé, puis passa entre les mains de la
famille d'Epinai. C'est à dater de ce moment qu'il commence à nous
intéresser.
Rousseau se trouvait au château de la Chevrette pour présider aux
répétitions de l'Engagement téméraire, joué par la société de Mme d'E-
pinai, sur le théâtre qu'elle avait fait bâtir et que devait inaugurer
cette comédie. Se promenant un matin avec la dame châtelaine vers le
réservoir des eaux du parc qui touchait à la forêt de Montmorency, et
où était, comme le dit l'auteur des Confessions, un joli potager avec
une petite loge fort délabrée qu'on appelait V Ermitage ; séduit par
l'aspect pittoresque du lieu, il s'écria : « Ah! Madame, quelle habita-
tion délicieuse! Voilà un asile tout fait pour moi. » Mme d'Epinai ne
releva pas cette exclamation; mais lors d'une nouvelle visite que lui fit
Rousseau à quelque temps de là, elle le conduisit du côté de Y Ermi-
tage, où une jolie habitation avait remplacé la petite loge délabrée, et
lui dit : « Mon ours, voilà votre asile ; c'est vous qui l'avez choisi,
c'est l'amitié qui vous l'offre. » Jean-Jacques, qui souhaitait ardem-
ment de quitter Paris, accepta l'offre de l'amitié et prit ses dispositions
pour venir habiter V Ermitage au printemps suivant, car on touchait à
l'hiver, saison peu favorable à une installation champêtre.
Bousseau n'eut pas la patience d'attendre le retour de la belle saison
pour aller s'établir à Y Ermitage, Le 9 avril 1756, il quitta Paris. La
terre n'avait pas encore revêtu sa parure printannière ; mais on com-
mençait à voir les indices d'une végétation prochaine ; les arbres se
couvraient de bourgeons , les primevères et les violettes s'épanouis-
saient aux tièdes rayons du soleil. Le premier soin du philosophe fut
de parcourir les environs de son petit domaine pour jouir de ce réveil
de la nature. Après avoir fait une reconnaissance en règle des chemins
et des sentiers où il comptait faire ses promenades de chaque jour, il
songea à régler ses occupations. Les matinées furent consacrées à la
copie de musique qui lui fournissait ses moyens d'existence, et les
après-midi à la composition des ouvrages dont il avait formé le plan.
C'est à Y Ermitage que Jean-Jacques a rédigé son Dictionnaire de mu-
sique dont il avait déjà rassemblé les matériaux; c'est là qu'il écrivit
la Nouvelle Héloïse. C'est à Y Ermitage qu'il reçut la première visite de
Mme d'Houdetot et que se nouèrent les relations auxquelles on doit les
pages les plus éloquentes de Julie. De la même retraite sont datées
aussi les Institutions politiques. Mais ne dépassons pas les limites de
notre sujet; c'est de Rousseau musicien que nous voulons nous occu-
per exclusivement à propos de Y Ermitage.
Bousseau n'avait pas trouvé à Y Ermitage le calme qu'il y était allé
chercher. Une foule de désœuvrés venaient de Paris l'assaillir de leurs
visites, et ne sachant que faire de leur temps, ainsi qu'il le dit, pro-
diguaient le sien sans nul scrupule. D'un autre part, les obligations que
la politesse et la reconnaissance lui imposaient à l'égard de Mme d'E-
pinai lui ôtaient beaucoup de sa liberté. Il y eut au château de la Che-
vrette des fêtes pour lesquelles il fit de la musique. Le désir de dé-
ployer aux yeux de Mme d'Houdetot un talent qu'elle aimait excitait sa
376
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
verve. Et puis, il n'était pas fâché de profiter des occasions de montrer
que l'auteur du Devin du Village savait la musique ; chose que ses
ennemis s'étaient depuis longtemps attachés à rendre douteuse. Le pre-
mier morceau qu'il composa h Y Ermitage fut un motet pour la dédicace
de la chapelle de la Chevrette. Selon lui, jamais musique plus étoffée
ne sortit de ses mains. « La pompe du début répond aux paroles, dit-il
naïvement, et toute la suite du motet est d'une beauté de chant qui
frappa tout le monde. » Le motet fut chanté par Mme Brima, virtuose
italienne, avec accompagnement d'un orchestre où figuraient les meil-
leurs symphonistes de Paris, et il obtint un succès qui se consolida en-
suite au Concert Spirituel, où il obtint les honneurs de deux exécu-
tions le même' hiver. Une autre fois, pour la fête de Mme d'Epinai,
Jean-Jacques donna l'idée d'une pièce moitié drame et moitié panto-
mime que Mme d'Epinai composa sur ses indications et dont il fit la
musique.
Six années se passent ainsi. Quoiqu'il n'eût pas toujours à Y Ermi-
tage une existence selon son goût, Rousseau aimait cette retraite, et il
y fût demeuré longtemps encore sans la malheureuse circonstance du
voyage à Genève, où il refusa d'accompagner Mme d'Epinai. Excitée
par Grimm et par Diderot, la châtelaine de la Chevrette lui fit com-
prendre qu'il devait aller chercher un gîte ailleurs. Peu de jours après
il disait adieu à Y Ermitage qu'il avait illustré, pour aller habiter, à peu
de distance de là, la maison de Mont-Louis, que lui avait louée le pro-
cureur-fiscal du prince de Condé.
A côté des gracieux souvenirs qu'évoque Y Ermitage, il s'en présente
de bien sombres. Après avoir passé en différentes mains, cette char-
mante retraite fut inscrite sur la liste des propriétés nationales. Re-
gnaud de Saint-Jean-d'Angely l'habita quelque temps ; mais elle plut à
Robespierre, et il fut contraint de la céder à son terrible collègue. Ro-
bespierre allait parfois s'y reposer de la fatigue des travaux parlemen-
taires. Il y passa la nuit du 6 au 7 thermidor 1793, et y rédigea, pour
s'entretenir la main, une liste de proscription spéciale aux habitants
de Montmorency, ses voisins.
Plusieurs années se passent sans que Y Ermitage ait de nouveaux
hôtes. Il est de nouveau mis en vente en 1797, et c'est Grétry qui s'en
rend acquéreur. Voulant quitter la vie active et goûter à la campagne
un repos qui lui était bien dû, l'auteur de Richard considéra comme
une bonne fortune de pouvoir s'établir au milieu d'un site pittoresque,
dans la demeure que poétisait l'ombre de Rousseau. Voici comment il
parie lui-même du marché qu'il venait de faire : « J'ai acquis, pour la
somme de 10,000 fr. , Y Ermitage de Jean-Jacques Rousseau à Emile,
ci-devant Montmorency, que je n'abandonnerai de ma vie, si je n'y suis
forcé par le besoin, et où je me crois plutôt le secrétaire des précieuses
reliques que j'y ai trouvées que le propriétaire véritable. » Montmo-
rency avait changé, ainsi qu'on le voit, un nom qui rappelait à la France
une des grandes illustrations de son histoire, pour celui de l'un des
écrits du philosophe de Genève. Les reliques dont parle Grétry étaient
le bois de lit de Jean-Jacques, une table en bois de noyer sur laquelle
il composa une partie de son Méloïse ; deux chiffonniers et un petit
corps de bibliothèque ; un baromètre, quatre globes en verre qui lui
servaient à mettre de la lumière quand'il travaillait au jardin; deux gra-
vures représentant : l'une, le Retour du soldat, d'après un peintre an-
glais; l'autre, les Vierges sages et les Vierges folles.
En se retirant à Y Ermitage, Grétry avait eu l'intention de prendre
congé du public ; mais quel est l'artiste qui a eu le courage de tenir ri-
goureusement une telle résolution lorsqu'il pouvait ou croyait pouvoir
ajouter une pierre à l'édifice de sa renommée? Il reprit la plume à l' Er-
mitage pour écrire les partitions d' Elis/ta, du Cosque et les Colombes et
de Delphis et Mopsa. Ce fut alors aussi qu'égaré par une de ces erreurs
assez communes chez les artistes, il essaya de sortir de la sphère habi-
tuelle de ses travaux pour se faire littérateur et moraliste. Il est permis
de penser que ce projet lui fut suggéré par l'aspect même des lieux
qu'il habitait et où régnait un certain parfum de philosophie. Là où
Jean-Jacques Rousseau avait vécu, pensé, écrit, il n'aura pas cru pou-
voir se dispenser d'esquisser à son tour un système d'organisation so-
ciale. C'est ce qu'il fit dans le long et indigeste ouvrage intitulé : La
vérité ou ce que nous fûmes, ce que nous sommes, ce que nous devrions
être. Quant aux Réflexions d'un solitaire, dont il assurait avoir rédigé
six volumes à Y Ermitage, et qui devaient contenir le développement
complet de ses idées sur son art et sur bien d'autres choses , elles
n'ont pas été publiées. Les volumes annoncés existaient-ils ailleurs
que dans son imagination ?
Quoi qu'il en soit, Grétry vivait heureux et tranquille à Y Ermitage,
lorsqu'un événement tragique vint le frapper de stupeur. Un meunier,
son voisin, fut trouvé mort, assassiné dans son lit. Dès lors, Grétry ne
se croit plus en sûreté à Y Ermitage; ses bosquets odorants, ses par-
terres fleuris, les souvenirs de Jean-Jacques, de Mme de d'Houdetot,
rien ne le retient. Il accourt à Paris, poursuivi par la crainte des poi-
gnards, et jure qu'il ne remettra plus les pieds à Montmorency. Près
de deux ans se passent, en effet, sans qu'il y retourne ; mais, peu à
peu, les impressions qui l'en avaient éloigné s'effacent ; il y va d'a-
bord faire quelques visites, puis, comme ses médecins lui conseil-
laient l'air de la campagne, il va s'y fixer de nouveau. « Je suis con-
vaincu que ma dernière heure approche, avait-il dit, et je désire mou-
rir à l' Ermitage auprès de Jean-Jacques. » Peu de jours après, Berton,
son collègue et son ami, va lui faire une visite. Grétry lui parie du De
profundis qu'il a composé pour être exécuté le jour de ses funérailles.
C'est Berton qu'il charge, avec Persuis, de présider à la par'ie musi-
cale de la cérémonie. Et voyez comme il faut que l'amour-propre de
l'artiste se rignale en tout: Grétry songe à l'effet du morceau ; il a tou-
jours remarqué, dit-il, que les contres-basses avaient un son très-
sourd dans les églises. Pour éviter cet inconvénient, il prie qu'on les
place sur une estrade élevée. — « Tu devrais, ajoute-t-il, passer la
nuit à Y Ermitage. » Comme Berton s'en excusait en promettant de re-
venir quelques jours après, Grétry dit en soupirant qu'il serait trop
tard. Le jour suivant, en effet, il rendit le dernier soupir.
M. Flamant Grétry, neveu de l'auteur de Richard, acheta YErmi-
tage pour y placer un monument à la mémoire de son illustre parent,
et dans lequel il fit déposer le cœur où avaient germé tant de belles
pensées musicales. Ce cœur, on le sait, il l'avait d'abord offert à la
ville de Liège, patrie de Grétry; mais le don qu'il en voulait faire avait
été accueilli avec si peu d'empressement et même de convenance,
qu'il l'avait retiré. On n'a pas oublié le retentissement du procès qui
s'engagea à ce sujet. M. Flamant parcourut tous les degrés de juridic-
tion. Croyant se rendre les juges favorables en intéressant à sa cause
de hauts personnages, il avait sollicité et obtenu que Mme la duchesse
de Berry vînt faire une visite à Y Ermitage , pour assister à une inau-
guration du monument où était déposé le cœur de Grétry. Il y eut à
cette occasion une sorte' de concert funèbre dont le programme était
formé des œuvres du célèbre compositeur. Cela n'empêcha pas M. Fla-
mant de perdre son procès. Peu de jours s'écoulèrent avant que les
députés de la ville de Liège ne vinssent, en vertu d'un arrêt , prendre
possession du cœur de Grétry pour le transporter en Belgique.
Nous ne saurions approuver le projet qu'on annonce de faire de Y Er-
mitage une chapelle dédiée à la Vierge. On aura beau faire, on n'em-
pêchera pas que ce ne soit toujours Y Ermitage de Rousseau et de Gré-
try. Ce lieu est peuplé de souvenirs pleins de charme pour les amis des
arts et de la poésie, mais peu en rapport avec les sentiments religieux
que devrait provoquer sa nouvelle destination. On se rappelera tou-
jours involontairement en les visitant, Mme d'Houdetot et Jean-Jacques,
Héloïse et Saint-Preux, Grétry et tout le cortège des héros d'opéras
qu'il a mis en scène. Ces réminiscences s'accordent-elles avec le culte
voué à la mère du Sauveur ?
Ce qu'il eût été bien de faire, c'eût été de réunir à Y Ermitage des
objets ayant appartenu à Jean-Jacques Rousseau et à Grétry : une col-
lection aussi complète que possible des différentes éditions des écrits
du premier, les partitions des opéras du second ; des autographes de
l'un et de l'autre, leurs portraits tant de fois reproduits, et ceux de la
SVPPLEMENT.
SUPPLÉMENT.
EE PARIS.
377
plupart des personnages cités dans leurs mémoires. Ce musée ne se-
rait ni aussi vaste, ni aussi riche que celui que l'on consacre aux sou-
verains de la France , mais il no serait pas dénué d'intérêt. Comme la
religion et comme l'histoire, le génie a ses reliques. Si c'est un préjugé,
c'est un préjugé bien respectable que celui qui s'attache à la mémoire
des grands artistes, et qui met du prix à la conservation des objets de
nature à rappeler leur personne ou leurs travaux. Si la destination que
nous indiquons était donnée à l'Ermitage, on verrait de nombreux pè-
lerins se diriger chaque jour vers la vallée de Montmorency, attirés,
ceux-ci par la curiosité, ceux-là par reconnaissance pour les émotions
qu'elles doivent h l'auteur de la Nouvelle Héloïse et à celui de Richard
Cœur-dc-Lion.
Edouard FÉTIS.
REVUE CRITIQUE.
EM1I;E PRllDEMT
SES DERNIÈRES COMPOSITIONS : LA DANSE DES FÉES,
VILLANELLE.
La foule suit toujours l'artiste qui marche et s'avance de station en
station, d'étape en étape, vers un but inconnu de tous, souvent de lui-
même. A chaque pas qu'il fait, la curiosité s'augmente et le cortège
grossit. Que, par hasard, il vienne à modifier légèrement son allure ou
qu'il change tout à coup de route , l'attention redouble, l'intérêt s'ac-
croît ; l'étonnement, l'admiration, l'envie, la crainte, sont enjeu, et le
cercle de sa popularité s'agrandit en raison directe de celui de la car-
rière qu'il a parcourue. Il n'en saurait être ainsi de l'artiste séden-
taire qui se contente d'un premier effort, s'établit dans un premier
succès, et s'y cantonne pour le reste de sa vie. Son auditoire, qui se
lassera plutôt que lui d'une admiration immobile, finira toujours par
s'éparpiller, entraîné par les distractions , chassé par l'ennui d'être
toujours à la même place.
Nous n'avons pas besoin de dire qu'Emile Prudent est de ceux qui
marchent et qui ne sont pas près de s'arrêter. Profitons du moment
pour le saisir, l'étudier dans sa nouvelle phase d'évolution, et pour
dire en quelques mots ce que nous pensons des travaux par lesquels il
a marqué son passage. Pourquoi n'avouerions-nous pas franchement
que nous en sommes fiers et heureux ? L'école française, qui comptait
tant de bon pianistes, n'en avait pas encore produit de grand. Elle
pouvait dire comme lord Byron : « / want a hero; je manque d'un
chef, m Elle n'avait pas un homme à opposer à ces formidables inva-
sions du Nord, sorties de la Bohême, de la Hongrie, de la Russie, delà
Norwége ; elle souffrait d'une oppression véritable, sans pouvoir s'é-
crier : « Et moi aussi je descends dans la lice ! Et mon champion
» n'est pas seulement le premier des pianistes français; c'est l'égal des
» premiers de l'Europe entière. »
Vers 1833, un tout jeune homme remportait le prix de piano au
Conservatoire. Ge qui est beaucoup pour tant d'autres n'était presque
rien pour celui-là, qui se dit : « Maintenant que mes études sont
» finies, je m'en vais les commencer. » Et de fait, Emile Prudent, car
c'était lui, au lieu de se produire dans le monde et d'y recueillir
aussitôt après avoir semé, se renferma dans la solitude, s'exila de Paris
et se mit à travailler pour lui plus sévèrement qu'il n'avait travaillé
pour ses maîtres. Il en était venu à ce point que si peu d'artistes attei-
gnent, de pouvoir se servir de maître lui-même, de se marquer le terme
et en même temps de découvrir le vrai chemin pour y arriver. Ce Iravail
héroïque se prolongea pendant plusieurs années. Mais une telle épreuve,
soutenue avec une résolution si forte, n'était pas sans danger. Le jeune
artiste, en s'éloignant du monde, risquait d'oublier ses lois, ses goûts,
ses convenances. L'exilé volontaire pouvait se créer un monde à part,
façonné à ses propres idées, à ses affections, à ses caprices, et nous
revenir tellement étrange que nous eussions peine à le reconnaître
pour l'un de nous. Tout au contraire, et c'est la preuve d'un excellem
esprit, du fond de sa retraite, Emile Prudent'avait toujours l'oreille
ouverte aux bruits que lui renvoyaient les échos de la ville, des salons,
dos théâtres. 11 ne faisait pas de l'art pour l'art, ce qui ne mène abso-
lument à rien : il faisait de l'art pour devenir un grand artiste applaudi,
fêlé, renommé. Aussi, quand il jugea qu'il était temps do se présenter
comme pianiste et comme compositeur, il n'afficha pas la prétention de
nous révéler un genre, une musique, une poésie, dont nous n'aurions
jamais entendu parler. Il nous apporta tout simplement des compositions
écrites dans le style et la manière qui étaient alors le plus en vogue.
Dans ses fantaisies sur Lucie, sur les Hwjuenols, sur Norma, dans ses
Souvenirs de Beethoven, il employa surtout le procédé dont Thalberg
était l'inventeur. Il s'empara de l'arpège avec une vigueur et une puis-
sance au-delà desquelles il n'y avait plus rien : il posa les colonnes
d'Hercule de ce moyen d'effet, et c'était un honneur qui en valait bien
un autre. En même temps, il s'essayait dans des morceaux originaux,
comme l'Hirondelle, la Ronde de nuit, l'élude en mi bémol, et mon-
trait de bonne heure qu'il avait en lui-même assez de ressources pour
ne pas bâtir éternellement sur le terrain d'autrui.
Ce que nous signalons en la première époque d'Emile Prudent, ce
dont nous lui savons gré, c'est qu'il commença par faire ce qui se
faisait, aussi bien qu'on le faisait, souvent mieux, et que de la sorte il
conquit le droit de faire autre chose. S'il changea, s'il modifia, ce fut
par conviction et non par impuissance. Loin d'insulter aux succès de
ses devanciers, il débuta en leur rendant un plein et sincère hom-
mage. Après quoi, il comprit qu'on devait passer à d'autres combinai-
sons, à d'autres effets, et il écrivit le concerto symphonique, l'œuvre
la plus élevée, la plus large, qui soit jusqu'ici sortie de sa plume. Le
concerto symphonique, dans lequel le rôle du piano acquiert une telle
importance qu'il rivalise avec celui de l'orchestre, marque la seconde
époque des travaux d'Emile Prudent, et tout près de ce concerto, au
même niveau, quoique de caractères bien divers, se groupent les dé-
licieux morceaux intitulés les Bois, les Champs, V Allegretto pastoral,
qui servent de transition à une troisième époque. L'auteur du concerto
symphonique, descendu des hauteurs de cette œuvre capitale, s'est
livré à l'inspiration du paysage musical, et cette inspiration se retrouve
encore plus brillante, plus hardie, plus ravissante que jamais dans ses
deux dernières compositions, la Danse des Fées et la Villanelle.
La Danse des Fées est aux Bois, aux Champs et à la Villanelle, ce que
le Songe d'une nuit d'été, ce que la Tempête sont aux autres drames de
Shakespeare. C'est du paysage à la vérité, mais du paysage féerique,
où la reine des nuits tient sa cour, où les gnomes, les farfadets, les
sylphides, leswillis, et tout ce que l'imagination peut rassembler d'êtres
aériens, de créatures invisibles, impalpables, insaisissables, tourbil-
lonnant sur des tapis de gazon brodés de fleurs mystérieuses, bigarrés
d'insectes inconnus. Le début de la Danse des Fées est simple, mais de
cette simplicité originale qui fait qu'à l'instant la curiosité s'éveille.
Sur un rhythme ternaire, en mesure à trois-huit, l'auteur entre en
matièredans le ton de fa mineur, mouvement d'allegretto, et mon-
tre à son auditeur les fées , qui voltigent et se poursuivent dans de
fraîches vallées aux bords d'un lac ; elle se lutinent et chantent au
moins autant qu'elles dansent, carie compositeur semble avoir été doué
en naissant par la fée du chant. A la légèreté fugace de cette mélodie,
de ce trait papillonné, succèdent un hymne féerique, un chant gran-
diose de toutes ces habitantes des nuages qui semblent délibérer, tenir
conseil, et dont la délibération s'arrête sur l'accord largement posé de
la septième dominante du ton de fa ,■ et le résultat de cette grave et ma-
jestueuse conférence, qui s'est faite sur une riche et puissante harmonie
à six et même à huit parties, est la reprise des courses capricieuses de
cette danse échevelée, s'exécutant sur une mesure à deux-quatre en
triolet, trait brillant de dix pages pour la main droite, trait plein de
verve et d'éclat, course au clocher, orgie musicale dans laquelle il faut
déployer autant de force que de légèreté, autant de grâce que de brio.
Emile Prudent a trouvé là un de ces effets spéciaux que nul autre in-
strument que le piano ne saurait rendre. Il en est le créateur et aussi
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REVUE ET GAZETTE MUSICALE
l'exécutant le plus merveilleux, le plus idéal. En l'écoutant, c'est à une
véritable féerie que l'on assiste; c'est dans le royaume de la fantaisie
qu'on est transporté , tout comme , en entendant Mercutio décrire la
physionomie, l'attelage, le costume et les fonctions de la reine Mab, on
se croit perdu dans les vagues domaines de la vision et du rêve. A ceux
de nos lecteurs qui n'ont pas sous les yeux la Danse des Fées, nous
ne saurions faire comprendre l'impression produite par ce trait si heu-
reux, si charmant, d'une magie si réelle, qu'en la comparant à celle
qui résulte du perpétuel scintillement des étoiles ou plutôt de celui
d'un rayon du soleil reflété dans les flots tremblants d'une rivière, dans
le brisement d'une vague écumante.
La Villanelle nous ramène à la terre, à la campagne, au paysage tel
que nous l'avons entrevu quelquefois dans une bonne fortune poétique.
Si nous ne craignions de laisser croire qu'il peut y avoir quelque vel-
léité d'imitation dans l'œuvre du pianiste, nous dirions qu'un souffle
de la symphonie pastorale a passé par là. Mais ce n'est rien qu'un souf-
fle, une inspiration fécondante, et d'ailleurs nulle ressemblance, pas
plus pour les dimensions que pour l'idée. La Villanelle est une rêverie
doucement mélancolique, semée de traits d'une élégance extrême.
Le motif qui revient sans cesse et avec un charme suprême a le carac-
tère naïf et pourtant distingué. C'est le soupir échappé du sein de la
noble damoiselle, soupir entrecoupé de chants joyeux, de danses légè-
res, dont l'ensemble donne un tableau du coloris le plus fin et le plus
frais. 11 y a de plus une grande variété de rhythmes dans cette idylle,
bien que la mesure à six-huit et celle à deux-quatre en fassent tous les
frais ; mais ces deux mesures et les modulations s'enchaînent aussi na-
turellement qu'ingénieusement. Cela repose d'ailleurs de ces mélodies
de salon à la mode, boiteuses, pointues, maniérées, qui semblent tou-
jours vouloir se reposer sur la note sensible ou sur une appoggialura.
C'est faire trêve au genre faux en revenant au vrai.
Voilà quelles sont les deux dernières compositions d'Emile Prudent,
la Danse des Fées et la Villanelle ; voilà où il en est de sa marche as-
cendante et de sa tendance instinctive à varier, à étendre, à rajeunir
l'idée et la forme de la musique composée pour le plus riche des ins-
truments, le piano. Nous ne savons combien de temps cet éminent ar-
tiste s'arrêtera dans la région du paysage, mais nous croyons qu'il
vient d'y achever deux petits chefs-d'œuvre qui suffiraient à l'une des
époques de sa carrière. Nous croyons que ces deux chefs-d'œuvre, dont
l'Angleterre a eu les prémices, et que la reine Victoria s'est fait redire
par l'auteur lui-même dans un petit comité musical, seront accueillis
avec enthousiasme par les salons et les concerts parisiens. Nous comp-
tons d'avance les ovations qu'ils vaudront à l'auteur chaque fois qu'il les
fera entendre; et il ne s'en tiendra pas là : ses succès ne seront pourlui
qu'un point de départ : aussi, nous disposons-nous à lui consacrer une
nouvelle étude dès qu'il se sera produit encore dans quelque genre
nouveau.
Six éludes de première force par Léon Kreutzer. — Ouvertures de
«0:0 B.D, »a sas; TKll, et de euîuaRAiMBfS, a quatre mains, par Ilcnrl
Rosellcn.
Léon Kreutzer, l'auteur des six études que nous avons là sous la
main, est un de ces musiciens qui ne valent pas moins par l'esprit
que par toutes leurs autres facultés naturelles ou acquises. Un jour,
il lui aplu d'écrire six étudesqu'il a intitulées depi-emière force; il aurait
pu toutaussi bien lui plaired'écrireunesymphonie, une messe, un orato-
rio, des quatuors, des romances, un livre sur la musique etles musiciens.
Pourquoi pas? Il a fait de tout cela, et il fera bien d'autres choses
encore. Tous nos lecteurs saventeomment il manie la plume, et beaucoup
d'entre eux ne sont pas moins au courant de ses travaux de compo-
siteur. Nous ne leur apprendrons rien en disant que ces études de
piano sont largement conçues, hardiment jetées sur le papier, avec
de belles harmonies et de savantes modulations. Ce que nous y re-
marquons tout d'abord, c'est que ce sont de vraies études, et non pas
uniquement des cadres commodes aux évolutions d'une idée plus ou
moins élégante, plus ou moins neuve. Léon Kreutzer a voulu que ses
études servissent à quelque chose, et il les a rédigées à cette fin, peut-
être pour s'exercer lui-même dans le principe, et comme il aura re-
connu que cet exercice lui avait grandement profité, il a songé à en
faire part à d'autres pianistes connus ou non connus. Nous leur re-
commandons notamment la troisième étude en octaves, en leur souhai-
tant de grand cœur tout ce qu'il leur faudra pour bien s'en tirer.
— Annoncer qu'Henri Rosellen a pris la peine ou plutôt le plai-
sir d'arranger à quatre mains deux ouvertures de Rossini, celle de
Guillaume Tell et celle de Sémiramis , c'est donner une nouvelle
qui n'a pas besoin de commentaire, et qui volera de piano en piano.
D'ailleurs, les grands chefs-d'œuvre ne sont jamais trop populaires ;
on se lasse pas de les jouer, parce qu'on ne se lasse pas de les enten-
dre ; toutes les générations, vieilles ou jeunes, en font leurs délices ;
les arrangeurs et les éditeurs en font leur profit.
Paul SMITH.
Choix de huit motets avec accompagnement d'orgue ou de quatuor ,
dédiés à S. M. xéopoid Ier, roi des neiges , par Joseph Frank, de
Iilége.
M. Frank, tout Belge qu'il est, a fait ses études au Conservatoire de
Paris, et j'ai ouï dire que dans ses classes il était si laborieux qu'il
aurait volontiers occupé ses professeurs toute la journée par la quan-
tité de travaux qu'il trouvait le temps de composer d'une leçon à l'au-
tre. Une telle activité ne pouvait rester infructueuse; car s'il est dit dans
l'Évangile que l'on reconnaît les arbres par leurs fruits et les hommes
par leurs œuvres, on reconnaît aussi les fruits et les œuvres par le
terrain où ils ont été cultivés. Le style de M. Frank est d'une grande
pureté, et ses parties sont généralement bien disposées pour les voix;
mais je voudrais, au moins de temps en temps, quelques idées plus sail-
lantes, plus détachées. En musique d'église on' recherche, il est vrai,
plutôt la convenance et le caractère général que l'invention ; pourtant
faut-il encore qu'un motet n'ait pas l'apparence d'une leçon de con-
trepoint, et c'est le défaut de quelques morceaux de ce recueil, par
exemple, de V Ave verum, 11° 9, et de VO salutaris, n°6. A ce propos, je
ne sais pourquoi ces huit motets sont numérotés 1, 22, 16, 9, 6, etc.
Le dernier, c'est-à-dire le huitième, qui porte len° H, est à huit voix,
et j'avoue qu'il ne me semble pas écrit dans le style que l'on a l'habi-
tude de donner aux pièces de ce genre ; les deux chœurs se montrent
ici trop souvent ensemble, et l'effet ne saurait y gagner. Les riches
perdent quelquefois à faire si grand étalage de leur fortune ; car des
esprits pénétrants peuvent en pareil cas supposer, et peut-être à tort,
qu'ils ne sont pas si opulents qu'ils veulent le paraître.
@ix motets a deux, trois et quatre vois, avec solos et accompagnement
d'orgue, dédiés a sa. margeim, par Albert Sowinski.
M. Sowinski est un pianiste des plus distingués, et l'on s'en aperçoit
par moments, même lorsqu'il écrit de la musique d'église avec accom-
pagnement d'orgue. Les six motets qu'il publie sont destinés à être
exécutés pendant les messes basses, et cependant ils sont en général
peu développés, mais toujours bien conduits. Le n° 1, à quatre voix,
Domine, Deus meus, in le speravi, est d'un fort bel effet ; le second et
le sixième ont aussi de l'éclat; exécutés à grand chœur et avec un peu
d'intelligence, ces morceaux doivent résonner avantageusement dans
une chapelle. Je ne trouve pas M. Sowinski aussi heureux dans son
O salutaris à trois voix sans accompagnement. Outre deux singulières
distractions de la sixième à la septième mesure, et de la cinquante-qua-
trième à la cinquante-cinquième, il est bon d'observer que dans les mor-
ceaux de ce genre, pour obtenir un bon résultat, il faut surtout que les
voix sonnent bien ensemble et se reposent fréquemment sur de gros
accords, afin d'obtenir de temps à autre je ne sais quel effet métal-
lique qui remplit copieusement l'oreille et satisfait la pensée. Du mo-
ment que les voix sont seules, il faut leur donner autant que possible
DE PARIS.
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toute leur valeur. Je trouve aussi le morceau à voix seule, n° h, un peu
froid, et de plus les suspensions ne correspondent pas toujours au sens
des paroles. — Voici un article bien mal combiné : j'aurais dû garder
pour la fin les éloges que je donnais en commençant a M. Sowinski;
mais j'en suis quitte pour y revenir, et c'est sans doute sur ces éloges
plus que sur mes critiqnes que s'arrêteront tous ceux qui voudront
prendre connaissance de ces six motets.
Première sonate pour pluno et violon, pur i.ouIkc Farrenc, œuvre 39.
— Deuxième Nonute, œuvre 30. — Premier trio pour plnno, violon et
violoncelle, par LouInc Farrcuc, op. 33. — neuvième «rlo, op. 3-1.
Au milieu de ce déluge de fantaisies, de variations, de polkas, de
mazurkas qui nous inondent, on éprouve une sensation toute agréable
d'entendre quelqu'un qui vienne nous parler raison et s'exprime en
aussi aimables termes que Mme Farrenc ; on doit donc la féliciter de
son courage de ne s'être pas laissé entraîner par le torrent. Vraiment,
pour un acte pareil il fallait se sentir bien de la force; mais quand on a le
talent et le goût au point que l'a celte artiste, on n'est nullement obligé
de se soumettre aveuglément à la première mode venue. Mme Farrenc
écrit encore sa musique instrumentale comme on la composait, hélas!
au temps de démenti, de Hummel et de toute cette belle école de
pianistes corrects, aimables, élégants sans recherche et brillants sans
fracas, faisant l'admiration d'un public moins vieux , moins blasé ,
moins usé que celui d'aujourd'hui que rien ne saurait plus impressioner.
à moins qu'il n'en soit étourdi ; semblable à ces malades qui ne
peuvent être échauffés qu'à force de frictions, dont même ils ne sentent
l'effet qu'au moment où leur peau est écorchée. Le petit nombre d'élus
qui échappe à ce mauvais goût et tient encore à ce que ses oreilles ne
soient pas plus écorchées que sa peau, exécutera, entendra et goûtera
les compositions nouvelles de Mme Farrenc. L'élégance des formes ne
s'y dément jamais ; on ne trouve ici ni extravagantes combinaisons de
rhythme, ni harmonie hasardée, ni désordre dans la succession des
idées; tout se suit et s'enchaîne comme dans un discours bien écrit,
mais dont peut-être parfois le style est un peu trop académique. Au
reste, si, pour quelques instants, notre habile compositrice laisse
apercevoir tant soit peu de froideur et de monotonie, elle se relève
bientôt et ranime tout à coup l'attention par quelque chant plein de
suavité ou par quelque trait remarquable de finesse. Observons encore
avec quel bonheur elle traite les instruments qu'elle associe au sien et
comme elle s'entend à faire valoir les différentes parties les unes par
les autres. En un mot, on s'aperçoit dans tout ce qu'écrit Mme Far-
renc qu'elle a étudié et qu'elle s'est rendu familiers tous ces grands
compositeurs que Lrop de jeunes artistes négligent aujourd'hui, ou n'ad-
mirent plus que par ouï dire et pour ne pas avouer trop ouvertement
qu'ils croient les avoir de bien loin dépassés. Mme Farrenc, elle, s'ar-
range de telle sorte que ses compositions puissent sans difficulté être
entendues en société des leurs. Si ce but est atteint, il ne lui en faut pas
davantage, et je crois qu'elle a raison.
Adrien de LA FAGE.
DU QUATUOR INSTRUMENTAL ET DU QUATUOR VOCAL.
Le quatuor instrumental, celui surtout pour deux violons, alto et
basse, tel que l'ont écrit les plus grands compositeurs du dernier siècle
et du commencement de celui-ci, est le principe, la base de toute
bonne musique, et de plus, le cœur de la symphonie, ce grand drame
aux personnages multiples et variés de lariche instrumentation moderne.
Les artistes et les vrais amateurs de bonne musique s'étonnent avec
raison, et se demandent pourquoi le quatuor vocal n'a pas suivi la
même carrière que le quatuor instrumental ; pourquoi il ne s'est pas
trouvé des compositeurs qui se soient plu à le perfectionner. Cette
forme de l'art n'est-elle pas aussi le cœur de tout grand chœur, de
toutes masses vocales, de l'harmonie émouvante, grandiose, et qui de-
mande qu'on joigne à la pureté du style une expérience pour ainsi dire
pratique d'écrire pour les voix? Cette question est complexe et mérite
d'être traitée, approfondie consciencieusement. Et d'abord, puisqu'il
s'agit de conscience, on ne peut refuser cette qualité musicale aux ar-
tistes qui depuis quinze ans se réunissent tous les mercredis chez
M. Gouffé, le contrebassiste de l'Opéra, pour y faire entendre à des ha-
bitués fidèles les chefs-d'œuvre des grands maîtres du quatuor instru-
mental. Là règne toujours un ensemble parfait d'exécution et d'admira-
tion entre les récitants et les auditeurs. La musique moderne, actuelle,
s'y produit même avec succès, et nos compositeurs y font entendre des
œuvres remarquables.
On chercherait vainement dans Paris des séances pareilles pour le
quatuor vocal. Pourquoi? Parce qu'il existe une foule de théoriciens qui
prennent Fart de l'enseignement musical ab ovo, qui méprisent tout ce
qu'on a fait avant eux, créent de nouvelles méthodes, de nouvelles dé-
nominations, embrouillent tout, et ne peuvent parvenir à former un
bon lecteur. Le rhythme est tout pour eux. Ne leur parlez ni d'une
émission de voix posée, assise, ni de la distinction du son, ni des nuan-
ces, ni de l'expression dramatique et vraie ; ils vous disent que cela ne
les regarde point. Si la nature a départi ces qualités à quelques-uns de
leurs disciples, ces derniers ne rêvent plus que les succès individuels du
concert et du théâtre ; ils ne pensent plus qu'à roucouler la cavatine, à
nasillonner la romance.
L'individualisme artistique ne se nourrit guère que de vanité, et sur-
tout de l'espoir d'arriver aux appointements fabuleux, fantastiques de
nos premiers ténors et de prima donna assolufa e sjogala. Si vous in-
vitez ces messieurs et ces dames, plus ou moins ornés d'un accessit ou
d'un second prix de chant au Conservatoire, à dire un beau morceau
d'ensemble vocal classique ou moderne, ils vous répondent qu'ils ne
sont pas faits pour chanter dans les chœurs. Si ces gens-là ne sont
guère doués du sentiment de l'art, il faut convenir qu'en revanche ils
sont pourvus d'un très-sot orgueil. Si vous leur citez le Stabal de Per-
golèse, ou quelque beau chœur de VErnelinde de Philidor, ou du
Castor et Pollux de Rameau, ils vous diront que cela est rococo, qu'un
chanteur ne peut briller avec ça.
Quelques vengeurs, pourtant, armés d'un noble zèle,
Ont de ces morts fameux épousé la querelle.
Des artistes unis à des amateurs de l'art vocal, et qui comprennent
bien la question, ont formé une société sous la dénomination de
Concordia, qui a déjà fonctionné dans la salle Sax, où elle a essayé des
morceaux classiques et modernes, écrits même pour ces réunions. Pour
en faire partie, il faut d'abord être lecteur, et ne se plaire qu'à exécuter
ou à entendre de la bonne et sérieuse musique. Quoiqu'on ait abusé
du mot progrès, une pareille association est faite pour lui redonner
toute sa réalité. Ne nous fît-elle connaître que quelques-uns des mil-
liers de chœurs à quatre voix écrits et publiés en Allemagne, ce se-
rait déjà une fort bonne chose. Espérons donc que la Société de la
Concordia de Paris, sœur de celle de Vienne du même nom, que les
événements politiques ont tuée, héritera de cette sœur aînée et des
bons résultats qu'elle avait déjà jetés dans la plus belle partie de l'art
musical.
Henri BLANCHARD.
CORRESPONDANCE.
Bruxelles, 30 octobre 1852.
Une nouvelle contenue dans l'un des derniers numéros de la Gazette mu-
sicale a mis fort en émoi le monde musical belge. Vous annoncez que M. de
Bériot se propose de se fixer à Paris, où il ouvrira une école de violon; or,
au moment même où paraissait cet article, M. de Bériot écrivait au direc-
teur du Conservatoire de Bruxelles que la maladie dont il souffre depuis
longtemps s'étant fixée sur l'organe de la vue et le mettant dans l'impos-
sibilité de lire la musique désormais , il. le priait de faire agréer au mi-
nistre sa démission de professeur. C'était assurément une triste nouvelle
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REVUE ET GAZETTE MUSICALE
et tous les amis de 1 art musical s'en affligeaient ici. Mais, voyez la bizar-
rerie des hommes, à l'affliction succède l'étonnement, et à l'étonnement la
mauvaise humeur, quand on apprend que le célèbre virtuose, dont la vue
se trouvait assez compromise pour l'obliger de se démettre de ses fonc-
tions au Conservatoire de Bruxelles, allait y voir suffisamment pour ouvrir
à Paris un cours de violon. Evidemment il n'y avait qu'a se féliciter de ce
retour à la santé aussi prompt qu'inespéré. Ne voilà-t-il pas que par
amour-propre national on s'en irrite ; on trouve fort mauvais que M. de
Bériot quitte la position honorable qu'on lui avait faite dans son pays
pour s'établir à l'étranger, et l'on va jusqu'à dire qu'il vaudrait mieux
qu'il fût sérieusement malade, aveugle peut-être. Y a-t-il rien de plus
injuste ?
Après avoir exprimé leur affliction, puis leur mécontentement de la
retraite de M. de Bériot, les amis de l'art musical se sont consolés et se
sont apaisés pour réfléchir sur les conséquences d'une retraite mise dé-
sormais au rang des faits accomplis. Ils se sont demandé quel pourrait
être le successeur d'un tel maître. La place, en effet, n'est pas facile à
prendre. Un proverbe, fondé sans doute sur l'expérience des vicissitudes
de ce bas monde, nous apprend qu'un malheur arrive rarement seul. Le
proverbe mentait cette fois. En regard du malheur, et c'en est un réel au
point de vue du violon, de l'expatriation de M. que Bériot, s'offrait un
bonheur, qui est le retour de M. Vieuxtemps en Belgique. M. Vieuxtemps
quitte la Russie et rentre dans son pays juste à l'instant où M. de Bériot
s'en éloigne. Inutile de vous dire qu'on songe immédiatement à remplacer
l'un par l'autre. Déjà des négociations sont entamées pour arriver à ce
but, si je suis bien informé. M. de Bériot et M. Vieuxtemps sont deux
grands artistes; on peut saluer la venue de celui-ci sans ingratitude pour
celui-là.
Puisqu'il est question de violon et de violoniste, il faut que je vous fasse
part d'un fait curieux. Un artiste professant l'instrument qui a valu à
MM. de Bériot et Vieuxtemps leur réputation et leur fortune, a eu le mal-
heur d'être atteint d'une affection mentale qui a forcé sa famille à lui faire
subir un traitement médical dans une maison dite de santé. Cet artiste,
qui avait acquis heureusement par l'exercice de son talent, cette médio-
crité dorée dont les philosophes nous engagent à nous contenter, est au-
jourd'hui complètement guéri, non grâce à la science des docteurs, mais
par les seuls efforts de la nature. Il assure s'être toujours parfaitement
rendu compte de sa situation et avoir gémi sur l'inefficacité des moyens
employés par la médecine dans le traitement des maladies chroniques du
cerveau. 11 a formé le plan d'une espèce de médication musicale applica-
ble aux diverses sortes d'aliénation mentale, et il est convaincu qu'elle
est susceptible de produire de bien meilleurs résultats que toutes les dou-
ches du monde. Son intention est de publier l'ensemble de son système
avec tous les développements qu'il comporte. Ce n'est pas la première fois
qu'on songe à employer la musique comme moyen curatif de la folie;
mais c'est la première fois qu'un homme aussi compétent en la matière
s'en sera occupé.
Encore à propos de violonistes. Trois virtuoses habiles à manier l'archet
se disposent à partir de Bruxelles pour se rendre en Russie. Ces trois vir-
tuoses sont : Teresa Milanollo, M. Sivori et M. Léonard. N'est-il pas à
craindre que les Russes ne trouvent que c'est beaucoup de violon à la
fois, et que la concurrence ne nuise aux trois intéressés? Quel sera le
favori de la fortune?
La lutte entre Mlle Milanollo et M. Sivori commencera à Bruxelles. Leur
nom se lit en très-grosses lettres sur deux affiches rivales. M. Sivori an-
nonce un concert pour le 29 de ce mois, et Mlle Milanollo se fera entendre,
le 1 3 novembre, dans une soirée donnée au profit d'une Société qui a pris
sous son patronage l'érection d'une vaste église dans le style gothique, la
même pour laquelle Mme Pleyel a joué deux fois au printemps dernier.
Nous avons des cafés-chantants fondés à l'imitation de ceux de Paris.
En vertu de nos libertés illimitées, ils se sont multipliés hors de toute
mesure et se font une guerre à outrance, en même temps qu'ils travail-
lent en commun à la ruine des théâtres. On n'y cultive pas seulement la
romance et la chansonnette ; on y joue de la musique sérieuse ; le Stabat
de Rossini était dernièrement annoncé par l'un de ces établissements dont
les habitués reçoivent en même temps la nourriture du corps et celle de
l'esprit. Parfois on entend là des artistes d'un vrai mérité, qu'une impé-
rieuse nécessité oblige à chercher des moyens d'existence dans cette ex-
ploitation peu relevée de leur talent. Croiriez-vous qu'un de ces cafés-
chantants, nouvellement ouvert, fait figurer sur son affiche le nom de
Mme Casimir, dont il promet la apparition prochaine. En quittant Paris,
Mme Casimir avait tenu assez longtemps à Bruxelles l'emploi de première
chanteuse. On s'affligera de la voir reparaître dans de telles conditions.
Berlin, 25 octobre.
Pour le commencement de la saison on s'en tient aux anciens maîtres.
La première œuvre de quelque étendue qu'on nous ait fait entendre hors
du théâtre, c'a été la Création, d'Haydn, qui vient d'être exécutée à propos
d'un jubilé d'une espèce toute particulière. Un digne et pieux homme,
d'un âgeavancé déjà, ayant nom Ilaussmann, a fondé en 1816 une Société
de chant qui, depuis cette époque, a donné régulièrement chaque année
plusieurs grands concerts ; le concert en question était le centième. Le
fondateur était mort depuis longtemps ; mais son fils et un de ses parents,
M. Jules Schneider, lui avaient succédé dans la direction de la Société,et
avaient continué cette série de solennités annuelles, qui ont rendu de
grands services à l'art et qui ont été surtout profitables aux pauvres. En
effet, le produit de chaque concert a toujours été consacré à des œuvres
de bienfaisance ; on évalue le chiffre total des recettes à près de 52,000
thalers, soit 220,000 fr. Il est vrai que les membres de l'orchestre royal,
ainsi que les chanteurs de l'Opéra, y entrent pour une part considérable.
La Société, si elle avait été restreinte à ses propres moyens, n'eût point
été à même d'organiser une seule de ces grandes solennités. Aussi, con-
formément aux statuts, une somme assez importante a-t-elle été accordée
aux membres de l'orchestre, au profit de la caisse des pensions pour les
veuves et les orphelins. Bref, le résultat a été favorable sous tous les
rapports. L'œuvre immortelle d'Haydn a été exécutée par les pre-
miers artistes de Berlin ; elle nous a fourni l'occasion d'entendre pour la
première fois la voix merveilleusement belle de Mlle Wagner, à l'église,
où elle produit un effet admirable. De plus, le jubilé a été célébré par
une soirée musicale et par un souper, auquel prirent part les chanteurs et
les cantatrices qui ont fait partie de l'Association depuis sa fondation. Les
détails suivants suffiront pour vous donner une idée de l'activité de la
Société. Dans les concerts qui ont eu lieu depuis son établissement, elle
a exécuté entre autres cinq oratorios de Frédéric Schneider (son Jugement
dernier, dix fois) ; David, de Bernard Klein, une fois ; Jephté, du même
compositeur, trois fois; — ces deux œuvres capitles sont restées incon-
nues à l'étranger par suite de la mort précoce de l'auteur; — Élie, de
Mendelssohn, trois fois; Paulus, du même, quatre fois; la Création, d'Haydn,
quinze fois; la Mort du Jésus, par Graun, trente-deux fois; sans compter
une foule de productions de jeunes compositeurs.
J'ai dit , au début de ma lettre , qu'on s'en tenait provisoirement
aux anciens maîtres; j'ai cité comme exemple la Création. En voici un
second : la reprise de la Clémence de Titus , le dernier des opéras de
Mozart, si riche en morceaux d'ensemble du style le plus grandiose. Cette
partition fut écrite en 1792 pour le couronnement de François H. On y
trouve beaucoup de choses surannées, parce que l'auteur a dû se sou-
mettre au goût du jour, aux exigences des chanteurs qui ne voient que la
forme; mais là où il n'avait pas à en tenir compte, où il n'avait eu en vue
que la vérité artistique, où il s'agissait de jeter dans la froide et maigre
poésie de Métastase une étincelle vivifiante qui aussitôt éclate en flammes;
dans ces endroits, la musique est belle et fraîche comme si elle avait été
écrite d'hier, et elle a été saluée d'acclamations enthousiastes. Les deux
principaux rôles , Vitellia et Sextus , ont été parfaitement rendus par
M mes Kœster et Wagner.
On nous annonce une brillante et rare apparition artistique. Jenny
Lind, ou plutôt Mme Goldschmidt, se propose de venir ici pour prêter le
concours de son talent à un des concerts au profit de la Société de Gus-
tave-Adolphe. La Suède, on le sait, est un pays protestant, et Jenny Lind
est Suédoise dans l'âme. La Société qui porte le nom du plus grand de ses
rois, a pour but de venir au secours des communes protestantes pauvres.
L. RELLSTAB.
Harkoff, 16-28 septembre 1852.
Dans une lettre que je vous adressai il n'y a pas trois mois, pour protester
contre les assertions d'un nommé Schindler, qui s'est avisé de publier que
Beethoven n'a jamais été payé pour la peine qu'il a prise de composer
trois quatuors à ma demande, je vous disais que M. Damcke, publiciste
renommé en Allemagne, s'était chargé de faire triompher la vérité des
accusations de Schindler, et que moi-même, ayant appris que les calom-
nies allaient passer dans l'histoire par la publication de l'ouvrage de
Brendel, de Leipzick, je m'étais enfin décidé à entrer personnellement
dans la lice. Comme de raison, j'ai dû faire part de ma résolution à
M. Damcke, qui, à la réception de cette nouvelle, vient de m'adresser une
lettre, dont je prends la liberté de vous transmettre copie, parce que son
contenu est de nature à trancher la question et à imposer silence à mes
détracteurs dans cette cause.
« Saint-Pétersbourg, ce 17-29 août 1852.
» La démarche directe que vous vous êtes enfin décidé à faire, et que
DE PARIS.
381
» j'approuve entièrement, change considérablement, quant à ce qui me
» concerne, la face de cotte affaire. Une fois votre déclaration publiée,
» déclaration que je suppose énergique et très-sufflsante pour écraser les
» calomnies de Schindler, mon intervention devient inutile; — vous aurez
» d'un seul coup terminé la guerre. Pour le moment, il ne nous reste
» qu'une seule chose à savoir : s'assurer si réellement votre déclaration a
» été publiée ou non. Voici ce que je viens de faire.
» J'ai écrit a Brendel. J'ai soigneusement exposé les matériaux que
» vous avez mis à ma disposition. La simple indication de ces matériaux
» suffit pour faire comprendre que votre justification sera pleine et en-
» tiére. Puis, j'ai donné a entendre à Brendel, qu'en refusant la publica-
» tion de votre déclaration, il se rend le complice de Schindler, et par
» conséquent, aura sa part de l'indignation universelle que votre justifica-
» tion ne tardera pas a soulever contre les propagateurs d'aussi méprisa-
» blés calomnies. Enfin, j'ai invité M. Brendel à me faire savoir le plus
» tôt possible sa résolution concernant votre déclaration. Au cas qu'il
» l'aurait déjà publiée, je l'ai prié de m'envoyer le numéro de la Gazelle
» qui la contient. Il me semble que, pour le moment, il n'y a rien de plus
» a faire. Dès que j'aurai une réponse, je vous en ferai part. Si je reçois
n le journal avec la déclaration, je vous l'enverrai; mais, au cas d'un re-
» fus de publication, je ne tarderai pas un sénl jour à agir, et soyez per-
» suadé que j'agirai avec énergie; car plus je tourne et retourne cette
» affaire dans ma tête, plus je suis outré de l'infamie dont vous êtes la
» victime. Mais, je vous le jure, cette honte retombera sur ceux qui l'ont
» inventée; votre nom en sera délivré et recevra sa complète réhabili-
» tation.
» Je ne me contenterai pas d'un seul article, quelque complet que
» puisse être son effet ; je reviendrai toujours et partout à la charge, jus-
» qu'à ce que l'œuvre de Schindler soit détruite et foulée aux pieds comme
» elle le mérite. »
» Il va sans dire que j'ai expliqué aussi à M. Brendel que son refus de
» publier votre déclaration ne pourrait amener aucun changement dans
» le cours de cette affaire, si ce n'est qu'alors au lieu d'un seul adver-
« saire, j'en aurai deux à attaquer.
« J'espère que vous approuverez pleinement la démarche que je viens
» de faire. Adieu, mon prince, et croyez au dévouement entier de votre
» DAMCKE. »
Après une déclaration aussi explicite d'un des premiers publicistes de
l'Allemagne pour la parlie musicale, qui, lui-même, n'est revenu des pré-
ventions que Schindler lui avait suggérées, que sur la foi des matériaux
que je lui ai livrés, il ne me reste plus rien a ajouter pour le moment,
que de vous prier, monsieur le Rédacteur, de vouloir bien insérer la pré-
sente lettre dans un de vos plus prochains numéros; si, après cela, des
détails plus circonstanciés sont jugés nécessaires, je ne me refuserai pas
à vous faire l'historique de mes rapports avec le grand homme, depuis le
jour où je lui écrivis pour lui demander trois nouveaux quatuors, jusqu'à
sa mort. Peut-être même y aura-t-il quelque intérêt à savoir comment des
honoraires que Beethoven lui-même avait fixés à 150 ducats de Hollande ,
m'ont occasionné une dépense qui s'est élevée à 419 ducats. Et c'est dans
de telles circonstances que des pamphlétaires ont osé soutenir que
Beethoven n'a jamais été rémunéré pour les quatuors qu'il a composés à
ma demande, qu'il a é.é trompé, comme ne craint pas de le dire M. Brendel
dans son Histoire de la musique] Je n'aime pas à entretenir le public de ma
personne; mais l'accusation est si monstrueuse, et les détails qui accom-
pagnent le récit de Schindler si perfidement imaginés, que tout homme
qui se respecte ne peut pas trouver mauvais que, une fois descendu dans
la lice, je veuille donner à ma déclaration la plus grande publicité
possible.
Recevez, monsieur le Rédacteur, l'assurance de mes sentiments les
plus distingués,
Le prince Nicolas-Boris GAL1TZIN.
NOUVELLES.
*** Demain lundi, à l'Opéra, seconde représentation de la reprise de
Mmse. .
* Lundi dernier le Juif errant avait fait salle comble. La soirée a été
aussi bonne que brillante.
.* La Favorite et le premier acte de la Péri, donnés mercredi, avaient
encore attiré la foule.
*** Le Prince-Président, à l'occasion de la représentation solennelle du
grand Opéra, a envoyé au directeur, M. Nestor Roqueplan, une tabatière
avec son portrait entouré de diamants; à M. Philoxène Boyer une boite
enrichie de diamants, et à M. Victor Massé une bague. Roger, Brémond ,
Merly, MmesTedesco, La Grua et Duez, ainsi que MmesCerrito, Plunkett,
Taglioni , Priora, Bagdanoff, Mathilde, ont reçu soit des épingles, soit des
broches, rubis ou saphirs entourés de diamants.
„,*„ Mme Viardot est à Paris depuis quelques jours. La célèbre canta-
trice a déjà reçu diverses propositions d'engagement; on ignore si elle
se décidera à en accepter aucune avant la saison de Londres.
„*» C'est mardi prochain qu'aura lieu à l'Opéra-Comique la représen-
tation solennelle à laquelle doit assister le Prince-Président. On y exécu-
tera une cantate, dont les paroles sont de M. Méry et la musique de
AI Adolphe Adam. Cette cantate, composition musicale qui ne manque
ni de déve'oppement ni d'intérêt, se terminera par un tableau final re-
présentant la vue du Louvre. M. Emile l'errin , qui a fait ses preuves
comme peintre et comme directeur, n'aura pas manqué l'occasion de dé-
ployer son talent et son goût. Le spectacle se terminera par le Domino
noir, dont les principaux rôles seront remplis par Couderc et Mme Ugalde.
„,*„, Voici les noms des artistes dont se composera la troupe du Théâ-
tre-Italien dirigée par M. Corti : Soprani, Mme Sophie Cruvelli, Vera,
Beltramelli; Contralti : Mme Borghi-Mamo , Nantier-Didiée, Dampieri;
Tenori : Bettini, Galzolari, Negrini, Ghidotti; Bassi: Belletti, Marini, Gia-
como Arnaud, Arnoldi, Valli, Susini, Aitini. M. Castagueri est chargé de
la direction de l'orchestre.
*** Au 'théâtre-Lyrique, le Taharin, de Georges Bousquet, et l'opéra
féerie, dont Grisar a écrit la partition, sont à l'étude.
*% Mlle AnnaLemaire, la jeune artiste qui, après de brillants succès
au Conservatoire, en avait mérité d'autres à l'Opéra-Comique, vient de
contracter un engagement avec le théâtre, de Bruxelles. Elle y paraîtra,
comme chanteuse légère, pour la saison d'hiver, et en représentations.
„** Cathinka Heineftter continue de chanter avec le plus grand succès
à Stuttgardt. Le rôle de Fidès, dans le Prophète, est toujours son plus
beau triomphe.
„,** Mlle Geismar, brillante élève du Conservatoire de Paris, vient de
chanter dans un concert de l'Athénée, à Saint-Germain, Sarah la bohé-
mienne et le morceau d'Otello, qui lui avait valu une couronne. On a
beaucoup applaudi sa voix et sa méthode.
*** Taris va compter une femme de talent de plus , une pianiste non
moins distinguée par son talent d'exécution que par son mérite comme
professeur. Mme Pfeiffer, ainsi que M. Pfeiffer, son mari, quittent décidé-
ment Lille pour se fixer parmi nous.
&% Un jeune ténor, nommé Wicart, élève de Révial, et qui s'était dis-
tingué au Conservatoire de Paris dans les concours de cette année, vient
de débuter à Toulouse dans Guillaume Tell. Il y a obtenu du succès, et il a
dû continuer dans la Juive.
*** Aujourd'hui dimanche, à deux heures, Ferdinand Miller donnera
dans la salle de Sax, rue Saint-Georges, 50, une séance musicale destinée
à faire entendre ses compositions.
t*t Vieuxtemps vient de faire une tournée vraiment triomphale en
Suisse. Il n'a pas donné moins de vingt-quatre concerts dans les diverses
villes qu'il a visitées. 11 sera bientôt de retour à Paris.
„% Le 22 de ce mois, jour de sainte Cécile, l'association des artistes
musiciens fera exécuter dans l'église Saint-Eustache une messe composée
expressément pour cette solennité par M. Ambroise Thomas. Nous re-
viendrons sur les détails de cette solennité religieuse et musicale.
„,*„, M. Leprévost, organiste du chœur de Saint-Roch , a fait exécuter
dans cette église une messe de sa composition le jour de la Toussaint.
Bien qu'il se soit essayé dans le genre dramatique, et qu'il ait donné une
légère partition au théâtre de l'Opéra-Comique il y a quelques années ,
intitulée le Itéveur éveillé, M. Leprévost est un compositeur qui prend son
art au sérieux et comprend bien le style sacré. Alexis Dupond, dont la
voix toujours fraîche, souple et si bien posée, est une de celles qui ren-
dent le mieux les œuvres écrites en ce style, a dit avec la supériorité qui
le caractérise plusieurs verseis de cette messe, qui, accompagnée seule-
ment par le petit orgue touché par l'auteur et sans le secours d'autre
instrumentation, a produit un excellent effet. La plupart des grands com-
positeurs qui ont eu à traiter le beau drame de la messe se sont inspirés
des terribles paroles de la prose des morts, et plusieurs ont réussi à bien
exprimer ces épouvantements du trépas, comme dit Bossuet. M. Leprévost
n'a pas osé, à ce qu'il paraît, aborder cette sombre élégie, et a laissé chan-
ter, dans sa mélodie gothique et grandiose, le Dies irce, à la voix plaintive
et touchante d'Alexis Dupond.
t% La Société Sainte-Cécile, dirigée par MM. Seghers et Wekerlin, a
commencé ses répétitions cette semaine. Le concert d'inauguration pour
la saison 1852-1853 aura lieu le 28 de ce mois.
t% Les concerts de la Société symphonique, sous la direction de
M. A. Farrenc, qui auront lieu cet hiver, dans la salle Herz, s'organisent
et seront sans doute une réunion des plus intéressantes pour les amis de
l'art musical. Plusieurs artistes étrangers de grande réputation ont pro-
mis leur concours avec une bienveillance toute particulière. Diverses com-
positions musicales de maîtres illustres qui n'ont jamais été entendues à
Paris, ou ne l'ont pas été depuis nombre d'années, figureront sur les pro-
grammes.
4% Camille Stamaty est de retour à Paris.
%% M. Milhès, professeur de chant, nous prie de rappeler qu'il a fait
imprimer, il y a deux ans environ, le prospectus d'un ouvrage intitulé :
le Guide du chanteur, traité de fart du chant pratique, et que son manu-
scrit, en voie de publication, a obtenu un rapport favorable de l'Académie
des beaux-arts au mois de décembre 1 850.
t*t M. E. Dassier qui s'est fait connaître par le succès de ses composi-
382
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
tions vocales, avait eu l'idée d'en adresser une à Abd-el-Kader ; voici
la lettre qu'il a reçu, en remercîment de son envoi :
« Au château de Pau, 17 juin.
» Monsieur,
» L'ex-émir Abd-el-Kader me charge d'avoir l'honneur de vous re-
mercier de l'envoi que vous avez bien voulu lui faire d'une composition
musicale faite à son sujet. Nous avons été assez heureux pour posséder un
piano au château et pouvoir la lui faire entendre, après lui avoir interprété
les paroles, qui ont paru lui faire quelque impression.
» Il me prie d'être son interprète auprès de vous, de vous remercier
des sympathies généreuses que vous exprimez et de vous dire la recon-
connaissance qu'il vous doit pour les diverses émotions qu'il a éprouvées.
» Le capitaine en mission auprès de
» l'ex-émir Abd-el-Kader,
» Fournier. »
„/%. Le bureau de location du Théâtre-Italien est ouvert tous les jours,
de 11 heures à ti heures, en face la rue Monsigny. — La première repré-
sentation est fixée au mardi 16 novembre.
* On nous signale deux erreurs que nous nous empressons de cor-
riger. 1° Dans la liste des nouveaux membres associés que s'est adjoints
l'Académie royale de Belgique, MM. le comte de Niewerkerke et Dumont
sont désignés comme architectes, tandis que l'un et l'autre sont sta-
tuaires ; de plus, M. de Niewerkerke n'est pas membre de l'Institut de
l'innée. 2° Le chanteur italien Porto, dont nous annoncions récemment
la mort, n'est pas celui que nous avons entendu à Paris dans les premières
années de ce siècle, et qui se nommait Matteo Porto. Celui-ci existe en-
core ; il habite Vérone et doit être âgée de 72 ans. L'autre était son frère
et se nommait Carlo Porto.
CHRONIQUE ÉTRANGERS.
s*s Berlin. — Le 19 novembre, pour l'anniversaire de la naissance de
la reine, le Théâtre-Royal donnera Alceste, de Gluck. C'est Mme Koester
qui chantera le rôle principal. — Au Théâtre-Italien, la rentrée de la signora
Viola, dans le rôle de Cenerentola, a offert de l'intérêt. Galvani, qui, dans
celui de Ramiro, a fait son second début, s'est placé au rang des meilleurs
chanteurs de la troupe.
„% Hanovre. — Nous trouvons dans une lettre particulière quelques
détails sur la première représentation du Prophète dans la nouvelle salle
du théâtre de la Cour. La mise en scène et les décors étaient magnifiques ;
on les a fidèlement calqués sur le modèle de ceux de Paris. Le succès du
chef-d'œuvre de Meyerbeer a été immense. Si M. Sowade (Jean de Leyde)
n'a plus toute la fraîcheur de la jeunesse, c'est toujours un chanteur
habile et intelligent, qui sait ménager ses moyens et qui fait un merveil-
leux usage du fausset. Mlle Noltes, qui ne remplissait autrefois à Vienne
que des rôles secondaires, a fait de grands progrès depuis. Sa voix de
soprano est fort belle, surtout dans les régions moyennes ; le tim-
bre en est doux et sympathique, et tout â fait en harmonie avec le rôle de
Fidès, dans lequel prédomine la plus tendre de toutes les affections,
l'amour maternel. Dans la conception du rôle, elle a suivi les traditions
généralement adoptées; les indications si précises de Meyerbeer ne permet-
tent guère d'y rien changer. Par un heureux contraste, Mlle Zerr s'est
montrée tout à fait originale dans le rôle de Berthe. Le public de Vienne
sait combien Mlle Zerr s'y montre douce et gracieuse au premier acte, et
quelle fanatique énergie elle déploie au cinquième : on comprend l'effet que
l'éminente cantatrice devait produire. Jusque-là tout l'intérêt s'était ex-
clusivement porté sur le rôle de Fides : aussi a-ton su gré à Mlle Zerr
d'avoir bien voulu se charger momentanément du rôle de Berthe. On a
applaudi avec enthousiasme son premier air, dans lequel la brillante artiste
a déployé un goût parfait et une audace de vocalisation presque effrayante.
Elle a promis de chanter encore une fois, avant son départ, ce même
rôle, dans une représentation du Prophète, au profit du fonds de pen-
sions, après quoi elle partira pour Londres. C'est dans cette représenta-
tion que M. Marschner, qui nous reste définitivement, fera sa rentrée.
*% Mannheirn. — Ondine, opéra-féerie en quatre actes, musique de Lort-
zing, a été représentée ici, avec un luxe de décors tel qu'on ne saurait
le trouver plus grand à Paris ou à Londres. La musique contient des
choses remarquables, surtout dans les morceaux d'ensembie. On distingue
aussi quelques jolis airs et duos; par malheur, les chanteuses sont si mé-
diocres, qu'il est difficile de juger cet ouvrage à une première audition.
Il y a beaucoup de réminiscences de Weber et de Donizetti.
„,*„ Bade, k novembre. — Les voilà passés ces beaux jours, cette admi-
rable saison, qui laisseront de longs souvenirs. Et pourtant Bade n'a pas
encore pris sa robe d'hiver, car nous avons le temps le plus délicieux, et
aux plaisirs de tout genre ont succédé les vendanges, qui viennent d'être
célébrées partout, et vous penserez que la gaîté y a présidé, quand vous
saurez que depuis 1849 le vin était détestable, et que cette année il est ex-
cellent. Dans certaines contrées, comme à Rudesheim, on espère qu'il
égalera celui de 1846. Voià pourquoi tout le pays est dans la joie. Il y a
quelques jours dans les environs de Rastatt, toute la musique autrichienne
du vingt-huitième régiment, dit Bénédik, était conviée C'est sans contre-
dit la musique la plus parfaite de toute l'armée autrichienne, la même
que nous avons entendue pendant toute la saison à Bade et qui y avait
obtenu tant de succès. Parmi les morceaux qu'elle a exécutés et qui ont
été le plus applaudis, j'en citerai plusieurs des Huguenot?, du Prophète, et
de la Juiv, la valse et plusieurs mazurkas, de Chopin, et particulièrement
la Marche croatr, de Mathias , que l'on a redemandée comme à Bade. Tous
ces morceaux ont été arrangés pour l'orchestre militaire avec un talent
très-remarquable, et l'exécution en a été parfaite, sauf l'observation des
piano et des forte, qui laisse peut-être encore quelque chose à désirer.
„,*„ Odeasa.— Schulhoff vient d'arriver dans notre ville, où il commence
une série de concerts sous les plus brillants auspices.
— La grande et la petite partition de Si j'étais roi, d'Adolphe Adam,
dont nous avions annoncé la publication pour le 25 octobre dernier, ne
peuvent être livrées avant le samedi 13 novembre. La propriété de ce bel
ouvrage, qui est à sa cinquantième représentation et dont le succès est
loin d'être épuisé, ayant été acquise aussi à l'étranger, les éditeurs n'ont
pu être en mesure pour le dépôt exigé, qui doit être fait simultanément
en France et à l'étranger. MM. Benacci-Peschier, rueLaffitte 7, ont l'hon-
neur d'informer MM. les directeurs de théâtre et marchands de musique
de la province que pour satisfaire aux nombreuses demandes qui leur ont
été adressées, ils ne différeront pas d'un seul jour, qui reste irrévocable-
ment fixé samedi, 13 novembre, l'envoi des exemplaires au nombre déjà
inscrit. — Deux charmants quadrilles pour piano par Musard sur les jolis
motifs de Si j'étais roi, ainsi qu'une schottisch par Giuseppe Daniele, et
une polka-mazurka par A. Talexy, sur le même opéra viennent de paraître
chez les mêmes éditeurs. Seront publiés successivement d'ici au 15 novem-
bre sur Si j étais roi, savoir : deux fantaisies élégantes pour piano, par
J.-B. Duvernoy; fantaisie brillante variée pour le piano, par A. Talexy;
caprice caractéristique par Richard Mulder ; rêverie nocturne, par J. Carli;
une polka et redovva, par Pasdeloup ; un quadrille facile pour piano, et un
duo pour piano et violon, par N. Louis ; thème et variations brillantes,
par J. Ascher; fantaisie élégante, par Fumagalli ; valse expressive, par
Marcailhou ; arrangements pour tous lies instruments, marches, pas re-
doublés pour fanfares et musiques militaires, etc.
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un alto magnifique de Jos. Guarnerius. Cet instrument est, sans contredit,
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Parmi les solfèges et les méthodes de chant qui ont paru jusqu'à pré-
sent, les artistes avaient laissé une lacune que vient de combler un nouvel
ouvrage. La Petite Méthode de chant, de Luigi Bordèse, dont le nom est déjà
connu comme celui d'un excellent professeur et d'un charmant composi-
teur, renferme les qualités qu'il est si difficile de réunir dans une œuvre
théorique : l'utilité et l'agrément. Elle peut servir de solfège pour les
personnes qui commencent l'étude de la musique, et de méthode pour les
jeunes voix que l'on craint de fatiguer, et qui cependant doivent travailler
de bonne heure l'art du chant avec tout le développement nécessaire du
goût. Les petites vocalises qui la terminent sont tout à la fois des leçons
dont les difficultés sagement graduées soutiennent l'attention de l'élève, et
des'mélodies distinguées et gracieuses qui rendent le travail facile et même
attrayant. Nous pouvons prédire à M. Bordèse un succès réel et bien légi-
timé par l'approbation de tous les professeurs qui ont regardé son nouvel
ouvrage avec soin.
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Op. 61. Sérénade
Op. 06. Fantaisie brillante sur les huguenots
Op. 70. Fantaisie sur Czar et Charpentier .
Op. 76. Fantaisie militaire sur les Mousque-
taires de la Reine
Op. 99. Trois fleurs : la Rose, la Violette et
l'Amarante
Op. 101. Fantaisie dramatique sur le Pro-
phète
Op. 104. Souvenir du Prophète: la Complainte
et la Marche du Sacre, variées . .
Op. 109. Fant. de salon sur la Fées aux Roses
Op. 113. La Cascade de fleurs . .
Op. 114. Les Larmes de Madeleine, méditation
Op. 117. L'Assaut, grand galop militaire. . .
Op. 118. N° l. La Mélancolie, de Prume, variée
2. Chant bohémien, varié. . . .
Op 120 Fantaisie de salon sur Giralda . . .
Op. 122. Fantaisie sur la Dame de Pique . .
Op. 124. Grande fantaisie sur la Favorite . . 7 50
Op. 127. Rossini et Bellini : Stabat mater et
Norma, grande scène chantante . 9 ■>
Op. 129. Mon Etoile, nocturne 7 50
Op. 134. Barcarolle d'Oberon 5 »
Op. 136. La Napolitaine, polka tarentelle. . . 5 »
Op. 137. N° 1. Fantaisie élégante sur la Pou-
pée de Nuremberg . ... 5 »
2. Fantaisie élégante sur le Far-
fadet . 5 )i
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2. DUO, « Si je perds celle que j'aime. » 6 »
3. DUO, « Dieu, dans ce jour prospère. » 3 75
4. DUO, « Moment fatal; que faire? » 5 »
5. AIR, « Ah ! d'une tendre mère. > 5 »
°"6. QUATUOR, « Je tremble et soupire. « 4 50
7. DUO, « Jour funeste! loi cruelle! » 3 75
8. AIR, « Quelle horrible destinée! » 6 »
9. PRIÈRE à 4 voix, « Des cieux où tu résides. » 4 50
10. CANTIQUE à 4 voix, « Chantons, bénissons le Seigneur. ». . 3 75
ARRANGEMENTS POUR LE PIANO SUR CET OPÉRA
Thubebi:. Op. 33. Grande fantaisie sur la prière 9 »
— Quatuor transcrit : Mi manca la voce (Je tremble et
soupire) 4 50
H. Uv.tvjc. Op. 37. Rondo sur un chœur 9 »
— Trois airs de ballet, 3 suites, chaque 6 »
A. Adam. Op. 19. Fantaisies et variation 6
Devebioï. 0(.i. 21. Variations sur la Marche 5
Ije CinriEiTiEB, 48' bagatelle 5
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14 Novembre 1882.
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Lo Journal parait le Dimanche.
GAZETTE MUSICALE
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>os abonnes reçoivent avec le présent numéro une mélodie Intitulée
18PIB1TIOV, de JB. GastGncl. dont ropéra-t'onil<(ue répète un ouvrage
en ce moment.
SOMMAIRE. — La musique à Alger, par P. Sel i sman n . — Séance musicale don-
née par Ferdinand Hiller, par Henri Blanchard. — Le Requiem de Berlioz
(3e article^, par ILéon Kreuzter. — Revue critique, par Henri Blanchard.
— Correspondance, Marseille, Bruxelles. — Nouvelles et annonces.
LA IUS100E A ALGER.
La plus haute expression de la musique chez les Arabes consiste
dans la réunion d'un violon, d'une nouitrà, d'une thare et d'un der-
bouka. Ce violon, qui de l'autre côté de la Méditerranée prend le nom
àecamendja, est monté de quatre cordes connues les nôtres, avec cette
différence qu'il n'y a que l'intervalle d'une quarte entre la troisième et
la quatrième corde, ainsi: sol, ut, sol, ré; ce qui produit, comme on le
voit, une transposition d'un ton plus bas, pour les trois dernières cor-
des. La nouitra est une mandoline grossièrement travaillée, et que
l'on pince à l'aide d'une petite baleine. La thare est à peu de chose
près le tambour de basque. Quant au derbouka, c'est la basse fonda-
mentale ; figurez-vous un gros poêlon de terre, dont le fond est rem-
placé par une peau de parchemin. Point de concert, point de danses,
point de cérémonies où le derbouka ne remplisse un rôle actif. Tous les
indigènes en jouent, mais il est rare qu'ils y excellent. J'en ai vu pourtant
qui le maniaient avec une grande habileté. Ce travail consiste à faire
avec les doigts des roulements, tantôt lents, tantôt précipités, selon la
couleur que le derboukiste veut donner au morceau. La pose de celui-ci
a quelque rapport avec celle que Gavarni a donnée à son tam-tam de
l'île Maurice. Gottschalk, l'excellent pianiste, dans son morceau du
Bamboula, a donné à peu près le rhythme le plus souvent employé pour
le derbouka. Cet instrument à la vérité n'a qu'une note comme le trom-
bone de Bilboquet ; mais celui qui y excelle lui communique sa joie ou
sa douleur, le faisant tour à tour gronder comme la tempête, ou mur-
murer comme la source, lui faisant reproduire ses sensations les plus
intimes. On dirait quelquefois les pulsations d'un cœur jaloux, des tré-
pignements furieux, toute la fougue fiévreuse d'un amour africain,....
le galop d'un barbe; puis, peu à peu, ce tumulte cesse, les mouvements
sont moins précipités : c'est une danse joyeuse, c'est le doux balance-
ment des palmiers. Impossible d'être plus concis en musique, et d'ex-
primer plus d'effets que n'en produit cet instrument avec une seule
noie.
On prétend qu'Ali-Àga, dey d'Alger vers le milieu du xvnr siècle ,
passait une partie de ses journées à jouer du derbouka dans laCasebah :
en tous cas, ce ne serait pas le seul souverain qui se serait occupé de
musique. On sait que Charles IV, roi d'Espagne , jouait du violon; que
Georges IV, roi d'Angleterre , ne jouait pas mal du violoncelle , et que
le grand Frédéric lui-même excellait sur la flûte. J'admets donc pour
mon compte qu'Ali-Aga fut le meilleur derboukiste de son temps.
Dans les grandes fêtes, on s'adjoint quelquefois un rebab , instrument
fort usité en Asie. Il a deux cordes que l'on fait vibrer à l'aide d'une
espèce d'archet de baleine recourbée en demi-cercle. Le son de celte
manivelle participe du mirliton et de la crécelle. A l'exception du der-
bouka, pour lequel je professe une véritable affection, je dois con-
venir que chacun de ces instruments jouant séparément donne une
musique fort désagréable ; mais quand on les fait tous mouvoir et qu'on
y ajoute encore des espèces de chaudrons , des poêles et tout ce qu'on
a pu se procurer pour produire du bruit, c'est.alors une rage, une. fré-
nésie, un entraînement irrésistible ; on dirait -des démons déchaînés,
un concert en enfer et sans chef d'orchestre ; mais pour les indi-
gènes, c'est une musique pleine de charmes et qui les plonge dans un
ravissement indicible ; tous se mettent à chanter et à battre les mains.
Pendant que cette harmonie se prolonge , les femmes se meltent à
danser. Mais quelle danse!.... la danse des bayadères , où les deux
mouchoirs jouent de si grands rôles, et où tout danse, tout, excepté les
pieds.
Les disciples de Mahomet, qui trouvent des jouissances infinies et
se sentent transportés au ciel du Prophète quand ils entendent cette
confusion de sons discordants, traduction musicale de la tour de Babel,
se refusent à comprendre toute autre musique que la leur ; nos airs à
coupe régulière, notre harmonie militaire, ne paraissent faire aucune
impression sur eux. Ils y sont aussi indifférents aujourd'hui, après
vingt-deux années de domination française, que le premier jour où
l'armée entrait à Alger, avec tout l'éclat du triomphe, au bruit des
fanfares, et d'une musique qu'ils n'avaient jamais entendue et qu'ils
ne devaient jamais comprendre. On a souvent raconté que lorsque
l'on conduisit le dernier souverain d'Alger entendre Robert-lc-Diable
a notre Opéra, il ne parut étonné que d'une chose... c'était de voir les
trombones avaler tant de cuivre. Lorsque le bey de Tunis vint à
Paris, il y a quelques années, il ne semblait prendre quelque plaisir à
l'Opéra qu'au moment où les artistes de l'orchestre accordaient leurs
instruments et préludaient suivant leur fantaisie avant le lever du ri-
deau. Assurément, c'est ce qui lui rappelait le mieux les airs de son
pays.
Ce n'est pas dans les nouveaux quartiers Bab-Azoun ou Bab-el-
Oued qu'il fau' chercher les concerts dont je parlais tout à l'heure. Là,
tout est français ; on y entend sur les orgues de Barbarie tous ces airs
qui nous font fuir Paris ; il y a même des cafés-chantants, tout comme
aux Champs-Elysées, où le chanteur en gants blancs et la forte chan-
teuse roucoulent jusqu'au grand duo de la Favorite, à la grande satis-
386
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
faction du [commerçant français, mais où jamais ne s'aventurerait
l'indigène. Rien n'est plus curieux que de visiter la haute ville, qui a
conservé son ancien caractère. Pendant les premiers jours, je me
croyais à Rome pendant le carnaval. Ces diversités de costumes, ces
Mauresques au visage couvert, ces Négresses, ces Juives avec leurs
longues robes de brocard, lamées d'or et couvertes de pierreries, avec
ces bonnets en forme de cornet, azur ou écarlate ; ces Bédouins, placi-
dement plantés sur leurs chameaux; ces autruches, ces gazelles, ces
singes, et tant d'autres choses, tout se mêle et se confond. Je n'ai
eu ni trêve ni repos que je n'eusse visité un intérieur mauresque ;
là, vous devez ôter vos souliers, comme quand vous entrez dans
une mosquée, et vous accroupir sur vos jambes, boire le café
maure, accepter tout ce qu'on vous offre, fût-ce du hatchis ou le gras
couscoussou de l'hospitalité. Ensuite, les hommes prennent les instru-
ments et les femmes se mettent à chanter quelques chants inintelli-
gibles pour nous, et dont la description est impossible ; on pourrait
pourtant y trouver quelque similitude avec les cris de nos marchandes
de poisson dans les rues de Paris. Les noms des Algériennes sont
beaucoup plus euphoniques que leurs chants; ainsi, Nadundja, Yaminad,
noms mauresques qui rappellent Grenade et l'Alhambra; puis Fatma,
dont les faiseurs de romances ont singulièrement abusé; M'saouda, qui
veut dire fortunée ; Nedjma, qui signifie étoile ; et Paouna, Azouez,
qui se traduisent par parfaite et chérie. Malgré le son guttural inhé-
rent à la langue arabe, et dont l'Espagne a conservé quelques vestiges,
il semble que les consonnes un peu dures leur fassent mal à prononcer,
et ils aiment à leur substituer quelque voyelle plus harmonieuse. Ainsi,
on avait fait de mon nom tudesque un nom fort oriental : on m'appelait
Soleïman. Je me rappelle même à ce sujet un grand diable de moricaud
çjui portait ce nom, et qui cherchait à me convaincre que je devais
être de sa famille.
Les rues d'Al ger, en ce qui concerne la haute ville bâtie en amphi-
théâtre, sont tortueuses et plus étroites encore que les plus étroites
contracte de Venise et de Gênes, et comme elles sont très-escarpées, il
n'est peut-être pas un soldat à Alger qui n'ait pris au moins une fois
un billet de parterre, comme disent les gamins de Paris. On est frappé
de l'étrangeté de ces boutiques de dessinateurs d'œufs d'autruche, de
ces barbiers- chirurgiens et de ces cafés maures, où, sur deux bancs
parallèles, sont accroupis une douzaine de musulmans, humant avec
ivresse leur narghuilé et leur moka.
La nuit, un indigène qui passe paraît un fantôme dans son linceul ;
puis, sur le devant d'une boutique, vous remarquez un vieux musul-
man, avec une barbe plus bl anche que la neige du Jurjura, inclinant sa
tête jusqu'à terre, en invoquant Mahomet, pendant qu'une psalmodie
vient frapper vos oreilles. C'est le muezzin, qui, du haut d'une mos-
quée, appelle les croyants à la prière du soir. Puis, de tous les côtés,
les Mauresques allant et venant, presque toujours en groupes, et ne
laissant échapper de leurs traits que des yeux noirs, longs et volup-
tueux. On se sent plus disposé à découvrir ces longs voiles qu'à dé-
masquer tous les dominos du bal de l'Opéra; mais, à l'époque dont je
parle, c'eût été plus qu'une profanation, c'eût été de la cruauté, car il
faisait froid... oui, froid à Alger... les palmiers inclinaient tristement
leurs têtes sous une brise glaciale ; les aloès, les figuiers de Barbarie, et
toutes ces plantes qu'on ne trouve dans le Nord que dans des serres
chaudes, semblaient étonnées d'une température à laquelle elles ne
sont pas habituées. El Diar, Legah , la belle plaine de la Mitidja, de
belliqueuse mémoire , Mustapha avec sa forêt de bananiers , les bam-
bous du Jardin d'essai, tout cela était littéralement inondé. Heureuse-
ment cette température n'est qu'accidentelle en Algérie; autrement il
faudrait substituer aux citronniers de Médéah et aux orangers de Bli-
dah, des pommiers et des châtaigniers, et l'Algérie deviendrait ainsi
une nouvelle Normandie. Non-seulement il pleuvait à outrance, mais
des ondées de grêle venaient encore attrister ce beau pays, auquel le
soleil est si nécessaire : aussi, je donnais de loin... de bien loin, un dé-
menti à Levasscr, qui assurait qu'il faisait si chaud à Alger, que lors
même qu'il y gelait à pierre fendre, on y avait trente-deux degrés de
chaleur... à l'ombre.
11 y a à Alger un bon opéra, une direction intelligente et des artistes
de talent. Je citerai d'abord Mme Murio-Cceli, aussi bonne comédienne
qu'excellente chanteuse; Mme Derr, qui a une très-belle voix, bien ap-
propriée à la grande tragédie lyrique ; puis M. Bury, ténor fort distin-
gué; Derval, qui est charmant dans l'Opéra-Comique. Je citerai aussi
M. Vacani, qui représente par de là la Méditerranée la bonne école
italienne. J'ai entendu exécuter la Favorite, le Songe d'une nuit d'été,
et Bonsoir M. Pantalon, avec autant d'ensemble et de talent qu'on
en pourrait rencontrer dans une ville de premier ordre en France. La
partie instrumentale est moins riche. Alger a perdu deux de ses plus
fermes soutiens. C'étaient M. Cellier B., qui est non seulement un très-
habile administrateur, mais aussi un excellent violoniste, et M. Ferdi-
nand Vendenheuvel, accompagnateur émérite. Parmi ceux qui restent
à Alger, et qui soutiennent avec honneur les bonnes traditions musi-
cales, il fait distinguer surtout M. Luce, artiste sérieux et intelligent,
qui a composé plusieurs symphonies militaires ; M. Murât, M. et Mme
Dupar. J'ai entendu parmi les amateurs, de très-belles voix de femmes,
chantant des mélodies de Schubert avec toute l'inspiration et la poésie
nécessaires à ces petits chefs-d'œuvre. Si je ne craignais d'être indiscret,
je dirais les noms de ces charmantes femmes; j'espère pourtant qu'elles
se reconnaîtront par ce que je viens de dire. Si cela peut aider leur mé-
moire, j'ajouterai que l'une a une voix de soprano, vive, légère, douce
et flexible, tandis que l'autre a tout le beau registre d'une voix de con-
tralto, belle, grave, passionnée et touchante. M. le baron Pron et M. le
général Youssouff voudront bien me pardonner si j'ajoute encore qu'il
y a à Alger deux excellents musiciens, dont l'un fait de délicieuses mé-
lodies pour le piano, tandis que l'autre charme par sa voix les person-
nes à qui il offre, avec tant de courtoisie, l'hospitalité dans sa belle villa
de Mustapha.
Au nombre des compositeurs français qui se sont inspirés des mélo-
dies arabes, il faut citer Félicien David, qui, dans sa symphonie du
Désert, s'est montré à la fois musicien, peintre et poëte ; puis Reyer,
qui a su, dans le Sélam, allier fort heureusement clans des airs arabes,
toute la couleur orientale à l'esprit français. Disons enfin que parmi les
artistes européens qui sont allés en Afrique faire jouir la colonie du
charme de leur talent, on a surtout remarqué Artôt, de tant regretta-
ble mémoire, Ole Bull, Emile Prudent et Moeser
P. SELIGMANN.
SÉANCE MUSICALE DONNÉE PA1 I. FERDINAND HILLER
Nous disons donnée, attendu que cette séance a peu ressemblé à
ces matinées musicales que les bénéficiaires essaient de rendre pro-
ductives au moyen de billets du prix de 10 à 15 fr., qu'on a raison de
trouver chers pour entendre à peu près toujours les mêmes choses :
cavatines et fantaisies, fantaisies et cavatines. Une nombreuse société,
composée de la plupart des auditeurs intelligents que renferme Paris,
s'est empressée de se rendre à l'invitation de M. Hiller, moins parce
qu'on ne payait point, que parce que le virtuose qui l'invitait possède
un nom dans l'art musical sérieux.
M. Ferdinand Hiller est un des élèves de Hummel, à qui il ressem-
ble assez physiquement d'abord, et par une sorte d'analogie aussi dans
la forme de son talent de compositeur et d'exécutant ; car, dans l'ex-
hibition musicale qui a eu lieu clans la salle Sax, M. Hiller s'est montré
pianiste, et pianiste de premier ordre. Si, par une autre analogie avec
le talent d'Henselt, il lève un peu trop les mains au-dessus du clavier,
ce qui donne une sorte d'affectation d'aisance et de légèreté à son
toucher, et doit lui faire, nécessairement, perdre un peu de temps, il
n'en est pas moins un pianiste plein de chaleur, qui tire de l'instru-
ment un son rond, puissant, et tout empreint de sensibilité. Les traits
DE PARIS.
387
caractéristiques de son jeu sont, enfin, la netteté, l'expression, le brio,
et surtout l'individualité qui le distingue des autres pianistes-composi-
teurs. Il ne spécialise point l'art déjouer du piano. Ce n'est point la
manière brillante et frétillante de Doehler ; ce ne sont point les ara-
besques arpégées de Thalbcrg ou le trait nerveux et ultra-dillicultueux
de Liszt dans leur exécution comme dans leurs compositions; c'est un
virtuose qui a des doigts brillants et les idées logiques...; peut-être un
peu trop : mais cette logique obstinée procède toujours en M. Hiller
d'une idée mélodique distinguée, élégante et gracieuse. Il a ouvert sa
séance par huit mesures variées (dans le style sévère). C'est dire qu'il
a tout d'abord fait preuve de savoir ; puis sont venus trois délicieux
morceaux sous ces titres : Alla Marcia, Capriccelloel Ghazèles, ou, ce
qui serait mieux, Ghazels, avec cette note : Les pièces de vers que les
Arabes appellent ghazelès ont été beaucoup imitées par plusieurs
poètes allemands. Leur forme exige que le même mot ou au moins la
même rime, revienne à la fin de chaque pensée. Le compositeur a tâché
de traduits cette forme en musique. Rien de plus fin, de plus original
et de plus distingué que ces trois étincelles musicales, surtout le motif
delamarche, et tout le petit caprice, qui fera toujours naître en chaque
auditeur qui l'aura ouï, celui (le caprice) de l'entendre de nouveau.
Le duo pour piano et violoncelle, exécuté par l'auteur et M. Franc-
homme, est un morceau consciencieusement fait, mais d'une facture
pénible, d'un style si serré d'imitations qu'il faudrait aussi l'entendre
de nouveau pour en donner une appréciation convenable. L'andante,
au reste, accessible à toutes les intelligences musicales, est d'une forme
claire et d'une mélodie gracieuse et suave.
M. Hiller, en compositeur-chercheur qu'il est, est venu nous dire
ses Etudes et esquisses rhythmiques en mesures mêlées à trois-quatre
six-huit, deux-quatre trois-quatre et C cinq-quatre, etc. Ces études
mettent en quelque sorte en pratique la question du rhythme traitée
par M. Fétis, dans ce domaine de l'art , que quelques-uns croient
inexploré , espèce de Californie , mine d'idées, de mélodies et de
rhythmes, bien que déjà fouillée, exploitée en plusieurs contrées par
Haendel, Mozart, Haydn, Beethoven, Boieldieu, et par quelques
autres.
En écoutant les esquisses rhythmiques de M. Hiller, nous en avons
recherché la pensée : nous nous sommes demandé, avec la plupart des
auditeurs, si elles feront faire un pas à l'art de jouer du piano et surtout
à la phraséologie musicale, et nous nous sommes pris à en douter.
Ces esquisses en mesures mêlées nous ont tout simplement paru
manquer de clarté, et surtout de mélodie. Il n'en est point ainsi de ses
études pour piano et violon qu'il a dites avec notre violoniste Alard.
Ici c'est tout un autre procédé; ce n'est point le bris incessant de la
pensée mélodique et du rhythme, c'est au contraire le chant carré, la
mélodie attaquée avec passion et distinction par l'instrument le plus
mélodique qui soit ; et le rhythme vivement dialogué, brisé, partagé,
entre les deux instruments, le même rhythme découpé, enchevêtré
d'une manière neuve, originale, et pleine d'animation. La deuxième
de ces études est surtout un modèle d'élégante vivacité, de dialogue
entrecoupé de pensées serrées, qui n'a pas d'exemple dans la musique
de piano et de violon ; cela est on ne peut plus piquant, entraînant,
éblouissant, et a provoqué une seconde audition qui a eu lieu à la de-
mande générale.
Le programme de cette intéressante matinée musicale promettait
une improvisation, et le virtuose a tenu ce que son programme annon-
çait. En véritable disciple de Hummel, qui improvisait si bien, lui,
M. Hiller s'est fait imposer différents thèmes, celui de l'andante de la
symphonie en la de Beethoven, demandé par Meyerbeer, qui était au
nombre des auditeurs ; l'hymne impérial autrichien , varié si reli-
gieusement et avec tant de savoir par Haydn dans un de ses qua-
tuors, et l'air : Grâce ! de Robert-le-Diable.
L'habile pianiste-compositeur a fait entendre chacun de ces thèmes
séparément ; il leur a même joint le menuet de Don Juan qu'on
ne lui avait pas demandé ; et puis réunissant tous ces motifs avec beau-
coup de clarté, il les a réunis, séparés , soumis à des effets d'har-
monie neuve et de pédales pittoresques qui ont provoqué d'unanimes
applaudissements. Par cette séance, Ferdinand Hiller a conquis le triple
titre de bon compositeur, d'excellent pianiste et de remarquable im-
provisateur.
Henri BLANCHARD.
MjMS HMïQWJIJEJI J»E BERLBOZ.
(3° article) (1).
Len° 3, Quid sum miser (page 46), est un souvenir du Dies ira.
Il est construit sur deux des principaux fragments de ce morceau : le
choral des basses, et la prière désolée des soprani qui leur répond. Tout
à l'heure, c'était la prière ardente et épouvantée ; maintenant, c'est un
sentiment d'humilité et de crainte. Berlioz n'avait pas besoin d'in-
diquer cette nuance sur sa partition; l'intelligence se l'explique d'elle-
même. Combien, par le seul artifice de l'instrumentation, de la sonorité,
de la division même de la mélodie, le caractère de la pensée est modi-
fié! Les voix occupent les régions intermédiaires; les plus suaves tim-
bres de l'orchestre, les cors anglais, les bassons, les violoncelles se
glissent timidement, presque à regret, au milieu d'elles, et semblent
confesser leur infériorité lorsqu'il s'agit d'exprimer les plus purs élans
de la prière. Le ton également a changé: aux tonalités rudes et accusées
de si \> et de ré mineur, succède celle de sol dièse mineur, la plus va-
gue, la plus indécise de toutes; tonalité assise sur les derniers confins
du dièse et du bémol, tonalité hybride, qui a le vague et l'infini pour
objet. Il est à croire que Berlioz, de parti pris, n'a pas fait choix de ce
ton peu usité ; mais un instinct plus sûr que le raisonnement guide les
grands compositeurs dans le choix qu'ils font de leurs tonalités. In-
dépendamment des ressources qu'elles renferment pour le développe-
ment des voix et des instruments, les diverses tonalités ont en elles
quelque chose de mystérieux qui semble s'adapter plus particulière-
ment à un certain ordre d'idées. Une même tonique, fa, que le ton soit
majeur ou qu'il soit mineur, éveillera dans l'esprit les pensées les plus
opposées : fa majeur conviendra aux sujets voluptueux , naïfs et
agrestes; fa mineur exprimera le plus haut degré de l'emportement et
de la violence. C'est là un des grands problèmes de l'art musical, mieux
senti jusqu'à présent que bien défini. Le.chant, qui, tout à l'heure, per-
sistait, implacable comme le destin, dans son inflexibilité, ainsi modi-
fié par ces éléments divers, apparaissant par fragments entrecoupés et
comme brisés par une humilité sainte, exprime la confession naïve de
l'âme tremblante, mais qui déjà , par son humilité même, semble
s'être relevée de sa chute.
J'aime moins, je l'avoue, le Rex tremendœ (page 48) ; il a, suivant
moi, un grand défaut, celui de succéder, sans renfermer une pensée
également saisissante, au Dies irœ, d'employer les mêmes effets éner-
giques dans les voix et dans les chœurs, et de n'en être séparé que par
le Quid sum miser, inspiration délicieuse, mais trop courte pour laisser
l'oreille se reposer suffisamment entre ces deux grands cataclysmes
harmoniques. Cette observation ne me rend pas injuste pour le mérite
de ce morceau. Il y a une énergie singulière dans le verset Flammis
acribus addictis (page 54). J'y signale un heurt terrible entre les contre-
basses et les violoncelles : c'est une dissonance de seconde mineure
enclavée entre l'octave supérieure et l'octave inférieure. L'effet est véri-
tablement terrible. Cette violente dissonance dans les contrebasses
(elle se résout naturellement sur le la dièse, comme toute septième bien
élevée ; je dis cela pour rassurer les orthodoxes) résume toute l'éner-
gie du mot latin addictis. Oui, cette dissonance , c'est la torche im-
plantée dans le flanc du coupable, et que les efforts d'un Promélhée ne
suffiraient pas pour arracher. Ai-je rencontré la pensée de Berlioz? Au
(1) Voir le numéro 43 et 44.
388
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
milieu de ces scènes lugubres, la belle phrase (page 57) Salve me
forme un heureux contraste. On peut y admirer une remarquable dis-
position de l'orchestre ; les cors et les bassons, divisés en quatre, par-
tagent la mesure en série de seize notes. D'ordinaire, cette mission est
confiée aux instruments à cordes ; mais le compositeur avait besoin de
ses violons, de leur timbre passionné, pour imposer à la mélodie cette
puissante douceur à laquelle les instruments à vent isolés et en petit
nombre ne pourront jamais atteindre. J'ai déjà signalé un pareil exem-
ple de renversement des principes généraux de l'instrumentation.
Mais quel tact est nécessaire pour savoir trouver, en dehors de la règle
et dans l'exception seule, la source d'aussi originales beautés ! Au début
du morceau, Berlioz a fait un petit sacrifice à la tradition : il y a deux
percussions de voix sur le mot Rex. Mozart, dans son Requiem, en a
trois. Ces percussions sont en quelque sorte un principe d'école , dont
Cherubini, le plus scolastique des maîtres, ne s'est affranchi que parce
que la nature de son plan le lui interdisait. Cette observation est pres-
que une puérilité ; mais elle montre combien, à leur insu, les esprits les
plus indépendants font de petits sacrifices à certaines habitudes musicales
que rien ne justifie.
Le Quœrens me est écrit à six voix, sans accompagnement. Cette
forme musicale était la plus usitée aux belles époques de l'école reli-
gieuse italienne ; elle convient admirablement à l'expression des senti-
ments doux et humbles; mais la variété et la sonorité lui manquent pour
l'expression des sentiments violents et tragiques. Ce genre de mor-
ceaux, les compositeurs de la fin du xvi" siècle l'écrivaient avec un
rare esprit de combinaison; mais, trop souvent, la mélodie devait cé-
der le pas à l'artifice, la science alors était quelquefois pour elle le ht
de Procuste. C'est une des conquêtes de l'art moderne, d'appeler à son
aide la science pour concourir au développement de la pensée, mais
aussi d'oser en assouplir les lois lorsqu'elles nuiraient à sa marche in-
dépendante. Dans ce morceau, la mélodie de Berlioz, d'un rhythme
accentué et moelleux, passe successivement par des imitations lentes
dans les différentes voix qui reflètent sur elles le coloris de leurs tim-
bres. Les modulations, les accords heurtés qui abondaient dans les
morceaux précédents s'effacent ici ; le caractère divin des voix, lorsque
l'orchestre entier fait silence, impose au compositeur l'obligation de
faire reposer ses mélodies dans une région plus pure et plus élevée.
Portons maintenant notre attention sur le rhythme singulièrement
neuf par lequel débute le Lacrymosa (page 66). La mesure est à neuf-
huit; les basses frappent la première croche ; la seconde et la troisième
croche appartiennent aux instruments à vent ; cette dernière syncope
sur la première croche du temps suivant, la seconde appartient encore
aux instruments à vent, la troisième est frappée par un énergique arpège
des instruments à cordes ; enfin, de leur voix mâle les cors viennent
accentuer sur le troisième temps, la noire pointée qui termine la me-
sure. Bientôt, sur les puissantes assises de ce rhythme herculéen, se
pose une vaste mélodie, dont les voix, se renforçant tour à tour,
déroulent les anneaux des extrémités du grave à celui de l'aigu. Sur-
vient (page 71) une pénétrante phrase. La première partie, confiée aux
ténors, est toute mélodique ; la seconde, dite par les basses, appartient
à la mélodie rhythmique. En effet, l'impression produite pour l'auditeur
émane, sans qu'on puisse les diviser, de ces deux éléments de l'art. Et
quel magique coloris viennent prêter à cette phrase ces coups de grosse
caisse dans la nuance : PP. Berlioz est sans doute persuadé de la vé-
rité de cette maxime que :
Il n'e^t pas de serpent ni de monstre odieux
Qui par l'art imité ne puisse plaire aux yeux.
Le monstre hurlant de nos théâtres, le cerbère qui de sa gueule béante
a tant de fois englouti le gâteau de miel de la mélodie, Berlioz a su
désarmer sa colère et abaisser sa voix jusqu'à un imposant murmure.
Les développements de cette seconde phrase sont très-vastes. (Page 74.)
On pourra lire une mélodie ascendante, en imitations, entre lessoprani
et les basses, qui est l'une des plus développées que l'inspiration ait
dictées à un compositeur. Nous n'avons pas, heureusement, à craindre
qu'un nouvel Omar détruise nos bibliothèques ; mais, enfin, l'œuvre
entier de Berlioz disparût-il, n'en restât-il que quelques débris: de la
Symphonie fantastique, la phrase en ut majeur du premier allegro; de
Roméo H Juliette, le chant des violoncelles et des cors dans l'adagio ,
le thème en fa, de la Fêle chez Capulel; du Requiem, la phrase que je
viens de citer, on y retrouverait toute la révélation du talent de Berlioz ;
de même qu'un fragment mutilé de la statue de Moïse suffirait pour
révéler la main de son immortel auteur.
Les points principaux de ce grand morceau sont la mélodie rhyth-
mique du début, la mélodie en ut majeur, sa répercussion en la et la
foudroyante péroraison où toutes les forces de l'orchestre et des voix se
trouvent réunies. Ils sont liés entre eux par des phrases épisodiques em-
pruntées à des fragments des différents sujets ; c'est pourquoi il règne
dans tout ce morceau une unité de rhythmes que ni la multiplicité des
détails ni même les changements de mesure ne peuvent rompre. Pour-
quoi alors ce morceau ne produit-il pas toujours un effet analogue à
celui du Tuba mirum ? Je vais tenter de l'expliquer.
Que l'on suppose un musicien doué d'une oreille si délicate qu'elle
conserve le souvenir fidèle des relations les plus compliquées des tons
entre eux, des combinaisons les plus difficiles de l'harmonie; que,
sans le secours des instruments, à l'aide seule de la vue , elle trans-
mette au cerveau tous les effets que le compositeur a voulu pro-
duire ; qu'en même temps l'œil de ce musicien possède le don de par-
courir la page de partition la plus compliquée sans hésiter jamais, sans
laisser dans l'oubli une note, un rhythme, un dessin, un accent; un
artiste aussi exceptionnel éprouvera mille fois plus de plaisir à écouter
des yeux une partition dans la méditation et la solitude qu'à l'entendre
exécuter au milieu de l'agitation d'une salle de concert. Pour lui, l'âme
de la composition se dégagerait du corps, c'est-à-dire des moyens à
l'aide desquels elle est manifestée au public; c'est alors qu'il pourrait
saisir les détails les plus subtils de la pensée sans être dans l'obligation
d'avoir recours à l'exécution matérielle, ce milieu trouble et impur où
trop souvent l'idée du compositeur perd sa transparence. L'artiste ainsi
doué jouiraitd'une belle partition, commeunlittérateurjouit d'une noble
tragédie plus encore en la relisant religieusement qu'en l'entendant au
théâtre pompeusement déclamée. Un certain nombre, limité cependant,
de musiciens peuvent apprécier avec l'aide seule de l'audition inté-
rieure la généralité des compositions. A cet égard, certaines sympho-
nies de Mozart, d'Haydn, ne leur présenteront pas de difficultés. S'il
s'agit de compositions plus compliquées, d'harmonies et de rhythmes
moins habituels, tels qu'en présente , par exemple , la Symphonie
avec chœur de Beethoven et, les œuvres de Berlioz, l'audition intérieure
devient véritablement insuffisante pour nos facultés bornées, et l'exécu-
tion est indispensable pour éclairer certaines parties de la partition.
C'est de cette double épreuve seulement que peut résulter pour la
critique une étude sérieuse, approfondie, impartiale.
En définitive, la lecture jugera en dernier ressort, en cour d'appel, si
je puis dire. Avec ses inconvénients, elle est encore moins sujette à
l'erreur que l'exécution. La lecture calme et sérieuse n'enthousiasme
pas le critique, mais répond à toutes ses investigations. L'exécution,
c'est la fée décevante qui déroule devant vous un tableau fuyant tou-
jours sans qu'on puisse un instant le retenir, qui souvent prête un
éclat trompeur aux œuvres sans mérite et qui souvent aussi refuse son
concours fidèle à l'œuvre du génie.
Le public, il n'est pas besoin de le dire, ne peut recourir à la partition,
mais au moins faudrait-il que les exécutions d'une œuvre fussent assez
fréquentes et assez parfaites pour lui tenir lieu en quelque sorte d'une
épreuve décisive que l'insuffisance de connaissances ne lui permet pas
de tenter. Or, les exécutions des œuvres de Berlioz sont-elles assez
nombreuses, et, quel que soit le zèle des exécutants, suffisamment pré-
cises pour ne laisser aucun doute à ceux qui ne peuvent exercer aucun
autre contrôle sur leurs propres impressions ? La pensée du Tuba mi-
rum est si claire qu'elle frappe du premier coup ; mais le Lacrymosa,
par la complexité des idées, par la nature des motifs où domine le va-
DE PARIS.
389
gue religieux, par les difficultés mêmes d'exécution qu'il renferme, par
l'absence de ces formules : cadences parfaites, crescendo, repos sur la
dominante, oreillers commodes sur lesquels se repose la paresse de
l'auditeur, qui n'en pressent que mieux l'instant précis où quelque mé-
lodie nouvelle, sinon neuve, doitéclore; par ces raisons réunies, le
Lacrymosa demande des auditeurs patients, yélés, consciencieux, et qui
ne prennent pas l'inaptitude de l'oreille et de l'esprit pour l'erreur du
compositeur. Bientôt ils trouveraient leur récompense , car chaque
exécution nouvelle de l'œuvre effacerait chez eux quelque doute et
ferait surgir quelque beauté à leur intelligence charmée.
Léon KREUTZER.
REVUE CRITIQUE.
Mlle Juliette DMllon — BUSH. Berrettonl Cliarle» Polnot, Emile
BttUng, Xalexi, Uarmoutcl, Rosellen, Uarcuilhoii, Viénof,
ILéopolil de Urjcr et Georges .Uatliias.
Je pourrais bien, comme de certains feuilletonistes, me plaindre des
exigences de mes hautes fonctions de critique qui m'obligent à m'oc-
cuper d'ouvrages qui ne sont pas précisément tous marqués au coin
du génie, ou qui ne portent pas le cachet d'un profond savoir ; mais il
est moins du devoir de ces mêmes critiques de se mettre en scène, de
se draper dans leur individualité scientifique ou prétentieuse, que de
signaler à toutes les intelligences les ouvrages qui peuvent leur con-
venir, fût-ce même ceux d'une forme naïve, enfantine ; et, dans cette ca-
tégorie, nous signalerons, tout d'abord, les Scènes de la vie de pension,
série de morceaux il' ensemble, chœurs, trios et duos, etc., expressément
composés pour les maisons d'éducation. La première livraison de ce
recueil est en forme de quadrille chanté, à deux voix, premier et
second dessus, avec accompagnement de piano. Cela se compose de
cinq morceaux comme tout quadrille de contredanse, Pantalon, Été,
Poule, etc. Chacun de ces petits morceaux est mélodique avant tout ;
ils peignent on ne peut mieux la locomotion, les devoirs et les plaisirs
de la vie de pensionnat. C'est le réveil, le dîner au doux bruit des
fourchettes, les rondes joyeuses sur la Monaco, contredanse favorite
de Napoléon, la chanson Sur le pont d'Avignon,, où tout le monde passe
en rond ; et, enfin, les plaisirs du dortoir, sans oublier les rêves dorés
qu'on y fait, dont on s'y berce ; tout cela assaisonné de maximes mo-
rales, trop sentencieusement philosophiques pour de jeunes filles rieuses
qui cultivent peu ce style entre elles.
La seconde livraison contient la Distribution des prix, hymne
triomphal avec chœurs, sorte de Marseillaise scolaire qui dit :
Dans ce séjour, jeunes élèves,
Le jour des prix est arrivé !
Nous décernons volontiers celui de la mélodie franche et facile, et
celui d'une harmonie enfantine et très-suffisante à ce petit ouvrage de
bon enseignement musical dont Mlle Julliette Dillon, organiste et im-
provisatrice, est l'auteur.
— M. Berrettoni a écrit une suite de mélodies sous le titre de la
Settimana musicale, c'est-à-dire qu'il amis ses chants, chants ausom'ens
et faciles, sous le patronage de chacun des jours de la semaine : la
Lune sous l'invocation du lundi ; les Leçons du grand-papa sont don-
nées le mardi ; les Plaintes de Nello sont poussées le mercredi ; le
ISautonnicr se livre aux flots le jeudi, etc. M. Edouard Plouvier est l'au-
teur des spirituels conseils du grand-papa, et M. Emilien Paccini a fort
bien traduit les paroles italiennes du compositeur, qui s'est montré,
dans ces bagatelles musicales, mélodiste facile et naturel.
— M. Charles Poisot jette parfois dans la circulation musicale
des morceaux de salon pour le chant qui se distinguentpar de fran-
ches mélodies et une harmonie peut-être un peu recherchée, mais
toujours correcte. Il a composé une scène dramatique pour voix de
basse, intitulée le Pèlerin, qui est d'un beau caractère, ainsi que la
lithographie dont elle est ornée; puis viennent le Rideau, le Gondolier
vénitien, et la Marguerite, marguerite effeuillée bien curieusement par
une jeune fille, sujet traité bien souvent, et contre lequel il n'est pas
facile de lutter si l'on vient à penser à la jolie romance de Rose-de-Ma*
dans le Val d'Andorte.
— Si de la romance et de la chansonnette nous passons, en descendant
quelque peu, à la valse, nous trouvons en première ligne M. Ettling,
l'un des infatigables producteurs de cette tournoyante et agréable mu-
sique. Son Aurélia est une charmante demoiselle, à en juger par son
portrait qui sert de frontispice à cette petite œuvre musicale. Aurélia,
par sa tournure mélodique, ressemble à Ophéliu, Emilia, et toutes ces
dames aux camélias qui charment l'ouïe et les jambes des amateurs de
polkas, de redowas, de schottischs, et doit mettre en mouvement bien
des jolis doigts sur les claviers des pianos chorégraphiques, c'est-à-
dire ceux qui servent à faire danser.
— Et voilà que, déguisant, par le nom du moins, le farouche et som-
bre Lara de lord Byron en belle et jeune Italienne, M. Talexi adresse
au beau sexe en général, et à Mlle Marie de Vaulgrenant en particu-
lier, car elle lui est dédiée, une Polka-Mazurka qui en vaut bien une
autre, et même deux autres sous le triple rapport du rhythme, de la
grâce et de l'entrain.
— M. Marmontel, le professeur soigneux , patient et rationnel, qui
crée de si bons pianistes au Conservatoire, a cru devoir se récréer lui-
même en écrivant aussi une Mazurka de salon qui, fût-elle jouée ou
dansée à la cuisine ou au grenier, paraîtrait toujours jolie et brillante,
et d'une élégance de style dont l'auteur a donné des preuves plus sé-
rieuses dans un excellent recueil d'études pour le piano.
— Dans le même ordre d'idées mélodiques et faciles, M. Rosellen a
été se promener sur l'Océan, ce qui lui a fourni l'occasion d'écrire un
morceau, une barcarolle, qu'il a intitulée tout naturellement: Promenade
en mer. M. Rosellen est un pianiste éminemment mélodique et excellent
arrangeur de la musique des autres ; mais dans sa Promenade en mer,
il ne s'est inspiré que des vastes balancements des flots. La mélodie et
les traits glissent bien en vagues incessamment mugissantes ; car, ainsi
que le dit une romance maritime : La nurse plaint toi jours; mais
M. Rosellen préfère la grâce de son art à sa haute et plaintive poésie :
aussi sa barcarolle est-elle un charmant morceau qui conviendra par-
faitement aux moyennes intelligences musicales de la plupart des exé-
cutants et des auditeurs.
— M. Marcailhou est encore un de ces inépuisables compositeurs de
valses et de mélodies, sinon très-originales, du moins gracieuses et
faciles. L'Espérance et Raphaela sont dans ce rhythme ternaire que la
main droite varie un peu, mais qui est d'une cruelle invariabilité à la
main gauche, avec ses trois noires depuis le commencement jusqu'à la
fin, ce qui devient fort monotone quand on se livre exclusivement à la
valse. Quoi qu'il en soit, M. Marcailhou la fait fraîche, vive et gracieuse"
de la main droite; il y a compensation.
— M. Viénot fait aussi la valse et la mazurka, et la polka, et le qua-
drille à mort. Radieuse, sa 25e valse de concert, et Riga, son 22e ca-
pricc-mazurk'i, témoignent de la gloire artistique de ce jeune officier,
qui manie aussi bien le clavier du piano, quand il exécute sa légère
musique, qu'il manœuvre dextrement son cheval quand il participe à
quelque brillante charge de cavalerie légère.
— Et maintenant, nous signalerons parmi les pianistes- compositeurs,
producteurs et légers de toucher, de grâce et de brio, le brillant
Léopold de Meyer, qui vient de jeter aussi dans la circulation musicale
un Nocturne élégant, un Quadrille et un Galop de concert, et bien
d'autres choses encore, telles quedes Airs styriens variés pour le piano,
et l'Adieu, morceaux d'une charmante allure comme le Départ de
Schubert. C'est le ménestrel, le militaire, l'artiste insoucieux, qui disent
adieu à tout ce qu'ils aiment, mais avec l'espoir de revenir bientôt,
car le pianiste-compositeur a chanté délicieusement dans deux autres
nocturnes déjà publiés, l'Absence et le Retour. L'Iris, les Fleurs d'Ita-
lie, l'Espérance, sont des étincelles musicales qui se refusent à l'ana-
lyse. C'est un recueil de madrigaux, de bouquets à Chloris, d'épigram-
mes légères qui réveillent, charment l'esprit et l'ouïe. C'est léger, ca-
390
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
pricieux ; cela fait diversion à la Grande fantaisie sur le Prophète, par
lemême auteur, drame instrumental qui résume, ainsi que nous l'avons
déjà dit en cette feuille, le chef-d'œuvre de Meyerbeer.
—Georges Mathias, qui est un de nos forts pianistes comme exécutant
elcompositeur, et qui ne jette guère sur le papier que des idées musicales
qui lui sont propres, des tableaux qu'il voit dans la nature ouïes impres-
sions de cœur qu'il éprouve, nous a retracé dans un contraste piquant,
une suave image de la campagne, des plaisirs champêtres, une Pasto-
rale, enfin, suivie d'un de ces airs de danse, dernière expression de
notre extrême civilisation, dont nous voyons les résultats voluptueux
et maniérés à l'Opéra. D'un côté, c'est le calme imposant des champs,
les mille bruits de la nature, les vapeurs d'une belle soirée d'été dans
un andantino en sol bémol majeur, sur une mesure à six-huit qui
vous berce du balancement et du bruissement des arbres, du gazouil-
lement des oiseaux qui se couchent sous le feuillage ; d'autre part, et
en contraste de cette douce églogue, on entend, on voit dans l'air de
danse qui suit ce tableau champêtre, l'archet élégant du violoniste solo
de notre Académie impériale de danse, Varco con elegansa e ondeg-
giando, et provoquant la prêtresse de Terpsychore à bondir, se tordre,
sourire d'une manière forcée, ce qu'on appelle développer ses grâces
à l'Opéra.
Ce caprice chorégraphique est lui-même plein de véritable grâce
mélodique, de modulations ingénieuses, de traits brillants qui assimi-
lent le piano au violon, ce qui n'est pas en faire un mince éloge.
Georges Mathias est, nous le répétons, car nous croyons l'avoir dit autre
part, le pianiste-compositeur du présent et de l'avenir, s'il continue de
marcher dans la voie où il est entré.
Henri BLANCHARD.
CQRRESPOIDANCE.
Marseille, 30 octobre.
Les débuts sont terminés depuis quelques jours seulement au Grand-
Théâtre, et les représentations du drame lyrique , arrêtées pendant près
d'un mois faute d'un premier ténor suffisant, ont repris leurs cours ré-
gulier.
Les ouvrages joués jusqu'ici sont les Huguenote, la Juive, Robert, Lucie.
Le Prophète paraîtra bientôt pour compléter cette brillante série de chefs-
d'œuvre, et dès-lors tout marchera parfaitement au gré du public et du
directeur.
Le ténor qui devait cette année tenir l'emploi de Nourrit et de Duprez
à notre Grand-Théâtre, s'appelle Fedor, jeune artiste à la voix sympathi-
que et chanteur agréable dans les morceaux qui n'exigent pas une grande
force d'expression. Bien que son talent fût incomplet, M. Fedor aurait
fini par planter sa tente au milieu de nous , s'il eût mieux connu le
grand répertoire du drame lyrique ; mais M. Fedor est Busse d'origine, et
par conséquent peu familier avec notre langue. Il n'a jamais chanté qu'en
italien sur les théâtres de Venise et de Londres, et vous pouvez compren-
dre alors les difficultés qu'il avait à combattre dans des rôles qui étaient
pour lui autant de nouveautés.
Heureusement, M. Provini a pu trouver pour remplacer M. Fedor, parti
de Marseille avec les honneurs de la guerre, un autre ténor, M. Chaunier,
dont le public se contente aujourd'hui, et qu'il a définitivement adopté
après lui avoir fait subir ses trois épreuves. Dire que M. Chaunier réunit
toutes les qualités indispensables pour bien chanter le drame lyrique, ce
serait mentir à l'évidence ; mais il a l'essentiel : la force, l'énergie et
beaucoup de chaleur dans les scènes passionnées.
A côté de M. Chaunier, Mme Lafont captive le public par une voix puis-
sante bien timbrée et fort étendue. Mme Lafont n'est pas étrangère à l'art
du chant ; elle phrase selon la méthode, et son instinct musical lui fait
deviner parfois ce que l'art ne lui a point encore révélé; il y a de plus
chez cette jeune artiste, qui commence à peine le théâtre, un très-beau
physique et un sentiment du drame que l'on rencontre rarement à. ce
degré parmi les chanteuses de province. A notre avis, Mme Lafont est
destinée au plus brillant avenir, et nous ne serions pas surpris de la voir
tôt ou tard occuper un rang distingué sur la scène de l'Académie nationale
de musique.
M. Belval, première basse taille du grand Opéra, est un de ces artistes
chez qui l'intelligence frappe d'abord le spectateur. Il a du physique, de
la tenue, et donne à ses rôles l'ampleur et la dignité qui conviennent à
leur caractère. La voix de M. Belval est aussi fort étendue; par malheur,
ses notes graves n'ont pas toute la force et l'éclat désirables; mais ceci ,
nous avons lieu de le penser, est une lacune que l'étude peut faire dispa-
raître, et nous avons assez bonne opinion de M. Belval pour croire qu'il ne
négligera rien pour obtenir ce résultat
L'artiste qui tient l'emploi de baryton est M. Martin, déjà connu à Mar
seille, et qui, cette année, est revenu de Bruxelles pour reprendre sa
place, dont plusieurs artistes avaient essayé de s'emparer sans pouvoir
réussir. Ce que l'on peut reprocher à M. Martin est une fougue désor-
donnée qui entache parfois ses meilleures intentions. Il ne maîtrise pas
assez sa voix et la jette sans ménagements dans des passages qui deman-
dent à être exécutés avec une certaine réserve. Si M. Martin parvient à
se corriger de ce défaut, il pourra lutter avantageusement contre ses
rivaux, qui n'ont certes pas comme lui une voix aussi belle et un phy-
sique aussi imposant.
Dans l'opéra comique, les deux sujets qui tiennent le haut bout sont
M. Audran et Mme Charton. Audran, vous le connaissez assez pour que
je me borne à vous apprendre ses succès dans Giralda et la Dame blanche,
et tous les rôles joués par lui jusqu'ici. Quant à Mme Charton, elle continue
à faire les délices du théâtre de Marseille, par le charme de sa voix, l'é-
clat de sa vocalisation, l'esprit et la finesse de son jeu : aussi les applau-
dissements, les rappels et les bouquets magnifiques lui sont-ils prodigués
avec une juste libéralité par notre public, toujours plus enthousiaste des
éminentes qualités de notre brillante cantatrice. Nous avons pour basse
comique, M. Barielle; pour Dugazon, Mlle Ilannegresse, et pour Trial,
M. Henry.
Tous ces artistes sont admis aujourd'hui. 11 ne s'agit plus que de monter
des ouvrages nouveaux, et sur ce point la direction ne montre pas une
grande activité. En attendant on va reprendre Moïse et Norma, ouvrage
daus lequel Mme Lafont est, dit-on, fort bien.
Les concerts chôment un peu cette année. Le premier, qui sera donné
la semaine prochaine, est celui de M. Etienne Arnaud, notre compatriote
et compositeur de romances. M. Arnaud fera connaître dans cette soirée
toutes les romances inédites de son Album de 1853, qui seront exécutées
par Mmes Charton et Lafont, Audran et Delval.
Le Conservatoire de Marseille va reprendre prochainement ses travaux.
On parle de divers changements apportés dans l'organisation des études.
Déjà l'ancien directeur, M. Barsotti, a été mis à la retraite; le nouveau
directeur nommé est M. Auguste Morel.
A Monsieur le rédacteur de la Gazette Musicale.
Bruxelles, 12 novembre 18D2.
Monsieur,
Beaucoup d'artistes et d'amateurs de musique me font l'honneur de
m'écrire pour m'exprimer l'intérêt que leur inspire le travail que je publie
dans la R:vw: et Gazette musicale de Paris, concernant le développement
futur de la musique dans le domaine du rhythme. Plusieurs me fournis-
sent des renseignements curieux sur le caractère rhythmique des airs
populaires de leur pays; tous me demandent de poursuivre la publication
de ce travail sans interruption.
Permettez-moi d'exprimer ici ma reconnaissance à ces personnes bien-
veillantes et amies de l'art , puis de m'excuser pour les retards que
je suis forcé quelquefois de mettre clans la rédaction de mes articles, à
cause des devoirs de ma position. Par exemple, le septième article, qui
est de grande importance par son objet , est commencé depuis plus de
quinze jours, mais j'ai été obligé de l'abandonner pour les préparatifs de
la distribution des prix aux élèves du Conservatoire de Bruxelles et pour
l'organisation des concerts de la saison d'hiver. Quelle que soit donc ma
bonne volonté, je ne pourrai vous envoyer cet article pour Je numéro de
la Gazette qui paraîtra le <IZi de ce mois, mais j'espère pouvoir le donner
dans le suivant.
Agréez, etc.
FÉTIS,
NOUVELLES.
„.% Demain lundi, à l'Opéra, le Juif errant.
**„, Moïse a été donné trois fois de suite : lundi, mercredi et vendredi.
A chaque représentation la salle était comble, et l'exécution générale du
chef-d'œuvre fait des progrès. Le magnifique final du troisième acte,
rendu avec une puissance inconnue jusqu'ici, excite plus quejamais l'ad-
miration et les transports.
**,,, Luisa Miller, l'un des derniers ouvrages de Verdi, doit être donné à
à ce théâtre pour les débuts de Mme Bosio, que nous avons entendue il y
a trois ou quatre années au Théâtre-Italien.
DE PARIS.
391
»*„ On répète déjà le Dernier jour de la Fronde, l'ouvrage en cinq actes,
dont la musique est de Niedermeycr.
„*„ Vendredi, à l'Opéra-Comique, le Caïd a éW repris pour les ct.'-buts
do Faure, qui remplaçait iirnnann-Léon dans le rôle du tambour major.
Le jeune artiste n'a pas été moins heureux dans ce second essai que dans
le premier. La musique du Caïd lui a fourni l'occasion (Je montrer toute
la souplesse et l'agilité de sa voix. Il a parfaitement chanté et joué avec
beaucoup de gaîté, d'intelligence, sans exagération aucune. C'est un succès
des plus francs et des plus légitimes. Mme Ugaldc a repris le rôle de Vir-
ginie avec tout l'éclat de sa vocalisation extraordinaire et la verve pi-
quante de son jeu. Boulo et Sainte-Foy se sont aussi distingués chacun
dans son genre, et chacun a eu sa bonne part de rire et de bravos.
„*» L'ouvrage en trois actes, de Scribe et d'Auber, dans lequel Mlle Du-
prez doit faire ses débuts, avance rapidement Depuis plus de huit jours
les répétitions se font au théâtre.
„,*„.. L'ouverture du Théâtre-Italien est toujours fixée à mardi prochain,
16 novembre. On avait craint de nouvelles difficultés pour la conclusion
du bail, et déjà il était question de jouer à l'Odéon, en alternant avec la
troupe dramatique. Mais heureusement l'afl'aire s'est arrangée, et la
troupe chantante ne changera pas de domicile. La saison commencera
par Otello, dans lequel Sophie Cruvelli fera sa rentrée avec Calzolari et
Belletti. Bettini débutera dans le rôle d'Otello.
*** La cantate qui sera exécutée le jour de la représentation solen-
nelle, en présence du Prince-Président, est de M. Méry, pour les paroles,
traduites en italien par M. Baini ; la musique est de M. Fontana.
x% Le Postillon de long jumeau et Chollet, son joyeux interprète, ont
retrouvé au Théâtre-Lyrique toute leur vogue populaire. C'est là un vé-
ritable opéra comique, dont les auteurs ont eu le talent de concilier les
qualités de l'ancien genre avec les conditions de l'art moderne. Il n'est
guère possible d'imaginer un sujet plus heureux, plus heureusement
traité. Avec Chollet, Mlle Guichard et Grignon père, le succès est donc
aussi brillant que possible, et tout annonce qu'il ne s'arrêtera pas de
si tôt.
„*» On a encore repris, au même théâtre, les Deux voleurs, de MM. de
Leuven et Brunswick, musique de M. Girard. Ce petit acte fort amusant
ne pouvait manquer de réussir au boulevart du Temple comme à la salle
Favart. Colson, qui débutait dans le rôle créé parMocker, a été fort bien
reçu, ainsi que Mlle Renaud, qu'on a déjà vue au théâtre du Vaudeville.
„*„ Mlle Méquillet est en ce moment à Paris.
„% La messe solennelle de Sainte-Cécile, composée expressément pour
l'association des artistes musiciens par M. Ambroise Thomas, sera exécu-
tée le lundi, 22 de ce mois, à onze heures du matin, dans l'église Saint-
Eustachc par 600 artistes, sous la direction de M. Tilmant aîné. Les per-
sonnes qui ne pourraient assister à la messe et qui désireraient en-
voyer leur offrande, sont priées de la faire parvenir à Mmes la duchesse
de Narbonne, rue de Varennes, n° 65 ; la marquise du Plessis-Bellière,
place delà Concorde, n° 6; la comtesse de Gosier, rue Pelletier, n° 5 ; la
baronne de Talleyrand; de Menuechet de Barival, rue Grange-Batelière,
n° 12; Adolphe Adam, rue de Buffault, n° 24 ; dames patronesses.
„*„ Plusieurs notabilités musicales se sont empressées de donner à
M. Farrenc, directeur de la Société symphonique, des preuves de leur sym-
pathie. La jeune 'et déjà célèbre pianiste Mlle Clauss, qui doit partir pour
la Russie dans le courant de décembre, exécutera, au premier concert, le
concerto en mi bémol de Beethoven. M. Ferdinand Miller, maître de cha-
pelle et directeur du Conservatoire de Cologne, se fera entendre à la se-
conde séance, dans le concerto en ut mineur du même maître. Parmi les
ouvrages qui figureront sur les autres programmes, nous citerons une
nouvelle symphonie de M. Hiller, exécutée avec succès à Londres, pendant
la dernière saison, par la Société philharmonique; une symphonie de
M. Léopold Aimon ; deux symphonies de Mme Farrenc, et plusieurs ou-
vertures d'auteurs illustres qui n'ont pas été entendues à Paris depuis un
grand nombre d'années. Indépendamment de ces nouveautés, la Société
exécutera quatre symphonies, au moins, des grands maîtres Haydn, Mo-
zart ou Beethoven.
jt Il y a quinze jours, les comités des quatre associations artistiques,
présidées par M. le baron Taylor, étaient convoqués à huis clos dans leur
salle de concert, bazar Bonne-Nouvelle, pour entendre ,1a lecture d'Hip-
polyte porte-couronne, chef-d'œuvre traduit d'Euripide, dont les premières
représentations prochaines sont destinées au bénéfice de leur caisse de
secours. L'auteur lui-même, M. Sébastien Rhéal, lisait sa traduction, et
M. Elwart, compositeur de la musique, dirigeait les chœurs chantés par
les élèves du Conservatoire. Des applaudissements réitérés ont salué cette
nouvelle résurrection de l'art grec, qui promet un double intérêt.
„*„ Rosenhain est de retour à Paris.
t% Parmi les instruments de musique qui ont appartenu à M. le baron de
Trémont et qui ont été vendus après son décès, se trouvait un magnifique
violon de Stradivarius qui a été acheté par M. A. Herraann. Cet habile ar-
tiste doit le faire entendre au concert de la Société philharmonique du
Havre, le 22 de ce mois, jour de la Sainte-Cécile.
*„ Mlle Joséphine Martin est de retour à Paris et va reprendre le cours
de ses travaux.
„,% Emile Albert, l'élégant pianiste, est arrivé depuis peu d'Italie, où i
vient de publier avec succès plusieurs nouvelles compositions qui ne tar-
deront pas à paraître à Paris.
„,% M. Meumann, l'habile pianiste, passera l'hiver à Lisbonne.
„,*„ W. Krugcr est de retour de son voyage en Allemagne, pendant le-
quel il a obtenu de brillants succès, à Berlin notamment, où il a donné
concert avec Roger.
*t A propos de l'annonce du Guide de chant, pratique, de M. Slilhès,
M. l'anofka nous écrit pour protester contre l'idée qu'il aurait emprunté
ce titre. En conséquence, il déclare que l'ouvrage, dont la prochaine pu-
blication à Paris a été annoncée dans l'avant-dernier numéro de ce jour-
nal, est une nouvelle édition de son /'radical singing lutor (Guide de
chant pratique) publié à Londres en 18/|9, une année avant le prospectus
de M. Milhès.
t*t M. Stéphen de la Madelaine, cédant au désir exprimé par un certain
nombre d'artistes et d'amateurs, ouvrira incessamment un cours de mé-
canîsme vocal dans lequel il développera les doctrines de ses théories com-
plètes du chant. On s'inscrit dès à présent chez lui, 19, rue Tronchet. —
M. de la Madelaine a repris ses leçons particulières.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
„.*„ Berlin. — Le théâtre de la Wilhelmstadt a donné Cenerenlola pour les
débuts de la signora Viola, qui avait déjà chanté précédemment à Koenig-
stadt. Galvani (le prince), qui est doué d'une jolie voix, et Zucconi (Don
Magnifico) qui est un excellent bouffe, ont été applaudis. Cosi fanlutlr sont
à l'étude. L'exécution d'iphigénie, de Gluck, au Théâtre-Royal, a été des
plus brillantes ; Mlle Wagner et Mie Koester s'y sont disputé la palme.
„*„ fiade, 9 novembre. — Le dernier numéro de la Gazette musicale,
parle avec grand éloge de la musique du 28e régiment d'infanterie autri-
chienne , et dit que c'est la meilleure musique de toute l'armée : c'est
justice et vérité. Il faut ajouter que c'est au chef d'orchestre, M. Koen-
nemann, que sont dus ces progrès remarquables. Nous avons toujours ici
Mlle Rosa Kasnter, la charmante pianiste viennoise; elle doit se rendre
à Paris vers le mois de janvier, et on peut lui présager un grand et légi-
time succès.
„,*„ Munich. — Les concerts de la chapelle de la cour ont commencé
le 1" novembre. Les nouveautés qu'on nous promet pour la saison d'hiver
sont : Turandot, de Schiller, avec la musique de Lachner; te Songe a'une
nuit d'été, par A. Thomas; OEdiperoi, de Sophocle, dont Lachner a mis en
musique les chœurs et les récitatifs sur l'invitation du roi, Maximilien I",
etVIphigénie en Âulide, de Gluck.
„*,j. Hanovre. — M. Fischer, jusqu'ici directeur de musique à Mayence,
a été nommé chef d'orchestre au théâtre d'Hanovre, en remplacement de
M. Helmsberger, qui est tombé grièvement malade.
„% Vienne. — Au moment où M. de Lwoff parut sur la scène pour la
répétition générale de son nouvel opéra, Ondine, l'orchestre exécuta
l'hyme national russe. M. de Lwoff, qui, comme on sait, en est l'auteur,
remercia l'orchestre de cette attention. Online a eu le plus grand succès.
Après la représentation, une sérénade a été donnée au compositeur, qui
est reparti pour Saint-Pétersbourg. Dans le courant de la saison, on doit
représenter une nouvelle partition de M. Flotow intitulé Indra.
**„ Darmstadt. — La première nouveauté que nous entendrons pendant
la saison, c'est le Vingeur, opéra de Schindelmeisser, qui est en répétition.
— M. Moncouteau, organiste de Saint-Germain-des-Prés, auteur de
plusieurs ouvrages, justement estimés, sur l'harmonie et la transposition,
vient de faire paraître une nouvelle publication intitulée : Recueil de leçons
d'harmonie. Le plan de cet ouvrage permet de repasser facilement, sans
fatigue pour la mémoire, les marches et les formules harmoniques les
plus usitées.
— Le nouvel opéra de L. Clapisson, les Mystères d'UJolphe, dont la mu-
sique a été si favorablement accueillie et apprécié par le public, va pa-
raître chez l'éditeur J. Meissonnier fils, 18, rue Dauphine. Les morceaux
de chant seront mis en vente le 25 novembre.
— M. Mecum, luthier à Cologne (Pr. Rh.), 10, Ursula-Strasse, possède
un alto magnifique de Jos. Guarnerius. Cet instrument est, sans contredit,
le plus beau chef-d'œuvre sorti des mains du célèbre maître. ( Prix :
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dites-vous? » 6 »
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11. Air chanté par Mlle Garnier : « Bondissez et dansez, fol
essaim. » 4 »
12. Air de dans" 6 »
13. Air indien de l'Oiseau moqueur, chanté par Mme Rouvroy :
« Entends-tu sous les bambous. » 4 50
14. Duo chanté par M. Talon et Mme Rouvroy : « Tant d'or à
vous, ô ciel , Zélide. » 9 i>
15. Trio chanté par MM. Talon, Junca et Mme Colson : « Hélas !
tout m'abandonne. » 10 »
15 bis. Rjmance et dwJtu, extraits du trio, chantés par M. Talon
et Mme Colson : « Hélas ! tout m'abandonne. » 4 ,£.»
Couplets chantés par M. Menjaud : u Zéphoris est bon cama-
rade. » û *
Romance chantée par M. Talon :« J'ignore son nom. » 4 »
Duo chanté par M. Laurent et Mme Colson : « Arrêtons-nous
sous ces épais ombrages. ». 4 50
Trio chanté par MM. Laurent, Junca et Mme Colson: «O sur-
10
4 bis Couplets extraits du trio, chantés par M. Laurent : « Dans
le sommeil, l'amour, je gage. » 3 »
5. CvaUne chantée par M. Talon : « Un regard de ses yeux
viendrait finir ma peine » 3 »
6. Chœur sans accompagnement : «O barque légère et fidèle. » 2 50
7. Duo chanté par MM. Laurent et Talon : « On ne peut pas
rêver et manger à la fois. » 9 »
8. Grand air chanté par Mme Colson : « De vos nobles aïeux et
de votre couronne. » 6 »
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tëtranffcr ;n
Le Journ.i paraît le Dimanche.
ETTE MUSICALE
mm Fi^BIS
■-MftAivessa/wvwN.
SOMMAIRE Théâtre de l'Opéra-Comique, représentation solennelle. — Théâtre-
Italien, réouverture. — Le Requiem de Berlioz (4e et dernier article*, par Léon
Kreuzter. — Revue crilique, musique de violon, de violoncelle, de piano et de
chant, par Ilenri Ulanchart'. — Nouvelles et annonces.
THÉÂTRE DE L'OPÉRA-COMIQUE.
REPRÉSENTATION SOLENNELLE.
La représentation avait été retardée de huit jours, mais le pro-
gramme n'avait subi aucun changement. C'était toujours le Domino
noir, l'un des chefs-d'œuvre de Scribe et Auber, avec un pas inter-
calé au second acte, et la cantate de Méry et d'Adolphe Adam, placée
entre le second et le troisième.
Rien de plus brillant, de plus élégant que la décoration extérieure
et intérieure du théâtre. Un péristyle magnifique avait été improvisé
dans la rue de Marivaux pour recevoir le prince. L'illumination, com-
posée d'aigles et du chiffre de S. A. I. , éblouissait les yeux. Des cor-
dons lumineux entouraient l'édifice, dont les environs étaient sablés.
Dans la salle, le velours et l'or se mêlaient avec profusion aux fleurs
et aux arbustes. Des festons de roses artificielles formaient sur la de-
vanture des loges une quadruple guirlande. La richesse et la fraîcheur
des toilettes étaient rehaussées, et non écrasées, par tout cet éclat.
Vers sept heures et demie, le Prince-Président est arrivé au bruit des
acclamations qui retentissaient sur son passage. Le directeur, M. Emile
Perrin, l'a reçu et conduit à sa loge. A l'aspect de S. A. I., toute la
salle s'est levée et de nouvelles acclamations se sont fait entendre. Le
spectacle a commencé immédiatement.
Le Domino noir était joué par Couderc, Ponchard, Duvernoy, Na-
than; Mmes Ugalde, Blanchard, Félix, Decroix et Révilly. Couderc,
dans le rôle qu'il avait créé, Mme Ugalde, dans celui qui servit à son
premier début, ont surtout charmé l'auditoire.
Mlles Priora, Mathilde et Louise Marquet , empruntées au grand
Opéra, ont été fort applaudies dans le pas du second acte.
Ensuite est venue la cantate, intitulée : Fête des arts, Chants de
l'avenir. Dans cette cantate , ou plutôt dans cette scène , figurent
quatre personnages : la Musique, représentée par Mme Ugalde; la Poé-
sie, par Mlle Lefèbvre ; la Sculpture, par Mlle Wertheimber, et un
Africain sous les traits de Battaille. La Sculpture parle la première
et dit :
La France est satisfaite et le monde est tranquille,
Car le monde a toujours sur nous les yeux ouverts.
Et quand la Paix descend sur cette immense ville,
Le calme de Paris descend sur l'univers.
La Musique et la Poésie se joignent à la Sculpture pour annoncer
l'achèvement du Louvre. L'Africain, prend aussi la parole :
Entre les cités la première,
Paris, aux rayons éclatants,
Nous venons chercher ta lumière,
Eteinte chez nous par le temps.
Sur nos monts, comme l'aigle antique,
Ton aigle trouve un libre accès ;
La vapeur, sur la mer d'Afrique,
Est un pont sur le lac français.
L'œuvre du poëte et du musicien, traitée avec un égal talent, a été
constamment saluée d'applaudissements unanimes. Le passage suivant,
dit par la Musique, a encore redoublé l'enthousiasme :
Oui, les arts fleuriront. Cette illustre journée
Réunit tous les arts en lumineux faisceau ;
Hortense, mère auguste, artiste couronnée,
Du prince impérial a béni le berceau.
Et puis le musicien avait eu l'heureuse idée d'arranger le couplet
suivant sur l'air : Parlant pour la Syrie, l'une des plus charmantes
inspirations de la reine Hortense :
De sa mère chérie
Il se souvient toujours.
0 Fnnce, ô toi, patrie
Des beaux-arts, des amours !
Mémoire que révère
Son cœur reconnaissant;
La lyre d'uDe mère
Le berçait en naissant.
Après ce couplet, reçu avec transports, la toile du fond s'est relevée,
soutenue par deux génies, et le Louvre réuni aux Tuileries s'est pré-
senté aux regards, en même temps que l'on voyait descendre deux
autres génies portant une couronne impériale, et que tous les artistes
qui remplissaient le devant de la scène, dans les costumes les plus va-
riés, agitaient des palmes vers la loge du prince et entonnaient le
chœur final :
riloire au travail ! L'œuvre est finie,
L'œuvre des deux Napoléon.
Le Louvre est fait; gloire au génie!
Les beaux arts ont leur Panthéon.
Le Prince-Président a voulu complimenter les auteurs de cet in-
termède, ainsi que le directeur, et il les a fait venir dans sa loge pour
leur adresser des félicitations.
Le spectacle a fini vers onze heures et demie. La foule attendait le
prince autour du théâtre pour le saluer à son départ comme elle l'a-
vait salué à son arrivée.
P. S.
394
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
THÉÂTRE-ITALIEN.
Réouverture. — Olello.
Oui, nous aurons cet hiver un Théâtre-italien, et nous l'aurons dans
la salle Ventadour, deux questions aujourd'hui résolues, mais qui long-
temps ont paru plus que douteuses. Réjouissons-nous donc, puisqu'il
s'est encore rencontré un homme courageux qui n'a pas désespéré de
l'Italie et de sa fortune musicale. M. Corti ne s'est pas effrayé du triste
sort de ses devanciers : il a cru à son étoile, à ses efforts, à des temps
plus propices, et il a bravement tenté l'aventure. 11 a improvisé une
troupe, un répertoire, des décors, des costumes; il a fait tout ce qui
dépendait de lui. C'est au public à faire le reste et à dire le mot décisif,
le mot suprême, contre lequel il n'y a pas de recours ici-bas.
En atlendant que le public se prononce, nous n'hésiterons pas à dé-
clarer que la représentation de rentrée a été fort belle à beaucoup
d'égards. Nous avons vu des gens qui la trouvaient froide. Ils avaient
donc oublié les constantes habitudes du Théâtre-Italien de Paris ! Nous
avons assisté, même avant 1848, à des réouvertures qui n'étaient pas
plus chaleureuses, et dans lesquelles Mmes Grisi, Persiani, Mario, Tam-
burini, obtenaient à peine quelques bravos fashionables, où il n'y avait
pas un morceau bissé, où les rappels brillaient par leur absence. Au
contraire, mardi dernier, on a bissé, on a rappelé, on a applaudi, moins
sans doute que s'il y avait au parterre un bataillon chargé de cette be-
sogne, pour laquelle les mains non soldées et bien gantées éprouvent
une certaine répugnance ; mais enfin les artistes ont été traités avec po-
litesse, jugés avec justice, et quand la terreur ne les glacera plus eux-
mêmes, ils verront que le public aies qualités d'un réflecteur, qui ren-
voie toujours avec usure la flamme qu'on lui a communiquée.
C'était une bonne idée que de rouvrir sous les auspices de l'homme
de génie qui, par ses chefs-d'œuvre, ressuscita, il y a plus de trente
ans, le Théâtre- Italien. Olello, composé en 1816, fut donné à Paris en
1821, et Dieu, sait avec quel enthousiasme fut accueilli cet admirable
ouvrage ! On s' amuse souvent à récapituler les chutes de Rossini, chutes
du premier jour suivies de succès immortels, et les bévues de ses cri-
tiques. Nous étions à la première représentation à'ûtello, et nous pou-
vons affirmer que si quelqu'un se trompa ce jour-là, ce ne fut pas le
public. Mais il y avait dans une baignoire, à la gauche du parterre de
la petite salle Louvois, un compositeur justement célèbre qui avait ses
raisons pour ne pas trop aimer la musique de Rossini. 11 n'avait rien
négligé pour l'empêcher d'être jouée en France, et quelquefois il avait
réussi à la faire entendre le plus mal possible. Depuis l'immense succès
du Barbier (d'abord estropié par ses soins) et celui du Turco , flanqué
des meilleurs morceaux de Cenerentola , le célèbre compositeur était à
bout de voies : il avait bien eu l'adresse de ménager à son jeune rival,
à son cher compatriote, le fiasco complet de Torvaldo e Dorliska, le
demi-fiasco de la Pietra di Paragone. Il fallut pourtant se résigner à
produire une de ces partitions désignées par l'acclamation générale.
Olello fut donné : Garcia chantait le rôle du More ; Mme Pasta, celui de
Desdemone. Après le premier acte, reçu avec transport, on faisait cer-
cle devant la baignoire du compositeur célèbre, et on lui disait : « Savez-
n vous que c'est très-beau, cela? Savez-vous que toute celte musique
» est pleine de génie? — Oui, oui, le premier acte, répondit le maestro
» Paer (son nom nous est échappé ! ) ; mais vous allez voir, les deux
» autres actes, ce n'est rien du tout ! » Le public trouva, lui, que
c'était quelque chose.
Quant aux critiques, parmi lesquels se trouvaient sans doute des igno-
rants, il y avait dans le nombre aussi des juges parfaitement éclairés et
habiles. Par exemple, nous relisions l'autre jour les deux articles que
notre savant collaborateur, M. Fétis, consacra, dans su Revue musicale,
naissante alors, aux premières représentations de Moïse, à l'Opéra-
Français, en 1827, et nous ne croyons pas qu'à aucune époque la cri-
tique ait rendu au génie du compositeur, un hommage plus large, plus
élevé, mieux senti, que celui dont l'expression est encore toute pal-
pitante dans ces pages, qui datent de vingt-cinq ans.
Mais revenons à Otello et au théâtre Ventadour. Rettini, qui chan-
tait le rôle principal, était pour nous une physionomie de connaissance.
Il a toujours la même voix puissante et robuste ; on lui voudrait tou-
jours un peu plus d'émotion, d'ardeur. On voudrait voir dans ses traits,
sentir dans son accent la furie africaine, que Garcia possédait de nais-
sance. Rubini l'avait seulement dans la voix, mais cela suffisait, et nul
chanteur ne disait mieux que lui dans le duo du second acte : Il cor mi
si divide! Dans la cavatine du premier acte, il y avait aussi l'exubé-
rance et l'audace, qui se traduisaient par la volubilité extrême, par le
brio du style. Bettini a besoin d'y mettre plus de précaution ; il se hâte
lentement. La cavatine n'est pas son fait ; mais il a pris sa revanche
dans le duo, supérieurement secondé qu'il était par Bellelti, chanteur
de premier ordre, valant mieux que son rôle d'Iago et par conséquent
le disant à merveille. Même éloge à Calzolari, qui chante le rôle de
Rodrigo avec une voix délicieuse de fraîcheur, d'agilité, de pureté. Le
duo d'Iago et de Rodrigo méritait d'être redemandé, comme celui
d'Iago et d'Otello. N'est-ce pas Arnoldi qui jouait le rôle d'Elmiro ? Il
est un peu loin de Lablache , d'autant plus loin que Lablache est
allé en Russie. Si c'est pour y maigrir, nous ne disons rien.
Et la prima donna? Et Sophie Cruvelli? Nous l'avons gardée pour la
bonne bouche. Belle, jeune, costumée à ravir, dans la blancheur de sa
robe de gaze et de sa parure d'argent, voilà comme elle nous est
a pparue, et nous n'avons regretté qu'une chose, c'est que trop fidèle à
la partition du maître, elle n'ait pas chanté d'air à son entrée, et s'en
soit tenue au charmant petit duo : Vorrei cheil tuo pensiero. La voix
de Sophie Cruvelli n'a rien perdu de son volume, de son étendue, de
son timbre excellent. L'artiste a gagné en habileté, en science de mé-
canisme, et trop; gagné peut-être, car elle a trop envie de le mon-
trer. Les oppositions du forte au pianissimo reviennent trop souvent ;
le pianissimo va presque jusqu'à la bocca cliiusa. Dans la romance- du
Saule, il y a excès de variations, de fioritures jolies , mais calcu-
lées. Ici la cantatrice doit s'oublier pour faire place à la femme ,
à l'amante. Il faut encore songer que Desdemona est une fille chaste
et pure, bien que séduite par le More, et ne pas lui donner les al-
lures de Léonor, la maîtresse du roi, et de tant d'autres dans la Fa-
vorite. Sophie Cruvelli n'a vu ni Mme Pasla, ni Mme Malibran ; elle
a peut-être vu Mme Grisi et Mme Stoltz, voilà ce qui a pu la tromper.
Nous lui pardonnons volontiers ses erreurs en faveur de ses mérites,
qui sont de force à nous entraîner, comme le public, qui ne demande
pas mieux que de retrouver une diva, une passion, une idole, en la
jeune, la belle et la ben cantanle Sophie Cruvelli.
Ce n'a pas; été une petite surprise pour les habitués de la salle
Ventadour, que de voir qu'on avait profité de leur absence pour re-
mettre à neuf le local. Les bonnes gens avaient peine à s'y reconnaître.
Comment, des papiers frais partout, des peintures fraîches ! Mais ce
n'est plus là mon antique Venise, où il y avait de si belles taches au so-
leil et de si beaux trous dans la mer! Ce n'est plus mon jardin, mon
castel, ma galerie, ma chambre à coucher, dont les murs s'en allaient
par lambeaux ! Ce ne sont plus les loques qui servaient de robes et de
manteaux aux choristes ! Si l'on avait moins prodigué les roses dans le
jardin du secor.d acte, nous n'aurions que des compliments à faire au
décorateur.
Maintenant que le théâtre est lancé, nous allons voguer à pleines
voiles dans le répertoire. On nous promet des ouvrages nouveaux, des
compositeurs nouveaux, une Fiorïna du maestro Pedrotti; Il Gondo-
licro et le Nozze di Messina, du maestro Chiaramonte. Ce sera du neuf
assurément : pourvu qu'il ne se borne pas à l'affiche ! On nous promet
bien d'autres choses encore, anciennes et nouvelles ; nous écouterons
le tout et nous jugerons.
DE PARIS.
395
WjE MiaCQWJEEJJI I>E BERLIOZ.
(k° et dernier article) (I).
On me permettra une petite digression scolaslique a propos de l'Of-
fertoire n° 7, qui est une fugue. Les savan's qui n'ont point de goût et
les gens du monde qui n'ont point de science ne sont nullement d'ac-
cord au sujet de la fugue. Les uns la considèrent comme l'archétype de
la composition musicale, les autres s'enfuient au simple appel de son
nom. Cela s'explique aisément.
Ce qu'est une fugue, beaucoup de gens l'ignorent. Un compositeur
doit écrire un morceau qui comporte un grand nombre de voix ou
d'instruments. Comme il ne veut pas d'oisifs dans son orchestre, il
choisit un thème de nature à pouvoir être confié aux différentes voix,
aux différents instruments; à peine une voix l'a-l-elle quitté qu'une
autre s'en empare, tandis que la première brode à l'entour un thème
nouveau. D'abord et jusqu'au moment où l'oreille de l'auditeur sera en
pleine possessions des thèmes principaux, le compositeur promène sa
pensée dans des modulation les plus simples, les plus aisées, se con-
tentant de la variété que font naître les dessins divers, et, par la pré-
sence constante du premier thème, ramenant la composition à l'unité.
Telle est la première partie d'une fugue. Maintenant l'oreille est fa-
• miliarisée avec la pensée du compositeur : un champ nouveau s'ouvre
devant lui; la seconde partie commence. La première était le règne du
calme et de la majesté, la seconde est le règne du caprice. Les modula-
tions se succèdent, se hâtent ; les thèmes apparaissent par fragments,
quelquefois allongent majestueusement leurs périodes, quelquefois en
resserrent les contours; ils se combinent, s'enlacent de mille façons. Ils
sont libres, ils sont sans frein; l'harmonie, la modulation, sont libres
comme eux; mille effets piquants, mille jeux inattendus éclosent inces-
samment. Quelquefois, d'un détail ignoré surgit une phrase nouvelle
qui rejette dans l'ombre ces phrases naguères étincelant au pre-
mier plan, tandis que sur elle-même se concentre toute la lumière.
Mais le désordre va se glisser au milieu de ces combinaisons multiples;
de sa main puissante le compositeur arrête toute cette agitation, tout
ce mouvement. L'harmonie et la mélodie s'apaisent, le calme renaît, les
modulations ont cessé ; l'oreille pressent qu'elle entre dans une région
moins tumultueuse. Nous sommes à la troisième partie de la fugue.
Les thèmes principaux sont entendus de nouveau; ils se serrent, ils
s'embrassent encore, mais d'une étreinte moins convulsive; tout à
l'heure ils bondissaient, maintenant ils s'avancent d'abord par groupe,
ensuite tous réunis d'un pas égal et fier. Une pédale majestueuse s'in-
sinue bientôt dans la basse; l'œuvre s'approche de la fin. Le composi-
teur rassemble une dernière fois toutes les forces de son imagination;
un dernier coup de pinceau achèvera son œuvre : énergique, une péro-
raison éclatante réunira toutes les forces de l'orchestre et des voix sur
les assises colossales d'une majestueuse plagale ; douce et suppliante,
le chant s'affaiblira peu à peu comme ces fusées brillantes qui, après
avoir un instant embrasé le ciel, s'éteignent et retombent dans l'obs-
curité de la nuit.
Telle est la fugue, idéalisée peut-être, mais dont j'ai fidèlement re-
tracé les principaux caractères. Cette forme est l'une des plus belles, si-
non la plus belle que la musique puisse revêtir ; malheureusement, l'abus
l'a envahie, à peine en a-t-on pratiqué l'usage. Les anciens musiciens
avaient créé le moule; ils ne se préoccupèrent nullement du métal
qu'ils devaient y couler. Pourvu qu'elles se prêtassent à toutes les com-
binaisons de la science, ils acceptèrent sans choix, sans examen, sans
goût, toutes les mélodies qui se présentaient, ne s'inquiétant nullement
d'ailleurs du rapport qu'elles pouvaient offrir avec l'expression de la
pensée. Cet abus persiste encore de nos jours. La grandefugue en mibé-
mol de la messe des morts de Cherubini est un modèle de difficultés vain-
cues, mais elle repose sur une pensée vulgaire et elle glace l'âme en-
core émue des beautés du Pie Jesu. Voilà pourquoi les gens du monde
(1) Voir les numéros 63, Mi et 46.
que la plastique de l'art ne peut intéresser, s'ils veulent désigner un
morceau pédant et ennuyeux, accordent h la fugue incontestablement
le premier rang. Mais si cette forme admirable servait d'enveloppe à
quelques grandes pensées, grandes par elles-mêmes , grandes parla
beauté que leur prêterait lascience féconde, alors surgirait une œuvre où
louteslcs conditions du beau seraient réunies, où tous les ressources de
la musique: mélodie, harmonie, rhythme, sonorité, concentrés dans une
intention unique, exprimeraient la pensée dans toute la puissance que
l'art peut lui transmettre. La fugue ainsi régénérée serait la musique
même. Cette vérité, peu de compositeurs la connaissent; elle n'avait
pas échappé à Beethoven, qui, dans ses derniers quatuors, dans ses
dernières sonates, dans sa symphonie avec chœur, nous a donné des
modèles de fugues idéales. Berlioz, dans divers ouvrages, a traité éga-
lement la fugue à ce point de vue, mais jamais il n'en a donné d'exem-
ple plus frappant que celle qui sert d'Offertoire à son Requiem.
Au premier aspect, le lecteur découvrira que ce morceau n'offre nulle
trace des formules traditionnelles. La fugue se révèle, il est vrai, par les
entrées successives des instruments ; mais d'abord la phrase mélodi-
que, le sujet, pour me servir du terme consacré , se développe dans
une étendue et dans un mouvement qui n'est nullement habituel. La
fugue d'ordinaire procède par courts fragments, par nuances brutales ;
les couleurs sont violemment opposées les unes aux autres. Ici la pé-
riode a de l'ampleur ; elle s'avance paisiblement sans paraître craindre
que quelque voix rivale ne lui ravisse trop tôt la mélodie. La nuance,
délicate, scrupuleuse, colore le chant ; un unisson, semblable à ceux
signalés au début du Requiem, apporte au milieu du récit des instru-
ments à cordes, la plainte des instruments à vent. Voici déjà à cette
première page l'élément moderne introduit dans l'orchestre. Après
quelques développements où se fait sentir cette habileté de main que
les anciens maîtres possédaient si bien , quelquefois à défaut de la
grâce, l'inspiration de l'auteur pénètre encore plus profondément dans
le domaine de l'art nouveau (page 105). Une mélodie nouvelle éclate
spontanément dans l'orchestre, s'empare un instant de l'attention, puis
retourne rejoindre, dans les profondeurs de l'orchestre, le thème pri-
mitif qui s'y était réfugié pour lui laisser l'empire. Cette phrase épi-
sodique, les basses la reproduisent à leur tour en lui imprimant un
cachet nouveau de majesté. Le thème principal a reparu dans les pre-
miers violons ; mais il se brise, se morcelle, l'harmonie se voile, la
pensée semble hésiter: on dirait qu'un mystère va s'accomplir. Le lien
de l'orchestre, tout à l'heure si puissamment serré, semble prêt à se
rompre; ce colossal morceau semble suspendu maintenant au fil le plus
délié (page 118). Mais le rhythme se rétablit, et, tandis que le chant est
confié aux basses, les premiers violons murmurent un accompagne-
ment d'une suavité exquise : ce sont les anges qui soulèvent la mé-
lodie ; elle s'envole et plane dans l'éther, portée par des milliers de
petites ailes qui l'accompagnent d'un séraphique bruissement. L'accom-
pagnement se glisse dans les basses; l'agitation recommence à troubler
la limpidité du morceau ; un fragment de la mélodie présentée page
105 apparaît dans les instruments à vent; puis s'établit dans les
instruments à cordes une marche descendante (page 112), digne des
méditations des musiciens. Sans choc, sans heurt, les tons de fa ma-
jenr, de mi bémol, de ré bémol, à'ut majeur, de si bernoise succèdent
de deux en deux mesures. C'est le ramier qui d'étages en étages s'a-
baisse dans les plaines de l'air. Le morceau est près de finir. Jusqu'ici
l'on a suivi une fugue instrumentale, maintenant les voix vont re-
prendre leur empire. Au milieu de ces développements de l'orchestre,
elles n'avaient pas gardé le silence. Tout au contraire, et c'est là où
l'on ne saurait assez admirer, elles avaient rempli un rôle indépendant,
mais relié merveilleusement à l'ensemble. Dans la fugue telle que je
l'ai décrite, la présence presque constante du thème principal ramène
la composition à l'unité musicale. Ici, au milieu du luxe de l'harmonie,
des rhythmes, des modulations ; au milieu de tant d'effets surprenants
et nouveaux, les voix, qui n'abandonnent jamais les deux notes plain-
tives, la, si bémols, sur lesquelles elles se sont posées dès le principe,
396
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
ramènent constamment à l'unité de sentiment. Au point de vue plas-
tique, on remarquera l'art du compositeur qui a su enclaver ce court
fragment mélodique où la note principale, tonique médiante, sus-do-
minante, persiste toujours au milieu d'harmonies qui varient sans cesse.
Mais, je le constate, ces explications demeurent sans valeur ici devant
la grandeur de la pensée etde son expression. Vers la fin du morceau
(page 114), les voix régnent seules ; le si naturel est substitué au si
bémol. Il y a un monde de pensées entre ces deux simples demi-tons.
C'est la vie, c'est l'espoir; le doute a replié ses voiles funèbres, et
l'espérance reste debout, une croix lumineuse à la main.
L'Hostias et preces (page 116), quant au caractère du chant, rentre
pleinement dans le style de la musique ancienne. Plus de dessins variés;
la musique plane domine maintenant ; les sentiments divers que l'or-
chestre exprimait tout à l'heure, se rallient dans une unité majes-
tueuse, l'idée de l'oblation et du sacrifice. De vastes silences décou-
pent chaque invocation du chœur : il semble que c'est la voix de Dieu
qui répond à l'âme des fidèles, au milieu de ce silence, qui n'est pas
cependant l'extinction subite de toutes les voix de l'orchestre. Les voix
se taisent; mais le trombone, écho majestueux , s'empare des der-
nières harmonies au moment où elles les abandonnent; en même temps,
à la quadruple octave , les flûtes posent une harmonie aérienne , écho
de l'écho lui-même.
Par ces effets de sonorité, l'idée du silence est transmise à l'âme de
l'auditeur avec plus de vérité que par le silence même. Dans les arts, le
moyen matériel n'est pas toujours celui qui exprimera le mieux. A un
certain point de vue on peut contester l'exactitude de ce beau vers de
Milton :
No liglit but rather Darkness visible.
ainsi que ce vers français d'un poëte trop décrié :
Je ne vois que la nuit, n'entends que le silence.
Mais qui ne sent qu'il y a là quelque chose qui peint mieux que la vé-
rité elle-même? C'est l'idéal qui se révèle à vous, l'idéal qui est la vé-
rité de la poésie. Une impression analogue m'est toujours causée
par les pompeux accords de VHoslias. Quelques habiles se sont égayés
au sujet de la disposition des timbres dans ce morceau. « Les flûtes et
les trombones ! et cela au milieu du silence de l'orchestre, quelle asso-
ciation, justes dieux! »
Ils nous peignent Berlioz comme s'occupant plutôt à croiser des races
d'instruments, à rêver de parti pris toutes sortes de combinaisons fan-
tastiques, qu'à poursuivre une pensée musicale. C'est concevoir une
triste opinion de l'une des intelligences les plus élevées de notre temps.
Je ne suis nullement dans le secret du mode de travail et des procédés
de Berlioz , mais la lecture de ses partitions me donne la conviction
que ces effets, étranges et bizarres quelquefois, n'ont rien de prémédité;
qu'ils ne sont pas un jeu puéril de la part du compositeur ; qu'ils éclo-
sent pour fortifier l'expression, lorsqu'elle est de nature à ne pouvoir
être complètement exprimée par les autres attributs de l'art : mélodie,
harmonie ou rhythme. Et ce rapport entre le procédé et l'effet rendu
est si exact et si fidèle, qu'un auditeur intelligent pénétrera presque
toujours sa pensée, si énigmatique qu'elle puisse paraître au vulgaire.
Dans le Sonctus (page 119), la disposition de l'orchestre est des plus
ingénieuses : les voix hautes sont divisées en cinq parties , quatre par-
ties de violon, une de flûle. La voici venir, cette flûte céleste qui a pour
mission d'amollir ce que les violons , perdus dans les sommités de
l'aigu, auraient dans la voix de trop clair, de trop argentin. Sur un suave
trémolo d'altos, la mélodie semble se balancer comme sur une couche
de nuages. Un ténor solo proclame le Saint des saints; les soprani ré-
pètent son invocation : c'est une phrase noble et pure; le rhythme a
complètement relâché ses liens pour lui laisser toute la liberté de son
vol céleste.
Enfin, voici une fugue correcte, scolastique , une fugue tonale en-
core ! Emerveillez-vous, docteurs. L'enfant prodigue aura eu un res-
souvenir de la maison paternelle ; il aura voulu jeter en arrière un re-
gard sur le Conservatoire , ce temple de la musique classique, et faire
sur ses autels encore un sacrifice. C'est bien , mais qu'il n'y retourne
pas.
Il n'était pas besoin de cette fugue, où d'ailleurs la dominante la bé-
mol répond si irréprochablement à la tonique ré bémol, où la réponse
rentre si correctement dans le ton "de la dominante par la substitution
de l'intervalle de seconde à celui de tierce, pour attester les connais-
sances musicales de Berlioz. Tout comme un autre, il a eu son brevet
délivré par le Conservatoire; tout comme un autre, il a fourni toutes les
étapes qui conduisent du Conservatoire à la prison cellulaire de l'Aca-
démie des beaux-arts, et de là à la ville éternelle. C'est ce que je réponds
à de spirituels critiques-musiciens qui me bercent quelquefois de cet
agréable refrain : « Berlioz ne sait pas la musique ! » La vôtre, c'est
possible, messieurs. Quoi qu'il en soit, cette fugue est assez pâle, et
elle ferait tache dans l'œuvre si elle n'était fort courte, et si plustardle
compositeur n'en relevait l'effet par un de ces délicieux artifices que lui
dicte sa féconde imagination. Le Sanctus reprend après la fugue. Les
mêmes harmonies persistent dans les accompagnements. Mais voici
encore un effet aussi charmant qu'inattendu : les coups de grosse caisse
(oui, la grosse caisse peut être charmante) et de cymbales frappés FP.
sur les temps faibles de la mesure (page 127). Quelle poésie jette sur
ce passage cette vibration élhérée, semblable à un écho dans les pro-
fondeurs du ciel de la prière que l'homme envoie vers l'Éternel ! La
fugue ne nous abandonne pas ainsi : elle revient à son tour; mais cette*
fois la symétrie de ses périodes est adoucie par les sons argentins des
violons qui planent au-dessus d'elle : c'est la poésie jetant sur le réel
la gaze de son voile léger.
Je signale au commencement de V Agnus Dei (page 141) un dé-
licieux effet de résonnance; un suave accord se pose lentement dans
les instruments à vent, et à l'instant où ils l'abandonnent, les altos,
divisés en quatre parties, le saisissent au vol et en resserrent les nœuds
entre leurs cordes harmonieuses; l'oreille est tout à la fois surprise et
charmée. C'est nouveau, merveilleux, inattendu; c'est la harpe d'or
des anges. Ces sortes de résonnances sont nombreuses dans la parti-
tion de Berlioz ; les convenances du lieu les indiquaient en quelque
sorte. Elles sont la traduction idéalisée de ces mille échos qu'éveillent,
sous les voûtes sonores de la cathédrale, le pas de l'homme, la voix du
prêtre, la porte massive qui retombe sur ses gonds. A ces harmonies
s'enchaînent les pédales de trombone qui tout à l'heure résonnaient
dans Y'Hostias (page 145). Au milieu de ce calme et de ce silence, un
long fragment du premier morceau reparaît à son tour. Cette répéti-
tion était indispensable pour ramener l'assisLant à l'unité de sentiment;
mille objets divers, effrayants ou suaves, l'avaient longtemps occupé,
il fallait lui rappeler le but de sa présence dans le lieu saint : la dernière
prière à adresser à Dieu pour ce corps étendu sous le catafalque ; pour
cette âme maintenant en présence de son Dieu. Les voici doneces sombres
mélodies du Requiem, qui se déploient de nouveau comme des voiles
funèbres. La péroraison de l'œuvre est courte, mais admirable, dans
son laconisme et.sa simplicité. Une figure en triolets s'enroule dans les
instruments à cordes; les timbales, déchaînées et furieuses dans le
Tuba mirum, ont maintenant une autre tâche à remplir. Elles pro-
cèdent par coups mats, irréguliers, presque horribles (page 154)- Elles
devancent l'heure; le cercueil est encore là présent, qu'elles semblent
rejeter sur lui la terre qui le couvrira jusqu'au jour du suprême réveil.
Dans une œuvre taillée sur des proportions aussi gigantesques, où le
cachet du génie dominateur se trouve empreint au même degré que
dans un chant du Dante ou dans les fresques de la chapelle Sixtine,
est-ce à dire que la critique ne trouvera pas quelques taches à signaler ?
Il en est sans doute.
Je ne m'arrêterai pas à discuter certains effets de détails qui peuvent
paraître hasardés. L'œuvre est de celles qu'on doit voir de haut; elle
n'est pas de celles, qu'on me passe le mot, que l'on épluche. Un
reproche assez grave que l'on pourra adresser à l'auteur, c'est quel-
quefois de s'être trop complu dans son idée, de s'être, pour ainsi
dire, laissé arracher par certains versets de sa messe la légitime part
DE PARIS.
397
de développements qui revenait à d'autres versets. De cette dispro-
portion dans retendue des morceaux découle, quelquefois chez l'au-
diteur, un intérêt inégalement distribué. Le Requiem a quatre sommets
principaux : le Kyrie, le Tubamirum, le Lacrymosa, VO/fertoire; les
autres morceaux viennent se ranger autour d'eux; mais, quelle que
soit leur valeur, ils restent dans l'ombre au milieu de cette grandeur.
Berlioz répondra que s'il eut voulu développer tous les versets de la
prose à l'égal du Lacrymosa, l'œuvre eût acquis des proportions dé-
mesurées. Le musicien qui ne voudra pas se priver d'un chef-d'œuvre
donnera raison à Berlioz, mais non pas le chrétien, qui dans sa pensée
fait de la prose un ensemble complet d'angoisses et de douleurs Une
autre observation : mais il faut du courage à un musicien pour la faire.
Ces richesses d'imagination, ces variétés d'harmonies, de mélodies et
de rhythmes captivent quelquefois trop vivement l'imagination ; l'esprit
abandonne le sujet pour se prendre à la forme; on écoute, on est ravi;
mais l'idée funèbre qui doit peser sur l'âme attérée se soulève quelque-
fois, écartée par les presliges de l'imagination fallacieuse. Je l'ai dit,
un art ne progresse qu'à la condition de payer ce progrès par quelque
perte. A l'époque de Palestrina, la musique existait à peine ; plusieurs
des plus importantes parties de l'art n'étaient pas'même soupçonnées,
mais la foi vivifiait les œuvres défectueuses, La peinture trouvera dans
les Vierges de Perugino et de fra Angelico des fautes grossières de des-
sin, mais aussi le sentiment divin y éclatera avec plus de pureté en-
core que dans les tableaux de Raphaël, alors que son pinceau sublime
jetait sur la toile la Sainte-Cécile et la Transfiguration.
Le Requiem de Berlioz, noble, grave, sévère, beau de formes, beau
de pensée, plus sombre, moins attendri, mais plus religieux que ceux
de Mozart et de. Glierubini, respire la grandeur et la majesté ; il ne res-
pire pas encore assez la foi.
On ne me blâmera pas de ces longs développements donnés à une
œuvre déjà ancienne. Ce travail, en quelque sorte, a été spontané.
Après l'exécution du Requiem qui eut lieu dernièrement à Saint-Eus-
tache, je parcourus la partition, et, d'heure en heure, m'attachant d'a-
vantage à cette lecture, je résolus de consigner mes impressions dans
ce journal, voué aux questions les plus sérieuses et les plus élevées de
l'art. Un pareil travail eût pu être tenté sur la Symphonie fantastique
sur Harold, sur Faust, sur Roméo et Juliette. Mon but a été d'exciter
l'indifférence des artistes et des amateurs intelligents. Souvent ils ont
le conscience du beau, mais ils n'ont pas le courage d'en entreprendre
la recherche, et cependant combien il serait nécessaire que les artistes
d'élite se ralliassent autour du drapeau du grand art si incessamment
menacé ! Combien il serait nécessaire de renfermer dans de justes li-
mites cet art bourgeois, qui comme une marée redoutable, monte,
monte toujours et couvre déjà tant de hautes cimes: l'art bourgeois
borné au nord par ta chansonnette, au midi par la polka, à l'orient
par le flageolet criard, à l'occident par le cornet impudent! Aujour-
d'hui il est bon, il est utile, je dirai même il est noble de protester
contre ce goût insensé pour le vulgaire, le banal, le convenu, qui nous
envahit dans les lettres comme dans les arts. Sans doute, dans des
œuvres telles que Faust, Roméo et Juliette, etc., l'on rencontrera
quelques obscurités, quelques bizarreries, quelques harmonies étran-
gement rompues, quelques mélodies hachées trop vivement à leurs
angles ; mais serait-ce une raison de rejeter, pour quelques fautes de
goût, l'éloquence entraînante de Shakspeare, et de s'en tenir à la
littérature étique et flasque des classiques de 1800 ? Et puis , n'est-ce
pas une jouissance élevée pour l'esprit que de pénétrer un sens jus-
qu'à ce jour ignoré du vulgaire ; tandis qu'il se traîne dans des sentiers
mille fois battus, de dominer l'horizon de son regard ; de pénétrer li-
brement au milieu de ces mystérieuses profondeurs, de se frayer une
route à travers cette musique luxuriante et touffue, de respirer cette
atmosphère puissante et généreuse qui asphyxie les faibles ? Posséder
par la méditation et l'étude un génie que ne peut encore mesurer
le commun des hommes, n'est-ce pas une propriété plus précieuse que
le plus riche trésor?
Auprès de Naples est une grotte célèbre ; les petits êtres animés que
l'on y plonge, et dont la tête touche le sol , languissent et tombent
asphyxiés. L'être plus noble, celui dont le front s'élève plus haut, res-
pire à pleine poitrine dans une région plus élevée, et contemple avec
ivresse les merveilles que la nature déploie devant ses yeux.
Léon KREUTZER.
REVUE CRITIQUE.
MUSIQUE DE VIOLON, DE VIOLONCELLE, DE PIA!\0 ET DE CHANT.
Eîuo sur des a\th hongrois et slyricns pour piano et violon
par Charles «le Bériot. — Op 81.
Il y a poésie, histoire, patriotique rêverie et douce mélancolie dans
les airs nationaux, soit qu'on les chante ou qu'on les danse, soit même
qu'on les arrange, qu'on les tourmente en variations, en fantaisie,
quoique cependant on n'ait jamais varié la Marseillaise, dont le thème,
par parenthèse, se trouve dans un concerto pour piano, de Mozart. En
fait d'airs nationaux, la Hongrie et la Styrie en ont de pittoresques et
de très-caractéristiques, et M. de Rériot vient d'arranger quelques-unes
de ces mélodies locales en duos pour piano et violon. Après nnet ît ■ )-
duction énergique d'une douzaine de mesures sur l'accord de septième
dominante du ton de sol mineur , le virtuose-compositeur aborde,
dans cette même tonalité, l'air hongrois de Kalozdi, mélodie bien
rhythmée et tout empreinte d'une tristesse qui plaît. Cette mélodie en
so1 majeur est dite par le violon, et variée aussitôt par le piano, en
mesure à deux-quatre, comme l'introduction et le motif. A ce motif
succède un autre à trois temps, en ut majeur, dans le caractère de la
fameuse chanson du Gentil houzard. Cela se développe en quatre varia-
tions dialoguées pour les deux instruments, avec cet art, ce brio, cette
élégance que l'auteur sait mettre dans toutes ses compositions; puis il
a ajouté une mazurka de sa composition qu'on dirait nationale aussi;
et puis une coda-péroraison dans laquelle il résume tout ce que l'in-
strument dont il possède si bien le mécanisme peut dire de verveux
et de brillant à l'auditeur. Cela est chaud, animé, et le piano y joue un
rôle presque rival du roi des instruments.
Fantaisie sur ILE «ItUIF ERBAXT de F. Balévy, ponr violoncelle,
avec accompagnement de piano par S. Lée. — Op. Cl.
— M. Lée, qui est un violoncelliste au jeu doux, suave, est aussi un
compositeur-arrangeur, au style facile et gracieux. Il vient d'écrire et
de publier une excellente fantaisiesur le Juif errant, fantaisie toute mé-
lodique avec accompagnement de piano , et qui rappelle deux des
plus jolis chants de la partition de M. Halévy. Rien que le naturel soit
le signe caractéristique An faire de M. Lée, ce morceau ne manque pas
d'art. Les quelques mesures de trémolo d'introduction au violoncelle et
au piano reviennent d'une manière logique pour le premier de ces in-
struments, d'une façon dramatique et richement harmonique en double
corde et bien modulée sur le thème principal à la page 5. Les arpèges
classiques, pour terminer tout solo de violoncelle, interviennent ici en
coup d'archet lié, enchevêtrant bien une mesure dans la suivante, et
finissent cette fantaisie d'un manière brillante, et qui doit nécessaire-
ment provoquer les applaudissements, pour peu que l'exécutant dise
tout cela aussi bien que l'auteur.
Hommage à Anuer : caprice pour violoncelle avec accompagne-
ment de piano par I*. Scligniaiiii. — ©p. 55.
— Un autre violoncelliste aimé, M. Séligmann, vient de lancer aussi
un Caprice, avec accompagnement de piano, emprunté, puisé dans la
Californie mélodique de l'auteur du Domino noir ; et cela s'est publié
sous le titre A' Hommage à Auber. Ce caprice est un charmant badinage
de jolis chants bien choisis, et on ne peut mieux appropriés, fondus
dans la nature de l'instrument. Toutes ces mélodies se promènent or-
nées, embellies d'arpèges , de staccali, de cette double corde dramati-
que qui donne énergie et richesse à la péroraison de ce charmant mor-
ceau de concert. Les puristes verraient avec plaisir que l'auteur, qui
est toujours si correct dans ses ouvrages, fît disparaître de la planche
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
du graveur, dont c'est peut-être la faute, une suite assez nombreuse de
quintes et de secondes qui se succèdent à la deuxième et à la quatrième
mesure de la page 10 et 11. A cela près de ce caprice romantique et
de mon observation qu'on peut traiter de chimère de cabinet, le Caprice
de M. Séligmann deviendra celui de tous les auditeurs et de toutes les
auditrices , ce qui ne flattera pas médiocrement ce virtuose, quelque
habitué qu'il soit aux suffrages du public.
Compositions pour piano de H II. Hess, Paul Barbot
et Ilarc Buitr.
— Et M. Hess s'est dit : Puisqu'on a transcrit pour piano seul Guil-
laume Tell, Robert- le- Diable et les mélodies de Schubert, pourquoi ne
transcrirais-je pas également l*s Feuilles mortes de M. Abadie? Et
M. Hess s'est mis à l'ouvrage ; et sur un petit andante en six-huit, dans
un ton armé ou orné de beaucoup de bémols et de doubles bémols,
M. Hess a fait faire à ses doigts et à sa plume une foule d'arpèges, de
tierces, d'octaves et d'arabesques thalbériennes, et les Feuilles mortes,
de M. Abadie, se sent trouvées illustrées par M. Hess. Ce nouveau pia-
niste, qui écrit fort bien pour son instrument, au reste, a composé aussi
son trémolo, qui a pour titre Caprice-Etude, deux mots qui semblent
jurer de se trouver ensemble, car on ne peut guère faire de bonnes
études quand c'est le caprice qui vous guide. Quoi qu'il en soit, ce
morceau en notes refrappées, à trois temps, au milieu duquel l'auteur
a cru devoir placer trois mesures à quatre temps, — il en avait le droit,
— ce morceau offre un bon travail pour acquérir de l'indépendance et
de la vélocité dans les doigts.
— M. Paul Barbot est un autre pianiste compositeur qui nous parait,
vu le nombre de ses productions, qui sont là sur notre bureau, être un
musicien écrivant facilement de la musique facile, à savoir, des études
de concert, de genre, sous le titre des Oiseaux voyageurs, de la Brise,
des Orages du cœur, puis des polkas, des mazurkas, des schottichs,
des fantaisies styriennes, et enfin une Perle du Nord ; et tout cela
frétillant, dansant, brillant; tout cela pouvant se désigner à la rigueur
comme une douzaine de perles mélodiques du Midi comme du Nord, et
qui plaira sans doute beaucoup dans les soirées parisiennes de cet
hiver.
— L'Angelus au village, rêverie pastorale; le Nizam, marche in-
dienne, et les Premières pensées, au nombre de trois mélodies : Doux
rêve, Sur l'eau, et l'Oubli, sont trois œuvres d'un de ces pianistes,
comme le précédent, qui surgissent de dessous la terre de notre monde
musical, Celui-cianom : MarcBurty. Son Angélus n'est pas sans couleur
religieuse, malgré les prétentions aux épigraphes, à la prière, aux lita-
nies, etc. La Marche indienne des Tangs transporte l'auditeur dans
l'Inde autant que pourrait le faire une lorette en robe d'indienne dan-
sant une polka. Les trois mélodies du même auteur : Doux rêve,, Sur
l'eau, Oubli, ont de la grâce, et sont d'une agréable et facile exé-
cution.
Romances et mélodies de MM. Duvivier et Stcinknhler.
— Voici venir MM. Emile Steinkûhler et Duvivier, qui précèdent
l'av alanche des albums de chant de 1853, en publiantdes mélodies, des
romances, des idylles, chants d'amour, etc. Ce n'est pas le tout d'orner
ces chants du titre de mélodies, il faut prouver qu'ils méritent cette
qualification -, et c'est là le difficile. Et d'abord, la douleur et la mélan-
colie sont un peu trop souvent les muses des auteurs et compositeurs
de romances. M. Emile Steinkûhler et son poëte anonyme, semblent ne
se plaire qu'à formuler ces banales élégies. Il est tant de tristes réali-
tés dans la vie qu'on aime peu, en général, à écouterles plaintes d'une
mère sur l'agonie, même fictive, de sa fille qui se meurt de phthisie;
ou de voir la poésie, la musique, et l'art du dessinateur se réunir pour
nous représenter un jeune orphelin qui meurt de froid et de faim sur la
tombe de sa mère, de même qu'un pauvre Boulon de rose qui se plaint
et meurt au sein d'une jeune bergère. A cela près, de la tristesse dn
fond de la pensée, M. Steinkûhler est un agréable mélodiste.
Dans Viens ! le Mirage, Réoe de cœur, l'Enfant du bon Dieu, Ra-
mez, dormez, aimez, mais surtout dans Au revoir ! Idylle, M. Duvivier
se montre aussi mélodiste et bon compositeur de ces choses légères et
gracieuses. Au revoir ! est un charmant dialogue entre les fleurs et le
ruisseau, qui rappelle, dans un chant plein de fraîcheur et de suavité,
celui de M. Reber, connu sous le titre de la Fleur et le Papillon.
Quatuor pour deux violons, alto et violoncelle, par Georges
Bousquet : à la mémoire de Félix Meuilelssolin-Bartlioldy.
— Après toute cette légère musique qui plaît aux intelligences musi-
cales légères, et qui pèse d'un poids assez respectable dans la balance
du commerce de l'art, nous signalons avec plaisir une œuvre plus sé-
rieuse, un quatuor pour deux violons, alto et violoncelle, composé par
M. George Bousquet. Il est fâcheux pour les analyseurs de ces bonnes
choses musicales, dont l'apparition est rare dans le commerce de mu-
sique actuel, qu'on ne publie pas, avec les parties séparées des ou-
vrages de ce genre, la partition, pour bien juger delà pureté du style.
Au reste, nous avons entendu exécuter ce quatuor, et autant qu'une
seule audition peut suppléer l'examen du cabinet, nous pouvons certi-
tifier que l'effet en est excellent. Le premier morceau est plein d'entrain
et de verve ; l'andante est d'un dessin mélodique bien arrêté, simple ,
d'une forme large, placide, et dans lequel interviennent de riches et
pittoresques épisodes qui en varient on ne peut mieux le caractère tran-
quille. Le scherzo et le final sont pétillants de verve et placent cette
œuvre sur la ligne de celles de nos grands maîtres, car il y a là dedans
inspiration et savoir.
Henri BLANCHARD.
NOUVELLES.
*** Demain lundi, à l'Opéra, M ose.
t% Le Juif errant, le Prophète et Moïse ont composé le répertoire de la
semaine. C'est une belle et féconde trinité que celle de ces trois grandes
œuvres.
„** La reprise de Moise prend tous les caractères d'un succès de vogue.
„.*„ La Domino noir, poëme et partition, est un de ces ouvaages rares
qui possèdent le don d'une éternelle jeunesse. La reprise équivaut à une
première représentation.
„*, La cantate composée par M. Fontana pour la représentation solen-
nelle du Théâtre-Italien, doit être chantée par Mmes Sophie Cruvelli,
Véra; MM. Bettini, Calzolari et Belletti.
**„ Le Théâtre-Lyrique a repris vendredi la Perle du BrésV, dont la
musique est de Félicien David, et qui avait obtenu un si beau succès
dans la saison précédente.
,% C'est demain lundi que sera exécutée, à Saint-Eustache, la messe
composée par Ambroise Thomas pour la fête de sainte Cécile. 600
exécutants, dirigés par M. Tilmant, prendront part à cette solennité mu-
sicale. Les solos seront chantés par Mlle Lefebvre, MM. Masset et Bat-
taille.
,% Mme Persiani, ainsi que Tamburini, Gardoni et Napoleone Rossi,
viennent de signer un engagement pour les théâtres royaux d'Amsterdam
et de La Haye. D'autres artistes sont aussi engagés et compléteront la
troupe. L'ouverture de ces théâtres aura lieu prochainement par // Bar-
bière, PElisire d'amore, I Puritani, Don Giovanni , Cenerentola, Lucie de
Lammermoor, et autres chefs-d'œuvre composant l'ancien répertoire du
Théâtre-Italien.
^,*j Une matinée musicale sera donnée aujourd'hui dimanche par M. N.
Louis, ce compositeur, dont nous avons souvent enregistré les succès ;
il y fera entendre un duo expressif pour piano à quatre mains, des
fragments de son opéra les Deux sergents, tarentelle, cavatine, air, trio ;
et les Fiancés, drame lyrique en six parties, pour piano et violon, d'après
la légende en vers de M. Méry,. exécuté par Mlle Jenny Leroy et D. Alard.
Les vers seront récités par Mlle Jouvante.
**„. Dans une matinée que donne aujourd'hui Mme Farrenc, elle fera
entendre pour la première fois un sextuor pour piano, flûte, hautbois,
clarinette, cor et basson. Cet ouvrage sera exécuté par l'auteur, MM. Do-
rus, Verroust aîné, Leroy, Rousselot et Verroust jeune.
*** Ferdinand Miller, de retour à Cologne, y dirigeait, il y a peu de
jours, le second concert d'abonnement. Le programme se composait d'une
de ses symphonies, d'un concerto â deux pianos, de Franck, et d'autres
morceaux de Beethoven, Cherubini, etc. Vers la fin du mois prochain, il
dirigera probablement le troisième concert, et dans les premiers jours de
décembre il reprendra le chemin de Paris.
**., Vivier est en route pour revenir en France. Dans les derniers jours
dn mois d'octobre, il assistait, à Constantinople, au grand dîner donné
par M. le marquis de Lavalette, en l'honneur de M. le comte Bacciochi,
en présence de Fuad Eflfendi et de Vely Pacha, le nouvel ambassadeur
DE PARIS.
399
Ottoman. Dans la soirée, il a fait entendre son cor magique aux convives
dej'ambassadeur français. C'était son adieu à la Turquie.
„*„, Léopold do Meyer vient de tomber grièvement malade à Graefen-
berg, en Silèsie, où, selon toute apparence, le célèbre pianiste suivait un
régime hydrothérapique.
t*+ Musique de cham'ire, sixième année. — MM. Alard et Franch ,
qui se sont assuré le concours de M. Alkan aîné, donneront six "séances
de musique de chambre, dans la salle de M. Pleyel, rue Rochechouart,
22. Comme les années précédentes, on y entendra les œuvres des grands
maîtres : Bach, Haydn, Mozart, Beethoven, Weber, Onslovv, Mcndelssohn,
etc. La première séance aura lieu le dimanche LU janvier 1853, à deux
heures précises, et les suivantes de quinzaine en quinzaine. S'adresser,
pour les abonnements, chez M. Alard, rue des Petites-Écuries, 22.
»** Le bal annuel de l'Association des artistes dramatiques aura lieu le
samedi 29 janvier 1853, au théâtre de l'Opéra-Comique. Déjà les bureaux
de la Loterie de Bienfaisance, boulevart Poissonnière, 18, sont encombrés
d'un grand nombre d'amateurs qui se disputent à l'envi les loges pour
assister à cette délicieuse fête de nuit. On sait que tout ce que Paris pos-
sède d'illustrations se donne rendez-vous à ce bal célèbre, qui, cette an-
née, doit surpasser encore toutes les richesses splendides des hivers pré-
cédents.
»** La semaine dernière, à la vente du mobilier qui avait appartenu à
M. le baron del'rémont, il a été vendu aux enchères un Stradivarius,
grand patron, intact, qui avait appartenu à Rolla et Viotti. Ce célèbre
instrument poussé d'abord jusqu'à 2,200 fr. par M. Wuillaume, est échu
en définitive à M. David, amateur, qui l'a cédé immédiatement à son pro-
fesseur, notre habile \ioloniste, Herman, pour le prix élevé de 3,000 fr.
Il est bon que les instruments de cette valeur restent entre les mains de
nos premiers artistes.
*** Le premier bal de l'Opéra aura décidément lieu le 11 décembre pro-
chain. Musard fera entendre ses nouveaux quadrilles : le Juif errant,
Napoléon, h Valais di Cristal, sa fameuse polka Ouistiti. Le bureau de
location est ouvert tous les jours, jusqu'à h heures.
*** Léon Ilalévy, l'auteur du Czar Démétrius et du poème de Luther, le
traducteur d'Horace, et le frère de l'illustre compositeur, vient de pu-
■blier un Macbeth, imité de Shakspeare. iNous parlerons bientôt de ce beau
et important travail.
%% L'excellent traité de prononciation, de M. Morin de Glagny, profes-
seur au Conservatoire, est parvenu en peu de temps à sa troisième édi-
tion. C'est un succès que nous avions prévu en rendant compte de cet
ouvrage, qui enseigne le moyen d'obtenir une bonne émission de voix, de
corriger tous les défauts de prononciation, tous les accents étrangers, et
donne la prononciation exacte de plus de 200,000 mots.
*** M. Auguste Kichomme du ministère de l'instruction publique, au-
teur de charmantes poésies mises en musique par nos compositeurs de
romances à la mode, vient d'être prématurément enlevé à sa famille et à
ses nombreux amis. L'Album-1853 d'Etienne Arnaud renferme deux pro-
ductions, le Chapelet aux miracles et l s Petits rùns dont les paroles sont
dues à M. Auguste Kichomme, qui sera doublement regretté, comme
homme et comme écrivain, de tous ceux qui ont pu le connaître et l'ap-
précier.
*** Les travaux typographiques que nécessite le septième article de
M.l'étis, sur te développement futur de la musique dans te domaine du rliylhme,
nous obligent à en remettre la publication au numéro prochain.
CRON1QUE DÉPARTEMENTALE.
„,*„. lioulogne sur-Mer, 18 novembre. — Une assemblée brillante et nom-
breuse se pressait, le 1 7 de ce mois, au concert de la Société philharmo-
nique donné pour une bonne œuvre. La partie vocale était confiée à des
amateurs. Mlle Blahetka, notre excellente pianiste, a exécuté avec son
talent remarquable une fantaisie d'elle sur tes Uuauenols et le Souvenir
aJiatie, de Léopold de Meyer. M. Chardard, flûtiste hors ligne, a fort bien
joué le Souvenir des Alpes, de Boëhm. M. J. Froment, fils du bénéficiaire,
s'est fait justement applaudir dans deux fantaisies de Seligmann pour le
violoncelle : l'une sur ta favorite, l'autre sur Lucie de Lammermoor. M. de
Grau remplissait en maître le rôle important d'accompagnateur.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
*** Bruxelles. — Teresa Milanollo vient de donner, dans la salle de la
Philharmonie, un magnifique concert qui avait attiré une foule brillante
et nombreuse. La recette en était destinée à grossir le fonds pour l'érection
de l'église de Sainte-Marie, au bout de la rue ltoyale. 'La charmante ar-
tiste a excité l'enthousiasme, comme toujours. Toutes les dames lui ont
fait hommage de leurs bouquets. De plus, le Conseil de fabrique et la
Commission directrice des travaux ont voulu lui remettre une très-belle
médaille en or, de grand module, représentant, d'un côté, en relief,
le monument tel qu'il sera; et de l'autre, dans une couronne de laurier
le nom de Teresa et le millésime de 1852. Les autres parties du concert
étaient dignes de l'artiste principale. M. Méric, baryton du théâtre d'An-
vers, et M. Crets, tout jeune pianiste, ont été fort applaudis. M. Bender
dirigeait l'orchestre, qui a exécuté les ouvertures du Freischiii:, de Weber,
et du Ituy /lias, de Mendelssobn.
**„ StuVgard. — Mlle Katinka lleinefetter a admirablement chanté le
rôle de Rachél dans la Juive, d'Halévy ; les scènes dramatiques et pleines
de passion qui abondent dans cette belle tragédie lyrique, ont été rendues
par l'éminente artiste de manière à provoquer les applaudissements una-
nimes et prolongés de toute la salle.
»*„, Munich. — Les concerts d'abonnement ont repris à l'Odéon. Il y en
aura quatre jusqu'à Noël et quatre autres pendant le carême. Comme on
se propose de faire entendre dans le concert de la saison, des composi-
tions modernes, des oratorios, etc., le prix de. l'abonnement a été porté de
U fr. à 6 fr. pour une série de quatre concerts. Pendant l'absence de la
prima donna, Mme Spatzer, deux cantatrices étrangères ont donné des
représentations au théâtre de la cour, Mlle Méquillet et Mlle Anna l'al-
coni, la première avec le succès le plus éclatant.
„,** Dresde. — Mme Lind-Goldschmidt se propose de se fixer dans notre
capitale, où elle a fait l'acquisition de la villa l'Elysée.
*** Berlin, 11 novembre. — Le prochain anniversaire de la mort de
Félix Mendelssohn-Bartholdy sera célébré avec pompe dans l'église de la
garnison de Berlin, à laquelle le célèbre maestro était attaché en qualité
d'organiste Le programme de cette solennité se compose de l'exécution,
par ZiOO musiciens et amateurs, de deux hymnes de Mendelssohn-Bar-
tholdy, et de son oratorio de Saint-I'aut.
— M. Mecum, luthier à Cologne (Pr. Rh.), 10, Crsula-Strasse, possède
un alto magnifique de Jos. Guarnerius. Cet instrument est, sans contredit,
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cale et de la mesure; celles de la pose des sons, de la vocalise, de la
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Op. 29. Fantaisie sur la ISorma , avec
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Sirène, pour flûte seule, 2 suites, eh. 5 »
Cottignii'S. Polonaise favorite de l'opéra /
Puriluni, avec ace. de piano .... 6 »
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tifs d'Auber, Hérold et Rossini, pour
flûte seule, 2 suites, chaque 5 »
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arrangé pour flûte, avec ace. de piano 7 50
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Id. avec ace. de piano, 3 suites, chaque. 7 50
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ace. de piano, sur la l'empesta, ch. . 7 50
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prodigue, pour flûte, avec ace. de p. 9 »
Bémmat. Op. 6. Fantaisie sur la Part du
Diable, avec ace. de piano 7 50
Id. avec orchestre 15 »
— O '. 9. Fantaisie sur la Sirène, avec ace.
de piano 9 »
— Op. 10. Thème original av. ace. de piano 7 50
— Op. 12. Fantaisie sur lu Barcarol'e,
avec ace. de piano 7 50
— Op. 18. Fantaisie sur Robert Bruce,
avec ace. de pirno 9 •
— Six mélodies italiennes variées, pour
flûte seule, 2 suites, chaque 6 u
— Op. 21. Fantaisie sur Haijdée, avec ace.
de piano 9 »
— Op. 22. 1er concertino, av. ace. de piano 12 »
— Album des jeunes flûtistes, six airs va-
riés, avec ace. de piano, 2 suites, ch. 9 »
1" suite : 1. Béatrice di Tenda .... 5 •<
2. Thème original 5 »
3. Otello 5 »
2" suite: U. Roberto Devereux .... 5 »
5. Cendrillon 5 »
6. I Capuletti 5 »
Id. pour flûte seule, en 2 suites, chaque. 5 »
Talon. Op. 65. Fantaisie et Polonaise sur le
Siège de Corin/he, avec ace. d'orch. 10 »
Id. avec ace. de piano 9 »
— Op. 54. Fantaisie sur la Muette de Por-
tici, avec ace. de piano.- 9 »
— Op. 65. Récréations musicales. Collec-
tion de 20 airs variés et fantaisies sur
des thèmes choisis parmi les plus
beaux airs nationaux et les motifs des
compositeurs célèbres, avec ace. de
piano, 4 suites, chaque 9 »
Id. pour flûte seule, 4 suites, chaque. . 5 »
— Op. 68. Jadis, plaisanterie musicale,
avec ace. de deux violons, alto et
basse, deux petits tambours et trom-
pette d'enfant 9 •
— Id. avec ace. de piano 7 50
— Op. 69. 1er grand solo, avec ace. de qua-
tuor 15 »
Id. avec ace. de piano 7 50
— Op. 70. 2e grand solo, avec ace. de qua-
tuor 15 »
Id. avec ace. de piano 9 »
— Op. 71. Variation sur Aclêon, avec ace.
de piano 9 »
Id. avec ace. d'orchestre 15 »
— Op. 73. Air varié sur les Chaperons
blancs, avec ace. de piano 9 »
Id. avec ace. d'orchestre 15 »
— Op. 74. 3' grand solo, avec ace. de piano 9 »
Id. avec ace. d'orchestre 15 »
— Op. 75. Fantaisie sur l'Ambassadrice,
avec ace. de piano. ... 9 »
Id. avec ace. d'orchestre 15 •
— Op. 77. 4° grand solo, avec ace. de piano 9 »
Id. avec ace. d'orchestre 15 »
— Op. 78. Fantaisie sur lo Domino noir,
avec ace. de piano 9 »
Id. avec ace. d'orchestre 15 »
SUITE DES AIRS VARIES.
Tulou. Op. 79. 5e grand solo, avec ace. de
piano 9 »
Id. avec ace. de quatuor 15 »
— Op. 80. Fantaisie sur le Lac des Fées,
avec ace. de piano 9 »
Id. avec ace. d'orchestre 15 •>
— Op. 82 6" grand solo, avec ace. de piano 9 »
ld. avec ace. de quatuor 15 »
— Op 84. Air varié sur Béatrice di Tenda,
avec ace. de piano 7 50
— Op. 86. 7' grand solo, avec ace. de piano 9 »
Id. avec ace. de quatuor 15 »
— Op. 87. Fantaisie sur Zanetta, avec
ace. de piano 9 »
Id. avec ace. d'orchestre 15 n
— Op. 88. 8e grand solo, avec ace. de piano 9 »
Id. avec ace. d'orchestre 15 «
— Op. 89. Thème varié, avec ace. d'une 2*
flûte 5 »
Id. avec ace. de piano 7 50
Op. 90. Fantaisie sur les Diamants de
la couronne, avec ace. de piano . . 9 »
Id. avec ace. d'orchestre 15 »
— Op. 91. 9' grand solo, avec ace. de piano 9 »
Id. avec ace. d'orchestre 15 »
— Op. 92. 10' grand solo, avec ace. de piano 9 »
Id. avec ace. d'orchestre 15 »
— Op. 93. 11' grand solo, avec ace. de piano 9 »
Id. avec ace. d'orchestre 15 »
— Op. 94. 12e grand solo, avec ace. de piano 9 »
Id. avec ace. d'orchestre 15 »
— Op. 95. Fantaisie sur Robert Bruce ,
avec ace. de piano 9 »
Id. avec ace. d'orchestre 18 »
— Op. 96. 13' grand solo, avec ace. de piano 9 n
Id. avec ace. d'orchestre 18 »
— Op. 97. 14* grand solo, avec ace. de piano 9 »
Id. avec ace d'orchestre 18 »
— Op. 98. Air varié pour flûte, avec ace.
de piano 9 »
Id. avec ace. d'orchestre 18 »
■WalckiiTS. Op. 52. Variations sur la Fian-
cée, avec ace. de quatuor 10 »
Id. avec ace. de piano 7 50
— Op. 34. Fantaisie sur Guillaume Tell ,
avec ace. de quatuor 10 »
Id. avec ace. de piano 7 50
— Op. 40. Fantaisie sur FraDiavolo, avec
ace. de quatuor 10 »
Id. avec ace. de piano 7 50
— Op. 42. Fantaisie sur le Dieu et la
Bayadère, avec ace. de quatuor . . 10 »
Id. avec ace. de piano 7 50
— Op. 64. Grandes variations sur le Phil-
tre, avec ace. de quatuor 10 »
Id. avec ace. de piano 7 50
— Op. 51. Fantaisie et variations sur le
Serment, avec ace. de quatuor ... 10 »
Id. avec ace. de piano . . 7 50
— Op. 52. Fantaisie sur le Préaux Clercs,
avec ace. de quatuor 10 »
Id. avec ace. de piano 7 50
— Op. 53. Fantaisie sur Gustave , avec
ace. de quatuor 10 »
Id. avec ace. de piano 7 50
— Op. 59. Fantaisie sur Lestocq, avec
ace. de quatuor 10 »
Id. avec ace. de piano 7 50
— Op. 62. Fantaisie sur le Cheval de
Bronze, avec ace. de quatuor. ... 10 »
Id. avec ace. de piano 7 50
— Op. 86. Deux fantaisies faciles pour flûte
seule sur le Val d'Andorre, 2 suites,
chaque 6 »
— Op. 87. Quatre fantaisies faciles pour
flûte seule sur le Prophète, 2 suites,
chaque, net 2 »
— Op. 88. Fantaisie sur le Prophète, avec
ace. de quatuor, net 5 »
Id. avec ace. de piano, net 4 »
AIRS D'OPÉRAS
POUR FLUTE SEULE.
Ambassadrice (1'; 5 »
Cheval de Bronze (le) 5 »
Dame de Pique (la) 7 50
Diamants de la Couronne (les) 5 »
Domino noir (le) 5 »
Enfant prodigue (1') 7 50
Fra Diavolo 5 »
Guillaume Tell 5 »
Haydée 5 »
Muette de Portici (la) 5 »
Part du Diable (la) 5 »
Philtre (le) 5 »
Pré aux Clercs (le) 5 »
Prophète (le), 2 suites, chaque 7 50
SUITE DES OPERAS POUR FLUTE SEULE.
Puritains (les) 5 »
Robert Bruce 5 »
Serment (le) 5 »
Sirène (la) 5 »
Val d'Andorre (le) 7 50
Zerline 7 50
DUOS
POUR FLUTE ET PIANO.
Cottijruies et lEéiiéilïct. Duo concertant
sur les S,ouées musicales de Rossini. 9 »
— et IFessy. Deux fantaisies sur Gustave
et Aciéon, suites, chaque 7 50
— et Klemczjn»ki. Trois duos brillants
et non difficiles , sur des motifs
d'Auber :
N° 1. Le Cheval de bronze .... 7 50
2. Les Chaperons blancs. ... 7 50
2. Actéon 7 50
Beneux et Klemczy nskl. Duo dialogué,
sur la Part du Diable ....... 7 50
— Ballade et Boléro sur les Diamants de
la Couronne 7 50
— Divertissement concertant sur l'Ambas-
sadrice 7 50
— Duo brillant sur le Domino noir ... 7 50
— et Osborue. Fantaisie concertante sur
Guillaume Tell 9 »
— et Klemtzyiiski. Duo brillant sur
HayMe 7 50
Fessy. Fantaisie sur la Cenerentola .... 6 »
'u'uiou. Variations brillantes sur la marche
de Moïse 9 »
— Variations sur la tyrolienne de la Fian-
cée 9 »
— Variations sur la ronde de Fra Diavolo. 9 »
— Trois duos concertants sur des thèmes
favoris :
N° 1. Valse du Duc de Reischstadt 7 50
2. Thème favori de Gustave . . 7 50
3. Cavatine de la Zelmira ... 7 50
— et Sfaderniau. Nocturne sur la tyro- „
lienne de Guillaume Tell »
— Duo brillant sur l'Elisirs d'amore. . . 9 u
— Op. 81. Fantaisie concertante sur la
Norma 9 »
— Variations sur l'Enfant du régiment.. 9 »
— Grand duo sur la cavatine delà Piiobé. . 9 »
— Duo brillant sur un Thème original. . 9 «
— Fantaisie brillante sur le PrëauxGlercs 9 »
— Duo concertant sur le Domino noir . . 9 »
— Op. 85. Trois nocturnes sur les Mélo-
dies de Schubert :
N" 1. Les Plaintes de la jeune fille
et la Poste 7 50
2. La Jeune religieuse , Ave
Maria, et l'Illusion. ... 7 50
3. Le Roi des Aulnes et la Séré-
nade 7 50
— Grand duo concertant sur Zanetta . . 9 »
— Le Fruit de l'étude, six duos faciles et
brillants, composés sur les motifs les
plus célèbresdes grands compositeurs,
2 suites, chaque 9 »
— Le Progrès, six duos non difficiles, sur
des motifs français , italiens et alle-
mands, 2 suites, chaque 10 »
— Duo brillant sur la Sonnambula. ... 9 »
— Duo brillant sur / Puritani 9 »
— Deux nocturnes sur les Soirées musi-
cales de Rossini, 2 suites, chaque . . 7 50
— Variations àeconcertsuvl' Ambassadrice 9 »
— Six morceaux de salon non difficiles, sur
dfll thèmes originaux, 3 suites :
N° 1. Fantaisie et air varié .... 9 »
2. Impromptu brillant et fan-
taisie irlandaise 9 »
3. Rondo et boléro 9 »
— La Soirée, deux duos concertants, en
deux sujets :
N" 1. La Chasse 7 50
2. Impromptu 7 50
— Souvenirs de Boulogne, deux duos, en
2 suites :
K° 1. Sérénade variée 7 50
2. Divertissement pastoral. . . 7 50
— Les Intimes, deux duos, en 2 suites :
N° 1. Fantaisie de salon 7 50
2. Fantaisie dramatique. ... 7 50
— Duo brillant sur Don Juan 9 u
— Grand duo sur Séiairamide 9 »
— ■ Grand duo brillant sur la Gazza ladra 9 »
— 2e Grand duo sur Guillaume Tell ... 9 »
— Grand duo sur le Barbier de Séville. . 9 »
— Grand duo sur la Muette de Portici. . 9 •
— Grand duo sur le Val d'Andorre ... 9 »
— Grand duo sur la Donna del Lago. . . 9 »
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•28 Novembre 1882.
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Paris, un on 24 fr.
Départements, Belgique et Suisse 30
Kt ronger 31
Le Journa parait le Diraa-icbe.
GAZETT
CALE
SOMMAIRE. —Du Développement futur de la musique dans le domaine du rhythme
(7' article) par Fétis père. — Association des artistes musiciens, messe de Ste-
Cécile, composée par Ambroise Thomas, et exécutée à Saint-Eustache. — Audi-
tions musicales, par Blpiiri Blaiiflianl. — Correspondances, Bruxelles et
Berlin. — Nouvelles et annonces.
DU DEVELOPPEMENT FUTUR DE LA IBUSIQUE
Dans le domaine du rltythine.
(7' article) ()).
Tout nombre qui a de la symétrie peut être la base d'un rhythme,
bien qu'il y ait de certains nombres dont la carrure est plus sensible
et plus agréable à notre sentiment. Le nombre de cinq mesures est de
tous le moins favorable ; néanmoins, ainsi que je l'ai dit dans le sixième
article de ce travail, il peut former, par la symétrie , un rhythme pé-
riodique très-régulier. J'en prends pour exemple un ancien air de la
Westphalie :
Herr Oloff reitet spat und weit,
Zu bitten auf seine Hoclizeit Leut'.
air qui semble avoir inspiré à Beethoven le thème du chœur des Der-
viches des Ruines d'Athènes. Tout le rhythme de sa mélodie est com-
posé de phrases de cinq mesures; mais la correspondance parfaitement
régulière de toutes ces phrases produit un rhythme qui n'a rien de
choquant. Voici cet air :
Allegro.
m^^m^m
o-
t^jo^
ïàE^^^urm
m=u=u
^EEi^àEM.
^=j=b==q=^fe^^i=j
Jee^^^e^^
La force de la régularité symétrique est si grande ; elle réveille si
bien en nous le sentiment rhythmique dans la construction de la
phrase, que deux rhythmes de caractères différents, c'est-h-dire
(1) Voir les n" 35, 36, 37, 40, 63 et 44.
dont l'un est binaire et l'autre ternaire, peuvent concourir à la for-
mation d'un rhythme périodique satisfaisant , ainsi que je l'ai déjà
démontré dans un des articles précédents. On en trouve des exemples
remarquables dans les airs populaires de diverses nations. Un air qui
se chante sur les bords du Rhin ( Es ist ein Wirthshaus an dem
Rhe'n) (1), nous en offre un qui est très-caractéristique ; le voici :
Allegretto.
La succession de deux en deux mesures du rhythme ternaire au
rhythme binaire, et de celui-ci à l'autre, établit une symétrie qui sa-
tisfait le sens musical, bien que le premier changement de rhythme
lui cause d'abord de l'étonnement et de l'incertitude. Quant à la se-
conde partie de l'air, elle forme une période parfaitement régulière,
composée de trois phrases de deux mesures chacune qui finissent au
temps levé, sur les notes marquées d'une X, sauf la troisième, qui a
un temps de plus, terminaison nécessaire pour que la finale soit forte.
Les rhythmes qui commencent au temps frappé et finissent de
même, ont une cadence plus forte que ceux dont la première note est
à l'extrémité d'un temps levé, particulièrement lorsque les phrases
qui forment la période sont de deux mesures chacune. Ce caractère
rhythmique est général dans les chants populaires des nations slaves.
On remarque en effet que les chants des peuples de la Russie d'Eu-
rope, de la Pologne et de la Bohême commencent tous ou presque tous
au temps frappé, tandis que la plupart, ou du moins le plus grand
nombre des airs chantés par les nations germaniques, commencent au
temps levé. Parmi les 1,100 airs allemands que j'ai recueillis', 963
commencent par le temps levé.
De ce que je viens de dire concernant les chants populaires des na-
tions d'origine slave, il ne faut pas conclure que tous ont un caractère
rhythmique uniforme ; car la musique ayant été plus cultivée comme
art dans la Bohême que dans la Pologne et la Russie, depuis environ
trois siècles, le rhythme périodique de ses airs nationaux est plus
régulier que celui des airs de danse et des chansons qu'on entend chez
les populations slaves répandues entre les bords de la Vistule, du Don
I et du Volga.
(1) Une auberge est sur le Rhin.
102
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
L'air bohème suivant, appelé Koslàtko, peut donner l'indication gé-
nérale du rhythme périodique des mélodies de ce pays :
Ândante.
Les chants de la Gallicie, de la grande Pologne et de la Lithuanie,
particulièrement les Krakowiaks, les Mazourkes et les Polonaises pro-
prement dites, sont en général dans un rhythme périodique régulier,
composé de phrases de quatre correspondantes ; cependant, les chants
très-anciens ont des rhythmes tout à fait irréguliers sous le rapport de
la correspondance des phrases. Il est vrai que la plupart de ceux-là
sont dans un mouvement lent, ou du moins très-modéré, qui affaiblit la
sensation du défaut de carrure. En voici un de cette espèce, tel que l'a
rapporté le célèbre violoniste Charles Lipinski, dans la collection inti-
tulée : Piesni polskie i ruskie ludu Galicyiskiego (1) (Lemberg, 1833,
gr. in-8°\
Moderato.
wmisto ne Zmis-ty - lo sia wmis - - to.
A ne considérer que la mélodie, on serait tenté de l'analyser ainsi :
une phrase de quatre mesures, à laquelle en succède une de trois, sui-
vie d'une de deux, qui semble terminer la période, puis enfin une de
cinq; mais les paroles font voir que la phrase: Ne Zmisiylo sia
Wmisto, ne se termine qu'à la dernière syllabe du dernier mot,
d'où il suit que cette phrase est de trois mesures et la dernière de
quatre.
Beaucoup d'airs populaires de la Russie ont le rhythme périodique ;
mais s'il en est dans le nombre qui ont la période carrée de quatre en
quatre mesures, il en est aussi un grand nombre dans lesquels la pé-
riode procède de trois en trois mesures, ou même de six en six ; ce
qui leur donne un caractère original auquel ajoute encore le système
de modulation. On connaît celui-ci, qui a servi de thème à plusieurs
artistes pour des variations, et dont le rhythme périodique est de trois
en trois mesures :
J'oco allegro.
La parfaite régularité de ce rhythme donne à la mélodie toutes les
qualités de la période bien cadencée; mais en même temps le nombre
inusité fait naître une sensation inattendue qui a beaucoup de charme.
La mélodie suivante, dont les phrases périodiques sont de six me-
sures, ne procède pas par un nombre de trois doublé, mais par une
phrase de quatre, complétée par une coda de deux. On pourrait trou-
ver des effets très-heureux dans ce système rhylhmique si on l'intro-
duisait dans l'art.
(1) Chants polonais et russes de la Galicie.
Dans les diverses provinces de l'immense empire de Russie, on en-
tend des airs chantés par les paysans, dans lesquels on n'aperçoit
pas la moindre régularité de rhythme périodique, ou plutôt dans les-
quels il n'y a ni période, ni forme bien arrêtée dans la mélodie. Ces
ai:s, d'un mouvement très-lent en général, sont fort anciens. On en a
inséré quelques-uns dans la grande collection publiée à Saint-Péters-
bourg, en 1790. Je n'en rapporterai aucun exemple, parce qu'il n'y a
rien à tirer de cela pour l'art. Ces chants semblent être l'expression
d'une mélancolie profonde et découragée, sans règle et sans suite.
Les chants montagnards de la Suisse et du Tyrol ont presque tous
le rhythme périodique carré, mais avec des repos en points d'orgue
dans lesquels le chanteur semble reprendre sa liberté pour y faire en-
tendre les fantaisies de sa voix gutturale ou de son cor alpestre. Les
anciennes barcaroles vénitiennes, les Vitlolles, les Froltoles et les
Cansoni Villanesche de Naples, avaient aussi le rhythme carré, mais
avaient des mutations de mesures. La plupart des airs populaires de
l'Italie moderne sont en rhythmes périodiques dont les phrases sont
( orrespondantes de quatre en quatre mesures, et quelquefois de trois
en trois. On a publié, il y a environ vingt-cinq ans, chez Girard, à
Naples, une collection d'airs napolitains parmi lesquels il y en a de
charmants : tous sont en rhythmes carrés. On remarque aussi que les
anciens airs romains, dont la mélodie est si suave, et qui .eurent tant
de vogue au xvie et au xvii" siècle sous le nom de Romanesche, sont
en rhythme périodique de quatre en quatre mesures. Les Laudi spiri-
tuali, dont l'origine est plus ancienne encore, et qui sont de véritables
airs populaires, ont le même rhythme. Si nous considérons la France,
nous y verrons que, de temps immémorial, les airs populaires y ont
le rhythme périodique régulier. Les Noëls de la Bourgogne n'en ont
pas d'autre. 11 en est de même des chansons provençales et des an-
ciens vaux-de-vire de la Normandie. Le chanoine Mahé, dans son
Essai sur les antiquités du département du Morbihan, et M. de La
Villemarqué, dans son intéressante collection des chants populaires de
la Bretagne, nous en font connaître un grand nombre dont le rhythme
périodique est régulier, tantôt par des phrases de quatre en quatre
mesures, mais plus souvent de deux en deux. On y trouve aussi des
rhythmes symétriques de trois en trois ; par exemple dans cette mé-
lodie :
Quelquefois, cependant, les chants bretons, comme quelques-uns
de la Norwége, de la Servie et de la Valachie, ont une finale irrégu-
lière par une mesure ou une mesure et demie ajoutée à la période ; tel
est l'air appelé : Mellezourion arc' haut, dont le rhythme est de deux
mesures à temps levé, et qui se termine par une finale irrégulière qui
a trompé M. de La Villemarqué. Ce savant a cru que la mesure binaire
se continuait jusqu'à la fin, tandis que le refrain est en mesure ternaire.
M. de La Villemarqué a noté ainsi cette mélodie populaire :
DE PARIS.
303
Mélancolique
p£Éé£ÉHgp§^^^ll
^^pi^iiŒiipi
^
W^^^H^E^
Mais la véritable notation est celle-ci :
§
^s^^6
i"
-P=F=P-
fg^^Mggfeà^
On voit que ce refrain est en mesure ternaire, à temps ternaires et
en rhythme périodique ternaire. La variété de rhythme et la tonalité
du plain-chant, encore en usage dans les chants de la Bretagne, sont
les principes de leur originalité.
Descendants des Celtes comme les Bretons, les habitants du pays de
Galles ont dans la plupart de leurs airs le rhythme périodique carré
par des phrases de quatre mesures. Leur affection pour ce rhythme
leur a même fait imaginer un artifice singulier pour carrer la phrase
lorsqu'elle n'est en réalité que do trois mesures : il consiste à interca-
ler une mesure de silence entre les phrases, comme dans cet air de la
contrée méridionale du pays :
SlE^SBËËE^TfR
f^B^^gtf^^pg^El
IS^É^B
Comme les habitants de l'ancienne Scandinavie , les Welches ou
Gallois ont quelques airs dont le rhythme à périodes régulières de
deux en deux mesures est rompu à la fin par une coda. Un de ces airs
est dans la tonalité singulière qui appartient au pays de Galles, et
qu'on nomme dans la langue de cette contrée Gogywair. Cette tonalité
consiste à chanter la première moitié de l'air dans le mode mineur, et
la seconde dans le mode majeur. Voici cette mélodie :
] r
On peut consulter les ouvrages intéressants de W. Jones et de
M. John Parry, tous deux bardes gallois, sur les singularités rhythmi-
ques et tonales de la musique populaire de leur pays.
Ouvrez la grande collection de Ritson pour les airs originaux de
l'Angleterre, vous y verrez que tous, même les plus anciens, sont dans
le rhythme périodique carré, de quatre en quatre mesures ou de deux
en deux. Les anciennes mélodies écossaises et irlandaises, djnt j'ai
fait voir l'origine orientale dans le résumé philosophique de l'histoire
de la musique placé en tête de la Biographie universelle des musi-
ciens, ont également le rhythme périodique carré. Leur originalité pro-
vient de leur forme tonale et des ornements dont elles sont entourées,
mais non d'une irrégularité de la symétrie rhythmiqae. Les grandes
collections d'airs écossais publiées par Elouis, Stevenson et Crosby,
n'en contiennent pas un seul dont les phrases ne soient pas exacte-
ment correspondantes; mais la plupart sont écrites dans des gammes
incomplètes comme celles de l'Inde, et la note sensible y est en géné-
ral retranchée, comme dans celui-ci, connu sous le nom de Auld
Eob Morris :
¥3È
'i
>
3=F7f=H=r
^È^EEïÉE^ËEÈÈEÊ
m
^mmm^^m
^^j^^^m
&
?:
^^^^m
ZSZgl
Dans les airs originaux de l'Irlande, il y a aussi suppression de cer-
taines notes de la gamme, et de plus, la mélodie finit souvent sur une
note étrangère à la tonique, et donne le sentiment d'un ton différent de
celui de la mélodie ; système qui a de l'analogie avec celui de cer-
tains airs chinois et malais ; mais le rhythme périodique est toujours
carré. En voici un exemple qui se reproduit dans beaucoup d'autres
mélodies, comme on peut le voir dans les savants ouvrages de Joseph
Walker et de Charles Bunting. L'air que je donne ici a pour titre :
Eilighe gheall chiurï; ce qui signifie : Le charme d'un doux regard.
AUgretto. -X-J-JgL 1+- ^L N bw ...
Le rhythme périodique de cette mélodie est, comme on voit, carré
de quatre en quatre mesures.
En vain passerais-je en revue les chants originaux de toutes les na-
tions du monde ; les contrées de l'Orient les plus éloignées, les peuples
même les plus sauvages me fourniraient la preuve que le sentiment de
la symétrie rhythmique est inhérent à l'homme, et que la régularité
de nombre est un des éléments de son organisation. Si quelquefois il
se rencontre une exception à cette règle fondamentale, c'est à la chute
d'une période, à une finale, et alors, par cela même qu'elle est une
exception, elle frappe par son originalité et peut nous plaire. Un air
arabe m'en fournit un exemple remarquable en ce que toute la mé-
lodie a le rhythme périodique de phrases carrées, et se termine par la
chute d'une phrasé de deux mesures qui a beaucoup de charme. Voici
cet air, que je fais rentrer dans le système de notre tonalité en sup-
hOh
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
primant tous les tiers de ton du système arabe, trop étranger à nos
habitudes, pour que nous en puissions considérer les intonations au-
trement que comme ces notes fausses qui affectent quelquefois notre
oreille dans l'exécution d'un chanteur ou d'un instrumentiste mal or-
Ces deux dernières mesures, rompant le rhythme carré qui règne
dans toute la mélodie, est d'un effet charmant. Employée dans les
couplets, dans les romances, et en général dans les petites pièces à
retour fréquent du thème, une chute semblable introduirait un épisode
inattendu et romprait pour un moment l'uniformité du rhythme pé-
riodique. Ainsi que je viens de le dire, de pareilles exceptions, loin de
rien prouver contre la règle éternelle de la nécessité de symétrie dans
le rhythme, démontrent, au contraire, par l'impression qu'elles pro-
duisent, que la musique n'est pas en pareil cas dans sa situation nor-
male. Elles sont comme la dissonance que vous prolongerez autant
que vous pourrez , que vous grouperez avec d'autres dissonances,
ayant toutes des tendances diverses, mais que vous devrez enfin ré-
soudre ou collectivement ou successivement, sous peine d'être en op-
position avec le sentiment humain, et d'anéantir l'art qui en est la
plus haute manifestation. Il n'y a point de système, point de fantaisie,
point d'audace qui aille contre ces lois de la nature ; le fou qui ferait
la tentative de les supprimer, n'aboutirait qu'à la nécessité de trouver
un asile dans ces tristes demeures où l'homme déchu se montre dans
toute sa misère.
Mais si l'on ne peut anéantir le rhythme périodique, on peut con-
vertir toute exception en période par le retour symétrique de l'excep-
tion : car toute symétrie est un rhythme. C'est par cela qu'il me sem-
ble qu'on peut introduire des nouveautés dans le rhythme de la
période, de la même manière que j'ai démontré la possibilité d'enri-
chir le rhythme de temps, de mesure et d'accent, d'une multitude de
formes auparavant inconnues. La nécessité, la réalité même de ces
nouveautés ne sera peut-être pas comprise tout d'abord, fût-ce même
par la critique ; car la critique est parfois un peu bourgeoise, un peu
trop habituée à cheminer dans l'ornière de l'habitude ; peut-être, en-
fin, le temps n'est-il pas venu où le génie ait atteint les limites de son
domaine actuel ; mais un temps viendra où il faudra enfin explorer
celui du rhythme, dont les abords seulement ont été connus jusqu'à ce
jour. Alors il faudra bien se hasarder sur ce terrain, encore tout en-
vironné de mystè res, et le fil d'Ariane qui cachera l'audace de s'y
égarer sera la loi du nombre, la loi de la symétrie dans les combinai-
sons et dans le retour des éléments.
11 ne m'est pas permis de faire connaître dans ce travail sommaire
toutes les formes dont les rhythmes nouveaux sont susceptibles ; mais
j'ai voulu du moins en donner quelques exemples dans les planches
qui accompagnent cet article. Ces exemples consistent en quatre capri-
ces, dont le premier (exemple A) fait voir le développement d'une
idée rhythmique de trois en trois mesures. Le second (exemple B)
offre un rhythme périodique régulier de cinq en cinq mesures. Dans
un autre morceau (exemple C), j'ai voulu démontrer la possibilité d'un
rhythme alternatif de phrases de quatre et de trois mesures, et, enfin,
dans le dernier (exemple D), j'ai mis en opposition symétrique des
phrases de quatre mesures et de deux. Quelque peu d'intérêt qu'of-
frent ces essais au point de vue de la composition, j'espère qu'ils en
auront dans le but que je me suis proposé.
FÉTIS père.
ASSOCIATION DES AETISTES-MUSICIEKS.
Messe de Sainte-Cécile, composée par Ambroise Thomas,
et exécutée dans l'église Saint-Eustache.
Voici la seconde messe écrite pour l'Association des artistes musiciens,
et consacrée à la fête de leur céleste patronne. Adolphe Adam avait
donné l'exemple, il y a deux ans; Ambroise Thomas l'a suivi de
près, animé par le même dévouement, par le même zèle. C'est une
tradition qui vient de loin et de haut. Lorsqu'en 1738, une Société des
musiciens fut fondée à Londres, Société qui depuis ce temps jusqu'au
nôtre n'a cessé de grandir et de prospérer, l'illustre Haendel l'inau-
gura par ses travaux et par son génie. Dès l'année 1739, il composa
tout exprès un concerto pour le jouer dans un concert au bénéfice de
la Société. L'année suivante, il se signala par des libéralités du même
genre ; il continua ainsi jusqu'à sa mort, et même après sa mort, puis-
qu'il laissa par testament à la Société une somme considérable.
Plus d'une fois déjà nous avons cité ce noble précédent qu' Am-
broise Thomas était si digne de comprendre. Honneur aux institutions
qui inspirent de tels actes! Honneur aux artistes qui se sentent la force
de les accomplir avec autant de succès pour l'institution que pour eux-
mêmes! Ambroise Thomas a trouvé dans ce double succès la ré-
compense naturelle de ses efforts et de ses peines. Après avoir tant de
fois réussi clans le style dramatique, il s'est essayé dans le style reli-
gieux. La messe exécutée lundi dernier a répondu à l'attente géné-
rale. C'est une œuvre de conception élevée, ingénieuse, de forme
pure, élégante, qui allie la grâce à la majesté, qui intéresse toujours
et ne fatigue jamais.
Sans entrer dans les détails d'une analyse qui ne peut être faite que
la partition à la main, nous dirons que tous les morceaux de cette
messe sont empreints du caractère qui leur convient. Le Kyrie,, alun
style calme et doucement mélancolique, est une belle préparation au
recueillement et à la prière. Le Gloria s'annonce avec, tout l'éclat qui
lui est propre, les appels d'instruments de cuivre, le fracas de tout
l 'orchestre et delà masse des voix. Au milieu de cette pompe bruyante,
le cempositeur a placé, comme contraste et repos, un solo de voix de
femme sur des paroles simples et tristes: Qui tollis peccata rnùndi,
miserere nobis. Ce solo était chanté par Mlle Lefebvre, qui l'a dit avec
beaucoup de sentiment.
Dans le Credo, attaqué d'abord par les voix d'hommes, auxquelles
les autres voix s'unissent successivement, un autre solo pour voix de
ténor, sur les paroles : Et incarnatus est, a été dit par Masset avec
toute la pureté et toute la sonorité que l'église demande. Ce Credo,
très-habilement composé, rempli d'intentions, de combinaisons que le
texte justifie, se développe avec une richesse continue et se termine
avec une ampleur qui produit un grand effet.
Le Sarïcivs, chanté par Battaille, est encore un morceau d'inspiration
haute et sévère. Tout au contraire, YO salularis kostia est devenu,
sous la plume du compositeur, le sujet d'un charmant duo pour ténor
et basse, que Masset et Battaille ont dit admirablement. Les mélodies
en respirent la suavité, la tendresse, et c'est tout bénéfice pour la reli-
gion. VAgnus Dei, chanté par Mlle Lefebvre, ramenait les paroles du
Qui tollis, mais cette fois avec une expression différente, sur un thème
naïf et presque pastoral.
Un chœur final conronne l'œuvre entière. Le compositeur a choisi
pour thème un Laudate en plain-chant, qu'il a travaillé avec tout l'art
L)E PARIS.
405
du contrepoint, tout le savoir ancien et moderne. La musique du Sanctus,
qui revient sur les paroles d'un Hosannah général, forme une péro-
raison magnifique et grandiose.
Si l'on applaudissait dans le lieu saint, Ambroise Thomas et ses
dignes interprètes auraient reçu immédiatement d'unanimes témoi-
gnages de sympathie et d'enthousiasme. Nous serions tenté de dire
avec Mme de Sévigné, qui parle, dans ses Lettres, d'un beau jeune.
sermon : c'est une belle jeune messe, dont l'auteur, en fuyant la rou-
tine des formules scolastiques , en se gardant de vouloir se don-
ner l'airtrop farouche, trop austère, s'est appliqué à écrire de belles
et bonnes choses que tout le monde puisse comprendre, que tout le
monde se plaise à écouter. Ce n'est pas nous qui reprocherons à
M. Ambroise Thomas d'avoir donné à certaines parties de son œuvre
une allure théâtrale. Nous croyons qu'il n'était réellement possible
d'éviter ce défaut, si c'en est un, que lorsqu'il n'existait pas de théâtre.
Si l'on veut de l'église pure et sans mélange profane, alors qu'on s'en
tienne à l'orgue, aux chantres et enfants de chœur revêtus de chapes
et de surplis.
Six cents artistes, dirigés par Tilmant, remplissaient le milieu de la
nef principale. Ces artistes étaient venus de partout, de l'Opéra (mal-
gré la pression d'une fâcheuse concurrence), de l'Opéra-Comique, du
Théâtre-Italien. Le Conservatoire était là tout entier : pensionnaires,
externes, lauréats, anciens élèves. Si l'aristocratie doit s'effacer quel-
que part, n'est-ce pas dans la maison de Dieu? Aussi voyait-on Le-
vasseur, ce grand et honorable artiste, confondu dans les rangs, autant
qu'un homme de sa valeur peut l'être ; on y voyait Mlle Grimm et une
foule d'artistes distingués. Quant à Tilmant, il avait repris son poste
d'honneur, avec la modestie, l'abnégation, mais aussi avec la vigueur,
la puissance d'entraînement , de chaleur expansive, qui ont fait de lui
en quelque sorte le chef d'orchestre perpétuel de l'Association, dans
les grandes solennités organisées par elle, â son profit et à celui de
l'art. MM. Batiste et Tariot dirigeaient les chœurs. Autour de l'orches-
tre, une enceinte spéciale avait été réservée au public d'élite, apparte-
nant aux lettres et aux arts. Les dames patronesses occupaient des
stalles d'honneur : c'étaient Mmes Zimmermann , Adelphe Adam ,
Mennechet de Barival, Klein, de Talleyrand, de Narb.onne et de Bel-
lièvre. Beaucoup de noms dignes d'être cités nous échappent sans
doute ; mais ce que nous devons dire, c'est que la quête a été abon-
dante, et que sainte Cécile ne s'est pas montrée moins généreuse,
moins maternelle que par le passé pour ses enfants pauvres et mal-
heureux.
P. S.
AUMTIOIS MUSICALES.
ftics derniers quatuors de ISeethoven , par 5111. llaurin, Sabattier,
Mas et Chevillard. — Une Farrenc. — Messe «le Cherubini à la
Madeleine. — M. Charles Kancla. — SI. K, Louis. — Lettre de
BoKsiui.
Les séances de musique sérieuse paraissent vouloir prédominer
pendant la saison des concerts qui va bientôt s'ouvrir. M. Hiller en a
donné l'exemple par l'exhibition de sa propre musique dans sa matinée
musicale chez Sax. Voici venir ou plutôt revenir M. Maurin, un de nos
habiles violonistes, qui, secondé par MM. Sabattier, Mas et Chevillard,
vont donner quelques séances exclusivement consacrées aux derniers
quatuors de Beethoven ; ces quatuors, qui ont frappé un coup retentis-
sant dans l'art instrumental : ces six œuvres exceptionnelles qui firent
événement à leur apparition, et ouvrirent un vaste champ à la contro-
verse, à la crilique; ces quatuors, enfin, qui, développant l'intelligence
musicale, et lui donnant plus de force et d'extension, onL essayé de
renverser la forme classique dans laquelle avait excellé leur auteur, ont
renouvelé les sensations que fait naître la science des sons, et créé de
nouvelles émotions, si l'on peut créer une nouvelle esthétique.
Ce qu'il y a de plus singulier à l'audition de celte musique d'une mé-
lodie si complexe et si capricieuse, et en même temps d'une harmonie
si pure et d'un style si sévère, c'est que tout cela plaît autant aux intel-
ligences musicales ordinaires, aux femmes enfin, qu'aux artistes, aux
hommes compétents et aptes à juger ces choses compliquées.
Nous avons assisté aux répétitions tout artistiques et religieusement
faites de ces quatuors, et nous reviendrons avec plaisir sur le bon effet
qu'ils ne peuvent manquer de produire, à en juger par celui qu'ils ont
produit au Cercle de la librairie l'an passé. Cette musique est admirable-
ment dite, au reste, par les quatre exécutants.
Mme Farrenc, qui écrit en musique d'un style classique et gracieux,
a donné une matinée musicale chez M. Pierson-Bodin, dont l'habile
professeur de piano au Conservatoire a presque fait tous les frais. La
séance s'est ouverte par une sonate pour piano et violon, jouée par
Mme Farrenc et M. Cuvillon. Cette œuvre, dans la couleur de celle de
Beethoven, a été fort bien exécutée par l'auteur et M. Cuvillon, un de
nos excellents violonistes.
Une fantaisie à quatre mains, par Pixis, sur Robert le Diable, a été
dite par Mmes Pierson-Bodin et Farrenc, avec cette délicatesse, ce fini
d'exécution, qui distinguent ces deux habiles pianistes : aussi l'exécu-
tion et l'œuvre de Pixis arrangée avec infiniment de goût, ont-elles été
applaudies par tous les auditeurs.
Un nouveau sextuor pour piano, flûte, hautbois, clarinette, cor et
basson, a été exécuté par l'auteur, MM. Dorus, Verroust aîné, Leroy,
Rousselotet Verroust jeune, de manière à faire saillir toutes les finesses
de mélodie et les artifices d'ingénieux savoir qui abondent dans ce
nouvel ouvrage de Mme Farrenc. C'est la sévérité du style de Spohr
unie à la grâce du savoir de Hummel. Ainsi que la sonate qui a ouvert
la séance, ce sextuor n'a pas de scherzo. On se demande pourquoi, et
l'on en blâme l'auteur, qui a prouvé plus d'une fois que l'originalité,
l'esprit et la verve qui doivent présider à la confection de cette petite
partie des œuvres de ce genre, sont aussi bien de son domaine que la
grâce et la pompe de la musique sentimentale. Ces deux dernières
qualités brillent au plus haut degré dans l'andante de son sextuor.
Les six voix instrumentales s'y déploient si splendidement, qu'on
croit entendre une symphonie.
Un duo pour flûte et piano, dit par M. Dorus et Mme Farrenc, a ter-
miné cette séance de nouvelle et bonne musique, exécutée avec autant
d'ensemble qu'en a mis l'auditoire, charmé de pareils interprètes, à
les applaudir.
— L'association particulière d'un certain nombre d'artites
de l'Opéra a célébré la fête de sainte Cécile par l'exécution d'une
messe solennelle de Cherubini, exécutée en l'église de la Madeleine.
L'œuvre de l'ancien directeur du Conservatoire étant connue de tous,
nous ne croyons pas devoir en remettre les beautés en lumière. Che-
rubini a été parmi nous le dernier représentant de ce qu'on appelait
alors la musique religieuse, le style sacré. Depuis, on a essayé de
changer, de transformer, de colorer ce style. Nous verrons si le nou-
veau aura la durée de l'ancien. Cette question est difficile à décider,
attendu que la musique de ce genre ne peut être ni applaudie ni im-
prouvée. 11 faut donc s'en rapporter au sentiment des artistes, des juges,
qui sont souvent des juyeurs.
Avant la bonne exécution de la belle œuvre de Cherubini, la messe
du sacre de Charles X, une question de préséance, d'usurpation ou de
pupitre, comme dans le poëme du Lutrin de Boileau, a surgi entre le
chef d'orchestre et le chef du chant. L'accord de cette musique sainte
et sacrée aurait pu en être troublé ; mais cette légère dissonance s'est
résolue, éteinte en des flots d'une harmonie pure et céleste qui a ré-
sonné dans la vaste enceinte de la Madeleine ; et l'auditoire nombreux
qui garnissait cette somptueuse basilique s'est relire on ne peut plus
satisfait du chef-d'œuvre du maître et de la manière dont il a été in-
terprété.
— Eu fait de bonne musique, en style pur et classique, nous devons
mentionner le sixième quatuor pour deux violons, alto et violoncelle,
&06
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
composé et exécuté par M. Charles Dancla, devant un auditoire bon
appréciateur de ce genre de musique qu'on ne saurait trop encourager ;
cet auditoire reconnaît et applaudit toujours en M. Dancla la verve unie
au savoir, comme compositeur, ainsi que la chaleur, l'élégance, la jus-
tesse et le brio, comme exécutant.
M. N. Louis est un compositeur pianiste, violoniste et " drama-
tiste. Il a beaucoup écrit de musique pour la petite propriété qui cul-
tive le piano ; il a même fait de la décentralisation musicale : il a com-
posé et fait représenter avec succès l'opéra départemental. S'il ne
voit pas l'art d'aussi haut que Beethoven, Meyerbeer ou Rossini, il
s'exerce et réussit dans d'autres conditions musicales. Il vient de don-
ner une séance dramatique, lyrique et instrumentale. La belle actrice
du théâtre de la Porte-Saint-Martin, Mlle Jouvante, a récité de bons
vers écrits par M. Méry, avec cette bonne diction qui la distingue.
Les Fiancés, drame lyrique en six parties, et quelques fragments des
Deux sergents', opéra joué en province, ont prouvé que M. Louis est
suffisamment mélodiste, harmoniste, instrumentiste même, pour réus-
sir au sein de la centralisation artistique, comme il a réussi par la dé-
centralisation lyrique et dramatique.
Mlle Jouvante, qui récitait les vers de la légende, a été belle et
touchante, et a vivement impressionné l'auditoire. Le piano était tenu
par Mlle Jenny Leroy, jeune pianiste de grand avenir; quant à Alard,
qui l'accompagnait, il a été tour à tour chevaleresque , tendre, pas-
sionné, sublime, et dans la cinquième partie, intitulée Convoi junebre,
il a fait verser de douces larmes, et a été, avec sa charmante partner,
applaudi avec enthousiasme.
La première partie de cette intéressante matinée musicale se com-
posait de fragments de l'opéra de N. Louis, les Deux Seryents, qui
ont été fort bien chantés par Mlles Girard et Dussy, de l'Opéra, et
M. Talion, du Théâtre-Lyrique.
Une dame italienne, une Corinne au petit pied, qui improvise à loisir
toute sorte de musique instrumentale et vocale, a envoyé dernièrement
à l'auteur de Moïse quelques-unes de ses productions, ce qui lui a valu,
d'il maestro di gran genio et di spirilo un poco malisiero, cette ré-
ponse :
« Ma chère madame Ucelli ,
» Mon devoir, est de vous remercier du généreux présent que vous
m'avez fait de vos productions musicales : la Chasse, à grand orches-
tre , le Salve Regina, à quatre voix, et Louise-Marie au ciel, compo-
sitions, qui, à mon avis, ont le don de la spontanéité des idées et de la
simplicité du style, qualités fort opposées aux artifices mystiques et
lugubres du jour. Se tenir en silence est ce qu'il y a de plus prudent
à faire maintenant. Comprenez-vous?... Vous me trouverez peut-être
étrange de vous dicter des lois. Que voulez- vous? Je suis pour l'âge et
le caractère un pédagogue bourru, ce qui ne m'empêche pas cependant
de me dire pour toujours votre très-affectionné.
» Rappelez-moi à votre aimable fille.
» Florence, le 16 novembre 1852. »
» GlOACCHINO ROSSINI. ))
Henri BLANCHARD.
CORRESPOIDAICE.
Bruxelles, 17 novembre 1852.
Après avoir fait languir longtemps ses habitués, la direction des théâtres
royaux vient enfin de leur offrir une nouveauté. La première représenta-
tion de la Perle du Brésil a eu lieu la semaine passée. Le public a fait bon
accueil à la partition de M. Félicien David, bien que l'exécution n'en ait
été qu'assez médiocre, à vrai dire. 11 faut de toute nécessité pour le pre-
mier rôle de femme, pour représenter cette perle qui a nom Zora, il faut,
dis-je, une artiste en qui se résument toutes les perfections de la nature
et de l'art. Jeunesse, beauté, voix, talent , voilà tout ce qu'on doit trouver
en elle, sous peine qu'il n'y ait pas d'illusion pour le spectateur et
que le titre môme de l'opéra soit un mensonge. Or, nous n'avons qu'une
première chanteuse provisoire qui a du mérite, je ne le conteste pas, qui
a plus de zèle encore, mais qui ne réalise pas l'idéal des qualités que je
viens d'énumérer. Celui des chanteurs qui s'est le plus distingué dans
l'exécution de la Perle du Brésil est M. Balanqué. Malheureusement, son
rôle est des plus secondaires : c'est celui du chef des sauvages, dont l'ap-
parition n'a lieu que vers la fin du dernier acte.
La question des prime donne du grand opéra n'a fait qu'un tout petit
pas depuis que je vous ai entretenu des embarras causés à la direction par
les échecs successifs des deux titulaires de l'emploi. On a écrit, assure-t-on,
à une artiste qui se trouve aux Etats-Unis pour lui faire des propositions
d'engagement. Quelque rapides que soient, de nos jours, les moyens de
communication, notre opéra aura le temps d'être mort, archi-mort avant
de recevoir ce secours de l'autre monde. Pour l'opéra comique nous
aurons du moins Mlle Lemaire, qui est engagée, ainsi que vous l'annoncez
dans votre dernier numéro, à dater du 1er décembre prochain.
Un événement inattendu est venu nous surprendre au milieu de notre
calme parfait. II s'agit d'une représentation du Prophète donnée par Roger
et par Mlle Masson. M. Vizentini, régisseur des théâtres royaux, a eu l'ex-
cellente idée de solliciter le concours de ces deux virtuoses pour sa soirée
à bénéfice, et il a eu le bonheur de réussir dans sa négociation. Je vous
laisse à penser si la nouvelle de cette solennité a été accueillie avec joie
par le public. Annoncée d'abord pour jeudi dernier, elle fut remise par
suite d'une dépêehe télégraphique, puis fixée définitivement à samedi,
par une seconde transmission aérienne. On n'avait pas encore apprécié
les avantages de la télégraphie électrique en matière d'art dramatique; la
voici constatée. Le Prophète n'a été nulle part l'objet de plus d'admiration,
de plus d'enthousiasme qu'à Bruxelles. Il faut rendre aux dilettantes de
notre capitale cette justice qu'ils ont compris les beautés du chef-d'œuvre
de Meyerbeer. On a donc su gré à Roger et à Mlle Masson du choix qu'ils
avaient fait de cet opéra. Je n'ai pas à vous dire ce qu'ils ont été, le pre-
mier dans Jean de Leyde, et la seconde dans Fidès ; vous savez ce dont ils
sont capables. Je me bornerai à constater l'éclatante ovation qu'ils ont
reçue. Ils ne devaient donner qu'une seule représentation ; mais on les a si
vivement pressés qu'ils ont consenti à chanter une deuxième fois le Pro-
phète, en présence d'un auditoire aussi nombreux et aussi chaleureux que
le premier soir. Il ne nous reste qu'un regret, après les jouissances qu'ils
nous ont fait éprouver, c'est de retomber dans la nullité des artistes or-
dinaires, très-ordinaires, hélas ! de notre opéra.
On annonce pour cette semaine les représentations de M. Mocker, et
eomme nouveauté, on s'occupe du dernier opéra comique de M. Adam :
Si fêtais roi !
Il y avait plusieurs années que Teresa Milanollo ne s'était fait entendre
à Bruxelles. Elle a reparu sur notre horizon musical pour faire œuvre de
piété en même temps que de virtuosité en donnant un concert pour l'a-
chèvement d'une vaste église, dont l'édification a été entreprise au moyen
des seules ressources fournies par la dévotion publique. C'est à peu près
ainsi que s'élevèrent la plupart des cathédrales du moyen âge. Seulement,
au lieu de stimuler le zèle des fidèles, comme on le faisait alors, par des
promesses d'indulgences, on les convie à des concerts de piano et de vio-
lon. L'hiver dernier, Mme Pleyel avait joué deux fois au profit de la caisse
où s'alimentent les entrepreneurs pour la continuation des travaux de
notre nouvelle église ; Teresa Milanollo vient de suivre un si louable exem-
ple. Le succès a été complet; succès de recette d'abord, puis succès d'ap-
plaudissements et de fleurs. Elle a joué de cet archet que vous lui con-
naissez plusieurs morceaux de sa composition, entre autres une fantaisie
intitulée : A ma sœur Maria, souvenirs et regrets. Ce titre ne me plaît pas,
Pour jeter de la variété dans son morceau, pour mieux faire ressortir des
mélodies douces et mélancoliques, il a bien fallu y introduire certaines de
ces difficultés de mécanisme qu'on désigne sous le nom d'agréments, où
des gammes, des arpèges et des traits in staccato s'associent mal à l'ex-
pression de douloureux regrets. Après le concert dont je vous parle, Teresa
Milanollo a été sollicitée par des sociétés philanthropiques d'Anvers et de
Louvain d'aller coopérer à de bonnes œuvres , et elle l'a fait avec cette
grâce qui double le prix d'une action généreuse. Les artistes sont, de nos
jours, les grands bienfaiteurs des pauvres. Il n'est ni princes, ni prélats
qui fassent d'aussi larges aumônes.
M. Lemmens, notre habile organiste, aussi connu à Paris qu'à Bruxelles,
depuis que vous avez enregistré les succès qu'il a obtenus en touchant
les belles orgues de Cavaillé-Coll, a donné ces jours derniers, chez lui,
une séance de musique classique. Il a joué des sonates en dépit du pré-
tendu bon mot de Fontenelle, et des fugues, oui, monsieur, des fugues, de-
vant un auditoire, eu grande partie de gens du monde, et qui a été fort
surpris de goûter un plaisir extrême à l'audition de ce genre de pièce
dont le nom seul l'effrayait. De plus, M. Lemmens a fait entendre le ma-
gnifique clavier complet de pédales qu'il a reçu depuis peu de M. Erard, et
.ont il tire un merveilleux parti; car vous savez qu'il joue aussi habile-
DE PARIS.
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ment de ses pieds que d'autres font de leurs doigts. Il a terminé par deux
charmantes improvisations sur l'orgue expressif, instrument borné dans
ses ressources, mais duquel il sait obtenir les plus piquants effets.
Tandis que deux mois au moins vous séparent de la saison drs concerts,
les soirées musicales sont chez nous en pleine activité. M. David, virtuose
d'un nouveau genre, a donné, il y a peu de jours, une séance bizarre con-
sacrée mi-partie à la déclamation et au chant. Son programme était la
chose la plus excentrique du inonde. 11 annonçait qu'il s'était fait entendre
devant tous les souverains de l'Europe, et qu'il avait donné à Londres des
soirées avec le concours de Mines Viardot, Grisi, Rachel, MM. Lablache,
Mario, ïhalberg, Lcvassor. Sainton et Piatti. Comme trouvez-vous cette
association de noms? Airs, ballades, romances, cantilènes, duos, chansons,
dialogues, scènes tragiques, poésies légères, fables, etc., tous les genres sont
abordés par M. David, parce que tous les genres sont bons, hors le genre
ennuyeux. Je cite textuellement le programme. Tous les genres ont paru
également ennuyeux quand M. David s'est livré à la déclamation ; mais il a
un jolie voix de baryton et dit très-agréablement la romance. Il a obtenu
un succès de surprise; car, soit modestie, soit calcul, il avait prié d'avance
le public d'excuser sa complète ignorance des règles du chant.
Nous aurons cette semaine deux séances plus musicales : un concert de
M. Géraldy et une solennité théâtrale où l'on a intercalé un intermède
par Mme Pleyel et par Mme Ugalde , qui vient exprès de Paris. Voilà de
vraies bonnes fortunes pour nos amateurs.
Berlin, 22 novembre.
11 n'est pas si facile qu'on pourrait le croire de deviner pourquoi je
suis resté si longtemps sans vous écrire. Jusqu'ici la musique nous a fait
défaut, parce que nous manquons de salle. En effet, le commencement de
la saison se date ordinairement du premier concert du Conservatoire ou de
la reprise des soirées de symphonies ; celles-ci devaient être précédées
d'autres solennités importantes; on les annonçait de semaine en semaine, et
elles n'arrivaient pas. — Nous n'avions pas de salle, et voilà pourquoi je ne
vous avais pas écrit jusqu'ici. Nous n'avons pas encore de salle et je vous
écris pourtant : c'est que, dans l'intervalle, il est survenu quelques faits
intéressants, et que plusieurs exécutions musicales ont eu lieu dans un
autre local. Mais permettez-moi d'abord de vous dire comment il se fait que
nous n'avons pas de salle de concert. « Nous avons à Berlin un magnifique
édifice consacré aux divertissements publics, dans lequel il y a même une
petite salle de spectacle, » disaient, il y a trente ans, les méchantes lan-
gues, en parlant du Schauspielhaus nouvellement construit par Schinkel,
où, à côté d'une grande salle de concerts et d'un magnifique local de bal,
se trouvait un espace assez restreint consacré aux représentations théâ-
trales. Cette salle de concerts est encombrée, depuis deux mois, non pas
d'auditeurs, mais de coulisses, de charpentes, d'échafaudages, d'objets de
garderobe et de bric-à-brac, parce que l'on restaure l'intérieur du
Schauspidhaus. On promet toujours de faire évacuer la salle, et les choses
restent dans le même état. Cette salle encombrée est l'écluse qui arrête
toutes nos jouissances musicales, à l'exception de celles dont je vais vous
entretenir.
Il y a cinq cents ans, je crois, ou du temps de saint Louis, existait un
compositeur ayant nom Gluck; cet homme est naturellement oublié de-
puis longtemps ; et environ vers le même temps vivait un roi nommé
Admète, dont le souvenir s'est également perdu, ainsi que celui de son
épouse Alceste, qui doit être complètement inconnue aujourd'hui, vu
qu'elle eut la ridicule pensée de vouloir mourir pour son mari. Je ne
sais si ledit Gluck était maître de chapelle à la cour du roi de Phères, où
régnait Admète, ou s'il y avait quelque autre emploi ; car qui peut se rap-
peler toutes les anciennes histoires ? — Bref, il mit l'aventure d'Alceste en
musique ; et c'est de toutes ces vieilleries que nous nous sommes occupés
jusqu'à présenta Berlin; car vous connaissez l'engouement du roi pour la
musique ancienne. J'assistai, moi aussi, au drame; je vis, ou plutôt
j'entendis, ou mieux dire je rêvai. Ah ! le singulier rêve que je fis ! Il
me semblait entendre des accords merveilleux. Sur des ailes magiques,
je fus transporté dans l'Olympe ; les tonnerres de Jupiter grondaient;
Hercule agitait sa massue; Apollon traversait le ciel azuré sur son char
radieux; une gracieuse figure, respirant la douceur et la dignité sublime
Mais vous n'avez que faire de mes rêves. J'ai des fonctions bien autrement
importantes à remplir; j'ai à vous rendre compte de tout ce qu'il y a de
remarquable, de miraculeux chez nous en fait de musique.
Or donc, je vous mande ce qui suit : le 20 du mois dans la salle Kroll, la
réunion de chant Erk a donné un concert au profit de l'institut Luther;
c'est, je crois, une maison d'éducation ; mais peu importe, c'est moins la
philanthropie que la philharmonie qui nous regarde, et je puis dire que les
Lieder, arrangés à quatre, cinq et six voix, et chantés a capdla, m'ont
paru fort harmonieux. Les naïves mélodies populaires nous charment
comme les fraîches ;scnteurs de la forêt. Dans les intervalles, de Kroll
a fait entendre, sous la direction de M. Engel, les ouvertures à'Egmont et
de Freisvhiilz.
Le même jour, une autre société a donné le premier de ses con-
certs au profit de la fondation Gustave-Adolphe ; vous voyez que chez
nous l'art marche toujours de pair avec la bienfaisance. Nous y enten-
dîmes chanter ou jouer des personnes fort honorables : M. le cheva-
lier d'Osten. ténor qui à l'aristocratie de la naissance joint une aristocratie
artistique peu commune, y chanta Adélaïde, de Beethoven; Mme Marchesi-
Graumann, belle voix de contralto, plusieurs Lieders, le trio de Bee-
thoven en si bémol majeur, un psaume de Marcello. Voilà à peu près les
morceaux les plus saillants remarqués au programme.
Avant l'achèvement de la salle, je ne vous écrirai plus, car nous avons
beaucoup de choses en expectative : Paulus, de Mendelssohn, soirées de
symphonies, concerts des chœurs du Dôme; au théâtre aussi dans cette
semaine, h Prophète, Euryanthe, Titus, Alceste et le Postillon de Lonyjumeau.
Pourvu que l'embarras des richesses ne nous amène par la pauvreté! Cela
s'est vu quelquefois.
L. HELLSTAB.
NOUVELLES.
#% Aujourd'hui dimanche, par extraordinaire , à l'Opéra, Robert-le-
Diablc. Mathieu chantera pour la première fois le rôle de Robert.
„.** Une indisposition subite empêchant Massol de remplir mardi der-
nier le rôle d'Ashvérus dans le Juif errant, c'est Merly qui l'a remplacé.
Le jeune artiste ne pouvait désirer ni obtenir un succès plus complet. Sa
belle voix s'est déployée avec tous ses avantages dans ce rôle où le chant
tient une large place. Sa physionomie, ses gestes, n'ont pas été moins re-
marquables. Applaudi avec chaleur, Merly a été rappelé plusieurs fois.
Nous le félicitons d'avoir si bien profité d'une occasion que le hasard lui
a procurée. Son talent fera le reste.
*** Moïse fait toujours salle comble. Vendredi, Chapuis ne pouvant
chanter, Kœnig a rempli son rôle le cahier à la main.
„% C'est à un opéra en deux actes, et non en cinq, que Ilalévy tra-
vaille en ce moment pour notre première scène lyrique.
„*» L'Opéra-Comique répète activement l'ouvrage en trois actes de Scribe
et Auber, dans lequel débutera Mlle Caroline Duprez. La première repré-
sentation en est annoncée pour le commencement du mois prochain.
„** S. A. I. le Prince-Président a envoyé au directeur de l'Opéra-Co-
mique, aux auteurs de la cantate et aux artistes qui l'ont exécutée, de
riches cadeaux en souvenir de la représentation solennelle. MM. Emile
Perrin, Méry, Adolphe Adam, Battaille, ont reçu chacun une tabatière
enrichie de diamants ; Mme Ugalde, une broche montée en diamants et
pierres précieuses; Mlle Wertheimber, un bracelet en diamants; Mlle Le-
fèvre, un bracelet en émeraudes.
*** Le Théâtre-Italien a repris jeudi dernier la Sonnambula, de Bellini,
pour les débuts de Mlle Beltramelli dans le rôle d'Amina. Sans être tout
à fait dépourvue de mérite, la débutante n'est pas non plus destinée à
produire une grande sensation. Les notes élevées de sa voix ont du charme,
mais le médium manque de force, et les défauts naturels de la cantatrice
ne sont pas rachetés par l'excellence de la méthode. Calzolari et Belletti
ont chanté les deux autres rôles avec tout leur talent.
*% Luisa Miller doit être représentée sous peu de jours. Sophie Cru-
velli chantera le rôle principal.
*% C'est Mlle Petit-Brière qui, dans la Perle dit Bré il, au Théâtre-
Lyrique, remplit le rôle créé l'année dernière par Mlle Duez.
***Si fêtais roi ! et le Postillon de Longjtimeau ne cessent d'occuper
l'affiche et d'attirer la foule.
**„, La Poupée de Nuremberg, chantée par Mme Cabel, obtient un succès
de vogue au théâtre de Lyon.
,,*,, Le même ouvrage n'a pas moins réussi à Versailles, où Mlle Petitpa
chantait le rôle principal.
%% Mme Stoltz a couronné ses brillants succès à Rio-Janeiro par une
représentation à son bénéfice, composée d'une scène de Charles 17, du
troisième et du quatrième acte de ta Favorite, et d'un ballet.
„** La Zanchioli, cantatrice des plus distinguées, vient d'être engagée
au théâtre de la Pergola de Florence, pour jouer le rôle de Fidès dans le
Prophète.
*** Duprez, le grand artiste, le grand chanteur, a rouvert les cours dans
lesquels il enseigne avec tant d'autorité l'art qu'il a exercé avec tant de
gloire. Il est superflu de dire que les élèves y sont nombreux, et que la
foule des amateurs s'empresse de recueillir les préceptes de la bouche
même de l'auteur de l'Art du, chant. Un professeur qui peut montrer des
élèves telles que Mlle Félix Miolan , Mlle Poinsot et sa charmante fille,
sans parler de bien d'autres, n'a pas besoin d'éloges , et se passe fort
bien de recommandation.
„*,, Plusieurs journaux ont annoncé par erreur que la distribution des
prix au Conservatoire de musique et de déclamation se ferait aujour-
d'hui. Il est probable que cette solennité aura lieu dimanche prochain,
5 décembre.
408
REVUE ET GAZETTE MUSICALE DE PARIS.
*± Berlioz est de retour à Paris après une excursion des plus bril-
lantes, sur laquelle on trouvera plus loin quelques détails. (Voyez Chroni-
que étrangère : Weimar.)
t*t Vivier est revenu depuis le commencement de la semaine. Il a fait
route avec M. le comte Bacciochi et le nouvel ambassadeur ottoman, Wely-
Pacha.
t*t Ernst est toujours à Lyon. Ce qui prouverait ses succès dans cette
ville, s'il y avait besoin de preuves à cet égard, c'est qu'après avoir déjà
donné deux soirées dans la grande salle des Concerts, après avoir joué
dans une soirée de quatuors, chez Georges Hainl, le célèbre violoniste est
encore retenu pour deux ou trois concerts au grand théâtre.
t% Le ténor de Lagrave chantait dernièrement le rôle d'Edgard, de
Lucie, sur le théâtre d'Abbeville, avec un succès complet.
t*t Chelard, l'auteur de Macbeth, correspondant de l'Institut, actuelle
ment maître de chapelle à la cour de Weimar, est â Paris en ce moment.
Nous espérons qu'il ne quittera pas Paris sans nous faire entendre quel-
ques-unes de ses œuvres nouvelles.
»% Un jeune violoniste, M. Giraud, est venu jouer sur le théâtre de
Marseille, entre deux actes du Postillin de Longjumeau. deux fantaisies de
Vieuxtemps, de manière à ne laisser aucun doute sur ses qualités de vir-
tuose.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
%* Weimar, 23 novembre. Notre cour, qui continue avec une si
admirable persévérance les nobles et grandes traditions qui l'ont illustrée,
vient de donner ces jours-ci plusieurs fêtes musicales à l'occasion de la
représentation de l'opéra de Berlioz , Benvenuto Cellini. Le succès en a
i-té aussi grand que Berlioz lui-même ait pu jamais le désirer. Benvenuto,
monté par les soins de son ami Liszt avec un goût et une intelligence
qu'on ne saurait trop louer et qui prouvent un amour passionné de l'art,
a été joué deux fois sur le théâtre de la cour au milieu des applaudisse-
ments les plus enthousiastes. Les deux fois, la salle était comble, car il
était venu une multitude de spectateurs de toutes les villes environnan-
tes, d'Iéna, de Brunswick, de Hanovre, de Leipsick, etc. Le triomphe de
Berlioz a été complet. A la première représentation, il a été rappelé après
le troisième acte avec tant d'instance que l'intendant du théâtre est venu
le prier de paraître pour eu finir avec l'opiniâtreté du public. La seconde
représentation , dirigée comme la première par Liszt en sa qualité de
maître de chapelle, n'a pas été moins bri'lante et moins chaleureuse. Sa-
medi, nous avons eu, sous la direction de Berlioz en personne, un con-
cert qui a confirmé l'éclatant succès de Benvenuto Cellini. Le programme
se composait de sa symphonie de Roméo et JulieVe complète et des deux
premiers actes de son Faust. C'était beaucoup peut-être pour un concert
ordinaire ; mais, en dépit de l'heure avancée, on a fait cependant répéter
un très-grand nombre de morceaux. Berlioz devra conserver le plus vif
souvenir de cette soirée, où tous les témoignages imaginables d'admira-
tion et de sympathie lui ont été prodigués. L'Académie de chant de Wei-
mar avait, pour la première fois, consenti à se joindre aux artistes du
théâtre pour exécuter les chœurs. La plupart des dames amateurs douées
de belles voix et de quelque savoir en musique s'y trouvaient, et l'exécu-
tion, témoignage du soin avec lequel elles avaient assisté à de longues ré-
pétitions, a dû satisfaire l'auteur. A la fin du concert, le grand-duc et la
grande-duchese l'ont fait appeler dans leur loge, et après l'avoir com-
plimenté de la manière la plus gracieuse, le grand-duc lui a fait remettre
son ordre du Faucon-Blanc. Le lendemain, il a dîné à la cour; le minis-
tre de France, M. de Talleyrand, assistait à ce dîner, et il a remercié le
grand-duc de la bonté avec laquelle il avait accueilli son illustre compa-
triote. Enfin, hier lundi, le9 artistes du théâtre, ainsi qu'un grand nombre
d'amateurs et d'étrangers, se sont réunis pour donner à la maison de
ville même, au Sladi-Haus, un grand dîner à Berlioz. Le banquet a été
splendide et suivi d'un bal. Plusieurs toasts ont été portés en allemand et
en français. Au dernier, les artistes de la chapelle ducale ont offert au
héros de la fête un bâton de chef d'orchestre en argent, et à trois heures
du matin, au moment de monter en wagon pour retourner à Paris, Ber-
lioz les a retrouvés à l'embarcadère, où ils étaient réunis pour le saluer
encore de leurs sympathiques hourras.
t% Hambourg. — Giralda, l'opéra d'Adolphe Adam, a été représenté
avec le plus grand succès au théâtre de la ville : la salle était comble. Les
principaux acteurs ont été rappelés après le second acte et à la fin de la
pièce.
„,% Hanovre. — Le maître de concert, Hellmesberger, est mort ici le
12 novembre; cet artiste, d'un si bel avenir, n'avait point encore atteint
sa vingt-troisième année.
*% Brunswick. — On a mis à l'itude, à notre théâtre, un opéra nou-
veau dont l'auteur est une dame. Othon l archer, tel est le titre de la par-
tition que l'on doit au talent de Mme Elisa Schmezer.
t*# Presbuarg. — La Société de musique a célébré pour la 20° fois la
fête de sainte Cécile, à la cathédrale, où l'on a entendu cette année une
messe de M. de Righini. Cette Société a exécuté, depuis sa fondation, 1 ,448
messes ; elle a donné en outre 171 concerts.
t*„ Brème. — Guidoet Ginévra, d'Halévy, a été donné ici pour la pre-
mière fois, avec Mme Mittermayer et M. Weiss; le succès a été des plus
brillants.
*% Vienne. —M. le comte F. Pallfy, l'un des plus généreux protecteurs
des arts et des artistes, vient de mourir à Vienne.
— Cours de chant et de solfège. Mlle llémond, élève de M. Panseron, ou-
vrira chez elle, rue des Noyers, 65 (ancienne rue du Foin-Saint-Jacques),
un cours de chant et de solfège destiné aux jeunes personnes. Ce cours
commencera le mardi 7 décembre 1852, de 2 â 4 heures, et continuera
le mardi et le vendredi de chaque semaine, à la même heure. Pour les
conditions, Mlle Rémond recevra tous les mercredis, de 2 à 5 heures.
— En trois mois, M. Dorval Valentino, l'un de nos plus habiles profes-
seurs de chant, fait surmonter à la fois les difficultés de la lecture musi-
cale et de la mesure ; celles de la pose des sons, de la vocalise, de la
prononciation, de l'expression et de la diction intelligente du récitatif.
Cet ingénieux démonstrateur, auteur d'un traité approuvé par le Conser-
vatoire : CArt de la prononciation appliquée au chant, continue ses cours
rue Saint-Lazare, 6.
— On demande, pour un magasin d'instruments de musique à Paris,
une jeune dame sachant bien toucher du piano et connaissant un peu sa
tenue des livres Répondre franco poste restante à Paris, à Mme L. B. C.
— Pour faire place aux instruments de nouvelle fabrication, la maison
Pape désire se défaire d'un certain nombre de pianos d'occasion de toute
espèce; ils seront vendus à très-bas prix, et ceux de la fabrique remis à
neuf et garantis. 10, rue de Valois, Palais-Royal.
MM. BEBSTHARDI nts et C,e,
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K« 49.
REVUE
5 Décembre 18î>2.
rli «:-■ i tlmuiu'iiictit i
Pons, un UIi
Dîpartements, Re'glqae el Sui<
fitronfrer
Iticgerstr.
Lo Jniirn.i paroit le Dimanche.
GAZETTE MUSICALE
Bl FÂIIS
SOMMAIRE. — Création d'un musée musical, par Edouard E'Vtis. — Auditions
musicales, par Henri Klaiicliari'. — Correspondance, Saint-Pétersbourg,
l'O-péra-Italien-, affaire Galitzin-Schindler, un manuscrit de Beethoven, par B.
Dumckc. — Collections curieuses de: musique ancienne. — Société Sainte-
Cécile. — Nouvelles et annonces.
DE LA CRÉATION D'DN MUSÉE MUSICAL.
Il existe des musées de toute espèce, des musées d'antiquités égyp-
tiennes, grecques et romaines, des musées d'architecture, de statuaire
et de peinture, des musées d'armures, des musées céramiques, des
musées de meubles et d'objets usuels du moyen âge, des musées d'his-
toire naturelle, des musées maritimes, des musées de machines, des
musées de tapisseries, des musées de costumes et de voitures, des
musées littéraires et iconographiques. Aucun établissement de ce genre
n'a été, jusqu'à ce jour, consacré à la musique. C'est une lacune, on
peut le dire sans faire de ce mot un nouvel abus, c'est une lacune que
la France devrait tenir à honneur de combler.
Veut-on savoir comment bâtissaient nos pères, comment ils guer-
royaient, comment ils se vêtissaient, comment ils organisaient la vie
matérielle dans l'intérieur de leur ménage, quelles ont été leurs con-
quêtes successives dans le domaine des arts mécaniques, on peut re-
courir aux collections des Petits-Augustins, du Louvre, de la rue Saint-
Thomas-d'Aquin, de l'hôtel Cluny et de la rue Saint-Martin. Mais si
l'on a envie de connaître les instruments de musique qui servaient à
leur récréation intellectuelle, il faut se contenter des descriptions con-
tenues dans des traités rares et indéchiffrables pour le plus grand
nombre. Quelques érudits ont seuls les moyens de satisfaire sur ce
point leur curiosité. Or, la musique est, de tous les arts, celui qui est
le moins fait pour demeurer le privilège des érudits.
Il serait digne du pays où la musique a pris son plus grand dévelop-
pement, il serait digne de la France de fonder un musée musical.
Quels devraient être les éléments d'une pareille collection? C'est ce que
nous allons essayer d'établir, en esquissant un plan d'organisation que
les avis des hommes spéciaux feront modifier et compléter au besoin.
Le musée en question comprendrait les modèles de tous les instru-
ments de musique en usage depuis les siècles les plus reculés jusqu'à
nos jours. Les gens qui voient des difficultés à tout vont nous arrêter
en objectant que les monuments manqueront pour les temps primitifs,
et que cette partie de notre collection brillera surtout par ses lacunes.
Nous commencerons donc par déclarer que nous n'admettons pas de
lacunes. Assurément, on chercherait longtemps si l'on voulait trouver
les trompettes que fit construire Moïse d'après l'ordre de Dieu, ou bien
la harpe dont se servit David pour calmer les fureurs de Saiil ; mais à
défaut des originaux, on peut avoir des copies. Nous voudrions donc
qu'en l'absence des instruments engloutis dans le grand naufrage des
siècles, il en fût exécuté des modèles aussi exacts que possible, soit
d'après les descriptions qu'en ont laissées les auteurs, qtiand on en
sera réduit à leur seul témoignage, comme pour les temps héroïques et
bibliques ; soit d'après les vestiges qu'on en trouve dans les fragments
de la peinture et de la statuaire des Egyptiens, des Grecs et des Romains.
Les archéologues, qui n'ont d'estime que pour les objets marqués
d'un cachet de vétusté parfaitement authentique, souriront de pitié à
à l'idée de ces antiquités de fraîche date. Nous les laisserons faire et
nous poursuivrons notre projet, sauf à nous passer de leur approba- '
tion. Nous aussi nous aimons, nous vénérons les reliques des temps
anciens ; mais quand ces reliques nous manquent, nous consentons à
ce qu'on en fabrique de modernes. Il ne s'agit que des reliques de
l'art, nous nous empressons de le déclarer, afin qu'on ne crie pas au
sacrilège. Quand on fait des copies de tableaux des anciens maîtres ;
quand on restaure les édifices gothiques dans leur style primitif; quand
on imite les formes du moyen âge et de la renaissance dans l'ébénis-
terie, l'orfèvrerie et la céramique, fait-on autre chose que ce que nous
conseillons ?
Supposant notre point de départ admis, voyons ses conséquences.
Pénétrons dans l'intérieur de ce musée musical, qu'on nous permettra
de considérer comme formé.
La première salle renferme les instruments dont il est fait mention
dans la Bible : le Kinnor, le Nebel, le Sabbeka, la Kitarah , le Min-
nim, le Psanterhn, etc., instruments à vent et à cordes, en bois et en
métal. En étudiant avec soin les textes sacrés et les dissertations des
commentateurs, on peut retrouver le principe de leur construction et
faire des modèles ayant une grande probabilité d'exactitude (1).
On demandera peut-être à quoi servira de donner la représentation
matérielle des instruments cités dans la Bible. Cela servira à faire con-
cevoir à ceux qui n'en ont pas la moindre idée le genre de musique
dont le peuple de Dieu pouvait se procurer la récréation. On soup-
çonne bien que les dilettantes des premiers siècles ne connaissaient
ni le piano, ni le violon , ni le hautbois, ni la clarinette; mais on
ignore très-généralement quels étaient les éléments des orchestres du
temps. Voilà ce que la vue des objets réunis dans la première salle de
notre musée musical apprendra aux ignorants, lesquels sont à peu
près tout le monde pour ce qui concerne cette matière.
De la salle des époques bibliques, on passe dans celle des instru-
ments de la Grèce et de Rome. On ne sera plus réduit ici aux conjec-
tures, aux interprétations des écrivains pour recomposer des familles
éteintes, ainsi que faisait l'illustre Cuvier, lorsqu'à l'aide d'un frag-
ment d'os fossile il créait en quelque sorte pour la seconde fois des
(1) Dans l'ouvrage de M. Munk sur la Palestine, on trouve à ce sujet des rensei-
gnements très-précis et très-curieux.
450
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
êtres disparus de la surface du globe. On a pour se guider des monu-
ments d'une authenticité inattaquable. Tous les instruments des Grecs
existent dans leurs sculptures et dans les peintures de leurs vases.
Quelques-uns de ceux des Romains ont été retrouvés dans des fouilles,
et existent en nature au musée de Naples. Les autres se voient dans
les peintures de Pompeïa et d'HercuIanum, aux mains des statues dans
les galeries ainsi que dans les bas-reliefs des temples. Rien de plus
facile que de refaire tout le système instrumental des anciens au
moyen de ces éléments.
Aux salles de l'antiquité succèdent celles du moyen âge. Pour les
temps les plus reculés de cette curieuse époque, on devra se contenter
des indications fournies par d'obscurs chroniqueurs. Du reste, il est
d'abord apporté peu de changements à l'espèce et à la forme des in-
struments antiques. Si nos barbares ancêtres ont eu quelque apparence
de civilisation, ce n'est guère que celle qu'ils ont empruntée aux Ro-
mains. Les druides eurent cependant une musique, des instruments.
Ils ne devront pas être oubliés. Plus lard, les fabliaux des trouvères
nous désignent et nous décrivent les instruments dont se servaient les
artistes qu'on appelait ménétriers. D'ailleurs, ces instruments, nous les
voyons figurer dans les miniatures des manuscrits, dans les tableaux
des vieux maîtres et dans les sculptures des cathédrales. Nous attei-
gnons le siècle de la renaissance. Là nous n'avons plus besoin d'inter-
roger les textes des écrivains et les monuments des arts du dessin. On
peut retrouver en nature la plupart des instruments. Ils existent dans
des cabinets d'amateurs ou chez des fripiers. Il ne s'agit que de les re-
chercher et d'en faire l'acquisition pour le compte de l'État.
Au sein de ce musée général , on pourrait former des collections
spéciales. On aurait, par exemple, toute l'histoire des perfectionne-
ments du piano, depuis la maigre épinette jusqu'aux puissants instru-
ments de M. Erard. Le violon, la harpe, la flûte, la clarinette, offri-
raient des séries semblables. Pour les instruments à vent, on arriverait
jusqu'aux saxophones.
Nous venons de dire ce que devrait être dans son ensemble toute la
partie de notre musée qui présenterait le développement de la musi-
que instrumentale à travers la suite des siècles. Il resterait des subdi-
visions intéressantes. Ce seraient celles où l'on réunirait les instru-
ments nationaux des peuples qui ont une civilisation différente de la
nôtre. Grâce à l'intervention des agents diplomatiques entretenus par le
gouvernement français dans toutes les parties du monde, on arriverait
en peu d'années, et sans dépenses excessives, à former une col-
lection très-curieuse. En Europe, certaines provinces de l'Espagne et
de l'Italie, l'Allemagne, la Hongrie, la Bohême, la Suède, le Dane-
mark, la Russie et d'autres pays encore , fourniraient de nombreux
éléments à cette division particulière des monuments l'art.
Pour l'Afrique, n'aurait-on point aisément, par l'intermédiaire des
représentants de l'autorité française en Algérie, les instruments des
Arabes? Les relations du gouvernement avec le vice-roi d'Egypte don-
neraient toutes facilités pour enrichir le musée des instruments de mu-
sique actuellement en usage dans l'antique patrie des Sésostris , et
qui, très- vraisemblablement, n'ont guère subi de modification depuis
plusieurs siècles. L'Afrique centrale serait, autant que possible, mise à
contribution pour compléter cette série.
Les instruments chinois formeraient une des subdivisions les plus
nombreuses et les plus intéressantes. Tout ce qui peut servir à faire
connaître les mœurs des habitants du céleste empire pique la curiosité
des Européens. Il a été publié de nombreux écrits sur leur musique.
L'examen de leurs instruments compléterait les notions théoriques
que les historiens nous ont données des formes essentiellement origi-
nales d'un art avec lequel celui qui charme notre oreille a peu de rap-
port. Sans être aussi directes ni aussi fréquentes que celles qu'on en-
tretient avec d'autres États, les relations établies avec l'empereur de
la Chine, depuis la dernière ambassade, nous autorisent à penser qu'on
n'éprouverait pas d'obstacle à se procurer des spécimen de chacun des
instruments qui font les délices des dilettantes de Peking.
La Perse a également des instruments de musique d'une nature par-
ticulière. Le souverain de cet empire est dans les meilleurs termes
avec le chef de la nation française ; il lui envoie des chevaux ; pour-
quoi ne lui enverrait-il pas des instruments, s'il lui était adressé une
demande à cet égard ?
Les populations de l'Inde soumises au pouvoir de l'Angleterre ont
conservé leur musique nationale. Il n'est pas douteux que, par l'en-
tremise du gouverneur de la compagnie, on ne pût se procurer la col-
lection de leurs instruments. La Turquie paierait aussi son tribut au
nouveau musée. Le sultan, qui emprunte à l'Europe les produits de sa
civilisation, ses usages, ses modes et ses arts, qui s'habille à la fran-
çaise, et se fait donner des représentations d'opéra italien, ne refuse-
rait assurément pas d'envoyer à Paris les instruments d'antique ori-
gine qui n'existent peut-être plus à Constantinople, où ils ont été rem-
placés par le piano, le violon, la flûte, etc., mais qui ont été conservés
très-certainement par ceux de ses sujets que n'a point atteints la con-
tagion des idées européennes.
L'Amérique du Nord, l'Amérique du Sud, les îles, seraient égale-
ment mises à contribution et fourniraient des échantillons bien curieux
au musée musical dont nous avons la témérité de proposer la forma-
tion. « Eh 1 quoi, vont s'écrier les dilettantes, des instruments barbares!
Qu'avons-nous besoin de connaître la musique des sauvages? N'est-ce
pas assez de toutes les machines de bois et de cuivre dont les composi-
teurs font usage et abus ? » Nous ne proposons pas d'employer ces in-
struments à donner des concerts; nos oreilles ne s'accommoderaient
pas plus que celles des dilettantes du régal d'une symphonie turque ou
arabe. Mais la musique n'est pas seulement un art de sensations; elle
offre à l'antiquaire, au philosophe, à l'historien, des sujets d'étude,
de méditation et de comparaisons que favoriserait singulièrement d'a-
doption de notre idée.
Comme toute proposition nouvelle, celle dont il s'agit ici rencon-
trera de l'opposition, nous le savons d'avance. On commencera par
contester l'utilité de notre musée. Cette utilité se démontre pourtant
d'elle-même au point de vue de l'archéologie artistique et de l'obser-
vation des mœurs. Le musicien y trouvera l'explication de certains
problèmes demeurés obscurs par la faute des écrivains auxquels ont
souvent manqué les connaissances techniques nécessaires pour en don-
ner la solution ; ceux qui s'attachent à suivre le développement mcral
des peuples dans sa marche parallèle avec le progrès de la civilisation,
analyseront avec fruit les éléments divers dont il sera composé ; les
peintres et les statuaires s'en serviront pour arriver à une plus grande
exactitude dans le rendu de certains délails de leurs compositions, de
même qu'ils font des musées d'armes anciennes , de meubles du
moyen âge et de curiosités archéologiques de tout genre ; enfin, le
vulgaire y satisfera sa curiosité comme lorsqu'il visite les autres dé-
pôts publics consacrés aux sciences et aux arts.
Quant aux difficultés d'exécution, il s'en faut de beaucoup qu'elles
soient aussi graves qu'on le supposera d'abord. A ceux qui s'élèveraient
sans réflexion contre la pensée de reconstruire les instruments dont
les originaux n'existent plus, et qui trouveraient mauvais qu'on vît
figurer dans un musée public des antiquités apocryphes , nous leur
rappellerons que la collection des machines au Conservatoire des arts
et métiers et le musée de la Marine au Louvre ne renferment guère
que des copies réduites d'objets qu'on n'a eu que ce seul moyen d'y
faire figurer, afin de présenter l'histoire matérialisée, si nous pouvons
nous exprimer ainsi, de certaines branches spéciales des sciences.
Il est inutile d'ajouter que dans ce qui précède nous n'avons pas
prétendu tracer un plan d'organisation du nouvel établissement dont
nous voudrions voir s'enrichir la ville de Paris, où abondent déjà tant
de précieuses collections de tout genre, et que notre seul but a été de
faire apprécier l'importance qu'il pourrait acquérir. Si l'on en venait
jamais à des mesures d'exécution, il resterait à donner un corps à ce
fantôme de projet.
Edouard FÉTIS.
DE PARIS.
451
ADDITIONS MUSICALES.
La Société académique des Enfants d'Apollon marche, dil-on, vers
la cent dix-septième année de son existence; la Société philotcclinique
est âgée de cinquante-sept ans, et la Société philharmonique de Paris
en compte vingt-sept depuis sa fondation. La première de ces associa-
tions, qui peut citer parmi ses membres les noms illustres de J.-J.
Rousseau, de Grétry, de Lacépède, de Lesueur, de Spontini, de Ros-
sini, etc., cultive tous les arts. Comme sa sœur, la Société philotechni-
que, d'abord exclusivement littéraire, a senti la nécessité de deve-
nir musicale ; elle a donc célébré son cinquante-septième anniversaire
dimanche passé, dans la salle Herz. M. Berville, secrétaire perpétuel
de ladite Société, a fait le rapport de ses travaux, puis il a célébré sa
ville natale, le tout en prose lucide, élégante et facile, comme il en a
toujours écrit et dit. Une dizaine de poètes plus ou moins connus sont
venus nous dire une douzaine de pièces de vers, parmi lesquelles nous
avons surtout distingué une scène de comédie intitulée Aspasie, que
devait jouer Mlle Rachel au Théâtre-Français. Ce fragment de poésie co-
lorée et parfumée d'atticisme et d'archaïsme, a été lu, dit avec cette
netteté d'articulation, cette purelé de diction, qui distingue l'auteur de
ces vers, M. Samson. Après cette musique de bonne langue française,
est venue celle des habiles instrumentistes et des chanteurs.
Un duo pour piano et violon sur les motifs de la Favorite, par Os-
borne et De Bériot, a été dit par M. Deloffre, ex-premier violon du théâ-
tre de la reine d'Angleterre, et par Mme Deloffre, jeune pianiste au jeu
net et brillant. Le même violoniste a joué avec M. Pilet, excellent vio-
loncelliste aussi du théâtre de la reine Victoria, une fantaisie concer-
tante pour violon et basse, dont on a justement et généralement ap-
plaudi la composition et l'exécution.
La grande scène de démence du Charles VI, de M.Halévy, a produit
son effet accoutumé de terreur et de pitié en passant par la voix et la
bonne déclamation lyrique de Wartel, qui a dit aussi des mélodies de
Weber et de Reber.
Mlle Talmont a gentiment vocalisé les deux airs de Y Ambassadrice
et du Toréador, de MM. Auber et Adam. MM. Boulu et Hausser se sont
distingués également, le premier par un fort joli solo de hautbois, et le
second en exécutant fort bien une fantaisie de basson avec des varia-
tions brillantes sur cet instrument, qui est presque une voix humaine
exercée à chanter l'élégie quand on le joue aussi bien que M. Hausser.
— La Société philharmonique de Paris a été fondée, il y a vingt-
sept ans, ainsi que nous l'avons dit, pour le plaisir et le goût musical
de la moyenne propriété commerciale de Paris. Des négociants de cette
ville et leur famille composent l'orchestre et la plus grande partie du
public de ces exhibitions de musique bourgeoise, auxquelles participent
de jeunes artistes de talent, plus ou moins ornés de premiers, seconds
prix et accessits conquis dans les luttes artistisques du Conservatoire
de musique. Ils viennent tâter le terrain mouvant de l'estrade de la
publicité musicale, comme chanteurs ou instrumentistes. Des artistes
d'un mérite reconnu, constaté, ne dédaignent point d'y venir aussi
conquérir de nouveaux suffrages. Mlle ArthémiseDuval, qui a été quel-
que temps pensionnaire du théâtre de l'Opéra-Comique, où elle a tenu
un rang distingué, s'est fait entendre dans le concert donné le 28 no-
vembre par la Société philharmonique dans la salle Sainte-Cécile. Elle
a dit l'air de Lucie et le boléro du Carillonneur de Bruges avec l'ex-
cellente méthode et la brillante facilité de vocalisation dont elle n'a
rien perdu en allant les faire applaudir aux États-Unis. Une autre can-
tatrice, Mlle Molidoff, n'a pas chanté d'une manière moins brillante un
air guerrier, di bravura, du Roméo et Jvlietle de Bellini, et celui de
Betihj de Donizetti. Aux nombreux succès de concert départemental
qu'elle vient d'obtenir, et que tous les journaux de la Normandie ont ré-
cemment constatés, Mlle Molidoff croit et peut espérer joindre ceux
des concerts de Paris.
M. Ferdinand Michel est un chanteur possédant une assez bonne
voix de ténor; il a chanté une romance de Donizetti et d'autres ro-
mances encore de sa composition. La chose rare dans l'art du chant,
c'est d'avoir confiance en soi et d'en inspirer à ses auditeurs. M. Mi-
chel a besoin d'acquérir cet aplomb et un peu de distinction dans l'é-
mission de la voix; comme M. Champenois, assez bon violoniste, et
quia joué un air varié qu'on a fort applaudi, doit songer à polir, finir
son jeu , et surtout à ne point accorder son instrument à chaque
instant dans le courant du morceau qu'il exécute. C'est un travers
qu'il importe de signaler à la plupart de nos solistes, assez coutumiers
du fait.
Les ouvertures de nos opéras français ou étrangers, qui commesont,
on dit, la pièce de bœuf du festin musical que sert la Société philhar-
monique à son public, sont exécutées avec assez d'ensemble, de nuan-
ces et de chaleur par ces sociétaires ; ils font de la musique pour leur
plaisir et celui de leur bienveillant auditoire, bien dirigés, d'ailleurs,
par leur chef d'orchestre, M. Aimé Roussette, qui s'efforce et travaille
souvent avec bonheur h faire oublier cet axiome impertinent : Dieu
nous préserve d'un diner sans façon et d'un concert d'amateurs!
Henri BLANCHARD.
CORRESPONDANCE.
Saint-Pétersbourg, 1" novembre 1852.
JL'Opèra-ïlulicn. — Affaire Golitzlii-Schlndler. — un manuscrit de
Beethoven.
L'hiver nous est arrivé, cette année, plus tôt et avec plus de rigueur
que d'habitude. Au milieu de ce mois déjà la Neva était fermée par les
glaces et les traîneaux parcouraient rapidement les rues de la ville.
L'hiver du Nord, avec ses courtes journées sans soleil, serait bien
triste si la musique, ce soleil vivifiant de l'âme, n'était pas là pour
combattre son influence accablante. Aussi l'arrivée des artistes est-elle
toujours saluée, à Saint-Pétersbourg, comme celle des hirondelles,
messagères du printemps. Les Italiens , ces oiseaux de passage d'un
nouveau genre, qui, au lieu de chercher la zone torride comme leurs
confrères ailés, dirigent leur vol vers le septentrion, nous arrivent or-
dinairement les premiers. Cette année, comme s'ils avaient pressenti
q ue l'ennemi qu'ils ont à combattre, l'hiver, devait être si prompt, ils
se sont hâtés aussi, et l'Opéra-Italien a pu rouvrir ses portes le 1er oc-
tobre.
Tirer dès à présent l'horoscope de la saison théâtrale qui vient de
commencer serait par trop téméraire: aussi me bornerai-je à consta-
ter simplement la constellation des astres qui brillent à notre horizon
musical. D'abord j'ai à signaler une double éclipse : nous ne possédons
ni une véritable prima donna assoluta, ni une basse profonde, ce qui
fait dire aux mauvais plaisants que notre opéra n'a ni tête ni pieds.
L'absence de laGrisi, qui, quoique engagée pour cette saison, a été em-
pêchée de remplir son engagement, est un désagrément fort grave
pour un public aussi gâté que le nôtre. II est vrai que nous ne man-
quons pas de premières chanteuses ; nous en avons trois : Mlle Marray,
Mme Medori et Mlle Spezia; mais à elles trois elles ne peuvent
nous dédommager de la seule Grisi, que nous n'avons pas. Mlle Marray
est une charmante et gracieuse cantatrice de beaucoup de talent, qui,
sans doute , a un fort bel avenir devant elle. Elle possède une voix
agréable, pure et très-flexible; sa méthode est excellente, et sa diction
expressive et gracieuse; mais le peu de volume de sa voix lui interdit
les rôles de grand genre, du moins tant qu'elle chantera dans des salles
vastes, comme celle de notre Opéra, et accompagnée par un orchestre
nombreux. C'est dans le genre léger et àfioritures que Mlle Marray est
vraiment ravissante, et que, même à côté de rivales redoutables comme
la Grisi et la Persiani, elle a su captiver la faveur du public pendant les
deux saisons précédentes. Mme Medori possède une voix d'un volume,
d'une fraîcheur et d'une sonorité très-remarquab'es; elle a du feu, de
la passion, peut-être même un véritable talent dramatique. Il est à
452
SVUE ET GAZETTE MUSICALE
regretter que l'art ait fait si peu pour développer ces admirables
qualités ; il est évident que, ni comme cantatrice ni comme actrice,
Mme Medori n'a fait des études sérieuses. Qu'elle les fasse, et une
carrière brillante l'attend ! Mais qu'elle les fasse bientôt; car il est à
craindre que sa voix, quelque forte et puissante qu'elle soit, ne résis-
te pas longtemps à sa manière actuelle de chanter. Mme Medori, qui
demain chantera la Norma, aspire évidemment à remplacer la
Grisi; nous verrons jusqu'à quel point elle y parviendra. Mme Spezia,
notre troisième prima donna, a débuté dans le rôle de Desdemone.
C'était une tentative hardie que d'évoquer ainsi le souvenir de la Grisi ;
notre débutante a dû s'en repentir. Mlle Demeric, conlr'alto, qui depuis
longtemps déjà appartient à notre Opéra, a été reçue avec une froideur
inaccoutumée dans Maria di RoJum et dans la Cenerentola.
Voyons maintenant les hommes ! —Mario, quoique engagé, n'est pas
encore arrivé. Son absence, en nous privant de quelques opéras dans
lesquels il daigne nous révéler sa belle et sympathique voix et son
talent tendre et expressif, doit naturellement restreindre encore le cer-
cle , déjà assez étroit, du répertoire italien. Heureusement qu'avec
Tamberlick nous possédons un ténor admirable, surtout dans les grands
rôles héroïques, ce qui nous aide beaucoup à prendre patience en at-
tendant Mario. Tamberlick appartient au petit nombre d'artistes qui, à
une organisation exceptionnelle, à un talent riche et développé, joi-
gnent un zèle ardent et infatigable qui les pousse toujours en avant sur
la route du progrès. Aussi est-il le favori hautement proclamé du pu-
blic. Dans Otcllo il a de nouveau obtenu un triomphe éclatant. L'ut
dièse de poitrine, qu'il prend dans le duo avec Yago (vous voyez qu'il
surpasse d'un demi-ton le célèbre Duprez !) a soulevé une véritable
tempête d'enthousiasme. Un autre ténor, M. Stecchi-Bottardi, a débuté
dans Don Pasquale. Son débit est élégant et expressif; mais sa voix,
quoique pure, est sèche, et sa fermeté musicale laisse beaucoup à dé-
sirer. En M. Debâssini nous venons de faire une acquisition magnifique.
Ce chanteur, dont la figure distinguée et la noble prestance captivent la
bienveillance dès sa première apparition, possède une de ces belles
voix de baryton que l'Italie seule paraît pouvoir produire. Par l'éten-
due remarquable de la région élevée, cette voix ressemble presque au
ténor, duquel cependant elle se distingue par cette largeur mâle et so-
nore qui n'appartient qu'aux voix graves. Pour ma part , tout en
admirant sincèrement une belle voix de ténor, j'avoue qu'une fraîche
et sympathique voix de baryton, comme celle de Debâssini, m'impres-
sionne plus profondément, me donne des frissons magnétiques; enfin,
je ne crains pas de le dire, paraît à mes yeux l'idéal de la voix d'homme.
A quelque degré qu'on partage cette appréciation, on n'en niera pas le
fond ; car c'est surtout le baryton qui établit le caractère de notre mu-
sique dramatique en face des opéras de la première moitié du siècle
passé, dont le caractère doucereux et antidramatique était parfaite-
ment d'accord avec les suprani et les hautes-contre. On frémit en pen-
sant aux milliers de germes de belles voix naturelles que ce siècle a eu
la barbarie de sacrifier, afin de se procurer les voix factices de Fari-
rinelli, Caffarelli et Crescentini. Jusqu'à présent Debâssini a chanté trois
fois le Carlos dans Ernani. Si, comme acteur, il n'est pas à la hauteur
de Ronconi, qui, l'année dernière, nous montrait ce grand personnage de
Charles-Quint avec une vérité saisissante, presque historique, il s'est
pourtant fort convenablement acquitté de son rôle. Du reste, le chan-
teur fait beaucoup pardonner à l'acteur, et Debâssini n'a besoin d'un
peu d'indulgence que vis-à-vis de ceux qui peuvent le comparer à
Ronconi. Le succès de Debâssini a été des plus complets.
Il ne me reste plus à parler que des deux géants, Ronconi et Lablache.
Mais à quoi bon ? Est-ce que ces deux noms ont besoin de commen-
taires ? Est-ce que partout où l'on aime le chant italien, ils ne sont pas
depuis longtemps les synonymes de génie, gloire, enthousiasme; enfin de
tout ce que le vocabulaire de l'admiration contient de plus expressif !...
Je dirai donc seulement qu'en voyant ensemble ces deux artistes émi-
nents, comme nous en avons eu l'occasion dans Don Pasquale et dans
la Cencrealola, ils se complètent mutuellement si bien, qu'ils parais-
sent inséparables, et qu'on croirait qu'isolés ils doivent perdre de leur
valeur. Leblache a chanté quatre fois le Don Pasquale, et autant de
fois le Don Magnifico de la Cenerentola.
Quant à la basse profonde, je l'ai dit déjà, elle nous manque, l'admi-
rable Formés, que nouî possédions l'hiver dernier, n'ayant pas été
réengagé. En ajoutant que Polonini et Tagliafico remplissent tant bien
que mal cet emploi, j'ai épuisé tout ce que j'avais à dire de l'opéra.
Cependant l'arrivée du compositeur Balfe a encore une certaine con-
nexité avec le théâtre. On dit que M. Balfe va monter un de ses
opéras; on parle même de son engagement comme chef d'orchestre de
l'Opéra-Italien.
En dehors du théâtre aussi une grande activité règne dans notre
monde musical. Vous savez que nous avons à regretter la perte de
Vieuxtemps. Les séances de quatuors, par l'institution desquelles ce
grand artiste a exercé une influence si salutaire sur le goût du public,
vont, cet hiver, être continuées par M. Wséwolod Maurer, artiste d'un
grand mérite, et chef des premiers violons de l'orchestre de l'Opéra.
La place que Vieuxtemps occupait dans l'orchestre est échue mainte-
nant à M. Apollinaire de Kontski, lequel, cependant, ne reçoit pas
d'appointements et se contente du titre honoraire de violon solo de la
cour impériale. M. de Kontski aussi annonce des matinées musicales,
dans lesquelles (je copie l'annonce) on exécutera des trios, quatuors,
quintettes et septuors classiques, et autres compositions de Beethoven,
Mozart, Haydn, Mendelssohn, ainsi que les pièces de V école roman-
tique de la composition de Bériot, Kontski et autres. On voit que la
diversité ne manquera pas à ces matinées.
Le pianiste Mortier de Fontaine ; la harpiste, Mme Parisli-Alvars,
née Leroy, ainsi que plusieurs autres artistes étrangers sont déjà
arrivés et préparent des concerts; un grand nombre d'autres sont an-
noncés. Tout porte à croire que notre hiver musical deviendra d'une
richesse presque sans exemple.
Il faut que je dise encore quelques mots sur la question brûlante
qui, dans ce moment, préoccupe si vivement les esprits, la réclamation
du prince Galitzin ; car vous pensez bien que, dans notre monde musical
où chacun connaît le prince, cette affaire doi inspirer un intérêt tout
particulier. Mon intention en touchant cette question n'est nullement
de prévenir les éclaircissements que, sans doute, le prince va donner
encore; je ne vous dirai que ce qu'on pense ici de cette affaire, je vous
donnerai un compte-rendu de l'opinion publique, — voilà tout!
D'abord, je dois vous dire qu'en Russie l'accusation de Schindler n'a
jamais été prise au sérieux. Et, en effet, ne faut-il pas toute la prédi-
lection que le vulgaire professe pour ce qui est incroyable et mon-
strueux, pour admettre un seul instant qu'un riche amateur, membre
de la haute aristocratie, après avoir demandé et obtenu quelques nou-
veaux chefs-d'œuvre d'un artiste dont il est l'admirateur passionné,
puisse refusera ce même artiste la misérable somme de 150 ducats,
prix convenu des œuvres qu'il vient de recevoir! Cependant, l'accusa-
tion de Schindler existait, elle était même sur le point de se glisser
tout doucement dans l'histoire ; le prince, à moins de laisser son nom
atout jamais couvert de honte, était donc obligé de réclamer; ce qu'il
a fait enfin. Schindler vient maintenant de publier une réponse ; mais
on voit bien qu'au fond il n'avait rien à répondre. De là ces divagations
fréquentes et ce flot de paroles inutiles qui ne font qu'embrouiller
davantage la question. Le seul point important de celte réponse se
trouve dans la déclaration de M. Holz, témoin cité par M. Schindler
lui-même. M. Holz déclare positivement que le premier des trois qua-
tuors composés par Beethoven pour le prince Galitzin, a été payé.
Or, le fait une fois constaté que le prince a fait un paiement à Beetho-
ven, la base de toute la discussion, l'assertion de Schindler : que
« jamais Beethoven n'a reçu un liard, » est réfutée et entièrement
détruite ! A la rigueur, on pourrait clore ici les débats. On voit que le
pauvre Schindler, démenti ainsi par son propre témoin, n'avait qu'une
connaissance très-imparfaite de cette affaire, ce qui ne l'empêchait pas
de la raconter avec une emphase toute particulière et la certitude la
DE PARIS.
653
plus absolue. Quant au paiement des deux derniers quatuors, M. IIolz
dit que Beethoven ne l'a pas reçu, parce que s'il l'avait reçu, lui,
M. IIolz, aurait dû s'en apercevoir. Cette logique paraît faible et peu
concluante. Tout aussi bien on pourrait dire : « Si M. IIolz ne s'est
» pas aperçu du paiement, c'est que sa surveillance a été mise en dé-
» faut par Beethoven. » — Oh ! pauvre maître ! comme tu as dû
souffrir, entouré comme tu l'étais à' amis intimes qui surveillaient ta
correspondance, ta bourse, et jusqu'aux inspirations de ton génie ! —
Sous ce dernier rapport, le récit que Schindler fait du conciliabule
tenu par les amis de Beethoven, afin de décider si le grand maître de-
vait ou non composer les quatuors, est on ne peut plus significatif.
Tout le monde attend maintenant avec impatience les derniers éclair-
cissements du prince ; mais tout le monde aussi désire que des détails,
probablement très-insignifiants, qui pourraient blesser le respect dû à
la mémoire de Beethoven, puissent rester éloignés de cette affaire.
Pour rentrer dans la sphère pure de l'art, je vous communiquerai
quelques observations qui, je le crois, trouveront ici une place conve-
nable, vu qu'elles se rattachent précisément à l'un des quatuors dont les
honoraires ont provoqué la discussion entre Schindler et le prince Ga-
litzin. — Le manuscrit autographe du scherzo du premier de ces qua-
tuors, œuvre 127, se trouve en possession de notre digne M. Louis
Maurer, qui l'a reçu en cadeau de la Société des amis de la musique
{Gesellschoft der Musikfreunde), à Vienne. (Soit dit en passant, le
prince Galitzinn'a reçu de Beethoven qu'une copie des parties séparées,
corrigée par l'auteur lui-même.) En examinant scrupuleusement le ma-
nuscrit précieux que M. Maurer a bien voulu me confier, j'ai eu le
bonheur de découvrir dans l'écriture du grand maître quelques traces
du travail de son génie. Tout d'abord, j'ai été frappé en reconnaissant
que les quatre accords pizzicato par lequel débute ce scherzo :
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ont été évidemment ajoutés plus tard, et que dans l'origine le morceau
commençait par le solo du violoncelle composant le thème :
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Tout le manuscrit est tracé très-largement ; l'espace est donné avec
une véritable profusion aux notes comme aux pauses; enfin, ce morceau,
qui dans l'édition de Launer ne remplit que seize pages, en remplit
trente et une, à douze portées chacune, dans le manuscrit. Les notes sont
très-petites, mais elles se dessinent nettement. On voit que ce jour-là
le maître avait une plume fine et bien taillée; on dirait même que tout
le morceau a été écrit avec la même plume et d'une seule haleine, tant
il y a de suite dans cette écriture. Tout a été écrit très-vite; la plume
a à peine pressé le papier; mais nulle part on ne remarque une hésita-
lion ; pas une note, pas un bâton n'ont l'air tremblant ; dans le manu-
scrit entier il n'y a que trois mesures, qui dès l'origine, avant même
d'avoir été entièrement écrites dans les quatre parties , ont été rayées.
La composition se trouvait entièrement achevée dans la tête de Beetho-
ven lorsqu'il prit la plume pour la jeter sur le papier. Il était content
de son œuvre, il était de bonne humeur. Plus lard sont venus les cor-
rections, les ratures, les changements, le travail de la critique enfin.
Là tout est changé ; nous trouvons des noies tantôt pâteuses, comme
écrites avec une autre encre, tantôt incertaines, à demi effacées, des
mesures supprimées, et d'autres péniblement intercalées. Les quatre
accords qui forment le commencement ont été ajoutés d'une écriture
mal assurée. Il s'agissait d'écrire deux mesures dans l'espace qui d'a-
bord n'en contenait qu'une seule: aussi les chiffres indiquant la me-
sure sont-ils en partie cachés par les notes. Plusieurs notes, écrites sur
des endroits raturés, sont mouillées. Si l'on pouvait douter encore que
celte première mesure n'a pas fait partie de l'inspiration primitive de
Beethoven, je ferais remarquer qu'elle ne se trouve qu'une seule fois ,
au commencement, et que dans tout le courant du scherzo on n'en ren-
contre plus la moindre trace. Or, ce n'était certes pas l'habitude de
lîeelhoven de laisser tomber si entièrement un motif, quelque insigni-
fiant qu'il fût; au contraire, plus un motif paraissait insignifiant à sa
première apparition, plus il lui servait plus tard aux combinaisons les
plus surprenantes.
Mais les quatre accords ajoutés à ce scherzo, et qui font le pendant
de la mesure, ne contenant que les deux notes la, ut dièse, dont Bee-
thoven fit précéder l'admirable adagio de la sonate œuvre 106, lors-
qu'elle était presque déjà imprimée , ne forment pas seuls le résultat
que l'étude du manuscrit m'a donné. Voici ce qui m'a paru encore re-
marquable :
Le presto en mi bémol mineur, qui, au milieu, vient former ce qu'au-
trefois on appelait le trio, était d'abord écrit à deux temps, dont les
trois noires de chaque mesure étaient les triolets; ensuite le 2/4, en-
core très-visible, fut changé en 3/4 , ce qui explique l'indication des
triolets, qui, n'ayant pas été effacée au dessus des noires, s'est glissée
dans l'impression. Au-dessus de ce presto, Beethoven a écrit de sa
grosse et ronde écriture : Jeder Takt hat in diesem Stiicke nur den
Niederschlag. ( Chaque mesure de ce morceau n'a qu'un seul accent
fort. ) Ces paroles étaient d'abord écrites au crayon, ensuite elles ont
été reprises à la plume.
Un changement extrêmement intéressant se trouve encore tout à la
fin du morceau. La fin, telle qu'elle était d'abord, est encore très-
lisible, malgré les quelques arabesques capricieuses dont elle est cou-
verte. Au lieu des vingt-six dernières mesures que nous possédons à
présent, voici ce qu'il y avait d'abord :
VlÔLIHO. 1°.
Violiko 2
3— (HH6 f~9~
Qu'on compare maintenant cette fin, gracieuse et légère , mais peu
remarquable, avec celle qui lui fut substituée plus tard, et qui se trouve
annexée au manuscritsur une feuille à part! (Voyez la partition de l'édi-
tion Launer, p. 69.) Autant la première était simple et innocente, autant
l'autre est riche et fantasque. Le changement mystérieux du majeur
en mineur, la réapparition inattendue du presto, qui pourlant bientôt
est subitement interrompu par un silence, puis la phrase qui avait
k5h
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
servi à la première fin, mais avec un changement rliythmique très-
curieux, et avec un crescendo conduisant au forte final!... En vérité ,
c'est chose admirable de voir comment le maître, en se ravisant, sait
tout h coup nous ouvrir une nouvelle échappée de vue, qu'il éclaire un
instant du feu de son génie, puis referme doucement par cette termi-
naison gracieuse, qui nous laisse entièrement sous l'impression magi-
que, qu'en partant il nous a encore donnée !
Il est infiniment à regretter que si rarement les manuscrits des
grands maîtres, éparpillés par tout l'univers , soient accessibles aux
jeunes artistes; car il n'y a pas d'études plus curieuses et plus salu-
taires que celles de ces manuscrits. En voyant la critique sévère que
les grands maîtres exerçaient vis-à-vis d'eux-mêmes, en découvrant les
traces des soins infinis par lesquels ils tâchaient de donner la perfection
à leurs œuvres, on comprend que l'inspiration seule ne suffit pas pour
créer une œuvre durable et classique, et que c'est même pendant ce
travail d'épurations et de corrections, tant dédaigné par la plupart des
compositeurs modernes, que les plus belles inspirations arrivent quel-
quefois. A ce propos je me rappelle encore que l'heureux possesseur
d'un si grand nombre de manuscrits autographes de Mozart, le célèbre
théoricien Jean André, à Offenbach, en me montrant le manuscrit ori-
ginal du Don Giovanni, me fit remarquer qu'au deuxième final, dans
la scène de la statue, le fameux passage des gammes, montant en cres-
cendo jusqu'à l'octave, puis redescendant, est évidemment ajouté après
coup. D'abord le premier violon n'avait eu qu'un simple trémolo,
comme le second violon et l'alto; plus tard ce trémolo a été effacé, et
les gammes ont été ajoutées. Mais comme le trémolo, indiqué par une
ou deux notes seulement, occupait beaucoup moins de place que les
gammes, celles-ci sont extrêmement serrées, dépassent même l'espace
des mesures, et forcent les barres à des courbes terribles.
Qu'on se figure maintenant cet endroit accompagné d'un simple tré-
molo] comme il l'était dans l'origine, et on conviendra que la première
inspiration est loin de tout épuiser, et que le travail postérieur ramène
quelquefois des idées sublimes qui avaient échappé à l'inspiration.
En copiant ces notes, j'acquiers une nouvelle preuve que les quatre
accords du commencement ont été ajoutés plus tard. Une double croche
et une noire manquent à la mesure finale, mais celle-ci trouve son
complément dans la première mesure telle qu'elle était dans l'origine.
Maintenant que la première mesure est complète, la dernière aussi a été
complétée par des pauses.
B. DAMCKE.
COLLECTIONS CURIEUSES DE MUSIQUE AICÏEHNE
A LA VENTE DES LIVRES PROVENANT DES BIBLIOTHÈQUES
DU FEU ROI LOUIS-PHILIPPE.
Il est du devoir de la Gazette musicale de ne pas laisser ignorer à
ses lecteurs qu'une vente aura lieu très-prochainement, où doivent être
mises aux enchères des œuvres musicales dignes au plus haut point de
l'intérêt des collectionneurs. Cette vente est celle des livres du feu roi
Louis-Philippe, qui doit commencer le 6 décembre courant et se pro-
longer jusqu'à la fin du même mois.
Nous ne parlerons pas de quelques parties des livres de chansons du
vieux maître Lassus, attendu qu'elles ne sont ni complètes ni rares.
C'est à Munich et à Berlin qu'on trouve, dans toute leur splendeur, ces
vénérables monuments de l'art du xvie siècle. Ce qu'il y a de plus pré-
cieux à la vente dont nous avons l'inventaire sous les yeux, ce sont les
recueils d'opéras et de motets des compositeurs français du temps de
Louis XIV et de Louis XV.
Notons d'abord une collection de partitions de tragédies lyriques et
d'opéras, formant 206 volumes in-4", reliés aux armes du comte de
Toulouse. Là se trouvent les œuvres de Lully, de Colasse, de Desma-
rets, de Campra, de Marais, de Destouches, de Bertin, de Bourgeois,
de Mouret, de Gervais, de Villeneuve, de Lacoste, etc. Cette collection,
formée par le comte de Toulouse, est en partie manuscrite et en partie
imprimée. Chaque volume manuscrit a un titre imprimé, au bas duquel
on lit : « Copiez par ordre exprès de S. A. Mgr le comte de Toulouse,
par Philidor Vaine, garde de sa bibliothèque de musique, l'an 1703. »
On sait qu'à la cour de Rambouillet, tenue par la comtesse de Toulouse,
se réunissait la plus haute société de France à l'époque de la minorité
de Louis XV. C'est sans doute pour servir aux fêtes qui s'y donnaient,
que le comte de Toulouse avait chargé le garde de sa bibliothèque mu-
sicale de former la belle collection dont la mise en vente excitera sans
doute la curiosité des amateurs.
Une autre collection également précieuse est celle des opéras de
Lully, manuscrits et imprimés, complète, sauf Acis et Galathée et la
Grotte de Versailles. Vient ensuite le recueil des « Symphonies, des
» opéras et des vieux ballets de Lully, copié par ordre du comte de Tou-
» louse et relié à ses armes. » Nous citerons encore un Recueil d'opéras
de divers compositeurs, manuscrits et imprimés, en vingt volumes
in-folio ; un recueil de ballets et les partitions détachées de plusieurs
compositeurs célèbres du commencement du xvme siècle.
La musique dramatique n'est pas seule représentée à la vente dont
nous parlons. On y remarque également plusieurs belles collections de
musique religieuse. Nous citerons entre autres : 1° Les motets à deux
chœurs, composés par Lully pour la chapelle du roi, édition de 1684,
en dix-sept volumes ; 2° un second recueil des motets du même com-
positeur «copiez par ordre de Mgr le comte de Toulouse, par Philidor
l'aine et son fils, en 1704, » formant quinze volumes; les motets de
Lalande; ceux de Colasse et de Minoret, de Desmarets, de Campra, de
Bernier et de Couperin. Tous ces recueils, manuscrits ou imprimés,
proviennent de la riche bibliothèque du comte de Toulouse, dont ils
portent les armes, ainsi que nous l'avons dit. Ce sont donc, à double
titre, des monuments historiques. Il serait très-désirable que le gou-
vernement en fit l'acquisition pour la bibliothèque du Conservatoire.
Parmi les manuscrits autographes, on remarque celui d'une ouver-
ture d'Haydn, avec une note de la main de Spontini sur le feuillet de
garde, et le manuscrit de Pharaon, oratorio de Fr. Scheider.
L'école moderne fait complètement défaut dans le catalogue de la
vente dont il est ici question. On n'y trouve qu'un très-petit nombre
de partitions de Cherubini, de Rossini, de Meyerbeer, de Boïeldieu, de
Nicolo et d'Hérold.
SOCIÉTÉ SAUTE-CÉCILE.
La commission nommée par le comité de la Société Saint-Cécile, à
l'effet d'examiner les ouvrages présentés au concours ouvert pour la
mise en musique d'une ode à sainte Cécile, paroles de M. Nibel, a tenu
ses séances chez M. Seghers, chef d'orchestre de la Société. Cette
commission était composée des membres dont les noms suivent :
MM. Halévy, Adolphe Adam, Henri Reber, Ch. Gounod, Gouvy, Seghers
et Wekerlin. Les partitions à examiner étaient au nombre de vingt-
deux ; les suffrages se sont portés à l'unanimité sur l'œuvre ayant pour
désignation une lyre, et dont l'auteur est M. Camille Saint-Saëns.
Une autre partition a, en second lieu , vivement intéressé la Com-
mission ; c'est celle qui a pour épigraphe les paroles suivantes : « Le
chant nous vient des anges, et la source des concerts est dans le
ciel, » (Chateaubriand.)
MM. les compositeurs qui avaient pris part au concours sont invités
à reprendre leurs partitions chez M. Seghers , où il leur sera donné
communication du procès-verbal, signé des membres de la Commis-
sion.
L'tde mise en musique par M. Saint-Saëns sera entendue au concert
que la Société Sainte-Cécile consacre à l'exécution d'œuvres nouvelles
des compositeurs contemporains, et qui aura lieu, cette année, le di-
manche 26 de ce mois, à la salle Sainte-Cécile. On y exécutera en
UH l'AIHS.
455
outre, parmi d'autres ouvrages inconnus du public, une symphonie
de M. Gade.
Le concert des compositeurs contemporains sera précédé d'un pre-
mier concert, fixé au dimanche 12 courant, dont le produit est destiné
à la fondation d'une caisse de secours et de prévoyance pour les mem-
bres de la Société.
Voici le programme de ce concert : 1° 51" symphonie en ré d'Haydn;
2° Berceuse de Blanche de Provence, chœur à 4 voix, musique de
Cherubini ; 3° Symphonie concertante de Mozart, pour violon et alto
soli et orchestre. Lessoli seront exécutés par M. Deloflïe, premier vio-
lon solo de la Société , et M. Casimir Ney (cette œuvre n'a jamais été
entendue en France) ; 4° Ave verum, de M. Charles Gounod, pour té-
nor solo et chœurs. La partie de ténor sera chantée par M. Masset ;
5° Ouverture de Fier-à-Bras, de F. Schubert (exécutée pour la pre-
mière fois). L'orchestre sera dirigé par M. Seghers et les chœurs par
M. Wakerlin.
NOUVELLES.
**„ Demain lundi, à l'Opéra, le Juif errant.
a% La semaine a été brillante et productive, en y comprenant la repré-
sentation de dimanche dernier, â laquelle Robert le Diable avait, comme
toujours, attiré la foule. Le lendemain lundi , la Favorite et la Péri ; mer-
credi le Prophète, et vendredi Moïse, ont également rempli la salle.
#*j Les répétitions de luisa Miller se poursuivent toujours concurrem-
ment avec celles du Dernier jour de la Fronde.
*** Orpha, le ballet nouveau, doit être représenté sous peu de jours,
„% Tous les théâtres étaient illuminés jeudi soir. A l'Opéra-Comique,
la cantate de MM. Méry et Adolphe Adam, la Fête des arts. Chants de l'a-
venir, a été exécutée pour la seconde fois entre la Dame Blanche et le
Caïd. La salle était comble, et il avait fallu renvoyer beaucoup de monde.
L'œuvre poétique et musicale, et ses quatre principaux interprêtes, Bat-
taille, Mmes Ugalde, Lefèbvre et Wertheimber, ainsi que la belle toile
représentant le Louvre et les Tuileries à vol d'oiseau, ont été chaleureuse-
ment applaudis.
„% L'ouvrage en trois actes de Scribe et Auber sera représenté du 15
au 20 de ce mois.
*** Le Théâtre-Italien annonce pour mardi prochain la première repré-
sentation de Luisa Miller.
t*t Otello et la Sonnambula ont défrayé le répertoire de la semaine.
Sophie Cruvelli, qui doit chanter le rôle principal de l'opéra nouveau,
n'en a pas moins chanté deux fois avec tout son talent et toute sa verve
le rôle de Desdemona.
„,*„ Arnoldi, qui chantait le rôle d'Elmiro, a résilié son engagement et
part pour Toulouse.
.,.% Au Théâtre-Lyrique, Si j'étais roi, le postillon de Longjumeau alter-
nent avec la perle du Brésil. On répète activement le Tabarin de Georges
Bousquet, ainsi que les ouvrages dont la musique est de MM. Grisar et
Sarmiento.
*% A partir de jeudi dernier, les théâtres ont repris les dénominations
qu'ils avaient sous l'empire. Le grand opéra porte le titre d'Académie im-
périale de musique ; l'Opéra-Comique, celui de Théâtre impérial de l'Opéra-
Comique. Les sociétaires du Théâtre-Français s'appellent Comédiens ordi-
naires de S. M. l' Empereur.
*% La distribution des prix aux élèves du Conservatoire impérial de
musique et de déclamation est remise à dimanche prochain, 12 dé-
cembre. Elle sera présidée par M. Romieu, directeur des Beaux-Arts.
*** Depuis quelques jours on a beaucoup parlé de la promotion dont
un de nos plus illustres compositeurs devait être l'objet, et dans laquelle
nous aurions vu, comme tout le monde, un grand hommage rendu à l'art
et au génie. Nous nous étions abstenu de reproduire ces bruits ; mais,
puisqu'on les répète en y joignant des commentaires, nous croyons devoir
insérer textuellement la note suivante, que nous trouvons dans le Mes-
sager des théâtres et des arts, à la date du l"r décembre : « Quelques
» journaux ont parlé de la prochaine promotion de M. Auber à la dignité
» de sénateur, et, donnant comme possible sa retraite des fonctions de di-
» recteur du Conservatoire, ont été jusqu'à désigner son successeur. Deux
» noms ont été mis en avant, ceux de MM. Halévy et Ad. Adam. Nous n'a-
» vons pas besoin de faire ressortir tout ce qu'a de blessant pour MM. Ha-
» lévy et Adam cette prétendue concurrence à un poste qui n'est point
» vacant et qui ne le sera probablement pas ; mais nous pouvons affirmer
» que l'honorable susceptibilité de M. Adam en est doublement blessée.
» Car, en admettant la regrettable retraite de M. Auber, M. Adam verrait
» avec non moins de regret qu'on lui supposât l'idée de disputer à M. Ha-
» lévy une position qui semblerait alors revenir tout naturellement à
» l'illustre auteur de la Juive, de l'Eclair et du Val d'Andorre. »
„% La commission chargée d'examiner les ouvrages dramatiques ayant
droit aux primes instituées parles arrêtés du 12 octobre 1851, vient défi-
nitivement d'être complétée. Elle se compose de MM. Romieu, directeur
des Beaux-Arts, président; Scribe, Mérimée, Lebrun, Sainte-Beuve, mem-
bres de l'Académie française; Henri Chevreau, secrétaire général du mi-
nistère de l'intérieur ; Lefebvre-Deumier, chef de la direction des beaux-
arts, sciences et lettres au palais de l'Elysée; Philarète Chasles, membre
du comité de lecture du Théâtre-Français; le comte Léon de Laborde,
conservateur au Musée du Louvre; Lassabathie, chef du hureau des théâ-
tres à la direction des beaux-arts du ministère de l'intérieur.
»*„ La proclamation de l'Empire a été suivie de plusieurs décrets de
grâce et de faveur, parmi lesquels il en est deux auxquels la presse en-
tière doit son tribut d'hommages et de gratitude. Voici celui qui intéresse
spécialement la presse non politique, consacrée aux lettres, sciences et
arts : Art. 1". Remise est faite de toutes peines d'emprisonnement et
d'amende prononcées jusqu'à ce jour : 1° pour délits et contraventions en
matière de presse périodique ; 2° pour délits et contraventions relatifs a
la police de l'imprimerie. Art. 2. Les droits des parties civiles sont ex-
pressément réservés.
*% M. Chelard, dont nous avons annoncé l'arrivée à Paris, vient de
faire recevoir, par la direction du Théâtre-Lyrique, un opéra comique en
trois actes intitulé les Indes valantes.
*** Les débuts de Jllle Méquilletet de Mlle Lemaire ont dû commencer
à Bruxelles, à partir du 1" de ce mois.
%* Alexandre Batta, dont le départ pour la Russie était prochain, et qui
devait prolonger son excursion à travers les provinces russes jusqu'au
Caucase, remet ce grand voyage à l'année prochaine à cause du deuil de
la cour. 11 se rend à Lyon, Marseille, Nice, puis reviendra à Paris, où il
passera tout l'hiver et donnera une série de concerts.
„,% Vieuxtemps est de retour après un voyage triomphal en Allemagne
et en Suisse. Il se fixe désormais à Paris.
*** Géraldy nous revient ; il restera à Paris pendant les mois de décem-
bre, janvier, février, mars et avril, pour y reprendre et continuer le cours
de ses leçons.
„*„ Max Bohrer, le célèbre violoncelliste, est à Paris depuis quelques
jours.
*** L'ouvrage de notre collaborateur, M. Berlioz, intitulé les Soirées de
l'Orchestre, et dont nous avons publié plusieurs fragments dans ce journal,
est en vente chez Michel Lévy.
»% M. Cavallini, le célèbre clarinettiste du théâtre de la Scala, de Milan,
donne avec beaucoup de succès des concerts à Bordeaux.
*** C'est décidément le 20 décembre qu'aura lieu le premier concert de
la Société symphonique, sous la direction de M. A. Farrenc. La salle Herz
vient d'être restaurée, et des améliorations ont été faites dans la distribu-
tion des places. Les amateurs pourront donc jouir tout à leur aise de l'ex-
cellente musique que l'on exécutera dans ces concerts d'élite. Les plus
belles compositions et les meilleurs artistes y seront successivement en-
tendus. Voici quel sera le programme du premier concert : 1° Ouverture
des Deux journées, de Cherubini ; 2° Aria di Chiesa, de Stradella, chanté
par Jllle Dietsch ; 3° Concerto de piano , de Mendelssohn, exécuté par
Mlle Clauss ; 4° Air chanté par Mlle Dietsch; 5° Solo de violon; 6" Sympho-
nie en si bémol, composé pour les concerts de la Société philharmonique.
*% Le répertoire dansant que Waldteufel a préparé pour cet hiver ne
sera pas moins brillant que celui des saisons précédentes, ni moins riche
en valses, polkas, mazurkas remarquables. Son talent a reçu dernièrement
l'hommage le plus flatteur sous la forme d'un gracieux présent, de la part
de Mme la comtesse d'IIatzfeld, ambassadrice de Prusse.
t% M. Furstenau, virtuose sur la flûte, qui a joui dans son temps d'une
grande réputation, est mort le 18 novembre dernier à Dresde.
CRON1QUE DÉPARTEMENTALE.
*** Marseille, 26 novembre. — Le Prophète a enfin reparu. La faveur
qui avait accueilli cet ouvrage à sa création le suit à chaque reprise. Le
chef-d'œuvre de Meyerbeer fait salle comble à toutes les représenta-
tions. Cet empressement du public n'a rien qui nous étonne : h Prophète
est une de ces productions qui ont pour les masses un attrait véritable.
Ajoutons que les artistes sont à la hauteur de cette sublime partition.
Nos éloges d'abord, sans aucune restriction, à Mme Lafon, la plus belle,
la plus admirable Fidès que nous ayons jamais entendue ici. Cette can-
tatrice porte le talent dramatique à un si haut degré , qu'on l'admire
même dans les scènes muettes ; il faut avoir vu Mme Lafon dans la belle
scène de la cathédrale, pour se faire une idée de la vivacité de son regard
et de l'expression de sa physionomie ; ajoutez à cela une voix vibrante et
essentiellement sympathique, et vous comprendrez l'immense succès de
Mme Lafon dans le beau rôle de Fidès. Il suffirait de dire que l'intéres-
sant personnage de Berthe est confié.à Mme Charton-Demeur pour garan-
tir qu'il est interprété dignement. Dans le beau duo du troisième acte,
Mmes Charton-Demeur et Lafon ont électrisé l'auditoire, qui a récom-
pensé les deux cantatrices par une longue et chaleureuse ovation.
M. Chaumier a obtenu un très-beau succès dans le rôle de Jean de Leyde.
Les couplets du dernier acte lui ont valu les honneurs du rappel. Le pu-
blic a été aussi très-satisfait de M. Bel val, qui fait bien le Zacharie le plus
complet que l'on puisse imaginer. Avec de tels éléments, le Prophète as-
sure à l'administration une longue série de représentations brillantes et
fructueuses.
456
REVUE ET GAZETTE MUSICALE DE PARIS.
* Rouen. — Trois ténors de passage sont venus raviver notre réper-
toire*d'opéra. M. Laborde d'abord, qui, dans la Favorite, a trouvé de beaux
élans, et de moitié avec Mme Cornélys, notre, excellente prima donna, a
excité l'enthousiasme général. M. Bauche , notre compatriote, que nous
avons connu dans son meilleur temps, nous a prouvé qu'il n'en était
point encore aux souvenirs. Malheureusement, un peu de fatigue qui se
trahissait malgré lui, a nui à son succès dans la Muette. Enfin, voici venir
M. Valgalier, qui s'est fait un nom en province, et nous espérons, grâce
à lui. passer encore quelques bonnes soirées. — Un grand concert au
profit des pauvres sera donné le 17 de ce mois avec le concours d'Alexis
Dupond et de Mlle Félix Miolan, de l'Opéra-Comique.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
*** Anvers, 20 novembre. — Avant-hier jeudi, le Prophète, de Meyerber,
a reparu sur notre scène. A en juger par les brillantes recettes que le
chef-d'œuvre avait produites il y a deux ans, une belle fortune lui était
encore réservée. Aussi la salle a-t-elle repris, dès la première représenta-
tion, tout son éclat et son affluence. M. Tissere et Mlle Cambier remplis-
sent avec talent les deux principaux rôles.
„,*„ Liège, 27 novembre. — Le répertoire lyrique, entravé par le refus
de subside de la part de l'autorité locale, commence enfin à marcher. Le
Carillunneur de Bruges succédera bientôt à Raymond ou le Secret de la
reine. — Un violoniste hongrois, M. Remenyi, s'est présenté dernièrement
dans un entr'acte. En interprétant Ernst et Vieuxtemps, il a fait preuve
de vigueur, d'une grande facilité dans le staccato, et d'une belle qualité
de son, mais il manque de style. — Dupont, d'Ensival, le brillant pianiste
sorti de notre Conservatoire, nous a donné, le 25, son concert d'adieu. 11
nous quitte pour aller occuper la place de professeur de piano au Conser-
vatoire royal de Bruxelles. La Société d'Orphée et Mlle Amélie Bourgeois,
ancienne élève lauréat du Conservatoire de Paris, forte chanteuse à notre
théâtre sous le nom de Mlle Rémy, ont prêté leur concours à M. Dupont;
la première par deux chœurs, et la seconde par l'air de la Favorite et par
celui de Charles VI, où sa voix ample et fraîche n'a laissé à désirer que
plus de nuances. L'orchestre, dirigé par M. Duguet, a parfaitement exé-
cuté l'ouverture de Robin des Bois, celle du Songe a'une nuit d'été et les
accompagnements. Quant à M. Dupont, le grand concerto en mi bémol,
cinquième pour piano, de Beethoven, une pastorale avec un effet en tré-
molo ttaccato, production de l'exécutant, de même qu'une grande fantaisie
dramatique pour piano et orchestre, qu'il venait d'achever pour cette cir-
constance, ont mis en relief toutes les qualités de ce pianiste-compositeur.
.% Berlin. — La première représentation du Tannhaus'.r est encore
ajournée. Auparavant on donnera le Vampire, de Marschner. 11 est égale-
ment question d'un opéra en un acte : Cléopâlre, de M. Truhn. Le princi-
pal rôle est destiné à Mlle Wagner. 11 règne en ce moment une telle acti-
vité dans le monde musical, que dernièrement il y avait, le même jour,
deux opéras et deux concerts, et quelques jours après, un opéra et quatre
concerts. — M. Marchesi, l'excellent baryton, obtient beaucoup de succès
à l'Opéra-Italien.
» S'utigard. — Au deuxième concert d'abonnement donné par la cha-
pelle royale, on a exécuté l'ouverture du Carnaval romain, de Berlioz, et
Mlie Casthinka Heinefetter y a chanté le grand air du prophète avec un suc-
cès complet, suivi de deux rappels. Déjà, au premier concert, elle avait
ravi les amateurs classiques par la belle manière avec laquelle elle a
chanté le grand air de Titus, de Mozart. Ajoutons qu'à ce même concert,
II. W. Krùger ( dont nous avons déjà annoncé le retour à Paris ) avait fait
ses adieux à ses compatriotes. Au trois. ème concert qui vient d'être
donné, on a vivement applaudi la Danse des fées, de Parish|Alvars, exécutée
par l'excellent harpiste M. G. Kriiger (frère du pianiste) .
„,% Presbourg. — La nouvelle troupe lyrique engagée au théâtre de la
ville a du succès : une de ses plus belles représentations a été celle de
/a Juive ; le chef-d'œuvre d'Halévy avait attiré la foule.
*** Leipzig. — Le célèbre pianiste , Dreyschock , se fera entendre
prochainement au Gewandhaus.
* Darmsta it. — Le 21 novembre a eu lieu la première représentation
de : le Vengeur, opéra nouveau de M. Schindelmeisser, sous la direction
de l'auteur. Le public, qui était nombreux, a applaudi l'ouverture, les
chœurs et le troisième acte tout entier.
fx Vienne. — Pour sa quatrième représentation, Mme de Strantz avait
choisi le rôle de Fides. Malgré un reste d'indisposition qui paralysait évi-
demment ses moyens, Mme de Strantz a été fort applaudie ; elle a partagé
les honneurs de la soiréeavec MlleNey (Bertha) et M. Ander (Jean de Leyde).
L'opéra de Bellini : les Puritains, a fourni à Mme de Lagrange l'occasion
de faire admirer, dans le rôle d'Elvire, son bel organe et la perfection de
sa méthode. — Un service a été célébré à l'église paroissiale des Écossais,
en l'honneur du jeune Hellmesberger, qu'une mort précoce vient d'enle-
ver à l'art musical. On y exécuté le Requiem de Mozart, et un Libéra de
M. Randhartinger.
„% Bâle. — Nous avons ici un opéra et des concerts par abonnement,
ce qui est beaucoup pour une ville de 23,000 habitants. L'Opéra a ouvert
le 8 octobre avec Slradella, et depuis nous avons eu successivement :
Bélisaire, la Fille du Régiment, l'Enlèvement du Sérail, Fra-Diavolo, Frets
chiitz et le Barbier; toutes les représentations ont été satisfaisantes.
Quant à nos concerts, ils sont souvent fort brillants : ainsi nous avons en-
tendu Vieuxtemps dans trois soirées ; M. Stigelli a chanté au dernier concert
d'abonnement.
„*i Stockholm, 19 novembrj. — Le Prophète, de Meyerbeer, dont la mise
en scène se préparait depuis plus d'un an au grand théâtre, vient enfin
d'être exécuté. La direction n'avait rien épargné pour que la représenta-
tion fût digne du chef-d'œuvre. Jamais, sur aucun théâtre de Suède, on
n'avait encore vu une telle magnificence dans les décors, dans les
costumes, qui, dans leurs moindres détails, étaient imités de ceux du
grand Opéra de Paris. L'exécution a été des plus satisfaisantes : les chan-
teurs et les instrumentistes, inspirés par cette belle musique, se sont sur-
passés eux-mêmes. Tous les morceaux ont été couverts d'applaudisse-
ments : les femmes même ont applaudi, chose sans exemple dans ce pays.
Après la fin du spectacle, les cris de : Vive Meyerbeer ! sont partis de tous
les points de la vaste salle. M. Strandberg, Mmes Norman et Michel, qui
avaient rempli les principaux rôles, ont été rappelés : le même honneur
a été décerné à M. Rodberg, auteur du décor représentant la cathédrale
de Munster.
*** Copenhague. — Un opéra en acte : Fuite et Danger, par M. Henrik
Ilung, a déjà eu plus de vingt représentations. Le compositeur est maître
de chant au Théâtre-Royal.
„*» Rome, 21 novembre. — La troupe du théâtre Argentina compte
maintenant parmi ses membres une jeune cantatrice appartenant à l'une
des plus illustres familles de l'Italie, la princesse Dona Maria Piccolomini,
fille du prince de ce nom et nièce du cardinal Piccolomini. Cette jeune
artiste, qui possède une belle voix de soprano d'une étendue remarqua-
ble, surtout dans les cordes élevées, a fait ses débuts en cette ville dans
les opéras de Poliuto et Don Bucefalo ; elle a été accueillie par le public
avec enthousiasme. A to.utes les démarches de ses parents pour la détour-
ner du théâtre, la jeune princesse a répondu que sa vocation était irré-
sistible.
ERRATUM.
Dans l'article sur la Musique à Alger (voy. le n° du 14 novembre),
il s'est glissé une erreur typographique ; au nom de l'un de nos ama-
teurs les plus distingués, M. le baron Bron, on a substitué celui de
Pron.
Le gérant : Ernest DESCHAMPS.
A l'usage des organistes du culte catholique, adopté par et pour les Con-
servatoires de Paris et de Bruxelles, et publié par M. Lemmens, profes-
seur d'orgue au Conservatoire de Bruxelles. Les deux premières années
contiennent 222 pages de musique, grand format, avec les explications
sur le doigté spécial de l'orgue, sur l'accompagnement du plain-chant et
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Étranger
. 31
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USICÂLE
SOMMAIRE. — Du développement fatur de la mus:que dans le domaine du rhytlime
(8e article), par Fétis père — Théâtre impérial italien, Luisa Miller, de Verdi
(première représentation), par Maurice Bourgrps. — Théâtre-Lyrique, Gicil-
hery le trompette, paroles de MM. de Leuven et Beauplan, musique de M. Sar-
miento {première représentation), par C inen.net. — Macbeth, tragédie en cinq
actes et en vers, d'après Suakspeare, de Léon Halévy. — Nouvelles et annonces.
DU DEVELOPPEMENT FUTUR DE LÀ MUSIQUE
Dans le «SnaniKine tlii rltytïtnie.
(8e article) (l).
Je me suis proposé de démontrer, dans mes articles précédents, qu'il
y a trois espèces de rhythmes différents dans la musique, à savoir, le
rhythme d'accent, le rhythme de temps et le rhytlime de période. Mon
but a été de faire voir aussi que, dans chacun de ces rhythmes, les
combinaisons possibles sont en nombre beaucoup plus grand qu'on ne
l'a cru jusqu'à ce jour, et qu'on peut y introduire des nombres de
temps et de mesures qui, par eux-mêmes, semblent antipathiques à
notre sentiment, mais qui, par la symétrie de leur emploi, acquièrent
les qualités rhythmiques, car toute symétrie est un rhythme. C'est ce
qui fait dire à M. Vischer, professeur à l'Université de Tubinge, dans
son bel ouvrage intitulé : Esthétique, ou science du beau (2), que
l'architecture estera rhythme de lignes, parce que l'enrythmie, c'est-à-
dire le bel ordre architectonique, résulte des proportions et du mouve-
ment de ses lignes. J'ignore comment ce savant établira les rapports
rhythmiques de l'architecture et de la musique, parce que la partie de
son livre où il doit traiter de ce dernier art n'a pas encore paru.
Hegel démontre aussi, dans son Cours d'esthétique (3), l'analogie de
la musique et de l'architecture, en ce que les lois de la quantité et de
la mesure en sont la base. Cependant il y a entre ces deux arts cette
différence radicale, que l'espace est le principe de l'architecture, tandis
que celui de la musique est le temps. Qu'il me soit permis d'entrer à ce
sujet dans quelques développements qui me paraissent nécessaires pour
l'intelligence de ce qui me reste à dire sur le rhythme musical, car les
principes généraux auxquels je vais arriver sont la plus complète con-
ception de l'art, sous tous ses attributs et sous toutes ses formes.
J'ai dit pour la première fois dans mon Cours de philosophie de la
musique, en 1832, que la musique se distingue des arts plastiques et
de la peinture, en ce que ceux-ci ont pour but l'imngc, tandis que
l'objet de la musique est de pénétrer dans l'âme et d'y faire naître des
émotions de tout genre par des idées créées et par des sentiments ex-
(1) Voir les n" 35, 36, 37, 40, 43, 44 et 48.
(2) /Estketik, oder Wissenschaft des Schônen, 3" Th. SS 570-572.
(3) Troisième partie, chapitre nc.
primés. Sans doute, ai-je ajouté, le grand peintre et le grand sculpteur
imprimeront à leur ouvrage le cachet de leur originalité ; mais, quelque
effort qu'ils fassent pour l'idéaliser, l'image sera inévitablement la re-
présentation d'un type pris dans le monde extérieur, parla nature
même de l'art. Cette image est la tradition du réel, et conséquemment
elle est dans l'espace. L'œuvre du musicien de génie appartient seule
à l'idéal, lequel étant une succession de pensées et d'inspirations, se
produit nécessairement dans le temps. Les éléments de la peinture, de
la sculpture et de l'architecture sont matériels et multiples; le son, élé-
ment unique de la musique, est insaisissable matériellement; il naît des
vibrations de l'air clans le temps, et le fugitif moment dans lequel il se
produit est déjà loin de nous quand il résonne encore dans notre âme,
si ce n'est à notre oreille. Cet élément plein de vie, qui s'affranchit de
l'étendue, affecte des différences de qualité ainsi que de quantité, et
dans son vol rapide se précipite à travers le temps.
En 1835 j'ai reproduit ces distinctions dans le Résumé philosophique
de l'histoire de la musique, placé en tête de la Biographie universelle
des musiciens. Aucun des auteurs, même parmi les plus distingués de
ceux qui avaient écrit sur la philosophie des arts, Bouterweck, Heu-
singer, Eberhardt et Jean-Paul, n'avait saisi cette base de la science.
Cène fut qu'en 1838, lorsque le cours d'esthétique de Hegel fut publié
par un de ses élèves, que j'eus le plaisir de voir mes principes con-
firmés par ce profond penseur. « Pour le musicien (dit-il), s'absorber
» dans son sujet, ce n'est pas le façonner extérieurement ; c'est, au
» contraire, rentrer en soi, s'enfoncer librement dans les profondeurs
» de l'âme. Dans certaines compositions musicales, cette absorption va
» même jusqu'à l'oubli du sujet dont l'artiste s'affranchit. Si donc nous
» pouvons considérer la contemplation du beau, en général, comme
» ayant pour effet d'opérer une certaine délivrance de l'âme, de nous
» affranchir des besoins et des misères de l'existence finie ; s'il est vrai
» que l'art adoucisse même les infortunes tragiques dont il offre le
» tableau idéal, et qu'il transforme la douleur en jouissance, il faut re-
» connaître que la musique porte cet affranchissement à son plus haut
» degré. L'artiste qui produit cet effet sublime ne trouve qu'en Iui-
» même l'élément dynamique de son œuvre, à savoir le temps, dont
» l'homme seul a conscience, et qu'il exprime sous les deux formes
» sentimentales de l'accent et du rhythme (1). »
Ce passage exige une explication. Hegel ne parle ici que du temps,
ce qui pourrait faire croire qu'il oublie les qualités du son, autres que
celles delà durée et de la quantité; mais il n'en est pas ainsi. Hegel
sait que la diversité des intonations des sons est un des éléments
(l) Cours d'esthétique, 3° partie, chapitre 11% S 1- Caractère général de la mu-
sique.
458
REVUE
GAZETTE MUSICALE
essentiels de la musique, et que l'homme en a tiré les variétés tonales,
la mélodie et l'harmonie ; mais au point de vue des physiciens, il a
considéré ces intonations multipliées du son comme le produit de la
différence du nombre des vibrations du corps sonore dans un temps
donné, en sorte que c'est encore le temps qui fournit les éléments de
la tonalité, de la mélodie et de l'harmonie. Tout cela est bien un peu
confus dans la tête du philosophe , mais il n'en a pas moins saisi les
caractères distinctifs de l'art et de ses éléments. Pour résoudre d'une
manière complète le problème de la durée et de ses combinaisons mu-
sicales, il Jui a manqué seulement de remarquer que le temps seul,
sans la vitesse proportionnelle, ne peut rien engendrer pour la mu-
sique, et que les éléments rhythmiques de celles-ci ne peuvent naître
que de la synthèse de ces deux principes.
Originairement nous ne concevons la vitesse que comme un mouve-
ment de translation plus ou moins rapide dans l'espace : l'arc décrit
par le pendule, en raison de sa longueur, nous en donne la démonstra-
tion sensible. D'autre part, la vitesse et le nombre des vibrations d'une
corde sonore ou de la colonne d'air contenue dans un tuyau d'orgue ,
s' accroissant en proportion de leur raccourcissement, et les sons deve-
nant par là de plus en plus élevés dans leur intonation, l'expérience
nous ramène aussi sous ce rapport à la notion de la vitesse dans l'es-
pace. Il semble donc qu'au'point de vue expérimental, il y ait analogie
entre le temps mesuré et le son déterminé, puisque les vibrations du
pendule, en raison de sa longueur, sont la mesure de l'un, et que les
vibrations de la corde ou du tuyau, proportionnellement aussi à leur
longueur, déterminent l'intonation du son. Mais ce n'est pas ainsi que
le musicien conçoit la vitesse dans le temps et dans la mesure. La vi-
tesse et la lenteur ne se placent à leurs divers degrés, dans son intelli-
gence et dans son sentiment, que comme des abstractions qui s'identi-
fient à la conception du temps et de la mesure.
L'analogie dont je viens de parler a fourni dans ces derniers temps
la base d'une théorie physique et mathématique de la musique sur la-
quelle je ne puis garder le silence, car elle touche aux questions les
plus importantes de la constitution de cet art. "M. François-Guillaume
Opelt, aujourd'hui conseiller des finances du royaume de Saxe, est
l'auteur de cette théorie. Depuis longtemps il avait été conduit à la for-
muler par le résultat d'une suite d'expériences faites au moyen d'un
instrument de son invention qui a beaucoup d'analogie avec la Syrène
de Cagniard-de-la-Tour, et auquel il donne le nom de rhythmomètre,
lorsqu'en 1832, il annonça, dans la Gazette générale de musique de
Leipzick, la prochaine publication d'un ouvrage spécial sur ce sujet ,
qu'il recommandait à l'attention des artistes et des savants. Ainsi qu'il
arrive trop souvent, à cause de l'abus qu'onafaitdes théories prétendues
de la musique, la plus grande indifférence accueillit la communication
de M. Opelt. Il occupait alors un modeste emploi dans la petite ville de
Plauen, et, sans doute, sa situation ne lui permettaitpas de faire la dépense
considérable de l'impression d'un livre dont le débit paraissait au moins
incertain. La publication d'un extrait de son ouvrage, qui en contien-
drait les parties les plus importantes, lui parut le meilleur expédient
pour triompher de l'indifférence du public. Il le fit paraître en 1834,
sous ce titre : Sur la nature de la musique (1). Je crains bien toute-
fois que Fink, auteur de l'analyse qui parut dans la Gazette générale de
musique (1834, n° 47), et moi, ayons été les seuls lecteurs attentifs de
cet opuscule, car dans les dix-huit années écoulées depuis lors, il n'en
a été fait mention par aucun écrivain sur la musique. Néanmoins,
M. Opelt ne s'est pas découragé. Appelé à Dresde pour y occuper une
place importante dans l'administration financière, il a trouvé dans
cette position des avantages assez considérables pour faire le sacrifice
nécessaire à l'impression de sa Théorie générale de la Musique (2),
qui vient de paraître à Leipzick.
(1) Veber die Natar der Musik. Plauen, 1834, petit in-i° de 48 pages, avec une
planche.
(2) Allgemeine Théorie der Musik auf den Rhythmus der Klangwillenpidse
und durch neue Versinnlichungsmiltel erlûutert. Leipzick, 1852, gr. in-4°.
M. Opelt possède une instruction solide en physique, dans le calcul
et dans la musique ; il paraît être d'ailleurs expérimentateur intelligent;
mais, ainsi que la plupart des physiciens et mathématiciens qui se sont
occupés de musique, il se persuade que les bases de cet art existent
dans les phénomènes du monde matériel et dans les formules numéri-
ques qu'on en déduit. Rien ne le prouve mieux que le titre donné par
lui à son premier opuscule : Sur la nature de la musique. La nature
de la musique, suivant lui, c'est ce qui résulte de ses expériences sur
le monocorde, le pendule et le rhythmomètre. De ces expériences il
tire la démonstration de l'analogie, ou plutôt de l'identité des inter-
valles des sons et de la durée relative de ceux-ci. De ces intervalles il
fait sortir tout un système d'harmonie et de mélodie ; des proportions
de la durée variable des sons, il déduit toutes les formules des éléments
rhythmiques. Or, voilà bien toute la musique : il n'y manque plus que
le sentiment et l'imagination , bagatelles dont M. Opelt ne tient pas grand
compte. Dans son opinion, le plaisir que procure la musique ne consiste
que dans les rapports numériques des intervalles des sons et dans ceux
des durées de ces sons : or, le plaisir est d'autant plus vif que, les rap-
ports étant plus simples, le calcul s'en fait avec plus de facilité. Nous
voici donc ramenés à cette proposition émise pour la première fois par
Descartes, et qui a égaré la puissante tête d'Euler, comme je l'ai dé-
montré dans mon Esquisse de l'histoire de l'harmonie (pag. 74-91 ).
11 y a dans cette base deux choses qu'il est important d'éclaircir par la
discussion, particulièrement pour le sujet que je traite dans ces articles.
Et d'abord rappelons ici ce que j'ai démontré en vingt endroits, à
savoir, que les relations de sons fournies par les instruments acousti-
ques et déterminées par le calcul, sont des faits isolés desquels. ne peut
sortir la loi de leur enchaînement tonal, soit mélodique, soit harmoni-
que. Or, c'est le mouvement des sons, c'est-à-dire leur succession, en
vertu des lois de tonalité et de rhythme, qui constitue la musique. Ces
lois sont des conceptions idéales, métaphysiques, non des acquisitions
empiriques. C'est l'homme qui les a créées et qui les a formulées di-
versement suivant les temps, les lieux et les mœurs. M. Opelt construit
une échelle chromatique par les principes de tous les géomètres, c'est-
à-dire par ces faux principes qui se basent sur des tons inégaux, bien
qu'ils soient égaux dans notre tonalité, et par de prétendus demi-tons
majeurs, qui sont en réalité mineurs, puisqu'ils sont attractifs. A grand'
peine, et par des procédés tout arbitraires, il tire de tout cela des
accords ; mais ces accords sont immuables : rien ne peut les faire sortir
de leur repos éternel. De même , et par des procédés analogues, il
trouve des éléments de rhythme, mais il n'en peut faire sortir une
conception rhythmique véritable, car une conception ne peut naître de
faits matériels.
Supposons cependant que les expériences et les opérations numéri-
ques de ce savant lui eussent fait trouver dans la nature ce que je lui
refuse; qu'en pourrait -on conclure? N'est -il pas évident que les
hommes n'ont eu aucune connaissance de ces choses lorsqu'ils ont for-
mulé leurs tonalités ? Ne sait-on pas que les peuples les plus barbares et
les plus ignorants ont rhythme leurs chants par la seule loi de leur
instinct? Ne connaît-on pas l'histoire des premiers essais d'harmonie,
des développements de cette partie de l'art, de ses transformations et
de ses acquisitions successives par de pures intuitions intellectuelles et
sentimentales ? Or, qu'est-ce que la théorie de ces choses, si ce n'est
l'exposé des opérations de l'esprit et du sentiment qui ont présidé à
leur création, et comment la théorie de faits qu'on ignorait lorsque
l'art s'est formé, pourrait-elle être celle de cet art? Si donc nous sup-
posons que ces faits ont réellement la valeur et la signification qu'on
leur accorde gratuitement, on n'y pourra reconnaître que cette har-
monie que Leibnitz suppose préétablie par Dieu entre les phénomènes
du monde physique et ceux de la pensée, ou, pour me servir de la
formule fondamentale de la philosophie de Schelling, l'accord de l'in-
tuition et du fait, de l'idéal et du réel.
Mais cet accord, en quoi pourrait-il consister ? Le voici : Nul doute
qu'en l'absence des phénomènes physiques de la production des sons,
DE PAl'.IS.
450
la musique n'existerait pas. De l'observation de ces phénomènes, de
leur analyse, de l'application qu'on y fait du calcul, nait une science,
c'est-à-dire une théorie. Cette science a un nom : c'est 1' 'acoustique.
Elle s'occupe uniquement des faits, s'attache à les connaître et en
étudie les lois. Comme toute science venue de l'homme, celle-là a ses
limites : ces limites se posent d'elles-mêmes là où les faits cessent de
parler ; là où l'intervention de l'intelligence, du sentiment, de l'ima-
gination et de la volonté, devient nécessaire; car les faits ne contien-
nent rien de tout cela. Aux limites de la science de l'acoustique com-
mence donc la science de l'art, et l'on voit que celle-ci ne peut être
que métaphysique, suivant la signification même du mot. Ce qui con-
stitue l'art, c'est l'évolution, le mouvement, la succession ; or, cela ne
résulte pas des faits de l'acoustique. Il n'y a dans ces faits ni levier, ni
plan incliné, ni chute de corps, comme dans la mécanique ; on ne peut
conséquemment former ni une statique, ni une dynamique des sons, à
moins qu'on n'aille prendre le levier, l'attraction et la loi du mouve-
ment dans l'âme humaine. Les découvertes de M. Opelt dans les coïn-
cidences des vibrations des sons et de celles d'un pendule sont inté-
ressantes et curieuses; il porte dans l'examen de ces faits et dans les
applications qu'il y fait du calcul une rare sagacité, et l'on ne peut lui
refuser d'avoir fait un pas dans la science ; mais cette science est la
théorie des vibrations, non la théorie de la musique, comme il le croit.
11 connaît la mesure des intervalles des sons et de la durée de ceux-ci :
mais il ignore les causes de leurs évolutions dans l'art, sans lesquelles
cet art n'existerait pas.
Examinons maintenant de quelle nature sont les rapports saisis par
l'homme, soit dans les relations tonales des sons, soit dans leurs rela-
tions rhythmiques. Nul doute que des rapports de cette espèce exis-
tent dans l'esprit, soit au moment de la composition, soit à celui de
l'audition de la musique; mais quels sont-ils? Suivant les physiciens
et les géomètres, ce sont des rapports de nombre de vibrations, ou
même des logarithmes acoustiques de ces nombres. On pourrait douter
qu'une pareille prétention fût émise sérieusement, si rien pouvait éton-
ner dans les applications trop rigoureuses d'un principe quelconque.
Les sons, disent les acousticiens, diffèrent d'intonation parce que les
nombres de vibrations qui les produisent diffèrent entre eux; donc,
puisque vous avez conscience des différences de leurs intonations, vous
saisissez les rapports des nombres de leurs vibrations. Vous ne pouvez
apprécier le rapport d'intonation sans que l'autre y soit implicitement
contenu. Il en est de même à l'égard du temps, dit M. Opelt. Mais,
quoi ! lorsque je saisis les rapports de plusieurs sons successifs ou simul-
tanés, que fais-je si ce n'est que je les compare à un ordre de tonalité
dont j'ai au moins l'intuition, si je n'en ai la connaissance? Et ce qui
m'instruit de leur destination et me fait connaître s'ils ont de l'ana-
logie avec cet ordre tonal ou s'il en sont dépourvus, n'est-ce pas cer-
taines tendances sympathiques que je reconnais en eux, et qui me font
éprouver pour leur alliance ou du penchant ou de la répugnance? Ils ont
entre eux des attractions ou des répulsions ; or, ce sont ces rapports
que je saisis sans peine. C'est donc abuser des mots que de prétendre
que ces rapports me sont représentés par des nombres dont je fais le
calcul. Lorsqu'une quinte frappe mon oreille, si elle est parfaitement
juste, j'ai le sentiment de leur consonnance absolue et de leur identité
tonale ; mais rien ne m'avertit que le rapport des deux sons qui la
forment est 3 : 2. Si j'entends une tierce majeure et une tierce mi-
neure, j'ignore absolument que l'une est dans le rapport de k : 5, et
que l'autre est dans celui de 5 : 6 ; mais suivant la place qu'elles oc-
cupent dans la formule tonale, elles m'éclairent sur la nature du mode,
et conséquemment je saisis le rapport essentiel de leur alliance. Si
l'exercice a perfectionné mon organisation, je deviens plus habile à
saisir les combinaisons de plusieurs rapports différents , et je puis
même arriver à avoir présents à mon intelligence et en rapport avec
mon sentiment, tous les tons et tous les modes. Je puis saisir avec la ra-
pidité de l'éclair toutes les tendances de la résolution d'une harmonie
dissonnante vers l'un ou l'autre de ces tons, et cet exercice peut me
causer une vive et complète satisfaction, sans que j'aie la moindre in-
tuition de l'effroyable calcul qui pourrait représenter ces tendances et
ces résolutions variables. C'est en ce sens, il n'en faut pas douter, que
doit être interprétée cette proposition de Loibnilz, que la musique est
vn calcul secret fait par l'âme à son insu.
A l'égard de la mesure de la durée des sons et du temps musical,
c'est autre chose. En l'absence des nombres, les rapports seraient in-
saisissables. Or, ceux-là, nous les sentons avec évidence. Si notre or-
ganisation est défectueuse et si notre sentiment du nombre est faible,
nous appelons à notre aide quelque moyen secondaire pour le fortifier,
tel que celui de battre la mesure. Mais si nous sommes doté riche-
ment par la nature pour sentir et pour comprendre l'art, non-seule-
ment nous saisissons avec facilité toutes lescombinaisonsdu temps musi-
cal, mais nous avons àla fois conscience de plusieursordres de symétrie,
qui, sans se confondre, nous rendent sensibles plusieurs rhythmes con-
temporains, tels que le rhythme de temps, le rhylhme d'accent, le
rhythme combiné de plusieurs sortes de mesures, et enfin le rhythme
périodique ; et cela sans détourner notre attention des rapports combi-
nés de tonalité, de mélodie et d'harmonie, lesquels ne sont encore que
les moyens de la pensée expressive où notre âme s'absorbe tout en-
tière.
C'est ici que doit venir se placer dans toute sa force la réfutation de
ce faux principe repris par M. Opelt comme base de sa théorie, mal-
gré le naufrage du génie d'Euler contre cet écueil ; à savoir, que le
plaisir produit par la musique est d'autant plus complet que les pro-
portions des intervalles des sons ou de la durée de ceux-ci sont plus
simples et que le calcul en est plus facile. S'il en était ainsi, n'est-il
pas évident que jamais la révolution opérée par la hardiesse instinc-
tive de Monteverde n'aurait pu s'opérer, car les proportions des con-
sonnances sont infiniment plus simples que celles des dissonances. Or,
l'octave, la quinte juste et la tierce majeure ou mineure, représentées
par ces proportions, donnent une harmonie de repos absolu que rien
ne peut interrompre ni troubler, hormis la volonté de l'artiste. Avec
cette harmonie, nous ne pouvons avoir que la vieille tonalité de l'é-
glise, une musique calme et dépourvue d'expression, enfin l'absence de
mouvement, de cadence et de modulation. Avec les dissonances, nous
voyons entrer dans l'art l'attraction des sons, la nécessité de résolution
de ces harmonies, d'où l'accent expressif et passionné, et par suite, la
cadence, sans laquelle le rhythme périodique ne peut exister, et la mo-
dulation qui réalise le mouvement tonal. L'histoire nous apprend quel
fut l'entraînement irrésistible vers ces nouveautés ; elle nous fait voir
dans la suite des temps l'introduction de nouvelles dissonances dans
la musique, et les tendances de plus en plus développées chez les ar-
tistes et dans les populations civilisées, vers une formule générale de
tonalité par la multiplicité des attractions. De tout cela est résulté une
complication excessive dans les proportions des éléments de tonalité,
de mélodie et d'harmonie. S'il était vrai que cette complication fût un
obstacle au plaisir que procure la musique, nul n'aurait songé à l'y
mettre, car notre instinct nous porte à rechercher ce qui peut nous
satisfaire et à éviter ce qui nous blesse ; mais, loin de nous être anti-
pathiques, ce sont ces mêmes combinaisons multipliées et variables
dans leurs tendances qui nous charment à l'audition de la musique,
parce qu'elles en sont le mouvement, et qu'elles nous font passer par
ces alternatives de l'agitation et du repos, nécessaires à notre organi-
sation.
De même, la symétrie, condition fondamentale du rhythme, n'est pas
nécessairement bornée aux proportions les plus simples pour nous sa-
tisfaire. Je rentre ici dans la spécialité de mon sujet; mais ce n'est pas
sans dessein que j'ai paru m'en écarter dans ce qui précède; car si,
d'une part, j'ai fait un effort pour démontrer que le rhythme est une
condition nécessaire de la musique aussi bien que la tonalité et l'har-
monie, si j'ai soutenu en outre qu'il n'y a de rhythme que dans la sy-
métrie, j'ai fait voir aussi que cette symétrie n'est pas renfermée dans
les bornes étroites qu'on lui a longtemps assignées. C'est que le philo-
h&o
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
sophe réaliste Herbart, cet antagoniste si ardent des théories de
Schelling et de Hegel, a très-bien compris, car il dit avec un grand
sens : « Le temps et l'espace sont manifestement les sources d'un grand
n nombre de rapports esthétiques, parmi lesquels on remarque le plus
» facilement ceux de la symétrie. Il est remarquable que le manque de
» symétrie produit plus sûrement le déplaisir que son observation ne
» produit le beau. La symétrie seule est trop uniforme, et l'uniformité
» est mère de l'ennui. Mais ici on risque de mêler aux éléments esthé-
» tiques un élément étranger. Le besoin de variété, le plaisir qui en
» résulte, est à la fois esthétique et psychologique. Au point de vue
» psychologique, la variété délasse et amuse ; au point de vue esthé-
« tique, elle plaît et intéresse, mais à la condition de ne pas anéantir
» l'unité. S'il y a une formule générale propre à expliquer le beau dans
» les arts, c'est celle-ci : S'écarter quelquefois de la régularité et y re-
» venir sans cesse (1). » C'est là précisément ce qui m'a déterminé à
proposer les innovations rhythmiques dont j'ai conçu le système, car
j'ai la conviction que nous arrivons à une époque de la vie de l'art où
elles seront nécessaires ; mais je maintiens toujours que la symétrie
dans le rhylhme, sous quelque forme qu'on la présente, est dictée par
notre organisation physique et morale. La simplicité n'en est pas la con-
dition nécessaire, car il n'est pas rare que le compositeur établisse dans
son ouvrage, outre les rhythmes de temps, d'accent et de période,
plusieurs rhythmes divers dans les parties d'accompagnement qui con-
courent à la formation de l'harmonie. On trouve même chez des peu-
ples peu avancés dans la culture de l'art, des exemples assez remar-
quables de la combinaison de plusieurs rhythmes contemporains.
"Villoteau rapporte à ce sujet qu'une marche exécutée par les hautbois
et flûtes à l'unisson par les Égyptiens, à l'époque où le pays était
occupé par l'armée française, était accompagnée par quatre grosses
caisses qui frappaient toutes dans des rhythmes différents, par sept
paires de grandes timbales dont chacune avait aussi son rhythme, par
trois paires de pi us petites, et enfin par d'autres très-petites qui, toutes,
rhythmaient d'une façon particulière. A Dieu ne plaise que je propose
à nos compositeurs d'imiter ce tintamarre; mais il n'est pas moins
vrai que les habitants du Caire y prenaient grand plaisir, d'où il faut
conclure qu'ils saisissaient les rapports de tous ces rhythmes divers.
Pour en finir avec toutes les théories empiriques par lesquelles on
prétend ravir à l'humanité la création de l'art pour lui en imposer un
qui ne lui laisse qu'un plaisir passif et sensuel, j'ai cru devoir poser
nettement la question et^la résoudre de même. Par là, le public et les
artistes sauront désormais que, quelle que soit la théorie physique ou
mathématique qu'on voudra imposer^ la musique ou qui ait déjà vu le
jour, elle n'est et ne peut être'qu'une théorie de l'acoustique, dont l'art
n'a rien à attendre.
Pour terminer d'autre part en ce qui concerne le rhythme, je crois
devoir répéter encore la déclaration que j'ai déjà faite plusieurs fois, à
savoir, que les innovations proposées par moi dans ce travail sont des
éléments qui n'auront de valeur que lorsqu'ils seront mis en œuvre
par le génie. Ils constituent un nouvel ordre de choses dans lequel les
idées pourront se développer; mais en l'absence de ces idées, on n'v
trouverait que des formules vides. Le rhythme est avant tout dans le
caractère donné par le compositeur à son chant; c'est ce caractère qui,
dans les conditions ordinaires mêmes, domine la conception de l'ou-
vrage. Meyerbeer en a donné des exemples bien remarquables dans son
recueil de quarante mélodies, l'un de ses plus beaux ouvrages. Si quel-
que jour il applique son génie aux nouvelles formes rhythmiques que
j'ai fait connaître, il y a lieu de croire qu'il produira des effets neufs et
puissants.
Dans l'article prochain, je traiterai des rapports de la versification
avec les nouveautés du rhylhme musical.
FÉTIS père.
(1) Elnleihmg in die PI,ilosoj}Jrie (Introduction â la philosophie), '3° édition,
Kœnigsberg, 183G. S 88.
THÉÂTRE IIPÉBÏAL ITALIEN.
LUISA MIl^EK.
Mélodrame en trois actes, libretto de S. Cammarano, partition
de G. Verdi.
(Première représentation le 7 décembre 1852.)
Nous n'avons pas aujourd'hui à revenir sur le passé de Verdi , à juger
l'ensemble de ses œuvres précédentes, à rattacher ou à comparer la
nouvelle partition à ses sœurs aînées. On nous donne Luisa Miller pour
une transformation de la manière du maestro. Prenons-la comme telle :
soyons accommodants. Admettons la métamorphose sans discussion ;
dégageons-nous dès lors des préventions que les souvenirs pourraient
faire naître ; oublions tout ce qui a été dit pour et contre la musique de
Verdi, et ne considérons Luisa Miller qu'en elle-même , isolément,
comme nous ferions du premier ouvrage d'un compositeur nouveau
venu. C'est, on le sait, à un drame bourgeois de Schiller, l'Intrigue et
l'Amour, que le poëte italien a emprunté non-seulement le sujet, mais
aussi les principales situations et parfois le texte même du dialogue de
son opéra. La pièce originale est trop connue pour qu'une analyse soit
ici nécessaire. Cammarano a dû en resserrer l'action, introduire des
modifications qui auraient pu être plus ingénieuses, supprimer quelques
personnages, et imaginer çà et là des incidents autres que ceux de la
tragédie de Schiller. Mais tout cela ne tire pas à conséquence sur la
scène italienne : tout va bien dès que le libretto est fécond en situations
musicales, et celui-ci l'est sans aucun doute. Seulement, la distribution
des morceaux entre les diverses espèces de voix n'est pas toujours fort
adroite. Au premier acte, par exemple, deux airs pour voix graves se
suivent immédiatement; au troisième, le timbre du soprano figure
presque sans relâche du commencement à la fin. Il eût été facile d'évi-
ter la monotonie qui en résulte.
Cela dit sur les qualités et les défauts du livret, faisons la part du
musicien.
L'ouverture, d'un seul mouvement très-animé, est chaleureuse, dra-
matique, à effet. Elle a de l'unité et de l'intérêt. On y remarque par-
ticulièrement un beau chant de clarinette, que M. Klosé exécute avec
un goût et une pureté extrêmes. Le chœur d'introduction, d'un caractère
champêtre, est frais et agréable, quoique peu nouveau. Il y a de l'élé-
gance dans l'accompagnement léger des instruments à vent à la reprise
du motif.
La romance de Luisa, Lo vidi, ne manque ni de grâce ni de brillant.
Il est fâcheux cependant que le repos de la phrase musicale ait lieu
quand le sens grammatical est encore suspendu et inachevé. Mais qui
s'aperçoit de cette incorrection antilogique lorsque la délicieuse voix
de Mlle Cruvelli parsème tout cela de notes suaves et étincelantes ?
Le trio T'amo, qui se convertit en morceau d'ensemble, est réelle-
ment joli. La mélodie principale a la tournure française. Vient ensuite
un air de baryton; le premier mouvement, Sacra la scelta, se dis-
tingue par une certaine onction solennelle qui déguise assez bien l'ari-
dité réelle du chant. L'allégro Ah !fit giusto est franchement rhythme ;
par malheur, Valli, le débutant, le dit avec une exagération, un ma-
niéré, et des vibrations perpétuelles de voix, qui justifient très-bien la
froide impassibilité de l'auditoire. Susini n'est guère plus heureux en
chantant l'air du comte de Walter, // mio sangue, qui a pourtant du
mérite ; la sombre couleur du début est convenable, et sur l'exclama-
tion Pena atroce ! la modulation et le dessin rhythmique sont parfaite-'
ment en scène.
Le chœur Quale sorriso se laisse écouter. C'est un trois temps en
style piqué qui a du charme. Le duo de Rodolfo et de la duchesse
rentre dans la foule des duos vulgaires et incolores. L'andantino est
tout bonnement une barcarolle qui ne sied point à la situation ; quant
à l'allégro, il rappelle par le rhylhme le chant national de Charles VI,
un motif du Val d'Andorre et même la strette du grand duo final de la
Favorite. C'est trop pour un seul thème.
DE PARIS.
461
Sautons bien vile sur un chœur de chasse, chanté clans la coulisse,
pour arriver au final, qui renferme plusieurs intentions dramatiques
bien rendues. C'est d'abord l'harmonie mystérieuse et menaçante sur
laquelle Rodolfo déclare qu'il possède un secret redoutable; puis, le
motif instrumental en ut dièse mineur qui accompagne le parlante;
enfin l'explosion de l'andanle qui remue vivement l'auditoire, quoi-
qu'il soit un instant déparé par l'inévitable procédé de l'unisson géné-
ral. Il est à regretter que la strette soit brusquement écourlée. La
phrase énergique, Tutlo tentai, lancée avec vigueur par la puissante
voix de Bettini, reste tout à coup en chemin ; rien ne la suit, et l'acte
s'achève sous une impression de mécompte très-nuisible à l'effet de
l'ensemble. Comment Verdi, qui a certainement le sens des convenances
scéniques, n'a-t-il pas vu cela?
Le deuxième acte est beaucoup mieux conçu au point de vue du
drame ; mais la couleur commence à manquer de variété et tourne à
une tristesse un peu trop uniforme. Il n'y a rien à dire du chœur
d'entrée, sinon que le rhythme en est plus dansant que le tragique de
la situation ne le voudrait. En revanche, nous louerons l'andante, Tu
puniscimi. C'est un chant déclamé, dont la largeur expressive répond
très-bien à l'esprit du texte ; Mlle Cruvelli y met toute sa voix et toute
son âme, deux belles choses à la fois.
Le duo des basses est dépourvu d'initiative et d'invention. Pourtant
il est traité habilement sous le rapport de la facture ; il produira un
effet suffisant quand il sera suffisamment chanté. Le quatuor qui le suit,
quatuor sans accompagnement [Corne eclar), est fort goûté, fort ap-
plaudi et redemandé. Il y a là de la fantaisie réelle et de la séduction;
les nuances vocales y sont admirablement contrastées.
Selon nous, la romance de Rodolfo, Quando le sere, une vraie ro-
mance touchante et simple, vaut à elle seule autant que le quartette
Bettini la chante supérieurement; il dit avec beaucoup de feu et de
force la strette du second final, L'ara o Vavello, période animée, large-
ment développée et d'un effet certain.
Le troisième acte, malheureusement dominé en entier par une teinte
trop sinistre, contient des parties fort remarquables. Signalons dans le
duo un peu long de Miller et de sa fille la cantilène, La tomba è un
letlo. Une critique sévère trouvera peut-être cette gracieuse mélodie
trop coquette, trop mignarde pour le sens véritable d'une situation
aussi douloureuse; mais ce chant est si pur, si frais, si bien soupiré par
Mlle Cruvelli, que la critique doit déposer les armes. L'allégro An-
drem rarriinghi est encore une phrase heureuse, plus heureuse que
neuve. Le mi bémol soutenu et répété par le soprano, avec l'inflexion
lamentable de la voix du mendiant, n'a échappé à personne.
Le duo, ou plutôt le dialogue, déclamé par Rodolfo et Luisa gagnerait
beaucoup à être écourté. Ce style haché, dépecé, lasse bien vite; mais
la stretta en sol mineur est d'une ardeur fébrile, d'une impétuosité fu-
rieuse qui rachète la longueur de ce qui précède.
Cantatrice éminente dans tout son rôle, Mlle Sophie Cruvelli se
montre aussi, dans les dernières scènes, et surtout dans le trio final,
actrice profondément pathétique , non pas à la manière des grandes
tragédiennes classiques (elle fait trop de gestes peur cela), mais
dans le style un peu échevelé des Dorval, des Guyon, des Mélingue.
Après tout, ce style est analogue à celui de la musique qu'elle chante,
qui a beaucoup de rapport avec le caractère violent et outré des meil-
leurs mélodrames de nos théâtres du boulevart. Bettini seconde par-
faitement la belle prima donna. Tous deux ont été souvent rappelés.
De ce compte-rendu très-fidèle, il résulte que l'opinion est bien
plutôt favorable que contraire au nouvel opéra. Chanté à la dernière
représentation avec plus d'ensemble et d'aplomb qu'à la première, il a
fait aussi beaucoup plus de plaisir. Si l'exécution vocale, qui laisse sou-
vent à désirer dans les rôles secondaires , va encore en s'améliorant,
l'impression générale devra s'améliorer aussi et grandir dans la même
proportion. Nous le souhaitons pour la direction, qui a fait de vérita-
bles frais de mise en scène, inurités au Théâtre-Italien. Contrairement'à
toutes les bonnes traditions de ce théâtre, les costumes sont neufs et
point trop hétérogènes; deux décors , ceux du village et du château,
ont paru pittoresques et bien entendus. L'exécution instrumentale est
d'ailleurs fort bonne. L'orchestre, que son jeune chef, M. Castagnerie,
conduit avec talent, enlève vaillamment l'ouverture : aussi se garde-t-
on bien de lui adresser le plus petit bravo. L'usage le défend.
Maurice BOURGES.
THÉÂTRE-LYRIQUE.
G1ILHEKY LE TROMPETTE,
Opéra comique en deux acte?, paroles de MM. de Leuven el Beauplan,
musique de M. Sar.miento.
(Première représentation )
C'est une pièce de Picard, refaite une première fois par M. Scribe, et
que M. de Leuven vient de refaire. Laissons de côté Picard, qui est
mort, et M. Scribe, qui est académicien, et allons droit à M. de Leuven,
qui est de ce monde.
Dans son ouvrage, comme dans ceux de M. Scribe et de Picard, il
s'agit d'un mort.... — D'un mort à enterrer? — Non, à ressusciter.
Mais l'opérateur de M. de Leuven diffère de ses prédécesseurs en ce
qu'il n'est sorcier que par hasard, par occasion, par nécessité et pas du
tout volontairement.
Il est sergent dans un régiment français qui fait la guerre en Espagne,
sous les ordres du duc de Vendôme, et au profit de Philippe V. Il pré-
tend avoir fait dans ce même pays une première campagne en 1695.
Evidemment, il rêve ou il raille. 11 ajoute que cette campagne de 1695
a eu lieu il y a quinze ans, d'où il résulterait que le duc de Vendôme
guerroyait en Espagne en 1710. Le brave sergent, vous le voyez, n'est
pas fort sur l'histoire de France, et vous me croirez sans peine, si je
vous dis qu'il n'est pas sorcier, quoi qu'il en dise.
Après tout, il ne s'en fait guère accroire. C'est Guilhery le trompette
qui le met en avant, et se sert de lui comme M. Guignol de Polichinelle
et du commissaire. Ce Guilhery est un petit compère qui a un front
d'airain, qui ne doute de rien, qui ne recule devant aucune entreprise ,
et sans lequel, après tout, le digne sergent et son escouade auraient
probablement été pris par les Anglais, ou seraient morts de soif, ce qui
eût été pis encore. Que voulez-vous que deviennent dans les plus sau-
vages montagnes de l'Espagne douze fusiliers, un sergent et un trom-
pette séparés de leur régiment, et qui en ont perdu la trace?
Heureusement le hasard fait tomber entre leurs mains tout l'attirail
d'un Fontanarose en voyage, habits rouges magnifiquement galonnés,
perruques gigantesques, force rouleaux d'eau de Cologne, chapeau
pointu, baguette et grimoire de magicien, et des affiches tout imprimées,
qu'il n'y a plus qu'à poser.— Voilà notre affaire, dit l'inventif Guilhery.
— Mettons ces habits, allons à la ville prochaine, et collons ces affiches
dans les bons endroits. Nous ferons recette, et avec cette recette nous
pourrons regagner l'armée.
Aussitôt dit, aussitôt fait, Voilà nos gens à la ville où leur affiche,
c'est-à dire l'affiche du charlatan dont ils ont pris les dépouilles, pro-
duit un effet merveilleux. Us sont bien loin de se douter de la magnifi-
cence de leurs promesses. El signor Bambolino ne s'engage à rien
moins qu'à ressusciter un mort en présence de l'honorable compagnie
qui voudra bien assister à ses opérations. Voilà ce que dit l'affiche, et
nos maladroits Français n'en savent rien. Pas un d'eux ne parle l'espa-
gnol !
Or, le hasard, roi du monde, et surtout roi du théâtre, a tout arrangé
d'avance pour rendre leur triomphe plus éclatant, ou leur défaite plus
humiliante. Le corrégidor du lieu, le seigneur Rebolloso, a perdu sa
pupille, la belle Zina; il la croit morte, el, comme on est venu récla-
mer sa succession, il voudrait bien la faire revivre. — C'est Zina qu'il
faut ressusciter, dit-il à maître Taillefer ; et si vous y mettez de la mau-
462
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
vaise volonté, si vous n'exécutez pas le miracle annoncé, vous serez
brûlés en place publique pour avoir trompé le public.
Un moment après, arrive dogna Léonarde, la gouvernante de Re-
bolloso, qui, Voulant épouser son maître, désire passionnément que
Zina reste dans l'autre monde, où elle ne peut plus gêner ses projets.
— « Si vous ressuscitez cette péronnelle, je vous dénoncerai à la sainte
inquisition, et vous serez brûlés comme sorciers. Dans le cas contraire,
voici un sauf conduit avec lequel vous pourrez vous échapper. »
Le cas est grave, et la situation assez désagréable. Taillefer se donne
au diable ; Guilhery se gratte la tête et n'y trouve rien. Mais la fortune
vient à leur secours. Zina n'est pas morte, elle n'est qu'enlevée ; enle-
vée par le jeune licencié Fabrice, qu'elle préfère à tous les corrégidors
de la vieille et de la nouvelle Castille.
C'est ce Fabrice qui est venu réclamer, en vertu d'un testament
olographe que la prétendue mort de Zina rend exécutoire, certaine
cassette à laquelle Rebolloso paraît tenir plus qu'à ses yeux. Zina vient
à son tour chercher Fabrice, sans qui elle ne peut vivre, et tout s'ar-
range si bien qu'au moment où Taillefer achève son évocation, Zina
paraît en effet, et le miracle est accompli. Voilà dame Léonarde fort
on colère. Mais avec elle il y a moyen de s'entendre, car maître Taille-
i'er est ou plutôt a été son mari. Elle le croit mort : jugez quelle se-
rait sa déconvenue si l'on allait aussi le lui ressusciter! Ce n'est pas
trop, assurément, de son silence et de son sauf-conduit pour écarter
un pareil malheur.
D'ailleurs, Rebolloso, contraint parla nécessité, ne peut plus s'opposer
au mariage de sa pupille, et Taillefer, s'éloignant pour toujours, lui
livre cet infortuné corrégidor pieds et poings liés. — Vous dites, tout
ébahi : Voilà un cas de bigamie bien caractérisé. Que devient la mo-
rale? Et que dira M. de Pourceaugnac qu'on a traité jadis si sévère-
ment? — Je vous réponds : autre temps, autres mœurs. Et, d'ailleurs,
tout cela se passe en Espagne où l'on n'y regarde pas de si près.
Après tout, il s'agit bien moins, en cette affaire, de morale que de
musique.
Celle de M. Sarmiento est facile et chantante, et parfois ne manque
pas d'entrain et de gaîté. 11 est fâcheux seulement que le compositeur
que l'Italie nous envoie ait une si bonne mémoire et n'ait pas encore
appris à s'en défier. Du reste, on voit qu'il n'a fait que de bonnes lec-
tures et qu'il a surtout étudié les maîtres. Les mélodies de Rossini,
de Donizetti, de Bellini, viennent, comme d'elles-mêmes, se placer
sous sa plume, et l'auteur leur donne très-généreusement l'hospitalité.
Ce sont surtout les souvenirs de Lvcia di Lammermoor qui l'assiègent
et qu'il accueille plus volontiers. N'est-ce pas une preuve de goût?
11 y a dans l'un des premiers ouvrages de R*,ssini, VInganno forlu-
nato, un trio charmant, sur ma parole, mais qui, dit-on, se trouvait
déjà, presque note pour note, dans l'Adelina de Generali. Celui-ci eut
le mauvais goût de ne pas être flatté d'avoir contribué au succès de son
jeune rival, et, le rencontrant un jour chez le célèbre poète Monti, qui
recevait alors tout ce qu'il y avait de distingué en Lombardie, il lui dit
assez vertement ce qu'il en pensait. — Maître, répondit Rossini avec
ce sang-froid railleur qui est un de ses moyens d'effet, ce trio est la si-
tuation la plus importante de mon opéra; j'étais décidé à ne pas le
manquer; il me fallait là, absolument, une idée heureuse, une mélodie
de choix; je l'ai prise chez vous. Pouvais-je m'adresser mieux?
Generali ne dit plus mot. Evidemment, il aurait eu tort de se plain-
dre.
Personne non plus, probablement, ne se plaindra de M. Sarmiento.
S'il est peu inventif et s'il manque d'originalité, du moins il est mé-
lodiste, et il écrit bien pour les voix, comme la plupart des Italiens.
C'est une qualité dont Mlles Rouvroy etGuichard; MM. Ribes et Carré
lui savent gré, sans doute, car elle leur a valu de nombreux et très-
vifs applaudissements.
G. HÉQUET.
MiCBSTH,
Tragédie en cinq actes et en vers, d'après Shakspeare,
E"ar liéon HASiKVÏ,
Est-ce une tragédie ou un opéra que Mwbeth'! Comme dans
Othello, dans Roméo et Juliette, dans le Songe d'une nuit d'été, dans
la Tempête et plusieurs autres grandes œuvres du 'même poëte, l'élé-
ment lyrique s'y rencontre en telle abondance qu'on peut le chanter
aussi bien que le déclamer, que la mélodie en jaillit presque d'elle-
même, et que le compositeur y trouve son canevas tout préparé. Dans
Macbeth, l'intervention des trois sorcières, manifestement reproduite
dans les trois hommes noirs du Prophète, l'apparition de Banquo, le
somnambulisme de lady Macbeth, la forêt nomade de Birnam, ne sont-
ce pas des conceptions encore plus taillées à l'usage de l'opéra que de
la tragédie? Cela est si vrai que Macbeth a été souvent mis en musique,
et que ce n'est pas la faute de Shakspeare si jusqu'ici aucune des par-
titions qu'il a inspirées n'a valu celle qu'un autre homme de génie a
écrite sur Othello.
M. Léon Halévy, qui devait mettre au jour plus d'une œuvre origi-
nale, mais dont la renommée commença dès le collège par une tra-
duction, est revenu encore une fois à ses premiers travaux : il a traduit
Macbeth, et, en le traduisant, il l'a refait, épuré, dégagé d'une foule
de choses qui, sur la scène française, en rendraient la représentation
impossible. C'est pour la scène française que l'habile dramatiste, le
poëte nerveux et pur a travaillé. C'est peut-être à Mlle Rachel qu'il
songeait en écrivant le rôle si terrible de cette lady Macbeth, la fata-
lité vivante. Quoique l'œuvre soit imprimée et puisse être lue par tout
le monde, rien n'empêchera que le théâtre ne l'accueille, et elle y
parviendra tôt où tard. Aujourd'hui, nous ne vivons plus sous le pré-
jugé qu'une pièce imprimée ne saurait être jouée. Tous ^les petits
chefs-d'œuvre d'Alfred de Musset n'étaient-ils pas imprimés lorsque le
volume entier s'avisa de monter page à page sur les planches, et d'af-
fronter la rampe avec plus de succès encore que s'il n'eût pas été
connu?
Ainsi probablement il en sera de Macbeth, le drame le plus beau,
le plus complet, le plus hautement moral qui soit sorti du génie de
Shakspeare. La seconde épreuve que nous donne M. Léon Halévy en
conserve toutes les beautés immortelles. C'est un daguerréotype qui
réduit et corrige, qui reflète la couleur aussi bien que l'attitude et le
caractère. On en jugera par une citation que nous regrettons de ne
pouvoir étendre davantage. C'est la fameuse scène où lady Macbeth
vient de recevoir le message de son mari, où déjà la pensée du meur-
tre lui apparaît et devance l'arrivée de Macbeth et du roi : The raven
himself is hoarse, etc.
Quel est ce bruit étrange?... Est-ce l'oiseau de proie
Qui fête leur entiée et pousse un cri dejoie?
Venez, esprits du meurtre, ennemis du remord,
Vous qui soufflez la haine et les pensées de mort;
Venez m'ôter mon sexe!... endurcissez mon àme;
Chassez le repentir, et, dans mon sein de femme,
Changez le lait en fiel et la crainte en fureur!
Et toi qui remplis l'homme ou de force ou d'horreur,
Enveloppe les cieux de tes voiles funèbres,
Nuit sombre!... pour frapper j'ai besoin de ténèbres,
Car a l'aspect du sang mon poignard peut faiblir,
Et si je vois le ciel, je puis me repentir!
C'est partout et toujours avec la même concision heureuse, la même
vigueur élégante que M. Léon Halévy a rendu l'esprit et la lettre du
texte anglais. En le lisant on oublie que c'est une traduction , tant
l'allure du poëte français est ferme et facile. Comme l'abbé Delille,
dans la traduction des Géorgiques, s'il n'a pas vaincu son modèle,
il a laissé bien loin derrière lui tous ceux qui ont tenté d'en appro-
cher.
P. S.
DE PARIS.
i63
NOUVELLES.
**» Aujourd'hui dimanche, par extraordinaire, à l'Opéra, h Prophète.
„,*„, Lundi dernier, une indisposition de Unie 'IVdesrn a empêché de
donner le Juif errant, qui a été remplacé par la Favorite, suivie du premier
acte de la Péri.
,,*„ Mercredi Moïse, et vendredi / s Huguenots, ont brillamment com-
plété les spectacles de la semaine.
ff Luisa Miller, traduite en français par M. Emilien Pacini, doit être
représentée le mois prochain, avec Gueymard, Morelli, Depassio, Merly,
Mmes Bosio etMasson pour interprètes.
t*t Le Père Gaillard continue d'amener la foule à l'Opéra-Comique.
„*,, Le Domino noir, ce charmant chef-d'œuvre dramatique et musical,
produit autant d'effet que dans les premiers temps de son apparition. La
salle est trop petite chaque fois qu'on le donne. Couderc et Mme Ugalde
y font assaut de verve et de séduction.
j,*n Les Mystères dWdolphe, revus, corrigés et diminués de quelques
morceaux, ont reparu lundi dernier.
„*j, Marco Spada, tel est le titre de l'ouvrage nouveau de Scribe et
d'Auber. Mlle Caroline Puprez y fera ses débuts, et Battaille jouera le rôle
de Marco Spada ; les autres rôles seront joués par Boulo, Couderc, Bussine
et Mlle Favel.
,*„. Aujourd'hui dimanche, le Théâtre-Italien donnera l'Elisired'amore,
de Donizetti.
**» L'Empereur est venu lundi et mercredi à l'Opéra : S. M. assistait
mardi à la première représentation de Luisa Millr au Théâtre-Italien.
»%. La princesse Mathilde assistait mardi dernier à la 60e représentation
de Si j étais roi, au Théâtre-Lyrique. La salle était comble, comme aux
premières représentations de cet opéra. S. A. I. a été tellement satisfaite
du spectacle, qu'elle a promis au directeur de revenir à son théâtre pour
entendre le Postillon de Longjumeau , où Chollet est toujours admirable de
verve et de talent.
t*t Le concert, au bénéfice des pauvres, qui sera donné à Rouen, et
dans lequel Mlle Félix Miolan et Alexis Dupond se feront entendre, est
toujours fixé au 19 de ce mois.
*** Le Juif errant se monte en ce moment à Lyon avec une grande ac-
tivité. L'habile chef d'orchestre, Georges Hainl, va renouveler les preuves
du talent supérieur qu'il a déployé pour le Prophète.
**„ La reprise de la Juive et celle de Charles VI viennent d'avoir lieu à
Nantes avec un éclat tout à fait remarquable.
**x La distribution des prix au Conservatoire de musique et de décla-
mation aura lieu aujourd'ui dimanche, à midi et demi. Elle sera suivie
d'un concert et de scènes dramatiques et lyriques, dont voici le pro-
gramme : 1° Ouverture nouvelle, composée par M. Emile Jonas; 2° grand
duo pour deux pianos, composé par Thalberg sur les motifs de Norma,
exécuté par Mlle Marie Colin et M. Bizet; 3° fragment d'une symphonie
pour onze instruments, composée par M. Prumier fils, exécutée par
MM. Ileinbach (flûte) ; Colin (hautbois) ; Baguenier-Désormeaux (clari-
nette) ; Villaufret (basson); Guignery (trompette); Bonnefoy aîné (cor);
Lefebvre (cor à pistons) ; Sauret (trombone) ; Jacquart jeune (violon-
celle) ; Tournier (contre-basse); et Mlle Coppée (harpe); h" symphonie
concertante pour deux violons, composée par M. Alard, exécutée par
MM. Lancien et Viault jeune ; 5° fragment du troisième acte de V École des
femmes, par M. Lesage et Mlle Emilie Dubois ; 6" air de Zaïre, de Merca-
dante, chanté par M. Faure ; 7° fragment du deuxième acte du Philosophe
marié, par Mlles Arrône, Valérie, et M.Vonoven; 8° fragment tYEuphrosine et
Coradin, par MM. Sapin, Crambade, Mlles Boulart, Girard, Rey et Amélie
Bourgeois ; 9" fragment du troisième acte des Fourberies de Scapin, par
MM. Gilles de Saint-Germain, Lesage et Mlle Valérie ; 10° fragment du
deuxième acte de Fernand Corte-, par M. Bonnehée et Mlle Geismar.
*% Vieuxtemps donnera un concert vendredi prochain, 17 décembre, à
8 heures du soir, dans la salle Ilerz. Le célèbre violoniste y jouera un
grand concerto (manuscrit) en ré mineur; lu Danse des Sorcières ; des
romances sans paroles et une tarentelle. Georges Bousquet conduira l'or-
chestre.
**t C'est aujourd'hui, 12 décembre, qu'aura lieu le premier concert de
la Société Sainte- Cécile. Nous en avons donné le programme dimanche
dernier.
„,% Lundi, 20 décembrecourant, aura lieu, salle H. Ilerz, rue de la Victoire
n° 48, â huit heures précise du soir, le premier concert de la Société sym-
phonique sous la direction de M. A. Farrenc. Programme : 1. symphonie
de Haydn en si bémol; 2. Aria di ckiesa, d'Alessandro Stradella, chanté
par Mlle Victorine Dietsch; 3. concerto de piano de Mendelssohn, exécuté
par Mlle Wilhelmine Clauss ; U. air de la Fée aux roses, d'tlalévy, chanté
par Mlle Dietsch ; 5. symphonie concertante pour deux violons, composée
par M. Alard, exécutée par ses élèves, MM. Lancien et Viault, premiers
prix du Conservatoire en 1852 ; 6. ouverture des Deux journées, par Cheru-
bini.
*% Dimanche prochain, 19 décembre, un concert très-intéressant sera
donné par M. Emde de Bailly, contrebassiste, élève de M. Gouffé, soldat
de la classe de 1832 , avec le concours de Mlle Charlotte de Malleville ,
et autres artistes de premier ordre. Voici du reste le programme : 1. Frag-
ment du quintette en mi bémol mineur, d'Hummel ; 2. air varié pour
la contrehas-v, de Gonfle, exécuté par M. de Bailly: 3. duo; I\. solo
d'alto, la Berctuse, delteber;5. air; (i. solo de clarinette, de Klosé;
7. concerto de violoncelle, deltombcrg; 8. solo de piano; y. mélodies:
10. solo de violon sur des motifs de Zampa , d'Hérold, exécuté par
M. Guerreau ; il. air chanté par M. Lefort; 12. Invitation à la vais', de
W'eber, arrangée en quintette pour instruments à cordes, par Leboue. —
Le pianosera tenu par M. Stadtfeldi
„,% Emile Prudent vient de passer triomphalement à Nevers et à Bour-
ges : il a donné un concert dans chacune de ces villes, avec un succès
dont il n'y avait pas d'exempie; et il aurait pu en donner d'autres, s'il
n'eût voulu se rendre rapidement à Bordeaux, où son premier concert
aura lieu lo 14 ou le 15. Il a pour compagnon de voyage Léopold Amalt.
**« A l'occasion de la proclamation de l'empire, M. Eluart avait écrit
une Marche triomphale. Ce morceau d'harmonie militaire, exécuté le 2
décembre dernier par la musique excellente du 6e léger, sous la direction
de son chef, M. Poinsignon, a obtenu pendant le passage de S. M. l'empe-
reur les honneurs d'un bis formidable. La Marche d'Elwart va, dit-on,
être adoptée pour toutes les musiques de l'armées.
**,, Voici le programme d'uneséance que donne, aujourd'hui dimanche,
dans le salon neuf de M. Pleyel, un compositeur pianiste très-distingué,
M. J. Ch. Hess, pour l'audition de ses œuvres de piano: I. les Feuilles
mortes, d'Abadie, transcrites, variées pour le piano, et exécutées par l'au-
teur, M. Hess; 2. air de la Flûte enchantée, de Mozart (texte allemand),
chanté par M. F. Schlosser; 3. le Trémolo, de M. Hess, caprice exécuté par
l'auteur ; U. la Fidanzata del marinajo, de Concone, chantée par Mlle Te-
resa Martinetti ; 5. Blanche, polka-mazurka ; Alice, mazurka, exécutées
par M. Hess ; 6. le Lévite, de Vimeux, mélodie chantée par M. F.
Schlosser; 7. Scène maritime, de M. Iless , exécutée par l'auteur;
8. Christine de Suède, de Concone, scène et air chantés par Mlle Teresa
Martinetti ; 9. l'Aurore, de M. Hess, méditation, exécutée par l'auteur.
„,% Nous nous bornons à annoncer la prochaine ouverture du cours de
piano spécialement consacré, par Mlle Charlotte de Malleville, à l'étude
des auteurs classiques, Bach, Beethoven, Mozart, Haydn, Hummel, Men-
delssohn, Onslow, etc. Les élèves y interpréteront la musique pour piano
seul et la musique avec accompagnement. Les accompagnateurs seront
MM. Maurin, Dorus, Casimir Ney, Leboue et Gouffé. Mlle de Malleville a
donc lieu d'espérer que ce cours sérieux sera pour les élèves le complé-
ment d'une éducation musicale.
#** Après six mois d'absence, Jacques Blumenthal est de nouveau re-
venu à Londres, où on l'attendait comme un ami que rien ne fait oublier
et que rien ne remplace.
„*„ Mlle deStaudach, jeune pianiste de Vienne, doit bientôt se rendre à
Paris.
,*# Bazzini, l'excellent violoniste, donne en ce moment des concerts
très- brillants et très-suivis à Turin.
t*„ VEco d'Italia, qui se publie à New-York, dit que les succès obtenus
à Boston par Mme Sontag sont au moins égaux, sinon supérieurs, à ceux
qu'elle avait déjà obtenus à New- York et à Philadelphie.
*** Le Struensée de Meyerbeer s'exécute aujourd'hui pour la seconde
fois à Bruxelles, sous la direction de M. Fétis.
,% Hier samedi, Vély-Pacha, accompagné de toute l'ambassade otto-
mane, est venu chez M. Adolphe Sax, pour y entendre une exécution pré-
paratoire de la musique des guides. A son départ, il a manifesté son ad-
miration pour l'excellence des instruments et la perfection des instru-
mentistes.
t*4A propos du retour de Vivier parmi nous, voici un extrait du dernier
feuilleton d'Adolphe Adam, publié dans 'l'Assemblée nationale. — «Et Vivier,
que j'allais oublier ? Oh I celui-là je ne me le pardonnerais pas. Donc, Vivier
est revenu de Constantinople, mais revenu plus Turc que les Turcs qu'il a
charmés; il est enchanté du sultan, devant lequel il a joué, et dont il a
reçu de magnifiques présents, des odalisques qu'il n'a pas vues, mais dont
il s'est fait entendre à travers de très-épais rideaux. Il est surtout ravi de
Vély-Pacha, le nouvel ambassadeur avec qui il a fait route et chez lequel
il loge aujourd'hui, à l'hôtel de l'ambassade de la rue des Champs-Elysées.
Vely-Pacha est jeune, rempli d'urbanité, parlant parfaitement français,
ayant reçu une brillante éducation toute européenne : il n'est pas éton-
nant que Vivier ne puisse se passer de. lui, et comme Vély-Pacha apprécie
eu connaisseur l'esprit et le talent, il n'est pas non plus surprenant qu'il ne
puisse se passer de Vivier. Mais n'est-il pas à craindre que Vivier, qui était
déjà si rebelle aux agaceries parisiennes et qui refusait toujours de se faire
entendre, ne s'endurcisse encore dans son entêtement, et serons-nous
obligés de nous convertir à Mahomet pour qu'il nous fasse la grâce de nous
traiter en amis? »
„,*, Un directeur de théâtre peut-il faire exécuter dans l'une de ses
pièces des airs pour lesquels les compositeurs ne lui ont pas donné le
consentement exigé par les lois et règlements sur la propriété littéraire
et musicale? Telle est la question, en ce moment soumise à plusieurs ju-
ridictions, et que le Tribunal de première instance de Lyon vient de ré-
soudre en faveur du droit des compositeurs, dans les circonstances sui-
vantes. M. Delestang, directeur des théâtres de Lyon, avait fait exécuter,
dans la pièce dite la Poule aux œufs d'or, la musique de MM. Paul Hen-
rion, Nargeot, Fessy et Quidant, sans l'adhésion de ces compositeurs.
Poursuivi pour ce fait par la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs
de musique, ce directeur a été condamné, par un jugement de police
m
REVUE ET GAZETTE MUSICALE DE PARIS.
correctionnelle (Tribunal de première instance de Lyon), du 8 décembre
courant, à 50 fr. d'amende et à 200 fr. de dommages-intérêts.
*** Cossmann, le célèbre violoncelliste, est à Paris en ce moment, et
nous espérons qu'il ne nous quittera pas sans se faire entendre.
a*,, Mercredi dernier, nous avons entendu dans l'église Bonne-Nouvelle,
pour le mariage de Mlle Delsac, professeur de solfège au Conservatoire,
une messe pour voix de soprano, chantée par quatre de ses élèves, et ac-
compagnée par l'auteur, M. Panseron, sur un petit buffet d'orgue. Ces qua-
tre solos ont été dits parfaitement et avec des voix dont la pureté virginale
prête un charme infini il la musique religieuse.
^% L'n de nos écrivains les plus spirituels, qui est à la fois excellent mu-
sicien et critique ingénieux, M. Jules Lecomte, est chargé, à dater du 1 " jan-
vier prochain, du compte-rendu des quatre théâtres lyriques, et de toutes les
questions musicales, dans le journal le, Siècle. M. Jules Lecomte complète
ainsi la haute position d'influence que lui créait déjà son remarquable
Courrier de Paris, de V Indépendance belge, un des grands succès de la litté-
rature actuelle.
t*t L'ItaUa musicale, dans son numéro du k de ce mois,' reproduit un
article publié tout récemment par nous sur la musique à Alyer, en ayant
soin de déclarer qu'elle lions l'emprunte, tandis que dans son numéro du
5 du même mois, la Gazetla musicale, persistant dans ses habitudes, nous
prend un article beaucoup plus ancien sur Dellamaria et son opéra, le
Prisonnier, en se gardant bien d'en indiquer la source. Suum cuiqw.
.,,% La mise en scène du Juif errant, publiée par M. Palianti, est tout à
fait digne de ce grand et bel ouvrage. Comme dans toutes ses reproduc-
tions du même genre l'auteur a su réunir au plus haut point le mérite de
l'exactitude à celui de la clarté.
CRON1QUE DÉPARTEMENTAL!:.
„,% Lille, 6 décembre. — Dans la représentation solennelle donnée à
l'occasion de la proclamation de l'empire, entre la Bergère des Alpes et le
Domino noir, une cantate, composée exprès pour la circonstance, a été
chantée par MM. Case et Beckers, ainsi que par les chœurs. La musique
en avait été composée en vingt-quatre heures par M. Lavainne. Des ap-
plaudissements unanimes ont interrompu et suivi l'œuvre du poète et du
musicien.
*** Troyes. — Le 27 novembre dernier, la Société philharmonique
a donné son premier concert de l'année musicale 1852-53. L'orches-
tre, habilement dirigé par son jeune chef, M. Emile Lascoretz, a en-
levé vigoureusement l'ouverture du Serment et celle de l'Ame en fine.
Les orphéonistes ont chanté le chœur d'introduction des chasseurs, de
l'Ame en peine, avec accompagnement d'orchestre. Dans ce concert,
M. Léon Jacquart, premier prix du Conservatoire, s'est fait entendre sur
le violoncelle ; son jeu sympathique et distingué lui a valu un succès com-
plet ; on lui a fait répéter la Berceuse de Reber. Amédée Arnaud, élève de
Marmontel, a fort bien exécuté sur le piano une fantaisie de sa composi-
tion sur des motifs du Val d'Andorre. Mlle Cécile Morache, une des élèves
distinguées de Mme Damoreau, établie à Troyes comme professeur de
chant, a été beaucoup applaudie dans l'air du Serment; dans le duo (pour
ténor et soprano) de la Croix de Marie, et dans deux romances, l'une
du chevalier Gaston d'Albano , l'autre de Clapisson. Une autre canta-
trice débutait à ce concert : Mlle Lemonnier est douée d'un bel organe
vibrant et sympathique, mais l'étude a besoin de perfectionner sa mé-
thode encore imparfaite ; un bel avenir est réservé à cette jeune artiste,
qui s'est fait applaudir dans le duo du Pui's d'amnw, de Balfe. et dans
l'air de Freischiilz. Le concert s'est terminé par l'exécution d'une polka à
grand orchestre. Ce morceau est l'œuvre du jeune chef d'orchestre.
a** liouen. — Notre grand théâtre, bien mal nommé théâtre des Arts,
est en ce moment dans la plus triste situation. Depuis le commencement de
l'année la nouvelle administration s'épuise en inventions de toute sorte
pour arriver à nous donner des nouveautés dans le genre du Maître de
chapelle et du Bouffe et le tailleur, et pour obtenir ce brillant résultat, il a
fallu avoir recours aux loteries et aux cachets à prix réduits. Rouen, au-
trefois renommé pour ses bonnes troupes d'opéra, n'est pas à la hauteur
des villes de quatrième ordre, et, à l'exception d'un tout petit nombre
d'artistes, le reste est d'une faiblesse désespérante. Nous nous demandons
comment ce public rouennais, dont la réputation de juste sévérité était
devenue proverbiale, s'est tout à coup changé en un public des plus ac-
commodants; il est vrai qu'on le consulte fort peu, et que le directeur s'est
constitué le principal arbitre des débuts. Nous n'avons ni ténor, ni basse,
et les chœurs sont à l'état de souvenir. Disons pourtant, pour être juste,
que des artistes qui avaient de la voix et qui chantaient fort bien il y a
une quinzaine d'années, viennent parfois aider la marche de notre maigre
répertoire; ces jours-là (et ce sont les grands jours) on peut entendre mas-
sacrer Lucie et la Favorite. C'est à faire frémir l'ombre de Donizetti. Enfin
faut-il vous l'avouer? le célèbre Bosco a longtemps occupé notre scène, et
le besoin de magie se fait tellement sentir ici, que depuis plus de quinze
jours l'affiche annonce comme une grande nouvelle que Mme ***, presti-
digitatrice, va donner des représentations!...
ERRATUM.
Dans le 7e article sur le Développement de la musique dam le. do-
maine du rlnjtkme, l'air gallois placé au bas de la première colonne,
page 403, n'est par intelligible parce que le bémol a été placé sur la
ligne de si, tandis qu'il doit être placé à la note mi, le si étant tou-
jours bécarre.
Le gérant : Ernest DESCHAMPS.
CBiea WaASÏBÏBJS et €", 1®39 B-eat* IBicBselieiJ,
COMPOSANT LE RÉPERTOIHE DES BALS DE L'OPÉRA POUR 1855
Quadrille sur MOÏSE.
Quadrille LES DAMES DE LA HALLE.
Polka russe LES CHEVALIERS GARDES.
Polka-mazurka STEEPLE-CHASE.
BSelinir»» pïcSte,
n-â<L net, 1* fr.
Polka-mazurka ALMA.
Schottisch L'ONCLE TOM.
Valse NEW-YORK.
Redowa LA BERGERE DES ALPES.
ALBUM DE CHANT POUR 1853
De Douze Romances, paroles de MM. AIMÉ GOURDIN, E. DASSIER d ADOLPHE CATELIN,
MUSIQUE DE
T. LABARîlE
ET
E. DiàSSIER
NINA.
LES PRÉS SONT FLEURIS.
LE PETIT PIED DE MA VOISINE.
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REVUE
Départements, Belgique et Suisse
Étranger
Le Joumu purait le Dimanche.
GAZETTE fflUSICALE
SOMMAIRE. — Conservatoire impérial de musique et de déclamation, séance an-
nuelle Distribution des prix. -Vieuitemps, Société Sainte-Cécile, etc., par Jïenri
Hlancharir. — Revue critique. Louis Lacombe, par le môme. —Nécrologie.
Fayolle, par Edouard FétSs. — Correspondance, Bruxelles et Berlin. — Nou-
velles et annonces.
CONSERVATOIRE IMPÉRIAL DE I0SIQDE ET DE DÊCLAlaTIOS.
«Sa;:sun".'«' annuelle — EHMrlbution des prix.
Cette solennité, qui a le privilège d'attirer une afïluence extraordi-
naire, et pour laquelle la vaste salle de l'Opéra ne serait pas trop
grande s'il fallait absolument en ouvrir les portes à tous ceux qui brigue-
raient la faveur d'y pénétrer, était présidée cette fois par M. Romieu,
directeur des beaux-arts. Nous allons reproduire textuellement le dis-
cours prononcé par lui au commencement de la séance, et dont plu-
sieurs passages ont été couverts d'applaudissements.
M. Romieu s'est exprimé en ces termes :
Messieurs ,
C'est une des plus agréables attributions du directeur des beaux arts
que l'honneur de présider à cette solennité annuelle, où se décernent les
prix à tous les jeunes talents qui doivent bientôt émouvoir et charmer la
France. Chargé par M. le ministre de l'intérieur d'apporter aux profes-
seurs des félicitations, des encouragements aux élèves, j'accomplis cette
mission avec la joie d'un cœur que les arts ont toujours fait battre, et
qui leur doit ses plus douces émotions dans la vie.
Les succès du Conservatoire sont constants et progressifs. L'Europe le
sait et l'envie.
L'exécution instrumentale surtout doit à ce glorieux établissement une
supériorité toujours croissante. Les exercices dramatiques de cette année
présagent pour les théâtres de Paris un avenir de splendeur durable.
Mais rien ici-bas n'est complet ; à toute chose humaine, l'amélioration est
possible, et notre devoir est de la rechercher, même ici. N'oublions pas
que, dans l'éducation, en ce qui touche aux arts, comme en ce qui touche
aux lettres, c'est la force et la solidité des notions premières, c'est l'étude
sérieuse des maîtres classiques qui établit le fonds nécessaire sur lequel
chaque talent doit ensuite appliquer sa forme individuelle, si audacieuse
et si novatrice qu'il le voudra.
N'est-ce pas par ce genre de préparations qu'ont commencé, par exem-
ple, les deux grands génies d'Allemagne, Mozart et Beethoven , nourris
tous deux â l'austère école des maîtrises de chapelle? Que nul ne redoute
l'ennui des premières leçons ; que nul ne se rebute devant la gravité de
l'étude, et ne se hâte de franchir d'un bond un espace à travers lequel il
faut passer ; le but ne serait pas atteint. Pour qui veut apprendre, fût-ce
l'art de plaire, partout et toujours il y a le rudiment !
En tête des progrès accomplis depuis peu, et qu'il faut signaler, plaçons
les rapports établis entre le Conservatoire de Paris et les succursales des
départements. L'inspection faite, chaque année, par M. Batton, a régula-
risé l'instruction de ces écoles isolées, qui , de leur côté, contribuent à
l'éclat du Conservatoire, en lui envoyant des élèves dont les noms sont
proclamés dans les concours. Ainsi, sur sept élèves venus de Toulouse,
trois, cette année, ont obtenu des nominations.
La classe récemment créée pour l'enseignement populaire du chant
se remplit d'élèves. Ce mouvement s'accorde avec celui qui se remarque
dans les départements comme â Paris, où les Sociétés chorales se fondent
et s'améliorent chaque jour.
Le goût de la musique, si propre à développer tous les instincts no-
bles, tendres et doux, saisit déjà le peuple et le dédommagera des creuses
théories qui lui indiquaient si faussement le bonheur.
Les temps sont bons d'ailleurs pour exciter l'émulation et le zèle. Au
milieu de ce grand luxe de la paix ressuscité si promptement par la main
forte qui vient de sauver l'ordre social, tout s'épanouit et s'anime.
Tandis que s'accomplissent ces gigantesques travaux de la cité, qui
rappellent la grande ère romaine, nous voyons reparaître sur la première
scène lyrique du monde un chef-d'œuvre, naguère inconnu, cette vaste
et sublime composition du Moïse , enfin compris.
Bientôt, sur le théâtre de l'Opéra-Comique, où le nom d'Auber est
impérissable, nous allons assister à un nouveau triomphe de l'homme
illustre qui dirige ici les études, et dont les ouvrages seront toujours les
meilleures leçons.
Un troisième théâtre lyrique s'est ouvert, où déjà de brillants succès
ont amené la foule, et qui sera pour les jeunes compositeurs un asile nou-
veau qu'on ne cessera d'encourager.
Cette grande époque impériale, que je m'honore d'avoir tout haut
prédite, vient d'inspirer à un des professeurs qui m'écoutent, et que le
public aime si justement, la brillante cantate de la Fêle des Arts, riche
par la musique autant que par la poésie, et dont les anciens lauréats du
Conservatoire ont été les interprètes heureux.
Cette solennité, grâce à la bienveillance de S. M. l'Empereur, qui
veut que tout ce qui est juste soit fait, et que tous les vieux services soient
honorés, me donne l'occasion d'une bonne nouvelle, en me permettant
de vous annoncer une haute distinction prochaine pour un des plus an-
ciens professeurs du Conservatoire.
Jeunes élèves, que je vais avoir tant de plaisir à couronner, je compte
trop d'amis parmi vos maîtres pour que vous n'ayez pas foi dans l'intérêt
que je dois porter aux disciples.
Tant qu'il me sera permis de vous suivre dans votre carrière, croyez
que je le ferai d'un coup d'œil attentif, et que mon appui, de cœur et
d'âme, ne vous manquera jamais.
Comme nous l'avons déjà dit, ce discours, excellent de fond et de
forme, a été souvent interrompu par des bravos. L'auditoire a surtout
saisi avec chaleur le passage dans lequel un si juste hommage est
rendu à M. Auber, à l'auteur de tant de chefs-d'œuvre, dont le nom-
bre va bientôt s'augmenter. A propos de la haute distinction annoncée
par M. le directeur des beaux arts, et dont un des plus anciens pro-
fesseurs du Conservatoire doit être l'objet, le nom de M. Leborne a
circulé de bouche en bouche, et, en effet, c'est de ce professeur hono-
rable, dont un élève a encore remporté cette année le grand prix de
composition musicale, que M. le directeur des beaux arts voulait par-
466
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
1er; c'est à lui que la décoration de la Légion-d'Honneur a été ainsi
publiquement promise.
La distribution des prix a suivi le discours, et après la distribution
est venu l'exercice musical et dramatique. L'orchestre , dirigé par
M. Massart, a d'abord exécuté une charmante ouverture de M. Emile
Jonas, lauréat de l'Institut, et l'un des jeunes professeurs de l'école.
Cette composition, essentiellement mélodique, se distingue par un style
élégant et facile. On a remarqué dans l'andante un solo de violoncelle
parfaitement exécuté par M. Jacquard, et aussi, dans la péroraison de
l'allégro, des combinaisons non moins heureuses qu'habiles. Nous de-
vons ajouter que l'exécution a été fort bonne. Nous avons déjà parlé
des efforts de M. Massart pour discipliner et réformer le jeune orches-
tre. Ils ont porté leurs fruits, et jamais un meilleur ensemble n'avait été
obtenu. On s'en est aperçu dès l'ouverture et on l'a reconnu encore
dans tous les autres morceaux, dans lesquels l'orchestre jouait un rôle
souvent très-difficile.
Un fragment de symphonie, composé par M. Prumier fds, réunissait,
comme à l'ordinaire, toute la famille des instruments à vent, le vio-
loncelle, la contrebasse et la harpe. Au fragment de symphonie pour
onze instruments, succédait une symphonie concertante pour deux
violons, composée expressément par Alard pour ses deux élèves,
MM Lancien et Viault jeune, qui, cette année, ont remporté chacun un
premier prix. Le morceau du maître est plein de grâce et d'éclat :
l'exécution des élèves a rappelé celle du maître. Ces deux jeunes gens
sont sûrs d'un beau succès chaque fois qu'ils joueront ensemble la
brillante symphonie. Ils en ont fait l'épreuve vendredi soir au Louvre,
chez M. de Nieuwerkerke, où ils l'ont redite, avec accompagement de
piano seulement, devant un auditoire d'élite qui ne leur a pas épargné
les applaudissements.
Le reste de l'exercice était partagé en comédie et en drame lyrique.
F&ure, le nouvel artiste de l'Opéra-Comique, élève de la veille, est
venu chanter avec beaucoup de talent, mais peut- être avec trop de désir
d'en montrer, l'air de Zaïre, de Mercadante. MM. Sapin, Crambade,
Mlles Boulart, Girard, Rey et Amélie Bourgeois, ont joué des fragments
d' Euphrosine et Coradin, cet opéra qui fut le coup d'essai de Méhul,
et qui ne compte pas moins de soixante-deux ans. Nous nous garde-
rons bien de le rejuger d'après l'impression qu'il nous a laissée l'autre
jour. Pour des élèves, c'était un peu fort, et mieux eût valu les produire
dans quelques scènes plus courtes, par exemple celles où ils avaient
produit de l'effet au concours, que de les livrer h l'inconnu. Nous en
dirons autant du duo de Fernand Cortez, chanté par M. Bonnehée et
Mlle Geismar, pour qui, d'ailleurs, le rôle d'Amarili est d'une tessiture
trop élevée.
A travers toute cette musique , 11 y avait des fragments de l'Ecole
des femmes, du Philosophe marié et des Fourberies de Scapin, fort
bien joués par MM. Lesage , Vonoven , Gilles de Saint-Germain , et
Mlles Arrène, Valérie. Mlle Emilie Dubois, second prix de comédie et
engagée au Théâtre-Français, figurait aussi sur le programme; mais elle
n'a paru que pour écouter une tirade et s'en aller sans rien dire, au
regret de tout 1' auditoire. C'était trop ou trop peu, et, si l'on eût pris
les voix, le trop peu eût été unanime.
P. S.
VIEUXTEMPS.
Tous les petits charlatanismes qui président à la mise en scène des
concerts ordinaires seraient superflus aux réapparitions du virtuose
dont le nom figure en tête de ces lignes; Les intincelles électriques qui
s'échappent de son archet vont frapper simultanément les artistes, les
organes de la presse, et tout ce qu'il y a de bons amateurs et de vrais
connaisseurs dans Paris, qui reportent et redisent dans le monde toutes
les émotions, toutes les admirations qu'ils ont éprouvées à l'audition
d'une musique si bien faite et si bien exécutée. Oui, l'on se plaît à re-
dire, à décrire ses propres impressions et celles du public d'une ma-
nière plus ou moins ingénieuse, compétente ou banale. Quelques-uns
diront qu'il est le Paganini de cette époque; on peut dire plus juste-
ment qu'il en est le Vieuxtemps : il a porté dans l'art de composer
pour le violon et d'exécuter sur ce roi des instruments, son indivi-
dualité, sa manière tranquille et grandiose qui ressemble fort peu à
cette manière, câline et capricieusement originale qui caractérisait l'il-
lustre violoniste génois.
Pour tout autre que Vieuxtemps, il y aurait quelque chose de plus
difficile que de faire maintenant sa réputation : ce serait de conserver
celle qu'il a acquise. Sans complaisance, sans faux enthousiasme, et
même parfois avec une sévérité bien entendue,
Moi même j'ai servi de héraut à sa gloire,
et je me plais maintenant à en expliquer les causes, à en constater les
effets.
Vieuxtemps n'a pas cette pression nerveuse d'archet qui rend le son
convulsif, et n'est que le simulacre de l'expression et de la passion ;
mais il a en lui cette chaleur contenue que devine l'auditeur bien or-
ganisé et qui provoque la sympathie. Son archet ne frôle pas la corde
obliquement et d'une façon maniérée, dont il résulte un son de crin, ce
qui fait bisser ce mot dont on a fait un nom populaire et commun pour
désigner l'instrument et celui qui en joue.
L'artiste-lion dont il s'agit ici laisse aux violonistes fins et qui ne
cherchent qu'à plaire aux dames, le trille dit perlé, serré ; il le fait
brillant, retentissant, parce que son doigt tombe de haut sur la corde.
Son staccato ne dérive jamais en trait sautillé ; il est toujours bien
mordu, sonore au tiré comme au poussé de l'archet.
La double corde, cette pierre de touche de la justesse comme de la
richesse harmonique sur l'instrument, est toujours irréprochable en
Vieuxtemps. Il ne fait jamais valoir par des effets de pantomime ses
traits risqués, son doigter et ses coups d'archet exceptionnels. Calme,
insensible en apparence, il étonne, émeut, éblouit, sans vous provo-
quer du geste ou du regard à l'applaudir, et cependant chacun l'ap-
plaudit, car il est puissant, chaleureux, entraînant , car sa mélodie est
expressive et distinguée ; car son instrumentation est riche et vivace ,
et dialogue de toutes les parties de l'orchestre avec la voix principale :
nous disons la voix, car le violon de Vieuxtemps est un premier ténor
passionné, sympathique et brillant, qui réunit les sons du plus bel
organe humain à toute la justesse des touches d'un piano d'Érard, frap-
pées, amollies, rendues expressives et mélodieuses par les doigts de
Thalberg, Prudent, de Marie Pleyel, Mattmann, Clauss ou Craever.
Avec une individualité artistique comme celle de Vieuxtemps, il
était difficile aux solistes qui l'ont secondé dans sa première exhibi-
tion musicale, pour me servir de l'expression anglaise, de se distin-
tinguer autrement que par des effets de clair-obscur. C'est ce qui a eu
lieu pour Mlle Duclout, cantatrice peu connue, qui a dit l'air du Tan-
credi de Rossini en français d'une manière convenable, ainsi qu'un
nouveau Brindisi, d'un compositeur, peut-être Français aussi, du nom
de Besançon , dont on aurait fait, sur le programme, Besanzoni. Si
cette demoiselle possède une voix d'une bonne qualité, qui ne manque
pas d'ampleur , mais qui a besoin de se dématérialiser par l'étude de la
vocalisation, M. Kruger a, comme pianiste, un jeu léger, net et bril-
lant, dont il a donné d'agréables exemples dans ce concert ; et malgré
sa qualité de seconde ombre au tableau musical offert par le célèbre
violoniste dans la salle Herz, vendredi dernier, M. Kruger a fait plaisir
et s'est fait applaudir ; il a même été rappelé après l'exécution de sa
Harpe éolienne, rêverie, et son impromptu, fait sans doute à loisir,
intitulé : Gazelle.
Après une ouverture bien exécutée par un bon orchestre, fort bien
dirigé par M. Georges Bousquet, Vieuxtemps est venu dire son nouveau
concerto en ré mineur, œuvre d'une forme à lui, riche par la partie
principale, et non moins riche d'effets d'orchestre. Cela commence par
une sorte de tonalité vague, de suspensions qui donnent tout à la fois
une allure scolastique et romantique à ce tutti; mais les idées nettes,
DE PARIS.
m
claires, arrêtées, du compositeur, le garantissent bientôt de tomber dans
le romantisme pur sang, qui n'est que la divagation des idées sans lo-
gique. Un dialogue intéressant s'établit entre les violoncelles et le violon
principal, qui procède ensuite en récitatif dramatique dans cette intro-
duction ; et puis la voix principale s'unit à celle du cor pour aller se re-
poser en duo sur la dominante de mi, point de repos ou d'orgue sur
lequel le violon principal évolue et se livre à des traits d'une inextri-
cable difficulté, dont on est sûr que l'habile soliste sortira vainqueur ;
car un de ses plus beaux privilèges est de vous bercer de conliance et
de sécurité.
L'adagio religieux qui suit cette introduction est d'un beau caractère,
tout à la fois mystique, scientifique et mélodique. Les trilles par les-
quels le récitant rentre dans le motif, sont d'une pureté, d'un brio et
d'un fini délicieux, quoique dans le haut du diapason de l'instrument; et
ces trilles, qui ressemblent au gazouillement d'une nichée de rossignols
dans le paradis, terminent d'une façon aérienne cet hymne tout em-
preint de religiosité et de foi.
Le scherzo est un morceau pittoresque, qu'on^peut appeler une ori-
ginale et vnie fantaisie sur les caprices du rhythme à deux temps,
luttant contre le mouvement ternaire. C'est tourmenté , singulier, pi-
quant ; et le trio de ce scherzo vient à point pour vous bercer de mé-
lodie et champêtre et suave comme les mille parfums de la prairie.
Le final rappelle le début du premier morceau et sent un peu l'école
classique; mais tout le luxe de l'art moderne de jouer du violon, la
riche double corde, les jolis dialogues du violon avec la clarinette, la
flûte, le cor, jettent sur la forme rétrospective de ce morceau une va-
riété, un entrain, un charme qui provoquent les applaudissements. Et
dire que pour faire naître toutes ces sensations, pour opérer tous ces
prestiges, tous ces charmes de mélodie et de traits diaboliques, Vieux-
tempsétait poursuivi par lestryged'unechanterellequi sifflait! Ah! si Ton
savait ce que c'est qu'une chanterelle qui siffle pour un malheureux so-
liste ! Les tourments d'un bon auteur dont on joue mal la bonne pièce
ne sont rien en' comparaison de l'inquiétude qu'éprouve un violoniste
qui sent siffler la corde sous son archet. II y a un long article, une
touchante élégie à faire sur ce sujet; je l'écrirai une autre fois, n'ayant
aujourd'hui que le temps et la place de dire que Vieuxtemps , avec et
malgré sa chanterelle, a obtenu un colossal succès, qui s'est manifesté
par de fréquents rappels.
SOCIÉTÉ SAINTE-CÉCILE.
PREMIER CONCERT.
Séances des derniers quatoors de Beethoven, par MSB. Sflaurin ,
Sabattier, Haset ft'lievillurcl. — SSalinée musicale, par 53. Gless.
De même que chaque théâtre de Paris a son public spécial, on peut
reconnaître un auditoire particulier à chaque genre de concerts, à
chacune des Sociétés musicales que renferme Paris. Celui de la Société
des concerts, qui siège dans la salle du Conservatoire, se distingue par
son dilettantisme instrumental quelque peu exclusif et par conséquent
étroit. Son enthousiasme est stéréotypé, et menace de devenir hérédi-
taire. Le public de la Société de Sainte-Cécile se compose de Belges ,
d'Allemands et d'auditeurs français, qui sont dans le progrès et qui ne
s'arrêtent point avec une sorte de colère dans leur admiration rétro-
spective, fronçant le sourcil comme le Jupiter olympien dans le poëme
de Parny, quand on lui parle de nouveaux dieux.
Le premier concert de la Société dirigée par M. Seghers a été donné,
comme les précédents, dans la salle Sainte-Cécile, dimanche passé, 12.
La séance s'est ouverte par la 51n symphonie de Haydn. Cette œuvre
du maître classique a été aussi bien sentie que bien applaudie, parce
que l'exécution en a été soignée, nuancée et dite dans toute la pureté
du style de l'auteur.
La berceuse de Blanche de P/ovence, chœur deCherubini, a été chantée
avec un charme do mystérieuse suavité qui a provoqué ces doux fré-
missements de plaisir dans l'auditoire, signes du suffrage le plus flatteur
pour l'œuvre et son exécution, et qui s'est manifesté enfin en un bis
unanime. La symphonie concertante pour violon et alto-soli et orches-
tre, n'a pas obtenu moins de succès. C'est une excellente idée que celle
d'avoir été chercher dans les œuvres de Mozart ce charmant morceau
à peu près inconnu de la génération actuelle. 'MM. Deloffre et Casimir
Ney l'ont délicieusement exécuté.
Dans un Ace verum pour ténor solo et chœur, composé par M. Gou-
nod, M. Masset a développé cette voix large, puissante, bien posée el
pleine de charme qui se meut si bien dans la musique sacrée. On se
croyait dans une basilique, et la rêverie mystique dans laquelle était
plongé le public avait semblé l'absorber, quand il s'est souvenu qu'il
venait de contracter une dette envers le compositeur et le virtuose
chanteur, et l'auditoire entier s'est acquitté en bravos réitérés et pro-
longés.
Schubert a bien fait de jeter dans le monde musical d'immortelles
mélodies sous lesquelles se dessinent d'une façon si pittoresque des
harmonies expressives et dramatiques; car, certes, ce ne sont pas des
ouvrages comme son ouverture de Fier-à-Bras qui lui auraient donné
l'immortalité. La pensée en est vague , cherchée : cela est d'un style
^îdécis; c'est de l'esprit allemand, moins l'invention et la vigueur de
l'instrumentation. Nous avons une grande quantité d'ouvertures du nos
vieux compositeurs français qui valent mieux que celle de Fier-à-
Bras, aussi agréable à l'oreille que le fut au goût le baume du même
nom confectionné par l'illustre Don Quichotte, et qui lui fit éprouver
d'assez désagréables sensations, ainsi qu'à son brave écuyer Sancho
Pança.
— Pourrevenir aux publics spéciaux dont on étudie ou dont on forme
le goût, nous signalerons celui dont MM. Maurin, Sabattier, Mas et Che-
villard ont déjà conquis le suffrage l'an passé, et qu'ils convoquent en-
core cette année-ci, pour faire entendre les six derniers quatuors
de Beethoven qui offrent ample matière à controverse depuis si long-
temps, et que ces quatre artistes consciencieux ex éditeront dans la
salle Herz le mois prochain, après les avoir minutieusement et artisti-
quement répétés, pour en faire saillir les beautés exceptionnelles, peu
saisissables pour un auditoire ordinaire. C'est d'un événement musical
qu'il s'agit ici, d'une transformation de l'art, d'une nouvelle méthode :
c'est la carrure mélodique et harmonique avec ses cadences consacrées,
traitées cavalièrement par un homme de génie. Nous verrons l'effet cu-
rieux que produira sur le public, qui n'a pas de parti pris de juger
telle ou telle forme bonne ou mauvaise,' et qui se laisse faire, nous
verrons cette impression en contact avec celle du petit noyau de
connaisseurs qui rédigent l'opinion en musique autrement qu'en bana-
lités artistiques ou en lieux- communs. Qui sait? Ils prendront peut-
être le meilleur parti pour eux: ils n'en parleront pas.
— M. Hess est un pianiste-compositeur d'une solide instruction, ce
qui ne l'empêche pas de payer tribut au goût du jour en écrivant de la
musique légère; et qui dit légère, sous-entend gracieuse, élégante,
quoique d'un style correct et pur. M. Hess, qui avait déjà donné quel-
ques séances publiques de cette musique dans Paris, a récidivé chez
Pleyel, et nous a fait entendre de jolies romances transcrites et variées
pour piano, enrichissant ses thèmes mélodiques de charmantes ara-
besques, de broderies, de traits brillants; puis il nous a dit un trémolo
d'un bel effet; et puis sont venues Mlles Alice et Blanche, polka et ma-
zurka pour piano, qui ont locomotionné les mains de l'assemblée en
attendant qu'elles mettent en mouvement, cet hiver, dans les salons, les
jolis pieds des polkeuses et dos mazurkeuses à la mode. Une Scène ma-
ritime et l'Aurore, Méditation, toujours pour piano, ont été dites par
M. Hess; et, dans ces divers morceaux, il a prouvé, comme compo-
siteur et pianiste, qu'il joint la clarté de l'idée au savoir, et un jeu
classique à une brillante manière de jouer du piano.
Mlle Martinetti a chanté, dans ce concert, divers morceaux de
M. Concone, qui ont fait applaudir le compositeur et la cantatrice.
&68
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
M. Schlosser, qui possède une voix de basse onctueuse, expressive et
vibrante, sans abus et sans manière, s'est fait également applaudir
dans un chant intitulé le Lévite, et une autre mélodie dont le titre nous
échappe. Belle émission de voix et bonne méthode doivent faire es-
pérer à M. Schlosser un riche avenir de chanteur de salon en style
dramatique ou religieux.
Henri BLANCHARD.
REVUE CRITIQUE.
LOUIS LACOMBE.
BEusique de piano et fie chant. — Trio pour piano, violon et
violoncelle, trois nocturnes, valse de concert, l'Ondine et le
E*êcheur.
Louis Lacombe est un de nos pianistes qui honorent le plus l'école
française comme virtuose et compositeur. Il est allé, tout jeune, parfaire
son éducation musicale si bien commencée à Paris. Enfant précoce et
célèbre, il n'en est pas resté là ; et, bien qu'il ne soit pas d'une haute
taille, et semble vouloir même se faire petit par la forme du chapeau
qu'il porte, ainsi que par sa modestie, sa réputation n'en a pas moins
grandi. Ses deux œuvres symphoniques et lyriques de Manfred et
d'Arva ont prouvé qu'il a de larges et belles idées musicales ; qu'il
sait écrire pour les voix et l'orchestre ; et qu'un libretto lui échéant, il
se montrerait compositeur dramatique, distingué par l'inspiration et le
savoir. En l'absence de ce libretto, de ce poëme aussi difficile à trouver
pour un compositeur dans Paris, qu'un poëme épique en France, M. La-
combe sème une foule de jolies idées musicales sous forme d'études, de
trios, de quintettes et de musique plus légère. Sa Valse de concert pour
piano est un solo brillant, riche d'harmonies inattendues, logiques et de
rhythmes variés, même pour la main gauche, chose rare dans ce genre
de morceau où la basse, procédant par trois noires, semble stéréo-
typée avec autant de monotonie que d'obstination.
Dans une œuvre intitulée Trois nocturnes, pour le même instrument,
l'auteur a répandu ce charme de mélodie et de style lié que les grands
maîtres modernes du piano ont souvent employé dans ce genre de
morceaux. Le premier de ces nocturnes, en ut mineur, à trois temps,
semble un reflet d'une pensée à la Chopin par son chant rétrospectif
et mélancolique. Le second, en sol bémol majeur, est aussi en rhythme
ternaire, et, par cela même, semble un peu trop continuer l'allure du
premier, quoique le dessin en triolet de la main gauche donne plus
d'animation à cette allure. Ce dessin en triolet qui se projette dans le
morceau suivant, fait de ces trois nocturnes une œuvre complète par
l'unité de la pensée ; mais dans le dernier, l'auteur fait chanter à la main
droite une romance simple, élégante et large tout à la fois, qui vous
berce des plus douces émotions.
La Chanson de la brise, l'Ondine et le Pêcheur, sont deux œuvres
légères, deux brillantes étincelles musicales pour la voix. La seconde
de ces deux mélodies a été interprétée, transcrite, reproduite, raccour-
cie même pour le piano, car ce chant tout empreint de fraîcheur, ob-
tient beaucoup de succès comme morceau vocal et instrumental.
C'est surtout dans son deuxième grand trio pour piano, violon et vio-
loncelle, œuvre de musique sérieuse, que M. Louis Lacombe se montre
musicien créateur, unissant la science à la mélodie et la verve au goût.
Il entre en matière par un allegro à trois temps, en la mineur, sur une
phrase dite par la main gauche, phrase impulsive, animée et franche.
L'action s'engage ; le dialogue instrumental, serré, pressant et pas-
sionné, témoigne bien de la vie de l'œuvre et du combat qui va se
passer. La mélodie abonde, ainsi que les imitations canoniques qui
plaisent aux oreilles exercées à ce genre de travail.
Si le scherzo est un peu trop dans le caractère de la première partie,
rhythme et dessin, il n'en est pas moins chaud et dramatique, et le
trio avec accompagnement du violon et du violoncelle en blanches
soutenues, donne un caractère d'orgue à cette partie du scherzo, qui se
distingue aussi par une piquante originalité.
Le largo, qui, selon nous, seraitmicux caractérisé par lemouvement
andantc, est tout empreint d'une couleur religieuse. Cela est riche de
mélodie et d'harmonie ; c'est large, grandiose, inspiré ; et puis le fi-
nal, mélangé d'une réminiscence du scherzo et de quelques mesures
plaintives, commence, agitalo, par un trait du piano qui annonce bien
la couleur dramatique du morceau. Peut-être le style en est-il un peu
tourmenté, diffus par trop d'idées , de mélodies complexes , enchevê-
trées; mais une bonne exécution, comme on peut l'obtenir dans Paris
par les habiles virtuoses que nous y possédons, permet de saisir toutes
les beautés de ce morceau, digne péroraison d'une œuvre capitale et
consciencieuse, qui met celui qui l'a écrite au rang de nos plus excel-
lents compositeurs.
Henri BLANCHARD.
ÎÎÉCRGLOGSE.
Le littérateur qui vient de mourir et auquel nous devons quelques
lignes de biographie à cause de certains travaux d'histoire et de cri-
tique musicale, est un des nombreux exemples du peu de résultats
qu'obtiennent de leurs efforts ceux qui poursuivent la réputation et la
fortune par des routes diverses. Après avoir cultivé tour à tour les
mathématiques, la littérature et la musique, M. Fayolle n'est parvenu
à prendre rang ni parmi les savants, ni parmi les écrivains, ni parmi
les artistes. Pour parler le langage allégorique usité à l'époque où il
s'efforçait d'occuper de lui le public fort distrait à l'endroit de son mé-
rite, Euranie, Clio.Euterpe, lui refusèrent les faveurs qu'il demandait à
la fois à chacune d'elles. L'obscurité fut le prix de son inconstance.
Cette leçon profitera-t-elle à d'autres, possédés comme lui du désir de
l'universalité ? Il n'y a pas lieu de l'espérer. Les leçons n'ont jamais
profité qu'à ceux mêmes qui les ont reçues, et encore !...
M. Fayolle était le fils d'un dentiste qui s'était enrichi dans la pra-
tique, et duquel les mauvais plaisants disaient qu'il avait fait crier tout
Paris. M. Fayolle débuta, comme débutent tant déjeunes gens, par dis-
siper le patrimoine paternel. Il avait fait de bonnes études au célèbre
collège de Juilly, était entré ensuite dans le corps des ponts et chaus-
sées, et fut nommé chef de brigade à l'École polytechnique quand on
créa cette institution. Pendant trois ans il se livra avec ardeurà l'étude
des mathématiques, sous Lagrange, Monge et Prony, qui louaient son
aptitude autant que son zèle. Ce zèle s'attiédit toutefois ; il se croyait
de l'imagination et mettait difficilement d'accord la sécheresse des
chiffres avec ce qu'il appelait ses instincts poétiques. Auditeur assidu des
leçons de littérature que M. de Fontanes donnait au collège Mazarin,
il se prit de passion, d'une passion malheureuse pour l'art de rimer.
Les journaux littéraires et les almanachs furent inondés de ses poésies.
Ce n'étaient que des distiques et des pièces légères; mais il suppléait à
l'étendue et, disaient les malveillants, à la qualité par la quantité. Il
s'essaya pourtant dans un genre plus élevé et fit paraître la traduction
de divers fragments du sixième livre de V Enéide, celle de l'épisode de
Nisus et Euriale, ainsi qu'un Discours sur le goût. Ces morceaux furent
publiés dans un recueil intitulé les J cillées des Muses. Tout à coup il fit
retour à ses premiers travaux, donna le plan d'un cours de mathéma-
tiques et tint même plusieurs conférences publiques au Louvre, sur la
science des calculs ; mais cette velléité d'idées positives ne fut pas de
longue durée.
M. Fayolle, après avoir fait aux lettres l'infidélité que nous venons
de dire, s'empressa de rentrer dans leur domaine. Il publia un Dis-
cours sur la littérature et [les littérateurs, le Petit Magasin dts
Dames, recueil de huit volumes, et les Quatre Saisons du Parnasse,
collection assez volumineuse, où il inséra plusieurs morceaux sur la
musique ainsi que des notices sur des artistes célèbres. Vinrent en-
suite des compilations qu'il donna sous les titres de Mélanges litté-
raires et de Cours de littérature, où il rassembla des fragments d'au-
'
DE PARIS.
469
leurs anciens et modernes. Thémis vint, à cette occasion, agiter le
tranquille empire des muses. M. Fayolle eut des procès ù soutenir
contre les éditeurs des œuvres d'écrivains contemporains auxquels il
avait cru pouvoir, sans délit, emprunter de longues citations. L'une de
ses dernières productions fut un Dictionnaire d'épigrammes dans le-
quel il n'avait pas hésité, s'exécutant personnellement de bonne grâce,
à transcrire des traits satiriques dirigés contre lui. Nous pourrions al-
longer encore la liste des ouvrages de littérature dont M. Fayolle fut
l'auteur et l'éditeur , car la fécondité n'était pas le moindre de ses
mérites; mais c'est principalement au point de vue de la musique que
nous avons à nous occuper de lui. Nous passerons donc sous silence
de nombreux opuscules en prose et en vers qui signalèrent l'activité
de sa plume pour arriver aux écrits relatifs à notre art.
M. Fayolle avait étudié la musique tout en calculant et en versi-
liant. Barny lui enseigna le violoncelle, et Perne se chargea de l'initier
à la connaissance des principes de l'harmonie. Dans le moment où son
esprit, essentiellement variable , le faisait incliner vers ces nouveaux
travaux, il entreprit la traduction du Dictionnaire des musiciens, de
Gerber. 11 n'épargna pas cet auteur, tout en lui empruntant la plus
grande partie du texte de son livre, et signala des erreurs, avec plus ou
moins de fondement, dans maint passage peu bienveillant ; mais, soit
qu'il ait traduit lui-même l'écrivain allemand, soit qu'il ait chargé
de ce soin une personne étrangère à la théorie et à 1 histoire de la
musique, il est de fait que le Dictionnaire des musiciens renferme un
bon nombre de bévues dont il serait injuste de charger la mémoire de
Gerbeer. M. Fayolle avait senti la nécessité de s'adjoindre un homme
compétent pour la publication de cet ouvrge. 11 s'adressa à Choron,
qui l'autorisa à se servir de son nom, mais ne fournit guère pour con-
tingent que l'introduction, qui est incontestablement la meilleure par-
tie du livre.
Une Histoire du violon qu'avait promise M. Fayolle, et pour laquelle
il avait rassemblé, disait-on, de volumineux matériaux, ne vit pas le
jour. Il n'en parut que des extraits sous le titre de Notices sur Corelli,
Tartini, Gaviniès, Paganini et Viotti. Comme littérateur musicien,
M. Fayolle avait encore fourni des articles au Magasin encyclopédique ,
au Mercure, au Journal des déftmeurs de la patrie, au Journal des
arts et au Courrier des spectacles. 11 fit également pour le supplément
de la Biographie universelle quelques notices sur des artistes oubliés
dans le corps de ce vaste ouvrage, ou morts depuis la publication des
premiers volumes.
Non content d'être à la fois mathématicien, poète, prosateur, histo-
rien et critique musicien, M. Fayolle eut un instant l'ambition de se
révéler comme compositeur dramatique. 11 écrivit les partitions de deux
opéras dont le comte de Valory avait composé les poèmes à son inten-
tion ; savoir : Hercule au mont OEta et Anacréon à Théos; mais, bien
que son collaborateur eût du crédit à la cour, il n'obtint pas les hon-
neurs de la représentation, en sorte qu'on ignore le sort qu'aurait pu
avoir cette nouvelle application de ses facultés.
Mécontent de ses compatriotes, qui ne rendaient point assez hom-
mage à des mérites si divers, M. Fayolle passa en Angleterre vers 1818
et y resta plus de dix ans. Les cours de littérature française qu'il ouvrit
à Londres furent suivis par l'aristocratie et lui procurèrent d'honorables
moyens d'existence. Il écrivit en outre des articles de critique musicale
pour plusieurs journaux, et particulièrement pour l' Harmonicon.
En 1829, M. Fayolle revint en France. Il s'était de nouveau fixé de-
puis peu de temps à Paris, lorsqu'il publia une brochure intitulée :
Paganini et Bcriot, où il traçait un parallèle entre ces deux virtuoses
en signalant les points de ressemblance offerts par leurs talents respec-
tifs. Ce fut son dernier écrit. Depuis lors, il cessa de solliciter l'atten-
tion publique.
M. Fayolle était né à Paris le 15 août 1774. H est donc mort à l'âge
de soixante-dix-huit ans.
Edouahd FETIS.
CORRESPONDANCE.
Bruxelles, 10 décembre 1852.
Encore un triomphe pour Meyerbeer, qui doit avoir renoncé à les comp-
ter. Le Conservatoire avait terminé, l'hiver dernier, ses concerts par l'exé-
cution des fragments de Strumsée. Je vous ai fait connaître l'impression
causée par l'œuvre admirable du maître. Cette impression a été si vive,
que six mois n'ont pu l'affaiblir. Six mois ! il n'en faut pas davantage pour
bouleverser un empire, pour changer la face de la socitéé, et les sensa-
tions produites par la musique peuvent durer autant que cela 1 Quoi qu'il
en soit, M. Fétis a été vivement sollicité de comprendre Slrumtée dans le
programme du premier concert de la saison. Cette demande était trop
bien d'accord avec ses sympathies d'artiste pour qu'il ne l'accueillît pas.
Nous avons donc entendu dimanche, pour la seconde fois, l'ouverture et
les entr'actes dont Meyerbeer a illustré le drame de son frère.
Ce qui arrive rarement, la musique de Struensée a impressionné plus
profondément encore que la première fois un auditoire rendu attentif,
mais exigeant aussi , par le prestige de ses souvenirs. Nous sommes-nous
trompé; sommes-nous allé trop loin dans notre enthousiasme, quand nous
avons jugé que l'illustre auteur de Iïotert-le-Diable, des Huguenots et du
Piophèle ne s'était élevé dans aucune de ses puissantes créations à la
hauteur où est parvenu son génie dans les fragments de Struensée ? Voilà
ce qu'on pense à Bruxelles, voilà ce qu'en historien sincère je suis obligé
de transcrire ici. Abondance d'imagination, poésie des idées, grâce et
nerf de style, richesses infinies d'une harmonie où chaque accord est
comme une révolution inattendue, effets saisissants d'une instrumentation
qui n'a rien des formules usitées, splendeur magique d'un coloris à la fois
chaud et fin, puissant et délicat, tel est l'ensemble vraiment saisissant de
cette grandiose production.
Que serait la plus belle partition sans des interfrètes intelligents et
habiles ? Après avoir dit les merveilles de l'œuvre, il faut que je parle de
celles de l'exécution. L'orchestre du Conservatoire, sous la direction de
M. Fétis, s'est montré digne de Meyerbeer ; il a exprimé la pensée du
maître tout entière, c'est-à-dire avec les nuances les plus variées, avec
un accent, et l'accent vrai pour chaque phrase, pour chaque mesure, pour
chaque note. Cet orchestre a pour lui le nombre indispensable à l'inter-
prétation des grandes pages syrnphoniques de l'école moderne, l'habileté
du mécanisme portée, dans chaque catégorie d'instrument, à sa plus grande
perfection, et l'intelligence dont il reçoit de son chef la communication.
Quels effets ne réaliserait-on pas avec quarante violons initiés par de
Bériot à toutes les subtilités de l'archet ; avec vingt violoncelles instruits
par Servais ; six contrebasses formées d'après la méthode de Dragonetti ;
avec des instruments à vent irréprochables, chose rare ! le tout dirigé,
inspiré par un maestro tel que M. Fétis! J'essaierais vainement de vous
donner une juste idée des impressions ressenties par le public connais-
seur des concerts du Conservatoire, à l'audition de la musique du Struensée
rendue par cet orchestre merveilleusement discipliné. Les mots d'enthou-
siasme et de transports suffiraient à peine.
Par une heureuse opposition de style et de coloris musical, .M. Fétis
avait choisi la 42° symphonie d'Haydn comme morceau d'introduction.
Haydn a vieilli, disent des amateurs exclusifs qui ne comprennent que les
choses du jour. Cela n'est pas vrai quand on le rend selon le vrai carac-
tère de ses inspirations. Haydn est toujours jeune, élégant, gracieux; j'en
appelle aux auditeurs du dernier concert de notre Conservatoire.
Les solistes ont tort, habituellement, dans le voisinage de ces grandes
compositions d'ensemble où l'art a développé toutes ses ressources. Pour-
tant, une élève de Mme Pleyel, Mlle Bienaimé, jeune artiste à laquelle il
est permis de prédire un brillant avenir, s'est fait écouter et applaudir
dans une partie du concerto de ilummel, ainsi que dans la fantaisie de
Prudent sur Guillaume Tell.
L'Association des artistes-musiciens, fondée en vue d'une participation
aux bénéfices d'une caisse de retraite, adonné aussi son premier concert.
On y a exécuté en entier les morceaux écrits par Beethoven pour les liuines
d'Athènes, de Kotzebue. Vous n'ignorez pas que Beethoven n'avait pas lui-
même une très-haute idée de cette production, l'une de ses plus négligées
et qu'il ne voulut point qu'elle fût publiée de son vivant. Il est de fait
que si l'on y trouve des morceaux marqués du cachet de son génie, comme
le chœur des derviches, il en est qui n'offrent rien de saillant et qu'on n'au-
rait pas songé à tirer de l'oubli, s'ils avaient été signés d'un nom moins
illustre que celui de Beethoven.
L'anniversaire de la fête du roi a été l'occasion de la mise en lumière de
deux nouvelles compositions musicales. L'une est un TeDeum de M. Stee-
nackers, jeune maestro que vous devez connaître, car s'il est d'origine
belge, il habite depuis longtemps Paris, où il a fait ses études techniques.
Ce Te Dcum, écrit spécialement pour la cérémonie dont il vient de rehaus-
470
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
•ser l'éclat officiel et dédié à S. M. le roi des Belges, a été exécuté hier,
16 décembre, dans 1* cathédrale, sous la direction de l'auteur, par l'or-
chestre du théâtre royal, réuni aux musiciens ordinaires de l'église. On l'a
trouvé fait selon toutes les règles de l'art, d'un fort beau style religieux
et très-habilemeut instrumenté. Je ne dirai pas qu'il a obtenu du succès,
parce que le mot succès n'est point applicable aux choses qui se passent
dans l'église ; mais on en faisait généralement l'éloge.
La seconde des œuvres musicales qui se sont produites à l'occasion de
la fête natale du roi est une cantate dont l'exécution a eu lieu au théâtre,
dans une représentation solennelle, en présence des jeunes princes. Souf-
frez que je me borne a mentionner le fait sans y ajouter d'observations
critiques. Mon amour-propre national aurait trop à souffrir si j'avais à
donner une appréciation des paroles et de la musique de cette cantate,
fruit de la collaboration de deux muses bruxelloises.
Mocker, de l'Opéra-Comique, vient de donner une série de représenta-
tions qui ont été très-suivies. Il nous a fait passer en revue une partie du
répertoire où il déploie un talent de comédien si spirituel et si fin, et où
il se montre musicien de bon goût, sinon chanteur de grande voix.
Notre troupe lyrique se complète. Après les trois débuts d'usage j
Mlle Méquillet a été mise en possession de l'emploi de première chan-
teuse du grand Opéra. D'une autre part, Mlle Anna Lemaire, prima donna
d'opéra comique, a complètement réussi dès son premier début dans le
Songe d'une nuit (Tété. Le piquant de son jeu et la brillante hardiesse de sa
vocalisation lui ont conquis de prime abord les bonnes grâces du public.
Elle a parfaitement le droit de prendre le titre de chanteuse à roulades par
lequel on désigne ici l'emploi qu'elle est appelée à remplir.
Les dilett mtes viennent de recevoir la bonne nouvelle qu'ils ne seront
pas privés d'opéra italien tout cet hiver, ainsi qu'ils en avaient la crainte.
La troupe de M. Bocca nous revient et commence ses représentations à
dater du 1" janvier. D'après des arrangements conclus avec cet imprésario,
elle jouera alternativement avec la troupe d'opéra français dans la salle
du Théâtre-Royal.
Les habitués du Vaudeville, spectacle secondaire de notre capitale, ont
été ces jours derniers bien agréablement surpris en voyant annoncer une
représentation tout à fait extraordinaire à laquelle devaient concourir
Mme Pleyel et Mme Ugalde. Cette dernière n'a pu tenir les promesses de
l'affiche, n'ayant pas obtenu du directeur de l'Opéra-Comique la permission
d'aller charmer les oreilles du public belge. Mme Pleyel a donc été forcée
de payer pour deux, et elle l'a fait avec cette grâce qui s'unit chez elle à
l'immense talent que vous savez. Elle a joué quatre morceaux comme elle
seule sait le faire, et, ce qui ne vous surprendra pas, elle a été l'objet
d'une quadruple ovation à laquelle n'ont manqué ni les aclamations ad-
miratives, ni les bouquets dont on avait jonché le sol autour d'elle. Si la
vie d'artiste a ses souffrances, elle a aussi, pour de certaines natures pri-
vilégiées, ses instants d'enivrement. Il est beau de fasciner ainsi tout un
auditoire, et d'être, pour ainsi dire, l'arbitre de ses impressions. Ce des-
potisme séduisant du talent, nul virtuose ne l'exerce à l'égal de
Mme Pleyel.
Berlin, 9 décembre 1802.
Convenons qu'il y a peu de villes où il serait possible d'avoir en peu de
jours autant de jouissances musicales. La nomenclature de ce qui a été
donné par les théâtres et les concsrts publics dans le courant d'une se-
maine en dira plus que des paroles. D'abord, nous avons entendu au Théâ-
tre-Royal : la Clémence de Titus, de Mozart ; Alceste, de Gluck ; la Favo-
rite, de Donizetti ; Don Juan, le Prophète, Oberon, de Weber, et Bobert-le-
Diable ; au Théâtre Italien : /( Matrimonio secreto, Don Pasquale, et l'EUsir
d'amore. Des petits théâtres nous ont fait entendre : la Fille du Régiment,
le Maçon, la Poupée de Nuremberg, et un opéra-comique nouveau en deux
actes, de M. Schaîffer : la Belle Gasconne, dans lequel il y a de fort jolies
choses, beaucoup de verve et d'esprit. En fait de musique classique : un con-
cert de musique sacrée par les chœurs de la cathédrale : on y a entendu des
œuvres de Bach, Durante, Palestrina et Mozart; un grand concert de sym-
phonies, par la Société des concerts ; une symphonie nouvelle de Wurst, la
symphonie en ré de Beethoven, et les ouvertures de la Flûte enchantée et
du Freischutz.
Ces ouvrages ont été dits avec talent; mais la finesse des nuances qui
font un si admirable effet au Conservatoire de Paris, n'y est pas obser-
vée, et les instruments sont faibles dans cette grande et vaste salle de
concert. II n'y a que seize violous, quatre violoncelles et quatre contre-
basses. Le Paulus de Mendelssohn a été exécuté deux fois par la Société
Stern et par l'Académie de chant. En outre, plusieurs matinées et soirées
de musique de chambre et plusieurs concerts de musique moderne. Vous
voyez qu'un amateur de musique trouve de quoi passer le temps agréable-
ment et utilement. Il est bien entendu que dans les grands opéras,
Mmes Wagner, Kœster et Tutczek , ont chanté les rôles principanx.
Quant aux ténor et basse, ils sont faibles ; mais Formés vient d'arriver,
et avec lui, nous aurons une des meilleures basses, si rares aujourd'hui. Je
ne dois pas oublier que dans plusieurs concerts on a exécuté l'ouverture
la grande Polonaise et les entr'actes de Struensée, de Meyerbeer, qui sont
toujours et chaleureusement applaudis. Jenny Lind vient d'arriver avec
son mari, M. Goldschmidt. On ne sait pas encore si elle se fera entendre •
elle doit passer tout l'hiver à Dresde pour se reposer. Depuis quelquesjours,
M. Léonard, le jeune et déjà célèbre violon de Bruxelles, est ici avec
sa femme, connue à Paris sous le nom de Mlle Mendi, la belle Espagnole,
cousine de la Malibran, que vous avez entendue au Conservatoire et
au concert de la Gazette musicale, et qui chante d'une façon si originale les
chansons espagnoles. Ces artistes remarquables ne font que passer ici
sans donner concert : ils se rendent à Saint-Pétersbourg.
Il n'est question en ce moment à Berlin que d'une aventure arrivée à
M. Léonard, il y a quelques jours. Cet artiste demeure à l'hôtel de
St-Pétersbourg ; il préludait sur son violon dans sa chambre. Un amateur
étranger qui habitait la chambre voisine l'écoutait, l'oreille collée contre
la cloison. Après quelques instants, il appelle le garçon, et lui demanda
quel est le violon qui habite la chambre voisine : — Un monsieur Hubert,
de Bruxelles, répond le garçon (il avait pris le prénom pour le nom). —
C'est singulier, dit l'amateur; je me flattais de connaître tous les violonistes
de talent et je n'ai jamais entendu parler de M. Hubert ; n'importe, dites-lui
qu'un amateur, son voisin, désire faire sa connaissance. Bref, l'amateur entre,
tenant une boîte à violon sous le bras, et s'annonce comme ami de Ernst,
Vieuxtemps, Sivori, Lipinski, Beriot, Joachim, Bazzini, Ole-Bull. Bientôt
la froideur d'une première entrevue disparaît. M. Léonard lui fait enten-
dre un excellent Stradivarius. L'amateur s'extasie sur le talent de l'artiste
mais ne dit pas un mot du violon ; il ouvre sa boîte, en tire un autre Slra-
divarius, et prie M. Hubert de le jouer. A peine notre artiste a-t-il fait
quelques notes, qu'il reste ébahi devant une telle^sonorité, une telle puis-
sance et un tel volume de son. Pendant cinq heures, il essaie les merveilles
du célèbre facteur de Crémone ; mais, hélas ! toujours le célèbre Stradiva-
rius de l'amateur paraissait être le père de celui appartenant à l'artiste.
Vers la fin de la soirée, M. Léonard offre son portrait à l'amateur, qui re-
connaît enfin son erreur ; il embrasse l'artiste et lui dit qu'il a désiré faire
sa connaissance à Bruxelles, mais qu'il était absent lors de son séjour dans
cette ville, et il finit par lui offrir son Stradivarius en échange du sien.
Vous vous imaginez le bonheur de M. Léonard, qui, en ce moment, ne
partagerait pas son sort contre celui de personne au monde.
Tous ceux qui ont entendu ce magnifique violon sont unanimes pour
constater son immense supériorité. Un tel acte honore l'amateur et l'ar-
tiste. Le premier se nomme Baptiste de Hunyady, célèbre médecin de
Pesth. M. S.
IOÏÏVELLES.
„.*„ Demain lundi, à l'Opéra, Moïse.
*** Dimanche dernier, le Prophète avait attiré la foule. Roger chantait
le rôle de Jean de Leyde et y déployait le talent supérieur avec lequel il
a créé ce grand rôle. Mlle Masson, qui, peu de jours auparavant, avait
fait sa rentrée dans la Favorite, paraissait pour la seconde fois dans le
rôle de Fidès, et y faisait preuve d'une admirable expression dramatique.
Mlle Dussy, dans le rôle de Berthe, a montré qu'elle était en notable
progrès.
t*t Lundi, la représentation de Moïse a été troublée par une indispo-
sition subite de Gueymard, qui, après le premier acte, s'est trouvé hors
d'état de continuer le rôle d'Aménophis. Marié, en excellent musicien,
s'est chargé de le lire à l'improviste, et s'est fort bien tiré de cette pé-
nible tâche. On avait offert aux spectateurs qui ne voudraient pas rester,
de leur rendre leur argent. Une faible minorité a seule accepté cette offre.
*** Le Juif errant, donné mercredi, a marché sans encombre devaut
une salle magnifique et au bruit des bravos. Merly jouait pour la seconde
fois le rôle d'Ahasvérus, et, pour la seconde fois, il a mérité d'y être ap-
plaudi, rappelé. Roger, Mmes Tedesco, La Grua, ont chanté aussi admira-
blement que de coutume. S M. l'Empereur honorait cette représentation
de sa présence.
**„, Quand l'épidémie se jette sur un théâtre, il n'y a plus moyen de
lutter. Il faut avoir été directeur pour en savoir quelque chose. Vendredi,
la Favorite et la Vivandière étaient affichés; mais, vers le soir, une bande
a prévenu le public qu'il y avait relâche forcée pour cause d'indisposition
de quatre artistes : Mmes Masson et Tedesco, MM. Saint-Léon et Morelli.
Quatre artistes à la fois! cela ne s'était jamais vu, de mémoire d'affiche.
x*^ Luisa Miller, traduite en français, paraît ajournée. C'est le nouveau
ballet , Orfa, qui passera d'abord ; la première représentation en est
prochaine.
„.% Octave, le ténor dont on se souvient toujours à Paris, est engagé
à Florence, où il va chanter le rôle du Prophète.
DE PARIS.
471
,% La première représentation de Marco Spada, l'opéra nouveau de
MM. Scribe et Auber, dans lequel Mlle Caroline Duprez fera ses débuts,
est annoncée pour mardi prochain.
»*„ Le Tliéatre-ltalirn annonce pour aujourd'hui dimanche, spectacle
extraordinaire.
„*„ Dimanche dernier, fEUsire d'aman reparaissait au même théâtre
avec Mme Vera Lorini, cantatrice élégante et distinguée, qui avait débuté
dans la saison de 1849, sous la direction de Ronconi. Le public l'a retrou-
vée avec toutes ses qualités. Calzolari et Bcllctti ont supérieurement joué
et chanté les rôles de Nemorino et du sergent. Le baryton Fiorio, que
nous ne connaissions pas encore, est trop insuffisant dans le rôle du char-
latan Dulcamara, tout rempli des souvenirs de Lablache et de Ronconi.
»% VElisire d'ambre a été joué dimanche et jeudi; mardi, on donnait
Luisa Muller.
»% Hier samedi, le Théâtre-Italien a repris Norma, chantée par
Mmes Sophie Cruvelli, Beltramelli, MM. Bettini et Susini.
*% Cabel, le baryton, vient de reparaître cette semaine sur la scène
du Théâtre-Lyrique, où il a tenu un rang distingué il y a quelques années.
Le jeune artiste a chanté plusieurs fois avec succès le rôle principal du
Maître de chapelle. Nul doute que la direction ne fasse une excellente ac-
quisition en s'attachant définitivement un chanteur de ce talent.
*** Si j'élais roi, dont on annonce pour après demain la 68" représen-
tation, est a l'étude dans toutes les villes qui possèdent des théâtres
d'opéra: Lyon, Marseille, Bordeaux, Rouen, Lille, Strasbourg, Nantes ,
Metz, etc., etc., montent ce charmant ouvrage avec le plus grand soin.
„*„ La Fête des arts, chant de l'avenir, de MM. Méry et A. Adam, exé-
cutée à l'Opéra-Comique devant S. M. l'Empereur, et interprétée par
Mme Ugalde, Mlles Lefebvre , Wertheimberg et Battaille, vient de
paraître en petite partition in-8° (piano et chant) chez l'éditeur J. Be-
nacci Peschier. Cette nouvelle composition de l'auteur de Si j'étais roi a
obtenu a chaque représentation les honneurs du bis et les applaudis-
sements de la salle entière.
„** Le Comité de la grande exposition qui se prépare à Dublin pour le
printemps prochain, désirant inaugurer cette solennité par une exécution
musicale d'un genre magnifique, a écrit à Meyerbeer pour le prier de
composer une œuvre chorale en rapport avec l'importance de l'objet et
l'immensité de l'édifice que l'on a construit tout exprès.
t% Thalberg vient d'arriver à Paris où il passera l'hiver. A la suite d'un
voyage de santé en Valachie, il s'est fait entendre à Bucharest, où il a été
reçu triomphalement et comblé de riches présents par les nobles dames
de cette capitale. L'hospodar, prince gouverneur de la province Vala-
que, a fait remettre au célèbre artiste, à la suite d'un concert, une bague
d'une grande valeur enrichie de diamants et portant son chiffre.
#% La Société Sainte-Cécile donnera, le dimanche 26 décembre â 2 heu-
res très-précises, le deuxième concert en dehors de l'abonnement, exclu-
sivement consacré à l'exécution des œuvres nouvelles des compositeurs
contemporains. — 1. Ouverture de concert de M. Alexandre Stadtfeld. —
2. Ode à Sainte-Cécile, paroles de M. Nibelle, musique de M. Camille Saint-
Saëns, pour orchestre, soprano solo et chœurs ; le solo de soprano sera
chanté par Mme Meillet. — 3. Symphonie en la mineur de M. Niels W. Gade.
— h. Chant danois, paroles de Millevoye, chœur pour voix d'hommes,
musique de M. J.-B Wekerlin. — 5. Andante d'une symphonie composée
par Mme la vicomtesse de Grandval. — 6. Fragments de l'épopée lyrique
composée pour les fêtes â l'industrie universelle, poëme de M. Méry,
musique de M. Lacombe. — L'orchestre sera dirigé par M. Seghers; les
chœurs seront dirigés par M. Wekerlin.
ç*ç Voici le programme du premier concert de la Société symphonique,
qui aura lieu demain lundi, â huit heures du soir : 1" Symphonie en si
bémol, de Haydn, composée pour les concerts de Salomon, à Londres ;
2° Aria di Chiesa , de Stradella , chanté par Mlle Victorine Dietsch ;
3° concerto de piano, deMendelssohn, exécuté parMlle Wilhelmine Clauss;
h' air de la Fée aux Rosi', d'Halévy, chanté par Mlle Dietsch ; 5° sym-
phonie concertante pour deux violons, d'Alard, exécutée par MM. Lancien
et Viault, premiers prix du Conservatoire en 1852 , 6° ouverture des Deux
journées, de Cherubini.
**„ M. Charles Deininger, inventeur d'un procédé pour l'amélioration
des violons et autres instruments à cordes, donnera, aujourd'hui diman-
che , à une heure , une séance musicale , dans laquelle on entendra
MM. Armingaud, Jacquard, Lalo et Delannoy, qui joueront sur des instru-
ments préparés d'après son système.
t% La Société des concerts de Berlin, Société un peu anonyme, a donné
à peu près incognito une séance un peu musicale dans laquelle on a fait
d'assez bonne musiquede Beethoven, Weber et Meyerbeer. M. Schultze y a
joué du violon, et Allie Molidoffy a chanté d'une manière agréable et
même dramatique le grand air du Freïschuiz et celui de Grâce , de Robert-
le-Diable, le tout en allemand.
*%, Un fort beau concert, au profit des pauvres, a été donné le 10 de ce
mois à Compiègne. Il avait été organisé par les soins de M. Viénot, l'officier
artiste du 1" régiment de chasseurs, et lui-même a voulu concourir à l'é-
clat de la soirée, en exécutant sur le piano plusieurs de ses compositions
les plus brillantes. Mme Sabatier et M. Lefort étaient chargés de la partie
vocale.
*** Le.jeune violoniste Poussard a donné àVienne son premier concert.
Les journaux allemands s'accordent à parler de lui avec grands éloges et
à constater son succès.
.% M. Strockcn, pianiste et professeur distingué, est de retour d'un
voyage qu'il a fait en Hollande. Il se propose de passer l'hiver à Paris.
»% Miss Kennedy, la célèbre harpiste anglaise, vient d'arriver à Paris
et se propose de se faire entendre dans plusieurs concerts.
t\ La direction du théâtre d'Amiens est en ce moment vacante, et les
prétendants sont invités à se présenter. La ville accorde une subvention
annuelle de 9,600 fr. accompagnée de divers autres avantages, y compris
le paiement du droit des pauvres, s'élevant à 5,000 fr.
»% M. Adolphe Schimon, l'accompagnateur par excellence des chan-
teurs, est de retour à Paris, après un assez long séjour à Florence et à
Londres, où son double talcn! de pianiste et de compositeur a été parfai -
tement apprécié. M. Schimon se fixe de nouveau à Paris. C'est une bonne
nouvelle pour nos salons et pour tous les chanteurs, qui s'en feront leur
accompagnateur favori.
»*„ M. Schaleck, de Prague, artiste d'un talent vraiment distingué sur la
Zither, instrument presque inconnu en France, vient d'arriver à Paris, et
se propose de se faire entendre dans plusieurs concerts.
»*„ Nous annonçons au public l'Album Henrion. Ses nombreux amateurs
y trouveront des mélodies charmantes et fraîches, empreintes de cette nou-
veauté originale par laquelle ce jeune compositeur s'est toujours dis-
tingué.
„*i M. Conrad Mathias Berg, professeur de musique distingué, vient de
mourir à Strasbourg, à l'âge de soixante-sept ans.
CSOBIOUE DÉPARTEMENTALE.
„** Marseille, 9 décembre. — Samedi dernier, la jolie salle de M. Rou-
baud avait pris un air de fête pour recevoir un jeune artiste dont le talent,
apprécié naguère au Grand-Théâtre, s'était montré digne de toutes les
sympathies. Cet artiste, M. Frédéric Giraud, qui, à peine arrivé parmi
nous, avait recueilli tant de suffrages, n'a pas voulu quitter Marseille sans
prendre congé du public d'élite dont la protection bienveillante lui avait
facilité l'accès de nos salons. U a donc choisi dans son répertoire les mor-
ceaux les plus attrayants et les a non-seulement exécutés avec beaucoup
de charme, mais en homme pour qui l'art du v:olon n'a plus de secrets.
LaFantaisie-caprice, uaedes compositions les pluscomplètes de Vieuxtemps,
a valu à M. Giraud un très-honorable succès. L'auditoire, fort bien disposé
par la manière dont il a joué l'introduction si large de l'œuvre instrumen-
tale, lui a décerné les plus chaleureux applaudissements après chaque va-
riation. Les Souvenirs d'Amérique ont été pour cet artiste un véritable
triomphe; il s'est joué avec aisance de toutes les difficultés ardues que
renferme cette pièce originale, l'effroi de tous les violonistes médiocres.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
„.% Amsterdam, 12 décembre. — La Heine de Chypre, d'Halévy, vient d'ê-
tre exécutée pour la première fois en cette ville et accueillie avec en-
thousiasme. Cet ouvrage a déjà eu quatre représentations , et toujours
salle pleine. Mme Verdini et M. Gaudema, chargés des principaux rôles,
ont été chaque fois rappelés sur la scène.
— Lucia di Lammermoor a d'obtenu sur notre Grand-Théâtre un suc-
cès plus éclatant, s'il est possible, que le Barbiere di Siviglin. Tambu-
rini, dans le rôle d'Asthon, s'est élevé au plus haut degré comme chan-
teur et comme acteur. Gardoni, avec sa voix douce et sensible, a, dès la
première phrase du duo Sull a tomba, su séduire tous les cœurs. Mme Per-
siani a surpassé toute notre attente ; c'est avec un vrai bonheur que
nous avons applaudi la belle musique de Donizetti , qu'elle seule sait si
bien interpréter.
**» Berlin. — On annonce pour le mois de janvier une composition mé-
lodramatique en un acte , par M. Truhn, intitulée : Cléopâtre. Le princi-
pal rôle sera chanté par Mlle Wagner. Dans le courant du même mois, le
Théâtre-Royal donne un opéra-comique en deux actes par Schloesser à
Darmstadt : La Jeunesse dé Charles l". — L'Opéra-Italien a fait sa clôture
à la dernière représentation du Prophète, avec Mmes Wagner et Herren-
burger ; la salle était comble. — La bibliothèque royale possède une
collection volumineuse de compositions dues à Hoffmann , le célèbre
auteur des Conte' fantastiques. On y remarque entre autres les opéras :
Ondine, Julius Sabinu?, Amour par ja'ousie, V'Elixir de l'immortalité; de
plus, la Croix sur la Baltique, tragédie de Werner ; Arlequin, ballet ; six
duos, diverses symphonies et une foule de compositions pour musique in-
strumentale. — L'opéra-comique a fait sa rentrée à l'établissement de
Kroll avec la Fille du Régiment. — La Poupée de Nuremberg a été jouée
avec beaucoup de succès au théâtre Friedrick - Wilhelmstadt. C'est
Mme Rudersdorf qui chante le rôle principal, dans lequel le public l'a jus-
tement applaudie.
„** Cologne. — On vient d'ouvrir une souscription pour la construction
d'une nouvelle salle de spectacle; le chiffre des sommes souscrites s'élève
déjà à 140,000 thalers, près de 480,000 fr.
**„ Vienne. — Indra, opéra nouveau de M, de Flotow, vient d'être mis
à l'étude; les répétitions ont lieu sous la direction de l'auteur.
Le gérant : Ernest DESCHAMPS.
472
REVUE ET GAZETTE MUSICALE DE PARIS.
CJaez; HHRA.MBJUS et Ce, 103» vue Richelieu,
1853
De Bouse Romances, paroles de MM. AIMÉ GOURDIN, E. DASSIER et ADOLPHE CATELIN,
T. LABAHRE
ET
E. DASSIEB,
NINA.
LES PRÉS SONT FLEURIS.
LE PETIT PIED DE MA VOISINE.
LA^. BELLE MARIE.
VOUS QUI PARLEZ D'AMOUR.
JE SERAI LA, TOUJOURS!
AMOUR. TRANSPORT.
LE VISIONNAIRE.
POUR LES PAUVRES, MERCI.
VIENS L'ENTENDRE.
L'AIGUILLE.
LA VIEILLE.
Dessins de MM. Nanteuil, Aumont, Leroux, Forget et Coindre.
Reliure ricSie, g»rix met, 1S ffr.
COMPOSANT LE RÉPERTOIRE DES RALS DE L'OPÉRA POUR 1853
Quadrille sur MOÏSE.
Quadrille LES DAMES DE LA HALLE.
Polka russe LES CHEVALIERS GARDES.
Polka-mazurka STEEPLE-CHASE.
BSeïâïiire rîcSai*, pris net, Ht ffr.
Polka-mazurka ALMA.
Schottisch L'ONCLE TOM.
Valse NEW-YORK.
Redowa LA BERGÈRE DES ALPES.
Cours «le ICO exerelte» «le ® mesures chacun pour le piano,
OEUVRE nouvelle de
Op. 821. — En trois suites; prix de chaque, 10 fr.
H
JOHN
SOCTïIBSE-ETUBE pour le piano. — Op. 11. — Prix 7 fr. 50.
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il ISoianasuees. WS«;8ffldies ou CBBaisssoniaettes,
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REVUE
20 Décembre 18S2.
itu de l 'Abonnement t
Paris, un un. ... -ji i
Départements, Belgique <'t Suisse 30
Étranger 31
Le Journa paraît le Dimanche.
GAZETTE MUSICALE
Bl fâEIS
SOMMAIRE. — Du développement futur de la musique dans le domaine du rhythme
(9" et dernier article), par Fétis père. — Théâtre de l'Opéra-Comique, Marco
Spada, en trois actes, paroles de M. Scribe, musique de M. Auber (1™ représenta-
tion), par Uenri BClauchard. — Hector Berlioz en Allemagne. — Nouvelles et
annonces.
Voici les primes que nous offrirons cette année à nos abonnés , an-
ciens et nouveaux, et qui seront immédiatement à leur disposition,
soit en prenant, soit en renouvelant leur abonnement :
1° ALBUM DE PIANO, contenant : Joyous-Galopp, par Gerville.
— Idylle, par Méreaux. — Tarentelle, par Lcopold de Meijer. —
Menuet, par E. Prudent. — Romance sans paroles, par //. Rosellen.
— Te reverrai-je? pensée, par Ch. Voss.
2° ALBUM DE CHANT, par T. Labarre , contenant six romances : —
Nina. — Lés Prés sont fleuris. — Le Petit pied de ma voisine. —
La belle Marie. — Vous qui parlez d'amour. — Je serai là, toujours!
3° ALBUM MUSARD, contenant : — Quadrille sur Moïse. — Quadrille
les Dames de la halle. — Polka russe, les Chevaliers gardes. —
Polka , Steeple chase. — Polka-mazurka , Alma. — Schottisch ,
l'Oncle Tom. — Redowa, la Bergère des Alpes.
DU DEVELOPPEMENT FUTUR DE LÀ MUSIQUE
Dans le «Entras Misse du rïsytlsssse.
(flc et' dernier article) (l).
LE RHYTHME DE LA VERSIFICATION DANS SES RAPPORTS AVEC
LE CHANT.
Le rhythme naît de la symétrie, et la symétrie a trois caractères, qui
sont : l'accent, le nombue et la période. J'ai démontré cela surabon-
damment dans mes articles précédents ; mais il s'agit ici de l'application
de ces principes à la versification, dans ses rapports avec la musique.
Les poètes, lorsqu'ils imaginent des vers destinés à la mélodie, et les
auteurs de livrets d'opéras, connaissent, en général, le mécanisme de
la quantité, en ce qui concerne l'union de leur art avec celui des mu-
siciens ; mais en France (or, ce sont les poètes français que j'ai parti-
culièrement en vue dans cet article), en France, dis-je, on néglige beau-
coup la symétrie de l'accent, et plus encore celle de la période.
Je viens de dire que nos versificateurs connaissent le mécanisme de
la quantité, en ce qui concerne la destination de leurs vers à la mu-
sique : ils ont fait, en effet, de grands progrès dans cet art, depuis en-
(1) Voir les n" 35, 36, 37, 40, 43, 44, 48* et 50.
viron trente ans; on ne voit plus beaucoup d'exemples du désordre qui
régnait autrefois dans ce que les littérateurs français appelaient la
poésie lyrique, ni de ces suites de vers de toutes les mesures qui se
succédaient au hasard dans les morceaux d'opéras et mettaient les
compositeurs au supplice ; on a reconnu là nécessité de faire dispa-
raître l'alexandrin de la poésie chantée, à moins qu'il ne soit destiné
au récitatif; le vers de dix même n'est plus employé qu'avec réserve,
et l'on s'est convaincu que les meilleures mesures pour la musique sont
les vers de huit et de six syllabejs. Toutefois, il reste beaucoup à faire
encore sous ce rapport pour arriver à la perfection de la poésie lyrique
italienne. A l'égard du rhythme d'accent et de celui de la période, on
peut dire, sans être accusé d'exagération, que les auteurs d'opéras et
d'opéras comiques français ne s'en sont point occupés jusqu'à ce jour,
et que la plupart de leurs vers sont accentués d'une manière complète-
ment fausse. Je démontrerai cela tout-à-1'heure ; mais il est nécessaire
que j'examine d'abord ce qui concerne le rhythme de quantité. La
versification française est susceptible de perfectionnement sous ce
rapport.
On ne voit plus, dans un ouvrage dramatique, des vers antimusi-
caux comme ceux-ci, que je tire de l'opéra de Grétry, Céphale et
Procris :
Fière indifférence,
Sois l'appui de l'innocence;
Défends nos cœurs.
L'Amour en vain soupire :
Résistes à son empire ;
A ses attraits vainqueurs,
Opposes tes rigueurs.
Romps ses nœuds dangereux,
Eteins ses feux.
Sourire et larmes ,
Tout, dans ses charmes,
Est dangereux.
Un vers de cinq syllabes, un vers de sept, un vers de quatre, un de
six, un de sept, trois vers de six, et quatre vers de quatre ! voilà la
versification de nos anciens^opéras ; j'en pourrais citer mille exemples,
et même de pires. Les auteurs d'opéras de l'époque actuelle n'en sont
plus là : ils ont emprunté aux formes italiennes une plus grande régu-
larité de nombre. Métastase et ses successeurs leur ont fourni le mo-
dèle des trois rimes féminines suivies d'un vers masculin seul qui rime
avec le quatrième vers d'un autre coupkt ; mais il leur manque la va-
riété de cette poésie si musicale dont Apostolo Zeno et Métastase sont
les maîtres, et peut-être aussi quelques nouveautés que ces poètes n'ont
pas connues. Et, d'abord, remarquons que rien n'est moins favorable
à la variété que l'emploi fréquent et alternatif du vers de huit syllabes
et du petit vers de quatre, qui n'en est, en quelque sorte, que le dé-
hlh
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
doublement. Or, ce sont ces rhylhmes qu'affectionnent beaucoup d'au-
teurs de livrets d'opéras. De même, ils dédoublent souvent le vers de
six pour en faire un petit vers de trois, qu'on ne peutconsidérer comme
un rhythme, et auquel succède souvent un vers de sept, qui rompt
toute régularité. C'est ainsi que dans le Val d'Andorre nous voyons la
romance de Rose de Mai établie sur ce rhythme irrégulier que repousse
la musique:
Marguerite,
Qui m'invite
A te conter mes amours,
Dis-moi vite,
Ma petite,
Si je dois t'aimer toujours.
Etc
Sur un rhythme semblable, il n'y a de ressource pour le musicien
que dans la note et parole; et souvent même il ne peut remplir cette
condition qu'en faisant violence à la langue. Par exemple, sur ces vers
qu'on vient de lire, Halévy n'a pu éviter de faire entendre l'hiatus in-
vi-te-à, au lieu de dire invit'à qu'exigent les règles de la prononcia-
tion ; car l'auteur des paroles ayant fait commencer le troisième vers
par une voyelle, ce vers aurait été diminué d'une syllabe si l'élision
eût été faite, à moins que, conformément aux règles de la grammaire,
on n'eût écrit :
Marguerite,
Qui m'invites
A te conter mes amours,
Etc
Mais, dans ce cas, il n'y eût point eu de rime entre les deux vers
de trois.
J'interromps ici mon analyse de la forme rhythmique, pour faire
remarquer que le défaut que je viens de signaler se présente fréquem-
ment dans les paroles françaises destinées à la musique, et qu'il est
une source d'embarras pour les compositeurs. Si je ne me trompe, pas
un de nos poêles lyriques ne sait que le rhythme musical exige qu'a-
près une rime féminine il faut, si les vers sont égaux, que le vers sui-
vant commence par une voyelle, sous peine de donner une syllabe de
plus au vers féminin, car la musique n'a pas d'e muet : tout s'y pro-
nonce. Jamais les poètes italiens ne manquent à cette règle. Au con-
traire, s'il y a changement de mesure dans levers qui suit la rime
féminine, si ce vers correspond à un autre de même mesure, il doit
commencer par une consonne ; car s'il y avait élision, elle enlèverait
au vers une syllabe nécessaire pour la mesure, et le rhythme musical
serait brisé. \
Ceci me conduit à remarquer aussi que les versificateurs français
qui écrivent pour la musique ne distinguent pas ce qui doit commencer
par le temps levé, et ce qui appartient au frappé : chez les Italiens, au
contraire, cette confusion ne se trouve jamais. Or, je ne connais pas
d'opéra français qui n'offre plusieurs exemples de l'altération du
rhythme de la musique par la confusion dont je parle. Ce défaut est
surtout sensible dans les couplets. Pour en citer un exemple connu de
tout le monde, je choisis celui de la barcarolle de la Muette de Portici,
où le compositeur a été contraint de dénaturer son rhythme à chaque
vers, dissimulant, toutefois, avec adresse son embarras par le caractère
fortement cadencé de l'accompagnement. Voici le premier couplet :
Amis, la matinée est belle.
Sur le rivage assemblez vous.
Montez gaiment votre nacelle,
Et des vents bravez le courroux.
Conduis ta barque avec prudence ;
Pécheur, parle bas.
Jette tes filets en silence
Pécheur, parle bas.
Le roi des mers ne t'échappera pas.
11 est à peu près impossible d'imaginer quelque chose de plus anti-
rhythmique que ce couplet. Il n'y avait pas doute pour le compositeur
au premier vers, car il commence évidemment au temps levé : Amis;
mais ces deux syllabes, séparées du reste du vers, anéantissent l'har-
monie du rhythme, et, pour conserver le caractère de la mélodie, il
n'y a d'autre ressource que de violer la prosodie, en chantant :
La ma-tinée | est bel-le.
Le second vers commence par trois brèves suivies d'une longue , et
le second hémistiche est parfaitement semblable : ce serait un très-bon
vers, si tous les autres étaient semblables ; mais il n'y a pas d'analogie
avec le premier, et le musicien ne peut rester fidèle à son rhythme
qu'en faisant une nouvelle faute de prosodie, et faisant chanter :
Sur le - riva-ge assem-blez vous.
Même chose au troisième vers ; il faudrait dire :
Montez gaiment | vo-tre nacel-le.
Mais la cadence rhythmique de la mélodie serait brisée. Pour la sau-
ver, le compositeur s'est vu forcé de faire une des fautes les plus con-
sidérables contre la prosodie, en donnant la note brève à la première
syllabe de votre, et la longue à la seconde , en sorte qu'il scande le
vers de cette manière :
Mon | tez gai | ment vo | tre na | cel [ le.
Le quatrième vers est pire encore, car il est composé de huit syl-
labes divisées également, à savoir, trois (et des vents), suivis de cinq
(bravez le eourrovx). Ici , le musicien a été vaincu par le versificateur,
car il n'a pu répondre à sa phrase :
Sur | le ri | va-ge as | semblez | vous.
que par celle-ci :
| Et des | vents | bra-vez | le cour | roux.
C'en est fait du rhythme de la période : il n'existe plus.
La suite n'est pas moins curieuse comme monument de versifi-
cation antipathique à la musique. En effet, le cinquième vers, qui com-
mence au temps levé et paraît d'abord favorable au rhythme musical ,
en ce qu'il est ce qu'il est purement trochaïque, comme on le voit par
cette division :
Con | duis ta | barque a | vec pru | dencè.
ce vers, dis-je, étant suivi d'un autre qui [commence par une con-
sonne, et le compositeur étant obligé de prononcer l'e muet de la der-
nière syllabe, n'en pouvant faire élision avec la première du vers sui-
vant , il en résulte que ce même vers a neuf syllabes en réalité. Dans
cette situation, le compositeur, ayant un temps de trop à exprimer, ne
peut retrouver la mesure que par la vitesse, et se voit obligé de presser
deux syllabes sur deux doubles croches absolument étrangères à son
rhythme. Même chose se reproduit entre le septième et le huitième
vers :
Jette tes filets en silence;
Pêcheur, parle bas.
Mais le rhythme du premier de ces vers ne répond pas à celui du
vers
Conduis ta barque avec prudence.
lequel procède dans toute sa longueur par une brève suivie d'une lon-
gue. Pour conserver son rhythme, le compositeur a donc été obligé de
multiplier les fautes de prosodie, et de scander le vers de cette ma-
nière :
Jet | te tes | fi-lets | en si | lence.
Quant au dernier vers, qui est de dix syllabes,
Le roi des mers ne t'échappera pas.
il oblige le musicien à prendre un rhythme complètement étranger à
ce qui précède.
Si maintenant nous examinons le second couplet , nous verrons que
le poète n'a aucune idée de la différence du temps levé et du temps
frappé déterminé par la nature des mots. Au premier couplet, le pre-
mier vers commençait par une brève (A | mis), c'est-à-dire au temps
levé ; ici , c'est le contraire :
DE PARIS.
475
L'heure viendra, sachons l'attendre :
Plus tard nous saurons la saisir.
i e c ;i e rail e/itn prcndrp,
Mois l'adresse fait réussir.
La première syllabe de ['heure est longue ; il yfout doue un temps
frappé; dès lors le rhyllime du premier couplet, disparaît dans celui-ci.
Au second vers, c'est encore pis, car l'accentuation en est absolument
différente de celle du second: aussi le compositeur n'a-t-il pas été
seulement obligé d'altérer son rhylhme, mais de changer sa mélodie.
Je ne pousserai pas plus loin cet examen : l'analyse que je viens de
faire suffit pour rendre évidentes les entraves que la négligence des
versificateurs français oppose au génie des musiciens. Mais, dira-t-on,
ces entraves n'ont point empêché Auber d'appliquer h des paroles si
défectueuses une mélodie charmante, devenue populaire. Loin qu'on
y ait remarqué des défauts de rhythme, son succès a eu pour cause
son caractère rhythmique très-prononcé. L'objection est fondée; mais
c'est à la rare intelligence du compositeur qu'elle doit toute sa valeur.
Ne se dissimulant pas les défauts de symétrie qu'il n'avait pu éviter
dans son chant, même en prosodiant mal, il a senti que l'uniformité
du rhythme trochaïque de l'accompagnement pouvait seule couvrir les
défauts du rhythme de cette mélodie ; c'est surtout ce rhythme en-
traînant qui a déterminé l'effet du morceau.
Opposons à l'absence de régularité dans l'accentuation des vers ly-
riques français l'harmonieuse cadence de la poésie italienne. Entre
mille exemples excellents de Métastase, je prends celui-ci dans son
Temislocle :
Al furor d'avversa sorte
Piu non palpita e non terne
Clii s'avvezza allor che freine
11 suo volto a sostener.
Scuola son d'un aima forte
L'ore sue le più funeste,
Corne i nimbi e le tempeste
Son la scuola del nocchiere.
Dans une autre mesure, cet air de l'Arlaserse n'est pas moins ad-
mirable par son harmonie :
Mi credï spietata 1
Mi chiami crudele?
Non tanto furore,
Non tante querele;
Che basta il dolore,
Per farmi morir.
Quell' odio, quell' ira
D'un' aima sdegnata,
ïngrata Semira,
Non posso soffrir.
Je sais que, quoi qu'en ait dit Scoppa, notre langue n'a pas la ri-
chesse d'accentuation qui rend la langue italienne si favorable à la
musique ; je sais que les difficultés sont beaucoup plus nombreuses
et plus considérables pour donner à notre poésie lyrique un caractère
sensiblement rhythmique; mais si nous n'avons pas l'accent tonique
si prononcé, nous avons du moins l'accent logique, qui ne peut être
négligé dans la facture des vers, sans qu'il en résulte une cause de
destruction pour le rhythme musical et même pour l'intelligence des
paroles. Il est impossible que l'accent, ou le temps fort de la musique,
porte sur un article, sur une conjonction, sur une syllabe brève , et
conséquemment, tout vers qui commence par l'une ou l'autre de ces
choses a pour expression musicale un temps levé. Or, le premier vers
étant dans ces conditions, tous ceux qui suivent doivent l'être, sous
peine d'anéantir la symétrie, sans laquelle il n'y a point de rhythme
possible. Si, au contraire, la première syllabe d'un vers est longue,
tous les autres vers doivent commencer de même. Enfin, l'ordre des
longues et des brèves, étant fixé par le premier vers, doit se répéter
d'une manière symétrique dans tous les autres, à moins que le der-
nier ne soit d'une autre mesure, qu'il ne se termine par une syllabe
masculine, el qu'il ne corresponde par la rime et par la mesure au
dernier vers d'un autre couplet; auquel cas, il indique une m
de rythme.
Les Italiens ont trois caractères différents pour chaque mesure de
vers, à savoir, le tronco, le piano, et le sdrucciolo. Ces caractères ré-
sultent de la nature des mots employés dans leur construction. Le mot
esU/onco, c'est-à-dire tronqué, lorsque la voyelle sur laquelle est
placé l'accent n'est suivie d'aucune syllabe. Le nom de tronco vient de
ce que les mots de cetLe espèce subissent un retranchement, comme
bonlade, dont on fait bontà ; jéce, transformé en fà, etc. Le mot est
piano, c'est-à-dire plein, entier, si l'on n'y a fait aucun changement, et
si l'accent tonique est suivi d'une syllabe, comme dans cdro, béné.
sincéro, discerniménto. Enfin le mot est sdrucciolo, c'est-à-dire cou-
lant, si l'accent est suivi de plusieurs syllabes, comme amâbile, docile,
pâlpitano, etc. La voyelle accentuée a beaucoup de force dans les mots
sdruccioli, mais les autres syllabes se précipitent et se prononcent
rapidement. Remarquez que je n'ai mis l'accent aux mots piani et
sdruccioli que pour indiquer sa place; les Italiens ne l'écrivent pas.
Les tronchi sont les seules qui aient l'accent sur la dernière syllabe,
précisément pour faire connaître leur qualité et empêcher la confusion
dans certains cas. La terminaison du vers par un tronco, par un piano
ou par un sdrucciolo, lui donne une harmonie toute différente, et la
poésie y puise une grande variété. Scoppa, dont l'ouvrage intitulé :
Les Vrais principes de la versification, est d'ailleurs fort estimable, a
fait de vains efforts pour démontrer que les Français ont des vers tron-
chi, piani et sdruccioli; mais, à quelques lignes de distance, 0 tombe
à cet égard dans une contradiction manifeste, a Les vers français, aussi
» bien que les italiens, dit-il (§ 165), sont distribués en piani, tronchi
» et sdruccioli, selon que les mêmes sont terminés par des mots piani,
» tronchi et sdruccioli. Ils sont énoncés par des mots féminins, mas-
» culins, et si l'on pouvait faire usage des vers sdruccioli, on les aurait
» appelés glissants. Les mots sont différents, mais les choses sont les
» mêmes. » Puis il cite comme des vers piani ou féminins, ceux-ci :
Telle qu'une bergère en ses beaux jours de fête,
De superbes rubis ne charge point sa tête.
et comme des vers tronchi ou masculins, ceux-ci :
Et sans mêler à Tor l'éclat des diamants.
Cueille dans un champ voisin ses plus beaux ornements.
Mais qu'y a-til de tronqué dans diamants et ornements, et que
pourrait-on ôter de fête et de tète ? Ce qui constitue le tronco, le piano
et le sdrucciolo de la langue italienne, c'est que le même mot peut se
présenter sous les trois formes, et que dans toutes trois, l'accent reste
à la même place, comme on le voit dans/è, féce, et la troisième per-
sonne du pluriel, fécero. Nous avons bien en français les divers temps
des verbes, mais l'un ne peut s'employer pour l'autre, et à chaque
temps, à chaque personne, l'accent change de place. Ainsi, donne a
l'accent sur la première syllabe, et donnèrent sur la deuxième. Au sur-
plus, Scoppa se contredit lui-même quelques lignes plus loin lorsqu'il
ajoute : « Je ne trouve aucun exemple de vers sdruccioli ou glissants
» dans la poésie française. »
Il est donc évident que la versification française est dépourvue des
ressources et de la variété des formes dont je viens de parier; mais il en
est d'autres dans la poésie italienne dont la nôtre peut s'enrichir. Les
poètes italiens ne prennent jamais pour sujet d'une scène musicale une
conversation plus ou moins spirituelle, des jeux de mots, une narra-
tion, rien enfin de ce qui remplit la plupart des opéras comiques fran-
çais. Ils savent que la musique n'a de signification et de force que lors-
qu'elle exprime les affections de l'âme. Dans le genre sérieux, ce qu'ils
préparent pour le génie des compositeurs est sentimental, passionné,
pathétique; s'ils ont à exprimer la gaîté, ils ont un entrain, une verve
de bouffonnerie qui ne craint pas d'aller jusqu'au grotesque. Beaucoup
de mauvaises pièces sortent de leurs mains ; mais toutes les situations dans
476
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
lesquelles ils placent des airs, des duos, des morceaux d'ensemble, sont
dramatiques et bien sentis. Une qualité distingue surtout les bons poëtes
italiens, à savoir, le discernement dans le choix de la mesure des vers
la plus analogue au sentiment à exprimer et au mouvement de la scène.
Apostolo Zeno, Métastase, et, dans ces derniers temps, Romani, ont
des choses admirables en ce genre. Leur habileté à trouver des rhyth-
mes poétiques variés et des dispositions diverses de leurs vers mérite
de servir de modèle aux poëtes lyriques de toutes les autres nations.
Les vers de six, de sept et de huit syllabes sont les mesures qu'ils pré-
fèrent, mais surtout les premiers et derniers. Quelquefois ils n'ont
qu'une seule rime féminine pour tous les vers de deux ou de trois cou-
plets, sauf les derniers de chaque couplet, lesquels riment ensemble. Il
y a une singulière force rythmique dans la redondance de cette rime
obstinée. En voici un exemple pris dans // Sogno dî Scipione, de
Métastase :
A chi serena io miro
Cliiaro é di notte cielo :
Torna per lui nel gelo
La terra a germogliar.
Ma se a taluno io giro
Turbido il guardo e fosco ;
Fronde gli niega il bosco,
Onde non trova in mar.
Plus souvent la rime féminine change dans le second couplet, et trois
vers de chacun de ces couplets riment ensemble; le quatrième rime
avec le quatrième du couplet suivant. Cette coupe s'est introduite depuis
quelques années dans les livrets d'opéras français. Il n'y manque que
l'harmonie rhythmique qui se trouve presque toujours dans la poésie
italienne, et dont la comparaison, qui forme le sujet de cet air de YO-
lympiade, offre un parfait modèle :
Quel destrier che ail' albergo è vicino
Più veloce s'affretta nel corso :
Non l'arresta l'angustia del morso,
Non la voce, clie legge gli dà.
Tal quest' aima, che piena è di sperne,
Nulla terne, consiglio non sente :
E si forma una gioja présente
Del pensiero che lieta sarà.
Dans les situations vives, ou lorsqu'il s'agit d'exprimer une émotion
forte, Métastase excelle à renfermer l'expression d'un petit nombre de
vers disposés trois par trois, comme dans cet air d'agitation placé dans
une scène d'Artaserse :
Non è ver, che sia contento
Il veder nel suo tormento
Più d'un ciglio la grimar.
Chè 1' esempio del dolore
È uno stimolo maggiore,
Che richiama a sospirar.
Grâce à l'harmonie rhythmique dont Métastase offre le parfait mo-
dèle sous toutes les formes, les Italiens varient à l'infini les dispositions
des rimes dans leurs vers lyriques et les multiplient sans en affaiblir
l'effet par leur éloignement. Ainsi, il combinent quelquefois trois ou
quatre rimes dont ils amènent le retour de diverses manières ; mais ils
n'usent de cet artifice que dans les vers de six ou de quatre syllabes.
afin que l'harmonie de la rime ne s'affaiblisse pas. Je trouve un
exemple de ce genre d'arrangement dans un air de Didone ; le voici :
Ardi per me fedele,
Serba nel cor lo strale ;
Ma non mi dir crudele
Se non avrai mercè.
Hanno svcntura eguale
La tua, la mia costanza :
Per te non v' è speranza,
Non v' e pietà per me.
La poésie lyrique italienne admet aussi l'usage fréquent de la rime
croisée ; mais on y trouve souvent une rime masculine redoublée, dont
le retour fréquent a une singulière énergie. Un exemple de versifica-
tion de cette espèce se trouve dans l'admirable duo de YOlimpiade,
entre Megacle et Aristea, chef-d'œuvre d'expression passionnée, de
rapidité dans le dialogue et d'harmonie rhythmique.
Toutes ces formes pourraient être introduites dans la versification
française destinée à la musique, Je ne sais pourquoi l'on n'admettrait
pas aussi le vers de neuf à deux césures dont Hoffmann a fait un heu-
reux essai dans cette romance du petit opéra le Secret :
Je te perds | fugiti | ve espérance;
L'infidë ] le a rompu | tous nos nœuds.
Pour calmer | s'il se peut | ma souffrance,
Oublions | que je fus | trop heureux.
Je sais qu'on a dit que de tels vers sont des monstres en poésie ;
mais je ne comprends pas pourquoi ce qui a une harmonie rhythmi-
que serait repoussé par l'oreille. Que le vers de neuf soit insolite,
à la bonne heure ; mais ce n'est pas un motif suffisant pour le bannir
de la poésie chantée, s'il peut y produire de bons effets ; et, à cet
égard, il ne peut s'élever de doute, car tout ce qui a une cadence sy-
métrique est excellent pour la musique.
A l'égard des mutations de rhythme dont j'ai parlé dans mes articles
précédents, ce n'est pas au poëte qu'il appartient de les dicter au
compositeur, car la liberté du génie de celui-ci doit être complète.
Une situation dramatique étant donnée , et le sentiment qui en est
l'expression s'étant emparé de l'imagination du musicien , c'est lui,
s'il trouve cette expression dans des transitions de rhythme, qui doit
en donner le modèle au versificateur, dont la tâche consistera à trou-
ver la disposition et la mesure des vers propres à s'adapter à ces
rhythmes. Un pareil travail n'est pas facile, sans doute; mais un peu
d'habitude suffira pour en faire surmonter les obstacles. Au sur-
plus, si les auteurs de livrets d'opéras prennent au sérieux les obser-
vations contenues dans cet article, et s'ils comprennent ce qu'ils doi-
vent faire pour donner à leurs ouvrages plus de valeur au point de vue
de l'effet de la musique, ils verront aussi que ce que je leur demande
ne serait pas réalisable avec leurs habitudes de négligence dans la
composition de leurs vers lyriques. Pour la plupart de nos poëtes
d'opéras, la conception du sujet et la disposition des situations princi-
pales dans les trois ou dans les cinq actes qui composent leur plan, est
la partie importante de l'ouvrage; le reste se fait au pied levé et sans
y prendre trop garde. Or ce n'est pas ainsi qu'on peut faire de la poé-
sie rhythmique basée sur la correspondance symétrique des accents et
sur toutes les conditions de détail dont j'ai parlé. Un tel travail exigera
plus de soins, plus de temps qu'on n'a l'habitude d'y donner. Se trou-
vera-t-il quelqu'un doué de la volonté, du courage et du talent néces-
saire? J'avoue que je l'espère peu, car notre siècle n'est pas celui des
efforts désintéressés et des sacrifices faits à l'amour de l'art ; cepen-
dant, si quelqu'un entreprend la réforme de la versification française
au point de vue du rhythme d'accentuation, j'ai la conviction qu'il y
pourra trouver quelque gloire, et je n'ai nul doute du succès.
FÉTIS père.
THÉÂTRE DE L'OPÉRA-COMÏQUE.
KIAKC© SPA1ÎA.
Opéra-comique en trois actes, libretlo de M. Scribe, partition de
M. AtJBER.
(Première représentation, le 21 décembre 1852.)
Après avoir bâti beaucoup de ses opéras comiques sur des restaura-
tions, M. Scribe vient de préluder à celle des brigands italiens en nous
représentant un des leurs comme un modèle de courage, d'audace, de
morale et d'amour paternel . Ce Marco Spada est un chef de voleurs
qui, frappé mortellement d'une balle d'un des soldats du pape, meurt
en reniant sa fille qu'il idolâtre, pour ne pas lui laisser le nom peu
considéré de la fille d'un chef de brigands, comme, par exemple,
Antony, dans le drame de ce nom, poignarde une femme mariée,
DE PARIS.
477
sa maîtresse, afin de sauver sa réputation, en lâchant ce madrigal
au mari et à ceux qui viennent pour l'arrêter : Elle me résistait, je
l'ai assassinée ! Ce brave Marco Spada jure donc sur le salut de son
âme, au moment d'expirer, que sa fille, l'enfant de sa chair et de
son sang, comme il se le dit ù lui-même, n'est pas sa fille, mais bien
celle d'un duc dont il a massacré la famille. Il est vrai qu'avant de
faire cet aveu, et sur le point de mourir, il dit tout bas au prêtre
à qui il se confesse, et par une restriction jésuitique, que la char-
mante Angola est bien réellement sa fille ; et tous les spectateurs, té-
moins de ce dénouement, s'en vont bien persuadés que le démon,
Satan, ou l'esprit malin, comme on voudra le nommer, n'aura pas plus
cette âme, qu'il n'a eu celle de Robert-le-Diable, protégé par l'amour
maternel. Cet honnête et adroit voleur passe donc de vie à trépas,
laissant à sa fille un beau nom qui n'est pas le sien, mais qui lui permet
de faire un brillant mariage.
Avant d'arriver à ce lugubre dénouement, qui n'est guère dans les
habitudes de l'Opéra-Comique, il faut dire que M. Scribe fait passer ses
spectateurs par une foule de petites péripéties qui sont fort amusantes
à voir jouer et se mouvoir.
La scène se passe au premier acte dans les environs de Rome, chez
Marco Spada, qui, sous le nom du baron deïorrida, reçoit le gouverneur
de la ville éternelle, espèce d'imbécile, accompagné de sa nièce, la
marquise de San-Piétri , veuve et coquette, suivie d'un capitaine de
dragons, assez sot et suffisamment peureux pour un officier des trou-
pes du pape, et , de plus, cavalier servant , sigisbé de lu nièce du
gouverneur de Rome, dont celle-ci se moque, et qu'elle épouse par
force, par ordre de Marco Spada, bien qu'elle aimât mieux se marier
avec son cousin, qui, lui, aime angéla , la fille du chef de voleurs,
dont il est héroïquement aimé.
Nous sommes, au second acte, chez le gouverneur de Rome, où le
temps se passe à chanter, à danser, à quêter pour des moines, et à faire
des projets de campagne pour arrêter le fameux Marco Spada , qui as-
siste à cette fête sous le nom du baron de ïorrida, avec sa fille. Le bri-
gand, bon père, honnête et sensible, arrête, au moyen d'un pistolet
qu'il lui met sous le nez , le moine qui avait promis au gouverneur de
lui faire connaître le chef de bande qu'on soupçonne être dans le palais.
Ici, se montre l'héroïsme de la fille de Marco Spada : en apprenant la
profession de son père, elle ne veutplus épouser leneveu du gouverneur,
qui , dans son dépit , consent alors à son mariage avec la marquise,
mariage que Marco Spada rompt plus tard , au troisième acte, ainsi que
nous l'avons dit plus haut. Enfin , après une foule de scènes variées,
amusantes, dont quelques-unes ont paru cependant un peu longues, on
arrive au dénouement tragique que nous avons cité tout d'abord, et qui
termine ce drame lyrique, orné de palais somptueux , d'une partie du
Colysée en ruine, de costumes à peu près contemporains de ceux du
régent en France, et d'une musique de tous les temps, élégante et sa-
vante comme M. Auber en sait faire.
L'introduction de l'ouverture en la mineur est d'un caractère mys-
térieux et dramatique. Les violoncelles y jouent un rôle intéressant par
une phrase de chant suave et distingué. Après cette introduction, qui se
repose sur la dominante de la, une tarentelle surgit, gaie, folle, éche-
velée, en mélodie chaude, animée, italienne, et qui peint bien le lieu
de la scène, tarentelle, enfin, qui rappelle celle de la Muette. Le com-
positeur ne pouvait pas mieux s'inspirer. La péroraison de cette ou-
verture est ferme, vigoureuse par des effets de brillante iqstrumen-
tation.
Le premier morceau se compose de deux couplets chantés par
Angéla : Mon scig?ieur bien aimé, mon père, ne grondez pas, suivis
d'un petit quatuor sans importance musicale. La sérénade chantée par.
Federici est d'un joli caractère, surtout par le petit ensemble qui ter-
mine chaque couplet.
Le morceau chanté par Marco Spada à sa fille, à laquelle il dit :
Ah ! ton doux sourire
Vient m'ouvrir le ciel.
est un bel air de basse qui se termine par une cabalette en style italien
un peu vieillot. Vient ensuite un duo : Daignez, monpère, me conduire
à ce bal... entre Marco Spada et sa fille, morceau de scène bien fait;
puis un petit quatuor qui précède le moment où les personnages vont
se mettre à table, et qui est suffisamment joyeux et gastronomique. Le
quintette qui suit, et dans lequel intervient l'amoureux Fédérici, a plus
d'importance musicale ; il devient sextuor con cori, et il est bien traité
sous le rapport scénique, de l'agencement des voix principales et d'un
chœur de soldats, qui se marie avec énergie aux sons énergiques des
instruments de cuivre et aux effets sobrement calculés du tambour.
Les traits de vocalisation des six interlocuteurs sont bien soutenus par
les notes détachées et syllabiques du chœur. Ce moyen est très-connu,
mais il produit toujours de l'effet.
La petite valse, préface, entr'acte du premier au deuxième acte, est
d'un thème agréable, mais un peu vulgaire par la coda. Au commence-
ment de ce deuxième acte se trouvent deux jolis couplets chantés par
la marquise, qui dit à son adorateur Pepinelli, le militaire :
Vous pouvez soupirer,
Vous pouvez espérer;
Mtis, songez-y bien,
Je n'accorde rien.
Le chant de ces couplets est élégant et coquet, et bien dans la ma-
nière du compositeur. Cette jolie mélodie a enlevé tous les suffrages :
elle n'avait pas moins plu dans Zerline ou la Corbeille d'oranges, où
elle s'était déjà montrée. Si Molière a dit : « Je prends mon bien par-
tout où je le trouve ; » M. Auber peut bien le prendre dans le sien,
dans sa propre bourse, dans son écrin de mélodieux brillants.
Après un bel ensemble pour la présentation de l'amoureux Federici,
neveu du gouverneur, vient la mélodie un peu répétée du moine
quêteur, mais qui est d'un bon caractère religieux, car il demande de
l'argent : c'est inspiré. La noble compagnie, après avoir satisfait aux
demandes du moine, passe dans la salle du bal sur une petite sympho-
nie d'une mélodie élégante et surtout d'une charmante harmonie. L'air
de Marco Spada aux genoux de sa fille évanouie, lorsqu'elle a appris la
profession exceptionnelle de monsieur ; cet air est encore d'une belle et
touchante mélodie, mais beaucoup trop longue pour la situation. L'au-
diteur, quelque mélomane qu'il soit, en écoutant ce bon père chanter
si longement : « Grâce, pardon ma fille ! » est tenté de s'écrier avec
notre bon La Fontaine :
Tire-la d'abord du danger,
Tu feras après ta harangue.
L'ensemble à trois voix sans accompagnement du morceau suivant
est fort bien traité et surtout bien dit, car les interprèles entrent dans
le port de la majeur avec une remarquable précision de justesse qui
fait honneur à leur sentiment musical.
Le chœur des brigands dans les ruines du Colysée a bien le caractère
énergique et féroce voulu ; il contraste heureusement avec les vocalises
d'Angela, qui s'est faite un peu brigante aussi, par la force de l'exemple
paternel, mais pour moraliser, adoucir les habitudes des coquins qui
sont sous les ordres de son père. Il y a bien dans cet ensemble musical
quelques petites réminiscences de F ra Diavolo ; mais c'est un écho
agréable dont le poêle a d'ailleurs donné la réplique au compositeur. A
ce morceau, qui affecte aussi la manière italienne avec vocalises, sous
lesquelles procède le chœur en notes syllabiques, succède un air de la
marquise exprimant bien sa terreur de se trouver en compagnie de
messieurs les brigands, qui lui font contracter ce qu'on pourrait ap-
peler un mariage à la carabine, mariage auquel il ne manque pourtant
pas un beau chant religieux bien dit sur ces paroles consacrées dans
tout opéra :
A la sainte chapelie
Où l'hymen vous appelle, etc.
Après tout ce luxe de musique de scène et vocale, Angéla vient dire
un grand air de prima donna assotula , qui commence par un beau
contabile en sol mineur qui ne monte rien moins qu'au ré, et qui mau-
dit le sort fatal dans une coda énergique et dramatique; c'est un ré-
478
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
sumé de toutes les difficultés, disons-le aussi, de tous les casse-cous de
l'art du chant, ou steeple-chase , course au clocher delà vocalisation.
Un beau trio vient ensuite, morceau dramatique auquel se mêle le
chœur des brigands. Nous engageons les auditeurs qui aiment les effets
d'orchestre scéniques à écouter une jolie partie d'alto sur ces paroles :
Etoigncz-vovs, ne m'interroges pas, et des harmonies vocales distin-
guées et du meilleur effet. Tels sont les riches et peut-être un peu trop
nombreux éléments, avec un chœur énergique de soldats qui la ter-
mine, de cette dernière partition du continuateur de Grétry, d'Héroldet
de Boïeldieu.
Après l'œuvre même de M. Auber, ce qu'il y avait de plus inté-
ressant dans cette représentation, c'était le début de Mlle Caroline Du-
prez à l'Opéra-Comique , après avoir passé par le Théâtre -Italien.
Toutes les formules du madrigal et de la galanterie artistique ont été
épuisées à l'égard de cette jeune et précoce cantatrice. Nous ne nous éver-
tuerons pas à en chercher de nouvelles. Il est certain que Mlle Caroline
Duprez chante d'un bon style, qu'il y a en elle un sentiment musical
dramatique et vrai. Dans la mélodie posée et naturelle, dont il n'est pas
fait abus dans la nouvelle partition, la voix de la jeune débutante arrive
fraîche et vibrante sans affectation à l'oreille de l'auditeur charmé. C'est
surtout dans un morceau des plus brillants, et dont nous n'avons pas
encore parlé, dans une déclaration d'amour en quatre langues : russe,
anglaise, italienne et française, placée au second acte, écrite avec une
exquise coquetterie, que Mlle Duprez a étonné, ravi la salle entière.
Le début de 1a jeune artiste a donc été brillant, bruyant, fleuri ; car il
y a eu bouquet, rappel, etc. Ce triomphe a été justement partagé par
Battaille, qui a joué et chanté Marco Spada en bon comédien et en
excellent chanteur.
Le personnage de la signora marchesa de San Pietri, coquette sédui-
sante, est on ne peut mieux représenté par Mlle Andréa Favel, qui
prouve qu'elle sait passer avec facilité de la bonhomie de la mère Gail-
lard au ton brillant d'une Célimène d'opéra comique. Couderc est chargé
delapartiedu comique distingué à l'Opéra-Comique, etils'acquitte de cet
emploi à la satisfaction générale: il est très-amusant en officier poltron
des soldats du pape, surtout quand il veut absolument jouer du hautbois.
MM. Boulo, Bussine et Carvalho ont fait preuve de talent dans les trois
rôles secondaires dont on les a chargés : le premier, par sa voix ex-
pressive et flatteuse ; le second, par son organe bien timbré, onctueux
dans ses accents religieux; et le troisième par sa bonne diction dans le
personnage du gouverneur de Rome, qui ne montre rien des qualités
brillantes d'un César, d'un Auguste, d'un Jules II, ou même d'un Rienzi.
Henri BLANCHARD.
HECTOR BERLIOZ EH ALLEIAGSE.
Les journaux d'outre-Rhin ne cessent de s'occuper du séjour de Berlioz
en Allemagne et de l'exécution de son Benvtnuto Cellini. Nous emprun-
to ns à l'article de l'un des critiques les plus estimés quelques considéra-
tion s générales sur l'auteur et sur son œuvre.
Hector Berlioz appartient à ces individualités, et il y figure au premier
rang, qui provoquent parmi leurs contemporains des opinions diamétra-
lement opposées; il est tour à tour l'objet du plus ardent enthousiasme et
de la haine la plus implacable. Lors de sa première apparition sur notre
scène, Bmvenuto Cellini, par suite de la nouveauté des conceptions et des
procédés, parut tant soit peu étrange. Le public hésitait devant des formes
avec lesquelles il n'était point familiarisé. Aujourd'hui, cette grande œu-
vre est mieux comprise : avec la nouveauté a disparu cet air d'étrangeté
qui, dès l'abord, avait paralysé les sympathies. Aujourd'hui le voile est
tombé des yeux, les cœurs se sont ouverts et les esprits comprennent et
jouissent.
L'accueil fait à la quatrième représentation de Benvenuto Celliniestxm
acte de justice qui honore ceux qui l'ont exercé, et dont la portée est im-
mense. Tout public devrait tenir à honneur de réformer lui-même un ju-
gement porté avec trop de précipitation, et ne point laisser ce soin àla criti-
que. Si un des adversaires, lors de la représentation de Benvtnuto Cellini,k
Pa ris, s'est montré assez loyal pour déclarer que ce n'était pas trou, mais
dix représentations qu'il faudrait pour mettre l'auditoire à même de por-
ter unjugment équitable; —il faut avouer que Weimar a fait preuve
d'une haute intelligence musicale, puisqu'il ne lui a fallu que quatre au-
ditions pour apprécier cette immense composition qui s'éloigne sous tant
de rapports de tout ce que l'on avait entendu jusque-là. Maintenant la
glace est rompue ; chaque représentation de ce grandiose ensemble et do
ses innombrables beautés de détail se dessinera plus vivement sur l'ho-
rizon ouvert et éclairé.
Pour être juste, il faut dire que ce qui a beaucoup contribué à ce ré-
sultat, ce sont d'heureuses modifications introduites dans l'économie de
la pièce : la fusion du troisième et du quatrième acte en un seul, fait dis-
paraître quelques longueurs et ajoute à l'effet de l'ensemble. A la dernière
représentation, l'auteur s'est résigné à biffer impitoyablement, au qua-
trième acte, un charmant duo quL, à son avis, entravait la marche de
l'action.
L'ouverture place l'auteur au premier rang parmi les musiciens de sa
nation. Depuis Cherubini et Spontini, nul compositeur français n'a pro-
duit une œuvre aussi capitale : elle occupe aujourd'hui le rang que te-
naient autrefois 1 ouverture d'Olympia et celle des Deux Journées. L'ouver-
ture de Cellini a même sur ces deux dernières une supériorité relative,
qui se base sur le progrès de la partie matérielle de l'art et sur la nou-
veauté des formes.
L'ouverture du Carnaval romain, qui sert d'introduction au deuxième
acte, n'est pas moins remarquable. Pour saisir une telle manifestation de
la vie populaire, et la reproduire avec des traits si nets et si fortement
caractérisés, il faut la main d'un homme de génie. Cette ouverture a eu
partout le plus grand succès. A Vienne, on ne manque jamais de la rede-
mander.
Nous ne pouvons aujourd'hui que constater le succès de Tabarin,
opéra en deux actes, joué cette, semaine au Théâtre-Lyrique, et de la
partition écrite par Georges Bousquet pour cet ouvrage.
Le défaut d'espace nous oblige également à remettre au prochain
numéro le compte rendu des concerts de la semaine, parmi lesquels se
distingue l'inauguration de la Société symphonique fondée par M. Far-
renc.
Nous ajournons, par le même motif, la revue des albums de l'année,
et la nécrologie de Rigel, le compositeur pianiste.
,.% Moïse a été donné lundi et vendredi. Dès le premier jour de la se-
maine, Gueymard avait repris le rôle d'Aménophis, et c'est à peine si
l'indisposition grave dont il avait souffert la semaine précédente avait
laissé quelque trace. Morelli et Urne Laborde avaient aussi retrouvé toute
leur santé.
i*.t Le Juif errant, donné mercredi, n'a pas été moins heureux. Tous les
artistes, et Roger en tête, l'ont chanté avec une verve, une plénitude de
voix, dont la belle partition d'Halévy s'est ressentie.
%*x Orfa, le ballet nouveau dont Adolphe Adam a écrit la musique, sera
donné mercredi prochain.
,*„ Le Démon de la nuit , ce charmant ouvrage de liosenhain, va être
repris pour être donné avec le ballet nouveau.
*** Trois représentations consécutives ont confirmé le succès de Marco
Spada. La partition va bientôt paraître chez Meissonnier, l'éditeur de la
Croix de Marie et des Mystères d'UdolpIie.
3% C'est Bussine qui joue actuellement le rôle principal du Père Gaillard,
créé par Battaille.. L'ouvrage ne souffre pas de ce changement, et Bussine,
dont la voix est si belle, a donné une nouvelle preuve de ses progrès,
comme acteur, dans cette entreprise plus difficile qu'une création.
*** Mlle Wertheimber a repris dans Galalhèe le rôle de Pygmalion,
qu'elle n'avait quitté que momentanément pour les débuts de Faure. Ja-
mais elle n'avait chanté avec plus de talent et d'effet qu'à la dernière re-
présentation de cet ouvrage.
»% Dimanche dernier, le Théâtre-Italien donnait une représentation
extraordinaire composée de VElisir d'amore et du troisième acte de la
ïorinambula.
„.*„ La veille avait eu lieu la reprise de Norma, chantée par Mmea So-
phie Cruvelli, Beltramelli ; Bettini et Susini. Cette soirée a été la plus
belle de la saison qui commence. Sophie Cruvelli, qui, dès l'autre saison,
s'était montrée si admirable de voix et de jeu dans le rôle de la prêtresse
d'Irminsul, est parvenue à se surpasser elle-même et à se poser tout à fait
en Malibran. Le rôle. d'Adalgise est très-favorable à Mlle Beltramelli, qui
s'en est acquittée avec un vrai succès. Bettini, lui aussi, a tiré du rôle de
Pollion tout le parti possible : il a eu sa bonne part des bravos chaleureux
que l'auditoire a moins épargnés qu'à l'ordinaire. Susini a bien rempli le
DE PARIS.
479
rôle dJOrovèse. Les deux représentations suivantes du chef-d'œuvre de
Bellini ont confirmé L'effet du premier jour.
,*» Le voyage des. \l. l'Empereur à Compiègne a eu ses moments pour
l'art el les artistes. Dimanche dernier, Vivier avait été invité a venir se
faire entendre au château, ainsi que Roger et Mlle La Grua. Le lendemain
ils ont été engagés à suivre la chasse. Vivier, qui la veille s'était produit
seulement avec son cor magique et dans le genre sérieux, a été retenu le
lundi, et, dans une soirée presque intime, il s'esi ntré sous un autre
aspect, celui de chanteur do charmantes mélodies de sa composition,
d'auteur et d'acteur de quelques scènes bouffonnes qui ont beaucoup
amusé le noble auditoire. Les artistes sont revenus profondément touchés
de l'accueil flatteur qu'ils ont reçu, et dont le charme s'est prolongé au-
tant que leur séjour.
,% Mlle Ida Bertrand vient de contracter un magnifique engagement
pour le printemps prochain, a Vienne, au théâtre de la cour. Mérelli,
l'habile imprésario, de passage à i'aris, a saisi l'occasion d'attacher à
son théâtre ce contralto de premier ordre. Mlle Bertrand se propose de
rester à Paris jusqu'au mois de février. Tous les amateurs qui regrettent
vivement de ne point l'entendre au Théâtre-Italien cet hiver, comme aux
précédentes saisons, espèrent qu'elle reviendra prendre une place qu'elle
occupait si bien, et qui lui a valu de si beaux et de si légitimes succès.
»% De quelques lignes oubliées dans le compte rendu de la séance du
Conservatoire, que contenait notre dernier numéro, il est résulté que le
morceau de Thalberg, exécuté par les deux jeunes pianistes, M. Bizet et
Mlle Colin, a été passé sous silence. Nous réparons cette omission fortuite
d'autant plus volontiers, que les deux jeunes artistes sont aussi remar-
quables par la netteté de leur exécution que par la distinction de leur
style. Le jeune Bizet a eu l'avantage déjouer, quelques jours plus tard,
chez 11. de Nieuwerkerke, avec les deux violonistes lauréats, Lancien et
Viault jeune.
»% Notre savant collaborateur, M. Fétis père, vient de passer quelques
jours à Paris. Il y a terminé la série de ses articles si profonds et si inté-
ressants sur le développement futur de la musique dans le domaine du
rhythme.
*** L'Alboni est sur le point de quitter le nord des États-Unis pour se
diriger vers le sud.
„% rrudent vient de donner à Bordeaux son premier concert, qui a été
triomphal du commencement jusqu'à la fin. Toute la haute société s'y
était rendue, et l'enthousiasme a été prodigieux. Les journaux de la
ville sont remplis de jugements pleins de justesse sur l'admirable talent du
compositeur et du pianiste. Mardi dernier, Prudent a dû donner un second
concert et il est encore retenu pour trois autres.
„*» Vieuxtemps donnera son second concert demain lundi, 27 décembre,
dans la salle llerz, à huit heures du soir. Il y fera entendre une seconde
fois son magnifique concerto inédit. Voici le programme complet :
Pnmiere partie. — 1. Ouverture d'Otello à grand orchestre, de Bossini. —
2. il Sospiro, de Donizetti, chanté par Mme Brùning. — 3. Solitude,
romance sans paroles ; les Hirondelles, composées et exécutées par Ascher.
— U. Grand concerto en ré mineur, de Vieuxtemps, pour violon, manus-
crit, exécuté par l'auteur. — Introduzione; Adagio religioso; Scherzo;
Allegro finale. — Deuzieme partie. — 1. La Danse des Fées pour la harpe,
exécutée par Miss Kennedy, composée par P.irish Alvars. — 2. Solovey
(le Roïsiynut), chansonnette russe, de Vieuxtemps; Perpetuum mobile, de
Paganini, exécutées par Vieuxtemps. — 3. Les Gouttes d'eau, danse espa-
gnole, par Ascher. — k. Chansons autrichiennes, de Muller, chantées par
Mme Brùning. — 5. Bomance sans paroles; Tarentelle, de Vieuxtemps,
exécutées par l'auteur. — L'orchestre sera dirigé par M. Georges Bousquet.
t% M. Uaberbier donnera demain lundi, dans la salle Sainte-Cécile, à
huit heures du soir, son grand concert vocal et instrumental. II fera en-
tendre l'ouverture de Guillaume Tell et plusieuis autres morceaux de sa
composition.
*** La jeune et célèbre pianiste, Mlle Wilhelmine Clauss, donnera un
concert le 1 1 janvier prochain dans la salle lierz. Les brillants souvenirs
de ses concerts de l'autre saison sont une garantie plus que suffisante du
succès qu'obtiendra celui-ci.
»% Jeudi dernier, s'est célébré, en l'église Saint-André, le mariage de
M. Adolphe Fumagalli, pianiste compositeur, avec Mlle Anna Bonoldi, fille
du professeur de chant et compositeur de ce nom.
t% Mlle Elisa Krinitz, l'excellente pianiste, esta Paris en ce moment.
„*„ Gottschalk, le célèbre pianiste, est revenu d'Espagne , où il a
fait un séjour de près d'une année ; mais, à peine de retour à Paris, il
s'est remis en route pour un voyage transatlantique. Il se rend à la Nou-
velle-Orléans, sur l'invitation de ses compatriotes, qui lui ont organisé
plusieurs concerts par souscription. Le premier concert est, dit-on, assuré
pour cinquante-cinq mille francs. Gottschalk pourra bien rester en Amé-
rique aussi longtemps qu'en Espagne.
*** Si j'étuis roi, le nouvel opéra d'Adolphe Adam, vient d'être repré-
senté à Dunkerque et à fteims, où il a obtenu un très-grand succès.
*% Pour sa réception à l'Académie des sciences et beaux-arts de Lyon,
Georges llainl a prononcé un discours fort remaquable. Nous regrettons
que les dimensions de ce journnl nous empêchent de le reproduire.
*** Sivori est arrivé à Paris et donnera bientôt un concert. Ce violo-
loniste si extraordinaire est du petit nombre d'artistes qui n'ont besoin
d'autre recommandation et d'autre éloge que leur nom.
**.,, M. Oberthur, harpiste fort distingué de Londres, est arrivé à Paris.
»** Mme Kalkbrenner, veuve du célèbre pianiste compositeur de ce nom,
vient de mourii a l'âge de cinquantè-deuj ai i d unanime ri -
grets. On se rappelle qu'elle était fille d'une Grecqu lu général d'És-
talng, qui avail fait la campagne d'Egypte, el qui fut tué en duelpar le gé-
néral Régnier, après sou retour en France. Mlle d'Estaiog, remarquable
alors par sa beauté, fut élevée à Saint-Denis, où, à la mort de son père,
elle avait été placée par l'Empereur.
»** M. Aug. Al. Klengel, organiste de la cour, vient de mourir à Dresde:
c'était un artiste d'une certaine valeur et qui a écrit des compositions es-
timées pour l'orgue. M. Klengel, né en 1783, était élève de Clémenti.
CRON1QUE DÉPARTEMENTALE.
„*„ Tloum, 20 décembre. —Le concert des crèches donné sur le théâtre
des Arts a dépassé toutes les espérances. MM. Maudrin, l'excellent violo-
niste, Alexis Dupond, Aille Félix Miolan et Sainte-Foy, de l'Opéra-Comique,
Verroust, un jeune pianiste, M. Ketterer, Mme Engelmann, ont concouru
â la fête, qui a dû être aussi productive qu'intéressante. Ce qui a surtout
fait plaisir, c'est la charmante romance du dernier album de M. Dassier:
l'our les pauvres, merci! délicieusement chantée par Mlle Miolan.
*** Strasbourg, 16 décembre. —Un brillant concert a été donné hier
au profit de l'association des artistes musiciens, avec le concours de l'or-
chestre du théâtre. M. Schwœderlé, Mme Montaubry, M. Séienick,
M. liomanville, l'excellent comique, ont eu les honneurs de la première
partie. Après un assez long entr'acte, le rideau s'est levé, et un spectacle
magnifique et imposant s'est présenté à l'œil. Deux cents musiciens, dans
une parfaite tenue militaire, couvraient la scène, qui avait pris l'aspect
d'un vaste camp ; sur le devant, et comme pour servir d'encadrement, se
trouvaient les sapeurs, immobiles, en grande tenue ; sur chaque côté
flottait une masse de petits drapeaux tricolores ; derrière les musiciens et
les tambours s'échelonnaient, sur des gradins, plusieurs rangs d'artilleurs
et de cuirassiers que l'on aurait pu croire à cheval, à la manière ingé-
nieuse dont ils étaient groupés. Dans le fond, et pour compléter le ta-
bleau, planait un aigle immense aux ailes déployéas. Aussitôt, le formi-
dable orchestre a entonné ,1'ouverture du Lac des Fées, qui a été enlevé
avec une précision remarquable. MM. les chefs de musique des différents
régiments en garnison à Strasbourg ont bien voulu tour â tour diriger ces
masses d'instrumentistes et de chanteurs ; c'est ainsi que nous avons vu
se succéder au pupitre de direction MM. Bancard, du 17e léger ; Kuntz,
du 62e de ligne; Mouix, Péligry et Morand, des 1,1e, 12 et 13' d'artillerie.
Les morceaux qui nous ont le plus vivement impressionné dans cette se-
conde partie, sont sans contredit : le Souvenir du 10 mai 4852, par Adam ;
cette composition, d'un style large et d'un beau caractère religieux, a été
exécutée avec un ensemble parfait : nous mentionnerons aussi le pas re-
doublé portant le titre de Camp de Saiory, vrai type de la musique mili-
taire française, et enfin, le chœur des Enfants de Paris, qui a été enlevé
avec verve et chaleur, et a excité d'unanimes applaudissements. M. Bo-
manville, qui a tout à coup reparu sur la scène, transformé en sapeur,
a eu un succès de fou rire bien mérité dans sa chansonnette du sapeur-
troubadour.
*** Alger. — Le 12 décembre, à l'occasion de l'inauguration du buste
de l'empereur Napoléon I", il a été exécuté au jardin de Marengo une
cantate dont les paroles sont d'un officier de l'empire, M. Descous, et la
musique, de M. le baron Bron, de qui la Gazelle musicale a eu plusieurs fois
occasion de signaler les succès. Cette œuvre importante, qui se compose
de neuf morceaux : duos, trios ou chœurs, a valu à son auteur les éloges
les plus justement mérités. — Les travaux de construction du nouveau
théâtre d'Alger sont poussés activement. La construction proprement dite
est achevée ; elle a un caractère monumental, et déjà l'on peut apprécier
le bel effet que la façade produira. Le pérsityle est d'une dimension con-
venable. Les dégagements sont simples et commodes. Il y aura deux
foyers, l'un placé au premier étage, vaste et spacieux et d'où l'on jouira
de la vue et de la brise de la mer; l'autre ménagé à l'étage supérieur, et
spécialement réservé aux fumeurs : concession intelligente à des habitu-
des toutes locales. L'intérieur présente quatre rangées de loges. La dis-
tribution du parterre, des stalles, de l'orchestre et de la scène est bien
entendue.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
**,,. Vienne, 15 novembre. — Le Prophète, qui en est à sa 72' représen-
tation, n'a point cessé d'attirer la foule.
t\ Pesth. — C'est un véritable événement dans notre monde musical
que la première représentation des Huguenots au Théâtre-National hon-
grois. L'effet a été prodigieux : le chef-d'œuvre, transporté sur le sol étran-
ger, y a été accueilli avec une admiration enthousiaste ; l'homme de génie
qui a créé Robert et le Prophète vient d'obtenir chez nous un triomphe
inouï dans les annales de notre théâtre. Il est vrai que la direction n'avait
reculé devant aucun sacrifice. L'orchestre a soutenu sa réputation en
rendant avec autant de verve que de précision les passages les plus diffi-
ciles. Les chœurs ont droit aux mêmes éloges. La mise en scène ne laisse
rien à désirer. Le libretto a été traduit par un littérateur hongrois de ta-
lent, M. L. Hadasky. Quant à l'exécution, Mme Hasselt-Bart est une ma-
gnifique Valentine; nous devons signaler la pureté avec laquelle cette ar-
tiste prononce le hongrois, qu'elle a appris en peu de remps. M. Young ,
du théâtre de Mecklenbourg-Schwerin, a électrisé la salle dans le rôle de
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REVUE ET GAZETTE MUSICALE DE PARIS.
Raoul. M. Young est connu ici de longue date ; il occupe sans contredit
une place éminente parmi les ténors du jour, et dans le nombre on en
trouverait fort peu qui joignent un aussi bel organe aux avantages ex-
térieurs. Chaque soir, il a été rappelé plus de dix fois", quatre fois dans le
fameux duo. A côté de M. Young , on a applaudi M. Loesseghi , Hongrois,
quia parfaitement rendu le rôle de Marcel. Les Huguenots sont donnés deux
fois par semaine, l'affluence étant toujours telle, que les loges et les stalles
se vendent à des prix excessifs. — Mme de Versey a fait présent de la
harpe de Marie-Antoinette au Musée national de Pesth. Le grand-père de
M. de Versey, M. Thomas Prescott, Anglais d'origine , avait acquis cette
précieuse relique à une vente.
„,% Dresde, 2 novembre. — Le Pestillon e Longjumeau nous est revenu
après six ans d'absence. Cet opéra d'Adam, si riche en motifs heureux, et
dont la musique estécrite avec tant de grâce et de finesse, a reçu un accueil
qui nous fait espérer que l'on se décidera enfin à revenir à l'opéra-comi-
que, ce genre négligé depuis quelque temps chez nous. — Une attaque
d'apoplexie vient d'emporter, en huit jours, Mlle Mathilde Vibrans, can-
tatrice attachée à l'Opéra-Iîoyal. Cette jeune artiste, qui venait de signer
un engagement très-avantageux, possédait une fort belle voix et avait
devant elle le plus brillant avenir.
„% Berlin , lï décembre. — Le suicide d'une cantatrice de l'Opéra-Ita-
lien est le sujet de toutes les conversations. La signora Carra était mé-
lancolique et triste depuis quelque temps. Comme le directeur de son
théâtre ne payait pas toujours exactement, on supposa qu'elle éprouvait
un embarras pécuniaire. Mme R..., artiste de la troupe allemande, orga-
nisa pour elle une collecte, et se rendit chez elle pour lui en offrir le pro-
duit d'une manière délicate; mais la cantatrice refusa, en disant qu'elle
n'avait pas de dettes, mais un chagrin de cœur. Le même soir, elle se préci-
pita par la fenêtre de sa demeure dans la rue, et mourut après plusieurs
heures de souffrances. Elle laisse un charmant enfant, qui n'a pas encore
trois ans.
„% Milan, 15 décembre. — Les représentations de la troupe française,
dirigée par M. Menadier, et qui ont lieu au théâtre de Santa-Radegonda,
jouissent de la plus grande faveur. La foule s'y porte continuellement.
Deux chanteurs, l'un français, M. Éverard, l'autre espagnol, M. Carreon,
viennent de débuter avec succès.
„,% Venise. — Les huit théâtres de cette ville s'ouvriront simultanément
le dimanche 26 décembre. A celui de San Benedetto débutera une toute
jeune cantatrice, Mlle Donzelli, fille du célèbre artiste de ce nom, élève
d'abord de Zucchini, puis de Rossini. On assure que l'illustre compositeur
viendra de Bologne pour assister aux débuts de Mlle Donzelli, dont la voix
est d'une étendue tout à fait extraordinaire.
Le gérant : Ernest DESCHAMPS.
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