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Full text of "Revue et gazette musicale de Paris"

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in  2010  with  funding  from 

University  of  Toronto 


http://www.archive.org/details/revueetgazettemu1852pari 


REVUE 


ET 


GAZETTE    MUSICALE 


DE   PARIS. 


REVUE 


ET 


GAZETTE    MUSICALE 


DE   PARIS 

RÉDIGÉE    PAU    MESSIEURS 

AD.  ADAM, 

DUESBERG, 

J.  MAUREL, 

ANDERS, 

FÉTIS  père, 

AMÉDÉE  MÉREAUX, 

BENEDIGT, 

EDOUARD  FÉTIS, 

ED.  MONNAIS, 

HECTOR  BERLIOZ, 

GRUNEISEN, 

AUG.  MOREL, 

HENRI  BLANCHARD, 

STEPHEN  HELLER, 

Le  Prince  DE  LA  MOSKOWA 

MAURICE  BOURGES, 

GUSTAVE  HÉQUET, 

.1.  D'ORTIGUE, 

GEORGES  BOUSQUET, 

JULES  JANIN, 

L.  RELLSTAB, 

DAMKE, 

KASTNER, 

PAUL  SMITH, 

DAVISON, 

L.  KREUTZER, 

SYLVAIN  SAINT-ETIENNE. 

ERNEST  DESCHAMPS, 

ADRIEN  DE  LA  FAGE, 

DIX-NEUVIÈME  ANNÉE. 


I8S2. 


PARIS, 


AU  BUREAU  DU  JOl'R\i],,    I,  BOULBVART  DF.S   ITALIENS. 

1852. 


CuùLu^  Ch>>  fy-rr^K 


TABLE  ALPHABÉTIQUE  DES  MATIÈRES. 


Académie  des  Benux-Arlt. 

Médaille  de  500  fr.  offerte  à l'aufe'ur  des  paroles  de 

la  cantate  choisie  pour  le  concours  de  composition 

musicale.  —  Cnncours  préparatoire  de  composition 

musicale,  23. 
Rappel   de  la  médaille  de  500  fr.  —  Concours  de 

composition  musicale  pour  1852,  174. 
Choix  des  six  concurrents  au  grand  prix,  198. 
Entrée  en  loge  des  six  concurrents  au  grand  prix,  245, 
Jugement  de  l'Académie  pour  le  prix  de  composilion 

musicale,  263. 
Séance  annuelle.  —  DMribution  des  prix,  art.  signé 

P.  S.,  335. 
Institut  national    de   France,    séance  annuelle    des 

cinq  acidémins.  —  Notice  sur  Thomas  Biitlon,  par 

F.  Ihlévy,  365. 

Association*. 

ARTISTES  DRAMATIQUES. 
Audience  du  ministre  de  l'intérieur,  46. 
Bal  de  l'Association,  a  l'Opéra-Comique,  64. 
Assemblée  générale.  —  Rapport.  —  Renouvellement 
du  comité,  134. 

ARTISTES  MUSICIENS. 
Concert  de  l'Association,  68. 
Nomination  d'un  membre  du  comité,  78. 
Concertsde  l'Association,  93,  122,  148. 
Assemblée    générale,    nomination     du    comité.   — 

Lecture  du  rapport.  465. 
Séance  du  comité,  181. 
Messs  de  Sainte-Cécile,  par  l'Association,  404. 

ARTISTES  PEINTRES. 
Exposition  à",  tableaux  au  bazar  Bonne-Nouvelle,  39. 
Séance  générale,  143. 

AUTEURS  DRAMATIQUES. 
Audience  du  Prince-Prési  lent,  54. 
Séance  annuelle,  lecture  de  deux  rapports,  150. 

INVENTEURS   ET  ARTISTES   INDUSTRIELS. 

Assemblée  générale,  nomination  du  comi  é,  174. 

Audition»)  musicales  a  Paris. 

(Voyez  aussi  concerts  et  matinées  musicale'.) 

M.  Paul  Henrion.  -  M.  R»ichel.  —  MM.  Fumagdli, 
Perrelli,  Bono'di  et  Méhul.  —  M.  Giuliani,  art. 
d'Henri  B  anchard,  5. 

M  et  Mme  Malibran.  —  M.  et  Mme  Massart.  — 
M.  et  Mme  Mutel.  —  M.  Marmonlel.  —  M.  de  Bé- 
riot.  —  Mme  de  Mandeville  et  M.  Doozan.  — 
M.  G'uffé,  art.  d'Henri  Blanchard   Su. 

M.  Lernmens.  — Société  philharmonique  «'e  Paris. — 
Mme  Farrenc,  M  le  Mit'mannet  M.  G'ierreau. — 
Les  derniers  quituors  de  Beethoven  et  M.  Maurin, 
au  Cerc'e  de  la  librairie.  —  M.  Rose  Ien,  art. 
d'Henri  Blanchard,  68. 

Quatrième  séance  de  MM.  Alard  et  Franchomnr.  — 
Quatrième  concert  de  la  Société  Sainte-Cécile.— 
M.  E'nst.— Œuvre  de  la  Miséricorde.— Mlles  Char- 
lotte de  Malleville,  Joséphine  Martin,  Wilheltnine 
Claies.  MM.  A-cher,  F.irgues  et  Fumagàlli.  — 
M.  Emile  Rigaault.  —  M  Georges  Bo  isquët.  — 
M.  L«mmens,  ar'.  d'Henri  Blmchard,  75. 

Mlles  Rachel  et  Mira.  —  MM.  Erard  et  Thalberg.  — 
M.  Lé.ipold  de  Meyer.  —  M.  Curci  —  Le  Cercle 
musical  et  littéraire.  —  L?s  jeunes  Llorens  — 
M.  L.  Reynier.  —  M.  Staraaty.  —  Mie  Juliette  Dil- 
lon.— M.  Reichel  —M.  Lémmens.— M.  et  Mme  Léo- 
nard, art.  d'H-nri  B  anchard,  82. 

Soeiété  Sainte-Cécile.  —  Mlle  de  Malleville.  — 
MM.  Alard,  Franchomme  et  Bessems.  -Mlle  Clanss. 

—  Mlle  Zélina  Vaiitier  et  M.  Stamaty.  —M.  Col- 
blain,  art.  d'Hen  i  Blanchard,  92. 

M.  Dorval  Valéntino.  —  M.  Antonin  Gùillot.  — 
Mlle  Bontems.  —  Cercle  musical  et  littéraire.  — 
Mlle  Marie  Ducrest.— Mile  de  Courcelles.—  Mlle  de 
Landi.  —  M.  Léopo'd  Amat.  —  L'Œuvre  des  F'au- 
bourgs.  —  M1!.  Kruger  et  Tellefsen.  —  M.  Codine. 

—  Mlle  Blève.  —  M.  Stamaly.  —  M.  Forgues.  — 
Mlle  Dillon.  —  M.  B-zzini.  —  M  et  Mme  Deloffre 
et  M.  Pilct.  —  Le  petit  Paul-Julien.  —  M.  Ron- 
cberay  et  Mlle  Graêver,  art.  d'Henri  B'anchard,  98. 

M.  Beaulieu.  —  M.  et  Mme  Lel'ébure-Wély.  —  M. 
et  Mme  Lagarin.  —  M.  Tellef-en.  —  M.  Goria.  — 
Mme  Coliu-Neumann.  M.  Montuoro.  —  Mlle  de 
Malleville.  —  Mme  Taccani-Tasca.  —  M   Gouft'é. 

—  Société  Sainte  Ceci!--.  —  M.  Hermann.  — 
M.  Van  Gelder.  —  Mme  Lucci  Siev.rs,  art. 
d'Henri  Blanchard,  105. 

M.  Max-Meyer.  —   Mlle  Hersilie  Rony. —  M.  Hr, 


AUDITIONS   MUSICALES. 

herbier.  —  Mlle  Louise  Maltmann.  —  Société 
Sainte-Cécile.  —  M.  Gustave  Péronnet ,  art. 
d'Henri  Blanchard,  113. 

M.  Visconti.  —Mlle  de  Malleville.  —  MM.  Le  Cou- 
pey  et  Stama'.y.  —  Société  des  Saints-Anges  et  So  • 
ciété  générale  des  Crèches.  —  Mme  Elvira  Pe  Ic- 
monte.  —  M.  Emile  Albert.  —  Association  des 
artistes  musiciens.  —  MM.  Cibra  et  Caceres,  art. 
d'Henri  Blanchard,  122. 

Mme  Farrenc.  —  Mme  Claire  Hénelle. — Mile  J. 
Martin.  —Mlle  Louise Mattmann.  —  Mlle  Graever. 

—  Cercle  musical  et  littéraire.  —  Mme  Launer- 
Manéra.  —M  le  Eugénie  de  Rosa.  —  Mlle  Gras.  — 
Mme  Gaveaiix-Sabdier  et  Mme  Roger  de  Beiuvoir. 
MM.  Lamaznu,  Lefort,  Fumagàlli,  Léopnld  de 
Meyer.  —  M.  Delsarte,  Mlle  Riche!  et  Mme  la 
comtesse  de  Kalergi.  —  The  doctorLarduer. — 
M.  H.  Rosellen,  art.  d'Henri  B  anchard,  132. 

M.  Offenbach.  —  M.  Mulder.  —  MM.  Cavallo  et 
Viret.  —  M.  Stamaly.  —  Société  philharmonique  de 
Saint-Germain  et  Mme  Molidoff.  —  M.  Géraidi.  — 
M.  Luidgi  Elena.  —  M.  Schlnsser.  —  M.  E.  de  Har- 
tog.  -  Le  jeune  Lotto,  art.  d'Henri  Blanchard,  140. 

M.  S  amaty.  —  M.  Hiberbier.  —  MM.  Bazzini  et 
Dancla.  —  Mme  de  Grandval. — Galin-Paris-Cbevé. 

—  Association  des  artistes  musiciens,  art.  d'Henri 
Blanchard,  148. 

Audition  A'Abufar,  opéra  de  M.  Léopold  Aimon, 
art.  d'Henri  Blanchard,  331. 

Les  derniers  quatuors  de  Beedioven,  par  MM. Mau- 
rin, Sabattier,  Mas  et  Chevillant.  —  Mme  Far- 
renc. —  M.  Ch.  Dmcla.  —  M.  N.  Louis,  art. 
d  H^nri  Blanchard,  405. 

Société  des  Enfants  d'Apollon.  —  Sociélé  phi  har- 
monique de  Paris,  art.  d'Henri  Banchard,  451. 

Séances  des  derniers  quatuors  de  Beethoven,  par 
MM.  Maurin,  Stbattier,  Mas  et  Chevillard,  art. 
d'Henri  Blanchard,  467. 

B 
Biographies. 

Mlle  Johann  a  Wagner,  art.  signé  J.  R.,  11. 

Le  jeune  Frédéric  Gernshein,  44. 

Un  S  njv-mir  à  la  mémoire  d'Alizard,  art.  d'Adrien 
de  La  Fage,  52. 

Vivier,  art.  d'Adolphe  Adam  (emprunté  à  l'As- 
semblée nationale),  1 17. 

Richard  Wagner,  art.  de  Féiis,  185. 

Martini  (Il  Tedesco),  art.  de  Paul  Smith,  196. 

Raimondi,  art  de  Fétis,  334. 

Thomas  Britton,  par  F.  Halévy,  365. 


Concerts  a  Paris. 

(Voyez  aussi  Auditions  et  Matinée.*  musicales.  — 
Pour  les  concerts  des  départements  et  de  l'Etranger, 
Voyez  DÉPARTEMENTS  ET   ÉTRANGER.) 

Société  Sainte -Cécile,  art.  d'Henri  Blanchard,  11. 

Henri  Herz.  — Ernst.  —  Max-Meye,r.  —  Perelli.  — 
Mutel,  art.  d'Henri  Blanchard,  19. 

S)ciélé  des  concerts  du  Conservatoire,  22. 

S  iciélé  Saiite-C°c'le  et  autres  séances  musicales  , 
art.  d'Henri  Blanchard,  25. 

Mlle  Ritterde  Corcelles,  31. 

Mlle  Madeleine  Graever. —  Cercle  mu-ical  et  littéraire 
de  Pari-;.  —  Mlle  Louise  Maltmann,  art.  d'Henri 
Blanchard.  36. 

Mme  Roubaud  de  Cournand,  art.  signé  R.,  37. 

Société  Sainte-Cécile.  —  Musique  de  chambre:  Alard 
et  Franchomme.  —  Mlle  Clàuss.  —  Ernst.  —  M.  et 
Mme  De  offie.  —  Mme  C  o'ilde  Lhote.  — Société 
philharmonique,  art.  d'Henri  B'anchard,  42. 

Société  d  s  concerts  du  Conservatoire,  46. 

Société  Sainte-C"c  le. —  MM.  Alard  et  Franchomme. 
—  La  loge  maçonnique  des  Frères  -  Unis.  — 
Mlle  Charlotte  de  Mallevi  le.  —  Mlle  Joséphine 
Hugot.  —  L'Œuvre  des  Familles.  —  Mlle  Virginie 
Lenormand. —  M.  Gennaro  Perrel  i. —  M.  Erard.  — 
M  Roger  et.  Mlle  Clauss,jart.  d'Henri  B  anchard,  58. 

Concert  de  l'Association  d^s  arti-tes  musiciens,  6S. 

Concert  de  l'Association  de;  artistes  mu-miens,  art. 
d'H-nri  Blanchard,  93. 

Conc-rt  donné  par  la  Société  de  bienfaisance  alle- 
mande.—  Mme  de  Kalergi. — Mlle  Clauss,  a't. 
d  Henri  Blanchard,,  4 06. 

Concert  de  l'Association  des  artis'es  industriels,!  18. 

Concert-défi  de  M.  Corail,  118. 

Dernier  concert  danaé  par  l'Association  des  artistes 
musicien-,  art.  signé  R.,  149. 

Deux  Échos.  —  Mlle  Fréry.  —  M.  Haberbier,  art. 
d'Henri  Blanchard,  156. 

Concert  au  Jardin  d'Hiver  au  profit  des  familles  né- 
cessi'euses,  181. 


CONCEBTS  A  PABIS. 

Société  libre  des  beaux-arts,  art.  d'Henri  Blanchard, 

496. 
Séance  de    quinte'ti    arrangés  pour    instruments  à 

vent,  222. 
Concert  au  profit  des  indigents,  à  Neuilly,  238. 
Concert  d'harmonie  sur  la  place  de  la  Concorde,  à 

l'occasion  de  la  fête  du  1o  août,  278. 
Concert  donné  par  Duprez  à  l'Ile  Adam,  au  bénéfice 

des  pauvres,  292. 
Séance  mu-icale  donnée  par  M.  Ferdinand  Hiller,  art. 

d'Henri  Blanchard,  386. 
Concert  de  Vieuxlemps.  —  Premier  concert  de  la 

Société  Sainte-Cécile,  art.  d'Henri  Blanchard,  466. 
Concert  de  la  Société  des  concerts  de  Berlin,  474. 

Conservatoire   de   musique   et  de 
déclamation . 

Exercice  des  élèves  :  Ouverture,  par  M.  Jonas.  — 
Les  Folies  amoureuses.  —  Jean  de  Paris,  art.  si- 
gné P.  S.,  78. 

Exercice  des  élèves  :  le  Jeu  de  l'Amour  et  du  Hasard. 

—  L'Irato,  art.  6)gné  P.  S.,  164. 
Examens  semestriels,  190. 

Exercice  des  élèves  :  les  Précieuses  ridicules.  — 
Joconde,  art.  signé  P.  S.,  213. 

Entrée  en  loge  pour  les  concours  à  hais-clos,  238. 

Concours  annuels  :  Harmonie.  —  Etoiles  de  cla- 
vier. —  Harpe.  —  Contre-basse.  —  Harmonie  et 
accompagnement  pratique,  247. 

Suite  des  concours  :  Orgue.  —  Contrepoint  et  fugue. 

—  Solfège.  —  Piano.  —  Violon.  —  Violoncede. 

—  Chant,  251. 

Suite  des  concours  :  Opéra-Comique.  —  Grand- 
Opéra.  —  Cor  à  p;s'ons.  —  Basson.  —  Clarinette. 

—  Trombone. —  Hautbois.—  Trompette.  —  Fiûle. 
Cor,  art.  s-gné  P.  S.,  262. 

Réouverture  des  classes  et  de  la  bibliothèque,  331. 
Séance  annuelle  :   Distribution  des  pr.x,  art.  signé 
P.  S.,  465. 

D 

Départements. 

THEATRES,  CONCERTS,  NOUVELLES 
MUSICALES,  ETC. 

Abbeville.  Inaug  iration  de  la  statue  de  Lesueur, 
art.  signé  P.  S.,  266.— DeLagrave,  dsnsLuci'e,  408. 

Alger.  Concert  de  Séligmann,  95.  — Cantate  com- 
posée par  M.  le  baron  de  Bron,  à  l'occasion  de 
h  proclamation  de  l'Empire,  479. 

Amiens.  Cmcert  au  profit  des  pauvres,  94.  —Dernier 
concert  de  la  Société  philharmonique,  avec  le  con- 
cours de  Mlle  Caroline  Duprez  et  d'Alard.  —  Ré- 
capitulation de  la  saison,  158. 

Angeiis.  Les  deux  Sergents,  opéra  de  N.  Louis,  88. 

Arras.  Concert  de  la  Société  philharmonique,  143. 

Bagnères-de-Luchon.  Concert  deJMlle  Guenée,  294. 

Bordeaux.  Société  Sainte-Cécile.  —  Souscription 
au  monument  de  Weber,  63.  —  Concert  de  la  So- 
ciété Saint-'-Cécile,  95.  —  Concert,  de  la  Société 
philharm  .nique.  —  M.  et  Mme  Léonard,  143.  — 
Mlle  E.  Datihauser,  dans  Rose-de-Mai  du  Val  d'An- 
dorre, 215.  —  Concert  d  Emile  Prudent,  479. 

Boulogne  sur-Mer.  Concert  de  la  Société  philhar- 
monique, 23.  —  Concert  au  profit  des  pauvres, 
93.  —  Concert  ou  bénéfice  des  pauvres,  412.  — 
Cmcertde  la  Société  philharmonique,  263.  —  Con- 
cert de  la  Société  philharmonique.  —  Bazzini,  287. 

—  Concert  de  la  Société  philharmonique.  — Mlle 
Caroline  Duprez,  294.  —  Concert  de  la  Société 
philharmonique.  —  Mlle  Nau,  372.  —  Concert  de 
la  Société  philharmonique,  399. 

Carcassonne.  Sociéé  philharmonique.  —  Le  Désert. 
Le  Stabat,  112.  —  Concert  de  l'Ecole  de  chant. 

—  Le  Stabat,  127.  —  3e  concert  de  la  Société 
philharmonique,  199. 

CoupiÈgne.  Concert  en  présence  de  l'Empereur,  479. 

Dieppe.  Concerls  pendant  la  saison  des  baios:  or- 
chestre de  Dusbcldoif.  —  Vieuxtemps.  —  Mlle 
Graevr,  279. 

Douai.  Fête  musicale  en  l'honneur  de  M.  Bra,  95. 

FtLLETiN.  Prêt-  nli'>n  d'avoir  vu  naître  Quinault,  39. 

La  Rochelle.  Concert  par  la  famille  Martin.  —  Soi- 
rées. —  Concers  de  ta  Société  philharmonique, 
127.  —  Saison  des  bains.  —  Mile  Joséphine  Mar- 
tin. 308. 

Lille.  Concert  de  Bazzini,  28.  —  Correspondance  : 
l-  Prophète,  62.—  Octave,  dans  le  Prophète,  70. — 
Association  musicale,  119.  —  Salie  de  concerts  il 
Wazemmes,  182.  —  Concours  de  chant  d'ensemble, 
art.  signé  G.,  215.  —  Cantate  à  l'occasion  de  la 
proclamation  de  l'Empire,  464. 

Limoges.  La  Fée  aux  Roses,  5  i.  —  Fêtes  musicales 
de  l'Ouest,  229.  L 


départements  (Théâtres,  Concerts,  etc.). 

Lons-le-Saulnier. Concert  chez  M.  deGrimaldi,|308. 

Lyon.  Reprise  de  l'Ambassadrice,  47.  —  Le  Pro- 
phète. —  Répertoire  de  l'Opéra  Comique.  —  Con- 
cert annuel  de  Georges  Hainl,  126.  —  Concert  de 
H.  Léopold  de  Meyer,  199.  —  Début  de  Mme  Ca- 
bel,  278.  —  Grand  concert  militaire,  331.  —  Ma- 
delon.  —  Mme  Cabel.  —  Duprat,  dans  le  Prophète, 
371 .  —  Concert  d'Ernst,  408.  —  Réceplion  de 
Georges  Hainl  à  l'Académie  des  sciences  et  beaux 
arts,  479. 

Marseille.  Reprise  de  Joseph,  47.  —  Giralda.  — 
Mme  Charton,  88.  —  Concert  annuel  de  l'Associa- 
tion des  artistes  musiciens,  95.  —  Octave,  dans  les 
Huguenots,  143. —  Mlle  Heinefetter  et  Octave,  dans 
le  Prophète,  158. —  Mme  Charton,  dans  Bertba  du 
Prophète,  174.  —  Concert  des  sœurs  Ft-rni,  182. 

—  Correspondance  :  représentations  de  la  troupe 
i'alienne.  —  M.  Cavallini.  —  Formalion  de  la 
troupe  française,  269.  —  Distribution  des  prix  aux 
élèves  du  Conservatoire,  324.  —  Correspondance  : 
détails  sur  les  débuts  de  la  troupe.  —  Nomination 
d'Auguste  Marel  à  la  direction  du  Conservatoire, 
en  remplacement  de  M.  Barsotti,  390.  —  Le  Pro- 
phète, 455.  —  Concert  de  M.  F.  Giraud,  471 . 

Meaux.  Cuncours  d'orphéons  et  de  musique  d'har- 
monie, art.  signé  A.  Z  ,  219. 
Nancy.  Concert  de  la  Société  philharmonique,  119. 

—  Qualuors  et  quintettes  arrangés  pour  instru- 
ments à  vent,  par  M.  Bousquier,  174.  —  Hermann- 
Léon,  dans  les  Mousquetaires,  199.  —  Société  de 
musique  religieuse  :  concours,  238.  —  Concerts  de 
Bjzzini,  341. 

Nantes.  Concerts  de  MM.  Léon  Lecieux  et  Richard 
Mulder,  39.  —  Concerts  des  mêmes,  54.  —  Détails 
et  réflexions  à  propos  du  Conservatoire,  215. 

Nevers.  Concert  de  MM.  Emile  Prudent  et  Léopold 
Amat,  463. 

Nîmes.  Adieux  de  la  troupe  d'opéra.  —  Mme  La- 
font,  dans  le  Prophète,  206. 

Niort.  Messe  de  M.  Eug.  Delavault,  31. 

Orléans.  Concert  de  M.  Ernst,  31. 

Reims.  Concerts  de  M.  Bazzini,  222. 

Rouen.  Messe  de  Weble,  7.  —  Fête  annuelle  au 
profit  des  Crèches,  avec  le  concours  de  Vivier,  61. 

—  Concert  au  profit  des  pauvres,  112.  — Société 
de  musique  religieuse  :  M.  Wervoiie,  206.  —  Con- 
cert de  M.  Dubosc,  215.  —  Prix  offerts  par  l'Aca- 
démie des  beaux-arts,  315-  —  Trois  ténors  de  pas- 
sage. —  Concert  au  profit  des  pauvres ,  456.  — 
Trite  situalion  du  théâtre,  464.  —  Concert  au 
prufitdes  Crèches,  479. 

Strasbourg.  Correspondance  :  concerts  du  jeune 
Frédéric  Gernsheim,  44.  —  Le  Prophète,  102.  — 
Mlle  Méquillet,  119.  —  Elie,  de  Mendelssohn,  143. 
— Concert  de  Mme  Cabel,  174. — Représentation  de 
la  comédie  d'Arnold  :  Pfingstmontag,  par  une  so- 
ciété d'amateurs,  191.  —  Réouverture  du  théâtre. 

—  M.  et  Mme  Montaubry,  308.  —  Concert  au  profit 
de  l'Association  des  artistes  musiciens,  479. 

Toulouse.  Clôture  des  séances  de  la  Suciété  des 

concert^,  223.  —  Début  de  Wicart,  dans  Guillaume 

Tdl,  381. 
Trouville.  Concert  de  Mme  Gavaux-Sabatier  et  de 

M.  Lecieux,  294. 
Troyes.  Concert  de  la  Société  philharmonique,  464. 
"Versailles.  Concert  donné  au  théâtre  par  Mme  Stei- 

ner-Beaucé,  206. 
Villeneuve -sur -Yonne.   Festival.  —  Concours 

d'orphéons  et  de  musique  d'harmonie,  287. 


Engagements. 

Mme  Castellan,  au  Théâtre-Italien  de  Bruxelles,  6. 

Mme  Stoltz,  à  Lisbonne,  6. 

Mlle  Sosse,  à  la  Fenice  de  Venise,  23. 

Mme  Véra,  au  théâtre  de  Barcelone,  39. 

Mlle  d'Angri,  au  Théâtre-Italien  de  Paris,  62. 

Mme  Sloltz,  à  Rio-Janeiro,  62. 

Réengagement  de  Cbapuis,  à  l'Opéra,  87. 

Mme  Medori,  au  Théâtre-Italien  de  Vienne,  143. 

Réengagement  de  Mme  Tedesco,  à  l'Opéra,  151. 

Réengagement  de  Mlle  Révilly  et  de  Riquier,  à  l'O- 
péra-Comique,  181. 

Audran,  à  Marseille,  198. 

Mlle  Jetty  de  Treffz ,  pour  l'Amérique,  206. 

MmeColson,  au  Théâtre-Lyrique,  215. 

Mme  Steiner-Beaucé,  au  théâtre  de  la  Monnaie,  à 
Eruxelles,  238. 

Mathieu  ,  à  l'Opéra,  247. 

Bordas,  à  la  Nouvelle-Orléans,  278. 

Faure,  à  l'Opéra -Comique,  287. 

Mme  Fanny  Cerrito,  au  Théâtre-Impérial  de  Vienne, 
307. 

Lablache,  au  Théâtre-Italien  de  Saint-Pétersbourg, 
307. 

Engagement  à  vie  d'Ander,  au  théâtre  de  la  Cour, 
à  Vienne,  308. 

Réengagement  de  Mme  Fanny  Cerrito,  à  l'Opéra,  315. 

Mlle  Ducz,  à  l'Opéra,  315. 


TABLE  ALPHABÉTIQUE 

ENGAGEMENTS. 

Mlle  Anna  Lemaire,  au  théâtre  de  Bruxelles,  381. 

Octave,  à  Florence,  470. 

Mlle  Ida  Bertrand,  au  théâtre  de  la  Cour,  à  Vienne,  479. 

Enseignement  musical  gratuit. 

Réorganisation  du  service  pour  la  ville  de  Paris  et 
programme  d'examen,  118. 

Nomination  de  nouveaux  membres  de  la  Commis- 
sion de  surveillance  près  les  écoles  communales  de 
Paris,  158. 

Nouvelle  orgenisation  de  l'enseignement  du  chant 
dans  les  écoles  primaires  de  la  ville  de  Paris,  181. 

Inspection  des  écoles  succursales,  206. 


Etranger. 

THÉÂTRES,  CONCERTS,  NOUVELLES 
MUSICALES,  ETC. 

Aix-la-Chapelle.  Concert  de  Mlle  Milanallo,  324. 
Amsterdam.  Concerts.  —  M.  Franco-Mendès,  255. 

—  Concert  de  M.  Franco-Mendès,  279.  —  Troupe 
d'opéra  français,  316.  —  Troupe  d'opéra  allemand, 
372.  —  La  Reine  de  Chypre.  —  Représentations 
d'une  troupe  italienne,  471. 

Baden.  Concert  de  Mme  Sontag.  —  Mlle  Kastner, 
263.  —  Détails  sur  la  saison,  270.  —  Vieuxtemps. 

—  Cossmann,  294. —  Clôture  de  la  saison.— Musi- 
que militaire  autrichienne,  382. 

Bale.  Concert  d'Ernst,   112.  —  Grand  festival   de 

chant,  255.  —  Opéras  —  Concerts,  456. 
Barcelone.  —  Norma.  —  Ernani.  —  Attila,  47. 

—  La  Figlia  del  reggimento. —  MmeVera,  102. — 
Italiens.  —  Le  Slabat,  127.  —  Réouverture  des 
Italiens  par  Lucrezia  Borgia.  —  Concert  de 
M.  Ribas,  372. 

Berlin.  —  Correspondance  :  nouvelles  des  Théâtres 
et  des  Concerts,  art.  signé  L.  R.,  12.  — Reprise 
de  le  Retour  de  l'Etranger,  de  Mendelssohn,  23.  — 
Concert  à  la  cour.  —  Le  Camp  de  Silésie,  40.  — 
Correspondance  :  nouvelles  des  Théâtres  et  des 
Concerts,  45.  —  Le  Prophète. —  Martha,  opéra  de 
M.  de  Flottow,  55.  —  Sarah,  opéra  de  M.  Telle. 

—  Soirée  pour  l'association  Gustave-Adolphe,  63. 

—  Concours  de  musique  militaire.  —  Concert  à  la 
cour,  70.  —  Les  Comédiens  ambulants,  de  Fiora- 
vanti,  au  théâtre  Wilhemstadt.  —  Première  soirée 
de  symphonies.  Ruine  du  théâtre  Kœnigstadt.  — 
Recettes  du  Théâire-Royal,79. —  Correspondance: 
Concerts.  —  Musique  religieuse.  —  Musique  de 
chambre.  —  Opéra  :  départ  de  Mlle  Wagner,  art. 
de  L.  Rellslab,  100.  —  Concert  à  la  cour,  112.  — 
Cantate  de  Meyerbeer.  —  Aniigone  avec  les  chœurs 
de  Mendelssohn,  119.  —  Correspondance  :  Concerts. 
Mlle  Bierlich.  —  Troupe  italienne.  —  Solennité 
religieuse,  134. —  Les  Huguenots. —  Don  Pasquale, 
pour  la  clôture  des  Italiens,  143.  —  La  Flûte  en- 
chantée.—  Mile  Liébhardt,  151.  — Les  Cantatrices 
villageoises.  —  Mlle  Rudersdorf,  158. —  Le  Pro- 
phète et  Olympie ,  191.  —  Reprise  du  Maçon.  — 
Solennité  commémorative  ,  207.  —  Roger,  dans 
Lucia ,  216.  —  Représentations  de  Roger  :  La 
Dame  blanche.  — Les  Huguenots,  247. —  Corres- 
respondance  :  Mlle  Westerstrand.  —  Roger  et 
Mlle  Rachel,  art.  de  L.  Rellstab,  255.  —  Succès 
extraordinaire  de  Roger,  264.  —  Anniversaire.  — 
Roger,  dans  Lucia,  270. —  Sérénade  donnée  à  Ro- 
ger, 288.  —  Correspondance  :  départ  de  Roger.  — 
Revue  de  son  répertoire.  —  Mme  Strantz.  — 
Mme  Westerstrand,  art.  de  L.  Rellstab,  293.  — 
Détails  sur  la  représentation  au  bénéfice  de  Roger, 
308.  —  Rentrée  de  Mile  J.  Wagner,  316.  —  Les 
Diamants  de  la  couronne.  —  Nouvelles  de  l'Opéra. 
— M.  Henselt,  341.  —  Correspondance  :  nouvelles 
des  Théâtres  et  des  Concerts,  art.  de  L.  Rellstab, 
358.  —  Le  Camp  de  Silésie,  359.  —  Correspon- 
dance :  Oratorios  exécutés  par  la  Société  de  chant. 

—  La  Clémence  de  Titus,  art.  de  L.  Rellstab,  380. 

—  Mlle  Viola  et  Galvani,  dans  Cenerentola.  382.  — 
Correspondance  :  détails  sur  la  salle  du  Schauspiel- 
haus.  —  Concerts  donnés  par  la  Société  de  chant 
Erk  et  par  une  autre  Société,  art.  de  L.  Rellstab, 
407.  —  Succès  de  Marchesi  à  POpéra-llal  en,  456. 

—  Correspondance:  nouvelles  des  Théâtres  et  des 
Concerts.  —  Paulus ,  de  Mendelssohn.  —  Struen- 
sée,  de  Meyerbeer.  —  La  Belle  Gasconne,  opéra  de 
M.  Schœflèr.  —  Aventure  arrivée  à  Léonard,  art. 
signé  M.  S.,  470.—  Clôture  du  Théâtre-Italien.  — 
Œuvres  musicales  d'Holl'man  à  la  Bibliothèque 
royale.  —  Le  Fille  durégimtnt  —  La  Poupée  de 
Nuremberg,  471.  — Suicide,  la  signora  Carra. 

Boston.  Concerts  de  A.  Jaël,  55. 

Brème.  Guido  et  Ginevra,  408. 

Brunn.  Le  Prophète,  119.  —  Mme  de  La  Grange,  1 43. 

Brunswick.  Festival  :  Élie,  de  Mendelssohn.  —  La 
9e  symphonie  de  Beethoven,  247. 

Bruxelles.  Mosquita  la  Sorcière,  7.  —  Correspon- 
dance :  nouvelles  des  Théâtres  et  des  Concerts. — 
Le  Démon  de   la  Nuit.  —  Adolphe  et  Clara.  — 


Étranger  (Théâtres,  Concerts,  etc.). 
Séance  de  l'Association  des  artistes  musiciens, 
21.  —  Italiens  :  Norma.  —  Théâtre-Royal  :  re- 
prise du  Siège  du  Corinthe.  —  Concert  du  Conser- 
vatoire. —  Echange  du  droit  de  propriété  litté- 
raire et  artistique  entre  la  France  et  la  Belgique,  29. 

—  Concert  d'Emile  Prudent,  40.  —  Concerts  d'E- 
mile Prudent,  55.  —  Mme  Castellan.  —  M.  Emile 
Prudent.  —  Concert,  du  Conservatoire.. —  Concert 
d'Alexandre  Batla,  69.  —  Correspondance  :  Ita- 
liens. —  Mme  Medori.  —  L'Alcade  de  Zalamea, 
opéra  de  M.  Bazzoni.  —  Théâtre-Royal  :  Mme  Ju- 
lienne. —  Concerts.  —  Mme  Pleyei.  —  Associa- 
tion des  artistes  musiciens.  —  Godefroid.  —  Zanï 
de.  Ferrauti.  —  Concert  chinois,  86.  —  Concert  du 
Conservatoire  :  Struensée  de  Meyerbeer,  109.  — 
Opéra.  —  Concerts.  —  Nouvelles,  110.  —  Corres- 
pondance :  Casilda,  opéra  du  duc  de  Saxe-Co- 
bourg. —  Reprises. —  l'Alboni  dans  le  Prophète, 
149.  —  Correspondance  :  audition  de  fragments  de 
Judith,  opéra  de  M.  Laroche.  —  Nouvelles  de  Ser- 
vais, art.  signé  A.  Z.,  198.  —  Correspondance: 
observations  sur  les  concours  de  chant  d'ensemble. 

—  Nouvelles,  222.  —  Retraite  de  M.  Hanssens  et 
nomination  de  M.  Letellier  comme  directeur  des 
théâtres  royaux,  279.  —  Commission  du  prochaiu 
festival,  308.  —  Discours  prononcé  par  M.  Fétis 
comme  directeur  de  la  classe  des  beaux-arts  de 
l'Académie  royale  de  Belgique,  322.  —  Correspon- 
dance :  réouverture  du  Théâtre  ;  détails  sur  le 
personnel  :  Galathée. —  Mme  Ugalde. —  Concours 
de  chant,  340.  —  Représentations  d'Hermann- 
Léon,  350.  —  Correspondance  :  observations  au 
sujet  de  MM.  de  Bériot  et  Vieuxtemps.  —  Réunion 
de  violonistes  en  Belgique. — Cafés -chantants,  380. 

—  Concert  de  Mlle  Teresa  Milanollo,  399.  —  Cor- 
respondance :  la  Perle  du  Brésil.  —  le  Prophète, 
avec  Roger  et  Mlle  Masson. —  Séances  par  M.  Lem- 
mens,  406.  —  Correspondance  :  Struensée .  de 
Meyerbeer.  —  Concert  de  l'Association  des  artistes 
musiciens.  —  Te  Deum  de  M.  Steenackers.  —  Can- 
tate à  l'occasion  de  la  fête  du  roi.  —  Début  de  Mlle 
Anna  Lemaire,  470. 

Cahlsruhe.  Concerts  de  Vieuxtemps,  316. 
CaSSEL.  Les  Mousquetaires  de  la  Reine,  55. 
Cobourg.  25e  anniversaire  de  la  fondation  du  théâtre. 

—  Les  Cantatrices  de  Village,  199. 
Cologne.  Troupe  italienne  venant  de  Bruxelles,  88. 

—  Le  violoniste  Fritz  Gtrnsheim,  135.  — Sous- 
cription pour  l'érection  d'une  nouvelle  salle  de 
spectacle,  471. 

Constantinople.  Concerts  avec  le  concours  de 
divers  artUtes,  63.  —  Concerts  de  M.  Horace 
Poussard,  119.  —  Dissolution  de  la  Société  des 
concerts.  —  M.  Horace  Poussard,  158. —  Concerts 
de  Mme  Nissen,  182.  —  Nouvelles  de  Vivier, 
270,  331. 

Copenhague.  Fuite  et  Danger,  opéra  de  M.  Henrik 
Hung,  456. 

Darmstad.  Revue  du  répertoire  de  l'Opéra,  372.  — 
Le  Vengeur,  opéra  de  M.  Schindelmeisser,  456. 

Dresde.  David,  oratorio  de  Reissiger,  119.  —  Re- 
prise du  Prophète.  135.  Le  Prophète  avec  Mme 
Krebs-Michalesi,  151.  —  Festival  d'oeuvres  an 
ciennes,  295.  —  Érection  d'un  monument  à 
Mme  Caroline  Neuber,372. — Le  Postillon  de  Long- 
jumeau.  —  Nécrologie,  479. 

Dusseldorf.  Correspondance  :  grand  concoure  de 
chant  en  chœur,  262. 

Florence.  Début  de  Mariette  Piccolini,  70.  — 
Séance  de  l'Académie  vocale  et  instrumentale,  80. 

—  Coneert  de  la  Société  philharmonique,  sous  la 
présidence  de  Rossini,  238. 

Francfokt-ser-Mein.  Représentations  de  Mme 
Sontag,  31.  —  Mme  Gundi  dans  Fidès  du  Prophète, 
119.  —  Représentations  de  Mlle  Sophie  Cruvelli, 
341,  —  Aurélia,  opéra  posthume  de  Conradin 
Kreutzer,  359. 

Gand.  Marina  Faliero,  9a. 

Gènes.  M  Angelo  Mariani,  directeur  du  théâtre 
Carlo  Felice.  —  Robert-le-Diable,  207. 

Genève.  Concerts  de  M.  Ernst,  199. 

Grenade.  Représentation  au  bénéfice  des  indigents. 

—  Ronconi,  331 . 

Hambourg.  Struensée,  de  Meyerbeer,  216. —  W.  Kru- 
ger,  222.  —  Roger,  dans  la  Favorite,  la  Dame 
blanche,  les  Huguenots,  223.  —  Représentations  de 
Pischek,  247.  —  Le  Prophète.  —  F ra  Diavolo,  331 . 

—  Giralda,  408. 

Hanovre.  Représentation  à'Austin ,  opéra  de  Mars- 
chner,  55.  —  Le  Prophète,  294.  —  Démission  de 
Mar^chner,  324.  —  Réintégration  de  Marsclmer 
dans  ses  fonctions  de  directeur,  359.  —  Descrip- 
tion de  la  salle  de  spectacle,  372.  —  Le  Prophète, 
382.  —  Nomination  de  M.  Fischer  comme  chef 
d'orchestre,  391.  —  Nécrologie,  408. 

Helsingfors  (  Finlande).  Une  partie  de  chasse  de 
Charles  XI,  roi  de  Suède,  opéra  de  M.  Placci, 
231 .  —  Formation  d'un  orchestre  dirigé  par  M.  Gau- 
zangue,  natif  de  Metz,  264. 

Hermanstadt  (Transylvanie).  Découverte  de  trois 
trios  inédits  de  Beethoven,  341. 


étranger  (Théâtres,  Cmcert?,  etc.). 

Jassy.  Soirée  en  l'honneur  de  Servais,  261. 

Kuenigsberg.  Troupe  italienne,  119. 

La  Haye.  Le  Roi  de  Bohême,  opéra  de  M.  Lazata- 
Martin,  119,  113.  —  le  Vieux  Château,  opéra  de 
M.  Van-der-Duos,  175.  —  Fermeture  du  Théâtre- 
Français,  190. 

LEIPZIG.  Concert  à  l'occasion  de  l'anniversaire  de  la 
mort  de  Mendels-ohn  ,  13.  —  Départ  de  Mme  Son- 
tag ,  80.  —  Publication  des  œuvres  de  Sébastien 
Bach,  372. 

Liège.  Inauguration  de  l'orgue.  —  Concert  au  béné- 
fice des  pauvres,  29.  —  Concen  de  la  So  doté  de 
la  Grande  H  rmonie.  —  Repri-e  du  Petit  Chaperon 
rouge  et  de  Zampa.  —  Mme  Hébert-Massy,  53.  — 
Correspondance  :  concert-festival  au  bénélice  des 
indigents.  —  Concert  de  la  Société  libre  d'émula- 
tion. —  Fin  de  la  campagne  théâtrale.  —  Subside 
à  la  Société  de  chant  Orphée ,  art.  signé  Z , 
125.  —  Le  Val  d'Andorre,  134.  —  Correspond mee: 
concerts  de  la  S  iciété  d'émulation.  —  D'un  pianiste 
de  Saint-Pétersbourg.  —  Clôture  de  la  saison  ihéà- 
Irale.  —Solennité  religieuse.  —  Nouvelles,  230.— 
Correspondance  :  couceit  de  la  Société  du  C  isino. 

—  Concours  du  Con-ervaloire,  art.  signé  P.  L.  Z., 
294.  —  Nouvelles  des  théâtres  et  des  concerts,  456. 

Lisbonne.  Nina  Pazza.  —  Saffo  ,  avec  M  le  Sanna- 
zuo,  47. 

Londres.  Correspondance  :  Robert  -le-  Diable  et 
Fra  Diavolo.  à  Drury-Lane.  —  Sacred  harmonie 
Sociely.  —  Le  Lobgesang  et  la  musique  ti'Athalie, 
de  Mendelssohu.  —  Séances  de  M.  Ella.  — Aminta 
the  Coquette,  opéra  c  nvqne  de  M.  Howard  Glover, 
à  Hay-Markett.  —  LondonThuisd  y  concerts,  45. — 
Nouvelle  Socié  é  philharmonique,  sous  la  direction 
de  M.  Hector  Berlioz,  68.  —  Annonce  de  la  pro- 
chaine saison,  79. —  Programme  du  théàlre  de  Co- 
vent-Garden, 95.  —  Début  de  la  nouvelle  Société 
philharmonique  :  Roméo  et  Juliette,  symphonie  de 
Berlioz,  102.  —  Programme  du  théâtre  de  la  Reine. 

—  Ouverture  des  deux  théâtres  par  Maria  di 
Rohan,  112.  —  Nouvelles  des  deux  théâtres  italiens. 
Robert-le-Diable  à  Drury-Lane.  —  Lutte  entre  les 
deux  théâtres  italiens  à  propos  de  Mlle  J.  Wagner, 
127.  —  La  presse  anglaise  à  propos  de  Berlioz.  — 
Détails  sur  les  deux  théâtres  italiens,  150,  151.  — 
Steeple-chase  de  pianistes.  175.  —  Procès  au  su- 
jet de  Mlle  Wagner,  gagné  par  M.  Lumley.  —  Sou- 
scription de  la  nobles-e  en  faveur  de  M.  Lumley. 

—  Mme  de  La  Grange,  dans  Lucia.  —  Gueymard 
et  Mme  Julienne,  dans  la  Juive.  —  Concert  de 
Mme  Pleyel,  182.  —  Emile  Prudent  joue  devant  la 
reine,  491.  —  5e  concert  de  la  nouvelle  Société 
philharmonique  :  ouverture  des  Francs-Jugés.  — 

—  L'Invitation  à  la  valse,  199.  —  Dernier  concert 
de  la  Société  philharmonique  :  Faust ,  de  Berlioz. 

—  Mlle  S.  Cruvelli  et  Mme  de  La  Grange. —  Concert 
à  la  cour,  207.  —  Zélie  ou  l'Amour  et  la  Magie, 
ballet  de  M.  de  Saint-Georges,  au  théâtre  de  la 
Heine,  223.  —  Concert  de  Blumemhal,  222.  — 
Mlle  Grisi,  dans  le  Prophète.  — Théâire  de  la  Reine. 

—  Fuite  de  Mlle  S.  Cruvelli.  —  Concert  de  M.  Gor- 
digiani. —  De  Mme  Morlier-de-Fomaine,  231.  — 
Otello  au  théâtre  Oe  la  Rfine.  —  Faust,  de  Spohr, 
à  Covent-Garden,  247.  —  La  Bouquetière,  divertis- 
sement, au  théâtre  de  la  Reine.  —  Nouvelles,  255. 

—  Casilda,  au  théâtre  de  la  Reine.  —  Revue  du 
répertoire.  —  Pùtro  il  Grande,  opéra  de  Julien,  à 
Covent-Garden,  279.  —  Clôture  de  la  saison  à  Co- 
vent-Garden.—Revue  du  répertoire.  294. — Mise  eu 
société  du  théâtre  de  la  Reine,  par  M.  Lum  ey,  31b. 

Louvain.  Le  Carillunneur  de  Bruges.  —  Mlle  Wer- 
llieimber,  316,  324. 

Madrid.  Nina  ou  la  Folle  par  amour,  avec  Mlle  Ai- 
boni,  63.  — Représentations  au  théâtre  de  la  Reine, 
à  Aranjuez,  135.   — Décret  sur  les  théâtres,  271. 

—  Société  pour  la  création  d'un  nouveau  théâtre 
lyrique.  —  Nouvelles  de  la  province  :  Ronconi.  — 
Mme  Momenegro,  295.  —  Concerts  du  Cercle  phil- 
harmonique, 359. 

Mannheim.  Ondine,  opéra  de  Lorlzing,  382. 

Milan.  Les  Sabines,  opéra  de  Lauro  Rossi,  80.  — 
Concert  de  Mlle  Sosse.—  Son  engagement,  216.  — 
Concert  de  M.  Fumagalli,  223.  —  Représentations 
de  Bordas,  255.  —  Fiorina  ou  la  Jeune  fille  de  Gla- 
tis, opéra  de  Pediotti,  351 . — Représentations  d'une 
troupe  française.  —  MM.  Everard  et  Carréon,  480. 

Moscou.  Débuts  de  M.  Joseph  Gungl,  7.  —  Succès 
et  départ  du  même,  95. 

Munich.  La  Grande  Duchesse,  opéra  de  M.  de  Flot- 
tow.  —  Bonsoir  M.  Pantalon.  —  Le  Mariage  secret, 
40. —  L'Enfant  prodigue,  1d2.  —  Représentation 
à  la  cour,  en  français,  143.  —  Mme  Sontag  dans 
iaSonnambula,  194.  —Nécrologie. — Mme  Sontag, 
dans  la  Fille  du  régiment,  200.  —  Dernier  con- 
cert de  Mme  Sontag,  au  profit  des  pauvres,  207.  — 
Le  Trésor  supposé,   de  Méhul.  —  Nécrologie,  247. 

—  Pension  accordée  au  chanteur  Brizzi,  308.  — 
MlleMéquillet,  dans  te  Prophète,  359. 

Naples.  Publication  d'un   nouveau  journal  de  mu- 
sique :  la  Gazetta  musicale  di  Napoli,  247. 
Neufchatel.  Concert  d'Ernst,  158. 


DES  MATIERES' 
Étranger  (Théâlres,  Concerts,  etc.). 

New- York.  Mlle  Jenny  Lind. —  Ole  Bull.  —  Czar  et 
charpentier,  opéra  de  Lorlzing,  55.  —  Indifférence 
des  Américains  pour  les  artistes,  70.  —  Société 
philharmonique  allemande.  —  Ole  Bull.  —  Nou- 
velles des  théâtres,  308.  —  Arrivée  de  Mme  Son- 
tag, 33 1.  —  Concerts  de  Mlle  Alboni.  —Cabale 
C"ntre  Mme  Sontag,  341.  —  Premier  concert  et 
succès  de  Mme  Sontag,  351.  —  Triomphes  de 
Mme  Sontag  à  New-York,  Boston  et  Philadelphie, 
463. 

Nouyei.le-Orléans.  Reprise  de  Charles  VI,  avec 
Mme  Widemann,  55. 

Odessa.  Concerts  de  SchulhofT,  382. 

Pestii.  Représentations  de  Mile  Liebhardt,  207.  — 
Première  représentation  des  Huguenots,  479. 

Posen.  Succès  de  Mme  Rudersdorf,  206. 

Prague.  Concert  de  la  Société  Sainte-Cécile  :  An- 
ligone.  —  Reprise  de  Fernand  Cortez.  —  Les 
deux  Reines  ,  opéra  de  Hellmersberger  ,  40.  — 
Conc  rt  de  Mme  Sontag,  112.  —  Nomination  de 
Mme  Sontag,  comme  membre  honoraire  de  l'Aca- 
démie Sophie.  —  Invention  d'un  nouvel  instru- 
ment, par  M.  Perina,  288.—  Nécrologie,  231. 

PBEsnounG.  20e  anniversaire  de  la  Sainte  Cécile,  par 
la  Société  de  musique.  —  Messe  de  M.  de  Righini, 
408.  —La  Juive,  456. 

Rio-Janeiro.  Journal  de  musique.  — Mme  Slolz, 
dans  la  Favorite  et  Sémiramide,  279.  —  Repré- 
sentation au  bénéfice  de  Mme  Stoliz,  407. 

Rome.  Joseph ,  oratorio  de  Raimondi ,  288.  —  La 
f  rincesse  dona  Maria  Piccolomini,  cantatrice  au 
théâtreArgenina,  456. 

Rotterdam.  Concerts  de  R.  Wilmers.  —  Le  Roi  de 
Bohême,  opéra  de  Hu'schenruyter,  63. 

Saint-Pétersbourg  Concerts  de  Vieuxtemps,  31. 
— Sardanapale,  opéra  d'Alary,  au  Théâtre-Italien. 

—  Stabat,  de  Lvolf,  80.  —  Encore  Sardanapale, 
412.  —  Dernier  concert  de  Vieuxtemps,  127.  — 
Campagne  de  l'Ooéra-Ru  se  :  Esmerabta,  Stra- 
d'Ua,  le  Val  d'Andorre,  135. — Concerts  de  Servais 
à  Kiew  et  à  Odessa,  158.  —  50"  anniversaire  de  la 
Société  philharmonique.  —  Fragment  d'une  sym- 
phonie du  comte  Wielhorsky,  200.  —  Concerts. 

—  Retraite  définitive  de  Vieuxtemps.  —  La  Ba- 
taille de  Koulicovo,  opéra  de  M.  Rubinstein,  à 
FOpéri-Russe,  255.  —  Composition  de  la  troupe 
italienne,  350.  — Correspondance:  l'Opéra-Italien. 

—  Affaire  Gditzin-Schindler.  —  Un  manuscrit  de 
Beethoven,  art.  de  Damcke,  451. 

Stockholm.  Concert  de  l'Académie  royale  de  mu- 
sique. —  Don  de  Mme  Jenoy  Lind  pour  la  création 
de  nouvelles  écoles,  216. —  Réouverture  des  théâ- 
tres 331 .  —  Le  Prophète,  456. 

Stuttgard.  —  Le  Val  d'Andorre,  88. —  Roger,  dans 
les  Huguenots,  le  Prophéie,  la  Dame  blanche,  198. 

—  Représentions  de  MlleCatinkaHeinefeiter,341. 
— Deuxième  concert  de  la  chapelle  royale,  456. 

Turin.  —  Maria  Gievanna,  opéra  de  M.  le  duc  de 
Litta,  13.  — Concert  de  M.  Bazzini,  463. 

Varsovie.  —  Concert  de  la  Direction.  —  Concert 
de  Servais,  23.  —  Déhut  de  Mme  Moriani,  dans 
Linda,  63.  —  Mme  Moriani,  dans  la  princesse  de 
Robert-le-Diable,  127. 

Vienne.  —  Gutlenberg,  o  éia  de  Fuchs.  23.  — Re- 
présentation aubenelice  des  pauvres,  31 .  —  Ander 
lemplacé  par  Éllinger,  40.  —  Subvention  à  lAca- 
démie  de  musique. — Messe sulennelle, par  lord  West- 
morland,  47.  —  303  facteurs  d'instruments,  63. — 
Concerts  de  Mme  Wartel,  70.  —  La  même.  —  Le 
Prophète,  80.  —  Concours  pour  une  messe.  — 
Concerts  de  M.  Schulhoff,  95.  —  Concerts  de 
Mlle  LoulseLeisler,402.  —  Théàire-Italien.  —  La 
Reine  des  Roses,  ballet  du  comte  Gabrielli.  —  Con- 
certs de  Mlle  Constance  Geiger,  112. — Concerts, 
119.  —  Italiens  :  trois  débuis  ,  127.  —  Engage- 
ment de  la  Medori,  143.  —  Concert  de  M.  Schu- 
lhoff, 151.—  Odette,  ballet  de  Perrot,  au  théâtre  de 
la  Cour,  191.  —  Don  d'une  stalle  au  grand  Opéra 
devienne,  à  M.  J.  Leidersdorff,  par  l'empereur 
d'Autriche,  199.  —Clôture  de  l'Opéra-Iialien,  216. 

—  M.  Ellinger,  dans  le  Prophète. —  IlMarito  e  l'A- 
mante, opéra  de  F.  Ricci,  231.  —  Anniversaire  de 
la  naissance  de  Gluck,  247.  —  Nouvelles.  — Messe 
par  M.  Assmayer,  255.  —  Répertoire  de  la  Cour. 

—  Morcellement  du  Prophète.  —  Nécrologie,  264. 

—  Nomination  de  membres  honoraires  à  l'Acadé- 
mie de  musique. — Exhumation  des  restes  d'Haydn, 
271.  —  Grand'messe  et  le  Te  Deum  d'Haydn, 
à  l'occasion  de  la  fête  du  Président,  288.  —  Enga- 
gementàvie  d'Ander  au  théâtre  de  la  Cour,  308. — 
Solennité  commémorative  en  l'honneur  de  Strauss, 
324.—  Nécrologie.—  Nouvelles.  —  Giralda,  331. 

—  Soirée  dans  laquelle  se  fait  entendre  Thaiberg, 
359.  —  Le  Dieu  et  la  Bagadere.  —  Création  d'une 
école  d'opéra,  372.  —  Ondine,  opéra  de  M.  Lwoff, 
391.  — Nécrologie,  408.  —Mme  Strautz,  dans 
Fidès  du  Prophète. — Mme  de  La  Grange,  dans  /  Pu- 
ritani.  —  Service  en  l'honneur  de  M.  Hellmesber- 
ger,  456. 

Weijiar.  Nomination  et  récompenses,  80.  —  Fan- 
taisie de  Liszt  sur  le  Prophète.  —  Benvenuto  Cel- 


btranger  (Théâtres,  Concerts,  etc.). 
Uni,  opéra  de  Berlioz,  111.  —  Napoléon,  sympho- 
nie -cantate  de  M.  Ilasshnger,  151.  —  Messe,de 
Liszt,  278.  —  Benvenuto  Cellini,  Roméo  et  Juliette, 
Faust,  de  Berlioz.  —  Banquet  offert  â  Berlioz,  403. 

Wiesbaden.  Troupe  italienne.  —  Concert  de  Mme 
Sontag,  264. 

Zurich.  Couceit  d  Ernst,  119. 

H 

■on muges   <•«  récompenses  accordes 
aux  artistes. 

Croit  de  la  Conception  de  Portugal,  accordée  à 
M.  Ad.  Adam,  7. 

Bracelet  donné  par  la  reine  de  Prus-e  à  Mme  Gadi,  1 3. 

Décoration  de  la  Légion  d'honneur  accordée  à 
MM.  Emile  Perrin  et  Franchomme,  30. 

Médaille  d'or  adressée  à  M.  de  Saint  -  Georges  par 
le  roi  de  Hollande,  54. 

Lettre  écriie  et  ouvrages  d'art  offerts  à  Meyerbeer 
par  la  reine  d'Angleterre,  70. 

Nomin  tion  d'Ad.  Sax  comme  membre  honoraire 
de  l'Académie  des  sciences  à  Londres,  70. 

Médaille  d'or  remise  à  Alex.  Ba'ta  par  le  roi  de 
Hollande.  70. 

Médaille  d'or  remise  à  M.  Scribe  par  le  roi  de  Hol- 
lande, 78. 

Médaille  d'or  conféiée  à  Tamburini  par  l'empereur 
de  Russie,  87. 

Diolôme  de  Docteur  en  musique  accordé  â  M.  Neu- 
komm  (Sigismond),  par  I  Université  de  Dublin,  94 

Dip'ôme  de  membre  honoraire  de  l'Académie  So- 
phie, à  Prague,  remis  à  Mme  vonlag,  119. 

Diplômes  de  membre  honoraire  du  Mozarteum  ,  de 
Salzbourg,  de  la  Société  du  Dôme,  à  Vienne,  et  de 
la  Réunion,  à  Prague,  remis  à  M.  le  maître  de 
chapelle,  Rotter,  151. 

Tabatière  oflerte  à  M.  Ad.  Adam  par  le  Prince-Pré- 
sident, 158. 

Croix  de  l'ordre  du  Mérite,  de  Saxe  ,  remise  à 
M.  Gustave  Oppelt  par  le  duc  régnant  de  Saxe-Co- 
bourg-Golha,  191. 

Décoration  de  l'Aigle-Rouge  accordée  à  M.  G.  Kas- 
tner  par  le  roi  de  Prusse,  206. 

Médaille  d'or  offerte  à  M.  H.  Léonard  par  la  So- 
ciété Sainte-Cécile  de  Bordeaux,  222. 

Décoration  de  la  Couronne  de  Chêne  accordée  à 
M.  F.  Livaine  par  le  roi  des  Pays-Bas,  230. 

Médaille  d'argent  accordée  à  M.  Panseron  ,  pour 
son  Solfège  concertant,  par  la  Société  pour  l'in- 
struction élémentaire,  231. 

Epinge  oflerte  à  M.  Jonas  par  M.  de  Rothschild,  231. 

Dec*  ration  de  la  Légion  d'honneur  accordée  a 
MM.  Vcdi,  Dupeutv,  ele  ,  à  l'occasion  du  15  août, 
278. 

Décoration  de  l'ordre  d'Isabelle- la  Catholique  accor- 
dée à  M.  Gottschalk,  278. 

Letiro  et  Médaille  d'or  remises  à  M.  J.  Franck  par 
le  roi  des  Belges,  287. 

Pen-ion  accordée  à  l'ancien  chanteur  Brizzi  par  lî 
Prince-Président,  308. 

Décoration  de  la  Légion  d'honneur  accordée  à  M.  Du- 
brucq.  379. 

Bijoux  offerts  par  le  Prince-Président  à  MM.  N.  Ro- 
quep'an,  Pli.  Boyer,  Vict.  Massé,  et  aux  arlistes 
qui  avai-nt  paru  dans  la  représentation  solennelle 
du  Grand-Opéra,  381. 


Jurisprudence  théâtrale  et 
artistique. 

Contestation  entre  M.  Bayard  et  M.  Lumley,  à  propos 
de  la  Fille  du  Régiment,  39. 

Commission  des  auteur.,  et  compositeurs  dramati- 
ques. Nouvelle  Société  des  auteurs,  compositeurs 
et  éditeurs,  39. 

L'agent  de  la  Société  des  auteurs,  compositeurs  et 
éditeurs  contre  M.  Henri  Herz,  46. 

Divorce  de  Mme  Hillen  et  de  M.  Van  Praeg,  46. 

Un  amateur  de  violon,  54. 

L'agent  de  la  Société  des  auteurs,  compositeurs  et 
éditeurs  contre  les  cafés-chantants,  â  Lyon,  63. 

Jugement  au  profit  de  M  Lumley  contre  M.  Gye,  à 
l'occasion  de  Mlle  Johanna  Wagner,  142. 

Altercation  entre  M.  Puget  et  M.  Bénédit,  1 42. 

Second  jugement  rendu  à  Londres  au  sujet  de  Mlle  J. 
Wagner  en  faveur  de  M.  Lumley,  1 82. 

Jugement  du  Tribunal  de  première  instance  relative- 
ment à  la  Société  des  auteurs,  compositeurs  et  édi- 
teurs, représentée  par  son  agent,  M.  Henrichs,  238- 

Demande  de  dommages  et  intérêts  par  M.  Lumley 
contre  M.  Gye,  dans  l'affaire  J.  Wagner,  279. 

Un  directeur  ne  peut  pas  faire  exécuter  des  airs  pour 
lesquels  l'auteur  ne  lui  a  pas  donné  autorisation. 
(Tribunal  de  première  instance  de  Lyon),  464. 


Lettre*. 

Rossini  au  Cercle  Lyrique  de  Marseille,  30. 

M.  Brunel  à  M.  Gariner,  118. 

Rossini  à  M.  Piermarini,  219. 

Mme  Vve  Spontini  à  Berlioz.  222. 

M.  le  prince  Nicolas  Boris  Galitzin  au  directeur  de 
la  Gazette  musicale,  277. 

M.  L.  Brtndus  au  gérant  de  la  Gazette  muticale,  286. 

M.  Adrien  de  La  Fage  au  directeur  de  la  Gazette 
musicale,  323. 

M.  Antoine  Schindler  au  directeur  de  la  Gazette  mu- 
sicale, 347. 

Réplique  de  M.  Antoine  Schindler  à  la  protestation 
de  M.  le  prince  Nicolas-Boris  Galitzin,  3i7. 

M.  Ferdinand  Hiller  à  M.  Fétis,  371. 

M.  le  prince  Galitzin  au  diiecteur  de  la  Gazette  musi- 
cale, 380. 

M.  Damcke  à  M.  le  prince  Galitzin,  380. 

M.  Fonrmer  à  M.  E.  Dassier,  382. 

M.  Féti-  au  directeur  de  la  Gazette  musicale  390. 

Rossini  à  Mme  Ucelli,  406. 

M.  B.Damcke  au  directeur  de/a  Gazette  musicale,  453. 

Littérature  musicale. 

Lettres  sur  l'Exposition  universelle  de  Londres,  art. 
de  Fétis,  3,  17,  33,  74. 

Frédéric  Chopin,  par  Franlz  Liszt,  39, 

Notice  sur  un  ancien  livre  relatif  à  la  musique,  art. 
signéC.  B  ,  61. 

Philosophie  de  la  musique  :  cours  de  M.  Fétis,  à 
Bruxelles,  90,  107,  114. 

Critique  et  littéraiure  mu-icale,  par  E.  Scudo,  135. 

Les  Danses  des  Morts,  par  G.  Kastner,  art.  signé  R., 
441. 

Richard  Wagner  :  sa  vie,  son  système  de  rénovation 
de  l'opéra,  ses  œuvres  comme  poêle  et  comme  mu- 
sicien, son  parti  en  Allemagne,  appréciation  de  la 
valeur  de  ses  idées,  art.  de  Fétis,  185,  193,201, 
209,  225,  242,  257. 

Beethoven  et  ses  trois  styles,  par  M.  W.  de  Leriï,  art. 
de  Paul  Smith,  217,  227,  233. 

Dts  neumes  employés  à  la  notation  du  plain-chant, 
art.  d'Adrien  de  La  Fage,  235,  251,  267. 

Du  Développement  futur  de  la  musique  dans  le  do- 
maine du  rhythme,  art.  de  Fétis,  281,  289,  297, 
325,353,  361,  401,457,  473. 

Dictionnaire  des  beaux-arts.  Extraits  du  travail  de 
M.  F.  Halévy,  284,  303. 

Les  Soirées  de  l'orchestre,  fragments  du  livre  de 
M.  Hector  Berlioz.  309,  317,  327,  à 37,  346. 

M 

Mariages. 

M.  Ch.  Lebouc  et  M  le  Juliette  Nourrit,  39. 

Mlle  Jenny  Lind  et  M.  Olhon  Geldschmidt,  79. 

M.  Etlling  et  Mlle  Léonard,  126. 

MlleFanny  Elssler  et  M.  le  docteur  Htahn,  491.  (;You- 

velle  controuvée,  199.) 
Mlle  Mattmannet  M.  Démarche,  238. 
M.  Léopold  Darrcla  et  Mlle  Delphine  Skopetz,  340. 
M.  Ad.  Fumagalli  et  Mlle  Anna  Bonoldi,  479. 

Matinées  musicales. 

(Fbyez  aussi  Concerts  et  Auditions  musicales.) 

MM.  Alard  et  Franchomme,  art.  d'Henri  Blanchard,  25. 

M.  Emile  Ettting,  46. 

M.  Gouffé,  art.  d'Henri  Blanchard,  196. 

M.  Hesse,  art.  d'Henri  Blanchard,  467. 


Messes  et  solennités  religieuses. 

Service  de  bout  de  l'an  pour  Spontini,  40. 

Service,  anniversaire  pour  Habeneck.  —  Messe  de 

M.  Deldevèzi»,  101. 
Messe  en  musique,  dans   la   chapelle  des  Tuilerie^,  à 

l'occasion  de  la  remise  de  la  bar  ette  à  Son  Eminence 

le  cardinal  archevêque  de  Bordeaux,  117. 
Oratorio  de  M.  J.  Ganuza,  dans  l'église  Sle- Valère,  118. 
Cérémonie  religieuse  et    militaire,    au   Champ-de- 

Mars,  159. 
Messe  en  musique,  àSaint-Vincent-de-Paul,  exécutée 

par  quatre  cents  chanteurs  et  la  musique  du  3"  lé- 
ger, 182. 
Messe  de  M.  Dielsch,  à  la  Madeleine,  le  dimanche  de 

la  Pentecôte,  190. 
2?  messe  d'Haydn,  à  Saint-  Roch,  le  dimanche  delà 

Pentetô!e,  191. 
2°  messe  de  Requiem,  de  Cherubini,  exécutée  à  Liège, 

anx  obsèques  de  M.  l'Evêque,  230. 
Te  Deum,  à  Saint-Thomas-d'Aquin,  par  M.  Hocmelle, 

247. 
Te  Deum,  de  M.  Stadtftld,  exécuté  à  Bruxelles,  255. 
Messe  de  M.  Assmayer,  exécutée  à  Vienne,  255. 


TABLE  ALPHABÉTIQUE 

MESSES  ET  SOLENINTES  RELIGIEUSES. 

Messe  et  Te  Deum,  par  M.  Dietsch,  à  la  Madeleine , 
273. 

Messe,  par  F.  Liszt,  exécutée  à  Weimar,  278. 

Deux  cérémonies  religieuses:  à  Saint-Roch.  —  A  l'é- 
glise de  la  Trinité,  art.  d'Henri  Blanchard,  284. 

Mes-e  et  Domine  salvum,  de  F.  Lavaine,  exécutés  à 
Cambray,  287. 

Solennité  à  Saint-Eustsche,  à  la  mémoire  de  M.  le 
baron  de  Trémont.  —  Requiem  de  Berlioz,  art.  de 
Léon  Kreutzer,  356. 

Service  anniversaire  pour  Chopin,  359. 

Messe  de  M.  Leprévost,  exécutée  à  Saint-Roch  le  jour 
de  la  Toussaint,  381. 

Mes-  e  d'Ambroise  Thomas,  exécutée  à  Soint-Eustachc, 
par  l'Association  des  artistes  musiciens,  à  l'occasion 
de  la  Sainte-Cécile,  art.  signé  P.  S.,  404. 

Messe  de  Ch<  rubini,  exécutée  à  la  Madeleine,  à  l'oc- 
casion de  la  Ste-Cécile.ari".  d'Henri  Blanchard,  40S. 

Musique  militaire. 

Réorganisation  des  musiques  régimentaires  en  France, 
par  A.  Perrin,  art.  signé  P.  S.,  26. 

Musique  de  la  garde  nationale,  art.  d  Henri  Blanchard, 
51. 

Concours  de  musiques  militaires,  art.  d'Henri  Blan- 
chard, 58. 

Sommes  votées  pour  les  corps  de  musique  de  la 
garde  nationale  de  Paris,  238. 

Concours  au  Gymnase  musical  militaire,  307. 

Distribution  des  prix  au  Gymnase  musical  militaire, 
art.  signé  P.  S.,  346. 

N 

Nécrologie. 

Ebeling  (Mme  Matilde),  12. 

Rungenhagen  (Frédéric),  7. 

Silversto'pe  (Frédéric-Sam;  el  de),  23. 

Ricci  (Luigi),  23.   (Nouvelle  controuvée,  27.) 

Ricci  (Frédéric),  27.  (Nouvelle  controuvée,  39.) 

Berton   (Mme  veuve),  23. 

Breton,  23. 

Hennechenne,  53. 

Kurlaender  (Elie),  54. 

Seveste  (Edmond),  70. 

Merle   (Jean-Toussaint),  79. 

Gay  (Mme  Sophie),  79. 

Weber  (Mme  Caroline  de),  79. 

Winlerfeld  (Rodolphe  de),  88. 

Drechsler  (Joseph),  88. 

Garaudc  (Alexis  de),  112. 

Cave.  112. 

Merlin  (Mme  la  comtesse),  112. 

Attilio  Grisi,  126. 

Ferretti  (Giacomo),  135. 

Boulibonne  (Mlle),  151. 

Taskin  (Pascal),  151. 

Hyrtl,  151. 

Willent,  158. 

Jaeger  (François),  182. 

Choteck,  191. 

Stahl,  191. 

Jacobi  (Charles),  199. 

Oberlaender,  200. 

Lambert,  223. 

Trémont.  (baron  de),  223. 

Merk,  223. 

Damoreau  fils.  231. 

Weigl  (Jean-Baptiste),  247. 

Priuli  (baron  Louis-Joseph),  247. 

Hill  (F.),  255. 

Ney  (Mme),  264. 

Canrmarano  (Salvatore),  279. 

Gambaro,  287. 

Joly  (Anténor),  308. 

Noblet  (Mlle),  308. 

Basadonna  (Giovanni),  316. 

Hérold  (Mlle  Eugénie),  316. 

Schu  z  Odolsi  (Mme),  331. 

Bat ka  (Mme),  331. 

Schneilzhoeffer  (J.  M.),  339. 

Colin  (Auguste),  341. 

Tosi  (Antonio),  341. 

Porto,  341. 

Ou'ibieheff,  351. 

Scbimon,  359. 

Lanari  (Alexandre),  371. 

Schweuke  (J.  F.),  372. 

Richomme  (Augirste),  399. 

Hsllmesberger,  408. 

Paliry  (comte  F.),  408. 

Furstenau,  455. 

Fayolle,  468. 

Berg  (Gonrad-Mathias),  471. 

Rigel,  478. 

Ralkbrenner  (Mme  veuve),  479. 

Klengel  (Ang.-Alex.),  479. 

Vibrans  (Mme  Mathilde),  480. 

Carra  (Mme),  480. 


Notices  nécrologiques. 

M.  le  docteur  Frédéric  de  Rungenhagen,  7. 

M.  Frédéric-Samuel  de  Silverslolpe,  23. 

Frédéric  Ricci,  art.  signé  P.  S.,  27.  —  (Nouvelle 

controuvée,  39.) 
M.  le  baron  de  Trémont,  223,  266. 
Lambert,  231. 

J.  M.  Schneitzhoeffer,  art.  signé  P.  S.,  339. 
Fayolle,  art.  d'Edouard  Fétis,  468. 


Nominations. 

M.  Romîeu  à  la  direction  des  Beaux-Arts,  39. 

M.  de  Ropicquet  à  la  place  de  maître  de  chapelle  de 
la  nouvelle  église  Sarnt-André,  63. 

Des  chefs  et  sous-chefs  de  musique  dans  la  garde  na 
tionale  de  Paris,  94. 

M.  Cave  à  la  direction  des  palais  et  des  manufac- 
tures, H2. 

M.  de  Hulsen  à  l'intendance  des  théàlres  royaux  de 
Berlin,  112. 

M.  Edmond  Hocmelle,  comme  organiste  dn  Sénat,  118. 

M.  Jules Sevesle  à  la  direction del'Opéra-Nitional,  125. 

M.  Théodore  Labarre  à  la  direction  de  la  musqué  du 
Prince-Président,  126. 

M.  Cokken  comme  professeur  de  basson  au  Conser- 
vatoire, 181. 

M.  Letellier  à  la  direction  des  théâtres  royaux  de 
Bruxelles,  en  remplacement  de  M.  Hanssens,  279. 

M.  Alboize  à  la  direction  des  théâtres  de  la  ban- 
lieue, en  remplacement  de  M.  Jules  Seveste,  315. 

M.  Alexandre  Corti  à  la  direction  du  Théâtre-Ital- 
ien, à  Paris,  350. 

M.  Auguste  Morel  à  la  direction  du  Conservatoire  de 
Marterlle,  en  remplacement  de  M.  Barsotli,  390. 

O 
Orgue. 

Inauguration  de  l'orgue  à  Saint-  Yincent-de-Paul,  art. 

de  Maurice  Bourges,  37. 
Subvention  de  la  ville  de  Paris  à  l'église  Saint-Eus- 

tache  pour  la  reconstruction  de  l'orgue,  135. 
Nouveau  journal  d'orgue,  179. 
Audition  par  M.  Widor  à  Saint-Vincent-de-Paul,  art. 

de  Blanchard,  330. 


Questions  artistiques ,   musicales 
et  théâtrales. 

Traité  entre  la  France  et  l'Angleterre  relativement  à 
la  propriété  littéraire  et  artistique,  28. 

Acteurs  employés  dans  les  vingt  théâtres  de  la  capi- 
tale, 39. 

Nombre  des  opéras  nouveaux  donnés  en  Italie,  en 
1851,54. 

Receites  des  spectacles  en  décembre  1851,  54. 

Rece  tes  des  spectacles  en  janvier  1852,  78. 

Concours  pour  le  meilleur  opéra,  à  la  Haye,  94. 

Réorganisation  du  service  médical  dans  les  théâtres, 
101. 

Décret  sur  la  contrefaçon  des  ouvrages  étrangers,  111. 

Almanach  des  Spectacles  pour  i  852, art.  signé  P.S.,  124. 

Recettes  des  spectacles  en  février,  425. 

Recettes  des  spectacles  en  mars,  134. 

Nomination  d  uneCommission  pour  l'examen  du  droit 
des  hospices,  158. 

De  la  propriété  littéraire  et  de  la  contrefaçon  :  Cor- 
respondance de  Bruxelles,  art.  signé  A.  Z.,  163. 

Recettes  des  spectacles  en  avril,  173. 

Don  de  1,000  franc-,  pari  Etat,  à  la  Société  Sainte- 
Cécile,  174. 

Publication,  en  Espagne,  d'une  collection  des  œuvres 
de  musique  religieuse,  174. 

Mise  au  concours  d'une  cantate,  par  la  Société  Sainte- 
Cécile,  174. 

Le  droit  des  pauvres,  art.  d  Edouard  Fétis,  177. 

Subvention^  aux  Conservatoires  de  Toulouse,  Lille, 
Marseille  et  Melz,  181. 

Receltes  des  spectacles  en  mai,  206. 

Maintien  du  droit  des  hospices,  238. 

Souscription  pour  l'érection  d'un  monument  au  vio- 
loniste Lafont,  238. 

Recettes  des  spectacles  en  juin,  255. 

Choix  de  l'ode  à  Sainte  Cécile.— -M.  Nibelle  proclamé 
lauréat.  —  Nouveau  concours  pour  mettre  cette 
poésie  en  musique,  262. 

Représentations  gratis  à  Psris,  270. 

Publication  d'un  journal  de  musique:  L'Union  musi- 
cale à  Rio-Jantiro,  279. 

Conclusion  des  arrangements  avec  la  Belgique,  286. 

Recettes  des  spectacles  en  juidet,  287. 

Manuscrits  et  autographes  de  Mozart,  287. 

Séance  consacrée  par  la  Société  Sainte-Cécile  à  l'exé- 
cution d'ouvrages  contemporains,  351. 

Secours  donnés  à  des  artistes  par  les  trois  associa'ions 
des  artistes  peintres,_musicienset  dramatiques,  351 . 


QUESTIONS   ARTISTIQUBS,   ETC. 

Question  mise  un  concours  par  l'Académie  des  Beaux- 
Arts  de  Bruxelles,  354. 

Arrêté  de  M.  le  ministre  de  l'intérieur,  concernant  les 
cafés-clianlants,  351. 

Assemblées  des  cinq  association?,  358. 

Recettes  des  spectacles  en  septembre,  371. 

Subvention  accordée  par  M.  le  ministre  de  l'intérieur 
pour  l'érection  de  In  statue  de  Lesueur,  371 . 

Lectuie  iVHippalyte  Porte-Couronne.,  en  présence  de.> 
comités  di  s  quatre  associations,  391 . 

Stiadivaiins  de  M.  le  baron  de  Trétnont,  acheté  par 
ILrmann,  391. 

Société  Sainle-Cécîle  :  choix  du  lauréat  pour  la  mu- 
sique de  l'ode  à  Sainte-Cécile  :  M.  Camille  Siint- 
Saën-,  454. 

Dénominations  du  temps  de  l'Empire  rendues  aux 
théâtres,  456. 

Nomination  de  la  Commission  pour  les  primes  à  ac- 
corder aux  meilleur-,  ouvrages  dramatiques,  455. 

Remise  d'emprisonnement  et  d'amendes ,  dans  la 
presse  non  politique,  à  l'occasion  de  la  proclama- 
tion de  l'Empire,  455. 

Mise  en  scène  du  Juif  errant,  publiée  par  M.  Palianti, 
464. 

Vacance  de  la  direction  du  théâtre  d'Amiens,  471. 


R 
Bévue  critique» 

CHANT. 

Encore  des  albums.  —  E.  Hartog.  —  Sivard.  —  Mme 

Manéra  ;  art.  d'Henri  Blanchard,  20. 
Fleurs  d'Italie  ou  douze  mélodies  italiennes,  parLéo- 

pold  Terry;  art.  d'Henri  Blanchard,  220. 
Les  Femmes  de  la  Bible,  poésie  mise  en  musique  par 

M.  Gaston  d'Albano;  art.  d'Henri  Blanchard,  276. 
Les  Scènes  de  la  vie  de  pension,  par  Mlle  Juliette 

Didon.  —  La  Settimana  musicale,  par  M.  Beret- 

toni.  —  Mélodie^,  par  M.  Charles  Poizot,  art. 

d'Henri  Blanchard,  389. 
Romances  et  mélodies,  par  MM.   Duvivier  et  Stein- 

kuhler,  art.  d'Henri  Blanchard.  398. 
La  Chanson  de  la  Biise.  —  L'Ondine  et  le  Pêcheur, 

par  L.  Lacombe  ,  art.  d'Henri  Blanchard,  468. 

PIANO. 

Charles  Woss.  Ses  compositions  pour  le  piano,  art. 
de  Geo  ges  Kastner,  85. 

Etudes  pour  le  piano,  par  Mme  la  comtesse  Agéner  de 
Gasparin,  art.  d'Henri  Blanchard,  173. 

Grande  fantai.-ie  sur  le  Prophète,  par  M.  Léopold  de 
Meyer.  —  Ncclume,  romances  sans  paroles,  galop, 
par  M.  Charle-.  John ,  art.  d'Henri  Blanchard,  237. 

Harmonie  <\es  Fleurs  :  six  morceaux  pour  le  piano, 
par  M.  J.  Blumenthal,  art.  de  Maurice  Bourges,  269. 

Composition  sur  le  Juif  errant  :  caprice  guerrier  et 
andanle  de  concert,  par  Richard  Mulder.  —  Fan- 
taisie, par  A.  Talexy.  —  Sept  airs  de  ballet  et  mar- 
ches triomphales, .par  Henri  Potier. —  Grande  valse 
brillante,  par  F.  Burgmul'er.  —  Bagatelles,  par 
Lecarpenlier.  —  Polka  des  Abeilles,  par  Emile  Ett- 
ling.  —  Quadrile  et  redowa,  par  A.  de  Lenoncourt. 
—  Schotisch  du  Berger,  par  Pasdeloup.  —  Qua- 
drilles, par  Musard  ,  art.  signé  P.  S.,  275. 

Consolation,  E  pérance  et  Galop,  par  M.  Wuck-Sa- 
battier,  art.  d'Henri  Blanchard,  276. 

Concertos  de  Beethoven  ,  arrangés  pour  piano  seul  : 
Moscheles,  Panseron,  art.  d'Henri  Blanchard,  292. 

Nouvelles  Eludes  journalières,  par  Czerni.  —  Veder 
Napoli  è  poi  mari .  par  Doehler.  —  Séiénade,  par 
M.  Th  Gouvy.  —  Deux  nocturnes,  par  Léopold  de 
Meyer.  —  Prélude  de  Hermann  Franck.  —  Andante 
de  concert,  par  Richard  Mulder.  —  Galop  et  étude, 
par  M.  Viénot.  —  Caprice  guerrier  et  polka-ma- 
zurka, par  G.  Daniele.-  Deux  petites  fantaisies  sur 
le  Juif  errant,  par  M.  Duvernoy.  —  Les  Chantres 
des  boi",  six  morceaux  caractéristiques,  par  Ri- 
chard Mulder,  art.  d'Henri  Blanchard,  314. 

La  Charité  et  Cujus  animam  du  Stabat  de  Rossini, 
transcriptions  pour  le  piano,  par  F.  Liszt ,  art. 
d'Henri  Blanchard,  339. 

Chant  du  m;itin.  —  Chant  du  Troubadour.  —  Chant 
du  Dimanche.  —  Chant  du  Chasseur.  —  L'Adieu 
du  Soldat.  —  Chant  du  Berceau.  —  Saltarel  o.  — 
Promenades  d'un  Solitaire,  mélodie  sans  paroles, 
par  S  epben  Heller;  art,  d'Henri  Blanchard,  349. 

La  Danse  des  Fées.  —  Vilanelle,  par  Emile  Prudent. 
Six  études  de  prem  ère  force,  par  Léon  Kreulzer.  — 
OuverturesdeGiiillaumeTelletdeSémiramisàqualre 
mains,  par  IL  Rosellen;  art.  de  Paul  Sinith,  378. 

Aurélia,  valse,  par  M.  Ettling.  —  Lara,  polka-ma- 
zurka, par  M.  Talexy. —Mazurka  de  salon,  par 
M.  Marmontel.  —  Promenade  en  Mer,  par  M.  H. 
Roseilen.  —  L'E-pérance  et  Raphaela,  valse,  par 
M.  Marcailbou.  —  Radieus»,  valse;  Riga,  caprice- 
mazurka,  par  M.  Viénot.  —  Morceaux  divers,  par 
M.  Léopold  de  Meyer.  —  Pastorale,  air  de  danse, 
parM.  Georges  Matniasjarf.  d'Henri  Blanchard,  390. 


DES  MATIERES. 

FIANO. 

Compositions  diverses,  par  MM.  Hess,  Paul  Barbot  et 
Marc  Burly;  art.  d'Henri  Blanchard,  398. 

Valse  de  conceit.  Trois  nocturnes,  par  L.  Lacombe; 
art.  d'Henri  Blanchard,  468. 

COMPOSITIONS  INSTRUMENTALES  DIVERSES. 

Six  études  pour  piano  et  violon,  par  M.  Ferdinand 
Hiller;  art.  d'Henri  Blanchard,  22o. 

Fantaisie  pour  piano  et  violon,  par  M.Ch.  Dancla; 
art.  d'Henri  B  anchard,  292. 

I"  sonate  pour  piano  et  violon  (œuv.  37);  2°  sonate 
(œuv.  39);  \"  trio  pour  piano,  violon  et  violon- 
celle (œuv.  33);  2°  trio  (œuv.  34),  par  Mme  Louise 
Farrenc;  art.  d  Adrien  de  La  Fage,  379. 

Duos  sur  des  airs  hongrois  et  slynens  pour  piano  et 
violon,  par  Ch.  de  Bériot.  —  Fantaisie  sur  le  Juif 
errant  pour  le  violoncelle,  avec  accompagnement 
de  piano,  par  M.  S.  Lee.  —  Hommage  à  Auber,  ca- 
price pour  violoncelle  avec  accompagnement  de 
pianr»,  par  P.  Seligmann.  —  Quatuor  pour  deux 
violons,  alto  et  vimoncelle,  par  Georges  Bousquet  ; 
art.  d'Henri  Blanchard,  397. 

Trio  pour  piano  violon  et  violoncelle,  par  L.  La- 
combe; art.  d'Henii  Blanchard,  468. 

MUSIQUE  RELIGIEUSE. 

Elie,  oratorio  de  Mendelssohn  ;  art.  de  Lém  Kreut- 
zer, 313,  319,  329. 

Joseph,  oratorio  de  Raimondi;  art.  de  Fétis,  333. 

Requiem,  de  Beili  z;  art.  de  Léon  Kreutzer,  356, 
369,  387,  395. 

Choix  de  huit  motets  avec  accompagnement  d'orgue, 
par  J.  Franck.  —  Six  motets  à  deux,  trois  et  qua- 
tre voix,  avec  solos  et  accompagnement  d'orgue, 
par  Albert  Sowinski;  art.  d'Adrien  de  La  Fage,  378. 

OUVRAGES  DIVERS. 

Les  Danses  des  Morts,  par  Georges  Kastner;  art.  si- 
gné R.,  141. 

Bibliographie,  Essai  sur  la  Typographie,  par  Ambroise 
Firmin  Didot;  art.  signé  E.  D.,  273,  304,  310. 

MÉTHODES  ET  OUVRAGES  THÉORIQUES. 

Méthode  de  piano,  par  IL  Rosellen  ;  art.  de  Georges 

Kastner,  53. 
Solfège  des  Ecoles  et  Solfège  des  Chanteurs,  par  J. 

Kuhn;  art.  signé  P.  S.,  61. 
Théoriis  complètes  du  chant,  par  Stéph^n  de  la  Ma- 
deleine; art.  de  Paul  Smith,  156. 
Nouveau  Journal  d'Orgue  publié  par  M.  Lemmens; 

art.  de  Maurice  Bourges,  179. 
Traité  de  Prononciation,  par  M.  Morin  de  Clagny  ;  art. 

signé  P.  S.,  190, 
Méthode  de  chant  de  M.  Piermarini;  art.  d'Henri 

Blanchard,  219. 
Système  de  nolation  musicale,  par  M.  Perrot;  art, 

d'Henri  Blanchard,  276. 

S 

Société  des  gens  de  lettres. 

Assemblée  générale  annuelle.  —  Lecture  du  rapport. 
—  Nomination  du  comité.  —  Constitution  du  bu- 
reau, 175. 


Théâtres  A  Paris. 

(Pour  les  Théâtres  des  Départements  et  de  l'Etranger, 
voyez  a  ces  mots.) 

OPÉRA. 

Représentation  extraordinaire  à  laquelle  assistait  le 

Prince-Président,  12. 
Représentation  exiraordinaire,  avec  le  concours  de  la 

Comédie- Française,  13. 
Secours  accordé    à  l'Opéra  pour  l'extinction  des  an- 
ciennes dettes  de  la  direction,  30. 
Reprise  de  Guillaume  Tell.  —  Gueymard,  art.  signé 

P.  S.,  35. 
Reprise  du  Violon  du  diable,  46. 
Reprise  de  la  Sylphide.  —  Mlle  Priora,  78. 
Réengagement  de  Chapuis,  87. 
Rentrée  de  de  Lagrave,  93. 
Le  Juif  errant,  opéra  eu  cinq  actes,  paroles  de  M.  de 

Saint-Geo-ges,  mu-ique  de  F.  Halévy,  art.  de  Paul 

Smith,  129. 
Le  Juif  errant  :  la  partition,  art.  de  Fétis,  1 40,  1 45, 

153. 
Chapuis,  dans  Léon  du  Juif  errant,  190. 
Mie  Marie  Dussy,  dans  Irène  du  Juiferrant,  498. 
Gueymard,  dans  Léon  du  Juif  errant,  214. 
Retraite  de  de  Lagrave,  238. 
Rentrée  de  Mathieu,  dans  Lucie,  255. 


THEATRES    A    PARIS. 

Bauche,  dans  les  Huguenots,  Î63. 

MmeTedesco,  dans  la  Favorite. —  Reprise  de  Gi$elltt 

270. 
Mrle  La  Grua,  dans  Alice  de  Robert,  278. 
Mathieu  dans  les  Huguenots,  287. 
Reprise  de  Jérusalem,  294. 
Reptise  du  Juif  errant,  387. 
Repiésenlation  solennelle  :  cantate  de  MM.  Philoxène 

Boyer  et  Victor  Massé,  art.  signé  P.  S.,  363. 
Reprise  de  Moïse,  art.  sigi  é  R.,  373. 
Merly,  dans  Ashvérus  du  Juif  errant,  408. 

OPÉRA-COMIQUE. 

Reprise  de   Nina.   —   Début  de  Mlle  Andréa  Favel, 

art.  d'Henri  Blanchard,  9. 
Reprise  du  Toréador,  46. 
Le  Carillonneur  de  Bruges,  opéra  comique  en  trois 

actes,  paroles  de  M.  de  Saint-Georges,  partition  de 

M.  A.  Grisar.  —  Début  de  Mlle  Wertheimberg,  art. 

d'Hemi  Blanchard,  57. 
Rentrée  de  Mme  Darcier,  87. 
Le  Farfadet,  opéra  comique  en  un  acte,  paroles  de 

M.  de   Planard,  musique   de  M.  Ad.  Adam,  art. 

d'Henri  Blanchard,  89. 
Madelon,  opéra  comique  en  deux  actes,  paroles  de 

M.   Sauvagp,   musique  de  M.  Bazin,  art.  d'Henri 

Blanchard,  97. 
Galathèe,  opéra  comique  en   deux  actes,  paroles  de 

MM.  Jules   Barbier  et  Michel  Carré,  musique  de 

M.  Viclor  Massé,  art.  d'Henri  Blanchard,  121. 
Reprise  de  la  Perruche,  1 34. 
Reprise  des  Porcherons,  4  42. 
Reprise  des  Voitures  versées,  art.  d'Henri  Blanchard, 

147. 
Duvernoy  nommé  régisseur-général,  en  remplacement 

de  Mocker,  157. 
Delauuay-Ricquier,  dans  Galathèe.  —  Dufresne,  dans 

Madelon.  —  Retraite  de  Mocker,  d'Hermann-Léon 

et  d'Audran,  173. 
Reprise  de  l'Irato,  art.  d'Henri  Blar.chard,  178. 
MmeMeyer-Meillet,dansBéatrixduCun'Mcmr«ur,  190. 
Boulo,  dans  les  Porcherons,  199. 
Delaunay-Ricquier,  dans  le  Farfadet,  206. 
Reprise  d'Actéon,  222. 
Reprise  de  la  Sirène,  230. 
La  Croix  de  Marie,  opéra-comique  en  trois  actes  , 

paroles  de  MM.    Lokroy  r-t  Dennery,  mu-ique  de 

M.  Aimé  Maillard,  art.  d'Henri  Blanchard,  241. 
Mlle  Talmon  dans  Madelon,  247. 
Reprise  de  Giralda,  art.  d'Henri  Blanchard,  260. 
Les  Deux  Jacquet,  opéra-comique  en  un  acte,  libretto 

de  M.  de  Planard,  partition  de  M.  Cadaux,   art. 

d'Henri  B  anchard,  265. 
Retraite  définitive  de  Mme  Darcier,  286. 
Le  Père  Gaillard,  opéra-comique  en  trois  actes,  li- 
bretto de  M.  S  uvage,  musique  de  M.  H.  Reber, 

arr.  d'Henri  Blanch-rd,  300. 
Rentrée  de  Mme  Ugalde,  340. 
Début  de  M.  Faure  &..m  Galathèe ,  art.  signé  R.,  356. 
Les  Mystères  d'Udolphe,  opéra  comique  en  trois  ac- 
tes, libretto  de  MM.  Scribe  et  Germain  Delavigne  ; 

partition  de  M.  Clapisson  ,  art.  d  Henri  Bltnchard, 

374. 
Faure,  dans  le  Caïd,  391. 
Représentation  solennelle  :   Cantate  de  MM.  Méry  et 

Ad.  Adam.  —  Reprise  du  Domino  noir,  art.  signé 

P.  S.,  393. 
Marco  Spada,  opéra-comique  en  trois  actes,  libretto 

de  M.  Sciibe,  partition  de  M.  Auber,  art.  d'Henri 

Blanchard,  476. 
Bussine,  dans  le  Père  Gaillard,  478. 

ITALIENS. 

Reprise  de  la  Sonnambula,  6. 

Reprise  de  Maria  di  Rohan,  13. 

Début  de  Ferlotli  dans  Maria  di  Rohan,  22. 

Nabucodonosor. —  Ferlotli,  30. 

Reprise  de  VElisir  d'Amor,  39. 

Fidelio  de  Beethoven,  41. 

Reprise  de  VItaliana  in  Algieri,  70. 

Rep  Le  d'/J  Barbiere.  —  Rentrée  de  Lablache,  78. 

Réouvertura  :  Otello.  —  Rentrée   de  Mlle  S.    Cru- 

velli,  —  de  Carlzolar.  et  de  Belletti.  —  Début  de 

Bettini,  394. 
La  Sonnambula.  —  Début  de  Mlle  Beltramelli ,  407. 
Louisa  Miller,  mélodrame  en  trois  actes,  libretto  de 

Cammarano,  partition  de  G.  Verdi.  —  Début  de 

M.  Valli,  art.  de  Maurice  Bourges.  460. 
VElisir.  —  Rentrée  de  Mme  Vera,  471. 
Reprise  de  Norma,  478. 

THEATRE-LYRIQUE. 
(ancien  opéra-national.) 

La  Butte  des  Moulins,  opéra  en  trois  actes,  paioles 
de  MM.  Gabriel  et  Desforges,  musique  de  M.  Adrien 
Boïeldieu,  art.  de  G.  Héquet,  9. 

Le  Mariage  en  Vair,  opéra-bouffon  en  un  acte,  mu- 
sique deM.  Eugène  Déjazet,  art.  de  G.  Héquet,  36. 


THRATRES  A  PARIS. 

Reprise  des  Visitandines,  art.  de  G.  Héquet,  49. 

Les  Fiançailles  des  Roses,  opéra-comique  en  deux  ac- 
tes, paroles  de  M.  Deslys,  musique  de  M.  Ville- 
blanche.  —  La  Poupée  de  Nuremberg,  opéra-bouf- 
fon en  un  acte,  paroles  de  MM.  de  Leuven  et  Arthur 
de  B  auplan,  muMque  de  M.  Ad.  Adam ,  art.  de  G. 
Héquet,  65. 

Joanita,  opéra  en  troit  actes,  paroles  de  M.  E.  Du- 
prez,  musique  de  M.  G.  Duprez,  art.  de  G.  Hé- 
quet, 81. 

Nomination  de  M.  Julis  Seveste  comme  directeur.  — 
L'Opéra-National  change  son  nom  contre  celui  de 
Théâtre-Lyrique,  125. 

Clôture  de  la  saison ,  142. 

Retraite  de  M.  Varney,  chef  d'orchestre,  1 81. 

Réouverture  :  Si  j'étais  roi .'  opéra-comique  en  trois 
actes,  paroles  de  M.  Dennery,  musique  de  M.  Ad. 
Adam,  art.  de  G.  Héquet,  300. 

Flore  et  Zéphir,  opéra-comique  en  un  acte,  paroles  de 
MM.  de  Leuven  et  Deslys,  musique  de  M.  Gautier, 
336. 

Choisy-le-Roi,  opéra-comique  en  un  acte,  paroles  de 
MM.  de  Leuven  et  Michel  Carré,  musiqne  de 
M.  Gautier.  —  Début  de  Mlle  Petit-Brière,  art.  de 
G.  Héquet,  345. 

La  Ferme  de  Kilmoor,  opéra-comique  en  deux  actes, 
paroles  de  M.  Deslys  et  Eugène  Wœstin,  mubique  de 
M.  Varney,  art.  de  G.  Héquet,  364. 

Reprise  du  Postillon  de  Longjumeau.  —  Chollet,  375. 

Les  Deux  Voleurs,  391 . 

Reprise  de  la  Perle  du  Brésil,  398. 

Guilltry  le  Trompette,  opéra-comique  en  deux  actes, 
paroles  de  MAI.  de  Leuven  et  Beauplan,  musique  de 
M.  Sarmiento,  art.  de  G.  Héquet,  461 . 

Rentrée  deCabel  drns  le  Maître  de  Chapelle,  471. 

THÉÂTRE-FRANÇAIS. 

Ulysse,  tragédie  de  M.  Ponsard,  avec  chœurs  et  musi- 
que de  M.  Ch.,Gounod,  art.  deMaurice  Bourges,  211. 

VARIÉTÉS. 

La  Négresse  et  le  Pacha,  6. 


TABLE  ALPHABÉTIQUE  DES  MATIÈRES. 

THÉÂTRES  A  PARIS. 

La  Quittance  de  Minuit,  10. 

Concerts  de  M.  Giovanni  Filippa.  174. 

Compagnie  musicale  hongroi-e.  222. 

Le  Roi  des  Drôles,  art.  d'Henri  Blanchard,  260. 

PORTE-SAINT-MARTIN. 

L'Imagier  de  Harlem,  6. 
La  Poissarde,  art.  d'Henri  Blanchard,  37. 
Cantate  de  MM.  Méry  et  de  Groot,  278. 
Richard  III,  musique  de  M.  de  Groot,  art.  d'Henri 
Blanchard,  360. 

AMBIGU-COMIQUE. 
Berthe  la  Flamande,  art.  d'Henri  Blanchard,  260. 


Variétés. 

La  Comédie  des  opéras,  art.  signé  P.  S.,  26. 

Banquet  offert  par  les  artistes  de  l'Opéra-Comique  à 
M.  Emile  Perrin,  leur  directeur,  38. 

Acciden    arrivé  à  Gottschalk,  54. 

Statue  de  Lesueur,  123. 

Accident  arrivé  à  Levasseur,  125. 

Banquet  de  l'Union  des  Lettres  et  des  Arts,  présidé  par 
M.  le  baron  Taylor,  158. 

Réception  de  M.  Alfred  de  Musset  à  l'Académie  fran- 
çaise, 181. 

Un  Ménétrier  ou  le  Bois  aux  Loups,  art.  de  Lia  Mul- 
der,  1 87. 

Expériences  d'extase  et  d'insensibilité,  art.  d'Henri 
Blanehard,  196. 

Un  trait  de  Martini,  art.  de  Paul  Smith,  196. 

Un  conceurs  de  chant  dans  le  département  du  Nord, 
art.  d'Edouard  Fétis,  203. 

De  la  musique  plus  que  jamais,  art.  signé  E.  F.,  243. 

La  Musique  de  la  Tragédie,  du  Drame  et  de  la  Comé- 
die, art.  signé  E.  F.,  249. 

Testament  de  M.  le  baron  de  Trémont,  art.  signé  P. 
S.,  267,  320. 


Morceaux  choisis  de  Catulle,  Gallus,  Properce,  etc., 

traduits  en  vers,  par  Louis  Langlois,  art.  signé  P. 

S.,  286.  8 

Notes  historiques  (extrait  de  la  Nouvelle  Gazette  de 

Vienne),  312. 
Méthode  de  Sténochorégraphie  ou  art  d'écrire  promp- 

tement  la  danse,  par  Saint-Léon,  340. 
L'Ermitage  :  souvenirs  de  J.-.I.  Rou-seau  et  de  Gré- 

try,  art.  à  Edouard  Félis,  375. 
Du  quatuor  instrumental  et  du  quatuor  vocal,  art. 

d'Henri  Blanchard,  379. 
La  musique  à  Alg>r,  art.  de  P.  Séligmann,  385. 
De  la  création  d'un  Musée  musical,  art.  d'Edouard 

Fétis,  449. 
Collection  curieuse  de  musique  ancienne,  à  la  vente 

des  livres  provenant  des  bibliothèques  du  feu  roi 

Louis-Philippe,  454. 
Macbeth,  d'après  Shakespeare,  par  Léon  Halévy,  art. 

signé  P.  S.,  462. 


Voyages. 

Départ  de  Mlle  Alboni  pour  l'Amérique,  190. 
Reiour  à  Paris  de  M.  Eug.  Scribe,  venant  d'Italie  et 

d'AUeimgne,  190. 
Départ  de  Vivier  pour  Constantinople,  190. 
Départ  de  Roger  pour  l'Allemagne,  198. 
Arrivée  à  Liverpool  de  Mme  Jenny  Lind  et  de  son 

mari,  venant  d'Amérique,  199. 
Retour  à  Paris  de  Berlioz,  venant  de  Londres,  206. 
Départ  de  M.  Georges  Kastner  pour  l'Allemagne,  215. 
Départ    de  Mme  Frezzolini  et  de  Barroilhet  pour 

l'Italie,  222. 
Arrivée  de  Mlle  Alboni  à  New-York,  222. 
Arrivée  de  Meyerbeer  à  Paris. 
Départ  de  Meyerbeer  pour  les  eaux  deSpa,  230. 
Reiour  définitif  de  Vieuxtemps  à  Paris,  238. 
Départ  de  Mme  Sontag  pour  l'Amérique,  307. 
Arrivée  de  Mme  Sontag  à  New-York,  331. 
Retour  à  Paris  de  Berlioz,  venant  de  Weimar,  408. 
Retour  à  Paris  de  Vivier,  venant  de  Constantinop'e, 

408. 
Arrivée  de  Thalberg  à  Paris,  471. 


TABLE  ALPHABÉTIQUE  DES  NOMS. 


Abt  (F.),  214. 

Adam  (Adolphe),  27,  66,89, 

158,    165,  214,219,  250, 

260,  263,  270,  301,  375, 

393,  455. 
Adler,  199. 

Agostini  (MlleErsilie  de) ,  1 81 . 
Aimes,  35,  83. 
Aimon  (Léopold),  331 . 
Alard,  25,  42,  58,  75,  92, 

158,165,  251,  406,  466. 
Alary,  80,238. 
Albano   (  Gaston  d'),  276. 
Albert  (Emile),  123. 
Alboize,  315. 
Alboni   (Mlle),  63,70,  125, 

150,  190,  222,  230,  308, 

341. 
Alexandre,  75. 
AHzard,  51. 
Alkan  aîné,  361. 
Alvès,  262. 

Amat(Léopold),  99,295,463. 
Ander,  127,  295,  308. 
Anderson  (Mme),  294. 
Augri  (Mlle  d'), 62,70,93,151. 
Anschutz  (Mme),  359 
Anthiome,  175,  371. 
Arnaud  (Etienne),  390. 
Arnoldi,  394. 

Arod  (Prosper  deSaint-)  ,165. 
Artus,  54,  165,219. 
Ascher,  77. 
A-smayer,  255. 
Astruc,  247. 
Attilio  Grisi,  126. 
Auber,    165,  230,  261,270, 

341,  393,  455,  465,  476. 
Audran,  23, 97, 173,238,390. 


Bach  (Sébastien),  372. 
Bagdanoff  (Mlle),  373. 


Balanqué,  82, 158,229,  339, 

406. 
Balla  (Mlle),  223. 
Balfe,  231,279,  452. 
Barbier  (Jules),  121. 
Barbieri-Nini  (Mme),  13. 
Barbot,  21,  87. 
Barbot  (Paul),  351,  398. 
Bardin,  261. 
Barielle,  294,  390. 
Barroi  het,  222. 
Birnum,  351. 

Basadonna  (Giovanni),  316. 
Bati-te  (Ed.),  78,  251,356, 

405. 
Baïka  (Mlle),  331. 
Batta  (Alexandre),  63,  70, 

455. 
Battaille,  251,301,340,393, 

.404,  478. 
Batlon,  78. 
Battu,  335. 
Bauche,  263,  456. 
Baur,  151. 
B.yen  (Mlle),  251. 
Bazin  (F.),  97, 158, 247, 371. 
Bazzmi,  28,54,94,  98,  148, 

222,  341. 
Bazzoni,  21. 
Beauce,  196. 
Beauce  (Mlle  de),  123. 
Beaufour   (Mme),  240. 
Beaulieu,  105,  229. 
Beauplan  (Arthurdt),65,461. 
Beck  (Mme),  359. 
Beckers,  261 ,  464. 
Bedier(MlleAntoinette),292. 
Beethoven,   67,   217,   227, 

233,  250,   292,  341,347, 

405,  451. 
Belletti,39,942,70,34,  471. 
Belleville-Oury   (Mme),  175. 
Bellini,  297. 
Bellon,  105,  165. 
Beltramelli,407,  478 
Belval,  391. 


Bénédïct  (J.),  126,  324. 

Benoist,  250,  287. 

Berg  (Conrad-Mathias),  471. 

Bériot  (Ch.  de),  50,  270, 
350,  379,  397. 

Berlioz  (Hector),  63,  95, 
102,111,150,  165,  207, 
222,  270,  309,  356,  369, 
389,395,408,  478. 

Bernard,  251. 

Bernard  (Mme  Hellénie),  198. 

Bernardel,  251. 

Berrettoni,  389. 

Berton,  376. 

Berton  (Mme  Ve),  23. 

Bertrand  (Mlle  Ida),  22,  59, 
93,  479. 

Bessems,  92. 

Bétout,  251. 

Bettini,  247,  394,  461,  478. 

Bianchi  (Mlle  Valentine), 181. 

Biard  (Mile),  251. 

Bienaimé,  247. 

Bierlich  (Mlle),  134. 

Biéval,  36,  50,  365. 

Billet  (Alexandre),  294. 

Birlsmann,  214. 

Biscliop,  34. 

Bischop  (Mme),  70. 

Bizet,  251,479. 

B  ahetka  (Mlle),  294,  399. 

Blanc,  42,  196. 

Banchard  (Mme),  393. 

Blanchet,  262. 

Blêve  (Mie),  98. 

Blumenthal  (J.),  222,268, 
359. 

Bockollz-Falconi  (Mme),  92. 

Bochsa  (Mme),  70. 

Boïeldieu  (Adrien),  9. 

B  direr  (Max),  455. 

Boisselot  (Xavier),  351. 

Bonheur,  251. 

Bonnehée, 78,251, 261, 466. 

Bonnefoy,  262. 

Bonnefoy  jeune,  262. 


Bonneseur,  372. 
Bonoldi,  5. 
Bontemps  (Mlle),  98. 
Bordas,  255,  278. 
Bordogni,  251,  288. 
Borrelli,  246. 
Bottesini,  194. 
Bouché,  99. 
Boulanger,  251 . 
Boulanger  (Ernest),  94. 
Boulard  (Mlle),  78,105,  211, 

251,466. 
Boulo,   58,  199,  230,  242, 

335,  391,478. 
Boulu,  451. 
Bourdeau,  307,    346. 
Bourgeois  (Mlle  Amélie),  25 1 , 

466. 
Bourges  (Maurice),  330. 
Boutibonne  (Mlle),  151. 
Boulmy,  261. 
Bousquet  (Georges),  77,  93, 

148,   158,   219,  399,  466, 

478. 
Bousquier,  174. 
Boyer  (Philoxène),  364,  381 . 
Brandus  (L.),  286. 
Brémont,  125,  206,  364. 
Iîrignoli,  359. 
Brillant  (J.  S.),  278. 
Brisson  (Frédéric),  371. 
Britton  (Thomas),  365. 
Brizzi,  308. 
Bron  (baron  de),  479. 
Brousse  (Mme  Marie),  134. 
Brnnell  (Henri),  214. 
Brunsch\vig(Mi!e),"251. 
Bull  (John),  341. 
Bury,  386. 

Buigmuller(F.),  275. 
Burty  (Marc),  398. 
Bussine,   59,  89,  147,242, 

478. 


Cabel,;i82,  471. 


Cabel  (Mme),  21,150,  174, 

278,371,  407. 
Cacerès,  123. 
Cadaux  (Juslin),  265. 
Calzolari,  39,    42,  70,  247, 

394,  471. 
Cambier  (Mme),  340,  456. 
CammaranoJSaivatore),  279, 

287,  460. 
Canaple,432. 
Caradja,  13. 
Carman,  21. 
Carmont,  261. 
Cirra  (Mme),  480. 
Carré,  301,  462. 
Carré  (Michel),v121,  345. 
Carréon,  480. 
Carrion,  351. 
Carvalho,  478. 
Caspers,  4  1. 
Casselin  (Mlle),  247. 
Castellan  (Mme),  13,  21,30, 

69,231. 
Castagneri,  461. 
Caubet,  126. 
Cavaillé-Coll  (Aristide),    3, 

37,  330. 
Cavallini,  269,  455. 
Cavallo,  38,  140. 
Cave,  112. 
Cerrito    (Mme  Fanny),    46, 

307,  315,364. 
Chaff,  246. 

Chambard  (Mlle),  372. 
Chambon,  251. 
Champenois,  451. 
Chapuis, '.87,  132,  190,  278, 

293,  294,  373. 
Chardard,294. 
Charlier,  29» 
Charton  (Mme),  47,  88  ,174. 

263,  390,  455. 
Chassai  (Mme),  247. 
Chassant  (Mlle),  25,  196. 
Chattelyn,  261. 
Chaudesaignes,  59. 


Chaunier,  390. 

Chélard,  408,  455. 

Chenest,  53. 

Cherubiui,    29,   229,   2301 

357,  405,  466. 
Chevillard,  76, 1 48, 405, 4671 
Chollet,  375. 
Chopin  (F.),    39,  222,  262i 

359. 
Choron,  469. 
Cholerk,  191. 
Cibra,423. 

Clapisson  (L.),  54,  374. 
Cari  (l'abbé),  357. 
Clauss  (Mlle   Wilhelmine) 

20,  43,  59,   76,  92,  106 

175. 
Coche  (Mme),  165,  251. 
Codelaghi  (Mlle),  251,  264. 
Codine,  99. 
Cœuriot  (Mme),  126. 
Cogniard(T.),278. 
Cohen  (J.),  250. 
Cohen  (L.),  263,  335. 
Cokken,  181,  219,  261. 
Colblain,  93. 

Colet  (Hippolvle),  126,246 
Colin,  247. 
Colin,  262. 

Colin  (Auguste),  34!. 
Colin  (Mlle),  251,  479. 
Colin-Neumann,  106. 
Colini,  288. 
Colson,  391. 
Colson  (Mme),  215,  304. 
Commeltant  (Mme),  44. 
Concone,  467. 
Conninx,  196. 
Coppée  (Mlle),  246. 
Corali,  118. 
Corbari  (Mlle),  39,  42. 
Corcelles  (Mlle  de),  301. 
Corin,  29. 

Cornélys  (Mme),  456. 
Corti  (Alexandre),  350. 
Cossmann,80,263,295,  463 


TABLE  ALPHABÉTIQUE  DES  NOMS. 


ta.  4b. 

lier  (Mlle),  251. 

ider,  134,  393,  463,  478. 

ilon ,  222. 

ircelles(Mme),98. 

irtoi  (Mlle),  111. 

mbade,  261,466. 

mers,214). 

mont  (Mlle  Cécile),  H3. 

isez,  3 1 4. 

ze.(J.B.),  351. 

ivelli  (Mlle  Marie),  94. 

ivelli    (Mlle  Sophie),  13, 

10,42,54,62,78,94,151, 

107,  231,  287,  341,  39  4, 

i60,  478. 

rci,  82. 

?illOD,  37,  123,   148,405. 

vreau,4  43. 

■rny,  314. 

D 

mcke,  288,  380. 
tneron  (Mlle), 62,1 17,255. 
nortau  (Mme),  251. 
ïioreau  (fils),  231. 
ncla  (Armand),  134. 
îc'a  (Charles),    59,    113, 
I48,  292,  340,  405. 
ncla  (Léopold),  134,  340. 
ficla  (Mlle  Laur«),  307. 
ilmuser(MlleEsther),215, 
!95. 

îielefG.),  315. 
rboville  (Mlle),  294. 
rcier(Mme),  78,  87,142, 
287. 

rjou  (Mlle).  251. 
;sier  (E.),  215,  381,479. 
ussoigne-Méliul,  125,294. 
jverné,  249,  262. 
irid,  407. 

vid  (Félicien),  386,  406. 
vison,  19. 
wson,  34. 
aain,  75. 

bassini,  216,  231,  452. 
iroix   (Mlle),   179,  222, 
Ï66,  301,  393. 
azet  (Eugène),  36. 
afontaine,  247. 
aruelle,250. 
avaut  (Eugène)  34. 
avigne  (Germain),  374. 
Icroix,  251. 
[devèze,  101. 
offre,  44, 100,451. 
.offre  (Mme),  44, 100,  451. 
sarte,  133. 
merssemann,  250. 
îeaux,  250. 
lefve,  2 1 4. 
leux,  94. 
inerv,  241,301. 
>assio,     78,     125,     4  32, 
30,   278,  294. 
}lace,  246. 
T  (Mme),  386. 
icous,  479. 
lys,  65,  336,  364. 
ormeaux,  261. 
liens  (Mlle),  214. 
îrb'ay  (Mlle),  264. 
Isch  (Mlle),  261. 
tsch,  190,  278,  308.U 
z,75.  \ 

ppo,  261 . 

Ion  (Mlle  Juliette),   84, 
9,  135,  323,  389. 
irée   (  Mile  ),    23,  231, 
63,  287. 
irynski,  247. 
hier,  314. 
zan,50 
det,  262. 
val-Valentino,  98. 
us,  106,  405. 
schler  (Joseph),  88. 
iosc,  215. 
luisson,  251. 
ci  (  Antoine   et  Michel- 
nge),  34. 
tout  (Mlle),  466. 
rest  (Mlle  Marie),  98. 
roquet,  4. 

z(Mlle),  315,  364,  373. 
ôt-Maillait  (Mme),  20, 
31,230. 

êne,  140,  173,  260,374. 
esne  (Mme),  247. 
uet,  29,  230. 


Dupaly  (Emmanuel),  181. 

Dupeuty,  278. 

Dupont,  293. 

Dupont  (Alexis),   99,  132, 

191,  479. 
Duprat,  82,  371. 
Dupralo,  335. 
Duprez(E.',  81. 
Duprrz   (G.),  81,  278,293, 

407. 
Duprez  (Mlle  Caroline),  81, 

101,  158,  229,  287,   292, 

294,  477. 
Dupuis,  230,  293. 
Dapuy  (Mlle),  181. 
Durand,  251. 
Duranti,  358. 
Dussy  (Mlle  Marie),  198,350, 

364,  406. 
Duval  (Mlle  Artémise),  76, 

83,  451. 
Duvernoy,  315. 
Duvemoy,  157,  261,  393. 
Duvivier,  398. 


Eheling  (Mlle  Matbilde),  12 
Eckert  (Charles),  76,  223 

307.  351. 
Ella,  45. 

Elena  (Mlle  Judith),  181. 
Eleni  (Luigi),  140,  181. 
Ellinger,  231. 
Ellsler  (Mlle  Fanny),  191. 
Elwart,  149, 181,  246,  278 

391,  463. 
Engelmann  (Mme),  479. 
Erard,  59,  83. 
Ernst,  20,  43,  67,119,158 

182,  331,  408. 
Eschenbach,  75. 
Espert  (Mlle),  22Î. 
Fspin  y  Guillen,  359. 
Ettling  (Emile),  46,  126 

199,  276,  389. 
Everard,  480. 


Farronc  (Mme),  67,  132 

254,278,  405. 
Faure,  214,  251,   261,  287 

356,391,466. 
Favel  (Mlle  Andréa),  9,  US 

301,  478. 
Fayol'e,  468. 
Félix  (Mme),  393. 
Feironti,  83. 
Ferlotti,  13,  22,  30,  132. 
Ferretli  (G.),  135. 
Ferni  (Mlle  Carolina),  182. 
Ferni  (Mlle  Virginia),  182. 
Fétis,  90. 407,270,322,479. 
Field,254. 
Filippa  (G.),  474. 
Fiorentini  (Mme),  43,  263. 
Fiorentino,  27. 
Firmin  -  Didot    (Arabroise), 

273,304,311. 
Fischer(C.L.),H4,262,391, 
Fleury,  206. 

Fleury-Jolly  (Mme),  308. 
Flottow  (de),  55,  4  35. 
Foder  (Mm?),  359. 
Forestier,  219. 
Forgues  (Emile),  99. 
Forli  (Mlle  Régina),  46,  270. 
Formes,  55,  143,  247,  341. 
Foroni-Conti(Mlle),  331. 
Fos.'e,  10. 
Fournier,  251. 
Franck (J.),  250, 287,  378. 
Franco-Mendes,  255,  279. 
Franchomme,   25,  30,    42, 

59,75,  92,  251. 
Fraschini,  119,216. 
Frère,  230. 
Freret,  261 . 

Fréry  (Mlle),  69,  155,  230. 
Frezzolini  (Mme),  222. 
Froment  (J.),  372. 
Fuchs,  23. 
Fumagalli  (Adolphe),  5,77, 

4  33,223,  479. 
Furstenau,  455. 


Gabrielli  (comte),  412. 
Gadi  (Mme),  13. 


Galin,  149. 

Galitzin  (prince  Nicolas-Bo5 

ris,),  277.  347,  381,  451. 
Gallay,  262. 
Galli,  251. 
Galli,  269,  463. 
Gabier  (Mlle),  25. 
Ga  vaui,  282. 
Gimbaro,  287. 
Gnnuza  (J.  ,  118. 
Garaudé (Alexis  de),  112. 
Gardoni,  231,263,  471. 
Garrigue»  (Mlle),  223. 
Gasc,  464. 
Gasporin  (Comtesse  Agénor 

de),  473. 
Gissier,  289. 
Gassier  (Mme),  269. 
Gastinel,  196,  359. 
Gaudema,  474. 
Gaudin,  307. 
Gaulhbr  (Henri),  466. 
Gautier,  336,  345. 
Gauzangue,  264. 
Gaveaux-Sabalier  (Mme),  60, 

99,4  33,263,294,  471. 
Gay  (Mme  Sophie),  79. 
Geiger  (Mlle  Constance)  31, 

112. 
Geismar  (Mlle),  214,  251, 

381,  466. 
Géraldy,     29,    125,     140, 

498,  230,293. 
Gernsheim  (Frédéric),  44. 
Gevaert,214. 
Gilardoni,  354. 
Girard,  4  32,391. 
Girard  (Mlle),  261,  406,  466. 
Giraud(F.),  471. 
Giraud,  247,  408. 
Giuliani,  5,  251. 
GlandierfM.),  220. 
Glinka,  218. 
Gluck,  247. 
Goblin,  251. 

Godefroy  (Félix),  59,  410. 
Gordigiam,  231. 
Goria,  106. 
Gosselin,  223. 
Gottschalk,   206,  238,  295, 

479. 
6ouffé,21,50,106,196,379. 
Gounod,  11,  22,   68,  114, 

165,  241,  467, 
Gouvy,  11,  314. 
Graever  (Mlle),  20,  36,100, 

133,206,278. 
Graff,  264. 

Grahn  (Mlle  Lucy),  372. 
Grandval  (Mme  die),  148. 
Gras  (Mlle),  133. 
Gray,  49. 
Grétry,  375. 

Grignon  (fils),  36,  346,  365. 
Grignon  (père),  36,66,346, 

375. 
Grimm  (Mlle),  405. 
Grisi  (Ernesta),  63,  4  58. 
Grisi   (Giulia),  27,80,  4  51, 

231. 
Groot  (de),  37,  278,  330. 
Guénée(Mle),263,294,  316. 
Guerreau,  67. 
Gueymard,  11,  35,94,  474, 

4  82,  206,  245,230,255, 

279,  287,  292,  308,  340, 

364,  373.  478. 
Guichard  (Mlle),  36,  49,  82, 

365,  375. 
Guignerj,  262. 
Gnignot,  432,  373. 
Guillemot  (Mlle),251. 
Guillot  (Antonin),  98. 
Guilmont  (Mlle),  287. 
Gundi(Mme),  419. 
Gungl  (Joseph),  7. 
Guy-Stéphau  (Mme),  255. 
Guyon  (Mme),  251. 
Gye,  279. 

H 

Haberbier,   143,    148,   456, 

270. 
Hainl    (Georges),   331,  479. 
Hagen  (Mme  Charlotte),  499. 
Halary  (Jules),  222. 
ILilévy,  129, 435,  437,  445, 

153,  214,   250,270,  286, 

455. 
Halévy  (Léon),  462. 
Hannegresse,  390. 
Hanssens,  279. 


Haumann,  59. 
Haumann,  163. 
Hartog  (  Edouard  de  ),  20, 
144. 

Has-eli-Bart(Mme),  479. 
Hasslinger,  151. 
Hausser,  451. 
Haydn,  466,  469. 
Hébert-^^sy  (Mme),53, 1 23. 
Heimhack,  262. 
Heinefettér  (MllelCathinka,) 

126,  143,   158,191,  341, 

456. 
Heller  (Stéphen),  132,  262, 

349. 
Hrllmi-sberger,408,  456. 
Henchenne,  53. 
Hénelle  (Mme  Claire),  132. 
Henrion  (Paul),  5,  474. 
Henselt,  341. 
Hermann,  95,  106,391. 
Hermann  -  Léon,    59  ,  98  , 

173,  199.  350. 
Hermann  (Franck),  315. 
Hérold  (Mbe  Eugénie),  316. 
Herremburger    (Mme),  70, 

471. 
Hersant  (Mlle),  251. 
Herz  (Henri),  19,251. 
Hess,  39S,  467. 
Hesse  (Mlle),  246. 
Hill,  34. 
Hill  (F.),  255. 
Hiller  (Ferdinand),  106,220, 

307,  355,371,387. 
Hocmelle    (Edmond),  418. 

238,  247. 
Holdich,  34. 
Hollzheim,261. 
Hubert,  165,  346. 
Hugot(MlleJ.),  59. 
Hulsen  (de),  112. 
Hung  (Henri),  456. 
Hyrtl,  151. 

I 

Ismaël,  126,  372. 
Iweins-d'Hennin  (Mme),  99. 


Jacobi  (Charles),  199. 
Jacquart,  156,  263. 
Jacquart  (jeune),  251,  464. 

466. 
Jaëger  (François),  482. 
Jaël,  223. 
Jancourt,  405. 
Jetiy  de  Treffz  (Mile),  206, 

359. 
Joachim,  247. 
John  (Charles),  237. 
Jo!lois,264. 
July  (Anténor),  308. 
Jomelli,  358. 
Jonas,  77,231,254,  466. 
Josneau,  307,  346. 
Jourdan,  9,  59,  105,  132, 

222,  230,  242. 
Jousselin(Mlle),  246. 
Juliien,  261,279. 
Jullienne  (Mme),  182,  4  94, 

372. 
Junca,  40,303. 

K 

Kalergi  (Mme  de),  4  06,  433. 
Kalkbrenner  (Mme  veuve), 

479. 
Kastner  (Georges),  142,  465, 

206,  215,284,331. 
Kastner  (Mlle),  264. 
Kennedy  (Miss),  471. 
Ketterer,251,  479. 
Klemmer,  262. 
Klengel  (Aug.  Alex.),  479. 
Kloze,  219,  261,  346. 
Klotz  (MlleSarah),78,251. 
Kœnig,  407. 
Kœster(Mme),  40,  45,  151, 

381. 
Kontski  (de),  200,  351. 
Kontski(Apollinaire  de),  452. 
Krebs-Michaeli  (Mme),  151. 
Kreutzer  (Conradin),  359. 
Kreutzer  (Léon),  456,  378. 
Krinitz  (Mlle  Elisa),  181, 255, 

479. 
Kruger,  99. 
Kruger  (W.),  134,222,391, 


Kuhn   (J.),  61. 
Kurlacnder  (Elie),  54. 


Labarre  (Théodore),  126. 
Lahlache,  78, 191,  231,247, 

307,  452. 
Laborde,  456. 

Lnborde  (Mme),  22,  35,  140, 
206,  230,  255,  278,  287, 

308,  340,  364,373,  478. 
Lachner,  270. 

Lacombe  (Louis),  99,  149, 

468. 
Lacombe  (Mlle),  7, 126,  287. 

372. 
Lafout  (Mme),  206, 390,  455. 
Lafont,  238. 
Lagarde,  162. 
Lagrange  (Mme  de),  80, 143. 

182,  207,  231,294. 
Lagarin,  106. 
Lagarin  (Mme),  106. 
Lagrave  (de),  22,  93,  238, 

294,  408. 
Lagrua  (Mlle  Emmy),  132 

139,  173,  278,  307,340 

364. 
Lamazou,  133. 
Lambert,  222. 
Lambert,  262. 
Lamotte  (Philippe),  359. 
Lamoureux,  251. 
Lamoureu'x  (Mlle),  223. 
Lanari,  371. 
Lancien,  251,  466. 
Landelle,  278. 
Landi  (Mlle  de),  98. 
Landsberg   (chevalier    de), 

323. 
Langlois  (L.),  286. 
Larcéna  (Mlle),  78. 
Lardner,  134. 
Laroche,  198. 
Lascorelz,  464. 
Lassen,  126. 
Laty,  219,356. 
Laurent,  214. 
Laurent,  251. 
Lavaine  (F.),  13,  149,  214. 

230,  287,  464. 
Laval  (Mlle),  93. 
Lavoye  (Mlle),  47,  126. 
Lazare-Martin,  119,  143. 
Lebel,  165,  251. 
Leborne,  250,  263. 
Lebouc,  37. 
Lecarpentier,  276. 
Lecerf,  154. 

Lecieux  (Léon),  39,  79,  294. 
Leclercq  (Mlle),  251. 
Lecocq,  250. 
Lecouppey,  122,  247. 
Lédé,  261. 
Ledent,  29. 
Lée(S.),  215,  397. 
Lefébure-Wély,    38,  405. 

449,  334 
Lefébure-Wély  (Mme),   105. 
Lefebvre,  264. 
Lefebvre  (Mlle),  42,98,473, 

242,  255,  393,  404. 
Lefort,  26,  133,  471. 
Lehnédé  (Mlle),  247. 
Leidersdorff(Joseph  de),  1 99. 
Leisler  (Mlle  Louise).  102. 
Lemaire,  89,  179,  374. 
Lemaire  (Mlle  Anna),  381, 

470. 
Lemercier  (Mlle),  89, 179. 
Lemmens,  66,  77,  84,479, 

406. 
Lénoncourt  (De),  276. 
Lentner,  70. 

Lenz  (W.  de),  21 7,  227,233. 
Léo  (Mme),  55. 
Léo,  357. 
Léonard    (H.),  67,   84,   93, 

143,  222,  470. 
Léonard   (Mme),  67,  84,  93, 

143. 
Leprevost,  381. 
Leroy,  303. 
Leroy,  97,  222. 
Lesueur,  123,  266. 
Letellier,  279. 
Leuven  (de),  65,  336,  346, 

461. 
Levas^eur,  125,  150,  261, 

405. 
Lhéiitier  (Mlle),  251. 


Lhole  (Mme  Clotilde),  44. 
Liebe  (L.),  214,  238. 
Liebbard  (Mlle),  143,  207. 
Limnander,  214. 
Lind  (Mme  Jenny),  79,191, 

199,207,216,  330. 
Lindpaintner,  199,  270. 
Li>tz  (Franz),  39,  88,  185, 

270.  278,  338,  40t. 
Litta  (duc  de),  13. 
Llurens,  82. 
Locatelli  (Mlle),  255 
Lockrr.y,  141. 
Loehrk,  70. 
Lœsseghi,  480. 
Lola  Montés  (Mlle),  70,  199. 
Lorenz,  70. 
Lorenzi  (de),  331. 
Lorolte  (Mlle),  251. 
Lorlzing,  55,  382. 
Lotto,  141. 
Louis  (N.),  88,  405. 
Lousialot,  30T. 
Lucas  (Mie  Elise),  196. 
Luccbesi,  86,  269,  372. 
Lucci-Sievers  (Mme,),  407. 
Lucien,  373. 

Lumley,  157,482,279,  345. 
Lwoff,  80,  200,  216,  391. 
Lyon  (Edouard),  99. 

M 

Maas,  76,  405,  467. 
Madeleine  (Stephen   de  la), 

126,  156,  391. 
Maillard  (Aimé),  241. 
Mairalt,  62,  215. 
Malezieux,  141,  308. 
Malleville  (Ml'eCharlotte  de), 

25,  59,  76,  92,  106,  122, 

463. 
Malibran ,  50. 
Malibran  (Mme1,  50. 
Malibran-Garcia  (Mme),  27. 
Mandeville  iMme  de),  50. 
Mandrin,  479. 
Manéra,  21. 
Manéra  (Mme  Elisa  Launer), 

21,  133. 
Maniius,  70,  288. 
Marc  lilhou,  389. 
Marcbesi,  456. 
Marchesi-Graumann   (Mme), 

407. 
Mariani  'Angplo),  207. 
Marié,  22,  206,  278,  470. 
Marin,  251. 

Mario,  27, 80, 151,  222,231. 
Mail  z,  206. 

Marmontel,  50,  251,  389. 
Marquet  (Mlle  Louise),  393. 
Marra,  231. 

Marray(Mme),  191,  216,451. 
Ma^chner,  55, 270, 324, 359. 
Martin,  179. 
Martin,  251. 
Martin  (Mlle  Joséphine),  59, 

76,  132,  308,  391. 
Martinetii  (Mlle),  467. 
Martinez  (Mme),  5,  122. 
Martini,  196. 
Marx,  270. 
Marx,  278. 
Massart,  29,  50,  214,  251, 

466. 
Massart  (Léon),  29. 
Massart  (Mme),  50,  93, 126, 

141. 
Massart  (Mlle),  29. 
Massé  (Victor),    122,  340, 

364,381. 
Masset,  114,  156,  331,404, 

467. 
Massol,  22,  132,  139,   173, 

255,  307,  350,  364. 
Masson  (Mlle),    12.22,   70, 

125,  2I5,  406,  471. 
Mathias  (Georges),  215,389. 
Mathieu,    191,    247,    255, 

263,  287,  359. 
Mathilde  (Mlle),  393. 
Maltmann  (Mlle  Louise),  37, 

61,67,  114,  132,238. 
Maurer  (Louis),  256,  452. 
Maurin,  59,  67,  405,  467. 
Max-Maver,  20,  113. 
Méara  (Mlle),  42. 
Medori(Mme),  £6,  143,  491, 

216,  451. 
Méhul,  5,  179,213,  247. 
Meifred,  261. 


TABLE  ALPHABÉTIQUE  DES  NOMS. 


MeMet,  40,  66,  179,  260, 

Î66,  359. 
Membrée,  132. 
Mendelssohn  ,   29,  42,  92 , 

443,  262,  313,  319,  331, 

350,  470. 
Mendez  (Mlle),  307. 
Menjaud,  66,  303. 
Mennechet  deBarival  (Mme), 

346. 
Méquillet  (Mlle),  102,   119, 

359,  470. 
Mercadante,  270. 
Mercié-Porte  (Mme),  251. 
Mereaux  (A.),  315. 
Méric  (Mlle),  452. 
Merk,  223. 
Merklin.  28. 
Merle,  79. 

Merlin  (comtesse),  112. 
Merly,  22,  132,  255,  335, 

350,  407. 
Méry,  278,  393. 
Métra  tOI.),  246. 
Meyenberg,  70. 
Meyer(Léopold  de),  59,  82, 

433,  199,    237,  315,  389, 

399. 
Meyer-Meillet  (Mme),;  98, 

490,260,265,374. 
Meyerbeer,  70,  109  ,  419, 

190,216,  222,  230,   237, 

250,  264,  270,  331,  359, 

371,  382,  387,  456,  463, 

469. 
Michel,  60. 

Michel  (Ferdinand),  451. 
Micheli  (MlleTeresa),  20. 
Milanollo  (MlleTeresa),  13i, 

482,  251,  263,  271,  3Î4, 

399. 
Milhes,  381. 
Milhes  (Mlle),  77. 
Miolan  (Mlle),   43,  58,  141, 

148,222,230,  260,  292, 

374,  499. 
Mira  (Mlle),  82. 
Mirapelli,  339. 
Miroy(Mile  Clarisse),  260. 
Mitlermayer  (Mme),  408. 
Mocker,  122,  157,173,  470. 
Molidoff  (Mlle),  451,  471. 
Molique,  270. 
Monnais  (Edouard),  158. 
Montaubry,  308. 
Montaubry  (Mme),  308. 
Monténégro  (Mme),  295. 
Montigny  (Mlle),  98,  156. 
Montuoro,  106. 
Moreau-Sainti,  78,  261. 
Murel  (Auguste),  390. 
Morelli,  35,   70,   215,  278, 

292,  308,  373,  478. 
Moriani,  27,  43,  79. 
Moriani  (Mme),  63. 
Morin  (de  Clagny),  190,  261. 
MorlièrefMllede  la),  198. 
Morlier-de-Fonlaine,  452. 
Mortier-de-Fontaine   (Mme), 

231. 
Moscbe'es,  262,  270,  292. 
Mozart,  287,  312,  357,  467. 
Mulrler  (Richard),   39,  79, 

140,275,  315. 
Muller,  75. 
Muquardt  (Ch.),  162. 
Murer  (Mlle),  251. 
Murio -Cœli(Mme),  151,  3S6. 
Musard,  40,  199. 
Musset  (ATred  de),  181. 
Mule!,  20,  50. 
Mutel  (Mme),  20,50, 141. 

N 
Nadaut,  223. 
Nargtot,  260. 
Nathan,  230,  393. 
Nau  (Mlle),  51,  59,  83,  255, 

372. 
Naumann,  55. 


Neuber  (Mlle  Caroline),  372. 
Neveu,  48,  346,  365. 
Ney  (Casimir),  42. 
Ney  (Mme),  264. 
Nibelle,  262. 
Nicolo,  213. 
Niedermeyer,  158,  391. 
Nissen-Salomon(Mme),  182. 
Noblet  (Mlle  Louise),  308. 
Noël  (Mme  Sophie),  301. 
Noltès  (Mlle),  382. 
Norblin,  51. 

O 

Oberlaender,  200. 

Oberthier,  479. 

Obin,    22,   35,     132,    206, 

287,  373. 
Octave,  62,  70,  143,  471. 
OITenbach,  59,  83,  99,440, 

238 
Ole  Bull,  223,  308. 
Onslow,  106,  149,  165. 
Oppelt  (Gustave),  191,  230. 
Orsini  (comtesse),  238. 
Ortmans,  261. 
Ostein  (chevalier  d1),  407. 
Oulibicheff,  218,  351. 


Pacini  (Emilien),  80,  389. 

Palianti,  124,  464. 

Pdllfy,408. 

P.mofka,  190,  247,  371. 

P^eron,  59, 165,  219,230, 

251,  287,  292,  323. 
P.hio  li  (Mlle),  70. 
Parish-AIvars  (Mme),  452. 
Pasdeloup,  499,  276. 
Paiania,  456. 
Paul  Julien,  400,238. 
Paulin,  199,247. 
Paietti,  251. 
Péan  de  la  Roche-Jagu  (Mile 

E'ise),  106. 
PedemoBte(Mlié  Elvira),  1 23. 
Pedrotti,  351. 
Pergol^se,  357. 
Perina,  288. 
Perne,  469. 

Péronnet  (Gustave),  114. 
Perrelli,  5,  20,  59. 
Perrin  (A.),  26. 
Perrin  (Emile),  30,  38,  407. 
Perrons  t-Thompson  (M.  T.), 

73. 
Perrot,  165,194,277. 
Persiani   (Mme),  149,   134, 

238,  471. 
Péru  (Henri),  143. 
Petit-Brière  (Mlle),  132,  345, 

407. 
Peiitpierre,  28. 
Pelilpas  (Mlle),  407. 
Pfeiller  (Georges),  28. 
Picait  (Mlle),  123,  251. 
Piccolomini  (Princesse  Dona 

Maria),  456. 
Pieimarini,  219. 
Pierre-Laurent,  301. 
Pierson-Bodin  (Mme),  57. 
Pielte,  29. 
Pilet,  44,  100,  451. 
PilleVessè,  251. 
Pihiard,  262. 
Pi-chek,  222,  247. 
Pacci,  231. 
Piacet,  303. 
Planard  (de),  89,  265. 
Peyel  (Camille),  158. 
Pl-yel  (Mme1,  69,  86,  151, 

175,  182,406,  470. 
Plouvier  (Ed.),  389. 
Piunkett  (Mlle),  22,  255. 
Poindrelle  (Mme),  196. 
Poinsot  (Mlle),  41,  22,  70, 

78,  425,  206,  2  50,  278, 

287,  373. 
Poise,  263. 
Poisot  (Char'.e.  ),  389. 


Ponchard.    59,    123,    141, 

251    287 
Ponch'ard  (fils),  479,  393. 
Ponchard  (Mme  Charles),  59, 

141. 
Poniatowski  (Prince),  238. 
Poniatowski  (Princesse),  238, 
Pontus  deThyard,  61. 
Porto,  341. 
Pothin,  262. 
Potier  (Henri),  275. 
Potier  (Mme),  156,  335. 
Pougaud  (Mlle),  78. 
Pouilley  (Mme),  166. 
Poultier,  82,  229. 
Poussard  (Horace),  1 1 9, 1 58, 

471. 
Poxzolici,  307,  351. 
Prévost  (Eugène),  175. 
Piintz,  154. 

Priora  (Mlle).  22,  78,  393. 
Priuli  (Baron  Louis),  247. 
Protêt,  308. 
Prudent  (Emile), 55, 69, 142, 

151,  175,  190,  287,   377, 

463,  479. 
Prumier,  246. 
Prumier  (fils),  466. 
Puget,  94,  142. 
Puzzi,  279. 
Puzzi  (Mme),  279. 


Quinault,  39. 

R 

Raby  (Mme),  4  49. 

Rachel  (Mlle),  82,  133,  254. 

Raimondi,  28'8,  333. 

Reber  (Henri),  92, 246,  300. 

Régnier.  213. 

Régnier  (J.),  206. 

Reicha,  174. 

Reichel,  5,  11,  84. 

Reichert,  29,  230. 

Reissiger,  119,270. 

Reiter,  143. 

Reiter  (Mme),  143. 

Rembielinski,  251. 

Remengi,  456. 

Renaud  (Mlle),  391. 

Réiy,  247. 

Révial.  251. 

Revilly  (Mlle),  9,  58,  196, 
222   393 

Rey  (Mlle),'251,  466. 

Rey-Sainton  (Mme),  62. 

Reyer,  386. 

Reynier  (Léon),  83,  294. 

Rhéal  (Sébastien),  391. 

Ribes,  50,  462. 

Riccardi,  22. 

Ricci  (F.),  27,  231. 

Ricci  (L.),  23 

Rich  mme  (Auguste),  J99. 

Rigel,  478. 

Righini,  408. 

Rillé  (L.),  182,214. 

Rignault  (En.ile),  77. 

Rigolât  (Mi  0,251. 

Rimbaù't  (M. le),  261. 

Riquier,  58,230,  260. 

Riquier  Delaunay,  473,  206. 

RitterdeCorcelles(Mlie),34i. 

Rodriguez  (Mlle),  251. 

Roger.  6,  12,  22,  46,  59, 
78,87,4  01,132,4  39,4  73 
198,  216,  223,  247,  254, 
264,  270,  288,  293,  307, 
340,  336,  364,  406,  470, 
479. 

Roger  de  Beauvoir  (Mme), 
133. 

Ruilet  (Auguste),  215. 

Romainville,  479. 

Rombeig,  251. 

Romieu,  39,  465. 

Roncheray  •,  400. 

Boneuni,  27,  80,  4  27,  247, 
295,  331,  452. 


Ropicquet,  63,  308. 
Roqueplan  (Nestor), 364, 381. 
Rosa  (Mlle  Eugénie  de),  133, 

223. 
Rosati,  223. 
Rosellen  (Henri),  39,  53,  67, 

134,  331,  378,  389. 
Rosenhaia,  21,46,  391,478. 
Rossi  (B.),  134, 
Rossiui,  30,  117,  219,  238, 

270,  338,  373,  405. 
Rotter,  151. 
Ronbaud      de      Cournand 

(Mme),  37. 
Rousseau  (aîné),  44. 
Rous-eau(J.  J .),  375. 
Roussette  (Aimé).  451. 
Rouvroy(Mlle),  10,66,303, 

365,  462. 
Rouy  (Mlle  Hersilie),  113, 

196. 
RubinsUin,  256. 
Rudersdorl'(Mme),  79,   119, 

158,207. 


Sabaltier,  405,  467. 
Saint-Evremont,  26. 
Saint-Georges  (de),  54,  129, 

223,  255. 
Saint  Léon,  46,  341. 
Saim-Saens  (Camille)  ,25,454 
Sainte -Foy,  58,    97,    122, 

148,  179,  260,  30 1,  356, 
391,479. 

Sannazaro(M'le),  47. 
S>u  der  (Mme),  251. 
Sapiu.,78, 213, 214,261, 466. 
Sarmiento,  461. 
Sauret,261. 
Sauvage,  97,  300. 
Sauvaget,  251. 
Savart,  251. 
Savary,  143,  251. 
Sax  (Ad.),  27,  60,  70,  453, 

278,  308,  463 
Saxe-Cobouig    (le   duc  de), 

47,  491. 
Shabtck,  471. 
Scheibe  (J.  A.),  249. 
Sehimon(Ad.),359,  471. 
Schindelmeiser,  456. 
Schindier   (A.),    346,    381, 

451,  455. 
Schlosser,  141,  174,468. 
S  •hlotlmann,  278. 
Schnabel,  262. 
Schneider  (J.),  359. 
Schneider  (F.),  270. 
Sêrfn  ilzhoeffer  (J.  M.),  339. 
Schœlîer,  470. 
Sohott,  181. 
Schrœiler  Devrient  (Mme), 

499. 
Schubert  (Fr  mz),  467. 
SchulholT,  95,  397. 
SchûlZj  34. 

Schumann  (R.),262,  270. 
Schumann  (Mme),  262. 
Schiitz,  28. 

Schu'z  Odo4  (Mme),  33I. 
Sch'wàtfz  (Mme),  331. 
Schwœderlé,  479. 
Schwenké  (J.  F.),  372. 
Scribe  (E  i^ène',    78,   429, 

190,  374,393,476. 
Scudo  (E.),  135. 
Seghe  s,  174,  351,  454. 
Sélénie,  479. 
Séligmann,  95,  397. 
Sélmer  (Frédéric),  346. 
Serralo  (Mlle  M  ri"),  13. 
Servais,  23,  158,  198,264. 
Sevtste  (E.),  70. 
Seveste(J.),125,  361. 
Sliannon,  214. 
S  liverstolpe  (F.  S.),  23. 
Smon(Juks),  165. 
Sims-Reeves,  45. 
Sivart,  21. 


Sivori,  191,351,  479. 
Skopetz  (Mlle  Delphine),  98. 
Sontag(Mme),  13,  63,  112 

119; 

191,  Î07,  264,  307,  331. 

341,  351,463. 
Sosse  (Mlle),  23,  216. 
Smbre,  214. 
Sowade   382. 

Sowinski  (A.),  2f,  287,  378. 
Sparre  (comtesse  de),  59. 
Spézia  (Mlle),  451. 
Spohr,  230,  270. 
Spontini,  40,  235. 
Spontini  (Mme  veuve),  222. 
Stadtfeld,  14,  255. 
Stahl,  4  91. 
Stamaty,   84,  92,  99,  423, 

4  40,  148. 
Staudigl,  175. 
Stecchi-Bo'ardi,  452. 
Steenakers,  469. 
Steiner-Beaucé  (Mme),  4  56, 

206,  238,  340. 
Steinkuhler,  308. 
S'ern,  4  43. 
Stockh-iusen,  4  43. 
Stoltz  («me),  62,  181,  279, 

407. 
Strantz  (Mme),  316. 
Strauss,  324. 
Stroeken,  471 . 
Stubb  (Mlle),  25. 
Sujol,  261.  ' 
Su.-ini,  479. 
Sussmayer,  357. 


Taccani-Tasca  (Mme),   19, 

43,79,  406. 
Taglioni  (Ml  ),  131,374. 
Taite,  246. 

Talexy  (A.),  275,  389. 
Talion,  301. 

Talmon  (M  le),  247,  451. 
Tamberlick,  247,  294,  452. 
Tamburini,   87,  134,  238, 

471. 
Tariot,  21,251,  356,  405. 
Taskin  (Pascal),  151. 
Tauberl,  46. 
Taylor  (baron),  70, 158,  341, 

358 
Tedesco(Mme),  22,70,  132, 

139,  150,  270,  287,  341, 
359,  364. 

Teis  ère,  456. 
Telle,  63. 
Tellef-en,  99,106. 
Terry  (L-opold),  220. 
Thal'berg  (Sigi-mond),  83, 

156,  270,359,  471. 
Thillon  (Mme  Anna),  125. 
Thomas,  134,  251. 
Thomas  (  Ambroise  ),  214, 

219,  266,  404. 
Thouvenel(Mlle),  46. 
Tilmont,  165,  405. 
Titchatscheck,  40. 
Tosi  (Antoine),  341. 
Tournier,  247. 
Trémont  (baron   de),    223, 

766,  320,341,356. 
Triebeit,  59,166,  219. 
Tronquier(Mlie),  251. 
Truy,  251. 

Tuczek(i\Ille),40,  216,  270. 
Tu:ou,  262 

U 
Ucelli  (Mme),  406. 
Ugdde  (  Mme),    58,    122, 

140,  173,  206,  323,  [340, 
356,  391,  393. 

Unglvr(Mme),  27. 

Urbin,  219. 

Urso  (Mlle),  44,  251 . 


Valgaiie-,  456. 


19i 


Van  der  Boirn,  230. 
Van  der  Heyden,  294. 
Van  der  Doës,  475. 
VanGelder,  4  06. 
Varney,  10,  481,364. 
Vaslin,  251. 
Vast,  250. 

Vautier  (Mlle),  25,  92,  1, 
Vava-seur  (Mlle),  26,  144 
Vazelle  (Mlle),  20,  113. 
Véra-Lorini  (Mme),  20, 11 

471. 
Verken  (M  H,  230. 
Verdi,  279,  294,  460. 
Verdini  (Mme),  474. 
Vermeulen,  231. 
Vervenne  (Mlle),  230. 
Verront,  106,222,292,41 
Verroust  (jeune),  222. 
Versey  (Mme  de),  480. 
Verwoitte  (Ch.),  206,  284 
Viardot  (Mme),  340. 
Viaidt,  247,  251,  466. 
Vibrans  (MlleMathilde),  48 
Vidal  (Mlle),  123,  181. 
Vielhorski  (com'e),  200. 
Viénot  (E.),  3 15,389. 
Vieuxtecnps,   127,  222,  23 

255,  294,  316,  380,46 
Villaufray,  261 . 
Villeblanche,  64. 
Villers(Mlle),251. 
Viola  (Mlle;,  382. 
Viotti,  251. 
Viret,  140. 
Vi-conti,  122 
Vitalini  (Mme),  331. 
Vivier,   6»,   94,  117, 

270,331,408,463. 
Vogt,  262. 
Voiron  (Mlle),  54. 
Voss(Ch.),  85, 191, 199,21 

y 

Wagner  (Richard),  186, 19 
20 1,  209,225,  242,  257 

Wagner  (Mlle  Johanna),  4 
45,  79,  404,  142,  18 
308,316,359,  380,471 

WaldteuM,  151,182,455 

Wartel  (F.),  59.  156,451 

Wartel(Mme),70. 

Watteau  (Mlle),  123,  25 

Weber(C.  M.  de),  29. 

Web»r(MmeCarolinede) 

Wehle,  341. 

Weigl  (J  -B.),  247 

Wei-s,  408. 

Wekerlio,1l,  406,  474,2 

Werken  (Mtle),  293. 

Weitheiinber  (Mlle).  5S, 
122,  4  42,  3I6,  356,3 
478. 

Westerslrand  (  Mlle  ),  2 
254,  293,  3I6. 

Wicart,  251,  261,  381 

Wideménn  (Mme),  55' 

Widor,  323,  330. 

Willem,  158. 

Willis  17. 

WÛmers  (R.).63. 

Winterieldt  (Rodolphe  de) 

Wœstme  (E.),  364. 

Wolll  (A.),  148. 

Wolveeler,  218. 

Worms  (Mlle).  148. 

Wuck  Sabatiié,276. 

Wuille,  230. 


Young,  479. 
Yung,  307. 


Zmchioli  (Mme),  407. 
Znini  de  Ferranti,  87. 
Zeer(MleA),  247,  382. 
Ze  ger,  95. 

Zimmermann,  78,  263.     I 
Zjlobodjean  (Mlle), 246,21 


ADAM  (Ad.),  447. 

BLANCHARD  (Henri),  4,  9,  41, 49,  20,  25,  36,  42 
50,  57,  58,  66,  75,  82,  89,  92,  97,  98,  405,  413, 
421, 122,  132,  140,  147,  148,  155, 173,  178, 496, 
219,  237,  241,  260,  265,  276,  284,  292,  300  314 
330,  338,  349,  374,  379,  386,  389,  397,  405  451 
467,  468,  476. 


BOURGES  (Maurice),  37,  179,  211,  268,  460. 

DAMCKr.  (B.),  451. 

FÉTlS(père),  3,  17,33,73,437,145,153,  185,493, 

204,  209,  225,  242,  257,  281,289,  297,  325,  333, 

353,  361,  401,457,  473. 
FËTIS  (Edouaid),177,  203,  375,  449,  468. 
HÉQUET  (Gustave),  9,  36,   49,    65,  81,301,  336, 

345,  364,  375,  461. 


KASTNER  (Georges),  52,  85. 

KREUTZER   (Léon),  313,  319,  329,356,369,38 

395. 
LA  FAGE  (Adrien  de),  52,  235,  254,  267,  378. 
MULDER  (Mme  Lia),  187. 
RELLSTAB  (L.),  100,  254,  293,  358,  380,  407. 
SELIGMANN  (P.),  385. 
SMITH  (Paul),  ?,129,  156,  196,217,227,233,  37 


Imprimerie  centrale  de  Napoléon  Cliaix  et  O,  rue  Ber^é 


BUREAUX  A  PARIS  :  BOULEVART  DES  ITALIENS,  1. 


19e  Année. 


IV"  1. 


On  s'abonne  dons  les  Départements  cl  ii  l'fitrang 
chcztoas  les  niarchnnus  lit  Musique,  les Llbraii 
et  aux  Bureaux  <!<-'*  Message:  ies  et  <K's  poste*. 

Londres.  DolisyetO,  l3,Hcgnntstro( 

Ht-l'l'U'I'nBxxn'K.  Belizard. 

Scharfcnherg  i 


Madrid. 

Ilome. 
Aniaiterd 


Union  artislico-musiculo. 
Merle. 

Bureou  dps  Postes. 
Srlilfsinci'r.  'M.  u.  il  l.inden. 
Bote  et  Bock,  42,  Juegerstr. 
Micliclscn. 


REVUE 


4  Janvier  1851. 


l'ri  \  ii«-  i  Abonnement  i 

INiri-.iin  on .  .    .    .  '24  Tr. 

Départements,  Il^'^icjuc  et  Suisse    .....  30 

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Le  Journal  paraît  le  Dimanche. 


GAZETTE  MUSICALE 


m  ïïjkmis* 


-wvnnArv'-&.  'o/j'jwi — 


SOMMAIRE.  —  Revue  de  l'année  1851,  par  Panl  Smith.  —  Exposition  univer- 
selle de  Londres  (17e'  lettre),  par  Fctis  père.  —  Auditions  musicales  et  albums,  la 
Négresse  et  le  Pacha,  V Imagier  de  Harlem,  par  Ileiiri  Itlanrliard.  —  Nou- 
velles et  annonces. 


Les  étrennes  que  nous  offrons  à  nos  abonnés,  les  Quarante  Mé- 
lodies île  Schubert,  ainsi  que  l'Album  Hlnsard,  sont  à 
leur  disposition;  nous  les  invitons  à  les  faire  retirer  immédiatement. 


REVUE  DE  LIME  1851. 

Le  siècle  a  cinquante-deux  ans  sonnés  ;  nous  ne  lui  disons  pas  cela 
pour  lui  être  désagréable.  Il  a  encore  quarante-huit  ans  devant  lui  pour 
faire  de  bonnes,  de  belles,  de  grandes  choses,  et  c'est  assez  joli,  puis- 
qu'il est  reconnu,  en  théorie  et  en  pratique,  que  les  siècles  ne  vieillis- 
sent pas,  malgré  le  progrès  de  l'âge,  et  qu'ils  sont  tout  aussi  jeunes  à 
l'heure  où  ils  finissent  qu'à  celle  où  ils  avaient  commencé. 

En  ce  moment,  nous  n'avons  qu'à  voir  et  qu'à  compter  ce  que  la 
dernière  année  est  venue  apporter  au  contingent  général  de  ce  siècle, 
si  laborieux  et  si  fécond  ;  nous  n'avons  qu'à  estimer  sa  part  de  travail 
et  qu'à  régler  sa  part  de  gloire,  en  ce  qui  touche,  la  musique  seule- 
ment. 

Et  d'abord,  notre  grand  Opéra,  qui,  l'année  dernière,  nous  avait 
donné  Y  Enfant  prodigue,  et  l'année  d'auparavant  le  Prophète,  s'est  un 
peu  reposé  sur  ses  lauriers.  11  a  travaillé  davantage,  mais  il  n'a  rien 
produit  d'aussi  élevé,  d'aussi  large,  d'aussi  important.  11  n'a  pas  joué 
moins  de  trois  ouvrages  lyriques,  formant  ensemble  huit  actes:  le 
Démon  de  la  nuit,  Sapho,  la  Corbeille  d  oranges  ;  pas  moins  de  deux 
ballets,  en  trois  actes  chacun  :  Pâquerette  et  Vert-Vert.  11  a  improvisé 
l' Intermède  des  nations,  avec  musique  et  danse.  11  a  remis  au  réper- 
toire plusieurs  des  chefs-d'œuvre  qui  ne  doivent  jamais  en  rester  éloi- 
gnés :  Guillaume  Tell,  les  Huguenots,  la  Juive,  la  Muette,  la  Reine  de 
Chypre;  enfin,  il  a  préparé  avec  ardeur  et  constance  la  prochaine  ap- 
parition du  Juif  errant. 

En  multipliant  le  chiffre  des  ouvrages  nouveaux  et  celui  des  repri- 
ses, le  grand  Opéra  n'a  pas  épargné  les  débuts.  Il  a  cherché  partout 
des  talents  faits  ou  à  faire  ;  il  a  produit  Mairalt,  Merly,  Aimés,  de  La- 
grave,  Chapuis,  Depassio  ;  il  nous  a  rendu  Morelli,  Massol,  Mlle  Mas- 
son  ;  il  nous  a  fait  connaître  Mlle  Poinsot,  Marie  Dussy  et  Mme  Tedesco 
dans  l'art  dramatique  et  lyrique,  Mlles  Bagdanoff  et  Priora  dans  celui 
de  la  danse.  A  côté  de  Mme  Tedesco,  le  Juif  errant  nous  montrera 
bientôt  Mlle  Lagrua,  jeune  et  brillante  étoile  qui  prendra  place  au 
firmament. 

Mais  savez-vous  ce  que  notre  grand  théâtre  a  fait  de  plus  heureux  , 
de  plus  utile,  de  plus  rare  en  la  dernière  année  ?  Il  n'a  pas  fermé  pen- 


dant un  ou  deux  mois,  comme  les  quatre  années  précédentes.  Il  a 
rompu  avec  cette  habitude  de  clôture,  qui  devenait  presque  une  néces- 
sité. Pour  la  première  fois  depuis  1847,  il  a  bravé  la  mauvaise  saison 
et  a  réussi  à  la  rendre  quasi  bonne.  Les  chemins  de  fer  lui  ont  amené 
d'un  côté  ce  qu'ils  lui  enlevaient  de  l'autre,  et  par  la  seule  force  de  son 
répertoire,  par  la  variété  de  ses  spectacles,  il  a  su  appeler  dans  son 
enceinte  les  étrangers,  les  provinciaux ,  les  Parisiens  même,  étonnés 
et  contents  de  retrouver  à  l'Opéra  leur  fête  quotidienne,  trop  souvent, 
trop  longtemps  interrompue  pour  cause  de  réparations  et  de  révo- 
lutions. 

C'est  pendant  ces  jours  d'été  si  bien  employés  que  Gueymard  a  pris 
un  si  remarquable  essor.  Il  était  toujours  là ,  ferme  et  vaillant ,  tandis 
qne  les  spectacles  variaient,  et  aussi  les  cantatrices.  Savez-vous  que, 
dans  une  seule  année,  la  Fidès,  du  Prophète,  la  mère  par  excellence, 
a  é lé  représentée  par  quatre  artistes,  successivement,  MmeViarâot, 
l'Alboni ,  Mlle  Masson  et  Mme  Tedesco  ? 

L'Opéra-Comique ,  toujours  de  plus  en  plus  populaire ,  toujours 
riche,  toujours  heureux,  n'a  pas  prodigué  les  pièces  nouvelles.  Presque 
au  dernier  jour  de  l'année  dernière,  il  avait  représenté  cette  Dame  de 
Pique,  dont  la  vogue  lui  procura  un  mois  de  janvier  fabuleux  d'af- 
fluence  et  de  recettes,  le  plus  beau  mois  qu'il  eût  connu  jamais,  sans 
parler  de  février  et  de  mars,  qui  vinrent  à  la  suite.  Il  se  reposa  donc, 
et  ne  donna  qu'à  son  aise  Bonsoir,  monsieur  Pantalon ,  Raymond  ou 
le  Secret  de  la  Reine,  la  Serafma,  le  Château  de  1 1  Barbe-Bleue,  huit 
actes  en  tout  de  pièces  nouvelles  ;  mais  fes  reprises  furent  plus  nom- 
breuses, et  à  leur  tête  se  place  naturellement  celle  de  Joseph  ,  monté 
avec  autant  de  soin,  de  dépense  et  de  luxe  qu'une  pièce  inédite. 
Celle  du  Tableau  parlant  et  celle  du  Calife  de  Bagdad  avaient  aussi 
fait  merveille.  Le  Fidèle  berger  en  appela  d'une  sentence  injuste  et 
gagna  son  procès.  La  Vieille,  le  Diable  à  Vécole,  YEau  merveilleuse, 
le  Concert  à  la  Cour,  la  Fille  du  Régiment,  les  Torcherons  récla- 
mèrent également  leur  place  au  soleil  de  l'affiche,  et  furent  reçus  avec 
faveur.  Les  débuts  se  succédèrent  :  Riquier-Delaunay.  Coulon,Dufrêne, 
Mlles  Lemaire,  Petit-Briere,  Talmon,  s'essayèrent  avec  succès;  bientôt 
Mlles  Wertheimber  et  Favel  les  suivront  dans  la  lice  ;  plusieurs  ouvra- 
ges nouveaux,  plusieurs  reprises  sont  sur  le  chantier. 

Le  théâtre  Italien  a  vaillamment  continué  sa  lutte  courageuse.  Au  com- 
mencement de  l'année,  il  s'appuyait  sur  la  renommée  et  la  voix  de 
Mme  Sontag.  Quand  la  saison  allait  finir,  Sophie  Cruvelli  se  présenta  et 
les  bravos  éclatèrent,  la  foule  accourut.  Dans  ces  derniers  mois,  c'est 
encore  Sophie  Cruvelli  qu'on  applaudit  et  qu'on  rechercha  de 
préférence,  entourée  de  Guasco,  de  Belletti,  de  Calzolari.  N'oublions 
pas  le  début  charmant  de  Caroline  Duprez  sur  ce  théâtre,  où  elle  vint 
faire  son  premier  pas,  d'abord  accompagnée  de  son  illustre  père  dans 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


Lucia  di  Lammermoor,  puis  de  Lablache  dans  YÉlisir  d'amore.  N'ou- 
blionspas  les  preuvesdetalent  donnéespar  Ida  Bertrand  dans  l'une  et  l'au- 
tre saison,  tantôt  avec  Mme  Sonlag,  tantôt  avec  Mme  Barbieri  Nini,  étoile 
un  peu  effacée,  quoique  lançant  parfois  encore  des  feux  éblouissants. 
En  1851,  le  théâtre  Italien  a  donné  deux  opéras  nouveaux  :1a  Tempesta, 
le  Tre  Nozze,  et,  chose  unique  en  pareil  lieu,  il  a  produit  une  danseuse 
nouvelle,  Mlle  Rosati.  On  sait  trop  par  quelle  fatalité  cruelle  l'avéne- 
ment  de  la  danseuse  nuisit  à  celui  de  l'opéra,  dont  la  fortune  avait  été 
si  brillante,  si  doublement  nationale  chez  nos  voisins.  La  danseuse 
faillit  succomber  :  par  bonheur  elle  ne  perdit  que  ses  ailes,  qui  ont  re- 
poussé depuis  ;  mais  Mme  Sontag  et  Lablache  s'en  allèrent.  La  Tem- 
pesta fut  privée  à  la  fois  de  sa  Miranda  et  de  son  Caliban. 

L'éternelle  question  du  troisième  théâtre  lyrique  s'était  réveillée  : 
elle  s'agitait  avec  tant  de  force,  qu'on  finit  par  la  résoudre,  et  que  la 
création  d'un  opéra  national  fut  décidée,  toujours  au  boule vart  du  Tem- 
ple, afin  que  la  question  ne  mourût  jamais.  Oui,  mais  le  nouveau 
théâtre?...  Ah  !  c'est  bien  de  cela  qu'il  s'agit.  Le  nouveau  théâtre  a  pris 
pour  domicile  la  salle  de  feu  le  Théâtre-Historique,  et,  sans  peur 
comme  sans  reproche,  il  a  ouvert  ses  portes  au  public  du  boulevart  et 
de  tous  les  quartiers,  en  donnant  Mosquita  la  Sorcière;  et  puis  il  a 
donné  Htirdockle  bandit,  et  puis  la  Perle  du  Brésil,  le  tout  entremêlé 
des  reprises  du  Barbier  de  Séville,  de  Ma  Tante  Aurore,  du  Maître  de 
Chapelle,  des  Rendez-vous  bourgeois,  d'Ambroise,  de  Maison  à  vendre. 
Il  paraît  que  la  salle  aussi  était  à  vendre,  car  les  journaux  et  les  affiches 
l'ont  annoncé.  Maintenant  la  Butte  des  3Joulins  va  paraître  :  c'est  un 
opéra  en  trois  actes,  dont  M.  Adrien  Boïeldieu  a  écrit  la  partition. 

Bonne  chance  au  nouveau  théâtre  et  au  nouvel  opéra ,  et  puisse  l'é- 
ternelle question  être  enterrée  à  tout  jamais  !  Ce  qu'il  y  a  de  certain  , 
c'est  que  déjà  beaucoup  de  jeunes  artistes  ont  prouvé  là  qu'ils  avaient 
du  talent,  qu'ils  méritaient  de  vivre  et  de  bien  vivre,  Meillet,  Ribes  , 
Mlle  Duez  et  tant  d'autres!  Bemarquezen  passant  que  presque  tous  ces 
artistes,  ces  débutants  du  nouveau  théâtre,  comme  ceux  du  grand  Opéra 
et  de  l'Opéra-Comique,  sont  des  enfants  du  Conservatoire  de  Paris.  Ce 
qu'il  y  a  de  certain  encore,  c'est  que  le  nouveau  théâtre  a  servi  au  dé- 
but de  Félicien  David,  comme  compositeur  dramatique  :  c'est  un  titre 
qu'il  peut  faire  valoir,  car  sans  le  nouveau  théâtre,  Félicien  David  at- 
tendrait peut-être  encore  ;  Xavier  Boisselot  et  son  excellente  partition 
de  Mosquita  la  Sorcière  attendaient  bien  depuis  quatre  ans  ! 

A  propos  de  compositeurs  dramatiques,  l'année  dernière  en  a  vu 
commencer  plusieurs  :  Rosenhain  avec  le  Démon  de  la  nuit,  Gounod 
avec  Sapho,  Félicien  David  avec  la  Perle  du  Brésil,  tous  les  trois  à 
Paris  ;  à  Londres,  Thalberg  avec  Florinda  ou  les  Maures  en  Espa- 
gne; à  Bruxelles ,  Duprez  avec  YAbime  delà  Maladetta;  cinq  tenta- 
tives ,  cinq  succès  et  autant  d'espérances  diverses  d'âge  et  de  qualité. 
Cependant  les  grands  théâtres  italiens  de  Londres  ont  persisté  dans 
l'unique  système  aujourd'hui  possible,  celui  de  la  traduction  de  nos 
opéras  français.  Ils  se  sont  disputé  et  arraché  Y  Enfant  prodigue.  Le 
théâtre  de  Sa  Majesté  a  gagné  de  vitesse  celui  de  Covent-Garden.  Le 
Fidetio,  de  Beethoven,  avec  Sophie  Cruvelli  pour  interprète  ,  a  seul 
balancé  la  vogue  de  Robert-le- Diable  ,  des  Huguenots,  du  Prophète  , 
de  la  Juive,  de  la  Muette  et  autres  produits  du  libre  échange. 

Après  les  opéras,  faut-il  citer  les  concerts?  Faut-il  rappeler  ceux  de 
Prudent  et  de  Vieuxtemps  dans  la  salle  nouvelle  de  l'Association  des 
artistes  musiciens,  d'abord  inaugurée  par  un  bal  si  brillant?  Faut-il 
noter  les  fêtes  musicales  de  Troyes  données  par  cette  même  association, 
le  troisième  festival  de  Lille,  les  concerts  de  Mme  Pleyel  à  Lyon  et  à 
Marseille,  ceux  des  trois  élèves  de  Bériot  à  Bruxelles  et  à  Paris? 

Pardon,  mais  nous  avons  omis  d'inscrire  le  voyage  triomphal  de 
Roger  en  Allemagne,  l'éclatant  séjour  de  Mme  Stoltz  à  Lisbonne,  et.  en 
réparant  notre  faute,  nous  constaterons  l'immense  succès  du  Prophète 
à  Marseille,  à  Toulouse,  à  Bordeaux,  à  Lyon. 

Nous  ajouterons  qu'Henri  Herz  est  revenu  de  ses  courses  transat- 
lantiques, que  Mlle  Wilhelmine  Clauss  et  Graever,  deux  éminentes  pia- 
nistes, sont  arrivées  parmi  nous. 


Ceci  nous  ramène  aux  concerts.  II  y  a  quelques  mois  à  peine,  Paris 
comptait  quatre  grandes  sociétés.  La  première,  la  plus  ancienne  et  la 
plus  illustre,  c'était  la  Société  des  concerts  fondée  par  Habeneck  au 
Conservatoire;  la  seconde,  par  ordre  de  date,  était  celle  de  l'Union 
musicale  ;  la  troisième,  la  grande  Société  philharmonique,  et  la  qua- 
trième, la  Société  Sainte-Cécile,  fondée  par  M.  Seghers,  naguère  chef 
de  celle  de  l'Union.  Aujourd'hui,  ce  nous  semble,  deux  sociétés  seule- 
ment se  disposent  à  rouvrir  leur  sanctuaire,  la  première  et  la  quatrième, 
la  Société  des  concerts  et  la  Société  Sainte-Cécile,  dont  les  progrès  ont 
été  rapides  et  constants. 

Un  architecte,  un  artiste,  un  entrepreneur  des  plus  entreprenants, 
un  homme  de  génie  peut-être,  s'était  rencontré  (il  s'en  rencontre 
quelquefois)  qui  avait  conçu  l'idée  tant  de  fois  conçue,  tant  de  fois  es- 
sayée, d'une  salle  de  concert  telle  que  Paris  n'a  jamais  pu  en  avoir, 
construite  d'après  toutes  les  conditions,  exigences  et  fantaisies  de  l'a- 
coustique, d'une  salle  sonore  comme  un  Stradivarius,  dans  laquelle  on 
aurait  joué  même  le  grand  opéra,  suspendu  l'orchestre  dans  les  frises  et 
logé  les  chœurs  à  la  place  du  lustre!  Nous  voulons  parler  de  la  salle 
Barthélémy,  qui  coûte  à  son  auteur  toute  sa  fortune,  et  bien  au-delà. 
Mais  aussi  pourquoi  son  auteur  a-t-il  relégué  son  rêve,  sa  chimère,  son 
panthéon  musical,  dans  un  quartier  perdu?  Hélas!  mille  fois  hélas! 
l'édifice  monumental  qui  devait  servir  de  temple  à  la  mélodie  et  à 
l'harmonie  est  devenu,  faute  de  mieux,  l'asile  du  bal  Arban.  Le  Pan- 
théon s'est  changé  en  guinguette.  Sic  transit  gloria!  L'éclair  ne  passe 
pas  plus  vite,  et  un  éclair  qui  coûte  un  demi-million  ! 
De  la  salle  Barthélémy  à  la  nécrologie  il  n'y  a  qu'un  pas. 
La  musique  a  perdu  en  artistes  français,  ou  adoptés  par  la  France  : 
Spontini,  le  grand  compositeur  de  l'époque  impériale,  dont  le  génie, 
qui  s'enflamma  et  s'éteignit  dans  un  si  court  espace  de  temps,  rayonnera 
pourtant  sur  les  siècles;  Gaspard  Roll,  que  l'Institut  avait  couronné  en 
1814,  qui  partit  pour  Rome  et  en  revint  pour  jouer  de  la  contre-basse 
au  théâtre  Italien;  Chollet,  jeune  pianiste  et  organiste;  Hippolyte 
Colet,  professeur  au  Conservatoire;  Pastou,  décoré  du  même  titre; 
Joseph  Mengal,  habile  instrumentiste,  auteur  de  quelques  partitions  ; 
Philippe  Berr,  chef  distingué  de  musique  militaire  ;  Henri  Streich  et 
Meurget,  organistes;  Richelmi,  chanteur  de  romances. 

En  artistes  étrangers,  la  liste  funèbre  nous  fournit  :  Lortzing,  com- 
positeur populaire  en  Allemagne  ;  Charles  Moeser,  qui  mourut  doyen 
des  violonistes  du  même  pays  ;  Joseph  Mainzer,  l'auteur  de  l'opéra  en 
ré,  composition  funeste  à  l'autorité  du  critique  et  du  professeur,  par 
suite  de  laquelle  il  s'exila  de  la  France,  pour  n'avoir  pas  su  changer  de 
ton  ;  Sedlaczek,  le  flûtiste;  Joseph  et  Karl  Serrati,  facteurs  d'orgues  à 
Bergame  ;  Buffini,  chanteur  italien;  Rungenhagen,  chef  de  l'Académie 
royale  de  chant  à  Berlin;  Mlle  Ebeling,  jeune  et  belle  cantatrice 
suédoise. 

A  ces  noms  il  faut  encore  ajouter  ceux  de  Dorvo,  qui  mourut  le 
doyen  des  auteurs  dramatiques  français  ;  de  Dupaty  et  de  Capelle,  qui 
avaient  écrit  des  poëmes  d'opéra  ;  de  Dubois,  qui  avait  dirigé  plusieurs 
théâtres,  y  compris  notre  première  scène  lyrique;  de  Mme  Sieber, 
veuve  du  célèbre  éditeur. 

L'illustre  auteur  de  Freischûtz-  et  d'Oberon,  Charles  -  Marie  de 
Weber  était  mort  depuis  bien  des  années  ;  dans  la  dernière  seulement 
l'idée  pieuse  d'élever  un  monument  à  sa  gloire  a  reçu  un  commence- 
ment d'exécution. 

Spontini  laissait  un  siège  vacant  à  l'Académie  des  beaux-arts  :  Am- 
broise  Thomas  a  recueilli  son  héritage. 

Notre  premier  organiste  et  professeur  d'orgue,  le  maître  de  tant 
d'élèves  devenus  maîtres  à  leur  tour,  M.  Benoist  a  obtenu  la  croix  de 
la  Légion  d'honneur,  méritée  par  ses  longs  services. 

Tels  sont  les  événements  grands  ou  petits,  tristes  ou  joyeux,  qui  ont 
marqué  le  cours  de  la  défunte  année  ;  mais  l'événement  capital  qui  la 
dislingue  entre  toutes  et  suffirait  à  son  illustration  séculaire,  c'est  l'Ex- 
position universelle  de  Londres,  c'est  la  cour  plénière  de  l'industrie  et 
de  l'art,  ouverte  à  tout  venant  dans  une  cité  jadis  ennemie,  et  qui  n'est 


DE  PAUiS. 


plus  aujourd'hui  que  rivale,  el  rivale  généreuse,  hospitalière,  de  notre 
ville  de  Paris,  comme  l'Angleterre  n'est  plus  et  ne  sera  plus  jamais, 
nous  l'espérons,  que  l'émule  pacifique  de  notre  chère  France. 

L'Exposition  universelle  de  Londres ,  c'est  le  fait  historique  dont  la 
hauteur  se  dresse  à  l'horizon  du  temps  et  domine  tout  le  reste,  comme 
la  flèche  d'une  cathédrale  domine  tout,  palais  et  maisons.  Nous  devons, 
nous  particulièrement,  à  cette  mémorable  Exposition  les  belles  et  sa- 
vantes lettres  dans  lesquelles  M.  Fétis,  en  rendant  compte  de  l'état 
actuel  de  l'industrie  et  de  l'art,  embrasse  leurs  annales  entières  et 
illumine  le  présent  par  le  passé.  Ces  lettres  réunies  formeront  un  beau 
livre,  dans  lequel  nos  industriels  et  nos  artistes  iront  chercher  leurs 
titres  de  noblesse,  un  souvenir  en  même  temps  qu'une  leçon. 

Et  comme  toute  médaille  a  son  revers,  l'Exposition  universelle  de 
Londres  a  enfanté  le  gigantesque  projet  des  grandes  fêtes  de  l'industrie, 
qui  devaient  durer  huit  jours,  et  des  trente  jours  de  plaisir,  qui  n'en 
ont  pas  même  donné  un  !  Mais  silence  !  Ne  troublons  pas  la  paix  des 
morts.  L'année  1851  n'est  plus  :  que  ses  folies  lui  soient  légères,  puis- 
qu'en  somme  elle  a  eu  tout  ce  qu'il  fallait  de  sagesse,  d'activité ,  de 
talent  et  de  succès  réel  pour  se  les  faire  pardonner  ! 

Paul  SMITH. 


EXPOSITION  UNIVERSELLE  DE  LOÏÏDEES. 

(dix-septième  lettke)  (1). 

Monsieur , 

Bien  que  l'importance  des  proportions  dans  la  construction  des  di- 
verses parties  d'un  orgue  fût  dès  longtemps  connue;  que  Salomon  de 
Caus  en  eut  traité  théoriquement  dans  son  livre  intitulé  :  Les  Raisons 
des  forces  mouvantes,  publié  en  1G15  ;  que  Mersenne,  dans  son  Har- 
monie universelle  (Paris,  1636),  l'eût  fait  avec  plus  de  développement, 
et  mieux  encore  le  bénédictin  dom  Bédos ,  dans  son  livre  célèbre  de 
l'Art  du  facteur  d'orgues-  néanmoins  il  restait  beaucoup  à  faire  pour 
déterminer  à  priori  les  proportions  exactes  de  toutes  les  parties  de  ces 
vastes  machines,  qui ,  s'enrichissant  chaque  jour  davantage  de  res- 
sources nouvelles,  ne  peuvent  arriver  à  la  perfection  que  par  l'équi- 
libre, l'harmonie  de  ces  diverses  parties,  et  par  la  simplicité  des 
moyens.  11  y  a  environ  quinze  ans  que  j'ai  rendu  compte,  dans  la  Ga- 
zette musicale,  des  travaux  entrepris  à  ce  sujet  par  M.  Tœpfer,  orga- 
niste de  la  cour  à  Weimar,  ainsi  que  du  livre  intéressant  dans  lequel  il 
a  consigné  les  résultats  de  ses  recherches  et  de  ses  observations.  Pos- 
térieurement, M.  Aristide  Gavaillé,  après  avoir  consulté  pendant  ses 
voyages  l'état  actuel  de  la  facture  des  orgues  en  Allemagne,  en  Hol- 
lande, en  France  et  en  Angleterre,  s'est  attaché,  avec  une  rectitude 
remarquable  de  jugement,  et  à  l'aide  de  connaissances  étendues  et  d'un 
esprit  fécond  en  ressources  ingénieuses,  à  fixer  rigoureusement  les 
proportions  dans  l'emploi  et  la  distribution  de  la  force  motrice,  dans 
les  fonctions  du  mécanisme,  dans  la  composition  des  jeux  ou  genres 
de  voix,  dans  leur  diamètre,  eu  égard  à  la  qualité  sonore  nécessaire, 
à  la  manière  dont  le  vent  agit  sur  les  tuyaux  pour  le  timbre  voulu  , 
enfin  à  l'harmonie  générale  qui  doit  résulter  de  leur  réunion.  Aucun 
facteur  d'orgues,  à  ma  connaissance,  n'est  allé,  jusqu'à  ce  jour,  aussi 
loin  que  lui  dans  la  conception  de  l'ensemble  et  des  détails  d'un  grand 
orgue.  L'examen  attentif  que  j'ai  fait  de  ses  instruments  m'a  convaincu 
aussi  que  personne  ne  l'a  égalé  dans  le  fini  du  travail,  dans  l'égalité  de 
tous  les  jeux  sur  toute  leur  étendue,  et  dans  leur  parfaite  harmonie. 

Jl  était  impossible  qu'un  artiste  de  cette  valeur  ne  fût  pas  frappé  des 
avantages  du  levier  pneumatique,  introduit  en  France  par  son  inven- 
teur, M.  Barker,  de  Bath.  J'ai  déjà  dit  ailleurs  en  quoi  consiste  ce 
mécanisme,  qui  a  pour  objet  de  vaincre  la  résistance  des  claviers  des 
orgues,  et  de  les  rendre  aussi  faciles  sous  les  doigts  de  l'organiste  que 
le  clavier  d'un  piano.  Je  rappellerai  seulement  ici  que  ce  mécanisme 
est  un  intermédiaire  placé  entre  le  clavier  et  les  soupapes  des  som- 

(1)  Voir  les  n°"  34,  35,  37,  39,  40,  41,  42,  43,  44,  45,  46,  47,  48,  49  ,  50  et  51. 


miers,  qui,  au  moyen  de  l'air  comprimé  dans  de  petits  soulllets  corres- 
pondant à  chaque  touche,  annule  toutes  les  résistances.  MM.  Cavaillé 
furent  les  premiers  facteurs  français  qui  firent  usage  de  ce  mécanisme 
dans  le  grand  orgue  de  Saint-Denis  et  dans  celui  de  Saint-Roch.  Depuis 
lors,  M.  Aristide  Cavaillé  a  perfectionné  cette  belle  découverte  dans  ses 
orgues  admirables  de  l'église  de  la  Madeleine  et  de  celles  de  Sainl-Vin- 
cent-de-Paul ,  en  faisant  agir  le  levier  pneumatique,  non-seulement  sur 
les  claviers  réunis,  mais  sur  les  claviers  séparés,  pour  les  combinai- 
sons d'effets  qui  exigent  leur  séparation. 

Un  nouveau  perfectionnement  très-important  a  été  imaginé  par  le 
même  artiste  pour  donner  au  clavier  des  pédales  une  puissance  et  une 
richesse  d'harmonie  qu'on  n'avait  jamais  pu  leur  donner  dans  d'autres 
instruments,  toutes  conditions  égales  d'ailleurs.  Il  avait  remarqué  que 
les  basses  des  claviers  à  la  main  sont  rarement  employée» par  les  or- 
ganistes de  grand  talent,  parce  que  la  main  est  souvent  employée  à  des 
parties  intermédiaires  pendant  que  la  basse  se  joue  avec  le  clavier  des 
pédales.  Pour  utiliser  ces  basses  restées  sans  emploi,  M.  Cavaillé  a  ima- 
giné un  ingénieux  mécanisme  (qu'il  ne  faut  pas  confondre  avec  l'an- 
cienne tirasse),  au  moyen  duquel  il  réunit  à  volonté  aux  jeux  placés 
sur  le  sommier  du  clavier  de  pédales,  les  richesses  des  basses  de  tous 
jeux  de  l'orgue. 

M.  Cavaillé  ne  mérite  pas  moins  d'éloges  pour  les  perfectionnements 
qu'il  a  introduits  dans  le  système  des  tuyaux  par  l'introduction  des  jeux 
harmoniques  dans  l'orgue,  par  les  proportions  des  parois  de  ces  tuyaux 
et  par  le  choix  des  matériaux.  Dans  ses  beaux  ouvrages  de  la  Made- 
leine, du  temple  de  Panthemont  et  de  Saint- Vincent-de-Paul,  il  n'a  fait 
usage,  pour  la  formation  de  ses  jeux,  que  de  sapin  rouge  du  Nord  e^ 
d'étain  coulé  en  planche  et  écroui  au  martinet.  Ses  observations  lui  ont 
démontré  que  les  parois  épaisses  des  tuyaux,  outre  qu'elles  sont  une 
garantie  de  la  solidité  de  l'ouvrage,  favorisent  la  répercussion  des  ondes 
sonores,  et  donnent  conséquemment  plus  de  rondeur  et  de  puissance 
aux  sons.  Cette  observation  est  conforme  à  la  théorie  de  la  construc- 
tion des  instruments  à  archet  et  des  instruments  de  cuivre.  En  général, 
dit  M.  Cavaillé,  les  grands  tuyaux,  dans  la  plupart  des  orgues,  ont  des 
parois  trop  faibles  comparativement  à  ceux  des  octaves  supérieures  ou 
des  jeux  aigus. 

A  l'égard  des  jeux  harmoniques,  bien  que  le  phénomène  qui  s'y  ma- 
nifeste fût  connu  des  physiciens  et  eût  été  soumis  au  calcul  par  Daniel 
Bernouilly,  on  n'avait  considéré  ce  phénomène  que  comme  un  fait  cu- 
rieux dont  on  n'avait  pas  aperçu  la  possibilité  d'application  dans  l'or- 
gue. Voici  les  observations  qui  ont  conduit  MM.  Cavaillé  à  la  conception 
des  jeux  de  cette  espèce.  On  sait  que  les  nombres  de  vibrations  des 
tuyaux  d'orgues  croissent  en  direction  inverse  de  la  diminution  des  lon- 
gueurs, comme  cela  se  remarque  dans  les  cordes  vibrantes.  11  suit  de  là 
que  si  l'ut  grave  du  clavier  fait  une  vibration,  son  octave  supérieur, 
dont  le  tuyau  n'aura  que  la  moitié  de  longueur,  en  fera  deux  ;  la  se- 
conde octave,  qui  n'aura  que  le  quart  de  la  longueur  du  premier  ut,  fera 
quatre  vibrations  ;  le  quatrième  ut  sera  réduit  au  huitième  de  la  lon- 
gueur du  premier  et  fera  huit  vibrations  ;  enfin,  le  cinquième  ut  (aigu), 
ne  sera  en  dimension  que  le  seizième  du  premier,  et  fera  seize  vibra- 
tions. Mais  la  diminution  progressive  du  volume  des  tuyaux  sera  dans 
une  proportion  bien  plus  considérable,  car  les  volumes  de  ces  tuyaux, 
aux  différentes  octaves,  sont  entre  eux  comme  les  cubes  des  propor- 
tions linéaires  ;  en  sorLe  que  l'ut  octave  du  son  grave  n'a  que  le  hui- 
tième de  son  volume  ;  l'ut,  seconde  octave,  le  soixante-quatrième;  le 
quatrième  ut  n'est  que  le  cinq  cent  seizième  du  premier,  et  enfin,  l'ut 
cinquième  n'a  que  le  quatre  mille  quatre-vingt-seizième  du  volume  du 
premier.  Or,  si  l'on  admet  (indépendamment  de  la  force  et  de  la  quo- 
tité) que  le  volume  du  son  d'un  tuyau  augmente  ou  diminue  avec  le 
volume  d'air  que  contient  sa  capacité,  on  comprendra  par  ce  qui  vient 
d'être  dit,  la  rapidité  avec  laquelle  les  sons  d'un  jeu  décroissent  en  vo- 
lume du  grave  à  l'aigu,  et  l'on  ne  sera  plus  étonné  de  la  faiblesse  et  de 
la  maigreur  des  tons  élevés  de  l'orgue  en  comparaison  des  basses.  Pour 
pallier  cette  imperfection,  les  facteurs  d'orgues  habiles  embouchent 


REVUE  Lï  GAZETTE  MUSICALE 


faiblement  les  basses  et  les  desssus  avec  force  ;  mais  celte  ressource  a 
pour  grave  inconvénient  d'affaiblir  la  sonorité  des  basses  et  de  rendre 
les  dessus  secs  et  criards. 

Cela  constaté,  MM.  Cavaillé,  préoccupés  du  désir  de  trouver  un  re- 
mède à  cette  imperfection,  ont  remarqué  que  dans  les  instruments  à 
vent,  le  même  tube  qui  fait  entendre  les  sons  graves  produit  aussi 
leurs  harmoniques,  d'où  résulte  que  les  sons  ne  s'amaigrissent  pas  aux 
octaves  aiguës.  La  comparaison  d'un  même  son  produit  par  la  flûte 
traversière  et  par  la  petite  flûte,  leur  a  fait  voir  combien  le  premier 
instrument  donnait  de  rondeur  et  de  moelleux  à  ce  son,  tandis  que  le 
second  n'en  produisait  qu'un  maigre  et  criard.  Ils  conçurent  alors  le 
projet  de  donner  aux  tuyaux  des  octaves  élevées  des  diamètres  plus 
considérables  que  ceux  indiqués  par  les  proportions  décroissantes  in- 
diquées ci-dessus,  et  d'en  faire  de  véritables  harmoniques  de  l'octave 
grave.  Leurs  premiers  essais  en  ce  genre  furent  placés  à  l'exposition 
de  1839,  et  furent  l'objet  des  éloges  du  jury,  et  particulièrement  du 
savant  acousticien  Savart.  C'est  ainsi  que  ces  artistes  ont  été  conduits 
à  la  conception  des  basses  et  sous-basses  harmoniques  de  8  et  de 
16  pieds,  ainsi  que  de  la  flûte  harmonique  de  8  pieds  et  de  la  trom- 
pette harmonique.  Ces  beaux  jeux  donnent  aux  orgues  de  Saint-Denis, 
de  Saint-Roch,  de  la  Madeleine  et  de  Saiut-Vincent-de-Paul ,  la  ron- 
deur, la  puissance  et  le  moelleux  qu'on  y  admire. 

Après  tant  d'innovations  heureuses  et  de  perfectionnements ,  et  en 
présence  des  belles  dispositions  et  du  fini  du  travail  qu'on  remarque 
dans  les  ouvrages  de  MM.  Cavaillé ,  ne  nous  étonnons  pas  des  éloges 
sans  restriction  accordés  par  le  jury  choisi  pour  la  réception  de  l'orgue 
de  la  Madeleine  à  ces  artistes  si  distingués,  et  particulièrement  à 
M.  Aristide  Cavaillé,  qui  en  avait  conçu  l'exécution.  Ce  jury,  présidé 
par  M.  le  baron  Séguier,  était  composé  de  MM.  le  baron  Cagniard  de 
Latour  et  Savart  pour  l'acoustique;  Erard,  Davrainville  et  Hamel  pour 
la  facture;  Lefébure-Wély,  L.  Séjan,  Simon  et  Fessy,  organistes;  Adol- 
phe Adam  et  Ambroise  Thomas,  compositeurs.  Ses  conclusions,  expri- 
mées par  l'organe  de  son  rapporteur,  sont  celles-ci  : 

«  Tout  ce  travail  est  admirablement  conçu;  la  disposition  en  est 
claire;  rien  ne  s'y  trouve  gêné  ou  embarrassé;  on  peut  circuler  par- 
tout ;  chacune  des  pièces  qui  composent  ce  mécanisme  compliqué  peut 
être  facilement  démontée  pour  être  réparée  au  besoin.  Les  tirages  et 
les  autres  mouvements  agissent  avec  une  précision  parfaite;  la  direc- 
tion des  forces  est  observée  partout  avec  une  exactitude  rigoureuse  ; 
la  distribution  de  l'air  est  calculée  de  manière  à  ne  pas  être  en  excès 
pour  un  seul  des  plus  petits  tuyaux,  et  pour  fournir  abondamment  à  la 
dépense  des  plus  grands  jeux  réunis,  sans  qu'il  en  résulte  la  moindre 
altération  appréciable. 

»  La  partie  sonore  de  l'instrument  n'est  pas  moins  digne  d'éloges  ; 
les  jeux,  essayés  chacun  en  particulier,  tuyau  à  tuyau,  puis  réunis  l'un 
à  l'autre,  et  enfin  tous  ensemble,  ont  réuni  toutes  les  conditions  de 
timbre,  d'égalité,  de  douceur  et  de  force. 

»  La  partie  matérielle  de  l'orgue  est  aussi  remarquable  par  le  choix 
des  objets  dont  elle  se  compose  que  par  son  exécution.  Non-seulement 
l'investigation  la  plus  minutieuse  ne  saurait  y  trouver  le  plus  petit  dé- 
faut, mais  encore  on  y  remarque  une  perfection  de  main-d'œuvre  dont 
la  facture  d'orgues  n'avait  pas  encore  donné  d'exemple.  » 

Monsieur,  dans  ma  lettre  précédente  comme  dans  celle-ci,  je  me  suis 
proposé  de  faire  connaître  quel  est  en  ce  moment  l'état  le  plus  avancé 
de  la  facture  des  orgues,  et  de  démontrer  qu'à  MM.  Cavailié  appartient 
la  gloire  de  l'avoir  portée  au  plus  haut  point  de  perfection  qu'elle  ait 
atteint.  Or,  MM.  Cavaillé  n'ont  pas  participé  à  l'Exposition  universelle; 
d'où  j'arrive  à  la  conclusion  que  la  situation  réelle  de  l'art  n'y  a  pas  été 
représentée,  et  que,  dans  mon  compte-rendu  des  instruments  que  j'y 
ai  examinés,  je  n'aurai  à  parler  que  du  mérite  relatif.  Cette  explication 
était  nécessaire  pour  ce  qui  me  reste  à  dire. 

Après  la  manufacture  d'orgues  de  MM.  Cavaillé,  celle  de  M.  Ducro- 
quet,  successeur  de  MM.  Daublaine  et  Callinet,  tient  en  France  la  pre- 
mière place.  Cette  maison,  à  laquelle  on  devait  le  grand  orgue  de  Saint- 


Eustache,  qui  a  été  incendié  par  un  accident  funeste,  et  la  restauration 
de  celui  de  Saint-Sulpice ,  a  fourni  beaucoup  de  bons  instruments  dans 
les  départements,  et  a  fait  un  grand  nombre  de  réparations  d'anciennes 
orgues.  Si  le  génie  d'invention  et  la  science  n'en  dirigent  pas  les  tra- 
vaux au  même  degré  que  chez  les  auteurs  de  l'orgue  de  la  Madeleine, 
les  principes  fondamentaux  de  l'art  y  sont  mis  en  pratique,  et  les  soins 
qu'on  y  donne  aux  détails  de  la  facture  sont  très  dignes  d'estime. 

M.  Ducroquet,  arrêté  sans  doute  par  les  immenses  difficultés  de  trans- 
port d'un  grand  instrument  de  Paris  à  Londres,  et  de  celles  non  moins 
grandes  qu'il  aurait  trouvées  pour  le  monter  sur  place,  s'est  borné  à 
exposer  un  instrument  moyen  de  vingt  jeux  à  deux  claviers  à  la  main 
et  clavier  de  pédales,  qui  n'a  de  jeux  de  16  pieds  ouverts  que  sur  ce 
dernier  clavier.  Les  claviers  du  grand  orgue  et  du  positif  ont  une 
étendue  de  cinq  octaves,  et  celui  des  pédales  est  de  deux  octaves, 
d'ut  à  ut. 

Dix  registres  sont  établis  sur  le  clavier  du  grand  orgue,  à  savoir,  une 
montre  de  8  pieds,  une  montre  conique  ou  à  pavillon  de  8  pieds,  une 
dulciana,  jeu  de  flûte  douce  imité  des  anciennes  orgues,  un  bourdon 
de  16  pieds,  un  bourdon  de  8  pieds,  un  prestant  de  h,  un  plein-jeu  de 
cinq  rangs  de  tuyaux,  une  trompette  de  8  pieds,  une  bombarde  de  16, 
et  un  clairon  de  h-  Les  jeux  d'anches  de  ce  clavier  sont  placés  sur  un 
sommier  séparé,  et  la  pression  d'air  qui  agit  sur  eux  est  plus  forte  que 
celle  des  jeux  de  flûtes.  Les  jeux  d'anches  de  ce  clavier,  ainsi  que  le 
plein  jeu,  peuvent  à  volonté  se  réunir  aux  jeux  du  clavier  de  pédales. 

Les  jeux  du  positif,  enfermés  dans  une  boîte  à  jalousies,  sont  au 
nombre  de  huit,  à  savoir  :  un  bourdon  de  8  pieds,  une  flûte  harmoni- 
que ou  traversière,  une  basse  de  viole  ou  gambe,  une  flûte  ouverte  de 
8  pieds,  un  prestant  de  4,  une  trompette,  un  hautbois  et  basson,  divi- 
sant par  un  seul  registre  toute  l'étendue  du  clavier,  et  enfin  un  cor  an- 
glais à  anches  libres.  Ce  clavier  peut  être  accouplé  à  celui  du  grand 
orgue  de  trois  manières  différentes  qui  donnent  autant  de  variétés  d'ef- 
fets, car  l'accouplement  peut  se  faire  ou  à  l'unisson,  ou  à  l'octave  su- 
périeure, ou  enfin  à  l'octave  inférieure.  Ces  accouplements,  grâce  à 
l'application  de  l'ingénieux  levier  pneumatique  de  M.  Barker,  se  font 
sans  que  les  claviers  offrent  plus  de  résistance  à  l'action  des  doigts  de 
l'organiste. 

Le  clavier  de  pédales  n'a  que  deux  jeux  de  16  pieds  ouverts,  appelés 
montre  de  16,  et  ophicléide  ;  mais  on  peut  y  réunir,  au  moyen  d'une 
pédale  d'accouplement,  les  jeux  du  grand  orgue.  Toutefois  il  est  re- 
grettable que  M.  Ducroquet  n'ait  pas  donné  un  peu  plus  de  profondeur 
à  son  buffet  pour  réunir  à  ces  jeux  de  16  pieds  une  grosse  flûte  de  8  ; 
car  c'est  un  fait  reconnu  que  les  jeux  très-graves  augmentent  de  sono- 
rité, de  rondeur  et  de  puissance  lorsqu'ils  s'unissent  à  des  jeux  du  dia- 
pason moyen. 

Au  résumé,  cet  orgue  contient  2  jeux  de  16  pieds  ouverts,  1  de  8 
pieds,  bouchés,  sonnant  le  16,  7  jeux  de  8  pieds  ouverts  et  2  pres- 
tants.  Leur  sonorité  est  bonne,  puistante  et  d'une  égalité  d'autant  plus 
remarquable,  qu'ils  étaient  mis  en  comparaison  avec  des  orgues  an- 
glaises, dont  le  défaut  principal  est  l'inégalité.  Les  jeux  d'anches  ont 
du  mordant  sans  dureté  et  donnent  à  l'instrument  une  énergie  qui  a 
beaucoup  étonné  les  artistes  de  Londres.  Si  l'on  considère  l'effet  que 
produisait  cet  instrument,  qu'on  pourrait  appeler  de  petite  dimension, 
comparativement  aux  grandes  orgues,  dans  un  si  vaste  local,  on  ne 
peut  nier  que  la  distinction  de  la  grande  médaille  décernée  à  M.  Du- 
croquet est  une  juste  récompense  de  la  supériorité  de  son  travail  sur 
celui  de  ses  concurrents.  Mais  n'anticipons  pas. 

A  l'égard  du  mécanisme  et  du  choix  des  matériaux,  il  semble  impos- 
sible qu'il  y  ait  eu  concours  réel,  car  tout  est  digne  d'éloges  dans  le  tra- 
vail de  M.  Ducroquet.  La  précision  et  la  rapidité  d'action  des  tirages, 
les  mouvements  des  abrégés,  la  bonne  construction  des  sommiers,  la 
disposition  claire  et  sans  embarras  des  diverses  parties  de  l'instrument, 
nonobstant  l'exiguïté  du  buffet,  la  simplicité  du  mécanisme  des  ac- 
couplements et  le  fini  de  tous  les  détails,  s'y  présentaient  sous  l'aspect 
le  plus  satisfaisant.  Tel  était  le  bon  effet  de  l'orgue  dont  il  s'agit,  que 


DE  PARIS. 


ses  sons  me  parvenaient  clairs  et  distincts  à  des  distances  considéra- 
bles, malgré  la  vaste  étendue  et  l'élévation  du  local,  tandis  que  d'au- 
tres instruments,  d'une  bien  plus  grande  dimension,  cessaient  d'arriver 
a  mon  oreille  à  des  distances  exactement  égales  ;  car  pour  faire  mes 
expériences  de  comparaison,  j'ai  compté  le  nombre  de  pas,  afin  de 
m'assurer  que  l'éloignement  était  identiquement  le  même. 

Je  l'avouerai,  en  comparant  le  travail  des  facteurs  de  différentes  na- 
tions que  j'avais  sous  les  yeux  et  qui  résonnait  à  mon  oreille,  j'ai  vive- 
ment regretté  qu'un  grand  orgue  français,  de  la  dimension  de  celui 
que  MM.  Cavaillé  ont  exécuté  à  Saint-Denis,  n'eût  pas  été  placé  à  l'Ex- 
position; car  une  occasion  semblable  ne  se  retrouvera  plus,  et  l'on  ne 
sait  pas  en  Angleterre  ce  que  peut  être  un  instrument  semblable;  non 
qu'il  ne  s'y  trouve  en  plusieurs  endroits  des  orgues  de  plus  grand  dé- 
veloppement; par  exemple,  celui  de  la  cathédrale  d'York,  qui  renferme 
quatre  32  pieds,  onze  16  pieds  ouverts,  dix  sept  8  pieds,  une  mul- 
titude de  jeux  de  récits,  de  jeux  de  mutation,  pleins-jeux  qui,  réunis, 
donnent  21  tuyaux  sur  chaque  touche,  deux  bombardes  de  32  et  de  i6, 
k  trombones  et  conlre-bassons  de  16,  des  trompettes  de  8  pieds,  etc., 

faisant  un  total  de  80  registres. 

FÉTIS  père. 

AUDITIONS  MUSICALES  ET  ALBUMS. 

II.  Paul   Henrion.  —  M.   Belcliel.  —  13  H.  Fumagalli,  l'or- 

relli,  Bonoldi  et  SScluil —  93.  Giuliuiii Théâtre  des 

Variétés,  in  Jl'éffresse  et  le  B'ttrlifi  —  lime  llarti- 
iii'i.  —  Tliéàlre  de  la  Porfe-Saint-lIarfin.  Vlnifigier 
tle  lÊnrlctn. 

Prètez-moi  l'un  et  l'autre  une  oreille  attentive. 

Ce  vers  de  Racine  est  fort  de  saison  et  semble  fait  pour  être  adressé 
par  les  virtuoses  qui  nous  surgissent  non-seulement  de  toutes  les  par- 
ties de  l'Europe  musicale,  mais  encore  par  les  auteurs  et  les  éditeurs 
d'albums,  à  l'auditoire  qui  paie,  comme  à  celui  qui  ne  paie  point;  car 
avant  tout,  ces  braves  artistes  concertants  veulent  être  écoutés. 

Pour  nous,  pauvres  critiques,  nous  payons  de  notre  présence,  de 
notre  patience,  de  notre  bienveillance,  ces  séances  musicales,  ces  con- 
certs, dont  les  billets  sont  parfois  cotés  15  fr.  à  la  bourse  musicale,  et 
qui,  pour  nous,  valent  à  peine  les  15  centimes  de  port  qu'ils  nous  coû- 
tent, envoyés  cavalièrement  par  la  petite  poste  de  Paris.  Dernièrement 
encore,  un  compositeur  russe,  charmé  de  l'indulgence  que  nous 
avions  montrée  à  l'égard  de  la  musique  facile,  dans  un  de  nos  articles 
de  la  Gazette  musicale,  nous  a  expédié,  d'une  des  capitales  de  la  Rus- 
sie, un  colis  de  polkas  de  sa  composition,  peu  franches,  nous  ne  dirons 
pas  de  mélodie  et  de  rhythme  ,  mais  de  port,  qui  ne  se  montait  pas  à 
moins  de  40  fr.  Alceste  obligé  de  payer  pour  lire  les  vers  du  sonnet 
d'Oronle,  nous  est  venu  en  la  pensée.  Nous  aurions  pu  nous  indigner, 
comme  lui,  au  reçu  de  toute  cette  musique,  etdire  que 

Le  mauvais  goût  du  siècle  en  cela  nous  fait,  peur 

En  voyant  ces  galops,  ces  polkas,  ces  sornettes  ; 

El  qu'un  homme  est  penclab'e  après  les  avoir  faites. 

Nous  sommes  plus  poli  que  l'irritable  Alceste  ;  sans  nous  écrier  cepen- 
dant, comme  l'auteur  de  la  Henriade  : 

C'est  du  Nord  aujourd'hui  que  nous  vient  la  lumière, 

nous  dirons  franchement  à  ce  compositeur  polonais  ou  russe,  et  sans 
intention  de  jouer  sur  le  mot ,  qu'affranchi  depuis  longtemps  du  joug 
de  l'école  musicale,  nous  ne  sommes  pas  professeur  de  musique  facile, 
et  que  nous  avons  peu  compris  la  nécessité  dans  laquelle  ce  monsieur 
s'estera  placé  de  savoir  l'opinion  qu'on  aurait  à  Paris  des  polkas  com- 
posées à  Saint-Pétersbourg. 

Et.  maintenant,  après  avoir  cité  quelques  beaux  vers  de  nos  premiers 
poètes,  parlons  de  ceux  qui,  à  l'époque  où  nous  sommes,  pourraient 
servir  à  envelopper  les  bonbons  classiques  de  Rerthelemot,  Marquis,  etc. 
MM.  Flan,  Lorrain  et  Moineaux  ne  sont  pas  sans  avoir  quelques  droits 
à  cet  approvisionnement.  Nous  avons  entendu  dire  qu'il  est  très-difficile 
de  faire  de  la  bonne  musique  sur  de  bons  vers,  et  nous  sommes  de  cet 


avis.  L'inspiration  mélodique  est  plus  à  son  aise  et  se  joue  mieux  sur 
des  paroles  médiocres.  C'est  ce  qui  est  arrivé  à  M.  Paul  Henrion  à  pro- 
pos de  plusieurs  de  ses  romances  et  de  la  oanzonnetta  intitulée  la  Pa- 
vana, mélodie  hardie,  originale  et  chantée  délicieusement  par  MmeGa- 
veaux-Sabatier  à  l'audition  de  l'album  de  M.  Henrion.  Nous  rendrions 
un  compte  plus  détaillé  de  ce  recueil  s'il  nous  était  parvenu  plus  tôt . 
mais  ne  l'ayant  reçu  qu'au  dernier  moment,  nous  ne  pouvons  dire  que 
sommairement  qu'il  est  digne  des  précédents  du  même  compositeur. 
Dans  le  concert  dont  cet  album  a  été  le  prétexte  ou  le  sujet,  on  a  en- 
tendu de  fort  jolis  morceaux  de  M.  Frédéric  Brisson,  entre  autres  son 
Hymne  triomphal,  pour  deux  pianos,  que  Mlle  Roux,  jolie  et  brillante 
pianiste,  a  exécuté  triomphalement  avec  l'auteur  :  puis  Jadis  et  Au- 
jourd'hui, fantaisie  en  style  rétrospectif  et  actuel  mis  en  contraste  in- 
génieusement. Pourquoi,  afin  de  compléter  ce  contraste ,  M.  Brisson 
n'a-t-il  pas  terminé  la  première  partie  de  ce  morceau  par  une  fugue, 
sinon  complète,  du  moins  par  l'exposition  avec  la  réponse  au  sujet  d'un 
morceau  de  ce  genre?  Qui  sait?  Parce  que  M.  Brisson,  qui  est  un  char- 
mant pianiste,  ne  connaît  pas  sans  doute  les  règles  et  les  conditions  de 
la  fugue.  Qui  sait  encore?  Il  est  peut-être  de  ceux  qui  s'en  moquent. 
Ce  ne  serait  pas  un  crime,  ce  serait  pis,  comme  disait  M.  de  Talleyrand, 
ce  serait  une  faute,  et  même  un  ridicule.  Et  puisque  nous  en  sommes 
sur  cette  partie  essentielle  de  l'art  sans  laquelle  le  style  en  musique  n'a 
pas  d'avenir,  nous  citerons  ici  M.  Reichel,  compositeur  allemand,  ex- 
cellent professeur  de  piano,  qui  connaît  et  sait  mettre  en  œuvre  toutes 
les  ressources  que  vous  offre  la  fugue.  Ce  compositeur  consciencieux 
nous  a  fait  entendre  en  son  domicile  artistique  un  excellent  trio  pour 
piano,  violon,  violoncelle,  des  études,  des  sonates  pour  piano  et  violon, 
qui  se  distinguent  par  l'inspiration  et  le  savoir.  Avec  un  peu  de  savoir- 
faire,  M.  Reichel  serait  déjà  placé  parmi  nos  bons  pianistes-composi- 
teurs. 

A  propos  d'excellents,  de  grands  compositeurs,  et  d'audition  d'al- 
bums, nous  ne  devons  pas  oublier  celui  et  celle  (album  et  audition)  de 
M.  Bonoldi,  concert  intéressant  qui  s'est  donné  dans  la  salle  Sax,  et  dans 
lequel  les  auditeurs  ont  eu  la  bonne  fortune  d'entendre  trois  charmantes 
mélodies   posthumes  et   inédites  de  notre  grand  Méhul  :  Adieux  du 

PÈLERIN-,  PlETOUR  AU  FOYER  PATERNEL  et  le  VlEUX  PATRE.  CeS  trOlS  mé- 
lodies sont  des  modèles  de  chants  bien  déclamés  sous  lesquels  se  dis- 
tingue une  harmonie  pure,  élégante  et  pleine  de  finesse,  et  de  petits 
dessins  ingénieux.  L'authenticité  de  cette  trouvaille  artistique  est  bien 
constatée.  Il  y  a  dans  la  forme,  dans  la  mesure,  la  concision  de  la  phrase 
musicale  et  terminative  le  cachet  du  maître.  M.  Emile  Deschamps  a  mis 
sous  ces  mélodies  des  paroles  bien  adaptées  à  la  musique,  bien  prosodiées . 
et  des  sujets  tout  empreints  de  cette  poésie  lyrique  et  charmante  qu'il 
trouve  si  facilement.  Le  Hève  de  Noël,  du  même  auteur,  et  le  Captif, 
déranger,  ont  et  émis  en  musique  par  M.  Bonoldi,  et  entendus  avec 
un  vif  plaisir  par  l'auditoire  dans  ce  concert  qui  offrait  un  plaisir  mu- 
sical varié.  Avec  les  trois  chants  du  cygne  Méhul,  on  a  justement  ap- 
plaudi Amour  e'  souvenir,  romance  pur  sang,  tendres  paroles  et  musi- 
que bien  sentie  et  partant  du  cœur,  par  M.  Hocmelle  ,  et  dite  avec  une 
expression  profonde  et  vraie  par  Mlle  Montigny  ;  puis  M.  Fumagalli, 
jeune  virtuose  milanais,  d'un  talent  raide,  un  peu  sec,  mais  chaleu- 
reux et  brillant  sur  le  piano,  a  sillonné  ce  concert  d'une  brillante  Élin- 
c-lle;  il  a  sonné  une  Cloche  d'une,  charmante  harmonie;  il  n'a  pas 
tenu  à  lui  que  tout  l'auditoire  ne  dansât  sa  jolie  tarentelle  de  Luisa, 
qu'il  ne  rêvât  de  son  Nocturne  en  mi.  hé:no> ',  qu'il  ne  pleurât  à  son  La- 
menta, à  sa  deuxième  mazurka  setdim'ntale,  et  qu'il  ne  s'ensorcelât 
à  sa  Buena  ventura,  cette  chanson  andalouse  d'V'radier,  variée  et  très- 
habilement  mélangée  à  une  charmante  valse  par  M.  Fumagalli. 

M.  GennaroPerrelli,  autre  pianiste  italien  dont  nous  avons  déjà  dit 
quelques  mots  dans  la  Gazette  musicale,  a  donné  un-  seconde  matinée 
musicale  dans  le  salon  de  Mme  Lafontaine,  où  il  a  joué  une  belle  fan- 
taisie de  sa  composition  sur  la  burina  de  son  compatriote  Bellini.  Mo- 
tifs et  arrangement  ont  été  justement  applaudis.  M.  Paul  Bernard,  pia- 
niste français,  s'est  aussi  fait  entendre'  dans  le  concert  donné  pour 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


l'audition  de  l'album  de  M.  Eugène  de  Lonlay,  dans  un  des  salons  conti- 
gus  de  la  salle  Sainte-Cécile.  Comme  exécutant  et  compositeur,  M.  Paul 
Bernard  est  un  peu  froid  ;  mais  son  jeu  est  net ,  ferme  et  brillant. 

M.  Giuliani,  professeur  de  chant  au  Conservatoire,  a  publié  auss 
un  album  sur  des  paroles  françaises  et  même  italiennes.  11  y  a  de 
tout  dans  l'album  de  M.  Giuliani  ;  il  y  a  des  romances  simples  et  fa- 
ciles, de  grands  airs,  des  nocturnes  à  deux  voix,  des  accompagne- 
ments aisés  et  difficiles,  une  prosodie  assez  française  sur  des  paroles 
de  MM.  Casimir  Delavigne,  Béranger,  Victor  Hugo,  Méry,  Alfred  de 
Musset,  Crével  de  Charlemagne,  Mmes  Desbordes-Valmore  et  de  Gi- 
rardin.  On  pouvait  faire  un  plus  mauvais  choix  de  poètes.  La  musique 
du  compositeur  est  un  peu  dans  le  genre  italien,  et  bien  écrite  pour  la 
voix,  quoique  parfois  dans  un  diapason  un  peu  haut  pour  les  amateurs 
et  le  salon.  Nous  avons  remarqué  la  Brigantine,  de  Casimir  Delavigne, 
avec  paroles  françaises  et  italiennes,  et  qui  est  d'une  mélodie  simple  et 
bien  déclamée  à  la  manière  française  ;  cela  ne  sent  pas  Yarioso  ilaliano 
avec  la  vocalise  obligée,  et  le  bouquet  dramatique  et  final  de  la  mélo- 
die italienne  moderne. 

Les  Cloches  du  soir  sont  une  mélodie  assez  naturelle  sur  la- 
quelle se  dessine  d'une  façon  pittoresque  un  joli  accompagnement  de 
cloches  en  carillon,  dans  lequel  interviennent  deux  mesures  d'une  tran- 
sition enharmonique  comme  on  en  trouve  peu  dans  la  musique  d' al- 
bum. M.  Giuliani  a  sans  doute  voulu  prouver  par  le  sien,  et  par  ce 
procédé  de  modulation  employé  par  lui  dans  d'autres  morceaux  de  son 
recueil,  qu'il  sait  écrire  aussi  bien  qu'il  sait  chanter.  Soit  ;  nous  ne  lui 
contestons  pas  ce  double  privilège.  Il  y  a  donc  luxe  de  mélodie  et 
d'harmonie,  de  grâce  et  de  science,  de  simplice  et  de  brio  dans 
l'album  de  M.  Giuliani,  excepté  luxe  de  lithographies,  qui  se  réduisent  à 
un  tableau  synoptique  des  sujets  qu'il  a  traités  sur  le  frontispice  de  son 
recueil,  sujets  réduits  à  dix  petits  médaillons  dus  au  crayon  exercé  de 
M.  Victor  Coindre.  Dût-on  dire  que  je  tombe  en  enfance,  j'aime  les 
images  comme  les  enfants  ;  et  ce  qui  me  plaît  le  plus  dans  uu  album 
musical,  ce  sont  les  dessins  de  nos  lithographes,  qui  sont  souvent  de 
charmants  tableaux. 

— Le  théâtre  des  Variétés,  qui  se  fait  moral  par  les  charmantes  comé- 
dies populaires  de  l'auteur  des  Deux  anges,  de  la  Gamine ,  qui  va  de- 
venir largement  dramatique  par  l'engagement  de  Frederick  Lemaître, 
essaie  aussi  de  se  faire  musical.  Mme  Martinez,  non  de  la  Rosa,  à  moins 
qu'il  n'y  ait  des  roses  couleur  d'ébène,  Mme  Martinez  tout  court,  ou  la 
Malibran  noire,  comme  quelques-uns  la  surnomment,  a  chanté  der- 
nièrement à  ce  théâtre,  dans  une  représentation  extraordinaire,  avec 
une  voix,  un  costume,  des  gestes  et  un  français  non  moins  extraordi- 
naires. 

La  pièce  faite  pour  l'exhibition  de  tout  cela  annonce  la  prétention 
d'être  de  la  famille  de  l'Ours  et  le  Pacha;  elle  en  est  comme  une  co- 
médie en  trois  actes  faite  par  un  de  nos  vaudevillistes,  pourrait  se 
dire  la  sœur  de  M.  de  Poureeavgnac  ou  des  Fourberies  de  Seapin. 
Quoi  qu'il  en  soit,  la  segnora  Martinez  chante  d'une  voix  un  peu  faible, 
mais  juste  et  avec  méthode,  quelques  mélodies  espagnoles  qui  ont  du 
caractère,  et  auxquelles  elle  donne  une  sorte  d'originalité  par  sa  pan- 
tomime, ses  dents  blanches,  sa  manière  nationale  de  jouer,  de  pincer, 
de  frôler  les  cordes  de  la  guitare  dont  elle  s'accompagne,  et  sur  la- 
quelle elle  marque  et  bat  la  mesure  avec  ses  doigts,  comme  les  dan- 
seuses espagnoles  la  marquent  de  leur  taille,  de  leur  pied  cambrés. 
C'est  pittoresque  et  piquant  à  voir,  à  entendre  :  aussi  le  public  y 
court-il. 

—  Un  ouvrage  dramatique  dans  lequel  interviennent  l'histoire  et  la 
fantaisie,  les  superstitions  du  moyen-âge  et  la  poésie,  est  nécessaire- 
ment instructif,  curieux,  piquant  ;  ce  sont  les  éléments  et  les  qualités 
qu'on  trouve  dans  Y  imagier  de  Harlem,  cette  légende,  ce  caprice, cette 
chose  réelle  et  fantastique  due  à  deux  fantaisistes  d'esprit  et  pleins 
d'originalité.  Leur  œuvre,  qui  ressemble,  par  la  couleur,  à  un  conte  inédit 
d'Hoffmann,  attire  beaucoup  de  monde  au  théâtre  de  la  Porte-Saint- 
Martin.  C'est  un  succès  d'artistes,  surtout  par  le  talent  si  artistique  de 


Mélinguc.  On  va  le  voir  comme  on  croit  voir,  en  les  lisant,  les  faits  et 
gestes  de  Méphistophélès  dans  le  Faust  de  Gœlhe  ;  et  l'on  se  trouve 
écoutant  cette  pièce  variée  de  tous  les  prestiges  scéniques,  et  l'on  s'y 
sent  plongé  dans  une  rêverie  rétrospective  et  vague,  comme  celle 
qu'on  éprouve  devant  les  belles  rosaces  en  vitraux  gothiques  et  de 
mille  couleurs  qui  ornent  nos  vieilles  basiliques. 

—  On  parle  de  l'engagement  de  Mme  Taccani-Tasca  pour  la  saison 
prochaine  ou  mêmela  fin  de  celle-ci,  aux  Italiens.  C'est  une  nouvelle  dont 
on  pourrait  féliciter  les  habitués  de  ce  théâtre,  car  les  triomphes  de 
Mlle  Taccani  sont  encore  présents  à  la  mémoire  des  dilettanti.  Voix 
bien  posée,  large,  vibrante,  vocalisation  brillante,  bonne  méthode, 
telles  sont  les  principales  qualités  de  cette  cantatrice,  mariée  aujour- 
d'hui au  comte  de  Tasca,  que  l'Italie  appelle  son  poète  national.  Unies 
ensemble,  poésie  et  mélodie,  au  point  éminent  où  les  portent  M.  et 
Mme  Tasea-Tac.cani,  sont  faites  pour  le  succès. 

—  Les  compositeurs,  —  ce  mot,  comme  on  le  sait,  est  des  deux 
genres,  —  les  compositeurs  d'albums  semblent  se  multiplier;  et  comme 
a  dit  le  poëLe  :  Ce  qui  vicie  abonde.  Il  en  est  plusieurs  qui  se  croient 
illustres  parce  qu'on  illustre  leurs  œuvres  par  la  lithographie.  Si  un 
autre  poëte  a  fait  un  juste  éloge  de  la  méthode  en  disant  : 

La  grammaire  qui  sait  régenter  jusqu'aux  rois, 
il  est  de  bons  et  de  vrais  musiciens  qui  disent ,  avec  autant  de  rai- 
son, que  l'harmonie,  la  mélodie  même,  avec  sa  sœur  la  prosodie,  ont 
des  règles  qu'il  n'est  pas  permis  d'enfreindre,  sous  peine  de  ridicule , 
s'appelât-on  même  Victoria  et  fût-on  puissante  comme  la  reine  d'An- 
gleterre, qui,  du  reste,  est  bonne  musicienne  et  joue  fort  bien  du 
piano. 

Parmi  les  albums  de  chant  qui  foisonnent  de  plus  en  plus,  il  en  est 
un  cette  année  qui  ne  nous  est  passé  qu'imparfaitement  sous  les  yeux, 
mais  dont  nous  pouvons  parler  sans  crainte  d'erreurs.  Voilà  huit  ans 
que  l'auteur  de  ce  recueil  s'est  annoncé  dans  le  monde  musical  ;  voilà 
huit  ans  que  nous  l'encourageons  de  nos  éloges,  mais  à  la  condition 
que  le  progrès  arriverait...  Pourquoi  nos  espérances  ont-elles  été  dé- 
çues ? 

Nous  sommes  trop  sincère  pour  cacher  la  vérité  à  l'auteur  de  tant 
de  romances,  mais  trop  galant  aussi  pour  le  ou  la  nommer. 

Pirouetter  n'est  point  avancer,  et  les  épreuves  ne  doivent  pas  se 
prolonger  indéfiniment,  si  l'on  ne  veut  pas  en  faire  éprouver  de  fati- 
gantes à  ses  amis.  Henri  BLANCHARD. 


%*  Demain  lundi,  à  l'Opéra,  Vert-Vert,  précédé  de  la  Douque'ièrc. 

*,*  Quatre  représentations  ont  été  données  dans  la  semaine.  Lundi 
dernier,  Sapho  et  Vert-Virt  composaient  le  spectacle;  mercredi,  Robert- 
lt-Diabk;  jeudi,  la  Favorite,  suivie  de  la  Vivandière  ;  et  vendredi ,  le  Pro- 
phète, appelaient  la  foule,  qui  n'a  pas  l'habitude  de  leur  résister.  Guey- 
mard  chantait  dans  Sapho  et  dans  Robtrt-L-Diable;  Roger,  dans  la  Favo- 
rite et  dans  le  rrnphète. 

%*  Mme  Castellan,  que  Paris  n'a  pas  oubliée,  est  engagée  à.  Bruxelles  : 
elle  y  chantera  au  Théàtre-ttalien ,  qui  gagnera  beaucoup  à  compter  dans 
ses  rangs  un  tel  auxiliaire. 

%*  Mme  Stoltz  va  bientôt  quitter  Paris  pour  retourner  à  Lisbonne,  où 
un  brillant  engagement  la  rappelle. 

%*  Il  y  aura  mardi,  à  l'Opéra,  nne  représentation  extraordinaire,  à  la- 
quelle seront  invités  MM.  les  délégués  des  départements. 

*„*  Demain  lundi,  à  l'Opéra-Comique,  reprise  de  Nina,  ou  la  Folle  par 
amour,  pour  les  débuts  de  Mlle  Favel. 

*.j,*  Hier  samedi,  le  Théâtre-Italien  a  repris  la  Somnambules,  chantée  par 
Mlle  Sophie  Cruvelli. 

***  Dans  le  Te  Deum  en  actions  de  grâce,  célébré  jeudi,  1"  janvier,  k 
Notre-Dame,  trois  cents  chanteurs  et  deux  cents  instrumentistes,  sous  la 
direction  de  M  Girard,  ont  successivement  exécuté  la  Marche,  le  Vivat, 
le  Te  Deum,  composés  par  Lesueur  pour  le  sacre  de  l'Empereur,  le  motet 
Urbs  btaia,  également  de  Lesueur,  le  Sanctus,  de  la  dernière  messe  de 
Sainte-Cécile,  d'Adolphe  Adam,  et  le  Do  minus  liberavit  ?io«,  offertoire  de 
la  messe  du  Saint-Esprit,  de  Lesueur. 

%*  A  la  répétition  de  la  veille,  MM.  Auber  et  Adolphe  Adam,  voulant 
se  rendre  compte  de  l'effet  des  voix  et  des  instruments,  étaient  descendus 
dans  l'église  remplie  d'ouvriers  de  toute  sorte,  occupés  des  préparatifs 
de  la  décoration.  M.  Adolphe  Adam  a  été  atteint  par  un  baldaquin   qu'on 


DE  PARIS. 


était  en  train  de  hisser.  Ses  lunettes  s'étaht  brisées  dans  sa  elmte  lui  ont 
fait  à  l'œil  une  blessure  qui  n'offre  heureusement  aucune  gravité. 

%*  La  première  représentation  de  la  Quittance  de  minuit,  opéra  comi- 
que en  un  acte,  paroles  de  MM.  Raymond,  Deslandes  et  Commerson,  mu- 
sique de  M.  Yarncy,  aura  lieu  mardi  prochain,  au  théâtre  des  Variétés. 
Mlle  Anaïde  Huez,  sœur  de  Mlle  Zoé  Duez,  l'artiste  de  l'Opéra-National  , 
débutera  dans  cet  ouvrage. 

*„*  Le  jeune  ténor  Aimés  ne  chante  pas  seulement  à  l'Opéra;  il  chante 
aussi  dans  les  concerts,  surtout  dans  ceux  qu'il  donne.  Dernièrement ,  il 
s'est  fort  distingué  en  disant  un  air  classique  dtfphigtnie  en  Aulide,  et  une 
jolie  romance,  VAlt-nte,  de  MM.  Uippolyte  Lucas  et  Cohen. 

V  M.  Émilien  Paoini ,  auteur  dramatique,  a  été  nommé  membre  de  la 
Commission  d'examen  pour  les  ouvrages  dramatiques,  en  remplacement 
de  M.  Caritan,  appelé  à  d'autres  fonctions  au  ministère  de  l'intérieur. 

%*  Un  jeune  violoniste,  M.  Henri  Poussard,  premier  prix  du  Conserva- 
toire en  1849,  qui  depuis  a  parcouru  avec  Mlle  Dobré  une  partie  delà 
Bretagne  et  plusieurs  villes  d'Angleterre,  est  en  ce  moment  à  Paris  d'où 
il  va  se  rendre  à  Constantinople.  il  s'est  perfectionné  par  des  études  assi- 
dues, et  partout  il  a  obtenu  de  brillants  succès. 

V  Albert  Sowinski  vient  de  donner  deux  concerts  à  Niort  et  a  la  Ro- 
chelle. Il  a  fait  entendre  avec  un  grand  succès  son  nouveau  morceau  sur 
YEnfant  prodigue.  Il  faut  en  dire  autant  de  son  trio  et  de  sa  mélodie  sous 
le  titre  d'Invocation  à  la  pué-tie. 

%*  Le  concert  d'Ernst,  le  violoniste  sans  égal,  reste  toujours  fixé  au 
14  courant;  MmesVéraet  Duflot-Maillard  s'y  feront  entendre.  Nous  avons 
déjà  publié,  dans  noire  dernier  numéro,  les  morceaux  qu'Ernst  lui-même 
jouera. 

%*  Voici  le  programme  du  concert  que  donne,  aujourd'hui  dimanche,  la 
Société  Sainte-Cécile  :  —  1°  Ouverture  de  l'opéra  tVHamlet,  M.  Stad- 
feldt; —  2°  Kyrie  et  Gloria,  M.  Reichel;  les  soli  seront  chantés  par 
Mmes  E.  Adam,  Lévy  ;  MM.  Vasseur  et  Bouché  (membres  de  la  Société)  ; 
—  3°  Chœur  pastoral,  M.  Vervoitte  ;  avec  hautbois  solo  exécuté  par 
M.  Romédenne  (membre  de  la  Société)  ;  —  W  Le  Jugement  d'rnwr,  ode 
de  Gilbert,  mise  en  musique  par  M.  Wekerlin;  les  soli  seront  chantés  par 
M.  II.  Adam  et  Mme  II.  Adam,  Jacob,  Lazzarini  et  Rosay  ;  —  5"  Ouver- 
ture de  Jeanne  d'Arc,  M.  Gouvy;  —  6°  Sanctus  et  Benediitus,  M.  Gou- 
nod;  les  soli  seront  chantés  par  Mlle  Poinsot  et  AI.  Gueymard  (de  l'A- 
cadémie nationale  de  musique)  ;  —  Le  Benediclus  sera  accompagné  par 
un  harmonium  des  ateliers  de  M.  Debain  ;  —  7°  Chœur  de  chasse, 
M.  Caspers. 

\*  M.  Adolphe  Adam  vient  de  recevoir  la  croix  de  la  Conception  de 
Portugal. 

***  Le  bal  annuel  de  l'Association  des  artistes  dramatiques  n'aura  ja- 
mais été  aussi  brillant  que  cette  année.  11  ne  reste  plus  à  louer  que  cinq 
loges  et  vingt  places  de  galeries  numérotées.  L'empressement  des  sou- 
scripteurs est  égal  au  zèle  des  dames  patronesses;  grâce  à  ce  zèle,  qui 
permet  au  comité  de  secourir  tant  d'infortunes,  tous  les  artistes  compren- 
nent maintenant  la  haute  portée  de  cette  belle  institution. 

%*M.  le  docteur  Frédéric  Rungenhagen,  en  la  personne  duquel  l'Acadé- 
mie royale  de  chant  de  Berlin  vient  de  perdre  son  vénérable  chef,  était  né 
dans  cette  ville  en  1778.  Il  avait  fait  ses  études  musicales  sous  la  direction 
de  deux  maîtres  également  célèbres  comme  théoriciens  et  comme  compo- 
siteurs, Benda  et  Charles-Philippe-Emmanuel  Bach.  On  lui  doit  d'importants 
ouvrages  sur  l'histoire  de  la  musique,  sur  la  composition  et  sur  les  diver- 
ses méthodes  d'enseignement  du  chant,  comme  aussi  plusieurs  œuvres  de 
musique  religieuse,  notamment  un  Te  Daim,  une  messe  et  des  motets.  Il 
a  formé  d'excellents  élèves,  au  nombre  desquels  se  trouvait  Lortzing,  dont 
l'art  déplore  la  perte  récente.  L'Académie  royale  de  chant,  que  M.  Run- 
genhagen a  dirigée  pendant  plus  de  trente-six  années,  lui  a  fait  des  obsè- 
ques magnifiques.  Les  élèves,  au  nombre  de  deux  cent  cinquante,  les 
artistes  du  Grand-Opéra  et  beaucoup  d'amateurs,  tous  vêtus  de  deuil,  ont 
exécuté  le  chant  :  En  Jésu*  est  notre  confiance,  et  le  Requiem  de  .Mozart.  En 
tête  du  cortège  funèbre,  on  remarquait  MM.  de  Bodelschwing,  ministre 
d'État,  Meyerbeer,  le  comte  de  Redern,  de  Kustner,  de  Hulseu,  et  la  plu- 


part des  professeurs  de  l'Université  et  des  autres  établissements  d'ensei- 
gnement supérieur  de  Merlin. 

*„*  Hier  samedi,  la  saison  des  bals  a  commencé  de  la  manière  la  plus 
brillante  à  l'Opéra.  Plus  que  jamais,  la  vogue  se  déclare  :  tout  annonce  un 
carnaval  tel  qu'on  n'en  a  vu  depuis  longtemps. 

CROKIÇUE    DÉPaRTEMENTALE. 

%*  Rouen.  —  La  messe  de  W'eble  a  été  exécutée  à  la  métropole  le  jour 
de  Noël  par  les  élèves  de  la  maîtrise  et  du  grand  séminaire,  sous  la  direc- 
tion de  M.  Ch.  Vervoitte,  maître  de  chapelle,  qui  forme,  comme  nous  l'a- 
vons dit  souvent,  des  interprètes  à  la  belle  et  grande  musique,  avec  une 
activité  et  un  talent  remarquable. 

***  Lyon,  si  décembre.  — Le  Prophète  est  toujours  de  mieux  en  mieux 
interprété  :  la  troisième  et  la  quatrième  représentation  ont  été  des  plus 
favorables  à  ce  magnifique  ouvrage,  et  ont  complètement  fait  oublier 
les  défectuosités  qui  avaient  entaché  les  deux  premières.  Les  deux 
rôles  de  femmes  sont  très-bien  chantés  :  celui  de  Berthe  par  Mme  Cœu- 
riot,  et  celui  de  Fidès  par  Mlle  Lacombe  ;  cette  dernière,  surtout,  fort 
avantageusement  connue  par  les  succès  que  la  création  du  rôle  de  Fidès 
lui  avait  fait  recueillir  sur  plusieurs  scènes  importantes  de  la  Belgique, 
est  aujourd'hui  une  artiste  tout-à-fait  hors  ligne  en  province.  Son  jeu 
accuse  de  bonnes  intentions  dramatiques,  sa  méthode  do  chant  remar- 
quable d'ampleur,  sa  voix  de  mezzo  soprano  considérablement  étendue 
dans  les  deux  registres  Le  rôle  d'Oberthal  est  également  bien  rendu  par 
M.  Dubosc,  artiste  consciencieux  et  très-intelligent.  Nous  nous  dispense- 
rons de  revenir  sur  les  autres  artistes. 

CHROWIQUE     ÉTRANGÈRE. 

%f  Bruxelles.  —  Mosquila  la  Sorcière ,  opéra-comique  ,  de  M.  Bois- 
selot,  l'heureux  auteur  de  Ne  touchez  pas  à  la  Reine,  vient  d'obtenir  un 
brillant  succès.  Cet  opéra  est  monté  avec  un  soin  extrême.  Mme  Cabel 
(Mosquita)  a  eu  les  honneurs  de  la  soirée.  Sa  voix  légère  a  brillé  de  tout 
son  éclat;  son  jeu  plein  de  finesse  et  de  naturel  a  obtenu  tous  les  suf- 
frages. M.  Barbot  (Manoël),  l'excellent  ténor,  a  eu  son  succès  accoutumé. 
Citons  encore  Mme  Carman  (Bénita),  gracieuse  dugazon  à  la  voix  flexible", 
au  jeu  intelligent;  Mme  Prévost-Colon,  la  duègne  par  excellence,  et  Pril- 
leux  (Carasco),  qui  a  tiré  un  immense  parti  de  son  rôle.  Il  est  impossible 
de  pousser  plus  loin  le  talent  comique,  tout  en  fuyant  la  charge.  C'est 
pour  cet  artiste  une  remarquable  création.  La  mise  en  scène  est  très- 
soignée  ;  elle  est  l'œuvre  de  M.  Vizentini. 

*Jl  Berlin.  —  L'oratorio  de  M.  Naumann,  le  Christ,  messager  de  paix, 
sera  exécuté  samedi  31  janvier  au  profit  de  la  réunion  Gustave-Adolphe. 
Les  soli  ont  été  confiés  à  Mme  Koester,  Mlle  J.  Wagner,  MM.  Mantius  et 
Krause.  Le  roU  en  sa  qualité  de  protecteur  de  toutes  les  réunions  Gustave- 
Adolphe,  a  permis  que  la  solennité  eût  lieu  dans  la  salle  des  concerts  du 
théâtre  royal. — Par  ordre  du  roi,  un  concert  a  eu  lieu  à  Charlottenbourg, 
sous  la  direction  de  Meyerbeer  :  les  demoiselles  Dulcken,  Mlle  Gadi,  le 
violoniste  Koeckert,  ont  été  invités  à  y  prendre  part.  —  Le  jardin-d'hiver, 
construit  depuis  neuf  ans,  pourra  être  ouvert  au  public  au  mois  de  fé- 
vrier. 

*„*  Vienne.  —  L'Enfant  prodigue  de  M.  Auber  est  toujours  en  grande  fa- 
veur. 

%*  Moscou.  —  Les  débuts  de  M.  Joseph  Gungl,  au  théâtre  impérial,  ont 
été  des  plus  heureux  ;  le  Muta'd  berlinois  a  été  rappelé  à  plusieurs  repri- 
ses ,  et  chaque  morceau  du  programme  a  été  salué  des  pius  vifs  applau- 
dissements. 

Le  gérant:  ERNEST  DESCHAMPS. 

—  B..e  S5»uf anScr,   rondo  galop  ;  Orna,  polka,    et  fi'rst&qiiïtn. 

polka-mazurka,  tels  sont  les  titres  de  trois  délicieux  morceaux  de  piano 
que  Louis  Messemaeckers  vient  de  publier  chez  J.  Benacci-Peschier, 
7,  rue  Laffitte,  à  Paris  Dans  quelques  réunions  intimes,  on  ce3  nouvelles 
compositions  ont  été  interprétées,  elles  ont  obtenu  un  magnifique  succès 
et  bissées  par  acclamations 


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talogue'. 

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J2  études  de  prononciation  dans   le  chant 

français,  op.  52 20     » 

S  mes-es,  dont  une  de  Requiem,  Stabat,  A  n- 

liennes  à  la  Vierge,  etc. 

nota.  —  Ces  méthodes  ont  été  aussi  publiées  en 
langues  italienne,  espagnole,  anglaise  et  allemande. 


LE  NOUVEAU  RÉPEUTOIHE  DES  BALS  DE  L'OPERA  DE  1852 


DIRIGES    PAR 


Hue>»r<B     Le  Palais  de  Cristal,  quadrille  pour  piano 4  50  I  fflusanl.  La  Tempesta,  quadrille 4  50 

—  Une  nuit  à  l'Opéra,  quadrille  pour  piano 4  50              —  Les  Lingots  d'or,  suite  de  valses  pour  piano 5  » 

—  La  Favorite,  nouveau  quadrille  pour  piano 4  50              —  Ouistiti,  polka  pour  piano 3  » 

—  La  Reine  de  Chypre,  nouveau  quadrille  pour  piano.  .  4  50  ,          —  La  Pnora,  polka  pour  piano 4  50 

—  Les  Rendez- vous  bourgeois,  nouv.  quat.  pour  piano.  .  4  50              —  Tarentelle  et  galop  pour  piano U  50 

—  Zerline  ou  la  Corbeille  d'eranges,  2  quadrilles,  chaque  4  50  |          —  Nouvelle  suite  de  galops  pour  piano. 4  50 

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OEUVRE  COMPLET 

l'os»*  tontes  les  voix. 

Par  A.  PANSERON, 


Professeur  de  chant  au  Conservaloi'i 

NOli'VffiFLSiES 


Solfège. 

ABC.  musical 

Suita  de  l'A  B  C 

Solfège  à  2  voix 

Solfège  d'artiste 

Solfège  sur  la  clef  de  fa,  pour  basse-taille  et 

baryton 

Solfège  d'ensemble  à  2,  3  et  4  voix,  en  3  parties 

Chaque   partio 

Solfège  du  pianiste 

Solfège  du  violoniste 

Ouvrages  nouveaux. 

Solfège  concertant  à  2,  3  et  ti  voix  .... 

En  3  parties.  Chaque  partie 

A  l'usage    des   orphéonistes,   des  classes 
d'ensemble  et  des  pensions. 
Solfège  à  changements  de  clefs,  faisant  suite 
au    Solfège   d'artiste,    avec  basse  chiffrée, 

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Solfège  progressif  à  2  voix,  pour  basse-taille 
et  baryton,  sans  accompagnement,  net. 

Chant. 

Méthode  de  vocalisation,    en  2  parties,  pour   soprano  et 
ténor 42fr.  » 


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2  50 

25  » 

3  50 

25  » 

3  50 

48  » 

6  » 

42  » 

6  » 

72  » 

15  » 

25  » 

6  » 

48  » 

» 

42  » 

"  " 

60  » 

9  » 

25  » 

3  » 

12     « 
6     » 


,  membre,  de  la  Légion  d'Honneur. 

ÉBÎBTIOA'S. 

43.  Méthode  de  vocalisation,  en  2  parties,  pour  basse-taille, 

baryton  et  contralto 42      » 

14.  25  Vocalises   faciles    et  progressives  pour  mezzo  soprano, 

précédées  de  25  exercices 25      » 

15.  12  Études   spéciales,    précédées  de  12  exercices  pour  so- 

prano ou  ténor 25      » 

16.  12  Études   spéciales,  précédées  de  12  exercices  pour  basse- 

taille,  baryton  ou  contralto 25      » 

17.  25  Vocalises  et  25  exercices   progressifs  pour  basse-taille, 

baryton  et  contralto 25      » 

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11  Janvier  1851 


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Le  JourDol  paraît  le  Dimanche. 


GAZETTE  MUSICALE 


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SOMMAIRE.  —  Théâtre  de  l'Opéra-Comique,  reprise  de  Nina  ou  la  Folle,  par 
amour,  par  II .-•>■-■  Blanchard.  —  Théâtre  do  l'Opéra  National,  la  Bulle  des 
Moulins,  opéra  en  3  actes,  paroles  de  MM.  Gabriel  i-t  Déforges,  musique  de 
M.  Adrien  Boïeldieu,  par  «.  Hèquc».  —  Théâtre  des  Variétés,  la  Quittance 
de  minuit,  paroles  de  MM.  Commerson  et  Raymond-Deslandes,  musique  de 
M.  Varney.  —  Société  Ste-Cécile,  1"  concert,  par  Henri  Blanchard.  — 
Johanna  Wagner.  —  Correspondance,  Berlin.  —Nouvelles  et  annonces. 


THEATRE  DE  L'OPERA-COMIQUE. 

Reprise   de  KI.V.l  ou  la  l'OliIif]  PAR  AMOUR. 

DÉBUT  DE  Mlle  FAVEL. 
Cet  ouvrage  parut  en  l'année  1786,  à  cette  époque  où  déjà  vibraient 
dans  le  corps  social  toutes  les  cordes  de  la  sensibilité  humaine.  Le  su- 
jet, qui  n'offrait  aucune  allusion  politique,  la  musique  fraîche,  char- 
mante, vraie,  et  l'actrice  qui  jouait  le  principal  rôle  avec  un  charme 
infini,  donnèrent  à  la  pièce  un  succès  de  vogue.  Ce  succès  fut  si  grand, 
si  soutenu,  qu'on  n'était  bien  venu  dans  la  société  que  si  l'on  y  appor- 
tait, l'on  y  racontait  avec  plus  ou  moins  d'esprit  et  de  vérité  une  his- 
toire de  jeune  fille  folle  par  amour. 

L'Italie,  qui,  depuis  bien  longtemps,  vit  intellectuellement  de  nos 
idées  et  surtout  de  nos  ouvrages  dramatiques  pour  ses  libretti,  ne 
manqua  pas  de  nous  emprunter  le  sujet  de  Nina,  dont  un  signore 
poêla  fit  la  Pazza  per  amore,  que  Paisiello,  le  compositeur  à  la  mode, 
mit  en  musique.  La  partition  del  maestro  Paisiello  obtint  un  succès  égal 
à  celui  de  la  Nina  française,  et  même  lutta  de  vogue  contre  il  Matri- 
moniosegreto,  de  Cimarosa,  qui  se  jouait  alors  en  Italie,  et  qui  parvint 
à  cent  représentations  de  suite,  pendant  que  l'ouvrage  de  Paisiello  fut 
représenté  cent  et  une  fois. 

Nous  ne  savons  si  la  Nina  de  d'Aleyrac  est  destinée  à  un  pareil  suc- 
cès à  sa  reprise,  mais  toujours  est-il  certain  que  la  réapparition  de  cet 
ouvrage  a  fait  le  plus  grand  plaisir.  La  couleur  pastorale  du  morceau 
dit  :  la  Muselle  de  Nina,  et  la  fameuse  romance  :  Quand  le  bien-aimé 
reviendra,  ont  produit  leur  immanquable  effet.  Le  premier  chœur  : 
Dors,  cher  enfant,  etc.  ;  l'air  de  Germeuil,  fort  bien  chanté,  du  reste, 
par  M.  Jourdan,  et  le  duo  entre  ce  même  Germeuil  et  Nina,  sont  des 
morceaux  charmants  de  mélodie  et  de  bonne  déclamation  scénique. 

Et  maintenant  nous  dirons  que,  si  l'on  a  cru  à  propos  de  retoucher 
tant  de  partitions  de  nos  anciens  compositeurs,  on  n'aurait  pas  mal  fait, 
ce  nous  semble,  de  revoir  quelques  parties  un  peu  vieillies  du  dialogue 
du  sieur  Marsollier  des  Vivetières,  qui  semble  un  peu  trop  rétrospectif 
avec  ses  expressions  de  feux,  de  flammes,  d'amant,  de  maîtresse,  dont 
son  poëme  est  émaillé.  Son  bon  vieillard,  père  nourricier  du  père  de 
Nina,  se  livre  un  peu  trop  à  la  sensiblerie  et  à  la  pleurnicherie,  que 
l'acteur  qui  remplit  ce  rôle  exagère  un  peu,  d'ailleurs.  Mlle  Révilly, 
chargée  d'un  rôle  de  confidente,  d'amie  de  la  pauvre  folle,  y  met  un 
naturel  exquis,  une  mesure  parfaite,  une  sensibilité  vraie,  comme  si  le 


personnage  était  important,  ce  qui  ne  fait  pas  un  mince  éloge  de  cette 
actrice  consciencieuse  et  soigneuse.  Jourdan  paraît  être  animé  aussi 
de  cet  excellent  esprit  dans  un  acteur,  et  pratiquer  volontiers  cette 
maxime  utile  dans  l'art  dramatique,  qu'il  n'y  a  pas  de  mauvais  rôles. 
Celui  de  Nina  est  excellent,  d'un  effet  sûr,  et  la  débutante,  Mlle  Andréa 
Favel,  qui  s'y  essayait,  devait  y  réussir.  Elle  est  jolie,  elle  a  l'œil  ex- 
pressif, et,  quoique  blonde,  elle  exprime  bien,  elle  exprime  peut-être 
un  peu  trop  la  passion.  Qu'elle  prenne  garde  de  tomber  dans  le  geste, 
dans  l'expression  et  surtout  dans  l'intonation  outrés.  Nous  ne  lui  dirons 
pas,  comme  Talleyrand  à  ses  agents  politiques  :  Surtout  !  pas  de  zèle  ; 
mais  nous  recommanderons  à  Mlle  Favel  de  ne  pas  mettre  trop  de  zèle, 
car  alors  on  dépasse  le  but,  on  grimace  et  l'on  chante  faux. 

Pourquoi  pas  la  rose  traditionnelle  dans  les  cheveux  quelque  peu 
épars  de  Nina,  et  pourquoi  cette  demi-guirlande  de  trois  roses  presque 
pompon  derrière  la  tête  ?  I.a  folie  est  si  bien  arrangée  dans  ce  rôle,  que 
le  costume  peut  bien  l'être  aussi. 

Mlle  Favel  a  été  fort  applaudie;  on  lui  a  lancé  force  bouquets.  Un  de 
ces  bouquets  mal  jeté  a  été  suivi  de  sa  large  enveloppe  en  papier  blanc, 
qui  est  descendue  lentement  comme  un  de  ces  joujoux  que  les  enfants 
ont  mis  à  la  mode  et  qu'ils  nomment  un  parachute.  La  jolie  débutante 
n'a  pu  y  voir  une  allusion,  car  son  succès  a  été  complet,  c'est-à-dire 
cris  enthousiastes  et  rappel  après  la  chute  du  rideau.   H.  BLANCHARD. 

THEATRE  DE  L'OPËRA-NATIONAL. 

I.t    BUTTE   DR^   MOI  I.INS. 

Opéra  en  trois  actes,  paroles  de  MM.  Gabriel  e£  Deforges,  musique 
de  M.  Adrien  Boïeldieu. 

(Première  représentation  le  6  janvier.) 

L'Opéra-National  lutte  contre  les  difficultés  de  la  situation  avec  un 
courage  et  une  activité  qu'on  ne  saurait  trop  louer.  Six  semaines  sont 
écoulées  à  peine  depuis  la  première  représentation  de  la  Perle  du 
Brésil,  et  voici  qu'un  autre  ouvrage  en  trois  actes  (et,  si  nous  le  vou- 
lions bien,  nous  pourrions  dire  en  quatre  actes)  est  venu  prendre 
place  dans  son  répertoire  à  côté  des  œuvres  de  Félicien  David  et  de 
Boisselot.  Ceux  qui  connaissent  tousles  obstaclesqu'il  fautsurmonter  pour 
amener  un  opéra  nouveau  devant  la  rampe,  la  longueur  des  études,  le 
nombre  de  répétitions  nécessaires,  les  difficultés  de  la  mise,  en  scène, 
les  grandes  dépenses  qu'exigent  les  décorations  et  les  costumes,  ceux-là 
seuls  comprendront  tout  le  mérite  d'une  pareille  activité. 

Le  sujet  de  la  Bulte  des  Moulins  se  rattache  à  cette  abominable  his- 
toire de  la  machine  infernale,  qui  a  tant  effrayé  nos  pères.  Ce 
n'est  pourtant  pas,  à  proprement  parler,  une  pièce  politique.  Les  au- 
teurs n'y  prêchent  aucune  doctrine,  n'y  inspirent  aucune  passion,  n'y 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


arborent  le  drapeau  d'aucun  parti.  L'événement  politique  ne  joue  dans 
le  drame  qu'un  rôle  secondaire,  et  n'y  figure  que  comme  moyen.  Le 
fait  principal,  autour  duquel  gravitent  tous  les  incidents,  c'est  le  chaste 
et  délicat  attachement  qui  unit  M.  Eloi  et  Mlle  Mariellc  Brichard,  et  que 
viennent  traverser  une  fou'e  d'intérêts  contraires  et  d'accidents  im- 
prévus. 

Eloi  est  Auvergnat  et  porteur  d'eau.  Ces  deux  qualités  vont  assez 
naturellement  ensemble.  Nous  soupçonnons  fort  Mlle  Marielle  d'être 
également  originaire  d' Aurillac  ou  de  Saint-Flour.  Elle  porte  le  costume 
en  usage  dans  ces  lieux  élevés  ;  elle  en  parle  quelque  peu  le  langage  ; 
elle  chante  :  A  l'eau  !  avec  une  grâce  inlinie,  et  danse  très-agréable- 
ment la  bourrée,  el  son  père,  M.  Brichard,  autre  porteur  d'eau,  si  notre 
mémoire  est  fidèle,  a  l'instinct  du  calcul  assez  prononcé  pour  qu'on 
n'ait  aucun  doute  sur  sa  provenance.  11  a  promis  sa  fille  successivement 
à  Robert,  frère  d'Eloi,  qui  s'est  engagé  comme  tambour,  et  qui  n'a 
point  reparu  depuis  cinq  ans.  Marielle  était  encore  enfant  :  mais  en  cinq 
ans  une  fille  fait  bien  du  chemin.  Le  bruit  de  la  mort  de  Robert  a 
couru,  son  frère  Eloi  a  cru  pouvoir  se  présenter,  et  le  cœur  de  Marielle 
n'a  fait  aucune  objection  aux  prétentions  d'Eloi.  Le  père  Brichard  à 
donc  donné  sa  parole  au  bon  Eloi,  comme  il  l'avait  donnée  au  brave 
Robert.  Malheureusement  pour  Eloi,  le  porte-sonnette  du  commissaire 
de  police  se  met  aussi  sur  les  rangs.  Avoir  pour  gendre  un  fonction- 
naire public  !  cela  est  bien  tentant.  D'ailleurs  M.  Dorliton  a  des  procé- 
dés magnifiques,  et,  dans  l'occasion,  il  ne  ménage  pas  les  petits  verres. 
Entre  deux  libations,  le  père  Brichard,  qui,  dit-il,  n'a  que  sa  parole,  la 
laisse  encore  une  fois  échapper. 

Voilà  donc  la  partie  engagée.  A  qui  appartiendra  la  belle  ?  Qui  l'em- 
portera, de  l'industriel,  de  l'administrateur  ou  du  guerrier?  Car,  vous 
vous  en  doutez  bien,  Robert  n'est  pas  mort;  loin  de  là!  il  a  fait  son 
chemin  :  il  est  tambour-major  de  la  garde  consulaire,  et  le  voilà  de 
retour  dans  tout  l'éclat  de  sa  gloire,  dans  toute  la  splendeur  de  la 
grande  tenue,  pantalon  blanc  à  franges  d'or,  habit  merveilleux,  dont 
l'étoile  disparaît  sous  les  galons,  tricorne  qu'ombrage  un  panache  gi- 
gantesque, canne  à  pomme  d'argent;  et  des  gestes!  et  des  poses!  et 
ce  langage  vainqueur  auquel  l'oreille  d'une  fille  d'Eve  n'est  jamais 
fermée!  Notez  que  de  son  côté  Dorliton  ne  se  néglige  pas,  et  que  son 
habit  couleur  de  cannelle,  son  petit  chapeau  tn  bateuv,  qu'il  porte au- 
dacieusement  sur  l'oreille,  sa  cravate  blanche  à  coins  brodés,  son  gilet 
de  satin  rayé  et  ses  breloques  ne  manquent  pas  d'agrément.  Le  pauvre 
Eloi  n'a  que  son  cœur  et  son  tonneau  :  comment  Marielle  résistera-t- 
elle  à  de  si  puissantes  séductions  ? 

Vous  voudriez  bien  savoir  ce  qui  en  arrive  !  Nous  ne  vous  en  dirons 
rien.  Allez  y  voir  !  Que  si  vous  êtes  curieux  de  connaître  ce  que  vient 
faire  au  milieu  de  cette  intrigue  la  conspiration  du  3  nivôse,  un  seul 
mot  vous  mettra  au  fait.  Ne  savez-vous  point  que  la  machine  infernale 
ne  l'ut  pas  autre  chose  qu'un  tonneau  rempli  de  poudre?  Eh  bien,  ce 
tonneau,  c'est  justement  celui  d'Eloi ,  acheté  à  cet  effet  par  l'un  des 
conspirateurs.  Au  milieu-  de  la  fête  qui  précède  la  noce,  lorsqu'Auver- 
gnats  et  Auvergnates  ne  songent  qu'à  se  réjouir  et  à  danser,  patatras! 
un  horrible  bruit  se  fait  entendre  :  c'est  la  rue  Saint-Nicaise  qui  saute 
en  l'air.  Et  l'imprudent  Eloi ,  en  vendant  son  tonneau,  a  oublié  d'en 
retirer  la  plaque.  Voilà  le  pauvre  fiancé  compromis,  malgré  son  inno- 
cence. On  l'arrête,  on  va  le  fusiller  :  heureusement,  son  frère,  le  tam- 
bour-major.... Mais  nous  avons  résolu  de  vous  laisser  deviner  le  dé- 
nouement. 

Tout  cela  forme  une  pièce  pleine  de  mouvement,  incidentée,  variée, 
où  l'intérêt  et  la  gaité  dominent  tour  à  tour  et  réveillent  alternative- 
ment l'attention  du  spectateur;  une  pièce  enfin  telle  qu'il  en  faut  dans 
le  qua^ier  populaire  où  l'Opéra-National  est  situé.  Otez-en  la  musique, 
et  elle  réussirait  parfaitement  à  la  Gaîtéou  au  Cirque-Olympique.  Enri- 
chie des  mélodies  de  M.  Boïeldieu,  elle  a,  comme  de  raison,  double- 
ment réussi. 

Digne  fils  de  son  glorieux  père,  M.  Boïeldieu  cherche  avant  tout  la 
mélodie,  la  mélodie  simple,  facile  et  agréablement  tournée  :  il  la  trouve 


souvent  ;  son  ouverture  en  contient  beaucoup,  •  et.  des  plus  heureuses. 
Nous  ne  verrions  que  du  bien  à  dire  de  ce  morceau  si  le  plan  en  était 
plus  sage  et  le  tissu  plus  homogène  ;  s'il  n'était  pas,  comme  on  dit,  un 
peu  décousu. 

Il  y  a  dans  l'introduction  une  chanson,  soi-disant  italienne,  pleine  de 
franchise,  d'entrain  et  de  grâce.  Le  duo  qui  suit,  chanté  par  Marielle 
et  Dorliton,  commence  par  une  phrase  fort  élégante,  et,  changeant  bien- 
tôt de  caractère,  abonde  en  détails  comiques,  en  traits  ingénieux  et 
piquants.  On  a  fort  applaudi,  au  second  acte,  la  chanson  :  A  l'eaul 
chantée  en  duo  par  Eloi  et  Marielle,  morceau  très-franc,  et  dont  la 
gaîté  est  tempérée  par  des  teintes  sentimentales  d'une  grâce  char- 
mante. Les  couplets  du  porteur  d'eau  ont  moins  de  distinction  peut- 
être,  mais  le  rhythme  en  est  vif  et  d'allure  décidée.  Tout  le  monde  a 
remarqué  d'ailleurs  l'élégance  delà  ritournelle  qui  les  précède,  et  à 
laquelle  la  sonorité  du  hautbois  donne  tant  de  couleur. 

Le  final  du  second  acte  est  énergique;  il  s'y  trouve  de  beaux  effets. 

Au  troisième  acte  on  a  justement  applaudi  un  trio  chanté  par  Dorli- 
ton, Marielle  et  Sarah,  personnage  secondaire,  et  surtout  l'air  de  Ma- 
rielle, morceau  d'un  très-beau  style  et  que  Mlle  Rouvroy  exécute  avec 
un  véritable  talent.  Mlle  Rouvroy  est  une  cantatrice  habile  dont  la  voix 
a  Une  grande  étendue,  et  qui  remplit  enfin  toutes  les  conditions  d'un 
premier  rôle.  M.  Meillet  est  un  acteur  plein  de  verve  et  un  baryton 
fort  distingué.  M.  Neveu  est  un  bon  comique;  il  faut  éviter  seulement 
de  le  faire  chanter  trop  haut.  M.  Junca  et  M.  Fosse  s'acquittent  fort 
bien,  l'un  du  rôle  du  tambour-major,  l'autre  de  celui  d'un  émigré  ren- 
tré, mais  honnête  homme,  qui  conspire  sans  le  savoir  et  fait  les  ap- 
prêts de  la  machine  infernale  sans  s'en  douter. 

En  résumé,  nous  n'avons  qu'à  féliciter  M.  Edmond  Séveste  du  succès 
qu'il  a  obtenu.  G.  HÉQUET. 

THEATRE  DES  VARIÉTÉS. 

MjA    QUITTANCE  DE    1!l\liT. 

Paroles  de  MM.  Commerson  et  Raymond-Deslandics, 
musique  de  M.   Varney. 

Aurions-nous,  par  hasard,  un  quatrième  théâtre  lyrique?  Pas  encore; 
mais  M.  Varney,  qui  dirige  si  bien  l'orchestre  du  troisième,  après  avoir 
fait  sa  réputation  comme  chef  d'orchestre  du  Théâtre-Historique,  cher- 
che et  trouve  cette  quatrième  scène  musicale  partout  où  il  y  a  moyen 
d'exécuter  une  de  ses  agréables  partitions,  tantôt  ici,  tantôt  là,  n'im- 
porte le  degré  de  latitude,  dans  toute  la  longueur  des  boulevarts.  C'est 
ainsi  qu'il  vient  de  donner  la  Quittance  de  minuit,  petit  opéra,  qui  s'est 
fait  une  place  au  milieu  d'un  répertoire  généralement  peu  musical  par 
destination. 

Eh  bien,  M.  Varney  a  réussi  dans  une  tentative  où  tant  d'autres  au- 
raient échoué.  C'est  toujours  un  talent  que  de  réussir,  et  surtout  quand 
on  change  les  conditions  ordinaires  du  succès,  quand  on  s'en  impose 
d'autres  de  sa  propre  volonté.  C'est  une  des  qualités  de  la  musique  de 
M.  Varney,  que  de  se  faire  toute  à  tous  et  à  loutis.  Elle  sait  vivre  de 
privations,  se  réduire  au  strict  nécessaire,  se  passer  même,  et  absolu- 
ment, de  voix,  quand  il  le  faut.  Trouvez-moi  beaucoup  de  musiques 
dont  on  en  puisse  autant  dire. 

Le  canevas  du  hbretto  sur  lequel  a  travaillé  M.  Varney  ne  manque 
d'aucun  des  éléments  qui  font  les  pièces  amusantes.  11  s'agit  d'une  lutte 
de  stratagèmes  et  de  malice  entre  la  célèbre  Gaussin,  la  Zaïre  bien 
aimée  de  Voltaire,  et  le  marquis  de  Cossé,  capitaine  des  mousquetaires 
du  roi,  grotesque  fanfaron  de  conquête  et  de  bonnes  fortunes,  ayant 
pour  antagoniste  et  rival  un  charmant  petit  comte  de  Brissac,  que 
Gaussin  préfère  au  marquis,  et  qui  finit  par  le  débusquer.  Mlle  Gaussin 
a  invité  le  marquis  à  souper,  sans  le  connaître,  non  pour  couronner, 
mais  pour  décourager  sa  passion.  Le  petit  comte,  qui  n'a  pas  le  mot 
de  l'énigme,  envoie  son  précepteur  au  lieu  et  sous  le  nom  du  marquis. 
Cossé  arrive,  et  trouve  au  rendez-vous  un  autre  Cossé.  Quel  est  le  vrai 
Cossé?  A  quels  signes  le  reconnaître?  A  l'appétit  ou  au  courage?  Le 


DE  PARIS. 


lt 


ventre  à  table  ou  le  fer  en  main?  Nous  laissons  les  détails  ;  l'essentiel 
est  que  le  marquis  soit  berné  ,  que  le  petit  comte  triomphe  cl  que  le 
public  applaudisse.  De  ces  trois  choses,  il  n'y  a  pas  à  en  choisir  une  , 
puisqu'elles  se  sont  accomplies  toutes  les  trois. 

L'auteur  de  la  partition  du  Moulin  Joli  a  écrit  là-dessus  des  morceaux 
peu  nombreux  (la  qualité  vaut  mieux  que  le  nombre),  entre  lesquels 
nous  citerons  l'air  :  Souvent  femme  varie,  chanté  par  Mariette,  la  femme 
de  chambre,  et  un  trio  entre  le  comte,  le  précepteur  Dubois  et  la  même 
Mariette.  Mlle  Emma  Chevallier  devait  débuter  dans  le  rôle  de 
Mlle  Gaussin  :  une  indisposition  l'en  ayant  empêchée,  Mlle  Anaïde  Duez, 
sœur  de  Mlle  Zoé  Duez,  de  l'Opéra-National,  s'est  substituée  à  elle  dans 
le  rôle  et  dans  le  début  ;  elle  chante  beaucoup  mieux  qu'elle  ne  parle  : 
tant  mieux  pour  le  musicien.  Burgny,  le  tout  jeune  premier,  Mutée, 
Jeaull  et  Mme  Clara  Filz-James,  s'acquittent  fort  bien  des  autres  rôles: 
tant  mieux  encore  pour  le  musicien,  les  auteurs  et  le  théâtre. 

H. 

SOCIÉTÉ  SAINTE-CÉCILE. 

Premier  concert. 

Cette  entrée  en  matière  musicale  de  la  saison  des  concerts  a  eu  lieu 
en  faveur  des  nouveaux  compositeurs,  et  la  séance  s'est  ouverte  par 
l'ouverture  d'un  opéra  d'Hamlet,  œuvre  lyrique  inédite  de  M.  Statdfeld, 
jeune  Allemand,  pensionnaire  du  roi  des  Belges,  et  qui  a  fait  ses  éludes 
musicales  au  Conservatoire  de  Bruxelles.  Cette  ouverture  est  une  large 
et  belle  préface,  de  forme  un  peu  romantique,  mais  dans  laquelle  inter- 
vient un  esprit  réglé  par  des  procédés  classiques.  Cela  commence  par 
une  suite  de  trilles  verveux  altaqués  par  les  violons  dans  le  haut  dia- 
pason de  ces  instruments,  et  sous  lesquels  se  dessinent  quelques  entrées 
mélancoliques  des  violoncelles.  Après  quelques  modulations  un  peu 
crues,  il  arrive  à  l'oreille  de  lauditeur  une  belle  mélodie  en  mi  majeur. 
Le  ton  d'ut  majeur  à  la  tierce  inférieure  vient  là  et  revient  un  peu  sou- 
vent mêlé  à  la  tonalité  de  mi  naturel.  Ce  que  nous  nommerons  la  mé- 
lodie capitale  du  milieu  est  distinguée  et  semble  avoir  une  velléité  de 
ressembler  à  celle  de  l'ouverture  du  Calife  de  Bagdad  ;  mais  cette  si- 
militude disparaît  aussitôt.  Ici  se  montre,  il  faut  le  dire,  la  plaie  de 
l'école  moderne,  l'abus  de  la  modulation.  Le  compositeur  module  pour 
le  plaisir  de  changer  de  ton  ;  l'allure  manque  de  franchise  ;  le  plan  se 
perd;  cela  est  vague  comme  les  abstractions  de  l'école  allemande....  Il 
est  vrai  que  l'auteur  peut  arguer  de  la  folie  de  son  héros,  qu'il  a  peut- 
être  eu  envie  de  peindre.  Là  pourtant  se  dessinent  des  imitations  dis- 
tribuées avec  beaucoup  de  grâce  à  divers  instruments  dont  la  flûte  et 
les  violoncelles  font  partie,  autant  qu'il  nous  en  souvient.  Enfin  les 
nuages  vaporeux  du  ciel  romantique  se  dissipent  et  laissent  percer  une 
énergique  et  pompeuse  mélodie  duNord,  un  chant  danois  intercalé  dans 
cette  ouverture  avec  bonheur,  et  travaillé  avec  autant  de  science  que 
mis  en  œuvre  avec  inspiration.  Cet  emprunt  volontaire  donne  à  l'ouver- 
ture de  M.  Stadlfeld  un  cachet  de  grandeur  et  d'énergie  sauvage  ;  elle 
se  mêle  aux  bruits  de  guerre ,  au  tambour  employé  d'une  façon  origi- 
nale dans  la  péroraison  brillante  et  chaleureuse  de  cette  remarquable 
ouverture  qui  prouve  en  son  jeune  auteur  une  connaissance  approfondie 
de  l'art  d'écrire  et  des  procédés  les  plus  brillants  de  l'instrumentation. 
S'il  peut  se  persuader,  ce  qui,  dit-on,  ne  lui  sera  pas  très-facile,  qu'un 
auditoire  français  est  capable  de  l'apprécier  à  sa  juste  valeur,  qu'il  se 
produise  encore  par  une  nouvelle  œuvre  ou  par  la  même  ,  et  nous 
croyons  pouvoir  lui  garantir  de  nombreux  applaudissements. 

M.  Reichel ,  bon  compositeur  classique,  a  fait  dire,  dans  ce  concert 
presque  spirituel  par  le  nombre  des  morceaux  religieux,  un  Kyrie  et 
un  Gloria  d'un  bel  effet  et  surtout  d'un  style  sérieux.  Après  ces  deux 
morceaux  on  a  dit  un  charmant  chœur  pastoral  avec  un  accompagne- 
ment de  hautbois  obligé,  joué  par  M.  Romédenne  ,  et  composé  par 
M.  Vervoitte,  maître  de  chapelle  de  la  cathédrale  de  Rouen.  Ce  mor- 
ceau, plein  de  grâce  et  de  fraîcheur,  a  provoqué  les  applaudissements 
de  l'auditoire. 


Le  Jugement  dernier,  de  Gilbert,  a  été  mis  en  musique  avec  chœur 
et  une  riche  instrumentation  qui  ne  laisse  pas  assez  entendre  les  paroles 
fort  belles,  comme  on  sait ,  par  M.  Wekerlin  ,  qui  dirige  avec  autant 
d'intelligence  que  de  zèle  les  choristes  de  la  Société  de  Sainte  Cécile. 
Ses  pensées  mélodiques  sont  larges,  belles,  mais  peu  originales.  Son 
harmonie  est  un  peu  trop  plaquée,  un  peu  lourde.  Quoi  qu'il  en  soit, 
ce  compositeur  est  jeune,  ardent  ;  il  possède  bien  son  instrumentation, 
et  ce  n'est  pas  ici  notre  dernier  jugement  sur  son  Jugem°nt  dernier. 

L'ouverture  de  Jeanne  d'Arc,  par  M.  Théodore  Gouvy,  manque  aussi 
de  cette  puissance  créatrice  qui  réveille,  frappe  un  auditoire,  et  qu'on 
appelle  enfin  originalité.  M.  Gouvy  s'est  déjà  révélé  symphoniste  habile, 
et  il  avait  donné  le  droit  aux  auditeurs  compétents  d'attendre  mieux  de 
lui.  Excepté  une  mélodie  religieuse  d'un  assez  bon  caractère  de  sim- 
plicité rétrospective  et  qui  peint  probablement  la  prière  de  l'héroïne  de 
Vaucouleurs,  l'ouverture  de.  Jeanne  a"  Arc  peut  servir  de  préface  au 
premier  opéra  venu. 

M.  Gueymard,  qui  a  fait  de  si  grands  progrès  depuis  peu  de  temps, 
et  Mlle  Poinsot,  tous  deux  de  l'Académie  nationale  de  musique,  ont 
dit  un  Sanclwi  et  un  P.enedictus  de  M.  Gounod.  Le  premier  de  ces  deux 
morceaux  est  très- remarquable;  il  tranche  en  quelque  sorte  une  ques- 
tion musicale  importante,  à  savoir  quel  doit  être  de  notre  temps  le 
style  de  la  musique  sacrée.  On  ne  peut  nier  que  ce  ne  soit  celui  em- 
ployé par  M.  Gounod  dans  ce  Sanctus,  avec  solo  et  chœur,  chanté  par 
M.  Gueymard.  Cela  est  grandiose,  inspiré,  puissant  et  religieux,  bien 
que  ce  ne  soit  pas  une  musique  fuguée  ou  rétrospective  comme  celle 
de  Palestrina,  ou  sans  règle  ni  unité  de  pensée,  comme  en  font  beau- 
coup de  ses  successeurs.  Le  Benediclus  de  M.  Gounod  n'est  pas  à 
beaucoup  près  aussi  saisissant  que  le  morceau  qui  le  précédait. 

Le  concert  s'est  terminé  par  un  Chœur  de  chasse  de  M.  Caspers, 
que  je  féliciterais  ce  compositeur  d'avoir  écrit ,  si  je  ne  pensais  en  ce 
moment  à  ceux  que  nous  a  laissés  Weber. 

Henri  BLANCHARD. 


•10UA3V4   \VI«\ER. 

Mlle  Johanna  Wagner  occupe  aujourd'hui  le  premier  rang  parmi  les 
cantatrices  dramatiques  de  l'Allemagne.  Cette  éminente  artiste  a  passé 
les  premières  années  de  sa  jeunesse  à  Wurzbourg,  en  Bavière,  où  ses  pa- 
rets  étaient  attachés  au  théâtre  de  cette  ville.  De  bonne  heure,  Johanna  se 
faisait  remarquer  par  le  timbre  mélodieux  de  sa  voix.  Aussi  elle  chantait 
et  jouait  le  rôle  du  bon  génie  dans  les  opéras-féeries  qui  étaient  alors  en 
vogue. 

A  quinze  ans,  Mlle  Wagner  débuta  avec  succès  par  le  rôle  d'Abigaïl 
dans  le  l'erré  d'Eau  ,  au  théâtre  de  Ballenstad  ;  puis  elle  joua  successive- 
ment Preciosa,  E*mèraUla;  elle  fit  une  grande  impression  dans  le  rôle  de 
Cordélia  (Roi  Léar).  Dès  cette  époque,  son  talent,  en  se  développant,  ten- 
dait vers  les  deux  extrêmes  :  la  grâce  enfantine  et  l'énergie  tragique. 

On  voit  que  Mlle  Wagner  s'était  destinée  d'abord  au  drame.  Toutefois, 
sous  la  direction  de  ses  parents,  qui  tous  les  deux  se  sont  fait  une  réputa- 
tion dans  l'artdu  chant,  la  voix  de  notre  jeune  comédienne  avaitété  suf- 
fisamment cultivée  pour  la  mettre  à  même  de  débuter  dans  le  rôle  du 
page  des  Huguenots. 

La  puissance  et  le  volume  de  son  merveilleux  organe  allaient  en  crois- 
sant de  jour  en  jour,  au  point  que,  malgré  son  extrême  jeunesse,  on  lui 
confia  le  rôle  de  Catarina  (Reine  de  Chypre).  L'éclatant  succès  qui  cou- 
ronna cette  tentative  décida  Mlle  Wagner  à  quitter  définitivement  le 
drame  pour  l'opéra.  Son  oncle,  AI.  Richard  Wagner,  l'appela  auprès  de 
lui  à  Dresde,  où  il  remplissait  les  fonctions  de  maître  de  chapelle.  Toute- 
fois, avant  de  se  rendre  à  cette  invitation,  Mlle  Wagner  fit  avec  son  père 
un  voyage  à  Paris,  où  elle  prit  des  leçons  de  Garcia  pendant  six  mois.  A 
son  arrivée  à  Dresde,  elle  fut  engagée  pour  cinq  [ans  au  théâtre  de  la 
Cour. 

A  partir  de  cette  époque,  la  jeune  cantatrice  se  chargea  successive- 
ment des  rôles  appartenant  au  répertoire  de  Mme  Schroeder-Devrient , 
qu'elle  s'était  proposée  pour  modèle,  sans  la  copier  servilement  :  Valen- 
tine,  Fidelio,  Agathe  (Freischiitz)  lui  fournirent  l'occasion  de  faire  valoir 
son  talent  et  d'accroître  sa  réputation. 

La  veille  du  jour  où  éclatèrent  à  Dresde  les  mouvements  politiques  du 
mois  de  mars,  Mlle  Wagner  était  partie  pour  Hambourg  pour  y  donner  des 


12 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


représentations,  et  quoique  complètement  inconnue  dans  cette  ville,  elle 
y  fit  furore. 

Le  théâtre  ressentit  le  contre  coup  des  événements  :  le  contrat  qui  at- 
tachait Mlle  Wagner  à  cet  établissement  fut  résilié  :  elle  retourna  a  Ham- 
bourg ,  où  ,  la  première  en  Allemagne,  elle  chanta  le  rôle  de  Fidès.  La 
puissance  de  sa  voix,  l'énergie  dramatique  de  son  jeu  lui  valurent  de  nou- 
veaux applaudissements.  De  Hambourg ,  sa  réputation  se  répandit  dans 
toute  l'Allemagne.  Mlle  Wagner  y  joua  avec  le  plus  brillant  succès  à 
Vienne  et  a  Berlin  ;  dans  cette  dernière  ville,  elle  y  accepta  un  engage- 
ment pour  un  an  ;  elle  y  remplaçait  Mme  Viardot  dans  le  rôle  de  Fidès, 
et  parvint  à  l'y  surpasser  encore,  tant  pour  le  chant  que  pour  l'expres- 
sion dramatique.  Grâce  à  elle,  les  chefs-d'œuvre  de  Gluck  et  de  Spontini 
sortiront  tout  resplendissants  de  la  poudre  des  cartons  où  ils  sommeil- 
laient depuis  de  longues  années. 

Mlle  Wagner  s'était  concilié,  en  peu  de  temps,  la  faveur  de  la  cour  et 
du  public  :  l'intendant  royal  de  l'Opéra  dut  songer  à  l'attacher  pour  la 
vie  à  cet  établissement.  On  lui  offrit  un  engagement  de  dix  ans  à  des 
conditions  qui,  jusque-là,  n'avaient  été  faites  à  aucune  cantatrice  en  Al- 
lemagne ;  mais  nous  croyons  savoir  qu'une  clause  insérée  dans  le  contrat 
réserve  à  la  jeune  et  grande  artiste  un  congé  de  six  mois  par  chaque  an- 
née. Elle  en  profitera,  sans  doute,  et  nous  en  profiterons  nous-mêmes,  si 
nos  espérances  et  nos  vœux  se  réalisent  dans  le  sens  de  nos  prévisions. 

Pour  résumer  en  un  seul  mot  l'effet  que  produit  Mlle  Wagner  sur  la 
scène,  nous  dirons  que  ce  qui  caractérise  son  apparition  et  le  genre  de 
son  talent,  c'est  la  noblesse  :  ses  traits  sont  nobles,  sa  taille  est  noble,  ainsi 
que  sa  démarche  et  ses  mouvements,  même  dans  les  moments  de  l'entraî- 
nement le  plus  passionné.  Sa  méthode  est  aussi  distinguée  que  conscien- 
cieuse ;  ne  faisant  jamais  de  concessions  au  mauvais  goût,  ne  visant  jamais 
à  l'effet,  elle  produit  des  émotions  profondes  par  une  noble  simplicité  et 
un  organe  d'un  volume  extraordinaire,  tel  que  nous  en  avons  rarement 
entendu.  Heureux  les  directeurs  de  France  et  autres  pays  qui  sauront  s'at- 
tacher, ne  fût-ce  que  par  inten ailes,  ce  rare  et  merveilleux  talent,  des- 
tiné à  marquer  une  époque  dans  les  fastes  du  théâtre  et  de  l'art  lyrique  ! 

J.   B. 


CORRESPONDANCE. 

Berlin,  27  décembre 

Si  nous  établissons  notre  budget  musical  annuel,  nous  trouverons  que 
le  bilan,  comparativement  à  bien  d'autres  Etats,  est  en  notre  faveur,  tant 
pour  l'année  qui  vient  de  s'écouler  que  pour  celle  qui  commence.  Toute- 
fois, ne  craignez  pas  que  je  vienne  vous  ennuyer  avec  des  chiffres  et  des 
calculs;  je  me  bornerai  à  récapituler  les  chapitres  principaux  des  lecetles 
et  dépenses. 

Parmi  les  recettes,  et  même  les  plus  brillantes,  je  citerai  les  soirées  de 
symphonies,  qui,  cette  année,  ont  été  reprises  un  peu  tard,  la  première 
chambre  ayant  d'abord  tenu  ses  séances  dans  la  salle.  Par  bonheur,  les 
orateurs  ont  attendu  pour  se  faire  entendre,  l'inauguration  de  leur  propre 
salle;  car,  je  dois  en  convenir,  je  préfère  de  beaucoup  l'harmonie  de 
Haydn,  de  Mozart  et  de  Beethoven  aux  cacophonies  de  l'éloquence  parle- 
mentaire. C'est  ainsi  que  j'ai  plus  de  plaisir  à  voir  M.  Taubert.  dirigeant  à 
la  tribune  les  excellentes  exécutions  de  la  symphonie  en  la  mijrur  de  Bee- 
thoven, de  la  symphonie  en  ut  majeur  de  Mozart,  que  je  n'en  aurais  eu  à 
voir  M.  de  Auerswald  au  fauteuil  du  président,  cherchant  à  diriger  et  à 
maintenir  dans  la  bonne  voie  les  épanchements  de  la  faconde  parlemen- 
taire. Nous  avons  eu  trois  de  ces  admirables  concerts  instrumentaux  dans 
le  courant  du  mois  dernier.  Une  de  ces  soirées,  celle  du  17  décembre, 
jour  anniversaire  de  la  naissance  de  Beethoven,  a  été  consacrée  tout  en- 
tière aux  œuvres  du  grand  maître. 

L'Académie  de  chant  nous  a  donné  dans  son  Exeter-Hall  un  grand  ora- 
torio de  Haendel  :  Judas  Machabée,  avec  toutes  les  ressources  de  cet  éta- 
blissement. 

Au  théâtre,  enfin,  nous  avons  eu  diverses  grandes  représentations,  dans 
lesquelles  ont  rivalisé  Mme  J.  Wagner  et  Mlle  Kœster.  Nous  citerons,  entre 
autres,  la  reprise  cVOlympie,  de  Spontini;  —  la  Vestale  sera  donnée  in- 
cessamment, avec  Mme  Kœster  (Julie)  et  Mlle  J.  Wagner  (grande-prê- 
tresse) ;  —  Lucrèce  Borgia,  où  Mlle  Wagner  électrise  l'auditoire;  Oberun, 
Fidelio;  dans  ces  deux  opéras,  Mlle  Wagner  chante  alternativement  avec 
Aime  Kœster  le  rôle  de  Rezia  (Oberon),  et  de  Fidelio  ;  Don  Juan,  Roméo 
et  Juliette,  Figaro,  Robert- 'e-Diable,  etc, 

Voilà  pour  les  recettes,  qui  ont  été  abondantes  ;  nous  en  venons  actuel- 
lement au  triste  chapitre  des  dépenses  :  c'est  !a  mort  qui  les  a  encaissées. 
Cela  a  l'air  d'une  plaisanterie  :  mais  j'avoue  que  je  ne  suis  nullement  dis- 
posé à  plaisanter.  J'ai  mentionné  plus  haut  l'exécution  de  Judas  Macha- 
bée; elle  a  été  de  mauvaise  augure  :  c'est  la  dernière  qu'ait  dirigée  le  res- 
pectable directeur  de  l'Académie  de  chant,  le  professeur  Uungenhagen, 


Le  jour  de  Noël ,  nous  avons  enterré  solennellement  cet  artiste  de  mérite, 
qui  pendant  plus  de  cinquante  ans  a  fait  partie  de  l'Académie;  il  a  été 
directeur  pendant  dix-huit  ans,  depuis  la  mort  de  Zelter.  Cette  institu- 
tion, qui  existe  depuis  environ  soixante  ans,  n'a  eu  que  trois  directeurs  : 
M  Cari  Fasch,  qui  a  fondé  l'établissement,  musicien  des  plus  distingués, 
mais  vivant  dans  la  retraite  la  plus  absolue,  de  sorte  que,  malgré  ses 
nombreuses  productions,  parmi  lesquelles  il  y  en  a  de  remarquables,  par 
exemple,  une  Missa  solennis,  à  seize  voix,  il  est  resté  complètement  in- 
connu. Après  lui  est  venu  Zelter,  qui  a  dirigé  l'Académie  pendant  vingt- 
neuf  ans  ;  puis  Uungenhagen.  Le  choix  de  son  successeur  est  d'une  grande 
importance  pour  le  chant  religieux  et  surtout  pour  l'oratorio. 

Une  perte  plus  douloureuse  est  celle  d'une  jeune  cantatrice  qui,  avec 
s'en  talent  remarquable,  n'aurait  pas  tardé  à  se  faire  une  réputation  euro- 
péenne. Demandez  à  votre  excellente  et  spirituelle  artiste,  Mme  Viardot- 
Garcia,  ce  qu'elle  pense  de  la  jeune  Mathilde  Ebeling,  son  élève.  Suédoise 
comme  Jenny  Lind,  elle  avait  tout  le  charme,  toute  la  grâce  de  sa  célèbre 
compatriote ,  dont,  à  dix-sept  ans,  elle  était  la  rivale  au  théâtre  de 
Stockholm.  Elle  alternait  souvent  avec  Jenny  Lind  dans  plusieurs  rôles  ; 
un  jour  elle  jouait,  par  exemple,  celui  de  Suzanne  dans  le  Mariage,  de  Fi- 
garo, où  Jenny  Lind  chantait  le  rôle  de  la  comtesse  ;  le  lendemain,  c'était 
vice  versa. 

Mlle  Ebeling,  qui  était  venue  à  Berlin  pour  y  étudier  l'art  du  chant  alle- 
mand, y  est  morte  dans  sa  vingt-deuxième  année  à  la  suite  d'un  refroi- 
dissement. Les  artistes  les  plus  distingués,  M.  Meyerbeer  et  M.  de  Hulsen 
en  tête,  ont  assisté  à  son  convoi.  Des  dames  suédoises  ont  accompagné  les 
restes  de  leur  jeune  compatriote  à  sa  dernière  demeure,  et  ont  paré  sa 
tombe  de  fleurs  et  d'immortelles. 

L'année  qui  commence  nous  amènera  beaucoup  d'excellentes  choses  ; 
je  vous  citerai  pour  le  moment  les  concerts  du  chœur  du  Dôme,  qui  s'est 
fait  une  si  grande  réputation  l'année  passée  à  Londres  ;  nous  y  entendrons 
des  compositions  de  musique  religieuse  par  les  maîtres  de  tous  les  âges , 
depuis  Palestrina  jusqu'à  Mendelssohn  ;  ces  compositions  alterneront  avec 
des  œuvres  de  musique  de  chambre  qui  sont  rarement  exécutées  :  des 
septuors,  des  octuors,  des  nonnetti.  C'est  M.  de  Kontski  qui  tiendra  le 
piano  dans  les  concerts.  Mais  en  voilà  assez  pour  aujourd'hui.  Puisse 
l'année  musicale  s'ouvrir  chez  vous  sous  des  auspices  aussi  favorables  qu'à 
Berlin  ! 

L.  R. 


NOUVELLES. 

***  Aujourd'hui  dimanche,  par  extraordinaire  ,  à  l'Opéra,  la  Reine  de 
Chypre.  —  Demain  lundi,  Sapho  et  Vert-Virt. 

%*  La  Reine  de  Chypre  a  été  jouée  lundi.  Mlle  Masson  y  reprenait  le 
rôle  de  Catarina  ,  qu'elle  avait  rempli  avec  grand  succès,  il  y  a  quelques 
années.   Jamais  Roger  n'avait  montré  plus  de  talent  dans  celui  de  Gérard. 

%*  La  représentation  extraordinaire  qui  a  eu  lieu  mardi,  et  à  laquelle 
le  Président  de  la  République  avait  invité  les  délégués  des  départements, 
a  été  magnifique.  La  rue  Lepelletier  était  illuminée  d'ifs  de  gaz;  le  vesti- 
bule du  théâtre  rayonnait  également;  les  deux  escaliers  qui  conduisent 
aux  premières  loges  étaient  tapissés  de  velours  rouge,  et  de  chaque  côté 
les  rampes  étaient  recouvertes  d'une  palissade  élégante  de  lierre  et  de 
fleurs  blanches.  Le  foyer  étincelait  de  lustres,  de  bougies,  et  il  était  garni 
de  tapis,  de  trophées.  La  salle  était  aussi  ornée  de  nombreux  trophées 
de  drapeaux  tricolores,  surmontés  de  l'aigle  ;  les  lumières  y  brillaient  à 
profusion.  Au  centre  de  l'amphithéâtre,  on  avait  construit  un  dais  en  ve- 
lours, orné  de  crépines  et  de  torsades  d'or,  et  surmonté  de  fers  de  lance 
et  d'un  aigle  d'or,  les  ailes  déployées.  Sous  ce  dais,  sur  une  estrade,  des 
sièges  étaient  disposés  pour  le  Président  de  la  République,  son  état-major, 
ses  ministres.  L'orchestre  était  occupé  par  la  Commission  consultative , 
les  maires  et  les  délégués  des  départements.  Aux  premières  loges  de  bal- 
con était  placé  le  corps  diplomatique.  Les  stalles  de  l'amphithéâtre  étaient 
réservées  aux  généraux  et  aux  colonels  de  toute  l'armée  de  Paris.  Les  aides 
de  camp  et  les  officiers  d'état-major  occupaient  les  stalles  des  premières. 
Au  parterre,  au  balcon ,  dans  les  galeries  se  trouvaient  des  officiers  de 
toutes  armes.  Les  secondes,  les  troisièmes  étaient  remplies  entièrement 
d'officiers,  de  sous-officiers  et  de  soldats.  Les  femmes  étaient  en  petit 
nombre,  comparativement  à  celui  des  hommes  politiques  et  des  militaires. 
Le  Président  est  arrivé  à  huit  heures  précises  :  à  son  entrée  l'orchestre  a 
exécuté  la  marche  du  Triomphe  de  Trajan,  et  dans  un  entr'acte,  avec  les 
chœurs  placés  derrière  la  toile,  le  chant  célèbre  de  la  Caravane  :  La  vic- 
toire est  à  nous  !  Un  rideau  de  circonstance  avait  été  peint  par  M.  Cambon. 
Ce  rideau  représentait  un  ciel,  et  au  milieu  des  nuées  on  apercevait  la 
France  posée  sur  un  globe  portant  cette  inscription  :  20  et  21  décembre. 
Une  banderolle  soutenue  par  deux  Renommées  laissait  lire  ces  mots  :  Vox 
populi,  vox  Dei.  Un  aigle  planait  dans  les  airs.  Après  les  acclamations  qui 
ont  salué  l'arrivée  du  Président,  le  Prophète  a  commencé,  et  l'exécution  du 
chef-d'œuvre  a  été  digne  de  l'auditoire.  A  plusieurs  reprises,  le  signal  des 
applaudissements  a  été  donné  parle  Président  lui-même.  Gueymard  chan- 


DE  PARIS. 


13 


tait  le  rôle  de  Jean  de  Leyde,  Mme  Tedcsco  celui  de  Fidès,  Mlle  Poinsot 
celui  de  Berthe,  Obin  celui  du  chef  des  anabaptistes,  et  Bréraont  celui 
d'Oberthal.  Les  danseurs  et  le  ballet  n'ont  pas  été  moins  bien  traités  quii 
les  chanteurs  et  la  musique. 

*„,*  Une  autre  représentation  toute  différente  d'objet  et  de  genre  a  eu 
lieu  vendredi  au  môme  théâtre.  Molière  et  la  Comédie  Française  y  te- 
naient la  place  principale.  l,a  musique  d.>  Lully  et  l'opéra  y  figuraient 
comme  accessoires.  Pour  fêter  l'anniversaire  de  la  naissance  de  Mo- 
lière,  anniversaire  qui  reviendra  jeudi  prochain,  la  Comédie- Fran- 
çaise avait  eu  l'idée  de  remonter  aussi  complètement  et  aussi  fidèlement 
que  possible  le  Bourgioh  gentilhomme,  orné  de  tous  ses  chants,  de  toutes 
ses  danses  et  de  tontes  ses  cérémonies  Pour  cela,  il  lui  fallait  emprunter 
le  secours  de  l'Opéra,  qui  s'est  empressé  do  le  lui  accorder,  mais  à  con- 
dition qu'il  aurait  la  primeur  de  cette  reprise  a  frais  communs  L'Opéra 
est  toujours  friand  de  primeurs.  Donc,  le  Bourgeois  gentilhomme,  cette 
parade  immortelle,  semée  de  caractères,  de  scènes,  do  traits,  qui  portent 
au  plus  haut  degré  le  cachet  du  génie,  nous  a  été  rendu  sous  les  traits 
de  Samson,  en  compagnie  de  Provost,  Leroux,  Mirecour,  Maubant,  Got, 
Delaunay,  Mathieu  ;  de  Mmes  Augustine  Brohan,  Thénard,  Denain,  Mar- 
quet.  Quelques  artistes  de  l'Opéra  :  Gueymard,  Obin,  Chapuis  ;  Mlles  Mas- 
son  et  Dameron,  sont  venus  chanter,  aux  endroits  marqués,  les  airs  et  les 
duos  composés  par  Lully.  Nous  parlerons  peu  de  cette  exhumation  musi- 
cale, dont  la  plus  grande  partie  était  connue  depuis  longtemps.  S'il  se 
trouve  des  gens  qui  pensent  et  soutiennent  que,  depuis  Molière,  la  comé- 
die n'a  fait  que  dégénérer,  nous  ne  supposons  pas  qu'il  s'en  rencontre  de 
même  opinion  â  l'égard  de  Lully,  et  qui  soient  d'avis  que  cet  artiste  ait 
posé  les  colonnes  d'Hercule  dî  son  art.  Au  contraire,  il  faut  remercier 
grandement  la  musique  d'avoir  fait  des  progrès  depuis  lui,  car  elle  n'é- 
tait alors  qu'une  lourde  et  triste  psalmodie  dans  laquelle  on  pouvait  â 
peine  saisir  une  idée  ,  un  thème,  un  chant  quelconque.  Lully  est  de  ces 
grands  artistes  qui  gagnent  beaucoup  à  ce  que  leurs  titres  à  l'immorta- 
lité soient  laissés  dans  l'ombre  et  le  silence.  Leur  publicité  n'est  bonne 
qu'à  procurer  un  de  ces  plaisirs  d'archéologue,  les  plus  tristes  et  les  plus 
somnifères  de  tous.  Il  est  vrai  qu'a  travers  ces  débris  de  chant  rétro- 
spectif, des  airs  de  danse  moderne  s'intercalaient  à  tout  moment.  C'é- 
tait sans  doute  une  douleur  pour  l'archéologue,  mais  un  vrai  réveil  pour 
l'auditoire.  Dans  le  divertissement  final,  Mme  Laborde  a  chanté  les  varia- 
tions de  Rode  avec  une  audace  et  une  volubilité  sous  lesquelles  beau- 
coup d'imperfections  se  sont  dissimulées.  Trois  ou  quatre  salves  d'ap- 
plaudissements et  un  bis  frénétique  ont  accueilli  l'air  de  bravoure  et  la 
cantatrice.  Jamais  on  n'a  vu  de  succès  pareil,  et  Mme  Laborde  aurait  pu 
s'écrier  :  Monsieur  Lully,  que  y.  vous  remercie  !  La  cérémonie  turque,  oeu- 
vre de  circonstance,  commandée  par  Louis  XIV,  en  mémoire  d'une  ré- 
cente ambassade,  et  dont  l'à-propos  a  disparu  depuis  deux  siècles,  n'en  a 
pas  moins  été  rendue  avec  tous  ses  détails.  Tous  les  artistes  de  la  Comé- 
die-Française, sauf  Mlle  Rachel,  tous  les  artistes  de  l'Opéra  ont  défilé  deux 
à.  deux,  trois  a  trois,  quatre  à  quatre.  Les  bravos  se  sont  distribués  avec 
largesse  et  politesse.  Chacun  a  dû  être  content,  et  d'abord  le  directeur  de 
l'Opéra,  qui  a  fait  une  excellente  recette,  méritée  par  un  concours  intelli- 
gent; Mlle  Plunkett  et  Saint-Léon,  qui  terminaient  la  soirée  en  dansant 
VAldeana,  si  ardente  et  si  fougueuse,  ont  eu  lieu  aussi  d'être  satisfaits. 
On  les  a  applaudis  comme  si  Samson,  Mlle  Augustine  Brohan,  Provost, 
Mme  Thénard,  Mme  Laborde  et  tant  d'autres  n'eussent  pas  fatigué  les 
mains  bienveillantes  :  c'est  qu'au  lieu  de  les  lasser,  ils  les  avaient  seule- 
ment mises  en  train. 

***  Par  une  circulaire  en  date  du  6  de  ce  mois,  M.  le  ministre  de  l'in- 
térieur a  décidé  que  l'Académie  nationale  de  musique,  appelée  Théâtre  de 
la  Nation  depuis  1S48,  devrait  prendre  désormais  le  titre  de  Grand-Opéra. 

***  Les  artistes  de  l'Opéra  se  disposent  à  présenter  une  pétition  à  M.  le 
ministre  de  l'intérieur  pour  obtenir  le  rétablissement  des  pensions,  abo- 
lies depuis  la  révolution  de  1830. 

%*  Aujourd'hui,  le  Théâtre-Italien  donnera  la  Sonnambula,  chantée  par 
Mlle  Sophie  Cruvelli. 

%*  Le  dernier  jour  de  l'autre  semaine,  c'était  la  reprise  de  cet  ou- 
vrage :  Sophie  Cruvelli  s'était  chargée  du  rôle  d'Amina  ;  elle  l'a  chanté  et 
joué  avec  un  talent  tout  â  fait  remarquable.  La  jeune  cantatrice  s'y  est 
transformée  en  quelque  sorte  et  s'est  montrée  sons  un  aspect  vraiment 
nouveau.  Elle  a  fait  preuve  de  sensibilité  douce,  de  grâce  naïve,  et,  sauf 
quelques  élans  de  voix  encore  un  peu  trop  vifs,  elle  a  constamment 
charmé  l'auditoire.  Nous  la  félicitons  sincèrement  de  ce  succès,  qui  mon- 
tre à  quel  point  elle  peut  assouplir  sa  voix  et  sa  méthode,  en  les  em- 
ployant au  genre  le  plus  opposé  à  celui  qui  lui  avait  réussi  d'abord.  Cal- 
zolari,  indisposé  le  premier  jour,  s'est  remis  aux  représentations  suivantes. 
Belletti  chante  fort  bien  le  petit  nombre  de  morceaux  dont  se  compose  le 
rôle  du  comte. 

***  Hier  samedi,  la  reprise  de  Maria  di  Rohan  a  eu  lieu  pour  le  début 
de  Ferlotti  et  la  rentrée  de  Mme  Fiorentini. 

V  Mme  Barbieri-Nini,  rappelée  en  Italie  par  la  maladie  de  son  père,  a 
résilié  son  engagement. 

%*  Mme  Castellan  achanté  pour  la  première  fois  â  Bruxelles,  le  3  de  ce 
mois,  sur  le  théâtre  royal  Saint-Hubert.  Elle  avait  choisi  Norma,  et  pa- 
raîtra bientôt  dans  Sémïramide.  Son  succès  ne  pouvait  être  plus  brillant. 

%*  Le  concert  de  Ernst  reste  toujours  fixé  à  mercredi  prochain. 

***  Prudent  part  cette  semaine  pour  Bruxelles,  où  il  donnera  quelques 
concerts  au  Grand-Théâtre  et  fera  entendre  sa  grande  composition  le 


concerto- symphonie  et  ses  ouvrages  nouveaux  encore  inconnus  à  Bruxel- 
les :  le-  Champs,  ses  fantaisies  sur  Grdnr,  de  Robert,  et  Asile  héréditaire. 

%*  MM  Alard  et  Kranchomme  reprennent  leurs  séances  si  intéressan- 
tes de  musique  de  chambre,  et  la  première  aura  liru  dans  la  salle  Pleyel, 
le  dimanche  18  janvier.  En  voici  le  programme  :  1"  6e  quatuor  de  Mozart 
en  ut,  pour  deux  violons,  alto  et  basse;  2°  35e  quatuor  d'Haydn  (soi mineur) 
pour  deux  violons,  alto  et  basse;  3"  3e  quatuor  de  Mozart,  en  mi  bémol, 
pour  un  alto  et  basse;  k"  trio  de  Beethoven,  en  sol,  pour  violon,  alto  et 
basse.  M.  Alard  jouera  le  premier  violon;  M.  Armingaud,  le  deuxième; 
M.  Casimir  Ney,  l'alto;  M.  Franchomme,  le  violoncelle,  et  Mlle  Meara, 
jeune  artiste  de  beaucoup  de  talent,  jouera  la  partie  de  piano.  La  deuxième 
séance  aura  lieu  le  1er  février  prochain. 

*„,*  M.  et  Mme  Léonard  (Antonia  di  Mendi)  viennent  d'arriver  à  Paris, 
Le  violoniste  et  la  cantatrice  y  seront  également  les  bien  venus,  surtout 
s'ils  veulent  bien  se  faire  entendre. 

%*  Le  jeune  violoniste  Poussard,  dont  nous  parlions  dimanche  dernier, 
porte  non  pas  le  prénom  de  Henri ,  mais  celui  d'Horace,  qu'il  tient  du 
grand  peintre  Horace  Vernet,  son  parrain. 

*„*  Mlle  Thérèse  Jaurès  (de  Cardeilhac)  vient  d'épouser  M.  Félix  Saul- 
nier,  sous  préfet  à  Épernay. 

*,*  Voici  le  programme  du  premier  concert  d'abonnement  que  la  So- 
ciété Sainte-Cécile  donnera,  le  dimanche  18  janvier,  à  deux  heures  : 
1°  Ouverture  de  Fittelio,  de  Beethoven;  2"  Las  !  il  n'a  nul  mal  qui  n'a  le  mal 
d'amour,  chœur  à  quatre  voix  ,  sans  accompagnement,  de  J.  Lefebvre 
(1630)  ;  3°  grand  air  de  Freischiitz ,  de  Weber,  chanté  par  Mlle  Stubb  ; 
i°  concerto  de  piano  (en  toi ,  de  Mozart ,  exécuté  par  M.  C.  Saint-Saëns  ; 
5"  Hymne  du  sacrifice,  de  Beethoven,  chanté  pour  la  première  fois  à  Paris; 
6°  symphonie  nouvelle  (en  la)  de  F.  Mendelssohn.  L'orchestre  sera  dirigé 
par  M.  Seghers.  Les  chœurs  seront  dirigés  par  M,  Wekerlin. 

V  Le  jeune  compositeur  hollandais,  Edouard  de  Hartog,  est  attendu  à 
Paris  vers  la  fin  de  janvier.  [1  a  en  portefeuille  plusieurs  manuscrits  de 
compositions  nouvelles,  telles  qu'une  vilanelle,  une  berceuse,  des  mor- 
ceaux caractéristiques  pour  piano,  et  de  plus,  des  chœurs  sans  accompa- 
gnement, d'un  genre  tout  nouveau. 

*»*  Une  grande  sonate  pour  piano  et  violoncelle,  composée  par  Ferdi- 
nand Lavainne,  vient  de  paraître  chez  .Mme  veuve  Launer,  éditeur  de 
musique;  cette  œuvre  nouvelle  du  jeune  compositeur  est  digne  de  figurer 
avec  les  trios,  le  quintette  et  le  septuor  du  même  auteur,  à  qui  ses  com- 
positions symphoniques  et  chorales  ont  fait  depuis  longtemps  une  réputa- 
tion aussi  durable  que  méritée. 

CHRONIQUE     ÉTRANGÈRE. 

Culogne.  —  Mme  Sontag  nous  a  fait  ses  adieux  clans  le  Barhier  de  Sé- 
ville;  elle  a  chanté  le  rôle  de  Rosine  avec  son  talent  bien  connu  et  avec 
le  succès  auquel  l'cminente  cantatrice  est  habituée  depuis  longtemps  De 
Cologne,  Mme  Sontag  est  retournée  à  Francfort,  d'où  elle  doit  se  rendre 
successivement  à  Stuttgard,  Weimar  et  Hambourg.  -  La  petite  violoniste 
Marie  Serrato  a  donné  ici  trois  concerts,  et  ils  étaient  très-suivis. 

***  Berlin.  —  Le  prince  Caradja ,  premier  secrétaire  de  l'ambassade 
turque  près  notre  cour,  a  composé  une  marche  militaire  qui,  par  ordre 
du  roi,  fera  désormais  partie  des  marches  de  l'armée  prussienne  ;  l'éditeur, 
M.  Bock,  est  chargé  de  la  publication  de  l'œuvre  du  prince  Caradja. 

—  Mme  Gadi,  cantatrice  italienne,  qui  a  eu  l'honneur  de  chanter  dans 
un  concert  à  la  cour,  a  reçu  de  la  reine  un  riche  bracelet.  Aime  Gadi  doit 
chanter  dans  un  concert  public  daus  le  courant  de  la  semaine  prochaine. 

%*  Hanovre.  —  L'opéra  nouveau  de  Marschner  :  Austin,  doit  être  repré- 
senté incessamment  au  théâtre  royal. 

%*  Leipsig,  30  décembre.  -  Le  Conservatoire  de  musique  de  cette  ville, 
qui  doit  en  grande  partie  son  existence  à  Mendelssohn-Bartholdy,  vient 
de  célébrer  le  deuxième  anniversaire  de  la  mort.de  ce  célèbre  maestro 
par  un  concert  public  dont  le  programme  se  composait  des  ouvrages 
suivants  :  le  quatuor  pour  piano,  violon,  alto  et  violoncelle,  morceau  fa- 
vori en  Allemagne,  et  qui  a  été  écrit  par  Mendelssohn-Bartholdy  à  l'âge 
de  seize  ans;  les  Variations  sérieuses,  pour  piano,  exécutées  par  M.  Mos- 
chelès  ;  les  chants  :  Endroit  chéri,  Adieu  et  Vallée  de  repos;  fragment  de 
l'oratorio  intitulé  le  Christ,  dont  la  partition  manuscrite,  inachevée,  a  été 
trouvée  parmi  les  papiers  de  Mendelssohn-Bartholdy.  Ces  fragments,  au 
nombre  de  huit,  et  dont  la  plupart  sont  des  chœurs  fugues,  ont  été  exé- 
cutés par  les  élèves  du  Conservatoire,  sous  la  direction  de  M.  Schleining, 
l'un  des  professeurs  de  cet  établissement.  La  municipalité  assistait  en  corps 
à  cette  solennité  musicale. 

%*  Turin,  28  décembre.  —  Depuis  quelque  temps,  on  joue  tous  les  soirs 
sur  le  théâtre  royal  de  notre  capitale,  et  toujours  devant  chambrée  com- 
plète, un  opéra  nouveau,  en  cinq  actes,  intitulé  Maria-Giovanna,  et  dont 
la  musique  est  d'un  jeune  dilettante,  M.  le  due  de  Litta.  Ce  gentilhomme, 
qui  possède  une  fortune  colossale,  a  fait  exécuter  à  ses  frais  les  décors 
et  les  costumes  de  Maria-Giovanna ,  qui  sont  d'une  magnificence  sans 
exemple  à  Turin,  et  qui  ont  causé  une  véritable  sensation  parmi  nos  ama- 
teurs de  spectacle. 


Le  gérant  :  Ernest  DESGHAMPS. 


14 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


MUSIQUE  DE  DANSE  NOUVELLE 


WQVWi  2aB  PÏAXff © 


PUBLIÉE  PAR 


BRANDUS    ET    C,B,     EDITEURS 


103,   BLE  RICHELIEU. 


POLKAS. 

F.  IHJBCMYIliUBB.  l'olka  brillante  sur  le  Farfadet 4     » 

E.  ETïEilSiG.  Polka  sur  Zerline,  avec  solo  de  cornet  a  pistons.,  4  50 

—  Polka  sur  la  Dame  de  Pique 4     » 

—  Polka  sur  l'Enfant  prodigue 4     »' 

A.  FESSY.   Polka  de  l'Hippodrome 3    » 

—  Polka  du  Val  d'Andorre 3     a 

—  Elisabeth,  polka 2     » 

KOB;\fit».   L'Eclipsé,  polka 2    » 

—  Jupiter,  polka  trémolo 2    » 

EABITZK1 .    Cerrito,  polka 2  50 

—  La  Berlinoise,  polka 2    » 

—  Salut  à  Paris,  deux  polkas 3  75 

—  Clémentine,  polka 2  50 

HUSABD.   Californie,  polka  du  Violon  du  Diable 2  50 

—  Ouistiti 3     » 

—  La  Priora 4     » 

J    PASDELOUP.  La  Rosée,  polka  du  Violon  du  Diable  ....  250 

—  Rose  de  Mai,  polka  du  Val  d'Andorre.   ...  3     » 

—  Polka  du  Prophète 4  50 

—  Polka  de  la  Fée  aux  Roses 3     » 

—  Polka  sur  Zerline,  avec  solo  de  cornet  à  pis- 

tons par  Denault 4     » 

—  Polka  sur  la  Tempesta 4     » 

PILOUO.    Polka  sur  Giralda 3     » 

—  Polka  sur  la  Poupée  de  Nuremberg 4    » 

OUIDASiT.  Polka  bérésilienne 3     » 

POLKfrMAZURKAS. 

F.  BUBG11CLLËB.  Blanche,  polka-mazurka 5     » 

—  Polka-Mazurka  sur  la  Fée  aux  Roses.   .   .  2    » 

DEVOS.  Graziosa 4  50 

A.  DE  EiEXOXÇOlJBT.  Follette 2     » 

.!.  PASDfc.lL©i;B».  Polka-mazurka  sur  l'Enfant  prodigue  .    ...  4     » 

—  Polka  mazurka  sur  la  Dame  de  Pique .    ...  4     » 

PILODO.    Polka-mazurka  sur  la  Tempesta 4     » 

A.  TALEXT.  Diane,  polka-mazurka 5     » 

—  Wanda,  polka-mazurka 4  50 

SGHO 

DAKIELLE.  L'Enfant  prodigue ' 3     » 

—  Zerline  ou  la  Corbeille  d'oranges 4     » 

A.  DE  LENONCOUBT.  Manuelita 3     » 

—  Henriette 2  50 

PILODO.    La  Dame  de  Pique 4    » 

—  Schottisch  de  (Habille 2  50 

—  Schottisch  sur  la  Poupée  de  Nuremberg 4    » 

J.  PASDEEOUP.  Schottisch  sur  Giralda 4     » 


RED0WAS. 

DUMOUCIIEBi.  Lowitzka,  rodowa  polonaise 2     » 

ETTLlNti.  La  Tempesta 4     » 

F«SSY.  Redowa  sur  le  Val  d'Andorre 3    » 

JOUA.  Hélène,  redowa 2     » 

liABlTZKY.  Hedowa-Valse 4  50 

J.  PASDEEOUP.  Pas  des  Fleurs,  redowa  du  Violon  du  Diable  4  50 

—  Redowa  sur  la  Poupée  de  Nuremberg.   ...  3    » 
PILODO.    Redowa  sur  Giralda 3     » 

—  Redowa  du  Prophète 4  50 

—  Redowa  sur  Zerline  ou  la  Corbeille  d'oranges.  ...  4    » 

GALOPS 

BlIiSE.  Sturm-Marsch,  galop 2  50 

LABITZKY.    Kiquiqui 3     » 

—  L'Espérance 4  50 

CiUKGEi.  Galop  des  chemins  de  fer 2  50 

A.  TALEXV.  Hercule 5    » 

VALSES. 

F.  BUBGMUIiEEB.  Valse  brillante  sur  Ilaydée 6     » 

—  Grande  valse  sur  le  Prophète 5     » 

—  Valse  brillante  sur  le  Val  d'Andorre 5     » 

—  Valse  sur  Giralda 5     » 

—  Zerline  ou  ia  Corbeille  d'oranges 5     » 

—  La  Dame  de  Pique 5     » 

—  L'Enfant  prodique 5     » 

E.  ETTLIXG.    L'Enfant  prodigue 5     » 

—  La  Dame  de  Pique '  .  5     » 

—  La  Tempesta 5     » 

—  Zerline  ou  la  Corbeille  d'oranges 5    » 

HUSABD.     Les  Lingots  d'or 6     » 

—  La  Poupée  de  Nuremberg 6     » 

—  Le  Torréador : 6     » 

H.  BOSEEEE.V  Miranda,  valse  brillante  sur  la  Tempesta  ...  4  50 

J    S  rBAUSS.  Chants  d'allégresse 4  50 

QUADRILLES. 

HUSABD.    L'Enfant  prodigue,  deux  quadrilles.  Chaque  ....  4  50 

—  La  Tempesta 4  50 

—  Zerline  ou  la  Corbeille  d'oranges,  deux  quad.  chaq.  4  50 

—  La  Dame  de  Pique,  deux  quadrilles  Chaque.   .    .       .  4  50 

—  La  Poupée  de  Nuremberg, 4  50 

—  Le  Farfadet 4  50 

—  Le  Toréador 4  50 

—  Les  Clairons  de  l'armée  française 4  50 

—  Le  Palais  de  Cristal 4  '50 

—  Une  Nuit  à  l'Opéra 4  50 

—  La  Favorite 4  50 

—  La  Reine  de  Chypre 4  50 

—  Les  Rendez-vous  bourgeois 4  50 

PILODO.    L'Enfant  prodigue 4  50 

STBAUSS.  L'Enfant  prodigue 4  50 

—  La  Dame  de  Pique 4  50 


L'ENFANT  PRODIGUE. 

N°  1.  La  Valse 3 

2.  Pas  de  la  Séduction 5 

3.  Pas  des  Aimées 3 

4.  Pas  des  Poignards 4 

5.  L'Orgie 6 

6.  Marche  du  Bœuf  Apis 3 

7.  Marche  de  la  Caravane 4 


ZERLINE 

OD  L;i  CORBEILLE  D'ORANGES. 

1.  La  Valse & 

2.  La  Styrienne 5 

3.  Les  Muses  et  les  Grâces 5 

4.  Pas  chinois 3 

5.  La  Sentimentale  et  l'Enjouée 5 

6.  Le  Bal  d'enfants 5 

7.  Quadrille  des  fous 5 

8.  Le  Carnaval  de  Païenne 3 


DE  PARIS. 


15 


ri  ici  ai     par 


&m    G 


KIHTF.URS  DE  MUSIQUE, 

Hue   Mette  tien,  n"  ÎO». 

I-  SÉRIE  DES 


SUCCES  UNIVERSELS 

MO  JRC JE  AUX  ME  JPIAlWO  mFFICMffjES. 


F    CHOPIN 

Op.     6.  Cinq  mazurkas,  a  la  comtesse  Plater.  5  » 

Op.     7.  Quatre  mazurkas,  à  M.  Johns 6  » 

Op.    9.  Trois  nocturnes,  a  Mme  Camille  Pleyel.  6  » 

Op.  11.  1er  concerto,  le  piano  seul 12  » 

Op.  20.  1"  scherzo  . 7  50 

Op.  21.  2*  concerto,  le  piano  seul 12  » 

Op.  23.  Ballade 7  50 

Op.  26.  Quatre  mazurkas,  au  comte  Pertlmis.  7  :  a 
Op.  27.  Deux  nocturnes,  à  Mme  la  comtesse 

d'Appony c  » 

Op.  29.  Impromptu 6  » 

Op.  31.  2'  scherzo 7  50 

Op.  32.  Deux  nocturnes,  à  Mme  la  baronne  de 

Billing o  » 

Op.  34.  Trois  valses  brillantes  :  n"  1,  en  la  bé- 
mol ;  n"  2 ,  en  la  mineur  j  n"  3 ,  en 

fa,  chaque 0  » 

Op.  35.  Sonate  et  Marche  funèbre 9  » 

La  Marche  funèbre  seule 5  » 

Op.  43.  Tarentelle 6  .. 

Op    64.  Trois  valses  brillantes  ; 

N1  1.  Dédiée  à  la  comtesse  Potocka  .  5  » 

N"  2.  Dédiée  a  la  baronne  Rothschild.  5  » 

N"  3.  Dédiée  à  la  baronne  Branicka   .  5  » 


T    SOEHLER. 

Variations  de  concert  sur  la  Norma. .  7  50 

Rondino  sur  le  Pré  aux  Clercs.    .    .  6    » 

Variations  de  bravoure  sur  Gustave.  7  50 
Variations  brillantessur  deux  motifs  de 

/  Pvrilani 7  50 

Deux  fantaisies  sur  des  motifs  de  V li- 

lisire  d'amore,  2  suites,  chaque.  .  6  » 
Deux    fanlaisies  sur    des   motifs    de 

/  Puritani,  2  suites,  chaque.  .  .  o  » 
Variations  sur  la  D( rnière penst e  de 

P.cllini 7  50 

Divertissement  sur  des  motifs  du  Che- 
val dehronzf g    » 

Fanlaisie  et  variations  de  bravoure  sur 

Anna  Jlolena 7  50 

Amusement  de  salon,  fantaisie  sur  le 

Cor  des  A  Ipes 7  50 

Rondino    sur    les    Somnambules    de 

Strauss 0     » 

Uondino  sur  la  Testa  delta  rosa  .   .  7  50 

Variations  brill.  sur  te  Huguenots.   .  7  50 

Variations  brill.  sur  Guillaume  Tell.  0    » 

Tarentelle  brillante 0    » 

N°  3.  Adieu,    mélodie  de   Schubert, 

transcrite  et  variée 5    » 

Grande  polka  de  salon 6    » 

Fantaisie  sur  ta  Favorl/e 9    » 

Trois  nocturnes  élégants,  3  suites,  ch.  5     >, 

La  Suppliante,  ballade e     » 

Fantaisie  de  concert  sur  des  thèmes  de 

la  Sonnambula <)    „ 

Onzième  nocturne 5    „ 

Douzième  nocturne 5    » 


Op. 

4. 

Op. 

10. 

Op. 

12. 

Op. 

13. 

Op. 

14. 

Op. 

14 

Op. 

15. 

Op.  10. 


Op.    17. 


Op.    18. 


Op.   19. 


Op. 

20. 

Op. 

22. 

Op. 

28. 

Op. 

39. 

Op. 

45. 

Op. 

50. 

Op. 

51. 

Op. 

52. 

Op. 

65. 

Op. 

66. 

Op. 

69. 

Op. 

70. 

F    MENDELSSOHN 

Op.  19,  0  romances  sans  paroles,  1"  cahier.  .  7  50 

Op.  30.  \d.  2"     id    .    .  .  7   50 

Op.  38.  Id.  3«     id  .    .  .  7  50 

Op.  62.  Id.  5'    id   .    .  .  7  50 

Op.  07.  Id.  6'     id  .    .  .  7  50 

Op.  85.  Id.  T     id   .    .  .  7  50 

E    PRUDENT- 

Op    20.  Fantaisie  sur  le  grand  trio  de  Robert- 

le-Diable 9  n 

Op.  33.  Farandolï 7  50 

Op.  34.  Concerto  symphonie,  le  piano  seul.   .  12  » 

Op.  35.  Les  Bois,  chasse 9  • 

Op.  36.  Allegretto  pastoral 9  .. 

Grand  trio  du  Guillaume  Tell  trans- 
crit   9  » 

Op.  37.  Grande  fantaisie  sur  Guillaume  Tell  9  » 

Op.  38.  Robert -le-Diable  (air  de  Greic  ) .   .    .  9  » 

Op.  39.  Les  Champs 9  » 

HENRI  HERZ 

.  Op.  36.  Grandes  variations  sur  le  chœur  des 

Grecs  du  Siège  de  Corintlie.   .       .     9     » 
La  marche  des  Grecs  du  Siège  de  Co- 
rïnlhe 5     • 

Op.  37.   Rondo  sur  un  chœur  favori  de  Moïse.     9     » 

Op.  50.  Grandes  variations  a  quatre  mains  sur 

larriarehefavoritedeGîJf/tafme TWi    9     » 

Op.  57.  Variations  de  concert  sur  une  marche 

favorite  de  Guillaume  Tell.   ...     9     » 
Id.     avec  accompagn.  d'orchestre  20     >. 

Op.  63.  La  Clochette,  rondo  sur  un   motif  de 

Paganini 7  50 

Op.  69.  Rondo  militaire  sur  un   air  favori  du 

Serment 7  50 

Op.  70.  Variations  concertantes  sur  la  marche 

favorite  du  l'Iulti e,  à  4  mains.   .    .     9    » 

Op.  70  bis.  Variations  concertantes  sur  la  mar- 
che du  P/iillte,  arrangée  a  2  mains, 
d'après  le  duo  a  4  mains 9     0 

Op.  74-  Second  concerto 12     >■ 

Id.        avec  accompag.  d'orchestre.  25     » 

Op.  76.  Variations  brillantes,  di  bra cura,  sur 

le  trio  favori  du  Pré  aux  Clercs.   .     9     » 

Id.        avec  accompag.  d'orchestre.  20     .. 

Les  mûmes  arrangées  à  4  mains  par  Hall  10     » 

Op.  78.  Variations  brillantes  sur  la  cavatine 

d'Anna  Bolena,  Yivi  lu 7  50 

Op.  82.  Grandes  variations  sur  la  marche  favo- 
rite de  l'opéra/  Puritan1 9     • 

Op.  90.  Fantaisie  et  variations  sur  la  Norma.     9     •■ 
Id.         avec  accompag.  d'orchestre  20     » 

Op.  95.  Fantaisie  brill.  sur  l'Ambassadrice  .     7  50 

Op.  106.  Grande  fantaisie  sur  le  Domino  noir    7  50 

Op.  126.  Grande   fantaisie  sur  les  Diamants 

de  la  Couronne 7  50 

Le  Stabat  de  Rossini,  partition  réduite  pour 
piano  solo,  avec  accompagnement 
de  violon,  au  libitum,  par  N.  Louis  20     » 

Op.  136.  Grande  fantaisie  brillante  sur  la  Part 

du  Diable 7  50 

Op.  141.  Fantaisie  et  variations  brillantes  snr 

la  Sirène 9     » 


S-  THALBERG. 

Op.     5.  Mélange  sur  Guillaume.  Tell.   ...  7  50 

Op.     9.  Fantaisie  sur  la  Straniera 7  50 

Op.  14.  Grande  fantaisie  sur  Don  Juan.    .   .  9     » 

Op.  19.  Deuxième  caprice 7  50 

Op.  27.  Grande   fantaisie   ^ur  God  save  the 

Queen 9    n 

Op.  02.  Andante 7  50 

Op.  33.  Grande  fantaisie  sur  Moïse 9     » 

Op.  36.  Impromptu  et  cadence,  étude  ....  u     » 

Op.  41.  Trois  romances  sans  paroles 6    n 

Op.  42.  Grande  fantaisie  sur  la  sérénade  et  le 

menuet  de  Don  Juan 9     .. 

Op.  43.  Nouvelle  fantaisie  sur  les  Huguenots .  9     n 

Op.  45.  Thème  et  étude  en  ta  mineur.  ...  7  50 
Op.  52.  Grande  fantaisie  sur  la  tarentelle  de 

la   Muette  de  Portici 9     » 

Op.  59.  Marche   funèbre  variée 7  50 

Op.  63.  Grande   fantaisie  sur  le   Rai  hier  de 

Séville 9    n 

Romance   variée  sans  paroles 4  50 

La  Romanesca  transcrite 4  50 

Mi  manca  la  voce,  de  Mosè 4  50 

F    LISZT- 

Op.  1.  Fantaisie  et  variations  sur  la  tyrolienne 

de  la  Fiancée 7  50 

Op.  7.  Réminiscences  des   Puritains,   grande 

fantaisie 9    » 

Grande  fantai  ie  sur  les  Huguenots 12     » 

Id.            sur  la  Juive 12     » 

Id.            sur  Robert-le-Duible.   ...  12    » 

Id.            sur  Don  Juan 12     >• 

Adélaïde,  de  Beethoven,  avec  points  d'orgue.  7  50 

Le  Moine,  de  Meyerheer 9     » 

Deuxième  marche  hongroise 7  50 

Partitions  pour  piano  des  ouvertures  de  Weber: 

Le  Ereiscliùtz 9    » 

Jubilé 9    » 

Obéron ' 9    » 

Hexaméron ,  morceau  de  concert ,  grandes  va- 
riations de  bravoure  sur  la  marche  des  Pv- 

ri'cins,  composées  par  Liszt,  Talberg,  Pixis,  * 

H.  Herz,  Czerny  et  Chopin 12     ■> 

Ouverture  de  Guillaume  Tell 9    » 

Polonaise  des  Puritains 7  50 

Tarentelle  de  la  Muette  de  Portici 7  50 

ira  Soirées  mtisicales  de  Rossini,  recueil  de 
huit  ariettes  et  quatre  duos,  transcrites  pour 

piano  solo,  net 10     " 

Chaque  morceau  séparément  : 

N°  1.  La  Promessa 3    » 

2.  La  Regata  veneziana 3  75 

3.  L'Invito 3     " 

4.  La  Gita  in  gondola 3     " 

5.  Il  Rimprovero s    " 

6.  La  Pastorella  dell'  Alpi 2  50 

7.  La  Partenza 3     » 

8.  La  Pesca 3    " 

9.  La  Danza  (larentella) ■*>     » 

10.  La  Serenata 3    » 

11.  L'Orgia 5    » 

12.  Li  Marinari 5     " 


16 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS. 


BUAXUU^  EX  «",  EDITEURS,    103,  RUE  KIl'HEMEl'. 

u  si  que  mm  violon 


Œuvres  de  GH.  DE  BÉRIOT. 


CONCERTOS. 


Op.  26. 


concerto,  avec  ace.  d'orchestre. ...  24 

—  —        de  quatuor 18 

—  —        de  piano 12 

Op.  32.  2e  concerlo,  avec  ace.  d'orchestre  ....   30 

—  —        de  quatuor 24 

—  —        de  piano 20 

—  complet 40 

Op.  44.  3e  concerto,  avec  ace.  d'orchestre.. . .  30 

—  —  de  quatuor. ...  24 

—  —  de  piano 20 

—  complet 40 

Op.  46.  4'  concerto,  avec  ace.  d'orchestre  ... .  20 

—  —  de  quatuor  ... .  15 

—  —  de  piano 12 

—  complet 30 

Op.  55.  5e  concerto,  avec  ace.   d'orchestre 20 

—  —  de  piano 12 

—  co  nplet 30 

Op.  70.  G'  concerto,  avec  ace.  de  p  ano 12 

—  le  quatuor  seul 10 

—  l'orchestre  seul 20 

Op.  73.  7'  concerto,  avec  ace.  de  piano 18 

—  le  quatuor 10 

—  l'orchestre 15 


ÉTUDES. 

Op.    9.  Dix  études  ou  caprices  p.  violon  seul.  10 
Op.  27.  Six  études  brillantes  pour  violon  seul.  10 

Les  mêmes  avec  ace.  de  piano 15 

Op.  29.  Trois  capric.  brill.  ou  études  p.  violon    9 
Op.  37.  Trois  études  caractéristiques  pour  vio- 

lgn  avec  ace.  de  piano 9 

Op.  43.  Trois  grandes  études   pour  deux  vio- 
lons concertants 9 

Op.  75.  Premier  Guide   du  violoniste.  Etudes 
élémentaires  en  2  livres  : 
N°  1,  contenant  dix  études  élémentaires, 

avec  ace.  d'un  second  violon 9 

2,  contenant  dix  études  de  style  en  l'orme 
de  petits  solos  avec  ace.  de  piano. . .  12 


AIRS  VARIES  ET  FANTAISIES. 

1er  air  varié  élire  min.,  ace.  quatuor. 

—  ace.  de  piano 
2e  air  varié  en  ré  maj.,  ace.  de  quat. 

—  ace.  de  piano 
4°  air  varié  en  mi ace.  d'orch. . 

ace.  de  piano. 

4"  air  varié,  air  montagn  rd  eu  si  b., 

ace.  de  quat. 

—  ace.  de.  piano 
5«  air  varié  en  mi ace.   d'orch. . 

—  ace.  de  piano 

Op.    9.  Dix  études  ou  caprices 

Op.  12.  6e  air  varié  en  la,  ace.  d'orchestre 

ace.  de  piano 


Op. 
Op. 
Op. 
Op. 

Op. 


15  » 
7  50 

15  « 
7  50 

15  » 
7  50 


15  » 
7  50 

L5     » 
7  50 


SUITE  DES  AIRS  VARIES. 

Op.  15.  7'  air  varié  en  mi,  ace.  d'orchestre. . .  15  » 

—  ace.  de  piano 7~50 

Op.  30.  Le  Trémolo,  caprice,  ace.  de  piano  ...  7  50 

—  ace.  d'orchestre.  15  •< 
Op.  32.  Andante  et  ronde  russe,  extrait  du  2e 

concerto,  avec  ace.  d'orchestre 24  » 

—  ace.  de  quatuo:". . . .  18  » 

—  ace.  de  piano 15  » 

—  complet 30  » 

Op.  42.  8e  air  varié  en  re,  avec  ace.  d'orchest. .  15  » 

—  ace.  de  piano. .  7  50 
Op.  52.  9"  air  varié  en  lé,  avec  ace.   d'orchest.  18  » 

—  ace.  de  piano..  9    » 
Op.  69.  10e  air  varié,  avec  ace.  d'orchestre...  18  » 

—  ace.  de  piano 9  » 

Op.  76.  il»  air  varié,  avec  ace.  d'orchestre....  18  » 

ace.  de  piano 9  » 

DUOS  CONCERTANTS  POUR  PIANO  ET  VIOLON. 

Op.  6.  Fantaisie  sur  le  chœur  des  drapeaux  du 

Siège  de  Corinlhe 9  » 

Op.    8.  Fantaisie  sur  des  motifs  de?  Moïse 9  u 

Op.  10.  Souvenir  de  h  Muette  de  Portici 9  ■ 

Op.  11.  Fantaisie  sur  des  motifs  du  Comte  Ory  9  •■ 
Op.  13.  Variations  brillantes  en  ré,  dédiées  à 

la  reine  des  Pays-Bas 9  »  ■ 

Op.  14.  Grandes  variations  en  la  mineur,  dé- 
diées à  Mme  Cottinet 9  » 

Op.  16.  F'ant.  suides  motifs  de  Guillaume  Tell  9  » 

Op.  17.  Variations  sur  la  tyrol.  de  la  Fiancée.  9  » 
Op.  18.  Duo  brillant  sur  des  motifs  de  la  Sm- 

nambula 9  » 

Op.  19.  Duo  brillant  en  mi,  dédié  a  Mme  Ber- 

tin  de  Vaux 9  » 

Op.  20.  Fantaisie   brillante  sur  les   motifs  du 

Pré  aux  Cteics 9  » 

Op.  21   Duo  sur  VElisire  d'umore 9  » 

Op.  22.  Duo  bril.  sur  les  motifs  de  /  Puritam  9  » 
Op.  23.  Deux    nocturnes   sur   les   Soirées  de 

Bossuti  (2  suites),  chaque 7  50 

Op.  24.  Duo  sur  les  motifs  de  l'Ambassadrice.  9  • 

Op.  25.  Duo  sur  un  thème  original  en  si 9  » 

Op.  28.  Fantaisie  sur  la  Norma 9  » 

Op.  31.  Duo  brillant  sur  le  Domino  noir 9  ■ 

Op.  33.  Duo  bril.  sur  des  motifs  de  Zanetla. ..  9  » 
Op.  34-  Trois  nocturnes   sur  des  mélodies  de 
Schubert  : 
W  1.  Les   Plaintes  de  la  jeun',  fille 

et  la  Poule 7  50 

2.Lajeane  Religieuse,  Ave  Maria 

et  F  Illusion 7  50 

3.  Le  11  n  des  A  ulnes  et  la  Séré- 
nade    7  50 

Op.  35.  Le  Fruit  de  l'étude,  six  duos  faciles 

et  brillants  (2  suites),  chaque 9  n 


SUITES  DES  DUOS  CONCERTANTS. 

Op.  38.  Grand   duo  sur  les   Diamants  de   la 

couronne 9  » 

Op.  39.  Souvenir  d'A  uber.  grand  duo 9  » 

Op   40.  Deux  duettini  sur  le  S'abat  de  Ros- 

sini  (2  suites),  chaque 7  50 

Op.  41.  Le  Progrès,  six  duos  brillants  et  non 

difficiles  \2  suites),  chaque 10  » 

Op.  45.  Six  morceaux  de  salon  sur  des  thèmes 

originaux  (3  suites),  chaque 9  » 

Op.  47.  Grand  duo  sur  Sémiramide 9  >• 

Op.  48.  Souvenir  de  Boulogne,  deux  duos  (2 

suites),  chaque 7  50 

Op.  49.  Les  Intim  s,  deux  duos  (2  suites),  cl».  7  50 
Op.  50.  La  Soirée,  deux  duos  : 

N°  1.  La  Chasse.  2.  Impromptu,  ai.  7  50 
Op.  51.  Duo  concertant  sur  la  Part  du  Diable  9  » 
Op.  53.  Deuxième   grande  fantaisie  sur   Guil- 
laume Tell 9  » 

Op.  54-  Duo  brillant  sur  la  Sirène 9  » 

Grand  duo  sur  les  Huguenots 9  » 

—        sur  Rbei  l-le-Diable 9  •■ 

Op.  56.  Grand  duo  sur  \a  Barbier  ae  Séville. .     9  » 

Op.  59.  Valse 9  » 

Op.  60.  Grand  duo  sur  la  Gazza  ladra 9  » 

Op.  61  Grand  duo  sur  la  Muette  de  Portici. . .  9  » 

Op.  62.  Duo  brillant  sur  le  Val  d'Andorre. . .  9  » 

Op.  63.  Grand  duo  sur  la  Dona  del  Lago.    . .  9  » 

Op.  64.  Duo  brillant  sur  Hayilee 9  <■ 

Op.  65.  Duo  brillant  sur  le  Prophète 9  » 

Op.  66.  Duo  brillant  sur  la  Cenerentola 9  » 

Op.  67.  Sonate  concertant; 9  » 

Op.  68.  Grand  duo  sur  la  Favyrde 9  » 

Op.  72.  Duo  brillant  sur  le  Pirate 9  » 

Op.  74.  Duo  brillant  sur  Giralda 9  » 

Op.  77.  Duo  brillant  sur  Y  Enfant  prodigue . . .     9  » 

Op.  78.  Grand  duo  sur  la  Juive 10  » 

Op.  79.  Grand  duo  brill. 'sur  la  Reine  de  Chypre  10  » 

DUOS  POUR  DEUX  VIOLONS. 

Op.  57.  Trois  duos  concertants,  3  suites,  chaq.  9  » 

TRIOS  POUR  PIANO,  VIOLON  ET  VIOLONCELLE. 

Op.    4.  Trio  sur  des  motifs  de  Robin  des  Bo'S.  15  » 

Op.  58.  Premier  grand  trio t5  » 

Op.  71.  Deuxième  grand  trio 15  » 

OUOS  CONGESTANTS  POUR  ViOLON  ET  HA1PE, 

ParLABARRE  et  DE  BÉRIOT. 

Op.    6.  Fantaisie  sur  le  Siège  de  Corin  lie 7  50 

Op.    8.  Fantaisie  sur  les  motifs  de  Moïse 7  50 

Op.  10.  Souvenirs  de  la  Muette  d*  Portici. . .     7  50 


OEuvres  de  HENRI  VIEUXTEMPS. 


CCNCERTUS. 


Op.  10.  Grand  concerto,  dédié  au  roi  des  Belges. 

—  le  violon  principal  .   .  12  » 
avec  ace.  d'orchestre  .  36  » 

—  —           de  quatuor  .  24  » 

—  '                      —          de  piano  .    .  24  ■ 
— ■                      complet 50  » 

Op.     8.  2'  concerto,  avec  ace.  d'orchestre  .    .  18  » 

—  —      de  piano  ...  12  » 
— ■                 complet 25  » 

Op.  25.  3'  gr.  concerto,  dédié  à  Guillaume  II, 
roi  de  Hollande. 

—  le  violon  principal  seul  12  » 

—  avec  ace.  d'orchestre. .  50  » 

—  —            de  quatuor. .  30  » 

—  —           de  piano.   .  25  ■> 

—  complet 60  » 

ÉTUDES,  FANTAISIES  ET  AIRS  VARIÉS. 

Air  varié  sur  le  Pirate,  avec  ace.   de  piano.   .  7  50 
Op.     7.  Romances   sans   paroles,  avec  ace.  de 

piano,  2  suites,  chaque 9  > 


Op.     9.  Hommage  à  Paganini,  caprice  sur  des 

thèmes  de  Paganini,  avec  ace.  d'orch.  15 

Op.    9.  Hommage  à  Paganini,  ace.  de  piano. .     7 

Op.  11.  Fantaisie-caprice,  ace.  d'orchestre.   .  20 
—  de  piano  ...  12 

Op.  15.  Les  Arpèges,   caprice,    avec    ace.   de 

violoncelle,  obligé  et  d'orchestre.   .  20 

—  Les  Arpèges,  caprice,  ace.  de  piano.  .  10 
Op.  16.  Six  études  de  concert  avec  accompa- 
gnement de  piano,  2  suites,  chaque    9 

—  Les  mêmes  p.  violon  seul,  ensemble..    9 
Op.  17.  Souvenir    d'Amérique,    air   varié  sur 

l'air     américain    Yankee    doodle  , 
avec   accompagnement  de  piano.    .     6 

—  —  de  quatuor. .  10 
Op.  18.  La  Norma,   fantaisie  sur  la  4e  corde 

avec  accompagnement  d'orchestre. .  20 

—  —  de  piano.   .  10 
Op.  21.  Souvenirs  de  Russie,   fant.  ace.  d'orc.  24 

—  avec  accompagnement  de  piano. .     9 
Op.  22.  1"  morceau  de  salon,  air  varié  avec 

accompagnement  de  piano.   .    .     6 

—  2e   morceau   de  salon,  air  varié  avec 

accompagnement  de  piano.   .   .     7 


Op.     5.  Trois  rondinos  avec  ace.  de  piano  : 

N°  1.  Nathalie 7  50 

2.  LaTentation 7  50 

3.  Roberl-le-Diable 7  50 

Op.     6.  Introduction   et   variations    bril.   sur 

Ludovic,  ncc.  de  quatuor....  12  » 

—  —    avec  ace.  de  piano 7  50 

Op.  H.  Fantaisie  brillante  sur  la  marche  d'O- 

letlo,  avec  ace.  de  piano. . . .     9  » 

—  —    avec  ace.  d'orchestre 18  » 


OEuvres  de  ERMST. 

Op.  19.  Le  Carnaval  de  Venise,  25  variations 

burl.,  ace.  de  quatuor  et  de  piano. . 

Op.  20.  Variations  sur  le  Pirate,  avec  ace.  de 

piano  ou  de  quatuor 

—        —    avec  ace.  d'orchestre 

Deux  morceaux  de  salon  avec  ace.  de  piano  : 

N°  1.  Adagio  sentimental 

2.  Rondino  grazioso 

Feuillet  d'album,  étude  de  Heller,   transcrite 
pour  violon  avec  ace.  de  piano 


Op.  22.  3e   morceau  de  salon,  rêverie,  adagio 

avec  ace.  de  piano      6 

—  4e  morceau  de  salon,  Souvenirs  du 

Bosphore,  avec  ace.  de  piano . .     9 

—  5'    morceau  de  salon,  Tarentelle  avec 

accompagnement  de  piano.   .   .     9 
Op.  27.  Grande  fant.  sur  des  thèmes  slaves: 

la  partie  principale  de  violon.   .   .     6 

avec  accompagnement  d'orchestre. .  25 

—  de  piano   .   .  12 

complet 30 

Op.  29.  Introduct.  et  rondo  avec  ace.  de  piano  12 
L'orchestre 15 

DUtlS  CONCERTANTS  POUR  VIOLON  ET  PIANO. 

Grand  duo  sur  le  Duc  d'Olonne 9 

Grande  fantaisie  concertante  sur  Obcron.   .    .  9 

Op.  12.  Grande  sonate  concertante  en  4  part.  15 

Op.   19.  Duo  brill.  sur  des  motifs  de  Don  Juan  9 

Duo  brillant  sur  des  airs  hongrois 10 

Fantaisie  concertante  sur  les  Huguenots.   .    .10 

Duo  sur  le  Prophète 9 


La  Romanesca,  ancien  air  de  danse,  avec  ace. 

de  piano  et  de  quatuor. 4  50 

Op.  21.   Ron  io  Scherzo  à  la  papageno 9     " 

Op.  24.  Fantaisie  brillante    sur    le  Prophète, 

avec  ace.  de  piano 9     » 

—  L'orchestre  seul 9    » 

Schuncke  et   Ernst.    Duo    brillant    pour 

piano  et  violon  sur  le  Pré-aux-Clercs..    9    » 
Heller  et  Erust.  12  pensées  fugitives  pour 

piano  et  violon,  dix  numéros,  chaque. .     4  50 


PARIS.    —   IMPRIMERIE  CENTRALE   DE   NAPOLLU.N   CH.UX    ET   C"     RUE  BEUGÉRE,    20. 


BUREAUX  A  PARES  :  BOULET? ART  DES  ITALIENS,  1. 


lî)   Année. 


m 


m  s'abonne  dam  les  Départements  cl  n  l'Ktrangrr, 
cheztous  1rs  Marchands  île  Musique,  les  i.  brulres 
<*l  eux  Bureaux  (les  Mossugarics  1 1  des  postes 

.ondres.  DolisyetO,  13,  Régent  slreel 

(*T!*llOlir«.  llrli/urrl. 

Scllurfcnbcrg  el  i  uis. 

i  ii ion  artistico-muslcide. 

Merle. 

Bureau  des  Postes. 

ScUlesinger,  84,  u  il  Llnden. 

Hoir  il  llork,  42.  Jaegerstr. 

Hiehclson. 

Sassetti. 


Madrid. 
Rame. 


■: 


IV  3. 


REVUE 


18  Janvier  1851. 


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Paris,  un  un ...      24  fr. 

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te  Journal  pjroît  Le  Dii 


TTE  HIUSICALE 


101    FÂRÏS, 


-ww\AA3S@©\AAn/vv*- 


SOMMAIRE.  —  Exposition  universelle  de  Londres  (18e  lettre),  par  Fétis  père.  — 
Concerts,  Henri  Herz,  Ernst,  etc.,  par  Henri  Blanchard.  —  Encore  des  al- 
bums, par  le  même.  —  Correspondance,  Bruxelles.  —  Nouvelles  et  annonces. 


EXPOSITION  UNIVERSELLE  DE  LONDRES. 


(dix-huitième  lettre)  (i). 


Monsieur , 


La  construction  des  orgues  anglaises  a  joui  longtemps  d'une  réputa- 
tion européenne  pour  le  fini  de  la  mécanique.  Les  facteurs  français 
n'occupaient  alors  que  le  second  rang  sous  ce  rapport,  bien  qu'ils  eus- 
sent la  supériorité  pour  l'harmonie  des  jeux;  mais  les  progrès  dont  j'ai 
rendu  compte  dans  deux  lettres  précédentes  ont  changé  la  situation 
des  choses,  et  ont  fait  passer  du  côté  de  la  France  la  suprématie  en 
toutes  les  parties  de  l'art.  Je  dois  l'avouer,  à  l'exception  des  travaux 
de  MM.  Hill,  père  et  fils,  j'ai  été  frappé  de  l'imperfection  des  orgues 
anglaises  placées  à  l'Exposition;  imperfection  qui  inspire  l'étonnement 
lorsqu'on  connaît  le  prix  élevé  des  travaux  de  ce  genre  en  Angleterre. 

René  Harris  et  Bernard  Schuiidt  l'ancien  commencèrent  à  perfection- 
ner les  orgues  en  Angleterre  dans  la  seconde  moitié  du  xvn'  siècle,  et 
furent  les  premiers  qui  firent  usage  des  tirages  à  bascule,  pour  dimi- 
nuer la  lourdeur  des  claviers  et  les  accouplements  partiels  ou  totaux  à 
volonté.  On  voit  encore  aujourd'hui  dans  la  cathédrale  de  Bristol  un 
bon  instrument  à  trois  claviers,  avec  pédales  d'accouplement  sans  cla- 
vier, construit  par  Harris  en  1685.  Sauf  quelques  réparations  partielles, 
cet  orgue  est  resté  tel  qu'il  est  serti  des  mains  de  l'artiste.  Byfield, 
Parker  et  Green  améliorèrent  sensiblement  la  partie  mécanique  des  or- 
gues pendant  le  xvm*  siècle,  mais  n'innovèrent  pas  dans  la  forme  des 
jeux,  ni  dans  la  distribution  du  vent  dans  les  sommiers.  Parmi  les  meil- 
leurs facteurs  qui  ont  travaillé  depuis  le  commencement  du  siècle  pré- 
sent jusqu'à  l'époque  actuelle,  on  remarque  MM.  Elliot,  Hill,  Bishop, 
Beringlon,  Robson  et  quelques  autres.  M.  Hill  a  sur  tous  un  avantage 
incontestable  de  connaissances  techniques,  de  conception  et  d'esprit  in- 
ventif par  des  moyens  simples.  On  a  remarqué  qu'après  un  voyage 
qu'il  a  fait  à  Paris,  il  y  a  quelques  années,  il  a  changé  les  dispositions 
qu'il  donnait  habituellement  à  certaines  parties  de  ses  instruments, 
qu'il  a  adopté  plusieurs  des  améliorations  importantes  de  MM.  Cavaillé- 
Coll.  J'aurai  à  parler  plus  loin  de  l'orgue  qu'il  a  placé  à  l'Exposition 
universelle. 

J'ai  déjà  dit  que  toutes  les  orgues  de  l'Angleterre  sont  faites  sur  le 
marne  modèle,  quant  au  nombre  et  à  la  disposition  des  claviers  ;  elles 


(1)  Voir  les  n"1  34,  35,  37,  39,  40,    41, 
de  1851,  et  1"  de  1852. 


43,   44,  45,  46,  47,  48,   49,   50,   51, 


ne  diffèrent  que  par  la  quantité  et  le  volume  des  jeux  affectés  à  chacun 
de  ces  claviers.  Dans  tous  ces  instruments  on  trouve  le  clavier  du  grand 
orgue,  le  clavier  de  récit  et  d'écho,  le  clavier  appelé  orgut  de  chœur 
(choir  organ) ,  qui  sert  à  l'accompagnement  du  chant  et  répond  à  notre 
positif,  mais  qui  ne  se  réunit  pas  aux  autres  ;  et  enfin,  le  clavier  de  pé- 
dales. Cependant  le  plus  grand  nombre  d'orgues  anglaises  est  dépourvu 
de  pédales  :  celles  qui  ont  été  construites  depuis  vingt-cinq  ou  trente 
ans  seulement  en  ont  ;  mais  les  organistes  anglais  ne  sont  pas  plus  ha- 
biles que  les  Français  dans  l'usage  qu'ils  en  font. 

La  plupart  des  grandes  orgues  sont  de  16  pieds  ouverts.  Je  ne  con- 
nais d'orgues  de  32  pieds,  d'un  grand  développement,  que  l'orgue  de 
la  cathédrale  d'York,  celui  de  Birmingham,  tous  deux  ouvrages  de 
M.  Hill,  et  le  grand  orgue  construit  par  M.  Henri  Willis  pour  l'Exposi- 
tion. Ainsi  que  je  l'ai  dit  dans  ma  lettre  précédente,  l'orgue  d'York  est  de 
la  plus  grande  dimension  et  du  plus  grand  développement.  Ses  80  jeux 
réunis  forment  un  total  de  8,000  tuyaux.  L'instrumenta  coûté  5,000  liv. 
st.  (125,000  fr.).  Il  fut  construit  à  la  demande  du  feu  comte  de  Scar- 
borough,  qui  voulut  se  charger  de  la  dépense  ;  malheureusement,  ce 
digne  protecteur  de  l'art  mourut  avant  que  l'instrument  fût  achevé. 
Déjà  il  avait  payé  75,000  fr.  ;  mais  l'héritier  de  son  nom  et  de  sa  for- 
tune refusa  de  remplir  jusqu'au  bout  ses  intentions,  et  la  chapelle, 
aidée  par  les  souscriptions  de  la  noblesse  et  du  clergé  de  la  province, 
paya  les  2,000  livres  restantes. 

Le  grand  orgue  de  M.  Willis,  exposé  au  Palais  de  Cristal,  était  le 
géant  de  Y  Exhibition,  car  il  renferme  soixante-dix-srptjeux,  dont  un 
32  pieds  ouverts,  un  bourdon  de  32,  six  16  pieds  .ouverts,  trois  bour- 
dons de  16,  douze  8  pieds  ouverts,  dix  prestants  et  flûtes  de  h  pieds, 
dix  quintes  et  octaves  aiguës,  des  pleins  jeux  qui,  réunis,  forment  un 
ensemble  de  27  tuyaux  sur  chaque  touche,  et  dix  jeux  d'anches,  tels 
que  bombardes,  trompettes,  clairons  et  hautbois.  Malheureusement,  la 
puissance,  l'effet,  ne  répondent  pas  à  cette  combinaison  de  moyens, 
et  la  construction  de  l'instrument  est  aussi  peu  satisfaisante  dans  son 
ensemble  que  dans  ses  détails.  Cette  imperfection  radicale  tient  à  plu- 
sieurs causes  que  je  vais  énumérer. 

Les  jeux  d'anches  ne  sont  en  proportion,  dans  aucun  orgue  anglais, 
avec  les  jeux  de  flûtes  de  toutes  les  dimensions  et  de  tous  les  systèmes. 
Examinons  les  proportions  de  l'instrument  de  M.  Willis  :  qu'y  voyons- 
nous?  Au  grand  orgue  une  montre  de  16  en  métal;  un  bourdon  de  16  ; 
deux  flûtes  ouvertes  de  8 pieds  (?);  un  bourdon  de  8,  accouplé  avec 
jeu  de  flûte-traversière  brillant,  appelé,  en  Angleterre,  c'aribella;  deux 
prestants  (?)  ;  une  flûte  ouverte  de  h  pieds  en  bois  ;  une  quinte  ;  deux 
doubleltes  (?)  ;  un  piccolo  de  2  pieds;  un  flageolet  de  1  pied  ;  un  plein- 
jeu  formé  de  trois  registres,  formant  un  ensemble  de  9  tuyaux  par 
touche.  Quels  sont  les  jeux  d'anches  destinés  à  donner  du  mordant  à 


20 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


souvenir,  et  qui  a  fait  preuve  de  zèle  et  de  talent.  Mlle  Teresa  Micheli, 
ou  Michel,  pour  être  plus  vrai,  a  chanté  Saint-Michel  archange, 
strophes  bibliques,  en  bon  style  vocal,  dont  la  musique  est  de 
François  Delsarte,  l'excellent  professeur  de  chant,  et  qui  semble  s'être 
inspiré  de  Raphaël  et  de  Michel-Ange  dans  cette  mélodie  énergique,  et 
comme  Milton  devait  en  entendre  dans  ses  rêveries  poétiques,  en  com- 
posant son  Paradis  perdu. 

ERNST- 

Le  surlendemain,  et  dans  la  même  salle,  Ernst,  le  célèbre  violo- 
niste, qui  ne  s'était  pas  fait  entendre  dans  Paris  depuis  fort  longtemps, 
a  donné  un  brillant  concert  où  il  s'est  montré  dans  toute  la  richesse  de 
son  individualité  variée.  Après  une  ouverture  de  Mendelssohn  que  nous 
avons  déjà  entendue  aux  séances  de  la  Société  des  Concerts,  et  qui  a  été 
dite  chaleureusement  par  un  orchestre  supérieurement  dirigé  par  Ber- 
lioz, le  bénéficiaire  a  exécuté  l'allégro  poétique  d'un  concerto  com- 
posé par  lui.  Ce  morceau,  que  nous  avons  analysé  il  y  a  peu  de  temps 
dans  la  Gazette  musicale,  est  d'une  difficulté  diabolique,  ce  qui  ne  l'em- 
pêche pas  d'être  tout  plein  d'inspirations  mélodiques  et  d'effets  d'or- 
chestre remarquables.  Pour  la  tonalité  dans  laquelle  jamais  concerto 
de  violon  n'a  été  écrit,  pour  les  traits  excentriques ,  pour  les  passages 
en  doubles  octaves,  ce  morceau  est  tout-à-fait  exceptionnel,  el  nous  ne 
croyons  pas  qu'il  y  ait  en  Europe  un  virtuose  violoniste  qui  puisse  en 
écrire  et  surtout  en  exécuter  un  pareil.  C'est  le  style  Vieuxtemps  uni  à 
celui  de  Paganini,  dont  Ole-Bull  et  Sivori  nous  ont  fait  entendre  la  pa- 
rodie. Après  cette  grande  page  de  concerto  gigantesque  est  venue  la 
grande  fantaisie  sur  la  marche  et  la  romance  :  Assisa  al  pie  d'unsalice, 
de  YOlello  de  Rossini,  morceau  très-connu  de  tous  les  violonistes  et  qui 
réunit  tout  le  brio  du  style  paganinien;  et  puis  l'habile  fantaisiste  nous 
a  dit  son  Élégie  non  moins  connue,  et  qui  a  contrasté  avec  les  œuvres 
qu'il  venait  de  nous  faire  entendre.  C'était  ici  l'élégie  antique  et  mo- 
derne tout  à  la  fois  ;  mélancolie  et  larmes,  et  plaintes  en  un  style  noble 
et  distingué  de  tous  les  temps  et  de  toutes  les  écoles  ;  ce  sont  de  ces 
chants  élevés,  de  ces  cris  contenus  qui  s'échappent  d'une  âme  d'élite, 
et  qui  font  sentir  et  comprendre  à  tous  comment  l'art  et  son  interprète 
peuvent  poétiser  les  aspirations  vers  l'avenir,  l'absence,  les  regrets,  la 
douleur  et  jusqu'à  la  mort  même. 

Dans  le  rondo-papagene ,  dont  le  thème  ne  se  compose  que  de  cinq 
notes,  l'habile  violoniste-compositeur  a  prouvé  autant  d'esprit  musical 
que  de  dextérité  d'archet.  En  entendant  cela  et  surtout  le  fameux  Car- 
naval de  Venise,  on  est  convaincu  que  Paganini  n'est  pas  mort,  ou  que, 
par  les  lois  de  la  métempsycose,  l'âme,  les  doigts,  les  caprices,  la  fougue 
et  toute  l'originalité  du  violoniste  génois  sont  passés  dans  le  corps 
d'Ernst,  même  dans  les  points  d'orgue,  les  traits  marqués  au  cachet  du 
goût  des  chanteurs  italiens.  L'auditeur  dont  l'oreille  est  fine  et  l'intel- 
ligence exercée,  se  prend  parfois,  pourquoi  ne  le  dirions-nous  pas?  à 
désirer  que  l'habile  violoniste  abdique  un  tiers  des  inextricables  et 
diaboliques  difficultés  dans  lesquelles  semble  le  pousser  celui  qui  est 
apparu  à  Tartini,  pour  lui  dicter  certain  trille  fumeux.  Ernst  a  été 
secondé  dans  sa  belle  manifestation  instrumentale  par  les  voix  de 
Mmes  Duflot-Maillard  et  Vera.  La  première  a  fort  bien  chanté  un  air 
italien,  et  la  seconde  a  dit  d'une  voix  bien  exercée  par  une  excellente 
méthode  une  cavatine  des  Puritains  et  trois  charmantes  mélodies  de 
Gordigiani,  dites  avec  autant  de  grâce  que  d'esprit. 

On  pense,  on  aime  à  croire,  et  l'on  a  raison  en  cela,  que  le  célèbre 
violoniste  ne  s'en  tiendra  pas  à  celte  seule  exhibition,  comme  disent  les 
Anglais,  et  que  d'autres  concerts  suivront  celui  dans  lequel  il  a  obtenu 
un  si  brillant  succès. 

—  M.  Max-Mayer,  fort  bon  violoniste,  a  déjà  commencé  la  série  des 
soirées  musicales  qu'il  donne  en  son  domicile  artistique,  de  quinze 
jours  en  quinze  jours,  tous  les  jeudis.  On  y  entend  les  meilleurs 
artistes. 

—  M.  Perrelli,  jeune  pianiste  sicilien,  a  donné  dimanche  passé,  dans 


les  salons  de  Mme  Lafontaine,  sa  troisième  matinée  musicale,  où  l'on  a 
de  nouveau  apprécié  son  jeu  fin,  délicat,  peut-être  un  peu  trop  fémi- 
nin. Mlle  Vazelle  a  chanté  là  une  cavatine  de  Rossini  d'une  voix  pure, 
exercée  et  sympathique  qu'on  a  justement  applaudie. 

—  M.  Mute],  chanteur  amateur,  qui  a  manqué  se  faire  artiste  comme 
acteur  de  l'Opéra-ÎSational,  est  rentré  dans  la  classe  des  gens  qui  chan- 
tent pour  leur  plaisir,  et  aussi  pour  celui  des  auditeurs  qu'il  reçoit  chez 
lui,  et  qui  ont  aussi  le  plaisir  d'entendre  Mme  Motel,  pianiste  au  jeu  fin, 
délicat,  qui  comprend  bien  et  fait  apprécier  au  mieux  la  musique  de  nos 
grands  maîtres  classiques. 

—  A  propos  de  grands  maîtres,  Mlle  Graever,  qui  s'est  si  bien  mon- 
trée la  fervente  disciple  de  ces  illustres  classiques,  dans  la  matinée 
qu'elle  a  donnée  dernièrement  chez  M.  Erard,  Mlle  Graever,  jeune  pia- 
niste hollandaise,  d'un  talent  réel,  va  donner  chez  Herz  un  concert 
qui  ne  pourra  manquer  d'attirer  toutes  les  personnes  qui  l'ont  déjà  en- 
tendue et  qui  se  feront  un  plaisir  d'aller  l'applaudir  de  nouveau. 

—  Mlle  Clauss,  autre  jeune  pianiste,  doublement  intéressante  comme 
orpheline  et  virtuose  remarquable,  va  aussi  se  faire  entendre  en  public, 
et  recueillera,  nous  en  som;iies  certain,  de  nombreux  et  vifs  applau- 
dissements. 

Depuis  le  jeune  Mozart,  âgé  de  huit  ans,  Paris  a  toujours  eu  et  pos- 
sède encore  la  primeur  de  toutes  les  célébrités  mu? icales  anticipées , 
sans  garantie  cependant  du  gouvernement  et  de  l'avenir. 

Henri  BLANCHARD. 


ENCORE  DES  ALBUMS. 

L'album,  dans  le  vaste  champ  de  la  mélodie  et  de  l'harmonie  labouré 
par  tant  de  compositeurs  et  de  compétiteurs,  est,  ainsi  que  nous  l'a- 
vons dit  souvent  dans  nos  fonctions  d'analyseur  obligé  de  toutes  choses 
musicales,  un  recueil  de  cantilènes  ,  de  romances  ,  de  nocturnes  qui 
sont  l'image  d'une  conversation  intime  au  milieu  de  l'entretien  général 
dans  un  brillant  salon  ;  c'est  une  suave  entrée  de  flûte  ou  d'alto  dans 
un  grand  drame  instrumental.  L'album  est  à  la  sonate  scientifique  ou  à 
l'air  de  bravoure  ce  qu'est  le  roseau  qui  plie  à  côté  du  robuste  chêne 
luttant  contre  la  tempête,  le  petit  ruisseau  dont  le  joli  murmure  est 
étouffé  par  le  bruit  des  vents  qui  font  gémir  les  forêts  et  hurler  l'Océan  ; 
les  albums  enfin  sont  les  violettes  que  l'on  voit  à  peine  parmi  les  belles 
et  brillantes  fleurs  dont  un  parterre  est  diapré  ; 

Ce  sont  petits  chemins  tout  parsemés  de  roses. 
M.  Edouard  de  Hartog,  pianiste  et  compositeur,  n'a  pas  compris  l'al- 
bum de  chant  dans  ces  proportions  parfois  mesquines  et  monotones  , 
bien  qu'il  ne  soit  qu'amateur,  ce  nous  a-t-on  dit.  S'il  a  fait  orner  son 
recueil  d'une  poétique  préface  en  vers  par  M.  Méry,  de  charmantes  li- 
thographies par  MM.  Célestin  Nanteuil,  Gustave  Janet,  Jorel,  etc.;  s'il  a 
pris  des  romances,  des  ballades,  des  légendes ,  dont  les  paroles  sont 
aussi  originales,  aussi  colorées,  aussi  intéressantes  que  toutes  celles 
mises  en  musique  par  les  faiseurs  d'albums,  il  n'a  pas  jeté  dans  son 
recueil  moins  de  pensées  musicales  que  les  autres,  quoique  ce  recueil 
ne  se  compose  que  de  six  morceaux.  Le  premier  de  ces  morceaux  est 
une  ballade  fantastique,  intitulée  :  Une  femme  a  bord,  dont  M.  Satan 
fait  tous  les  frais.  Cela  commence  par  un  chant  en  mi  bémol,  en  mesure 
à  douze-huit ,  mélodie  franche  et  brave,  suivie  d'un  rhythme  à  deux- 
quatre,  sur  lequel  se  dessine  le  rire  infernal  exprimé  par  des  trilles, 
comme  dans  les  fameux  couplets  diaboliques  du  Freischûtz  de  Weber, 
rire  du  héros  ou  de  l'héroïne  de  l'aventure  ;  car  c'est  le  diable  qui, 
sous  la  figure  d'une  femme,  s'empare  du  gouvernail  à  bord  d'un  trois 
mâts,  le  diable  lui-même  qui  emporte  le  navire,  le  capitaine,  le  timo- 
nier et  les  matelots,  après  s'en  être  faitaimer.  Les  mélodies  et  l'harmo- 
nie de  tout  cela  sont  originales,  sauvages,  étranges,  et,  du  reste,  diffi- 
ciles à  chanter  et  même  difficiles  à  accompagner  ;  car  ce  n'est  point  là 
de  la  musique  milliflue  d'album  ordinaire,  d'amateurs  et  de  salon. 
C'est  peut-être  un  tort  de  M.  Hartog;  caria  musique  et  surtout  le  chant 
d'un  album  doit  être  écrite  par  le  compositeur  en  vue  de  le  populariser. 


DE  CARIS. 


21 


Nous  n'avons  pas  assez  de  place  pour  analyser  les  aulres  pièces  de 
ce  recueil,  pour  démontrer,  par  exemple,  que  le  style  de  l'auteur  est 
très-varié;  que  le  Dimanche  au  village,  Johanna,  Dans  ma  maison  , 
Fleur  des  champs,  sontd'nne  toutautre  manière,  ne  semblent  pas  sortir 
de  la  même  plume  qui  a  écrit  Une  femme  a  bord  et  Elle  est  morte. 
Cette  dernière  romance,  dont  les  paroles  sont  dues  à  la  plume  de  M.  de 
Ricqlès,  est  toute  empreinte  d'une  douce  et  profonde  mélancolie. 

M.  de  Hartog  a  dit  simplement,  par  des  notes  simples,  cette  douleur 
qui  s'exhale  avec  simplicité  et  sans  aucun  faste  de  douleurs  et  de 
pleurs.  En  écoutant  cela,  paroles  et  musique,  chacun  sera  de  l'avis  de 
Méry,  lorsqu'il  dit  dans  la  préface  de  cet  album  : 

J'aime  ce  chant  de  deuil,  où  vous  montrez  un  ange 

Qui  vient  de  s'envoler  de  ce  globe  de  fange; 

C'est  la  noble  élégie,  un  hymne  des  douleurs, 

Qu'on  entend  ,  l'œil  baissé,  comme  on  entend  des  pleurs. 

Au  mérite  d'écrire  de  la  musique  dans  un  genre  qui  n'appartient 
qu'à  lui ,  on  peut  dire  que  M.  de  Hartog  joint  celui  d'être  l'objet  d'une 
appréciation  artistique  en  de  pareils  vers. 

Nous  sommes  même  retardataire  à  signaler  un  album  de  M.  Sivard, 
qui  est  arrivé  en  temps  voulu,  et  qui  renferme  de  fort  jolis  morceaux 
faits  pour  survivre  à  la  circonstance,  au  premier  jour,  au  mois  et 
même  à  l'année  1852.  M.  Sivard  est  un  excellent  musicien  qui  se  fait  un 
devoir  et  un  plaisir  de  contribuer  à  la  décentralisation  de  l'art,  et  i' 
prouve  par  son  charmant  album  que  le  compositeur  départemental  vaut 
celui  de  Paris  pour  la  mélodie  et  légère  et  facile  qui  est  de  tous  les 
pays,  surtout  quand  elle  se  manifeste  par  des  polkas,  des  redowas,  des 
valses  pleines  de  verve  et  d'entrain. 

Fréron,  dans  son  journal  de  Y  Année  littéraire,  qui  faisait  passer  de 
si  mauvais  moments  à  M.  de  Voltaire,  disait,  en  analysant  le  Dix-hvi- 
tième  siècle,  beau  tableau  poétique  que  Gilbert  lui  avait  dédié  :  «  Ce 
n'est  point  parce  que  cette  satire  m'est  adressée  que  je  me  hâte  d'en 
parler  ;  c'est  parce  qu'elle  m'a  frappé  par  l'excellent  ton  de  versifica- 
tion, par  l'énergie  des  pensées  et  des  tableaux,  etc.  »  Nous  pourrions 
dire,  à  l'exemple  du  fameux  critique  :  Ce  n'est  point  parce  que  l'album 

de  MmeManera  nous  est  adressé  que  nous  nous  hâtons  d'en  parler 

Et  d'abord,  nous  ne  nous  sommes  pas  hâté  de  le  signaler  comme  les 
autres,  parce  que  l'auteur  ne  s'est  pas  trop  hâtée  de  le  faire  paraître 
On  conçoit  ce  retard  quand  on  jette  la  vue  sur  les  éléments  complexes 
dont  se  compose  ce  recueil  intitulé  :  Keepsake  musical,  illustré  de 
trente  gravures  anglaises.  Blanches  roses  ,  par  Mme  Elùa  Launer- 
Manera,  m 31.  Gouffé,  Sowinski,  Hlanera,  Bazzoni  et  Tariec. 

On  doit  trouver  extraordinaire,  mais  on  comprend  cependant,  tant 
il  est  vrai  que  les  arts,  et  surtout  l'art  musical,  font  une  puissante  di- 
version aux  plus  grandes  douleurs,  que  Mme  Manera  ait  pu  composer, 
édifier  un  album  aussi  compliqué  que  celui  qu'elle  publie,  après  les 
pertes  cruelles  et  réitérées  qu'elle  a  faites  :  c'est  que  l'affliction,  mère 
de  la  mélancolie,  est  aussi  une  muse.  Les  éléments  qu'il  a  fallu  coor- 
do  nner  ne  se  composent  de  rien  moins  que  d'un  grand  nombre  de  poésies 
toutes  échappées  du  cœur,  de  chants  venus  souvent  de  la  même  source  ; 
de  lithographies,  de  trente  gravures  anglaises  des  meilleurs  maîtres, 
représentant  les  plus  jolies  femmes  historiques;  gravure  de  musique, 
portraits  de  famille  lilhographiés  et  coloriés,  le  tout  en  deux  volumes 
grand  in-octavo,  reliés  avec  élégance.  Nous  ne  soumettrons  pas  au 
scalpel  de  l'analyse,  et  encore  moins  à  celui  de  la  critique,  ces  cris  de 
l'âme,  ces  élégies  poétiques  et  musicales  d'épouse  et  de  mère,  pen- 
sant qu'elles  trouveront  de  l'écho  et  qu'elles  seront  recherchées  par 
beaucoup  de  cœurs  atteints  et  brisés  des  mêmes  douleurs  :  il  est  des 
esprits  nobles  et  délicats  qui  trouvent  distraction  et  plaisir  dans  de 
tristes  et  doux  souvenirs. 

Si  l'on  a  jusqu'à  la  fin  de  janvier  pour  remettre  ses  cartes  de  visite 
du  premier  jour  de  l'an,  l'album  doit  jouir  du  même  privilège;  et  celui 
de  Mme  Manera  peut  réclamer  même  le  bénéfice  de  cet  axiome  :  Aux 
derniers  les  bons. 

Henri  BLANCHARD. 


CORRESPONDANCE. 


Bruxelles,  15  janvier  1852. 


Mnnsii.'iir 


La  chose  du  jour,   en  musique,   à   Bruxelles,   c'est  la  présence  de 
Mme  Castellan.  Notre  Opéra-Italien  avait  grand  besoin  de  l'appui  qu'est 
venue  lui  prêter  cette  artiste  si  distinguée.  Trois  cantatrices  d'une  virtuo- 
sité douteuse,  ou  pour  mieux  dire  négative,  car  il  n'y  avait  aucun  doute 
sur  leur  nullité,  trois  cantatrices  donc  s'étaient  présentées  pour  tenir 
l'emploi  de  prima  donna,  et  avaient  été  repoussées,  non  par  les  rigueurs, 
car  nos  dilettantes  ne  sifflent  pas  plus  que  ne  le  font  ceux  de  Paris  ou  de 
Londres,  mais  parla  froideur  du  public.  Notre  première  chanteuse  légère 
était  obligée  de  se  prodiguer  pour  faire  face  aux  exigences  du  répertoire, 
et  d'aborder  successivement  tous  les  genres  :  Rosine  aujourd'hui ,  Desde- 
mona  demain.  Mlle  Bertrandi  a  du  talent;  mais,  toute  légère  qu'elle  est, 
et  vraiment  elle  l'est  du  côté  de  la  vocalisation,  elle  ne  pouvait  continuer 
longtemps  à  faire  ce  double  et  fatigant  service.  Heureusement,  voici 
Mme  Castellan  qui  vient  à  son  aide. 
Mme  Castellan  voulait  débuter  par  la  Lucia;  mais  vous  savez  combien 
i  de  certains  publics  sont  rigides  observateurs  de  la  distinction  des  emplois. 
Le  rôle  de  Lucia  est  du  domaine  de  la  chanteuse  légère;  or,  il  fallait  que 
l'imprésario  offrît  à  ses  habitués  une  forte  chanteuse.  Mme  Castellan  a 
donc  été  moralement  obligée,  pour  ne  pas  mettre  ce  brave  homme  dans 
l'embarras,  de  choisir  une  autre  pièce.  Ce  fut  Norma  qui  servit  à  sa  pre- 
i  mière  apparition.  Lucia  vint  ensuite,  et  c'était  sans  inconvénient ,  parce 
S   qu'après  avoir  constaté  que   la  charmante  prima  donna  était  une  forte 
j   chanteuse,  c'est-à-dire  une  cantatrice  du  genre  dramatique,  on  lui  per- 
!  mit  d'être  légère  par  fantaisie.  Notre  constitution  interdit  le  cumul  en 
principe,  mais  il  n'a  pas  prévu  celui-là. 

Mme  Castellan  ne  se  plaindra  pas  du  public  de  Bruxelles,  je  vous  jure. 

Il  y  a  foule  à  ses  représentations,  et  cette  foule  ne  lui  marchande  pas  les 

applaudissements,  ni  les  bravis  on  ne  dit  pas  encore  brava  en  Belgique), 

j  ni  les  rappels,  ni  les  bis,  rien,  enfin,  de  ce  qui  porte  lémoignage  d'un 

i  brillant  succès.  On  apprécié  (comme  il  le  mérite)  ce  talent  tour  à  tour 

]  vigoureux  et  délicat ,  puissant  et  fin  ,  intelligent  toujours,  que  vous  con- 

;  naissez  trop  bien  pour  qu'il  soit  nécessaire  que  j'en  fasse  ici  l'analyse. 

Nous  espérions  conserver  Mme  Castellan  une  partie  de  l'hiver;  mais  elle 

n'a  pu  nous  accorder  qu'un  nombre  très-limité  de  représentations.  D'au- 

]   très  succès  l'appellent  en  d'autres  lieux.  Elle  paraît  pour  la  dernière  fois 

ce  soir  dans   t.ucrezia  liorgia.  L'imprésario  allait  se  retrouver  dans  son 

précédent  embarras  quant  à  la  forte  chanteuse;  mais  voici  que  Mme  \Iedon', 

notre  prima  donna  de  l'année  dernière,  revient,  tout  exprès  pour  le  tirer 

de  peine,  de  Saint-Pétersbourg,  où  elle  se  faisait  applaudir  à  côté  de 

Mmes  Grisi  et  Persiani.  Aime  Medori  achèvera  la  saison  dans  l'emploi  qu'elle 

a  déjà  tenu  brillamment. 

Les  dernières  nouveautés  représentées  au  Théâtre-Royal  sont  Masquita 
la  sorcière,  de  M.  Boisselot,  et  le  Démon  de  la  nuit,  de  M.  Rosenhain.  On  a 
reconnu,  dans  le  premier  de  ces  opéras,  le  talent  agréable  du  compositeur 
de  Ne  touchez  pas  à  la  Reine.  Le  second  excitait  un  intérêt  particulier. 
Vous  n'ignorez  pas  que  M.  Rosenhain,  fu3fant  l'émeute  parisienne,  a  ha- 
bité Bruxelles  pendant  une  partie  de  l'année  1848.  Vous  savez  également 
que  sa  symphonie,  à  laquelle  le  public  de  la  Société  des  concerts  a  fait  de- 
puis lors  un  accueil  favorable,  a  été  exécutée  pour  la  première  fois  par 
l'orchestre  de  notre  Conservatoire.  On  était  curieux  de  comparer  le  com- 
positeur dramatique  à  l'auteur  d'œuvres  instrumentales  justement  esti- 
mées. Les  formes  distinguées  de  la  partition  du  Démon  Je  la  nuit  n'ont 
pas  trompé  l'attente  favorable  de  nos  dilettantes.  Malgré  son  titre  de  grand 
opéra,  malgré  ses  récitatifs,  l'ouvrage  de  M.  Rosenhain  a  été  exécuté  par 
les  artistes  de  notre  troupe  d'opéra-comique.  C'est  qu'en  effet  le  Démon 
de  la  nuit  est  un  véritable  opéra-comique  ;  c'est  qu'il  eût  été  beaucoup 
mieux  placé  au  théâtre  de  la  place  Favart  qu'à  celui  de  la  rue  Lepelletier. 
D'ailleurs,  le  compositeur  n'a  pas  perdu  à  cette  distribution  des  rôles,  car 
nos  chanteurs  légers  ne  manquent  pas  de  talent,  tandis  que  nos  forts  chan- 
teurs sont  les  plus  médiocres  du  monde.  M.  Rosenhain  a  eu  pour  inter- 
prètes Mme  Cabel ,  M.  Barbot  et  M.  Carman ,  baryton  plein  de  goût  et 
digne  élève  de  M.  Géraldy. 

On  annonce  pour  lundi  la  reprise  du  Siège  île  Corinthe,  qui  n'a  pas  été 
joué  depuis  quelque  vingt  ans.  Raymond,  de  M.  Ambroise  Thomas,  est  à 
l'étude.  Enfin ,  on  compte  s'occuper  prochainement  du  dernier  opéra  de 
M.  Limnander,  notre  compatriote. 

La  Gazette  musicale  nous  a  apporté,  il  y  a  plus  d'une  semaine,  la  nou- 
velle du  départ  de  M.  Prudent  pour  la  Belgique  ;  nos  journaux  l'ont  répétée 
à  leur  tour  ;  mais  l'habile  virtuose  n'a  pas  encore  franchi  les  murs  de 
notre  capitale,  où  l'attend  avec  une  curieuse  impatience  toute  la  popula- 
tion pianotante,  laquelle  est,  proportion  gardée,  autant  et  plus  considé- 
rable peut-être  qu'à  Paris.  M.  Prudent  n'avait  pas  encore  pris  rang  parmi 


24 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS. 


BUAUBIJS 


EDITEURS. 


1CK5,  i-ue  B65e5selien. 


E 


LECARPENTTIER 

Mosaïque  sur  les  Treize,  2  suites,  chaque    .   .  6     ■• 

Mosaïque  sur  le  Shérif,  2  suites,  chaque  ...  0     » 
Op.  37.  Trois  mélodies  de  Schubert,  variées  : 

N°  1.  La  Sérénade il  50 

2.  Adieu 4  50 

3.  Rosemonde 4  50 

Op.  42.  Variations  brillantes  sur  la  Favorite.  6     » 
Op.  54.  Fantaisie  sur  la  Reine  de  Chypre  ..Ou 

12°  bagatelle  sur  le  Lnc  des  Fée* 5     » 

13e         —         sur  Guido  et  Ginevra 5     » 

14e         —         sur  les  Treize 5     - 

15'        —        sur  le  Shérif 5     » 

10'        —        sur  la  Tarentelle,  de  Rossini.  .  5    * 

23'        —        sur  Zanetia 5     .. 

Op.  94.  Fantaisie  facile  sur  la  Sirène  ....  5    » 

24"  et  25e  bagatelle  sur  la  Favorite,  chaque.  5     » 

26e  et  27e        —        sur  le  Guilarrero,  chaq.  5     » 
33e  et  34e        —        sur  la  Reine  de  Chypre, 

chaque 5     » 

30'  et  37"        —        sur  Charles  VI,  chaque  .  6 

44'  bagatelle  sur  O/ello 5 

45e        —        sur/  Puritani 5 

46'        —        sur  la  Muette  de  Portici  ...  5 

47'        —        sur  la  Danse  des  Esprits    ...  5 

48e         —        sur  Moïse 5 

49'        —        sur  le  Cheval  de  Bronze  ...  5 

50,:        —        sur  le  Réveil  d'un  beau  jour.    .  5 

52e        —        sur  la  Barçarqlle 5 

53'        —        sur  Guillaume  Tell.   .....  5 

54°        —        sur  le  Philtre 5 

55'        —        sur  le  S/abat,  de  Rossini.   ...  5 

56'        —        sur  le  Seiment 5 

57"        —        sur  le  comte  Ory 5 

59'        —        sur  Fra  Diavolo 5 

60   et  61e  bagatelle  sur  les  Mousquetaires  de 

la  Reine,  chaque 5 

63°  bagatelle  sur  le  Bm  bier  de  Sétiilte.  ...  5 

64e        —        sur  la  Doni.adel  Lago  ....  5 

65e        —        sur  la  Norma 5 

66'        —        sur  la  Gazza  ladra 5 

67"        —        sur  II  Matriinonio  srgreto  .    .  5 

68e         —         sur  la  Fianeee 5 

69e        —        sur  le  Dieu  et  la  Rayadère.   .  5 

70'        —        sur  tlaliana  in  Algeri  ....  5 

71"        —         sur  Lestocq 5 

75'       —       sur  Suit ana 5 

76"       —       sur  le  Siège  de  Corinthe.  ...  5 

77"        —        sur  le  Pirate ;"> 

78'         —         sur  Jnconde 5 

79'        —        sur  le  Tromp.  de  M.  le  Prince  5 

82'        —        sur  Robert  Bruce 5 

83'        —        sur  Jeannot  et  Colin 5 

84e        —        sur  Elisire  d'amore 5 

86"        —        sur  Zelinire 5 

87"        —        sur  les  motifs  d'Hérold 5 

88"        —        sur  la  Bergère  châtelaine  ...  5 

89'         —         sur  Cenrtrillon 5 

00"        —        sur  les  Soirée;  de  Rossini  ...  5 

91e        —        sur  Aclèon 5 

92"        —        sur  Marie-  Thérèse 5 

93'        —        sur  le  Portefaix 5 

94'        —        sur  le  Malheur  d'être  jolie  .   .  5 

95'        —        sur  les  Chapirons  blancs  ...  5 

98'        —        sur  les  Chasses  de  Labarre  .   .  5 

99'        —        sur  le  Billet  de  Loterie  ....  5 

100"      —        sur  Tançred' 5 

loi"      —        sur  Haydée   .    . 5 

102'      —        sur  la  Niobé 5 

103e      —       sur  Anna  Bolena 5 

104'      —         sur  Don  Juan 5 

106"  1"  batelle  sur  le  Val  d'Andorre  .   .   .   .  i 


107  2' 
108" 
109"  1" 
110"  2" 
116°  1" 
117"  2" 
122  1" 
123"  2" 
124'  1" 
125"  2" 
127"  1" 
128'  2" 


sur  le  Val  d'Andor 

sur  le  Violon  du  Diable.    . 

sur  le  Prophète 

sur  le  Prophète. 

sur  la  Fee  axix  Roses  .  .  . 
sur  la  Fée  aux  Roses  .  .  . 
sur  l'Enfant  prodigue.  .  . 
sur  l'Enfant  pi  odigue.  .  . 
sur  la  Dame  de  Pique.  .  . 
sur  la  Dame  de  Pique.   .    . 

sur  Zerline 

sur  Zerline 


HEM!  LMOfflS- 

Op.  11.  Divertissement  sur  Guillaume  Tell  .  5 

12'        —        sur  le  l'ié aux  Clercs 5 

13'        —        sur  le  galop  de  Gustave.    ...  5 

25'        —         sur  Y  Ambassadrice 5 

26"        —        sur  le  Domino  voir 6 

Bagatelle  sur  les  Diamanh  de  lu  Couronne  .  5 

—  sur  la  Part  du  Diable 5 

—  sur  la  Sirène 5 


Op.     99.  Fantaisie  sur  le  Duc  d'Olonne.   .    .  5  » 

Op.  110.        —        sur  la  Part  du  Diable  .    .  6  » 

Op.  124.         —        sur  USirène. 7  50 

Op.  127.        —        sur  la  Barcanillc  ....  6  » 
Op.  136.        —        sur  les  Mousquetaires  de 

la  Reine 6  >. 

Op.  137.  Les  Mignonnes,  3  petites  fantaisies, 
3  suites  : 

N°  t.  Le  Domino  noir 5  » 

2.  Les  Diamants  de  la  Couronne.    ...  5  » 

3.  Le  Pré  aux  Clercs 5  » 

Op.  140.  Fantaisie  sur  Robert  Bruce  ....  6  » 

Fantaisie  sur  Guillaume  Tell 7  50 

Fantaisie  sur  HagU.ee 5  » 


Fleurs  des  Opéras,  douze  mélanges  sur  des 
opéras  favoris  de  Rossini  et  d'Auber  : 

N"  1.  Fra  Diavolo 6 

2.  Les  Diamants  de  la  Couronne  ....  6 

3.  La  Part  du  Diable,  premier  mélange   .  6 

4.  La  Muette  de  Portici 6 

5.  La  Sirène 6 

6.  Guillaume  Tell 6 

7.  Moïse 6 

8.  Le  Domino  noir 0 

9.  La  Gazza  ladra G 

10.  La  Part  du  Diable,  deuxième  mélange  6 

11.  Haydée. 6 

12.  Siège  de  Corinthe 6 

CROISEE' 


Op.  25.  Fantaisie  brillante  sur  la  Sirène. 
Op.  42.  Petite  fantaisie  sur  Haydée.  .  . 
Fantaisie  facile  sur  Robert  Bruce.  .  .  . 
Op.  47.  Fantaisie  sur  le  yald'Àndorre  . 
Op.  49.  Souvenir  de  la  Fée  aux  Roses.   . 


Q.    &EDLER. 

Le  Livre  d'or  des  jeunes  demoiselles  : 
Op.  45.  1"  bagatelle  sur  Robert-le- Diable.   . 
Op.  46.  2*       "— -        sur  la  Favorite  .... 

Op.  47.  3e        —        sur  la  Juive 

Op.  48.  4"  —  sur  les  Huguenots  .  .  . 
Op.  49.  5"  —  sur.  la  Reine,  de  Chypre. 
Op.  50.  6'  —  sur  Charles  VI  ...  . 
Op.  56.  7"  —  sur  le  Déserteur.  .  .  . 
Op.  74.  Variations  sur  le  Lazsarone  .... 
Op.  79.  Les  Roses  sans  épines,  en  6  livres  : 

Liv.l.  Huit  petits  airs  faciles 

2.  Huit  petits  airs  de  divers  carac- 

tères   

3.  Quatre  binettes 

4.  Trois  rondinos 

5.  Deux  divertissements 

6.  Variations  sur  un  thème  original 
Op.  98.  Valses  sur   les  Mousquetaires  de  la 

Reine 

Op.  137.  Fantaisie  sûr  le  Val  d'Andorre.   .   . 

Op.  141.  Fantaisie  sur  la  Fée  aux  Roses.   .    . 

Op.  144.  Fantaisie  sur  Giralda 

Op.  147.  Petite  fantaisie  sur  l'Enfant   pro- 
digue     


Op.  21.  Variations  sur  la  marche  de  Moïse.  . 
Op.  31.  Fantaisie  sur  la  Muette  de  Portici  . 

Op.  32.        —        sur  le  Comte  Ory 

Op.  42.        —        sur  Fra  Diavolo 

Op.  54.  —  sur  un  motif  du  Serment.  . 
Op.  56.  —  str  le  Préaux  Clercs.  .  . 
Op.  58.        —        sur    Gustave     ou    le  Bal 

masqué . 

Op.  64.  Variations  sur  Lestocq 

Op.  66.  Variations  sur  une  cavatine  de  Bellini 
Op.  70.  Fantaisie  sur  le  chœur  des  buveurs  de 

la  Juive 

Op.  75    Divertissement  sur  l'Eclair 

Op.  76.  Deux  divertissements  sur  les  Hugue- 
nots, 2  suites,  chaque 

Op.  85.  Une  heure  de  loisir,  3  divertissements 

sur  des  valses  de  Strauss,  3  suites,  ch . 
Op.  85.  Trois  fantaisies  sur   Guido  cl  Gine- 

vra,  3  suites,  chaque 

Op.  86.  Deux  divertissements  sur  le   Domino 

noir,  2  suites,  chaque 

Op.  88.  Six  bagatelles  sur  des  motifs  d'Auber 

et  de  Rossini,  3  suites  : 
N°  1.  Le  Philtre,  la  Fiancée 

2.  Le  Siège   de  Corinthe ,  le  Cheval  de 
bronze  

3.  Guillaume  Tell,  l'Ambassadrice  .   .    . 
Récréations  de  l'Etude,  choix  de  morceaux  fa- 
ciles tirés  des  opéras   de.  Rossini ,  Weber, 
Meyerbeer,  Bellini,  Carafa  et  Beethoven  .   . 

Souvenirs  des  compositeurs  célèbres,  ou  choix 
d'airs  favoris  d'Auber,  Bellini,  Rossini,  Hé- 

rold,  2  suites,  chaque 

Op.  95.  Deux  divertissements  sur  le  Lac  des 

Fées,  2  suites,  chaque 

Premières  leçons  de  piano,  choix  d'airs  très- 
faciles,  doigtés  soigneusement  pour  les  com- 
mençants, 2  suites,  chaque 

Op.  96.  Deux  divertissements  sur  les  Treize, 

chaque 

Op.  99.  Deux  divertissements  sur  le  Shérif, 

chaque 

Op.  102.  Deux  divertissements  sur  les  motifs 
de  Zaneila,  2  suites: 

N"  1.  La  Chasse 

2.  Le  Galop 

Op.  104.  Réminiscences  italiennes,  six  thèmes 
faciles,  3  suites  : 
N"  1.  Polacca  sur  un  thème  do  Donizetti, 
Ronde  sur  un  thème  de  Mercadente.   . 

2.  Variations  sur  un  thème  de  Bellini, 
Rondo-valse  sur  un  thème  de  Rossini 

3.  Variations  sur  un  thème  de  Bellini, 
Ronde  sur  un  thème  de  Donizetti  .    . 

Op.  107.  Rondo-galop  sur  la  Favorite.    .    .   . 

Op.  111.  Deux  rondeaux  sur  les  Diamants  de 
la  Couronne,  2  suites,  chaque    .   .    . 

Op.  117.  Deux  rondos  sur  le  Duc  d'Olonne,  2 
suites,  chaque 

Op.  126.  Deux  fantaisies  sur  la  Pari  du  Dia- 
ble, 2  suites,  chaque 

Op.  135.  Deux  fantaisies  sur  la  Sirène,  2  sui- 
tes, chaque 

Op.  148.  Deux  fantaisies  sur  la  Rarcarolle, 
2  suites,  chaque 

Op.  155.  Souvenirs  d'Italie,  3  fantaisies  faci- 
les, 3  suites  : 
N°  1.  Les  Puritains,  de  Bellini 

2.  Marina  Faliero,  de  Donizetti 

3.  Les  Soirées  musicales,  de  Rossini  .   . 
Op.  160.  Fantaisie  sur  les  Mousguelairis  rie 

la  Reine 

Op.  166.  Deux  fantaisies  sur  Rob'rt  Bruce,  2 
suites,  chaque 

Op.  178.  Cavatine  et  Barcarolle  sur  Haydée, 
2  suites,  chaque 

Op.  181.  Fantaisie  sur  le  Val  d'Andorre  .    . 

Op.   182.         —        sur  le  Prophète 

Op.  185.        —        sur  la  Fée  aux  Roses  .    . 

Op.  193.  Deux  fantaisies  sur  l'Enfant  prodi- 
gue, 2,  suites,  chaque 

Op.  11)4.  Fantaisie  sur  la  Dame,  de  Pique  .   . 

Op.  198.  Deux  fantaisies  sur  Zerline  ou  la 
Corbeil  d'oranges  2  suites,  chaque.. 


BUREAUX  A  PARIS  :  BOULEVART  DES  ITALIENS,  1. 


10e  Année. 


On  e'ubonne  dans  les  Départements  el  h  l'Ètrni 
cuez  Unis  1rs  Marchanda  de  Musique,  les  Liur 

et  tiUX  tlurciiux  îles  .Messng.riis  i  t  des  posl.> 


lomli.s. 

Veswlcl  C*,  220,  Hcgrnl  strect 

St-1'ctcrobo 

irg.Bellwird. 

New-York. 

Scllurfenbcrg  et  luis. 

Madrid. 

Union  nrtislito-liiusjcule. 

nome. 

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Aiiurterdam. 

Bureau  îles  Postes. 

Berlin. 

Schlesinger,  3t,  u.il.  Linden. 

— 

Bote  l-[  Bock,  42,  JucgLTstr. 

Leipzig. 

Michelsen. 

I.lsboiiuc. 

Snssetti. 

N°  4. 


REVUE 


2S  Janvier  1851. 


Prix  de  I  Abonnement  : 

Pnris.  un  /in ...  24  fr. 

Départements,  Relique  «t  Suisse 30 

Étranger        31 

Annonce». 

50  centimes  la  ligne puur  i  fois 

30  centimes  lu  ligne       pour  3  fois. 

20  centimes  la  ligne pour  (i  fois. 

Le  Journal  paruit  le  Dimanche. 


GAZETTE  MUSICALE 


m  Fâiis 


^a/V\AT©©<3€UVVVw- 


SOMMAIRE.  —  Société  Sainte-Cécile  et  autres  séances  musicales  par  Henri 
Blanchard.  —  La  comédie  des  opéras.  —  Réorganisation  des  musiques  régi, 
mentaires  eu  France.  —  Nécrologie,  Frédéric  Ricci.  —  Traité  relatif  à  la  propriété 
littéraire  et  artistique  entre  la  France  et  l'Angleterre.  —  Correspondance,  Lille, 
Liège  et  Bruxelles.  —  Nouvelles  et  annonces. 


SOCIETE  SAINTE-CÉCILE. 

Premier  Concert 

ET     AUTRES     SÉANXES     MUSICALES. 

On  ne  saurait  trop  encourager  la  Société  de  Sainte-Cécile  :  les  ar- 
tistes qui  composent  son  armée  instrumentale  rivalisent  les  premiers 
orchestres  de  Paris  pour  l'ensemble,  la  verve,  les  nuances  et  le  zèle 
patient  qu'ils  apportent  aux  répétitions  et  dans  l'exécution  publique  des 
chefs-d'œuvre  de  nos  grands  maîtres  qu'ils  ressuscitent ,  auxquels  ils 
redonnent  vie  et  sang,  passion  et  poésie.  L'ouverture  de  Fidelio,  en  mi 
majeur,  a  d'abord  été  dite  avec  chaleur  ;  et  puis  est  venu  le  joli  chœur 
à  quatre  voix,  sans  accompagnement,  du  commencement  du  xvne  siè- 
cle :  Las\  il  n'a  nul  mal  qui  n'a  le  mal  d'amovr,  etc.,  par  le  maître  de 
chapelle  de  Louis  XIII.  Cette  musique  des  temps  passés  est  toute  em- 
preinte d'un  caractère  de  mélancolie  et  de  naïveté  qu'il  semble  que  les 
compositeurs  de  nos  jours  ne  pourraient  retrouver. 

Mlle  Stubb,  cantatrice  allemande,  a  dit  dans  sa  langue  natale  le  grand 
air  du  Freisçhûtz,  déjà  un  peu  usé,  et  qui  convient  mieux  à  la  scène 
qu'au  concert  ;  et  puis,  il  faut  le  dire ,  si ,  après  la  langue  italienne,  si 
lyrique  par  sa  prosodie  musicale,  quelques  auditeurs  à  l'ouïe  fine,  exer- 
cée, trouvent  que  la  langue  française  manque  de  souplesse  et  de  sono- 
rité accouplée  avec  la  mélodie,  ils  sont  fondés  à  trouver  peu  agréables 
les  langues  allemande,  anglaise,  russe,  suédoise  ou  autres,  unies  à  la 
musique. 

M.  Camille  Saint-Saëns,  qui  naguère  était  un  enfant  précoce,  extra- 
ordinaire même,  comme  on  le  lui  a  dit  et  redit  trop  souvent,  est  main- 
tenant un  grand  jeune  homme  qui  joue  proprement  du  piano,  comme 
plusieurs  pianistes  en  assez  bon  nombre  que  nous  possédons.  Il  a  exé- 
cuté le  concerto  en  sol  de  Mozart  d'une  façon  nette  et  soigneuse  qui 
a  laissé  l'auditoire  impassible  et  froid.  Sentant  cela,  il  a  voulu  ani- 
mer l'orchestre,  pour  échauffer  le  public  et  s'animer  lui-même; 
mais  on  n'échauffe  ses  accompagnateurs  et  son  public  que  lorsqu'on  a 
en  soi  le  feu  sacré  ;  et  nous  ne  croyons  pas  M.  Saint-Saëns  atteint  et 
convaincu  de  ce  don  du  ciel.  C'est  un  habile  mécanicien  par  les  doigts, 
mais  qui  montre  peu  d'âme,  peu  de  passion  en  interrogeant  son  instru- 
ment :  il  disserte  sur  le  piano. 

L' Hymne  du  sacrifice,  morceau  avec  chœur  et  solo,  par  Beethoven  , 
était  exécuté  pour  la  première  fois  à  Paris  ;  il  n'a  pas  produit  un  effet 
1  digne  du  grand  maître  de  la  symphonie.  Le  solo  a  été  bien  dit  par 
Mlle  Stubb,  et  les  choristes  ont  bien  fonctionné. 


Les  honneurs  de  la  séance  ont  été  pour  la  symphonie  nouvelle  en  la 
majeur  de  Mendelssohn,  exécutée  aussi  dernièrement  à  la  Société  des 
concerts.  C'est  une  belle  œuvre  d'harmonie,  d'instrumentation  et  de  mé- 
lodie. On  n'a  jamais  fait  usage  du  style  fugué,  de  l'imitation  obstinée  ; 
on  n'a  jamais  mieux  manié  l'orchestre  que  le  savant  compositeur  ne  l'a 
fait  dans  cette  symphonie.  Si  on  voulait  apercevoir  une  tache  dans  ce 
soleil  de  science,  si  on  pouvait  lui  faire  un  reproche,  ce  serait  d'être 
trop  consciencieusement  harmonique,  trop  bien  fait.  On  y  voit  partout 
resplendir  ce  soleil  du  savoir. 

Il  faudrait  un  long  article  pour  analyser,  pour  faire  saillir  toutes  les 
beautés  du  nouveau  chef-d'œuvre  de  l'auteur  du  Paulus  et  de  YÉlie; 
et  comme  l'espace  nous  fait  défaut,  nous  reviendrons  sur  ce  bel  ou- 
vrage dont  M.  Seghers  et  ses  dignes  confrères  en  chaude  interprétation 
nous  donneront  sans  doute  une  nouvelle  édition. 

Matinées   de    musique  de   elianibre. 

MM.  Alard,  Franchomme  et  leurs  alter  ego  continuent  cette  année 
leurs  intéressantes  séances  des  trios,  quatuors  et  quintettes  de  nos 
belles  œuvres  classiques.  Alard  empreint  cette  musique,  qui  paraît 
froide  comme  la  poésie.de  Racine  mal  dite,  d'une  chaleur  qui  se  com- 
munique à  son  auditoire,  et  transforme  cet  auditoire  distingué  en  vrais 
dilettanti  de  musique  instrumentale,  ce  qui  ne  s'était  encore  vu  que 
parmi  les  artistes,  assez  généralement  nourris  des  bons  modèles.  Ces 
habiles  exécutants  semblent  avoir  découvert  dans  Haydn,  Mozart, 
Beethoven,  etc.,  une  nouvelle  Californie  musicale  d'où  ils  extraient  les 
trésors  de  l'art.  Nous  suivrons  avec  plaisir  ces  matinées  artistiques , 
ne  fût-ce  que  pour  signaler  à  nos  lecteurs  toutes  les  idées  neuves 
que  contient  ce  qu'on  appelle  la  vieille  musique  et  qu'on  cherche  assez 
vainement  dans  la  musique  nouvelle. 
Mlles  Chassant,  Zélina  Vautler,  Mnlle ville,  Galtler. 

Et  maintenant,  en  galant  chevalier,  à  la  rescousse  de  nos  charmantes 
pianistes  que  l'on  enlève,  qu'on  se  dispute  dans  toutes  les  matinées  et 
soirées  musicales.  Il  s'agit  d'abord  de  ne  pas  les  confondre,  car  l'indi- 
vidualité n'est  pas  facile  à  distinguer,  à  constater  parmi  ces  virtuoses. 
Mlle  Camille  Chassant  est  une  jeune  artiste  au  jeu  fin,  délicat,  irrépro- 
chable, formée  à  ce  jeu  de  demoiselle  par  Mme  Pierson-Bodin,  qui  est 
elle-même  une  excellente  pianiste.  Mlle  Chassant  possède  donc  déjà 
sur  le  piano  un  talent  qui  lui  permet  à  'interpréter,  comme  on  dit  assez 
improprement,  la  musique  classique  et  la  musique  moderne.  Quand 
elle  ne  laissera  pas  tomber  la  fin  de  ses  phrases  mélodiques,  qu'elle 
donnera  un  peu  plus  de  nerf,  de  brio  au  trait,  qu'elle  se  montrera  un 
peu  moins  demoiselle  craintive,  pudique,  musicalement  bien  entendu, 
elle  prendra  rang,  nous  n'en  doutons  pas,  parmi  nos  bonnes  pianistes. 

Mlle  Zélina  Vautier  est  une  autre  jeune  pianiste  qui  n'a  pas  plus  de 


26 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


treize  ans  et  demi  :  elle  est  de  l'école  Clémenti-Kalkbrenner-Stamaty, 
cette  école  claire,  limpide,  un  peu  calculée,  que  Beethoven,  YVeber  et 
Liszt  ont  dépassée  de  beaucoup  par  la  chaleur,  la  verve,  la  fougue. 
Mlle  Vautier  n'a  pas  trop  joué  en  petite  demoiselle  le  premier  morceau 
du  concerto  en  la  bémol,  de  JohnField;la  Truite,  de  Heller  ;  des 
études  de  Cramer,  de  Moschelès  et  de  son  habile  professeur  M.  Sta- 
maty,  enfin  la  fantaisie  sur  Guillaume  Tell,  par  Dcehler.  Il  y  a  du  son 
plus  qu'on  ne  pense  en  entendre  sous  les  doigts  de  cette  toute  jeune 
artiste  ;  elle  semble  s'impressionner  de  la  musique  qu'elle  exécute  ;  son 
trait  est  net  et  brillant.  Mme  la  comtesse  de  Riencourt  avait  donné 
l'hospitalité,  dans  son  hôtel,  à  ce  jeune  talent,  qui  a  de  l'avenir;  ell'ona 
entendu  dans  ces  salons,  dont  la  maîtresse  de  la  maison  a  fait  les  hon- 
neurs avec  un  empressement  de  cette  bonne  compagnie  qui  ne  se 
perdra  jamais  en  France  tant  qu'on  y  aimera  les  arts,  Mlle  Vavasseur, 
qui  a  dit,  d'un  excellent  style  de  chant ,  un  psaume  de  Marcello  et 
M.  Lefort  qui  a  chanté,  d'une  manière  remarquable,  le  bel  air  de  Joseph. 

Dire  que  Mlle  Charlotte  de  Malleville  donne  en  son  domicile  artisti- 
que des  soirées  musicales  avant  les  séances  brillantes  qui  lui  attirent 
un  nombreux  auditoire,  c'est  annoncer  qu'on  entend  de  bonne  musi- 
que, bien  exécutée,  chez  Mme  de  Malleville. 

Et  pour  en  finir  aujourd'hui  par  une  virtuose  exceptionnelle,  ayant 
porté  nos  investigations  artistiques  jusqu'en  province,  nous  vous  signa- 
lerons une  pianiste,  âgée  de  six  ans,  qui  s'est  fait  entendre  tout  nouvelle- 
ment dans  le  département  de  l'Hérault.  Fille  de  Mme  Galtier,  qui,  elle- 
même,  estime  pianiste  distinguée,  se  jouant  de  toutes  les  difficultés,  en 
jouant  avec  aisance  la  musique  de  Mendelssohn  et  de  Prudent,  notre 
petit  et  véritable  phénomène,  âgé  de  six  ans,  fait  six  cents  notes  par 
minute,  sans  mal  ni  dolor,  comme  disent  les  charlatans  italiens,  et  se 
dispose  avenir  se  mettre  à  la  disposition  de  M.  le  baron  Taylor,  et  don- 
ner un  concert  au  bénéfice  de  l'Association  des  artistes  musiciens. 

L'Ami  des  Salons,  journal  d'art  de  Montpellier,  dit  que  Mlle  Galtier, 
charmante  enfant  de  six  ans,  a  exécuté  de  ses  petites  mains  un  morceau 
du  Barbier  de  Seville  et  une  fantaisie  sur  le  Domino  Noir.  Qu'on  se  le 
dise,  et  qu'on  espère  voir  se  réaliser  un  de  ces  jours  le  concert  de  l'en- 
fant de  trois  mois  signalé,  il  y  a  quelque  temps,  par  une  charmante 
lithographie  de  Gavarni,  donnée  à  ses  abonnés  par  la  Gazette  musicale. 

Henri  BLANCHARD. 

LA  COMÉDIE  DES  OPÈBAS. 

Les  représentations  du  genre  rétrospectif  données  tout  récemment 
sur  deux  de  nos  grandes  scènes,  ont  ramené  l'attention  sur  Lully  et  sur 
l'Opéra  dont  il  fut  le  créateur.  Lully,  comme  chacun  sait,  y  gagna  beau- 
coup de  gloire  et  d'argent  :  l'Opéra,  qui  plus  tard,  devait  ruiner  tant 
d'entrepreneurs,  commença  par  faire  sa  fortune.  11  ne  faudrait  pas  s'i- 
maginer pourtant  que  le  théâtre  naissant  fût  du  goût  de  tout  le  monde; 
au  contraire,  il  rencontra  de  rudes  ennemis,  parmi  lesquels  Saint- 
Evremond  mérite  d'occuper  la  première  place. 

Cet  écrivain,  alors  si  célèbre  et  si  populaire,  attaqua  l'Opéra  de  tou- 
tes les  façons.  11  ne  se  contenta  pas  d'une  dissertation  en  forme,  dans 
laquelle  il  lança  cette  définition  fameuse,  d'après  laquelle  l'opéra  ne 
serait  «  qu'un  travail  bizarre  de  poésie  et  de  musique,  où  le  poète  et  le 
»  musicien,  également  gênés  Vun  par  l'autre,  se  donnent  beaucoup  de 
»  peine  pour  faire  un  mauvais  ouvrage.  »  Il  écrivit  une  petite  pièce, 
intitulée  la  Comédie  des  opéras,  dans  laquelle  il  devança  l'invention 
du  vaudeville,  en  accablant  le  genre  nouveau  de  railleries  et  de  sar- 
casmes plus  spirituels  que  concluants. 

Voici  un  passage  de  cette  pièce,  dont  ta  conception  n'est  rien,  et  qui 
ne  se  sauve  que  par  quelques  traits  de  dialogue. 

Crisotine(Ie  nom  est  joli!),  fille  d'un  conseiller  au  présidial  de  Lyon, 
persuade  à  son  père  qu'à  Paris,  depuis  l'invention  de  l'opéra,  tout  le 
monde  chante  au  lieu  de  parler. 

—  S'ils  chantent!  dit-elle,  s'ils  chantent!....  C'est  dommage  qu'un 
homme  du  monde  voulût  entretenir  une  compagnie  avec  la  pure  et 


simple  parole,  comme  on  faisait  autrefois  !  On  le  traiterait  d'homme  du 
vieux  temps...  les  laquais  se  moqueraient  de  lui! 

—  Et  dans  la  ville  ?  reprend  le  père. 

—  Je  vous  dirai,  répond  la  jeune  fille.  Tous  les  gens  un  peu  consi- 
dérables sont  comme  les  gens  de  la  cour.  Il  n'y  a  plus  qu'à  la  rue  Saint- 
Denis,  à  la  rue  Saint-Honoré  et  sur  le  pont  Notre  Dame,  où  la  vieille 
coutume  se  pratique  encore.  Chez  Gautier,  à  l'orangerie,  chez  tous  les 
marchands  qui  fournissent  les  dames  d'étoffes,  de  galanteries,  de  bi- 

j  oux,  tout  se  chante,  et  si  les  marchands  qui  suivent  la  cour  ne  chan- 
taient pas,  on  confisquerait  leurs  marchandises.  On  dit  qu'il  y  a  un 
grand  ordre  pour  cela.  On  ne  fait  plus  de  prévôt  des  marchands  qui  ne 
sache  la  musique,  et  que  M.  Lully  n'examine  pour  voir  s'il  est  capable 
de  faire  observer  les  règles  du  chant  ! 

C'est  ainsi  que  Saint-Évremond  raillait  la  substitution  du  chant  à  la 
parole;  ce  qui  n'empêcha  nullement  l'Opéra  de  grandir  et  de  prospé- 
rer. Après  lui,  cette  forme  de  plaisanterie  a  été  usée  jusqu'à  la  corde, 
ce  qui  n'empêche  pas  qu'on  ne  l'emploie  encore  tous  les  jours. 

Voltaire  disait  qu'en  se  moquant  de  l'opéra,  Saint-Évremond  prouvait 
seulement  qu'il  avait  l'oreille  dure. 

La  Bruyère  aussi  critiqua  le  genre  et  le  spectacle  :  «  Je  ne  sais  pas, 
»  disait-il,  comment  l'Opéra,  avec  une  musique  si  parfaite  et  une  dé- 
»  pense  toute  royale,  a  pu  réussir  à  m'ennuyer.  »  Nous  le  savons  bien, 
nous,  qui  avons  nos  raisons  pour  ne  pas  trouver  si  parfaite  la  musique 
de  Lully,  et  qui  voyons  faire  des  dépenses  beaucoup  plus  royales  que 
celle  devant  laquelle  s'extasiait  La  Bruyère.  Du  reste,  l'immortel  écri- 
vain n'avait-il  pas  lui-même  le  pressentiment  de  l'avenir  lorsqu'il 
écrivait  ceci  :  «  L'on  voit  bien  que  l'Opéra  est  l'ébauche  d'un  grand 
»  spectacle:  il  en  donne  l'idée.  »  Rien  de  plus  juste  :  Lully  avait  tracé 
l'ébauche  ;  d'autres  ont  achevé  le  monument. 

P.  S. 


RÉORGANISATION  DES  MUSIQUES  RÉGIMENTAIRES  EN  FRANCE, 

PAR  A.  PERRIN. 

Nous  venons  tard  pour  dire  ce  que  nous  pensons  du  petit  écrit 
publié  par  M.  A.  Perrin,  dans  l'intérêt  et  pour  l'amélioration  de  notre 
musique  militaire.  C'est  que,  nous  l'avouerons,  nous  ne  nous  trouvons 
pas  dans  une  position  commode  qui  nous  permette  d'exprimer  un  avis 
net  et  tranché.  Si,  d'une  part,  nous  sommes  pleinement  d'accord  avec 
l'auteur  et  les  hommes  distingués  qu'il  représente,  dans  le  désir  de 
faciliter  le  progrès,  de  l'encourager,  de  le  hâter  par  tous  les  moyens 
possibles  ;  de  l'autre,  nous  différons  avec  lui  sur  le  fait  qu'il  prend 
pour  base  et  principe,  à  savoir  :  la  décadence  actuelle  et  continue  de 
nos  musiques  régimentaires,  ainsi  que  leur  infériorité  presque  géné- 
rale à  toutes  les  autres  musiques  de  l'Europe.  De  plus,  nous  ignorons 
complètement  si  le  remède  qu'il  propose  à  ce  prétendu  mal ,  et  qui 
nous  semble  bon  au  point  de  vue  de  l'art,  est  admissible  et  praticable  au 
point  de  vue  militaire.  Nous  l'énoncerons  donc  seulement,  sans  l'a- 
dopter ni  le  rejeter,  laissant  à  d'autres  plus  compétents  que  nous  le  soin 
de  prononcer  en  connaissance  de  cause. 

D'abord,  sur  l'état  actuel  de  notre  musique,  nous  en  appelerons 
au  témoignage  de  deux  autorités  que  M.  A.  Perrin  ne  récusera  pas, 
puisqu'il  l'a  transcrit  lui-même  à  la  fin  de  sa  brochure.  Tout  en 
appréciant  ses  idées,  MM.  Adolphe  Adam  et  Sax  lui  déclarent  qu'ils 
sont  frappés  du  progrès  au  lieu  d'apercevoir  la  décadence.  Le 
premier  dit,  en  propres  termes  :  «  Membre  de  la  Commission 
»  de  1845,  je  ne  puis  qu'approuver  vos  convictions,  qui  étaient  les 
»  nôtres,  puisque  les  mesures  que  vous  conseillez  sont  celles-là 
»  mêmes  que  nous  avons  proposées.  Loin  de  partager  votre  opinion 
»  sur  la  décadence  de  la  musique  militaire,  je  crois  au  contraire  que 
»  ses  progrès,  depuis  quelques  années,  sont  dus  à  quelques  unes  des 
»  mesures  que  la  Commission  avait  proposées.  »  Et  le  second  s'exprime 
ainsi  :  «  Quant  à  l'infériorité  de  nos  musiques,  je  ne  partage  pas  votre 


DE  PARIS. 


27 


.1  opinion  sur  ce  point.  Nos  musiques  de  cavalerie,  réorganisées  d'a- 
»  près  le  nouveau  système,  me  paraissent  les  meilleures  do  l'Europe, 
»  et  dans  nos  musiques  d'infanterie  il  y  en  a  pareillement  d'ex- 
»  cellentcs.  » 

Ceci  posé,  voyons  néanmoins  ce  qu'on  réclame  au  nom  de  l'art,  dont 
on  ne  saurait  contester  l'importance  dans  nos  armées.  Les  musiciens 
militaires,  exclus  de  tout  avancement,  de  toute  participation  aux  avan- 
tages, qui  se  traduisent  pour  les  soldats  en  élévation  de  grades,  de  trai- 
tements et  de  pensions,  sont  condamnés  à  une  immobilité  non  moins 
dommageable  pour  leur  talent  que  pour  leur  bourse.  Parvenus  au  rang 
de  solistes,  ils  ne  peuvent  prétendre  à  rien  au-delà  :  ils  ont  l'honneur 
de  porter  le  sabre,  l'agrément  de  se  décorer  du  pompon  tricolore  et  de 
galons  d'or  ou  d'argent.  Ils  reçoivent  une  haute  paie,  qui  varie  de  5,  à 
90  IV.  par  mois,  et  puis  c'est  tout,  ne  pouvant  jamais  obtenir  rien  de 
plus.  Ils  ont  leur  bâton  de  maréchal,  qui  se  trouve  n'être  qu'un  simple 
bâton  blanc,  lorsque,  fatigués  par  l'âge,  souvent  labourés  par  les  balles 
et  les  boulets,  qui  ne  respectent  pas  plus  les  musiciens  que  les  autres , 
ils  sont  contraints  de  rentrer  péniblement  dans  leurs  foyers. 

De  là  il  résulte  que  les  musiciens  ne  vieillissent  pas  sous  les  drapeaux, 
et  qu'ils  s'en  vont  dès  qu'ils  le  peuvent.  De  là  aussi  doit  naître  l'im- 
mense difficulté  d  établir  quelque  discipline  entre  des  hommes  qui  sont 
tous  égaux.  La  discipline  suppose  une  hiérarchie,  et  point  de  hiérarchie 
parmi  les  musiciens.  Que  faudrait-il  donc  faire?  C'est  M.  A.  Perrin  qui 
parle  :  «  Régulariser  la  position  des  soldats  musiciens  en  donnant  aux 
»  artistes  d'élite,  et  par  assimilation,  un  grade  et  une  autorité  qui  leur 
»  permissent  d'enseigner  utilement.  »  Il  faudrait  qu'après  quelques 
années  de  services  et  d'études,  un  musicien  pût  devenir  l'égal  d'un  ca- 
poral, d'un  sergent.  Il  faudrait  qu'à  la  tête  de  chaque  corps  de  musi- 
que fussent  placés  un  sous-chef,  ayant  rang  de  sergent-major,  et  un 
chef  ayant  rang  d'adjudant.  Nous  le  voulons  bien,  si  les  chefs  de  l'ar- 
mée y  consentent,  et  si,  à  côté  d'avantages  plus  que  probables ,  ils 
n'y  trouvent  des  obstacles  que  nous  ne  soupçonnons  pas  ;  nous  som- 
mes rapporteurs  et  non  juges. 

Là  finit  notre  tâche.  Après  avoir  parlé  du  fond ,  nous  n'ajouterons 
qu'un  mot  sur  la  forme,  et  nous  dirons  que  la  brochure  de  M.  A.  Perrin 
se  recommande  autant  par  la  clarté  que  par  l'élégance.  Nous  le  remer- 
cions de  nous  l'avoir  fait  lire,  et  nous  conseillons  à  tous  ceux  qui  vou- 
dront s'éclairer  sans  ennui  sur  la  situation  sociale  des  musiciens  mili- 
taires, de  faire  comme  nous. 

P.  S. 


NÉCROLOGIE. 

FRÉUÉRIC    RBCi'E. 

Sur  la  foi  d'un  journal  étranger,  nous  annoncions  dimanche  dernier 
la  mort  de  Luigi  Ricci,  et  c'était  Frédéric  qui  venait  de  succomber.  On 
pouvait  s'y  tromper,  tant  les  deux  frères  étaient  unis  par  le  sang,  par 
le  talent,  par  le  travail  !  Luigi  et  Frédéric,  qui  était  le  plus  jeune, 
avaient  fait  leurs  études  ensemble  au  Conservatoire  de  Naples.  Ils  com- 
posèrent aussi  en  commun  leurs  premiers  ouvrages,  sans  qu'on  pût  savoir 
au  juste  la  part  que  chacun  y  apportait.  Si  l'on  interrogeait  l'un  d'eux  à 
cet  égard,  c'était  toujours  l'autre  qui  avait  fait  ce  qu'on  y  trouvait  de 
meilleur.  Ils  donnèrent  ainsi  un  opéra  intitulé  :  Il  Colonnello,  dont  le 
rôle  principal,  que  Mme  Malibran  se  flattait  de  jouer,  fut  rempli  par 
Mme  Ungher.  D'autres  productions  succédèrent  à  celle-ci  ;  mais  leur  in- 
dividualité se  développant  avec  l'âge,  la  collaboration  cessa  et  non  l'a- 
mitié. Luigi,  en  qui  prédominait  l'instinct  comique,  donna  Un'  Av-ven- 
tura  diScaramuccia;  Frédéric,  plus  sérieux,  composa  et  fit  jouer  le 
Prigioni  d'Edimburgo. 

Luigi  et  Frédéric  avaient  longtemps  séjourné  à  Trieste,  où  le  pre- 
mier dirigeait  le  théâtre  et  le  second  tenait  l'emploi  de  maître  de  cha- 
pelle de  Saint-Just.  En  1836,  Frédéric  écrivit  pour  le  théâtre  de  la 
Scala,  à  Milan,  un  Duello  solto  Richelieu,  et  quelques  années  après 
Rolla  ou  le  Chef-d'œuvre  inconnu,  pour  celui  de  la  Pergola,  à  Flo- 


rence. Moriani  chantait  le  rôle  principal  avec  tant  d'effet,  que  les  villes 
d'Italie  se  disputèrent  l'ouvrage  et  l'artiste.  Presque  immédiatement,  le 
compositeur  donna  son  Corrado  d'Allamvra,  dont  le  succès  balança 
celui  du  JVabucodonosor,  de  Verdi,  représenté  vers  la  même  époque. 

Frédéric  Ricci  vint  à  Paris  pour  y  monter  ce  Corrado,  qui,  après  une 
longue  attente  et  de  longs  efforts,  y  fut  mis  en  scène  d'une  manière  presque 
bouffonne,  et,  quoique  chanté  par  Mario,  Ronconi  et  Mlle  Grisi,  ne  prit 
pas  place  au  répertoire.  De  retour  en  Italie,  il  écrivit  Eslella,  Uriselda, 
l'Amante  di  richiamo,  et  enfin  il  composa  pour  Venise,  aidé  par  son 
frère  Luigi,  Crispino  e  la  Comare,  oeuvre  fantastique,  dont  le  succès 
fut  éclatant.  En  voici  le  sommaire,  d'après  notre  confrère,  Fiorentino, 
à  qui  nous  empruntons  également  les  autres  détails  de  cet  article  : 

«  La  donnée  singulière  de  cette  pièce,  où  l'élément  bouffon  se  mêle  à 
»  chaque  instant  à  l'élément  surnaturel,  est  dans  le  goût  des  inventions 
»  les  plus  originales  du  Vénitien  Gozzi.  La  Mort  pénètre  tout  à-coup 
»  dans  l'échoppe  d'un  savetier  chargé  de  famille  et  de  misère.  —  Veux- 
»  tu  devenir  riche  et  puissant?  lui  dit-elle.  —  Je  le  veux  bien,  répond 
»  le  savetier.  —  Voici  ce  qu'il  faudra  faire,  dit  la  Mort.  Prends  cette 
»  robe  et  ce  bonnet  de  docteur  et  fais-toi  annoncer  chez  les  malades 
»  de  condition.  Si  tu  me  vois  apparaître  à  leur  chevet,  c'est  que  leur 
»  fin  approche,  et  tous  les  remèdes  sont  inutiles.  Si  je  ne  parais  point, 
»  tu  peux  prédire  hardiment  la  guérison.  Le  savetier  fait  des  cures 
»  merveilleuses,  et  change  bientôt  sa  misérable  échoppe  contre  un 
»  beau  palais  de  marbre,  orné  des  plus  admirables  chefs-d'œuvre  de 
»  Véronèse  et  du  Titien.  Mais  voilà  qu'un  jour,  après  un  somptueux 
»  repas,  notre  parvenu,  bouffi  d'orgueil,  étourdi  par  les  flatteries  de 
»  ses  bouffons  et  de  ses  parasites,  va  contempler  ses  beaux  habits  dans 
»  une  glace,  et,  jugez  de  sa  surprise  et  de  sa  terreur,  il  aperçoit  la 
>>  commère  au  nez  camus  qui  lui  frappe  amicalement  sur  l'épaule  et 
»  l'avertit  que  son  heure  a  sonné.  Le  savetier  tout  tremblaut  suit  la 
»  Mort  aux  enfers  et  assiste  à  des  scènes  épouvantables  qui  le  font  ré- 
»  veiller  en  sursaut.  Car  vous  avez  déjà  deviné  que  tout  ceci  n'est  qu'un 
»  rêve,  et  que  le  médecin,  redevenu  savetier,  se  trouve  très-heureux 
»  de  son  sort.  Le  public  accepta  ce  sujet,  si  en  dehors  des  habitudes 
»  du  théâtre  italien,  comme  une  fantaisie  d'artiste  et  un  jeu  d'esprit; 
»  mais  les  amis  de  Ricci  furent  saisis  de  cette  veine  de  tristesse  qui 
»  perçait  à  travers  les  plus  joyeuses  mélodies  et  la  plus  brillante  instru- 
»  mentation.  » 

Frédéric  Ricci  composa  lui-même  les  paroles  et  la  musique  de  l'un 
de  ses  derniers  ouvrages,  aussi  donné  à  Venise  :  /  due  ritralli.  Au 
mois  de  mai  1851,  il  fut  appelé  à  Varsovie,  où  ses  ouvrages  et  lui  fu- 
rent supérieurement  traités.  Le  2  décembre,  il  écrivait  à  Moriani  une 
lettre  qui  se  terminait  par  les  lignes  suivantes  :  «Adieu,  mon  très-cher 
»  ami;  je  pars  dans  quelques  jours  pour Saint-Pélersbourg,  où  j'ai 
»  beaucoup  de  connaissances.  J'y  passerai  deux  ou  trois  mois,  puis  je 
»  reviendrai  ici,  où  l'on  va  monter  plusieurs  de  mes  ouvrages.  Le 
»  printemps  prochain,  j'écrirai  un  opéra  comique  pour  Vienne,  dont 
»  les  rôles  principaux  seront  chantés  par  la  Maray,  la  Deméric  (que  je 
»  vais  voir  et  entendre  à  Saint-Pétersbourg),  Fraschini,  Debassini  et 
»  Scalese.  C'est  la  première  fois  que  la  fortune  me  sourit  et  que  je 
»  puis  compter  sur  une  troupe  excellente.  Si  je  ne  réussis  point,  ce 
»  sera  ma  faute.  Sais-tu,  mon  cher  Moriani,  que  je  ne  puis  songer  à 
»  cette  phrase  de  notre  Rolla  : 

l'na  pielra  senza  nome 
La  mia  tomba  coprirà. 

»  cette  phrase  où  tu  as  su  m'arracher  des  larmes ,  sans  que  mon  cœur 
»  déborde  d'une  amertume  et  d'une  mélancolie  navrantes.  J'entends 
»  ta  voix,  tes  accents  de  douleur  ;  je  vois  ta  sublime  expression  ,  qui 
»  rendait  avec  tant  de  vérité  la  folie,  le  désespoir  !....  Mais  bannissons 
»  la  tristesse,  je  ne  me  suis  jamais  si  bien  porté.  » 

Et  à  quelques  jours  de  là ,  le  pauvre  artiste,  qui  se  sentait  si  joyeux, 
si  plein  de  jours,  voyageait  sur  la  route  de  Varsovie  à  Saint-Péters- 
bourg, en  compagnie  d'un  officier  supérieur  de  l'armée  russe.  Au 
milieu  d'une  conversation  vive  et  spirituelle,  il  penche  la  tête  et  s'as- 


28 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


soupit!....  C'était  la  mort  qui  le  frappait  au  plus  beau  moment  de  sa 
vie ,  lorsqu'il  se  flattait  de  toucher  à  la  gloire ,  lui  qui  craignait  tant 
une  pierre  sans  nom  !  Du  moins,  si  la  mémoire  de  Frédéric  Ricci  n'est 
pas  impérissable ,  si  le  temps  lui  a  manqué  pour  écrire  les  chefs-d'œuvre 
qu'il  rêvait,  il  sera  inscrit  sur  la  liste  des  artistes  et  des  hommes  dis- 
tingués qui  honorent  leur  siècle  ;  il  laissera  des  regrets  parmi  ses  con- 
temporains, qui  feront  religieusement  tout  ce  qui  dépendra  d'eux  pour 

les  transmettre  à  l'avenir. 

P.  S. 


Voici  les  principales  dispositions  du  traité  dont  les  bases  viennent 
d'être  arrêtées  entre  la  France  et  l'Angleterre ,  relativement  à  la  pro- 
priété littéraire  et  artistique.  Ce  traité  n'attend  plus  que  la  sanction 
législative. 

A  partir  de  la  date  où  la  convention  sera  en  vigueur,  les  auteurs 
d'ouvrages  de  littérature  et  d'art  (ces  ouvrages  comprenant  les  publi- 
cations de  livres,  œuvres  dramatiques,  compositions  musicales,  des- 
sins, peintures,  sculptures,  gravures,  lithographies,  et  tous  autres  ou- 
vrages quelconques  de  littérature  et  beaux-arts  auxquels  les  lois  de  l'un 
des  deux  pays  donnent  ou  pourront  donner  le  droit  de  propriété  ) , 
pourront  exercer  ce  droit  sur  le  territoire  de  l'autre  pays ,  pour  le 
même  temps  et  au  même  degré  que  les  auteurs  des  ouvrages  de  ladite 
nation  (s'ils  sont  publiés  dans  cet  autre  pays)  pourraient  exercer  ledit 
droit.  Les  représentants  et  ayant-cause  des  auteurs  jouiront  des  mêmes 
droits  que  les  auteurs  eux-mêmes. 

Art.  1".  La  protection  accordée  aux  ouvrages  originaux  est  étendue 
aux  traductions. 

Art.  2.  L'auteur  d'un  ouvrage  publié  dans  l'un  ou  l'autre  des  deux 
pays,  qui  pourra  se  réserver  le  privilège  d'en  faire  la  traduction,  aura 
droit  (jusqu'à  l'expiration  de  cinq  années  à  partir  de  la  date  de  la  pre- 
mière publication  de  sa  traduction)  à  la  protection  contre  la  publication 
dans  l'autre  pays  de  toute  traduction  dudit  ouvrage,  sans  l'autorisation 
de  l'auteur,  si  l'ouvrage  original  a  été  enregistré  et  déposé  dans  un 
pays,  dans  les  trois  mois  qui  auront  suivi  la  première  publication  de 
l'auteur,  et  si  l'auteur  a  signifié  à  la  page  du  titre  de  son  ouvrage  son 
intention  de  se  réserver  le  droit  de  le  traduire ,  à  la  condition  qu'une 
partie,  au  moins  de  la  traduction,  aura  paru  dans  l'année  qui  suivra 
l'enregistrement  et  le  dépôt,  le  tout  clans  les  trois  années  de  la  date  du 
dépôt.  Quant  aux  ouvrages  publiés  par  parties,  le  droit  devra  être  ré- 
servé dans  la  première  partie  ;  mais  en  ce  qui  touche  la  période  de  cinq 
années  pour  l'exercice  du  droit  exclusif,  chaque  partie  devra  être  trai- 
tée comme  ouvrage  séparé. 

Art.  3.  Toutes  les  stipulations  ci-dessus  seront  applicables  à  la  re- 
présentation d'ouvrages  dramatiques  et  à  l'exécution  de  compositions 
musicales. 

Art.  h.  Les  articles  extraits  de  journaux  ou  publications  périodi- 
ques de  l'un  ou  de  l'autre  pays  pourront  être  republiés  ou  traduits 
dans  les  journaux  ou  publications  périodiques  de  l'autre,  à  condition 
que  la  source  où  ils  auront  été  puisés  sera  constatée,  à  moins  que  les 
auteurs  n'aient  signifié  dans  le  journal  ou  la  publication  périodique, 
qu'ils  en  interdisent  la  republication. 

Art.  5.  L'importation  et  la  vente  d'exemplaires  en  contrefaçon 
d'ouvrages  protégés  contre  ce  délit,  en  vertu  des  articles  1,  2,  3  et 
5,  sont  prohibées. 

Art.  6.  En  cas  d'infraction  à  ces  dispositions,  les  ouvrages  ou  arti- 
cles en  fraude  seront  saisis  et  détruits,  et  les  délinquants  seront  passi- 
bles des  pénalités  stipulées  pour  le  délit  commis  relativement  à  un  ou- 
vrage ou  à  une  production  d'origine  nationale.  Si  l'ouvrage  a  paru  en 
premier  lieu  en  France,  il  devra  être  enregistré  dans  Stationnera- Halj 
à  Londres.  S'il  a  paru  en  premier  lieu  dans  les  États  de  la  reine,  il  de- 
vra être  enregistré  au  bureau  de  la  librairie,  au  ministère  de  l'intérieur, 
à  Paris.  Mais  ces  dispositions  relatives  à  l'enregistrement  ne  s'étendront 
pas  aux  articles  de  journaux  ou  publications  périodiques  qui  seront 
protégés  contre  la  reproduction  par  signification  mentionnée  à  l'art.  5. 


En  ce  qui  touche  les  droits  payables  à  l'importation,  il  est  entendu  que 
tous  les  ouvrages  publiés  en  France,  dont  une  partie  pourra  avoir  pri- 
mitivement paru  en  Angleterre,  seront  réputés  ouvrages  ayant  paru  en 
Angleterre  et  été  reproduits  en  France,  à  moins  que  la  matière  origi- 
nale ne  soit  égale  pour  le  moins  en  volume  à  la  partie  de  l'ouvrage  ori- 
ginal publié  en  Angleterre. 

Un  traité  de  même  nature  vient  d'être  signé  entre  la  France  et  le 
Hanovre.  C'est  un  premier  pas  fait,  et  de  grande  importance,  pour  nos 
relations  avec  les  Etats  allemands. 

CORRESPONDANCE. 

Lille,  19  janvier. 

Depuis  le  festival,  notre  ville  n'a  jamais  été  aussi  profondément  remuée 
intéressée  et  enthousiasmée  que  par  le  séjour  de  Bazzini  et  la  présence  de 
Mlle  Caroline  Duprez.  Cette  dernière  part  aujourd'hui  19,  emportant  de 
nombreuses  couronnes  et  ayant  ramené  au  théâtre  le  public  lillois,  que 
le  Prophète  achèvera  d'y  fixer. 

Permettez-moi  quelques  mots  sur  Bazzini,  quoique  mon  intention  ne 
soit  pas  d'augmenter  la  série  des  articles  de  province  qui  vous  sont  adressés 
chaque  jour,  croyant  qu'il  vaut  mieux  laisser  à  votre  public,  arbitre  su- 
prême des  réputations  musicales,  à  juger  Bazzini,  dans  sa  prochaine  appa- 
rition à  Paris. 

Je  ne  veux  que  vous  signaler  les  circonstances  de  son  séjour  qui  m'ont 
paru  s'élever  à  la  hauteur  d'un  événement  artistique. 

Deux  Sociétés  symphoniques  rivales  viennent  d'inaugurer  deux  splen- 
dides  salles  de  concert.  Jusqu'ici  elles  avaient  adopté  des  artistes  spéciaux. 
Bazzini  les  a  vues  toutes  deux  venir  à  lui.  C'est  que  les  900  membres  qui 
composent  le  cercle  et  les  1,200  de  l'Association  musicale  ont  voulu 
l'entendre.  Ce  n'est  pas  tout  :  des  maisons  particulières  ont  traité  pour  des 
séances  privées,  et  dans  ce  temps  de  préoccupations  politiques  et  maté- 
rielles, je  défie  qu'on  cite  beaucoup  d'éloges  qui  en  disent  plus! 

C'est  dans  une  soirée  intime,  donnée  dans  le  salon  de  la  maison  Pleyel, 
à  Lille,  que  Bazzini  a  pu  révéler  la  variété  de  son  talent.  Déjà  l'une  des 
maisons  artistiques  de  notre  ville  l'avait  présenté  aux  amateurs  et  aux 
artistes  les  plus  distingués  de  Lille,  mais  personne  n'aurait  osé  prédire  au 
grand  artiste  le  succès  très-positif  qu'il  devait  obtenir  ;  il  est  donc  con- 
solant de  penser  que  les  virtuoses  bénéficiaires  ne  sont  pas  un  mot  vide 
de  sens,  et  que  Lille,  du  moins,  s'est  honorée  en  le  prouvant. 

Le  jeune  pianiste  Georges  Pfeiffer  s'est  fait  entendre  deux  fois  dans 
cette  soirée.  Il  a  joué  d'abord  la  charmante  imitation  dédiasse:  les  Bois, 
d'Emile  Prudent,  ensuite  un  fragment  du  Concert-Slikk,  de  Weber. 

Si  dans  le  premier  morceau  il  a  déployé  infiniment  de  grâce,  de  légèreté 
et  de  verve ,  dans  le  second  il  a  non-seulement  détaillé  toutes  les  diffi- 
cultés avec  un  rare  bonheur,  mais  surtout  il  a  rendu  la  pensée  -sublime 
du  maître  avec'un  sentiment  profond,  et  un  style  que  l'on  rencontre 
difficilement,  même  chez  les  artistes  d'un  âge  mûr.  Aussi  a-t-il  été  cha- 
leureusement applaudi. 

Nous  ne  pouvons  que  l'en  féliciter  sincèrement,  ainsi  que  l'éminent 
professeur  qui  a  su  faire  d'un  enfant  de  quinze  ans  un  musicien  distin- 
gué, et  qui  en  fera  bientôt  un  artiste  hors  ligne. 

Vous  venez  de  constater  l'éclatant  Succès  de  Ernst...  Aller  presque  au 
même  instant  soumettre  au  public  de  Paris  son  talent  de  violoniste  et  de 
compositeur,  c'est  chez  Bazzini  la  preuve  d'une  noble  confiance  dans  ce 
redoutable  mais  éclairé  jury,  et  dans  l'affectueuse  confraternité  qui  l'unit 
à  Ernst,  dont  il  paraît  à  la  fois  l'émule  et  l'admirateur. 

Liège,  14  janvier  1852. 

Depuis  longtemps  la  patrie  de  Crétry  jouit  d'une  réputation  musicale 
assez  méritée  pour  qu'elle  occupe,  de  fois  à  autre,  une  place  modeste 
dans  les  colonnes  de  votre  journal. 

On  n'ignore  pas  complètement,  je  pense,  qu'il  existe  à  Liège  un  Con- 
servatoire royal  qui ,  sous  la  direction  savante  de  M.  Daussoigne-Méhul , 
a  fourni  un  certain  contingent  d'artistes  distingués,  et  qu'il  est  appelé  à 
en  produire  encore.  Aussi,  avons-nous,  parfois,  des  solennités  qui  ne  sont 
pas  dépourvues  de  tout  éclat,  et  qui  seront  l'objet  de  cette  nouvelle  cor- 
respondance. 

Je  vous  parlerai  aujourd'hui  de  l'inauguration  qui  a  eu  lieu  le  7,  dans 
l'église  Saint-Barthélemi,  des  belles  orgues  sorties  des  ateliers  de  MM.  Mer- 
klin  et  Schutz,  facteurs  à  Bruxelles.  A  cette  occasion,  un  concert  spiri- 
tuel avait  été  organisé  :  un  auditoire  brillant  et  nombreux  y  assistait , 
entre  autres  le  prélat  du  diocèse  et  beaucoup  de  dignitaires  ecclésiasti- 
ques. —  Un  parent  de  Mendelssohn ,  M.  Petitpierre,  professeur  et  orga- 
niste de  Neufchâtel,  momentanément  à  Liège,  prêtait  son  concours  à  cette 
cérémonie.  Dans  une  symphonie  et  dans  une  riche  improvisation ,  M.  Pe- 


DE  PARIS. 


20 


titpierre,  en  établissant  l'excellence  de  cet  instrument,  a  prouvé  en  môme 
temps  qu'il  est  un  organiste  babile  et  possédant  son  art  avec  les  difficultés 
qui  y  sont  inhérentes.  —  M.  Duguct,  organiste  de  notre  cathédrale,  a  en- 
suite exécuté  un  amiante  pour  orgue,  de  Mendelssolin  ,  et  une  improvi- 
sation dont  il  s'est  tiré  heureusement.  —  Un  E:ce  partis,  de  Cherubini  , 
chanté  par  Mlle  Massart,  nièce  de  M.  Massart,  professeur  de  violon  au 
Conservatoire  de  Paris,  ancienne  élève  de  Géraldy  et  lauréat  médaillisto 
de  notre  Conservatoire  ;  —  un  Ace  Maria,  de.  Géraldy,  chanté  par  M.  Co- 
rin ,  également  lauréat  médailliste  et  élève  de  ce  maître  ;  et  un  Bénédictin 
à  quatre  voix,  par  Weber,  chanté  par  Mlles  Piette  et  Charlier,  MM.  Corin 
et  Ledent,  tous  élèves  lauréats,  ont  été  dits  correctement.  VAee  Miria  a 
été  délicieusement  accompagné  par  le  jeune  violoncelliste  Léon  Massart , 
lauréat  médailliste  et  neveu  du  même  M.  Massart,  professeur  à  Paris.  — 
Pour  le  chœur  de  Joseph  :  Aux  accents  de  noire  harmonie,  et  pour  la  prière  : 
Dieu  d'Israël,  chantés  par  messieurs  et  dames  amateurs,  on  aurait  pu  exi- 
ger plus  de  justesse  et  plus  d'ensemble. 

Nous  avons  entendu,  le  7,  au  Théâtre-Royal,  M.  Reichert,  le  roi  desflû. 
tistes,  comme  vous  l'avez  nommé  :  c'est  réellement  un  beau  talent.  Des 
applaudissements  nourris  ont  accueilli  ce  jeune  artiste,  et  il  a  été  rappelé 
après  avoir  joué  un  pot-pourri  de  sa  composition.  Il  se  propose  de  donner 
incessamment  ici  un  grand  concert. 

Au  concert  donné  le  11,  dans  le  local  de  la  Société  de  Sainte-Cécile,  au 
bénéfice  des  pauvres,  Mlles  Massart  et  Frère,  et  M.  Frère,  ont  été  les  pius 
fêtés  parmi  les  exécutants.  Mlle  Massart  a  vocalisé  et  chanté  agréablement 
l'air  du  Barbier  de  Scville  et  celui  de  la  Débutante.  Mlle  Frère,  premier 
prix,  avec  la  plus  grande  distinction,  de  la  classe  de  violon  de  cette  an- 
née ,  a  exécuté  des  variations  sur  les  motifs  de  VElisir  d'amor  avec 
une  vigueur  et  une  pureté  qui  ont  charmé  l'auditoire.  M.  Frère,  qui  a 
formé  cette  jeune  virtuose,  sa  sœur,  a  joué  le  Carnaval  de  Venise.  Ce  mor- 
ceau a  été  bissé,  grâce  à  l'habileté  de  l'exécution  de  l'artiste.  Un  ar- 
chet varié,  flexible,  hardi,  une  qualité  de  son  ample,  de  la  légèreté  et  de 
la  justesse  dans  les  traits  et  dans  les  passages  les  plus  difficiles  du  méca- 
nisme, un  style  large  et  gracieux  sont  les  principales  qualités  du  talent  de 
M.  Frère,  ancien  premier  prix  de  notre  Conservatoire  et  élève  de  M.  de 
Bériot.  On  a  remarqué  aussi  la  fraîcheur  d'une  charmante  mélodie  inédite, 
pour  ténor,  intitulée  :  Fléléna,  d'un  professeur  de  notre  Conservatoire, 
M.  Wanson,  qui  dirigeait  ce  concert.  —  A  l'égard  de  M.  Frère,  je  vous 
dirai  que,  selon  toute  probabilité,  il  sera  prochainement  nommé  profes- 
seur de  violon  au  Conservatoire.  En  effet ,  à  la  mort  de  M.  Prume,  dont  le 
nom  est  resté  célèbre,  on  décida  que  sa  classe  serait  scindée.  On  ouvrit 
un  concours,  et  deux  candidats  furent  désignés  pour  ces  deux  places  ; 
l'un  a  reçu  sa  nomination,  et  l'autre,  M.  Frère,  est  sur  le  point  de 
l'obtenir. 

Quant  au  Théâtre-Royal,  il  n'a  rien  offert,  jusqu'à  présent,  qui  mérite 
d'être  rapporté. 

Bruxelles,  22  janvier  1852. 
Monsieur, 

Je  vous  ai  dit,  dans  ma  dernière  lettre,  qu'on  nous  menaçait  du  dé- 
part de  Mme  Castellan  après  un  petit  nombre  de  représentations.  Vive- 
ment sollicitée,  l'excellente  cantatrice  a  consenti  à  nous  accorder  quelques 
soirées  supplémentaires.  Après  Norma,  Lu:ia  di  Lammermoor  et  Lucrezia 
Boryia,  elle  a  chanté  la  Svnnambula,  et  ce  soir  elle  nous  donne  Anna 
Bokni.  Cinq  opéras,  cinq  rôles  différents  et  très-variés  de  caractères,  en 
dix  représentations!  On  admire  la  souplesse  de  ce  talent  qui  sait  se  plier 
à  tous  les  genres,  et  qui  ne  réussit  pas  moins  dans  l'un  que  dans  l'autre. 
La  salle  du  Théâtre-italien  est  comble  toutes  les  fois  que  paraît  Mme  Cas- 
tellan, et  un  public  enthousiaste  décerne  à  la  virtuose  de  périodiques 
ovations.  On  annonce  pour  samedi  une  soirée  à  son  bénéfice.  Je  vous 
réponds  que  bénéfice  ne  sera  pas  ici  un  vain  mot. 

La  présence  de  Mme  Castellan  a  fait  naître  dans  notre  monde  dilettante 
des  divisions  qui  nous  ont  rappelé  le  fameux  antagonisme  du  Coin  du  ro; 
et  du  Coin  de  la  reine.  Pour  la  première  fois,  depuis  l'introduction  de 
l'opéra  italien  à  Bruxelles,  nous  avisons  une  prima  donna  née  au  delà 
des  Alpes.  11  y  a  deux  ans,  la  virtuose  investie  du  haut  emploi  était 
Mme  Eversé,  Suédoise  ;  l'an  passé,  deux  actrices  très-françaises,  malgré 
leur  i  d'emprunt,  Mmes  Aledori  et  Aldini,  remplissaient  les  rôles  de  la 
forte  chanteuse  et  de  la  chanteuse  légère.  Cette  fois,  le  premier  rang  et 
les  succès  appartenaient  à  une  cantatrice  vraiment  italienne,  Mlle  Ber- 
trandi.  Il  est  inutile  de  vous  dire  que  tout  ce  que  Bruxelles  compte  de 
dilettantes  originaires  du  beau  pays  qu'on  appelait  jadis  la  terre  classique 
du  chant,  suit  avec  zèle  les  représentations  de  l'opéra  italien.  Tout  en 
rendant  hommage  au  talent  de  Mme  Castellan,  ces  braves  gens  ont  cru 
devoir  faire  acte  de  patriotisme  en  accordant  à  Mlle  Bertrandi  une  bien- 
veillance toute  particulière,  ils  ont  donc  réservé  leurs  applaudissements 
les  plus  vifs,  leurs  brava  les  plus  frénétiques  pour  cette  dernière.  Dans 
Norma,    où   Mme  Castellan  et  Mlle  Bertrandi    paraissent  l'une  à  côté  de 


l'autre,  il  y  a  eu  presque  lutte,  lutte  courtoise  du  reste,  entre  la  fraction 
italienne  du  public  et  celle  qui,  n'ayant  pas  d'intérêt  national  en  jeu, 
tenait  tout  naturellement  pour  l'artiste  française.  Les  premiers  n'avaient 
d'acclamations  que  pour  Adalgise,  tandis  que  les  derniers  faisaient  à  la 
grande  prêtresse  la  part  la  plus  large  de  leurs  faveurs.  Heureux  pays 
que  le  nôtre  où  ces  pacifiques  dissensions  sont  les  seules  que  l'on  con- 
naisse, où  l'on  se  passionne  pour  l'art  au  lieu  de  se  passionner  pour  la 
politique! 

On  a  repris  hier  avec  grande  pompe,  avec  solennité,  le  Siéje  de 
Corinlhe  au  Théâtre-Royal.  Il  est  des  faits  étranges  dans  l'histoire  de  la 
musique.  Non-seulement  l'auteur  du  Siège  de  Corinthe  existe,  mais  il  est 
jeune  encore;  et  s'il  a  rompu  tout  commerce  avec  les  muses,  comme  di- 
saient nos  pères,  ce  n'est  certes  pas  que  l'heure  du  repos  eût  sonné  pour 
lui  :  Guillaume  Tell  en  fait  foi.  Cependant,  il  y  a  chez  nous  toute  une  gé- 
nération qui  ne  connaît  pas  le  Siège,  de  Corinthe,  attendu  que,  depuis 
vingt  ans,  cet  opéra  a  complètement  disparu  des  affiches  de  notre  spec- 
tacle lyrique.  Vingt  ans,  c'est  vingt  siècles,  quand  il  s'agit  de  musique. 
L'œuvre  sur  laquelle  a  passé  une  si  longue  période  est  vieille,  surannée, 
gothique,  comme  on  disait  au  temps  où  le  dédain  des  monuments  du 
moyen-âge  était  à  l'ordre  du  jour.  Le  public  a  répondu  à  l'appel  de  la 
direction  des  théâtres  royaux  avec  un  empressement  qui  fait  honneur  à 
son  goût.  L'affluence  n'était  pas  moins  grande  pour  assister  à  la  reprise 
du  Siège  de  CorintM  que  s'il  se  fût  agi  d'une  production  d'hier.  On  a 
trouvé  les  mélodies  rossiniennes  rajeunies  par  le  repos.  Ces  chants,  tou- 
jours frais  et  que  le  temps  ne  peut  atteindre,  ont  été  chaleureusement 
applaudis.  Pourtant  l'exécution  a  bien  laissé  quelque  peu  à  désirer  ;  nos 
chanteurs  n'ont  plus  ni  l'éducation  vocale  ni  les  traditions  nécessaires 
pour  se  faire  les  interprètes  fidèles  du  maestro.  Us  ont  mis  dans  l'accom- 
plissement de  leur  tâche  beaucoup  de  bon  vouloir  :  c'est  tout  ce  qu'on 
peut  dire. 

Le  Conservatoire  a  inauguré  par  un  beau ,  par  un  magnifique  concert , 
ses  matinées  du  dimanche,  qui  sont  le  rendez  vous  des  vrais  amateurs  de 
musique,  nombreux  chez  nous,  vous  ne  l'ignorez  pas.  Beethoven  en  a  fait 
surtout  et  avant  tous  les  frais.  Eh  quoi  !  toujours  Beethoven  ?  s'écrient  les 
profanes  à  la  vue  des  programmes  sur  lesquels  le  nom  de  l'illustre  maître 
semble  stéréotypé.  Vraiment,  oui;  toujours  Beethoven.  Si  vous  voulez 
qu'on  varie  davantage,  tâchez  donc  qu'il  surgisse  un  compositeur  de  sym- 
phonie qui  puisse  nous_donner  l'équivalent  ou  à  peu  près  de  ses  immortels 
chefs-d'œuvre.  Dans  le  domaine  de  la  musique  dramatique,  on  n'a  pas 
manqué  d'éléments  de  variété  :  Mozart  a  été  négligé  pour  Rossini  ;  puis  est 
venu  Meyerbeer,  qui  s'est  emparé  à  son  tour  des  sympathies  de  la  foule; 
d'un  autre  côté,  Ilérokl  et  Auber  remplaçaient  Nieolo  et  Boïeldieu.  Oui  a 
succédé  à  Beethoven?  Qui  peut  aspirer  à  remplacer  l'auteur  de  Y  Héroïque 
et  de  la  Pastorale  1  L'art  n'est-il  pas  resté  juste  au  point  où  il  l'avait  porté? 
Ses  ouvrages  n'en  sont-ils  pas  demeurés  l'expression  la  plus  élevée,  la  plus 
complète  ? 

Ld.  Symphonie  pastorale,  l'adagio  et  le  scherzo  de  la  9e  symphonie,  for- 
maient l'admirable  contingent  fourni  par  Beethoven  au  programme  du 
premier  concert  du  Conservatoire.  Notre  valeureuse  phalange  instrumen- 
tale, dirigée  par  M.  Fétis,  a  fait  des  prodiges  d'exécution.  Vous  imagine- 
riez difficilement  quelque  chose  de  plus  parfait  sous  le  rapport  du  rendu  : 
énergie,  délicatesse,  sentiment  exquis  des  nuances ,  coloris  puissant  et 
fin,  tout  y  était. 

Laissant  aux  séances  particulières,  aux  concerts  privés  les  fantaisies 
brillantes  ou  non,  les  caprices  et  les  romances,  le  Conservatoire  ne  sort 
guère  de  la  sphère  des  compositions  classiques.  C'est  ainsi  qu'il  nous  a 
fait  entendre,  à  la  matinée  de  dimanche  dernier,  un  quintette  de  Cosi  fan 
tutti,  de  Mozart,  et  des  fragments  du  18e  psaume  de  Marcello. 

Je  vous  disais,  dans  ma  dernière  lettre,  que  E.  Prudent,  dont  la  Gazette 
musicale  nous  annonça,  il  y  a  quinze  jours,  le  départ  pour  la  Belgique, 
n'arrivait  pas  ;  il  est  arrivé.  Son  premier  concert  aura  lieu  samedi  pro- 
chain au  théâtre  royal,  avec  le  concours  des  premiers  sujets  de  notre 
troupe  lyrique  française.  On  parle  de  cette  soirée,  on  en  parle  beaucoup  ; 
mais  là  ne  s'arrêtera  pas,  heureusement  pour  l'artiste,  la  manifestation 
de  la  curiosité  qu'il  excite  J'ose  affirmer  que  les  auditeurs  ne  lui  feront 
pas  défaut.  . 

Bruxelles,  qui  possédait  déjà  une  demi-douzaine  de  cafés-concerts,  a  vu 
samedi  dernier  s'ouvrir  un  nouvel  établissement  de  ce  genre  qui  menace 
de  faire  à  ses  rivaux  une  concurrence  redoutable.  11  est  situé  au  centre 
de  la  circulation,  dans  ces  belles  galeries  Saint-Hubert,  desquelles  je  me 
souviens  de  vous  avoir  entendu  dire,  lors  de  votre,  dernier  séjour  dans 
notre  capitale,  qu'elles  effaçaient  les  passages  le  plus  luxueux  de  Paris. 
Pour  fonder  sa  vogue  de  prime  abord,  le  Casino  Saint-Hubert  a  eu  l'idée 
d'appeler  à  son  aide  une  célébrité  parisienne  dans  la  spécialité  (ce  mot 
s'applique  à  tout)  qu'elle  compte  exploiter.  M.  Darcier,  vous  devinez  sans 
doute  que  c'est  de  lui  qu'il  s'agit,  a  été  engagé  pour  un  mois,  avec  des 
appointements  doubles  de  ceux  que  recevait  jadis  un  premier  ténor  d'o- 


"30 


REVUE  ET  GAZE] 


MUSICALE 


pérà.  Ses  romances  et  ses  chantons  font  fureur.  On  apprécie  le  senti 
ment  et  l'esprit  qu'il  met  dans  ces  riens  dont  il  sait  faire  quelque  chose- 
Chaque  jour  son  nom  figure  en  grosses  lettres  sur  l'affiche,  et  chaque  jour 
la  foule  court  l'applaudir.  J'ai  vu  des  personnages  de  l'aristocratie  affron- 
ter les  nuages  de  fumée  qui  obscurcissent  l'atmosphère  du  Casino  Saint- 
Hubert  pour  aller  entendre  M.  Darcier.  Cette  circonstance  est  significa- 
tive, car  la  noblesse  belge  tient  fort  à  ne  pas  déroger. 

La  question  de  l'échange  du  droit  de  propriété  littéraire  entre  la  France 
et  la  Belgique,  question  mise  sur  le  tapis  et  très-sérieusement  cette  fois, 
occupe  beaucoup  et  la  presse  et  le  public.  En  peu  de  jours,  quatre  bro- 
chures, les  unes  pour,  les  autres  contre,  ont  paru  sur  cette  matière.  Il  va 
sans  dire  que  la  plupart  des  libraires,  ceux  qu'enrichit  la  contrefaçon , 
se  prononcent  énergiquement  contre  la  mesure  proposée.  Vous  saurez 
d'abord  que  ce  mot  contrefaçon  les  offusque,  et  qu'ils  lui  ont  substitué  ce- 
lui de  rii  mpressiin  comme  ménageant  davantage  leur  amour-propre. 
Vous  saurez,  en  outre  qu'ils  n'ont  pas  l'opinion  publique  pour  eux  et  que 
l'échange  du  droit  de  propriété  littéraire  sera  approuvé,  non-seulement 
par  nos  écrivains  nationaux,  mais  encore  par  tous  ceux  qui  savent  que  la 
Belgique  n'aura  d'existence  littéraire  qu'à  dater  du  jour  où  la  contre- 
façon (appelez-la  réimpression  si  vous  voulez)  sera  abolie.  Je  vous  de- 
manderai prochainement  à  pouvoir  disposer  de  quelques  colonnes  de  la 
Gazette  musicale  pour  examiner  cette  importante  question  sous  ses  dif- 
férentes faces.  On  ne  parle  en  général  que  de  la  propriété  littéraire;  mais 
il  va  de  soi  que  le  principe  devra  être  appliqué  atout  ce  qui  concerne 
la  production  des  œuvres  de  l'esprit,  soient-elles  littéraires,  pittoresques 
ou  musicales.  C'est  à  ce  triple  point  de  vue  que  je  me  propose  de  la  con- 
sidérer. 

NOUVELLES. 

V  Demain  lundi,  à  l'Opéra,  reprise  de  Guillaume  Tell.  C'est  Gueymard 
qui  chantera  le  rôle  d'Arnold  ;  Morelli,  celui  de  Guillaume,  et  Mme  La- 
borde  celui  de  Mathilde.  Deux  cents  choristes  sont  engagés  pour  cette  so- 
lennité. 

*s*  Les  Huguenots  ont  été  joués  lundi  devant  une  brillante  et  nom- 
breuse assemblée.  Le  Président  de  la  République  assistait  à  cette  repré- 
sentation, dans  laquelle  les  artistes  se  sont  surpassés.  Roger,  Obin,  Bré- 
mond,  Mmes  Poinsot  et  Laborde  n'ont  mérité  que  des  éloges. 

*,.*  V 'Enfant  prodigue,  également  chanté  par  Roger,  en  compagnie  d'O- 
bin,  de  Mmes  Dameron  et  Laborde;  composait  le  spectacle  de  mercredi  ; 
et  vendredi,  le  Prophète,  toujours  avec  Roger,  Mme  Tedesco  et  Mlle  Poin- 
sot, terminait  splendidement  une  semaine  consacrée  tout  entière  aux 
grandes  production  de  l'art  lyrique. 
*\*  Mlle  Plunkett  va  passer  à  Londres  les  deux  mois  de  son  congé. 
%*  Après  la  reprise  du  chef-d'œuvre  de  Rossini,  qui  aura  lieu  demain, 
le  théâtre  sera  tout  entier  à  la  mise  en  scène  Au.  Juif- Errant.  Huit  cents 
costumes  nouveaux  doivent  être  faits  pour  cet  ouvrage. 

*J-  La  situation  de  notre  première  scène  lyrique  appelait  l'intérêt  du 
gouvernement.  Cette  entreprise  avait  à  supporter  le  poids  d'un  passif 
accepté  dans  d'autres  temps  et  dans  d'autres  circonstances,  mais  que  ni 
les  efforts  les  plus  soutenus,  ni  les  succès  les  plus  éclatants  n'auraient 
jamais  pu  parvenir  à  combler.  C'était  donc  le  cas  d'une  intervention  gé- 
néreuse, et,  comme  ministre  de  l'intérieur,  M.  de  Morny  n'a  pas  hésité  à 
s'en  charger.  Sur  sa  proposition,  six  annuités  de  60,000  fr.  chacune  ont 
été  accordées  et  exclusivementdestinées  àl'extinction  des  dettes  actuelles. 
En  outre,  le  privilège  dont  M.  Roqueplan  est  titulaire  a  été  prolongé  de 
quatre  années,  ce  qui  en  porte  la  durée  totale  jusqu'au  31  décembre 
1861. 

***  L'ouvrage  en  trois  actes  dans  lequel  débutera  Mlle  Wertheimber, 
et  dont  les  auteurs  sont  MM.  de  Saint-Georges  et  Grisar,  doit  être  joué 
sous  peu  de  jours. 

*„*  Les  répétitions  de  la  pièce  en  2  actes  de  MM.  Bazin  et  Sauvage,  se 
poursuivent  toujours  avec  une  grande  activité,  et  l'on  présumé  que  la 
première  représentation  aura  lieu  dans  les  premiers  jours  de  février. 

%*  Depuis  le  jour  de  son  début,  Mlle  Favel  a  fait  de  remarquables  pro- 
grès dans  le  personnage  de  Nina,  qu'elle  joue  maintenant  en  actrice  qui 
aurait  plusieurs  années  de  théâtre. 

%*  Nubueochnosor  a  reparu  mardi  au  Théâtre-Italien  et  a  été  donné 
pendant  toute  la  semaine.  Cet  ouvrage,  par  lequel  Verdi  a  débuté  en 
France,  reste,  toujours  pour  nous  celui  où  la  manière  du  compositeur  se 
produit  avec  le  plus  d'énergie  et  d'éclat.  Sophie  Cruvelli  et  Ferlotti  chan- 
taient les  rôles  d'Abigaïl  et  de  Nabuco.  La  première  s'est  élevée  plus  haut 
que  jamais,  comme  cantatrice  et  actrice.  Dans  le  trio  du  premier  acte,  et 
surtout  dans  l'air  du  second,  elle  s'est  signalée  par  des  traits  d'une  au- 
dace heureuse  :  elle  a  descendu  â  pleine  voix  une  gamme  de  deux  octaves. 
Dans  le  grand  duo  du  troisième  acte,  elle  a  encore  enlevé  les  bravos  avec 
Ferlotti,  chanteur  vraiment  distingué,  tout  à  fait  adopté  par  notre  public. 
Belletti  L'ayant  pu  chanter  le  rôle  du  grand-prêtre  Zacharie,  c'est  Susini 
qui  s'en  est  chargé,  et  dont  la  belle  voix  s'y  est  déployée  avec  un  plein 
succès. 

%*  Fidelio  est  toujours  à' l'étude,  et  toujours  attendu  par  les  admira- 
teurs de  Beethoven. 


%*  Le  Postillon  de  Lon jumeau,  cet  ouvirage  si  populaire  d'Adolphe  Adam , 
va  être  incessamment  repris  au  théâtre  de  l'Opéra-NationaL  C'est  le  bary- 
ton Meillet  qui  chantera  le  rôle  de  Chapelou. 

*£*  Demain  lundi ,  aura  lieu  la  première  représentation  «tu  Mariage  en 
l'air,  ouvrage  en  un  acte,  au  théâtre  de  l'Opéra-Kational.  La  partition  est 
de  M.  Dejazet,  fils  de  la  célèbre  actrice  de  ce  nom. 

%*  On  annonce  que  le  Président  de  la  République  aura  sa  loge  dans 
tous  les  théâtres  de  la  capitale,  et  qu'un  subside  extraordinaire  sera  ac- 
cordé à  toutes  les  admistrations  théâtrales  non  subventionnées  ou  indem- 
nité des  pertes  qu'elles  ont  dû  éprouver  pendant  les  premiers  jours  de  dé- 
cembre 1851. 

*„*  M.  Emile  Perrin,  l'habile  directeur  de  l'Opéra-Comique,  et  M.  Franc- 
homme,  l'excellent  violoncelliste,  professeur  au  Conservatoire ,  viennent 
d'être  décorés  de  l'ordre  de  la  légion  d'honneur. 

%*  Tous  les  directeurs  de  Paris  ont  signé  une  pétition  tendante  â  ob- 
tenir la  réduction  à  trois  pour  cent  du  droit  des  indigents,  dont  le  prélè- 
vement est  aujourd'hui  de  neuf  pour  cent,  soit  le  onzième  de  la  recette 
brute.  La  Commission  des  auteurs  a  fait  aussi  une  démarche  auprès  du 
ministre  de  l'intérieur  pour  arriver  au  même  résultat. 

%*  Le  Prophète  va  être  bientôt  représenté  à  Lille. 

***  Nous  avons  constaté  le  succès  du  Prophète  â  Lyon,  succès  non  moins 
brillant  que  productif,  puisque  les  trois  premières  représentations  ont 
rapporté  plus  de  10,000  fr.  Mais  ce  que  nous  devons  constater  aussi,  c'est 
l'impossibilité  dans  laquelle  le  chef  d'orchestre,  Georges  Hainl,  s'est 
trouvé  de  se  procurer  des  harpistes.  Vainement  s'est-il  adressé  à  M.  Ad. 
Adam,  à  M.  Girard,  à  M.  Prumier,  à  nous-mêmes.  Nos  efforts  réunis  n'ont 
pu  décider  les  harpistes  parisiens,  dont  le  nombre  est  d'ailleurs  si  mini- 
me, à  faire  le  voyage  de  Lyon.  Ce  fait  singulier  mérite  bien  qu'on  l'enre- 
gistre. 

%*  Le  Conseil  municipal  de  Strasbourg  a  voté  une  somme  de  10,000  fr. 
pour  la  mise  en  scène  du  Prophète.  Les  répétitions  ont  commencé,  et  tout 
fait  espérer  que  la  représentation  du  chef-d'œuvre  terminera  brillamment 
l'année  théâtrale. 

%*  V  Enfant  Prodigue  est  en  répétition  à  Munich.  Le  régisseur  général, 
M.  Cornet,  vient  de  faire  exprès  le  voyage  de  Paris  pour  étudier  la  mise 
en  scène,  costumes,  décors  et  accessoires,  qui  seront  exactement  confor- 
mes à  ceux  de  Paris. 

*s*  Le  Cercle  lyrique  de  Marseille  avait  récemment  conféré  à  Rossini 
le  titre  de  président  honoraire  de  la  Société.  M.  Provini,  l'un  des  fonda- 
teurs, qui  avait  écrit  à  l'illustre  maestro,  a  reçu  de  lui  la  réponse  qu'on 
va  lire  :  —  «  Florence,  10  janvier  1852.  Monsieur,  recevez  mes  vifs  re- 
»  merciments  pour  l'honneur  que  je  vous  dois  d'avoir  pensé  que  mon 
»  nom  pourrait  ajouter  de  l'illustrafion  au  Cercle  lyrique  de  Marseille. 
»  On  est  heureux  de  penser  qu'au  milieu  des  tourmentes  révolution- 
»  naires,  les  âmes  ne  perdent  pas  le  sentiment  des  arts....,  Marseille, 
»  comme  toujours,  s'y  réveille,  voulant  cicatriser  ses  récentes  blessures 
»  par  l'amour  de  l'harmonie.  C'est  vous  dire,  Monsieur,  que  l'auteur 'des 
«  quelques  vieilleries  dénommées  par  vous  accepte  avec  plaisir  et  grati- 
»  tude  le  titre  de  président  honoraire  que  le  comité  vient  lui  offrir. 
»  Soyez,  Monsieur,  mon  interprête  chaleureux  auprès  de  la  commission. 
»  Puisse  cette  nouvelle  preuve  de  la  bienveillance  française  pour  moi 
h  me  permettre  de  faire  agréer  à  Dieu  tout-puissant  les  vœux  que  je  vous 
»  adresse  pour  tout  ce  qui  se  rattache  au  bonheur  et  à  la  gloire  de  la 
»  France.  Personnellement,  Monsieur,  recevez  l'expression  affectueuse 
»  de  ma  gratitude  et  l'assurance  dévouée  de  ma  haute  considération. 

h  G.  Rossini.  » 

%*  Des  motifs  impérieux  forcent  Mme  El.  Launer-Manera  à  remettre 
son  concert  du  dimanche  25  courant,  h" Audition  de  l'Albvm  dis  Femme*, 
est  irrévocablement  fixée  au  jeudi  26  février,  à  8  heures  du  soir,  dans  la 
salle  Sainte-Cécile.  Les  billets  déjà  pris  pour  le  25  janvier  seront  admis 
le  26  février. 

%*  Ernst  donnera  son  second  concert  le  k  février.  A  la  prière  générale, 
il  y  jouera  encore  son  admirable  concerto,  et  divers  morceaux  qu'il  n'a 
pu  faire  entendre  dans  son  premier  concert.  Léopold  de  Meyer  s'adjoin- 
dra un  célèbre  violoniste. 

*  *  La  charmante  Mlle  Clauss,  donnera  son  concert  le  lundi  2  février, 
dans  la  salle  Ilerz,  et  exécutera  les  morceaux  suivants  :  Fantaisie  sur  la 
Sor.nambula  de  Thalberg;  —  chanson  bachique  de  Wolff  ;  —  rhapsodies 
de  Dreyschock  ;  —  prélude  et  fugue  de  Bach  ;  —  andante  et  final  d'une 
sonate  de  Beethoven  ;  —  fantaisie  sur  Don  Juan,  de  Liszt. 

*„,*  La  Société  de  Sainte-Cécile  donnera  son  deuxième  concert  d'abon- 
nement le  dimanche  1"  février,  à  deux  heures,  à  la  salle  Sainte-Cécile,  rue 
de  la  Chaussée-d'Antin,  Zi9  bis.  Programme  :  1°  ouverture  de  la  Vestale,  de 
Spontini;  —  2°  fragments  de  Rosemçnde,  drame  lyrique  de  Schubert ,  invo- 
cation ,  romance  chantée  par  Mlle  Lefebvre ,  chœur  de  bergers  ;  —  sym- 
phonie en  ut  mineur,  de  Beethoven  ;  —  U°  Berceuse,  de  Blanche  de  Pro- 
vence, chœur  â  quatre  voix,  de  Cherubini  ;  —5"  air  varié,  chanté  par 
Mlle  Lefebvre,  de  A.  Adam;  —  6°  ouverture  de  Rmj-ISLs,  de  Mendelssohn. 
—  L'orchestre  sera  dirigé  par  M.  Seghers.  Les  chœurs  seront  dirigés  par 
M.  Wekerlin. 

V  Jacques  Offenbach  vient  de  partir  pour  aller  jouer  dans  trois  con- 
certs, auxquels  il  a  été  engagé  par  les  Sociétés  philharmoniques  du  Mans, 
de  Rennes  et  de  Laval.  11  sera  de  retour  à  Paris  dans  une  huitaine  de 
jours. 

'*,*  Stephen  Heller,  retenu  chez  lui  depuis  quelques  semaines  par  une 


DE  PARIS. 


31 


maladie  assez  grave,  est  en  voie  de  convalescence.  Nous  espérons  que  l'é- 
mirient  artiste  sera  bientôt  rendu  à  ses  travaux  de  composition  èt'Ss  es 
amis. 

*„*  Albert  Bowinski  continue  avec  succès  sa  tournée  départementale.  Il 
vient  de  donner  de  brillants  concerts  à  Roehefort  et  à  saintes.  Dans  celte 
dernière  ville,  plusieurs  daines  amateurs,  douées  de  fort  jolies  voix,  ont 
chanté  des  aoli  dans  les  chœurs  et  morceaux  d'ensemble. 

%*  Le  concert  de  Mlle  Graever  est  toujours  fixé  à  mercredi  prochain. 
Mlle  Graever  jouera  le  T  trio  de  Rériot  avec  SIM.  Cuvillon  et  Lcbotic,  la 
fantaisie  de  Thalberg  sur  la  Muette,  une  sonate  de  Beethoven,  des  mor- 
ceau de  Gottschalk,  Liszt  et  de  sa  propre  composition. 

*„*  Voici  le  programme  de  la  deuxième  séance  de  musique  de  chambre 
qui  aura  lieu  le  1"  février  dans  la  salle  Pleyel.  —  1"  Quatuor  de  Mozart 
en  ré,  deux  violons,  alto  et  basse.  —  2"  Trio  de  Weberpour  piano,  violon 
et  basse.  —  3"  Amiante  capriccio  de  Mendelssohn  (posthume)  pour  deux 
violons,  alto  et  basse.  —  /i"  Andante  varié  de  Beethoven  (tiré  de  l'œuvre 
12)  pour  piano  et  violon.  —  5°  Septième  quatuor  de  Beethoven.  —  Exé- 
cutants :  MM.  Alard,  Armingaud,  violons  ;  Casimir  Ney,  alto  ;  Franchomme, 
violoncelle;  Aille  Camille  Meara,  piano. 

*„*  Lundi,  26  courant,  un  concert  sera  donné  par  l'une  des  élèves  le 
plus  distinguées  de  Chopin.  Mme  Roubaud  de  Cournand  fera  entendre 
plusieurs  morceaux  de  la  composition  de  ce  grand  maître,  un  trio  de 
Beethoven  exécuté  par  elle,  MM.  Alard  et  Franchomme,  et  un  duo  de  Mo- 
zart pour  violoncelle  et  piano.  La  partie  vocale  du  concert  sera  remplie  par 
une  cantatrice  amateur  et  par  M.  Géraldy,  qu'on  aime  toujours  à  applau- 
dir. Le  concert  aura  lieu  dans  les  salons  de  M.  Pleyel  à  deux  heures  de 
l'après-midi. 

***  Le  concert  de  M.  et  Mme  Léonard  di  Mendi,  aura  lieu  dans  la  pre- 
mière quinzaine  de  février  à  la  salle  Herz.  Berlioz  conduira  l'orchestre. 

%*  Un  concert  remarquable  a  élé  donné  jeudi  dernier  dans  les  salons 
de  M.  Souffleto  par  Mlle  Ritter  de  Corcelles,  jeune  et  jolie  cantatrice.  Des 
artistes  distingués,  Ilermann-Léon,  Audran,  Verroust  et  Mme  Oscar  Co- 
mettant,  qui  s'est  révélée  cet  hiver  avec  tant  d'éclat  dans  les  salons  et 
dans  les  concerts,  ont  prêté  leur  concours  à  la  bénéficière.  Verroust,  le 
délicieux  hautbois  ;  Ilermann-Léon,  dans  le  grand  air  de  la  Gazza  ladra, 
qu'il  chante  en  italien  ;  Audran,  dans  de  jolies  romances  de  sa  composi- 
tion; Mme  Ritter  de  Corcelles,  dans  le  délicieux  duo  des  Soirées  de  Rossini, 
Mira  h  biinea  tuna,  et  Mme  Oscar  Comettant  dans  le  bel  "air  de  Sémira- 
mide,  qu'elle  chante  avec  un  charme  et  une  délicatesse  vraiment  merveil- 
leuses, ont  mérité  les  plus  chaleureux  applaudissements. 

*„*  Le  comité  de  la  Société  philanthropique  et  artistique  de  Sainte-Cécile 
à  Bordeaux,  vient  de  souscrire  pour  la  somme  de  50  fr.  au  monument 
à  élever  à  la  mémoire  de  l'illustre  Weber.  C'est  un  exemple,  qui  nous 
l'espérons,  sera  suivi  par  toutes  les  autres  sociétés  françaises  et  étran- 
gères. 

***  Les  Bals  masqués  de  l'Opéra  n'ont  rien  perdu  de  leur  vogue  tradi- 
tionnelle ;  à  chaque  samedi ,  la  foule  augmente,  et  il  en  sera  de  même 
jusqu'à  la  fin  du  carnaval. 

CRONIOUE   DÉPARTEMENTALE. 

%*  Niort.  —  Une  messe  de  la  composition  de  .M.  Eugène  Delavault  a 
été  exécutée  dans  l'église  de  Saint-André.  Toute  l'élite  de  la  société  s'est 
empressée  de  venir  entendre  cette  œuvre  sérieuse,  digne  sœur  de  l'Ora- 
torio  de  Tobie  dont  nous  conservons  un  souvenir  durable;  et  du  Mas- 
que noir,  opéra  dont  nous  ne  connaissons  que  quelques  fragments. 


*„*  Orléans.  —  M.  Ernst  a  donné  un  concert  dans  lequel  il  a  joué  ses 
airs  hongrois,  le  Carnaval  et  la  fantaisie  sur  Olelh.  Son  succès  a  été 
aussi  grand  que  légitime: 

CHRONIQUE     ÉTRANGÈRE. 

*„*  Vienne.  —  Aille  Constance  Ceiger,  dont  le  beau  talent  de  composi- 
(.■m-  i'i  de  pianiste  esl  i-onnii.  a  pris  l'initiative  d'une  représentation  au 
bénéfice  des  pauvres,  qui  a  eu  lieu  au  théâtre  an-der-Wien.  Cette  belle  soi- 
rée, à  laquelle  assistait  l'élite  de  notre  public,  se  composait  de  deux  co- 
médies, dont  les  principaux  rôles  ont  été  joués  avec  beaucoup  de  succès 
par  Mlle  Ceiger.  Dans  les  entr'actes,  on  a  également  beaucoup  applaudi 
plusieurs  compositions  de  Mlle  Geiger,  qui  ont  été  exécutées  par  un  or- 
chestre de  musique  militaire.  —  Notre  capitale  possède  de  nouveau  une 
gazette  musicale,  qui  se  publie  chez  l'éditeur  Gloeggl. 

%*  Francfort  -sur-tc-Mnin.  —  Mme  Son  tac;  a  dans  l'espace  de  deux  mois 
ouvert  la  troisième  sérié  de  ses  représentations  â  notre  théâtre.  Chaque  fois 
la  salle  est  comble,  et  l'enthousiasme  du  public  va  toujours  en  croissant. 
Aux  lauriers  que  la  célèbre  cantatrice  a  cueillis  chez  nous,  elle  a  joint  la 
glorieuse  couronne  de  la  bienfaisance  Elle  a  donné  ses  trois  dernières 
représentations  au  profit  d'un  hospice  et  au  bénéfice  de  deux  artistes  du 
théâtre.  Parmi  les  concerts  périodiques  nous  citerons,  outre  ceux  du  Mu- 
sée et  de  la  réunion  Sainte-Cécile,  les  soirées  de  quatuors  arrangées  par 
M.  H.  Wolff. 

*j*  Slutlija't. —  Les  répétitions  du  Val  d'Anlorrt,  d'IIalévy,-  -§s  pour- 
suivent avec  une  grande  activité  sous  la  direction  de  M.  Kucken  :  la  pre- 
mière représentation  aura  lieu  sous  peu  de  jours.  —  Mme  Sontag  est 
attendue  prochainement. 

*„*  Pétersbourg,  12  décembre.  —  Vieuxtemps  a  donné  un  concert  la 
semaine  passée  :  il  y  a  joué  cinq  morceaux  avec  cette  perfection  admi- 
rable où  la  critique  la  plus  sévère  ne  trouverait  rien  à  reprendre. 

Le  gérant  :  Ernest  DESCHAMPS. 


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Le  Rossignol  et  la  Guitare A  Mme  Gaveauï  Sabatier. 

L'Emploi  de  ma  Journée A  Mme  CiiAnLts  Ponchard. 

La  Voix  de  l'Absence A  M.  Dufrène. 

La  Mère  de  Famille A  M.  Poxciurd. 


La  Chasse  au  Miroir A  Mme  Mamic.nuid. 

Dans  les  Bois A  M.  Alexis  Dlto.nd. 

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32 


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L'ont  bre.  —  — 

Ange  ou  démon.      Paroles  de  A.  OSMONT,  musique  de  E.  DASSIER 

Elle  était  là  1  —  — 

La  sœur  des  marguerites.  —  — 


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—  La  Favorite,  nouveau  quadrille  pour  piano 4  50 

—  La  Reine  de  Chypre,  nouveau  quadrille  pour  piano.  .  à  50 

—  Les  Rendez-vous  bourgeois,  nouv.  quat.  pour  piano.  .  Ix  50 

—  Zerline  ou  la  Corbeille  d'oranges,  2  quadrilles,  chaque  k  50 


Slusard.  La  Tempesta,  quadrille U  50 

—  Les  Lingots  d'or,  suite  de  valses  pour  piano 5    » 

—  Ouistiti,  polka  pour  piano 3     » 

—  La  Priora,  polka  pour  piano ^  50 

—  Tarentelle  et  galop  pour  piano k  50 

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REVUE 


1er  Février  1851. 


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Le  Journal  p 'irait  le  Dimanche. 


GAZETTE  MUSICALE 


DU    ?âïl!Si 


— /vw\APS©©©J\A/wv-  - 


SOMMAIRE.  —  Exposition  universelle  de  Londres  (19'  lettre),  par  Fétis  père.  — 
Théâtre  du  Grand  Opéra,  reprise,  de  Guillaume.  Tell,  Gueymard,  200  choristes. 
—  Théâtre  de  l'Opéra-National,  le  Mariage  en  l'air,  opéra  bouffon  en  un  acte, 
musique  de  M.  Eugène  Déjazct,  par  G.  Iléqnet,  —  Concerts  :  Mlle  Graever, 
Louise  Mattmann,  etc.,  par  Slenri  Rlanchard.  — Inauguration  du  grand 
orgue  de  Saint-Vincent  de  Paul,  de  M.  Aristide  Cavaillé-Coll  fils,  par  Maurice 
Bourges.  —  Nouvelles  et  annonces. 

EXPOSITION  UNIVERSELLE  DE  LONDRES. 

(mX-N'ElVIF.ME   LETTRE)   (1). 

Monsieur, 

Le  grand  facteur  d'orgues  de  l'Angleterre  est  M.  Hill.  Doué  de  l'esprit 
d'invention  ,  il  a  de  plus  beaucoup  d'expérience,  et  ses  voyages  sur  le 
continent  européen  ont  complété  ses  connaissances  dans  son  art.  Les 
instruments  construits  par  lui  sont  en  grand  nombre ,  et  beaucoup  de 
ses  ouvrages  sont  de  grande  dimension.  Outre  l'orgue  immense  d'York, 
dont  j'ai  parlé  dans  mes  lettres  précédentes,  on  connaît  aussi  de  ce 
facteur  distingué  les  orgues  c'es  chapelles  royales  de  St-James  Palace, 
de  Whitehall  et  de  Hampton-Court,  de  la  chapelle  du  collège  de  Saint- 
Jean,  à  Cambridge,  de  la  cathédrale  de  Saint-Asaph  ,  de  celle  de  Wor- 
cester,  le  bel  orgue  de  l'abbaye  de  Westminster,  celui  de  l'église  du 
Christ  dans  ffewgaie-Strèet,  à  Londres;  ceux  de  Sainte-Marie  A t- Hill, 
dans  la  même  ville  ;  de  Stratford,  de  Saint-Jean  ,  à  Chester  ;  le  grand 
orgue  de  Birmingham  ;  celui  de  l'église  Saint-Luc,  à  Manchester  ;  ceux 
de  la  chapelle  de  Saint-Georges ,  à  Liverpool ,  de  la  grande  salle  de 
concert  à  Edimbourg,  et  les  réparations  radicales  des  orgues  des  cathé- 
drales de  Rochester  et  de  Canferbùry. 

L'orgue  placé  par  M.  Hill  à  l'Exposition  est  en  quelque  sorte  un  mo- 
dèle, un  spécimen  d'un  nouveau  système  de  construction  de  ce  genre 
d'instruments.  Ce  système  a  pour  objet  la  simplification  de  disposition 
et  de  mécanisme.  La  main  et  la  tête  d'un  artiste  de  mérite  s'y  font  re- 
marquer. L'instrument  a  deux  claviers  à  la  main  et  un  clavier  de  pé- 
dales de  deux  octaves  et  un  tiers.  Au  grand  orgue  on  trouve  une  montre 
de  16  pieds,  un  bourdon  de  16,  une  flûte  ouverte  de  8,  une  flûte  octa- 
viante  de  8,  un  prestant,  une  quinte  de  3  pieds,  une  doublette,  une 
sesquialter  de  3  rangs;  trompette  de  8  pieds,  kromhorne  de  8,  et  haut- 
bois de  forêt  de  A.  Le  clavier  de  récit  n'a  que  cinq  jeux ,  qui  sont  la 
hohl-flûte,  jeu  de  flûte  de  8  pieds,  d'un  moindre  diamètre  que  la  flûte 
ouverte  de  même  dimension,  et  dont  le  biseau  est  adouci  pour  lui  don- 
ner une  sonorité  plus  moelleuse  ;  la  claribella ,  qui  a  beaucoup  d'ana- 
logie avec  la  flûte  traversière  ;  le  yemshorn,  de  h  pieds,  jeu  de  l'espèce 
des  gambes,  qui  a  beaucoup  d'analogie  avec  le  solicional,  un  hautbois, 
et  la  tuba  mirabilis,  de  8  pieds,  jeu  d'anches,  qui  résonne  par  un  vent 
particulier  d'une  pression  très-intense.  La  pédale  n'a  qu'une  montre  de 
16  pieds. 


(1)  Voiries  n"  34,  35,  37,39,  40,    41,  42,  43,   44,  45,  46,  47, 
de  1851,  1"  et  3  de  1852. 


49,  50,   51, 


Le  mécanisme  de  l'orgue  de  M.  Hill  est  remarquable  par  la  simpli- 
cité, le  fini  et  la  précision.  Le  facteur  y  a  adapté  le  levier  pneumatique 
de  M.  Barker.  A  cette  occasion,  je  crois  devoir  faire  remarquer  qu'il  y 
a  de  singulières  destinées  dans  la  carrière  des  hommes  d'étude  et  des 
inventeurs.  Il  y  a  environ  quinze  ans  que  M.  Barker  imagina  son  ingé- 
nieux engin,  dont  la  nécessité  venait  de  lui  être  démontrée  pour  les 
grandes  orgues  par  la  lourdeur  des  claviers  accouplés  de  l'instrument 
colossal  de  York.  Il  en  proposa  alors  l'application  aux  orgues  de  sa 
patrie,  de  cette  même  Angleterre  qui  méconnut  alors  la  valeur  de  l'in- 
vention,et  qui  s'en  empare  aujourd'hui,  après  en  avoir  vu  le  succès 
dans  les  belles  orgues  françaises.  Or,  le  jury  a  accordé  une  grande  mé- 
daille à  M.  Willis  pour  une  modification  sans  valeur  dans  la  disposition 
du  levier  inventé  par  M.  Barker,  tandis  que  cet  homme  de  génie  n'a 
rien  obtenu,  et  que  son  nom  n'a  pas  même  été  prononcé. 

L'instrument  de  M.  Hill  se  distingue  par  une  nouveauté  très-ingé- 
nieuse. Les  pédales  de  combinaisons  et  d'accouplement  inventées  en 
1800  par  M.  Bishop,  facteur  d'orgues  anglais,  sont  incontestablement 
une  des  ressources  d'effets  les  plus  riches  que  puisse  trouver  l'organiste 
dans  un  instrument,  puisqu'il  peut,  avec  leur  secours,  faire  sortir  ou 
rentrer  tous  les  jeux,  les  réunir  par  systèmes  de  jeux  de  flûtes,  de  jeux 
d'anches  et  de  jeux  de  mutation,  les  séparer,  accoupler  les  claviers 
dans  toute  leur  étendue  ou  par  octaves,  emprunter  à  la  pédale  pour 
fortifier  les  bases  des  claviers  à  la  main,  ou  emprunter  à  ceux-ci  pour 
fortifier  la  pédale,  enfin,  séparer  tout  ce  qui  a  été  réuni,  et  tout  cela 
sans  que  les  mains  de  l'artiste  quittent  le  clavier.  Cependant,  quelles  que 
soient  ces  richesses,  il  est  de  certaines  combinaisons  de  détails  qui  ne 
peuvent  être  faites  par  les  pédales  de  service,  et  qui  exigent  que  l'or- 
ganiste tire  en  pareil  cas  les  registres  des  jeux  un  à  un  ;  de  plus,  cha- 
que système  de  jeux,  dans  les  tira-tutti,  exige  que  chaque  pédale  de 
ces  systèmes  soit  mise  en  mouvement  à  son  tour,  ce  qui  fait  perdre 
du  temps,  et  ce  qui,  d'ailleurs,  retire  un  pied  du  clavier  des  pédales 
dans  un  moment  où  il  est  peut-être  nécessaire.  M.  Hill  a  imaginé  pour 
ces  cas  des  petits  claviers  placés  des  deux  côtés  des  claviers  de  l'in- 
strument. Au-dessus  de  chaque  touche  de  ces  petits  claviers  se  trouve 
l'indication  du  jeu  ou  du  système  de  jeux  h  quoi  elle  correspond,  en 
sorte  que  chaque  doigt  peut  faire  sortir  autant  de  jeux  ou  de  combi- 
naison de  jeux  que  veut  l'artiste,  et  que  pour  le  tira-tutti,  il  suffit 
d'étendre  toute  la  main  sur  le  clavier.  Les  combinaisons  que  la  main 
droite  fait  sortir,  la  main  gauche  les  fait  rentrer.  Le  mécanisme  par 
lequel  M.  Hill  fait  exécuter  tous  ces  mouvements  est  une  merveille  de 
légèreté  et  de  précision.  La  plus  légère  pression  des  doigts  sur  les 
touches  suffit  pour  faire  exécuter  les  mouvements,  sans  que  le  moindre 
bruit  se  fasse  entendre. 

Plusieurs  autres  orgues  de  moindre  importance  que  celles  que  j'ai 


34 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


décrites  précédemment  se  trouvaient  à  l'Exposition  universelle  ;  mais 
avant  de  faire  l'examen  des  particularités  par  lesquelles  elles  se  distin- 
guent, il  est  nécessaire  que  je  dise  quelque  chose  du  système  d'accord 
des  orgues  anglaises. 

Jusque  dans  la  première  moitié  du  xvm"  siècle,  la  plupart  des  or- 
gues françaises,  belges,  allemandes,  etc.,  étaient  accordées  de  manière 
à  donner  une  justesse  absolue  dans  les  huit  tons  du  plain-chant;  on  y 
rejetait  les  inégalités  qui  sont  l'origine  du  tempérament  sur  certaines 
notes  qui  n'étaient  d'aucun  usage  dans  l'accompagnement  du  chant  des 
huit  tons,  et  qui  devenaient  par  cela  même  horriblement  fausses.  Tels 
étaient  les  la  bémol  et  ré  bémol,  qui  formaient  des  tierces  déchirantes 
avec  ut  et  ja.  Cependant  la  transformation  de  la  tonalité  qui  s'opéra 
dès  le  commencement  du  xvne  siècle  et  qui  était  accomplie  avant  1660, 
avait  obligé  les  organistes  à  faire  leurs  préludes  dans  le  nouveau 
système  de  tonalité,  bien  qu'ils  traitassent  seulement  sous  cette  forme 
les  tons  analogues  à  ceux  du  plain-chant,  par  exemple,  ré  mineur 
pour  le  premier  ton  ;  sol  mineur  pour  le  second  transposé  ;  mi  mineur 
pour  le  troisième  ;  la  mineur  pour  le  quatrième  transposé  ;  ut  majeur 
pour  le  cinquième  transposé  ;  ja  pour  le  sixième  ;  ré  majeur  pour  le 
septième  transposé  et  pour  le  huitième.  On  voit  que  les  notes  fausses 
n'apparaissent  pas  dans  ces  tons. 

J.-S.  Bach  ne  pouvait  rester  dans  des  limites  si  étroites  ;  son  génie 
le  portait  vers  le  genre  chromatique  et  vers  la  multiplicité  ries  modula- 
tions. Le  système  d'accord  des  orgues ,  pratiqué  également  par  la  plu- 
part des  accordeurs  pour  les  clavecins,  parce  que  les  tons  où  il  y  avait 
beaucoup  de  dièses  et  de  bémols  n'étaient  employés  ni  par  les  exécu- 
tants ni  par  les  compositeurs  ;  ce  système,  dis-je,  contrariait  les  goûts 
du  grand  artiste,  fort  jeune  encore.  Il  commença  ses  essais  de  fugues, 
modulées  et  composées  dans  des  tons  inusités,  lorsqu'il  était  organiste 
à  la  cour  de  Weimar,  dont  il  fit  accorder  l'orgue  suivant  les  règles 
du  tempérament  égal  pour  réaliser  ses  vues.  La  nouveauté  des  effets 
qu'il  en  tirait  fit  une  vive  impression  sur  quelques  organistes  de  grand 
mérite  qui  existaient  alors  en  Allemagne  ;  ils  firent  accorder  leurs  or- 
gues d'après  le  même  système.  Mais  la  révolution  ne  fut  complète 
qu'après  que  la  monumentale  conception  de  Bach,  connue  sous  le  nom 
de  clavecin  bien  tempéré,  fut  connue  et  que  les  copies  en  furent  répan- 
dues. On  sait  que  ce  recueil  est  composé  de  quarante-huit  fugues  et 
préludes  dans  tous  les  tons  majeurs  et  mineurs  ;  mais  on  ignore  géné- 
ralement la  signification  du  titre  choisi  par  le  grand  homme.  Le  cla- 
vecin bien  tempéré  veut  dire  que  l'instrument  doit  être  accordé  de  telle 
manière  qu'on  puisse  exécuter  dans  tous  leurs  tons  respectifs  les  pré- 
ludes et  les  fugues  de  cette  oeuvre  immortelle.  Les  orgues  de  l'Allema- 
gne, celles  de  France,  de  Belgique  et  d'Italie,  sont  depuis  plus  de 
soixante  ans  accordées  d'après  le  tempérament ,  comme  le  sont  les 
pianos.  Mais  les  facteurs  anglais  sont  restés  fidèles  à  l'ancien  système 
de  l'accord  pour  les  tons  du  plain-chant  dans  les  orgues  d'église,  et  ne 
font  usage  du  tempérament  que  dans  les  instruments  destinés  à  quel- 
ques salles  de  concert  pour  l'exécution  des  oratorios  ;  en  sorte  qu'un 
organiste  de  grand  talent  ne  pourrait  se  faire  entendre  sur  les  orgues 
anglaises  placées  dans  les  églises  sans  déchirer  l'oreille  par  la  fausseté 
des  accords.  En  essayant  les  orgues  de  MM.  Gray  et  Davison ,  ainsi 
que  de  M.  Hill,  j'acquis  la  conviction  que  la  modulation  y  est  à  peu 
près  impossible.  Je  reviens  au  sujet  spécial  de  cette  lettre. 

Quelques  petites  orgues  étaient  exposées  au  Palais  de  Cristal.  L'un 
de  ces  instruments  était  un  orgue  de  chambre  construit  par  M.  Bishop. 
Cet  orgue  contenait,  suivant  le  livre  de  l'Exposition,  des  pédales  de 
combinaison  ;  mais  jamais  je  ne  l'ai  vu  ouvert,  et  je  ne  sais  ce  qu'il 
peut  être.  M.  Dawson  avait  exposé  un  aulophone,  espèce  d'orgue  dont 
les  tuyaux  étaient  en  carton  ;  mais  jamais  je  n'ai  pu  l'entendre  ni  le 
jouer.  Il  paraît  que  ces  instruments  étaient  peu  dignes  d'intérêt,  car 
il  ne  leur  a  été  accordé  par  le  jury  ni  récompense  ni  mention.  M.  Hol- 
dich,  facteur  à  Londres,  avait  mis  à  l'Exposition  un  petit  orgue  de 
chœur,  dans  lequel  il  avait  placé  un  jeu  de  flûte  octaviant  auquel  les 
Anglais  donnent  le  nom  de  diaocton  parce  qu'il  fait  entendre  deux  voix 


à  l'octave.  Ce  petit  instrument  n'offrait  d'ailleurs  rien  de  remarquable. 
M.  Scbûlz,  autrefois  facteur  d'orgues  à  Paulinzelle,  maintenant  éta- 
bli à  Mulhausen,  dans  la  Thuringe,  s'est  montré  fort  supérieur  à  la 
plupart  des  facteurs  anglais  dans  un  orgue  à  deux  claviers  à  la  main  et 
clavier  de  pédales,  construit  d'après  les  principes  de  proportions  de 
M.  Toepfer.  Sans  atteindre  au  fini  des  bonnes  orgues  françaises,  celui 
de  M.  Schûlz  se  distingue  par  sa  puissance  et  sa  bonne  sonorité.  Le 
clavier  du  grand  orgue  renferme  une  montre  de  8  pieds  ou  bourdon  de 
16,  une  viole  ou  gambe  de  8,  une  hohl-flùle  de"  8,  un  gedacht  ou  bour- 
don de  8,  un  prestant,  un  plein-jeu  de  cinq  rangs  de  tuyaux  et  une 
forte  trompette  de  8.  Les  jeux  du  second  clavier  sont  une  montre  de 
8  pieds,  un  bourdon  de  16  de  petite  taille,  un  bourdon  de  8,  une  flûte 
traversière  de  8,  un  prestant  et  un  flûte  de  4.  A  la  pédale  on  trouve 
une  sabbasse  de  16,  une  basse  de  8,  une  montre  de  8,  une  flûte  de  8, 
une  hohl-flûte  de  8,  et  un  trombone  de  16.  La  plupart  de  ces  jeux  ont 
une  bonne  harmonie,  et  leur  qualité  puissante  prouve  en  faveur  du 
système  proportionnel  de  M.  Toepfer.  M.  Schûlz  est  considéré  comme  un 
des  bons  facteurs  de  l'Allemagne.  Il  est  un  des  premiers  qui  aient  fait 
usage  des  sommiers  obliques.  Son  instrument,  auquel  une  médaille  de 
prix  a  été  décernée  par  le  jury  de  l'Exposition,  a  été  acquis  depuis  peu 
par  un  amateur  nommé  M.  Charles  Croskill,  et  placée  dans  la  grande 
salle  de  la  Bourse,  à  Northampton. 

11  est  un  autre  instrument  de  l'espèce  des  orgues,  lequel  se  recom- 
mande par  l'originalité,  et  qui  mérite  une  analyse  développée  :  je  veux 
parler  de  l'orgue  envoyé  à  l'Exposition  par  MM.  Antoine  et  Michel-Ange 
Ducci  frères,  de  Florence.  Cet  orgue,  qui  renferme  un  principal  ou 
montre  de  8  pieds,  divisé  en  deux  registres;  une  flûte  de  4  ,  également 
divisé  en  deux  registres;  une  doublette,  un  flageolet,  un  larigot,  et 
une  trompette  de  8  divisée  en  deux  registres,  est  contenu  dans  une 
caisse  étroite  dont  la  hauteur  n'est  que  de  1  mètre  46  centimètres;  la 
largeur,  96  centimètres,  et  la  profondeur,  52.  Tout  le  mécanisme  et  le 
placement  des  tuyaux  dans  un  espace  si  restreint  indiquent  les  disposi- 
tions les  plus  ingénieuses.  Mais  la  partie  essentiellement  remarquable 
de  ce  singulier  instrument  consiste  dans  le  jeu  de  la  pédale,  dont  le 
clavier,  û'uthut,  a  l'étendue  d'une  octave  divisée  par  douze  demi- 
tons.  Cette  pédale  est  un  bourdon  de  16  pieds  dans  la  note  la  plus 
grave.  Les  douze  demi-tons  sont  produits  par  le  même  tuyau  en  bois  de 
h  pieds,  placé  dans  la  caisse  qui  sert  de  siège  à  l'organiste.  Ce  tuyau  , 
étant  bouché,  ne  pourrait  donner  que  le  son  d'un  ouvert  de  8  pieds 
pour  la  note  la  plus  grave,  répondant  à  l'ut  de  la  quatrième  corde  du 
violoncelle;  mais  par  les  circuits  que  l'air  est  contraint  de  faire  dans 
la  capacité  du  tuyau  ,  ce  son  est  baissé  d'une  octave.  Des  ouvertures 
pratiquées  dans  la  longueur  de  la  paroi  supérieure  du  tuyau,  et  fermées 
par  des  espèces  de  soupapes  à  ressort ,  servent  à  produire  les  douze 
demi-tons  chromatiques  qui  répondent  aux  marches  du  clavier  de  pé- 
dales, et  fonctionnent  avec  beaucoup  de  régularité.  De  cette  combinai- 
son résulte  une  puissance  de  sonorité  qui  paraît  incompatible  avec  les 
proportions  d'un  si  petit  instrument.  La  première  impression  ,  à  l'au- 
dition d'une  si  grave  sonorité,  est  celle  de  l'étonnement  ;  cependant  la 
personne  chargée  de  la  garde  et  de  l'entretien  de  l'ingénieux  instru- 
ment de  MM.  Ducci  m'ayant  dit,  pendant  que  je  le  jouais,  que  la  pédalo 
était  formée  par  un  seul  tuyau  placé  dans  le  siège  sur  lequel  je  me 
trouvais,  j'examinai  les  dimensions  de  ce  siège,  et  je  devinai  aussitôt 
les  dispositions  intérieures  de  ce  tuyau,  ainsi  que  le  mécanisme  des 
soupapes  ou  clefs  pour  produire  les  demi-tons.  Le  mandataire  de 
MM.  Ducci  parut  d'abord  étonné  que  le  secret  d'une  construction  si 
inusitée  eût  été  pénétré  sans  difficulté  ;  mais,  au  lieu  de  se  retrancher 
dans  des  dénégations  inutiles,  il  démonta  le  siège,  et  me  fit  voir  tous 
les  détails  du  mécanisme,  qui  répondaient  à  mes  prévisions. 

L'instrument  de  MM.  Ducci  a  obtenu  les  éloges  de  beaucoup  d'artis- 
tes distingués  en  Italie,  et  le  jury  de  l'Exposition  universelle  a  décerné 
une  médaille  de  prix  aux  inventeurs.  Les  mêmes  industriels  ont  voulu 
appliquer  leur  principe  à  un  instrument  basse  d'orchestre,  auquel  ils 
ont  donné  le  nom  de  barislale.  Suivant  eux,  le  souffle  de  l'homme.. 


DE  PARIS. 


35 


môme  le  plus  robuste,  esl  h  peine  suffisant  pour  l'aire  résonner  un  in- 
strument qui,  dans  les  notes  graves,  est  à  l'unisson  des  notes  de  la 
première  corde  de  la  contre-basse.  Les  sons  produits  à  ce  degré,  diseir 
MM.  Ducci,  sont  très-faibles,  n'ayant  pas  l'énergie  nécessaire  pour  cor- 
respondre aux  sons  du  soprano,  qui,  sans  nul  doute,  sont  mieux  pro- 
duits par  le  souffle  de  l'homme  qui  pa:  aucun  moyen  mécanique  connu. 
L'art  et  le  génie,  ajoutont-iU,  ne  peuv.nt  suppléer  la  force  nécessaire 
pour  faire  résonner  les  basées  graves  avec  une  force  proportionnelle 
à  celle  des  instruments  aigus.  leurs  propositions  se  résument  de  la 
manière  suivante  : 

1°  La  force  d'insufflation  de  l'homme  est  suffisante  pour  mettre  en 
vibration  complète  les  instruments  dont  la  note  la  plus  grave  est  repré- 
sentée par  l'ut  d'un  tuyau  d'orgue  de  h  pieds. 

2°  Si  l'on  veut  baisser  d'une  octave,  et  conséquemment  employer  un 
tuyau  dont  les  dimensions  soient  doublées  dans  toutes  les  mesures.  Or 
un  corps  régulier  qu'on  veut  doubler  en  longueur,  en  épaisseur  et  en 
diamètre,  devient  sept  fois  plus  volumineux,  en  sorte  que  la  sortie  de 
l'air  du  tuyau  de  8  pieds  est  de  trois  quarts  plus  grande  que  celle  d'un 
tuyau  de  4  pieds.  MM,  Ducci  en  concluent  que  si  la  puissance  d'insuf- 
flation d'un  homme  est  nécessaire  pour  un  tuyau  de  4  pieds,  il  faut 
celle  de  quatre  hommes  pour  un  tuyau  de  8  pieds.  D'où  il  suit  qu'il  faut 
la  puissance  du  souffle  de  seize  hommes  pour  un  tuyau  de  16  pieds,  et 
de  soixante- quatre  pour  un  tuyau  de  32  pieds. 

3°  Ce  qui  ne  peut  être  fait  par  la  force  humaine,  peut  être  fait  par  la 
mécanique,  et  un  soufflet  suffisamment  chargé  pour  la  pression  de  l'air 
peut  faire  résonner,  avec  une  force  égale  aux  instruments  aigus  ,  les 
instruments  de  basse,  dont  la  note  grave  équivaudrait  à  \'ut  de  32  pieds. 
Ce  soufflet  peut  être  facilement  manœuvré  par  l'artiste  qui,  au  moyen 
d'un  clavier,  ferait  jouer  les  clefs  ou  soupapes  d'un  tuyau  semblable  à 
celui  dont  il  est  parlé  ci-dessus. 

k°  Mais  l'expérience  a  démontré  que  les  tuyaux  d'orgue  très-graves 
du  genre  des  flûtes  n'ont  pas  le  mordant  nécessaire  pour  dominer  la 
masse  des  instruments  d'un  orchestre.  Pour  obtenir  ce  mordant, 
MM.  Ducci  ont  imaginé  un  moyen  mécanique  pour  produire  dans  leur 
barislate  l'effet  strident  des  jeux  d'anches  très-forts  ;  mais  ce  moyen 
factice  ne  m'a  pas  paru  atteindre  le  but  qu'ils  se  sont  proposé,  car  le 
ronflement  qu'ils  obtiennent  par  leur  moyen  ressemble  absolument  aux 
battements  précipités  du  chevalet  dans  l'ancienne  trompette  marine. 
L'effet  produit  est  du  bruit,  mais  ce  n'est  pas  un  son  pur. 

Sans  entrer  en  discussion  sur  l'exactitude  des  données  posées  par 
MM.  Ducci ,  je  crois  donc  pouvoir  assurer  que  le  barislate  ne  satisfera 
pas  aux  conditions  de  sonorité  indispensables  pour  un  instrument  fon- 
damental, et  que  par  cette  raison  il  n'obtiendra  pas  le  succès  que  ses 
inventeurs  espèrent  pour  lui. 

Dans  ma  prochaine  lettre,  qui  sera  la  dernière,  je  me  livrerai  à  l'a- 
nalyse d'un  nouvel  orgue  enharmonique  et  de  quelques  perfectionne- 
ments des  harmoniums.  FÉT1S  père. 


THEÀTBE  DU  GBAWÛ  OPERA. 


Reprisse  «le  £liti?ifnime  'Fetl. 
Itïil  "Biorisles. 


f.ucyiHtfrd.  — 


C'est  une  belle  propriété  à  cultiver  et  à  faire  valoir  qu'un  chef-d'œu- 
vre. Vous  n'avez  qu'à  le  laisser  reposer  quelque  temps  et  qu'à  le  ra- 
fraîchir de  quelques  tours  de  charrue  :  les  épis  reverdissent,  la  mois- 
son mûrit  et  les  greniers  regorgent.  Guillaume  Tell  est  du  nombre 
de  ces  bonnes  terres,  où  le  regain  ne  manquera  jamais.  Par  une  excep- 
tion rare,  on  n'en  avait  pas  d'abord  connu  toute  la  richesse  ;  il  fallut 
qu'un  grand  artiste  vînt  le  tirer  de  la  triste  jachère  où  il  languissait  de- 
puis longtemps.  C'est  à  peine  si  l'on  peut  croire  ce  qui  pourtant 
n'est  que  trop  vrai.  Guil'aume  Tell,  avant  Duprez,  en  était  réduit  à 
n'être  plus  joué  que  par  fragments  ;  on  en  donnait  le  second  acte  de- 
vant un  ballet  ou  un  concert.  Le  second  acte  de  Guillaume  Tell  tombé 
à  l'état  de  lever  de  rideau  ! 

Depuis  la  réhabilitation,  autre  mésaventure  :  Duprez  avait  élevé  si 


haut  le  rôle  d'Arnold  que  personne  n'était  plus  do  taille  à  l'aborder. 
L'année  dernière,  h  pareille  époque,  un  jeune  chanteur  nommé  Mairalt 
montra  dans  ce  beau  rôle  quelques  brillantes  qualités.  Mais  à  cette 
année  était  réservé  l'honneur  d'une  reprise  tout  à  fait  digne  de  l'œuvre. 
La  direction,  qui  avait  remis  tant  d'ouvrages  classiques  au  courant  du 
répertoire,  ne  pouvait  négliger  Guillaume  Tell,  et  Gueymard,  dont 
les  progrès  avaient  été  si  remarquables  pendant  les  derniers  mois, 
devait  aspirer  à  en  faire  preuve  clans  le  rôle  le  plus  difficile  de  l'emploi. 

Guillaume  Tell  a  doncreparu  ;  la  foule  s'est  pressée  pour  le  revoir 
avec  une  ardeur  toute  nouvelle  ;  le  premier  jour  on  s'est  même  étouffé 
aux  portes  parce  que  la  salle  entière  était  louée,  et  que  tous  les  spec- 
tateurs se  présentaient  à  la  fois.  Il  n'en  est  résulté  qu'un  retard  dans  le 
commencement  du  spectacle.  Sans  doute  le  chef-d'œuvre  était  pour 
beaucoup  dans  cet  accès  de  curiosité  fiévreuse,  mais  le  jeune  chanteur 
y  était  aussi  pour  une  part  notable,  et  nous  nous  hâtons  de  dire  qu'il  a 
justifié  ce  vif  intérêt.  Nous  ne  sommes  pas  de  ceux  qui  flattent  les  ar- 
tistes, qui  les  perdent  en  les  enivrant.  Nous  ne  flatterons  pas  Guey- 
mard plus  qu'un  autre,  mais  nous  le  féliciterons  franchement  de  la 
manière  dont  il  a  rempli  sa  tâche,  souvent  bien,  parfois  très-bien,  ra- 
rement mal.  Nous  constaterons  qu'il  a  fait  un  pas  de  plus,  et  que  dé- 
sormais Guillaume  Tell  est  sûr  de  trouver  en  lui  un  interprète. 

Nous  nous  garderons  de  comparer  ce  que  Gueymard  est  aujourd'hui 
à  ce  que  Duprez  était  naguères  :  la  distance  est  encore  trop  grande. 
Duprez  était  un  maître  consommé  :  Gueymard  le  sera  peut-être  un 
jour,  mais  il  a  besoin  d'études  sévères  et  assidues.  II  a  besoin  de  mo- 
dérer, de  contenir,  d'assouplir  sa  voix ,  dans  l'intérêt  de  son  effet  et 
de  sa  durée.  En  revanche,  et  dès  à  présent,  le  jeune  artiste  a  pour  lui 
la  puissance  du  son,  l'éclat,  la  chaleur,  l'énergie.  Il  parle  au  public  un 
langage  que  le  public  comprend  ,  qui  l'émeut ,  le  passionne  :  il  y  a 
communication  directe  entre  l'audito;re  et  lui.  Dans  le  duo  du  premier 
acte,  dans  celui  du  second  ,  Gueymard  a  souvent  trouvé  l'accent  mu- 
sical et  dramatique.  Ce  qu'il  a  dit  le  mieux,  c'est  toute  la  première 
partie  du  magnifique  trio  :  c'est  la  phrase  de  récitatif  :  Je  cours  dans 
les  combats  reconquérir  l'honneur;,  c'est  aussi  la  phrase  de  chant: 
Souvent  la  gloire  y  marqua  mon  passage;  elle  remplace  aussi  la  li- 
berté. Dans  l'autre  phrase  si  pathétique  :  0  ciel  !  je  ne  te  verrai  plus, 
il  n'atteint  pas  les  trois  si  aigus  sans  un  effort  pénible,  et  déjà  l'on 
pouvait  présager  ce  qu'il  adviendrait  de  lui  dans  l'air  final,  s'il  avait  la 
témérité  d'aspirer  au  fameux  ut  de  poitrine.  Mais  quelle  folie  de  s'y 
croire  obligé,  condamné,  comme  par  un  arrêt  de  cour  souveraine  !  A 
quoi  bon  cette  note,  qui  n'ajoute  rien  à  la  beauté  de  l'air,  ni  au  mérite 
du  chanteur,  cette  note  jetée  dans  le  dernier  membre  d'une  péroraison, 
et  qui  n'a  jamais  été  écrite  à  l'intention  d'une  poitrine  humaine?  Adol- 
phe Nourrit,  premier  éditeur  de  cette  note,  la  donnait  en  voix  de  tête, 
et  ne  l'a  pas  donnée  longtemps,  puisque  l'air  fut  supprimé  presque  tout 
de  suite.  Il  a  plu  à  Duprez ,  par  fantaisie  d'artiste,  par  une  sorte  de 
luxe  audacieux  (car  il  n'y  a  rien  là  de  nécessaire),  de  prendre  l'ut  en 
voix  de  poitrine.  Et  voilà  que  tous  ses  successeurs  seraient  à  jamais 
forcés  de  le  prendre  comme  lui,  sous  peine  de  la  vie,  et,  ce  qui  est  plus 
grave,  sous  peine  de  la  voix  ?  Non ,  certes  ;  le  public  serait  trop  ab- 
surde s'il  l'exigeait,  et  les  chanteurs  trop  malheureux  s'il  fallait  s'y 
soumettre.  Gueymard  a  eu  grand  tort  de  ne  pas  être  assez  brave  pour 
rompre  avec  une  tradition  insensée,  et  qui  coûterait  trop  cher,  si  l'on 
s'obstinait  à  la  perpétuer.  Il  avait  trop  bien  dit  tout  le  cantabile  de 
l'air  pour  ne  pas  devoir  compter  sur  une  amnistie  pleine  et  entière. 
A  la  troisième  épreuve,  il  a  modifié  le  passage,  en  partageant  sa  tâche 
avec  le  chœur,  et  en  se  reposant  pendant  deux  mesures  pour  mieux 
lancer  la  dernière.  Ce  n'est  pas  encore  assez  :  il  faut  renvoyer  le  pu- 
blic sur  un  plaisir  et  non  sur  une  douleur. 

Morelli ,  chanteur  distingué,  mais  qui  parle  un  peu  trop  italien  pour 
une  scène  française,  a  soutenu  sa  réputation  dans  le  rôle  de  Guillaume; 
Mme  Laborde  n'a  pas  dérogé  non  plus  à  la  sienne,  danscelui  de  Ma- 
thilde;  Obin  est  un  bon  et  brave  Walter;  Aimés,  un  peu  timide  dans  le 
pêcheur. 


36 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSiCALE 


L'affiche  annonçait  deux  cents  choristes  pour  le  final  du  second  acte. 
Ce  sont  de  ces  choses  qui  produisent  toujours  un  immense  effet. . .  sur 
une  affiche  ;  mais  dans  les  salles  de  spectacle  et  de  concert,  il  y  a  long- 
temps que  l'on  sait,  par  expériences  multipliées,  qu'au-delà  de  la  force 
suffisante,  toute  force  est  perdue,  et  que  trente  bons  choristes  valent 
beaucoup  mieux  que  deux  cents,  d'autant  que,  dans  le  nombre,  il  s'en 
rencontre  tojouurs  de  médiocres,  chantant  peu  ou  point ,  et  trop  éloi- 
gnés des  chefs  d'attaque  pour  ne  pas  attaquer  mal,  et  nous  en  citerions 
plus  d'un  exemple. 

L'orchestre  avait  supérieurement  exécuté  l'ouverture,  et  en  général 
l'ensemble  de  la  représentation  ou,  pour  mieux  dire,  des  représenta- 
tions, car  Guillaume  Tell  a  été  joué  lundi,  mercredi  et  vendredi,  a  eu 
de  quoi  satisfaire  les  connaisseurs  et  les  ignorants,  qui  ne  sont  pas 
les  moins  difficiles.  P.  S. 


THEATRE  DE  L'OPËFA  NATIONAL. 

I.e  Mariage   en    l'air,    opéra  boufjon  en  un  acte, 
musique  de  M.  Eugène  Déjazet. 

Les  auteurs  des  paroles  désirent  garder  l'anonyme  :  telle  est  la 
déclaration  faite  au  public  par  M.  Grignon  le  père,  après  la  première 
représentation.  Et  là-dessus  quelques  spectateurs  ont  réclamé.  Pour- 
quoi cela?  N'est-il  plus  permis  à  un  auteur  d'être  modeste,  de  jouir 
de  son  triomphe  en  silence,  de  craindre  le  vain  bruit  de  la  renommée, 
d'acheter  le  repos  au  prix  de  l'obscurité?  Assez  d'autres,  ce  nous 
semble,  courent  après  la  gloire. 

D'ailleurs,  n'est-il  pas  de  bon  goût,  de  la  part  de  deux  écrivains 
vieillis  dans  la  carrière  théâtrale,  et  qui  comptent  les  succès  par  cen- 
taines, de  s'effacer  devant  un  jeune  compositeur  qui  fait  ses  premières 
armes,  et  de  ne  pas  disputer  à  son  nom  l'attention  et  les  applaudisse- 
ments du  public  ? 

Après  tout,  ce  n'est  pas^un  nom  nouveau  que  celui  de  M.  Déjazet. 
Depuis  longtemps  il  est  connu  et  chéri  du  public,  pour  lequel  il  signifie 
esprit,  gaîté,  finesse,  verve  intarissable,  grâce  naturelle  et  piquante, 
talent  sur  lequel  le  temps  n'a  aucune  prise...  Que  M.  Déjazet  ressemble 
à  sa  mère,  et  il  n'aura  point  à  se  plaindre  de  son  lot. 

Il  n'est  pas  facile,  dès  le  premier  pas  d'un  artiste,  de  préjuger  ce 
qu'il  fera;  mais  on  peut  déjà  discerner  ses  dispositions  et  apercevoir 
ses  tendances.  M.  Déjazet  est  évidemment  un  musicien  très-spirituel. 
Sa  petite  partition  abonde  en  idées  fines,  en  effets  piquants  et  inat- 
tendus. Sa  musique  est  naturelle,  vive,  légère,  et  habituellement  gaie. 
Il  a  reçu  de  la  nature  le  don  très-rare  d'exprimer  la  plaisanterie  par 
des  sons,  de  trouver  des  notes  railleuses.  Il  a  la  mélodie  facile,  abon- 
dante et  quelquefois  originale.  Sa  phrase  court  avec  grâce  ;  elle  a  le 
tour  élégant,  et,  çà  et  là,  de  charmants  caprices.  Voilà  des  qualités 
précieuses,  qui  ne  demandent  qu'un  peu  de  travail  et  de  pratique  pour 
se  développer.  A  côté  de  ces  qualités  il  y  a  des  défauts  sans  doute.  On 
reconnaît  dans  sa  musique,  à  plus  d'un  signe,  l'inexpérience  de  la  jeu- 
nesse. Ses  morceaux  n'ont  pas  toujours  une  forme  bien  régulière,  et 
le  plan  n'en  paraît  pas  suffisamment  étudié  ;  quelques  uns  sont  trop 
longs.  On  voit  que  l'auteur  jouit  pour  la  première  fois  du  plaisir  de 
s'entendre  exécuter,  et  qu'il  ne  s'en  rassasie  pas  facilement.  Son  in- 
strumentation, sans  être  bruyante,  nuit  souvent  à  l'effet  vocal.  A  cet 
égard  il  lui  manque  tout  naturellement  ce  que  l'on  n'acquiert  qu'avec 
le  temps,  à  force  de  comparer  le  résultat  espéré  au  résultat  obtenu. 
Tout  cela  disparaîtra  peu  à  peu,  tandis  que  les  qualités  resteront  et 
grandiront.  C'est  donc,  en  résumé,  un  début  très-heureux  que  M.  Dé- 
jazet vient  de  faire  sur  la  scène  lyrique  :  il  donne  beaucoup  déjà,  et 
promet  encore  davantage. 

Il  y  a  dans  son  ouverture  de  charmantes  phrases  dont  la  première 
surtout  mérite  d'être  signalée  :  mais  ce  morceau  manque  de  plan.  Il 
est  formé  de  mélodies  prises  au  hasard  dans  la  partition,  et  qui  n'ont 
entre  elles  aucune  homogénéité.  C'est  un  pot-pourri  ;  ce  n'est  pas  une 
ouverture.   On  a  remarqué,  dans  le  cours  de  l'ouvrage  ,  deux  airs 


bouffes,  chantés,  l'un  par  Colombine,  et  l'autre  par  Pierrot.  Le  premier 
gagnerait  à  être  raccourci  :  mais  il  renferme  des  idées  piquantes.  L'au- 
tre, moins  original  peut-être,  est  orné  d'un  andanle  fort  bien  écrit,  et 
disposé  à  merveille  pour  la  voix  de  M.  Grignon  le  fils,  qui  en  tire  un 
excellent  parti.  Ajoutez-y  un  duo,  un  trio,  un  quatuor,  un  final  :  avez- 
vous  vu  beaucoup  d'actes  mieux  garnis  ?  La  phrase  principale  du  duo 
est  heureuse,  mais  elle  est  écrite  beaucoup  trop  bas  pour  le  ténor.  Le 
trio  et  le  quatuor  sont  pleins  d'idées  piquantes  et  de  gracieuses  mélo- 
dies. Les  vifs  et  fréquents  applaudissements  de  l'auditoire  ont  prouvé 
à  l'auteur  qu'il  était  dans  la  bonne  voie,  et  n'avait  plus  qu'à  persé- 
vérer. \ 

Quelques  mots  suffiront  pour  la  pièce,  dont  les  personnages  sont  con- 
nus depuis  longtemps.  C'est  Léandre,  amoureux  de  Colombine  à  la 
barbe  du  bonhomme  Cassandre,  lequel  est  victime  des  artifices  et  des 
méchancetés  de  Pierrot.  Cassandre  a  entendu  parler  d'un  enchanteur 
qui  rend  les  vieillards  séduisants  et  apprivoise  les  beautés  les  plus  fa- 
rouches. Pierrot  lui  amène  Léandre  déguisé  en  magicien,  qui  interroge 
sollennellement  les  secrets  du  destin,  et  déclare  que  le  premier  qui  ob- 
tiendra un  baiser  de  Colombine  deviendra  fou.  Alors  Colombine  notifie 
à  Cassandre  qu'elle  l'adore,  et  veut  absolument  l'embrasser.  Cassandre 
prend  la  fuite,  et  laisse  le  champ  libre  à  son  rival.  Il  revient  ensuite  : 
mais  Léandre  tire  sa  grande  épée,  teinte  du  sang  de  six  dragons  qu'il  a 
tués  en  se  promenant.  Cassandre  se  réfugie  sur  un  arbre,  grâce  à  une 
échelle  double  qui  se  trouve  là.  Léandre  et  Pierrot  tirent  l'échelle,  et 
l'amènent  auprès  de  la  fenêtre  de  Colombine.  Colombine  paraît  à  son 
balcon  ;  Léandre  monte  au  niveau  de  ce  balcon.  Le  notaire  arrive  par 
un  toit,  et  rédige  le  contrat  de  mariage,  qui  se  signe  en  l'air. 

Cette  folie  est  très-agréablement  jouée  et  chantée  par  Mlle  Guichard, 
M.  Biéval,  MM.  Grignon  père  et  fils.  Ce  dernier,  tout  jeune  artiste,  a 
une  voix  charmante,  une  excellente  méthode,  de  l'intelligence  et  du 
goût.  Nous  sommes  bien  trompé  s'il  n'est  pas  destiné  à  fournir  une 
brillante  carrière.  G.  HEQUET. 

CONCERTS. 

Ulle   MAUEliliIXE  GliAEVER. 

Sébastien  Bach  a  créé  seul  une  école  dans  l'art  de  jouer  du  piano, 
qui  existe  encore  par  son  beau  recueil  de  préludes  et  de  fugues.  Au 
xviiie  siècle  brillèrent  aussi  Mozart  et  démenti  comme  chefs  d'école  ; 
puis  vinrent  Steibelt  et  Dusseck;  puis  Beethoven,  Hummel  et  Weber, 
qui  passionnèrent  le  moins  passionné  des  instruments;  puis  enfin, 
Cramer,  Moschèles  et  Kalkbrenner,  au  style  brillant,  net,  froid,  et  à  peu 
près  tombé.  Thalberg,  Liszt  et  Chopin  changèrent  la  manière  d'évoluer 
sur  le  clavier,  trouvèrent  de  nouveaux  effets  au  moyen  d'un  nouveau  mé- 
canisme, et  devinrent  de  nos  jours  les  dieux  du  piano.  Mais  en  France, 
nous  sommes  pour  les  pianistes  ce  que  sont  les  Italiens  à  l'égard  des 
compositeurs  et  des  chanteurs,  qu'ils  usent  rapidement  dans  ces  luttes 
artistiques  qui  remplacent  celles  des  gladiateurs  de  l'antiquité. 

Les  chutes  des  chefs  d'école  du  piano  sont  moins  terribles  que  celles 
des  gladiateurs  ;  ils  ne  tombent  que  dans  l'oubli,  et  se  retirent  souvent 
du  commerce  de  la  fantaisie  et  des  leçons  avec  une  brillante  fortune. 
Si  la  succession  des  trois  illustres  et  derniers  pianistes  que  nous  venons 
de  citer  était  ouverte,  certes  les  héritiers,  nous  pourrions  même  dire  des 
héritières,  ne  manqueraient  pas,  attendu  que  la  loi  salique  n'est  pas  en 
vigueur  dans  le  royaume  du  piano.  Après  Mines  Montgeroult,  Farrenc, 
Pleyel,  Guénée,  Polmartin,  etc.,  ces  reines  qui  ont  régné  longtemps  et 
régnent  encore  sur  le  clavier,  ce  trône  d'ivoire  et  d'ébène  qui  riva- 
lise ou  fait  ressortir  les  plus  jolies  mains,  viennent  les  princesses  de 
l'art,  Mlles  Maltmann,  Martin,  Charlotte  de  Malleville,  etc  ,  etc.,  etc. 
Mais  les  générations  et  les  dynasties  vont  vite  par  le  temps  qui  court, 
et  parmi  les  virtuoses  de  ce  genre.  Sans  compter  la  pianiste  de  six  ans 
du  département  de  l'Hérault,  dont  nous  avons  déjà  parlé  à  nos  lecteurs, 
et  qui  va  bientôt  se  faire  entendre  dansParis  ;  sans  citer  la  jeune  Zélina 
Vautierque  chacun  a  entendue  avec  plaisir  chez  Mme  la  comtesse  de  Bien- 


DE  PARIS. 


37 


court,  née  Montmorency,  et  non  de  Riencourt,  ainsi  que  nous  l'ont  l'ait 
dire,  dans  le  dernier  numéro  de  la  Gazette  musicale,  nos  imprimeurs, 
qui  ne  sont  pas  obligés  d'être  des  d'Hozicr  pour  distinguer  et  classer 
les  noms  nobiliaires  de  France ,  nous  avons  en  ce  moment  dans  Paris 
des  pianistes  de  dix-huit  à  vingt  ans  à  qui  le  présent  et  l'avenir  appar- 
tiennent, avenir  un  peu  borné,  comme  nous  venons  de  le  dire.  De  ce 
nombre  est  Mlle  Madeleine  Graever,  qui  a  donné  son  premier  concert 
public  mercredi  dernier  dans  la  salle  Herz. 

Mlle  Graever  aété,  devant  un  publicpayant,  ce  qu'elle  s'étaitmontrée 
chez  M.  Erard  en  présence  d'auditeurs  invités,  pianiste  au  jeu  net,  ferme, 
vigoureux  et  brillant.  Elle  ne  se  spécialise  pas  dans  sa  manière  de  jouer 
du  piano,  et  dit  bien  également  les  œuvres  classiques  et  les  productions 
modernes,  depuis  la  vieille  sonate  de  Mozart  jusqu'au  galop  chromati- 
que de  Liszt,  qu'elle  a  joué  avec  une  vélocité,  une  fougue,  un  brio  digne 
de  rivaliser  celui  de  l'auteur. 

Le  concert  a  commencé  par  un  beau  trio  (le  2e)  de  M.  De  Bériot  pour 
piano,  violon  et  violoncelle,  dit  par  la  bénéficiaire,  MM.  Cuvillon  et  Le- 
bouc.  Mlle  Graever  nous  a  fait  entendre  la  brillante  et  dramatique  fan- 
taisie de  Thalberg  sur  la  Muette.  Ce  morceau  a  été  dit  avec  énergie, 
grâce  et  légèreté  ;  et  puis ,  au  milieu  de  la  bonne  musique  de  cette 
séance,  Mlle  Graever  nous  a  joué  quelques  œuvres  légères  de  sa  com- 
position qui  ont  prouvé  qu'elle  n'est  pas  seulement  une  artiste  distin- 
guée, une  pianiste  mécanique,  mais  qu'elle  pense,  écrit  et  fait  adopter 
sa  pensée  par  ses  auditeurs  et  la  leur  fait  applaudir  par  le  prestige 
d'une  belle  exécution. 

M.  Cuvillon  a  dit  en  violoniste  habile  et  sympathique  une  brillante 
fantaisie,  et  M.  Lebouc  a  chanté  sur  son  violoncelle  trois  des  plus  belles 
mélodies  de  Schubert,  de  manière  à  rivaliser  la  voix  humaine  la  plus 
expressive.  Et  à  propos  de  voix  expressive  qui  s'appuie  sur  une  ex- 
cellente méthode  et  les  styles  de  chant  rétrospectif  et  moderne,  nous 
citons  ici  avec  plaisir  Mme  Claire  Hénelle,quia  dit,  dans  ce  concert, 
nn  bel  air  de  Haendel  et  la  délicieuse  Chanson  de  Mai,  de  Meyerbeer, 
cette  fine  analyse,  par  la  mélodie  et  l'harmonie,  des  fraîches  et  suaves 
impressions  de  l'amour,  exprimées  par  la  cantatrice  en  femme  qui 
comprend  la  poésie  et  toutes  les  délicatesses  de  l'art. 

LOUISE   «ITIHAW. 

Celle-ci  est  une  pianiste  exceptionnelle  :  nulle  n'amollit  la  touche 
d'ivoire  comme  elle,  ne  l'impressionne  en  impressionnant  ceux  qui  l'é- 
coutent,  parce  qu'elle  est  émue  elle-même,  parce  qu'elle  joint  la  con- 
science, la  croyance  en  la  puissance  de  l'art  du  son,  au  mécanisme  le 
plus  délié,  le  plus  preste,  le  plus  précis,  le  plus  brillant;  parce  que 
son  interprétation  musicale  ne  se  borne  pas  à  ce  mécanisme,  que  sa 
sensibilité  dépasse  le  poignet,  le  coude,  et  qu'elle  part  du  cœur,  et 
qu'elle  se  manifeste  par  tout  son  système  physiologique.  C'est  de 
tout  cela  et  de  beaucoup  d'autres  choses  dont  les  amateurs  ne  peuvent 
se  rendre  compte,  que  paraissait  émue  aussi  l'assemblée  qui  écoutait 
Mlle  Mattmann  jeudi  dernier  chez  Mme  de  Mandeville  ,  rue  de  Casti- 
glione,  où  se  faisait  entendre  cette  jeune  virtuose,  qui  semble  improvi- 
ser quand  elle  transmet  à  son  auditoire  quelque  chef-d'œuvre  de  nos 
grands  maîtres.  Ces  chefs-d'œuvre  ont  été  le  trio  en  si  bémol  de  Bee- 
thoven, dédié  à  l'archiduc  Léopold,  une  sonate  de  Mozart  et  un  frag- 
ment d'un'  trio  de  Haydn,  délicieusement  dit  par  MM.  Guerreau,  Le- 
iouc  et  Mlle  Mattmann,  qui  semble  toujours  en  progrès  par  l'effet 
qu'elle  produit. 

Cercle  llusical  et  Littéraire  de  Paris. 

On  désire  depuis  longtemps  que  les  virtuoses  qui  surgissent  de  tous 
les  points  de  l'Europe  musicale  dans  notre  capitale  des  arts,  puissent 
y  trouver  un  orchestre  permanent,  complet,  capable  et  à  bon  marché. 
Ce  phénix,  M.  Malibran,  excellent  violoniste  et  bon  chef  d'orchestre, 
est  en  voie  de  le  trouver,  et  il  nous  le  fera  voir  et  entendre  le  8  février 
prochain,  dans  la  salle  Sainte-Cécile,  avec  le  concours  de  la  Société 
des  Enfants  de  Lvtccc,  dirigée  par  M.  Gaubert. 


Tliéatre  de  la  Porte-Salnl-Hartin. 

La  Poissarde,  ou  les  halles  en  1804,  drame  ('mouvant  et  popu- 
laire, et  même  nobiliaire,  qui  a  obtenu  le  plus  brillant  succès  à  la 
Porte-Saint-Martin,  vendredi  dernier,  renferme,  dans  ses  éléments  de 
longues  et  fructueuses  représentations,  des  morceaux  de  musique  ré- 
trospective et  colorés  qui  peignent  bien  l'époque  où  se  passe  l'action. 
Le  chef  d'orchestre,  M.  Groote,  qui  a  procédé  à  cet  arrangement,  l'a 
fait  en  homme  intelligent  et  qui  sait  écrire.  L'ouverture  contient  le 
fragment  d'une fvgalina  d'un  bon  style;  l'entr'acte  du  l"au  2e  acte 
est  modulé  spirituellement,  et  les  airs  populaires  parmi  lesquels  figure 
la  fameuse  monwo,  la  contredanse  favorite  de  l'Empereur,  y  est  traitée 
d'une  manière  piquante.  La  musique  de  ce  drame,  enfin,  est  scénique, 
gaie  et  pathétique  tout  à  la  fois,  et  fort  bien  orchestrée.  Les  vieux 
pons-neufs  du  ballet  y  sont  placés  et  variés  avec  esprit.  Tout  cela  peut 
paraître  peu  de  chose  à  nos  docteurs  ès-science  des  sons,  car  il  ne  s'agit 
que  de  mélodies  que  la  France  chante  depuis  près  d'un  siècle  ;  mais 
nous  le  mentionnons  toujours.  Henri  BLANCHARD. 

Unie   EOIBADD   DE   COI  RY»\I>. 

Lundi  dernier,  les  salons  de  Pleyel  étaient  assiégés  par  la  plus  élé- 
gante société  de  Paris  ;  ajoutons  bien  vite  que  plus  des  trois  quarts  de 
cette  société  parisienne  était  russe.  11  s'agissait  d'entendre  et  d'encou- 
rager une  toute  jeune  femme,  artiste  déjà  par  le  talent,  mais  qui  n'avait 
pas  encore  subi  la  grande  épreuve  du  public. 

Nous  dirons  à  Mme  Roubaud  de  Cournand  qu'elle  n'a  besoin  que  de 
se  rassurer  pour  prendre  rang  parmi  les  pianistes  les  plus  distinguées. 
Deux  morceaux  classiques  et  sérieux  de  Beethoven  et  de  Mozart,  exé- 
cutés en  compagnie  d'Alard  et  de  Franchomme ,  avaient  montré  com- 
ment elle  comprend  et  sait  rendre  l'intention  des  grands  maîtres.  Aussi 
rien  ne  justifie  la  trop  vive  émotion  qui  lui  a  fait  abandonner  le  piano, 
au  moment  même  où  elle  ravissait  l'auditoire  par  son  jeu  expressif  et 
délicat,  en  exécutant  de  charmantes  études  de  Chopin ,  qui  fut  son 
maître. 

Nommer  Alard  et  Franchomme,  c'est  dire  comment  ils  ont  joué.  La 
fantaisie  sur  les  thèmes  de  la  Fille  du  régiment  est  une  des  plus  jolies 
productions  d'Alard,  et  il  l'exécute  comme  il  l'a  composée.  Mais  une 
autre  virtuose,  d'espèce  plus  rare  encore,  excitait  vivement  la  curiosité. 
On  voulait  entendre  chanter  une  jeune  et  charmante  princesse,  vrai- 
ment princesse,  et  non  princesse  de  théâtre.  Dans  les  arts  surtout,  il 
y  a  place  au  soleil  pour  tout  le  monde,  même  pour  les  grands  de  la 
terre.  Une  voix  puissante  et  légère,  une  méthode  parfaite,  inspirent  le 
regret  que  Mme  la  princesse  Labanoff  ne  soit  pas  née  dans  un  rang  qui 
permette  au  public  de  jouir  souvent  d'un  talent  exceptionnel,  même 
parmi  les  artistes.  M.  Lefort,  dont  le  nom  revient  souvent,  concourait 
aussi  à  cette  matinée,  qui  comptera  peu  de  rivales  dans  toute  la  saison. 

R. 

INÂUGUBATION  DU  GRAND  ORGUE  DE  SAINT-VINCENT  DE  PAUL, 

CONSTRUIT  PAR  M.  ARISTIDE  CAVAILLÉ-COLL  FILS. 
(Lundi,  26  janvier.) 

C'était  vraiment  un  beau  spectacle.  De  bas  en  haut  l'église  étincelait 
de  lumières.  Nef,  tribunes,  bas-côtés,  chapelles  latérales,  une  multi- 
tude empressée  avait  tout  envahi  ;  et  quelle  multitude  !  rien  que  des 
artistes,  des  -amateurs  éminents,  des  femmes  brillantes  et  fort  parées, 
tous  les  beaux  esprits  du  journalisme  et  de  la  littérature,  en  un  mot 
une  légion  d'illustres,  accourus  pour  recueillir  les  premiers  accords  du 
nouvel  instrument  qu'Aristide  Cavaillé-Coll  allait  livrer  à  la  publicité. 

Certes,  l'hommage  d'une  curiosité  aussi  vive  était  bien  dû  à  la  re- 
nommée du  facteur  hors  ligne  qui  s'est  déjà  immortalisé  par  l'exécution 
des  grandes  orgues  monumentales  de  la  Madeleine  et  de  la  basilique 
de  Saint-Denis,  magnifiques  témoignages  d'une  rare  et  puissante  intel- 
ligence de  l'art.  L'attente  publique  n'a  pas  été  trompée. 

Dans  cette  conception  toute  récente,  l'habile  mécanicien  s'est  élevé 


38 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


au  moins  à  la  hauteur  de  ses  précédents  chefs-d'œuvre,  si  même  il  ne 
l'a  dépassée.  Beaucoup  d'excellents  juges,  et  des  plus  impartiaux, 
n'hésitent  pas  à  reconnaître  que  pour  la  perfection  achevée  du  méca- 
nisme, pour  le  fini  consciencieux  des  détails  et  l'ingénieuse  application 
de  toutes  les  améliorations  souhaitables  faite  aux  diverses  parties  de 
l'instrument,  celui-ci  doit  être  considéré  comme  un  véritable  modèle, 
comme  le  spécimen  le  plus  avancé  de  l'art  du  facteur  d'orgue. 

Absolument  ignorante  des  secrets  de  ce  grand  art,  la  foule  n'a  pu 
apprécier  que  les  effets  de  sonorité  dont  l'oreille  est  le  juge  naturel.  Il 
n'est  pas  besoin  d'être  savant  et  expert  comme  messieurs  de  la  Com- 
mission de  vérification,  pour  sentir  bien  vite  ce  qu'il  y  a  d'immense 
mérite  dans  cette  sonorité  pleine,  riche,  variée,  dans  la  puissance  du 
volume  du  grand-chœur,  abondant  sans  confusion,  dans  la  netteté  ex- 
traordinaire des  pédales  les  plus  graves,  dans  la  fraîcheur  de  timbre 
des  jeux  de  récit.  Sans  rien  entendre  à  ce  que  c'est  que  sommier, 
abrégé,  laye,  pédales  d'accouplement,  jeux  harmoniques,  bombarde, 
solicional,  cromorne,  doublette  et  tant  d'autres  étrangetés  du  glossaire 
de  l'organier,  l'oreille  vulgaire  sent  très-bien  ce  qui  la  charme  ;  et  cette 
fois-ci  encore  l'oreille  a  été  promptement  charmée. 

L'œil  avait  eu  préalablement  son  tour.  Le  buffet  de  l'orgue  l'attirait 
par  l'originalité  d'un  dessin  qui  rompt  absolument  avec  la  routine  des 
formes  usitées.  M.  ftittorf,  l'architecte  du  monument,  a  eu  l'idée  de  le 
découper  en  deux  corps  de  montre,  séparés  l'un  de  l'autre  par  une 
haute  arcade.  Cette  ouverture  spacieuse  laisse  pénétrer  librement  la 
vue  dans  une  tribune  carrée,  dont  les  parois  sont  revêtues  de  boiseries 
façonnées  et  de  tuyaux  de  métal  symétriquement  groupés.  Largement 
éclairée  le  jour  par  les  vitraux  d'une  rosace  peu  chargée  en  couleur, 
cette  tribune,  destinée  à  l'organiste,  et  même,  selon  le  besoin,  aux 
chanteurs  solistes,  prend,  la  nuit,  à  l'éclat  des  lampes,  qui  font  scintil- 
ler lepoli  des  faces  métalliques,  une  perspective  singulièrement  théâ- 
trale. 

Derrière  cette  montre,  d'une  composition  moins  sévère  que  pittores- 
que, se  dérobent  aux  regards  et  la  soufflerie,  curieux  et  nouveau  sys- 
tème enfermé  dans  une  chambre  spéciale,  et  les  trois  claviers  de  main 
étages  sur  un  meuble  hardiment  isolé  du  corps  de  l'instrument,  et  le 
pédalier  des  deux  octaves  d'étendue,  et  les  douze  pédales  de  combi- 
naison, et  les  détails  infinis  de  ce  mécanisme  si  compliqué,  dont  l'au- 
ditoire subit  les  effets  irrésistibles  sans  soupçonner  les  longs  et  pro- 
fonds calculs  nécessaires  à  la  conception  et  à  l'enfantement  de  ce 
monde  sonore  qui  s'appelle  un  grand  orgue. 

Que  de  travaux  cependant!  Quelle  suite  incessante  de  méditations 
dans  le  cabinet,  de  labeurs  multipliés  dans  l'atelier!  Quarante-six  jeux 
complets  et  deux  mille  six  cent  soixante-neuf  tuyaux  en  bois  ou  en  mé- 
tal ne  se  disposent  point  dans  un  ordre  aussi  intelligent,  aussi  favora- 
ble à  la  circulation  libre  de  l'air,  à  la  propagation  facile  des  vibrations, 
à  l'émission  du  son  entière  et  dégagée,  sans  de  puissants  efforts  de  la 
pensée.  Non  assurément,  ce  n'est  pas  en  deux  heures  d'audition,  même 
avec  l'assistance  d'interprètes  aussi  exercés ,  aussi  infatigables  que 
MM.  Lefébure-Wely  et  Cavallo,  qu'il  est  possible  de  saisir ,  d'exposer 
les  nombreuses  qualités  qui  distinguent  l'économie  intérieure  d'une  si 
vaste  machine.  Mais  déjà,  et  nous  le  disons  sans  hésitation  aucune, 
notre  impression,  comme  l'impression  des  plus  connaisseurs,  est  tonte 
en  faveur  du  nouvel  orgue. 

Ajoutons  à  la  gloire  de  l'excellent  facteur  qu'il  a  eu  à  lutter  contre 
d'immenses  désavantages  de  localité.  Les  exigences  de  l'architecture, 
l'égoïste  qu'elle  est,  ont  contraint  l'artiste  à  établir  son  instrument  un 
étage  plus  haut  qu'il  ne  devrait  être  placé.  Il  en  résulte  que  les  sono- 
rités de  grand  volume,  refoulées  par  le  voisinage  trop  immédiat  des 
voûtes  de  l'église  (d'ailleurs  défavorables  à  l'acoustique)  n'obtiennent 
pas  l'entier  développement  dont  elles  sont  susceptibles.  Par  circon- 
stance accidentelle  aussi,  les  tentures  placées  momentanément  au  de- 
vant des  peintures  murales  de  MM.  Picot  et  Flandin,  absorbaient  cer- 
taine partie  du  son.  On  doit  nécessairement  tenir  compte  de  tous  ces 
inconvénients.  Pour  en  triompher  avec  tant  d'éclat,  il  faut,  on  en  con- 


viendra, que  le  nouvel  orgue  réunisse  au  plus  haut  degré  les  conditions 
d'un  excellent  instrument. 

Ses  ressources  brillantes  et  multipliées  se  sont  déployées  successi- 
vement dans  la  séance  d'inauguration  de  lundi  dernier,  sous  les  doigts 
expérimentés  de  M.  Lefébure-Wély,  organiste  de  la  Madeleine,  et  de 
M.  Cavallo,  nouveau  titulaire  à  Saint- Vincent-de-Paul.  A  l'exception 
d'une  fugue  exécutée  avec  talent  par  celui-ci,  et  empruntée  à  l'œuvre 
considérable  de  Sébastien  Bach,  l'un  des  patriarches  de  l'orgue  clas- 
sique, les  deux  jeunes  virtuoses  ont  improvisé  tour  à  tour,  chantant 
alternativement  ainsi  que  les  bergers  des  églogues  de  Virgile.  (1  ne 
nous  appartient  pas  de  décerner  ici  le  prix.  Guidés  par  le  désir  noble- 
ment désintéressé  de  faire  ressortir  les  mérites  du  beau  travail  d'Aris- 
tide Cavaillé,  les  deux  organistes  se  sont  moins  attachés  à  produire, 
dans  leurs  improvisations  non  préméditées,  un  tout  bien  conçu,  sage- 
ment ordonné,  en  un  mot  un  bon  morceau  de  musique,  qu'à  passer  ra- 
pidement en  revue  les  combinaisons  de  sonorité  les  plus  riches,  à  pro- 
voquer avec  adresse  les  effets  de  timbre  les  plus  séduisants,  à  faire 
apprécier  au  moyen  de  contrastes  perpétuels  le  trésor  inépuisable  de 
beautés  matérielles  recelé  dans  les  flancs  de  cette  charpente  gigantes- 
que. C'est  à  quoi  ils  ont  fort  bien  réussi  l'un  et  l'autre. 

Il  y  a  eu  particulièrement  une  scène  champêtre  entremêlée  d'orage, 
de  terreur,  de  prière,  dans  laquelle  M.  Lefébure  Wély  a  employé  fort  à 
propos  les  jeux  de  viola  di  gamba,  dont  le  timbre  imite  avec  une 
surprenante  fidélité  celui  d'un  chant  d'instruments  à  archets.  Ailleurs, 
il  a  tiré  le  meilleur  parti  du  cor  anglais  et  des  flûtes,  puis  de  la  voix 
humaine  (tous  jeux  de  qualité  supérieure  et  d'un  fini  extrême),  en  ac- 
compagnant Y  Ave  Maria  de  Cherubini  et  le  motet  au  Saint-Sacrement 
de  Les'ueur,  chanté  avec  beaucoup  de  goût  par  Alexis  Dupond.  De  leur 
côté,  Mlles  Landry  et  Montigny,  et  Mme  Lefébure  Wély  à  l'organe  si 
gracieux,  à  la  méthode  si  pure,  ont  bien  dit  quelques  morceaux  de  mu- 
sique religieuse.  C'est  là  un  genre  de  voix  angèVqxies  qu'Aristide  Ca- 
vaillé peut  se  proposer  d'imiter  dans  l'orgue  à  venir,  dont  son  active 
intelligence  médite  en  ce  moment  l'ensemble  et  les  détails. 

Quant  à  celui  de  Saint  •  Vincent-de-Paul ,  conception  réalisée  et  de  la 
plus  haute  portée,  nous  sommes  loin  d'avoir  tout  dit.  Pourrait-on  ap- 
précier dignement  en  quelques  lignes  l'énorme  labeur  de  plusieurs 
années?  Sans  doute  il  nous  sera  encore  donné  de  payer  avec  plui 
d'insistance  à  l'artiste  et  à  son  magnifique  travail,  le  tribut  mérité  d'un 
examen  moins  superficiel ,  plus  minutieux.  On  ne  saurait  trop  rendre 
justice  aux  œuvres  immenses  qui  portent  en  elles,  et  pendant  des  siè- 
cles, la  source  consolatrice  des  plus  pures  inspirations  de  la  foi  et  de 
la  prière.  Maurice  BOURGES. 

NOUVELLES. 

%*  Aujourd'hui  dimanche,  par  extraordinaire  à  l'Opéra,  la  Favoriir, 

suivie  de  la  Vivand'ère.  —  Demain  lundi  les  Hugu  nots. 

*»*  Le  Prince-Président  delà  République  assistait  à  la  première  des 
trois  représentations  de  Guillaume  Tell,  données  la  semaine  dernière. 

%*  Jeudi  soir,  les  deux  premiers  actes  du  Juif  errant  ont  été  répétés 
au  théâtre. 

%*  L'ouvrage  en  trois  actes  qui  se  répétait  à  l'Opéra-Comique  sous  le 
titre  de  Mathéus,  et  dont  les  auteurs  sont  MM.  de  Saint-Georges  et  Grisar, 
s'appellera  définitivement  le  Cariilonneur  de  liruij  s.  Il  aura  pour  inter- 
prètes MM.  Battaille,  Boulo,  Sainte-Foy  et  Ricquier,  Mmes  Wertheinber, 
Miolan  et  Révilly. 

%*  Les  Barreaux  verts,  en  deux  actes,  de  MM.  Sauvage  et  Bazin,  seront 
joués  par  Audran,  Sainte-Foy,  Hermann  Léon  et  Mlle  Lefebvre. 

%*  En  même  temps  on  s'occupe  de  monter,  pour  les  jours  gras,  le  Lutin, 
ouvrage  en  un  acte  de  MM.  de  Planard  et  Adolphe  Adam. 

*„*  Les  artistes  du  théâtre  de  l'Opéra-Comique  ont  offert ,  dimanche 
dernier,  après  le  spectacle,  dans  le  salon  des  Frères  Provençaux  ,  un 
splendide  banquet  à  leur  directeur,  M.  Emile  Perrin ,  à  l'occasion  de  sa 
récente  nomination  au  grade  de  chevalier  de  la  Légion-d'IIonneur.  La 
réunion  se  composait  d'environ  SO  personnes,  toutes  faisant  partie  du 
théâtre.  Le  souper  a  commencé  à  une  heure  du  matin  et  s'est  prolongé 
jusqu'à  quatre  heures.  M.  Perrin  a  trouvé  à  sa  place,  en  se  mettant  à  ta- 
ble, une  croix  d'honneur  que,  par  une  attention  pleine  de  délicatesse,  les 
artistes  lui  ont  offerte  comme  un  souvenir  de  l'honorable  circonstance 
que  l'on  allait  célébrer.  Au  dessert,  M.  Mocker,  en  sa  qualité  de  régisseur 
général,  a  porté  un  toast  à  M.  Perrin ,  au  nom  de  ses  camarades.  M.  Le- 


DE  PARIS. 


39 


maire  a  lu  des  vers  pleins  de  chaleur  et  qui  ont  été  justement  applaudis, 
et  M.  Perrin  a  répondu  avec  émotion  à  ces  démonstrations  si  vives  et  si 
sincères  en  reportant  la  gloire  et  la  prospérité  actuelle  de  l'Opéra-Çomi- 
que  au  mérite  remarquable  des  artistes  qui  le  composent  Le  banquet  ter- 
miné', on  a  improvisé  un  bal  qui  a  été  charmant  el  qui  s'est  prolongé  jus- 
qu'au jour. 

*„*  Le  Théâtre-Italien  a  repris  jeudi  dernier  ['Elisir  d'ainore,  avec 
Mlle  Corbàri,  Calzolari,  llelletti  et  Ferranti.  Mlle  Corbari  a  fort  bien  chanté 
le  rôle  de  la  prima  donna,  et  de  plus  elle  était  charmante  dans  son  costume 
de  paysanne  italienne.  Bellettj  s'est  acquitté  du  rôle  de  sergent  en  chan- 
teur de  premier  mérite.  11  est  impossible  d'y  mettre  plus  de  verve  et  d'y 
déployer  une  plus  étonnante  flexibilité  vocale.  Calzolari  est  toujours  ex- 
cellent dans  le  rôle  de  Nemorino  ;  celui  de  Duleamara  est  un  peu  fort 
pour  Ferranti. 

***  Hier  samedi,  a  eu  lieu  la  première  représentation  de  Fidelio. 

%*  La  Cour  d'appel  vient  de  confirmer  le  jugement  rendu  en  première 
instance  sur  la  question  soulevée  par  la  représentation  de  là  Fitjlia  dtl 
reygitn  nlo  au  Théâtre-Italien.  Il  a  été  décidé  que  des  droits  d'auteur 
étaient  dus  pour  cet  ouvrage,  qui  n'est  autre  que  la  Fille  du  régment,  re- 
présentée à  l'Opéra-Comique. 

*„*  Les  vingt  théâtres  de  la  capitale  occupent  en  ce  moment  2/i6  em- 
ployés, 425  acteurs  et  367  actrices  ;  ceux  de  la  banlieue  occupent  !t  em- 
ployés, kl  acteurs  et  28  actrices;  ceux  des  départements  occupent  261 
employés,  849  acteurs  et  599  actrices.  Total  général  2,826,  sans  compter 
les  comparses,  les  musiciens  d'orchestre,  les  ouvreuses  de  loges ,  les  mar- 
chands de  programmes  et  de  contremarques,  et  enfin  les  claqueurs,  qui 
forment  un  total  de  plusieurs  milliers  de  personnes. 

*„*  far  décret  du  26  janvier  dernier,  M.  Romieu  a  été  nommé  directeur 
des  Beaux-Arts,  en  remplacement  de  Mi  Guizard,  appelé  à  d'autres  fonc- 
tions 

%*  Plusieurs  journaux  ont  publié  la  note  suivante  :  — «  Avant-hier  sa- 
«  medi ,  la  Commission  des  auteurs  et  compositeurs  dramatiques  a  formé, 
»  entre  les  mains  des  directeurs  de  théâtres,  opposition  à  la  signification 
»  de  la  nouvelle  Société  des  auteurs,  compositeurs  et  éditeurs  de  roman- 
»  ces  et  chansonnettes.  Défense  leur  est  faite  de  payer  aucun  droit  à 
»  M.  Ilenrichs,  agent  de  cette  Société.  Ce  conflit  doit  nécessairement  ame- 
»  ner  entre  les  deux  Sociétés  un  procès  auquel  les  directeurs  seront 
»  étrangers.  Ces  derniers  se  sont  réunis  hier  dimanche,  a  ce  sujet.  Les 
«  auteurs  de  vaudevilles,  qui,  jusqu'à  présent,  prenaient  des  airs  dans  les 
«  albums,  ne  feront  dorénavant  usage  que  de  morceaux  du  domaine  pu- 
»  blic.  »  —  Ce  n'est  pas  la  première  fois  que  la  question  s'agite  :  à  diverses 
époques,  on  a  voulu  déposséderas  auteurs  de  vaudevilles  de  la  tolérance, 
sinon  du  droit,  dont  ils  ont  néanmoins  continué  à  jouir.  Pour  notre  part, 
nous  n'a\ons  jamais  compris  le  danger  qui  en  résultait  pour  les  auteurs 
d'opéras.  Au  contraire,  plusieurs  de  ces  derniers  n'y  ont  vu  que  des  avan- 
tages ,  et  nous  pourrions  en  citer  qui,  non-seulement  ont  permis  les  em- 
prunts à  leurs  partitions  les  plus  célèbres,  mais  qui  en  ont  témoigné  leur 
satisfaction  sincère.  Toutefois  il  est  évident  que  sur  le  terrain  légal  l'af- 
faire n'est  pas  douteuse.  Quant  à  la  pensée  d'introduire  quelque  mesure 
rétroactive  contre  les  vaudevillistes  de  bonne  foi,  nous  ne  la  regardons 
pas  comme  admissible. 

*„*  Mme  Vera  est  engagée  au  grand  théâtre  de  Barcelone. 

%*  On  répète,  à  Francfort  et  àStuttgard  Guillaume  d'Orange  ,  opéra  de 
Charles  Eckert.  —  Mme  Sontag  s'est  chargée  du  principal  rôle. 

*„.*  Le  Défunt  n\st  pas  mort!  Voilà  ce  que  la  presse  est  journellement 
exposée  à  redire  comme  ce  personnage  de  la  comédie  des  Hèrilùrs,  et 
en  vérité  l'on  ne  s'explique  pas  la  cruelle  malice  des  nouvellistes  ,  qui 
prennent  plaisir  à  lui  faire  enterrer  vivants  les  artistes  de  tout  genre. 
C'était  l'autre  semaine  le  tour  de  Frédéric  Iliosi ,  que  nous  avons  pleuré, 
regretté  de  la  meilleure  foi  du  monde ,  et  maintenant  il  se  trouve  que 
Frédéric  Ricci  n'était  qu'en  léthargie;  son  compagnon  de  voyage  éperdu 
l'avait  rayé  trop  tôt  de  la  liste  des  vivants.  Après  avoir  été  deux  semaines 
à  l'agonie,  le  jeune  compositeur  se  porte  bien  et  rassure  ses  amis  lui- 
même.  A  la  bonne  heure  ;  il  n'y  a  que  demi-mal ,  puisqu'on  n'a  versé  sur 
la  tombe  vide  que  des  larmes  et  des  éloges.  Frédéric  Ricci  aura  pu  assis- 
ter à  sa  postérité  sans  avoir  à  s'en  plaindre ,  et  nous  sommes  persuadés 
que  si  quelque  chose  doit  hâter  sa  guérison ,  c'est  la  lecture  de  sa  propre 
oraison  funèbre. 

%*  L'ouverture  de  Guillaume  Tell  vient  d'être  arrangée  à'quatre  mains 
par  M.  Uosellen  le  célèbre  pianiste  compositeur. 

%*  Demain,  lundi,  Mlle  Clauss,  la  jeune  et  brillante  pianiste,  donnera 
le  concert,  que  nous  avons  annoncé  déjà,  clans  la  salle  llerz.  L'intérêt  du 
programme  et  I.t  faveur  si  justement  attachée  à  l'artiste,  répondent  de 
l'empressement  et  du  succès 

V  M.  Ch.  Lebouc  vient  d'épouser  Mlle  Juliette  Nourrit. 

%*  Aujourd'hui  dimanche  ,  la  Société  Sainte-Cécile  donnera  son 
deuxième  concert  d'abonnement,  à  deux  heures  précises,  dans  la  salle 
Sainte-Cécile,  rue  la  Chaussée-d'Antin.  49  bis.  —  Programme.  —  1"  ou- 
verture de  la  V estât  ,  de  Spontini;  2"  fragment  de  Husemonde,  de  Franz 
Schubert,  avec  solo  chanté  par  Mlle  Lefebvre  ;  3°  Symphonie  en  tu  mineur, 
de  Beethoven  ;  W  chœur  de  B.anehe  de  l'rooen  e,  de  Cherubini  ;  5°  Air 
varié,  d'Adam,  chanté  par  Mlle  Lefebvre  ;  6"  ouverture  de  Ruij  Mas,  de 
Mendelssohn,  exécutée  pour  la  première  fois  à  Paris.  —  L'orchestre  sera 
conduit  par  M.  Seghers.  —  Les  chœurs  seront  dirigés  par  M.  Wekerlin. 

***  Voici  le  programme  du  second  concert  que  donnera  Ernst,  mer- 


credi, 'i  février,  dans  la  salle  llerz.  Le  célèbre  violoniste  exécutera  les 
morceaux  suivants:  1°  Allegro  pathétique  (extrait  de  son  concerto); 
2°  Variations  brillantes,  de  Mayseder;  3"  Feuillet  d'album,  de  Stephen 
lleller:  Allegretto,  Notturno,  d'Lrnst  ;  h"  Introduction  et  caprices  sur  un 
thème  de  Bellini,  également  de  sa  composition.  —  Comme  nous  l'avons 
annoncé  déjà,  Léopold  de  Meyer,  le  pianiste  prodigieux,  fera' entendre 
dans  cette  séance  si  intéressante  les  Souvenirs  il  lluli<\  morceau  nouveau 
de  sa  composition.  —  L'orchestre  sera  conduit  par  Hector  Berlioz. 

*„*  Nous  avons  donné,  dans  notre  dernier  numéro,  le  programme 
do  la  deuxième  séance  de  musique  de  chambre  de  MM.  Alard,  Fraie- 
homme,  etc  ,  qui  aura  lieu  aujourd'hui  dans  la  salle  Pleyel. 

*„*  Frédéric  Llr  pni .  par  Franz  Liszt,  tel  est  le  titre  d'un  volume  qui 
vient  da  paraître,  et  qui  offre  autant  d'intérêt  par  son  sujet  que  par  son 
auteur. 

%*  Deux  de  nos  artistes  les  plus  distingués,  Léon  Lecieux  et  Richard 
Mulder,  soulèvent  en  ce  moment  l'enthousiasme  delà  société  la  plus  choisie 
de  Nantes.  Déjà  plusieurs  soirées  particulières  ont  fait  briller  leurs  beaux 
talents,  et  les  salons  de  la  Préfecture  ont  retenti  des  bravos  unanimes  et 
chaleureux,  enlevés  par  l'exécution  brillante  de  ces  artistes  d'élite.  Leur 
prodigieux  succès  a  engagé  les  virtuoses  de  cette  ville  à  les  retenir  pour 
un  concert  qu  ils  ont  dû  donner  au  grand  théâtre,  vendredi  30,  et  dont 
nous  rendrons  compte. 

V  Mlle  de  Mallewlle  se  propose  de  donner  plusieurs  matinées  musi- 
cales, dont  la  première  est  fixée  au  lit  février,  avec  le  concours  de 
MM.  Casimir  Ney,  Lebouc,  Couffé,  Dorus,  Verroust  et  Mengal.  Nous  don- 
nerons, dans  notre  prochain  numéro,  le  programme  de  cette  séance. 

*„*  Dimanche  prochain ,  8  février,  à  une  heure  de  l'après-midi ,  aura 
lieu  ,  dans  la  belle  salle  de  Barthélémy,  au  bénéfice  d'un  artiste  qu'une 
longue  indisposition  tient  éloigné  de  la  scène,  une  grande  matinée  vocale 
et  instrumentale,  à  laquelle  concourront  les  plus  éminents  artistes.  On  y 
entendra  :  Mmes  Ugalde,  C.  Ponchard  ;  MM.  Ponchard ,  Levasseur,  Wartel; 
MM.  Louis  Lacombe,  Dancla,  Vangelder,  etc.  Ce  programme,  si  riche  en 
noms  accoutumés  au  succès,  sera  complété  par  un  intermède  comique, 
dont  M.  Levassor  fera  les  frais  avec  l'esprit  et  la  verve  qui  le  distinguent. 

%*  Les  habitants  de  la  petite  ville  de  Felletin  (Creuse)  ont  découvert 
que  dans  leurs  murs  était  né  Quinault ,  l'illustre  collaborateur  de  Lulli. 
Ils  ont  décidé  qu'une  statue  serait  érigée  à  leur,  compatriote,  et  la  céré- 
monie d'inauguration  a  eu  lieu  le  11  janvier.  Les  biographes  gardant  le 
silence  sur  le  lieu  de  naissance  de  Quinault,  la  ville  de  Felletin  aurait  bien 
désiré  produire  des  preuves  palpables  de  son  droit  à  le  revendiquer  comme 
compatriote.  Faute  de  pouvoir  produire  ces  justifications,  M.  le  maire  y 
a  suppléé  par  les  indications  suivantes  :  «  La  preuve  directe  que  nous  cher- 
chons serait  facile  à  fournir,  s'il  n'existait  malheureusement  plusieurs  la- 
cunes dans  les  registres  d'une  de  nos  anciennes  paroisses,  celle  de  Beau- 
mont,  que  la  ville  conserve  précieusement  dans  ses  archives.  Ils  remontent 
à  l'année  1591,  et  se  continuent,  à  quelques  interruptions  près,  jusqu'à 
nos  jours.  On  aurait  dû  ,  conséquemment,  trouver  à  l'année  1635  l'acte  de 
naissance  de  Quinault.  Mais,  par  une  fatalité  déplorable,  parmi  les  regis- 
tres qui  nous  manquent,  sont  précisément  ceux  de  1630  à  16Zil,  qui  éta- 
blissent la  vérité  de  notre  assertion.  En  l'absence  de  ce  document,  est-il 
donc  impossible  d'affirmer  la  naissance  de  Quinault  à  Felletin?  Non,  cer- 
tainement. Un  grand  nombre  de  nos  contemporains  ont  vu  et  tenu  le  re- 
gistre en  question;  il  n'a  disparu  que  par  une  cause  fortuite.  La  tradition 
locale,  la  notoriété  publique,  ne  laissent  aucun  doute  à  cet  égard.  Quinault 
est  bien  né  à  Felletin,  le  3  juin  1635,  d'un  boulanger,  qui  habitait  la  mai- 
son actuellement  occupée  par  la  famille  Petit,  dans  le  quartier  de  Chan- 
teboule.  »  Malgré  tous  ces  adminicules  de  preuves,  nous  persistons  à 
croire  que  Quinault  a  vu  le  jour  à  Paris. 

***  Parmi  les  ouvrages  déjeunes  compositeurs  encore  peu  connus,  mais 
fort  dignes  de  l'être,  nous  avons  distingué  une  jolie  \alse  pour  piano  in- 
titulée Cora,  due  à  SI.   Edmond  d'Ingrande. 

%*  Dans  notre  dernier  numéro,  nous  avons  rendu  compte  de  la  brochure 
publiée  par  M.  A.  Perrin,  sur  la  Réorganisation  d  smusiquis  iégtm.nlatres. 
A  l'appui  des  idées  que  renferme  cet  écrit,  nous  devons  ajouter  que  tout 
le  système  en  est  emprunté  au  travail  de  la  commission  spéciale,  nommée 
en  18/i5  par  le  ministre  de  la  guerre,  et  dont  le  rapporteur  était  notre  sa- 
vant et  célèbre  collaborateur,  Georges  Rastner.  On  sait  que  ce  travail  est 
devenu  sous  sa  plume  l'occasion  d'une  histoire  approfondie  de  la  musi- 
que militaire  ancienne  et  moderne.  Du  reste,  V.  \.  Perrin  ne  dissimule 
nullement  la  source  où  il  a  puisé  :  non-seulement  il  cite,  mais  il  transcrit 
littéralement  dans  sa  brochure  le  rapport  si  complet,  si  lumineux,  de 
Georges  Kastner,  et  c'est  assurément  l'autorité  la  plus  considérable  qu'il 
lui  fût  possible  d'invoquer.  ' 

%*  L'Association  des  peintres  vient  d'ouvrir  sa  sixième  exposition  an- 
nuelle dans  les  galeries  du  bazar-  Bonne-Nouvelle.  Le  public  admire  à 
cette  exposition  un  Diaz,  un  Bonington  et  un  Annibal  Carrache,  delà  col- 
lection de  M.  Barroilhet;  quatre  Philippe  de  Champagne,  un  l'.igaud  (por- 
trait de  Boileau  ,  un  grand  dessin  de  Callot  (portrait  du  peintre],  un  Gra- 
net  (de  la  collection  de  M.  le  marquis  de  Pastoret',  une  collection  inap- 
préciable de  dessins  de  maîtres  espagnols,  un  beau  portrait  de  M.  de  Mer- 
cey  père,  par  Robert  Lefèvro;  plusieurs  tableaux  et  dessins,  par  Léopold 
Robert.  M.  Walfardin  a  prêté  cinq  tableaux  et  neuf  dessins  de  F'ragonard; 
M.  Véron  ,  un  très-beau  dessin  de  M.  Decamps  ;  M.  Roëhn  ,  deux  Largil- 
lière,  un  Velasquez,  et  des  tableaux  de  Gérard,  Lancret,  Chardon  (trois, 
parmi  lesquels  le  célèbre  Aveugle),  Tiépolo,  Raphaël  (un  dessin),  Prudhon, 


40 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS. 


Gudin  (une  suite  de  vingt-huit  tableaux),  Carie  Vanloo,  Eugène  Delacroix, 
Vandermeulen,  Parrooel,  Sébastien  Bourdon  et  Greuze. 

%*  Le  service  de  bout  de  l'an,  célébré  samedi  24  janvier,  pour  le  repos 
de  l'âme  de  l'auteur  de  la  Vestale  et  de  Fernand  Cortez.  avait  réuni  ,  à  la 
Madeleine,  un  nombreux  concours  de  notabilités  littéraires  et  artistiques. 
L'office  a  été  chanté  avec  simple  accompagnement  de  l'orgue  du  chœur, 
par  Alexis  Dupond  et  les  artistes  ordinaires  de  la  Madeleine  ;  il  se  compo- 
sait de  morceaux  choisis  dans  l'œuvre  de  Spontini,  et  adaptés  aux  paroles 
latines.  Ce  choix,  fait  avec  un  parfait  sentiment  des  convenances,  est  dû 
à  M.  Dietsch,  maître  de  chapelle  de  cette  église.  Le  grand  orgue  a  clos  la 
cérémonie  funèbre  par  une  magnifique  improvisation  de  M.  Lefébure-Wély'. 
Le  deuil  était  conduit  par  le  beau-frère  de  l'illustre  défunt ,  M.  Pierre 
Erard. 

***  Musard  et  son  orchestre  contribuent  toujours  pour  beaucoup  à  la 
vogue  des  bals  de  l'Opéra.  On  distingue  ses  quadrilles  nouveaux  :  le  Palais 
de  Cristal,  Une  nuit  à  l'Opéra,  sur  la  Rein'  de  Chypre  et  les  Rendez-Vous 
bourg -ois,  sa  polka  Oiilsti,  sa  valso  les  Lingots  d'or,  et  surtout  la  valse 
d'Ettling  sur  le  Prophète. 

*s*  Avec  le  prochain  numéro,  nous  donnerons  le  titre  et  les  tables  de 
la  Remie  et  Gazette  musical*  pour  l'année  1851. 

CHRONIQUE     ÉTRANGÈRE. 

*„*  Bruxelles,  11  janvier.  —  Voici  le  programme  du  beau  concert 
conné  hier  lundi  par  Prudent  au  théâtre  de  la  Monnaie  :  Ouverture  de  la 
Flûte  enchantée;  air  des  Deux  Familles,  chanté  par  Mangïn;  concerto  sym- 
phonique  avec  orchestre,  par  Prudent;  air  de  Fernand  Cortez,  par 
Mlle  Chambard;  caprice  sur  la  Somnambule  et  le  Réveil  des  Fées,  par 
Prudent;  ouverture  d'Oberon;  romance  chantée  par  Carman  ;  fantaisie 
sur  Guillaume  Tell  (Asile  héréditaire),  par  Prudent  ;  Ah!  si  l'amour  !  par 
MmeCabel;  et  les  Boî«,  par  Prudent.  —  L'exécution  du  concerto  sym- 
phonique,  cette  œuvre  si  originale  et  si  élevée  de  conception,  a  été  su- 
périeure, tant  de  la  part  de  l'orchestre  que  de  celle  du  grand  pianiste.  Le 
succès  n'en  est  pas  resté  douteux  un  seul  instant,  non  plus  que  celui  des 
autres  morceaux  de  sa  composition  et  notamment  des  Bois,  fantaisie  vrai- 
ment délicieuse.  Des  applaudissements  unanimes  ont  accueilli  cette  belle 
manifestation  d'un  double  talent,  d'une  puissance  égale  et  incontestable. 

***  Berlin.  —  Un  concert  fort  intéressant  a  eu  lieu,  le  21  janvier,  à  la 
cour.  On  y  a  entendu  les  morceaux  suivants  :  quatuor  (Yldoménée,  de 
Mozart,  exécuté  par  Mmes  Koester,  Tuczek  et  Wagner;  fragments  d'Or- 
phée,  de  Gluck,  par  Mmes  Wagner  et  Koester;  nocturne  et  le  Carnaval  de. 
Venise,  pour  piano,  exécutés  par  Rosenbain  ;  le  Salut  des  flews,  trio  de 
Curschmann,  chanté  par  Mmes  Tuczek,  Wagner  et  Koester;  chœurs  tirés 
du  Projeté,  de  Meyerbeer;  final  du  Comt  Ory,  opéra  de  Rossini;  fan- 
taisie pour  le  piano  sur  des  motifs  de  Macbeth,  opéra  de  Verdi,  exécuté 
par  M.  Kontsky;  marche  turque  et  chœur  des  dervichs,  tirés  des  Ruines 
d'Athén-s,  de  Beethoven;  ouverture  du  Jeun-.  Henri,  de  Méhul.  C'est 
Meyerbeer  qui  dirigeait  le  concert,  et  comme  les  répétitions  avaient  été 
faites  avec  le  plus  grand  soin,  l'exécution  a  été  admirable.  Le  premier 
concert  du  chœur  du  Dôme  a  eu  également  le  plus  brillant,  succès.  — 
Pour  la  fête  des  ordres  et  du  couronnement,  le  théâtre  de  la  cour  a  re- 
présenté le  Camp  de  Silèsie.  La  salle  était  comble.  Les  honneurs  de  la 
soirée  ont  été  pour  Mme  Tuczek,  qui  a  chanté  le  rôle  de  Vielka  avec  son 
talent  bien  connu,  et  de  manière  à  provoquer  les  plus  vifs  applaudisse- 
ments. 

*J>  Vienne.  —  On  attend,  pour  le  mois  de  février  les  célèbres  pianistes 
Dreyschock  et  Schulhoff.  —  Ander  nous  quitte  pour  se  rendre  à  Berlin 
où  il  est  engagé  au  théâtre  de  la  cour;  il  est  remplacé  par  M.  Ellinger  de 
Gratz. 

%*  Ballenstadt.  —  Par  ordre  du  duc,  il  a  été  interdit  à  l'administration 
du  théâtre  de  changer  ou  de  modifier  en  aucune  manière  le  répertoire 
fixé  pour  un  mois.  Ce  qu'il  y  a  de  plus  curieux,  c'est  que  cet  ordre  est 
fidèlement  exécuté  (?). 

***  Prague.   —  La   Société   Sainte-Cécile  nous  a  donné,    dans  son 


deuxième  concert,  une  reprise  d'Aniigone,  de  ?.IendeIssolm  ;  pour  la  troi- 
sième soirée  on  annonce  :  la  Ba'aille  d'Arminius,  par  M.  Mangold.  —  La 
reprise  de  Fernand  Cortez,  avec  M.  Tichatschek,  a  fait  le  plus  grand 
p'aisir.  —  L'opéra  nouveau  de  M.  Hellmersberger  :  les  Deux  reines,  a  été 
froidement  accueilli.  —  Incessamment  la  première  représentation  de  : 
Fleur  des  champs,  opéra  nouveau,  par  M.  Kittl,  directeur  du  Conservatoire 

%*  Weimar.  —  On  attend  ici  Berlioz,  que  Liszt  a  invité  â  venir  diriger 
la  répétition  de  son  opéra  :  Benvenuto  Cellini.  —  Prochainement  aura  lieu 
la  première  représentation  de  Manfred,  drame  de  lord  Byron,  avec  la  mu- 
sique de  Robert  Schumann. 

*t*  Munich.  —  Dans  le  courant  de  l'année  dernière  on  a  exécuté  pour 
la  première  fois  :  la  Grande  duchesse,  de  M.  Flotow  ;  le  Mariag«  secret,  de 
Cimarosa;  Bomoir,  M.  Pantalon,  de  Grisar. 

AVIS  Â  NOS  ABONNÉS  DE  LA  GRANDE  BRETAGNE. 

Nos  abonnés  de  Londres  et  de  la  Grande-Bretagne  peuvent  s'adresser, 
pour  tout  ce  qui  concerne  la  R-vue  et  Gazette  musxcile,  à  M.  W.  D.  Davi- 
son,  magasin  de  musique  de  Wessel  et  Comp.,  "it9,  Regent-Street, 

London.  M.  Davison  recevra  les  abonnements,  distribuera  les  primes  et 
donnera  tous  les  renseignements  concernant  la  Gazette  musicale. 


Le  gérant  :  Ernest  OESCIIAMPS. 


—  Il  vient  de  paraître  Huit  motet»,  au  Saint-Sacrement  et  à  la 
très-sainte  Vierge,  à  1,  2,  3,  4  et  8  voix  avec  accompagnement  d'orgue  et 
quatuor,  composés  et  dédiés  à  S.  M.  le  roi  des  Belges,  par  diosepli 
Frjsn<-t«.  organiste  de  la  paroisse  Saint- Tliomaa-d' '  Aqxvn.  —  On  peut  se  les 
procurer  chez  tous  les  marchands  de  musique,  ainsi  que  chez  M.  Franck, 
rue  de  Baby'one,  CS,  à  Pans. 

BRAN  DUS  et  C .  éditeurs  de 

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La  partition  complète,  arrangée  à  quatre  mains,  paraîtra  incessamment. 


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—  en  petit  format,  net 7    » 

Paur  paraître  chez  BBANDUS  et  Ce,  éditeurs  : 

SOUVENIR    D'ITALIE 

NOUVELLE    COMPOSITION   DE 

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OUVERTURE  DE  GUILLAUME  TELL 

Transcrite  pour  le  piano  à  quatre  mnins, 


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Chez  Bn.4\Dl«  et  C%  éditeurs,  rue  Richelieu,  103, 


PAU 

dbeysgho 


DU  MEME   AUTEUR  : 


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3. 

Op. 

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Op. 

7. 

Op. 

8. 

Op. 

9. 

Op, 

10. 

Op. 

11. 

Op. 

l/l. 

Op. 

■16. 

Op. 

16. 

Andante  et  impromptu 6     » 

Le  Trémolo,  étude 6     » 

Andante-cantabile 4  50 

L'Absence,  romance  sans  paroles 6    » 

Scène  romantique,  fantaisie 6     » 

La  Clochette,  impromptu 6     » 

Thème  original 5     „ 

Mazurka 5     „ 

Les  Adieux,  romance  sans  paroles 6    » 

Bluette  musicale,  nocturne 3  75 


Op.  17.  Romance 

Op.  18.  Les  Regrets,  romance  sans  paroles 

Op.  19.  Scherzo 

Op.  20.  Second  rondo  militaire 

Op.  21.  Impromptu 

Op.  22.  Variations  pour  la  main  gauche,  sur  un  thème  original.    . 

Op.  23.  Andante  inquieto 

Op.  25.  La  Coupe,  chanson  â  boire .    .   . 

Deux  mélodies  de  Mendelssohn,  transcrites  pour  le  piano. 

Op.  41;  Souvenir  de  Berlin,  bluette 


UPi;:31Er.lE  CE^ 


BUREAUX  A  PARIS  :  BOULEVART  DES  ITALIENS,  1. 


19e  Année. 


N°  6. 


On  s'ubonne  ilnns  les  Départements  et  t\  l'Étranger, 
chez  tous  lis  Marchanda  ie  Musique,  tes  Libraires 
ut  nux  Bureaux  des  Blessugei  tes  1 1  des  postes . 

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REVUE 


8  Février  1882. 


Prix  de  l'Abonnement  : 

Paris,  un  an 2i  fr. 

Départements,  Belgique  et  Suisse 30 

Étranger 34 

AiinonccH. 

50  centimes  lu  ligne pour  l  fois 

30  centimes  In  ligne       pour  3  fois. 

20  centimes  la  ligne pour  0  fois. 

Le  Journal  parait  le  Dimanche. 


GAZETTE  MUSICALE 


m    PARIS, 


— waAAT@S<S©iAAAnjv- 


SOMMAIRE.  —  Théâtre-Italien,  Fidelio,  de  Beethoven.  —  Concerts  :  Société  de 
Sainte-Cécile,  Alard  et  Franchomme ,  Mlle  Clauss,  Ernst,  etc.,  par  Henri 
Blanchard.  —  Correspondance  :  Strasbourg,  Londres  et  Berlin.  —  Nouvelles 
et  annonces. 


Par  suite  d'une  erreur,  que  nous  réparons  aujourd'hui,  les  cinq 
premiers  nnméros  de  la  Bévue  et  Gazette  musicale,  publiés  en  1852, 
ont  continué  de  porter  le  millésime  de  1851.  Nous  invitons  nos 
abonnés,  qui  font  collection  du  journal,  à  corriger  eux-mêmes  cette 
faute  sur  leurs  exemplaires. 

Le  titre  et  les  tables  de  1851,  que  nous  comptions  leur  donner  avec 
le  numéro  de  ce  jour,  ne  pourront  leur  être  envoyés  qu'avec  le  numéro 
prochain. 


THÉÂTRE-ITALIEN. 

FMISES.M®    de     Beethoven. 

Le  procès  de  la  symphonie  et  de  l'opéra  continue,  de  même  qu'en 
littérature  celui  du  livre  et  de  la  pièce  de  théâtre.  C'est  que  la  sœur  et 
le  frère  sont  entourés  d'amis  passionnés  qui  ne  négligent  rien  pour  per- 
pétuer le  débat  et  envenimer  la  querelle.  La  symphonie  affecte  toujours 
de  dédaigner  l'opéra,  de  le  trouver  sans  distinction,  sans  originalité, 
sans  fantaisie  ;  l'opéra  de  son  côté  se  moque  de  la  symphonie,  et  lui 
répond  qu'elle  ne  sera  jamais  populaire. 

Des  trois  grands  compositeurs  que  l'Allemagne  a  produits  dans  le  der- 
nier siècle,  un  seul,  le  second  par  rang  d'âge  et  d'époque,  était  à  chevaj 
sur  la  symphonie  et  sur  l'opéra,  comme  sur  deux  étriers  :  c'est  Mozart. 
Le  premier,  Haydn,  n'avait  qu'un  pied  dans  l'étrier  de  la  symphonie, 
tandis  que  l'autre  se  balançait  dans  l'espace  ;  et  Beethoven,  le  troi- 
sième, serait  resté  tout  juste  comme  Haydn,  s'il  n'eût  écrit  Fidelio, 
chef-d'œuvre  immortel,  le  meilleur,  sans  contredit,  des  opéras  sortis  de 
la  tête  et  de  la  plume  d'un  compositeur  créé  par  Dieu  pour  faire  des 
symphonies. 

Pour  notre  compte  nous  ne  savons  et  nous  nous  soucions  peu  de 
savoir  ce  qu'il  y  a  de  plus  difficile  et  de  plus  grand,  faire  de  belles 
symphonies  ou  écrire  de  beaux  opéras;  mais  ce  qui  est  certain, 
c'est  qu'à  tous  ceux  qui  réussissent  plus  ou  moins  dans  le  premier  de 
ces  deux  genres,  on  propose  toujours  de  s'essayer  dans  le  second  :  on 
les  y  engage,  on  les  en  presse,  tandis  qu'au  contraire,  à  tous  ceux  quj 
s'illustrent  dans  l'opéra,  comme  Gluck  et  tant  d'autres,  on  ne  leur  de- 
mande autre  chose  que  de  continuer.  Nous  ne  cherchons  pas  les  rai- 
sons ,  nous  notons  le  fait.  Beethoven,  lui  aussi,  se  trouva  en  position 
d'être  invité,  prié,  sommé  d'écrire  pour  le  théâtre,  après  avoir  fait  li- 


tière de  génie  et  de  succès  dans  la  musique  purement  instrumentale. 
Parmi  ceux  qui  l'y  engageaient  avec  le  plus  d'instance,  il  y  avait  Sa- 
lieri,  l'auteur  des  Danaïdes.  Un  conseiller  de  régence,  nommé  Sonn- 
leithner,  se  chargea  de  traduire  et  d'arranger  pour  la  scène  allemande 
l'ouvrage  récemment  conçu  et  fabriqué  pour  la  scène  française  par 
Bouilly,  le  dramaturge,  et  Gaveaux,  l'auteur  d'une  certaine  quantité  de 
petites  partitions  assez  gentillettes.  Cet  ouvrage  avait  pour  titre  Léo- 
nore  ou  l'Amour  conjugal.  Beethoven  se  mit  à  l'œuvre  et  composa 
Fidelio,  représenté  d'abord  à  Prague,  en  1805,  et  il  faut  l'avouer, 
avec  peu  de  succès.  Mais  une  destinée  toute  contraire  à  celle  de  Mozart 
attendait  Beethoven  :  Mozart  tombait  h  Vienne  et  se  relevait  à  Prague  ; 
Beethoven,  tombé  à  Prague,  devait  en  appeler  à  Vienne  et  y  triompher 
l'année  d'après.  Dans  l'intervalle,  il  avait  écrit  une  autre  ouverture, 
la  petite  marche  si  originale,  les  couplets  du  geôlier  et  le  final  du 
premier  acte.  11  avait  supprimé  un  trio  et  un  duo  très-remarqua- 
bles, dit-on,  et  qui  ne  se  sont  plus  retrouvés.  Beethoven,  tout  grand 
qu'il  était,  sentait  donc  qu'il  avait  des  progrès  à  faire.  Il  tâtonnait,  il 
corrigeait ,  il  se  façonnait  au  genre,  nouveau  pour  lui ,  dans  lequel  il 
venait  de  faire  ses  premières  armes.  Fidelio  sortit  de  son  imagination 
toute-puissante  à  peu  près  dans  le  même  temps  que  ses  plus  admira- 
bles symphonies  :  Y  Héroïque,  la  Pastorale,  la  symphonie  en  ut  mineur 
le  Christ  au  mont  des  Oliviers.  Et  peu  après  l'infortuné  grand  homme 
fut  frappé,  fut  puni  de  ses  excès  de  génie  clans  la  faculté  la  plus  pré- 
cieuse au  musicien  :  il  devint  sourd  !  Nous  ne  doutons  pas,  et  nous  l'a- 
vons déjà  dit  dans  ce  même  journal,  que  si  Beethoven  eût  pu  écrire  un 
second  opéra,  il  serait  parvenu  à  faire  mieux  encore  que  Fidelio.  11 
aurait  mieux  conçu  et  mieux  écrit  par  rapport  aux  conditions  de  la 
scène  et  du  public.  Ce  bonheur  lui  fut  refusé,  à  nous  autant  qu'à  lui. 
Fidelio  demeura  seul  au  milieu  des  neuf  symphonies  et  d'une  foule  de 
trios,  quatuors,  quintetti,  sonates,  concertos  de  taille  gigantesque. 

On  n'a  pas  oublié  à  Paris  l'effet  que  produisit  Fidelio,  lorsqu'en 
1830  et  1831,  une  troupe  allemande,  dans  laquelle  se  trouvaient  Hait- 
zinger  et  Mme  Schrœder-Devrient,  vint  nous  révéler  le  chef-d'œuvre. 
Ce  fut  d'abord  de  la  surprise,  et  puis  ce  fut  bientôt  de  l'enthousiasme. 
Les  artistes,  les  chœurs,  l'orchestre,  étaient  animés  d'une  telle  verve, 
entraînés  par  une  telle  conviction,  que  toute  résistance  était  impossible. 
11  fallait  céder  à  la  puissance  de  l'œuvre  et  à  celle  de  l'exécution.  Les 
chanteurs  n'étaient  pas  des  virtuoses  habiles  à  manier  leurs  voix,  à  les 
conduire  délicatement  suivant  toutes  les  règles  d'un  art  froidement  ap- 
pris :  en  revanche  ils  avaient  des  voix  timbrés,  sympathiques;  ils 
croyaient  en  Beethoven,  et  brûlaient  du  désir  de  propager  leur  foi. 

Habeneck  avait  eu  dès  longtemps  l'idée  de  transporter  Fidelio  sur 
notre  première  scène  lyrique.  M.  Castil-Blaze  l'avait  arrangé  pour  l'O- 
déon,  en  lui  faisant  subir  de  larges  coupures.  Habeneck  songeait  à  se 


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REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


servir  de  cette  traduction  et  destinait  le  principal  rôle  à  Mme  Stoltz.  Il 
eût  ainsi  complété  son  Beethoven,  qui  lui  devait  le  baptême  français, 
renouvelé  chaque  année,  depuis  1827,  clans  le  sanctuaire  de  la  Société 
des  concerts. 

C'était  non  l'Opéra  français,  mais  l'Opéra  italien ,  sous  la  direction 
de  M.  Lumley,  que  le  destin  réservait  à  cette  entreprise  hardie. 
Fideiio  faisant  son  entrée  au  milieu  du  répertoire  ausonien ,  quel  évé- 
nement !  quelle  révolution  tout  entière  !  Il  y  a  plus  de  quarante  ans, 
lorsque  M.  Berton,  qui  dirigeait  alors  le  théâtre  de  l'Impératrice, 
voulut  y  introduire  les  ouvrages  de  Mozart ,  ce  fut  presque  une  révolte 
parmi  les  artistes  italiens,  nourris  du  miel  de  Pâisiello,'de  Cimarosa,  de 
Guglielmi.  Barilli  ne  cessait  de  répéter,  à  propos  des  Nozse  di  Figaro, 
que  c'était  de  la  musique  cosaque.  Et  pourtant  Mozart  était  un  Italien 
d'éducation,  sinon  de  naissance  !  Beethoven  est  Allemand ,  toujours 
Allemand  :  ni  l'auteur,  ni  l'ouvrage  ne  sauraient  renier  leur  origine. 

M.  Lumley  a  donc  montré  du  courage  en  risquant  Fideiio  sur  son 
théâtre.  Il  est  vrai  que  Sophie  Cruvelli  s'était  déjà  signalée  à  Londres 
par  un  éclatant  succès  obtenu,  pendant  la  saison  dernière,  dans  le  rôle 
principal.  Sophie  Cruvelli  a  tout  ce  qu'il  faut  pour  réussir  dans  le 
personnage  de  l'épouse  dévouée,  bravant  la  mort  et  sauvant  son  époux  : 
elle  est  Allemande,  elle  possède  une  voix  magnifique,  une  physiono- 
mie pleine^d' expression.  Nous  ne  pouvons  lui  donner  que  des  éloges 
pour  la  manière  dont  elle  a  chanté  son  air  du  premier  acte  et  marié  sa 
voix  à  celle  des  trois  cors  qui  l'accompagnent  de  si  délicieuses  brode- 
ries. Elle  n'a  pas  été  moins  belle ,  moins  supérieure  clans  les  autres 
parties  du  rôle  ;  nous  ne  lui  demanderions  qu'un  peu  plus  de  feu , 
d'exaltation  dans  les  scènes  du  second  acte.  Nous  avons  encore  pré- 
sent à  l'esprit  et  aux  yeux  le  souvenir  de  Mme  Devrient ,  qui  ne  chan- 
tait pas  aussi  bien  qu'elle,  mais  qui ,  comme  actrice,  produisait  la  plus 
vive  impression.  Nous  en  dirons  autant  de  Calzolari ,  dont  la  voix  est  si 
pure  et  si  suave,  mais  qui  ne  rend  pas  tout  le  frémissement,  toute  l'é- 
motion fiévreuse  et  délirante  qui  bouillonnent  dans  la  stretta  de  son  air 
du  second  acte.  Belletti  s'acquitte  fort  bien  du  rôle  de  Pizarro,  et 
Mlle  Corbari  de  celui  de  Marcellina,  la  fille  du  geôlier.  Ce  dernier 
rôle  est  confié  à  Susini ,  dont  la  belle  voix  de  basse  remplit  toujours  si 
bien  l'oreille.  Les  chœurs  fonctionnent  aussi  avec  zèle  et  talent. 

L'orchestre  joue  les  deux  ouvertures  composées  successivement 
pour  Fideiio  :  la  première  et  la  plus  connue,  celle  en  mi,  avant  le 
lever  du  rideau  ;  la  seconde,  si  grande  et  si  vigoureuse,  celle  en  ut, 
avant  la  dernière  partie  du  second  acte,  dont  on  a  fait  un  acte  séparé. 
M.  Hiller  s'est  retrouvé  là  sur  son  terrain,  et  il  a  mis  un  amour-propre 
bien  naturel  à  bien  exécuter  la  musique  de  son  glorieux  compatriote. 
La  seconde  ouverture,  surtout,  nous  a  paru  rendue  avec  la  perfection 
que  réclame  une  page  musicale  de  cette  immense  valeur. 

Nous  ne  surprendrons  personne  en  disant  que  tout  le  monde,  c'est-à- 
dire  tout  l'auditoire  de  la  salle  Ventadour,  ne  comprend  pas  encore 
Fideiio  et  ne  sent  pas  les  beautés  dont  Beethoven  a  semé  son  œuvre. 
Les  symphonies  du  même  maître  n'ont  pas  été  non  plus  admirées,  ap- 
plaudies dès  le  premier  jour.  Laissons  faire  le  temps,  et  rendons  grâce 
aux  directeurs  qui,  comme  M.  Lumley,  n'ont  pas  peur  de  frayer  la 
route  aux  grands  hommes  et  aux  chefs-d'œuvre.  La  mise  en  scène  de 
Fideiio  lui  sera  comptée,  et  s'il  a  besoin  d'une  apostille  pour  soutenir 
son  droit  à  une  subvention  plus  large,  il  n'aura  qu'à  montrer  Bee- 
thoven inscrit  parmi  les  soutiens  de  son  répertoire  :  Beethoven  plai- 
dera sa  cause  et  la  gagnera.  R. 


CONCERTS. 

SOCIÉTÉ    DE    SAINTE-CÉCILE. 

Lé  second  concert  de  cette  Société,  qui  continue  à  marcher  dans  une 
bonne  voie  artistique,  a  commencé  par  l'ouverture  de  la  Vestale,  sym- 
phonie dramatique  jugée  et  favorablement  appréciée  depuis  longtemps 
pour  ses  mélodies  émouvantes  et  son  luxe  d'orchestre,  qui  annonçait 


déjà  au  commencement  de  ce  siècle  la  richesse  d'instrumentation 
actuelle. 

Chaque  programme  des  concerts  de  la  Société  Sainte-Cécile  a  cela  de 
piquant  pour  le  public  réellement  musical  de  Paris,  qu'il  contient 
presque  toujours  un  ouvrage  nouveau  ou  inédit,  et  cela  sans  être  men- 
teur comme  tous  les  programmes  de  concerts  ou  autres.  Cette  fois-ci, 
il  en  offrait  deux,  une  ouverture  de  Mendelssohn  et  les  fragments  d'un 
drame  lyrique  de  Schubert,  intitulé  Itosemonde.  Ces  fragments  conte- 
naient une  Invocation  à  i Esprit-Saint,  chœur  de  voix  d'hommes,  la 
romance  de  Rosemonde,  suivie  d'un  Chœur  de  bergers.  Ces  deux  chœurs 
sont  aussi  mélodiques  qu'harmoniques,  et  tout  empreints  d'une  couleur 
religieuse  et  d'une  simplicité  champêtre.  La  romance  se  distingue  aussi 
par  un  bon  sentiment  de  religiosité.  Mlle  Lefebvre,  la  brillante  canta- 
trice du  théâtre  de  l'Opéra-Comique,  nous  y  a  fait  entendre  des  cordes 
graves  et  onctueuses  qu'on  ne  lui  soupçonnait  pas  dans  la  voix,  et  cela 
sans  préjudice  des  traits  de  hardie  vocalisation  qu'elle  a  jetés  ensuite  à 
ses  auditeurs  dans  un  air  varié  de  M.  Adam,  et  qu'elle  a  dit  de  façon  à 
se  faire  aussi  vivement  que  justement  applaudir. 

Dans  le  cas  où  l'on  redirait  le  frais  et  suave  morceau  de  Schubert, 
nous  engageons  les  choristes  à  ne  pas  craindre  d'attaquer  franchement 
les  intervalles  de  seconde  qui  font  croire  à  de  certains  auditeurs  dont 
les  oreilles  ne  sont  pas  familiarisées  avec  les  dissonnances  harmoniques, 
que  l'on  chante  faux.  Ces  derniers  auraient  été  mieux  fondés  à  faire  la 
grimace  au  fa  de  MM.  les  ténors,  qui  est  assez  fréquemment  trop  bas. 
Il  ne  s'agit  point  ici  de  ce  stupide  et  féroce  ut  de  poitrine  tant  célèbre 
naguère,  mais  bien  d'un  simple  fa  qui  doit  être  à  la  disposition  des 
seconds  ténors  et  même  des  barytons. 

Le  troisième  couplet  de  la  romance  chantée  par  Mlle  Lefebvre  est  dé- 
licieusement accompagné  par  l'orchestre.  Sur  un  trémolo  des  violons, 
dans  le  haut  des  cordes,  se  dessinent  le  hautbois,  la  flûte,  les  cors,  qui 
ont  bien  marié  leur  noble  et  touchante  expression  avec  celle  de  la 
cantatrice.  On  a  dit  encore  un  chœur  à  quatre  voix  de  Blanche  de  Pro- 
vence, de  Cherubini.  Ce  morceau,  d'une  grande  pureté  de  style,  est 
peut-être  par  cela  même  un  peu  froid.  Ensuite  est  venue  une  ouverture 
de  Rmj-Blas,  par  Mendelssohn,  qu'on  exécutait  pour  la  première  fois  à 
Paris. 

Ne  voulant  pas  épuiser  tous  les  plaisirs  de  l'analyse  en  une  fois,  nous 
reviendrons  sur  ce  bel  œuvre  de  l'auteur  du  Paulus  et  d'Élie.  Il  suffira 
de  dire  à  nos  lecteurs  que  cette  ouverture  se  distingue  par  la  sagesse 
du  plan,  par  les  fins  détails  de  l'instrumentation,  par  la  chaleur  de  la 
péroraison,  pour  les  persuader  que  cette  symphonie  dramatique  est 
cligne  des  autres  productions  de  l'illustre  compositeur.  Que  dire  de  la 
symphonie  en  ut  mineur  de  Beethoven  et  de  son  exécution?  Rien,  si  ce 
n'est  qu'elle  a  été  dite  aussi  bien  que  partout  ailleurs. 

HIIJSIQCE   I>E  CUAUBEE. 

ALARD  ET  FRANCHOMME. 
(Deuxième  séance.) 
Le  dixième  quatuor  de  Mozart  n'est  pas  inférieur  à  ses  autres ,  quj 
sont  tout  simplement  des  chefs-d'œuvre,  sur  les  pages  desquels,  comme 
sur  chaque  feuillet  des  œuvres  de  Racine,  ainsi  que  le  disait  Voltaire , 
on  devrait  écrire:  admirable,  sublime,  divin.  C'est  donc  par  ce 
dixième  quatuor  en  ré  que  MM.  Alard,  Blanc,  Ney  et  Franchomme  ont 
ouvert  leur  seconde  séance  de  musique  de  chambre,  clans  le  vaste  salon 
de  M.  Pleyel ,  qui  était  complètement  rempli  d'auditeurs  et  même  d'au- 
ditrices empressés  de  venir  entendre  cette  bonne  musique  si  bien  exé- 
cutée. Un  trio,  de  Weber,  pour  piano ,  violon  et  basse,  a  suivi  ce  mor- 
ceau et  a  été  dit  par  Mlle  Meara ,  nouvelle  pianiste ,  élève  de  Chopin  , 
MM.  Alard  et  Franchomme.  Ces  deux  habiles  instrumentistes  servaient 
de  parrains  à  la  nouvelle  et  jeune  virtuose ,  au  jeu  fin ,  délicat  et  dis- 
tingué comme  celui  de  son  illustre  professeur,  enlevé  trop  tôt  à  l'art  de 
jouer  du  piano,  de  l'enseigner  et  d'écrire  de  ravissantes  élégies  pour 
cet  instrument.  Après  le  trio  de  Weber,  M.  Alard  a  dit  un  andante 
capriccio,  de  Mendelssohn  (œuvre  posthume),  pour  deux  violons,  alto 


DE  PARIS. 


43 


et  violoncelle,  œuvre  de  délicieuses  mélodies  et  de  non  moins  délicieu- 
ses modulations  ,  œuvre  toute  empreinte  de  la  douce  mélancolie  de  cet 
homme,  qui  nous  consolait  presque  de  la  perte  de  Mozart  dont  il  pou- 
vait se  dire  l'héritier,  de  Mozart  mort  ainsi  que  lui  à  la  moitié  de  sa 
carrière,  comme  Maestrino ,  Dellamaria,  Weber,  Bellini,  et  tant  d'autres. 
L'andante  varié,  pour  piano  et  violon ,  tiré  de  l'œuvre  douzième  de 
Beethoven,  et  dit  par  Mlles  Meara  et  Alard,  a  offert  à  la  jeune  et  jolie 
pianiste  l'occasion  de  montrer  un  bon  sentiment  musical  et  même  une 
chaleur  artistique  dont  nous  doutions  un  peu  qu'elle  fût  douée  ,  tant  il 
est  vrai  que  le  calme  de  la  tenue  est  cousin-germain  de  la  froideur.  Le 
septième  et  beau  quatuor  de  Beethoven  a  dignement  terminé  cette 
séance,  dont,  puisque  nous  en  sommes  aux  comparaisons  de  famille  , 
on  attend  avec  impatience  les  intéressantes  sœurs. 

3111c   CL.4USS. 

De  même  que  Londres  a  eu  son  Exposition  universelle  des  produits 
de  l'industrie  européenne  et  transatlantique,  Paris  est  le  centre,  en  ce 
moment ,  de  l'exhibition  des  pianistes  de  l'Europe  musicale,  pianistes 
des  deux  sexes,  et  de  la  nouvelle  génération  des  instrumentistes  de  ce 
genre.  Mlle  Clauss  n'est  pas  la  moins  distinguée  de  ces  virtuoses.  Cette 
jeune  artiste  est  intéressante  à  plus  d'un  titre.  Venue  d'Allemagne  l'an 
passé,  sans  autre  protection  que  celle  de  son  talent ,  talent  vrai ,  con- 
sciencieux ,  brillant  même,  elle  se  fit  entendre  une  seule  fois  au  con- 
cert de  la  Société  philharmonique  dirigée  par  M.  Berlioz.  Ce  début  fut 
brillant  et  lui  promettait  du  succès  dans  les  sociétés  musicales  de  notre 
capitale,  lorsque  tout  à  coup  la  pauvre  jeune  fille  perdit  sa  mère,  qui 
l'avait  accompagnée  en  France.  Elle  a  été  pleurer  cette  perte  irrépa- 
rable chez  une  amie,  dans  le  midi  de  la  France  ;  et  la  voilà  revenue 
dans  Paris,  orpheline,  isolée,  et  plus  étrangère  qu'elle  ne  l'était  avant 
son  malheur,  mais  possédant  un  talent  qui  s'est  mûri  dans  la  solitude, 
et  sensibilisé,  si  l'on  peut  s'exprimer  ainsi ,  par  la  douleur  la  plus  pro- 
fonde qu'on  puisse  éprouver  dans  la  vie.  On  doit  donc,  quand  on  a 
l'àme  un  peu  bien  située,  comme  le  dit  Molière  par  la  voix  d'Alceste, 
aide  et  protection  désintéressée  à  la  position,  au  talent  réel  de  la  jeune 
et  intéressante  artiste  qui  vient  nous  demander  l'hospitalité,  surtout 
quand  l'appréciation  de  ce  talent  ne  coûte  pas  le  moindre  scrupule  à 
l'impartialité  dont  tout  journaliste,  critique  compétent,  doit  faire  pro- 
fession. 

Mlle  Clauss,  comme  toutes  les  pianistes  de  la  génération  actuelle, 
réunit  dans  son  exécution  le  style  du  passé  et  celui  du  jour.  Et  d'abord, 
comme  tous  les  virtuoses  actuels,  elle  joint  le  plus  souple  et  le  plus 
riche  mécanisme  à  une  mémoire  non  moins  riche,  large  et  bien  meu- 
blée des  œuvres  rétrospectives  et  de  celles  si  compliquées  de  musique 
moderne.  Parmi  les  morceaux  de  ce  genre,  elle  a  dit  la  fantaisie  de 
Thalberg  sur  la  Sonnambula,  dans  le  concert  qu'elle  a  donné,  le  2  fé- 
vrier, chez  Herz  ,  en  pianiste  qui  ne  se  contente  pas  de  frapper,  de 
brusquer  la  touche,  mais  qui  l'interroge,  en  artiste  qui  comprend,  sait 
toute  la  puissance  du  son  et  de  la  mélodie  sur  l'oreille,  le  cœur,  et  par 
conséquent  sur  l'attention  et  la  sympathie  de  son  auditoire.  Chanter 
de  ses  dix  doigts,  ne  fût-ce  même  que  d'un  seul,  sur  le  piano,  doit  être, 
dans  l'avenir  de  cet  instrument ,  son  dernier  mot.  Ce  qui  nous  fait 
croire  que  notre  jeune  virtuose  est  une  pianiste  d'avenir,  c'est  qu'elle  a 
dit  un  nocturne  de  Chopin  ,  l'œuvre  9,  autant  qu'il  nous  en  souvient, 
d'une  façon  délicieuse,  d'un  toucher  délicat,  et  d'une  poésie  de  mélodie 
à  ravir  la  pensée,  à  la  bercer  du  souvenir  et  de  la  manière  fine  et  lim- 
pide qu'y  mettait  lui-même  l'auteur.  Elle  a  rendues  possibles  les  impos- 
sibilités digitigrades  de  Liszt  dans  la  fantaisie  sur  Don  Juan  •  et  pour- 
tant son  style  est  plutôt  lié,  onctueux  ,  intime  que  spectaculeux.  Il  n'y 
a  nulle  manière,  nulle  affectation  dans  le  façon  de  faire  le  trait  ;  elle 
ne  jette  pas  la  main  pour  montrer  son  aisance  :  ses  doigts  sont  presque 
toujours  inhérents  aux  touches,  pratiquant  ainsi  l'art  de  ne  pas  perdre 
du  temps,  quoique,  nous  devons  le  lui  dire,  l'art  de  se  faire  écouter  soit 
aussi  celui  de  savoir  prendre  des  temps  :  c'est  le  secret  des  comédiens, 
des  virtuoses  et  des  orateurs. 

Dans  le  prélude  et  la  fugue  en  ut  dièze  majeur  de  Sébastien  Bach  , 


Mlle  Clauss  s'est  montrée  musicienne  et  pianiste  classique  ;  et,  ce  qui 
n'est  pas  un  mince  éloge  pour  la  bénéficiaire  et  pour  ses  auditeurs, 
c'est  qu'on  lui  a  fait  redire  ce  morceau  d'une  forme  et  d'une  exécu- 
tion si  franche,  si  arrêtée  et  si  pure. 

M.  Moriani  a  chanté  une  jolie  mélodie  de  Gordigiani  intitulée  :  la 
Maggiolata,  et  puis  un  air  de  Donizetti,  qui  ont  fait  apprécier  sa  bonne 
méthode. 

Mme  Taccani-Tasca  a  fort  bien  chanté  aussi  un  air  de  la  Niobé, 
de  Paccini,  et  les  variations  un  peu  trop  connues,  mais  fort  bien  dites 
par  la  cantatrice,  sur  un  thème  de  Rode,  que  le  rédacteur  du  programme 
a  cru  devoir  baptiser,  on  ne  sait  pourquoi,  du  nom  de  Rhodde.  Un  des 
prénoms  de  notre  célèbre  violoniste  étant  Etienne,  et  l'intelligent  ré- 
dacteur l'entendant  nommer  avec  l'initiale  de  ce  prénom  É.  Rode  ,  le 
grand  violoniste,  le  fera  sans  doute  figurer  ainsi  sur  son  prochain  pro- 
gramme :  Hérode-le-Grand ,  violoniste. 
ERjtfST. 

DEUXIÈME    CONCERT. 

C'est  aussi  un  habile,  un  grand  violoniste,  que  celui  qui  a  donné  ce 
concert  dans  la  salle  Herz,  mercredi  dernier,  k  février.  La  plus  brillante 
société  assistait  à  celte  belle  manifestation  musicale;  elle  a  mis  enfin, 
dans  Paris,  le  sceau  à  la  réputation  d'Ernst,  que  des  indispositions  ou 
d'autres  obstacles  avaient  toujours  empêché,  en  France,  de  se  faire 
apprécier  à  sa  juste  valeur.  Ernst  est  un  artiste  impressionnable,  ner- 
veux, qui  ne  dit  pas  son  dernier  mot  tout  d'abord  ;  il  lui  faut  plusieurs 
séances  pour  se  bien  poser,  pour  se  mettre  en  contact  avec  son  audi- 
toire, s'en  faire  comprendre.  C'est  par  demi-douzaines,  au  moins,  qu'i[ 
adonné  jusqu'ici  des  concerts  en  Allemagne,  en  Angleterre;  et  i) 
a  fini  par  conquérir  partout  la  sympathie  de  son  public.  En  France, 
à  Paris,  où  nous  nous  piquons  de  résumer  tout  rapidement,  même  l'es- 
thétique, on  a  compris,  dès  le  second  concert  qu'il  a  donné  ,  tout  ce 
qu'il  y  a  en  lui  de  profond,  de  chaud,  de  passionné.  Dans  son  Con- 
certo pathétique,  dans  l'orchestre  riche  et  puissant  de  cette  grande 
élégie  de  l'âme,  ce  sont  les  voix  multiples,  grandioses -et  mystérieuses 
d'Isaïe,  de  Jérémie  et  du  prophète  de  l'île  de  Patmos,  dont  les  voix 
poétiques  chantent  les  douleurs,  disent  toutes  les  colères  du  Dieu 
vivant  et  toutes  les  appréhensions  des  puissants  de  la  terre;  et  puis, 
après  cet  hymne  sublime,  le  virtuose  se  fait  aussi  poète  des  mélan- 
colies et  des  choses  douces  de  la  vie  ;  et  il  dit  la  pensée  fugitive  dé- 
posée sur  un  Feuillet  d'album]  et  les  rêveries  d'un  Nocturne,  et  les 
capricieuses  variations,  ces  labyrinthes  de  difficultés  que  renferme  en 
lui  le  roi  des  instruments,  et  dont  l'habile  violoniste  se  joue  avec  une 
merveilleuse  facilité.  L'auditoire  de  haute  fashion  musicale  qui  lui  avait 
prodigué  tous  ses  applaudissements  en  a  encore  trouvé  pour  le  pianiste 
Léopold  de  Meyer,  le  prestidigitateur  le  plus  leste,  le  plus  fin,  le  plus 
capricieux  qui  se  puisse  voir  et  entendre.  Cet  escamoteur  de  toutes 
sortes  de  difficultés  nous  a  dit  ses  Souvenirs  d'Italie,  de  façon  à  les 
graver,  si  ce  n'était  déjà  fait,  dans  la  mémoire  de  tous  ceux  qui  les  ont 
entendus  et  de  tous  ceux  qui  les  entendront  ;  et  puis  nous  est  venue, 
en  ce  concert  qui  devait  plaire  en  tout,  Mlle  Miollan,  jeune  cantatrice 
du  théâtre  de  l'Opéra-Comique,  qui  nous  a  dit,  d'une  charmante  ma- 
nière et  d'une  bonne  méthode  de  chant,  un  vieil  air  français,  celui  de 
Wontano  et  Stéphanie  :  Oui,  c'est  demain  que  l'hyménée,  etc.,  et  la 
brillante  cavatine  de  la  Sonnambula. 

Mlle  Miollan  a  l'intonation  juste,  pure,  limpide;  ses  traits  sont  de 
bon  goût  ;  mais  tout  cela  est  un  peu  froid.  Dans  le  vieil  air  français  de 
Berton,  elle  a  manqué  de  cette  distinction  et  de  cette  poésie  rêveuse,  et 
de  cet  enchantement  d'amour  que  doit  éprouver  et  que  peut  montrer  une 
jeune  fille  noble  au  moment  d'épouser  celui  qu'elle  aime  de  l'aveu  de  son 
père.  11  faut  montrer  dans  cette  scène  si  expansive,  même  au  concert, 
une  plénitude  de  bonheur  et  d'intonation,  si  l'on  peut  s'exprimer  ainsi. 
La  voix  doit  se  poser  largement  dans  les  émotions  du  cœur  que  rien 
ne  vient  troubler  encore.  Ses  accents  doivent  peindre  la  placidité  de 
son  âme  musicale  et  la  pure  ivresse  de  son  amour.  La  fille  du  seigneur 
Leonati  de  Sicile  ne  doit  point  parler  ou  chanter  comme  une  petite  fille 


44 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


bourgeoise  et  craintive.  Nous  nous  rappelons  avoir  entendu  Mme  Da- 
moreau  faire  rayonner  cette  splendide  mélodie  de  tous  les  prestiges 
d'une  brillante  vocalisation  unie  à  la  plastique  large  et  bien  posée  d'un 
chant  égal  et  soutenu.  Quant  à  l'air  de  la  Sonnambula,  Mlle  Miollan  l'a 
dit  d'un  style  de  chant  irréprochable  :  aussi  d'unanimes  applaudisse- 
ments ont-ils  suivi  et  rappelé  la  jeune  cantatrice  pour  qui  s'ouvre  un 
brillant  avenir. 

M.  et  Mme  DELOFFBE. 
M.  Deloffre  est  un  bon  violoniste  français  qui  s'est  fait  un  peu  oublier 
dans  son  pays  en  restant  dix  ans  comme  violon  solo  au  théâtre  de  la 
Reine  à  Londres.  M.  Deloffre  est  aussi  connu  qu'Oreste  par  son  attache- 
ment artistique  pour  un  autre  Pylade.  Ce  Pylade  a  nom  Pilet,  violon- 
celliste de  talent  qui  vient  d'être  attaché  à  l'orchestre  de  l'Opéra.  Il 
résulte  de  l'amitié  de  ces  deux  artistes  de  fort  jolis  duos  pour  violon  et 
violoncelle  qu'ils  exécutent  à  merveille,  et  que  Mme  Deloffre,  jeune 
pianiste  de  talent,  accompagne  avec  un  bon  sentiment  musical.  Elle  en 
donne  la  preuve  quand  elle  fonctionne  en  soliste  aux  matinées  que  ces 
trois  virtuoses  donnent  dans  leur  domicile  artistique. 

Mme    CLOT1LDE  I/MOTE. 

En  rivale  de  la  course  au  clocher,  nous  avons  la  course  aux  concerts 
de  bienfaisance,  qui  n'est  pas  aussi  dangereuse,  mais  qui  est  bien  aussi 
fatigante.  Pour  ma  part,  j'en  sais  quelque  chose.  Mme  Clotilde  l'Hôte, 
qui  vient  de  donner  une  grande  soirée  musicale  au  bénéfice  des  crè- 
ches du  Xe  arrondissement,  doit  connaître  maintenant  toutes  les  contra, 
riétés,  tous  les  obstacles  qu'on  rencontre  avant  d'accomplir  ces  actes 
de  philanthropie.  11  faut  dire  aussi  que  ces  concerts  de  bienfaisance 
sont  des  concerts  de  malfaisance,  si  l'on  peut  s'exprimer  ainsi,  pour  la 
plupart  des  artistes  qui  veulent  bien  y  figurer,  et  qui  ont  toutes  les 
peines  du  monde  ensuite  à  organiser  eux-mêmes  des  concerts  à  leur 
bénéfice.  Le  programme  de  Mme  Clotilde  l'Hôte  était  attrayant. 
Mmes  Taccani-Tasca,  Montrose  et  Mme  Comettant,  dont  nous  aimons  à 
constater  l'admirable  talent ,  y  figuraient  pour  le  chant  italien , 
Mlle  Urso  pour  le  violon  et  Mme  l'Hôte  comme  pianiste  distinguée  ; 
elle  s'est  fait  entendre,  et'par  conséquent  applaudir,  dans  un  larghetto 
d'un  concerto  de  Dussek  ;  puisellea  dit  ensuite  deux  brillantes  étincelles 
musicales  ,  la  Biscaienne  et  la  Catalane  ,  de  sa  composition. 

SOCIÉTÉ    E*E5II>H,tïBMO\I«lt  I']. 

11  n'y  a  pas  moins  de  vingt-sept  ans  que  cette  association  musicale 
de  commerçants  amateurs  fonctionne  dans  Paris.  Cet  établissement  de 
marchands,  où  l'on  exhibe  toute  sorte  de  musique  gratis,  rappelle  bien 
parfois  cette  maxime  complexe  :  Dieu  nous  garde  d'un  dîner  d'ami  et 
d'un  concert  d'amateurs  !  On  peut  remarquer  avec  justesse  et  dire  sans 
injustice  qu'on  n'y  chante  et  qu'on  n'y  joue  pas  toujours  juste,  attendu 
qu'on  y  néglige  souvent  de  se  mettre  d'accord;  on  pourrait  bien  dire 
encore  qu'il  serait  à  désirer  que  les  employés  du  contrôle  et  placeurs 
ou  placeuses  fussent  un  peu  plus  polis  envers  les  auditeurs,  bien  qu'ils 
ne  paient  pas,  et  leur  rappeler  qu'Orphée,  le  civilisateur  par  la  musi- 
que, adoucissait  les  bêtes  les  plus  farouches  et  les  plus  féroces  ;  mais 
tout  cela  n'empêche  pas  que  la  Société  philharmonique  ne  se  compose 
d'un  orchestre  nombreux  et  bien  dirigé  maintenant  par  M.  Aimé  Rous- 
sette, et  qui  exécute  assez  bien  parfois  nos  plus  belles  ouvertures.  Cet 
établissement  musical  pour  la  moyenne  propriété  offre  à  nos  lauréats 
du  Conservatoire,  chanteurs,  cantatrices  et  instrumentistes,  un  moyen 
de  s'habituer  à  paraître  en  public.  Dans  le  dernier  concert  donné  di 
manche  passé  dans  la  salle  Sainte-Cécile  par  la  Société  philharmonique 
Mlle  Elésa  a  dit  l'air  des  Diamants  de  la  couronne,  et  celui  du  Billet  de 
loterie,  tours  de  force  de  cantatrice  dans  lesquels  elle  a  jeté  toute  la 
poudre  possible  de  vocalisation  au  nez  de  ses  auditeurs.  MM.  Brice  et 
Berthemet  ont  dit  un  duo  pour  piano  et  violon  composé  par  eux.  Ils  ont 
été  justement  applaudis  pour  leur  composition  et  leur  exécution. 
Mme  Fraissinet  est  ensuite  venue.  Mme  Fraissinet  est  une  dame  d'un 
âge  raisonnable,  ce  qui  ne  l'empêche  pas  de  donner  dans  la  folie, 
''enthousiasme,  les  excentricités  de  la  poésie  improvisée.  Oui, 
Mme  Fraissinet  est  improvisatrice  ;  elle  nous  a  construit  des  phrase  s 


des  méditations  poétiques  sur  des  noms  historiques  et  des  rimes  que 
lui  avait  lancés  quelques  auditeurs  ;  elle  nous  a  donné  ses  appréciations 
en  vers  sur  MM.  Alexandre,  César,  Napoléon,  etc.  Cette  nouvelle  Co- 
rinne, vêtue  d'une  tunique  blanche,  frangée  d'or,  et  la  tête  surmontée 
d'une  couronne  de  même  métal  californien,  a  célébré  ensuite  une 
femme  célèbre  avec  des  rimes  en  montant  et  en  descendant,  tout  cela 
suivi  de  chansonnettes  sur  le  Témoin  Giblou  et  le  Jour  de  déménage- 
ment, chantées  par  M.  Dubouchet.  Cette  matinée,  enfin,  a  été  aussi 
amusante  que  musicale. 

Henri  BLANCHARD. 


CORRESPONDANCE. 

FRÉDÉRIC  «ERNSDEIM. 

Strasbourg,  21  janvier. 

Nous  avons  assisté,  hier  au  soir,  au  dernier  des  concerts  donnés  dans  la 
salle  de  spectacle  par  le  jeune  Frédéric  Gernsheim,  les  22,  25  et  27  jan- 
vier. Ce  pianiste-compositeur  de  dix  ans  est  une  des  apparitions  les  plus 
phénoménales  de  l'histoire  de  la  musique.  Dans  les  trois  concerts  qu'il 
vient  de  donner,  il  nous  a  fait  entendre  le  grand  concerto  de  Weber 
(ConcerUiiick),  le  concerto  en  la  mineur,  de  Hummel,  celui  en  mi  de  Mos- 
chelès,  un  rondo  capriccioso  de  Mendelssohn,  quelques  morceaux  moder- 
nes, et  deux  ouvertures  à  grand  orchestre  composées  par  le  jeune  vir- 
tuose et  dirigées  par  lui  avec  beaucoup  d'aplomb.  Son  jeu  pur,  élégant, 
expressif,  souvent  même  entraînant  et  nerveux ,  quoique  ses  petites 
mains  n'embrassent  qu'avec  peine  l'étendue  d'une  octave,  n'est  pas  le  jeu 
d'un  enfant,  mais  celui  d'un  artiste  consommé.  Et  pourtant,  ce  remar- 
quable talent  d'exécution  est  la  moindre  des  qualités  de  cet  enfant  prodi- 
gieux. Nous  l'avons  vu,  dans  des  soirées  particulières,  lire  des  morceaux 
difficiles  sans  manquer  aucun  trait,  sans  jamais  ralentir  les  mouvements 
indiqués,  et  en  arrangeant  avec  talent  pour  ses  petites  mains  les  passages 
renfermant  de  trop  grands  écarts.  Nous  l'avons  entendu,  en  outre,  im- 
proviser deux  fois,  sur  des  thèmes  donnés,  des  fantaisies  fort  bien  déve- 
loppées, dans  lesquelles  le  petit  pianiste  faisait  entendre  le  thème  tantôt 
à  la  main  droite,  tantôt  à  la  main  gauche ,  l'ornait  de  traits  de  plus  en 
plus  difficiles  et  brillants,  même  de  quelques  imitations,  et  imaginait  des 
effets  de  modulation  et  de  rhythme  souvent  fort  inattendus. 

Ses  ouvertures  à  grand  orchestre  dénotent  un  talent  de  composition 
fort  remarquable  et  même  une  connaissance  des  procédés  de  l'art  surpre- 
nante pour  un  enfant  de  cet  âge,  quand  bien  même  l'instrumentation  ap- 
partiendrait en  partie  à  ses  maîtres.  Frédéric  Gernsheim  ,  outre  ces 
ouvertures  et  le  joli  nocturne  qu'il  nous  a  fait  entendre,  a  écrit  une  sym- 
phonie pour  instruments  d'enfants  (piano ,  violon,  basse  avec  petites 
trompettes,  crécelle,  chapeau-chinois,  tambour,  etc.),  semblable  à  celles 
écrites  par  Haydn  et  Romberg  ;  cette  partition,  que  nous  avons  examinée, 
est  fort  curieuse.  11  a  aussi  écrit  quelques  romances  allemandes ,  dont 
l'une  est  dédiée  à  lime  Sontag,  qui  lui  fit  présent  de  la  partition  complète 
des  quatuors  de  Mozart.  Nous  avons  pu  juger  nous-mêmes  de  la  facilité 
prodigieuse  qu'a  cet  enfant  d'écrire  les  pensées  musicales  qui  éclosent 
spontanément  dans  sa  jeune  cervelle.  Lui  ayant  demandé  quelques  lignes 
en  retour  de  celles  que  nous  avions  tracées  dans  son  album,  nous  l'avons 
vu  écrire  en  peu  de  temps  et  sans  le  secours  d'aucun  instrument,  un  petit 
canon  perpétuel  à  l'octave.  Avons-nous  besoin  d'ajouter  maintenant  que 
l'enfant  extraordinaire  a  vu  le  jour  sur  la  terre  classique  de  la  musique 
instrumentale,  dans  la  patrie  des  Haendel,  Bach,  Haydn,  Mozart,  Beetho- 
ven, Mendelssohn? 

Frédéric  Gernsheim,  fils  d'un  médecin  de  Worms,  est  né  dans  cette 
ville  le  17  juillet  1841.  La  mère,  bonne 'pianiste,  lui  donna  les  premières 
leçons  de  musique  avant  qu'il  eût  atteint  l'âge  de  six  ans.  Elle  n'eut  pas 
de  peine  à  remarquer  la  vocation  précoce  et  le  génie  créateur  de 
l'enfant  qui  quittait  les  jeux  de  son  âge  pour  essayer  de  noter  les  mélo- 
dies qu'il  entendait  en  lui-même.  Ses  parents  comprirent  que  des  voca- 
tions ainsi  manifestées  sont,  pour  ainsi  dire,  des  ordres  de  Dieu,  et  ils  ne 
négligèrent  rien  pour  assurer  le  développement  artistique  de  leur  fils.  Ils 
le  confièrent,  en  1847,  à  M.  Louis  Liebe,  alors  directeur  de  musique  à 
Worms,  aujourd'hui  professeur  de  musique  à  Strasbourg.  C'était  le  mettre 
entre  les  mains  d'un  homme  de  talent,  d'un  artiste  sérieux  et  conscien- 
cieux. Sous  ce  maître  habile,  le  petit  Frédéric  fit  de  rapides  progrès  dans 
l'art  de  jouer  du  piano  et  dans  la  composition.  En  1850,  Frédéric  fut  en- 
voyé â  Mayence,  et  quelques  mois  après  à  Francfort,  où  il  eut  pour  maître 
de  piano  M.  Rosenhain  (père  de  Jacques  Rosenhain)  ;  pour  maître  de  com- 
position, M.  Haufl",  et  pour  maître  de  violon,  M.  Eliason  et  M.  Wolff. 

C'est  le  10  mai  1850  que  le  petit  Frédéric  se  fit  entendre  pour  la  pre- 


DE  PARIS. 


45 


mière  fois  en  public  dans  un  concert  donné  au  théâtre  de  Francfort.  Il 
vient  de  donner,  à  Francfort  et  a  Carlsruhe,  plusieurs  concerts  dans  les- 
quels il  a  obtenu  des  succès  mérités  ;  il  se  propose  maintenant  de  faire  un 
voyage  en  France.  Parlerons-nous  de  l'accueil  que  cet  enfant  extraor- 
dinaire a  reçu  à  Strasbourg?  Si  bien  des  gens  ont  su  l'apprécier  à  sa  va- 
leur, d'autres  n'ont  pas  su  le  distinguer  de  ces  petits  prodiges  éphémères 
qui  arrivent  à  force  de  travail  à  exécuter  passablement  quelques  mor- 
ceaux qu'ils  colportent  de  ville  en  ville.  Des  artistes  même  n'ont  pas 
craint  de  dénigrer  un  enfant  sur  le  front  duquel  brille  déjà  l'auréole  du 
génie,  moins  peut-être  par  jalousie  envers  le  petit  virtuose  qu'à  l'égard  de 
son  maître,  M.  Liebe,  qui  a  le  triple  tort  d'être  étranger,  d'avoir  un  mé- 
rite réel  et  d'être  un  artiste  modeste  qui  ne  vient  pas  flatter  le  mauvais 
goût  de  la  foule. 

Frédéric  Gernsheim  doit  se  rendre  à  Paris  :  espérons  qu'il  y  trouvera  un 
public  plus  intelligent.  Quant  à  nous,  nous  ne  craignons  pas  de  dire  que 
s'il  ne  renouvelle  pas  tous  les  prodiges  que  l'on  raconte  de  l'enfance  de 
Mozart,  on  n'a  pourtant  pas  revu,  depuis  ce  grand  homme,  un  ensemble 
aussi  surprenant  de  facultés  extraordinaires,  et  nous  croyons  qu'un  jour 
l'Europe  entière  répétera  avec  enthousiasme  le  nom  de  cet  enfant. 


Londres,  30  janvier. 

Rarement  notre  saison  d'hiver  a  été  plus  animée  dans  la  région  musi- 
cale. Tant  de  choses  se  passent  à  la  fois,  qu'il  nous  est  impossible  de  vous 
dire  plus  d'un  mot  de  chacune. 

1°  M.  Bunn  a  commencé  l'exhibition  de  sa  troupe  lyrique  au  théâtre  de 
Drury-Lane.  Robert-  le- Diable  a  été  le  premier  ouvrage  représenté  d'une 
manière  assez  satisfaisante,  puisque  les  ressources  du  théâtre  ne  permet- 
taient pas  qu'il  le  fût  mieux.  Mme  Evelina  Garcia  (mariée  à  M.  de  Munck, 
l'un  des  meilleurs  professeurs  de  violoncelle)  possède  une  voix  de  soprano 
très-puissante  qui  ne  manque  pas  plus  de  charme  que  de  vigueur.  Ce 
n'est  pas  notre  idéal  dans  le  rôle  d'Alice  ;  ce  n'est  pas,  à  beaucoup  près, 
Jenny  Lind  ,  qui  s'y  montrait  si  admirable;  mais  elle  est  douée  de  cer- 
taines qualités  d'artiste,  qui  lui  ont  valu  de  chaleureux  applaudissements. 
Le  défaut  de  Mme  Garcia,  c'est  de  chanter  souvent  trop  haut,  surtout 
dans  les  notes  aiguës.  Le  rôle  d'Isabelle  nous  a  offert  une  jeune  canta- 
trice de  notre  royale  Académie  de  musique,  Mlle  Brovvne,  qui  se  nomme 
Crichton  sur  l'affiche.  Cette  débutante  a  enlevé  la  salle  dès  son  premier 
air.  Sa  voix  est  d'une  étendue  surprenante,  et  elle  chante  avec  tant  de 
feu ,  qu'on  la  regarde  comme  une  Sophie  Cruvelli  en  espérance.  Quoi- 
qu'elle joue  très-gauchement,  son  succès  a  été  magnifique.  Elle  est  fort 
jeune,  et  on  lui  escompte  le  présent  en  faveur  de  l'avenir.  M.  Fédor,  ténor 
russe,  qui  a  beaucoup  chanté  en  Espagne  et  en  Italie,  dit  très-bien  le 
rôle  de  Robert.  Sa  voix  est  douce  et  sympathique,  son  chant  plein  d'élé- 
gance et  de  sentiment.  M.  Drayton  ,  l'un  des  anciens  élèves  du  Conserva- 
toire de  Paris,  s'est  distingué  dans  le  rôle  si  important  de  Bertram.  L'or- 
chestre, dirigé  par  Schira ,  s'est  convenablement  acquitté  de  sa  tâche, 
ainsi  que  les  chœurs.  La  salle  était  comble.  Fra  Diavolo,  ce  type  char- 
mant de  l'opéra  comique  français,  avait  été  choisi  pour  la  rentrée  de 
Sims  Reeves,  accompagné  de  sa  femme  (autrefois  Mlle  Lucombe).  Ce  ténor 
aimé  des  Anglais,  malgré  ses  nombreux  caprices  qui  ont  déjà  obligé 
M.  Bunn  à  changer  deux  fois  le  spectacle,  conserve  toute  sa  popularité. 
Sans  être  le  beau  idéal  du  brigand-marquis,  il  s'est  montré  bon  acteur, 
et  a  chanté  avec  beaucoup  de  verve  et  de  facilité.  On  a  bissé  la  sérénade 
du  second  acte.  Mme  Sims  Reeves  a  chanté  et  joué  fort  bien  le  rôle  de 
Zerlina.  Sa  voix  n'est  pas  très-suave,  mais  elle  est  excellente  musicienne. 
Mlle  Priscilla  Horton  et  M.Withworth  ont  été  admirables  dans  les  rôles  de 
milord  et  milady.  La  musique,  fraîche  et  pétillante  d'Auber  a  été  fort 
goûtée  du  public.  On  montera  bientôt  le  ballet  de  Vert-Vert  pour  Mlle 
Plunkett  et  Mlle  Carlotta  de  Veehi,  une  nouvelle  danseuse  que  l'on  dit 
fort  bonne. 

2°  La  Sacred  Harmonie  Society  a  exécuté  hier  au  soir  deux  magnifiques 
ouvrages  de  Mendelssohn  :  le  Lobgesany  (symphonie  religieuse ,  avec 
chœurs)  et  la  musique  d'Athalie,  de  Racine.  Jamais  cette  masse  énorme 
d'instrumentistes  et  de  chanteurs  n'avait  été  plus  admirable.  On  aurait 
dit  une  seule  voix  et  un  seul  instrument,  au  lieu  de  800.  Je  voudrais  bien 
recommander  le  Lobgesang  aux  bons  soins  de  M.  Girard,  qui  a  si  supérieu- 
rement dirigé  la  symphonie  en  la  majeur,  il  y  a  quelques  jours,  au  Con- 
servatoire. Jamais  le  génie  et  le  savoir  du  grand  compositeur  ne  se  sont 
élevés  dans  une  sphère  plus  haute.  M.  Costa  a  conduit  l'orchestre  avec 
une  grande  énergie,  et  a  été  très-applaudi  à  la  fin.  Pendant  l'exécution  , 
on  n'applaudit  guère  :  dans  ces  concerts  sacrés,  ce  n'est  pas  de  bon  goût. 
Les  solistes  étaient  Mme  Enderwohn,  Mlle  Dolby,  MM.  Williams  et  Lockey. 
La  London  Sacred  Harmonie  Society,  qui  fait  concurrence  à  l'autre  dans  la 
même  salle,  Exeter-HaU,  a  exécuté  VElie,  de  Mendelssohn.  Cette  Société, 
quoique  formidable,  n'est  pas  au  niveau  de  sa  rivale.  M.  Surman,  qui  la 
dirige,  est  l'un  des  fondateurs  de  la  Sacred  Harmonie  Society.  Quand  les 


membres  l'ont  eu  destitué  et  remplacé  par  M.  Costa,  ses  amis  ont  créé  la 
Société  nouvelle  qu'il  dirige  à  présent. 

3"  M.  Ella  a  commencé  ses  Winler  musical  Evenings,  séances  de  mu- 
sique de  chambre,  dans  le  style  de  la  Musical  Union,  qui  a  lieu  l'été, 
en  pleine  saison,  et  toujours  dans  le  local  de  Willis's  Booms.  Le  public 
était  nombreux.  Le  programme,  tiré  des  œuvres  de  Haydn,  Beethoven, 
Hummel,  Spohr,  etc.,  a  été  bien  interprété  par  MM.  Sainton,  Schmidt  (vio- 
lons), Ilill  (alto),  Piatti  (violoncelle\  et  Pauer,  pianiste  allemand,  au 
style  classique,  qui  promet  de  devenir  l'émulede  Charles  Halle.  Le  numéro  le 
plus  intéressant  a  été  celui,  qui  comprend  deux  morceaux  d'un  quatuor 
posthume  de  Mendelssohn,  andante  en  mi  majeur,  et  scherzo  en  la  mineur, 
L'andante  contient  une  mélodie  délicieuse  pour  l'alto.  Le  scherzo  est  un 
chef-d'œuvre.  Mendelssohn  ail  over,  comme  disaient  ses  admirateurs,  si 
nombreux  à  Londres,  vous  le  savez  bien. 

h"  Au  théâtre  de  Hay-Market,  un  nouvel  opéra  comique,  Aminta  (/>« 
Coquette,  musique  de  M.  Howard  Glover,  fils  de  la  célèbre  actrice ,  a 
été  donné  avec  beaucoup  de  succès.  La  prima  donna,  Mlle  Louisa  Pyne,  a 
très-bien  chanté.  La  musique  de  M.  Glover  n'est  pas  savante,  mais  elle  est 
bien  écrite  et  contient  l'élément  populaire. 

Les  London  Thursday  Concerts  viennent  de  terminer  une  saison  de  cinq 
concerts.  La  spéculation  a  été  peu  fructueuse.  Au  dernier  concert,  Mlle  Al- 
leyne,  soprano,  qui  faisait  son  début,  a  produit  un  effet  hors  ligne  par  sa 
manière  de  chanter  Bid  me  discourse,  air  de  bravoure,  de  Bishop. 
M.  Stammers  a  manifesté  l'intention  de  renouveler  bientôt  les  London 
Wednesday  Concerts.  Les  soirées  de  musique  de  piano  classique  d'Alexan- 
dre Billet,  Sterndale  Bennett,  Lindsay  Sloper,  vont  aussi  commencer. 
M.  Aguilar,  très-bon  pianiste  et  compositeur,  en  a  déjà  donné  deux. 
M.  Hullah  a  inauguré  la  seconde  saison  de  ses  Monthly  Concerts  à  St-Mar- 
tin's  Hall,  avec  le  95e  psaume  de  Mendelssohn,  un  festival  anth'm,  de 
M.  Henry  Leslie,  jeune  compositeur  de  talent,  et  la  cantate  de  Handel, 
Aie xander 's  Feast.  Les  exécutants  étaient  nombreux,  mais  l'exécution 
n'a  pas  été  remarquablement  belle. 

Les  directeurs  des  deux  théâtres  italiens  n'ont  pas  encore  publié  leur 
programme. 

Il  est  question  de  fonder  un  club  ou  institut  pour  les  musiciens  et  les  ama- 
teurs de  Londres  :  déjà  les  bases  en  sont  connues  ;  mais  ce  dont  on  parle 
surtout,  c'est  de  lanouvelle  Société  philharmonique,  qui  va  s'élever  en  face  de 
l'ancienne,  et  qui  se  présente  sous  un  aspect  tout  à  fait  imposant.  Elle  a 
choisi  pour  siège  et  domicile  Exeter-Hall.  Son  orchestre,  ses  chœurs,  établis 
sur  des  proportions  colossales,  compteront  dans  leurs  rangs  des  talents  de 
premier  ordre.  Cette  armée  d'élite  aura  pour  chef  et  général  Hector  Berlioz, 
dont  le  nom  suffiraitpour  donner  une  idée  de  la  grandeur  à  laquelle  aspire 
la  nouvelle  société.  Autant  les  progammes  seront  brillants,  autant  les  prix 
d'entrée  seront  modérés.  La  Société  donnera  six  concerts,  de  mois  en  mois, 
les  2A  mars,  14  et  28  avril,  12  et  26  mai,  et  9  juin.  On  ne  doute  pas  du 
succès. 


Berlin,  31  janvier. 

Un  négociant  qui  a  de  l'ordre  fait  tous  les  mois  son  bilan  ;  à  son  exem- 
ple, un  correspondant  qui  se  pique  d'exactitude  doit  fournir  régulière- 
ment le  chapitre  mensuel  de  l'histoire  musicale  du  jour.  Sans  doute,  nous 
avons  été  devancé  par  plus  d'une  dépêche  électro-magnétique,  annonçant 
des  faits  isolés  ;  toutefois,  nous  pensons  qu'il  nous  sera  permis  de  les  ré- 
capituler dans  un  apeTçu  général. 

Le  mois  de  janvier  est  toujours  d'un  bon  rapport  en  fait  de  musique. 
Cette  année  surtout,  la  récolte  a  été  bonne  ;  plût  à  Dieu  qu'elle  fût  aussi 
abondante  au  mois  de  juillet  et  au  mois  d'août!  Nous  pourrions  alors, 
l'hiver  prochain,  recommencer  de  plus  belle  à  faire  de  la  musique  I 

Nous  commençons  par  le  théâtre. 

La  fermeture  du  théâtre  Kœnigstadt  a  débarrassé  le  théâtre  royal  de 
l'Opéra  d'une  institution  rivale;  en  revanche,  c'est  maintenant  la  salle 
Frédéric-Wilhelmstadt  qui  lui  fait  concurrence.  A  la  vérité  ce  nouvel 
adversaire  ne  peut  faire  marcher  que  des  troupes  légères  contre  les  rem- 
parts redoutables  et  la  grosse  artillerie  du  grand  Opéra  ;  cela  n'empêche 
pas  qu'il  ne  tienne  l'ennemi  en  échec  et  n'obtienne  quelques  succès.  Ses 
alliés  sont  des  compositeurs  français  et  italiens,  tels  que  Boïeldieu,  Auber, 
Cimarosa,  Fioravanti.  La  reprise  d'un  opéra  de  ce  dernier  maestro  :  les 
Cantatrices  de  village,  qui  était  presque  tombé  en  oubli,  a  été  parfaitement 
accueillie,  grâces  surtout  à  une  artiste  habile,  MmeKûchenmeister-Lûders- 
dorf.  Il  faut  avouer  cependant  que  les  forces  que  le  théâtre  royal  a  mises 
en  campagne  contre  ces  troupes  légères,  en  ont  eu  facilement  raison. 
Olympie,  de  Spontini ,  est  toujours  en  crédit,  ce  qu'il  faut  attribuer  prin- 
cipalement au  talent  de  Mine  Kœster  et  de  Mlle  Wagner.  Dans  Lucrèce 
Borgia  cette  dernière  cantatrice  est  admirable;  elle  imprime  à  ce  rôle  la 
plus  haute  puissance  d'expression  dramatique,  et  nous  ne  craignons  pas 
d'être  taxé  d'exagération,  en  disant  que  Mlle  Wagner  est  maintenant  la 
première  Lucrèce  Borgia  de  l'Europe,  sous  le  rapport  artistique  bien  en- 


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REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


tendu,  et  non  sous  le  rapport  moral ,  soit  dit  en  passant  pour  mettre 
à  couvert  son  honneur  et  le  nôtre.  Le  Camp  de  Silêsie,  de  Meyerbeer,  a 
également  remporté  de  nouvelles  victoires  et  célébré  des  triomphes  pa- 
triotiques. Prochainement  le  Prophète  ralliera  de  nouveau  ses  bataillons 
autour  de  sa  bannière  ;  vers  le  même  temps  Euriante,  de  Weber,  nous 
apparaîtra  avec  tous  les  charmes  de  la  beauté  et  de  la  mélodie.  Fidelio, 
les  Deux  journées  et  autres  ouvrages  classiques,  ne  nous  ont  pas  fait  faute 
au  mois  de  janvier.  Mais  c'est  le  27,  le  jour  anniversaire  de  la  naissance 
de  Mozart,  qui  nous  a  donné  la  moisson  la  plus  riche  ;  ce  jour-là,  Don  Juan 
a  été  exécuté  dans  la  perfection,  au  milieu  des  applaudissements  enthou- 
siastes de  l'assemblée. 

La  salle  des  concerts  n'est  pas  restée  en  arrière  du  théâtre.  Les  soi- 
rées de  symphonie  nous  ont  donné  les  œuvres  puissantes  de  Beetho- 
ven, la  symphonie  héroïque,  les  ouvertures  de  Lèonore ,  de  Coriolan, 
d^Egmont;  les  charmantes  compositions  d'Haydn,  entre  autres  la  sym- 
phonie militaire,  quelques  nouveautés,  par  exemple  la  symphonie  en  la 
mineur  de  Mendelssohn,  et  enfin  une  œuvre  bien  anciene,  qui  était  tout- 
à-fait  inconnu  ici,  et  qui  nous  est  apparue  avec  toute  la  fraîcheur  et  tout 
le  charme  de  la  nouveauté,  l'ouverture  d'Anacréon,  de  Cherubini.  Tout 
13  monde  en  fut  enchanté,  et  Meyerbeer  l'inscrivit  sur  le  programme  du 
prochain  concert  à  la  cour,  dans  lequel,  soit  dit  en  passant,  M.  Rosenhain 
a  fait  applaudir  son  correct  et  brillant  talent  de  pianiste.  A  côté  du  gros 
de  l'armée,  des  corps  volants,  tels  que  les  soirées  de  quatuors  de  Zimmer- 
mann,  les  soirées  de  trios  de  Stahlknecht,  et  les  soirées  de  musique  de 
chambre  en  général  de  Seidel  et  Grunewald,  se  sont  fait  remarquer  par 
leurs  prouesses.  Les  dernières  soirées  pour  sonates,  quatuors,  quintettes, 
sextuors  et  morceaux  de  chant,  sont  une  entreprise  nouvelle  de  deux 
jeunes  artistes  de  talent,  dont  l'un,  M.  Seidel,  est  un  excellent  pianiste, 
et  l'autre,  M.  Grunewald,  un  violoniste  habile. 

Comme  tout  bon  artificier,  j'ai  gardé  le  bouquet  pour  la  fin.  La  semaine 
dernière  nous  avons  eu  deux  Concerts  de  la  plus  haute  importance.  Le 
premier  a  été  celui  du  chœur  du  Dôme.  On  se  rappelle  sans  doute  la 
sensation  qu'il  fit  à  Londres  il  y  a  deux  ans.  Le  succès  a  décidé  la  direc- 
tion à  donner  dans  le  courant  de  l'hiver  trois  concerts  à  ses  risques  e^ 
péril,  dans  lesquels  les  plus  anciennes  productions  de  Palestrina  alterne- 
ront avec  les  compositions  modernes;  entre  les  morceaux  de  chant  on  en- 
tendra des  sextuors,  septuors,  etc. 

Ces  concerts  attirent  une  affluence  extraordinaire  ;  tous  les  billets  sont 
placés,  et  des  personnages  du  plus  haut  rang,  qui  avaient  souscrit  trop 
tard,  ont  dû  être  casés  tant  bien  que  mal  dans  l'orchestre.  Le  premier 
concert  a  obtenu  le  plus  éclatant  succès;  le  chœur  a  exécuté  les  diffé- 
rents morceaux  avec  une  pureté  irréprochable  ;  il  n'a  pas  baissé  d'un 
huitième  de  ton  dans  les  morceaux  les  plus  étendus  ;  les  intonations  étaient 
aussi  sûres  qu'avec  un  instrument  ;  l'effet  a  été  prodigieux.  Dans  la  même 
soirée,  M.  de  Kontski  a  joué  le  quintette  de  Hummel  avec  autant  de  jus- 
tesse que  de  grâce. 

Enfin,  l'Académie  de  chant  a  donné  son  premier  concert  depuis  la  mort 
de  son  ancien  directeur,  M.  de  Rungenhagen;  nous  y  avons  entendu  trois 
compositions  nouvelles  d'une  certaine  étendue  :  un  Lauda  Sion,  de  Men- 
delssohn, admirable  d'invention  et  de  travail;  la  paraphrase  de  l'oraison 
dominicale,  par  Klopstock,  mise  en  musique  par  M.  Taubert,  ouvrage 
empreint  d'onction  et  de  sensibilité;  enfin,  une  missa  solcmiis ,  par 
M".  Naumann,  membre  de  la  chapelle  du  Dôme,  œuvre  pleine  d'animation, 
et  qui  décèle  une  grande  habitude  des  formes  sévères  du  style  religieux. 


NOUVELLES. 

*if,*  Aujourd'hui  dimanche,  à  l'Opéra.,  la  Reine  de  Chypre,  chantée  par 
Roger,  Massol  et  Mlle  Masson.—  Demain  lundi,  Guillaume  Tell,  chanté  par 
Gueymard,  Morelli  et  Mme  Laborde. 

%*  Les  Huguenots  ont  été  donnés  lundi  dernier.  La  représentation  du 
chef-d'œuvre  avait  attiré  la  foule.  Roger  a  été  magnifique  dans  le  rôle  de 
Raoul,  qu'il  chante  et  joue  en  artiste  supérieur,  et  celui  de  Marguerite  offre 
à  Mine  Laborde  l'occasion  qu'elle  ne  manque  jamais,  de  déployer  sa  voca- 
lisation brillante  et  facile. 

%*  La  quatrième  représentation  de  Guillaume  Ted  a  eu  lieu  mercredi. 
Les  deux  cents  choristes  ont  beaucoup  gagné  sous  le  rapport  de  l'ensemble 
et  de  l'aplomb  :  aussi  le  final  du  second  acte  produit-il  un  effet  de  plus  en 
plus  grandiose.  Les  recettes  se  soutiennent  au  chiffre  le  plus  élevé. 

***  Vendredi,  la  Bouquetière,  d'Adolphe  Adam,  précédait  la  reprise  du 
Violon  du  Diable,  ce  charmant  ballet ,  le  premier  des  ouvrages  qui  rame- 
nèrent le  public  après  les  événements  de  février.  On  sait  le  triple  rôle 
que  Saint-Léon  joue  dans  cet  ouvrage,  comme  chorégraphe,  danseur  et 
violoniste  du  talent  le  plus  distingué.  Nul  autre  que  lui  ne  pourrait  s'y 
montrer  avec  autant  d'avantages  ;  mais  à  côté  de  lui  brillait  naguère 
Fanny  Cerrito,  danseuse  ravissante,  que  tant  de  liens  devaient  rattacher 
à  l'auteur  du  ballet,  et  qui  pourtant  s'en  est  séparée.  En  son  lieu  et  place , 


nous  avons  vu  apparaître  Mlle  Régina  Forli ,  qui  ne  la  vaut  pas  encore 
sans  doute,  mais  qui  est  toute  jeune  et  qui  a  l'avenir  pour  elle,  sans  comp- 
ter le  présent ,  qui  n'est  pas  à  dédaigner. 

***  Le  Juif  errant  continue  de  s'avancer  et  d'un  pas  toujours  plus  ra- 
pide. Les  quatre  premiers  actes  se  répètent  en  ce  moment  au  théâtre. 

*$*  La  santé  de  Mlle  Priora  s'améliore.  C'est  d'une  esquinancie  que  la 
jeune  artiste  a  souffert ,  et  sa  convalescence  exige  des  ménagements. 

***  Le  théâtre  de  l'Opéra-Comique  est  surtout  occupé  des  répétitions  du 
Carillonneur  de  Bruges,  dont  on  annonce  l'apparition,  non  pour  la  semaine 
prochaine,  mais  pour  celle  qui  la  suivra.  Cependant  le  répertoire  ne 
chôme  pas,  et  indépendamment  des  ouvrages  qui  d'habitude  occupent 
l'affiche,  il  se  renouvelle  en  partie  au  moyen  de  reprises  telles  que  celle 
du  Toréador,  charmante  partition,  pièce  amusante,  dont  les  trois  rôles  sont 
remplis  avec  un  talent  égal  par  Mme  Ugalde,  Mocker  et  Battaille.  Le  To- 
réador est  un  de  ces  ouvrages  que  le  public  reverra  toujours  avec  plaisir, 
et  qui,  bien  accompagnés,  auront  toujours  une  influence  sur  les  recettes. 
Cette  dernière  reprise  vient  encore  d'en  fournir  la  preuve. 

%*  Le  Pré-aux-Clercs,  d'Hérold,  est  à  l'étude  et  reparaîtra  prochaine- 
ment. 

***  L'Opéra-National  répète  activement  V Abîme  de  la  Maladetta,  cet 
opéra,  dont  Duprez  a  écrit  la  musique,  et  dont  le  succès  à  Bruxelles  doit 
obtenir  une  seconde  édition  à  Paris. 

***  Une  demande  a  été  adressée  au  ministre  de  l'intérieur  par  la  Com- 
mission des  auteurs  dramatiques  et  le  Comité  des  artistes  musiciens  afin 
que  le  théâtre  de  l'Opéra-National  soit  doté  d'une  subvention  comme  les 
autres  théâtres  lyriques. 

*„*  Le  ministre  de  l'intérieur  a  reçu  mardi  dernier,  en  audience  parti- 
culière, le  comité  de  l'Association  des  artistes  dramatiques,  qui,  par  l'or- 
gane de  son  président,  M.  le  baron  Taylor,  et  de  son  vice-président, 
M.  Samson,  a  exposé  rapidement  les  besoins  des  théâtres  de  Paris  et  des 
départements.  Le  ministre  a  accueilli  le  comité  avec  une  grande  bienveil- 
lance ;  il  a  manifesté  toute  sa  sympathie  pour  l'art  dramatique,  et  a  pro- 
mis de  faire  étudier  promptement  et  d'une  manière  approfondie  les  obser- 
vations consignées  dans  une  note  que  lui  laissée  le  comité. 

V  Aujourd'hui,  dimanche,  troisième  séance  de  la  Société  des  concerts 
au  Conservatoire.  La  seconde  était  composée  de  l'ouverture  et  de  Tin- 
troduction  de  Don  Juan,  de  Mozart,  d'un  quartetto  dei  Viaggialori  felici, 
de  Cherubini,  de  fragments  de  la  Création,  d'Haydn  et  de  la  symphonie  en 
la,  de  Beethoven. 

*i*  Mme  Sontag  se  trouve  en  ce  moment  à  Leipzig,  où  elle  a  chanté,  le 
3  février  dernier,  dans  la  Fille  du  régiment. 

%*  Hector  Berlioz  va  se  rendre  à  Weimar  pour  y  diriger  les  dernières 
répétitions  de  son  opéra,  Benvenuto  Celiini,  dont  la  première  représenta- 
tion est  prochaine. 

V*  La  santé  de  Stephen  Heller  est  complètement  rétablie  ;  l'éminent 
artiste  n'a  plus  qu'à  réparer  le  temps  perdu. 

***  Thalberg  partira  bientôt  pour  l'Amérique  ;  il  a  déjà  contracté 
plusieurs  engagements  importants  avec  les  grandes  villes  des  États-Unis. 

*Jf  Henri  Herz  avait  été  assigné  à  la  septième  Chambre  du  tribunal 
de  première  instance,  pour  avoir  laissé  chanter,  dans  la  salle  de  ses  con- 
certs, une  romance  inédite  de  M.  Delsarte.  A  l'audience,  M.  Delsarte  s'est 
présenté  et  a  déclaré  qu'il  n'avait  nullement  autorisé  la  poursuite,  et 
l'agent  de  la  Société  des  compositeurs  et  autres  artistes  ne  l'ayant  pas 
reprise  en  son  nom,  M.  Henri  Herz  a  été  renvoyé  des  fins  de  la  plainte. 

*.,.*  La  Société  Sainte-Cécile  donnera  son  troisième  concert  d'abonne- 
ment le  dimanche  15  février,  à  :2  heures  de  l'après-midi,  dans  la  salle  Ste- 
Cécile,  rue  de  la  Chaussée-d'Antin,  49  bis.  En  voici  le  programme  : 
1.  Ouverture  et  final  du  premier  acte  d'Oberon,  de  Weber;  air  chanté  par 
Mme  Ugalde  ;  duo  chanté  par  Mme  Ugalde  et  Mlle  J.  Vavasseur  ;  chœur. 
—  2.  Symphonie  en  sol  mineur,  de  Mozart.  —  3.  Tyrolienne  de  Belly, 
chantée  par  Mme  Ugalde.  — k.  Chœur  gaulois,  de  M.  Gounod.  —  5.  Ouver- 
ture de  Naïm,  de  Reber.  L'orchestre  sera  dirigé  par  M.  Seghers.  Les 
chœurs  seront  dirigés  par  M.  Wekerlin. 

*\*  Mlle  de  Malleville  reprendra  dimanche  prochain,  1Zi  février,-  ses 
séances  de  musique  de  chambre.  Voici  le  programme  de  la  première,  qui 
aura  lieu  dans  les  salons  de  Pleyel  :  1.  Concerto  de  piano  en  la  mineur, 
accompagné  du  double  quatuor ,  de  Mozart.  —  2°  Andante  et  final  de  la 
sonate  en  ut  majeur,  de  Beethoven.  —  3°  Grand  trio ,  piano ,  violon  ,  vio- 
loncelle, dédié  à  l'archiduc  Rodolphe,  de  Beethoven.  —  h.  Quintette  en  ré 
majeur,  pour  instruments  à  cordes,  de  Mozart.  -  5.  Sonate,  piano  et  vio- 
lon, dédiée  à  Kreutzer,  de  Beethoven.  —  6.  Allegro,  piano  seul,  de  Scar- 
lati.  —  Allegro  de  la  sonate  en  la  mineur,  de  Mozart.  —  On  entendra 
MM.  Maurin,  Mas,  Casimir  Ney,  Lebouc  et  Gouffé. 

V  Dans  la  seconde  matinée  de  M.  Emile  Ettling,  donnée  le  dimanche 
1"  février,  on  a  beaucoup  applaudi  le  trio  sur  la  Favorite,  pour  piano, 
violon  et  violoncelle,  exécuté  par  Mlle  Ettling,  M.  Rignaultet  un  amateur; 
une  romance  avec  accompagnement  de  hautbois  par  Verroust,  qui  a  aussi 
exécuté  un  charmant  morceau  de  sa  composition;  un  solo  de  violoncelle, 
de  M.  Rignault,  et  des  études  de  Goria,  jouées  par  lui-même.  MM.  Michel, 
Lyon,  Henrion  et  Malézieux  s'étaient  chargés  de  la  partie  vocale. 

***  Le  tribunal  civil  de  Bruxelles  vient  de  prononcer  le  divorce  de 
Mme  Hillen,  ex-première  chanteuse  des  théâtres  de  Lyon,  qui  avait  épousé, 
il  y  a  déjà  quelque  temps,  M.  Van  Praeg.  Ce  dernier  était  parti  le  lende- 
main de  ses  noces  pour  les  Indes,  sans  laisser  à  sa  femme  ni  lettre,  ni  in- 
formation d'aucune  espèce. 


DE  PARIS. 


47 


*„*  LAVmanach  des  spectacles,  qui  vécut  si  longues  années  et  qui  n'au. 
1-ait  pas  du  mourir,  vient  do  renaître  sous  la  direction  de  M.  Palianti,  si 
connu  par  ses  belles  et  utiles  mises  en  scène  des  ouvrages  en  vogue. 
Nous  consacrerons  un  article  spécial  à  cette  intéressante  publication. 

*/  Sous  le  titre  de  Mission  morale  de  l'art,  M.  Auguste  Boulland  vient 
de  publier  un  volume  consacré  aux  études  les  plus  élevées  et  les  plus  vas- 
tes. Nous  nous  réservons  d'en  parler  avec  détail  dans  l'un  de  nos  prochains 
numéros. 

CRON1QUE    DÉPARTEMENTALE. 

*  *  Lyon,  28  janvier.  —  Avec  le  Prophète,  dont  le  succès  s'accroît  d'une 
manière  miraculeuse  à  chaque  représentation,  le  public  vient  encore  ap- 
plaudir, à  la  reprise  de  V Ambassadrice,  ce  charmant  opéra  de  MM.  Auber, 
Mlles  Lavoye,  Cœuriot  et  Gautrot,  secondées  par  M.  Fromant  et  Dubosc. 
Ce  dernier  a  représenté  convenablement  Yimpresario  Fortunatus  ;  il  a 
surtout  fort  bien  dit  son  air  d'entrée  au  premier  acte.  Après  le  Caïd  est 
venue  la  Fée  aux  roses.  Dans  ces  deux  opéras  comiques,  Bonnesseur,  Bi- 
neau,  sont  justement  applaudis,  et  Mlles  Lavoye,  Gautrot  et  Cœuriot 
reçoivent  aussi  des  ovations  méritées.  Mais  rien  n'égale  la  vogue  du 
Prophète,  et  je  crois  que  jamais  théâtre  ne  fut  témoin  d'un  empressement 
plus  grand  que  celui  qui  se  fait  remarquer  deux  fois  la  semaine  aux  repré- 
sentations de  ce  grand  opéra.  Chacun  veut  connaître,  comme  inspiration 
musicale  et  comme  travail  harmonique,  l'œuvre  d'un  grand  génie.  Le 
rôle  de  Fidès,  qui  semble  avoir  été  écrit  pour  Mlle  Adeline  Lacombe, 
donne  a  celte  première  chanteuse  les  moyens  de  développer  avec  éclat  sa 
voix  si  puissante  et  ses  expressions  du  cœur  si  dramatiques.  L'amour  ma- 
ternel, l'indignation,  la  tendresse,  en  un  mot,  tous  les  sentiments  que 
Fidès  éprouve,  sont  rendus  d'une  manière  remarquable  par  cette  excel- 
lente actrice.  Aussi,  lundi  soir,  au  milieu  d'une  salve  d'applaudissements, 
est  tombé  à  ses  pieds  un  magnifique  bouquet.  Mlles  Lacombe  et  Cœuriot, 
dans  le  personnage  de  Berthe,  se  sont  montrées  aussi  bonnes  tragédiennes 
qu'habiles  cantatrices.  On  a  encore  vivement  applaudi  Bonnesseur,  Xsmaël 
et  Bineau,  qui  ont  parfaitement  interprété  les  rôles  des  trois  anabaptistes. 
L'exécution,  complètement  satisfaisante,  est  on  ne  peut  plus  digne  de 
l'œuvre,  encadrée  de  décorations  splendides. 

*,*  Marseille,  31  janvier.  —  Le  succès  de  Mosquita,  de  Boisselot,  se  con- 
tinue et  s'augmente.  A  la  dernière  représentation,  qui  s'était  fait  remar- 
quer par  l'ensemble,  une  ovation  a  été  décernée  à  tous  les  premiers  su- 
jets; un  splendide  bouquet  a  été  remis  à  Mme  Charton  par  l'entremise  de 
M.  Bouvard  :  il  lui  était  offert  par  une  réunion  d'amateurs  bien  connus 
au  Grand-Théâtre.  —  Le  Joseph,  de  Méhul,  dont  la  reprise  datait  de  l'an- 
née dernière,  vient  d'être  encore  remis  à  la  scène,  mais  avec  une  notable 
infériorité  d'exécution. 

CHRONIQUE     ÉTRANGÈRE. 

%.*  Btrlin.  —  On  annonce  pour  le  17  février  un  concert  dans  lequel  on 
entendra  un  Requiem,  en  commémoration  de  feu  le  prince  Waldemar  de 
Prusse.  Cette  composition,  qu'on  attribue  à  M.  de  L...„  dilettante  d'un  ta- 
lent éminent,  sera  exécutée  par  la  chapelle  royale  et  la  réunion  de  chant 
Stern  ;  les  soli  seront  chantés  par  Mmes  Wagner  et  Léo,  et  par  MM.  Formes 
et  Krause.  —  Le  2  février  a  eu  lieu  un  grand  concert  au  profit  de  la  réu- 
nion Gustave-Adolphe;  on  y  a  exécuté  l'oratorio  de  Naumann;  le  Christ, 
messager  de  paix,  sous  la  direction  de  l'auteur. 

*„.*  Vienne.  —  Le  duc  de  Saxe-Cobourg-Gotha,  l'auteur  de  Casilda,  vient 
d'allouer  à  l'académie  de  musique  une  subvention  annuelle  d'un  chiffre 
assez  élevé  pour  six  années.  Le  2  février  on  a  exécuté  dans  l'église  Saint- 
Charles  une  missa  solennis,  écrite  par  lord  W'estmoreland.  —  L'Opéra- 
Italien  ouvre  le  15  mars  prochain  ;  on  représentera  deux  opéras  nouveaux 
écrits  pour  cette  saison  :  Il  Marito  e  V Amante ,  de  Bicci ,  et  Gaston  de 
Chanley  ,  de  Capecelatro.  La  troupe  se  compose  des  prime  donne  : 
Aimes  Albertini,  Maray,  Medoni  et  Demeric  :  des  ténors  Fraschini  et  Boc- 
cardé  ;  des  barytons  Debassini  et  Ferri  ;  basse-taille  :  Mitrowich  ;  pre- 
mier bouffe,  Scalese  ;  pour  le  ballet,  Fanny  Cerrito.  —  Mme  Lagrange  est 
engagée  ici  pour  six  mois,  à  raison  de  12,000  florins. 

*.*  Weimar.  —  Au  prochain  concert  de  la  cour  on  exécutera  l'admira- 
ble musique  de  Meyerbeer  composée  pour  le  drame  de  Struensée,  avec  un 
texte  explicatif,  sous  la  direction  de  Liszt. 


*„*  Hambourg:—  Mme  Lagrange  a  clos  ses  brillantes  représentations. 
On  annonce  Mme  Sontag  pour  le  mois  de  mars.  Mlle  Fanny  Essler,  qui  se 
fait  appeler  aujourd'hui  Mme  Lissier,  vit  dans  la  retraite  la  plus  absolue. 

*„*  Munich.  —  Au  théâtne  particulier  du  roi  on  doit  représenter  inces- 
samment l'opéra  de  Mercadante  :  Elisa  e  Claudio,  dans  lequel  le  prince 
Adalbert  jouera  le  rôle  principal.  Le  prince,  qui  possède  une  fort  lui  le 
basse-taille,  a  fait  ses  études  musicales  sous  la  direction  de  MM.  Pellc- 
grini  et  Pentenvieltz.  M.  Lachner  a  refusé  le  brillant  engagement  qui 
lui  avait  été  offert  à  Vienne;  il  conserve  ses  fonctions  à  notre  théâtre  ;  ses 
appointements  ont  été  portés  à  ft,000  florins. 

*j*  Barcelone,  \"  jévrier.  —  Trois  opéras  seulement  ont  été  repris  ici 
depuis  un  mois,  Norma,  Ernani  et  Attila.  Le  marasme  règne  dans  nos 
théâtres  :  les  artistes  sont  trop  faibles  et  les  ouvrages  trop  vieux,  d'où  il 
suit  nécessairement  que  les  salles  restent  vides. 

***  Lisbonne,  17  janvier.  —  Rien  de  moins  brillant  que  la  situation  ar- 
tistique du  théâtre  San-Carlos,  livré  à  une  troupe  italienne  d'une  nullité 
absolue,  sauf  une  jeune  et  jolie  personne,  la  sympathique  Sannazaro.  Par 
sa  voix  mélodieuse,  expressive,  par  son  jeu  dramatique,  elle  a  seule  le 
privilège  de  faire  trêve  aux  sifflets,  qui  n'ont  cessé  depuis  l'ouverture- 
Elle  a  débuté  dans  la  Nina  Pazza,  de  Coppola,  et  joue  en  ce  moment  avec 
un  grand  succès  la  Sajfo,  de  Pacini.  On  parle  du  retour  de  Mme  Stoltz  ; 
puisse-t-elle  amener  à  sa  suite  un  renfort  de  talents  !  Ce  qu'il  y  a  de  sin- 
gulier, c'est  que,  malgré  une  décadence  notoire,  le  théâtre  ne  désemplit 
pas.  On  assure  que  le  gouvernement  est  résolu  à  retirer  la  subvention  de 
130,000  fr.,  qu'il  donne  pour  sept  mois  d'exercice. 


Le  gérant  :  Ernest  DESCHAMPS. 

THÉÂTRE  ROYAL  FRANÇAIS  A  LA  HAYE. 
D'après  les  ordres  de  Sa  Majesté,  les  commissaires  du  roi  près  des 
théâtres  royaux  ont  résilié  les  différents  engagements  pour  le  Théâtre 
royal  français  à  la  Haye,  â  dater  de  la  fin  de  l'année  théâtrale  courante, 
c'est-à-dire,  à  dater  du  31  mai  prochain.  A  partir  de  ce  jour  les  bâtiments 
du  Théâtre  royal  serviront  aux  représentations  du  Théâtre  national. 
La  Haye,  le  1"  février  1 852 . 

Les  Commissaires  susdits, 

1.  W.  Holtbop,  G.  Falcii. 


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48 


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—  Chaperons  blancs  (les),  3  actes .   .  400  » 

Fondu,  parties  d'orchestre. .  400  » 

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—  Diamants  de  la  couronne  (les),  3  actes 400  » 

—                                Parties  d'orchestre.  400  » 

—  Dieu  et  la  Bayadère  (le),  2  actes 200  » 

—  Domino  noir  (le),  S  actes 400  » 

—  Parties  d'orchestre.  400  » 

—  Duc  d'Olonne(le),  3  actes 400  » 

Fondu,  parties  d'orchestre. .  400  » 

—  Enfant  prodigue  (P),  5  actes 400  » 

—  Parties  d'orchestre.  400  » 

—  Fiancée  (la),  3  actes 400  » 

—  Parties  d'orchestre.  400  » 

—  Fra  Diavolo,  3  actes 400  » 

—  Parties  d'orchestre.  400  » 

—  Gustave  ou  le  Bal  masqué,  5  actes 400  » 

—  Haydée  ou  le  Secret,  3  actes 400  » 

—  Parties  d'orchestre.  400  » 

—  Lac  des  Fées  (le),  5  actes 400  » 

—  Lestocq,  4  actes 400  » 

—  Fondu,  parties  d'orchestre.  400  » 

—  Muette  de  Portici  (la),  5  actes 400  » 

—  Parties  d'orchestre.  400  » 

—  Part  du  Diable  (la),  3  actes 400  » 

—  Parties  d'orchestre  400  » 

—  les  rôles,  chaque 5J  i 

—  Philtre  (le),  2  actes 300  » 

—  Parties  d'orchestre.  300  » 

—  Serment  (le)  ou  les  Faux  Monnayeurs,  3  actes  .   .       .  400  » 

—                           Parties  d'orchestre.  400  » 

—  Sirène  (la),  3  actes 400  » 

—  Parties  d'orchestre.  400  » 

—  Zanetta,  3  actes 400  » 

—  Fondu,  parties  d'orchestre. .  400  » 

—  Zerline  ou  la  Corbeille  d'oranges,  3  actes 400  » 

ADAM.  Giralda,  3  actes 300  » 

—  Parties  d'orchestre..  300  » 

—  Proscrit  (le),  3  actes 300  » 

—  Parties  d'orchestre.  300  » 

—  Postillon  de  Lonjumeau  (le),  3  actes 300  » 

—                                 Parties  d'orchestre.  300  » 

—  Régine,  2  actes 200  » 

—                                                 Parties  d'orchestre .  200  » 

Bazin.  Malheur  d'être  jolie  (le),  1  acte 150  » 

—  Trompette  de  M.  le  prince  (le),  1  acte .'  150  » 

—  Parties  d'orchestre. .  150  » 
BEETHOVEN.  Cristo  sull'  Oliveto 80  » 

—             Fidelio,  3  actes 200  » 

Bertin  (Mlle).  Loup-Garou  (le),  1  acte ',  80  » 

—                                Parties  d'orchestre.  80  » 

Bourges  (Maurice).  Sultana,  1  acte,  parties  d'orchestre.   .   .  80  » 

DONIZETTI.  Favorite  (la),  4  actes 400  » 

—  Parties  d'orchestre.  400  » 
soMis.  Revenant  (le),  3  actes T  .   .   .  200  » 

—  Parties  d'orchestre.  200  » 
SALÉvy.  Artisan  (1'),  1  acte 80  » 

—  Parties  d'orchestre.  80  » 

—  Charles  VI,  5  actes 400  » 

—  Parties  d'orchestre.  400  » 

—  Dame  de  Pique  (la),  3  actes 300  „ 

—  Parties  d'orchestre.  300  » 

—  Dilettante  d'Avignon  (le),  1  acte 80  » 

—  Parties  d'orchestre.  80  » 

N.  B.  —  Le  prix  des  parties  supplémentaires 


Parties  d'orchestre. 
Parties  d'orchestre. 
Parties  d'orchestre . 
Parties  d'orchestre. 
Parties  d'orchestre . 


HiiLÉvr.  Eclair  (!'),  3  actes 

—  Fée  aux  Roses  (la),  3  actes  . 

—  Guido  et  Ginevra,  5  actes  .   . 

—  Guitarrero  (le),  3  actes  .   .   . 

—  Juive  (la),  5  actes 

—  ,  Langue  musicale  (la),  1  acte  . 

—  Parties  d'orchestre. 

—  Mousquetaires  de  la  reine  (les),  3  actes 

—  Parties  d'orchestre. 

—  Prométhée  enchaîné 

—  Reine  de  Chypre  (la),  5  actes 

—  Parties  d'orchestre. 

—  Shérif  (le),  3  actes 

—  Parties  d'orchestre. 

—  Treize  (les),  3  actes 

—  Parties  d'orchestre. 

—  Val  d'Andorre  (le,1,  3  actes 

—  Parties  d'orchestre. 

HÉROLD  et  halévy.  Ludovic,  2  actes 

—                     Parties  d'orchestre. 
HÉROLD.  Illusion  (1') 

—  Parties  d'orchestre. 

—  Pré  aux  Clercs  (le),  3  actes 

—  Parties  d'orchestre. 
louis  (N.).  Marie-Thérèse,  4  actes net. 

—  Parties  d'orchestre,  net. 
LABARRE.  Aspirant  de  marine  (Y),  1  acte 

—  Parties  d'orchestre. 


Deux  familles  (les).   .   .  fondu,  J   3      l: 


nicolo.  Billet  de  loterie  (le), 


—  Jeannot  et  Colin  . 

—  Joconde  


fondu,  j 


parties  d'orchestre 
mÉHUL.  Valentine  de  Milan,  3  actes 

—  Parties  d'orchestre. 
ihendelssohn.  Elie,  oratorio,  grande  partition.  .  .  .  net. 
Meterbeer.   Huguenots  (les),  5  actes 

—  Parties  d'orchestre. 

—  Prophète  (le),  5  actes net. 

y  —  Parties  d'orchestre,  net. 

—  Robert  le  Diable,  5  actes 

—  Parties  d'orchestre. 

Struensée 

1  acte   

parties  d'orchestre 

Cendrillon.  •  ^d».  |  partiesd'orchWtr; 

fan  'u  \       actes 

'     :    ')    parties  d'orchestre 

'        '  j   parties  d'orchestre 

—  Rendez-vous  bourgeois  (les),  1  acte 

—  Parties  d'orchestre. 

ONSLOW  (Georges).  Colporteur  (le),  3  actes 

—                             Parties  séparées. 
prevost  (E.).  Cosimo,  2  actes 

—  Parties  d'orchestre. 
rossini.  Comte  Ory  (le),  2  actes 

—  Parties  d'orchestre. 

—  Guillaume  Tell,  4  actes 

—  Parties  d'orchestre. 

—  Moïse,  4  actes 

—  Robert  Bruce,  3  actes 

—  Fondu,  parties  d'orchestre. 

—  Siège  de  Corinthe  (le),  3  actes 

—  Stabat  Mater 

—  Parties  d'orchestre. 
WEIGL.  Emmeline  ou  la  Famille  suisse,  3  actes 

—  Partie  d'orchestre. 

est  d'un  huitième  du  prix  des  parties  d'orchestre. 


300 
300 
400 
400 
400 
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300 
300 
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4»0 


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400 

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200 

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400 

400 

150 

150 

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200 
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80 
80 
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150 
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300 
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100 
200 
200 


l'AUlS.     —    IMI'KIMl  l'.ll.    I   IV1KU  1      lil      .VW'nl  [.u\\u,MX    I 


l'.LE   DElUil.UIi.  2(1. 


BUREAUX  A  PARIS  :  BOULER  ART  DES  ITALIENS,   1. 


19e  Année. 


N°  7. 


On  s'abonne  dons  les  Départements  et  »  l'Htrungor, 
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tondre*. 

WessoletO,22l),Itcg  ntsti-i 

Bt-Vèteraboui 

g.BelIzard. 

Now-1 1»  î. . 

SclmrfenVcrg  ol  I  uis. 

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Borne. 

Jlorlo, 

Aniaterdnill. 

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Sclilrainïer,  31,  u.u.Lindci 

— 

Bote  01  lloi-k.  12,  Juegcrslr 

Midielsen. 

li-.ll.ii.in  . 

Sassetti. 

REVUE 


18  Février  1882. 


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Le  Journal  puralt  le  Dûnai.che. 


GAZETTE  MUSICALE 


mm  FjkBis. 


-saaaaAP®©@€)iAAAaa^ 


SOMMAIRE.  —  Théâtre  de  l'Opéra-National,  reprise  des  Visitandines,  par  Gus- 
tave Ili-qnet.  — Auditions  musicales,  par  Henri  Blanchard.  —  Un  sou- 
venir à  la  mémoire  d'Alizard,  par  Adrien  tle  la  Page.  —  Revue  critique, ^mé- 
thode de  piano,  de  Rosellen,  par  G.  Kastner.  —  Correspondance,  Liège.  — 
Nouvelles  et  annonces. 


Nos  abonnés  reçoivent,  avec  ce  numéro,  le  Titre  et  les  Tables  de  la 
Revue  et  Gazelle  musicale  de  l'année  1851. 


THÉÂTRE   DE   L'OPÉRA    NATIONAL. 

Reprise  des  VÏSITA]VDI]\tES. 

C'est  :  reprise  du  Pensionnat  de  jeunes  demoiselles  que  nous  aurions 
dû  écrire.  Mais  comment  oublier  l'ancien  titre  et  l'œuvre  primitive  de 
Picard  ?  Comment  ne  pas  regretter  ce  travestissement  après  coup 
d'un  couvent  en  pension ,  d'une  mère  abbesse  en  institutrice,  d'une 
novice  cloîtrée  et  qui  va  prononcer  ses  vœux,  en  une  maîtresse  d'étude 
qui  peut  sortir  quand  elle  le  voudra  ?  Sœur  Euphémie  est  enfermée  ;  il 
faut  absolument  que  Belfort  trouve  un  moyen  de  pénétrer  jusqu'à  elle, 
ou  il  va  la  perdre  pour  jamais,  et  il  n'a  pas  le  temps  de  choisir.  Le 
stratagème  qu'il  emploie,  bien  qu'un  peu  hardi,  est  donc,  jusqu'à  un 
certain  point,  excusable.  Mais  Mlle  Amélie  est  parfaitement  libre.  Il  n'y 
a  qu'à  lui  écrire  :  Me  voilà,  et  tout  sera  dit.  Le  déguisement  de  Bel- 
fort,  ou  Melfort,  en  jeune  pensionnaire  est  donc  à  peu  près  inutile.  Il 
n'a  plus  d'obstacles  à  vaincre,  et  l'on  n'a  plus  d'inquiétude  sur  le  dé- 
nouement. 

Ce  qui  avait  rendu  l'ouvrage  de  Picard  si  piquant  et  si  gai,  c'était  la 
peinture,  assez  plaisamment  exécutée,  d'un  couvent  féminin.  Tous  ces 
détails  ont  disparu,  et  le  tableau  d'une  classe  de  jeunes  filles  habillées 
de  blanc  et  ornées  d'écharpes  bleues  ne  le  remplace  pas. 

11  est  impossible  que  M.  Edmond  Seveste,  dont  ou  ne  saurait  con- 
tester le  bon  sens  et  l'expérience  dramatique,  n'ait  pas  senti  ces  incon- 
vénients. C'est  donc  la  crainte  de  se  brouiller  avec  la  censure  qui  lui  a 
fait  adopter  la  version  nouvelle.  Cette  version  avait  été  imaginée  sous 
la  Restauration,  qui  ne  souffrait  pas,  en  effet,  que  l'habit  religieux  parût 
sur  le  théâtre.  Mais  la  censure  actuelle  laisse  jouer  tous  les  jours  la  Fa- 
vorite et  le  Domino  noir.  Elle  n'aurait  eu,  ce  nous  semble,  aucune  rai- 
son d'être  plus  sévère  pour  les  Visitandines,  que  la  censure  impériale 
a  autorisées  jusqu'en  1 814.  Nous  croyons  donc  que  M.  Seveste  aurait  pu 
être  un  peu  moins  prudent,  et,  à  coup  sûr,  il  y  aurait  gagné. 

L'opéra  de  Picard  et  de  Devienne  date  de  1792.  A  cette  époque  ij 
avait  deux  actes.  Ils  en  ajoutèrent  un  troisième  en  1793,  et  dans  ce 
troisième,  il  faut  bien  le  dire,  Picard  avait  pris  quelques  libertés  qui 
frisaient  de  près  la  licence.  Mais  dès  1795  on  était  revenu  à  la  pièce 


primitive.  C'est  celle-là  qu'on  joi.ait  sous  l'Empire,  et  nous  ne  doutons 
pas  qu'on  ne  pût  encore  la  jouer  aujourd'hui. 

Il  nous  paraît  donc  regrettable  qu'on  n'ait  pas  donné  à  M.  Seveste 
en  temps  utile,  le  conseil  de  reprendre  purement  et  simplement  les 
Visitandines.  Son  succès  surait  été.  selon  toute  apparence,  plus  grand, 
plus  durable  et  plus  lucratif,  ce  qui  n'est  pas  à  dédaigner. 

Laissons  cela  et  occupons  nous  de  ce  qui  nous  concerne  plus  spécia- 
lement, nous  voulons  dire  la  partition  et  le  compositeur. 

Devienne  n'a  pas  été  seulement  compositeur  dramatique  :  c'était  un 
exécutant  fort  habile  et  un  professeur  très-recherché;  il  jouait  égale- 
ment bien  de  la  flûte  et  du  basson,  et  il  a  écrit  un  très-grand  nombre 
d'œuvres  instrumentales,  qui  ont  joui,  en  leur  temps,  d'une  réputation 
méritée.  De  1789  à  1799  il  adonné  dix  opéras  comiques,  dont  les 
Visitandines  furent  le  meilleur  ou  le  plus  heureux.  Cet  ouvrage  obtint 
un  succès  immense  et  qui  se  soutint  pendant  vingt  années.  Il  est  im- 
possible de  supposer  qu'une  vogue  aussi  décidée,  aussi  constante,  ne 
fût  pas  fondée  sur  des  qualités  réelles.  L'à-propos  ,  la  mode,  le  talent 
d'un  exécu'ant ,  ou  quelque  autre  circonstance  étrangère  au  mérite 
d'une  œuvre  ,  peuvent  lui  procurer  une  réussite  éphémère  ;  mais  il  n'y 
a  aucun  moyen  de  faire  croire  au  public,  pendant  vingt  ans  de  suite , 
qu'il  s'amuse,  si  çn  effet  il  ne  s'amuse  pas. 

Ce  n'est  pas  sans  intention  que  nous  employons  ce  mot.  La  musique 
des  Visitandines  est  surtout  amusante.  Non  que  par  là  nous  veuillons 
faire  entendre  que  la  science  manquât  à  l'auteur  :  il  n'avait  peut-être 
pas  à  sa  disposition  tous  les  procédés  harmoniques  de  l'école  allemande  ; 
il  n'aurait  pas  lutté  contre  Gluck,  cela  est  certain  ;  mais  il  en  savait  assez 
pour  écrire  couramment,  pour  moduler  avec  grâce,' pour  n'avoir  jamais 
de  basses  maladroites,  pour  n'être  jamais  embarrassé.  L'Opéra-Comique, 
de  son  temps,  n'en  demandait  pas  davantage,  et  dans  tous  les  temps, 
la  musique  devient  sérieuse  quand  elle  élève  plus  haut  ses  prétentions. 
Le  style  de  Devienne  est  léger,  facile ,  naturel ,  plein  de  gaîté ,  et  sou- 
vent de  finesse.  On  n'a  qu'à  lire,  pour  s'en  convaincre,  le  trio  :  Quoil 
vous  voulez  coucher  dans  la  moison;  le  quatuor  :  On  m'a  de  ce  billet 
chirgê  pour  votre  altesse  ;  et  le  morceau  d'ensemble  :  Regardez-moi. 

Le  couplet  :  Ah  !  de  quel  souvenir  affreuxl  et  la  Gasconne,  sont 
passés  à  l'état  de  proverbes  musicaux.  Ce  ne  sont  pas,  comme  dit  Bar- 
tolo  ,  de  ces  grandes  aria  qui  vont  en  haut,  en  bas,  en  roulant,  hi,  ho, 

ha,  a,  a, ce  sont  de  ces  petits  airs  qu'on  chantait  autrefois,  el  que 

chacun  retenait  facilement.  Ceux-ci,  en  effet,  tout  le  monde  les  a  répé- 
tés ,  tout  le  monde  les  sait  par  cœur,  et  ce  succès-là  en  vaut  bien  un 
autre. 

Il  nous  semble  seulement  que  Mme  Guichard,  àl'Opéra-National,  dit 
je  premier  un  peu  trop  vite.  Elle  lui  ôte  ainsi  une  partie  de  sa  grâce,  et 
e  rend  vulgaire.  Peut-être  est-ce  là  une  tradition  établie  au  théâtre. 


50 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


En  ce  cas  nous  parierions  bien  que  la  tradition  se  trompe.  Rien  n'est 
plus  facile  et  plus  commun  que  ces  altérations  de  mouvement  qui  s'o- 
pèrent peu  à  peu  sans  que  personne  s'en  doute. 

Le  trio  :  Si  je  pouvais,  Frontin  ,  etc.,  est  remarquable  à  plus  d'un 
titre  ;  d'abord,  pour  le  dessin  courant,  exécuté  par  les  premiers  vio- 
lons, et  sur  lequel  le  dialogue  s'écoule  si  vite.  Ce  procédé,  emprunté 
aux  Italiens,  était  peu  connu  en  France  en  1790,  et  ce  n'est  pas  un  petit 
honneur  pour  Devienne  que  d'avoir  été,  dans  cette  voie,  le  précurseur 
d'Hérold  et  de  M.  Auber.  On  y  doit  remarquer  encore  Yandante,  où 
Grégoire  lit  Y  Agenda  de  ses  commissions,  passage  syllabique  où  l'au- 
teur ne  fait  que  parler  rapidement  sur  une  note  pendant  que  l'orchestre 
chante  ;  on  jurerait  que  Devienne  a  imité  là  le  duo  du  Mariage  secret, 
à  la  phrase  quà  risparmio  del  bell'oro ,  et  cependant  le  chef-d'œuvre 
de  Cimarosa  n'était  pas  encore  fait  lorsque  Devienne  a  écrit. 

L'air  d'Euphémie  ,  laquelle  se  nomme  aujourd'hui  Amélie  ,  se  dis- 
tingue du  reste  de  la  partition  par  des  qualités  particulières  :  il  est 
élégant,  noble,  passionné.  Le  style  y'prend  des  proportions  plus  larges 
et  rappelle  quelques  belles  inspirations  de  Dalayrac.  Il  est  précédé 
d'une  grande  ritournelle,  où  l'orchestre  s'est  fait  justement  applaudir. 
C'est  encore  une  imitation  italienne.  On  voit  que  Devienne  avait  étu- 
dié avec  soin  les  maîtres  de  cette  école.  Le  début  de  son  ouverture  le 
prouve  de  reste.  C'est  une  phrase  copiée  textuellement  dans  Zinga- 
relli.  [L'air  :  Enfant  chéri  des  dames,  ressemble  aussi  un  peu  trop  à 
la  chanson  de  Papageno,  dans  teFhîte  enchantée.  Est-ce  une  rencon- 
tre, une  réminiscence  ou  un  plagiat?  Grande  question,  qui  a  été  vive- 
ment controversée  et  qu'il  ne  nous  appartient  pas  de  résoudre. 

II  est  une  autre  ressemblance,  volontaire  et  non  dissimulée,  que 
nous  devons  signaler;  c'est  celle  de  l'ouverture  et  de  l'introduction 
avec  l'ouverture  et  l'introduction  d'Iphigénie  en  Tauride.  Picard  a 
évidemment  parodié  Guillard,  et  Devienne  a  parodié  Gluck.  Dans 
les  deux  pièces ,  l'ouverture  débute  par  un  andante  qui  exprime  le 
calme  de  la  nature.  Puis  l'orchestre  s'anime,  s'agite,  et  peint  les  siffle- 
ments du  vent,  le  bruit  de  la  pluie,  le  fracas  du  tonnerre.  La  toile  se 
lève  au  milieu  de  la  symphonie,  et  l'on  voit,  là  les  prêtresses  de  Diane, 
ici  les  Visitandines,  qui  chantent  leur  frayeur,  et  implorent  la  clémence 
du  ciel  : 

Grands  Dieux,  soyez-nous  secourables  ! 
Détournez  vos  foudres  vengeurs  ! 
Tonnez  sur  les  têtes  coupables. 
L'innocence  habite  en  nos  cœurs. 

Tel  est  le  début  de  la  tragédie.  Picard  est  moins  noble  et  plus  plai- 
sant : 

Divin  Sauveur  !  c'est  aux  méchants 
Qu'est  réservé  votre  tonnerre. 
En  punissant  ,1e  reste  de  la  terre, 
Divin  Sauveur,  épargnez  les  couvents. 

Malheureusement,  dansla  comédie,  cette  scène  est  beaucoup  trop  longue, 
et  Devienne  ne  peut  soutenir  la  comparaison  avec  Gluck.  Son  orage  est 
mal  réussi.  Trop  de  caquetage  y  précède  la  prière,  qui  manque  de  ca- 
ractère et  d'harmonie.  L'instrumentation  y  est  confuse  et  molle.  C'est 
le  contraire  de  Gluck.  Ce  défaut  de  l'instrumentation  se  reproduit, 
d'ailleurs,  dans  presque  tous  les  morceaux.  Au  lieu  d'aider  le  chanteur, 
elle  l'embarrasse,  et  quelquefois  l'étouffé.  C'est  le  côté  faible  de  De- 
vienne, malgré  l'esprit  et  les  jolis  dessins  qui  abondent  dans  ses  ac- 
compagnements. L'intelligent  et  habile  chef  d'orchestre  de  l'Opéra-Na- 
tional  pourrait,  en  retenant  un  peu  l'ardeur  de  ses  instrumentistes, 
diminuer  cet  inconvénient,  mais  non  tout  à  fait  le  détruire. 

Après  tout,  cette  reprise  n'en  a  pas  été  moins  bien  accueillie  par 
l'auditoire.  L'esprit  de  Devienne,  et  ses  faciles  mélodies  ont  été  applau- 
dis très-franchement.  Il  faut  en  remercier,  dans  une  juste  proportion, 
M.  Biéval,  à  qui  le  costume  féminin  siede  à  merveille;  M.  Ribes,  qui 
chante  avec  talent  le  rôle  de  Frontin,  et  l'acteur  chargé  de  celui  de 
Grégoire.   C'est  un  des  ivrognes    les  plus  plaisants  qu'il  y  ait  au 

théâtre. 

G.  HEQUET. 


ADDITIONS  MUSICALES. 

II.  et  Mine  EHaliBuram.  —  SI.  et  lime  SBasssnrt.  —  M.  et 
.11  nue  .llutel.  —  18.  Marnioatel.  —  SU.  de  ISériot.  —  Mme  de 
SlandeviJle  et  IE.  neozan.  —  31.  ftj«in8ïe.  —  Musique  de 
la  garde  nationale. 

De  même  que  le  fiât  Ivx,  la  diffusion  de  l'art  se  fait  dans  le  monde 
musical,  la  diffusion  prise  dans  son  sens  didactique,  comme  la  lumière 
qui  s'épand  en  physique.  Les  salles  de  concert  ne  suffisent  plus  aux 
virtuoses  et  à  leurs  auditeurs.  Chaque  salon  aristocratique  ou  bourgeois 
qui  peut  contenir  une  centaine  de  personnes  en  y  joignant  la  salle  à 
manger,  la  chambre  à  coucher  et  le  cabinet  de  travail  débarrassé,  a 
son  compositeur  d'acenir,  son  ou  sa  pianiste  très-distingué,  son  Thal- 
berg  ou  sa  Pleyel,  son  Vieuxtemps  eu  son  Servais,  son  Dorus,  son  Le- 
roy, son  Jancourt,  son  Garimond,  ses  chanteurs  de  romances  et  de 
chansonnettes  rivalisant  Mmes  Sabatier  etPonchard,  ouLevassor;  il  n'y 
a  que  l'altoïsteNeyetle  corniste  Vivier  qui  n'aient  point  de  représentants 
ou  de  rivaux  dans  les  séances  musicales  données  par  les  amateurs  de 
Paris.  Nous  leur  conseillons  d'aviser  à  cela. 

Avant  de  signaler  ce  qui  se  trouve  de  bon  dans  cette  musique  de 
salon  d'amateurs  et  même  d'artistes,  nous  allons  vous  dire  les  faits  et 
gestes  du  Cercle  musical  et  littéraire  de  Paris,  société  de  musiciens 
instrumentistes  qui  essaient  de  se  constituer  en  orchestre  permanent  à 
la  disposition  de  tout  artiste  étranger  ou  régnicole  qui  voudra  se  faire 
entendre  dans  une  œuvre  instrumentale  ou  vocale,  moyennant  un  prix 
raisonnable,  d'environ  300  fr.  par  exemple.  Cet  orchestre  a  fort  bien 
fonctionné,  dimanche  passé,  dans  la  salle  Sainte-Cécile,  sous  la  direc- 
tion de  M.  Malibran;  il  a  dit  avec  beaucoup  d'ensemble  et  de  verve  les 
deux  ouvertures  d' Ewianthe  et  de  Guillaume  Tell.  On  a  distingué  dans 
cette  dernière  le  solo  de  cor  anglais  joué  avec  un  charme  infini.  Une 
autre  société  chorale,  les  Enfants  de  Lutèce,  a  prêté  son  concours  au 
Cercle  musical  et  littéraire  de  Paris,  et  a  chanté  avec  non  moins  d'en- 
semble que  de  verve  les  Tailleurs  de  pierre  et  la  Saint-Hubert.  Le 
chef  d'orchestre,  M.  Malibran,  a  exécuté  le  huitième  et  vaste  concerto 
de  Spohr,  dans  lequel  ce  chef  de  l'école  du  violon  en  Allemagne  a  fait 
de  ce  roi  des  instruments  un  brillant  ténor  jouant  une  scène  de  chant. 
Le  chef  d'orchestre  violoniste,  porteur  d'un  beau  nom  musical  et  diffi- 
cile à  soutenir,  s'est  bien  tiré  de  la  mission  difficile  d'initier  un  audi- 
toire français  au  style  un  peu  métaphysique  de  ce  concerto  en  huit 
parties,  du  moins  d'après  l'analyse  que  nous  en  a  donné  le  programme 
un  peu  romantique. 

Mme  Malibran,  qui  est  aussi  une  pianiste  distinguée,  a  dit  avec  son 
mari  une  fantaisie  sur  les  motifs  de  la  Piorma,  composée,  arrangée  par 
elle  et  le  chef  delà  communauté  conjugale,  œuvre  du  reste  bien  faite  et 
bien  exécutée  par  l'un  et  par  l'autre,  et  qui  a  fait  grand  plaisir. 

Un  interprète  littéraire,  qui  devait  nous  dire  un  fragment  des  Nat- 
chez-,  de  Chateaubriand  ,  a  fait  défaut  et  a  été  remplacé  par  un  diseur 
de  vers  à  la  voix  timbrée,  expressive  ,  et  qui  a  trouvé  moyen  d'être 
dramatique  en  nous  racontant  l'amitié  vive  et  charmante  du  Lapin  et 
de  la  Sarcelle,  une  des  fables  du  doucereux  Florian ,  qu'on  trouve  par- 
fois bon  fabuliste,  même  en  pensant  à  La  Fontaine. 

On  a  entendu  encore  Mlle  Érambert,  qui  a  roucoulé  assez  hardiment 
les  vocalises  des  Plaisirs  du  rang  suprême,  de  la  Muette;  Veux-tu  ma 
foi,  romance  composée  par  Mme  Marie-Louise  Malibran  ;  puis  un  duo 
de  soprano  et  de  flûte,  tout  cela  pour  la  trois  centième  partie  de  ce  que 
doit  coûter  l'orchestre  aux  artistes  qui  voudront  en  essayer. 

—  M.  et  Mme  Massart  donnent  de  brillantes  soirées  musicales  en  leur 
domicile  éminemment  artistique.  Un  charmant  duo  pour  piano  et  vio- 
lon, qu'ils  ont  dit  ensemble  ;  le  Concert-Stuc/;,  de  Weber,  que  Mme  Mas- 
sart a  joué  chaleureusement  et  d'une  délicatesse  exquise,  ont  enlevé 
tous  les  applaudissements  de  l'auditoire1;  il  en  est  cependant  revenu 
une  assez  belle  part  à  un  tout  jeune  violoncelliste,  du  nom  de  Hilde- 
brand,  qui  a  exécuté  avec  autant  de  justesse  que  d'expression  une 
fantaisie  de  son  habile  professeur  Franchomme. 

—  Autre  salon  artistique  dans  lequel  on  entend  de  fort  jolies  choses 


DE  PARIS. 


51 


musicales  :  le  maître  cl  la  maîtresse  de  la  maison  d'abord,  l'un  dans 
l'art  du  chant,  et  qui  possède  une  voix  de  baryton  presque  ténor,  e 
l'autre  qui  prouve  un  talent  fin  et  distingué  sur  le  piano,  M.  et 
Mme  Mntcl,  enfin.  Celle  dernière  a  dit  une  fantaisie  sur  le  Désert ,  de 
Félicien  David ,  et  un  charmant  duo  pour  piano  et  violoncelle  avec 
M.  Norblin ,  clc  manière  à  provoquer  tout  ce  qui  peut  naître  dans  une 
bonne  société  de  murmures  approbateurs.  M.  Alfred  Mutcl ,  qui  veut 
être  absolument  artiste,  qui  l'est  même  déjà  ,  et  par  droit  de  méthode 
et  par  droit  de  naissance,  car  chacun  est  maître  de  suivre  cette  belle 
carrière,  M.  Mutcl  a  dit  avec  beaucoup  d'expression  une  romànsà  delta 
Maria  di  Iîudéns,  de  Donizelli,  et  un  fort  beau  duo  de  Torquato  Tasso, 
du  même  compositeur,  avec  Mlle  Nau,  qui  a  partagé  avec  son  partner 
de  justes  et  nombreux  applaudissements,  qu'elle  avait  déjà  recueillis 
toute  seule  en  chantant,  de  sa  manière  pure  et  brillante,  une  cavatine 
italienne  dite  par  elle  précédemment. 

—  M.  Marmontcl,  facteur  de  pianistes-merveilles,  comme  M.  Érardest 
facteur  de  pianos  merveilleux;  M.  Marmontcl,  dont  la  plupart  des 
élèves,  artistes  faits  et  complets,  pourront  chanter  plus  tard  la  char- 
mante romance  de  Joseph,  de  Méhul  : 

A  peine  au  sortir  de  l'enfance, 
Quatorze  ans  au  plus  je  comptais, 
Je  jouais  avec  confiance,  etc., 

M.  Marmontcl  donne  aussi ,  chez  lui ,  des  séances  de  bonne,  de  légère 
et  de  nouvelle  musique,  dans  lesquelles  de  jeunes  compositeurs  peu- 
vent se  produire.  De  ce  nombre  est  M.  Meumann  ,  excellent  organiste, 
écrivain  musical  en  bon  style.  Il  a  fait  entendre,  dans  une  des  soirées  de 
M.  Marmontel ,  une  sonate  pour  piano  et  violon,  œuvre  sérieuse  d'un 
genre  un  peu  sévère  peut-être,  mais  dans  lequel  se  détache  un  scherzo- 
mazurka  qui  plaît  à  tous  par  son  originalité.  M.  Lalo,  de  Lille,  a  fait 
dire  aussi,  dans  cette  séance,  un  trio  pour  piano,  violon  et  violoncelle, 
fort  bien  fait  et  qui  a  fait  généralement  plaisir. 

■ —  M.  de  Bériot,  le  célèbre  violoniste,  a  donné  le  jour,  avec  sa  femme, 
la  célèbre  Malibran,  à  un  jeune  homme  âgé  maintenant  de  dix-neuf  ans, 
virtuose-né,  que  les  lauriers  de  son  père  empêchèrent  de  dormir  de 
bonne  heure.  Or,  dans  ses  longues  heures  d'insomnie,  il  étudia  le  piano 
tant  et  si  bien,  qu'il  est  aussi  habile  sur  cet  instrument  que  son  père 
l'est  lui-même  sur  le  violon,  ce  qui  n'est  pas  peu  dire,  et  ce  qu'il  prou- 
vera bientôt ,  cependant  ;  car,  à  cet  âge,  avec  ce  trop-plein  de  force 
physique  et  intellectuelle,  on  veut  des  juges,  un  auditoire  à  remuer,  et 
qu'on  impressionne  et  qui  vous  applaudit. 

Pianiste  plein  de  dextérité,  de  force  et  d'éclat,  M.  de  Bériot  fils  est 
aussi  compositeur  à  pensées  claires,  mélodiques  et  bien  harmoniées. 
Comme  sous  ce  ministre  des  finances  que  la  mort  nous  a  ravi,  et  qui 
disait  qu'il  fallait  que  l'impôt  rendît  en  France  tout  ce  qu'il  peut  ren- 
dre ,  sous  les  poignets  et  les  doigts  d'acier  de  notre  jeune  et  vigoureux 
virtuose,  il  faut  absolument  qu'un  piano,  quel  qu'il  soit,  rende  ce  qu'il 
peut  rendre  de  son.  Dans  un  prochain  concert  on  entendra  le  père  et 
le  fils,  que  les  connaisseurs  croiront  sans  doute  inspirés  par  le  Saint- 
Esprit  musical. 

—  M.  Doazan  et  Mme  de  Mandeville  donnent  fraternellement  dans 
leur  domicile,  rue  de  Castiglione,  des  matinées  musicales  dans  les- 
quelles Mlle  Mattmann  continue  à  se  faire  entendre  en  véritable  sœur 
de  Mozart,  de  Beethoven  et  de  Mendelssohn.  Jeudi  dernier,  elle  a  dit, 
de  ce  dernier  compositeur,  un  délicieux  andante  varié  pour  piano  et 
violoncelle  avec  M.  Lebouc,  œuvre  peu  connue  à  Paris  et  qui  a  fait  le 
plus  grand  plaisir  aux  auditeurs  bons  appréciateurs  de  la  bonne  musi- 
que, venus  à  cette  séance  en  assez  grand  nombre.  Mlle  Mattmann  nous 
a  fait  entendre  ensuite  la  sonate  en  fa  mineur  de  Beethoven,  œuvre 
57e,  avec  cette  poésie  admirable  de  douleur  dont  ce  morceau  est  em- 
preint. Mlle  Mattmann  ne  montre  point  à  ses  auditeurs  cette  sensiblerie 
de  Mlle  Candeille,  à  qui  l'on  offrait  à  table  une  tranche  de  gigot  en  lui 
disant  qu'il  était  très  tendre,  et  qui  répondait  avec  un  soupir  :  Il  n'en 
est  que  plus  malheureux  !  Mlle  Mattmann  s'impressionne  profondément 
de  la  bonne  et  belle  musique,  et  fait  passer  son  impressionnabilité  dans 
l'âme  de  ceux  qui  l'écoutent;  c'est  d'une  réelle  sensibilité  qu'elle  est 


émue  ;  c'est  la  pianiste  qui  jette  le  plus  de  fluide  magnétique  sur  son 
auditoire  ;  c'est  le  professeur  d'esthétique  le  plus  convaincu  et  le  plus 
persuasif  que  nous  ayons  jamais  entendu.  Si,  laissant  de  côté  la  défini- 
tion en  termes  techniques  des  moyens  mécaniques  par  lesquels  la  vir- 
tuose obtienL  de  si  beaux  effets,  on  pousse  une  petite  pointe  de  fantai- 
siste dans  l'idéal  de  cette  esthétique,  de  cette  science  des  sensations,  on 
voit,  on  entend,  dans  l'andante  de  cette  belle  sonate,  le  bruit  mono- 
tone des  cloches  annonçant  une  cérémonie  funèbre.  Un  père ,  un 
amant,  qui  sait?  une  âme  brisée  par  la  douleur  est  là,  sous  vos  yeux, 
car  entendre  ainsi,  c'est  voir,  et  cherche  à  se  dérober  à  cette  sonnerie 
obstinée  et  variée  en  ses  timbres,  comme  pour  fêter  la  mort.  Et  puis 
tout  à  coup  cette  profonde  mélancolie  éclate  en  cris  du  cœur  qui  se 
replie  sur  lui-même  en  ses  tortures  ;  et  le  grand  élégiste  musicien  et 
son  éloquente  interprète  semblent  se  complaire  dans  l'expression  de 
ces  souffrances,  de  ces  affres  du  trépas  ;  caria  douleur,  ainsi  que  nous 
le  dit  le  sombre  Young  dans  ses  Nuits,  est  ingénieuse  à  se  reproduire 
sous  mille  formes  ;  et  la  science  des  sons  est  le  plus  émouvant  de  tous 
les  arts  sous  la  plume  de  Beethoven  et  les  doigts  de  Mlle  Mattmann. 

—  Les  mercredis  de  notre  ami  Gouffé  ,  le  contrebassiste  de  l'Opéra, 
nous  représentent  une  sorte  de  mouvement  perpétuel  des  matinées  musi- 
cales dans  lesquelles  on  entend  toujours  nos  chefs-d'œuvre  classiques, 
et  parfois  de  la  bonne  musique  moderne  et  nouvelle.  11  faut  ranger 
dans  cette  dernière  catégorie  un  trio  pour  piano,  violon  et  violoncelle 
de  M.  Adolphe  Blanc,  œuvre  de  musique  facile  à  comprendre  et  agréa- 
ble à  entendre  par  la  mélodie  facile  aussi  qu'on  y  distingue.  Une  sonate 
quelque  peu  martiale  pour  piano  et  violon,  et  du  même  auteur,  a  été 
dite  par  lui  et  un  jeune  pianiste  d'une  douzaine  d'années  ,  nommé 
Bizet.  L'œuvre  et  les  exécutants  ont  été  justement  applaudis. 

—  Il  faut  qu'un  bon  journal  d'art  mette  ses  lecteurs  au  fait  des  choses 
passées  et  présentes,  mais  aussi  des  choses  à  venir;  et  c'est  dans  la 
conviction  de  ce  devoir  que  nous  prévenons  les  personnes  qui  aiment 
la  musique  militaire  que  demain,  lundi,  à  une  heure,  aura  lieu,  dans  la 
cour  du  Palais-R.oyal,  un  concours  à  l'effet  de  reformer  la  musique  de  la 
garde  nationale.  Cette  question  ne  laisse  pas  que  d'être  intéressante  ;  elle 
est  complexe,  car  cette  nouvelle  organisation  peut  être  envisagée  tout  à 
la  fois  sous  les  points  de  vue  de  l'art,  de  l'industrie  et  de  l'humanité. 
Voici  de  quoi  il  est  question  :  on  propose  de  remplacer  la  musique  dite 
d'harmonie,  avec  instruments  de  bois  et  de  cuivre,  qui  ont  fonctionné 
jusqu'à  présent  dans  les  légions  de  la  garde  nationale,  comme  dans  les 
régiments  de  ligne  de  l'armée,  par  des  instruments  à  fanfares  qui  sont 
en  usage  dans  la  cavalerie.  Ce  genre  de  musique  permet  de  faire  des 
économies,  dit  celui  qui  le  propose  ;  mais  il  est  restreint  sous  le  rap- 
port musical  et  d'une  sonorité  monotone.  Ce  serait  porter  un  coup 
fatal  à  l'industrie  des  nombreux  facteurs  d'instruments  en  bois,  qui 
emploient  et  font  vivre  un  grand  nombre  d'ouvriers;  ce  serait,  de 
plus,  réduire  à  l'inaction,  disons  plus,  à  la  misère,  ceux  qui  jouent  de 
ces  instruments,  et  qui,  ne  pouvant  pas,  pour  ainsi  dire  du  jour  au  len- 
demain, sonner  de  la  trompette,  du  cornet  à  piston,  quand  ils  ont  tra- 
vaillé la  clarinette,  seraient  obligé  de  prendre  celle  de  cinq  pieds,  s'il 
est  permis  d'employercette  plaisanterie,  au  détriment  du  calcul  décimal. 
Une  Conimission  militaire,  assistée  d'une  section  musicale  composée 
d'hommes  compétents,  a  donc  été  nommée  pour  trancher  cette  question, 
et  mettre  d'accord,  si  c'est  possible,  ces  harmonistes,  hommes  d'éclat 
et  de  bruit.  Ces  dernières  qualités  l'emporteront-elles  sur  la  variété  des 
timbres  des  instruments  en  bois  et  la  composition  des  morceaux  ;  sur 
une  industrie  qui  se  trouverait  ainsi  anéantie ,  et  sur  l'existence  de 
pauvres  musiciens,  ou  plutôt  de  musiciens  pauvres  qui,  par  cette  ré- 
forme serait  fort  compromise?  That  isthe  question,  comme  dit  Hamlet. 
Au  reste,  nous  verrons  bien,  ou  plutôt  nous  entendrons,  et  nous  juge- 
rons aussi. 

Hexri  BLANCHARD. 


52 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


UN  SOUVENIR  À  LÀ  MOIRE  D'ÀLIZARD. 

Grands  chanteurs,  grands  acteurs,  que  votre  situation  est  belle  et  que 
votre  gloire  a  d'éclat  lorsque,  maîtres  et  dispensateurs  des  émotjons,  vous 
dominez  le  public  de  toute  la  hauteur  de  votre  talent!  Les  illusions  que 
vous  produisez  alors  sont  à  vous,  et  vos  auditeurs  ne  s'appartiennent  plus. 
Mais  aussi,  même  en  vous  supposant  une  longue  carrière  toute  pleine  de 
succès,  que  cette  gloire  a  peu  de  durée,  et  que  ses  rayons  resplendissants 
sont  prompts  à  s'obscurcir,  non-seulement  par  suite  des  transformations 
de  l'art  et  des  caprices  de  la  mode,  mais  encore  par  le  seul  fait  de  votre 
disparition  de  ce  brillant  piédestal  où  vous  paraissiez  chaque  soir,  de 
cette  scène  dont  vous  remplissiez  la  vaste  étendue,  et  où  des  milliers  de 
voix  acclamaient  vos  triomphes  ! 

Ces  réflexions  me  sont  venues  à  l'esprit  le  jour  du  second  anniversaire 
de  la  mort  d'un  chanteur  de  haut  mérite,  possesseur  d'un  genre  de  voix  et 
d'un  genre  de  talent  dont  la  réunion  est  bien  rare  en  France,  et  qui,  si 
sa  carrière  eût  été  plus  longue,  pouvait  s'élever  assez  haut  pour  ouvrir 
une  voie  nouvelle  dans  laquelle  tous  les  artistes  de  bon  goût  l'auraient 
suivi.  J'ai  nommé  Alizard.  Et  que  l'on  me  permette  de  jeter  aujourd'hui 
quelques  fleurs  sur  sa  tombe;  il  suffira  pour  cela  de  rappeler  les  princi- 
paux faits  de  sa  trop  courte  existence,  en  complétantce  que  notre  Gazette 
musicale  a  dit  de  lui  au  moment  où  il  quitta  ce  monde. 

Adolphe-Joseph-Louis  Alizard  n'avait  point  été  destiné  par  ses  parents 
à  la  profession  dans  laquelle  il  s'est  distingué.  Né  à  Paris  le  29  décem- 
bre 1814,  il  perdit  son  père  de  bonne  heure,  et  accompagna  sa  mère  à 
Montdidier  (Somme\  où  elle  ouvrit  un  pensionnat  de  demoiselles  et  plaça 
son  fils  au  collège  de  la  ville,  où  il  étudia  le  violon  seulement  comme  art 
d'agrément.  Mme  Alizard  ayant  transporté  son  établissement  à  Beauvais 
en  1830,  son  fils  la  suivit  et  reprit  ses  études  littéraires  dans  le  lycée,  où 
11  eut  le  bonheur  de  rencontrer  M.  Victor  Magnien,  habile  maître  de  vio- 
lon, sous  la  direction  duquel  il  fit  des  progrès  rapides.  A  quinze  ans  il 
voulut  cesser  toute  autre  étude  que  celle  de  son  instrument,  et  n'aban- 
donna ce  projet,  auquel  sa  mère  s'opposait  de  tout  son  pouvoir,  que  lors- 
que M.  M  agnien  lui  déclara  que  s'il  ne  cédait  à  la  volonté  maternelle,  et 
s'il  s'obstinait  à  ne  vouloir  pas  suivre  les  classes  du  collège,  il  cesserait 
lui-même  de  lui  donner  des  leçons,  malgré  tout  le  regret  qu'il  aurait  à 
perdre  un  élève  qui  commençait  à  lui  faire  honneur. 

Alizard  vint  à  Paris  aux  vacances  de  1833,  dans  l'espoir  de  se  faire  re- 
cevoir au  Conservatoire  dans  une  classe  de  violon,  et  en  même  temps  de 
trouver  une  place  dans  un  orchestre  de  théâtre.  Il  ne  fut  point  admis  , 
non  qu'il  eût  mal  joué  sa  pièce  de  concours;  mais  on  jugea,  peut-être  avec 
raison,  que  sa  taille  et  sa  conformation  physique  l'empêcheraient  inévi- 
tablement d'être  jamais  en  ce  genre  un  artiste  complet.  En  effet,  dès  l'âge 
de  dix-sept  ans,  il  tendait  singulièrement  à  l'obésité  ;  ses  bras  étaient  fort 
courts  et  ses  doigts  très-gros,  d'où  il  résultait  que  la  position  du  violon  ne 
pouvait  être  parfaite,  et  que  sa  main  gauche  ne  se  prêtait  ni  à  l'extension 
ni  au  rapprochement  dans  les  sonsaigus.  Cependant  il  ne  perdit  pas  courage 
et  continua  d'étudier  sous  la  direction  d'Urhan,  qui  lui  fit  avoir  une  place 
à  l'orchestre  du  théâtre  de  la  Gailé.  Enfin  la  patience  lui  manqua,  et  s"étant 
un  jour  aperçu  qu'il  avait  une  excellente  voix,  il  résolut  d'en  tirer  parti, 
d'autant  plus  que  le  peu  d'argent  qu'il  recevait  de  sa  mère  ne  pouvait  lui 
suffire  pour  vivre.  11  entra  d'abord  comme  chantre  aux  Missions  étrangères, 
qu'il  quitta  bientôt  pour  Saint-Eustache  ;  il  fut  ensuite  reçu  dans  les 
chœurs  de  l'Opéra,  et  en  même  temps  dans  la  classe  de  chant  de  Eande- 
rali  au  Conservatoire,  où  il  obtint  le  second  prix  au  bout  d'un  an  et  le 
premier  l'année  suivante.  Il  fit  alors  à  l'Opéra  son  début  comme  sujet,  le 
23  juin  1837,  dans  le  rôle  deGessler,  de  Guillaume  Tell,  rôle  expressément 
écrit  pour  un  acteur,  et  Alizard  était  chanteur.  Mais  Alizard  ne  tarda  pas 
à  développer,  même  dans  des  rôles  secondaires,  les  rares  facultés  dont  il 
était  doué. 

Cependant,  au  bout  de  cinq  ans,  avide  de  plus  amples  succès,  il  quitta 
l'Opéra  de  Paris  en  1842,  et  obtint  un  engagement  en  Belgique,  où  il 
chanta  pendant  deux  années  dans  les  villes  principales.  De  là  il  se  rendit 
en  Italie  pour  y  chanter  le  répertoire  moderne  de  ce  pays,  et  se  fit 
entendre  à  Milan  au  théâtre  de  la  Scala,  où  il  fut  assez  mal  accueilli  ; 
ce  qui  lui  causa  un  extrême  chagrin.  Rentré  en  France,  il  s'engagea 
dans  la  troupe  italienne  de  Marseille,  et  les  succès  incontestés  qu'il  y 
obtint  déterminèrent  le  directeur  de  l'Opéra  à  le  rappeler  à,  Paris,  en  lui 
offrant  les  premiers  rôles  et  un  engagement  de  18,000  fr.,  avec  d'autres 
avantages.   Il  était    de   retour    dans  la  capitale  en  1846;   ce   ne  fut 


qu'en  avril  1847  qu'il  fit  sa  rentrée  dans  le  rôle  de  Bertram,  de  Roberf 
le-Diable,  puis  il  joua  dansleFrei'scWte,  Moïse,  les  Huguenots,  la  Favorite, 
Jérusalem,  et  chanta  tous  ces  rôles  en  artiste  qui  ne  copie  personne  :  mais 
il  n'avait  pas  encore  obtenu  la  satisfaction  d'en  créer  un  seul.  Il 
espérait  que  cet  avantage  lui  était  réservé  pour  le  Prophète,  lorsqu'il  fut 
attaqué,  en  octobre  1848,  delà  maladie  qui,  en  lui  faisant  perdre  la  voix,  le 
conduisit  au  tombeau.  Traité  successivement  d'après  des  systèmes  opposés, 
on  pensa  que  le  séjour  des  îles  d'Hyères  pourrait  améliorer  sa  santé  : 
en  effet,  après  y  être  resté  sept  mois,  il  revint  à  Paris  un  peu  soulagé,  et 
l'on  parlait  de  le  réengager,  lorsqu'une  rechute  terrible  lui  fit  reprendre 
le  chemin  de  Marseille.  A  peine  était-il  arrivé  qu'il  expira,  le  23  jan- 
vier 1850,  au  moment  où  il  entrait  dans  sa  trente-sixième  année. 

Alizard  possédait  une  magnifique  voix  de  basse  d'une  étendue  de  deux 
octaves  de  fa  en  fa,  parfaitement  égale,  et  qu'il  maniait  avec  la  même  fa- 
cilité dans  toute  son  étendue.  La  fermeté  de  ses  intonations  et  son  aplomb 
dans  la  mesure,  qu'il  ne  se  permettait  jamais  d'altérer,  étaient  on  ne  peut 
plus  remarquables,  et  ce  qui  est  plus  extraordinaire,  cette  voix  en  dépit 
de  son  volume  se  pliait  à  tous  les  traits  d'agilité  que  les  voix  graves  abor- 
dent rarement  avec  avantage.  Il  faut  le  dire,  Alizard  avait  eu  très-peu  à 
faire  pour  ajouter  à  l'organe  que  la  nature  lui  avait  donné  et  dont  il  tirait 
sans  effort  un  parti  admirable:  excellent  musicien,  il  aidait  puissamment 
aux  effets  d'ensemble,  et  jamais  chanteur  n'a  fourni  à  son  interlocuteur  une 
réplique  avec  plus  de  netteté  et  de  puissance,  en  sorte  que  l'on  en  était 
arrivé  à  oublier  tout  à  fait  l'absence  chez  lui  des  avantages  physiques  si 
précieux  à  la  scène.  Le  contraste  que  sa  personne  offrait  avec  ses  rôles 
disparaissait  en  présence  de  ce  beau  talent ,  qui  réunissait  à  un  même 
degré  la  force,  la  chaleur,  la  grâce,  la  noblesse  du  style  et  la  justesse  de 
l'expression. 

Ses  connaissances  littéraires,  malheureusement  si  rares  parmi  les  mu- 
siciens, lui  avaient  inspiré  le  goût  des  livres  et  des  curiosités  musicales,  et 
il  avait  dès  son  premier  engagement  rassemblé  une  bibliothèque  peu 
nombreuse,  mais  intéressante.  Il  la  vendit  à  son  départ  pour  la  Belgique 
et  presque  aussitôt  commença  une  nouvelle  collection;  il  annotait  soi- 
gneusement ses  livres  et  sa  musique  ,  et  il  eût  été  fort  capable  d'écrire 
pour  son  art  avec  goût  et  érudition.  Ce  penchant  pour  les  raretés  musi- 
cales et  d'autres  habitudes  moins  louables  et  plus  dispendieuses  empê- 
chèrent Alizard  de  jamais  songer  au  lendemain  :  aussi,  lorsqu'il  perdit  la 
voix,  se  trouva-t-il  absolument  sans  ressources.  Bon  camarade ,  loyal  et 
éloigné  de  toute  intrigue,  obligeant  et  mettant  toujours  son  talent  à  la 
disposition  de  l'infortune ,  il  eut  du  moins  la  consolation  de  reconnaître 
que  ces  qualités  avaient  été  appréciées.  On  n'a  pas  oublié  que  ses  con- 
frères se  réunirent  pour  venir  à  son  aide,  et  par  délicatesse,  lui  firent  tenir 
d'abord  un  secours  sous  le  nom  de  la  direction  de  l'Opéra,  puis  lui  assi- 
gnèrent une  pension  mensuelle  qu'il  devait  rembourser  quand  il  recou- 
vrerait la  voix  et  la  santé,  obligation  dont,  hélas  !  sa  fin  prématurée  dis- 
pensa cet  habile  et  regrettable  artiste. 

Adrien  de  LA  FAGE. 


REVUE  CRITIQUE. 

Méthode  <Ic  piano  par  II.  MOSELLEN. 
Non  content  d'écrire  nombre  de  morceaux  de  musique  qui  sont  la 
pâture  quotidienne  des  jeunes  élèves,  M.  Rosellen  a  voulu  rédiger 
d'une  manière  sérieuse  et  profitable  un  code  théorique  et  pratique 
qui  fût  V  alpha  sinon  Y  oméga  de  l'art  du  pianiste.  L'ouvrage  qu'il  a 
publié  dans  ce  but  répond  à  son  dessein.  Cet  ouvrage,  pour  n'être  pas 
conçu  en  vue  des  difficultés  transcendantes  de  l'exécution,  ne  réunit 
pas  moins  les  principales  qualités  d'un  bon  livre  élémentaire.  11  est 
simple,  précis  et  méthodique.  On  y  apprend  tout  ce  qu'il  faut  savoir 
pour  être  à  même  un  jour  d'en  apprendre  davantage.  M.  Rosellen,  loin 
de  négliger  les  principes  de  l'art  musical,  les  expose  avec  assez  d'éten- 
due et  dans  un  ordre  parfaitement  logique.  11  traite  d'abord  des  notes, 
des  clefs,  des  valeurs  rhythmiques,  des  divers  jeux  de  mesures;  il 
donne  aussi  quelques  notions  sur  les  intervalles  ;  de  là  il  passe  à  la 
description  du  clavier  et  enseigne  par  des  exercices  le  moyen  d'y  re- 
connaître la  place  des  notes  ;  ensuite  il  s'occupe  de  la  position  du 
corps  et  des  mains  et  fait  à  ce  sujet  aux  commençants  une  recomman- 
dation dont  beaucoup  de  jeunes  artistes  déjà  passés  maîtres  devraient 


DE  PARIS. 


53 


eux-mfime  profiter.  «  Que  le  visage,  dit-il ,  n'exprime  jamais  par  des 
»  grimaces  les  difficultés  que  rencontrent  les  doigts  ;  qu'on  ne  prenne 
»  pas  l'habitude  de  grands  mouvements  de  bras,  de  corps  et  de  fête, 
»  qui  sont  complètement  ridicules  et  disgracieux!»  Après  avoir  ex- 
pliqué en  peu  de  mots,  mais  avec  clarté,  le  mécanisme  de  la  formation 
des  gammes  d'après  le  mode  majeur  et  le  mode  mineur,  après  avoir 
dit  ce  que  l'on  entend  par  genres  et  par  modes,  M.  Rosellen  parle  suc- 
cinctement de  la  syncope,  de  la  liaison,  du  détaché  du  pouce,  des  no- 
tes d'agréments,  du  trille,  du  trémolo,  des  accords  arpèges,  des  signes 
d'abréviations,  des  accents,  des  nuances  et  du  mouvement. 

Ensuite,  il  traite  la  question  du  doigter  et  unit  par  de  judicieux  pré- 
ceptes sur  la  manière  de  s'exercer  avec  fruit,  selon  le  vieil  adage  des 
gens  patients,  chi  vi  piano  va  sano,  c'est-à-dire  en  proportionnant  la 
difficulté  des  morceaux  au  degré  d'habileté  où  l'on  est  parvenu.  Tout 
cela  témoigne  de  l'expérience  du  professeur  en  même  temps  que  de  sa 
sollicitude  pour  les  progrès  des  élèves.  Mais  pourquoi  M.  Rosellen  n'a- 
t-il  pas  borné  là  ses  enseignements  théoriques?  Ce  qui  va  suivre  ne 
paraîtra-t-il  pas  superflu  dans  une  méthode  comme  la  sienne?  Tour- 
nons le  feuillet,  que  voyons-nous?  une  main...  et  quelle  main  !  —  Ce 
n'est  pas,  comme  on  pourrait  le  croire,  la  main  de  Guy  d'Arezzo  ;  ce 
n'est  pas  non  plus  celle  de  Wilhem  et  de  l'orphéon;  ce  n'est  pas  même 
une  jolie  main  de  femme  figurée  dans  la  position  gracieuse  qu'elle  doit 
avoir  sur  le  clavier.  Qu'est-ce  donc  alors  alors?  C'est  une  main,  en 
effet  ;  mais  une  main  à  moitié  dénudée,  une  main  d'amphithéâtre  ac- 
compagnée de  sa  description  anatomique.  De  l'anatomie  dans  une  mé- 
thode de  piano  ! 

Que  diront  à  la  vue  de  cet  objet  les  jeunes  filles ,  les  femmes  élé- 
gantes, qui  semblent  devoir  patroner  la  méthode  de  M.  Rosellen  qui  ne 
s'adresse  pas  exclusivement  à  des  professeurs?  Que  diront-elles  sur- 
tout quand  elles  entendront  parler  détendons  extenseurs, de  brides  ten- 
dineuses et  d'expansions  aponévrotiques  ? 

Cette  légère  critique  n'atténue  en  rien  le  mérite  de  l'œuvre  de 
M.  Rosellen,  parce  qu'elle  concerne  un  objet  tout  à  fait  étranger  au 
conlenu  ordinaire  d'une  méthode  de  piano.  Du  reste,  l'auteur  n'y  con- 
sacre qu'une  page,  et  cette  page  est  immédiatement  suivie  d'une  excel- 
lente partie  pratique  à  laquelle  on  ne  peut  que  donner  des  éloges.  — 
Commencer  par  des  exercices  de  mécanisme,  donner  ensuite  la  gamme 
et  faire  succéder  à  celle-ci  des  morceaux  de  musique  courts  ,  faciles 
et  mélodieux  ;  répéter  cela  dans  tous  les  tons  diésés  et  bémolisés,  en 
augmentant  peu  à  peu  les  difficultés  d'expression  et  d'exécution  ;  tel 
est  le  secret  du  plan  de  M.  Rosellen,  que  je  juge  d'autant  plus  favorable 
aux  progrès  des  élèves,  qu'il  place  à  côté  du  labeur  amer  des  gammes 
et  des  exercices,  le  délassement  immédiat  des  petits  airs  que  l'on  ap- 
prend et  que  l'on  retient  ainsi  de  la  sorte  sans  peine.  —  La  partie  pra- 
tique dont  je  parle  est  extrêmement  complète,  quoique  élémentaire. 
On  y  trouve  toutes  les  espèces  de  gammes  imaginables  :  gammes  chro- 
matiques, gammes  par  mouvement  contraire,  gammes  à  la  dixième, 
gamme  en  tierces,  en  octaves,  etc.;  on  y  trouve  aussi  toutes  sortes  de 
traits,  de  batteries  et  d'arpèges  destinés  à  faire  l'éducation  des  doigts. 
Enfin,  les  morceaux  de  musique,  les  études  qui  fournissent  l'occasion 
d'appliquer  agréablement  les  règles,  sont  d'un  bon  choix  et  doigtés 
avec  soin.  Je  pense  donc  que  M.  Rosellen  a  rempli  les  principales 
conditions  de  son  programme  ;  je  pense  que  sa  méthode,  tout  en  res- 
tant claire  ,  simple  et  graduée ,  initiera  dès  le  début  ses  élèves  aux 
bonnes  habitudes  du  mécanisme,  et  les  conduira  progressivement  et 
rapidement  à  une  parfaite  exécution.  Georges  KASTNER. 


CORRESPONDANCE. 

Liège,  8  février  1852. 
Le  corps  enseignant  du  Conservatoire  vient  de  faire  une  perte  sensible 
dans  la  personne  de  -M.  Ilenchenne,  décédé  à  un  âge  assez  avancé.  Atta- 
ché à  cet  établissement  dès  son  organisation,  en  1827,  comme  professeur 
de  flûte,  il  avait  formé  de  brillants  élèves,  preuves  irrécusables  d'un  ta- 
ent  réel.  M.  Reichert,  de  Bruxelles,  serait,  dit-on,  appelé  à  lui  succéder. 
On  aurait  qu'à  s'applaudir  de  ce  choix  heureux. 


On  parle  aussi  de  la  réintégration  probable  et  prochaine,  dans  ses  fonc- 
tions, restées  vacantes  depuis  1851,  de  M.  Géraldy,  ex-professcur  de 
chant  italien  aux  Conservatoires  royaux  de  Bruxelles  et  de  Liège. 

La  Société  de  la  Grande-Harmonie  a  donné,  le  30  janvier,  un  grand 
concert  vocal  et  instrumental.  Le  corps  d'harmonie  s'est  produit  dans 
l'ouverture  de  la  Fête  des  chasseurs,  de  Kietmeyer,  dans  un  pot-pourri  du 
Songe  d'une  nuit  d'été,  dans  l'ouverture  arrangée  de  Robin  des  Roi*,  et  dans 
un  pot-pourri  de  Nabucodonosor.  La  première  ouverture,  seule,  a  été  con- 
venablement rendue;  pour  le  reste,  on  aurait  voulu  des  nuances  mieux 
saisies  et  un  mouvement  plus  pressé;  c'eût  été  moins  dénaturer  le  carac- 
tère que  tout  compositeur  entend  imprimer  à  son  œuvre.  —  Parmi  les 
autres  morceaux  du  programme,  je  signalerai  une  grande  fantaisie  de  la 
Juive,  de  E.  Prudent,  et  une  étude,  de  Ch.  Meyer,  exécutés  par  M.  fin- 
puis,  médailliste  du  concours  de  piano  de  1851,  et  professeur  de  violon 
à  notre  Conservatoire.  Véluae  a  été  fort  bien  jouée  ;  quant  à  la  fantaisie, 
tout  habile  qu'ait  été  l'exécution,  elle  aurait  dû  révéler  plus  de  sen- 
timent.—  Un  autre  virtuose,  M.  Zeiss,  trompette  solo  de  l'orchestre  du 
Théâtre  de  la  P.eine,  à  Londres,  a  fait  entendre  l'air  de  Grâc,  de  Rùbert- 
le-D'able,  et  une  grande  polka;  on  a  admiré  la  qualité  et  la  douce  am- 
pleur du  son  qu'il  tire  de  la  trompette  à  pistons,  et  la  prestesse  de  son 
beau  mécanisme  dans  les  difficultés. 

Ce  qui  fait  actuellement  palpiter  d'impatience  le  dilettantisme  liégeois, 
c'est  l'attente  du  festival-concert  que  le  Conservatoire,  sous  la  direction 
de  M.  Daussoigne-Méhul,  donnera  le  28  au  Théâtre-Royal  avec  la  coopé- 
ration de  sociétés  de  chant  et  d'artistes  distingués.  Entre  autres  numéros 
du  programme,  on  cite  des  morceaux  du  Messie  et  de  la  Création. 

Depuis  le  mois  d'octobre,  époque  de  l'ouverture  de  la  campagne  théâ- 
trale ,  le  théâtre  lyrique  a  couru  de  pénibles  bordées.  On  a  eu  plusieurs 
chutes  à  enregistrer,  quoique  l'ancienne  sévérité  locale  se  soit  beaucoup 
adoucie  depuis  quelques  années ,  tempérée  par  le  refus  d'un  subside  com- 
munal affecté  antérieurement  à  cette  entreprise.  Maintenant  nous  possé- 
dons une  troupe  convenable,  si  Mme  Hébert-Massy,  demeure  parmi  nous, 
ainsi  qu'on  l'espère.  —  L'ancien  répertoire  vient  de  fournir  deux  bonnes 
reprises  :  le  Petit  Chaperon  Rouge  et  Zampa.  M.  Martin,  ex-baryton  du 
théâtre  de  Bruxelles,  s'est  avantageusement  tiré  du  rôle  de  Zampa  ;  sa 
voix  agréable  et  étendue  laisse  toutefois  désirer  une  respiration  moins 
défectueuse  et  plus  de  travail.  —  Quatre  représentations  récentes  des 
Monténégrins  nous  ont  initiés  à  cette  partition ,  qui  n'a  pu  encore 
se  concilier  tous  les  suffrages.  Le  ténor,  M.  Chenest,  sans  avoir  une 
voix  très-fraîche,  s'est  acquitté  du  personnage  de  Sergis  en  chanteur 
intelligent,  qui  serait  correct  s'il  articulait  mieux,  et  si  quelquefois 
il  était  moins  forcé.  Dans  le  rôle  de  Ziska,  M.  Van  Huffelen,  première 
basse  ou  plutôt  basse  chantante,  a  fait  preuve  de  talent;  la  manière 
Aï  chanter  de  cet  artiste,  bien  qu'il  ait  une  voix  blanche  et  conséque- 
mment  peu  sympathique ,  dénote  un  bon  musicien.  —  Mme  Quirot , 
première  chanteuse ,  chargée  du  rôle  de  Béatrix,  manie  la  voix  avec 
science,  mais  le  volume  en  est  insuffisant.  — L'orchestre  et  son  chef, 
M.  Désiré,  ont  droit  à  des  éloges  clans  les  diverses  pages  musicales  inter- 
prétées jusqu'à  présent. 

J'ai  cité  Mme  Hébert-Massy  :  chacune  de  ses  apparitions  dans  les  Dia- 
mants de  la  couronne,  dans  Lucie,  dans  Haydé' ,  dans  la  Fille  du  régiment, 
a  été  sanctionnée  par  un  succès  :  la  prima  donna  le  mérite  par  sa  jolie 
voix ,  par  son  excellente  méthode  et  par  le  bon  goût  de  ses  vocalises. 

M.  A.  Dupont,  pianiste,  ancien  lauréat  médailliste  de  la  classe  de 
M.  Jalheau  de  notre  Conservatoire,  le  meilleur  élève  qu'ait  formé  ce  pro- 
fesseur distingué  et  qui  soit  sorti  de  cet  établissement,  est  parti  cette 
semaine  pour  l'Allemagne.  Après  s'être  fait  entendre  au  Cercle  artistique 
de  Bruxelles,  il  s'était  rendu  en  Angleterre,  où  il  a  donné  dans  le  courant 
de  janvier,  à  Brighton,  à  Southampton,  à  Liverpool,  à  Londres,  etc.,  plu- 
sieurs concerts  alimentés  par  des  improvisations  et  par  quelques-unes  de 
ses  propres  compositions  :  un  concerto,  une  étude  pastorale  et  un  galop 
fantastique  :  elles  ont  produit  le  plus  grand  effet ,  constaté  par  les  jour- 
naux du  pays,  qui  ont  proclamé  à  la  fois  le  mérite  du  compositeur  et  de 
l'exécutant.  Les  mêmes  succès  attendent,  sans  doute,  le  jeune  artiste  lié. 
geois  dans  sa  tournée  en  Allemagne  ;  il  en  reviendra  au  mois  d'avril  pour 
retourner  à  Londres,  où  il  a  contracté  un  double  engagement  pour  une 
série  de  concerts  avec  la  Société  de  Beethoven-Quartelt  et  avec  celle  de 
V Union  musicale.  Z. 

NOUVELLES. 

*„,*  Demain  lundi,  à  l'Opéra,  le  Prophète. 

%*:  Dimanche  dernier  la  Reine  d-  Chypre  avait  attiré  la  .foule.  Roger  a 
supérieurement  chanté  le  rôle  de  Gérard,  et  Mlle  Masson,  qui  remplissait 
celui  de  Caihurina,  s'y  est  montrée  fort  belle.  Massol,  dans  celui  de  Lusi- 
gnan  a  obtenu  son  succès  accoutumé.  Les  couplets  si  bien  chantés  par 
Chapuis  excitent  toujours  l'enthousiasme. 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


*  *  La  vogue  de  Guillaume  Tell  s'accroît  de  jour  en  jour  et  dépasse 
toutes  les  prévisions.  Le  chef-d'œuvre  a  été  donné  lundi  et  vendredi:  à 
ces  deux  représentations  la  salle  était  comble,  et  tout  annonce  que  l'em- 
pressement se  soutiendra. 
%*  Mercredi,  h  Violon  du  Diable  était  précédé  de  la  Xacarilla. 
*„*  Vendredi  dernier,   l'Opéra-Comique  a  fait  relâche,  et  il  en  sera  de 
même  encore  demain  lundi,  pour  les  répétitions  générales  du  Carillonneur 
de  Bruges,  dont  la  première  représentation  est  annoncée  pour  mardi  pro- 
chain. Battaille  remplira  le  rôle  du  carillonneur  ;  à  côté  de  lui  débutera 
Mlle  Wertheimber  ,  la  brillante  élève  du  Conservatoire.  Les  autres  rôles 
seront  remplisparMllesMiolan  et  Révilly,  MM. Boulo,  Sainte-Foy  etl'.icquier. 
*„*  Aujourd'hui  dimanche,  par  extraordinaire,  le  Théâtre -Italien  don- 
nera Fid  Un,  de  Beethoven.  Dans  l'entr'acte  on  exécutera  la  magnifique 
ouverture  de  Léonore. 

***  Le  chef-d'œuvre  de  Bsethoven  a  été  joué  pour  la  quatrième  fois 
jeudi  dernier  et  le  sera  ce  soir  encore.  Ce  ne  serait  pas  trop  d'une,  saison 
entière  pour  l'intelligence  complète  d'un  tel  ouvrage,  si  en  dehors  des 
habitudes  de  notre  public.  Les  artistes  italiens  ont  aussi  besoin  de  se 
mettre  au  diapason  d'une  musique  peur  laquelle  ils  ont  naturellement 
peu  de  sympathie,  et  c'est  ce  qu'ils  font  à  chaque  épreuve  L'exécution 
gagne  de  plus  en  plus,  la  lumière  se  fait  et  la  chaleur  s'augmente.  Sophie 
Cruvelli  est  toujours  admirable  dans  le  rôle  principal  ;  elle  y  produit  l'ef- 
fet sans  le  chercher  et  se  distingue  par  une  pureté  de  style,  par  une  di- 
gnité de  gestes  et  de  tenue  qui  se  concilient  avec  la  vivacité  de  l'émotion. 
Mlle  Corbari,  Belletti  et  Calzolari  sont  au  niveau  de  son  beau  talent. 

*_#*,  La  Commission  des  auteurs  dramatiques  a  eu,  mardi  dernier,  l'hon- 
neur d'être  reçue  par  le  Prince  Président  de  la  République.  Organe  de  la 
Commission,  son  honorable  président,  M.  Viennet,  a  fait  connaître  au 
prince  Louis  Napoléon  qu'elle  lui  apportait  les  témoignages  de  respect  de 
l'Association  tout  entière ,  et  qu'elle  venait  spécialement  le  remercier 
des  traités  internationaux  récemment  conclus,  qui  assurent  aux  au- 
teurs français  tous  les  avantages  attachés  à  la  propriété  littéraire  des  au- 
teurs indigènes  à  l'étranger.  Le  Président  de  la  République  a  répondu 
qu'il  était  depuis  longtemps  dévoué  aux  lettres  et  aux  arts,  et  qu'il  atta- 
chait un  grand  prix  à  ce  que  sous  son  gouvernement,  ils  atteignissent  au 
plus  haut  degré  possible  de  prospérité  et  d'éclat;  le  Prince  a  parlé  de  l'u- 
tilité d'étendre  ces  traités,  et  de  les  conclure  avec  des  pays  plus  voisins 
et  plus  reprodMtews  La  Commission  a  aussi  abordé  la  question  du  droit 
des  hospices.  Le  Prince  s'est  exprimé  à  ce  sujet  en  termes  bienveillants, 
quoique  contenus  par  une  réserve  facile  à  expliquer. 

***  La  recette  des  théâtres  subventionnés  s'est  élevée  pendant  le  mois 
de  décembre  à  275,461  fr.  94  c,  celle  des  théâtres  secondaires  et  petits 
spectacles  à  372,957  fr.  54  c;  celle  des  concerts  à  65,790  fr.  05  c;  celle 
des  curiosités  à  8,593  fr.  93  c.  —  Total,  722,803  te.  46  c.  :  156,697  fr. 
76  c.  en  moins  que  le  mois  précédent. 

%*  Après  la  représentation  du  iR  i  d>:  Bohème,  opéra  comique  en  trois 
actes,  donné  il  y  a  quelques  jours  à  la  Haye,  le  roi  de  Hollande  a  adressé 
à  l'auteur,  M.  de  Saint-Georges,  déjà  décoré  de  tous  ses  ordres,  une  ma- 
gnifique médaille  d'or  à  l'effigie  royale,  portant  au  revers  les  attributs  des 
beaux-arts  avec  ces  mots  :  Bme  merentibus. 

%*  Le  charmant  opéra  de  X.  Boisselot  :  Mosquila  la  So'cière,  qui  a  déjà 
été  représenté,  avec  un  très-grand  succès,  à  Bruxelles,  à  Marseille,  à 
Nancy,  à  Metz,  à  Genève,  est  à  l'étude  en  ce  moment  à  Nantes,  à  Stras- 
bourg et  à  Montpellier  ;  sous  peu  de  temps  cet  ouvrage  doit  être  également 
monté  a  Lyon,  à  Toulouse,  à  Brest,  à  Bordeaux,  etc.,  etc.  Partout  la  nou- 
velle partition  de  l'auteur  de  Ne  touchez  pis  à  la  reine  obtient  un  véritable 
triomphe  ;  la  délicieuse  Seguidille,  la  gracieuse  mélodie  du  Bouquet;,  et 
les  deux  remarquables  duos  du  deuxième  et  du  troisième  actes  sont  tou- 
jours accueillis  par  des  bis  et  des  applaudissements  frénétiques. 

*i*  Rosenhain,  l'auteur  du  De.non  de  la  Nuit,  est  de  retour  de  son  voyage 
en  Allemagne. 

%*  Voici  des  renseignements  exacts  sur  l'accident  arrivé  à  Gottschalk, 
il  y  a  quelques  semaines.  Le  jeune  pianiste  ne  s'est  pas  cassé  le  bras, 
comme  les  journaux  de  Madrid  l'ont  dit  et  répété.  Après  son  premier  con- 
cert à  Valladolid,  concert  dans  lequel  il  avait  été  couronné  et  rappelé 
plusieurs  fois  sur  la  scène,  il  s'est  cassé  le  petit  doigt  de  la  main  droite, 
en  rentrant  chez  lui.  Cet  accident,  bien  que  très-grave,  n'aura,  heureuse- 
ment, d'autres  conséquences  que  de  le  forcer  pour  un  temps  illimité  à  un 
repos  absolu.  Le  chirurgien,  qui,  dans  les  premiers  jours,  avait  craint  que 
le  doigt  ne  se  redressât  pas,  répond  maintenant  de  la  guérison. 

*jj*  Le  premier  concert  donné  par  Mlle  Clauss  devait  être  bientôt  suivi 
d'un  second,  qui  aura  lieu  mercredi  prochain,  18  février.  La  jeune  ar- 
tiste, qui  s'est  signalée  avec  tant  d'éclat  et  posée  si  haut  dès  son  début, 
aura  pour  auxiliaires  des  chanteurs  du  premier  mérite,  Belletti  etMlle  Cor- 
bari. 

%*  Vivier  est  parti  hier  pour  Rouen  ,  où  il  doit  jouer  dans  un  grand 
concert  au  profit  des  crèches. 

*„*  Léopold  de  Meyer  donnera  son  concert  le  10  mars  prochain.  Ce  pia- 
niste, d'un  talent  si  original  et  si  extraordinaire,  jouera  son  Souvenir  d'I- 
talie, qui,  dans  le  concert  donné  par  Ernst,  a  obtenu  les  honneurs  du 
bis;  il  fera  entendre  aussi  plusieurs  compositions  nouvelles;  et  pour  que 
rien  ne  manque  à  l'attrait  de  la  séance,  Ernst  et  son  violon  magique  y 
participeront. 

*t*  La  Société  philharmonique  de  Boulogne-sur-Mer  a  donné  récemment 
une  matinée  des  plus  brillantes,  dans  laquelle  M.  Bazzini  s'est  fait  enten- 


dre et  a  confirmé  son  droit  à  ê.re  classé  parmi  les  premiers  violonistes  de 
l'époque. 

%*  Cédant  aux  prières  de  ses  amis,  Ernst  va  donner  un  troisième  con- 
cert, qui  est  fixé  au  1er  mars. 

*'±*  Mlle  Graever  se  propose  de  donner  un  second  concert  au  commen- 
cement du  mois  prochain.  Le  programme,  que  nous  publierons  plus  tard, 
est  des  plus  intéressants,  et  promet  à  la  jeune  pianiste  un  succès  qui  éga- 
lera celui  de  son  premier  concert. 

*,„*  Le  succès  d'Emile  Prudent,  à  Bruxelles,  est  immense.  (Voyez  plus 
loin  Chronique  étrangère.)  Il  en  est  à  son  quatrième  concert,  et  va  jouer 
aussi  à  Liège  et  à  Gand.  Chaque  fois  il  est  obligé  de  redire  sa  nouvelle 
étude  le  Réveil  des  Fées.  Dans  quelques  semaines  il  sera  de  retour  à  Paris. 

%*  La  Société  des  concerts  vient  de  donner  à  Morelli  la  preuve  d'une 
estime  toute  particulière  et  bien  méritée  en  l'admettant  comme  sociétaire 
solo. 

%*  M.  Labat,  organiste  de  la  cathédrale  de  Montaubàn,  vient  de  faire 
mettre  sous  presse  un  ouvrage  en  deux  volumes,  qui  aura  pour  titre  : 
Etudes  philosophiques  et  morales  sur  l'étude  de  la  musique.  Nous  en  rendrons 
compte  dès  qu'il  aura  paru. 

%*  Monseigneur  l'archevêque  de  Paris  vient  d'adresser  à  MM.  L.  Cla- 
pisson  et  F.  de  Courcy  une  lettre  remplie  de  compliments  les  plus  fla- 
teurs,  par  laquelle  il  accepte  la  dédicace  de  la  charmante  mélodie  les 
Oiseaux  de  Notre-Dame. 

%*  Aujourd'hui  dimanche,  la  troisième  séance  de  MM.  Alard  et  Franc- 
homme  dans  la  salle  Pleyel ,  à  deux  heures.  En  voici  le  programme  : 
1°  10"  quatuor  en  mi  bémol,  de  Beethoven  ;  —  2"  Trio  en  ut.  mineur,  de 
Beethoven  :  —  3"  Andante  varié  et  minuetto  à  la  Ziugarèse,  de  Haydn  ; 
—  4"  fragments  du  duo  pour  piano  et  violoncelle  ,  de  Mendelssohn  ;  — 
5"  quintette  en  la ,  de  Mozart.  — Exécutants:  MM.  Alard,  Armingaud, 
Casimir  Ney,  Deledicque,  Mlle  Camille  Meara. 

*,,*  D'après  un  journal  de  Milan, le  nombre  des  opéras  nouveaux  donnés 
en  Italie  dans  le  courant  de  1851  s'élève  à  trente  ;  la  plupart  de  ces  nou- 
veautés lyriques  ont  été  données  à  Naples,  Turin  et  Florence.  La  renom- 
mée de  la  presque  totalité  des  compositeurs  n'a  point  encore  franchi  les 
frontières  d'Italie. 

***  Le  douzième  bal  de  l'Association  des  artistes  dramatiques,  donné  le 
7  février  au  théâtre  de  l'Opéra-Comique,  n'a  pas  été  moins  brillant  que 
productif.  L'orchestre  de.  M  Artus  y  a  fait  merveille,  et  les  simples  audi- 
teurs n'en  ont  pas  été  moins  satisfaits  que  les  danseurs. 

*s*  Un  amateur  de  violon.  —  La  Cour  d'assises  voyait  comparaître,  il  y  a 
peu  de  jours,  sur  ses  bancs  réservés  au  crime,  un  pauvre  diable  dévoré  de 
l'amour  de  la  musique  et  qui  ne  pouvait  jamais  résister  à  la  vue  d'un 
beau  violon.  Comme  sa  misère  ne  lui  permettait  pas  de  l'acheter,  ils'arran- 
geait  pour  le  prendre  ;  mais,  cédant  au  remords,  il  finissait  toujours  par 
renvoyer  le  corps  du  délit,  et  s'avouer  coupable.  C'est  ainsi  que  Borvil- 
lers,  âgé  vingt-cinq  ans,  fils  d'un  cordonnier  allemand,  et  cordonnier  lui- 
même  par  état,  mais  musicien  avec  délices,  avait  commis  deux  fois  la 
même  faute,  d'abord  chez  un  marchand  de  la  rue  du  Bac,  puis  chez  un 
luthier,  M.  Vaillant.  Le  violon  qu'il  prit  chez  ce  dernier  appartenait  à 
M  Germain,  juge  à  A  vallon.  Il  en  joua  pendant  toute  la  nuit  qui  suivit  le 
larcin,  et  le  lendemain  il  le  fit  remettre  au  luthier,  avec  une  lettre,  dans 
laquelle  il  le  priait  d'employer  à  faire  dire  des  messes  les  12  fr.  qu'il  avait 
payés  pour  frais  de  réparation,  sous  le  nom  de  M.  Germain,  véritable 
propriétaire.  Une  méchante  femme,  qui  avait  des  démêlés  avec  Borvillers, 
le  dénonça  comme  voleur;  mais  le  jury,  plus  compatissant,  a  pris  le  parti 
de  l'acquitter  comme  mélomane. 

%*  Le  doyen  des  pianistes  et  peut-être  de  tous  les  musiciens,  M.  Elie 
Kuiiaender,  vient  de  mourir  à  Prague,  dans  la  centième  année  de  son 
âge.  M.  Kurlaender  était  né  à  Kœnigsberg  (Prusse),  et  il  avait  passé  une 
grande  partie  de  sa  vie  à  Berlin.  Il  fut  un  des  premiers  maîtres  de  musi- 
que de  l'illustre  Meyerbeer. 

***  A  partir  d'aujourd'hui,  nous  avons  un  service  spécial  pour  nos 
abonnés  de  la  banlieue,  qui  désormais  recevront  notre  journal  le  diman- 
che matin  comme  ceux  de  Paris 

CRON1QUE   DÉPARTEMENTALE. 

*„*  Limoge',  -r  La  Fée  aux  ro-es  vient  d'être  jouée;  elle  en  est  à  sa  cin- 
quième représentation  et  fait  toujours  de  belles  recettes.  Mlle  Charton- 
Guille  y  joue  le  rôle  principal  et  y  obtient  un  succès  justement  mérité. 

%*  Nantes.  —  Le  séjour  parmi  nous  de  Léon  Lecieux  et  Richard  Mul- 
der  laissera  aux  dilettanti  de  notre  ville  de  durables  souvenirs.  Plusieurs 
soirées  particulières  et  deux  concerts,  dont  le  premier  au  grand  théâtre  et 
le  second  au  Cercle  des  Arts,  ont  valu  aux  deux  artistes  autant  d'ovations. 
Léon  Lecieux  a  soulevé  des  applaudissements  frénétiques  avec  ses  belles 
fantaisies  sur  le  Duc  d'Olonne  et  Gibby.  Richard  Mulder,  de  son  côté,  a 
vu  son  succès  grandir  à  chacune  de  ses  apparitions.  Le  Tambour  de  bas- 
que, le  Galoubet  et  le  Béve  d'espoir  sont  des  compositions  remplies  d'origi- 
nalité et  de  verve  qui  ne  ressemblent  à  rien  de  ce  qui  a  été  fait  jusqu'à 
ce  jour  pour  le  piano,  et  dans  son  dernier  concert  l'habile  pianiste  a 
prouvé  qu'il  sait  interpréter  d'autre  musique  que  la  sienne,  en  exécutant 
en  grand  artiste  le  trio  en  ut  mineur  de  Beethoven,  dans  lequel  il  a  été 
secondé  par  Mmes  Lecieux  et  Gys  avec  une  extrême  délicatesse. 
M.  Alrrit,  flûtiste  d'un  mérite  réel;  Mlle  Voiron,  notre  gracieuse  canta- 
trice, et  Mlle  Caut,  chanteuse  expressive  et  sympathique,  ont  contribué 
pour  leur  part  à  l'éclat  de  ces  deux  beaux  concerts. 


DE  PABIS. 


CHRONIQUE     ÉTRANGÈRE. 

*„*  Bruxelles ,  11  février.  —  Concert  d'Emile  Prudent.  —  Nous  avons 
entendu  avant-hier  une  merveille;  celte  merveille,  c'est  le  piano  touché 
par  les  doigts  magiques  de  Prudent,  l'un  des  grands  maîtres  de  l'art.  Il 
y  a  quelque  dix  ans  que  Prudent  s'était  l'ait  entendre  à  Bruxelles  ;  alors, 
il  était  admiré  pour  sa  correction  soutenue,  pour  son  chant  plein  de 
charme,  pour  la  distinction  de  son  jeu;  mais  dix  années  d'études  et  de 
travail  passionné  l'ont  placé  au  premier  rang.  Si  bien  peu  arrivent  à 
l'égaler,  personne  ne  le  surpasse.  A  la  correction  exquise,  il  a  joint  l'é- 
nergie et  la  grandeur  du  style  au  chant  empreint  d'une  ravissante  rêverie, 
il  a  ajouté  l'enthousiasme  contenu  par  le  goût  le  plus  pur.  Prudent  est  un 
artiste  complet ,  soit  qu'on  l'envisage  dans  sa  carrière  de  compositeur, 
dont  les  productions  sont  considérées  comme  classiques,  soit  qu'il  se 
montre  comme  exécutant.  Largeur  de  conception  ,  richesse  d'effets . 
science  profonde  des  ressources  de  l'instrument,  pureté  irréprochable  de 
formes,  sentiment  élevé  de  l'art,  telles  sont  les  qualités  brillantes  de  l'ar- 
tiste. Les  notes  du  chant  parlent ,  les  arpèges  volent  avec  une  rapidité 
mesurée,  les  gammes  courent,  se  déroulant  en  sons  perlés  et  égaux,  les 
phrases  se  détachent  de  l'ensemble,  distinctes,  terminées  toujours  san 
emphase,  mais  senties  ;  et  ces  difficultés  inouïes  on  ne  les  voit  pas,  on  ne 
les  saisit  pas,  tant  il  y  a  d'aisance  et  de  grâce  clans  le  jeu.  Prudent  ne  se 
démène  pas  à  son  piano  comme  la  pythie  sur  son  trépied  ;  il  dédaigne 
le  charlatanisme  des  contorsions  et  des  gestes  heurtés,  des  poses  médi- 
tées; vous  le  voyez  calme,  presque  immobile;  a  peine  se  douterait-on  que 
c'est  lui  qui  tire  de  l'instrument  ces  sons  puissants  qui  remplissent  la  vaste 
salle,  mais  vous  reconnaissez  à  son  regard  plein  de  feu  qu'il  est  sous  l'em- 
pire du  sentiment  le  plus  énergique  de  l'art.  Prudent  a  exécuté  dans  cette 
belle  soirée  six  morceaux  de  sa  composition.  Le  premier,  concerto-sym- 
phonie en  si  bémol ,  est  un  morceau  d'une  grande  facture,  d'une  remar- 
quable ampleur  de  style,  où  l'orchestre  et  le  piano  jouent  un  rôle  égal  ; 
c'est  une  de  ces  rares  compositions  dans  lesquelles  se  révèle  le  génie  d'un 
grand  artiste.  Un  délicieux  caprice  sur  la  Somnambule,  où  Prudent  s'est 
inspiré  de  la  pensée  naïve  et  mélancolique  de  Bellini,  a  préct'dé  une  ra- 
vissante étude  intitulée  le  Réveil  des  Fée.',  composition  remplie  de  charme, 
de  grâce,  de  douce  fantaisie,  et  terminée  par  des  notes  plaquées  d'une 
admirable  effet.  C'était,  comme  exécution,  le  morceau  capital.  Des  fantai- 
sies sur  Lucia,  sur  Guillaume  Tell  (Asile  héréditaire),  ont  excité  à  leur  tour 
le  juste  enthousiasme  du  public.  Le  concert  a  été  terminé  par  les  Bois, 
morceau  d'une  originalité  piquante,  plein  de  verve,  de  brillants  et  hardis 
contrastes  et  d'une  riche  couleur.  A  la  fin  de  chaque  exécution  ,  les  ap- 
plaudissements ont  forcé  M.  Prudent  de  reparaître  pour  recevoir  une 
nouvelle  ovation.  Le  public  fashionable,  essentiellement  musicien  et  par- 
ticulièrement pianiste  qui  ornait  la  salle  Sainte-Cécile,  nous  semble  avoir 
décidément  classé  Emile  Prudent  parmi  le  très-petit  nombre  d'artistes 
dont  il  est  permis  de  dire  que  l'exécution  est  complète.  Dans  les  arts,  il 
y  a  très-loin  d'un  certain  à  peu  près  qui  exige  du  talent ,  à  une  vraie  et 
irréprochable  correction;  et  il  y  a  peut-être  plus  loin  encore  de  la  cor- 
rection et  de  l'élégance,  à  une  exécution  large,  puissante,  originale,  qui 
ait  le  don  de  charmer,  d'étonner  et  d'émouvoir.  Virtuose  prodigieux  et 
excellent  compositeur,  Emile  Prudent  a  été  applaudi  et  réapplaudi ,  ap- 
pelé et  réappeîé  par  un  public  d'amateurs  difficiles  et  d'artistes  éminents. 
On  a  fort  admiré  la  belle  qualité  de  son  qu'il  tire  du  piano,  la  légèreté  et 
l'égalité  parfaite  de  ses  arpèges,  de  ses  gammes,  de  ses  notes  redoublées, 
la  rapidité,  la  précision  et  le  mordant  de  ses  trilles.  Son  jeu ,  presque 
mathématique  à  force  de  précision,  est  admirablement  clair  et  limpide, 
et  ses  ruisselantes  octaves  sortent  aussi  pures  que  les  simples  notes  La 
main  gauche,  qui  frappe  avec  une  aisance  rare  les  douzièmes,  fait  réson- 
ner les  magnifiques  pédales  dont  la  sonorité  ne  nuit  jamais  aux  arpèges 
brillamment  accidentés  du  trait  d'exécution.  L'effet,  semblable  à  celui  des 
cordes  les  plus  graves  de  la  contrebasse,  en  est  imposant  et  majestueux,  et 
domine  les  brillants  tutti  exéeutés,par  la  main  droite.  Le  fusées  chroma- 
tiques, les  gammes  bien  perlées,  les  arpèges  doubles  et  bien  enchaînés 
d'une  main  à  l'autre,  les  fioritures  qui  se.  détachent  en  phrases  mélodi- 
ques, qu'elles  accompagnent  par  un  délicieux  gazouillement,  produisent 
un  effet  d'autant  plus  magique,  que,  ne  visant  jamais  à  la  force,  Emile 
Prudent  sait  toujours  varier  ses  nuances  et  ses  effets,  sans  prétention  et 
sans  fatigue. 

*Ji  Cassel.  —  L'opéra  de  AL  Halévy  :  les  Mousquetaires  de  la  Reine, 
a  été  représenté  avec  le  plus  beau  succès  au  théâtre  de  la  Cour.  Les 
honneurs  de  la  soirée  ont  été  pour  Aimes  Aleyer  (Athénaïs)  et  Jacobsohn 
(Berthe). 

%*  Munich.—  Vers  le  milieu  du  mois,  V Enfant  prodigue,  de  AI.  Auber, 
seia  représenté  pour  la  première  fois  au  théâtre  de  la  Cour. 

*Jà*  Berlin.  —  Le  Prophète  fait  toujours  chambrée  complète  chaque  fois 
que  cette  magnifique  partition  est  sur  l'affiche.  — Les  deux  compétiteurs 
pour  la  place  de  directeurs  de  l'académie  de  chant  sont  AIAI.  Taubert 
et  Naumann.  Le  chœur  du  Dôme  se  rend  à  Stettin  pour  y  donner  trois 
concerts.  M.  de  Kcntski  est  parti  pour  Cracovie  et  Lemberg.  Une  nou- 
veauté intéressante  fixe  en  ce  moment  l'attention  du  public.  Mardi,  17  fé- 
vrier, on  exécutera  dans  la  salle  des  concerts  du  Schau'spiel-ilaiis  un  fie- 
quiem,  composé  et  dédié  à  la  mémoire  du  prince  Waldemar  de  Prusse,  par 
AI.  de  L...  :  le  17  février  est  le  jour  anniversaire  de  la  mort  du  prince,  au 
service  duquel  Al.  de  L..  .  avait  été  attaché.  Le  produit  de  la  soirée  est 
destiné  au  fonds  de  secours  du  régiment  des  cuirassiers  de  la  garde.  Les 


soli  seront  exécutés  par  vîmes  VYagner  et  Léo,  MM.  Formes  et  Krause.  — 
V.  Birch-1  féifîi  r  est  sûr  le  point  de  terminer  un  opéra  nouveau,  dont  le 
roi  de  Prusse  a  indiqué  le  sujet,  et  dont  M.  de  Flotoiv  écrit  la  musique. 
La  partition  étant  également  presque  achevée,  cette  piquante  nouveauté 
no  tardera  pas  à  faire  son  apparition  au  théâtre  royal.  —  Au  théâtre  Fr 
\VilheImstadt,  l'opéra  de  M.  Flotow,  tfaitha,  a  été  parfaitement  exécuté  : 
l'auteur  assistait  à  là  représentation. 

V  r/anovnc.  —  L'opéra  nouveau  de  Marschner  :  Autlir,  a  eu  le  plu 
éclatant  succès.  Le  compositeur  a  été  appelé  deux  fois  sur  la  scène'. 

V  Boston.  —Le  jeune  pianiste  A.  Jaëll  adonné  cinq  concerts  a  Tripler- 
Hall,  et  chaque  fois  près  de  1,000  auditeurs  ont  couvert  le  bénéficiaire 
d'applaudissements  enthousiastes. 

V:  Noucel.'e-Orlcany.  —  La  reprise  de  Charle-i  17,  d'Halévv,  a  fourni  à 
Aime  AVidemann  l'occasion  d'un  nouveau  triomphe,  partagé  par  Diguet, 
qui  a  fort  bien  chanté  le  rôle  du  roi. 

V*  New-York,  1h  janvier.  —  Jenny  Lind,  qui  voulait  aller  pour  la  se- 
conde fois  à  la  Havane,  a  renoncé  à  ce  projet  et  s'est  décidée  à  retourner 
en  Europe  au  printemps  prochain.  —  Oie  Bull  est  depuis  quelques  jours 
ici  et  se  propose  de  donner  une  série  de  concerts.  —  La  Société  philhar- 
monique allemande  qui  s'est  formée  dernièrement  et  qui  compte  parmi  ses 
membres  soixante  chanteurs  des  deux  sexes,  vient  d'établir  ici  un  théâtre 
qu'elle  a  ouvert  par  la  représentation  du  célèbre  opéra  dèLortzing,  (  har 
et  Chai pentier.  Cet  ouvrage,  qui,  bien  qu'exécuté  par  des  dilettanti,  a  été 
rendu  avec  une  verve  et  un  ensemble  très-rares,  même  chez  les  artistes 
de  profession,  a  été  accueilli  avec  enthousiasme  par  notre  public,  qui  as- 
sistait pour  la  première  fois  à-  la  représentation  d'un  opéra  en  langue  al- 
lemande. 


Le  gérant:  Erïnest  DESCHAMPS. 


En   lente,   à  Paru,  chez  A.  Leduc,  éditeur,  rue  VtCnnne,  18. 
Lyon,  Moller-Févrot,  rue  Laf^nt,  U. 

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C.  Man-js! lise  h.  Raphaëla,  grande  valse  brillante 5  » 

—                 L'Espérance,   polka-mazurka i  50 

Marc  23 ii  ri  y.  Op.     7.  Premières  pensées,  trois  mélodies.    ...  6  » 

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PERTOIRE  DU  CHANT 

Première  série. 

Collection  d'Airs,  Romances  et  CàvaHnes,  extraits  d'opéras  français,  pour 

TÉNOR  et  SOPRANO, 


AMBASSADRICE  CL'). 

Couplets.    .   Il  était,  un  vieux  bonhomme.  .    .  S.  2  50 

Couplets.   .   Ilest,dit-on,unbeaujeunehommeS.  3  » 

Couplets.   .  Lecielnousaplacésdansdesi-angs!»'.  2  50 

Air Dieu  !  que  viens-je  de  lire  !   .    .  S.  5  ■■ 

Air Que  ces  murs  coquets S.  4  50 

Air C'est  en  vain  que  votre  puissance  S.  5  » 

CHARLES  VI. 

Chant  nat..  LaFrancearhorreurduservage7\  3  » 

Romance{extr.  du  duo).  En  respect  mon  amour 

se  change T.  3  » 

Air C'est  grand'pitié  que  ce  roi,  trans- 
posé pour  ténor T.  G  » 

Air Humble  fille  des  champs,  liansposé 

pour  soprano S.  6  » 

Mélodie.  .  Avec  ladoucecliansonnette,  trans- 
posée pour   ténor.   ...  T.  3  » 

Ballade.   .  Chaque  soir,  Jeanne  sur  la  plage.  S.  5  » 

COMTE  ORY  (LE)- 

Ca:  atine.  .  Que  les  destins  prospères.   .   .   T.  5  » 

Air Une  dame  de  haut  parage.  .   .  S.  6  » 

Air En  proie  à  la  tristesse.    ...  .S.   5  » 

DAME  DE  PIQUE  (LA) 

Air Quand  la  blanche  neige.    .    .   T.  3  75 

flowanceefair.CréneauxquejevoisapparaitreS.  6  » 

Id.  lextr.)  Créneaux  que  je  vois  apparaître.  S.  3  » 

Couplets.   .  Ces  tristes  retraites .S     3  » 

Couplets.  .  Non-seulemcntjesuisbossue.  .    .  S.  5  » 

DIAMANTS  DE  LA  COURONNE  (LES). 

Couplets.    .  Vivent  la  pluie  et  les  voyages!.  T.  2  5o 

Ballade..   .  Le  beau  Pédrille S.  2  50 

Boléro.    .   .  Danslesdéfilésdesmontagnes  .  S.  2  50 

Variations.  Ahljeveuxbriserma  chaîne..    .  5.  3  75 

Air Non,  non,  fermons  l'oreille.  .   .  .S.  3  75 


DOMINO  NOIR  (LE). 


Romance.  .  Le  trouble  et  la  frayeur    .    .   .  T. 

Couplets.    .  Une  fée,  un  bon  ange S. 

Arayonaise.  La  belle  Inès  fait  florès.   ...  .S. 

Air Je  suis  sauvée,  enfin S. 

Couplets.    .  Ah!  quelle  nuit!  le  moindre  bruits  . 

Cavatiné.  .  Mes  chères  sœurs S. 

Continue.  .  Heureux  qui  ne  respire.   ...  S. 


ÉCLAIR  (L'\ 


Couplets.  Larichenature.encesheauxclimats.S.  '. 
Grand  air.  Partons,  la  mer  est  belle.   .   .   T.  ' 

Barcarotle.  Partons,  la  mer  est  belle 

Chansonnette.  Pris  d'une  belle,  êlre  fidèle.  .  S.  : 

Romance.  .  O  divine  harmonie  ! S. 

Romance.  .  Quand  de  la  nuitl'épaisnuage.   T. 

ENFANT  PB0DIGUE  (L). 

Air Toi, qui  versas  la  lumière, transposé 

pour  ténor T. 

Air  ....  L'aurore  étincelante  de  feux.  .  .  S. 
Romance.  .  Allez,  suivez  votre  pensée.  .  .  S. 
Couplets.  .  Dans  ceséjour, où chaquejour.  .  T. 
Romance.  .  Il  est  un  ënf ant -'d'Israël,  transposée 

pour  ténor T. 

Romance.   .  Quand  vient  la  mort  menaçante  S. 

Romance.   .  Ovallon  de  Gcssen!ô  champs     .  .S. 

Couplets.    .   Ah!  dans  l'Arabie,   quel    heureux 

métier S. 

.   DeMemphisct  deBabylonc.  .    .  S. 

.  O  honte,  ô  déshonneur  !    ...   T. 

.  J'ai  tout  perdu.  Seigneur.    .    .  T. 

.  Du  soleil  les  feux  ardents.  .    .  S. 

.  Dans  son  âme,  ô  mon  Dieu  !  .    '.S. 

.  O  campagne  chérie  ! 7". 


A  ir.  .  .  . 
A  ir.  .  .  . 
Romance, 
Couplets. 
Romance. 
Romance 


FAVORITE  (LA). 


Romance.  .  Un  ange  ,  une  femme  inconnue  T. 
Romance.  .  Un   ange,  une  femme  inconnue, 

Transposée  pour  soprano.  S. 
Cavatiné.  .  Pour   tant  d'amour  ne  soyez  pas 

ingrate T. 

Air..  _.   .   .  O  mon  Fernand,  touslcs  biens  delà 

terre S. 

Air Ange  si  pur  que  dans  un  songe  T. 

Prière.  .  .  Fernand, imite  Inclémence.  .  .  S. 
Air  ....  Viens,  je  cède  éperdue.   ...  S. 


FÉE  ADX  ROSES  (LA). 

Romance.  .  Près  de  toi  je  crois  revivre  .   .  S.  4  50 

Air Des  roses  partout  des  roses  .    .  S.  5     >< 

Romance.  .  En  dormant,  en  dormant  .  .  S.  3  » 
Couplets.  .  Au  temps  de  la  jeunesse.   ...  S.  3  75 

FIANCÉE  (LA). 

Ballade..    .  Si  je  suis  infidèle S.  2  » 

Couplets.    .  Que  de  mal,  de  tourments  .    .  S.  3  » 

Cavatiné.  .  O  jour  plein  de  charmes  ...   J.  4  50 

Couplets.   .  G  arde  à  vous,  avançons  en  silence7\  2  » 

Tyrolienne.  Montagnard  ou  berger.   .   .   .   T.  2  » 

Romance.  .  Le  ciel  serein  et  sans  nuage.  .   .  S.  2  » 

FRA-DIAVCLO. 

Couplets,   .  Je  voulais  bien,  je  voulais  bien.  S.  2  50 

Rondo  .    .    .  Voyez   sur  cette  roche.    ...   T.  2  50 

Barcarotle.  Le  gondolier  infidèle T.  2    » 

Barcarotle.  Agnès  la  jouvencelle T.  2     » 

Couplets.   .  Oui  c'est  demain,  ouic'estdemainS.  2  50 

Air Je  vois  marcher  sous  mabannitre  T.  h  50 

Couplets  .   .  Pourtoujours,toujours,disait-ellc7'.  2     » 

GD1D0  ET  GINÉVRA. 

Romance.  .  PendantlafÊte.uneinconnue.  .  T.  5  » 
Grand  air.  Quand  renaiti  a  la  pâle  aurore  .   T.  7  50 

GUILLAUME  TELL. 

Burcarolle.  Accours  dans  ma  nacelle  ...   T.  2  50 
Air  ....   O  Mathilde,  idole  de  mon  âme.  T.  7  50 
Romance.  .  Sombre  forêt,  triste  désert  et  sau- 
vage   S.  3  » 

La  même  avec  récitatif S.  k  50 

Air  ....  Pour  notre  amour  plus  d'espéranceS'.  5  » 

Tyrolienne.  Toi  que  l'oiseau  ne  suivrait  pas  S.  3  » 

Air    ....  Asile  héréditaire T.  0  » 

HAYDÉE. 

Couplets.  .  Il  dit  qu'à  sa  noble  patrie  .  .  .  S.  3  » 
Couplets.  ■  Ainsi  que  vous,  ainsi  quevous  .  T.  2  50 
Barcarolle.  Ah!  que  Venise,  est  belle  !  .  .  T.  2  50 
Air  .  .  .  .  Unis  par  la  naissance  ....  5.  3  » 
Couplets  de  la  Urne.  C'est  la  corvette  qui,  leste 

et  coquette S.  3  75 

Air  ....  Je  suis  dans  son  palais  .    ...  S.   â  50 

A  ir  composé  pour  Mme  Vgalde S.   h  50 

Barcarolle.  Glisse,  glisse,  ma  gondole.  .  .  T.  2  50 
Air  ....  Adieu  donc,  noble  ville.    ...   jT.  2  50 

HUGUENOTS   (LES). 

Romance  .  Plus  blanche  quelablan.  hermine  T.  5  » 
Çavaline  du  page.  Nobles  seigneurs  salut.  .  S.  '6  » 
Air  .  .  .  .  O  beau  pays  de  la  Touraine  .  .  A' .  7  50 
Cavatiné  extraite  de  l'air.    O  beau  pays  de  la 

Touraine S.  I\  50 

Cavatiné.   .  Tu  l'as  dit,  oui  tu  m'aimes  .   .  T.  k  50 

JUIVE  (LA). 

Sérénade.  .  Loin  deson  amie  vivre sansplaisirs T.  2  >< 
Cavatiné.  .  Dieu,  que  ma  voix  tremblante.  T.  4  50 
Romance  .  11  va  venir,  et  d'effroi.  .  .  .  S.  4  50 
Air  ....  Rachel,  quand  du  Seigneur  .  .  T.  7  50 
Le  même  arrangé  pour  soprano 7  50 

MOÏSE. 

Air  ....  Ah!  d'une  tendre  mère.   ...  S.  5    » 

MUETTE  DE  PORTICI    (LA). 

Air  .    .   .    .Ah  !  ces  cris  d'allégresse  ...   7.  a  50 
Air  ....  Plaisir  du  rang  suprême  ...  .S.  6    » 
Barcarotle.  Amis,  lamatinée  est  belle.    .    .    T.  3  75 
Air.       .   .  Nous  triomphons,  mais  jour  de  ter- 
reur  T.  tt  50 

Air  .    .    .    .Du  pauvre,  seul  ami  fidèle  .    .   T.  5     » 

Cavatiné.  .  Arbitre  d'une  vie S.  3  75 

PART  DU  DIABLE  (LA). 

Air  ....  C'est  elle  qui  chaquejour.   .   .  T.  3  75 
Air Le  singulier  :écit  que  je  viens  d'en- 
tendre   S.  4  50 

Romance.   .  Ferme  ta  paupière,  dors,  mon  en- 
fant      S.  3  75 

Air  ...    .  Eh  bien  donc,  i  l'enfer  il  faut  que 

je  m'adresse 7\  3  75 

Romanesca.  Qu'avez-vous,  comtesse?  .  .  .  T.  3  75 
Couplets.  .  O  philosophe  ou  voyageur.  .  .  T.  3  » 
Air  ....  Depuis    longtemps    est  parti  mon 

message S.  6    » 


PBILTRE  (LE). 

Air  ....  La  coquetterie  fait  mon  seul  bon- 
heur   S.   l>  50 

PBË-AUXCLERCS  (LE). 

Air  .   .    .    .  Ce  soir  j'arrive  donc  dans  cette  ville 

immense T.  5  » 

Romance.  .  Souvenirs  du  jeune  âge.    .   .   .  S.  2  50 

Air  ....  Jours  de  mon  enfance S.  5  » 

Couplels.   .  Je  suis  prisonnière  loin   du  beau 

pays S.  2  50 

Ronde.   .   .  A  la  fleur  du  bel  âge S.  2  50 

PROPHÈTE  (LE). 

Cavatiné.  .  Mon  cœur  s'élance S.  h  50 

Pastorale  .  Pour  Berthe  moi  je  soupire  .  .  T.  3  75 
Arioso.   .  .  Ah  !  mon  fils-,  sois  béni  !  transposé 

pour  soprano S.   3     » 

Prière.   .   .  Eternel  Dieu  sauveur T.  h  50 

Hymne  triomphal.  Poi  du  ciel  et  des  anges  T.  k  50 
Complainte  de  la  Mendiante.  Donnez,  donnez, 

transposée  pour  soprano.  S.  4  50 
Cavatiné.  .  O  toi  qui  m'abandonnes,  transposée 

pour  soprano S.  3  75 

Air  ....  Comme  un  éclair,  6  vérité.  .  .  S.  4  50 
Couplels.   .  Versez,  que  tout  respire  l'ivresseT.  4  50 

REINE  DE  CHYPRE  (LA). 

Romance.  .  Le  ciel  est  radieux   et   cette  vive 

flamme T-  3    » 

Air.   .   .    .  Legondolierdanssa  pauvre  nacelle, 

transi  osé  pour  soprano  .  S.  6  » 
Couplets.   .  Tout  n'est  dans  ce  bas  monde  qu'un 

jeu T.  3  75 

Cavatiné.  .  Triste  exilé  sur  la  terre  étrangèrer.  3  » 
Air  .   .   .    .  Le  voici   donc  enfin  l'instant  delà 

vengeance T.  6    » 

ROBERT  LE  DIABLE. 

Ballade.   .  Jadis  régnait  en  Normandie  .    .   T.  6  » 

Romance.  ,  Va,  va,  va, dit-elle;  va,  monenfantS.  5  » 

Sicilienne    .  O  fortune  !  à  ton  caprice.   .   .  T.  U  » 

Air  ....  En  vain  j'espère S.   7  50 

Valse  infernale  Noirs  démons,  fantômes  .  T.  4  » 

Couplets.  .   QuandjequittailaNorroandie..  S.   2  » 

Cavatiné.  .  Qu'elle  est  belle,  qu'elle  estbelle  T.  2  » 

Cavatiné.  .  Robert,  Robert,  toi  quej'aime  .   ..S.  6  » 

SIRÈNE  (LA). 

Couplets  .  .  O  Dieu  des  flibustiers,  Dieu  de  la 

contrebande T.   3  75 

Air  ....  Qu'est-ce  donc,  mes  amis,  et  quelle 

catastrophe T.  4  50 

Ronde  .  .  .  Prends  garde,  montagnarde  que  re- 
garde  S.  3    » 

Cavatiné.  .  Ah  !  je  n'ose  pas,  je  n'ose  pas    .  S.   3  75 

Vocalise  .  .  Voyez-vous  là-bas,  parmi  les  fri- 
mas      S.  4  50 

SIÈGE  DE  CORINTHE  (LE). 

Air  ....  Du  séjour  de  la  lumière.  ...  S.  4  50 
Air  .    .    .    .  Grand  Dieu,  faut-il  qu'un  peuple 

qui  t'adore 7".   4  50 

VAL  D'ASDORRE    (LE). 

Chanson  du  Chevrier.  Voilà  le  sorcier,  car  il 
existe  encore,  transposée  pour 

lenor T.  4  50 

Romance.  .  Marguerite  qui  m'invite.  .  .  .  5.  4  50 
Air  ....  Dans  cette fermehospitalière .  .  T.  o  » 
Romance.  .  Faudra-t-il  donc  pâle  éperdue  .  .  S.  3  » 
Chanson  du  Tambour.  Tambour,  toi  qui  guides 

nos  pas T.   4  50 

Romance.  .  Toute  la  nuit  suivant  atrace.    .  T.  4  50 

ZEBLINE. 

^iir  ....  O  Palerme,  ô  Sicile!  transp.  pour 

soprano S.  6  « 

Canzonetla  Achetez,  achetez,  voici  des  oranges, 

transposé  pour  soprano  .  S.  5  » 

Air  .   .   .   .  Quand  l'âme  indifférente  ...  S.  5  » 

Romance    .  Souviens-toi  de  nos  heureux  jours.S.  4  50 

Air  ....  Victoire,  ah  !  quelle  ivresse  !  .   .  S.U  50 


IMPRIMERIE  CE 


HE   BERGERE.  2l 


BUREAUX  A  PARI5  :   BOULEVART  DES  ITALIENS,   1. 


19e  Année. 


IV0  8. 


22  Février  1852. 


Ons'ubo ilmis  les  Di-pirtciu-'iiis  et  h  l'Élrnngur, 

chc/.toiis  lus  Morclninils  (Je  .Miismjuc,  1rs  Libmin-s 

et  nux  Bureaux  de 

.Mi-smiriths  i  t  di-s  postes 

l.omlreN. 

WesselciC',220,Begcnt8irpel 

MI-l'.Cll-lMIHI 

«.  U.  I./.ii-,I 

Sewvuik. 

SchiirlVii'iriR  el  luis. 

Madrid. 

Union  artislico-juusicujo. 

■tome. 

Herlc 

Ainatcrdaiu. 

Burcou  <li-s  Postes. 

Dorlln. 

Schtasingcr,  34,  u.  '1  Linïlen 

Bote  cl  Bock,  12,  Joegorslr. 

Leipzig. 

Micliofcen. 

■   l-llOIIIK'. 

StissolM. 

REVUE 


GAZETTE 


Pris  de  l'Abonnement  t 

Paris,  un  an 24  fr. 

Départements,  Belgique  el  Suisse 30 

Ûlïangér      3i 

Annoncent. 

'i'i  centiaies  la  ligne .  pour  1  foi* 

30  centimes  là  ligne      pour  3  fois. 

20  centimes  lu  ligne pour  fi  fois. 


fil  paraît  le  Dimanche. 


m  paeïs. 


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SOMMAIRE.  —  Théâtre  de  l'Opéra-Comiquc,  le  Carillonnai)-  de  Bruges,  opéra  en 
3  actes,  paroles  de  M.  de  Saint-Georges,  musique  de  M.  Grisar  (1"  représentation), 
par  Henri  Blanchard.  —  Concerts  :  Société  Sainte-Cécile,  Alard  et  Franc- 
homme,  etc.,  par  le  même.  —  Vivier  à  Rouen.  —  Solfège  des  écoles  et  solfège 
des  chanteurs,  de  J.  Kuhn.  —  Notice  sur  un  ancien  livre  relatif  à  la  musique.  — 
Correspondance,  le  Prophète  1  Lille.  —  Nouvelles  et  annonces. 

Nos  abonnés  reçoivent,   avec  ce  numéro,   DEUX  MAZURKAS   par 
Tiéon-Pascal  GERVKEEE. 


THEATRE  DE  LOPERA-COMQUE. 

EE  t'ARIEEOlVJÏEER  ME  BRUGES, 

Opéra -comique  en  5  actes,  paroles  de  M.  de  Saint-Georges, 

partition  de  M.  Grisar. 

(Première  représentation  le  20  février  1852.) 

Débuts  de  Mlle  Wcrthcimlicr. 

Gomme  la  fameuse  Geneviève  de  Brabant,  Marie  de  Brabant  est  une 
princesse  charmante,  innocente  et  persécutée  par  Philippe  II,  le  duc 
d'Albe,  surnommé  le  tigre  des  Pays-Bas,  et  par  un  certain  don  Juan 
de  Hermosa,  gouverneur  de  Bruges.  Marie  de  Brabant  est  donc  persé- 
cutée, mais  innocente  jusqu'à  un  certain  point;  car,  malgré  les  usur- 
pateurs de  son  duché,  qui  ne  sont  pas  de  très-agréables  messieurs,  et 
qui  veulent  lui  faire  garder  un  célibat  forcé,  elle  a  trouvé  le  moyen 
d'avoir  un  héritier.  Le  fait  est  qu'il  y  a  un  enfant  de  fait,  mais  en  tout 
bien,  tout  honneur,  né  sous  l'empire  de  la  légitimité  d'un  mariage 
secret.  Ce  petit  duc,  qu'on  ne  voit  qu'au  milieu  et  au  dénouement  de  la 
pièce,  y  joue  un  rôle  important  comme  l' Orphelin  de  la  Chine  et  le  Joas 
d' Athalie.  C'est,  en  effet,  sur  la  récognition  de  ce  souverain  en  herbe 
qu'est  basée  toute  l'intrigue  de  la  pièce. 

Béatrix,  fille  du  carillonneur  de  la  cathédrale  de  Bruges  et  sœur  de 
lait  de  la  princesse  Marie,  prend  sur  elle  la  maternité  du  petit  préten- 
dant à  la  couronne,  ce  qui  la  compromet  fort  aux  yeux  du  capitaine 
Wilhelm,  qui  est  sur  le  point  de  l'épouser,  et  qui  n'en  persiste  pas 
moins  à  lui  donner  son  nom ,  malgré  la  malédiction  du  père  Mathéus 
Glaës,  le  carillonneur,  très-rigide  sur  le  point  d'honneur.  Ce  père 
Mathéus  est  un  personnage  singulier,  excentrique  et  même  poétique  : 
c'est  une  sorte  de  Quasimodo  qui  s'exalte,  se  grise  au  son  de  ses  clo- 
ches. Bon  Flamand  et  palriote,  il  a  perdu  le  sens  de  l'ouïe  en  voyant  les 
Espagnols  vainqueurs  jeter  dans  la  boue,  du  haut  de  la  grande  tour, 
le  drapeau  national;  et  ce  sens  perdu  ou  suspendu  lui  revient  à  la  vue 
de  cette  espèce  d'oriflamme  qu'on  porte  avec  honneur  dans  un  proces- 
sion, qui  va  bientôt  être  le  signal  de  la  révolte  et  de  l'affranchissement 
des  Brabançons. 

A  ces  sentiments  de  politique,  d'amour  et  d'héroïque  amitié,  vien- 
nent se  joindre  ceux  plus  gais  de  l'agent  du  duc  d'Albe,  le  gouverneur 
de  Bruges,  le  seigneur  don  Juan,  galant  suranné  qui,  comme  son  ho- 


monyme, fait  de  la  séduction  auprès  de  la  princesse,  qu'il  traite  avec 
tous  les  égards  dus  à  son  rang ,  et  l'amour  gauche  et  ridicule  d'un  geô- 
lier titré.  Un  autre  agent  du  Saint-Office,  ayant  nom  l'Infernal,  et  qui  ne 
justifie  pas  trop  cette  effrayante  appellation  ;  un  tavernier  nommé  Van 
Bruck,  neveu  du  carillonneur,  et  la  cousine  de  Béatrix,  chanteuse  po- 
pulaire et  marchande  d'images  de  la  sainte  Vierge,  qui  fait  trouver  des 
maris  aux  jeunes  filles,  se  meuvent  aussi  dans  cette  action,  développée 
un  peu  trop  consciencieusement  quant  à  l'étendue,  mais  dans  laquelle 
il  y  a  du  comique  et  une  coupe  musicale  qui  ne  fait  jamais  défaut  à 
l'auteur. 

Sur  ce  tableau  coloré  des  passions  ardentes  du  moyen-âge,  le  com- 
positeur a  jeté  des  chants  et  une  harmonie  de  toutes  les  époques.  Il  a 
tenté  de  faire  de  l'Orlando  Lassus,  du  Bach,  car  il  s'est  essayé  au  style 
fugué  dans  un  morceau  bachique;  du  Grétry,  du  Méhul,  du  Boïeldieu, 
de  l'Hérold  et  jusqu'à  du  Verdi,  dans  les  masses  vocales  et  les  détona- 
lions  de  l'instrumentation.  Ce  qui  lui  a  le  mieux  réussi,  c'est  quand  il 
a  fait  du  Grisar,  de  l'harmonie  et  de  la  mélodie  faciles,  comme  dans  le 
trio  où  le  père  Mathéus  lit,  dit  et  adresse  indirectement  à  sa  fille  et  à 
son  gendre  futur  les  versets  de  la  Bible,  répétés  par  Béatrix  et  Wil- 
helm, et  comme  dans  le  délicieux  boléro  chanté  par  la  petite  Mesen- 
gère,  diamant  vocal  de  fine  ironie,  broderie  élégante  et  scintillante 
d'esprit,  de  grâce  et  de  goût,  vraie  bonne  fortune  pour  les  cantatrices 
de  salon,  pour  l'éditeur  et  les  auditeurs. 

L'ouverture  témoigne  du  respect  du  compositeur  pour  la  vieille 
et  bonne  forme  de  ces  préfaces  musicales  ;  elle  se  distingue  par  une 
couleur  mélodramatique  qui  ne  lui  messied  point  par  ce  temps  de 
musique  vague  et  romantique,  ou  de  péroraisons  en  galop.  La  mélodie 
principale  est  facile  et  distinguée.  Ce  qu'on  nomme  la  seconde  partie 
est  peu  modulée,  peu  travaillée  et  rentre  trop  tôt  dans  le  ton  primitif, 
mais  après  la  répétition  en  ré  majeur  de  la  mélodie  principale,  le 
triangle  intervient  avec  goût,  comme  il  l'avait  déjà  fait  dans  la  tona- 
lité de  la  majeur,  et  sur  un  placage  harmonique  des  instruments  à  vent 
plein  de  mouvement  et  d'élégance.  Comme  il  faut  toujours  payer  tribut 
aux  exigences  de  son  temps,  l'auteur  a  placé  dans  sa  péroraison  une 
marche  et  une  fanfare  qu'on  entend  plus  tard  dans  l'ouvrage. 

L'introduction,  qui  se  compose  d'une  prière  et  de  mélodies  assez 
gracieuses,  dites  parMesengère,  qui  vend  des  images  saintes,  n'est  pas 
très-saillante.  Béatrix  survient  et  chante  une  romance  en  deux  couplets 
pour  voix  de  contralto,  fort  bien  dits  par  Mlle  Wertheimber,  qui  dé- 
butait par  ce  personnage  dramatique  :  elle  s'y  est  bien  dessinée  comme 
cantatrice  dans  ce  chant  d'un  caractère  large  et  religieux,  allant  du 
fa  dièze  au  la  avec  une  belle  égalité  de  voix  sur  ces  deux  vers  : 

Dieu  garde  au  malheur  l'espérance 
Et  vous  promet  de  meilleurs  jours. 


53 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


Après  [un  trio  de  scène,  dont  il  n'y  a  pas  grand  chose  à  dire,  Ma- 
théus,  le  carillonneur,  vient  chanter,  célébrer  ses  cloches  gentilles  qu'il 
n'entend  plus.  C'est  Battaille  qui  joue  et  chante  fort  bien  ce  rôle  de 
Mathéus  Claës  :  Battaille,  l'acteur  et  le  chanteur  au  talent  si  varié,  qui 
s'est  fait,  dans  ce  nouveau  personnage,  une  tête  superbe  ;  Battaille  qui 
fait  rire  de  sa  surdité,  comme  le  bonhomme  Geronimo  del  Malrimonio 
segreto,  si  bien  représenté  par  Lablache,  qui,  tour-à-tour  Procida  et 
Quasimodo,  inspire  et  terreur  et  pitié. 

Dans  un  assez  bon  quatuor  de  scène  un  peu  trop  fourni  d'unissons , 
on  a  remarqué  la  phrase  mélodique  dite  par  Wilhem  à  Béatrix  : 

C'est  de  l'aveu  de  votre  père 
Qu'ici  je  vous  parle  d'amour. 

A  la  fin  du  premier  acte,  on  a  distingué  aussi  un  joli  morceau  qui 
pourrait  se  désigner  par  le  trio  des  fleurs. 

Un  duo  d'amitié  expansive  et  dramatique  entre  la  princesse  Marie  et 
Béatrix  ouvre  le  second  acte.  C'est  après  ce  morceau  que  se  trouve  le 
boléro  charmant  que  nous  avons  déjà  cité ,  cette  perle  de  mélodie  en- 
châssée dans  une  harmonie  légère  et  brillante  qui  en  fait  ressortir  au 
mieux  le  caractère  ibérien.  Les  gammes  chromatiques  faites  par  la  voix 
en  descendant  sont  répondues  en  mouvement  contraire  par  la  flûte 
d'une  façon  neuve  et  charmante  ,  faites  surtout  par  la  voix  flexible  et 
pure  de  Mlle  Miollan,  qui  montre  clans  ce  joli  rôle  de  Mesengère  les 
deux  facultés  qui  semblent  s'exclure  l'une  l'autre,  d'actrice  et  de  can- 
tatrice . 

Après  ce  morceau ,  qui  a  été  hissé  et  qui  le  sera  probablement  encore 
aux  représentations  suivantes,  vient  le  trio  des  passages  de  la  Bible  lus 
par  Mathéus.  La  mélodie  en  est  simple,  grave  et  onctueuse,  paternelle 
et  amoureuse,  répétée  qu'elle  est  par  les  deux  amants.  Ce  trio  gagne- 
rait beaucoup  à  se  voir  débarrassé  d'une  coda  en  lieux  communs  de 
musique  vocale  beaucoup  trop  prolongée. 

Ici  se  trouve  un  grand  morceau  d'ensemble,  un  septuor  con  cori,  que 
le  compositeur  croit  sans  doute  la  pièce  capitale  de  sa  partition  :  nous 
pensons  qu'il  se  trompe  s'il  en  est  ainsi.  C'est  du  Donizetti,  du  Verdi  ; 
ce  n'est  point  de  la  musique  dramatique  profondément  creusée  dans 
le  cœur  humain,  exprimant  et  la  haine,  et  l'orgueil,  et  l'amour,  et  la 
vengeance,  comme  le  final  du  second  acte  de  Montano  et  Stéphanie  , 
développant  absolument  la  même  situation  que  celle  que  M.  Grisar 
avait  à  peindre.  Berton  me  disait  qu'il  se  trouva  tout-à-coup  arrêté  au 
milieu  de  ce  vaste  morceau,  sans  pouvoir  le  continuer,  et  que  ce  ne 
fut  qu'au  bout  de  deux  mois  que  l'inspiration  et  les  idées  lui  revinrent 
à  cet  endroit  où  Montano  dit  : 

Leonati,  tous  nos  nœuds  sont  rompus; 

A  votre  fille  je  renonce, 

Reprenez-la,  je  n'en  veux  plus! 

Le  chœur  des  buveurs  de  bière  par  lequel  commence  le  troisième 
acte  du  Carillonneur  de  Bruges  est  verveux  comme  si  ceux  qui  le 
disent  avaient  bu  du  bourgogne  ou  du  Champagne.  C'est  chaud,  éner- 
gique, bruyant  et  brillant. 

Le  trio  entre  Mathéus,  Mesengère  et  Béatrix  est  dans  de  bonnes 
conditions  de  musique  pathétique.  On  se  prend  à  penser  que  la  substi- 
tution de  la  main  de  Béatrix  à  celle  de  Mesengère,  moyen  simple,  tou- 
chant et  vrai,  trouvé  par  le  poète,  a  dû  bien  inspirer  le  compositeur. 
Enfin  des  couplets  d'une  suave  mélodie,  avec  accompagnement  de  vio- 
loncelles, sont  chantés  par  Mlle  Wertheimber,  qui  débutait,  ainsi  que 
nous  l'avons  dit,  par  le  rôle  de  Béatrix,  personnage  dans  lequel  la  jeune 
lauréate  du  Conservatoire  prouve  son  aptitude  à  jouer  le  drame  lyri- 
que, comme  elle  nous  l'avait  montré  clans  les  fragments  de  l'Orphée  de 
Gluck.  Sa  carrière  s'ouvre  sous  d'heureux  auspices  comme  cantatrice 
expressive  et  tragédienne. 

Mlle  Révilly  a  été  charmante  de  costume  et  d'intelligence  dramatique 
dans  le  personnage  de  Marie  de  Brabant.  MM.  Sainte-Foy  et  Riquier 
jettent  tout  le  comique  dont  ils  sont  capables,  et  ce  n'est  pas  peu  dire, 
dans  leurs  personnages  de  Van  Bruck  et  de  don  Juan,  et  M.  Boulo,  tou- 
jours consciencieux  et  bien  placé  dans  tous  les  rôles  qu'on  lui  confie,  a 


été  dans  le  capitaine  Wilhelm  ce  qu'il  est  partout.  Complimenter  le 
théâtre  de  l'Opéra-Comique  sur  la  fraîcheur  de  ses  costumes  et  la  vé- 
rité de  ses  décors,  c'est  tomber  dans  un  lieu  commun  de  louange;  mais 
il  faut  dire  la  vérité,   toute  banale  qu'elle  est. 

Henri  BLANCHARD. 


CONCERTS. 

Société  Sainte-Cécile.  —  MM.  Alartl  et  l'rancnomme.  — 
La  loge  maçonnique  «les  Frêrcs-unis-iiiséparables.  — 
Mlle  Cliarlottc  «le  Mallet'ille.  —  Mlle  Joséphine  lingot. 

—  L'Œuvre  «les  familles  —  Mlle  Virginie  Le  Normand. 

—  M.    Oennaro   Ferrclîi.    —    M.   Srarel.  —  M.    Roger   et 
Mlle  4-laiiKS.  —  Concours  «le  musiques  militaires. 

La  sorte  d'instrumentistomanie  qui  règne  maintenant  dans  l'art 
musical  a  fait  naître  de  nouveaux  dilettanli  qui  ne  se  plaisent  plus 
qu'aux  œuvres  écrites  pour  l'orchestre  ;  et  ce  sont  surtout  les  sym- 
phonies et  les  ouvertures  que  ces  auditeurs  aiment  généralement  à  en- 
tendre exécuter  par  la  Société  Sainte-Cécile,  qui  s'est  posée  en  rivale 
redoutable  de  la  Société  des  Concerts.  La  troisième  séance  donnée  par 
les  artistes  si  bien  dirigés  par  M.  Séghers,  a  commencé  par  la  chaleu- 
reuse ouverture  d'Oberon,  suivie  d'un  duo  chanté  par  Mme  Ugalde  et 
Mlle  Vavasseur,  et  d'une  Ronde  de  nuit,  en  chœur,  dans  l'intérieur  du 
Sérail,  ce  qui  forme  le  final  du  premier  acte  de  cet  opéra.  L'ouverture 
est  trop  consacrée  par  l'admiration  des  amateurs  pour  n'avoir  pas 
paru  supérieure  aux  morceaux  de  chant  qui  sont  venus  ensuite.  Quoi 
qu'il  en  soit,  l'originalité  de  Weber  s'est  montrée  dans  les  deux  moiv 
ceaux  qui  ont  suivi  l'ouverture  et  qu'on  n'avait  pas  encore,  que  nous 
sachions,  exécutés  dans  Paris.  Les  soli  de  chant  ont  été  fort  bien  dits  par 
les  deux  habiles  cantatrices,  et  puis  est  revenue  une  belle  œuvre  instru- 
mentale, la  symphonie  en  sol  mineur  de  Mozart.  Il  y  auraitbien  des  choses 
à  dire  sur  cette  œuvre  tout  empreinte  de  mélancolie  et  de  passion,  dans 
les  quatre  morceaux  duquel  règne  un  peu  trop  cependant  l'imitation 
obstinée  ,  excepté  clans  le  trio  en  sol  majeur  du  minuetto,  qui  a  été 
bissé.  Le  premier  cor  a  failli  deux  fois  dans  ce  trio,  comme  s'il  y  ren- 
contrait ce  stupide  ut  de  poitrine  qui  a  fait  sombrer  tous  les  ténors  de 
France  et  de  Navarre  et  de  mille  autres  lieux. 

Le  Rosier,  romance  de  J.-J.  Rousseau,  a  été  chantée  avec  assez  dé 
grâce,  de  douceur  et  de  justesse  par  Mme  Carmen,  Mlles  Rosay,  Ber- 
nard et  Dupuy.  Le  Vin  des  Gaulois  et  la  Danse  de  l'épée  est  une  lé- 
gende bretonne  pour  voix  d'homme  en  chœur  composée  par  M.  Gou- 
nod,  et  qui  a  de  la  vigueur  et  de  l'originalité. 

Mme  Ugalde  a  dit  la  tyrolienne  de  Betly,  de  feu  Donizetti,  avec  cette 
audace  de  vocalisation  qui  caractérise  le  talent  de  Imprima  donna  de 
l'Opéra-Comique.  Enfin,  l'ouverture  de  Piaïm  a  fermé  ce  concert  inté- 
ressant. Ce  morceau,  comme  tout  ce  qu'a  écrit  M.  Reber,  est  bien  fait, 
bien  écrit,  bien  instrumenté;  remarquable  parla  richesse  et  le  mouve- 
ment de  l'instrumentation. 

—  La  troisième  séance  de  musique  de  chambre  donnée  par  MM.  Alard 
et  Franchomme  avait  attiré  une  aussi  bonne  compagnie  que  les 
précédentes.  C'est  toujours  même  style,  même  perfection,  même  fini 
d'exécution;  c'est  la  vie  actuelle  dans  la  musique  du  passé.  L'andante 
avec  variations  et  le  minuetto  alla  zingarese,  d'Haydn  ,  ont  été  trouvés 
ravissants  par  l'auditoire.  Les  fragments  d'un  duo  pour  piano  et  vio- 
loncelle, par  Mendelssohn,  musique  d'une  époque  plus  rapprochée  de 
nous,  n'ont  pas  produit  autant  d'effet  que  la  musique  d'Haydn,  de  Mo- 
zart et  de  Beethoven,  ces  trois  génies  qui  semblent  avoir  embelli,  per- 
fectionné toutes  les  formes  de  l'art,  et  qui  ont  de  si  habiles  interprètes 
en  MM.  Alard,  Armingaud,  Casimir  Ney,  Déledicque  et  Franchomme. 

—  La  salle  de  concerts  des  artistes-musiciens ,  sise  au  boulevart 
Bonne-Nouvelle  (ancien  Diorama) ,  offrait  un  coup  d'œil  assez  pittores- 
que dimanche  passé.  On  y  donnait  une  séance  musicale  et  quelque  peu 
dramatique.  Les  artistes  et  plusieurs  auditeurs  étaient  ornés,  décorés 
de  cordons  bleus,  rouges,  de  chevaliers,  de  commandeurs,  qui  nous 


)E  PARIS. 


59 


ont  fait  penser  un  moment  que  le  hasard  nous  avait  poussé  au  sein  de 
quelque  congrès  européen.  Il  n'en  était  heureusement  rien.  Ces  di- 
gnitaires enrubanés  représentaient  seulement  des  grands  roses-croix, 
des  Frères  orateurs,  tuileurs,  de  l'ordre  maçonnique,  qui  avaient  prié 
leurs  frères  virtuoses  do  venir  déposer  sur  l'autel  de  la  bienfaisance  et 
pour  des  frères  malheureux,  des  duos,  des  trios,  cavatines,  roman- 
ces, soli,  chansonnettes,  qui  ont  formé  un  charmant  programme  dont 
il  esl  résulté  un  concert  varié  et  productif.  Lancer  un  madrigal  à 
Chacun  des  artistes  qui  ont,  figuré  dans  ce  concert  serait  un  peu  long. 
Nous  nous  bornerons  donc  à  dire  qu'on  a  remarqué  dans  cette  abon- 
dante et  riche  exhibition  musicale  un  excellent  trio  do  M.  Bellon  pour 
llùic,  hautbois  et  cor  anglais,  fort  bien  dit  par  MM.  Petiton  ,  Blainville 
et  Triébert  ;  des  chansonnettes  villageoises,  chantées  délicieusement 
par  Mme  Charles  Ponchard ,  et  non  moins  délicieusement  accompa- 
gnées sur  le  hautbois  par  ce  même  Triébert  ;  la  Sentinelle  ,  ce  chant 
guerrier  et  chevaleresque  de  Choron ,  du  temps  de  l'empire,  orné  de 
variations  de  pianos,  violon  et  guitare,  par  Hummel ,  et  dit  par 
MM.  Ponchard,  Franck ,  Léopold  Dancla  et  Coste.  MM.  Panseron  , 
comme  compositeur  et  accompagnateur,  Wartel,  Bussine  et  Mlle  Tille- 
mont,  premiers  prix  du  Conservatoire,  se  sont  associés,  comme  chan- 
teurs et  philanthropes,  à  cette  bonne  œuvre.  Honneur  donc  à  ces  ar- 
tistes et  à  la  loge  maçonnique  des  Frères-unis-inséparables  ! 

Honneur  aussi  à  l'Œuvre  des  familles,  excellente  et  active  institution 
de  bienfaisance  à  laquelle  ont  bien  voulu  prêter  le  concours  de.  leurs 
talents,  dans  un  concert  qui  a  été  donné  dans  la  salle  Sainte-Cécile, 
Mlle  Nau,  Mlle  Joséphine  Martin,  Mme  Comettant,  MM.  Hermann-Léon, 
Jourdan  ,  Chaudesaigues ,  Offenbach ,  Garimond  ,  Batiste  pour  les 
chœurs,  et  Déledicque,  qui  a  dit,  en  violoniste  habile  et  distingué,  la 
fantaisie  sur  la  Favorite  de  son  maître  Alard. 

—  C'est  surtout  à  Mlle  Charlotte  de  Malleville  que  la  qualification  de 
virtuose  habile  et  distinguée  convient,  comme  pianiste  disant  égale- 
ment bien  la  musique  classique  et  celle  en  style  moderne.  Cette  jeune 
et  brillante  artiste  a  donné  samedi  dernier  la  première  des  quatre  séan- 
ces dans  lesquelles  elle  se  produit  tous  les  ans.  Haydn,  Mozart,  Beetho- 
ven, Weber,  Mendelssohn,  Onslow  et  même  Scarlati,  sont  les  auteurs 
qu'elle  se  plaît  à  interpréter  et  par  lesquels  elle  plaît.  En  la  félicitant  de 
ne  pas  faire  entendre  la  fantaisie  moderne  dans  ses  séances  d'excellente 
musique,  on  se  prend  cependant  à  désirer  de  lui  voir  colorer  d'un  peu 
de  fantaisie  et  de  chaleur  son  exécution  si  nette  et  si  brillante.  Elle  a 
dit,  dans  cette  première  séance  ,  le  grand  trio  de  Beethoven ,  dédié  à 
l'archiduc  Rodolphe ,  avec  toutes  les  finesses  et  la  vigueur  de  style, 
d'exécution  que  réclame  ce  bel  œuvre;  et  puis  elle  a  joué,  dignement 
secondé  par  M.  Maurin,  la  sonate  du  même  compositeur  pour  piano  et 
violon,  et  dédiée  à  Kreutzer,  de  manière  à  provoquer  de  nombreux 
applaudissements,  dont  son  partner  a  mérité  une  bonne  part. 

—  Mlle  Joséphine  Hugot  a  passé  d'interprète  de  la  téléphonie  de 
M.  Sudre  à  l'état  de  cantatrice  expressive  et  dramatique  ;  elle  prononce 
bien,  très-bien,  trop  bien  peut-être,  les  paroles  parfois  insignifiantes  des 
romances  sentimentales  qui  parsèment  la  plupart  des  programmes  de 
concerts.  Quoi  qu'il  en  soit,  elle  a  donné  une  fort  jolie  matinée  musi- 
cale dernièrement  chez  Pleyel,  dans  laquelle  elle  a  chanté  avec  goût  et 
un  profond  sentiment  musical,  du  français  et  de  l'italien.  D'intéressantes 
individualités  musicales,  que  le  public  aime  à  voir  se  produire,  se  sont 
dessinées  dans  ce  concert  :  M.  Van  Gelder,  le  violoncelliste  ;  M.  Louis 
Lacombe,  l'habile  pianiste  ;  puis  MM.  Bussine  jeune,  Latry  et  Julien , 
noms  encore  peu  connus  du  monde  musical  ;  Mme  Sievers  enfin,  dont 
la  renommée  ne  s'est  pas  beaucoup  occupée  non  plus,  mais  qui  n'en 
compose  pas  moins  de  fort  jolies  mélodies,  et  qui  chante,  et  qui  s'ac- 
compagne sur  le  piano,  d'une  manière  élégante  et  brillante,  des  canti 
ioscani,  d'un  compositeur  qui  paraît  vouloir  devenir  à  la  mode,  et  qui 
a  nom  Gordigiani. 

M.  Charles  Dancla,  l'un  de  nos  meilleurs  violonistes,  a  dit  dans  ce 
concert  un  fort  bon  solo  de  violon  de  sa  composition,  et  qui  a  été  aussi 
généralement  que  justement  applaudi.  «  Coup  d'archet  vif  et  brillant, 


jeu  pur,  large  et  plein  de  goût,  méthode  irréprochable,  même  dans  les 
traits  les  plus  osés,  telles  sont  les  qualités  qui  distinguent  cet  éminent 
virtuose.  »  Pas  mal  jugé,  ma  foi,  pour  un  journal  de  province  qui  ap- 
précie ainsi  l'artiste  parisien. 

—  Quelques  circonlocutions  que  fasse  notre  plume  dans  son  itiné- 
raire à  travers  les  programmes,  il  faut  toujours  qu'elle  en  revienne  à 
signaler  quelque  nouveau  ou  nouvelle  pianiste.  Voici  venir  et  monter 
sur  l'estrade  de  la  publicité,  chez  Pleyel,  Mlle  Virginie  Le  Normand, 
jeune  virtuose  d'une  quinzaine  d'années,  au  jeu  vif,  alerte,  mouve- 
menté, qui  n'exécute  guère,  à  ce  qu'il  paraît,  que  de  la  musique  nou- 
velle. C'est  peut-être  le  moyen  de  se  faire  un  succès  d'auteur,  d'édi- 
teurs et  d'amateurs. 

—  M.  Gennaro  Perrelli,  le  pianiste  sicilien  dont  nous  avons  déjà 
parlé,  a  donné  un  concert  dans  la  petite  salle  Sainte-Cécile,  concert 
substantiel  par  le  nombre  des  morceaux  de  musique  légère.  M.  Perrelli 
possède  un  talent  léger  de  pianiste,  au  toucher  facile  et  gracieux  ;  il  a 
refait  à  sa  manière  les  fantaisies  sur  le  Barbiere  et  la  Norma  des  pre- 
miers virtuoses  du  piano.  Il  en  avait  le  droit,  et  il  doit  s'en  applaudir,  car 
on  l'applaudit  en  écoutant  ces  mélodies  toujours  charmantes,  pas  trop 
mal  arrangées  ;  et  puis  M.  Perrelli  distribue  à  ses  auditeurs  de  jolies 
petites  pièces  intitulées  le  Carillon,  la  Danse  albanaise,  etc.,  qu'il  joue 
fort  agréablement;  et  bénéficiaire  et  public  se  sont  retirés  fort  contents 
l'un  de  l'autre. 

—  Dans  une  soirée  artistique,  et  même  quelque  peu  aristocratique, 
donnée  par  M.  Erard,  les  choses  se  sont  passées  un  peu  plus  sérieuse- 
ment, quoique  non  moins  agréablement.  Mme  la  comtesse  de  Sparre  a 
dit  avec  un  profond  sentiment  musical  une  des  belles  mélodies  de  Schu- 
bert, et  puis  un  duo  de  la  Gazza  ladra  avec  Mlle  Ida  Bertrand,  qui  a 
chanté  ensuite  un  bel  air  de  Roméo,  de  Vaccai,  morceau  d'un  grand 
effet  vocal  et  dramatique. 

Rêveries  et  broderies,  étincelles  musicales  scintillantes  comme  des 
pierreries,  ont  été  jetées  ensuite  à  cet  auditoire  de  femmes  distinguées 
par  la  harpe  de  Félix  Godefroid,  qui  ne  s'est  jamais  montré  plus  riche 
de  mélodies  et  d'harmonie,  et  plus  abondant  en  traits  tout  à  la  fois 
énergiques  et  mystérieux,  suaves  et  brillants. 

La  nuit  ne  pouvait  guère  se  passer  sans  que  le  piano  dit  aussi  son 
mot,  fût  représenté  chez  son  créateur,  son  père.  C'est  M.  Léopold  de 
Meyer  qui  s'est  chargé  d'être  son  interprète.  Semblable  à  ces  héros  de 
salon,  à  ces  petits  maîtres  qui  s'emparent  de  l'attention,  et  tiennent  on 
ne  peut  mieux  le  dé  de  la  conversation,  le  Bosco  du  piano,  l'escamoteur 
de  toutes  difficultés,  de  toute  impossibilité,  s'est  mis  à  jaser  de  tout  au 
moyen  de  ses  dix,- on  aurait  dit  de  ses  vingt,  de  ses  trente  doigts,  fai- 
sant parler  le  clavier,  évitant  sans  cesse  la  cadence  finale  ou  le  point 
tenninatif  de  la  phrase  pour  prolonger  sa  brillante  causerie,  et  tout 
cela  s'est  terminé  par  un  coup  de  foudre  en  harmonie  plaquée  qui  a 
prouvé  que  le  virtuose  sait  déployer  autant  de  vigueur  que  de  grâce  et 
de  légèreté  dans  une  péroraison  de  vague  fantaisie. 

—  Une  soirée  du  même  genre,  une  sorte  de  nuit  vénitienne,  musi- 
cale et  dansante,  a  été  donnée  par  Roger,  de  l'Opéra,  dans  son  hôtel- 
boudoir  de  la  rue  Turgot.  L'aristocratie  de  l'intelligence  et  du  talent 
était  là,  coudoyant  et  marchant  l'égale  de  toutes  les  autres.  Roger  a 
donné  le  signal  de  l'inauguration  de  ce  joli  temple  des  arts  et  du  coin- 
fort,  en  chantant  une  expressive  mélodie.  Haumann,  l'habile  violoniste, 
y  a  fait  une  brillante  réapparition,  et  Mlle  Clauss,  la  pianiste  allemande, 
s'y  est  fait  entendre  aussi.  Et,  à  propos  de  cette  jeune  virtuose,  nous 
avons  regret  que  l'espace  ne  nous  permette  pas  d'entrer  dans  le  détail 
de  chacun  des  morceaux  qu'elle  a  joués  au  second  concert  donné  pat- 
elle mercredi  dans  la  salle  Herz.  Mais  qu'importe  cette  énumération  ? 
Ne  sait-on  pas  son  aptitude  à  saisir  tous  les  styles?  N'a-t-on  pas  appré- 
cié tout  d'abord  à  son  premier  voyage  à  Paris  sa  facilité  brillante,  la 
variété  de  son  mécanisme,  dans  lequel  elle  puise  légèreté,  force  et 
suavité,  même  en  jouant  les  fugues  de  Bach?  La  ténuité  de  son  jeu  lié) 
de  son  doigter  rationnel,  le  son  plein,  rond  et  puissant  qu'elle  fait  ren- 
dre à  la  touche,  la  placent  au  rang  de  nos  premières  pianistes,  et  tous 


6.0 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSiCALE 


ses  auditeurs  le  lui  ont  bien  prouvé  par  d'unanimes  applaudissements. 

■ —  Il  a  beaucoup  de  proverbes  faux,  entre  autres  celui-ci  :  Qui  n'en- 
tend qu'une  cloche  ri  entend  qu'un  son,  car  le  son  d'une  cloche  est 
complexe  et  produit  simultanément  plusieurs  intonations,  plusieurs  ac- 
cords mineurs  ou  majeurs.  C'est  en  vertu  de  ce  proverbe  cependant 
que  l'état-major  de  la  garde  nationale  a  voulu  entendre  plusieurs  har- 
monies, a  mis  en  antagonisme  la  musique  de  la  garde  nationale  et  les 
instruments  de  cuivre  fabriqués  par  M.  Sax,  qui,  disait-on,  offriraient 
la  possibilité  de  faire  des  économies.  La  lutte  a  eu  lieu  dans  la  cour 
du  Palais-Royal,  lundi  passé,  et  rien  n'a  manqué  à  ce  combat  artistique  : 
officiers  supérieurs  et  section  musicale  de  l'Institut  sur  les  balcons; 
jolies  femmes  sur  les  terrasses ,  venues  là  pour  chercher  des  com- 
motions nerveuses  au  moyen  d'une  harmonie  cuivrée,  et  renforcée 
de  grosses  caisses  et  pas  mal  de  tambours  ;  applaudissements  et  chuts 
des  romains-auditeurs  des  deux  partis,  mais  qui  nous  ont  paru,  pour 
être  juste,  plus  nombreux  parmi  la  guerrière  bourgeoisie.  Tout  cela 
semblait  assimiler  les  murs  du  Palais-Royal  à  ceux  de  l'antique  Jéricho, 
ou  à  ce  palais  idéal  dans  lequel  se  rendra  l'humanité  tout  entière  pour 
y  subir  le  jugement  dernier,  proclamé  aux  sons  de  sept  trompettes  re- 
tentissantes. 

Sans  employer  les  ligures  bibliques,  M.  Sax  dit: 

«  Le  maréchal  Soult,  ministre  de  la  guerre  en  1845,  nomma  à  cette 
époque  une  commission  chargée  de  la  réorganisation  de  la  musique 
militaire.  Sax,  désigné  pour  faire  partie  de  cette  commission,  se  récusa. 
Le  résultat  du  concours  qui  eut  lieu  au  Champ-de-Mars  fut  complète- 
ment favorable  à  ce  facteur  progressif  pour  les  deux  musiques  d'in- 
fanterie et  de  cavalerie. 

»  Aujourd'hui,  pour  la  garde  nationale,  cette  question  est  de  nouveau 
soulevée;  seulement,  on  met  en  lutte  la  musique  d'infanterie  et  celle 
de  cavalerie,  ce  qui  est  peu  rationnel. 

»  On  prétend,  et  en  cela  on  ne  dit  pas  la  vérité,  que  Sax  veut  faire 
supprimer  les  instruments  de  bois  dans  les  musiques  d'infanterie.  Au 
lieu  de  cela,  c'étaient  les  deux  systèmes,  proposés  par  lui  en  1845  que 
l'on  a  mis  en  présence.  Bien  loin  de  vouloir  supprimer  les  bois,  Sax 
vient  simplement  proposer  aujourd'hui  de  nouvelles  modifications,  une 
association  de  timbres  nouveaux  enfin,  mais  qui  n'exclut  pas  le  moins 
du  monde,  dans  l'infanterie,  les  instruments  en  bois.  » 

Voici  la  nouvelle  organisation  : 

2  Flûtes, 

2  Petites  clarinettes, 

6  Clarinettes, 

2  Hautbois, 

2  Bassons  militaires, 

2  Saxophones  sopranos  en  si  bémol, 

2  —  altos  en  mi  bémol, 

2  —  basses  en  mi  bémol, 

2  Cornets  à  pistons, 

2  Cors  à  pistons, 

3  Trompettes  à  cylindres, 
3  Trombones. 

Plus: 

1  Petit,   saxhorn  aigu  en  si  bémol, 

1  —  soprano  en  mi  bémol, 

2  —  contralto  en  si  bémol, 
U           —  alto  ténor  en  mi  bémol, 
2             —  baryton  en  si  bémol, 
l)           —  basse  en  si  bémol , 
2            —  contrebasses  en  mi  bé- 
mol et  si  bémol. 

1  Grosse-caisse,  , 

1  Caisse  roulante,  Batterie. 

2  Cymbales.  / 

Sax  demande  :  «  Que  serait  l'orchestre  de  symphonie  s'il  n'y  avait 
par  une  famille  d'instruments  comme  celle  des  violons  pour  constituer 
le  fond  de  cet  ensemble?»  Eh  bien,  pour  représenter  cette  famille 
dans  la  musique  militaire,  le  facteur  artiste  et  consciencieux  propose 
en  instruments  de  cuivre  la  seule  famille  complète  des  saxhorns ,  in- 
struments qui  ont  le  plus  de  puissance  de  son.  Si  la  première  condition 
de  toute  musique  militaire  est  d'être  vigoureuse  ,  belliqueuse  ,  entraî- 


Dans  cette  réunion  d'instruments  se 
trouve  toute  l'échelle  des  difl'érents 
timbres,  un  orchestre  complet  de  fan- 
fares, et  le  fond  de  la  musique  mili- 
taire, c'est-à-dire  ce  que  sont  les  in- 
struments à  cordes  pour  l'orchestre  de 
symphonie. 


nante  ;  si,  pour  éviter  la  monotonie,  elle  doit  se  distinguer  par  une 
grande  variété  de  timbres,  pour  plaire  même  dans  une  salle  de  con- 
certs, vous  trouverez  dans  le  système  d'organisation  ci-dessus  énoncé 
tout  ce  qui  plaît  dans  les  orchestres  de  symphonies,  moins  les  violons, 
et  en  plus,  pour  les  musiques  militaires,  les  grandes  clarinettes  en  nom- 
bre intelligent  et  suffisant,  une  petite  clarinette  de  plus  que  dans  le 
vieux  système,  et  les  familles  de  saxophones  et  de  saxhorns. 

Pour  en  finir,  nous  adresserons  cet  argument  péremptoire  à  M.  Sax  : 
Pourquoi  n'a-t-il  pas  opposé  à  ses  adversaires  un  orchestre  formé  des 
éléments  que  nous  venons  de  mettre  sous  les  yeux  du  lecteur  ?  Pour- 
quoi donc  a-t-il  souffert  que  sa  fanfare,  qui  représente  un  régiment, 
ait  lutté  contre  un  corps  d'armée?...  Peut-être  parce  qu'il  savait  d'a- 
vance que  le  statu  quo  serait  maintenu. 

Henri  BLANCHARD. 


VIVIER  A  ROUEN. 

C'était  l'autre  samedi,  jour  de  la  fête  annuelle  qui  se  donne  au  profit 
des  crèches.  Un  concert  précédait  le  bal ,  et ,  pour  ce  concert ,  Rouen 
avait  levé  dans  Paris  une  petite  milice  auxiliaire  d'artistes.  Mme  Gavaux- 
Sabatier,  escortée  de  MM.  Michel  et  Grignon,  de  FOpéra-National ,  y 
apportait  sa  voix ,  qu'on  entend  souvent ,  mais  qu'on  est  toujours  ravi 
d'entendre ,  et  Vivier,  ce  cor  trop  longtemps  silencieux ,  mais  qui  ne 
retentit  jamais  sans  produire  un  effet  extraordinaire.  Ce  qui  vient  de 
se  passer  à  Rouen  nous  en  fournit  une  nouvelle  preuve.  L'impression 
a  été  vive  et  profonde  :  l'artiste  lui-même  l'a  ressentie,  et  s'est  presque 
étonné  de  son  succès,  comme  la  foule  d'un  talent  dont  elle  ne  se  faisait 
pas  l'idée. 

Voici  comment  s'exprime  Amédée  Méreaux ,  dans  un  feuilleton  écrit 
le  lendemain  :  «  Vivier  n'était  connu  à  Rouen  que  par  sa  célébrité  eu- 
ropéenne :  on  n'avait  pas  encore  eu  le  bonheur  de  l'entendre.  Nous  le 
connaissions,  nous,  et  nous  n'avions  pas  craint,  en  l'annonçant,  de  le 
placer  trop  haut  pour  tout  autre  que  pour  lui  !...  Vivier  est  un  artiste  à 
part.  Il  a  été  sans  modèle  :  il  sera  sans  imitateurs....  Ce  talent  original, 
communicatif,  cette  largeur  de  style,  ce  chant  plein  d'expression,  et 
ces  effets  harmoniques,  dont  il  est  impossible  de  comprendre  le  secret, 
cet  ensemble  merveilleux  donna  tout  d'abord  à  Vivier  une  réputation 
prodigieuse,  sous  laquelle  plus  d'un  artiste  aurait  succombé,  mais  avec 
laquelle  il  a  sans  cesse  grandi. 

»  Vivier  n'a  pas  eu  de  maître  pour  l'instrument  dont  il  tire  un  si 
miraculeux  parti.  Qui  aurait  pu  lui  enseigner  ce  qu'il  était  appelé  à 
créer  ?  Doué  d'une  riche  et  forte  organisation  musicale,  dont  il  a  fait 
preuve  en  écrivant  plusieurs  compositions  vocales  très-remarquables, 
telles  que  les  deux  mélodies  l'Oiseau  mort  et  l'Enfant  s'endort ,  il  a 
consacré  ses  puissantes  facultés  à  l'étude  d'un  instrument  qui  n'existait 
pas  avant  lui  tel  qu'il  nous  l'a  fait  connaître.  Son  cor  harmonique,  il 
est  bien  nommé  ainsi ,  est  une  merveille.  Hier,  après  ces  cantilènes 
qu'il  chante  avec  tant  d'âme,  d'onction  et  de  tendre  mélancolie,  on  a 
été  stupéfait  d'entendre  cette  harmonie  à  deux,  trois  et  quatre  parties, 
qui  sortent,  on  ne  sait  par  quelle  magie,  de  son  cor  enchanté. 

»  L'enthousiasme  du  public  n'a  pas  pu  se  satisfaire  en  applaudisse- 
ments, en  acclamations  :  il  a  fallu  un  bis,  un  rappel ,  non  plus  de  la 
personne  de  l'artiste  seulement ,  mais  de  son  talent,  de  son  cor,  et  de 
ce  morceau  qui  venait  de  ravir  tout  le  monde.  Avec  une  grâce  du  meil- 
leur goût,  et  dont  nous  ne  pouvons  trop  le  remercier,  Vivier  a  consenti 
à  faire  encore  une  fois  le  bonheur  de  son  auditoire.  Il  est  revenu  jouer 
sa  fantaisie,  qu'il  a  ravivée  par  de  charmantes  variantes,  dans  les- 
quelles il  a  prolongé  ces  effets  harmoniques,  qui  saisissent  et  dont  on 
ne  peut  se  rendre  compte. 

»  Vivier  laisse  à  Rouen  de  grands  souvenirs.  Espérons  qu'il  revien- 
dra nous  ravir  encore,  et  dussions-nous,  comme  c'est  probable,  ne 
jamais  le  comprendre,  nous  voulons  l'admirer  toujours. 

»   N'oublions  pas  qu'au  milieu  de  ces  merveilles  parisiennes,  un  ar- 


DE  PARIS. 


tiste  de  notre  ville  a  soutenu  dignement  l'honneur  du  corps  des  artistes 
de  Rouen.  M.  Chemin  a  joué  d'une  manière  très-distinguée  sur  le  haut- 
bois une  fantaisie  de  sa  composition,  qui  lui  a  valu  de  sincères  et  una- 
nimes applaudissements.  » 

Ce  qu'il  ne  faut  pas  oublier  non  plus,  c'est  que  Vivier  n'a  pas  voulu 
seulement  enrichir  les  crèches  par  son  talent ,  et  qu'il  a  plus  que  par- 
tagé avec  elles  le  prix  d'un  voyage  dont  il  n'a  gardé  tout  entier  que 
l'honneur. 

SOLFEGE  DES  ÉCOLES  ET  SOLFEGE  DES  CHÀNTEORS, 

par  J.    KliHN. 

On  s'étonne  souvent  du  nombre  toujours  croissant  des  méthodes. 
De  quel  droit?  Il  y  a,  dit-on,  presque  autant  de  méthodes  que  de  pro- 
fesseurs. C'est  qu'en  effet  il  en  doit  être  ainsi,  surtout  pour  les  hommes 
qui  ont  longtemps  pratiqué  l'enseignement  avec  succès  et  avec  honneur. 
Parvenus  à  un  certain  point  de  leur  carrière,  ou  bien  à  l'heure  où  ils  la 
quittent,  ces  hommes  d'art  écrivent  leur  méthode,  comme  les  hommes 
d'État,  les  hommes  de  guerre,  les  administrateurs  écrivent  leurs  mé- 
moires. Ils  rédigent  en  un  corps  de  doctrine  le  résumé  de  leur  expé- 
rience, de  leurs  observations,  de  leurs  tentatives,  et  ils  le  publient  pour 
l'instruction  de  leurs  successeurs,  qui  un  jour  feront  comme  eux. 

Voici,  par  exemple,  M.  Kuhn,  qui  fut,  tant  qu'il  y  professa,  l'une  des 
lumières  du  Conservatoire  de  Paris,  qui  sarvait  sous  la  bannière  de 
l'illustre  Cherubini,  dont  il  s'honorait  d'être  l'élève.  C'est  par  lui  que 
furent  posées  les  bases  de  l'enseignement  élémentaire  ;  ce  sont  encore 
ses  petits  traités  si  simples,  si  clairs,  si  bien  ordonnés,  qui  enseignent 
l'évangile  musical  à  tous  les  néophytes,  sans  distinction  de  sexe  n. 
d'âge.  M.  Kuhn  s'est  retiré  de  l'église  militante,  en  ce  sens  qu'il  a  dit 
adieu  au  Conservatoire,  à  la  grande  ville,  et  qu'il  a  revu  sa  ville  natale, 
Montbéliard.  Pensez-vous  qu'il  y  soit  demeuré  oisif?  Il  y  a  composé 
son  Solfège  des  écoles,  son  Solfège  des  chanteurs.  Il  a  mis  sa  retraite  à 
profit  :  il  a  écrit  ses  mémoires,  et  puis  il  est  revenu  à  Paris  pour  en 
surveiller  lui-même  la  publication.  Maintenant  que  Paris  l'a  reconquis 
il  le  gardera  peut-être,  et  fera  bien. 

Le  Solfège  des  écoles  a  pour  but  principal  l'enseignement  collectif. 
Notre  savant  professeur  était  à  peine  à  Montbéliard,  département  du 
Doubs,  qu'il  rêva  au  moyen  de  le  traiter  en  petit  département  de  la 
Seine.  Il  proposa  au  Conseil  municipal  de  former  un  comité,  par  les 
soins  duquel  les  enfants  fussent  admis  au  bienfait  de  l'éducation  musi- 
cale. Le  Conseil  vota  :  le  comité  se  forma,  nomma  un  professeur,  ou- 
vrit une  école,  et  en  moins  d'une  année  plus  de  cent  enfants,  garçons 
et  filles  séparément,  apprirent  assez  de  musique  pour  être  en  état 
d'aller,  tous  les  dimanches,  à  l'église  chanter  des  cantiques  à  plusieurs 
parties.  Voilà  ce  que  Montbéliard  doit  à  M.  Kuhn,  assisté  de  M.  Sta- 
nislas Bartosewski,  le  professeur  choisi  par  le  comité.  Dans  l'œuvre 
commune,  M.  Kuhn  était  la  pensée,  le  professeur  était  la  voix.  Partout 
où  l'épreuve  sera  tentée  avec  la  même  intelligence,  les  mêmes  résultats 
seront  obtenus.  Partout  où  on  voudra  la  tenter,  le  Sjlfége  des  écoles 
fournira  la  recette,  en  soixante  et  quelques  pages.  L'auteur  ne  donne: 
pas  seulement  la  méthode  :  il  y  ajoute  la  manière  de  s'en  servir. 

Le  Solfège  des  chanteurs  est  la  suite  et  le  complément  du  Solfège 
des  écoles.  Tout  ce  qui  se  trouve  dans  ce  dernier  se  retrouve  néces- 
sairement dans  l'autre  ;  le  point  de  départ  n'a  pas  changé,  mais  le  but 
n'est  plus  le  même.  Il  ne  s'agissait  d'abord  que  de  faire  des  musiciens 
capables  de  chanter  en  chœur  ;  il  s'agit  à  présent  de  préparer  des  chan- 
teurs solistes.  Et  nous  disons  de  préparer,  car  M.  Kuhn  n'a  pas  eu  la 
prétention  d'écrire  une  méthode  de  chant  :  à  d'autres  que  lui  cette 
tâche  si  habilement  remplie  par  des  maîtres  qui  joignent  l'exemple  au 
précepte.  Il  n'a  voulu  qu'enseigner  le  solfège,  de  telle  sorte  que  son 
étude  fût  une  véritable  et  raisonnable  introduction  à  l'art  du  chant. 
Tant  de  fois  le  solfège  a  été  accusé  de  fatiguer  les  voix  ,  de  les  briser 
par  la  violence  et  l'exagération  de  ses  exercices,  que  tous  ses  amis  dé- 
voués, tous  ceux  qui  comprennent  le  mieux  son  utilité,  semblent  au- 


jourd'hui s'être  donné  le  mot  pour  le  ramener  à  la  condition  d'inno- 
cence. M.  Kuhn  y  a  travaillé  plus  que  personne,  et  nous  nous  dispen- 
serons de  démontrer  qu'il  y  a  réussi.  Cent  témoignages  ont  devancé  le 
nôtre:  témoignages  de  ses  collègues,  professeurs  et  membres  du  Co- 
mité des  études  musicales  :  témoignages  de  ses  élèves  les  plus  distin- 
gués, anciens  pensionnaires  du  Conservatoire,  parmi  lesquels  sont 
inscrits  Massol,  Delsarte,  P.évial,  Roger  et  tant  d'autres. 

Le  Snlfége  des  chanteurs,  comme  le  Solfège  des  écoles,  se  présente 
donc  avec  toutes  les  garanties  que  le  public  est  en  droit  d'exiger  et  un 
auteur  en  mesure  d'offrir.  M.  Kuhn  pourrait  dire  en  tou!e  conscience: 
Ej.egi  monui/enlum  ,  si  nous  ne  savions  qu'il  se  réserve  cette  phrase 
sacramentelle  pour  un  autre  ouvrage  qu'il  achève  en  ce  moment,  et 
dans  lequel  il  fera  pour  l'harmonie  ce  qu'il  a  fait  pour  le  solfège.  On 
ne  saurait  lui  demander  plus  ni  mieux. 

P.  S. 


NOTICE 

Mia-  «ni  ancien  livre  relatif  à  la  iiauNi<iiie. 

Ponlus  de  Thyard,  seigneur  de  Bussy,  né  en  1521,  mort  en  1605, 
occupe  parmi  les  poètes  français  du  xviP  siècle  un  rang  honorable.  Ses 
Err-  urs  awourei  ses  (Lyon,  1555),  ses  Œuvres  poétiques  (Paris,  1573), 
sont  loin  d'être  sans  mérite  (1)  ;  mais  ce  n'est  pas  de  ses  vers  que 
nous  avons  à  nous  occuper  ici. 

11  publia  à  Lyon,  en  1542,  sous  le  titre  assez  bizarre  et  un  peu  obscur 
de  Solitaire  premier  ou  prose  de  muses,  un  album  consacré  à  des  con- 
sidérations sur  l'inspiration  poétique  et  à  des  préceptes  littéraires  dont 
des  pièces  de  vers  offraient  immédiatement  l'exemple  (2).  Quelques 
années  plus  tard,  on  vit  sortir  des  presses  lyonnaises  un  Solitaire  se- 
cond, qui  est  demeuré  ignoré  de  presque  tous  les  bibliographes,  et  qui 
est  devenu  d'une  rareté  exrème.  A  la  vente  de  la  belle  bibliothèque  de 
M.  Cailhava,  en  1846,  un  exemplaire,  objet  d'une  lutte  acharnée  de  la 
part  de  plusieurs  amateurs,  s'éleva  jusqu'au  prix  de  175  fr. 

C'est  de  cette  composition,  entièrement  consacrée  à  la  science  musi- 
cale, que  nous  nous  proposons  de  parler  aujourd'hui. 

Le  Solitaire  second  forme  un  volume  in-A°  de  160  feuillets  et  10 
feuillets  non  chiffrés.  Il  est  imprimé  avec  le  soin  et  la  netteté  qui  ca- 
ractérisent les  productions  typographiques  des  frères  de  Tournes.  En 
tête,  le  portrait  de  l'auteur,  barbe  épaisse,  longues  moustaches. 

On  rencontre  d'abord  une  dédicace  à  Pasithée,  nom  sous  lequel  Pon- 
thus  de  Thyard  déguise  la  dame  de  ses  pensées;.  L'orthographe,  de 
même  que  chez  bien  des  auteurs  du  xvie  siècle,  s'écarte  des  règles  ha- 
bituelles : 

«  Si  d'une  diligente  solicitude  jay  quelquefois  satisfet  à  votre  stu- 
»  dieus  désir:  j'espère  que  ma  continuacion  présente  ne  rencontrera 
»  moins  de  gracieuse  faveur  auprès  de  votre  gentil  esprit ,  autant  ami 
»  des  Mathemates,  disciplines  libérales  et  lettres  plus  humeines  qu'en 
»  sont  ennemis  certeins  grossiers  farineus,  ignorant  qu'elles  servent 
»  d'escalier  pour  monter  au  saint  palais  de  Filozofie.   » 

L'ouvrage  se  déroule  sous  la  forme  d'un  dialogue  entre  Pasithée  et 
le  Solitaire;  celui-ci  exalte  l'art  auquel  il  a  consacré  ses  veilles  : 

«  La  Musique  me  semble  si  vivement  raporter  entre  nous  le  vrey 
»  pourtrait  de  la  Tempérance  que  l'ignorant  de  musique  doit  penser 
»  son  aine  estre  boiteuse  et  impuissante  d'arriver  au  but  que  lui  mon- 
»  tre  celle  vertu  non  jamais  assez  louée.  » 

Pasithée  se  montre  jalouse  de  s'instruire,  et  l'entretien  s'engage  de 
la  façon  suivante  : 

(1)  Voir,  à  l'égard  de  cet  écrivain,  les  Mémoires  de  Kicéron,  t.  XXI,  p.  292,  la 
Bibliothèque  française  de  Goujet,  t.  XIV,  p.  3U  ;  la  Bibliothèque  poétique  de 
M.  Viollet  Leduc,  t.  I,  p.  33,  etc. 

(2)  Le  savant  auteur  du  Manuel  du  libraire,  M.  J.-C.  Brunet  ne  mentionne  pas 
une  édition  du  Solitaire  premier  (Paris,  Galiot-Dupré,  sans  date',  qui  s'est  montrée 
dans  quelques  ventes  récentes  ;  il  n'indique  vaguement  qu'une  édition  du  Solitaire 
second,  1552.  Celle  de  1555  lui  est  restée  inconnue.  C'est  une  preuve  de  l'excessive 
rareté  de  ces  volumes,  qui  ne  convenaient  en  effet  qu'à  un  petit  nombre  de  lecteurs 


REVUE  Eï  GAZETTE  MUSICALE 


«  Nonobstant  que  la  musique  soit  en  basse  et  vulgaire  estime  pour 
ce  temps,  si  me  donnez  vous  envie  d'en  ouïr  quelque  chose,  puis  que 
sa  connoissance  est  de  si  excellente  éficace  en  l'élévation  de  l'ame 
par  aliance  avec  la  fureur  poétique,  et  de  ce,  Solitaire ,  je  vous  prie 
me  satisfaire. 

»  De  ce  que  j'en  sais,  Pasitliée,  je  ne  veus  vous  espargner  la  parole  ; 
vray  est  que  je  débatrois  une  chose  trop  confessée  entre  les  doctes  si 
je  ne  travaillois  de  recueillir  les  argumens  desquelz  l'honneur,  et  le 
mérite  de  la  musique  et  de  la  poésie  sont  soutenus.  Chez  les  anciens, 
la  musique  servoit  d'exercice  pour  réduire  l'ame  en  une  parfette 
temperie  de  bonnes,  louables  et  vertueuses  meurs,  esmourant  et 
apaisant,  par  une  naïve  puissance  et  secrette  énergie,  les  passions  et 
afeccions,  ainsi  que  pour  l'oreille  les  sont  estoient  transportés  aux 

parties  spirituelles 

»  Musique  est  une  disposition  de  sons  proporcionables,  séparez  par 
propres  intervalles,  laissant  ans  sens  et  à  la  raison  une  vraie  preuve 
de  sa  consonance  -,  et  d'autant  qu'elle  procède  de  certeins  nombres  et 
mesures  de  voix  et  de  son  pour  s'acomplir,  elle  considère  les  sons, 
harmonies ,  consonances  ,  tons,  intervalles ,  diustemes  ,  systèmes , 
genres  en  espèces,  nuances,  modulations  et  autres  telz  mots  propres 
à  elle.  Le  son  donq  s'engendre  nécessairement  d'un  frapement  d'air 
et  en  figure  ronde  petit  à  petit  augmentée  en  cercle  en  manière  de 
ceus  qu'un  get  de  pierre  forme  en  l'eau,  parvient  à  l'oreille  où  elle  se 
fait  ouïr  diversement;  ores  bas,  si  le  coup  est  lent  ou  tardif;  ores 
haut,  si  le  coup  est  grand  et  soudein  (pour  essay  de  quoy  une  verge 
ou  baguette  maniée  en  l'air  peut  suffire),  duquel  il  faut  tenir  tel 
>  contre  entre  les  musiciens  que  de  l'unité  entre  les  aritméticiens  et 
»  entre  les  géométriens  du  point;  autre  chose  ne  sinifie  il  qu'une  har- 
»  monieuse  estendue  ou  continuation  de  voix.  » 

Suivent  de  très-savants  et  très-abstraits  détails  sur  l'harmonie,  la 
consonnance,  les  intervalles  accordants,  composés  en  simples  et  sur 
les  divers  modes  de  la  musique  grecque.  Des  figures  compliquées  ac- 
compagnent les  détails  techniques  qu'entasse  Pontus  de  Thyard,  et 
que  nous  passons  tout  à  fait  sous  silence.  Il  finit  par  exprimer  un  vœu 
qui  n'a  point  été  exaucé  : 

«  Bien  voudroy  je  que  quelqu'un  ,  plus  hardi  et  plus  que  moi 
»  suûsant,  entreprint  et  vint  à  chef  d'un  art  poétique  aproprié  aus 
»  façons  françoises  ;  je  requerrais  qu'il  prescrit  des  loix  musicales, 
»  nommées  loix  anciennement,  pour  ce  que  selon  leur  disposition  , 
»  laquelle  il  n'estoit  permis  d'enfreindre,  la  mode  de  chanter  et  la 
»  façon  des  rimes  estoient  gardées  inviolablement  ;  joint  que  les  pre- 
»  miers,  privez  de  la  commodité  des  lettres  ausquelles  ils  pussent  fier 
»  la  conservation  de  leurs  loix,  les  chantoient  et  aussi  les  montraient 
»  aus  jeunes,  à  fin  que  le  plaisir  du  chant,  rechanté  souvent,  les  im- 
»  prima  plus  tenamment  en  la  mémoire.  » 

En  terminant  ces  longs  entreliens,  qui  auraient  pu  lasser  la  patience 
de  la  belle  Pasithée,  Ponthus  annonce  le  projet  de  faire  paraître  un 
Solitaire  troisième;  mais  cet  ouvrage,  s'il  a  été  composé,  est  demeuré 
inédit ,  du  moins  nous  n'en  avons  nulle  part  rencontré  la  moindre 

trace. 

C.  B. 


CORRESPONDANCE. 

I.K    PROPHÈTE   A     I,BI>ïiF. 

Notre  ville  vient  de  jouir  de  la  plus  magnifique  mise  en  scène  que  son 
théâtre  ait  jamais  offert.  La  direction,  tombée  il  y  a  quelques  mois  à  peine 
par  suite  d'une  spéculation  purement  mercantile,  vient  de  se  relever,  sous 
une  administration  habile  et  courageuse,  aux  plus  grandes  proportions 
artistiques,  par  l'exécution  du  Prophète. 

Les  journaux  de  la  localité  sont  unanimes  pour  proclamer  l'immense 
succès  de  la  première  représentation  qui  a  eu  lieu  le  13  février;  quelques- 
uns  même  vont  jusqu'à  dire  que  si  l'on  tient  compte  de  l'énorme  dispro- 
portion des  moyens,  le  théâtre  de  Lille  aurait  presque  un  mérite  égal  à 
votre  Grand-Opéra.  Sans  vouloir  discuter  cette  opinion,  jusqu'à  un  certain 
point  légitimée  par  l'étonnant  ensemble  des  masses  chorales,  l'exécution 


supérieure  de  la  partie  orchestrale  et  des  deux  rôles  de  Fidès  et  dm  Pro- 
phète, ou  admire  les  miracles  de  persévérance  et  d'efforts  individuels 
qu'il  a  fallu  pour  amener  à  un  pareil  résultat  la  première  représentation, 
qui  n'est  ordinairement  en  province  que  la  dernière  répétition  générale. 

Les  honneurs  en  reviennent  d'abord  à  M.  Caruel,  directeur,  etBénard, 
chef  d'orchestre.  Vous  connaissez  ce  dernier,  et  vous  savez  qu'il  a  monté 
et  dirigé  les  chœurs  du  Festival,  où  déjà  figurait  le  prêche  des  anabap- 
tistes. Tous  ceux  qui  ont  vu  le  Prophète  à  Paris  peuvent  apprécier  ici  le 
mérite  transcendant  de  M.  Bénard ,  car  il  n'y  a  pas  un  mouvement  qu'il 
n'ait  deviné,  pas  une  nuance  qu'il  n'ait  fait  ressortir.  Disons  que  son  or- 
chestre a  manœuvré  et  reçu  son  impulsion  avec  une  complète  intelligence 
dans  toutes  les  parties  sans  exception  :  aussi  le  public  a-t-il  à  plusieurs 
reprises  témoigné  par  ses  chaleureux  bravos  la  part  spéciale  qui  devait 
lui  revenir.  Cet  orchestre  renferme  beaucoup  d'artistes  d'élite  ;  nous  ne 
pouvons  tous  les  nommer,  mais  aucun  d'eux  ne  blâmera  notre  exception 
en  faveur  de  Baumann,  sa  plus  ancienne  et  sa  plus  solide  gloire  ! 

Il  est  aussi  un  homme  auquel  revient  une  mention  d'autant  plus  juste, 
que  jamais  il  ne  peut  recueillir  directement  les  applaudissements  du  pu- 
blic. . .  A  celui-là,  pourtant,  une  couronne  est  bien  due...,  ne  fût-ce  que 
celle  du  martyr  :  le  régisseur  ne  l 'est-il  pas  effet  pendant  la  première 
représentation,  après  l'avoir  été  durant  toute  les  répétitions!  A  Lille,  cet 
artiste  infatigable  et  consciencieux  est  M.  René,  qui  avait  déjà  monté  le 
Prophète  à  Anvers.  Que  ce  succès  le  récompense  donc  aussi  à  son  tour,  et 
le  guérisse  surtout  de  l'enrouement  obligé  qui  suit  la  mise  en  scène  d'un 
aussi  grand  ouvrage. 

Vous  n'attendez  pas  une  analyse  des  première  et  deuxième  représenta- 
tion ;  toutes  deux  ont  excité  le  même  enthousiasme  et  amené  les  mêmes 
ovations  pour  Fidès,  Mme  Rey-Sainton  ;  le  Prophète,  Octave.  Voilà  donc 
un  grand,  un  légitime  succès  sur  la  scène  de  Lille  ;  et  ce  succès  est  d'au- 
tant plus  étonnant,  qu'il  est  obtenu  malgré  l'avalanche  de  bals  et  de  con- 
certs qui  se  succèdent  ici  chaque  jour,  et  surtout  après  l'influence  d'un 
jubilé  qui  semblait  avoir  mis  à  l'index  les  nobles  jouissances  du  théâtre, 
et  menaçait  le  bien-être  de  300  personnes  chez  lesquelles  l'espoir  et  l'ai- 
sance vont  reparaître  à  la  voix  du  Prophète. 


NOUVELLES. 

%*  Aujourd'hui  dimanche,  par  extraordinaire,  à  l'Opéra,  le  Prophète. 

*  '■*■  Le  Juif  errant  est  plus  que  jamais  en  possession  de  tout  le  person- 
nel et  de  tout  le  théâtre  du  Grand-Opéra.  L'apparition  de  Mlle  Lagrua  dans 
cet  important  ouvrage  est  signalée  d'avance  comme  devant  faire  événe- 
ment. La  jeune  cantatrice  réunit  un  ensemble  de  qualités  tellement  pré- 
cieuses que  son  avenir  n'est  pas  douteux. 

*  *  Lundi  dernier,  le  Prophète,  chanté  par  Gueymard  et  Mlle  Masson, 
avait  complètement  rempli  la  salle. 

*  .*  Guillaume  Tell,  donné  le  mercredi  suivant,  et  dans  lequel  Guey- 
mard chantait  aussi  le  rôle  d'Arnold,  n'a  rien  perdu  de  la  faveur  publique. 

*  *  Vendredi,  la  Juive  nous  a  été  rendue  avec  Mairalt,  qui  reparaissait 
dans  le  rôle  d'Eléazar  ;  Mlle  Dameron  chantait  celui  de  Rachel,  et 
Mlle  Nau,  celui  d'Eudoxie.  Le  jeune  ténor  est  revenu  à  peu  près  tel  qu'il 
était  parti.  Le  chef-d'œuvre  aussi  est  toujours  jeune  et  magnifique. 

*  *  Sophie  Cruvelli  a  chanté  quatre  fois  la  semaine  dernière,  et  porté  à 
elle  seule  tout  le  poids  du  répertoire,  dimanche  dans  Fiddiv,  mardi  dans 
Norma,  jeudi  et  hier  dans  Nabucoionoior.  La  jeune  cantatrice  ne  paraît 
nullement  fatiguée  de  sa  tâche;  au  contraire,  son  talent  grandit  chaque 
jour  et  le  succès  fait  de  même. 

*.*  L'autre  samedi,  Maria  di  Iiohan  avait  été  fort  bien  rendue  par  Fer- 
lotti,  Ida  Bertrand,  Guasco  et  Mme  Fiorentini. 

*  *  Mlle  d'Angri,  qui  chantait  il  y  a  deux  ans  au  Théâtre-Italien  avec 
un  succès  remarquable,  vient  d'être  engagée  pour  plusieurs  représenta- 
tions par  M.  Lumley.  La  célèbre  artiste  se  fera  entendre,  pour  sa  rentrée, 
dans  Vllaliana  in  Algieri,  de  Rossini. 

%*  Hier,  samedi,  la  première  représentation  de  deux  ouvrages  nou- 
veaux a  dû  avoir  lieu  au  théâtre  de  l'Opéra-National.  L'un  est  en  deux 
actes  et  a  pour  titre  les  Fiançailles  des  roses  ;  l'autre  est  en  un  acte,  du 
genre  bouffe,  et  s'appelle  la  Poupée,  de  Nuremberg. 

*.„*  L'Abîme  de  la  Maladetta  est  toujours  en  prespective,  et  le  lointain 
se  rapproche  peu  à  peu. 

%*  MmeStoItz,  dont  nous  avions  annoncé  le  départ  pour  Lisbonne,  ne 
restera  que  quelques  mois  dans  cette  ville.  Elle  se  rendra  de  là  au  Brésil, 
où  elle  est  engagée,  dit-on,  pour  dix  mois,  moyennant  la  somme  de 
120,000  fr. 

V  L'immense  succès  que  Mlle  Clauss  a  obtenu  dans  son  deuxième  con- 
cert a  décidé  la  jeune  artiste  à  en  donner  un  troisième,  qui  est  annoncé 
pour  le  14  mars. 

*J!  M.  Lemmens,  habile  organiste  belge  et  professeur  d'orgue  au  Con- 
servatoire de  Bruxelles,  est  en  ce  moment  à  Paris.  Cet  éminent  artiste, 
dont  nous  avons  plus  d'une  fois  constaté  le  mérite  supérieur,  touchera  le 
nouvel  orgue  de  St-Vincent-de-Paul,  ce  chef-d'œuvre  d'Aristide  Cavaillé- 


DE  PARIS. 


63 


CoiUfils,  le  mercredi,  25  février.;  jjeur  des  Cendres,  à.  deux  heures  préci- 
ses.'Quoique  celte  séance  n'ait  aucun  carariéro  il'1  publicité  solennelle, 
nous  croyons  rendre  un  service  réel  aux  véritables  amatçurs  de  musique 
d'orgue  en  leur  offrant  l'occasion 'd'entendre  et  d'appréoïer  un  beau  talent 
et  un  bel  instrument,  vraiment  dignes  l'un  de  l'autre. 

*„*  Le  troisième  concert  de  Ennst,  annoncé  pour  le  1"  mars,  excjtè  le 
plu«  vif  intérêt  dans  le  monde  musical.  Le  célèbre  violoniste  y  exécutera 
un  des  beaux  quatuors  de  Alendelssohn,  les  airs  hongrois,  son  Carnaval 
de  Venise,  et  avec  Mlle  Clauss,  deux  mouvements  de  la  grande  sonate  de 
Beethoven,  pour  piano  et  violon. 

*„*  Voici  le  programme  du  concert  que  M.  et  Mme  Léonard  donneront 
le  vendredi  soir,  27  février,  à  la  salle  liera.  M.  Léonard  exécutera  un 
grand  concerto  de  sa  composition,  sa  fantaisie  sur  des  motifs  de  Richard- 
Cceur-de-Lion  (à  la  demande  générale),  et  des  variations  sur  un  thème 
d'Haydn.  Mme  Léonard  (née  Antonia  de  Mendi)  chantera  l'air  de  la  Son- 
nambula,  l'air  de  Ccnerentola,  et  des  chansons  espagnoles  de  Garcia. 
Mlle  Grœver,  l'habile  pianiste,  se  fera  entendre  dans  la  même  soirée.  L'or- 
chestre sera  conduit  par  M.  Georges  Bousquet. 

*„,*  La  Société  Sainte-Cécile  donnera  son  quatrième  concert  de  l'abon- 
nement le  dimanche  29  février,  â  deux  heures  de  l'après  midi,  a.  la  salle 
Sainte-Cécile,  /i9  bis,  rue  de  la  Chaussée-d'Antin.  —  En  voici  le  pro- 
gramme :  Symphonie  militaire,  de  Haydn  ;  Ballade  du  deuxième  acte  d'O- 
béron,  chantée  par  Mlle  Guillemard  ;  Mer  calme  et  heureuse  traversée,  chœur 
de  Beethoven  ;  ouverture  de  Coriolan,  de  Beethoven  ;  chœur  d'Echo  et 
Narcisse,  de  Gluck;  Sanctw,  de  M.  Gounod;  le  solo  de  ténor  sera  chanté 
par  M.  Gueymard;  ouverture  composée  pour  l'opéra:  Robert-le-Diable, 
de  Meyerbeer.  —  L'orchestre  sera  dirigé  par  M.  Seghers.  —  Les  chœurs 
seront  dirigés  par  M.  Wekerlin. 

*„*  Berlioz  va  partir  pour  Londres,  où  l'appelle  la  direction  de  la  nou- 
velle Société  philharmonique. 

*„*  Onslow,  le  célèbre  compositeur,  est  à  Paris  depuis  quelques  jours. 

*„,*  Le  concert  de  Léopold  de  Meyer  aura  lieu  le  8  mars  (et  non  le  10), 
dans  la  salle  de  Ilerz.  —  Le  prix  des  places  est  de  5,  10  et  15  fr. 

%*  Une  matinée  dramatique  et  musicale  sera  donnée  le  7  mars  pro- 
chain, dans  les  salons  de  Pleyel,  par  la  jeune  et  intéressante  artiste, 
Mlle  Marie  Mira,  avee  le  concours  de  Mlle  Rachel,  Mlle  Lefebvre,  de 
Roger  et  de  Levassor. 

*„*  La  Cour  d'appel  de  Lyon  vient  de  consacrer  de  nouveau  le  grand 
principe  de  la  propriété  littéraire  et  musicale.  Elle  a  confirmé  les  divers 
jugements,  rendus  à  la  requête  de  la  Société  des  auteurs  et  compositeurs 
de  musique,  contre  les  cafés-chantants  de  cette  ville,  et  elle  a  condamné, 
en  outre,  chacun  d'eux  à  100  fr.  de  nouveaux  dommages-intérêts.  Les 
propriétaires  de  ces  cafés,  qui  s'étaient  d'abord  pourvus  en  cassation, 
mieux  conseillés,  se  sont  désistés  de  ce  pourvoi,  et  ont  aujourd'hui  tous 
traité  avec  l'agent  général  de  ladite  Société. 

%.*  M.  Jules  Lefort  annonce  des  séances  qui  auront  lieu  chez  lui,  rue 
Labruyère,  28,  et  dans  lesquelles  ses  élèves  se  réuniront  pour  faire  de  la 
musique  d'ensemble.  La  première  aura  lieu  le  premier  samedi  du  mois 
de  mars  prochain. 

%*  Nous  pourrons  bientôt  juger  par  nous-mêmes  du  mérite  de  M.  Baz- 
zini,  le  violoniste,  dont  nous  avons  souvent  enregistré  les  succès.  Cet 
artiste  vient  d'arriver  à  Paris  et  donnera  bientôt  un  concert.  Dans  le 
compte-rendu  de  celui  qu'il  donnait  il  y  a  peu  de  jours  â  Boulogne-sur- 
Mer,  nous  trouvons  la  mention  d'un  morceau,  le  quatuor  des  Puritains, 
pour  violon  seul,  exécuté  par  lui  d'une  manière  extraordinaire.  Mlle  Bla- 
hetka  s'est  distinguée  aussi  comme  pianiste  du  genre  le  plus  élevé  dans 
cette  matinée,  et  Mlle  Heisser,  comme  cantatrice. 

*„*  Alexandre  Batta  vient  de  donner  tout  récemment  un  concert  à 
Bruxelles  avec  le  succès  qui  lui  est  assuré  partout. 

%*  Mme  Dufiot-Maillard,  qui  s'est  produite  avec  beaucoup  de  succès 
dans  la  Favorite  et  la  Juive,  au  grand  théâtre  de  Bruxelles,  doit  y  chanter 
bientôt  le  rôle  de  Pidès  du  Prophète. 

Y  lime  Castellan  a  terminé  Je  cours  de  ses  brillantes  représentations 
au  théâtre  italien  de  la  même  ville. 

%*  M.  A.  Ropicquet,  l'excellent  violoniste-accompagnateur,  professeur 
au  lycée  de  Louis-le-Grand,  vient  d'être  nommé  maître  de  chapelle  de  la 
nouvelle  église  de  Saint-André,  rue  de  Provence. 

**  Le  deuxième  concert  du  Cercle  musical  aura  lieu  le  lundi  gras  23 
février,  à  une  heure,  à  la  salle  Sainte-Cécile.  On  y  entendra  Aille  Nau 
dans  l'air  de  Doua  Anna  de  Dun  Juan,  et  l'air  de  concert  de  Bériot.  L'or- 
chestre dira  les  morceaux  suivants  :  la  Symphonie  des  Enfants,  d'Haydn, 
dite  par  des  instruments- joujoux;  un  nocturne  de  Spohr  pour  tous  les 
instruments  à  vent  soli  et  un  concerto  à  deux  pianos  deMozart.  Ces 
trois  morceaux  sont  encore  inconnus  à,  Paris. 

%*  Jeudi  k  mars  1852,  Mlle  Judith  Lion  donnera  une  séance  de  musi- 
que de  chambre  dans  la  salle  de  M.  Sax,  rue  Neuve-Saint-Georges,  10. 

CRON1QUE    DÉPARTEMENTALE. 

*„*  Bordeaux.  —  Le  Comité  de  la  Société  de  Sainte-Cécile  vient  de  pu- 
blier le  résumé  de  ses  travaux  annuels,  rédigé  par  M.  Calixte  Dupont,  se- 
crétaire général.  Les  progrès  de  la  Société,  sous  le  double  rapport  de 
l'art  et  de  la  bienfaisance,  y  sont  rapportés  avec  exactitude,  et  le  tableau 
du  passé  est  de  nature  à  inspirer  confiance  en  l'avenir.  Le  compte-rendu 
se  termine  par  la  mention  de  la  décision  prise,  sur  l'initiative  du  prési- 


ilrni,  que  le  Çontité  souscrirait  au  monument  à  éleyer  b  Charles-Marie  de 
Wéber,  l'illustre  auteur  de  Frcîs'cliuh  et  dfOberon. 

CHRONIQUE     ÉTRANGÈRE. 

*„*  llertni.  —  Le  théâtre  Frédéric  AA'ielhlmstadt  a  donné  pour  la  pre- 
mière fois  Sarah.  opéra  nouveau  de  M.  Telle.  Cette  partition,  qui  offre 
quelques  morceaux  remarquables  et  qui  est  parfaitement  instrumentée, 
;.  été  très-bien  accueillie.  A  la  fin  de  la  représentation,  le  compositeur  à 
été  rappelé  sur  la  scène  avec  tous  les  acteurs  qui  avaient  joué  dans  la 
pièce.  Un  nouvel  opéra  de  Schaeffer,  la  Belle  Gasconne,  est  en  répétition 
à  ce  théâtre.  —  La  soirée  pour  l'Association  Gustave-Adolphe  a  été  le 
diamant  de  la  saison  On  y  a  entendu  le  concert  pour  trois  pianos,  par 
S.  Bach  ,  exécuté  d'une  manière  magistrale  par  MM.  Dorn,  Taubert  et 
Steifensand;  un  trio  de  Fanny  llensel ,  joué  par  MM.  Taubert,  Zim- 
mermann  et  Gans.  Une  scène  d'Orphée,  par  Gluck,  admirablement  'han- 
tée par  Aille  Wagner,  a  éïectrisé  l'auditoire. 

V  Vienne,  15  février.  —  Le  nombre  des  facteurs  d'instruments  de  mu- 
sique dans  notre  capitale  est  actuellement  de  trois  cent  trois,  savoir  : 
douze  constructeurs  d'orgues;  vingt-neuf  fabricants  d'instruments  à  vent 
en  bois  et  en  métal;  dix-neuf  luthiers  ou  fabricants  d'instruments  à  ar- 
chet ;  cent  fabricants  de  pianos  et  quatre-vingts  fabricants  des  diverses 
parties  qui  composent  le  piano  ;  quatre  fabricants  de  philharmonicas;  cin- 
quante-neuf fabricants  d'harmonicas,  genre  d'instruments  très-aimé  en 
Autriche. 

V  Weimar,  30  janvier.  —  Mme  Sontag  vient  d'arriver  ici  pour  donner 
six  représentations  sur  le  théâtre  de  la  Cour,  et  Lucile  Grahn  y  paraîtra 
Mme  Sontag  et  Lucile  Grahn  se  rendront  ensuite  à  Dresde  et  à  Vienne. 

V  Varsovie.  —  Mme  Moriani,  la  femme  du  célèbre  ténor,  a  débuté 
avec  succès  au  Grand-Théâtre  par  le  rôle  principal  de  l'opéra  Linia  di 
Chamouni.  De  vifs  applaudissements  et  plusieurs  rappels  sur  la  scène  ont 
récompensé  le  talent  et  les  efforts  de  Aime  Moriani,  pour  laquelle  on  tra- 
duit en  ce  moment   les  Lombards,  de  Verdi,  en  langue  polonaise. 

V  Stockholm.  —L'Académie  royale  de  musique  a  célébré  l'anniver- 
saire de  sa  fondation  par  un  grand  concert,  dont  les  honneurs  ont  été  pour 
le  jeune  élève  Olsen,  âgé  de  douze  ans. 

%*  Rotterdam.  —  Le  pianiste  R.  Willmers  a  donné  trois  concerts  avec 
le  plus  brillant  succès.  —  Le  Roi  de  Bohême,  opéra  nouveau,  de  Hutschen- 
ruyter,  a  été  favorablement  accueilli. 

V*  Turin.  —  La  saison  est  en  pleine  activité  :  nos  théâtres,  il  y  en  a 
sept  ou  huit,  font  tous  les  jours  chambrée  complète. 

*;*  Madrid..  —  Au  Théâtre-Royal  on  donne  en  ce  moment  Nina  ou  la 
Folk  par  amour.  C'est  Mlle  Alboni  qui  chante  le  rôle  de  Nina. 

V  Constanliwiplr,  5  février.  —  Quoique  l'état  musical  du  pays  ne  soit 
pas  des  plus  satisfaisants,  sous  le  rapport  du  goût  des  amateurs,  Aille  Er- 
nesta  Grisi  et  M.  Antony  Rambaud,  baryton,  ont  été  fort  bien  reçus. 
La  cantatrice  a  produit  beaucoup  d'effet  dans  plusieurs  airs  italiens,  la 
cavatine  de  la  Favorite  et  le  duo  du  même  ouvrage  avec  le  baryton,  dont 
la  voix  sympathique  est  d'une  grande  justesse.  L'orchestre  a  exécuté  plu- 
sieurs valses,  quadrilles,  polkas.  La  valse  de  Zerline  et  le  quadrille  de 
Mosquila  ont  obtenu  la  palme.  AI.  Emile  Solié,  ex-rédacteur  de  plusieurs 
journaux  français,  est  très-applaudi  comme  chanteur  ou  diseur  de  chan- 
sonnettes. Le  théâtre  n'est  guère  comfortable.  Les  rats  y  ont  élu  do- 
micile, et  le  public  même  ne  les  dérange  pas.  M.  Poussard,  jeune  violo- 
niste très-habile,  n'a  pu  parvenir  à  les  faire  déloger.  Il  a  eu  du  succès 
mais  peu  d'auditeurs. 


Le  gérant  :  Ernest  DESCHAA1PS. 


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64 


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La  Favorite,  nouveau  quadrille  pour  piano h  50 

La  Reine  de  Chypre,  nouveau  quadrille  pour  piano.  .  k  50 
Les  Rendez-vous  bourgeois,  nouv.  quat.  pour  piano.  .  h  50 
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Lu  prur.  —  —  Le  soaliïs.  —  — 

B*liiEi».  —  L'ombre.  —  — 

Tonl  on  rien.  —  —  Ange  ou  iléinon.      Paroles  de  A.  OSMONT,  musique  deE.  DASSIER 

ttcrai-je  laiue?  —  —  ElleétaiSlà!  —  — 

Tant  mieux,  lantpta.  —  —  '   La  snenr  «les  margneriles,  —  — 


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MUSIQUE  DE  PÏANÔ  TRÈS-FACILE 


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Par    A.    JLECABSPEiïTMEMt.     Op.   164. 

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N°  1.  La  Polka.  N°  à-  La  Polka-Mazurka 

2.  La  Valse.  .     5.  Le  Galop. 

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130e  Bagatelle  sur  Mosquita  la  Sorcière,  opéra  de  X.  Boisselot.  . 


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!  N,!  -1.  Fantaisie  sur  Deux  infants.  —  2.  Rondo- valse  sur  Un  ami  d'emprunt 

—  3.  Polka-mazurka  sur  la  Hèle  à  bon  Dieu. 

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REVUE 


29  Février  1882. 


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Paris,  un  un ,  .  .  .      2i  fr. 

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30  centimes  la  ligne       pour  3  fois. 

20  centimes  la  ligne pour  0  fois. 


te  Journal  paraît  le  Dimanche. 


GAZETTE  MUSICALE 


£  Fâais, 


-v^\aiwt©©<s©\A/vvw^- 


SOMMAIRE.  —  Théitre  de  l'Opéra-National,  les  Fiançailles  des  Roses,  opéra-comi- 
que en  2  actes,  et  la  Poupée  de  Nuremberg,  opéra  bouffon  en  1  acte  (lrc'  repré- 
sentations),  par  Uiisiiiie  Héqnet.  —  Auditions  musicales  :  M.  Lemmens, 
M.  et  Mme  Léonard,  M.  Rosellen,  etc.,  par  nenri  Blanchard.  —  Association 
des  artistes  musiciens,  concert  et  musique  de  chambre.  —  Nouvelle  Société  phil- 
harmonique de  Londres.  —  Correspondance,  Bruxelles.  —  Nouvelles  et  annonces. 


Malgré  l'augmentation  des  frais  de  timbre  et  de  poste  que  le  décret 
organique  sur  la  presse  impose  à  tous  les  journaux,  les  abonnés  de  la 
Revue  et  Gazette  musicale  continueront  de  la  recevoir  au  même  prix, 
et  rien  ne  sera  changé  dans  les  conditions  de  leur  abonnement. 

THEATRE  DE  L'OPÉBA-NATIONAL. 

1°  LES  FIANÇAILLES  DES  ROSES, 

Opéra-comique  en  2  actes,  paroles  de  M.  Deslys,  musique 

de  M.    VtLLEBLANCHE. 

2°  LA  POUPÉE  »E  IVURENBERti, 

Opéra,  bouffon  en  1  acte,  paroles  de  MM.  Lelven  et  Arthur 
de  Beauplan,  musique  de  M.  A.  Adam. 

(Premières  représentations  le  21  février.  ) 

Deux  opéras  le  même  jour,  et  avalés  en  une  seule  bouchée  !  On 
n'accusera  pas  l'Opéra  National  de  manquer  d'appétit.  Cela,  d'ailleurs, 
s'explique  par  son  acte  de  naissance.  Il  est  encore  enfant.  A  son  âge, 
pour  croître  et  acquérir  desj  forces,  il  faut  beaucoup  manger,  beau- 
coup digérer. 

On  conçoit,  d'ailleurs,  que  tous  les  morceaux  ne  soient  pas  égale- 
ment succulents,  et,  pour  ne  pas  sortir  du  sujet  spécial  qui  doit  nous 
occuper  aujourd'hui,  nous  offrons  de  parier  que  la  Poupée  de  Nurem- 
berg profitera  plus  à  l'élève  que  les  Fiançailles.  Non  pas  que  nous  fas- 
sions fi  des  Fiançailles.  Dans  un  repas  bien  ordonné,  la  salade  a  son 
mérite  et  tient  honorablement  sa  place  ;  mais  le  rôti  est  plus  substan- 
tiel. 

Parlons  d'abord  des  Fiançailles  des  roses ,  puisque  aussi  bien  cet 
ouvrage  est  le  premier  en  date.  La  Poupée  de  Nuremberg  aura  son 
tour. 

En  Hongrie,  toute  jeune  fille  a  un  moyen  infaillible  de  connaître,  si 
elle  le  désire,  le  mortel,  connu  ou  inconnu,  présent  ou  éloigné,  que  le  ciel 
lui  a  destiné  pour  époux.  Mais  il  faut  qu'elle  prenne  bien  son  moment. 
Elle  n'a  qu'un  jour  pour  cela  :  c'est  celni  où  elle  atteint  sa  dix-huitième 
année.  Ce  jour-là,  qu'elle  dresse  une  table,  qu'elle  y  étende  une  nappe 
d'une  entière  blancheur,  qu'elle  place  dessus  deux  bouquets  de  roses  : 
à  l'heure  de  minuit ,  si  elle  a  eu  soin  d'éteindre  toutes  les  lumières, 
elle  verra,  à  la  clarté  de  la  lune,  l'ombre,  le  fantôme  de  son  futur  époux 
paraître  tout  à  coup,  prendre  l'un  des  bouquets,  puis  s'avancer  vers  elle 
et  lui  effleurer  le  front  d'un  baiser  chaste,  ou ,  pour  mieux  dire,  de 


l'ombre  d'un  baiser.  Cela  fait ,  il  ne  lui  reste  plus  qu'à  chercher  l'être 
vivant  qui  ressemble  à  l'apparition  qu'elle  a  vue,  et  à  repousser  obsti- 
nément tous  les  prétendants  qui  ne  lui  ressemblent  pas. 

Les  filles  de  la  Hongrie  sont  vraiment  privilégiées. 

Je  devine  bien  ce  qui  vous  embarrasse.  Il  ne  fait  pas  toujours  clair 
de  lune  à  minuit.  Quelle  est  la  ressource  des  jeunes  filles  dont  le  dix- 
huitième  anniversaire  coïncide  avec  la  nouvelle  lune?  Je  n'en  sais  rien, 
en  vérité.»Il  faut  vous  adresser  à  M.  Deslys,  qui  en  sait  plus  que  moi  sur 
ce  point,  et  qui  se  fera,  sans  doute,  un  plaisir  de  vous  satisfaire. 

Pour  le  moment  cela  importe  peu,  car  le  dix-huitième  anniversaire 
d'Youla  correspond  précisément  à  la  pleine  lune.  Evidemment,  Youla 
est  née  sous  un  astre  des  plus  favorables.  Le  sort  a  pour  elle  mille 
prévenances.  C'est  ainsi  qu'il  a  placé  tout  près  d'elle  l'heureux  Hongrois 
qui  lui  est  destiné.  Wilhelm  est  depuis  longtemps  déjà  le  secrétaire  de 
son  tuteur.  Wilhelm  l'adore  en  secret,  mais  il  n'ose  le  lui  dire,  car  elle 
est  riche  et  il  n'a  rien.  Désespéré  de  cette  inégalité  de  fortune  qu'il 
vient  d'apprendre,  il  ne  songe  plus  qu'à  s'éloigner,  quand  Youla  entre 
tout  à  coup  pour  exécuter  sa  petite  conjuration.  Heureux  Wilhelm  !  il 
n'a  plus  qu'à  se  laisser  faire.  On  lui  dit  de  prendre  le  bouquet,  et  il  le 
prend.  On  lui  demande  un  baiser,  et  il  le  donne.  Vous  devinez  le  reste, 
et  je  n'ai  pas  besoin  de  vous  raconter  le  dénouement. 

Il  y  a  quelque  nouveauté  dans  cette  légende,  et  une  petite  dose  de 
fantastique  qui  ne  pouvait  manquer  d'allécher  un  musicien.  La  musique 
parlant  un  langage  où  rien  n'est  précis,  où  aucune  idée  ne  revêt  une 
forme  arrêtée,  s'accommode  àmerveille  de  tout  ce  qui  semble  sortir  du 
monde  réel.  Le  sujet  des  fiançailles  des  roses  revenait  donc  de  plein 
droit  à  l'opéra-comique.  On  ne  peut,  d'ailleurs,  méconnaître  ce  qu'il 
a  de  gracieux  et  de  frais.  Peut-être  M.  Deslys  aurait-il  gagné  à  le  res- 
serrer en  un  seul  acte  ;  son  action  dramatique  en  aurait  été  plus  vive. 
Telle  qu'elle  est,  néanmoins,  elle  ne  manque  pas  d'intérêt,  et  l'entre- 
vue des  deux  amants,  au  clair  de  la  lune,  est  une  fort  jolie  scène. 

La  partition  est  le  début  de  M.  Villeblanche,  à  qui  nous  ne  voulons 
reprocher  trop  sévèrement  ni  la  maladresse  de  certains  accompagne- 
ments, ni  l'élévation  excessive  de  quelques  phrases  trop  hautes,  évi- 
demment, même  pour  les  plus  hautes  voix  de  ténor.  Tout  ce  que  nous 
pourrions  lui  dire  à  cet  égard,  l'expérience,  sans  aucun  doute,  le  lui  a 
appris. 

Il  n'y  a  rien  de  plus  nécessaire  à  un  compositeur  que  de  s'entendre 
exécuter.  On  peut  parier  que  ces  petits  défauts  que  nous  signalons  ne 
se  retrouveront  pas  dans  le  second  ouvrage.  Il  suffit  de  lesavoir  reconnus 
pour  les  éviter.  L'essentiel,  ce  sont  les  idées  heureuses,  les  méIodies 
simples,  faciles  et  expressives.  Il  y  en  a  assez  dans  la  partition  pour 
expliquer  et  légitimer  le  succès  non  douteux  qu'elle  a  obtenu. 

Le  sujet  de  la  Poupée  de  Nuremberg  a  été  pris  dans  les  contes 


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REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


d'Hoffmann  ;  mais  l'arrangement  scénique  et  tous  les  détails  du  dialogue 
appartiennent  aux  auteurs  français  à  aussi  juste  titre  que  la  musique 
appartient  au  musicien. 

Nous  ne  chercherons  pas  à  analyser  cette  folie.  Il  s'agit  d'une  poupée 
qne  son  auteur,  maître  Cornélius,  veut  animer  au  moyen  d'une  conju- 
ration magique.  Quand  elle  vivra ,  il  la  mariera  avec  son  fils  chéri , 
Donathan.  C'est ,  comme  on  voit,  un  Pygmalion  germanique.  La  poupée 
s'anime,  en  effet,  grâce  au  diable,  qui  se  met  de  la  partie.  La  voilà  qui 
s'avance,  qui  gesticule,  qui  chante  ;  puis  qui ,  de  femme,  devient  dia- 
ble, renverse  la  table,  brise  les  plats  et  les  bouteilles,  bat  le  tambour, 
sonne  de  la  trompette,  met  en  pièce  tout  le  fonds  de  boutique  de  maître 
Cornélius,  fait  un  vacarme  enragé.  Cornélius,  exaspéré,  s'arme  d'une 
hache,  et  détruit  son  ouvrage  mal  réussi.  Horreur  !  c'était  une  femme 
en  chair  et  en  os,  qui  avait  pris  la  place  de  la  poupée.  —  Mais  non  ;  car 
voici  la  femme,  qui  a  su  remettre  à  propos  la  poupée  dans  son  fauteuil, 
et  qui  épouse  le  cousin  Miller,  à  la  barbe  de  Cornélius  et  de  son  nigaud 
de  fils,  outrageusement  mystifiés. 

Cela  fait  rire  aux  éclats  depuis  la  première  scène  jusqu'à  la  der- 
nière. Depuis  les  Rendez-vous  bourgeois,  nous  n'avions  rien  vu  d'aussi 
gai  sur  aucun  théâtre  lyrique. 

La  musique  est  digne  du  livret ,  vive,  spirituelle,  joyeuse,  et  tou- 
jours très-spirituellement  touchée.  M.  Adam  a  été  rarement  mieux 
inspiré.  11  faudrait  en  citer  tous  les  morceaux.  —  Les  couplets  de  maî- 
tre Cornélius,  d'abord,  dont  le  style  antique  et  systématiquement  ba- 
roque est  d'accord  avec  le  caractère  du  personnage.  —  Le  rondo  de 
Miller  est  moins  heureux,  peut-être,  quant  au  thème  principal  ;  mais  il 
s'y  trouve  des  détails  fort  ingénieux.  —  Le  duo  de  Miller  et  de  Berthe, 
la  fausse  poupée,  est  plein  de  gaieté,  d'entrain ,  de  verve.  C'est  une 
valse,  dont  le  seul  défaut  est  d'arriver  un  peu  trop  tard  :  elle  aurait 
défrayé  tous  les  bals  de  cette  année.  —  Le  trio  de  l'évocation  est  fait 
avec  un  esprit  rare.  Le  fantastique  y  est  indiqué,  mais  avec  la  sobriété, 
la  légèreté  convenables  dans  une  scène  qui  n'est ,  après  tout ,  qu'une 
mystification.  Vous  y  remarquerez  un  ensemble  d'une  fort  belle  har- 
monie, sans  que,  pour  cela,  le  morceau  prenne  un  seul  instant  le  ca- 
ractère sérieux. 

L'apparition  de  la  prétendue  Galathée  est  précédé  d'un  solo  de  violon 
très-élégant  et  fort  bien  exécuté.  Nous  regrettons  de  ne  pouvoir  nom- 
mer le  violoniste  qui  joint  à  un  archet  si  habile  une  si  belle  qualité  de 
son.  Après  quoi  Bertha  chante  un  andanie  à  9/8  d'un-  excellent  style, 
suivi  d'im  allegro  des  plus  distingués.  C'est,  nous  n'hésitons  pas  à  le 
dire,  l'un  des  meilleurs  airs  qu'ait  écrits  M.  Adam. 

Il  n'a  guère  fait  non  plus  de  morceaux  plus  francs,  plus  vifs,  plus  gais, 
que  le  trio  qui  vient  ensuite,  et  où  Bertha  se  livre  à  toutes  les  extrava- 
gances dont  nous  avons  parlé.  Cela  est  tout  à  fait  digne  de  l'auteur  du 
Postillon  et  de  Giralda.  M.  Adam  vient  d'ajouter  à  sa  couronne,  déjà 
fort  abondamment  fournie,  un  nouveau  fleuron  qui,  assurément,  ne 
déparera  point  les  autres. 

Cet  ouvrage  est  fort  bien  exécuté.  Grignon  est  très-amusant  dans 
le  rôle  de  Cornélius,  ainsi  que  Menjaud  dans  celui  de  Donathan. 
M  eillet  joue  celui  de  Miller  avec  beaucoup  d'esprit  et  de  verve,  et  le 
chante  de  cette  voix  franche,  sonore,  sympathique,  qu'on  ne  se  lasse 
point  d'entendre.  Mlle  Rouvroy,  dans  le  sien,  se  montre  cantatrice  très- 
habile,  et  fait  des  prodiges  de  bravura.  C'est  un  grand  succès  pour 
tout  le  monde,  et  dont  nous  félicitons  le  théâtre,  les  acteurs  et  les 
auteurs.  G.  HÉQUET. 

ADDITIONS  MUSICALES. 

SI.  Lemment.  —  Société  philharmonique  de    Paris.   

Cercle  musical  et  littéraire.  —  M.  et  Unie  E^éonard. 
—  lime  Farrenc,  Mlle  llattman  et  II.  Guerreau.  — 
lies  derniers  quatuors  de  Beethoven  et  M.  llaurin, 
au  Cercle  de  la  librairie.  —  M.  Roscllen. 

Nous  qui  croyons  être  à  la  question,  autant  qu'homme  de  France, 
nous  signalerons,  dans  l'école  musicale,  une  tendance  que  nous  appe- 


lerons  celle  des  classiques  progressifs.  Les  classiques  progressifs,  en 
musique,  sontles  compositeurs  qui  aiment,  admirenlBach,  Hendel,  etc.  ; 
qui  sont  persuadés  que  l'étude  approfondie  de  la  fugue  est  indispen- 
sable pour  devenir  bon  écrivain  ;  mais  qu'il  n'est  pas  absolument 
nécessaire  de  s'en  tenir  exclusivement  aux  productions  de  nos  vieux 
maîtres,  et  qu'il  faut  renouveler  par  la  mélodie  la  formule  gothique  de 
l'art.  M.  Lemmens,  dont  nous  avons,  des  premiers,  signalé  la  présence 
dans  Paris,  il  y  a  deux  ans,  est  dans  la  voie  que  nous  venons  d'in- 
diquer. M.  Lemmens  est  organiste  à  Bruxelles,  compositeur  excellent, 
et  virtuose  habile  des  mains  et  des  pieds  sur  son  instrument.  Nous  ne 
savons  s'il  a  entendu  M.  Hesse,  organiste  de  Breslau,  qui  vint,  à  Paris,  il 
y  a  quelques  années,  pour  toucher  les  orgues  fabriquées  par  M.  Ca- 
vaillé-Coll  ;  mais  il  procède  comme  cet  artiste  allemand  :  même  respect 
pour  la  belle  forme  des  grands  maîtres,  et  même  adresse  dans  l'emploi 
des  pédales;  seulement  ce  sont  ses  œuvres  que  M.  Lemmens  fait  en- 
tendre, œuvres  d'un  style  classique,  pur,  dites  avec  la  richesse  et  la 
magnificence  d'exécution  qu'il  a  pu  développer  à  son  aise  sur  l'orgue 
de  Saint- Vincent-de-Paul,  construit  par  le  célèbre  facteur  dont  nous 
venons  de  parler  plus  haut.] 

Un  grand  nombre  d'artistes  distingués  dans  la  science  et  la  presse 
musicale,  parmi  lesquels  se  trouvaient  peu  d'organistes,  il  faut  le  dire, 
assistaient  à  la  séance  dans  laquelle  M.  Lemmens  s'est  fait  entendre, 
mercredi  dernier,  dans  l'église  de  Saint-Vincent-de-Paul.  Le  compo- 
siteur-virtuose a  débuté  par  une  belle  et  large  fugue  en  ut  mineur,  qui 
réunit  toutes  les  conditions  du  genre,  avec  une  pompe  d'harmonie  in- 
connue jusqu'à  ce  jour  dans  la  musique  de  ce  style  sévère  et  rigoureux. 
Plusieurs  pièces  de  ce  genre  ont  été  dites  par  l'auteur,  mais  entremêlées 
de  petits  morceaux,  de  prières,  d'hymnes  champêtres  pleines  de  grâce 
et  de  suavité.  M.  Boëly,  l'organiste  de  Saint-Germain-l'Auxerrois,  au 
style  classique  exclusif,  a  compris  qu'on  sacrifiât  ainsi  aux  grâces,  et  il  a 
applaudi  à  cette  musique  libre,  écrite  dans  toutes  les  conditions  du 
style  sévère.  Plusieurs  de  ces  charmants  morceaux,  et  même  sa  grande 
fugue  en  ut  mineur,  ont  été  redemandés  au  virtuose-compositeur  par 
son  intelligent  auditoire.  Si  l'on  doit  présenter  à  l'auteur  de  tout  cela 
quelques  observations  critiques,  ce  serait  de  lui  dire  qu'on  se  prend  à 
désirer,  en  l'écoutant,  de  le  voir  s'affranchir,  parfois,  de  ce  style  écrit, 
lié,  de  ce  ^cercle  harmonique,  de  ces  imitations  obstinées  même  dans 
sa  musique  libre  qui  constituent  la  logique  inexorable,  et  s'opposent  à 
l'élan,  à  la  chaleur,  à  la  fougue  de  l'inspiration,  qui  est  un  des  plus 
beaux  privilèges  du  riche  et  pompeux  instrument  dont  il  possède  si 
bien  tous  les  secrets.  La  véritable  science  musicale  a  aussi  ses  caprices, 
ses  artifices,  ses  fantaisies,  son  inspiration  enfin.  Si  M.  Lemmens  veut 
mériter  le  titre  de  classique  progressif,  qu'il  songe  à  cela.  Qu'il  ne  soit 
pas  trop  consciencieusement  belge,  c'est-à-dire  mezzo-tedesco  ;  il  a 
déjà  la  distinction,  la  mesure,  la  pureté,  l'élégance  harmonique;  qu'il 
vivifie,  anime  tout  cela  par  la  passion,  la  verve,  la  chaleur  dramatique 
qui  est  de  mise  et  toujours  bien  venue,  même  à  l'église.  Qu'est-ce  donc 
qu'une  messe  des  morts  ou  le  meurtre  du  Christ,  si  ce  ne  sont  les 
drames  les  plus  émouvants  de  l'humanité  ?  Et  qui  peut  mieux  chanter, 
célébrer  ces  catastrophes,  ces  tragédies  religieuses,  que  ce  vaste  instru- 
ment aux  voix  multiples  et  foudroyantes? 

M.  Lemmens  a  devant  lui  un  bel  avenird'artiste;  mais  c'est  dansParis 
seul  qu'il  peut  voir  se  réaliser  cet  avenir.  Professeur  d'orgue  au  Con- 
servatoire de  Bruxelles,  il  n'a  même  pas  d'instrument  dans  cette  ville, 
où  il  n'est  pas  apprécié  à  sa  juste  valeur,  attendu  que  nul  n'est  pro- 
phète en  son  pays.  11  n'y  a  pas  d'orgue  dans  la  capitale  de  la  Belgique, 
où  le  clergé  est  tout  aussi  inintelligent  en  musique  que  celui  de  France, 
et  ce  n'est  pas  peu  dire.  Il  n'y  a  même  pas  d'orgue  au  Conservatoire 
pour  le  professeur.  11  est  question  d'une  loterie  nationale  dont  le  pro- 
duit serait  destiné  à  l'achat  d'un  de  ces  beaux  instruments  fabriqués 
par  M.  Cavaillé-Coll,  et  qui  manque  dans  l'église  de  Sainte-Gudule,  à 
Bruxelles.  Ce  serait  au  moins  une  compensation  à  la  désorganisation 
du  Conservatoire  de  musique  dont  cette  ville  est  menacée,  grâce  à 
l'esprit  d'étroite  économie  qui  distingue  une  Commission  chargée  par 


DE  PARIS. 


67 


le  ministre  de  l'iiilôrieur  de  réglementer  les  choses  artistiques,   et  qui 
l'est  fort  peu. 

—  Pendant  que  nous  en  sommes  sur  les  affaires  musicales  de  la  Belgi- 
que, nous  signalerons  la  brillante  apparition  d'un  de  ses  enfants  dans 
Pai-is,  M.  Léonard,  de  Liège,  qui  vient  de  donner  un  concert  dans  la 
salle  Herz,  vendredi  dernier.  Une  charmante  cantatrice,  que  nous  avons 
entendue  il  y  a  quelques  années  sous  le  nom  de  Mlle  Antonia  de  Mendi, 
et  qui  maintenant  est  Mme  Léonard,  s'est  associée  à  cette  exhibition 
musicale.  Mme  Léonard  chante  plus  juste  que  ne  chantait  Mlle  Antonia 
de  Mendi.  Si,  par  son  droit  de  jolie  femme  qu'elle  est,  il  lui  prend  le 
caprice  de  moins  parcourir  en  tous  sens  le  domaine  de  la  difficulté,  de 
se  plaire,  de  se  promener  un  peu  plus  tranquillement  dans  le  champ 
du  chant,  de  la  simple  mélodie ,  elle  plaira  plus ,  quoiqu'elle  plaise 
beaucoup;  mais  beaucoup,  ce  n'est  pas  assez  pour  une  cantatrice  qui 
possède  une  aussi  bonne  méthode  et  qui  ne  doit  chercher  à  éblouir  son 
auditoire  des  feux  d'artifice  de  la  vocalisation  qu'après  l'avoir  bercé  de 
sécurité.  Cette  sécurité,  M.  Léonard  l'inspire  à  ses  auditeurs  par  la  jus- 
tesse imperturbable  de  son  intonation,  la  première  et  la  plus  précieuse 
des  qualités  du  violoniste.  M.  Léonard  est  un  virtuose  de  premier  or- 
dre; il  compose  bien  pour  son  instrument  et  continue  l'école  de  Vieux- 
temps  sans  dégénérer.  C'est  la  même  chaleur  contenue  et  puissante,  et 
communicative;  même  absence,  il  faut  le  dire  aussi,  de  ce  caprice,  de 
cette  fougue,  de  cette  pointe  d'originalité,  qui  mettent  hors  de  pair  les 
talents  exceptionnels,  tels  quePaganini ,  et  même  Servais, malgré  sa  grosse . 
nature  flamande  ;  et  cependant  M.  Léonard  est  du  pays  de  Grétry,  qui 
méritait  fort  bien  la  qualification  de  fin  Liégeois  qu'on  donne  vulgaire- 
ment aux  habitants  de  cette  partie  de  la  Belgique.  M.  Léonard  a  fait 
revivre  le  chef-d'œuvre  de  son  illustre  compatriote,  en  le  traduisant, 
en  en  reproduisant  les  principaux  et  les  plus  jolis  motifs  dans  une  fan- 
taisie intitulée  :  Souvenirs  sur  le  Richard-de-Lion  de  Grétry.  La  cé- 
lèbre Teresa  Milanollo  nous  fit  entendre  pour  la  première  fois  dans 
Paris  ce  joli  petit  drame  instrumental,  et  l'on  remarqua  l'œuvre  autant 
que  la  jeune  virtuose  ;  ce  qui  n'est  pas  peu  dire.  L'auteur  nous  a  fait 
entendre  lui-même  son  ouvrage,  qui  lui  a  valu  un  succès  pareil  à  celui 
de  sa  gracieuse  interprète. 

Après  l'ouverture  de  Montana  et  Stéphanie,  chaleureusement  dite 
par  un  orchestre  fort  bien  dirigé  par  M.  Bousquet,  le  bénéficiaire  a  dit 
un  concerto  à  grand  orchestre,  solo  capital  bien  posé  sur  une  large  et 
riche  instrumentation.  S'il  y  a  quelques  longueurs  dans  le  premier 
morceau,  Yandanle  con  reçitativo  est  d'une  mesure  parfaite,  ainsi  que 
le  rondo,  sorte  de  menuet,  de  scherzo,  dont  le  thème  piquant  par 
son  originalité  est  travaillé  avec  autant  d'esprit  que  de  savoir.  Une 
fantaisie  sur  un  motif  des  quatuors  de  Haydn,  arrangée  par  M.  Léonard, 
lui  a  donné  l'occasion  de  développer,  comme  exécutant,  toute  la  pres- 
tesse d'un  archet  audacieux,  toutes  les  richesses  de  la  double  corde, 
des  arpèges,  et  l'élégance  du  plus  brillant  staccato.  Entre  ce  virtuose 
et  sa  compagne,  charmante  cantatrice  qui  nous  a  dit  d'une  façon  co- 
mique et  piquante  deux  chansons  espagnoles,  Mlle  Graever,  la  pianiste 
au  jeu  net  et  pur  et  chaleureux,  a  su  provoquer  d'unanimes  applaudis- 
sements en  disant  une  des  délicieuses  sonates  de  Beethoven,  et  deux 
des  non  moins  délicieuses  mélodies  de  Rossini,  arrangées  par  Liszt. 

—  Les  matinées  musicales,  les  séances  de  musique  intime  dans  les 
salons  particuliers,  le  disputent  aux  grands  concerts,  aux  solennités 
musicales,  comme  on  dit,  car  la  grande  détonation  harmonique,  le 
coup  de  feu  musical,  n'a  guère  lieu  que  dans  le  mois  de  mars.  Dans  ses 
séances  de  musique  de  chambre  ou  de  salon,  Mlle  Mattmann,  rarement 
infidèle  aux  grands  maîtres  de  cette  belle  musique  a  dit,  jeudi  dernier, 
un  excellent  trio  en  ré  mineur  pour  piano,  violon  et  violoncelle,  com- 
posé par  Mme  Farrenc,  œuvre  consciencieuse,  en  style  classique,  com- 
posé d'un  premier  morceau,  d'un  andante  varié  avec  autant  de  grâce  que 
d'esprit,  et  d'un  final  dramatique  et  chaleureux  qu'on  a  distingués,  ap- 
plaudis, précédés  et  suivis  d'une  belle  sonate  de  Beethoven  et  d'un  qua- 


tuor de  Webor.  On  n'a  [tas  moins  distingué,  on  n'a  pas  moins  applaudi 
une  charmante  fantaisie  pour  le  violon  sur  quelques  motifs  de  V Eclair, 
composée  et  dite  sur  le  violon  d'une  manière  tout-à-la-fois  expressive 
et  brillante  par  l'auteur,  M.  Guerreau. 

—  La  Société  philharmonique  de  Paris  et  le  Cercle  musical  et  litté- 
raire,  qui  procèdent  avec  orchestres  complets  dans  la  salle  Sainte- 
Cécile,  continuent  leurs  séances  de  quinze  en  quinze  jours.  La  pre- 
mière de  ces  compagnies  musicales  est  composée  d'amateurs  dirigés 
par  M.  Roussette,  et  propage,  dans  ce  qu'on  désigne  par  la  petite  pro- 
priété, la  classe  marchande  et  ouvrière,  la  musique  de  tous  genres  , 
mais  assez  volontiers  depuisla  chansonnette  jusqu'aux  ouvertures  de  nos 
opéras  modernes,  qui  sont,  comme  chacun  sait,  des  pots-pouris  plus  ou 
moins  spirituellement  arrangés.  Mlle  Teresa  Micheli  est  la  prima  donna 
contralto  soprano  de  ladite  Société  ;  elle  a  chanté  au  dernier  concert  de 
dimanche  passé  toutes  sortes  de  romances  et  même  les  stances  sacrées 
de  saint  Michel  archange,  de  notre  ami  Delsarte. 

—  Le  Cercle  musical  et  littéraire ,  dirigé  par  M.  Malibran,  n'est 
composé  que  d'artistes  qui  exécutent  fort  bien  les  meilleures  ouvertures 
qu'ils  peuvent  trouver.  Ils  devraient  faire  en  sorte  de  ne  pas  les  redire, 
car  le  répertoire  des  œuvres  de  ce  genre  est  riche,  et  l'on  n'a  que  l'em- 
barras du  choix.  Mlle  Nau,  de  l'Opéra,  a  gratifié  le  dernier  concert  de 
lundi  de  deux  morceaux  de  chant  qu'elle  a  dits,  comme  toujours,  avec 
celte  justesse  limpide  et  ce  brio  de  vocalisation  qui  semblent  se  perfec- 
tionner en  elle  plus  elle  chante.  Son  apparition  dans  cette  Société  phi- 
lanthropique ne  peut  que  lui  porter  bonheur. 

La  critique  a  parfois  ,  comme  toutes  les  choses  humaines  ,  ses  mé- 
comptes, ses  erreurs,  dont  il  ne  faut  pas  cependant  qu'elle  convienne 
trop  facilement  pour  ne  pas  détruire,  si  ce  n'est  son  prestige,  du 
moins  son  crédit. 

Les  six  derniers  quatuors  de  Beelhoven  étaient  restés,  depuis  la  dis- 
parition de  ce  monde  musical  du  grand  homme  mort  en  1827  ,  à  l'état 
de  mystère  d'art  incompris.  Les  uns  disaient ,  et  le  disent  encore  : 
Quand  l'auteur  de  la  symphonie  pastorale ,  si  limpide  de  mélodie  et 
si  claire  d'harmonie,  composa  ses  derniers  quatuors  nos  12,  13,  14, 
15,  16  et  17,  il  était  sourd  et  presque  fou  de  douleur  d'avoir  perdu 
le  sens  le  plus  précieux  pour  tout  musicien.  On  rangeait  enfin  ces  ou- 
vrages dans  la  catégorie  des  dernières  pièces  de  Corneille  et  de  Voltaire  ; 
on  mettait  sur  la  même  ligne  Beethoven,  âgé  de  cinquante-cinq  ans,  et 
l'auteur  du  Ciel  vieilli,  et  celui  de  Zaïre  avec  ses  quatre-vingts  ans.  Il 
est  certain  qu'en  comparant  le  style  de  ces  derniers  quatuors  avec  ses 
précédents,  si  carrés  de  mélodie,  si  clairs,  si  logiques  par  l'unité  de 
la  pensée,  on  se  trouve  tout  dépaysé  par  cet  ajournement  incessant  de 
la  cadence  finale  ;  cette  variété  de  mesure  qui  paraît  sans  nécessité  ;  ce 
bris  du  rhythme  qui  semble  le  résultat  d'un  cerveau,  d'une  pensée 
malades,  d'une  lièvre  d'innovation. 

M.  Maurin,  jeune  violoniste  de  talent,  dont  les  pareils  à  deux  fois  ne 
se  font  pas  connaître,  M.  Maurin ,  secondé  par  trois  autres  artistes, 
jeunes,  dévoués  à  l'art  dans  toutes  ses  manifestations,  fussent-elles 
même  de  la  fantaisie  et  du  caprice  baroque,  a  rêvé  la  restauration  de 
ces  œuvres  exceptionnelles  ;  et  son  rêve  est  devenu  une  réalité  ;  et 
devant  une  société  choisie  et  nombreuse ,  il  a  fait  apprécier,  par  une 
exécution  soignée  et  chaleureuse,  toutes  les  singularités,  les  excentri- 
cités mélodiques  et  harmoniques  de  ces  étranges  combinaisons  de  l'art 
des  sons.  Nous  n'avons  pas  voulu  juger  de  cette  musique  toute  nou- 
velle sur  une  simple  audition  de  l'oreille,  et  crier  au  miracle  comme 
le  Beethoveniste  quand  même  de  Paris,  qui  fait  de  l'esthétique  bour- 
geoise ;  nous  avons  voulu  entendre  des  yeux  en  même  temps  que  des 
oreilles,  et  sur  une  édition  très-correcte  des  derniers  quatuors  de 
Beethoven  en  petite  partition,  nous  avons  suivi  la  pensée  de  l'au- 
teur, ses  dessins  mélodiques ,  ses  harmonies  ingénieuses  et  hardies, 
son  style  constamment  fugué,  serré  d'imitations  obstinées,  de  canons; 
et  nous  nous    sommes    convaincu   que  l'homme  n'était  point  déchu 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


quand  il  a  écrit  ces  œuvres  audacieuses  et  sans  précédents  dans  l'art 
musical. 

Il  n'y  a  que  des  compliments  à  faire  aux  interprètes  de  ces  quatuors, 
si  ce  n'est  qu'ils  sont  exécutés  avec  un  fanatisme  artistique  un  peu  trop 
chaleureux.  Nous  voudrions  aussi  que  le  premier  violon  s'y  des- 
sinât avec  un  peu  plus  d'ampleur  de  son,  et  que  ses  phrases  mélodi- 
ques ne  tombassent  pas,  ainsi  qu'elles  le  font  parfois,  dans  une  mé- 
lancolie affectée  ou  mignarde. 

— Les  éloges  que  notre  savant  collaborateur  George  Kastners  a  accor- 
dés récemment  à  la  méthode  de  piano  d'Henri  Rosellen  viennent  d'être 
justifiés  par  la  séance  musicale  qu'il  a  donnée  ces  jours  passés.  M.  Ro- 
sellen avait  réuni  chez  lui  ses  élèves,  qui  ont  exécuté  des  morceaux  des 
différentes  écoles  anciennes  et  modernes.  Parmi  ces  derniers,  nous 
avons  remarqué  son  duo  pour  piano  à  quatre  mains  sur  les  charmants 
motifs  de  la  Favorite,  morceau  bien  fait ,  bien  modulé  et  d'un  effet 
certain.  Si  toutes  ses  élèves  n'ont  pas  la  même  habileté,  plusieurs  sont 
remarquables  par  l'aplomb,  la  netteté,  l'expression,  et  pourraient  jouer 
avec  succès  dans  des  concerts  publics. 

La  partie  vocale  était  remplie  par  Mlle  Marie  B.  et  par  M.  Gozora. 
La  séance  s'est  terminée  par  le  brillant  duo  pour  piano  et  pour  violon 
sur  Zampa,  composé  par  H.  Rosellen  et  Charles  Dancla,  joué  avec 
beaucoup  de  verve  par  H.  Rosellen  et  Léopold  Dancla,  frère  de  l'un  des 
auteurs. 

De  pareilles  séances  ne  sauraient  être  trop  souvent  renouvelées;  elles 
sont  un  excellent  sujet  d'émulation  pour  les  élèves,  ainsi  que  la  preuve 
des  soins  consciencieux  du  professeur. 

Henri  BLANCHARD. 


ASSOCIATION  DES  ARTISTES  MUSICIENS. 

COBfCEIST  ET  MUSIQUE  Ï>E    CHAMBRE. 

Depuis  une  année  environ,  l'Association  des  artistes  musiciens  pos- 
sède une  salle  charmante  et  excellente  dans  les  galeries  du  bazar  Bonne- 
Nouvelle.  Plusieurs  artistes  éminents  l'ont  inaugurée  par  des  concerts 
qui  ont  attiré  la  foule  ;  mais  jusqu'ici  des  circonstances,  dont  il  est  fa- 
cile de  se  rendre  compte,  n'ont  pas  permis  au  comité  de  réaliser  la 
pensée  qui  l'avait  dirigé  dans  l'appropriation  de  cette  salle,  en  y  éta- 
blissant son  domicile  musical,  en  y  donnant  des  concerts,  des  matinées 
au  nom  et  dans  l'intérêt  de  l'Association. 

Le  moment  est  venu  de  mettre  en  exécution  cette  pensée.  Une  com- 
mission s'occupe  de  préparer  le  premier  concert  qui  sera  donné  le 
mercredi  17  mars,  à  huit  heures  du  soir,  sous  la  direction  de  M.  Geor- 
ges Bousquet.  Dans  notre  prochain  numéro  nous  publierons  le  pro- 
gramme de  cette  brillante  soirée,  à  laquelle  le  concours  des  artistes 
les  plus  éminents  est  déjà  promis  et  assuré. 

A  ce  concert,  qui  pourrait  être  appelé  concert  d'introduction,  succé- 
deront presque  immédiatement  des  matinées  consacrées  à  la  musique 
de  chambre,  et  qui  auront  lieu  de  dimanche  en  dimanche,  sous  la  di- 
rection de  M.  Massart.  On  n'a  pas  oublié  le  remarquable  effet  produit 
il  y  a  cinq  ans  par  des  matinées  du  même  genre,  données  dans  le 
même  local,  mais  alors  que  rien  n'y  était  encore  disposé  pour  un  tel 
but,  et  que  la  musique  ne  s'y  introduisait  que  comme  une  étrangère  et 
à  l'occasion  d'une  loterie  demeurée  célèbre. 

Tout  au  contraire,  maintenant,  l'enceinte,  qui  n'était  qu'une  espèce 
de  halle,  a  pris  les  proportions  d'une  véritable  salle  de  concert.  Les 
pupitres  sont  dressés,  les  banquettes  rangées,  les  loges  commodément 
disposées  et  meublées.  Rien  ne  manque  plus  au  sanctuaire  musical  que 
la  musique  même  ;  elle  y  est  attendue,  désirée,  et  on  ne  l'y  attendra 
pas  longtemps. 

Ce  que  le  comité  de  l'Association  des  artistes  musiciens  va  entre- 
prendre et  fonder,  c'est  à  la  fois  une  œuvre  de  bienfaisance  et  une 
œuvre  d'art.  Au  moyen  des  bénéfices  qu'il  réalisera  sans  courir  au- 


cune chance  de  perte,  il  enrichira  la  caisse  des  pensions,  alimentera 
le  fonds  de  secours,  et  s'avancera  de  plus  en  plus  dans  la  voie  philan- 
thropique. En  même  temps,  il  ouvrira  une  lice  aux  jeunes  talents  qui 
ont  besoin  de  s'essayer,  de  se  populariser  :  il  ne  les  produira  qu'avec 
réserve  et  sous  le  patronage  de  talents  déjà  tout  formés  ;  mais,  enfin, 
il  mettra  au  grand  jour  les  artistes  aussi  bien  que  les  œuvres  qu'il  ju- 
gera dignes  de  son  appui. 

C'est  un  monument  que  le  comité  se  propose  d'élever  ;  le  17  mars  il 
en  posera  la  première  pierre,  et  il  compte  sur  la  sympathique  assis- 
tance que  les  artistes  et  le  public  lui  ont  toujours  prêtée  dans  tous  ses 
travaux. 

NOUVELLE  SOCIÉTÉ  PHILHARMONIQUE  DE  LONDRES. 

M.  Hector  Berlioz  vient  d'être  appelé  à  Londres  pour  y  diriger  une 
nouvelle  Société  philharmonique,  organisée  sur  des  bases  plus  larges 
qu'aucune  des  institutions  de  ce  genre  existant  à  cette  heure  en  Europe. 
Cette  Société  a  pour  but  de  faire  entendre  avec  toutes  les  ressources 
musicales  que  possède  la  capitale  de  l'Angleterre  et  le  concours  des 
principaux  artistes  étrangers  qui  s'y  trouvent,  les  œuvres  les  plus  re- 
marquables de  l'école  moderne  et  celles  de  l'ancienne  école  non  encore 
connues  du  public  anglais.  Elle  donnera  dans  le  vaste  local  d'Exeter- 
Hall  six  concerts ,  dont  le  premier  aura  lieu  le  24  mars  prochain.  Les 
autres  se  succéderont  de  quinzaine  en  quinzaine.  Les  exécutants  seront 
au  nombre  de  300.  Cette  vaste  entreprise,  dont  les  frais  sont  immenses, 
met  en  émoi  le  monde  musical  de  Londres  tout  entier,  et  paraît  exciter 
dans  le  public  fashionable  de  vives  et  nombreuses  sympathies. 

La  souscription  aux  six  concerts  est  fixée  à  2  guinées  pour  les  ama- 
teurs, et  à  1  guinée  pour  les  artistes.  Elle  est  déjà  suffisante  pour  cou- 
vrir les  frais,  qui  s'élèvent  à  près  de  2,000  livres  sterlings  (50,000  fr.) 
Voici  le  programme  des  trois  premières  soirées. 

1er   CONCERT. 

1°  Symphonie  en  ut  majeur,  de  Mozart. 

2°  Triple  concerto  pour  violon,  piano  et  violoncelle,  de  Beethoven. 
3°  Fragments  du  1er  acte  d'Iphigénie  en  Tauride,  de  Gluck. 
4°  Ouverture  d'Euryante,  de  Weber. 
5"  Romeo  et  Juliette,  symphonie  avec  chœurs,  de  Berlioz. 
6°  Ouverture  de  Guillaume  Tell,  de  Rossini. 
2e  concert. 

1°  Symphonie  en  ut  mineur,  de  Beethoven. 
2°  Chant  des  Chérubins,  de  Bortnianski. 
3°  Concerto  de  piano,  du  docteur  Wylde. 
4°  Final  de  la  Vestale,  de  Spontini. 
5°  Ouverture  de  la  Flûte  enchantée,  de  Mozart. 
6°  L'Ile  de  Calypso,  grande  composition  pour  chœur,  orchestre  et 
solos  de  chant,  de  Loder. 

3e   CONCERT. 

1°  Ouverture  d'Athalie,  de  Mendelssohn. 
2°  Fragments  de  YArmide,  de  Gluck. 
3°  Dies  irœ, 
If  Tuba  mirum, 
5°  Rex  tremendœ, 
6°  Quœrens  me, 
7°  Lacrymosa, 
du  Requiem,  de  Berlioz. 
Les  exécutants  pour  ce  concert  seront  au  nombre  de  450. 


CORRESPONDANCE. 

Bruxelles,  19  février. 
C'est  encore  en  vous  parlant  de  Mme  Castellan  que  je  commencerai 
cette  lettre.  L'habile  artiste,  qui  ne  devait  d'abord  nous  consacrer  qu'une 
demi-douzaine  de  soirées,  en  a  quadruplé  le  nombre.  Chaque  fois  qu'on 


DE  PARIS. 


69 


annonçait  son  départ,  il  s'élevait  dans  le  public  dilettante  des  réclama- 
tions, des  sollicitations  qui  la  décidaient  a  rester  quelques  jours  de  plus. 
Deux  mois  se  sont  passés  ainsi,  et  nous  avons  successivement  applaudi  la 
brillante  prima  donna  dans  tous  les  rôles  de  son  répertoire  italien.  Que 
ne  nous  est-il  donné  de  lui  voir  parcourir  maintenant  le  domaine  étendu 
de  son  répertoire  français  !  Mme  Castellan  a  terminé  par  une  petite  ma- 
nœuvre de  coquetterie  féminine  Pour  augmenter  des  regrets  déjà  très- 
vifs,  elle  a,  dans  sa  dernière  soirée,  déployé  toute  la  variété,  toute  la  sou- 
plesse de  son  talent  dans  deux  rôles  de  genre  absolument  différents.  Don 
Pasquale  et  la  Sonna  mbula  sont  les  opéras  dont  elle  avait  fait  choix,  et  qui 
nous  l'ont  montrée  tour-a-tour  gracieuse  et  piquante,  tendre  et  pathéti- 
que. Il  va  sans  dire  que  ces  deux  ouvrages  n'ont  pas  été  exécutés  en  en- 
tier. Un  seul  acte  de  la  Sonnambula  accompagnait  Don  Pasquale.  C'était  un 
programme  assez  long  et  assez  beau  déjà.  Mme  Castellan  a  fait  une  retraite 
triomphale;  bravos,  rappels,  pluies  de  bouquets,  tout  ce  qui  témoigne  de 
la  sympathie  d'un  auditoire  lui  a  été  prodigué. 

Bruxelles  n'a  pas  eu  le  privilège  exclusif  d'entendre  et  d'applaudir 
Mme  Castellan.  Plusieurs  de  nos  grandes  et  de  nos  petites  villes  ont  solli- 
cité et  obtenu  de  la  diva  la  même  faveur.  Nous  avons  eu  seulement  sur  les 
dilettantes  provinciaux  l'avantage  d'apprécier  le  talent  scénique  de 
Mme  Castellan,  car,  pour  eux,  elle  a  dû  se  borner  à  quelques  morceaux 
de  concert,  ce  qui  ne  l'a  pas  empêchée  de  faire  partout  une  ample  moisson 
de  couronnes. 

En  même  temps  que  Mme  Castellan,  nous  avons  eu,  nous  avons  encore, 
plusieurs  notabilités  artistiques  parisiennes,  entre  autres  Mmes  Allan 
et  Ferville,  qui  donnent  des  représentations  au  Vaudeville  ;  Frederick 
Lemaître  et  Mlle  Clarisse  Miroy,  qui  attirent  la  foule  des  amateurs  de 
drame.  Le  goût  du  spectacle  s'est  répandu  chez  nous  de  manière  à  faire 
de  Bruxelles  un  lieu  d'excellente  exploitation  pour  vos  artistes  dramati- 
ques en  congé. 

Le  Théâtre-Royal  nous  a  donné  il  y  a  quelques  jours  la  première  repré- 
sentation d'une  œuvre  indigène.  C'est  un  opéra  bouffe  intitulé  la  Comédie 
à  la  ville.  La  musique  de  cet  ouvrage  est  de  M.  Gevaert,  lauréat  du  grand 
concours  de  composition,  arrivé  depuis  peu  d'un  voyage  en  Espagne,  en 
Italie  et  en  Allemagne,  entrepris  au  frais  du  gouvernement.  M.  Gevaert 
sait  son  métier;  il  s'entend  à  confectionner  une  partition  selon  les  règles 
de  l'art.  Ce  qui  lui  manque,  c'est  ce  qui  ne  saurait  s'enseigner,  c'est  ce 
qu'on  n'apprend  point  dans  les  écoles  :  l'invention.  Il  y  a  disette  d'idées 
dans  son  opéra.  Du  reste  il  est  fort  jeune,  et  la  faculté  créatrice  pourra  se 
développer  chez  lui.  Les  forces  morales,  de  même  que  les  forces  physiques, 
s'accroissent  par  l'exercice.  L'auteur  du  libretto  de  la  Comédie  à  la  ville 
est  la  basse  comique  de  notre  troupe  ;  l'un  des  principaux  rôles  de  sa 
pièce  a  été  rempli  par  lui. 

Emile  Prudent  a  donné  quatre  concerts  à  Bruxelles  dans  l'intervalle  de 
quinze  jours.  Le  premier  et  le  dernier  ont  eu  lieu  au  Théâtre-Royal.  Les 
deux  intermédiaires  ont  été  des  séances  intimes,  dont  le  célèbre  artiste  a 
fait  presque  seul  les  frais,  et  pour  lesquelles  une  salle  de  moindre  dimen- 
sion lui  avait  paru  préférable.  Les  auditeurs  ne  lui  ont  pas  fait  défaut 
pour  aucune  de  ces  exhibitions  d'un  talent  hautement  apprécié.  Emile 
Prudent  est  un  des  auteurs  de  musique  de  piano  dont  les  ouvrages  se 
jouent  le  plus  en  Belgique  comme  ailleurs.  A  l'heure  qu'il  est,  on  n'exé- 
cute plus  que  ses  fantaisies  sur  Guillaume  Tell,  sur  Robe  t,  les  Champs, 
les  Bois,  etc.  Après  ces  quatre  brillantes  et  productives  soirées,  Prudent 
a  pris  congé  de  Bruxelles,  mais  non  de  la  Belgique.  Plusieurs  de  nos  villes 
de  province  le  réclamaient  ;  il  a  répondu  à  leur  appel. 

Nous  avons  eu  dimanche  le  second  concert  du  Conservatoire.  Beetho- 
ven et  Mozart  en  ont  été  les  héros.  Le  premier  avait  fourni  pour  sa  part  au 
programme  la  Symphonie  héroïque  et  l'ouverture  de  Leonore.  Le  second 
avait  pour  contingent  le  sextuor  de  Don  Juan  et  le  trio  des  Génies  de  la 
Flûte  inchantée.  C'était  d'assez  bon  choix,  vous  n'en  disconviendrez  pas. 
Quant  à  l'exécution,  elle  a  été  digne  de  ces  chefs-d'œuvre,  digne  de 
leurs  illustres  auteurs.  Ce  qui  distingue  les  concerts  du  Conservatoire  de 
Bruxelles,  c'est  la  parfaite  concordance  qu'il  y  a  entre  le  rendu  de  cha- 
que morceau  et  l'intention  du  maître  qui  l'a  conçu.  Je  n'ai  pas  la  préten- 
tion de  vous  apprendre  que  M.  Fétis  a  fait  des  œuvres  musicales  de  tou- 
tes les  époques  et  de  tous  les  compositeurs  une  étude  approfondie  ;  je  me 
borne  à  vous  le  rappeler.  Il  a  pénétré  l'esprit  de  chacun  d'eux,  et  l'or- 
chestre qu'il  dirige,  obéissant  à  son  impulsion,  s'en  fait  le  fidèle  interprète. 
Autant  d'écoles,  autant  d'auteurs,  autant  de  manières  de  rendre. 

On  a  entendu  au  second  concert  du  Conservatoire  une  jeune  violoniste, 
(je  dis  une  et  non  pas  un),  élève  de  De  Bériot,  lauréat  ou  lauréate  au  der- 
nier concours,  et  qui,  pour  son  coup  d'essai,  vient  de  frapper  un  coup  de 
maître,  comme  disaient  les  écrivains  classiques.  MlleFréry,  tel  est  le  nom 
de  notre  virtuose,  possède  toutes  les  qualités,  toutes  celles  en  vérité  qui  font 
l'habile  exécutant  :  justesse  parfaite,  mécanisme,  sentiment.  Ce  sera  une 
digne  émule  de  Teresa-Milanollo.  On  entendra  parler  d'elle  dans  le  monde 


musical;  je  ne  crois  pas  m'exposer  à  un  démenti  en  vous  en  donnant 
l'assurance. 

Le  Conservatoire  nous  promet  pour  son  troisième  concert  une  audition 
(le  mot  est  consacré),  une  audition  des  plus  intéressantes.  Il  s'agit  des 
morceaux  composés  par  Meyerbcer  pour  la  tragédie  de  Shuensér,  de  son 
frère  Michel  Béer,  Un  jeune  littérateur  belge  a  fait  une  traduction  fran- 
çaise du  texte,  et  le  Conservatoire  réunira  toutes  ses  ressources  pour  nous 
en  offrir  la  complète  interprétation. 

Alexandre  Batta  traversait  Bruxelles  il  y  a  quelques  jours,  se  rendant  en 
Hollande.  Son  intention  n'était  pas  de  s'y  faire  entendre.  Des  amateurs 
fervents  comme  il  s'en  trouve  partout,  heureusement ,  en  Belgique  non 
moins  qu'ailleurs,  je  me  plais  à  le  dire,  apprennent  l'arrivée  de  l'habile 
artiste.  Laisseront-ils  échapper  cette  occasion  de  l'applaudir?  Non  certes, 
pour  peu  que  cela  dépende  d'eux.  Il  n'y  a  pas  de  temps  à  perdre. 
Alexandre  Batta  ne  doit  passer  que  peu  d'heures  dans  notre  capitale. 
Quand  il  aura  payé,  sa  dette  aux  affections  de  famille;  quand  il  aura  em- 
brassé son  père,  professeur  au  Conservatoire  de  Bruxelles,  fondateur  de 
cette  dynastie  des  Batta  qui  a  déjà  donné  à  la  Belgique  musicale  un  vio- 
loncelliste, un  pianiste  et  un  violoniste,  il  continuera  son  voyage  vers  le 
nord.  On  le  prend  au  débotté,  on  lui  demande  un  concert,  moins  que  cela, 
une  soirée,  quelques  morceaux  à  son  choix,  et  comme  il  est  bon  prince,  il 
condescend  aux  désirs  des  solliciteurs.  En  vertu  de  cette  promesse  arra- 
chée à  son  archet,  il  a  donné,  sans  affiches,  sans  annonces,  dans  les  sa- 
lons de  M.  Berden,  notre  meilleur  facteur  de  pianos,  une  façon  de  séance 
privée,  où  l'on  voyait  l'élite  de  la  société  bruxelloise  et  où  il  a  joué  trois 
morceaux,  et  dans  ce  nombre  sa  nouvelle  fantaisie  sur  les  motifs  du  Pré 
aux  Clercs,  aux  unanimes  et  chaleureux  applaudissements  d'un  auditoire 
tout  aristocratique. 

Cela  fait,  Batta  est  parti  pour  la  Hoilande.  Quel  motif  l'attire,  en  la  rude 
saison,  en  ce  pays  marécageux  où  le  soleil  n'est  guère  connu  que  de  ré- 
putation,  et  où  l'on  respire  non  de  l'air,  mais  du  brouillard?  Je  vous  le 
dirai,  quitte  à  commettre  une  indiscrétion.  11  va  jouer  au  roi  un  morceau 
qu'il  a  composé  sur  les  motifs  d'un  de  ses  opéras.  Vous  n'ignorez  pas  que 
le  souverain  de  la  Néerlande  ne  se  contente  pas  de  régner  politiquement, 
mais  qu'il  veut  aussi  régner  musicalement.  Il  écrit  des  opéras  qu'on  joue 
sous  le  nom  de  son  maître  de  chapelle,  et  qui,  suivant  ce  qu'assurent  des 
connaisseurs  qui  les  ont  entendus,  feraient  honneur  à  un  maître  de  pro- 
fession. Donc,  pour  en  revenir  à  Batta,  il  n'a  eu  d'autre  but,  en  se  ren- 
dant à  La  Haye,  que  d'exécuter  à  la  cour  des  variations  ajustées  sur  de 
gracieuses  et  royales  mélodies. 

Il  y  a  quelques  années,  Mme  Pleyel  fit  un  voyage  à  Londres.  Elle  y  fut 
accueillie  en  reine,  en  reine  du  piano  qu'elle  est.  On  ne  doutait  pas  qu'elle 
n'y  retournât  à  la  saison  suivante,  puis  qu'elle  n'y  fît  des  apparitions  pé- 
riodiques, comme  en  contractent  l'habitude  les  grands  artistes  admis  par 
l'Angleterre  aux  honneurs  d'une  splendide  hospitalité.  On  se  trompait  :  le 
détroit  ne  fut  point  de  nouveau  passé  par  elle.  Explique  ce  fait  quiconque 
serait  assez  fin  pour  pénétrer  les  profondeurs  du  cœur  féminin.  Cette 
année,  pourtant,  Mme  Pleyel  reverra  les  rives  de  la  Tamise.  Elle  a,  dit-on, 
le  projet  de  passer  la  belle  saison  à  Londres,  et  d'exercer  de  nouveau  sur 
les  oreilles  des  perfides  insulaires  l'irrésistible  séduction  de  son  talent  in- 
comparable. 

Avant  de  s'embarquer  pour  le  Royaume-Uni,  Mme  Pleyel,  qui  n'a  pas 
joué  en  public  à  Bruxelles,  et  depuis  fort  longtemps,  donnera  un  concert 
non  pour  son  propre  compte,  mais  pour  celui  d'une  association  formée 
dans  un  but  moitié  religieux,  moitié  artistique.  A  l'entrée  d'un  des  fau- 
bourgs de  Bruxelles  s'élève  une  église  construite  dans  le  style  byzantin. 
Les  ressources  de  la  commune  ne  pouvant  suffire  à  l'active  construction 
des  travaux,  on  a  résolu  d'invoquer  le  concours  des  fidèles,  comme  cela 
se  pratiquait  au  moyen-âge.  Une  Société  s'est  constituée  sous  le  patron- 
nage  de  notre  jeune  princesse  royale.  Au  moyen  des  souscriptions  qu'elle 
a  ouvertes,  des  tombolas  qu'elle  a  organisées  et  des  concerts  donnés  par 
son  initiative,  des  sommes  assez  considérables  ont  été  déjà  recueillies. 
La  séance  dans  laquelle  Mme  Pleyel  a  promis  de  se  faire  entendre  sera  — 
en  doutez-vous?  -  éminemment  productive  et  fournira  un  large  contin- 
gent à  la  caisse  de  l'association  dont  je  vous  parle. 

La  semaine  passée  on  a  mis  aux  enchères,  dans  une  vente  publique  de 
livres,  gravures  et  musique,  la  partition  manuscrite  de  Vldomeneo,  de 
Mozart,  et  annoncée  comme  étant  de  la  main  de  l'illustre  compositeur. 
Comment  cette  partition  se  trouve-t-elle  à  Bruxelles?  Par  quel  concours 
de  circonstances  serait-elle  sortie  des  mains  de  M.  André  d'Offenbach, 
possesseur  de  la  collection  des  autographes  de  Mozart?  Voilà  ce  qu'on 
n'expliquait  pas.  Un  amateur  se  présenta  qui  offrit  du  manuscrit  en 
question  une  somme  considérable,  si  le  libraire  voulait  en  garantir  l'au- 
thenticité. Le  libraire  s'y  refusa,  et  la  partition  d'Idomeneo  fut  retirée 
sans  avoir  vu  couvrir  d'une  enchère  sa  mise  à  prix  abaissée  jusqu'à  trois 
francs.  La  gloire  de  Mozart  n'en  souffrira  pas. 


REVUE   ET  GAZETTE  MUSICALE 


NOUVELLES. 

*.,*  Demain  lundi,  à  l'Opéra,  les  Huguenots. 

*t*  La  semaine  a  été  bonne  pour  notre  première  scène  lyrique,  que  les 
derniers  jours  du  carnaval  obligeaient  à  déployer  une  activité  tout  à  faitex- 
eeptionnelle.  Dimanche,  le  Prophète,  avec  Roger,  Mme  Tedesco  et  Mlle 
Poinsot,  avait  plus  que  rempli  la  salle.  Lundi,  Guillaume  Tell,  avec  Guey- 
mard,  Morelli  et  Mme  Laborde,  avait  aussi  fait  chambrée  complète. 
Mardi,  la  Favorite,  chantée  par  Roger,  Morelli,  Mlle  Masson,  et  suivie 
d'un  ballet,  attirait  encore  une  foule  considérable.  Mercredi,  le  l'iolon  rlu 
Diable,  précédé  de  la  Xacarilla,  réunissait  les  amateurs  du  ballet,  dont  la 
faveur  est  désormais  acquise  à  la  jeune  et  charmante  danseuse,  Regina 
Forli.  Enfin  vendredi  dernier,  Guillaume  Tell  reparaissait  une  seconde 
fois  sur  l'affiche,  et  la  recette  ne  souffrait  nullement  de  !a  concurrence 
des  jours  précédents. 

*„*  Les  répétitions  du  Juif  errant  sont  assez  avancées  pour  qu'on  puisse 
à  peu  près  fixer  le  jour  de  son  apparition.  11  a  été  décidé  que  ce  grand 
ouvrage  serait  donné  du  13  au  20  mars. 

*i*  1,3.  Fée  aux,  Ilotes  avec  la  Fête  du  Village,  voisin  composaient,  le  jour  du 
Mardi-Gras,  un  spectacle  pour  lequel  il  eût  été  nécessaire  d'agrandir  in- 
définiment la  salle  de  l'Opéra-Comique. 

*„.*  Le  Car/Ilunneur  de  Bruges  a  été  joué  quatre  fois  la  semaine  der- 
nière :  le  succès  de  l'ouvrage  et  des  artistes  s'établit. 

***  Le  Théâtre-Italien  a  repris  Yhaliana  in  Algieri,  cette  partition  si 
longtemps  jeune  et  qui  le  serait  toujours,  si  la  bouffonnerie  qui  lui  sert 
de  cadre  avait  un  peu  moins  vieilli.  Mlle  d'Angri  faisait  sa  rentrée  dans 
le  rôle  d'Isabella,  et  nous  avons  retrouvé  la  belle  voix  que  nous  lui  con- 
naissions, sauf  toutefois  un  peu  d'enrouement.  Les  qualités  dominantes 
de  Mlle  d'Angri  sont  l'énergie  et  la  chaleur  ;  sa  physionomie  a  quelque 
chose  de  mâle,  comme  son  organe.  C'est  une  de  ses  analogies  avec  la 
Pisaroni,  qui  chantait  avec  tant  d'effet  l'air  final  :  Pensa  alla  patria. 
Mlle  d'Angri  en  a  aussi  tiré  un  excellent  parti,  et  d'unanimes  bravos  l'ont 
accueillie.  Belletti  et  Calzolari  ont  partagé  le  succès  de  la  cantatrice  dans 
les  rôles  de  Mustafa  et  de  Lindoro  ;  Ferranti  est  très-comique  dans  celui 
du  mari 

**  Meyerbeer  a  reçu  de  la  reine  d'Angleterre  deux  ouvrages  d'art  ac- 
compagnés de  la  lettre  la  plus  flatteuse,  en  remercîment  de  l'hommage 
de  son  ode  à  la  mémoire  de  RaUch,  lé  célèbre  sculpteur. 

*s*  Aujourd'hui,  dimanche,  il  y  aura  exercice  des  élèves  au  Conserva- 
toire de  musique  et  de  déclamation.  La  séance  commencera  par  l'exécu- 
tion d'une  ouverture  composée  par  M.  Jouas.  On  jouera  ensuite  les  Fo- 
lies amoureuses,  de  Regnard,  et  Jean  de  Paris,  de  Saint-Just  et  Boïeldieu. 

*+*  One  grande,  et  religieuse  solennité  sera  célébrée  le  vendredi ,  26 
mars,  dans  l'église  de  la  Madeleine,  à  la  mémoire  de  l'illustre  Habeneck  , 
que  la  mort  a  frappé  au  mois  de  février  1849.  Pour  consacrer  plus  digne- 
ment ce  troisième  anniversaire  funèbre,  l'un  des  meilleurs  élèves  du  maî- 
tre fameux,  de  l'artiste  à  jamais  regrettable,  M.  Deldevèzea  composé  une 
messe  de  llequnm  qui  sera  exécutée  par  le  Cercle  musical,  dont  M.  Charles 
de  Bez  est  président.  11  y  aura  une  quête  au  profit  de  la  caisse  des  se- 
cours et  pensions  de  l'Association  des  artistes  musiciens,  qui  compte  Ha- 
beneck parmi  ses  plus  glorieux  fondateurs,  et  qui  lui  doit  tant  de  services 
rendus  avec  un  dévoûment  au-dessus  de  tout  éloge. 

*'*  Mlle  Clauss  donnera  son  troisième  concert  dimanche  là  mars. 
Jamais  la  phrase  consacrée,  à  la  demande  générale,  n'a  pu  recevoir  une 
plus  juste  application. 

**  Nous  rappelons  que  le  concert  de  Mlle  Marie  Mira  est  toujours  fixé 
au  7  mars.  Dans  notre  dernier  numéro,  nous  avons  dit  de  quels  éléments 
pleins  d'intérêt  se  composait  cette  séance,  que  recommande  déjà  si  bien 
le  nom  de  là  bénéficiaire. 

**  Le  concert  que  Léopold  de  Meyer  donnera  le  8  mars  prochain  pro- 
met d'être  un  des  plus  intéressants  delà  saison.  Le  célèbre  pianiste  y  fera 
entendre  plusieurs  de  ses  compositions  nouvelles,  qui  ne  le  céderont  en 
rien  à  ses  œuvres  depuis  longtemps  populaires. 

***  Le  jeune  violoniste  Léon  Reynier  donnera  un  fort  intéressant  con- 
cert, le  1 0  mars  prochain.  Il  jouera  la  fantaisie  de  Norma,  de  Vicuxtemps, 
sur  la  quatrième  corde;  le  Yankee  doodle,  du  même,  et  un  quatuor  de 
Beethoven. 

%*  Le  concert  annuel  de  W.  Kruger  aura  lieu  le  mardi  16  mars,  à  huit 
heures  du  soir,  dans  la  salle  Herz. 

*„,*  M.  Ad.  Sax,  l'habile  facteur  d'instruments  qui  a  remporté,  comme 
on  sait,  la  grande  médaille  à  l'Exposition  universelle,  vient  d'être  nommé 
membre  honoraire  de  l'Académie  des  sciences  à  Londres. 

*t*  Voici  le  programme  du  troisième  et  dernier  concert  que  Ernst  don- 
nera demain  lundi,  1er  mars,  dans  la  salle  Herz,  à  huit  heures  du  soir,  et 
dans  lequel  Mlle  Clauss  se  fera  entendre  :  1°  Quatuor  en  mi  mineur  pour 
deux  violons,  alto  et  violoncelle,  de  Mendelssohn,  exécuté  par  MM.  Ernst, 
Maass,  Eckert  et  Chevillant;  2"  la  Sérénade,  de  Schubert,  chantée  par 
M.  Wartel;  3°  Airs  hongrois,  variés  et  exécutés  par  M.  Ernst;  à"  Air  de 
Torqualo  Tasso,  de  Donizetti,  chanté  par  Mlle  Duval. 

*„*  M.  J.  Freminet,  élève  du  Conservatoire,  donnera  un  concert,  le 
2  mars,  dans  la  salle  de  Herz,  avec  le  concours  de  plusieurs  artistes 
distingués. 

%*  Le  quatrième  concert  d'Emile  Prudent,  à  Bruxelles,  a  produit  en- 
core plus  d'effet  que  les  trois  autres.  L'exécution  de  son  grand  concerto 
et  de  sa  fantaisie,  les  Bois,  à  été  supérieure.  A  Gand,  il  s'est  fait  entendre 


au  Casino  devant  plus  de  deux  mille  personnes.  Les  Bois  et  le  Réveil  des 
Fées  ont  eu  un  succès  immense  :  le  bis  est  toujours  et  partout  de  rigueur 
pour  ce  dernier  morceau.  Emile  Prudent  va  revenir  à  Paris,  où  il  restera 
quelques  jours  avant  de  se  rendre  à  Londres. 

***  Le  roi  des  Pays-Bas,  voulant  honorer  le  double  mérite  d'Alexandre 
Batta  comme  compositeur  et  virtuose,  lui  a  fait  remettre  une  médaille 
d'or  du  plus  grand  module,  avec  son  portrait  d'un  côté,  et  de  l'autre  cette 
inscription  :  Bene  merentihus  arte  et  ingénia.  Cette  médaille  est  de  la  va- 
leur de  1,200  fr.  Le  célèbre  artiste  a  excité  à  Ltrecht  un  enthousiasme 
extraordinaire. 

***  Notre  excellent  violoncelliste  Emile  Rignault  donnera  son  grand 
concert  annuel  mardi  soir,  2  mars,  dans  les  salons  de  M.  Herz.  On  y  en- 
tendra, outre  le  bénéficiaire  et  son  frère,  Mlle  Montigny,  MM.  Edouard 
Wolff,  Grignon  et  Aimés. 

%*  Conformément  au  vœu  émis  par  les  comités  des  cinq  Associations 
d'artistes,  le  beau  portrait  de  M.  le  baron  Taylor,  peint  par  M.  Charles 
Lefebvre,  vient  d'être  reproduit  en  une  magnifique  lithographie,  due  au 
talent  de  M.  Léon  Noël.  Chaque  épreuve  se  vend  5  fr.  au  profit  de  la  caisse 
des  Associations. 

*._*  M.  Edmond  Seveste,  directeur  de  l'Opéra-National ,  a  été  enlevé 
hier  par  une  mort  presque  subite. 

CRONIQUE    DÉPARTEMENTALE. 

%*  Lille,  26  février.  —  Comme  partout  où  il  a  été  représenté,  le  dernier 
chef-d'œuvre  du  grand-maître  obtient  un  succès  d'enthousiasme  que 
six  représentations  en  moins  de  quinze  jours  n'ont  pas  pu  diminuer.  Oc- 
tave, de  l'Opéra,  qui  remplit  le  rôle  du  Prophète,  y  obtient  un  immense 
succès  ;  nous  l'avions  entendu  l'année  dernière  à  Bruxelles,  dans  ce  même 
rôle  qu'il  a  chanté  cinquante  et  quelques  fois  pendant  la  saison  d'hiver. 
Sa  voix  a  gagné  depuis  beaucoup  de  force  et  d'ampleur,  sans  avoir  rien 
perdu  de  son  joli  timbre,  résultat  dû  sans  doute  au  travail  qu'il  vient  de 
faire  en  Italie  avec  les  maîtres  Romani,  Lamperti,  et  présentement  avec 
le  maître  Fontana,  de  Paris.  On  dit  qu'il  retournera  bientôt  en  Italie  Ce  se- 
rait une  véritable  perte  pour  nos  grands  théâtres  de  province  et  pour  le 
répertoire  français  dont  il  est  un  des  plus  dignes  soutiens.  Nous  espérons 
donc  que  le  succès  qu'il  obtient  le  retiendra  dans  son  pays  natal. 
CHRONIQUE     ÉTRANGÈRE. 

***  Berlin.  —  Un  grand  concours  de  musique  militaire  vient  d'avoir 
lieu  en  présence  d'un  grand  nombre  de  généraux  et  d'officiers  supérieurs, 
parmi  lesquels  les  princes  de  la  maison  royale,  le  prince  Auguste  de 
Wurtemberg,  le  prince  de  Radzhvill,  les  généraux  Wrangel,  Moellen- 
dorf,  etc.  La  marche  de  cavalerie  :  En  avant,  composée  par  M.  Lorenz, 
trompette  major,  a  obtenu  tous  les  suffrages.  Ont  été  remarquées  en 
outre  :  la  marche  de  Beîlnrie,  pour  infanterie,  par  Leutner;  la  marche  So- 
phia-Catharina,  pour  infanterie,  par  Meyenberg  ;  la  marche  du  Dix-neuf 
Février,  pour  infanterie,  par  M.  Loehrk.  On  n'avait  admis  au  concours  que 
des  morceaux  écrits  par  des  musiciens  attachés  à  l'armée  prussienne.  — 
L'exposition  des  douze  tableaux  vivants,  qui  avait  eu  lieu  il  y  a  quelque 
temps  chez  le  prince  Charles,  a  été  répétée  chez  le  roi.  A  cette  occasion, 
Mmes  Wagner  et  Herrenburger,  M.  Mantius,  le  chœur  du  Dôme  et  la  cha- 
pelle royale,  ont  exécuté,  sous  la  direction  de  Meyerbeer,  diverses  com- 
positions des  plus  remarquables:  airs  et  chœurs  de  Gluck,  chœur  des 
Huguenots  ;  airs  de  danse  du  Prophète,  le  duo  de  Meyerbeer,  intitulé  : 
Grand' Mère,  l'air  de  la  Corbeille  d'oranges,  chanté  par  Al  boni. 

***  Vienne.  —  Panofka  nous  quitte  pour  se  rendre  à  Londres  et  y  faire 
exécuter  plusieurs  de  ses  compositions  dans  le  courant  de  la  saison.  — 
Aujourd'hui,  19  février,  aura  lieu  la  troisième  séance  de  Mme  Wartel, 
qui,  sans  doute,  sera  tout  aussi  fructueuse  pour  la  bénéficiaire  que  ces 
deux  premiers  concerts. 

***  Florence,  12  février.  —  Hier,  au  théâtre  de  la  Pergola,  nous  avons 
assisté  au  premier  début  dans  la  carrière  théâtrale  d'une  jeune  cantatrice 
appartenant  à  l'une  des  plus  illustres  familles  d'Italie,  Mlle  Mariette  Picco- 
lini,  native  de  Sienne.  Elle  a  paru  dans  Lucrezia  Borgia,  dont  elle  a  rempli 
le  principal  rôle  d'une  manière  qui  lui  a  mérité  les  suffrages  unanimes  de 
notre  public. 

*  *  Nèlv-.Yàrk.  —  Les  beaux  jours  des  virtuoses  sont  passés;  les  Yankees 
sont  blasés.  Depuis  les  soirées  grandioses  de  Jenny  Lind,  il  n'est  plus  pos- 
sible de  donner  des  concerts  sans  se  ruiner.  L'Opéra-ltalien  n'a  qu'un 
demi-succès.  Et  pourtant  il  y  a  eu  affluence  de  chanteurs  et  de  canta- 
trices et  de  musiciens  de  toute  espèce.  Mmes  Bishop  et  Bochsa  se  font 
entendre  dans  les  plus  petites  villes,  le  pianiste  Slvackosh  exploite  les  Etats 
de  l'Ouest,  en  société  avec  Mlle  Amélie  Potti  et  Parodi.  Jenny  Lind  elle- 
même  a  vu  pâlir  son  étoile  à  Philadelphie  ;  depuis  la  mort  de  sa  mère,  la 
célèbre  cantatrice  vit  dans  la  retraite  la  plus  absolue.  Quant  â  Lola  Mon- 
tés, elle  n'a  pas  piqué  un  seul  instant  la  curiosité  publique.  L'arrivée 
d'Ole  Bull  n'a  pu  sortir  les  Américains  de  leur  apathie. 

Le  gérant  :  Ernest  DESCHAMPS. 


—  Les  chanteurs  qui  possèdent  une  voix  de  basse  apprendront  avec 
plaisir  la  mise  en  vente  d'une  mélodie  fort  remarquable  :  le  Clocheteur  de 
nuit,  composée  spécialement  pour  la  voix  de  basse  par  MM.  F.  de  Coubcy 
et  L.  Clapisson. 


DE  PARIS. 


71 


CHEZ  BRANOUS  ET  C,  ÉDITEURS,   103,  RUE  RICHELIEU, 


REPERTOIRE  DU  CHANTEUR 

Deuxième  série. 

COLLECTION   D'AIRS.   l!(M!«V(i;S     ETC.,  EXTRAITS  DES  OPERAS  FRANÇAIS,  POUR 


%  <■  <  <■■<  ii 

Ambassadrice  (l>) 
Bnr<  nrollc  (In), 
Charles  VI, 


Cheval  de  II -m 
Comte  Ory  (le) 


A  ir. . 
Air. . 


Rame  de  Pique  (la),  A  ir. 


lieux  familles  (le»), 
Dieu  et  la  Bayadèn 


Itnmiiiii  noir  (1 
■Onlaut  prodigue  [l'),Ai 
—  Air. 


Favorite  (la), 

Fée  aux  Roses  (la) 


Fiancée  (la), 
Giralda, 


Guido  et  Ginévra, 
Guillaume  Tell, 


Voix 

Air..    .    .  I)  est  des  époux  complaisants 

Air..    .    .  Chcgusto!ahqucinonsortestbeau!   .    . 

Couplets.  0  toi  dont  l'œil  rayonne  ! 

Chant  national.  La  France  a  l'horreur  du  servage 
Scène  et  air.  C'est  grand'pitié  que  ce  roi  ...  . 
Cavatine.  Fête  maudite  et  qui  fera  répandre  .    . 

mélodie..  Avec  la  douce  chansonnette 

ze  (le),  Air.  .   .  Mon  noble  gendre  a  donc  quitté  la  terre 

.    .  Veillersanscesse,  craindre  toujours  .    . 

.    .  Dans  ce  lieu  solitaire,  propice  au  doux 
mystère 

.  .  C'est  un  feu,  un  feu  qui  brûle  sans  cesse 
Couplets  .  Je  n'ai  qu'un  plaisir  et  qu'un  vœu  .  . 
Romance.  Le  trois,  le  dix  et  la  dame  de  pique  .   . 

Air.  .    .   .  Non,  de  majuste  colère 

(le).  Air. .  Quel  vin!  quel  repas  délectable.   .    .    . 

Air..    .    .  Sois  ma  Bayadère 

Couplets.  Nous  allons  avoir,  grâce  a  Dieu ,  .    .    . 

.   Toi  qui  versas  la  lumière 

.  Quel  ciel  de  pourpre  et  d'azur  .... 

Romance.  Il  est  un  enfant  d'Israël 

Air.  .   .    .  Mes  malheurs  étaient  grands 

Air.  .   .    .  Léonore,  viens!  j'abandonne 

Caroline,  Pour  tant  d'amour  ne  soyez  pas  ingrate 
Air. .   .    .  Art  divin  qui  faisait  ma  gloire  .... 

Air.  .    .    .  Ne  crois  pas  que  je  te  cède 

Air. .   .    .  Quel  sourire  enchanteur 

Air..  .  .  Que  saint  Jacques  et  les  saints.  .  .  . 
Romance.  Ange  des  cieux,  charme  des  yeux.  .  . 
Prière.    .  Sa  main  fermera  ma  paupière  .    .    . 

A'r  .   .   .  Ma  fille  à  mon  amour  ravie 

Romance.  Sois  immobile  et  vers  la  terre  .... 


de  BISSE, 


4  50 
4  50 


Juive  (la). 


I>ac  des  Fées    le  , 
.Hou* 


Ilajdéc,  Romance.  A  la  voix  séduisante. 

Air.  .    .   .  Me  voici,  général,  a  vos  ordres.    .    .    . 
Huguenots  (les).  Choral.    .  Seigneur,  rempart  et  seul  soutien.   .    . 

—  Chanson  huguenote.  Piff, .pan"!   piff,  pair:.   .   .  . 

Couvre-feu.  Rentrez,  habitants  de  Paris 

Cavatine.  Si  la  rigueur  et  la  vengeance    .... 

Malédiction.  Vous  qui  du  Dieu  vivant 

Air  de  chasse.  Avec  adresse,  avec  audace  .... 

■la ires  de  la  Heine  (les),  Air.  Ah  !  pour  moi  quelle  ivresse. 

—  Couplets.    Pas  de  beauté  pareille 

ïlucttc  de  Porlici  (la),   Barcarolle.  Voyez,  du  haut  de  ces  rivages.   . 
Philtre  (le),  Air..   .    .  Je  suis  sergent,  brave  et  galant.   .   .   . 

—  Air.  .  .  .  Vous  me  connaissez  tous,  Messieurs  .  . 
Postillon  île  Lou  jumeau  (le),  Air.  Oui,  des  choristes  du  théâtre  .  . 
Prophète  (le),  L'appel  aux  armes.  O  liberté  c'est  ta  victoire  .    . 

—  Couplets  .  Aussi  nombreux  que  les  étoiles  .... 
Heine  de  Chypre  (la),  Cavatine.  Triste  exilé  sur  la  terre  étrangère.    . 

Cavatine.  A  ton  noble  courage 

Air..    .   .  Eh  quoi  !  chez  vous  la  crainte   .    .   .   . 

Cavatine.  Que  ton  àme  si  noble 

Romance.  Anges  sur  moi  penchés 

Evocation.  Nonnes  qui  reposez. 


Robert  Rr 


Robert  le  Diable, 


Air.  ...  Je  t'ai  trompé,  je  fus  coupable 


Siège  de  Corlnthe  (le),  Air..  Qu'à  ma  voix  la  victoire  s'arrête  . 


Staliiit  Hâter  (Rossist 
Trompette   de   11.  le   Prince 


Pro  peccatis  sua?  gentis 

(le),   Chan&on.  Pourquoi  toutes  ces 

guerres? 

Val  d'Andorre  (le),    Chanson  du  clievrier.  Voilà  le  sorcier,  car  il  existe 

encore 

—  Romance.  Le  soupçon,  Thérèse 

Zerline,  Air.  .    .    .  Non,  plus  longtempsje  n'y  saurais  tenir 


3  75 

3  75 

4  « 


4  50 
4  50 


COLLECTION    DE    DUOS   EXTRAITS    D'OPÉRAS    FRANÇAIS. 


ACTION. 

Duo,  Pourquoi  cet  air  sombre  et  sauvage  ?  S.B. 
AMBASSADRICE    (L')  ■ 

—  Toi  qui  surveille  de  ma  nièce  ...  .S.  S. 

—  Et  pourquoi  donc,  c'est  la  musique.   T.  S. 

—  Oui  c'est  moi  qui  viens  ici T.  S. 


CHARLES  VI. 

—  Respect  à  ce  roi  qui  succombe.   .    .  S.  C. 

—  Gentille  Odette,   eli  quoi  ton  cœur  palpite. 

T.  S. 

—  A  la  victoire  où  nous  courons.   .    .  S.  B. 


COMTE   ORY  (LE). 

—  Je  vais  revoir  la  beauté  qui  m'est  chère. 

T.   S.  6     » 

—  Dans  ce  séjour  calme  et  tranquille. .  S.  S.  5     » 
Prière  à  2  voix,  Noble  châtelaine,  voyez  notre 

peine S.  S.  2  50 

Duo,  Ah  !  quel  respect,  Madame  ....   T.  S.  7  50 
chœur  à  2  voix,  Ah  !  la  bonne  folie,  c'est  char- 
mant  T.  T.  3     » 

—  Buvons,  buvons,  buvons  soudain.  .  T.  T.  5     ■ 

DAME    DE    PIQUE    (LA). 

—  Depuis  trois  mois  je  porte  cet  insigne.  T.  T.  7  50 
Romance  à  îvoix,  Dans  ces  demeures  solitaires. 

T.  S.  Il  50 
Duo,  Allons  donc ,   lâche ,  et  que  cette  liqueur. 

S.  B.  9     .. 

—  Ne  suis-je  pas  une  sœur,  une  amie  ?  T.  S.  9     » 

DIAMANTS   DE   LA   COI'EOKFIE    (LES). 

—  L'heureuse  conquête T.  S.  G    » 

—  Mon  cousin  qui  dans  tous  les  temps.  T.  S.  3  75 
Boléro  à  2  voix,  Dans  les  défilés  des  montagnes. 

S.  S.  4  50 
Duo,  Savez-vous,  mon  cousin T.  S.  4  50 

DIEU  ET  LA   BAYADÈRE    (LE). 

—  Comment,  aimables  bayadères.   .    .   T.  S.  4  50 
Nocturne,  O  bords  heureux  du  Gange.   .   T.  S.  3     » 

DOS1ÏHO    NOIR   (LE). 
Duo,  Parlez,  parlez,  quel  destin  est  le  nôtre?  T. S.  6    » 

—  Téméraire,  impie,  où  vas-tu?  .    .    .  S.  B.  3  75 

ÉCLAIR  (L'). 

—  Ah  !  combien  cette  solitude  ....  S.  S.  7  50 

—  Comme  mon  cœur  bat  et  palpite.   .  T.  S.  7  50 

—  Près  d'une  belle  être  fidèle T.  S.  7  50 

ENFANT  PRODIGUE    (L') 

—  Vous  devez  envoyer  à  Memphis  .    .  T.  B.  G  » 

—  D'où  viennent  ces  cris  de  vengeance.  S.  B.  6  .. 

—  Oui  je  suis  ce  coupable f.  S.  6  » 

FAVORITE    (LA). 

■ —  Toi  mon  fils,  ma  seule  espérance.    .  T.  B.  7  50 

—  Mon  idole  !  mon  idole  ! T.  S.  9  >■ 

—  Léonor ,   pourquoi  tristement  baisser  les 

yeux s.  B.  7  50 

Le  même  transposé  pour S.  C.  7  50 

—  Va-l'-en  d'ici,  de  cet  asile T.  S.  0  » 


FÉE  AUX  ROSES   (LA). 
Duo,  Si  tu  pouvais  devenir  plus  traitable.  S.  B.  7  50 
Couplet  à  2  voix,  Du  sultan  l'hymen  se  prépare. 

T.  S.   3  75 

Les  mêmes  transposés  pour  S.  elBaryt.  3  75 

Duo,  Ainsi  ta  haine  qui  me  brave.   .   .   .  S.  B.  6    » 

—  Ah  !  Monseigneur  à  là  vieillesse  .    .   T.  S.  5     » 

FIANCÉE    (LA). 

Duo,  Entendez-vous,  c'est  le  tambour  .    .  T.  S.  6    » 

—  Bannissant  la  tristesse T.  S.  5     » 

—  Au  nom  du  Dieu  puissant T.  S.  4  50 

FRA    DIAVOLO. 

Couplets  à  2  voix.  Je  voulais  bien  .   .    .   T.  S.  2  50 
Ronde  à  3  voix,  Voyez  sur  cette  roche..   T.  S.  2  50 

GIRALDA. 

Duo,  Faut-il  donc  vous  aider,  ma  chère  ?.  .T.  S.  5     » 

—  C'est  dans  l'église  du  village  .    .   .  T.  T.  7  50 

—  Ah  !  le  désespoir  me  reste T.  S.  9    » 

—  O  perfidie  qui  sacrifie T.  S.  G    » 

GUIDO  ET  GINÉVRA. 

—  Ah  !  grand  Dieu  qu'ai-je  vu  ?   ...    T.  S.  7  50 

—  Où  vas-tu  ?  Je  les  suis  ......   C.  B.  7  50 

—  Ombre  chérie,  ombre  adorée  .    .    .  T.  S.  7  50 

GUILLAUME   TELL. 

—  Où  vas-tu?  quel  transport  t'agite?.   T.  B.  7  50 

—  Ma  présence,  pour  vous,  est  peut-être  un 

outrage T.  , S.  7  50 

Prière  à  2  voix,  Toi  qui  du  faible  es  l'espérance 

T.  S.  3     » 
HAYDÉE. 
Chanson  bachique  à  2  voix, Enfants  delà  noble 

Venise,  vaillants  marins   .    .   .    .   T.  B.  4  50 
Duo,  C'est  la  fête  au  Lido S.  S.  4  50 

—  Je  sais  le  débat  qui  s'agite   .    .    .    .  T.  B.  6     » 

—  Je  t'aime,  û  mon  maître  ! T.  S.  6     » 

HUGUENOTS   (LES). 

Duo,  Beauté  divine  enchanteresse.    .   .    .  T.  S.  7  50 
Litanies  à  2  DO(.r,  Vierge  Marie,  Soyez  bénie! 

S.  S-.   2  .. 

Ronde  à  2  voix,  Venez,  venez,  venez  .    .  S.  S.  3  » 

Duo,  Dans  la  nuit  où  seul  je  veille  .    .■  .  .S.  B.  9  » 

—  Où  je  vais?  secourir  mes  frères!.    .   T.  S.  12  o 

JUIVE  (LA). 

Sérénade  à  2  voix,  Loin  de  son  amie  .  .   T.  S.  4  50 
Duo,  Lorsqu'à  toi  je  me  suis  donnée.   .   .   T.  S.  9     " 

—  Que  d'attraits,  qu'elle  est  belle!.   .  S.  S.  7  50 

—  Du  cardinal  voici  l'ordre  suprême  .  S.  S.  7  50 

—  Devant  le  tribunal  vous  allez  comparaiire. 

S.  B.  4  50 

—  Ta  fille  en  ce  moment  est  devant  le  concile. 

T.  B.  9     » 
MO   SE. 

—  Si  je  perds  celle  que  j'aime  ....   ï\  S.  6     >• 

—  Dieu,  dans  ce  jour  prospère  ....  .S.  S.  3  75 

—  Moment  fatal,  que  l'aii e? T.  B.  5    ■■ 

—  Jour  funeste,  loi  cruelle T.  S.  3  75 


MOUSQUETAIRES  DE   LA   REINE  (LES). 

D«o,Pour  une  seule  belle S.  .S'.  5     » 

Couplets  à  %  voix,  Comme  un  bon  ange,  je  viens 

vers  vous y.  S.  9     » 

Duo,  Trahison,  perfidie T.  S.  9     » 

—  Saint  Nicolas,  6  mon  patron!  .    .   .   T.  B.  Ç)    » 

MUETTE   DE    PORTICI   (LA). 

—  Mieuxvautmourirquerestermisérable'/'.fl.  5     » 
Barcarolle  à  2  voix,  Chantons  gaiement  la  bar- 

carolle T.  B.  i  50 

Duo,  N'espérez  pas  me  fuir T.  S.  6    » 

PART  DU  DIABLE   (LA). 

—  O  mon  frère,  ù  mon  seul  espoir  !..  S.  S.  4  50 

—  Asmodée,  Asmodée! 7\  S.  7  50 

—  Après  une  aussi  longue  absence  .    .   T.  S.  6     » 

PHILTRE   (LE). 

—  Je  sais  d'avance  son  langage.    .   .    .  T.  S.  6     » 
Barcarolle  à  2  voix,  Je  suis  riche,  vous  êtes 

belle  ....       S.  IS.  3     » 

Duo,  Si  l'honneur  a  pour  toi  des  charmes.  T.  B.  6    » 
PRÉ   AUX  CLERCS   (le). 

—  Les  rendez-vous  de  noble  compagnie.  T.  S.  6     » 

PROPHÈTE    (LE). 
Romance  à  2  voix,  Un  jour,  dans  les  flots  de  la 

Meuse S.  C.  4  50 

Duo,  Pour  garder  à  ton  fils  le  serment.   .  S.  C.  7  50 

—  Mais  toi,  prophète,  odieux  à  la  terre.  T.  C.  9     - 

REINE  DE    CHYPRE    (LA). 

—  Gérard,  mon  Gérard T.  C.  7  50 

—  Sommes  nous  seuls  ici? T.  B.  b    » 

Chœur  ii  2  i'.Auxfeux  scintillants  des  étoiles  r..S .  2     .. 
Duo,  Arbitre  de  ma  vie T.C.O    » 

—  Vous  qui  de  la  chevalerie T.  B.  9     » 

—  Malgré  la  foi  suprême T.  C.  6     » 

ROBERT  BRUCE 

—  Arthur!  Marie!  Oh  ciel! T.  C .  7  50 

—  Royale  famille c.  B.  5     » 

ROBERT  LE   DIABLE. 


—  Avec  bonté  voyez  ma  peine  . 

—  Ah  !  l'honnête  homme.   .    .    . 

—  Mais,  Alice,  qu'as-tu  donc?  . 

—  Si  j'aurai  ce  courage?  .   .   . 

—  Grand  Dieu,  grand  Dieu!  .    . 


.    .    T.  S.  7  50 

.  .  r.  b.  9   .. 

.  .  S.  B.  7  50 
.  .  T.  B.  7  50 
.    .    T.  S.  9     » 


SIRÈNE   (LA). 

—  Qu'une  heureuse  rencontre  .   ...  T.  T.  6 

—  C'est  un  ouvrier,  mieux  qu'un  ouvrier.  T. S.  6 

—  Je  fais  mal,  je  le  sais T.  S.  6 

SIÈGE   DE   CORINTHE    (LE). 

—  Rassure-toi,  mon  pouvoir  t'environne.S.B.  6 

STABAT  MATER   (IiOSSINT). 

—  Quis  est  homo  ? S.  S.  li  ', 

VAL  D'ANDORRE    (LE). 

—  Vous  partez,  mais  sans  doute  .   .  -.  T.  S.  6 

ZERLINE. 

—  Quel  trouble  en  mon  âme?   .    .    .   .  S.  C.  9 

—  Pour  cet  illustre  mariage  .   ;    .    .    .'  T.  S.  6 

—  Oui,  ma  femme  le  veut c.  B.  9 


72 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS. 


POUP 


POUR  PARAITRE  TKES-PÏUHTI  %  IIVEMENT, 

Chez  BR4NDUS  et  Ce,  éditeurs,  103,  rue  Richelieu, 
LA 


MBER 


OPERA-COMIQUE  EN  UN  ACTE,  PAROLES  DE  M.  LECVEN  , 

Musique  de 

AD.     ADAM. 

Partition  pour  chant  et  piano,  in-8°.  —  Grande  partition  et  parties  d'orchestre. 

MORCEAUX    DÉTACHÉS    AVEC    ACCOMPAGNEMENT    DE    PIANO,    PAR    L.    CROHARÉ. 

L'ODVEKTIBE    POUR    PIANO    SEVE. 

4.  Grand  air  de  soprano  chanté  par  Mlle  Rouvroy  :  «  Où  suis-je? 
Qui  suis-je?  Quel  prestige?  » 


A"  1.  Couplets  pour  voix  de  tasse  chantés  par  M.  Grignon  :  «  Ce  bon- 
heur de  toute  ma  vie.  » 

2.  Air  de  baryton  chanté  par  AI.  Meillet  :  «  A  moi  la  jeunesse.  » 
2  bis.  Le  même  transposé  pour  ténor. 

3.  Buo  de  la  valse  pour  soprano  et  baryton  chanté  par  Mlle  Rouvroy 

et  M.  Meillet  :  «  Me  voilà  !  oui  c'est  elle,  c'est  ma  belle.  » 


5.  Couplets  pour  soprano  chanté  par  Mlle  Rouvroy  :  «  Quand  je 
commande,  attention,  silence  !  » 


WIN  QWJAWiKMWsLK  et  WINE  VA.M*8MB  de  JfWWISARD. 

Morceaux  pour  piano,   par   Burgmuller»    Eecarpentier.  Rosellen  et  Cb.  Vous. 
EN  VENTE,  CHEZ  Mme  Ve  LAUNER,  EDITEUR,  BOULEVART  MONTMARTRE,  16, 

Opéra-comique  en  3  actes, 
POEME  DE  MM.  .1.  GABRIEL  ET  SYliVAlSI  St-ÊTIENNE, 

Musique  de 

FÉIiïŒBIf  ®A¥I©a 

CATALOGUE  THÉMATIQUE  DES  MORCEAUX  DÉTACHÉS  AVEC  ACCOMPAGNEMENT  DE  PIANO  PAR  A.  DE  GARAUDÉ. 


OUVERTURE,  Maestoso,  prix  :  7  fr.  50 

N°"  1.  Prière  chantée  eu  chœur  :  «Dieu  puissant,  Dieu  notre  père.  »...  ; 

2.  Couplets  chantés  par  M.  Bouché  :  «  Hardis  marins,  braves  amis.  »  .  / 

3.  Romance  chantée  par  M.  Philippe  :«  Zora,  je  cède  à  ta  puissance.    »  i 
k.  Trio  chanté  par  Mlles  Duez,  Guichard  et  M.  Philippe  :  «  Chez  votre 

jeune  reine  - Ç 

5.  Ballade  chantée  par  Mlle  Duez  :  «  Entendez-vous  dans  les  savanes.  »  ( 

5  bis.  La  môme  transposée  un  ton  plus  bas  pour  mezzo  soprano  .     .     .  ( 

6.  Air  chanté  par  M.  Bouché  :  «  Jusqu'à  ce  jour,  sans  désir,  sans  envie.»  C 

6  bis.  Le  même  transposé  un  ton  plus  haut  pour  baryton 6 

7.  Boléro  chanté  par  Mlle  Guichard  :«  La  belle  fête  pour  Zora!  »     .     .  6 

8.  Duo  chanté  par  Mlle  Duez  et  M.  Philippe  :  «  Enfin,  l'on  nous  laisse.  »  7 


N0'  9.  Cavat'me  chantée  par  Mlle  Duez  :  «  Quand  sur  notre  beau  navire.  ».  4  50 

9  bis.  La  même  transposée  un  ton  plus  bas 4  50 

10.  Duo  chanté  par  MM.  Soyer  et  Bouché  :  «  Tu  sais  comment  je  récom- 
pense. » 7  50 

11.  Quatuor  chanté  par  Mlle  Duez,  MM.  Philippe,   Soyez  et  Bouché: 
«  Dans  mon  âme  éperdue.  » 5     » 

12.  Couplets  du  Mysoli  chantés  par  Mlle  Duez:  «Charmant  oiseau  qui 
sous  l'ombrage.  » 4  50 

12  bis.  Les  mêmes  transposés  un  ton  plus  bas  pour  mezzo  soprano.     .     .  4  50 

13.  Duo  chanté  par  Mlle  Duez  et  M.  Philippe  :  «  Ah  !  mon  ami,  pour  cal- 
mer ma  souffrance.  1 7  50 

li.  Air  avec  chœur  chanté  par  M.  Bouché  :  «  Après  avoir  bravé.   »...  7  50 


A  irs  de  ballet  :  N°  1 ,  Fandango  et  Tarentelle  ;  N°  2,  Rondena  ;  N°  3,  Marche. 
GRANDE  PARTITION  D'ORCHESTRE,  PRIX  :  400  FR.  —  PARTIES  D'ORCHESTRE,  PRIX  :   400  FR. 

QUADRILLES  PAR  MUSARO. 

$chottisch,  Valse,  Polka,  ftedovta  et  morceaux  d'arrangement  au  piano  par  les  auteurs  les  plus  en  vogue. 


Chez  /.  MA  HO,   40,  passage  Jouffroij, 


mues 


iMiierno?    (J.  B.).  Op.  200.  Marthe,  fantaisie  sur  des  thèmes  de 


Frudcl   (Cb. 


Ueller   (St.). 


Kruger  (W.). 
Le  Houppe?   (F- 


Flotow 6  » 

Op.  67.  Etwte  de  salon 5  » 

Op.  70.   Chœur  bachique b  » 

Op.  71.   Une  Fleur,  valse  brillante 5  » 

Op.  78.  Promenades  d'un  solitaire,  six   mé- 
lodies sans  paroles,  en  deux  suites,  chaque  6  » 

Op.  77.  Saltarella 7  50 

Op.  25.  Harpe  éoiienne,  rêverie 5  » 

Op.  13.  Les  Vœux,  méditations    religieuses  5  » 


Marnioiitcl  (A.) 
Rosellen    (H.). 
Rosenhain  (F.). 
SpreiiKcr. 
Talexy. 


Voss  (Cli,). 


Mazurka  de  salon 5  » 

Op.  129.   Promenade  en  mer 5  » 

Op.  46.  Le  Carnaval  de  Venise 6  » 

Op.  8.  Romance  sans  paroles 4  50 

Op.  kl.  Marche   italienne,  fantaisie 7  50 

Lara,   polka-mazurka 5  » 

Luisella,  polka-mazurka 5  » 

Rosélia,  polka-mazurka 5  » 

Op.  95.  Pluie  de  roset,  fantaisie-étude.    .    .  6  » 

Julia,  polka  brillante 5  » 


MUSIQUE  mm  TI©£,©H 


Ernst  (H.  W.).  Six  morceaux  de  salon  avec  accompagnement 
de  piano  ;  première  suite  (Allegretto,  Notturno,  Allegretto  mo- 
derato.)  9 


musique  de  vioiiOigcs&XiE 

*^ 

Franclioniuie  (A).  Op.  34.  Grande  valse,  morceau  de  concert 

avec  piano 7  50 

Le  quatuor  seul 5    » 

Seligniann  (P).  Op.  54.  Manina,  tarentelle  avec  accompagne- 
ment de  piano 6    » 


l'ARlS.   —   IMl'IUMElUr.   CF.N 


C°,    nuii  BErtCKKE,  20. 


BUREAUX  A  PARIS  :  BOULEVART  DES  ITALIENS,  1. 


10°  Année. 


01 lan-   le-    l>i'|url.'iin'iils    <■(   h    I'  fil  rnïlgl'l 

...I-    Ir*    \l,li.|1iiiil|-    ,\r   Mnsit|il<>,|(>s  Minnri 
f  ItUTPnUX  '!<"■  MflMtlgCI  ICS  l  t  dCS  pOStÇj  . 


i\    10. 


i-»ttO-S-H 


Genève «  1 1   m  i 


■  du  Goroi 

:   M.  Ed.    ri.-  In  l'I.VIl: 
:,  rue  .lu  In,.,  n.l 


Wessi  letG*,S!20,Regcnt>treel 
f.fetaird. 
Scltnrfrabcrg  cl  Luis. 
Union  nrtistico-musichlo. 
tlureou  ,l<s  i', ,-.!,< 
Schlesingcr,  34,  u  il,  Linden 

!!,,[,■  Q|  Uu,-k,  I2i  Juogorstr 

Sossettl. 


REVUE 


Di    FâlIS 


7  Mars  1852. 


Prix  «le  I   îii.tniKiiii-iii  t 

Pnris,  un  un ...      21  fr 

QéparlcmcnlSi  Belgique  et  Suisse  ....     :io 
Étranger :a 

Annoncer. 

50  centimes  la  ligne .    pour  i  rots 

31)  cOQtimcs  In  lignf        pour  .(  foi». 

2D  centimes  la  ligne pour  <i  fois. 


Le  Journal  parait  le  Dimanche. 


GAZETTE  MUSICAL 


— ^/wW<3©©©vAAn/v\/- 


SOMMA1IŒ.  —  Exposition  universelle  de  Londres  (23e  et  (dernière  lettre),  par 
Fi'-tis  père.  —Auditions  musicales,  Alard  et  J'ranchomme,  Société  Sainte-Cécile, 
tërnst,  Mlle  Charlotte  de  Mulleville,  Joséphine,  Martin,  Clauss,  etc.,  par  Henri 
Blaiu  h  mil  —  Conservatoire  de  niusi(|uc  et  de  déclamation,  exercice  des  élè- 
ves. —  Nouvelles  et  annonces. 


EXPOSITION  UNIVERSELLE  DE  LONDRES. 


(VINGTIÈME    KT    DEnNIRRF.    LETTRE)    (1). 


Monsieur. 


Dans  mon  cours  de  philosophie  et  d'histoire  de  la  musique,  fait  à 
Paris  en  1832,  j'ai  posé  en  fait  que  le  système  tonal,  basé  sur  l'enhar- 
monie dans  l'antiquité  la  plus  reculée,  s'est  modifié  progressivement 
et  n'est  arrivé  au  genre  diatonique  qu'après  une  longue  suite  de  siècles. 
J'ai  fait  voir  co:i:u.ent  ce  dernier  système  tonal,  seul  en  usage  dans  la 
Grèce  300  ans  avant  l'ère  chrétienne,  s'est  maintenu  intégralement 
dans  l'Occident,  jusqu'aux  dernières  années  du  xvic  siècle;  et  enfin, 
du  fait  jusqu'alors  incompris  de  la  découverte  et  de  l'introduction  dans 
la  musique  de  l'Iiarmouie  dissonnante  naturelle  ou  attractive,  par  Mon- 
teverde,  j'ai  fait  sortir  la  tonalité  moderne  avec  toutes  les  conséquen- 
ces, la  similitude  de  conformation  de  toutes  les  gammes,  la  détermina- 
tion de  leur  caractère  en  deux  modes,  et  le  passage  successif  du  genre 
unilonique,  basé  sur  l'harnlonie  purement  consonnante,  dans  le  genre 
trensitonique,  né  immédiatement  de  l'harmonie  attractive  qui  a  créé 
la  modulation,  puis  dans  le  genre  pluritonique,  dans  lequel  l'attrac- 
tion est  susceptible  de  plusieurs  modes  de  résolutions,  puis  définitive- 
ment dans  le  genre  omnilonique ,  que  font  naître  les  altérations  multi- 
ples ascendantes  et  descendantes,  lesquelles  engendrent  une  multitude 
d'attractions,  et  mettent  tous  les  sons  en  relation  harmonique  avec  tous 
les  tons  et  leurs  deux  modes.  Dans  mon  Traité  d'harmonie,  ainsi  que 
dans  une  foule  de  travaux  particuliers  publiés  dans  la  Gazette  musicale, 
j'ai  développé  cette  théorie,  qui  résume  en  elle  toute  l'histoire  delà 
musique,  au  point  de  vue  le  plus  élevé. 

D'autres  travaux  entrepris  au  moyen  d'instruments  de  précision,  et 
qui  sont  encore  inédits,  m'ont  démontré  que  les  atlractions  résultent 
de  ce  que,  par  instinct,  les  musiciens  doués  d'une  bonne  organisation 
élèvent  les  intonations  dans  les  altérations  ascendantes,  et  les  abais- 
sent dans  les  descendantes,  d'une  cerlaine  quantité  de  vibrations  que 
l'instrument  de  Scheibler  m'a  permis  de  compter,  et  dont  j'ai  pu  dres- 
ser des  tables  par  un  travail  où  j'ai  fait  une  heureuse  application  de  la 
formule  que  Fourier  a  publiée  dans  son  admirable  Théorie  analytique 
de  la  ch  leur.  (Paris,  1822,  in-/i".)  C'est  ainsi  que  je  suis  parvenu  à 
fixer  le  nombre  de  vibrations  de  chaque  note  (le  diapason  étant  donné) 

(1)  Voiries  n"  34,  35,37,39,  40,  41,  42,  43,  44,  45,  46,  47,  48,  49,  50,  51, 
de  1851,  1"  3  et  5  de  1852. 


qui  entre  dans  la  composition  d'une  harmonie  attractive,  en  raison  de 
sa  tendance  de  résolution. 

Nonobstant  la  nouveauté  des  aperçus  qui  m'ont  conduit  à  cette 
théorie,  les  difficultés  du  sujet  ont  effrayé  les  musiciens,  et  bien  peu,  je 
pense,  y  ont  donné  assez  d'attention  pour  comprendre  ce  dont  il  s'agit. 
Un  lieutenant-colonel  anglais  (M.  T.  Perronet-Thompson),  amateur  de 
musique  et  de  plus  savant  distingué,  m'a  fait  l'honneur  de  s'en  occuper 
sérieusement  dans  un  ouvrage  publié  en  1850,  sous  le  titre  de  Théorie 
et  pratique  de  V  intonation  juste  {Theory  and  praclice  of  juU  intona- 
tion; ivith  a  view  to  the  abolition  of  tempérament);  mais,  en  logicien 
rigoureux,  il  a  tiré  de  ma  théorie  de  la  tonalité  moderne  la  consé- 
quence que  le  tempérament  doit  être  abandonné  dans  les  instruments 
à  sons  fixes,  et  qu'il  est  indispensablement  nécessaire  de  donner  à  ces 
instruments  des  sons  justes  en  nombre  suffisant  pour  satisfaire  à  toutes 
les  exigences  de  la  justesse  absolue  dans  toutes  les  agrégations  d'har- 
monies attractives,  et  pour  tous  les  cas  de  résolutions  possibles.  C'est 
trancher  dans  le  vif.  J'avoue  que  mes  témérités  innovatrices  ne  vont 
pas  jusque  là,  et  qu'en  considération  de  l'imparfaite  conformation  des 
mains  des  pianistes  et  organistes,  à  qui  Dieu  n'a  donné  que  cinq  doigts, 
je  consentirais  volontiers  à  ce  que  les  claviers  de  l'orgue  et  du  piano 
restassent  tels  qu'ils  sont,  et  à  entendre,  grâce  au  tempérament,  leurs 
fausses  harmonies,  qui  ne  me  blessent  pas  trop  le  sens  musical.  Mais 
M.  T.  Perronet-Thompson  n'est  pas  homme  à  s'arrêter  à  ces  choses  ; 
en  Anglais  tout  d'une  pièce  qu'il  est,  il  ne  s'est  pas  contenté  de  la  théo- 
rie ;  car,  voulant  y  joindre  la  pratique,  il  a  fait  construire  par  MM.  Rob- 
son,  facteurs  d'orgues  à  Londres,  pour  l'Exposition  de  1851,  un  orgue 
enharmonique,  et  par  M.  Panormo,  une  guitare  également  enharmoni- 
que. L'objet  de  l'orgue  enharmonique  est  de  faire  exécuter  les  inter- 
valles attractifs  dans  une  parfaite  justesse  au  moyen  de  42  sons  par 
octave,  qui  répondent  en  effet  à  toutesles  tendances  ascendantes  etdes- 
cendantes,  lesquels  peuvent  être  produits  par  vingt  touches  brisées, 
que  modifient  certains  boutons  et  ressorts.  Les  touches  diatoniques, 
chromatiques  et  enharmoniques  sont  distinguées  par  le  blanc,  le  noir 
et  le  rouge. 

Déjà,  dès  1832  et  jusqu'en  1835,  M.  le  lieutenant-colonel  Perronet- 
Thompson  avait  publié  une  suite  d'articles  sur  les  données  de  ma  théo- 
rie, dans  le  Westminster- Revieic;  puis  il  avait  paru  renoncer  à  pour- 
suivre ses  recherches  sur  ce  sujet ,  ^lorsqu'il  conçut  le  plan  des  deux 
instruments  qu'il  a  fait  figurer  à  l'Exposition,  et^qui  m'ont  paru  n'avoir 
attiré  que  mes  regards.  L'auteur  de  ces  instruments  n'est  pas  le  pre- 
mier qui  ait  essayé  d'en  faire  construire  pour  faire  rentrer  dans  le  do- 
maine de  la  musique  moderne  le  genre  enharmonique  ;  cette  entre- 
prise remonte  même  à  une  époque  reculée.  Vers  le  milieu  du  xvi°  siè- 
cle, Nicolas  Vicentino,  maître  de  chapelle  du  duc  de  Ferrare,  imagina 


74 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


de  faire  revivre  les  trois  genres  diatonique  ,  chromatique  et  en- 
harmonique des  Grecs,  et  fit  faire  un  clavecin  à  deux  claviers,  auquel 
il  donna  le  nom  à'Arcicembalo,  pour  en  démontrer  la  possibilité.  11  a 
donné  la  description  de  cet  instrument  dans  un  livre  (1)  où  l'on  voit 
que  l'octave  était  divisée  en  trente-quatre  parties  par  les  deux  claviers, 
savoir  dix-sept  par  chacun  d'eux.  Le  premier  faisait  entendre  les  diffé- 
rences de  ut  dièse  et  de  ré  bémol,  de  ré  dièse  et  de  mi  bémol,  etc.  ;  le 
second  donnait  les  intonations  diverses  des  notes  bémolisées  une  ou 
deux  fois  lorsqu'elles  deviennent  identiques,  suivant  le  tempérament 
avec  les  notes  inférieures,  comme  ut  bémol  comparé  à  «/bécarre,  ja 
bémol  comparé  à  mi  bécarre,  etc.  Vicentino,  dans  ce  travail ,  suivait 
la  doctrine  de  Pythagore  d'après  Boèce,  et  faisait  tous  les  tons  égaux 
dans  la  proportion  de  8  :  9 ,  et  les  demi-tons  mineurs  égaux  à  243  : 
256. 

Un  peu  plus  tard ,  Zarlino,  savant  théoricien  et  maître  de  chapelle  à 
Venise,  fit  construire  dans  cette  ville  une  épinette  dont  il  a  donné  la 
description  dans  le  deuxième  livre  de  ses  Institutions  enharmoniques  (2) , 
et  dont  le  clavier  était  également  enharmonique  ,  mais  construit  d'a- 
près des  principes  différents  de  ceux  de  Vicentino  ;  car  Zarlino  niait 
la  réalité  de  la  musique  chromatique  qu'on  essayait  de  faire  de  son 
temps;  soutenant  avec  raison,  quoiqu'il  en  ignorât  les  vrais  motifs, 
que  cette  musique  prétendue  chromatique  et  enharmonique  était  sim- 
plement de  mauvaise  musique  diatonique.  Le  but  de  Zarlino,  lorsqu'il 
fit  construire  son  épinette  enharmonique,  était  purement  spéculatif.  Il 
voulait  démontrer  que  la  musique  de  son  temps  était  dans  le  système 
diatonique  synton  de  Ptolémée,  c'est-à-dire  que  dans  la  tonalité  de 
cette  musique  les  tons  étaient  inégaux,  à  savoir  :  les  tons  majeurs, 
dans  la  proportion  de  8  :  9,  et  les  tons  mineurs,  dans  celle  de  9  :  10  ; 
d'où  résultait  la  nécessité  de  faire  majeurs  les  demi-tons,  comme  de  mi 
h  fa,  et  de  si  à  ut,  dans  la  proportion  de  15  :  16.  C'est  cette  fausse  doc- 
trine qui  a  été  adoptée  par  les  géomètres  venus  après  Zarlino,  et  qui 
est  la  source  de  toutes  leurs  erreurs. 

Ce  fut  sans  doute  pour  satisfaire  aux  vues  d'un  musicien  érudit  et 
entiché  de  quelque  système  de  nouveauté  musicale,  que  le  comte  de 
Novellara,  Camille  de  Gonzague,  fit  exécuter,  en  1606,  par  un  célèbre 
facteur  d'instruments  nommé  Vito  de  Trasuntino,  un  clavier  dont 
chaque  touche  était  divisée  en  quatre  parties,  au  moyen  desquelles  on 
pouvait  faire  entendre  les  différences  enharmoniques  d'une  note  diésée 
avec  la  note  supérieure  bémolisée,  d'une  note  non  affectée  de  dièse  ou 
de  bémol  avec  une  note  supérieure  ou  inférieure  affectée  de  l'un  de  ces 
signes,  et  enfin  d'une  note  affectée  de  deux  dièses  ou  de  deux  bémols 
avec  une  note  supérieure  ou  inférieure.  Ce  clavecin  existait  encore  à 
Rome,il  y  a  peu  d'années,  chez  l'abbé  Baini  (3).  Ce  clavecin  avait  31 
touches  par  octave,  et  125  pour  son  étendue  de  quatre  octaves. 

Un  autre  système  d'instrument  enharmonique  fut  imaginé,  au  com- 
mencement du  xvne  siècle,  par  un  savant  Napolitain  nommé  Fabio  Co- 
lonna.  Dans  un  livre  imprimé  en  1618,  il  donne  la  description  de  cet 
instrument  (4),  qui  était  monté  de  50  cordes,  et  auquel  il  donna  le  nom 
de  Pentecontachordon,  mot  grec  qui  signifie  cinq  fois  dix  cordes. 
L'objet  de  Colonna  était  de  diviser  les  tons  de  notre  échelle  diatonique 
en  trois  parties,  en  laissant  les  demi-tons  tels  qu'ils  sont  ;  ce  qui  for- 
mait dix-sept  intervalles  par  octave.  Ce  système,  et  l'instrument  qui  le 
représente,  qualifié  d'absurde  par  Jean-Baptiste  Doni ,  et  que  le 
P.  Mersenne  a  analysé  dans  son  traité  de  l'Harmonie  universelle  (5), 
est  exactement  le  système  de  la  musique  arabe. 

(1)  L'Antka  Muska  ridotla  alla  modcrna  prattica,  con  la  dichiaratione  e 
con  gli  esempi  de  t  Ire  generi.  con  le  Inro  spetie,  et  con  l'.inventione  di  uno  mw'vo 
stromento,  nel  quale  si  conticnc  lulta  la  musica  perfelta,  etc.  In  Roma    1551 

1  vol.  in-fol. 

(2)  Lelstitutioni  Harmonkhe.  Venise,  1558,1562,1573.  Toutes  ces  éditions 
sont  in-folio. 

(3)  Memorie  storieo- cniliçhe  délie  vila  e  délia  opère  di  G.  P.  da  Paleslrina 
t.  II,  p.  75,  note  520. 

(4)  Délia  Sambuca  lincea,  ovvero  dclV  istmmenlo  perfetto,  lib   III   Nanles 
1618,  in-4".  .  ' 

(5)  Traité  des  Instruments  à  chordes,  livre  III'  ;  proposition  V.  Le  clavier  d'épi- 
nette  dont  Mersenne  donne  la  description  est  exactement  conforme  au  système  de 
Fabio  Colonna.  ' 


D'autres  tentatives  ont  été  faites  à  diverses  époques  pour  faire  sor- 
tir les  instruments  à  clavier  du  système  du  tempérament  et  leur 
donner  les  moyens  de  rendre  les  intervalles  avec  une  parfaite  justesse. 
De  ce  nombre  est  l'orgue  enharmonique  de  H.  Liston,  dont  il  est  parlé 
dans  l'Encyclopédie  de  Rees,  à  l'article  Organ.  A  la  demande  de  Bottée 
de  Toulmon  et  de  M.  Vincent,  auteur  de  travaux  intéressants  sur  la 
musique  des  Grecs,  M.  Roller,  facteur  de  piano  de  grand  mérite,  de  la 
maison  Roller  et  Blanchet  de  Paris,  a  construit  un  piano  enharmoni- 
que pour  la  démonstration  de  la  réalité  de  ce  système  de  la  musique 
antique.  Le  célèbre  compositeur  dramatique,  M.  Halévy,  rapporteur 
de  la  commission  qui  fut  chargée  de  l'examen  de  cet  instrument  à 
l'Institut  de  France,  a  pensé  qu'il  était  possible  de  faire  usage  dans  la 
musique  actuelle,  du  système  enharmonique  rendu  sensible  par  l'in- 
telligent travail  de  M.  Roller.  Il  s'est  trompé  à  cet  égard,  car  le  sys- 
tème enharmonique  des  Grecs,  purement  mélodique,  est  inapplicable 
à  notre  harmonie,  qui  résulte  des  attractions  harmoniques  des  sons. 
L'erreur  de  Bottée  de  Toulmon  et  de  M.  Vincent  consistait  à  croire 
que  ces  deux  enharmonies  ont  de  l'analogie. 

De  tous  ces  tentatives,  on  voit  que  la  seule  qui  se  rattache  à  l'état 
actuel  de  la  musique  est  celle  de  M.  le  colonel  Perronet-Thompson.  Les 
42  sons  qui  iorment  les  divisions  enharmoniques  de  l'octave  ,  dans 
son  orgue,  n'ont  de  rapport  ni  avec  les  deux  systèmes  enharmoniques 
des  anciens,  ni  avec  le  système  arabe,  et  n'ont  pas  pour  objet  d'opérer 
entre  ces  systèmes  et  la  musique  de  nos  jours  une  alliance  impossible. 
Ces  sons  représentent  en  réalité  tous  les  degrés  de  tendances  attracti- 
ves qui  résultent  soit  de  l'harmonie  dissonnante  naturelle,  soit  des  al- 
térations des  intervalles  simples  et  collectives.  Mais,  bien  que  ces  at- 
tractions agissent  sur  tous  les  artistes  bien  organisés  et  leur  fassent,  à 
leur  insu,  élever  ou  abaisser  les  intonations  en  raison  des  tendances 
harmoniques,  je  pense  que  cette  justesse  absolue  serait  trop  difficile  à 
réaliser  et  à  conserver  dans  les  instruments  à  sons  fixes ,  et  que  les 
complications  auxquelles  elle  donnerait  lieu  feraient  naître  des  incon- 
vénients considérables  qu'il  serait  impossible  d'écarter.  Dans  un  orgue, 
les  longueurs  déterminées  des  tuyaux  ne  suffisent  pas  pour  rendre  les 
intonations  invariables,  car  les  flûtes  sont  douées  d'une  sensibilité  ex- 
cessive qui  les  fait  varier  d'intonation  à  toutes  les  nuances  de  modifi- 
cation de  l'état  de  la  température.  En  supposant  donc  qu'on  parvînt  à 
accorder  avec  justesse  toutes  ces  nuances  délicates  d'intonations  diver- 
ses, l'instrument  ne  conserverait  pas  l'accord  deux  heures  consécutives 
sous  l'influence  d'un  changement  de  température  occasionné  par  une 
cause  quelconque.  La  difficulté  d'accorder  un  piano  serait  la  même  que 
pour  un  orgue,  et  l'effort  des  cordes  en  sens-inverse  de  la  tension  qui 
leur  est  donnée  serait,  comme  dans  tous  les  pianos,  une  cause  inces- 
sante de  relâchement,  mais  serait  bien  plus  sensible,  eu  égard  à  la  pe- 
titesse des  intervalles.  Ajoutons  que  les  complications  du  mécanisme 
du  doigter  sur  un  pareil  instrument  seraient  si  grandes,  que  le  plus 
habile  des  exécutants  ne  parviendrait  pas  à  les  vaincre. 

La  conclusion  naturelle  à  tirer  de  ces  considérations  est  que  les  in- 
struments enharmoniques  à  sons  fixes  et  à  clavier  ne  peuvent  avoir 
d'utilité  que  dans  la  spéculation;  et  que  dans  la  pratique  de  l'art,  le 
tempérament,  quelles  que  soient  ses  imperfections  pour  une  oreille 
sensible,  est  une  nécessité  absolue.  J'ai  cru  devoir  traiter  cette  ques- 
tion avec  quelque  développement  à  l'occasion  de  l'instrument  mis  à 
l'Exposition  universelle  par  M.  le  colonel  Perronet-Thompson  ,  parce 
qu'elle  est  en  général  mal  comprise,  et  parce  que  les  erreurs  répandues 
à  ce  sujet  exposent  des  amateurs  ou  des  facteurs  d'instruments  à  faire 
de  grandes  dépenses  qui  ne  peuvent  avoir  de  résultat  utile. 

Après  avoir  traité  dans  toutes  mes  lettres  des  grandes  classes  d'in- 
struments qui  ont  figuré  à  l'Exposition,  peut-être  un  peu  trop  longue- 
ment, il  ne  me  reste  plus  que  quelques  mots  à  dire  d'une  spécialité  que 
j'ai  vu  naître  il  y  a  quelque  trente  ans  ;  je  veux  parler  des  harmo- 
niums. 

L'harmonium  ne  s'est  pas  présenté  d'abord  dans  le  domaine  de  la 
musique  avec  les  apparences  ambitieuses  qu'on  lui  voit  aujourd'hui. 


DE  PARIS. 


75 


Ce  fut  d'abord  sous  la  forme  très-efcignë  de  X'éoline  ou  êlodicon  que  le 
facteur  d'insLrumenls  bavarois  Eschenbach  lui  fil  faire  son  apparition  ; 
puis  Antoine  llackel,  de  Vienne,  le  modifia  dans  la  disposition  du  souf- 
flet cl  en  Ct  le  p/iisharmonica  que  Payer  lit  entendre  à  Paris  en  1826. 
Les  deux  facteurs  que  je  viens  de  nommer  avaient  pris  l'idée  de  leurs 
instruments  dans  les  anches  libres  de  l'orgue  expressif  de  Grenié,  qui 
lui-môme  avait  puisé  la  première  pensée  des  anches  de  cette  espèce  dans 
le  cheng  chinois.  Le  phisharmonica  que  lit  entendre  Payer  à  Paris  donna 
à  M.  Dietz  le  désir  de  le  perfectionner  en  augmentant  la  puissance  du 
son  ;  car  les  anches  de  M.  Hackel  étaient  Irès-faibles  et  ne  produisaient 
que  des  sons  très-doux.  Des  anches  plus  énergiques,  mises  en  vibra- 
tion par  un  vent  plus  condensé,  produisirent  pour  résultat  dans  Vaerc- 
phpne  de  M.  Dietz,  une  puissance  de  son  beaucoup  plus  considérable. 
Ce  fut  la  première  amélioration  de  quelque  importance  introduite  dans 
cette  famille  d'instruments  ;  mais  M.  Debain  lit  faire  à  la  construction 
des  instruments  de  cette  espèce  de  très-grands  progrès.  C'est  lui  qui, 
le  premier,  imagina  de  modifier  le  timbre  des  lames  métalliques  en  les 
approchant  ou  les  éloignant  de  la  soufflerie  à  divers  degrés  ,  mettant 
en  proportion  leur  position,  leur  épaisseur,  ainsi  que  la  capacité  et  la 
hauteur  des  caisses  de  l'instrument,  les  ouvertures  qui  livrent  passage 
au  courant  d'air,  et  M.  Debain  est  aussi  le  premier  qui  ait  réuni  sur 
un  seul  clavier  six  octaves,  quatre  jeux  de  timbres  différents,  lesquels 
peuvent  se  combiner  au  moyen  de  registres.  C'est  à  l'instrument  per- 
fectionné par  ses  soins  que  M.  Debain  a  donné  le  nom  d'harmonium, 
et  ce  nom  lui  est  resté. 

Une  imperfection  restait  encore  à  l'harmonium  ;  elle  consistait  dans 
la  lenteur  d'articulation  de  l'instrument.  Ce  défaut  a  disparu  par  la 
percussion  d'un  petit  marteau  qui  attaque  les  lames  métalliques  au  mo- 
ment où  les  touches  du  clavier  s'abaissent.  En  l'état  actuel,  l'harmonium 
parait  avoir  atteint  tout  le  développement  de  ses  facultés  :  on  pourra 
y  introduire  des  variétés  de  timbres  et  de  diapasons  ;  mais  les  instru- 
ments que  j'ai  vus  et  joués  à  l'Exposition  universelle  m'ont  démontré 
que  le  principe  de  la  vibration  des  anches  libres  a  reçu  toutes  les  appli- 
cations importantes  dont  il  était  susceptible. 

MM.  Alexandre  et  fils,  de  Paris,  ont  aussi  beaucoup  contribué  au 
perfectionnement  de  l'harmonium.  Si  je  ne  me  trompe,  ils  ont  inventé 
le  système  de  percussion.  Ils  ont  mis  à  l'Exposition  de  beaux  instru- 
ments de  ce  genre,  entre  autres  un  harmonium  à  six  jeux  avec  dix-neuf 
registres  de  combinaisons,  dont  le  clavier,  bien  que  renfermé  dans 
cinq  octaves,  a  néanmoins  sept  octaves  d'étendue  par  le  fait  de  la 
transposition  des  registres.  M.  Verhasselt,  de  Bruxelles,  a  aussi  envoyé 
à  l'Exposition  quelques  bons  instruments  qui  ne  m'ont  paru  renfermer 
rien  de  nouveau,  mais  qui  viennent  immédiatement,  dans  mes  notes, 
après  ceux  de  M.  Alexandre.  J'ai  joué,  aussi,  quelques  bons  instru- 
ments du  même  genre,  construits  en  Angleterre  par  des  facteurs  dont 
les  noms  échappent  en  ce  moment  à  ma  mémoire. 

Une  des  plus  singulières  excentricités  musicales  de  l'Exposition  m'a 
paru  être  l'harmonium  de  M.  Millier,,  de  Paris,  auquel  le  facteur  a 
donné  le  titre  d'orgue  de  voyage.  Il  mérite  certainement  son  titre,  car 
il  peut  être  renfermé  dans  une  malle  de  1  mètre  13  centimètres;  la 
hauteur,  39  centimètres  ;  la  largeur,  37,  et  le  poids  50  kilogrammes. 
Le  clavier  se  pousse  par  une  coulisse  dans  la  caisse  de  l'instrument,  les 
pieds  se  replient  dans  le  fond,  le  mécanisme  de  la  soufflerie  et  le  pu- 
pitre se  logent  dans  le  couvercle  de  la  malle,  et  celle-ci  n'a  que  l'as- 
pect d'une  malle  ordinaire  ;  mais  lorsque  l'instrument  est  tiré  de  son 
étui  et  déployé,  son  aspect  est  celui  d'un  harmonium  ordinaire,  et  sa 
sonorité  a  une  puissance  qu'on  ne  croirait  pas  pouvoir  sortir  d'un  si 
petit  espace. 

Ici,  Monsieur,  se  termine  l'exposé  de  tout  ce  qui  a  frappé  mon  at- 
tention dans  la  catégorie  des  instruments  de  musique  à  l'Exposition 
universelle.  J'ai  tâché  de  rendre  utile,  pour  le  public  et  pour  les 
artistes,  l'analyse  que  j'en  ai  faite  :  puissé-je  ne  pas  avoir  fatigué  la 
patience  de  vos  lecteurs! 

Agréez,  Monsieur,  etc.  FÉTIS  père. 


AUDITIONS  MUSICALES. 

Quatrième  Ht-unce    «le    musique    île  chambre    pnr    MM.    Alard  et 
Si  uni  h. .mini-.  —  <6ii.iIii.iiu-  concert  de  la  Société  Maliite-t'écllr. 

—  Troixième   concert  «le  II.  ICrns». —  Œuvre  de   lu  MiHcricordc. 

—  Mlles  Charlotte  de  Mallerille,  Joséphine  Martin,  Vt  ilhcl- 
mitie  t  luns-,  MM.  Ascher,  Forsoc»  ct  VnmagalII.  —  M.  Emile 
Rijrnanlt.  —  M.  Georges  Bouaquel.  —  SI.  Eiemmenit. 

Lu  musica  da  caméra ,  le  grand  concert  vocal  et  instrumental ,  les 
séances  de  musique  intime  que  l'on  offre  aux  amis,  aux  amateurs,  aux 
critiques  même,  par  jolies  petites  lettres,  ou  par  des  cartes  de  visites 
qui  vous  annoncent  d'une  façon  quelque  peu  affectée  que  M.  tel  ou  tel, 
professeur  de  piano,  restera  chez  lui  tous  les  soirs  pour  s'y  faire  en- 
tendre; ces  solennités  musicales,  données  à  tous  les  étages  et  à  toutes 
les  classes  de  la  société,  se  développent  sur  une  grande  échelle  en  ce 
moment  dans  Paris. 

Au  nombre  des  séances  de  musica  da  caméra  (musique  de  chambre) , 
on  distingue  celles  données  par  MM.  Alard  et  Franchomme.  Ces  deux 
virtuoses  méritent  surtout  la  qualification  de  classiques  progressifs,  dé- 
nomination trouvée,  par  laquelle  nous  avons  caractérisé  le  talent  de 
l'organiste  Lemmens,  et  qui  a  fait  fortune  parmi  les  gens  qui  savent  ce 
que  c'est  que  d'écrire  sur  l'art  musical.  C'est  donc  en  qualité  de  clas- 
sique progressiste  que  M.  Alard  a  dit,  avec  ses  habiles  concertants,  un 
des  quatuors  de  Beethoven,  dans  lesquels  ce  compositeur  exceptionnel 
se  mit  aussi ,  lui ,  à  écrire  d'une  manière  qu'il  dut  croire  progressive, 
puisqu'il  continua  dans  cette  voie  un  peu  singulière.  Le  10e  et  le  11e 
quatuors  sont  déjà  d'un  style  fort  avancé  pour  l'époque  où  ils  paru- 
rent et  même  pour  celle-ci.  Le  11e  a  été  dit  par  MM.  Alard,  Armingaud, 
Casimir  ISey  et  Franchomme  dans  leur  dernière  séance  chez  Pleyel. 
Les  trois  premiers  morceaux  de  cette  œuvre  ont  provoqué  au  moins 
autant  d'étonnement  que  de  plaisir  parmi  les  fanatiques  de  ce  genre 
de  musique,  qui  les  ferait  moins  délirer  si  on  la  leur  donnait  sous  le 
nom  d'Urhan  ou  de  Schoberlichnerasfeldemberg.  Il  faut  dire  pourtant 
que  le  final  de  ce  quatuor  en  fa  mineur  a  été  justement  bissé,  par  la 
manière  intelligente  et  chaleureuse  avec  laquelle  il  a  été  dit,  et  surtout 
aussi  grâce  à  sa  forme  logique,  dramatique  et  passionnée.  Le  trio  en 
sol  majeur  pour  violon,  alto  et  violoncelle,  —  nous  ne  savons  pourquoi 
on  ne  joue  jamais  le  troisième  en  ut  mineur  du  même  œuvre,  et  qui 
est  un  des  plus  beaux  qui  soient  sortis  de  la  plume  du  même  composi- 
te^ _  a  été  dit  par  MM.  Alard,  Casimir  Ney  et  Franchomme,  avec 
toute  la  verve  et  la  prestesse  d'archet  qui  distinguent  ces  habiles  instru- 
mentistes; et  puis  Validante  capriccio,  de  Mendelssohn,  redemandé,  a 
été  entendu  de  nouveau  avec  le  plus  grand  plaisir,  ainsi  que  la  sonate 
en  la  majeur,  de  Mozart,  pour  piano  et  violon,  exécutée  avec  beaucoup 
de  correction  par  Mlle  Meara  et  Alard;  et  puis  enfin  le  beau  quintette 
en  sol  mineur,  pour  deux  violons,  deux  altos  et  violoncelle,  du  même 
auteur,  a  dignement  terminé  celte  séance  de  belle  et  bonne  musique 
bien  exécutée,  intéressante  manifestation  d'art,  qui  attire  toujours  une 
société  de  bonne  compagnie  et  qui  sait  bien  écouter. 

—La  sy mphonie en  sol  majeur,  dite  militaire,  de  Haydn,  a  été  trouvée 
charmante  par  l'auditoire  des  concerts  de  la  Société  Sainte-Cécile  ;  mais 
d'une  sonorité  un  peu  tranquille,  d'une  physionomie  guerrière  un  peu 
bourgeoise  par  le  temps  de  musique  cuivrée,  bruyante  et  brillante  que 
nos  hommes  de  bruit  harmonique  ont  fait  prévaloir. 

Le  morceau  de  Beethoven  :  Mer  calme,  heureuse  traversée,  chœur 
avec  orchestre,  ne  nous  a  montré  aussi  qu'une  physionomie  un  peu 
pâle  ;  il  en  a  été  de  même  du  chœur  final  d'Echo  ct  Narcisse,  de  Gluck. 
La  ballade  des  nymphes  (2e  acte  d'Oberon),  a  paru,  au  contraire,  ce 
qu'elle  est  en  effet,  une  mélodie-harmonie  suave,  idéale,  enchantée, 
et  fort  bien  rendue  par  Mlle  Poinsot. 

Beethoven  a  pris  sa  revanche  d'une  façon  éclatante  avec  sa  verveuse 
ouverture  de  Coriolan,  que  l'orchestre  a  dite  chaleureusement. 

M.  Gounod  s'est  montré,  lui  aussi,  compositeur  progressiste  dans  le 
style  sacré.  Si  son  Benedictus  est  dans  la  vieille  forme  fuguée,  son 


76 


REVUE  E/f  GAZETTE  MUSICALE 


Sanc'us  est,  ainsi  que  nous  l'avons  déjà  dit  dans  cette  feuille,  gran- 
diose, religieux  et  riche  d'instrumentation.  Mlle  Poinsot,  qui  a  dit  le 
solo  dans  lequel  elle  s'était  imposé  la  tâche  difficile  de  remplacer 
M.  Gueymard,  s'y  est  montrée  cantatrice  intelligente  et  d'un  excellent 
style. 

Une  ouverture  de  Robert  le  Diable,  qui  n'a  jamais  été  jouée  à  l'O- 
péra, terminait  ce  brillant  concert.  Ce  sont  quelques-uns  des  motifs  de 
la  partition  du  célèbre  opéra  qui  servent  d'éléments  à  cette  belle  pré- 
face musicale  dramatique.  L'auteur  y  a  jeté  à  pleines  mains  les  plus 
riches  effets  d'instrumentation,  et  combiné  le  plus  heureusement  pos- 
sible les  mélodies  et  les  rhythmes.  Cette  belle  symphonie,  empreinte 
de  tant  de  charme  et  d'entrain ,  exerce  sur  l'auditoire  un  empire 
d'autant  plus  irrésistible  que  les  motifs  dont  elle  se  compose  ont 
acquis  une  immense  popularité. 

Le  Prophète  a  été  privé  aussi  de  sa  préface,  et  l'on  se  demande  pour- 
quoi le  compositeur,  qui  sait  avec  tant  d'art  manier  l'instrumentation, 
qui  plus  qu'un  autre  a  si  bien  jeté  le  drame  dans  l'orchestre,  a,  de 
nouveau,  laissé  condamner  à  l'ostracisme  l'ouverture  de  son  dernier 
chef-d'œuvre.  En  rendant  compte  de  cette  belle  composition  dans  la 
Gazette  musicale,  lors  de  sa  publication,  il  y  a  près  de  deux  ans,  je 
répondais  à  des  observations  qui  m'avaient  été  faites  sur  cette  ouver- 
ture, et  je  disais  comme  je  le  dis  encore  :  espérons  que  l'ouverture  du 
Prophète  sera  exécutée  devant  un  auditoire  capable  de  la  comprendre. 
Que  si  le  public,  peu  mûr  pour  de  telle  musique,  n'en  saisissait  pas  les 
beautés,  je  m'en  consolerais  en  disant  avec  Dacier  :  Mes  remarques 
subsistent.  J'ajouterai  que  si  les  auditeurs  des  concerts  de  la  Société 
Sainte-Cécile  ont  su  gré  à  M.  Seghers  d'avoir  restitué  à  Robérf-le- 
Diable  ce  dont  on  l'avait  privé,  ils  ne  pourront  que  remercier  l'habile 
chef  d'orchestre  de  rendre  à  Dieu  ou  à  son  Prophète  ce  qui  lui  appar- 
tient. 

—  M.  Ernst  a  donné,  le  1er  de  ce  mois,  son  troisième  et  dernier  con- 
cert, dans  la  salle  Herz.  11  a  dit,  avec  MM.  Eckert,  Maas  et  Chevillard, 
le  quatuor  en  m  /mineur  de  Mendelssohn-Barlholdy,  quatuor  dont  le 
premier  morceau  et  le  final  sont  fort  travaillés  et  semés  d'imitations 
serrées  qui  sont  comme  un  travail  pour  l'auditeur,  s'associant,  malgré 
qu'il  en  ait,  à  ce  style  consciencieux,  et  même  à  la  grande  difficulté 
d'exécution  qui  en  résulte.  Il  est  vrai  qu'exécutants  et  auditeurs  sont 
bien  dédommagés  de  ces  efforts  par  Validante  et  le  scherzo,  qui  vous 
bercent  des  idées  les  plus  suaves  et  les  plus  riantes.  Après  cela  Mlle  Du- 
val  est  venue  nous  chanter  une  romance  sur  l'amour  filial,  par  Mme  Gus- 
tave Lemoine  (Loïsa  Puget) ,  que  la  cantatrice  a  dite  avec  une  expres- 
sion profonde  et  vraie  ;  et  puis,  un  air  du  Torquato  Tasso,  de  Donizetti, 
qu'elle  n'a  pas  moins  bien  chanté.  Mme  Comettant  a  dit  aussi  des  cou- 
plets avec  beaucoup  de  sentiment  et  de  grâce.  Quoi  qu'il  en  soit  de  tous 
ces  charmes  auxiliaires,  les  honneurs  de  la  soirée  ont  été  pour  le  béné- 
ficiaire, qui  nous  a  fait  entendre  des  variations  sur  des  airs  hongrois  en 
virtuose  fantaisiste,  avec  une  originalité  qui  n'a  pu  être  dépassée  que 
par  les  caprices  excentriques  qu'il  dépoie,  qu'il  jette  à  ses  auditeurs 
étonnés  et  charmés,  dans  son  Carnaval  de  Ver.ise,  où  il  résume  le  fan- 
tastique Hoffmann  et  le  grotesque  Callot. 

L'andante  et  le  final  de  la  grande  sonate  en  la  mineur,  de  Beethoven, 
ont  été  dits  aussi  dans  ce  concert  par  M.  Ernst  et  Mlle  Clauss,  qui  joue 
dans  beaucoup  de  soirées  particulières  du  faubourg  Saint-Germain,  et 
qu'on  voudrait  entendre  dans  tous  les  concerts;  car,  bien  qu'elle  soit 
jeune  et  petite,  elle  est  âgée  et  grande  par  le  talent. 

—  Il  a  été  donné  dans  la  salle  Sainte-Cécile  une  grande  matinée 
musicale  au  profit  des  pauvres  honteux  de  la  ville  de  Paris,  sous  le  pa- 
tronage de  princesses,  duchesses,  marquises,  comtesses,  vicomtesses, 
générales,  baronnes  et  simples  roturières,  parmi  lesquelles  se  trou- 
vaient, sur  le  programme,  Mmes  de  Craon,  de  Beaufort,  de  Grammont, 
de  Turenne,  de  Magnan,  de  Luxembourg,  de  la  Ferronnays,  de  Ver- 
gennes,  d'Armaillé,  de  Bernis,  de  Chabrillan,  etc.  Entourée  de  ces 
nobles  patronesses,  au  nombre  de  quarante-six,  et  parmi  Roger,  Dorus, 
Mme  Laborde,  de  l'Opéra,  Mlle  Montigny  et  le  jeune  Hildebrand  Rom- 


berg,  Mlle  Clauss  a  fait  entendre  la  fantaisie  de  Wilmers,  intitulée  Un 
jour  d'été  en  Norvège,  et  elle  a  été  applaudie  et  fêtée  pour  son  beau 
talent  et  sa  bonne  action,  comme  les  artistes  éminents  auxquels  on 
l'avait  associée,  comme  Mme  Rose  Chéri,  du  Gymnase,  et  Numa,  et 
Landrol,  qui  ont  participé  aussi,  en  jouant  une  pièce  de  leur  théâtre,  à 
l'acte  de  bienfaisance  de  cette  pieuse  association  qui  a  pour  nom  : 
Œuvre  de  la  Miséricorde. 

—  Au  risque  d'encourir  le  reproche  de  monotonie,  il  faut  bien  signa- 
ler à  nos  lecteurs  les  faits  et  gestes  de  nos  pianistes  des  deux  sexes. 
Le  piano  et  les  pianistes  nous  rappellent  les  inversions  et  circonlocutions 
dont  se  sert  le  maître  de  philosophie  de  M.  Jourdain  dans  le  Bourgeois 
gentilhomme  pour  varier  le  compliment  galant  que  son  élève  doit 
adresser  à  la  dame  de  ses  pensées  :  Belle  marquise,  etc.  Cela  nous  re- 
met en  mémoire  aussi  le  fameux  couplet  de  vaudeville  par  lequel 
M.  Scribe  critiquait  la  monotonie  du  répertoire  du  théâtre  de  l'Opéra- 
Comique,  qui  ne  représentait  chaque  soir  que 

Le  A'otivcau  Seigneur  et  Joconde, 
Jnconde  et  le  Nouveau  Seigneur. 

Et  cependant  il  n'en  est  pas  ainsi  de  nos  virtuoses  ;  il  existe  beaucoup 
de  variétés  dans  le  système  physiologique  et  le  sens  artistique  de  nos 
individualités  pianistiques.  Si  pour  beaucoup  de  gens  un  pianiste  vaut 
un  pianiste,  comme  un  piano  vaut  à  peu  près  un  piano,  pour  d'autres, 
à  l'oreille,  aux  facultés  musicales  exercées,  il  est  des  nuances  dans  le 
mécanisme  des  uns  et  des  autres.  Voyons,  prenons-en  une  demi-dou- 
zaine de  l'un  et  l'autre  sexe  :  Mlles  Wilhelmine  Clauss,  Charlotte  de 
Malleville  et  Joséphine  Martin,  puis  MM.  Fumagalli,  Ascher  et  Forgues, 
par  exemple.  On  peut  dire  d'abord  que  ce  ne  sont  pas  des  artistes  à  la 
douzaine,  puisqu'il  n'y  en  a  que  six.  Mlle  de  Malleville,  qui  a  donné 
samedi  dernier  la  seconde  de  ses  quatre  séances  annuelles  de  musique 
de  chambre,  nous  prouve  à  chacune  de  ces  exhibitions  qu'elle  possède 
un  talent  sérieux  qui  ne  cesse  de  nous  interpréter  les  œuvres  de  Haydn, 
de  Mozart,  de  Beethoven  que  pour  remonter  jusqu  à  celles  de  Rameau. 
Ce  talent  se  distingue  par  une  sorte  de  poli  aristocratique,  et  manque, 
par  cela  même,  de  malléabilité.  On  est  trop  galant,  trop  Français  pour 
dire  que  la  grâce  lui  manque,  et  trop  circonspect  pour  conseiller  à  cette 
jeune  virtuose  de  se  passionner,  bien  qu'il  ne  soit  question  que  de  pas- 
sion pour  l'art  ;  il  est  vrai  que  c'est  l'autre  qui  mène  à  celle-ci.  Mlle  de 
Malleville  arrange,  écrit,  compose  parfois  de  jolie  musique. 

—  Mlle  Joséphine  Martin  exécute  proprement,  vivement,  spirituelle- 
ment la  musique  actuelle,  et  surtout  la  sienne.  Son  mécanisme  est  im- 
périeux, gracieux  et  brillant;  c'est  dire  que  ce  mécanisme  est  un  peu 
trop  mécanique.  Mélancolie  et  rêverie  ne  sont  pour  rien  dans  les  élé- 
ments de  ce  jeu,  non  plus  que  mélodie  et  rondeur,  et  puissance  de  son. 
Quand  on  est  sûr  de  plaire  par  l'élégance  ,  l'esprit,  on  ne  compreud 
pas  qu'il  soit  nécessaire  de  recourir  à  la  niaise  et  triste  sensibilité  ,  à 
la  chaleur  de  cœur,  à  l'éloquence,  à  la  poésie  de  l'art,  qui,  en  défini- 
tive, seraient  compromettantes  pour  une  demoiselle  ;  et  puis,  tout  cela 
peut-il  sortir  de  cette  boîte  plus  ou  moins  carrée,  plus  ou  moins  oblon- 
gue  que  l'on  nomme  un  piano  ?  Erard  et  Mme  Pleyel  disent  que  oui. 

Mlle  Martin,  dans  une  brillante  soirée  musicale  donnée  en  son  do- 
micile artistique,  a  joué  de  charmantes  fantaisies  écrites  par  elle  ;  car 
elle  a  composé  de  délicieux  morceaux  de  piano  qu'elle  exécute  déli- 
cieusement. 

Si  de  ces  brillantes  pianistes  nous  revenons  à  Mlle  Clauss,  nous  trou- 
vons en  cette  virtuose  charmante  plus  jeune  que  ses  rivales,  ou  mieux 
ses  émules,  un  jeu  plus  âgé,  plus  sérieux,  plus  écrit,  plus  homogène 
dans  toutes  ses  parties.  S'il  est  un  peu  trop  lié,  si  l'artiste  couve  un 
peu  trop  du  regard  ses  touches,  son  cher  clavier,  le  talent  de 
Mlle  Clauss  n'en  est  pas  moins  un  des  plus  solides,  un  des  plus  con- 
sciencieux, un  des  plus  attachés  et  des  plus  attachants  que  nous  ayons 
entendus.  Elle  joint  la  beauté  du  son  dans  la  mélodie  à  la  vélocité  cor- 
recte dans  le  trait.  En  l'écoutant,  on  la  sent  émue  de  la  passion  de 
son   art.  Bien  entendu  qu'il  n'est  pas   question  d'établir  ici  aucune 


DE  PARIS. 


77 


similitude  entre  ces  artistes  d'une  organisation  dissemblable  et  de  ta- 
lents divers.  Comparaison,  d'ailleurs,  n'est  pas  raison,  comme  dit  le 
vulgus  assez  judicieusement. 

En  étudiant  l'art  de  bien  dire  sur  le  piano,  Mlle  Olaussn'a  pas  négligé 
l'art  d'écrire  pour  cet  instrument,  niais  elle  ne  compose  pas.  J'ai 
presque  envie  de  montrer  assez  peu  de  galanterie  pour  l'en  féliciter. 

—  Si  nous  passons  maintenant  aux  pianistes  mâles,  MM.  Ascher, 
Forgues  et  Fumagalli,  nous  trouverons  trois  artistes  assez  semblables 
comme  \  irtuoses  et  compositeurs,  du  moins  pour  ceux  qui  basent  leurs 
appréciations  sur  des  à  peu  près.  De  même  que  quelques  uns  de  nos 
anciens  poètes  qui  se  sont  immortalisés  par  un  quatrain,  ou  ces  pia- 
nistes légers  et  brillants  connus  par  une  arabesque,  un  bananier  ou 
une  tarentelle  quelconques,  M.  Ascher  a  ses  Hirondelles  qui  ont  déjà 
circonvolutionné  sur  bien  des  claviers  ;  M.  Forgues  a  bercé  bien  des  au- 
ditoires dans  son  Hamac,  ce  qui  ne  veut  pas  dire  qu'il  les  ait  endormis, 
et  M.  Fumagalli  a  locomotionné  bien  des  cœurs  par  sa  charmante  chan- 
son-sérénade espagnole.  Ce  pianiste  lombard  est  jeune,  d'un  physique 
agréable  ;  il  a  le  regard  et  le  sourire  spirituels  ;  il  semble  avoir  des 
doigts  d'acier  qui  tirent  du  piano  tout  le  son  qu'il  peut  rendre  et  même 
plus  qu'il  n'en  doit  donner,  car  il  attaque  la  touche  de  taçon  à  faire 
restituer  à  l'instrument  la  première  moitié  de  son  nom  de  forte  qu'il 
avait  autrefois.  Mais  en  compensation  de  cette  brusquerie  d'attaque,  il  a 
du  brillant,  de  la  chaleur  dans  le  jeu,  de  la  verve  et  de  la  fougue  même  ; 
c'est  enfin  le  premier  pianiste  sérieux  qui  nous  soit  venu  d'Italie. 

M.  Ascher,  pianiste  allemand,  se  distingue  par  un  jeu  fin,  délié,  que  le 
succès  qu'a  obtenu  sa  petite  étude  intitulée  les  Hirondelles  dans  le 
monde  et  parmi  les  amateurs,  a  rendu  exigu,  petit,  pointu  de  son,  qu'il  a 
cherché,  mais  en  vain,  à  rendre  plus  ample, plus  magistral  dans  le  morceau 
de  concert  sur  Lucrezia  Borgia.  Il  a  joué  cela  dans  la  soirée  musicale 
donnécpar!ui,salleHerz,  mercredi  dernier;  il  nous  a  faitentendre encore 
de  fort  jolies  petites  choses  musicales  :  une  Rêverie,  une  S':guidille  sur 
Mosquila,  l'Orgie,  morceau  dit  caractéristique.  Ce  dernier  mot  est 
presque  licencieux  précédé  de  l'autre  ;  mais  il  ne  s'agit  ici  que  d'une 
orgie,  d'une  cascade  de  notes.  Et  à  propos  de  cascades,  le  bénéficiaire 
nous  a  distillé  ses  Gouttes  d'eau  dans  son  troisième  caprice-étude  ; 
mais  ces  gouttes  d'eau  n'en  sont  qu'une  perdue  dans  la  mer  d'études, 
de  caprices,  de  fantaisies,  qui  débordent,  qui  nous  inondent  de  ses  flots 
incessants  et  toujours  croissants.  Nous  avons  dit,  plus  haut,  bénéficiaire  : 
ce  titre  n'a  pas  été  une  fiction  pour  M.  Ascher,  si  tous  ceux  qui  sont 
venus  l'entendre  ont  payé  ce  plaisir  ;  car,  bien  que  la  musique  soit 
fort  à  la  mode,  on  voit  rarement  un  public  aussi  compacte  dans  un 
concert  donné  même  par  les  célèbres  virtuoses.  Il  est  vrai  que  ce  con- 
cert était  fort  attrayant.  Dans  un  joli  duo  en  écho  du  Charme  de  la 
voix,  de  Berton,  M.  Géraldy  et  Mme  Lefébure-Wély  nous  ont  prouvé 
tout  le  charme  de  la  leur;  M.  Edouard  Batiste  nous  a  fait  entendre  de 
nouveaux  choristes  intelligents,  ce  qui  n'est  pas  commun,  et  fort  bien 
dirigés  par  lui  ;  le  violon  d'Hermann  a,  comme  toujours,  impressionné 
l'auditoire,  et  M.  Chaudesaigues  l'a  fort  égayé  de  ses  bêtises  spiri- 
tuelles. 

—  Dans  la  même  soirée,  en  véritable  critique  ubiquiste,  nous  avons 
entendu,  dans  la  salle  Pleyel,  M.  Emile  Forgues,  pianiste  distingué  ; 
car  il  est  bien  rare,  par  le  temps  qui  court  et  ces  messieurs  aussi, 
qu'un  pianiste  ne  soit  pas  distingué,  soit  dans  quelques  salons,  soit 
par  sa  clientèle.  M.  Forgues  est  aussi  un  pianiste  du  jour  par  les 
petites  pièces  qu'il  compose  et  dit  sur  son  instrument  avec  beaucoup  de 
grâce,  de  finesse  et  de  chaleur.  Il  s'est  même  montré  classique  en  es- 
sayant de  nous  traduire  la  sombre  poésie  de  la  sonate  en  ut  dièze 
mineur  de  Beethoven  ;  mais  son  public,  car  chaque  pianiste  a  le  sien, 
excepté  ceux,  en  petit  nombre,  qui  n'en  ont  pas  du  tout  ou  ceux  qui 
les  ont  tous,  l'auditoire  de  M.  Forgues  a  mieux  aimé,  a  plus  applaudi  ses 
Variations  de  concert  sur  Charles  VI,  son  Départ,  le  Hamac,  que  nous 
avons  déjà  cité,  la  Tarentelle  de  concert,  —  il  ferait  beau  voir  qu'un 
pianiste  n'eût  pas  composé  et  ne  tînt  pas  toujours  à  la  disposition  de 
ses  auditeurs  une  tarentelle,  —  et  enfin  son  Alcazar,  fantaisie  espagnole 


qui  a  bien  la  couleur  ibérienne,  qui  fait  rêver  de  galanteries,  de  séré- 
nades, de  jalousies  d'amour  comme  de  celles  qui  s'ouvrent  sur  les 
balcons,  et  qui  rappelle  enfin  ce  vers  coloré  du  roi  dans  la  Fdvortle  : 

Palais  do  l'Alcazar,  délices  des  rois  maures!... 
Avec  ce  goût  du  jour,  celte  couleur  locale,  un  bon  mécanisme  dans 
lequel  se  distinguent  des  octaves  nettes  ct"perlées,  M.  Emile  Forgues  a 
obtenu  beaucoup  de  succès  en  Espagne,  d'où  il  est  revenu  la  bouton- 
nière ornée  d'un  ruban  jaune  et  blanc. 

—  Pour  compléter  celte  pléiade  de  pianistes  qui  peut  être  de  sept, 
comme  du  temps  de  Ptolémée  Philadelphie  et  de  Ronsard  était  la  pléiade 
des  poètes,  nous  voudrions  pouvoir  joindre  à  ces  étoiles  musicales 
Mlle  Milhès;  mais  celle-ci  n'est  qu'une  très-petite  étoile  qui  scintille  à 
peine  dans  le  ciel  harmonique,  et  s'est  contentée  d'apparaître  modes- 
tement dans  la  salle  de  Sax ,  où  elle  nous  a  fait  entendre  sur  le  piano, 
d'une  manière  aisée  et  gracieuse,  un  joli  caprice  de  M.  Brisson  ,  Jadis 
et  aujourd'hui,  et  la  fantaisie  sur  les  motifs  de  la  Lucie  de  Lamermoir, 
par  Prudent. 

— Dans  un  concert  donné  dans  la  salle  Herz,  M.  Emile  Rignault  s'est 
montré,  comme  toujours,  violoncelliste  habile,  qui  sait  réunir  ces  deux 
qualités  précieuses  et  rares  dans  un  virtuose  :  mélodie  et.  difficulté. 
C'est  surtout  dans  le  chant  intitlé  la  Vision  de  sainte  Cécile,  avec  ac- 
compagnement de  violoncelle  par  M.  Lebouc,  que  le  bénéficiaire  s'est 
bien  associé  à  la  voix  humaine  et  a  su  la  rivaliser. 

—  Le  temps  est  venu  où  les  écrivains  qui  jugent  les  œuvres  musi- 
cales doivent  connaître  à  fond  les  procédés  de  l'art  sur  lequel  ils  écri- 
vent. M.  Georges  Bousquet  a  voulu  pouver  qu'il  est  un  de  ces  criti- 
ques compétents.  Deux  excellents  quatuors  de  lui  pour  deux  violons, 
alto  et  basse,  dits  par  l'habile  violoniste  Léonard,  MM.  Batta,  Lebouc 
et  l'auteur,  ont  été  entendus  avec  un  vif  plaisir  par  un  auditoire  d'ar- 
tistes et  de  bons  amateurs,  qui  ont  justement  applaudi  les  idées  mélo- 
diques et  le  savoir  du  compositeur.  Vous  verrez  qu'il  ne  dira  rien  de 
ces  œuvres,  dont  il  ferait  un  juste  éloge  si  elles  étaient  d'un  autre. 

—  Lemmens  a  aussi  réuni  de  nouveau,  vendredi  dernier,  un  audi- 
toire des  hommes  compétents  de  la  presse  musicale  et  de  l'art,  dans 
l'église  de  Saint- Vincent-de-Paul ,  pour  jeter  encore  à  son  auditoire 
charmé  de  belles  et  larges  fugues  bien  développées,  des  pières  pleines 
de  grâce  et  de  religiosité  sur  l'orgue,  chef-d'œuvre  de  Cavaillé-Coll. 

Henri  BLANCHARD. 


CONSERVATOIRE  DE  MUSIQUE  ET  DE  DÉCLAMATION. 

KXERCICE  DES  ÉLÈVES. 

Ouvcrl «ii'e  pur  M.   «lonus»    —  Les    Folies»   uiuotii'eunew.  — 
tS-i-iisn  «te  Va  ri  s 

Nous  n'avons  voulu  parler  de  la  maladie  de  M.  Auber  qu'en  annon- 
çant une  convalescence  qui  touchera  bientôt  à  son  terme.  Du  reste, 
sans  sortir  de  sa  chambre,  l'illustre  compositeur  et  directeur  n'a  cessé 
de  s'occuper  des  élèves  confiés  à  sa  surveillance.  Il  n'a  pas  voulu  que 
leurs  travaux  d'aucun  genre  fussent  interrompus.  Un  exercice  était 
annoncé  pour  le  dimanche  29  février,  et  l'exercice  a  eu  lieu  à  l'heure 
dite,  comme  si  tout  le  monde  se  portait  bien. 

Cet  exercice  se  composait  de  comédie  et  d'opéra-comique.  Il  avait 
pour  début  une  ouverture  composée  par  M.  Jonas,  qui  en  1849  obtint  le 
deuxième  second  grand  prix  de  composition  musicale  décerné  par  l'In- 
stitut. L'ouverture  du  jeune  lauréat  est  bien  faite  et  se  distingue  par  des 
tendances  mélodiques  d'un  favorable  augure.  Comme  dans  toutes  les 
œuvres  de  jeunesse,  il  y  a  du  trop  plein  instrumental  :  on  dirait  que 
les  musiciens  novices  ont  juré  de  donner  une  besogne  égale  à  tous  les 
archets,  à  tous  les  bois  et  à  tous  les  cuivres  qui  remplissent  l'orches- 
tre. Avec  de  l'expérience  on  se  défait  de  tout  cela  :  mais  l'expérience 
n'est  pas  comme  les  années  :  n'en  acquiert  pas  qui  veut  ;  n'écrit  pas 
des  opéras  quiconque  a  l'envie  et  la  faculté  d'en  écrire.  Que  le  ciel  et 
les  directeurs  des  théâtres  lyriques  se  montrent  propices  à  M.  Jonas  ! 


38 


REVUE   ET  GAZETTE  MUSICALE 


Les  Folies  amoureuses  ont  été  jouées  avec  beaucoup  de  verve  et 
d'ensemble  par  MM.  Lesage ,  Gilles  de  Saint-Germain ,  Lemaître  , 
Mlles  Arrène  et  Bilhaud.  Cette  dernière,  élève  émérite ,  engagée  à 
l'Odéon  ,  où  elle  tient  fort  bien  sa  place,  était  venue ,  pour  cette  fois 
seulement,  remplacer  Mlle  Valérie,  qu'une  indisposition  éloignait  de 
l'école.  Les  applaudissements  valent  toujours  la  peine  d'être  pris , 
surtout  quand  ils  sont  mérités.  Mlle  Bilhaud,  soubrette  vive  et  mor- 
dante, sachant  rire  et  faire  rire  dans  la  perfection,  en  a  remporté  sa 
bonne  part,  et  ne  se  sera  sentie  que  plus  légère  en  retournant  à 
l'Odéon.  Si  les  Folies  amoureuses,  de  Regnard ,  prouvent  quelque 
chose,  c'est  que  la  fantaisie  n'est  pas  neuve  au  théâtre,  et  que  ce  n'est 
pas  notre  siècle  qui  l'a  inventée  ;  mais  quel  est  le  censeur  moderne  qui 
ne  frémirait  de  tousses  membres,  si  on  lui  apportait  un  manuscrit 
hérissé  de  plaisanteries  d'une  audace  pareille  à  celles  que  Regnard  se 
permettait  sans  scrupule  et  sans  vergogne  ?  Quel  bonheur  que  cela  soit 
vieux,  car  aujourd'hui  cela  n'aurait  plus  la  permission  de  naître! 

Jean  de  Paris  est  un  ouvrage  d'un  tout  autre  goût  ;  la  mère  en  pres- 
crirait la  lecture  à  la  plus  jeune  de  ses  filles  :  les  mœurs  n'en  sauraient 
craindre  aucun  danger.  Au  fond,  l'idée  est  à  peu  près  la  même  que 
celle  du  Calife  de  hagdad,  composé  par  les  mêmes  auteurs  treize  ans 
plus  tôt.  Dans  l'intervalle,  Boïeldieu  s'était  réfugié  en  Russie  pour  échap- 
per aux  douleurs  d'un  hymen  mal  assorti.  A  son  retour,  en  1812,  il 
donna  Jean  de  Paris,  dans  lequel  il  plaça  un  des  airs  de  son  Télemaque, 
et  cet  air  passa  de  la  bouche  d'Eucharis  dans  celle  de  la  princesse  de 
Navarre,  en  changeant  de  paroles.  C'est  celui  qui  termine  le  premier 
acte  :  Quel  •plaisir  d'être  en  voyage.  Jean  de  Paris  avait  pour  inter- 
prètes Elleviou,  Martin,  Juliet,  Mlle  Regnault,  Mme  Gavaudan.  Ce  fut 
un  succès  brillant  et  durable,  malgré  la  faiblesse  du  second  acte,  où  le 
poëte  manque  totalement  d'esprit  et  d'invention. 

Au  Conservatoire,  l'ouvrage  a  été  joué  et  chanté  par  des  élèves  qui, 
presque  tous,  montaient  sur  les  planches  pour  la  première  fois.  Sapin 
remplissait  le  rôle  du  jeune  prince  français  :  il  a  de  la  voix ,  de  la  cha- 
leur; mais  il  doit  beaucoup  travailler  les  sons  de  tête  et  s'exercer  au 
chant  spianato.  Bonnehée,  le  sénéchal,  possède  un  magnifique  baryton 
et  une  bonne  méthode  ;  il  a  produit  beaucoup  d'effet  dans  l'air  si 
connu  :  C'est  la  princes-e  de  Navarre  que  je  tous  annonce  en  ces 
lieux.  Faure  a  fait  preuve  de  talent ,  plutôt  que  de  gaîté,  dans  le  rôle 
de  l'aubergiste.  Mlle  Larcéna  s'est  bien  acquittée  de  celui  de  sa  fille. 
Dans  celui  du  page,  la  toute  jeune  et  toute  frêle  Mlle  Boulard  a  fort 
bien  chanté,  fort  bien  joué  :  Petit  poisson  deviendra....  moins  mince, 
et  le  succès  ne  lui  manquera  pas.  Le  rôle  delà  princesse  avait  despérils 
pour  Mlle  Sarah  Klotz,  dont  la  voix  n'a  pas  toute  l'ampleur  et  la  force 
désirable.  Ce  qu'elle  a  dit  de  mieux  ,  c'est  son  couplet  du  second  acte 
dans  la  fameuse  romance  du  troubadour.  Il  y  avait  encore  des  trouba- 
badours  en  1812  !  ! 

Somme  toute,  l'exercice  a  bien  marché,  pour  les  solistes  comme 
pour  les  masses.  MM.  Moreau-Sainti  et  Batton  l'avaient  préparé  avec 
zèle,  et  M.  Massart  n'en  a  pas  moins  déployé  dans  la  direction  de 
l'orchestre.  Des  acteurs  qui  débutent  et  des  instrumentistes  qui  ne  ré- 
pètent que  deux  fois,  quelle  armée  à  conduire  !  Les  vieux  capitaines 
en  tremblent  et  se  retirent  sous  leur  tente,  de  peur  de  mésaventure  et 
de  fatigue.  C'est  donc  aux  jeunes  et  aux  intrépides  à  se  dévouer. 

P.  S. 


NOUVELLES. 

%*  Demain,  lundi,  à  l'Opéra,  Guillaume  Tell. 

*»*  Les  Huguenots  ont  été  joués  lundi  dernier,  lîogcr  chantait,  avec 
son  talent  supérieur,  le  rôle  de  Raoul;  Depassio,  celui  de  Marcel  ; 
Mlle  Poinsot,  celui  de  Valentine. 

*„*  Vendredi  a  eu  lieu  la  reprise  d'un  ballet  longtemps  célèbre,  dont 
Adolphe  Nourrit  avait  eu  l'idée,  et  dont  Marie  Taglioni  a  si  délicieu- 
sement poétisé  le  personnage,  la  Sylphide.  Mlle  Priora  faisait  sa  rentrée 
dans  ce  rôle,  dont  le  caractère  de  sa  physionomie  et  le  genre  de  son  talent 
ne  lui  permettent  pas  de  rendre  aussi  bien  l'idéal.  Comme  Fanny  Ellsler 
dans  son  temps,  Mlle  Priora  est  une  des  belles  filles  de  la  terre  ;  les  ré- 
gions de  l'air  ne  sont  pas  son  domaine.  A  cela  près,  elle  a  mérité  d'être 


applaudie  autant  que  doit  l'être  une  danseuse  de  premier  ordre,  et  Saint- 
Léon  s'est  montré  fort  habile  par  sa  façon  de  la  seconder  dans  le  rôle  de 
Jams,  dont  il  s'était  chargé.  Une  débutante,  Mlle  Pougaud  ,  s'est  pro- 
duite au  1er  acte  dans  un  pas  de  deux  avec  Bouehet.  Celle-là  est  encore 
plus  fille  de  la  terre,  et  plus  Parisienne  qu'Écossaise  :  sa  jolie  figure  est 
son  plus  grand  talent.  La  charmante  musique  de  Schneitzoefler  n'a  rien 
perdu  de  son  entrain  ni  de  son  coloris. 

%*  Que  de  gens  ont  dû  se  frotter  les  yeux  en  regardent  jeudi  dernier 
la  grande  affiche  annonçant,  en  toutes  lettres,  la  rentrée  de  Mme  Darder 
dans  le  rôle  île  Béatrix,  du  Carillonneur  de  Bruges!  En  effet,  que  de  sujets 
d'étonnement,  d'incrédulité  même!  Mme  Darcier  (et  non  plus  mademoi- 
selle), retirée  du  théâtre  depuis  deux  ans,  mariée  à  un  homme  qui  n'est 
pas  ambassadeur,  comme  tant  d'autres,  mais  dont  la  position  de  fortune 
est  connue,  Mme  Darcier,  revenant  tout  à  coup  à  la  scène  et  reparais- 
sant dans  un  rôle  créé  tout  récemment  par  Mlle  Wertheimber!  C'était  à 
n'en  pas  croire  l'affiche,  et  pourtant  rien  n'était  plus  vrai.  Mme  Darcier 
fera  sa  rentrée  mardi  ou  jeudi  prochain  ;  la  charmante  actrice,  que  nos  re- 
grets ont  suivie,  et  qui  peut-être  aussi  regrettait  quelque  chose,  nous  sera 
rendue,  et  avec  elle  la  pièce  nouvelle,  qui  ne  compte  que  quatre  ou  cinq 
représentations.  Il  paraît  que  Mlle  Wertheimber,  se  sentant  indisposée, 
avait  sollicité  un  repos  qui  aurait  suspendu  l'ouvrage.  Par  une  combi- 
naison dans  laquelle  il  entre  autant  d'habileté  que  de  bonheur,  M.  Emile 
Perrin  a  décidé  Mme  Darcier  à  reprendre  ce  même  rôle  de  Béatrix,  en- 
core dans  sa  fleur,  et  qu'elle  fera  valoir  sans  doute  avec  tout  le  prestige 
de  son  nom  et  de  son  talent.  C'est  une  excellente  affaire  pour  le  théâtre 
et  pour  l'ouvrage.  Quant  à  Mlle  Wertheimber,  jeune  artiste  d'un  grand 
avenir,  nous  ne  croyons  pas  qu'elle  perde  à  ce  marché.  Ceux  qui  ne  l'ont 
vue  et  entendue  que  dans  le  rôle  de  Béatrix  ne  la  connaissent  pas.  Il  faut 
un  autre  essor  à  la  voix  qu'elle  nous  a  révélée  au  Conservatoire  dans 
Orphée,  dans  Charles  VI  et  dans  Roméo.  Les  occasions  et  les  revanches  lui 
viendront;  jeune  comme  elle  est,  elle  a  le  temps  de  les  attendre.  On  re- 
prendra donc  mardi  ou  jeudi  le  Carillonneur  de  Bruges];  mais  en  réalité  la 
pièce  que  l'on  jouera,  c'est  VAmbaisalrice. 

*#*  Les  Barreaux  verts,  ouvrage  en  deux  actes,  de  MM.  Sauvage  et  Bazin, 
sera  donné  prochainement. 

%*  Hiersamedi,  leBarbierde  SèriUe  a  été  repris  au  Théâtre-Italien  pour 
la  rentrée  de  Lablache.  C'est  un  événement  que  ce  retour  que  l'on  com- 
mençait à  ne  plus  espérerpour  cette  saison.  Avec  Lablache,  les  dernières 
semaines  de  mars  brilleront  d'un  nouvel  éclat,  et  la  vogue  leur  est  assu- 
rée. C'est  Mlle  Sophie  Cruvelli  qui  chante  le  rôle  de  Rosine,  avec  un  ta- 
lent assi  grand  que  son  succès. 

V  On  annonce  que  le  privilège  du  Théâtre-Italien  sera  prorogé  de 
cinq  années  et  la  subvention  portée  à  100,000  fr. 

*„*  Joanita  ,  l'opéra  de  Duprez  ,  représenté  à  Bruxelles  sous  le  titre  de 
V Abîme  de  la  fflalédetla,  doit  être  joué  à  Paris  mardi  prochain. 

*„.*  La  Poupée  de  Nuremberg,  d'Ad.  Adam,  continue  de  jouir  d'une  vogue 
populaire. 

***  Pendant  le  mois  de  janvier,  la  recette  des  théâtres  subventionnés 
s'est  élevée  à  328,524  fr.  93  c;  celle  des  théâtres  secondaires  et  petits 
spectacles,  à  628,286  fr.  93  c;  celledes  bals  et  concerts  à  149,156fr.  31c; 
celle  des  curiosités  divers,  à  19,811  fr.  97  c.  —  Total  :  1,125,780  fr.  14  c. 
—  On  calcule  que  la  recette  des  théâtres  de  Paris,  pendant  les  trois  jours 
du  carnaval,  s'est  élevée  à  plus  de  130,000  fr. 

*t*  Le  roi  des  Pays-Bas  vient  de  décerner  la  grande  médaille  en  or  du 
mérite  dans  les  arts  à  MM.  Eugène  Scribe,  de  Saint-Georges  et  Lazare, 
auteur  de  la  partition  du  Roi  île  Bohême. 

***  Le  Comité  de  l'association  des  Artistes  musiciens,  dans  sa  dernière 
séance,  avait  à  pourvoir  au  remplacement  d'un  de  ses  membres ,  et 
M.  Edouard  Batiste,  professeur  au  Conservatoire  ,  a  été  nommé  à  une 
grande  majorité.  C'est  l'occasion  de  rappeler  qu'indépendamment  de 
sa  classe  de  solfège  collectif,  M.  Edouard  Batiste  tient  au  Conserva- 
toire une  classe  de  création  nouvelle  ,  celle  de  1  enseignement  du 
chant  populaire  qu'il  a  fondée  et  qu'il  dirige  avec  un  plein  succès.  Dans 
la  nombreuse  phalange  de  ses  élèves,  il  a  formé  une  petite  troupe  choisie, 
soumise  à  un  règlement  et  obligée  à  des  exercices  supplémentaires.  D'  ns 
toutes  les  réunions  soit  publiques,  soit  privées,  où  il  l'a  fait  enter. ire, 
cette  troupe  d'élite  a  exécuté  d'une  manière  tout  à  fait  remarquai  le  le 
chœur  des  gardes-chasses,  de  Thomas,  les  Charpentiers  d\\ûa.m,\e  Com- 
"  lenrement  du  Voyage  et  \esJeuws  Soldats  deZimmerman,  l'ode  de  Gilbert, 
la  prière  de  la  Muette,  d'Auber,  et  plusieurs  autres  morceaux  doru  la  liste 
serait  trop  longue. 

*%*  Vivier  est  demandé  à  Amiens.  Les  sociétés  philharmoniques  se  dis- 
putent cet  inimitable  artiste,  qui  consent  maintenant  â  se  faire  entendre, 
et  qui  est  sûr  d'avance  de  produire  partout  une  vive  sensation. 

%?  Nous  rappelons  à  nos  lecteurs  que  c'est  mercredi  prochain,  a  8 
heures  du  soir,  dans  la  salle  Ilerz,  qu'aura  lieu  le  brillant  concert  du 
du  jeune  et  remarquable  violoniste  Léon  lleynier. 

i*„  Teresa  Milanollo  est  à  Lyon.  Elle  donnera  mardi  prochain  son  sep- 
tième concert  au  grand  théâtre,  et  déjà  toutes  les  places  sont  retenues. 
Du  reste,  jusqu'à  présent,  à  chacun  de  ses  concerts  la  salle  a  toujours  été 
comble  et  le  succès  immense  :  ni  les  fleurs  ni  les  couronnes  n'y  ont 
manqué. 

%*  Le  troisième  et  dernier  concert  que  donnera  Mlle  Clauss  avant  son 
départ  pour  Londres  est  toujours  fixé  à  lundi  prochain,  15  mars,  et  n'of- 
frira pas  un  intérêt  moins  vif  que  les  deux  premiers. 


DE  PARIS. 


7!» 


*„*  C'est  le  mercredi  17  mars,  à.  huit  heures  du  soir,  ((lie  l'Association 
des  artistes-musiciens  donnera  son  preinier  concert  dans  la  salle  des  ga- 
leries Bonne-Nouvelle.  Dimanche  prochain  nous  publierons  le  programme 
de  ectie  belle  soirée,  à  laquelle  d'éminents  artistes  prêteront  leur  COn- 
COIIIs. 

V  L'exécution  du  Requiem  composé  par  M.  Deldevèze  à  la  mémoire 
de  l'illustre  Ilabeneck,  son  maître,  aura  lieu  dans  l'église  de  la  Madeleine, 
le  lundi  22  mars,  et  non  le  vendredi  26  ,  comme  nous  l'avions  d'abord 
annoncé. 

*»*  Une  véritable  et  grande  solennité  musicale  aura  lieu  dimanche  pro- 
chain ,  14  mars,  à  une  heure  et  demie,  dans  la  salle  Barthélémy,  l'our  la 
première  fois,  les  djveirses  Sociétés  chorales  de  Paris  seront  réunies  et 
chanteront  ensemble  les  morceaux  que  le  succès  a  rendus  populaires.  11 
sera  curieux  de  juger  reflet  d'une  masse  de  400  voix,  et,  d'assister  à  cette 
fusion  de  toutes  les  écoles.  A  ces  forces  vocales  répondront  les  forces  in- 
strumentales des  musiques  de  plusieurs  régiments;  et  enfin  ,  pour  que 
rien  ne  manque  à  cette  fête  extraordinaire,  Roger,  notre  grand  chanteur, 
se  fera  entendre,  ainsi  que  Wartel,  Oflenbach,  Deloffre,  Cras,  Jules  Simon. 
Pour  cette  fois,  sans  doute,  la  vaste  salle  Barthélémy  sera  trop  petite. 

*„*  Le  second  concert  de  M.  et  de  Mme  Léonard  aura  lieu  vendredi 
prochain  ,  à  huit  heures  du  soir,  dans  la  salle  Uerz.  Le  succès  obtenu 
dans  le  premier  par  les  deux  artistes  dispense  de  toute  autre  recomman- 
dation. 

%*  La  nouvelle  si  souvent  annoncée  et  toujours  démentie  d'un  ma- 
riage contracté  par  Jenny  Lind,  paraît  cette  fois  acquérir  la  consistance 
d'un  fait.  La  célèbre  cantatrice  aurait  épousé  M.  Othon  r.oldschmidt, 
jeune  pianiste,  et  le  mariage  se  serait  célébré  à  Boston.  M.  Othon  Golds- 
chmidt  est  âgé  de  vingt-deux  ans,  fils  d'un  riche  et  respectable  négociant 
de  Hambourg.  C'est  à  Londres  que  Jenny  Lind  a  fait,  il  y  a  quelques  an- 
nées, la  connaissance  de  M.  Goldschmidt,  et  plus  tard  elle  l'a  fait  appeler 
aux  Etats-Unis,  afin  de  l'accompagner  dans  les  concerts  qu'elle  donnait. 
Jenny  Lind,  aujourd'hui  Mme  Goldschmidt,  a  acquis  une  charmante  villa 
à.  Round-Ilill,  près  Northhampton,  dans  l'état  de  Massachussets,  où  les 
nouveaux  mariés  se  proposent  de  faire  un  long  séjour  avant  de  retourner 
en  Europe. 

*,*  lin  concert  des  plus  intéressants,  au  bénéfice  d'une  salle  d'asile,  a 
eu  lieu  mardi  dernier  dans  la  salle  Pleyel.  La  Société  la  plus  aristocrati- 
que du  faubourg  Saint-Germain  y  assistait  et  applaudissait  avec  enthou- 
siasme aux  beaux  talents  de  MM.  Lecieux,  Mulder,  Moriani  et  Mme  Tac- 
cani-ïasca.  Parmi  les  morceaux  qui  ont  le  plus  charmé  l'auditoire,  nous 
citerons  les  variations  de  Rode  chantées  par  Mme  Taccani,  et  un  magnifi- 
que duo  sur  la  Dame  Blanche ,  pour  piano  et  violon,  composé  par 
MM.  Mulder  et  Lecieux,  exécuté  avec  une  verve  et  un  brio  qui  leur  ont 
valu  une  véritable  ovation.  MAL  Chalupt  et  Robin,  amateurs  qui  chantent 
en  véritables  artistes,  ont  complété  cette  matinée,  qui  s'est  terminée 
par  une  comédie,  les  Rivaux  d'eux -menus,  parfaitement  jouée  par  les 
artistes  de  la  Comédie-Française. 

*»*  Mme  Claire  Hennelle,  la  cantatrice  si  connue  et  si  distinguée,  don- 
nera son  concert  annuel  le  mardi,  20  mars,  dans  les  salons  de  Pleyel. 

%*  Le  jeune  violoniste,  Juan  Llorens,  et  Mlle  AntoniaLlorens,  sa  sœur, 
donneront  un  concert  demain  lundi,  8  mars,  dans  la  salle  Pleyel. 

%*  Le  violoniste  Bazzini,  dont  nous  annoncions  récemment  l'arrivée  à 
Paris,  vient  d'être  engagé  par  les  sociétés  philharmoniques  du  Havre  et  de 
Saint-Omer;  il  se  rendra  dans  cette  dernière,  ville  pour  le  11  de  ce  mois. 
%*  Demain  lundi,  8  mars,  le  concert  de  Léopold  de  Meyer  aura  lieu 
dans  la  salle  Herz.  En  voici  le  programme  :  1°  Souvenirs  d'Italie,  de  L 
de  Meyer,  exécutés  par  l'auteur  ;  —  2°  Elégie,  d'Ernst,  exécutée  par  l'au- 
teur ;  —  3"  romance  de  Lucrèce  llorgia,  de  Donizetti,  chantée  par  Mlle  Du- 
val  ;  —  4"  impromptu  sur  les  motifs  de  Luisa  Miller,  de  L.  de  Meyer, 
exécuté  par  l'auteur  ;  —  5°  air  du  Caïd  ,  de  Thomas,  chanté  par  Mlle  Du- 
val  ;  —  6"  air  russe,  de  L.  de  Meyer,  exécuté  par  l'auteur;  —  7°  fantaisie 
sur  le  violoncelle,  d'Offenbach,  exécutée  par  l'auteur;  —  8°  Carmval 
de  Vtnis-,  d'Ernst,  exécuté  par  l'auteur;  —  9°  Ave  Maria,  de  Schubert, 
chanté  par  Mlle  Duval  ;  —  10"  marche  marocaine,  de  L.  Meyer,  exécutée 
par  l'auteur. 

*„*  La  troisième  séance  de  musique  de  chambre  donnée  par  Mlle  de 
Malleville  aura  lieu  le  samedi  13  mars.  Elle  sera  composée  ainsi  qu'il  suit: 
1°  quatuor  pour  piano,  violon,  alto,  violoncelle,  de  Weber;  2"  fantaisie 
en  ut  mineur  pour  piano  seul,  de  Mozart;  3°  sonate  pour  piano  et  violon, 
de  Beethoven;  4°  quintette  pour  instruments  4  cordes,  dédié  à  M.  Mau- 
rin,  de  G.  Onslow ;  5°  sonate  en  mi  majeur  pour  piano,  violon,  violon- 
celle, de  Mozart  ;  6°  menuet  en  mi  bémol  pour  piano  seul,  de  Haydn,  et 
sonate  variée  en  la  majeur,  de  Mozart.  On  entendra  MM.  Maurin,  Mas, 
Casimir-Ney,  Lebouc  etGouffé.  — La  quatrième  séance  aura  lieu  le  27 
mars. 

%*  La  Société  Sainte  Cécile  donnera,  le  dimanche  14  mars  à  deux  heu- 
res, dans  la  salle  Sainte-Cécile,  rue  de  la  Chaussée-d'Antin,  49  bis,  son 
cinquième  concert  d'abonnement  dont  voici  le  programme:  1"  symphonie 
en  ut  de  M.  H.  Reber;  2°  trio  des  songes  avec  chœur,  de  Dardanus,  par 
Rameau;  3"  grand  air  cYOberon  chanté  par  Mme  Bochkoltz-Falconi; 
4°  chœur  de  Blanche  de  Provence,  de  Cherubini  ;  4"  Fantaisie  pour  violon 
composée  et  exécutée  par  M.  Léonard;  5°  Sicilienne,  de  Pergolèse,  chan- 
tée par  Mme  Bochkoltz-Falconi  ;  7°  symphonie  nouvelle  de  Mendelssohn 
(redemandée).  L'orchestre  sera  dirigé  par  M.  Seghers.  Les  chœurs  seront 
dirigés  par  M.  Wekerlin. 


*„*  M.  Iule.  Uoményi,  violoniste  hongrois,  donnera  son  concert  le  jeudi 
11  mars  1852,  à  deux  heures  de  l'après  midi,  dans  la  salle,  de  l'association 
des  artistes  musiciens,  bazar  et  boulevart  lîonne-NOÙvelle.  Il  exécutera 
plusieurs  morceaux  de  sa  composition,  l'adagio  et  rondo  du  premier  con- 
certo de  Vieuxtemps,  et  le  Tempo  di  bourré,  de  S.  Bach. 

*.,*  Voici  le  programme  du  concert  que  W.  Kruger  donnera;  mardi 
16  mars,  à  huit  heures,  dans  les  salons  de  M.  llerz  :  —  Première  partie.  — 

1.  Sonate  de  Beethoven  (ut  dièze  mineur),  pour  piano,  par  W.  Kruger;  — 

2.  Duo,  chanté  par  Mme  I. aborde  et  \l.  Morclli  ;  —  la  Harpe  êolieniw  rê- 
verie, par  W.  Kriiger;  —  3.  le  Tambour  île  basque,  danse  espagnole,  par  W  . 
kriiger  ;  —  V  Mélodies  de  Reber,  chantées  par  M.  Wartel;  — 4. tes  Sorciè- 
res, de  Paganini,  fantaisies  pour  violon  par  Saint-Léon; —  6.  Varia- 
tions de  Rode,  chantées  par  Mme  Laborde.  —  Deuxième  partie  :  —  7.  Uuo 
pour  piano  et  violon  sur  la  Favorite,  de  Kriiger  et  Saint-Léon  ;  —  8.  Air 
chanté  par  M.  Morelli  ;  —  9.  Oh!  sommo  Carlo,  finale  tTErnani,  transcrit 
pour  le  piano,  par  AV.  Kriiger;  —  10.  Mélodie,  par  Schubert,  chantée  par 
M.  Wartel;  —  11.  Fantaisie  sur  les  Soirées  musicales  de  Rossini,  par  W. 
Kruger.  —  Le  piano,  d'Krard,  sera  tenu  par  M.  Bonoldi. 

***  Mlle  Vazelle  et  G.  Perrelli  donneront ,  lundi  23  mars,  à  huit  heures, 
dans  la  salle  llerz,  un  grand  concert  vocal  et  instrumental ,  avec  le  con- 
cours d'artistes  distingués.  Mlle  Vazelle  est  la  petite-nièce  du  célèbre 
chanteur  Martin,  et  elle  a  fait  au  Conservatoire  de  Paris  ses  premières 
études  musicales. 

*'„*  La  mort  si  prématurée  et  si  imprévue  d'Edmond  Seveste  laisse  va- 
cante la  direction  de  l'Opéra  National.  Plus  de  vingt  candidats  se  présen- 
tent pour  recueillir  l'héritage  du  privilège  lyrique,  et  de  ce  nombre  est 
le  célèbre  chanteur  Duprez,  voué  désormais  i  la  composition  musicale. 
En  attendant  une  mesure  définitive,  M.  Jules  Seveste,  frère  du  dernier 
directeur,  et  longtemps  son  associé  dans  l'administration  des  théâtres  de 
la  banlieue,  a  été  agréé  par  le  ministre  comme  administrateur  provisoire 
jusqu'au  1"  mai  prochain,  afin  de  donner  le  temps  d'opérer  la  liquidation 
d'une  entreprise  où  sont  engagés  les  intérêts  d'une  veuve  et  d'enfants 
mineurs. 

*,„*  L'un  des  doyens  de  la  presse  française  et  du  feuilleton  dramatique, 
Jean-Toussaint  Merle,  est  mort  la  semaine  dernière.  Il  était  né  à  Mont- 
pellier, le  16  juin  1785,  et  avait  passé  par  le  service  militaire  et  l'admi- 
nistration pour  arriver  à.  la  littérature,  dans  laquelle  son  esprit  facile  lui 
valut  des  succès  de  plusieurs  genres.  Dans  le  grand  nombre  de  pièces  qu'il 
fit  jouer,  on  ne  cite  qu'un  opéra  comique,  et  ce  fut  une  des  moins  heu- 
reuses :  elle  avait  pour  titre  les  Courses  de  Neivmarket.  Voué  depuis  plus 
de  vingt  ans  à  la  critique  théâtrale,  Merle  s'y  distingua  par  la  justesse  de 
ses  idées  et  par  l'autorité  que  donne  l'expérience.  Tous  ses  confrères  en 
journalisme  n'auront  que  des  regrets  pour  son  caractère  aimable,  comme 
le  public  pour  son  talent. 

%*  Mme  Sophie  Gay,  mère  de  Mme  Emile  de  Girardin,  et  auteur  d'un 
grand  nombre  d'ouvrages  soit  littéraires,  soit  dramatiques,  vient  de  suc- 
comber à  une  longue  maladie.  On  doit  à  sa  plume  féconde  l'arrangement 
du  Maître  de  Chapelle  ,  de  la  Sérénade  et  du  Chevalier  de  Canolle  pour  la 
scène  lyrique. 

*s*Mme  Caroline  de  Weber,  veuve  de  l'illustre  compositeur.vientdemou- 
rir  à  Dresde,  à  l'âge  de  cinquante-sept  ans,  et  vingt-six  ans  après  son 
mari.  Un  fils,  Max  de  Weber,  est  le  seul  héritier  de  l'auteur  du  Freischiilz 
et  cTOberun. 

CHRONIQUE     ÉTRANGÈRE. 

*„*  Londres.  —  L'ouverture  du  théâtre  de  Sa  Majesté  est  fixée  au 
25  mars.  La  saison  sera  très-brillante.  Parmi  les  nouveaux  artistes  enga- 
gés par  M.  Lumley,  on  parle  de  Mlle  Wagner,  cantatrice  d'un  grand  mé- 
rite et  qui,  en  Allemagne,  a  obtenu  le  plus  grand  succès.  Comme  l'année 
dernière,  les  nombreux  habitués  de  ce  magnifique  théâtre  posséderont 
Mlle  Sophie  Cruvelli,  que  tour  â  tour  Paris  et  Londres  applaudiront  avec 
enthousiasme,  Mme  Sontag  et  Lablache,  dont  le  double  talent  d'acteur  et 
de  chanteur  a  toujours  l'heureux  privilège  d'attirer  et  d'amuser  le  public 
anglais.  La  danse  sera  également  bien  partagée.  On  annonce  pour  étoiles 
Mmes  Rosati  et  Cerrito. 

*,t*  Berlin.  —  Le  théâtre  Fr.  Wilhelmstadt  a  donné  les  Comédiens  am- 
bulants, opéra  de  Fioraventi,  au  bénéfice  de  Mme  K.  Rudersdorf,  qui  a  eu 
les  honneurs  de  la  soirée.  —  Dans  la  première  soirée  de  symphonies  on  a 
exécuté,  sous  la  direction  de  M.  Dorn,  des  compositions  de  Haydn  et  de 
Beethoven,  l'ouverture  de  Tigrane.  par  Righini,  et  une  ouverture  intitulée 
Seuvenirs  d'0>sian,  par  M.  Gade.  Dans  Euryante,  Mlle  Wagnera  eu  l'occa- 
sion de  faire  applaudir  de  nouveau  son  magnifique  talent.  —  Le  théâtre 
Kœnigstadt  est  décidément  perdu  pour  l'art  dramatique  ;  aucune  des 
offres  nombreuses  d'y  créer  un  nouvel  établissement  n'a  été  acceptée. 
Sous  peu  de  jours  le  théâtre  Kœnigstadt  sera  cédé  à  l'administration  de 
la  liste  civile.  —  La  recette  du  théâtre  royal  s'est  élevée,  le  mois  dernier, 
à  la  somme  de  25,000  thalers  (près  de  100,000  fr.). 

%*  Eisenach ,  28  février.  —  Le  gouvernement  a  résolu  de  fonder  dans 
notre  ville  un  Conservatoire  de  musique  où  l'instruction  sera  entièrement 
gratuite.  Cet  établissement  aura  son  siège  dans  le  château  qui  servait  de 
résidence  aux  anciens  princes  d'Eisenach,  et  il  sera  placé  sous  la  direction 
de  M.  le  docteur  Kuhmstaed ,  savant  théoricien ,  auteur  de  plusieurs 
grandes  musiques  d'église,  et  qui  a  déjà  formé  d'excellents  élèves  dans  la 
composition  musicale.  On  pense  que  le  nouveau  Conservatoire  de  musique 
sera  ouvert  pour  le  l'1  octobre  prochain  au  plus  tard. 


80 


REVUE  ET  GAZETTE  .MUSICALE  DE  PARIS. 


*„*  Vienne.  —  La  troisième  soirée  musicale  de  i\lme  Wartel  n'a  pas  été 
moins  brillante  que  les  deux  premières.  Ce  qui  caractérise  le  jeu  de  cette 
éminente  pianiste,  c'est  la  fidélité  scrupuleuse  qu'elle  observe  dans  l'in- 
terprétation des  œuvres  de  nos  grands  maîtres.  —  Le  26  février  le  théâ- 
tre de  la  Cour  a  donné  le  Prophète  :  Aime  Lagrange,  dont  les  succès  vont 
toujours  en  crqissant,  chantait  le  rôle  de  Fidès. 

%*  Lef.pzig,  —  Mme  Sontag,  après  avoir  fait  ses  adieux  au  public,  est 
allée  voir  sa  sœur,  religieuse  au  couvent  de  Stern,  près  de  Goerlitz. 

***  Colui.nr.  —  La  troupe  italienne  de  Bruxelles  donnera,  dans  le  cours 
du  mois  de  mars,  douze  représentations  au  théâtre  de  la  ville  sous  la 
direction  de  M.  Bocca. 

%*  IVeimar.  —  L'excellent  violoncelliste  Cossmann  a  été  nommé  mu- 
sicien de  la  chambre  grand-ducale,  flummel  est  le  dernier  artiste  qui  ait 
porté  ce  titre.  Les  directeurs  de  musique,  MM.  Goetze  et  Eberwein,  ont 
reçu  la  médaille  en  or  du  mérite  civil. 

*„.*  Saint-Péler>buury,  16  février.  —  Le  nouvel  opéra  d'Alary,  Sar>iana- 
pale,  écrit  sur  les  paroles  d'Emilien  Pacini,  vient  d'obtenir  un  brillant 
succès.  L'empereur  en  a  témoigné  à  l'auteur  sa  satisfaction.  A  la  troisième 


représentation,  Alary  a  été  redemandé  ù  plusieurs  reprises.  Mario,  lion- 
coni  et  Mlle  Grisi  chantent  les  principaux  rôles  ;  la  mise  en  scène  est  di- 
gne de  l'exécution.  —  Le  célèbre  compositeur  général  Lvoff  vient 
d'écrire  un  Stabai,  que  l'on  met  sur  la  même  ligne  que  celui  de  Pergolèîe. 
La  nouvelle  production  de  M.  Lvoff  a  été  exécutée  dernièrement  a  Saint- 
Pétersbourg,  par  les  chœurs  de  la  chapelle  impériale.  Les  journaux  en 
font  grand  bruit;  ils  citent  entre  autres  le  morceau  :  Qai  est  homo,  qui  a 
ravi  l'auditoire. 

*„*  Florence.  —  Après  un  assez  long  silence,  notre  Académie  vocale  e; 
instrumentale  a  de  nouveau  donné  signe  de  vie  :  Meyerbeer  et  Uossini  ont 
fait  les  frais  de  cette  solennité. 

%*■  Milan.  —  L'opéra  les  Sabines,  de  Lauro  Rossi,  directeur  du  Con- 
servatoire, a  été  représenté  pour  la  première  fois  au  théâtre  de  la  Scala  : 
le  libretto  est  faible;  la  partition  est  savante  et  travaillée  avec  beaucoup 
de  soin. 

Le  gérant  :  Ernest  ÙESCHAMPS. 


POU»  PARAITRE  TRES- PROCHAINEMENT, 

Chez  BRANDUS  et  C%  éditeurs,  405,  rue  Richelieu, 


POUP 


LA 

NUREMBERG 


OPERA-COMIQUE  EN  UN  ACTE,  PAROLES  DE  MM.  DE  LEUVEN  ET  ARTHLR  DE  REAUPLAN, 

Musique  de 

AD.     i&DAlM. 

Partition  pour  chant  et  piano,  in-8°.  —  Grande  partition  et  parties  d'orchestre. 

MORCEAUX    DÉTACHÉS    AVEC    ACCOMPAGNEMENT    DE    PIANO,    PAR    L.     CROHARÉ. 
E'OUAERFURE    POUR    PIANO    SEUL. 

U.  Grand  air  de  soprano  chanté  par  Mlle  Rouvroy  :  «  Où  suis-je? 
Qui  suis-je?  Quel  prestige?  » 

5.  Couplets  pour  soprano  chanté  par  Mlle  Rouvroy  :   «  Quand  je 
commande,  attention,  silence  !  » 

WJN  QVAMJHIJLMjMS  el  WJNE  WALSE  de  Tft*JK». 

Morceaux   pour   piano,   par  Burgmuller.    Lecarpentier.  Kosellen  et  <L'Ii.  Vos». 


1.  Couplets  pour  voix  de  basse  chantés  par  M.  Grignon  :  «  Ce  bon- 

heur de  toute  ma  vie.  » 

2.  Air  de  baryton  chanté  par  M.  Meillet  :  «  A  moi  la  jeunesse.  » 
2  bis.  Le  même  transposé  pour  ténor. 

3.  Duo  de  la  valse  pour  soprano  et  baryton  chanté  par  Mlle  Rouvroy 

et  M.  Meillet  :  «  Me  voilà  !  oui  c'est  elle,  c'est  ma  belle.  » 


TROIS  MEDITATIONS  POUR  LE  PIANO. 
Op.  114.  —  Prix  :  h  fr.  50. 


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POLKA-TARENTELLE  POUR  LE  PIANO. 
Op.  13G.  —  Prix  :  5  fr. 


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MU   MÊME   AUTEUR  : 


Op.  61.  Sérénade 6  » 

Op.  66.  Fantaisie  brillante  sur  les  Huyuenois 7  50 

Op.  70.  Fantaisie  sur  Czar  el  Charpentier,  opéra  de  Lortzing  .    .    .  7  50 

Op.  76.  Fantaisie  militaire  sur  les  Mousquetaires  de  la  Home.   ...  7  50 

Op.  99.  Trois  fleurs:  la  Rose,  la  Violette  et  l'Amarante 6  » 

Op.  101.  Fantaisie  dramatique  sur  le  Prophète 9  » 

Op.  104.  Souvenirs  du  Prophète  :  la  Complainte  et  la  Marche  du 

Sacre,  variées 7  50 

Op.  109.  Fantaisie  de  salon  sur  la  Fée  aux  Rosses 7  50 


Op.  113.  La  Cascade  de  fleurs 6  » 

Op.  117.  L'Assaut,  grand  galop  militaire 5  » 

Op.  118.    N°  1.  Chant  bohémien  varié 5  » 

2.  La  Mélancolie  de  Prume  variée 5  » 

Op.  120.  Fantaisie  de  salon  sur  Giralda 6  » 

Op.  122.  Fantaisie  brillante  sur  la  Dame  dd  Pique 7  50 

Op.  124.  Grande  fantaisie  brillante  sur  la  Favorite 9  » 

Op.  129.  Mon  Etoile,  grand  nocturne 7  50 


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19e  Année. 


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REVUE 


14  Mars  18S2. 


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Paris,  un  nn. U  fr. 

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20  centime  la  ligne pour  0  Toi4.. 


te  Journal  paraît  lo  Dimanche 


GAZETTE  MUSICALE 


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-sMAAAre»ï©jVWws. 


SOMMAIRE.  —  Théâtre  de  l'Opéra-National,  Joanita,  opéra  en  trois  actes  (pre- 
mière représentation^,  par  GnstaYc  Meq.net. —  Auditions  musicales  :  Mlles  Ra- 
chel  et  Mira;  MM.  Erard,  Thalberg,  Léopold  de  Meyer,  etc.,  par  Henri  Blan- 
chard. —  Revue  critique:  Charles  Voss,  par©.  Kastner.  —  Correspondance, 
Bruxelles.  —  Nouvelles  et  annonces. 


THEATRE  DE  L'OPËRA-NÀTMAL. 

JOAMTA, 

Opéra  en  trois  acte.',  paroles   de  M.  Edouard  Duprez  ,  musique  de 

M.  Gilbert  Duprez. 

(Première  représentation,  11  mars.) 

Devons-nous  dire  que  le  compositeur  Duprez,  dont  nous  allons  ra- 
conter le  premier  succès,  n'est  autre  que  le  chanteur  Duprez,  qui  a 
soutenu  pendant  dix  ans  la  fortune  de  l'Opéra?  Non,  assurément,  car 
nous  ne  l'apprendrions  à  personne.  Depuis  longtemps  l'on  était  averti, 
et  la  curiosité  publique  était  vivement  excitée.  On  savait  que  le  grand 
artiste,  impatient  du  repos  ,  allait  rentrer  dans  la  lice  par  une  autre 
porte,  et  pour  y  jouer  un  autre  rôle  ;  qu'après  avoir  été  si  longtemps 
l'interprète  éloquent  et  mélodieux  de  Rossini ,  de  Meyerbeer,  d'Halévy, 
il  allait  essayer  enfin  de  lutter  avec  eux.  Noble  ambition,  quel  que  soit 
d'ailleurs  l'événement  !  Car  nous  n'imaginons  rien  de  plus  honorable 
que  le  mépris  de  l'oisiveté  et  la  passion  du  travail. 

Tout  le  monde  comprendra  donc  sans  peine  combien  la  représenta- 
tion de  jeudi  dernier  offrait  d'intérêt  aux  nombreux  spectateurs  qu'elle 
avait  réunis.  11  y  avait  là  quelque  chose  de  curieux  et  d'inusité,  un  fait 
nouveau,  ou  du  moins  presque  nouveau  dans  l'histoire  de  l'art.  Sans 
doute  M.  Duprez  n'est  pas  le  premier  chanteur  qui  ait  composé.  Beau- 
coup, avant  lui,  ont  écrit  des  romances,  des  nocturnes  et  autres  œuvres 
légères  ;  Solié  même  a  fait  plusieurs  opéras  comiques  ;  mais  c'était  à 
une  époque  où  les  habitués  de  l'Opéra-Comique  étaient  d'humeur  fa- 
cile et  se  contentaient  de  peu.  Crescentini  a  fait  plus.  Le  bel  air  de 
Roméo,  dans  le  troisième  acte  de  Romeo  e  Giulielta  .  est,  dit-on ,  de 
lui,  et  plusieurs  autres  morceaux  qui  lui  auraient  valu  une  fort  honnête 
réputation  de  compositeur,  si  sa  renommée  de  chanteur  n'eût  tout 
éclipsé.  Nous  lui  devons ,  d'ailleurs,  une  collection  d'Etudes  pour  la 
voix,  qui  brillent  également  par  l'invention  mélodique  et  par  la  science. 
L'auteur  de  l'air  Ombra  adorata  et  des  Vocalises  est  évidemment  un 
compositeur  habile  et  inspiré.  Mais  enfin ,  d'un  air  si  bien  venu  qu'il 
soit,  à  un  opéra  tout  entier,  il  y  a  loin  encore.  Crescentini  n'a  fait  ni 
trio,  ni  quatuor,  ni  final,  ni  symphonie  d'ouverture.  Avoir  réussi  dans 
les  petites  choses  ne  prouve  pas  qu'on  n'eût  pas  échoué  dans  les 
grandes. 

M.  Duprez  a  débuté  par  les  plus  grandes.   Dès  son  entrée  en  cam- 
pagne, il  a  livré,  non  une  escarmouche,  mais  une  bataille  rangée. 
Joanita  n'est  pas,  en  effet,  un  simple  opéra  comique,  c'est  un  grand 


opéra  dans  toute  l'étendue  du  terme.  Pas  une  phrase  de  prose  :  tout  y 
est  chant  ou  récitatif.  Pas  un  sentiment  qui  ne  soit  pris  au  sérieux  ;  pas 
un  morceau  qui  soit  taillé  sur  un  patron  étriqué,  ou  dont  le  style  s'é- 
carte de  cette  sévérité  qui  convient  à  la  muse  tragique.  L'auteur  ja- 
mais ne  s'oublie.  Si  l'on  voulait  lui  reprocher  quelque  chose,  ce  serait 
l'excès  de  la  gravité,  un  peu  de  raideur  peut-être,  mais  non  l'abandon_ 

Dès  les  premières  phrases  de  l'ouverture,  on  voit  que  l'on  a  affaire  à 
un  homme  qui  sait  développer  la  pensée  musicale  et  la  conduire  où  il 
veut  ;  en  un  mot ,  à  un  compositeur  sûr  de  son  fait.  On  comprend  que 
M.  Duprez  a  profondément  étudié  toutes  les  parties  de  son  art ,  et  l'on 
se  rend  compte  de  cette  supériorité  magistrale  où  il  était  parvenu 
comme  virtuose  :  il  était  au-dessus  de  ce  qu'il  faisait.  Son  harmonie  es^ 
fine,  distinguée,  variée,  accidentée.  A  cet  égard,  si  elle  pèche  de  temps 
en  temps,  ce  n'est  que  par  excès  de  recherche  et  par  un  peu  d'affec- 
tation L'auteur  abuse  quelquefois  des  modulations.  Mais,  pour  quel- 
ques brusqueries  dont  l'oreille,  çà  et  là,  peut  avoir  à  se  plaindre,  que 
d'accords  inattendus  et  de  charmantes  surprises  ! 

M.  Duprez  écrit  très-bien  pour  les  voix  ;  ce  que  nous  constatons  , 
sans  lui  en  faire  de  compliments  exagérés.  11  a  trop  longtemps  chanté, 
et  trop  bien,  pour  qu'il  en  pût  être  autrement.  En  cette  matière,  l'ex- 
périence est  un  guide  à  peu  près  infaillible,  et  l'on  ne  contestera  pas 
l'expérience  personnelle  de  M.  Duprez.  On  reconnaît  également  le 
chanteur  à  l'adresse  avec  laquelle  les  accompagnements]sont  disposés  et 
calculés  selon  la  force  de  la  voix  qu'ils  auront  à  soutenir.  Les  mor- 
ceaux destinés  à  Poultier  ou  à  Mlle  Duprez  ne  sont  pas  instrumen- 
tés comme  ceux  que  doivent  exécuter  Duprat  et  Balanqué.  Ce  sont 
d'autres  procédés  ;  c'est  presque  un  autre  système.  Au  surplus ,  dans 
les  accompagnements  comme  dans  les  ritournelles  et  les  morceaux 
symphoniques,  M.  Duprez  manie  l'orchestre  en  homme  qui  en  connaît 
toutes  les  ressources  ,  et  qui  en  sait  également  bien  réunir  ou  diviser 
les  forces.  Sa  partition  est  pleine  de  dispositions  instrumentales  ingé- 
nieuses, d'effets  de  sonorité ,  sinon  nouveaux,  du  moins  variés  et  pi- 
quants. Nous  ne  parlons  pas  ici  de  V harmonica  qu'il  fait  entendre  dans 
la  coulisse  pendant  le  troisième  acte.  Ce  n'est  là  qu'un  instrument  inu- 
sité, et  une  bonne  partie  des  spectateurs,  qui  n'étaient  pas  dans  le  se- 
cret, ont  cru,  de  très-bonne  foi ,  n'entendre  que  des  flûtes.  11  n'y  a 
réellement  de  mérite  qu'à  tirer  un  effet  nouveau  des  instruments  ordi- 
naires par  le  mariage  ou  l'isolement  de  certaines  sonorités.  M.  Duprez 
a  souvent  ce  mérite-là,  et  c'est  de  quoi  nous  le  félicitons. 

Voilà  bien  des  qualités,  nous  dira-t-on  ;  mais  les  défauts  ?  Toute  œu- 
vre, humaine  a  ses  défauts,  et  il  n'est  pas  complètement  démontré  que 
l'œuvre  divine  elle-même  en  soit  exempte.  L'ouvrage  de  M.  Duprez 
en  a  ,  nous  l'avouons,  et  même  d'assez  graves.  L'invention  mélodique 
n'est  pas  chez  lui  au  niveau  de  la  science.  Quelques  études  que  l'on  ait 


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REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


faites,  quelque  désir  qu'on  en  ait,  quelque  force  de  volonté  que  l'on  y 
mette,  on  n'acquiert  pas  la  faculté  de  créer  des  chants  originaux,  pi- 
quants, expressifs.  A  cet  égard,  chaque  musicien  reste  toute  sa  vie  tel 
que  Fa  fait  la  nature.  M.  Duprez  cherche  toujours  la  mélodie,  et  de 
cela  il  faut  le  louer  sans  réserve.  S'il  ne  la  trouve  pas  toujours  neuve, 
facile,  naturelle,  saisissante,  cela  prouve  seulement  que  la  nature  n'a 
point  voulu  qu'il  fût  Auber^ou  Bellini.  A  chacun  son  lot. 

On  peut  lui  reprocher  seulement  une  certaine  uniformité  de  couleur, 
une  certaine  monotonie  qui  tient  surtout  à  la  lenteur  habituelle  du 
rhythme ,  à  la  gravité  des  mouvements.  Les  allegro  sont  rares  dans 
Joanita.  Un  peu  plus  de  variété  n'aurait  pas  nui,  et  cela  dépendait  tout 
à  fait  de  l'auteur.  11  y  a  eu  de  sa  part,  sur  ce  point,  erreur  de  calcul. 

Nous  ne  saurions  entrer  dans  l'analyse  de  tous  les  morceaux.  Cela 
nous  mènerait  trop  loin.  11  n'y  en  a  guère,  au  surplus,  où  l'on  ne  puisse 
signaler  quelque  détail  bien  trouvé,  quelque  passage  remarquable.  On 
a  vivement  applaudi  au  premier  acte .  la  romance  de  Poultier  et 
le  duo  qui  la  suit,  puis  un  autre  petit  duo  pour  deux  sopranos,  où 
les  deux  parties  sont  disposées  avec  une  habileté  pleine  de  hardiesse, 
et  produisent  des  effets  piquants  et  tout  à  fait  inattendus.  Au 
deuxième  acte  on  a  fait  fête  à  un  chœur  harmonieux,  plein  d'esprit  et 
de  couleur.  Mais  il  est  de  Rameau.  M.  Duprez  a  eu  soin  de  le  déclarer 
lui-même,  et  n'a  fait  là  qu'une  heureuse  citation, 

L'air  de  Joanita  a  des  qualités  distinguées,  et  le  final,  morceau  ca- 
pital, est  écrit  avec  vigueur,  et  produit  un  très-bel  effet. 
p  H  y  a  encore  au  troisième  acte,  si  nos  souvenirs  sont  exacts,  un  joli 
chœur  distingué  et  un  bon  morceau  d'ensemble.  Mais  la  partition  est 
volumineuse  ;  il  est  plus  de  minuit  lorsqu'on  en  est  là,  et  l'attention 
des  auditeurs  est  fatiguée.  Ce  n'est  qu'aux  représentations  suivantes 
qu'on  pourra  bien  juger  du  troisième  acte. 

Le  poëme  est  du  frère  aîné  de  M.  Duprez.  On  peut  adresser  quel- 
ques reproches  à  son  plan.  Il  y  a,  à  proprement  parler,  deux  pièces, 
puisque  la  question  posée  à  la  fin  du  premier  acte  est  résolue  au  se- 
cond, dès  le  lever  du  rideau.  N'aurait-il  pas  mieux  valu  la  tenir  en 
suspens  jusqu'à  la  fin,  que  d'employer  le  second  acte  à  une  intrigue 
qui  a  déjà  défrayé  vingt  vaudevilles  et  autant  de  mélodrames,  et  de 
refaire,  pour  terminer,  le  troisième  acte  de  Lindadi  Chamouni? 

Ces  observations  n'  empêchent  pas  d'ailleurs  que  la  confidence  de 
Léonce  à  Stephano,  au  premier  acte,  et,  au  second,  l'apparition  inat- 
tendue de  ce  même  Stephano,  n'amènent  deux  situations  dramatiques 
dont  le  poëte  et  le  compositeur  ont  tiré  un  très-bon  parti. 

L'exécution  est  très-remarquable  à  certains  égards.  Poultier  était 
malade,  et  nous  ne  pouvons  pas  le  juger.  Balanqué  a  une  bonne  voix 
de  basse,  une  voix  solide  et  bien  posée.  Il  chante  seulement  avec  un 
peu  trop  de  zèle.  Duprat  a  pris  M.  Duprez  pour  modèle,  et  l'imite 
trop  servilement.  11  pousse  les  sons  avec  une  ardeur  excessive  ;  il  ra- 
lentit à  tout  propos  la  mesure,  alourdit  les  mouvements,  détruit  le 
sentiment  du  rhythme,  exagère  à  la  fois  son  chant  et  son  jeu.  Néan- 
moins il  a  de  la  tournure,  du  geste,  de  l'énergie,  de  la  chaleur;  il  a  de 
l'avenir  s'il  se  corrige.  Ces  trois  artistes,  engagés  spécialement  pour 
Joanita,  ont  été  fort  bien  secondés  par  Mlle  Guichard.  Mais  le  grand 
succès  de  la  soirée  a  été  pour  Mlle  Duprez. 

11  faudrait  un  article  à  part  pour  cette  jeune  fille.  Actrice  pleine  de 
grâce,  d'intelligence  et  de  sentiment  dramatique,  c'est  de  plus  une  can- 
tatrice, à  peu  de  chose  près,  accomplie.  Sa  voix  est  faible,  mais  char- 
mante ;  sa  vocalisation  correcte,  nette,  brillante;  son  style  toujours 
élégant,  son  expression  toujours  juste,  ses  traits  d'une  grâce  et  d'un 
fini  dont  rien  n'approche,  aujourd'hui  que  Mme  Damoreau  et  Mme  Per- 
siani  ne  chantent  plus.  Tout  ce  qui  est  dit  par  elle  fait  de  l'effet,  et  sa 
coopération  garantit  le  succès  d'un  ouvrage  qui,  succédant  si  à  propos 
à  la  Poupée  de  Nuremberg,  assure  l'avenir  d'un  théâtre  dont  tous  les 
artistes  et  tous  les  amis  de  l'art  désirent  la  conservation. 

G.  H. 


AUDITIONS  MUSICALES. 

SElIes  Kachel  et  Mira.  —  MB1.  Eranl  et  Siglsmoiid  Thallierg.  — 
M.  B.é'ôlsold  i!e  Sli-yer.  —M.  Curci."—  Le  Cercle  musical  et  litté- 
raire. —  DUes  jeuues  Lilorens.  —  SI.  Léon  Reynter. —  SI  Stamaty 
—  SU  lie  Juliette  «illoii.  —  M.  Bcichel.  —  M.  E.illimens.  —  M.  et 
SE  me  Léonard. 

Dans  la  république  des  lettres,  dans  celle  des  arts ,  comme  dans 
toutes  les  autres,  on  dit  volontiers  :  A  tout  seigneur  tout  honneur.  Nous 
allons  donc  nous  occuper  d'abord  des  faits  et  gestes  de  Mlle  Rachel,  de 
MM.  Thalberg,  Erard,  Léopold  de  Meyer  ,  Stamaty,  Lemmens  ,  Ernst, 
Léonard,  qui  forment  en  ce  moment  dans  Paris  l'élite  de  l'aristocratie 
musicale...  Et  à  propos  de  la  république  des  lettres,  de  l'égalité  qu'on 
professe  parmi  les  artistes,  à  propos  de  Mlle  Rachel,  et,  par  conséquent, 
de  Talma,  qu'il  nous  soit  permis  de  citer  un  petit  fait  poétique  qui  ne 
laisse  pas  que  d'avoir  un  côté  assez  comique.  Le  charmant  danseur 
Petipa,  de  notre  Académie  impériale,  royale  ou  nationale  de  musique 
et  de  danse,  était  à  Bruxelles  naguère,  et  il  y  produisait  beaucoup  d'ef- 
fet ;  il  y  faisait  de  l'argent,  ce  qui  est  l'argument  sans  réplique,  le  sans 
dot  de  l'Avare.  Les  acteurs  qui  s'étaient  mis  en  société  pour  l'exploita- 
tion du  théâtre,  erurent  devoir  offrir  un  dîner  d'adieu  au  chorégraphe 
parisien  qui  avait  contribué  à  redonner  de  l'embonpoint  à  leur  caisse, 
devenue  d'une  maigreur  affreuse  avant  son  arrivée.  Pour  faire  de  l'é- 
galité artistique,  on  avait  invité  le  machiniste  du  théâtre  qui  avait  si 
consciencieusement  rempli  ses  fonctions  pendant  les  représentations 
fructueuses  du  célèbre  danseur  ;  et  vers  la  fin  de  ce  banquet,  entre  la 
poire  et  le  fromage,  notre  machiniste  se  révéla  poëte.  Disant  qu'il  sent, 
qu'il  comprend  tous  les  arts,  il  offre  d'en  donner  la  preuve,  et  chante 
ce  couplet  composé  par  lui  en  l'honneur  du  mime  de  l'Opéra,  sur  l'air 
d'Arist/pe,  comme  cela  se  voit  imprimé  sur  les  brochures  de  tous  nos 
vaudevilles  : 

Un  jour,  des  Dieux  la  brillante  cohorte 
Dans  l'Olympe  se  disputait  ; 
Jupiter  estait  à  la  porte 
Qui  demandait  ce  que  c'était. 
Melpomène  dit  :  Je  suis  fiere  ! 
C'est  moi  que  j'ai  forme"  Talma. 
Mais  Tersicore  dit  :  Ma  chère, 
C'est  moi  que  j'ai  fait  Petipa! 

Il  y  aurait  un  commentaire  assez  curieux,  et  même  amusant,  à  faire 
sur  cette  poésie  de  machiniste  belge  ;  sur  ce  pauvre  Jupiter  qui  se  trouve 
à  la  porte  de  l'Olympe  et  qui  s'informe  de  ce  qui  s'y  fait.  On  pourrait 
bien  demander  compte  à  l'auteur,  de  la  construction  de  certaines 
phrases,  et  de  l'orthographe  du  nom  de  la  muse  qui  préside  à  la 
chorégraphie,  que,  sur  un  autographe,  nous  avons  vu  tracé  d'une  ma- 
nière simple  et  naïve,  comme  l'aurait  écrit  le  néologiste  Marie  ;  mais 
l'espace  nous  manque  pour  nous  livrer  à  ce  travail  littéraire,  et, 
d'ailleurs,  il  faut  que  nous  en  revenions  à  nos  donneurs  de  concerts. 
Au  reste,  il  n'y  a  qu'un  petit  pas  de  Talma  à  Mlle  Rachel,  qui,  la  pre- 
mière, a  fait  sa  sœur  Melpomène  sœur  de  la  musique,  en  associant  les 
sons,  les  cris  passionnés  de  la  tragédie,  et  même  les  accents  de  la  co- 
médie, aux  exhibitions  harmoniques  de  nos  virtuoses,  dont  s'occupent 
en  ce  moment  tous  les  organes  de  la  presse  de  Paris,  ce  qui  certes 
n'est  pas  un  mal,  ce  qui  est  même  un  bien. 

Mlle  Rachel  s'est  donc  montrée,  comme  elle  l'a  déjà  fait  souvent,  sur 
l'estrade  de  la  publicité  musicale  dans  le  concert  donné  chez  M.  Pleyel 
par  Mlle  Mira,  petite-fille  du  doyen  des  comiques  de  Paris,  plus  connu 
sous  le  nom  de  Brunet,  qui,  le  premier,  s'avisa  et  s'enthousiasma  du 
talent  naissant  de  l'illustre  tragédienne.  Mlle  Mira  est  une  jeune  pianiste 
d'avenir,  qui  joue  avec  facilité,  expression  et  brio  toutes  sortes  de  Ba- 
nanier et  de  Mancenillcr  ;  plus,  de  charmantes  études  de  Godefroid, 
l'h  abile  harpiste  qui  s'est  mis  à  écrire  pour  le  piano,  attendu  que  cet 
instrument  sert  d'interprète  à  la  langue  musicale  universelle.  Cette 
langue  a  clé  bien  parlée  et  non  moins  bien  chantée,  dans  ce  concert, 
par  MM.  Lecieux,  Levassor  et  Mlle  Miolan  qui  est  décidément,  une 
char  mante  cantatrice  de  concerts. 

La  prima  donna,  du  Théâtre-Français  nous  a  fait  entendre  aussi  sa 


DR  PARIS. 


83 


musique,  çeUe  de  Racine,,  cris  échappés  d'un  cœur  torturé  par 
la  passion,  accents  harmonieux  de  la  douleur  humble  et  hardie  de 
Phèdre,  rêverie  qui  s'élance  à  la  poursuite  d'un  char  fuyant  dans  la 
carrière,  amour  désordonné  et  pourtant  contenu,  élégie  d'une  âme  en 
délire  qui  aspire  à  la  mort  pour  cesser  d'aimer  et  de  souffrir.  Tout  cela 
a  été  peint  admirablement  par  la  grande  comédienne,  qui  a  voulu,  dans 
cette  séance,  sans  le  preslige  du  théâtre,  des  feux  de  la  rampe,  du  cos- 
tume, mériter  dans  (ouïe  son  étendue  cette  qualification  de  grando 
comédienne,  en  s'essayant  dans  la  scène  de  Célimène  avec  Arsinoé  du 
Misanthrope.  Toutes  les  nuances  de  la  mordante  ironie  de  cette  scène 
ont  été  parfaitement  saisies  par  l'habile  actrice  ;  elle  a  bien  transpercé 
son  antagoniste  des  traits  acérés  dont  elle  accable  l'infidèle  Pyrrhus 
dans  le  rôle  d'IIcrmione  de  VAndromaque  de  Racine;  mais  cette  grâce- 
ce  sourire  de  bonne  compagnie,  ces  sons  mélodieux,  bien  qu'étudiési 
que  Mars  chantait  à  ses  auditeurs,  et  qui  sonnent  encore  si  délicieuse- 
ment à  leurs  oreilles,  tout  cela  faisait  défaut.  Après  ça,  comme  di 
Frédérick-Lemaître  :  on  n'est  pas  parfait  ! 

—  Puisqu'il  faut  traiter  avec  déférence  l'aristocratie  du  talent,  hon- 
neur aux  seigneurs  du  piano,  Erard  et  Thalberg  !  Ce  dernier,  qui  gardait 
depuis  longtemps  un  silence  presque  systématique,  s'est  fait  entendre 
dans  une  de  ces  brillantes  soirées  musicales  que  M.  Erard  donne  à  la 
haute  fashion  artistique,  et  dont  Mme  Erard  sait  faire  les  honneurs  avec 
autant  de  grâce  que  de  politesse.  Dans  une  de  ces  nuits  musicales  à 
programmes  improvisés,  Thalberg  a  donc  joué  de  délicieuses  fan- 
taisies, mais  surtout  une  tarentelle  de  sa  composition,  en  roi  des  pia- 
nistes. Mme  Léonard  a  chanté  vivement  et  spirituellement,  avec  Fer- 
ranti,  du  Théâtre-Italien,  le  joli  duo  d'Amina  et  de  Dulcamara  de 
VElisir  d'amore;  et  puis  les  piquantes  chansons  espagnoles  qu'elle  dit 
toujours  en  séduisante  muchocha. 

—  Si  l'auteur  de  la  fantaisie  sur  Moïse  se  maintient  roi  du  piano 
même  par  son  silence  ,  on  peut  en  proclamer  M.  Léopold  de  Meyer 
le  vice-roi ,  et  presque  Valler  ego  de  Sigismond  Thalberg  1er.  Il  ne 
s'est  pas  épargné  dans  le  concert  qu'il  a  donné  lundi  passé,  8  mars, 
dans  la  salle  Herz.  Là  il  nous  a  raconté,  de  ses  dix  doigts  actifs  et  lé- 
gers, ses  Souvenirs  d'Italie,  son  Impromptu  fait  à  loisir  sur  les  mo- 
tifs de  la  Luisa  Miller,  son  air  russe  et  la  marche  marocaine  qui  lui  a 
valu,  dit-on,  un  yatagan  d'honneur  de  la  part  de  l'empereur  de  Maroc 
comme  Liszt  a  reçu,  en  signe  d'admiration  pour  son  talent  de  pianiste, 
un  sabre  hongrois  de  ses  concitoyens.  Mlle  Duval  a  chanté  fort  bien, 
comme  à  son  ordinaire,  des  airs  français ,  allemands ,  italiens  peut- 
être  un  peu  trop fwriturati.  On  a  entendu  aussi  dans  ce  concert  le  vio- 
loncelle de  M.  Offenbach,  qui  a  supérieurement  joué,  comme  de  cou- 
tume. Le  violon  d'Ernst  a  au  moins  partagé  les  honneurs  de  la  séance 
avec  le  bénéficiaire,  en  nous  faisant  entendre  de  nouveau  sa  rêveuse 
élégie  pour  le  violon  et  son  Carnaval  de  Venise,  dans  lequel  il  fait 
revivre  l'exécution  prestigieuse  de  Paganini. 

—  Connaissez- vous  M.  Curci?  disais  je  un  de  ces  jours-ci  à  un  de  mes 
amis  qui ,  comme  moi ,  vole  de  fleurs  en  fleurs  mélodiques  à  travers 
]es  salons  émaillés  de  cavalines,  d'airs  variés,  de  romances  et  de  jolies 
personnes  blanches  et  rosesàbelles  épaules. —  Non,  me  répond-il. — Ni 
moi  non  plus,  répartis-je;  mais  j'ai  bien  manqué  de  faire  sa  connais- 
sance, comme  on  dit  assez  généralement  en  mauvais  français.  Voici  le 
fait,  qui  tranche  d'une  façon  originale  avec  les  réceptions  qui  nous  sont 
faites  assez  ordinairement,  à  nous  organes  de  la  publicité,  dans  de  bril- 
lants salons  où  règne  un  ton  exquis.  J'avais  reçu  de  M.  Curci,  qui,  dit- 
on,  est  Italien,  et  dont  le  nom,  par  conséquent,  doit  se  prononcer 
Courtchi,  une  lettre  d'invitation  pour  assister  à  une  soirée  musicale 
donnée  par  lui.  Je  me  rends  donc  rue  Cadet,  à  ce  qu'on  pouvait  présu- 
mer être  le  domicile  artistique  de  mon  dit  sieur  Courtchi.  A  l'entrée 
d'une  porte  cochère  aux  deux  battants  ouverts,  je  trouve  une  voie  étroite 
en  toile  verte  sur  le  pavé  de  la  cour  aboutissant  à  une  petite  porte  bâ- 
tarde par  laquelle  on  paraissait  pénétrer  dans  un  local  situé  au  milieu 
de  cette  cour,  au  rez-de-chaussée,  et  qui  a  toute  l'apparence  d'une  salle 
de  maître  à  danser  ou  de  maître  en  fait  d'armes.   J'invite  les  deux 


hommes  préposés  à  la  garde  de  cette  espèce  de  porte  dérobée  à  vouloir 
bien  me  l'ouvrir,  afin  de  me  laisser  pénétrer  dans  ce  sanctuaire  des 
arts  ;  ils  me  répondent  que  le  local  est  plein,  et  que  j'attende  pour  en- 
trer qu'il  sorte  quelque  auditeur.  Comme  la  soirée  était  une  des  plus 
fraîches  de  celles  par  lesquelles  nous  venons  de  passer,  et  que  je  ne 
suis  pas  assez  mélomane  pour  risquer  d'attraper  un  rhume  en  atten- 
dant qu'il  plaise  à  un  auditeur  de  M.  Courtchi  de  me  céder  sa  place, 
j'ai  renoncé  à  faire  ce  surnumérariat  en  plein  vent,  et  je  m'en  suis  allé, 
ce  qui  fait  que  je  ne  saurais  indiquer,  caractériser  le  genre  de  talent 
musical  que  possède  M.  Curci  ou  Courtchi.  Que  nos  lecteurs  veuillent 
bien  en  prendre  leur  parti  comme  j'en  pris  le  mien. 

—  Le  Cercle  musical  et  Lillcraire  a  donné  son  troisième  concert 
dans  la  salle  Sainte-Cécile  dimanche  dernier.  Mlle  Nau,  comme  aux 
précédentes  séances ,  a  prêté  à  cette  association  philanthropique  le 
concours  de  sa  pure  et  limpide  voix ,  en  chantant  l'air  si  difficile  du 
Serment  et  celui  de  TSorma. 

Le  nocturne-sérénade  de  Spohr  a  été  dit  par  tous  le^  instruments  à 
vent  de  l'orchestre  :  MM.  Lamour,  Boutmy  (clarinettes)  ;  Bartheélmy, 
Dordet  (hautboïstes)  ;  Doudiès,  Gournay,  Passard  (flûtistes)  ;  Villanfret, 
Goyon  (bassons)  ;  Erambert,  Guérin  (cors)  ;  Stulz,  Marquer,  trompet- 
tes) ;  Marçay  (clarinette  alto)  ;  Videz  (ophicléide)  ;  Cacan,  Caracappa 
(trombones.) 

L'air  du  sommeil  de  la  Muette  (avec  orchestre)  a  été  fort  bien  dit 
par  M.  Aimés,  de  l'Opéra,  ainsi  que  l'air  d' Iphigénie,  de  Gluck,  Unis 
dès  la  plus  tendre  enfance.  Après  une  fantaisie  sur  la  Favorite  pour  le 
violoncelle,  dite  par  M.  Samary,  et  l'ouverture  du  Pré  aux  Clercs  , 
exécutée  avec  chaleur  et  correction  par  l'orchestre  fort  bien  dirigé  par 
M.  Malibran,  M.  Noailles  a  dit  de  jolies  fables  de  M.  Desains,  et  l'audi- 
toire s'est  retiré  satisfait. 

—  Si  les  pianistes  abondent ,  les  violonistes  ne  manquent  pas.  A 
M.  Alard,  qui  continue  ses  séances  de  musique  de  chambre,  ont  succédé 
M.  Léonard,  talent  d'un  style  large  et  puissant;  M.  de  Bériot,  qui  pa- 
raît vouloir  se  refaire  Parisien  par  amour  paternel  et  par  amour  de  son 
art  aussi  ;  M.  Bessems,  qui  va  donner  une  séance  de  quatuors  dontnous 
aurons  h  parler;  M.  Bazzini,  violoniste  milanais  que  nous  avons  aussi  à 
juger  dans  le  concert  qu'il  va  donner  ;  le  petit  Paul  Julien,  cette  mi- 
niature du  talent  d'Alard;  un  jeune  Hongrois  qui  va  se  faire  entendre; 
et  Juan  Llorens,  jeune  Espagnol,  avec  sa  sœur  Antonia  Llorens, 
petite  pianiste,  élèves  tous  deux  de  M.  et  Mme  Massart.  Ce  jeune 
Paganini  en  herbe,  que  nous  avons  entendu  avec  plaisir,  comme  tout 
le  public,  dans  le  concert  qu'il  a  donné  le  8  mars  dans  les  salons  de 
M.  Pleyel,  a  obtenu  le  premier  prix  de  violon  au  dernier  concours  du 
Conservatoire  de  Paris;  il  est  plein  d'avenir;  mais  cet  avenir  peut  être 
compromis  si  la  pension  que  lui  a  faite  jusqu'à  ce  jour  la  reine  Isabelle 
vient  à  lui  manquer.  On  le  craint.  Qu'il  aille  solliciter  près  de  sa  souve- 
raine la  continuation  de  ses  bontés  artistiques  et  philanthropiques,  et  il 
gagnera  sa  cause  s'il  prend  son  violon  pour  avocat. 

—  Un  autre  violoniste,  qui  a  été  comme  tant  d'autres  un  enfant  pré- 
coce, qui  a  remporté  à  son  tour  le  premier  prix  de  violon  au  Conserva- 
toire, et  qui  maintenant  est  un  jeune  homme  de  talent,  a  donné  un 
concert,  mercredi  10  mars,  dans  la  salle  Herz.  Sa  manière  de  jouer  du 
violon  est  expressive,  trop  expressive  peut-être,  surtout  dans  les  frag- 
ments de  Beethoven  qu'il  nous  a  fait  entendre  au  commencement  de  la 
séance.  La  musique  de  ce  maîlre  peut  se  passer  de  la  vibration  et  de 
tout  le  tremblement  d'archet  et  de  la  main  gauche.  Quand  il  sera  bien 
pénétré  du  caractère  sévère  des  grands  maîtres,  notre  jeune  virtuose 
verra  qu'ils  ont  assez  de  sensibilité  en  eux  pour  qu'on  se  dispense  de 
leur  en  prêter  une  factice  ou  maniérée.  A  cela  près,  M.  Reynier,  qui 
n'est  plus  le  petit  Léon,  a  dit  la  fantaisie  de  Vieuxtemps  sur  Norma, 
écrite  pour  la  quatrième  corde,  avec  audace  et  chaleur;  il  a  dit  aussi  les 
Souvenirs  d' Amérique,  fantaisie  avec  accompagnement  d'orchestre,  par 
Vieuxtemps,  en  violoniste  exercé  aux  difficultés  de  son  instrument.  Son 
archet  est  preste  et  brillant.  Ce  jeune  artiste  s'impressionne  tant  qu'il 
finit  par  impressionner  son  auditoire.   Il  y  avait  beaucoup  de  monde  â 


«s 


REVUE  LT  GAZETTE  MUSICALE 


ce  concert  et  on  y  a  beaucoup  applaudi  les  artistes  de  talent  qui  ont 
secondé  le  bénéficiaire.  Ne  pouvant  les  nommer  tous,  nous  signalerons 
cependant  Mlle  Joséphine  Martin,  qui  a  dit  sur  le  piano  de  fort  jolis 
morceaux,  parmi  lesquels  on  a  remarqué  et  beaucoup  applaudi  Y  Elan 
du  cœur,  la  Danse  syriaque,  et  surtout  le  Tambour  de  basque,  de 
M.  Richard  Mulder. 

—  Dans  une  séance  de  musique  classique  pour  le  piano,  donnée 
chez  lui,  M.  Stamaty,  qui,  seul,  a  fait  tous  les  frais  de  la  matinée,  en  a 
eu  aussi  tous  les  honneurs,  en  faisant  succéder  à  la  musique  deHaendel, 
de  Beethoven  et  de  Weber,  de  charmantes  études  de  sa  composition 
en  style  moderne,  original ,  piquant  et  frais,  et  toujours  mélodique 
jusque  dans  le  trait.  L'exécution ,  sœur  de  l'idée  en  musique,  a  été 
aussi  correcte  que  brillante. 

—  Avec  des  idées  moins  arrêtées,  moins  classiques,  Mlle  Juliette 
Dillon,  organiste  de  la  cathédrale  de  Meaux ,  a  donné,  dans  la  petite 
salle  Sainte-Cécile,  mardi  passé,  8  février,  à  neuf  heures,  une  séance 
d'improvisation  sur  le  piano.  L'improvisation  est  la  faculté,  le  devoir, 
la  mission  en  ce  monde  musical  du  piano  et  du  pianiste,  comme  aussi 
de  l'organiste  ;  mais,  il  faut  le  dire,  cela  dût-il  paraître  singulier  aux 
musiciens  romantiques  ou  de  génie,  car  c'est  tout  un  pour  eux,  l'im- 
provisateur ne  peut  espérer  de  se  dominer,  et,  par  conséquent ,  de  do- 
miner son  auditoire,  qu'en  procédant  par  des  moyens  scientifiques 
appris,  disons  tout ,  par  l'étude,  la  connaissance  du  contre-point  et  de 
la  fugue.  Sans  cette  charte  nécessaire  aux  artistes  de  génie,  une  idée 
succède  à  une  idée,  et  de  l'embarras  du  choix  de  la  pensée  naissent  le 
vague  et  la  confusion.  Plus  la  pensée  est  circonscrite,  arrêtée,  étroite, 
même  en  musique,  plus  le  véritable  compositeur  en  tire  un  riche  parti  : 
voyez  plutôt  la  première  partie  de  la  symphonie  en  ut  mineur  de  Beetho- 
ven ,  qui  a  trouvé  moyen  ,  par  un  dessin  de  quatre  notes,  de  faire  un 
morceau  des  plus  dramatiques,  plein  de  chaleur  et  de  passion  ! 

Mlle  Dillon,  qui  s'est  fait  connaître  dans  l'art  musical  par  sa  traduc- 
tion en  harmonie  étrange  et  hardie,  en  mélodies  originales  et  bien 
senties,  des  Cou  tes  fantastiques  d'Hoffmann,  Mlle  Dillon,  qui  étudie  en 
ce  moment,  nous  a-t-il  été  dit,  les  procédés  de  l'art  régulier,  scienti- 
fique, a  voulu,  par  un  caprice  d'artiste,  donner  une  séance  publique 
d'improvisation  romantique  ;  et  nous  qui  aimons  à  faire  de  l'éclectisme 
même  en  musique,  dans  cet  art  qui  s'accommode  des  plus  rigoureuses 
propositions  mathématiques  comme  de  la  plus  vague  idéalité,  nous 
déclarons  que  Mlle  Dillon  s'est  montrée  dans  cette  séance  pianiste  ha- 
bile et  fantaisiste  originale.  Malheureusement,  elle  était  entourée  de 
littérateurs  et  d'hommes  du  monde  qui  n'ont  généralement  qu'un  sen- 
timent vague  et  même  faux  de  l'art  musical  ;  qui  pensent  que  l'impro- 
visation est  un  caprice  indéterminé  ;  que  le  drame  des  sons  marche  au 
hasard  et  sans  unité  de  pensée  :  aussi  ces  littérateurs  lui  ont-ils  donné 
des  programmes  sans  ordre  et  sans  mesure,  dans  lesquels  ils  cher- 
chaient eux-mêmes  à  improviser  de  l'esprit  en  demandant  au  composi- 
teur, à  l'improvisatrice,  des  choses  niaises  ou  impossibles  à  exprimer 
par  des  sons,  comme,  par  exemple,  des  moutons  qui  paissent  dans  une 
prairie.  L'un  d'eux  (l'homme  et  non  l'animal)  insistait  avec  une  ironie 
qu'il  croyait  spirituelle,  pour  qu'il  y  eût  pas  mal  de  moutons  dans  cette 
vaste  prairie  à  décrire,  comme  s'il  se  fût  moqué  de  Mme  Deshoulières  et 
de  ses  chers  petits  moutons.  Pour  en  revenir  aux  nôtres,  nous  enga- 
gerons notre  Corinne  musicale  à  se  défier  des  quatre-vingt-dix-neuf 
moutons  et  du  Champenois  qui  forment  ordinairement  le  noyau  du  public 
de  Paris,  public  bruyant,  exigeant  et  pas  mal  inintelligent  dans  les  cho- 
ses d'art. 

En  admettant  l'improvisation  romantique,  car  le  véritable  critique 
ne  proscrit  rien  absolument  et  apprécie  tout  à  sa  juste  valeur,  nous 
voudrions  qu'on  circonscrivît  le  cercle  des  tableaux  proposés  à  l'impro- 
visateur. Les  précédents  admis  des  Contes  fantastiques  d'Hoffmann 
traduits  musicalement  par  Mlle  Dillon,  pourquoi  ne  lui  aurait-on  pas 
demandé,  pourquoi  ne  lui  proposerait-on  pas  de  nous  peindre  le  Fran- 
kestein,  de  miss  Shelly,  l'Irlandaise?  Ce  nouveaux  Prométhée,  chimiste, 
physicien,  audacieux  comme  le  Manjred  de  lord  Byron,   le   Faust  de 


Goethe,  ayant  fouillé  toutes  les  sciences  humaines  et  divines,  épuisé 
tout  savoir,  rêve  et  se  berce  en  une  mélodie  mélancolique  sous  la- 
quelle se  dessine  une  harmonie  tourmentée,  fiévreuse,  étrange,  excep- 
tionnelle. A  des  silencesintermittents,  —  car,  ainsi  que  le  dit  si  éloquem- 
ment  J.-J.  Rousseau,  le  compositeur  fait  parler  le  silence  même, 
exprime  avec  chaleur  les  frimas  et  les  glaces  ;  même  en  peignant  les 
horreurs  de  la  mort,  il  porte  dans  l'âme  ce  sentiment  de  vie  qui  ne  l'a- 
bandonne point,  et  qu'il  communique  aux  cœurs  faits  pour  sentir,  —  à 
des  silences  intermittents  donc,  succède  le  travail,  la  construction  d'une 
machine  humaine  dans  laquelle  notre  savant  trouve  moyen  de  mettre 
le  feu  de  la  vie.  Effrayé  de  son  œuvre,  voyant  cet  être  gigantesque  se 
lever,  se  mouvoir,  ouvrir  des  yeux  étonnés  dont  le  blanc  est  cuivré,  et 
qui  roulent  dans  leur  orbite,  son  auteur  s'enfuit,  poursuivi  par  le  rire 
strident  et  les  cris  rauques  du  monstre,  qu'il  regrette  déjà  d'avoir  en- 
fanté, et  qui  lui  prépare  tant  de  malheurs.  11  y  a  là-dedans  quelque 
chose  à  peindre  en  musique,  ce  nous  semble,  dans  le  domaine  idéal  de 
l'imagination  et  de  l'art. 

—  En  regard  de  ces  procédés  fantaisistes,  il  nous  reste  à  mettre 
ceux  de  l'organiste  Lemmens,  du  violoniste  Léonard,  et  du  compositeur 
Reichel.  Que  dire  de  ces  trois  artistes  classiques?  Peu  de  chose,  après  les 
appréciations  que  nous  en  avons  déjà  données  dans  la  Gazette  musicale. 
Le  dernier  s'est  montré,  chez  Pleyel ,  dans  un  concert,  compositeur  en 
style  pur,  élégant,  et  pianiste  suffisant  pour  faire  apprécier  ses  œuvres 
instrumentales.  Ces  œuvres  sont  :  un  excellent  trio  pour  piano,  violon 
et  violoncelle,  fort  bien  dit  par  MM.  Maurin ,  Chevillard  et  l'auteur  ;  un 
autre  trio  pour  piano,  hautbois  et  basson,  fort  bien  exécuté  également 
par  l'auteur,  MM.  Romedenne  et  Jancourt;  et  une  grande  sonate  pour 
piano  seul ,  dite  par  M.  Reichel.  La  musique  vocale  de  ce  compositeur 
se  distingue  par  une  mélodie  originale  et  bien  déclamée.  On  a 
remarqué  et  applaudi  dans  cette  matinée  une  églogue  de  Voltaire,  fort 
bien  chantée  par  Mlle  Saemann,  et  la  Paix  du  cœur,  interprété  par 
M.  Wartel. 

—  Que  dire  maintenant  de  M.  Lemmens?  Que  ce  dernier  voyage  à 
Paris  a  mis  le  sceau  à  sa  réputation  de  bon  organiste  ;  que  si ,  par  les 
procédés  scientifiques,  classiques,  qu'il  connaît  si  bien ,  il  n'improvise 
pas,  ce  qu'il  a  dit  de  musique  écrite  par  lui  dans  son  excellent  Jour- 
nal d'orgue,  a  paru  aux  premiers  artistes,  compositeurs  et  critiques  de 
la  capitale,  qui  se  sont  fait  un  vrai  plaisir  d'aller  l'entendre,  en  même 
temps  d'un  style  pur,  irréprochable,  et  de  la  plus  noble  et  de 
la  plus  religieuse  inspiration. 

—  Le  dernier  concert  de  M.  et  Mme  Léonard  a  confirmé  égale- 
ment la  réputation  que  ces  deux  virtuoses  viennent  d'acquérir  d'une 
manière  aussi  éclatante  que  rapide  en  notre  capitale  des  arts.  En 
digne  compagne  du  violoniste  à  la  méthode  irréprochable,  Mme  Léo- 
nard a  dit,  de  ce  style  pur  de  chant  qui  vient  des  Garcia,  un  bel  air 
de  Ritialdo,  de  Haendel ,  instrumenté  avec  beaucoup  de  tact,  et 
la  couleur  du  temps  par  Meyerbeer.  Mme  Léonard  a  dit  aussi  un 
air  de  Nicolo  à  brillantes  vocalises  :  Non,  je  neveux  pas  chanter, 
qui  provoque  de  nombreux  applaudissements,  qui  deviendront  una- 
nimes, si  la  savante  cantatrice  veut  modifier  en  sourires,  en  gaîté, 
que  le  sens  des  paroles  le  demande,  sa  mimique  faciale.  Quant  à  son 
collaborateur  dans  les  impressions  de  la  vie  et  de  l'art,  il  a  été  ce  qu'il 
s'est  montré  la  première  fois,  violoniste  d'un  style  sage,  pur,  au  son 
puissant,  comme  nous  l'avons  déjà  dit,  et  compositeur  chaleureux. 
Son  troisième  concerto  en  la  est  aussi  bien  écrit  pour  l'orchestre  que 
pour  l'instrument  principal ,  ce  qui  n'est  pas  peu  dire.  Sa  grande  fan- 
taisie sur  la  célèbre  valse  le  Désir,  attribuée  à  Beethoven,  à  Weber,  et 
qni  est  de  Reissiger,  chef  d'orchestre  à  Dresde,  est  un  arrangement 
comme  ne  pouvait  manquer  de  l'écrire  celui  qui  a  fait  le  charmant 
drame  instrumental  pour  violon  de  Richard-Cœur-de-Lion.  Somme 
lo  ùîe,  succès  complet  du  virtuose  soliste  et  compositeur. 

Heniu  BLANCHARD. 


DE  PARIS. 


85 


REVUE  CRITIQUE. 
CI1AUL.ES   VOS*. 

ses  compositions  roDn  lv  piano. 

Satisfaire^  la  fois  le  publie  de  salon  et  les  amateurs  d'élite,  concilier  en 
des  productions  gracieuses  et  d'un  bon  style  les  caprices  de  la  mode  avec 
les  exigences  de  l'art,  obtenir,  comme  pianiste  et  comme  compositeur  de 
nombreux  et  légitimes  succès,  d'abord  en  Allemagne,  le  pays  qui  l'a  vu 
naître;  puis  en  France,  le  pays  qui  l'a  adopté  :  tel  est  le  difficile  problème 
que  M.  Charles  Voss  a  su  résoudre.  Une  puérile  agglomération  de  notes, 
combinées  d'un«.  manière  agréable  à  l'oreille.,  comme  le  voulait  Rousseau,  ne 
saurait  plaire  à  ce  jeune  artiste.  Sous  ses  doigts  comme  sous  sa  plume,  la 
musique  de  piano,  en  se  montrant  sémillante  et  mondaine,  évite  d'être 
fade  et  vulgaire.  Elle  conserve  une  signification  en  rapport  avec  les  senti- 
ments capables  d'émouvoir  le  cœur  humain,  et  ne  laisse  pas  emporter  les 
idées  par  les  sons.  C'est  en  cela  que  les  compositions  dont  je  vais  m'occu- 
per  dans  cet  article  diffèrent  essentiellement  des  morceaux  de  pacotille 
destinés  à  la  consommation  journalière  des  pianistes  mélomanes.  Arrê- 
tons-nous d'abord  devant  la  Cascade  de  fl'.urs.  Ce  titre  piquant  et  nouveau 
prévient  tout  de  suite  en  faveur  de  l'œuvre  qu'il  spécifie,  et  semble  fait 
pour  désarmer  une  critique  sévère.  Aussi  bien  cette  cascade  est-elle  une 
agréable  fantaisie-étude  en  ré  bémol  majeur  commençant  par  un  joli  motif 
présenté  sous  une]  forme  qu'affectionnait  beaucoup  l'auteur  de  Vlwiia- 
tion  à  la  Valse.  La  seconde  et  la  troisième  partie,  en  notes  répétées,  con- 
stituent un  excellent  exercice  et  présentent  quelques  difficultés  de  méca- 
nisme ménagées  avec  art.  On  peut  dire,  par  exemple,  qu'elles  condamnent 
le  quatrième  et  le  cinquième  doigt  aux  travaux  forcés  à  temps,  car  elles 
les  obligent  à  soulever  par  intervalle,  sans  hésitation  comme  sans  gau- 
cherie, le  boulet  mignon  d'une  petite  note  d'autant  plus  gênante  qu'elle 
est  quelquefois  placée  sur  une  touche  noire.  —  Le  nocturne  intitulé  : 
Mon  Etoile,  évoque  sur  le  clavier  les  doux  fantômes  qu'un  cœur  épris  voit 
passer  dans  ses  rêves.  Soupirs  plaintifs,  gammes  gémissantes,  sons  brisés, 
arpèges  vaporeux,  traits  chromatiques  nourrissent  avec  langueur  cette 
molle  rêverie  et  se  succèdent  comme  les  nuages  au  firmament,  tantôt 
plongeant  dans  les  ténèbres  la  divine  étoile,  tantôt  la  laissant  entrevoir 
par  échappées,  toujours  de  plus  en  plus  be.le,  toujours  de  plus  en  plus 
désirable.  Ce  morceau  étant  très-expressif  et  très-bien  conduit  ne  laissera 
pas  d'obtenir  de  vifs  applaudissements,  en  sorte  que  l'auteur  peut  sans 
présomption  se  fier  à  son  Etoile. 

Ceux  qui  se  fient  à  leur  étoile  montent,  dit-on,  volontiers  à  l'assaut. 
Voilà  pourquoi  sans  doute  les  pianistes  doués  d'un  poignet  souple  et  vi- 
goureux, d'un  style  énergique  et  d'une  grande  vélocité  d'exécution,  par- 
viendront facilement  à  rendre  tel  qu'il  l'a  conçu  le  galop  militaire  di 
bravura  que  M.  Voss  nomme  précisément  Y  Assaut. 

L'idée  première  de  cette  composition  ne  manque  pas  de  caractère;  elle  est 
développée  avec  art  et  bien  rhythmée.  Le  motif  principal,  présenté  d'abord 
en  mi  bémol,  revient  plus  tard  sous  une  nouvelle  forme  en  fa  mineur,  après 
un  trio  très-expressif  écrit  dans  le  ton  de  la  bémol  majeur.  11  faut  louer 
ici  en  général  les  modulations,  qui  sont  parfaitement  amenées  et  d'une 
bonne  couleur  harmonique.  Ce  morceau,  qui  produit  un  excellent  effet  sur 
le  piano,  en  produirait  un  à  coup  sûr  plus  énergique  et  plus  entraînant 
s'il  était  arrangé  pour  musique  militaire,  et  surtout  rehaussé  par  la  pompe 
martiale  et  chevaleresque  des  inimitables  instruments  de  notre  célèbre 
Adolphe  Sax.  On  peut  mettre  en  opposition  avec  VAssaut,  où  les  sons  tour- 
billonnent impétueusement,  la  Mélancolie,  qui  nous  ramène  au  genre 
doux,  élégant  et  gracieux  auquel  M.  Voss  paraît  se  complaire.  Ce  morceau 
n'est  pas  seulement  une  étude  de  style  et  d'expression,  c'est  aussi  une 
étude  très-utile  pour  l'emploi  de  la  pédale,  dont  le  commun  des  pianistes 
et  la  majorité  des  amateurs  font  souvent  abus  dans  la  pensée  d'éblouir 
leur  auditoire  et  de  dissimuler  leurs  fausses  notes.  Si  M.  Voss  s'est  vu 
forcé  de  recourir  à  l'indication  :  pédale  à  chaque  mesure,  c'est  qu'il  n'igno- 
rait pas  que  bien  des  gens  négligent  d'ôter  la  pédale  aux  endroits  où 
l'harmonie  change,  de  telle  sorte  que  les  sons  les  plus  disparates  venant 
à  se  choquer  et  les  fausses  relations  de  tout  genre  à  s'établir,  il  en  résulte 
une  cacophonie,  un  brouhaha  dont  l'oreille  est  assourdie  et  dont  elle 
conserve,  même  après  que  le  bruit  a  cessé,  une  pénible  sensation  de  cha- 
touillement et  de  tintoin.  Quelque  joli  qu'il  soit,  un  motif  gagne  toujours 
à  être  habilement  développé;  celui  qui  nous  berce  ici  de  son  chant  suave 
et  plaintif,  de  ses  arpèges  amoureux  et  caressants,  est  traité  d'une  manière 
brillante  sous  des  formes  rhythmiques  pleines  de  désinvolture  et  d'éclat. 


Ce  morceau  demande  à  être  exécuté  avec  goût,  et  il  [a  déjà  trouvé  un  e 
excellente  interprète  dans  la  jeune  et  intéressante  pianiste  à  qui  il  est  dé- 
dié. Mlle  Clémence  Laval  est  assurément  très-capable  d'en  faire  ressortir 
lf>s  nuances  délicates  par  le  charme  et  le  brillant  de  son  jeu. 

Le  Chant  bohémien  est  encore  un  thème  agréable  dont  M.  Voss  a  tiré  un 
bon  parti.  C'est  une  mélodie  simple  comme  sont  d'ordinaire  les  mélodie 
nationales,  et  cette  mélodie  simple  est  très-simplement,  mais  très-ingés 
nieusement  variée.  Dans  le  groupe  des  Trois  Fleurs,  c'est  V Amarante  ijU 
captive  le  regard,  ou  pour  mieux  dire  qui  séduit  l'oreille.  Elle  est  si  \i\e, 
si  colorée,  si  élégante  !  Elle  a  tant  de  grâce  et  de  légèreté  zéphyrienne 
La  Violette  affecte  des  allures  plus  humbles  et  moins  piquantes.  Le  par- 
fum qu'elle  exhale  ne  manque  pas  de  suavité,  mais  peut-être  eût-on 
désiré  qu'il  fût  plus  frais  et  plus  nouveau.  La /(ose  a  quelque  chose  de  ma- 
jestueux qui  rappelle  son  titre  de  Heine  des  Fhurs.  Des  sons  doux  et  ten- 
dres mêlés  à  de  tendres  et  doux  souvenirs  semblent  s'échapper  de  son 
calice  entr'ouvert.   Peut-être    s'en    échappe-t-il   aussi   des  gouttes  de 

rosée peut-être  aussi  des  larmes! 

Je  vais  aborder  un  nouvel  ordre  de  productions  dans  lequel  M.  Voss  a 
également  fait  preuve  d'une  incontestable  aptitude.  Il  s'agit  des  fantaisies 
et  des  arrangements  sur  des  motifs  tirés  des  opéras  en  vogue  ou  des  chefs- 
d'œuvre  consacrés  par  un  long  succès.  Personne  n'ignore  combien  ces 
sortes  de  travaux  sous  une  plume  inexpérimentée  deviennent  préjudicia- 
bles aux  intérêts  des  maîtres.  En  effet,  la  plupart  des  arrangeurs  sont  à 
l'art  musical  ce  que  la  plupart  des  traducteurs  sont  à  la  littérature  :  d'in- 
fidèles et  maladroits  interprètes  de  la  pensée  qu'ils  sont  chargés  de  tran- 
scrire et  de  mettre  en  relief.  Pour  éviter  de  faire  fausse  route  avec  eux  , 
M.  Charles  Voss  a  su  garder  les  ménagements  que  l'on  doit  se  prescrire 
quand  on  s'établit  dépositaire  du  bien  d'autrui.  Respectant  les  idées  dont 
il  s'empare,  il  les  développe  et  les  fait  ressortir  selon  le  caractère  qui 
leur  est  propre,  sans  y  mêler  les  incohérentes  élucubrations  auxquelles 
certains  pianistes  compositeurs  se  livrent  en  pareil  cas,  sous  prétexte  d'as- 
socier leur  fantaisie  à  celle  du  maître  qu'ils  veulent  illustrer. 

Heureux  dans  le  choix  de  ses  motifs,  il  l'est  également  dans  la  manière 
de  les  présenter,  de  les  coordonner  et  de  les  ramener  aux  conditions  d'u- 
nité d'une  œuvre  complète  en  son  genre.  Le  tact  dont  il  fait  preuve  sons 
ce  rapport  se  révèle  plus  particulièrement  dans  sa  fantaisie  sur  le  Pro- 
phète. Celle-ci  est  composée  d'éléments  réunis  avec  goût.  On  entend  d'a- 
bord le  chant  des  anabaptistes,  ce  chant  grave  et  sévère  qui  lutte  de 
vigueur  et  d'austérité  avec  les  plus  beaux  chorals  du  moyen-âge.  Vient 
ensuite  la  pastorale  de  Jean,  morceau  exquis  où  Roger,  non  content  de  se 
montrer  habile  chanteur,  s'est  toujours  montré  au  plus  haut  degré  artiste 
et  poëte.  L'opposition  de  ces  deux  mélodies,  l'une  pleine  de  teintes  fortes 
et  accentuées ,  l'autre  pleine  de  nuances  mélancoliques  et  chastes,  a  pour 
effet  de  rappeler  dès  le  commencement  de  la  fantaisie  le  double  carac- 
tère dont  la  partition  du  Prophète,  comme  tous  les  chefs-d'œuvre  dramati- 
ques de  Meyerbeer,  porte  si  profondément  l'empreinte,  c'est-à-dire  d'un 
côté  la  puissance  et  l'énergie ,  de  l'autre  la  grâce  et  la  douceur.  Après 
avoir  brodé  le  motif  de  la  pastorale  d'une  façon  brillante  et  distinguée, 
M.  Voss  enchaîne  ce  motif  à  d'autres  souvenirs  mélodiques  puisés  à  la 
même  source.  L'emploi  de  certains  procédés  de  modulation  et  de  quelques 
artifices  analogues  lui  permet  d'effectuer  le  passage  d'un  thème  à  un 
autre,  de  manière  à  offrir  presque  toujours  une  heureuse  transition.  11  en 
résulte  que  l'intérêt,  loin  de  languir  sous  le  régime  nauséabond  des  varia- 
tions à  perpétuité,  est  constamment  ranimé  et  soutenu  par  l'apparition 
d'une  idée  nouvelle.  Toutefois  cette  diversité  d'éléments  n'implique  ici 
aucune  confusion,  car  tous  les  fragments  de  l'œuvre  originale,  habilement 
soudés  les  uns  aux  autres,  s'apparentent  et  se  relient  entre  eux  selon  les 
lois  de  l'unité. 

Malgré  les  mille  et  une  fantaisies  écloses  sur  les  motifs  de  la  Facorite, 
celle  que  j'ai  sous  les  yeux  ne  sera  point  accueillie  avec  froideur.  Plus 
difficile  que  les  autres  compositions  de  M.  Voss,  elle  est  aussi  plus  déve- 
loppée, d'un  style  plus  large,  et  d'une  expression  plus  dramatique.  C'est 
en  un  mot  un  morceau  de  concert  où  l'auteur  dessine  à  grands  traits  les 
contours  du  modèle  qu'il  a  choisi.  Tout  y  est  combiné  de  manière  à  faire 
briller  le  talent  du  pianiste.  L'harmonie  a  du  relief,  les  épisodes  de  l'in- 
térêt, et  les  formes  rhythmiques  sont  généralement  pleines  d'ampleur  et 
de  distinction.  Je  signalerai  surtout  un  passage  très-mouvementé  en  la 
majeur,  où  l'un  des  thèmes  est  varié  en  arpèges  par  la  main  droile;  au 
milieu  de  ces  arpèges,  la  même  main  fait  ressortir  sur  les  principaux 
temps  de  la  mesure  les  notes  accentuées  du  chant.  Cette  disposition  est 


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REVUE   ET  GAZETTE  MUSICALE 


une  de  celles  qui  se  présentent  le  plus  fréquemment  dans  les  productions 
de  M.  Voss.  Le  morceau  dont  je  parle  commence  en  mi  mineur,  et  par- 
court ensuite  le  vaste  domaine  de  la  modulation.  Après  avoir  changé 
maintes  fois  de  physionomie,  de  mouvement  et  d'allure,  il  conclut  par  une 
péroraison  en  mi  majeur  très-chaleureuse  et  très-brillante,  laquelle  ré- 
clame le  style  d'exécution  plein,  sonore,  impétueux,  et  un  peu  emphati- 
que des  grands  finals  italiens. 

Giralda  n'est  pas,  comme  la  précédente,  une  fantaisie  à  grands  airs, 
mettant  le  clavier  en  rumeur  et  traversant  la  forêt  de;;  sons  avec  de 
bruyantes  fanfares.  Si,  en  exécutant  ce  morceau,  Ton  rencontre  des  diffi- 
cultés, ces  difficultés  ne  sont  point  telles  qu'on  ne  doive  s'attendre  à  les 
surmonter  et  à  obtenir  un  joli  succès  de  salon,  lors  même  qu'on  n'aurait 
pas  précisément  un  talent  de  virtuose.  Du  reste,  nous  retrouvons  ici  tou- 
tes les  qualités  qui  distinguent  la  manière  de  M.  Voss;  il  en  est  de  même 
dans  plusieurs  autres  compositions  de  ce  jeune  auteur  que  j'ai  examinées, 
savoir  :  la  Sérénade,  et  les  trois  grandes  fantaisies  sur  les  Huguenots,  sur 
la  Dame  de  Pique  et  sur  la  Fée  aux  Roser.  Toute  cette  musique  est  de  la 
musique  facile;  non  que  je  veuille  attacher  à  ce  mot  une  signification  dé- 
favorable, non  que  je  veuille  donner  à  entendre  par  là  que  cette  musique 
ne  contient  pas  de  difficultés  ;  je  dis  qu'elle  est  facile,  parce  qu'elle  est 
doigtée  avec  tant  de  soin  et  si  bien  écrite  pour  l'instrument,  que  toutes 
les  difficultés  y  sont  aplanies  et  passent  en  quelque  sorte  inaperçues. 
C'est  là  un  avantage  dont  les  amateurs  sentiront  tout  le  prix.  Mais  ce 
qu'ils  n'apprécieront  peut-être  pas  tout-à-fait  aussi  bien  que  les  artistes, 
c'est  que  M.  Voss,  qui  écrit  principalement  pour  eux,  n'a  cependant  pas 
voulu  briguer  leurs  suffrages  en  foulant  aux  pieds  les  principes  essentiels 
de  la  composition.  Si,  d'une  part,  la  réserve  qu'il  apporte  dans  l'emploi 
des  agréments,  des  broderies  et  des  formules  toutes  faites  dont  tant  d'au- 
tres abusent,  témoigne  en  faveur  de  son  goût;  d'une  autre  part,  le  soin 
qu'il  met  à  rendre  irréprochable  la  facture  de  ses  morceaux  sous  le  dou- 
ble rapport  de  la  pureté  de  l'harmonie  et  de  la  correction  du  style, 
prouve  que  ses  études  n'ont  point  été  négligées,  et  qu'il  n'a  point  déserté 
la  cause  de  l'art  pour  celle  de  la  mode.  Doué  de  sensibilité  et  d'imagina- 
tion, ce  jeune  pianiste  compositeur  a  dû  nécessairement  rencontrer  le 
succès  dans  cette  voie  sage  où  l'accueil  bienveillant  du  public  l'engagera 
sans  doute  à  persévérer.  Georges  KASTNER. 

CORRESPONDANCE. 

Bruxelles,  3  mars. 

J'ai  à  vous  signaler  un  événement  inattendu  qui  vient  d'affliger  les 
dilettantes  de  notre  capitale.  Je  veux  parler  de  la  clôture  de  l'Opéra-lta- 
lien,  lequel  ne  devait  terminer  ses  représentations  que  dans  un  mois,  et 
qui  a  été  forcé  de  les  suspendre  prématurément,  faute  de  recettes.  Les 
admirateurs  fervents  de  la  musique  italienne,  ceux  qui  trouvent  parfait 
tout  ce  qui  vient  de  par-delà  les  Alpes,  en  fondant  leur  jugement,  si  juge- 
ment il  y  a,  sur  un  certificat  d'origine,  ne  manquent  pas  d'exploiter  cet 
incident  contre  notre  population,  qu'ils  accusent  de  n'être  pas  sensible 
aux  beautés  réelles  de  l'art  L'Opéra-ltalien  n'a  pu  se  soutenir  à 
Bruxelles,  donc  le  public  de  Bruxelles  n'a  pas  d'oreilles,  ou  bien  il  les  a 
trop  longues,  ce  qui  revient  absolument  au  même.  Cette  inculpation  est 
grave  à  l'époque  de  civilisation  où  nous  sommes,  surtout  lorsqu'elle  est 
lancée  contre  une  nation  qui  passe  (on  pourrait  croire  que  c'est  à  tort) 
pour  se  distinguer  par  ses  instincts  artistiques.  Je  tiens  donc  à  prouver 
qu'elle  n'est  pas  fondée. 

Le  public  de  Bruxelles  aime  l'opéra  italien.  Il  l'a  prouvé  en  marquant  sa 
vive  sympathie  aux  artistes  d'un  vrai  mérite,  sans  s'informer  auparavant 
s'ils  étaient  célèbres  ou  non.  La  réputation  de  Calzolari,  que  vous  applau- 
dissez au  Théâtre-Italien  a  commencé  à  Bruxelles  ;  j'en  dirai  autant  de 
celle  de  Mme  Medori,  dont  la  belle  voix  et  le  talent  dramatique  viennent 
de  faire  merveille  à  Saint-Pétersbourg.  Alais  si  le  public  de  Bruxelles  aime 
l'opéra  italien  quand  il  est  bon  et  ses  interprètes  quand  ils  sont  habiles, 
on  trouvera  difficilement  le  moyen  de  le  passionner  pour  ce  qui  ne  s'é- 
lève pas,  dans  l'ensemble,  au-dessus  de  la  médiocrité!  Est-il  donc  bien 
coupable  en  cela? 

Quelle  était  la  troupe  lyrique  italienne  dont  j'ai  le  regret  de  devoir  vous 
apprendre  la  mauvaise  fortune?  Voilà  ce  qu'il  faut  examiner  avant  tout. 
Elle  avait  pour  premier  ténor  un  artiste  hors  ligne,  Lucchesi  ;  un  baryton 
doué  d'une  belle  voix,  mais  chanteur  incomplet,  M.  lîartolini;  une  basse 
nulle,  un  butfo  sépulcral. 

Les  cantatrices  qui  se  présentèrent  pour  remplir  les  emplois  de  forte 
chanteuse,  de  chanteuse  légère  et  de  contralto,  firent  toutes  trois  fiasco- 
Mile  Bertrand]',  à  laquelle  il  manque,  non  de  la  vocalisation,  mais  de  l'ex- 
périence, vint  en  aide  à  l'imprésario;  mais,  quel  que  fût  son  zèle,   il  lu 


était  difficile  de  satisfaire  aux  exigences  d'un  répertoire  qu'elle  ne  con 
naissait  pas.  Obligée  d'apprendre  des  rôles  en  quelques  jours  et  de  les 
chanter  presque  sans  répétitions ,  elle  laissait  fort  à  désirer  sous  le  rap- 
port de  la  correction.  La  saison  allait  finir,  et  nous  n'avions  pas  encore 
de  première  chanteuse  dramatique.  Sans  Mme  Castellan,  il  y  a  six  semai- 
nes que  la  clôture  aurait  eu  lieu  forcément.  Pas  plus  de  contralto  que 
de  prima  donna.  Comment  était-il  possible  qu'un  spectacle  ainsi  organisé 
prospérât?  Ajoutez  que,  par  le  fait  de  la  direction  française  à  laquelle 
l'imprésario  s'était  associé  pour  son  malheur,  l'orchestre  et  les  chœurs 
étaient  misérables.  Il  y  avait  çà  et  là  de  bonnes  parties  de  représentations, 
mais  pas  une  seule  entièrement  satisfaisante. 

J'entre  dans  ces  détails  pour  prouver  que  l'opéra  italien  n'a  péri  à 
Bruxelles  que  par  sa  propre  faute,  et  pour  que  son  échec  de  cette  année 
n'arrête  pas  les  spéculateurs  qui  voudraient  à  l'avenir  essayer  encore 
d'établir  chez  nous  un  spectacle  que  je  persiste  à  croire  viable  'dans  de 
certaines  conditions,  parmi  lesquelles  je  place  en  première  ligne,  comme 
c'est  naturel,  le  talent  des  chanteurs 

Deux  jours  avant  de  partir,  les  artistes  italiens  nous  ont  donné  une 
première,  une  vraie  première  représentation,  celle  d'un  opéra  nouveau 
intitulé  :  V Alcade  de  Zalame a  ,  musique  del  signor  Bazzoni,  compositeur 
dont  nous  n'avons  pas  entendu  parler,  par  l'excellente  raison  que  c'est 
son  début.  La  partition  de  l'Alcade  de  Zalamea  renferme,  au  milieu  de 
beaucoup  de  choses  qui  ressemblent  à  toutes,  quelques  morceaux  ou 
fragments  de  morceaux  agréables.  M.  Bazzoni  était  le  chef  d'orchestre  de 
la  compagnie  italienne  au  moment  de  ses  débuts.  Après  un  mois  d'exercice 
de  ses  fonctions,  il  fut  remplacé  et  quitta  Bruxelles.  11  n'a  assisté  ni  aux 
répétitions  ni  à  la  représentation  de  son  ouvrage. 

En  quittant  la  Belgique,  notre  directeur  dans  l'embarras  se  rendit  à 
Cologne,  où  il  a  traité  pour  un  certain  nombre  de  soirées  et  où  j'apprends 
que  sa  troupe  vient  de  débuter  avec  succès.  Plusieurs  des  villes  des  pro- 
vinces rhénanes  se  sont  inscrites  pour  avoir  ensuite  sa  visite.  Le  réper- 
toire italien  sera  là  une  nouveauté.  C'est  de  la  propagande  lyrique  que 
feront  les  chanteurs  ultramontains. 

Mlle  Julienne  donne  en  ce  moment  des  représentations  au  Théâtre-Royal, 
encore  et  toujours  en  peine  de  prime  donne.  Cette  artiste  avait  tenu  déjà, 
il  y  a  quelques  années,  l'emploi  de  forte  chanteuse  sur  notre  scène.  Telle 
elle  était,  telle  on  l'a  retrouvée.  Belle  voix,  sentiment  dramatique  ;  mais 
tendance  à  exagérer  l'expression,  penchant  aux  cris.  Le  public  de 
Bruxelles  a  la  réputation,  fondée  ou  non,  d'aimer  les  grandes  voix  par- 
dessus toute  chose.  A  tous  les  chanteurs  qui  nous  arrivent  on  dit  :  «  Criez 
si  vous  voulez  être  applaudis.  »  Peut-être  y  eut-il  quelque  chose  de  fondé 
en  cela.  Toutefois,  l'intérêt  de  la  vérité  me  force  à  déclarer  qu'il  y  a  réac- 
tion dans  le  goût  des  dilettantes  belges.  Ils  veulent  aujourd'hui  du  chant, 
du  véritable  chant,  et  partout,  avant  peu ,  l'on  en  viendra  là ,  soyez-en 
convaincu.  Mlle  Julienne  a  été  applaudie  quand  elle  a  contenu  sa  voix 
dans  de  justes  limites  d'intensité ,  tandis  que  ses  excès  de  zèle  ont  été  ac- 
cueillis par  un  profond  silence.  C'est  une  leçon  dont  elle  profitera  sans 
doute.  Jérusalem  est  l'opéra  dont  elle  avait  fait  choix  pour  sa  première 
apparition. 

On  s'occupe  au  Théâtre-Royal  de  la  mise  en  scène  de  Casilda,  opéra  du 
grand  duc  régnant  de  Saxe-Cobourg,  traduit  en  français  par  un  jeune  lit- 
térateur belge.  Notre  roi  ne  va  guère  au  théâtre;  mais  il  ne  pourra  pas  se 
dispenser  d'assister  à  la  représentation  de  cet  ouvrage.  Le  grand-duc  de 
Saxe-Cobourg  est  son  neveu.  Avant  de  prendre  le  gouvernement  de  ses 
États,  comme  on  disait  autrefois,  et  n'étant  encore  que  prince  héréditaire, 
il  a  fait  un  assez  long  séjour  à  Bruxelles,  où  il  a  terminé  son  éducation 
musicale.  Le  roi  Léopold  est  trop  bon  parent  pour  ne  pas  vouloir  entendre 
et  applaudir  l'œuvre  du  fils  de  son  frère.  On  regarde  généralement  la  mise 
en  scène  de  Casilda  comme  une  flatterie  de  notre  imprésario  à  l'adresse 
de  la  cour. 

Après  plusieurs  années  de  silence,  à  Bruxelles  au  moins,  Mme  Pleyel 
vient  de  rendre  la  voix  à  son  piano.  Voici  dans  quelles  circonstances.  Une 
église,  dont  les  plans  sont  établis  sur  les  plus  grandes  proportions,  s'élève 
dans  un  des  faubourgs  de  Bruxelles.  Vous  savez  comment  se  construisaient 
les  édifices  religieux  au  moyen-âge.  A  cette  époque,  où  il  n'existait  ni 
budget  de  l'Etat,  ni  budgets  communaux,  en  quelque  sorte,  c'était  au 
moyen  de  contributions  volontaires  et  personnelles  que  s'exécutaient  les 
vastes  conceptions  architecturales  d'artistes  demeurés  inconnus  par  une 
modestie  qui  a  lieu  de  nous  surprendre  aujourd'hui  qu'on  voit  des  habita- 
tions particulières  fort  peu  dignes  d'attention  signées  en  toutes  lettres. 
Celui-ci  fournissait  une  somme  d'argent,  celui-là  des  matériaux,  tel  autre 
travaillait  gratuitement  de  ses  mains.  — Des  ressources  à  peu  près  sem- 
blables sont  employées  à  l'édification  du  monument  dont  je  vous  parle 
Une  souscription  est  ouverte;  des  dames  de  la  haute  société  ont  formé 
une  loterie  d'objets  d'art  dont  le  produit  est  déjà  considérable.  Ces  dames 
se  sont  adressées  à  la  grande  artiste  dont  le  concours  n'a  jamais  manqué 


DE  l'AIIIS. 


m 


à  une  belle  et  bonne  œuvre.  Mme  Pleycl  a  fait  acte  cette  fois  encore  d'un 
noble  désintéressement  en  donnant  un  concert  qui  a  singulièrement  grossi 
la  souscription.  La  foule  était  grande,  est-il  besoin  de  le  dire?  Elle  a  salué 
dos  plus  vives  acclamations  la  reine  de  la  fête,  circonstance  qu'il  est  tout 
aussi  superflu  d'enregistrer,  car  les  ovations  sont  pour  Aime  Pleyel  chose 
d'habitude,  fémiiïente  pianiste  a  joué  comme  elle  seule  sait  le  faire, 
avec  cet  ensemble  de  facultés  qui  résument  la  plus  grande  perfection 
possible  de  l'exécution  instrumentale,  la  fantaisie  de  Liszt  sur  l'air  des 
patineurs  du  Propliete,  les  Plaintes  de  la  jeune  fille,  de  Schubert,  et  la  Tanu- 
telle.  Vous  permettrez  que  je  passe  sous  silence  le  reste  du  concert.  Des 
artistes  de  mérite  s'y  sont  fait  entendre;  mais  toute  l'attention  était  con- 
centrée sur  Mme  l'ieyel,  et  je  tiens  à  vous  transmettre  l'expression  fidèle 
du  sentiment  public. 

Au  troisième  concert  annuel  de  l'Association  des  artistes  musiciens,  ses 
pièces  de  résistance  du  banquet  musical  ont  été  :1a  symphonie  en  ut  mineur, 
de  Beethoven,  l'ouverture  de  Preciosa  de  Weber,  et  celle  de  Struensée,  de 
Meyerbeer.  Au  nombre  des  morceaux  inscrits  sur  le  programme  se  trou- 
vait un  air  chanté  par  Aï.  Barbot.  Cet  air  d'un  caractère  doux  et  calme,  un 
peu  monotone  dans  ses  allures,  mais  plein  d'un  charme  naïf,  séduisit 
l'auditoire.  En  l'écoutant,  chacun  s'écriait  :  Que  c'est  gracieux!  quelle 
élégante  simplicité,  quelle  fraîche  mélodie!  Or,  il  faut  vous  dire  que  cette 
œuvre  qu'on  traitait  comme  une  fleur  nouvellement  éclose  au  soleil  de 
l'art  était  tout  simplement  l'air  du  sommeil  de  VÂrmide  de  Lully.  Quel- 
ques-uns savaient  son  âge,  mais  beaucoup  ignoraient  assurément  à  quelle 
époque  vivait  Lully  ;  peut-être  n'eussent-ils  pas  si  franchement  applaudi 
un  morceau  vieux  de  près  de  deux  siècles.  Au  demeurant,  les  produc- 
tions musicales  ne  sont  donc  pas  aussi  éphémères  qu'on  veut  le  faire 
croire. 

Les  concerts  pullulent  :  concerts  de  chanteurs,  de  pianistes,  de  vio- 
lonistes, de  flûtistes,  de  clarinettistes,  de  harpistes,  voire  de  guitaristes.  Je 
me  garderai  bien  de  vous  parler  de  chacun  d'eux  en  particulier.  Les  co- 
lonnes de  la  Gazette  musicale  n'y  suffiraient  pas.  Elle  n'a  déjà  que  trop  à 
faire  pour  tenir  ses  lecteurs  au  courant  des  grandes  et  petites  solennités 
du  monde  parisien  chantant  et  exécutant.  Je  vous  parlais  de  harpistes  et 
de  guitaristes.  Ce  n'est  pas,  comme  vous  pourriez  le  supposer ,  afin  de 
grossir  une  nomenclature  dont  les  terminaisons  sont  d'ailleurs  médiocre- 
ment euphoniques.  M.  Godefroid  vient  d'annoncer  sa  réapparition  après 
quelques  dix  ans  d'absence  delà  Belgique,  son  pays  natal,  vous  ne  l'igno- 
rez pas,  et  M.  Zanni  de  Ferranti,  virtuose  fort  habile  sur  la  guitare,  se 
propose  de  donner  ces  jours-ci  une  soirée  d'adieu  destinée  à  clore  sa  car- 
rière musicale.  AI.  Zanni.de  Ferranti  peut  être,  en  quelque  façon,  consi- 
déré comme  le  dernier  exemplaire  vivant  de  l'espèce  des  guitaristes.  Lui 
mort,  il  ne  restera  plus  qu'à  suspendre  son  instrument  dans  les  musées 
où  reposent  les  spécimen  des  races  éteintes. 

J'aurais  bien  à  vous  parler  d'un  concert  d'une  espèce  toute  nouvelle; 
mais  je  manque  des  connaissances  nécessaires  pour  apprécier  le  mérite 
des  exécutants,  étant  complètement  étranger  aux  règles  de  l'art  musical 
chinois.  11  s'agit,  en  effet,  d'une  exhibition  de  vrais  enfants  du  céleste 
empire  où  l'on  entend  leurs  airs  nationaux  chantés  avec  accompagne- 
ment d'instruments  pleins  de  couleur  locale.  Figurez-vous  une  jeune  Chi- 
noise poussant  de  petits  cris  semblables  à  ceux  d'un  enfant  en  bas  âge,  et 
pinçant,  en  même  temps,  les  cordes  d'une  espèce  de  guitare  dont  les 
sons  n'ont  aucun  rapport  avec  les  notes  du  chant,  tandis  qu'un  vieillard 
frappe  au  moyen  de  deux  baguettes  sur  une  sorte  de  tambour  dont  le 
diapason  diffère  et  de  celui  de  la  voix  et  de  celui  de  la  guitare.  Tel  est 
le  concert  chinois,  fait  pour  plaire  à  des  oreilles  chinoises,  mais  qui  nous 
cause,  à  nous  Européens,  des  impressions  d'une  toute  autre  nature. 


IOUVELLES. 

V*  Demain  lundi,  à  l'Opéra,  le  Prophète,  chanté  par  Roger,  Mme  Tedesco 
et  Mlle  l'oinsot. 

*„*  Guillaume  Tell,  représenté  deux  fois  la  semaine  dernière,  lundi  et 
vendredi,  a  deux  fois  encore  rempli  la  salle. 

V  Mercredi ,  le  spectacle  se  composait  de  la  Xacarilla  et  de  la  Syl- 
phide. 

***  Le  Juif  Errant  s'avance  de  plus  en  plus  :  les  grandes  répétitions  sont 
commencées,  la  mise  en  scène  est  complète,  et  l'on  a  pu  déjà  juger  l'effet 
d'une  partie  des  décors,  qui  seront  magnifiques. 

%*  Des  propositions  magnifiques  viennent  d'être  adressées  par  diffé- 
rents théâtres  de  l'Allemagne  à  Bogerpour  l'emploi  de  son  congé.  Baden- 
Baden,  où  la  cour  de  Bussie  doit  passer  l'été,  s'est  surtout  signalé.  Zi,000 
florins  du  Rhin  (2,400  fr.)  par  soirée  lui  ont  été  offerts.  Boger  a  déjà  traité 
avec  Berlin  pour  le  mois  de  juin,  et  Munich  pour  le  mois  de  juillet. 

%*  L'engagement  de  Chapuis,  le  jeune  ténor,  vient  d'être  renouvelé. 

*t* Mme  Viardot  est  de  retour  de  son  voyage  en  Ecosse;  elle  restera 
quelques  mois  à  Paris,  mais  sans  aucune  intention  de  s'y  faire  entendre. 

V  Annoncer  la  rentrée  de  Mme  Darcier  à  l'Opéra-Comique,  c'était  dire 
en  même  temps  comment  la  charmante  actrice  y  serait  reçue,  applaudie, 


rappelée;  c'était  tracer  le  programme  d'une  fête  à  laquelle  rien  ne  devait 
manquer.  La  foule  s'y  est  portée  avec  un  tel  empressement,  que  nous  ne 
pouvons  en  parler  que  par  ouï-dire  :  Gar  à  peine  y  avait-il  moyen  de  pé- 
nétrer dans  la  salle,  encore  moins  d'y  trouver  une  place.  Nous  ne  dou- 
tons pas,  â'ailléUrS,  que  Mme  Darcier  n'ait  rapporté  avec  elle  le  talent  et 
la  grâce  qu'elle  possédait  à  un  si  haut  degré,  cl  que  le  succès  personnel 
de  l'actrice  ne  vienne  puissamment  en  aide  de  celui  du  Carillonneur  de 
Bruges,  dont  la  vogue  est  assurée  pour  longtemps. 

***  La  première  représentation  des  Barreaux  verts  a  été  retardée  de 
quelques  jours  par  suite  des  études  que  la  rentrée  de  Mme  Darcier  ren- 
dait nécessaires. 

*t*  La  première  représentation  du  Lutin,  opéra  en  un  acte  d'Adolphe 
Adam,  est  annoncée  pour  mercredi  prochain. 

*„*  Mardi  dernier,  le  Théâtre-Italien  donnait  pour  la  seconde  fois  le 
Barbier  de  Séville,  et  Lablache  y  remplissait  le  rôle  de  Bartolo,  avec  le 
talent  supérieur  et  la  verve  extraordinaire  qu'on  lui  connaît.  Sophie  Cru- 
velli ,  qui  se  multiplie  avec  tant  d'éclat  et  de  succès,  chantait  le  rôle  de 
Rosine,  et  Belletti  celui  de  Figaro.  Par  malheur,  Calzolari  était  malade  et 
ne  pouvait  faire  preuve  que  de  bonne  volonté.  Jeudi ,  on  a  donné  Norma. 
toujours  avec  Sophie  Cruvelli  ;  et  hier  samedi ,  Cenermtola,  avec  Lablache 
et  Mlle  d'Angri. 

*»*  L'empereur  de  Bussie  vient  de  conférer  à  Tamburini,  le  célèbre 
chanteur  italien,  une  médaille  d'honneur  en  or,  enrichie  de  diamants, 
avec  cette  inscription  en  russe  :  Pour  distinction.  Cette  médaille  doit  être 
portée  au  cou,  suspendue  au  ruban  de  l'ordre  de  Saint-André. 

*,*  La  Poupée  de  Nuremberg  poursuit  son  brillant  succès  de  musique  et 
de  gaité  à  l'Opéra-National. 

*%*  Les  journaux  de  Lyon  annoncent  le  mariage  de  Mlle  Lavoye  avec 
M.  Froment,  second  ténor,  attaché,  comme  elle,  au  Grand-Théâtre  de 
cette  ville. 

***  Mlle  Clauss  donnera  demain  lundi  son  troisième  concert.  La  jeune 
et  grande  pianiste  jouera  :  1"  la  fantaisie  sur  Lucie,  de  Liszt;  2"  romance 
sans  paroles,  de  Mendelssohn  ;  3°  sonate  en  ut  dièze  mineur,  de  Beetho- 
ven ;  4°  llexaméron.  Pour  la  partie  vocale,  Mlle  Ida  Bertrand  chantera 
l'air  (YOrfeo,  de  Gluck  :  Che  faro  senza  Euridice;  le  Brindisi,  de  Lucrèce 
Boigia,  et  la  Carolina,  canzonetta  italienne.  Wartel  dira  la  grande  scène 
de  folie  de  Charles  VI;  Sois  toujours  mes  seules  amours,  de  Schubert,  et  la 
Paix  du  tecur,  de  Beichel. 

*„.*  Le  concert  d'inauguration  que  l'Association  des  artistes  musiciens 
doit  donner  dans  la  salle  qui  lui  appartient,  bazar  Bonne-Nouvelle  (ancien 
Diorama),  aura  lieu  mercredi  prochain,  à  huit  heures  du  soir.  Le  pro- 
gramme se  recommande  autant  par  le  choix  des  morceaux  que  par  les 
noms  des  artistes.  L'orchestre,  conduit  par  M.  Georges  Bousquet,  exécu- 
tera l'une  des  plus  belles  symphonies  d'Haydn,  celle  en  ut  majeur  et  l'ou- 
verture de  concert,  de  Hummel.  L'excellent  violoniste  Léonard,  qui  s'est 
fait  si  vite  une  place  parmi  nos  premiers  artistes,  jouera  un  concerto  et 
des  variations  de  sa  composition.  Mme  Massart  ,  la  pianiste  au  jeu  si 
pur  et  si  nerveux,  exécutera  le  concerto  (en  sol  mineur)  de  Mendelssohn. 
Enfin,  comme  étude  musicale  et  comparaison  d'écoles,  .Mme  Léonard 
chantera,  de  sa  voix  si  exercée  et  si  expressive,  la  romance  française  de 
la  Nina,  de  Dalayrac,  et  la  scène  italienne  delà  Nina  de  Paisi.ello.  On 
peut  se  procurer  des  billets  à  la  salle  du  concert,  au  bureau  de  la  loterie, 
boulevart  Poissonnière,  et  chez  Brandus,  éditeur,  rue  de  Richelieu,  103. 
—  Prix  des  places  :  loges,  5  fr.  ;  stalles,  3  f r.  ;  parquet,  2  fr. 

*.,.*  Ernst,  le  grand  violoniste,  est  parti  mercredi  pour  Bàle,  où  il  doit 
jouer  dans  quelques  concerts.  H  sera  de  retour  à  Paris  vers  la  fin  du 
mois,  et  nous  espérons  l'entendre  encore  dans  un  concert  qu'il  donnera, 
au  commencement  du  mois  d'avril,  dans  la  salle  ITerz  ;  ensuite,  il  se 
rendra  à  Londres,  pour  y  passer  la  saison. 

*•„*  Alexandre  Batta  est  de  retour  à  Paris,  et  doit  y  donner  un  concert, 
le  2  avril,  dans  la  salle  IJerz.  Pendant  le  court  séjour  qu'il  vient  de  faire 
en  Hollande,  il  a  été  comblé  de  présents  par  le  roi  et  la  cour. 

*  *  Aujourd'hui  dimanche  lu  mars,  cinquième  séance  de  MM.  Alard  et 
Franchomme  dans  la  salle  Pleyel.  On  y  entendra  :  1°  quintette  en  ut,  d'a- 
près l'édition  allemande,  de  Mozart;  2°  fragments  de  la  sonate  eu  /; 
pour  piano  et  violoncelle,  de  Beethoven;  3°  minuettô  et  presto,  de 
Haydn;  A"  trio  en  si  bémol,  de  Mozart;  5°  8e  quatuor  en  mi  mineur, 
de  Beethoven. 

%*  Le  quatrième  concert  du  Cercle  musical  aura  lieu  jeudi  prochain  , 
jour  de  la  mi-carême,  à  la  salle  Sainte-Cécile,  sous  la  direction  de  A.  Ma- 
libran.  On  y  entendra  :  un  quintette  de  Beethoven,  pour  piano  et  instru- 
ments à  vent;  la  scène  de  chant  de  Spohr,  pour  le  violon,  dite  par  A.  Ma- 
libran  ;  la  symphonie  des  Enfants  d'Haydn,  redemandée;  les  ouvertures 
lïObéron,  de  Weber,  de  la  Chasse  <'u  Jeune  Henri,  de  Méhul,  et  quatre 
chœurs  de  Cimarosa,  Rossini  et  Meyerbeer. 

%*.  Voici  les  noms  des  artistes  qui  concourront  au  concert  de  Kruger  : 
Mlle  Naii,  MM.  Morelli,  Wartel,  Saint-Léon,  et  Charles  Kruger,  frère  du 
bénéficiaire  et  première  flûte  de  la  chapelle  royale  de  Stuttgard. 

V  La  Société  philharmonique  de  Paris  donnera  un  grand  concert  au 
bénéfice  de  AI.  Aimé  Roussette,  chef  d'orchestre  de  la  Société,  le  dimanche 
21  mars  courant,  à  uneheure,  dans  la  salle  Sainte-Cécile,  49  bis,  Chaussée- 
d'Antin.  On  y  entendra  MM.  Saint-Léon,  Gillette,  Ferdinand  Michel; 
Aimes  Theresa  Micheli,  Rouvroy  et  Alixe.  Al.  Victor  D. ..  chantera  des  chan- 
sonnettes comiques.  L'orchestre ,  composé  de  120  musiciens,  exécutera 
les  ouvertures  de  la  Pie  voleuse,  delà  i  iolnte  et  delà  Sirène. 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS. 


%*  M.  Lagarin,  violon  distingué,  dont  nous  avons  souvent  constaté  les 
succès,  doit  donner  un  concert  avec  le  concours  de  MM.  Goria,  Meillet. 
Malézieux,  etc.,  Mmes  Yvens  d'Hennin,  Rouvroy,  Paris  et  Lagarin,  le  sa- 
medi 27  mars,  à  8  heures  du  soir,  rue  Saint-Georges,  salle  Sax. 

%*  M.  Stamaty  donnera  une  soirée  mercrdi  '2k  de  ce  mois,  à  8  heures 
du  soir,  dans  les  salons  de  Pleyel. 

*„*  M.  Rodolphe  de  Winterfeldt,  conseiller  à  la  cour  de  justice  supé- 
rieure de  Berlin,  et  l'un  des  plus  savants  écrivains  théoriciens  sur  la  mu- 
sique que  l'Allemagne  ait  produits,  vient  de  mourir  à  Berlin,  à  l'âge  de 
soixante-sept  ans.  On  lui  doit  plusieurs  ouvrages  importants,  au  nombre 
desquels  se  distinguent  particulièrement  les  ReJienhes  sur  le<  chorals  de 
Martin  Luther,  et  Jeun  Gabrielli  et  son  sied-.  Cette  dernière  œuvre  contient 
une  histoire  de  la  musique  pendant  tout  le  xviii0  siècle. 

*„*  M.  Joseph  Drechsler,  maître  de  chapelle  de  l'église  métropolitaine 
de  Saint-Etienne,  à  Vienne,  vient  de  mourir  dans  cette  capitale  à  l'âge 
de  70  ans.  Outre  un  grand  nombre  de  comédies  â  ariettes  (Singspiele) ,  on 
doit  à  M.  Drechsler  dix  grandes  messes,  un  Requiem,  deux  Te  Deum,  une 
Méthode  pour  l'orgue,  une  Théorie  du  contre-point  et  un  Guide  des  pré- 
ludes. 

CRON1QUE   DÉPARTEMENTALE. 

"  ,,*  Marseille,  5  mars.  —  La  Giralda,  d'Adolphe  Adam,  vient  d'être  re- 
présentée et  de  réussir  ici  comme  partout.  La  pièce  et  la  partition  se  sont 
partagé  les  suffrages.  Aime  Charton-Demeur  s'est  surpassée  comme  chan- 
teuse et  comme  actrice.  Elle  a  vocalisé  avec  tant  d'éclat  et  de  finesse  que 
les  applaudissements  sont  partis  à  plusieurs  reprises  de  tous  les  points  de 
la  salle,  et  qu'aux  bravos  unanimes  s'est  mêlée  une  pluie  de  fleurs. 


***  Angers.  —  Les  Deux  Sergents,  de  N.  Louis,  viennent  d'être  repré- 
sentés avec  un  très-grand  succès. 

CHRONIQUE     ÉTRANGÈRE. 

\*  Cologne,  6  mars. —  La  troupe  italienne  qui  naguères  était  à  Bruxel- 
les, est  maintenant  engagée  ici,  et  nous  avons  eu  pour  la  première  fois 
un  opéra  italien.  Les  représentations  ont  commencé  par  le  Barbier  de  Sé- 
ville,  précédé  d'une  symphonie  nouvelle,  In  freitn  (on  plein  air)  et  com- 
posée à  Paris  par  Ferdinand  Ililler. 

%*  Berlin.  —  C'est  le  19  du  mois  que  Mlle  Wagner  chantera  pour  la 
dernière  fois  au  Théâtre-Royal  avant  son  départ,  fixé  au  25.  La  célèbre 
cantatrice  se  rendra  d'abord  â  Leipzig  :  ce  n'est  qu'au  mois  de  mai  qu'elle 
doit  partir  pour  Londres.  — L'ouverture  de  l'établissement  Kroll,  qui  a  eu 
lieu  ces  jours-ci,  est  un  des  événements  les  plus  remarquables  dans  la  vie 
publique  et  artistique  de  notre  capitale.  L'orchestre,  dirigé  par  M.  Engel, 
violoniste  distingué,  se  compose  de  36  artistes;  il  y  a  un  soliste  pour  cha- 
que instrument. 

%*  Weimar.  —  Franz  Liszt  vient  de  terminer  une  grande  fantaisie  sur 
le  choral  du  rrophète,  avec  fugue,  pour  orgue.  Cette  composition  du  cé- 
lèbre pianiste  est  dédiée  à  Meyerbeer. 

*„.*  Stultgard.  —  Le  22  février,  l'opéra  d'Halévy,  le  Val  d'Andorre,  a  été 
représenté  avec  le  plus  éclatant  succès,  sous  la  direction  de  M.  Kucken. 

*„.*  Rome.  —  Le  gouvernement  papal  a  cru  voir  une  profanation  dans 
le  titre  //  Giuramento,  de  l'opéra  de  Mercadante,  le  serment  étant  une 
chose  sacrée.  Désormais  la  partition  de  Mercadante  sera  jouée  sous  le  titre 
de  :  Amore  e  Uovtre.  (Amour  et  Devoir). 


Le  gérant  :  Ernest  OESCHAMPS. 


EN  VENTE,  CHEZ  Mme  Ve  LAUNER,  EDITEUR,  BOULEVART  MONTMARTRE,  16, 


Opéra-comique  en  3  actes, 
POEME  DE  MM.  J.  GABRIEL  ET  SYLVA»!  St-ÊTIEMNE, 

Musique  de 

CATALOGUE  THÉMATIQUE  DES  MORCEAUX  DÉTACHÉS  AVEC  ACCOMPAGNEMENT  DE  PIANO  PAR  A.  DE  GARAUDÉ. 
OUVERTURE,  Maestoso,  prix  :  7  fr.  50. 


1.  Prière  chantée  en  chœur  :  «  Dieu  puissant,  Dieu  notre  père.  ».     .    .  3    » 

2.  Couplets  chantés  par  M.  Bouché  :  «  Hardis  marins,  braves  amis.  ».  6  50 

3.  Romance  chantée  par  M.  Philippe  :  «  Zora,  je  cède  à  ta  puissance.   »  3     » 
tt.  Trio  chanté  par  Mlles  Duez,  Guichard  et  M.  Philippe:  «  Chez  votre 

jeune  reine  » 9     » 

5.  Ballade  chantée  par  Mlle  Duez:  «  Entendez-vous  dans  les  savanes.  »  6    » 

5  bis.  La  même  transposée  un  ton  plus  bas  pour  mezzo  soprano  ...  6    » 

6.  Air  chanté  par  M.  Bouché  :  «  Jusqu'à  ce  jour,  sans  désir,  sans  envie.»  6    » 

6  bis.  Le  même  transposé  un  ton  plus  haut  pour  baryton 6     » 

7.  Boléro  chanté  par  Mlle  Guichard  :«  La  belle  fête  pour  Zora!  »     .     .  6     » 

8 .  Duo  chanté  par  Mlle  Duez  et  M.  Philippe  :  «  Enfin,  l'on  nous  laisse.  »  7  50 

Airs  rie  ballet  :  N°  1,  Fandango  et  Tarentelle;  N°  2,  Rondena;  N°  3,  Marche. 

GRANDE  PARTITION  D'ORCHESTRE,  PRIX  :  «00  FR.  —  PARTIES  D'ORCHESTRE,  PRIX 

Ptirlilion,  giittno  et  clwnl.  in-iar  net,  is  fr. 


9.  Cauatine  chantée  par  Mlle  Duez  :  «  Quand  sur  notre  beau  navire.  ».  4  50 

9  bis.  La  même  transposée  un  ton  plus  bas a  50 

10.  Duo  chanté  par  MM.  Soyer  et  Bouché  :  «  Tu  sais  comment  je  récom- 
pense. >■ 7  50 

11 .  Quatuor  chanté  par  Mlle  Duez,  MM.  Philippe,   Soyez  et  Bouché  : 
«  Dans  mon  âme  éperdue.  » 5» 

12.  Couplets  du  Mysoli  chantés  par  Mlle  Duez:  «Charmant  oiseau  qui 
sous  l'ombrage.  » 4  50 

12  bis.  Les  mêmes  transposés  un  ton  plus  bas  pour  mezzo  soprano.     .     .  4  50 

13.  Duo  chanté  par  Mlle  Duez  et  M.  Philippe  :  «  Ah!  mon  ami,  pour  cal- 
mer ma  souffrance.  » 7  50 

14.  A  ir  avec  chœur  chanté  par  M.  Bouché:  «  Après  avoir  bravé.   ».     .    .  7  50 


400  FR. 


QUADRILLES  PAR  MUSARD. 


Si'liotiisrli,  Valse,  Polka,  Rcdovra  et  morceaux  d'arrangement  au  piano  par  les  auteurs  les  plus  en  vogue. 


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OPERA-COMIQUE  EN  UN  ACTE,  PAROLES  DE  MM.  DE  LEUVEN  ET  ARTHUR  DE  BEAUPLAN, 

Musique  de 

AU.     MlBlkWK. 

Parution  pour  chant  et  piano,  in-8".  —  Grande  partition  et  parties  d'orchestre. 

MORCEAUX    DÉTACHÉS    AVEC    ACCOMPAGNEMENT    DE    PIANO,    PAR    L.     CROHARÉ. 
LOKVEHïUBE    POUR    FIAKO   SEUIi  :  G  fip. 


1.  Couplets  pour  voix  de  basse  chantés  par  M.  Grignon  :  «  Le  rêve 

de  toute  ma  vie.  » 3     » 

2.  Atr  de  baryton  chanté  par  M.  Meillet  :  «A  moi  la  jeunesse.»  5     » 
2  bis.  Le  même  transposé  pour  ténor 5     » 

3.  Duo  de  la  valse  pour  soprano  et  baryton  chanté  par  Mlle  Rouvroy 

et  M.  Meillet  :  «  Me  voilà  !  oui  c'est  elle,  c'est  ma  belle.  »  9    » 


tranil  air  de  soprano  chanté  par  Mlle  Rouvroy  :  «  Où  suis-je? 
Oui  suis-je?  Quel  prestige?  i 5     » 


5.  Couplets  pour  soprano  chanté  par  Mlle  Rouvroy  :   «  Quand  je 
commande,  attention,  silence  !  » 3  75 

ÏÏJX  QWJAnKlJjIjE  et  MJXE   VALSE  de  MUSARIi. 

REDOWA   par   PASDELOUP.  |  POLKA    par   PILODO. 

Morceaux  pour  piano,  par  Burgmuller,    Eecarpentler,  Rosellen  et  Cb.  Vos», 


i'i-,nn:i;n:  clviuale  de  napoléon  ciiaix  et  < 


nui:  BERGERS,  20. 


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l.lNbonnc. 

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REVUE 


21  Mars  1882. 

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'20  centime  1»  ligne pour  0  fois. 

Lo  Jouruul  pjniit  le  Dimanche. 


GAZETTE  MUSICALE 


DE    F^SÏS 


SOMMAIRE.  —  théâtre  de  l'Op'éra-Çomi^ue,  le  Farfadet,  iibretto  de  M.  Planard 
partition  d'Adolphe  Adam  (V   représentation),  par   Henri  Blanchard.    — 

Philosophie  de  la  musique.  —  Auditions   musicales,  Société  Sainte-Cécile,  Mlle 
Clauss,  etc.,  par  Henri    Blanchard.  —  Nouvelles  et  annonces. 


THEATRE  DE  L'OPERA-COMIQUE. 

M-:    FARFADET, 

Opéra  comique  en  un  acte  ;  libretlo  de  M.  de  Planard  ,  partition  de 
M.  Adolphe  Adam. 

(Première  représentation,  19  mars  1852.) 

L'origine  de  l'opéra  comique,  son  titre,  ses  annales  prouvent  sur- 
abondamment que  c'est  le  rire,  provoqué  même  par  le  genre  bouffon  , 
grotesque,  qu'on  vient  chercher  à  ce  théâtre.  L'auteur  de  Stratonice  et 
de  Joseph,  notre  grave  et  mélancolique  Méhul ,  n'a-t-il  pas  écrit  Une 
folie,  l'Irato  et  le  Trésor  supposé"!  Le  farfadet,  représenté  avant-hier 
au  théâtre  Favart,  est  dans  les  conditions ,  la  poétique  de  ces  libretti , 
qui  plaisaient  tant  à  nos  pères  et  même  à  nos  contemporains.  Le  Far- 
fadet sera  donc  une  continuation  du  rire  héréditaire  qui  nous  saisit  à 
l'audition  de  ces  poèmes  rétrospectifs  et  naïfs ,  bâtis  sur  la  peur  et  les 
quiproquo,  qui  paraissent  toujours  neufs  dans  une  foule  de  pièces  amu- 
santes, et  notamment  dans  les  Rendez-vous  bourgeois. 

Le  futur  de  la  fille  d'un  meunier  des  Pyrénées  passe  pour  avoir  été 
tué  par  des  contrebandiers  espagnols.  On  le  regrette  ;  mais  la  jeune 
meunière  va  épouser  le  garçon  meunier,  par  ordre  de  son  père,  bien 
que  la  servante  du  moulin  aime  ce  garçon  superstitieux  et  poltron,  qui 
croit  aux  revenants  comme  le  meunier,  lui-même,  au  reste,  et  toute  la 
famille.  Notre  amoureux,  qui  n'a  été  que  blessé,  prisonnier  en  Espagne, 
revient  et  se  met  en  possession  du  moulin  en  qualité  de  farfadet,  de 
lutin  du  foyer,  comme  le  Trilby  de  Charles  Nodier.  11  prend  plaisir 
à  tourmenter,  à  effrayer,  àenfariner  son  rival,  jusqu'à  ce  que  reconnu, 
quoique  caché  dans  ce  sac  ridicule  où  Scapin  s'enveloppe,  il  reprenne 
possession  du  cœur  de  la  jeune  meunière,  qui  devient  sa  femme, 
comme  la  servante  du  moulin  épouse  le  garçon  meunier  qui  n'avait 
pas  cessé  de  l'aimer. 

Sur  cette  donnée  claire  et  d'une  gaîté  classique,  M.  Adam  a  jeté  des 
mélodies  et  des  harmonies  de  sa  façon,  c'est-à-dire  des  chants  aisés  à 
comprendre,  à  retenir,  avec  des  accompagnements  lestes,  pimpants,  et 
une  instrumentation  aussi  riche  que  le  comporte  le  sujet  ;  et  en  ce 
genre,  on  peut  citer  l'orage  qui  fond  sur  le  pauvre  moulin,  et  qui 
épouvante  si  bien  ses  habitants.  Ce  tableau  de  musique  imitative  est 
vigoureusement  tracé.  Lèvent  souffle  bien  à  travers  la  montagne,  agite 
les  fenêtres,  les  portes,  la  toiture  ;  la  pluie  tombe  à  torrents  sur  tout 
cela  :  c'est  bien  une  tempête  dans  les  montagnes  qui  répercutent  tous 
ces  bruits  poétiques  de  la  nature. 


L'ouverture  est  ce  qu'elle  doit  être,  facile,  légère,  avec  un  joli  thème 
de  rondo,  précédé  d'ingénieuses  harmonies  dans  l'introduction  ,  et  de 
pittoresques  effets  de  triangles  dans  la  péroraison.  Si  le  triangle  est  un 
instrument  oriental  de  sa  nature,  qui  se  marie  au  mieux  avec  le  chapeau 
chinois,  il  exprime  bien  aussi ,  dans  un  sujet  champêtre  et  villageois,  , 
le  tintement  des  clochettes  du  troupeau.  Les  couplets  dits  par  la  fille  du 
meunier  et  le  garçon  du  moulin  ont  tout  l'entrain  d'une  chanson  de 
table,  fort  bien  encadrés  dans  l'introduction.  Après  un  quatuor  bien  fait, 
viennent  encore  deux  couplets  chantés  par  les  deux  jeunes  filles,  et  ter- 
minés par  un  petit  ensemble  ou  refrain  plein  de  grâce  et  de  naïveté. 

A  son  arrivée  dans  le  moulin,  l'amoureux  farfadet  chante  un  air 
d'une  franche  mélodie,  qui  résonne  largement  dans  la  voix  sympathique 
de  M.  Bussine,  chargé  du  rôle  principal. 

Un  joli  duo  entre  le  garçon  meunier  et  la  servante  du  moulin  ren- 
ferme une  phrase  de  mystérieuse  et  délicieuse  mélodie  sur  ces  mots  : 
C'est  le  vent  qui  murmure,  c'est  le  vent,  etc.  Après  ce  duo,  il  en  vient 
un  autre  à  trois  temps,  plein  d'animation  et  d'effets  pittoresques,  entre 
autres,  celui  des  hou!  hou  !  alternatifs,  hous,  hous,  de  loup-garoux  , 
auxquels  vient  se  joindre  le  fracas  de  l'orage  dont  nous  avons  parlé 
plus  haut  ;  puis,  à  tout  ce  tumulte  harmonique  succède  une  suave  mé- 
lodie sur  ces  mots  que  s'adressent  pianissimo  les  habitants  du  moulin, 

Dans  les  airs  plus  de  bruit, 
Bonne  nuit,  bonne  nuit. 

La  lecture  des  lettres  du  farfadet  à  tous  ses  amis  du  moulin  en  style 
fugué  est  franchement  comique;  et  puis  ledit  farfadet,  enfermé 
dans  un  vaste  sac  à  farine,  apparaît  comme  la  statué  du  comman- 
deur dans  le  Don  Juan  de  Mozart.  Le  spirituel  compositeur  a  saisi 
cette  occasion  de  faire  sentir  cette  similitude  do  situation  en  mettant 
dans  son  orchestre  l'harmonie  étrange  et  de  l'autre  monde  sur  la 
mélodie  de  Mozart,  mélodie  syncopée  et  contrainte,  et  toute  empreinte 
de  mélancolie  qui  semble  avoir  été  envoyée  de  l'enfer  au  célèbre  com- 
positeur. Quand  à  cet  esprit  de  citation  se  joignent  des  mélodies  trou- 
vées, franches  et  gaies,  il  ne  peut  qu'en  résulter  un  succès  des  plus 
brillants  et  des  plus  populaires,  et  c'est  ce  qui  a  eu  lieu. 

MM.  Lemaire  et  Bussine  ont  été  d'un  comique  franc  et  naturel  ; 
M.  Jourdan  s'est  montré  ce  qu'il  est  toujours,  comédien  intelligent  et 
soigneux,  et  chanteur  sûr  et  agréable.  Mlle  Tillemont  ou  Talmon, 
comme  il  lui  plaira,  est  fort  gentille  en  petite  meunière  ;  et  la  servante 
du  moulin,  Mlle  Lemercier,  indique  fort  bien  par  son  jeu  franc  et  dé- 
cidé qu'en  devenant  latfemme  légitime  du  garçon  meunier,  elle  sera  la 
maîtresse  de  son  mari. 

Henri  BLANCHARD. 


90 


REVEE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


PHILOSOPHE  DE  LA  MUSIQUE. 

La  Gazette  musicale  a  fait  connaître  à  ses  lecteurs,  à  diverses  re- 
prises, l'existence  d'un  cercle  artistique  à  Bruxelles,  société  d'hommes 
d'élite  qui  s'est  donné  la  mission  de  propager  le  goût  de  l'art  en  Bel- 
gique, et  dont  beaucoup  de  membres  sont  comptés  parmi  les  talents  les 
plus  remarquables  du  pays  dans  la  peinture,  la  sculpture,  l'architecture, 
la  musique,  les  lettres  et  les  sciences.  A  certains  jours,  la  Société  se 
réunit  pour  assister  à  des  séances  artistiques,  littéraires  ou  scientifi- 
ques; elle  admet  dans  ces  assemblées  tous  les  étrangers  de  distinction. 

Le  Cercle  n'avait  pas  perdu  le  souvenir  de  l'enthousiasme  que  M.  Eé- 
tis  y  avait  excité  il  y  a  deux  ans  dans  un  cours  de  cinq  séances  qui 
avaient  pour  objet  un  sommaire  de  l'histoire  de  la  musique,  véritables 
concerts  historiques  dont  les  morceaux,  choisis  dans  ce  que  l'art  a 
produi  tde  plus  beau,  furent  exécutés  avec  une  rare  perfection  par  les 
professeurs  et  les  élèves  du  Conservatoire.  Depuis  lors,  M.  Fétis  avait 
été  souvent  et  vivement  sollicité  pour  la  reprise  de  séances  du  même 
genre  ;  mais,  trop  occupé  par  les  devoirs  de  sa  position  et  par  ses  tra- 
vaux, il  n'avait  pu  se  rendre  au  désir  de  ses  collègues.  Enfin,  il  vient 
de  céder  à  leurs  instances,  et  a  donné  récemment  une  première  séance 
dont  l'intérêt  n'a  pas  été  moins  vif  que  celui  des  précédentes,  et  qui  a 
été  accueillie  par  des  applaudissements  unanimes  et  chaleureux.  Nous 
avons  recueilli  l'improvisation  du  professeur,  et  nous  croyons  être 
agréable  aux  lecteurs  de  la  Gazette  musicale  en  la  reproduisant. 
M.  Fétis,  accueilli  par  des  témoignages  de  sympathie  à  son  entrée  dans 
la  salle,  s'est  exprimé  en  ces  termes  : 

«  Messieurs, 

»  Je  me  propose  de  rechercher  dans  cette  conférence  quels  sont  les 
caractères  du  beau  dans  la  musique.  J'aurai  l'honneur  de  vous  faire 
entendre,  à  l'appui  de  mes  idées  sur  ce  sujet,  quelques  morceaux  célè- 
bres qui  appartiennent  à  des  époques  diverses,  et  dont  le  caractère 
esthétique  est  différent.  Mais  avant  d'aborder  le  sujet  spécial  dont  j'ai 
à  vous  entretenir,  il  est  nécessaire  que  je  vous  présente  quelques  con- 
sidérations générales  sur  l'origine  de  l'idée  que  nous  avons  du  beau, 
sur  l'imagination  qui  la  réalise,  et  sur  les  actes  qui  en  sont  le  produit. 
En  l'absence  de  ces  préliminaires,  il  me  serait  difficile  d'éviter  l'obscu- 
rité de  langage  dans  l'exposé  de  la  théorie  du  beau  musical. 

»  Une  opinion  ancienne,  établie  en  principe  par  l'abbé  Batteux  , 
Burke,  Diderot  et  quelques  autres,  veut  que  les  arts  aient  pour  objet 
l'imitation  de  la  nature.  Cette  opinion  dérive  d'un  système  de  philo- 
sophie qui  fait  tout  venir  des  sens.  J'espère  vous  démontrer  que,  dans 
son  acception  rigoureuse,  cette  opinion  n'a  d'autre  fondement  qu'un 
préjugé.  L'homme  n'est  pas  le  copiste  de  la  nature  :  il  s'inspire  de  son 
spectacle  et  lui  dérobe  ses  formes  pour  composer  des  œuvres  qu'il  ne 
doit  qu'à  son  propre  génie.  Si  l'artiste  n'avait  pour  objet  de  son  œuvre 
que  l'imitation  de  la  nature,  son  travail  serait  pour  lui  une  source  de 
déceptions  et  de  désespoir  ;  car  la  vie  réelle  qui  anime  la  nature  don- 
nerait toujours  au  modèle  une  incomparable  supériorité  sur  la  copie. 

»  En  donnant  cette  imitation  pour  but  aux  arts,  on  suppose  néces- 
cessairement  que  l'illusion  est  pour  eux  le  dernier  terme  de  la  perfection, 
ce  qui  est  bien  loin  de  la  vérité.  Si  l'on  en  veut  la  preuve,  qu'on  se 
souvienne  du  Diorama,  où  la  représentation  atteint  un  degré  d'illu- 
sion qu'on  ne  trouvera  jamais  dans  la  peinture  véritable.  Tous  les 
objets  s'y  présentent  en  relief;  il  semble  que  la  main  aille  les  toucher. 
Cependant,  qui  a  jamais  songé  à  mettre  en  parallèle  les  tableaux  du 
Diorama  avec  ceux  qui  font  la  gloire  des  grands  peintres,  si  ce  n'est  le 
vulgaire,  dont  les  sens  sont  plus  exercés  que  l'intelligence  et  le  senti- 
ment ?  Loin  d'être  un  perfectionnement  de  la  peinture  par  l'imitation 
exacte  de  la  nature,  le  Diorama  est ,  au  contraire,  dans  un  ordre  très- 
inférieur,  par  cela  seul  que  son  but  est  l'illusion.  Ce  qui  le  prouve, 
c'est  que  la  nature  organique  ne  peut  paraître  dans  ces  tableaux  qu'à 
l'état  de  cadavre.  L'homme  debout  y  manquerait  de  mouvement  et  de 
vie  :  dès  lors,  l'illusion  serait  détruite.  Or,  personne  n'a  jamais  remar- 
qué que  les  personnages  ne  se  meuvent  pas  dans  les  tableaux  des 


grands  artistes  ;  car  ceux-ci  y  ont  mis  le  mouvement  et  la  vie  de  l'art, 
qui  ne  sont  pas  ceux  de  la  nature. 

»  Examinées  d'une  manière  superficielle,  la  peinture  et  la  sculpture 
ont  pu  faire  naître  la  fausse  doctrine  que  je  viens  combattre  ;  mais  le 
principe  de  l'imitation,  qui  offre  quelque  vraisemblance  appliqué  aux 
arts  figuratifs,  n'a  plus  de  sens  lorsqu'il  s'agit  de  ceux  qui  ne  s'adres- 
sent pas  aux  yeux,  comme  la  musique  et  la  poésie.  Le  poëte,  n'est-ce 
pas  celui  qui  crée  l'édifice  aérien  de  l'idéal  et  du  beau ,  non  de  rien 
(ce  qui  n'est  pas  donné  à  l'homme),  mais  de  matériaux  imparfaits, 
fournis  par  le  monde  extérieur  ?  N'est-ce  pas  en  ce  sens  que  nous 
appelons  poètes  le  grand  peintre  et  la. grand  musicien  ? 

■  »  L'homme  a  sans  doute  besoin  d'observer  et  d'étudier  la  nature  pour 
avoir  la  connaissance  réfléchie  des  types  qui  lui  sont  fournis  par  la  raison , 
types  qu'il  doit  réaliser  par  l'entremise  de  l'imagination  et  avec  le  se- 
cours de  l'art.  A  cet  égard ,  les  idées  esthétiques  sont  dans  les  condi- 
tions communes  à  toute  idée  rationnelle  ;  elles  sont  dans  la  catégorie 
d'un  grand  nombre  de  notions  qui  ne  dérivent  pas  directement  des 
sens,  et, qui  néanmoins  ne  peuvent  être  saisies  avec  lucidité,  si  la  sen- 
sibilité n'entre  pas  en  exercice  et  n'est  pas  affectée  par  les  objets  qui 
répondent  aux  conceptions  de  l'esprit.  Ainsi ,  l'action  de  la  nature  sur 
les  sens  n'engendre  pas  nos  idées  de  l'art  :  elle  se  borne  à  les  éveiller, 
et  joue  à  leur  égard  le  rôle  de  simple  occasion,  et  non  d'une  cause 
efficiente. 

»  Mais  le  monde  extérieur,  qui  nous  fait  connaître  les  formes  des 
objets,  ne  nous  fournit  aucune  des  idées  générales  par  lesquelles  nous 
pouvons  les  apprécier.  Cette  chose  est  un  arbre,  cette  autre  est  un  ro- 
cher :  observez-les  avec  attention,  vous  apprendrez  à  distinguer  les 
détails  de  leur  conformation.;  mais  en  vain  les  contempleriez-vous  pen- 
dant des  siècles,  vous  n'en  tireriez  pas  l'idée  de  beauté  ;  car  les  choses 
ne  peuvent  donner  que  ce  qui  est  en  elles.  Une  idée  ne  peut  donc  sortir 
d'une  chose  matérielle.  Dira-t-on  que  l'idée  de  beauté  peut  naître  de 
la  comparaison  des  objets  entre  eux?  Mais,  dans  la  diversité  d'objets 
qui  sont  sous  vos  yeux,  qui  vous  apprendra  qu'ici  est  la  beauté,  et  que 
là  est  la  laideur  ?  Aurez-vous  recours  aux  proportions  pour  expliquer 
le  jugement  esthétique?  Vous  n'arriverez  pas  mieux  à  l'explication  du 
phénomène  ;  car  de  quelle  manière  peut-on  connaître  les  proportions 
qui  font  la  beauté  du  visage,  par  exemple?  Ce  n'est  pas  sans  doute  par 
l'expérience,  puisque  la  nature  ne  nous  montre  jamais  un  visage  doué 
d'une  beauté  parfaite.  Supposons  cependant  que  ce  beau  modèle  existe 
et  que  nous  soyons  assez  heureux  pour  le  rencontrer  :  comment  sau- 
rons-nous que  ce  visage  privilégié  est  plus  parfait  que  les  autres?  A  son 
aspect,  notre  jugement  serait  sans  doute  dicté  par  une  voix  secrète  qui 
nous  obligerait  à  dire  :  Cela  est  beau.  Mais  qu'est  ce  que  cette  voix  in- 
térieure, sinon  l'intuition  mentale  d'un  type  dont  l'accord  avec  l'objet 
externe  nous  révèle  la  perfection  de  celui-ci?  C'est  ce  type,  dont  l'exis- 
tence dans  l'âme  du  peintre  et  du  statuaire  précède  la  manifestation  de 
l'objet  qui  le  réalise ,  mais  n'est  saisissable  qu'au  moment  où  cet  objet 
apparaît;  c'est  ce  type,  dis-je,  qui  fait  distinguer  à  l'artiste  dans  ses 
modèles  ce  qui  a  le  caractère  de  la  beauté,  ce  qui  en  est  dépourvu,  et 
lui  fait  choisir  dans  l'un  telle  partie ,  dans  l'autre  telle  autre  ,  pour  en 
composer  l'être  idéal  dont  il  a  la  conception.  Si  la  notion  de  beauté  ne 
partait  de  lui,  il  est  évident,  que  le  choix  serait  impossible. 

»  L'imagination,  dont  l'objet  est  de  représenter  l'idéal  parle  réel, 
est  la  faculté  esthétique  par  excellence.  C'est  l'imagination  seule  qui 
perçoit  le  caractère  du  beau  et  qui  le  détermine.  La  même  relation  qui 
existe  entre  les  trois  objets,  le  vrai,  le  beau  et  le  réel,  se  retrouve  entre 
les  trois  facultés  de  l'organisation  humaine,  la  raison,  l'imagination,  la 
sensibilité.  L'imagination ,  qui  contemple  le  beau  et  qui  le  réalise  par 
la  synthèse  de  l'idéal  et  du  réel,  n'accomplit  son  œuvre  qu'autant  que 
la  raison  l'éclairé.  La  beauté  consiste  dans  un  rapport  ;  or  un  rapport 
ne  peut  exister  qu'entre  deux  termes  au  moins  :  si  l'on  supprime  l'idéal 
ou  le  réel,  la  beauté  s'évanouit;  si  d'autre  part,  on  supprime  la  raison 
ou  la  sensibilité,  l'imagination  devient  impossible.  Toutefois  il  ne  faut 
pas  confondre  l'imagination  avec  ses  conditions  essentielles,  ni  le  beau 


DE  PARIS. 


avec  les  éléments  qui  le  constituent.  On  voit  donc  qu'il  y  aurait  égale 
erreur  à  ramener  la  théorie  du  beau  à  la  raison  pure,  ou  à  la  faire  ren- 
trer uniquement  dans  le  domaine  de  la  sensibilité. 

»  L'imagination  n'accomplit  son  œuvre  qu'à  l'aide  d'une  multitude 
de  facultés  dont  elle  est  incessamment  escortée,  et  qui  en  sont  ou  les 
conditions  ou  les  auxiliaires.  L'œuvre  du  poète  ou  de  l'artiste  suppose 
lout  ensemble  la  sensibilité  qui  éprouve  les  impressions  et  perçoit  les 
images,  la  mémoire  imaginative  qui  les  recueille  et  les  conserve, 
l'abstraction  qui  les  généralise,  le  goût  qui  les  épure,  la  raison  qui 
conçoit  la  pensée  supérieure,  type  et  idéal  de  l'œuvre  entière,  l'ima- 
gination proprement  dite  qui  traduit  la  conception  métaphysique  en 
symbole,  et  enfin  l'effort  de  la  volonté  qui  combine  les  divers  éléments 
et  en  fait  un  tout  harmonieux,  une  composition  véritable.  La  prédomi- 
nance de  telle  ou  telle  de  ces  facultés  explique  les  variétés  de  l'imagi- 
nation. 11  en  est  qui  se  distinguent  par  un  vif  sentiment  et  par  une 
représentation  fidèle  de  la  réalité,  à  tel  point  que  la  part  de  l'idéal  s'y 
laisse  à  peine  apercevoir.  Chez  d'autres,  la  conception  est  forte,  mais 
le  goût  n'y  a  que  peu  de  part,  et  l'exécution  se  ressent  de  son  absence. 
Dans  certaines  imaginations,  le  sentiment  exalté  de  l'idéal  efface  les 
impressions  de  la  réalité  :  dans  leurs  œuvres,  la  métaphysique  étouffe 
la  passion.  Enfin  ,  il  est  des  imaginations  qui  saisissent  le  rapport  de 
l'idéal  et  du  réel  dans  cette  parfaite  mesure  et  cette  harmonie  pleine 
de  charme  et  de  force  qui  font  la  beauté  par  excellence.  Je  l'avouerai, 
en  pensant  à  ces  imaginations  privilégiées,  les  noms  de  Raphaël  et  de 
Mozart  se  présentent  à  mon  esprit. 

»  Ce  qui  se  fait  remarquer  dans  la  diversité  de  partage  des  facultés 
d'où  dépendent  les  différentes  imaginations  créatrices,  est  exactement 
semblable  à  ce  qui  a  lieu  à  l'audition  ou  à  la  vue  des  œuvres  de  l'art. 
La  diversité  de  goût  et  de  jugement  chez  les  hommes  impressionnés 
par  ces  œuvres,  naît  précisément  de  l'inégalité  du  partage  des  facultés 
esthétiques.  L'une  ou  l'autre  de  ces  facultés  venant  à  dominer,  affai- 
blit d'autant  les  autres,  et  détermine,  en  conséquence,  le  caractère  de 
l'impression  et  le  jugement  que  celle-ci  provoque.  J'ajoute  que  toutes 
nos  facultés  se  développent  par  l'exercice  ,  et  qu'en  les  laissant  dans 
l'inaction  on  les  paralyse  ;  ce  qui  explique  pourquoi  les  œuvres  d'art 
lus  plus  belles  laissent  impassibles  certaines  individualités  que  la 
contemplation  du  beau  n'a  pas  perfectionnées. 

»  Si  le  temps  ne  me  pressait,  j'aurais  à  expliquer  à  mon  intelligent 
auditoire  comment  l'artiste,  dominateur  de  la  nature  dans  la  concep- 
1  ion  de  son  œuvre,  devient  son  esclave  dans  l'exécution  ;  comment  la 
dextérité,  si  grande  qu'elle  soit,  trahit  le  sentiment  par  impuissance; 
comment  la  convention  prend  parfois  la  place  de  l'idéal  et  du  vrai  ; 
enfin,  comment  l'art  peut  dégénérer  en  procédés  de  pratique  ;  mais 
j'ai  hâte  d'arriver  à  l'objet  principal  de  cette  séance.  Il  me  suffit  pour 
ce  qui  me  reste  à  dire,  d'avoir  établi  précédemment  la  relation  intime 
de  l'idéal  et  du  réel  dans  les  œuvres  d'art  qui  ont  pour  objet  les  repré- 
sentations extérieures,  ou  l'impression  des  idées  déterminées. 

»  La  tâche  qui  me  reste,  à  remplir  est  plus  difficile  ;  si  difficile,  que  les 
plus  grands  philosophes  de  l'antiquité  et  des  temps  modernes  y  ont  échoué , 
ou  n'ont  pas  osé  s'y  hasarder.  Persuadés  que  la  musique  fait  avec  les  sons 
ce  que  font  la  peinture  avec  le  crayon  et  la  couleur,  la  sculpture  avec  le 
marbre,  et  la  poésie  avec  la  parole,  la  plupart  des  auteurs  qui  ont  écrit 
sur  l'esthétique  ont  considéré  ]a  musique  comme  identique  dans  son 
objet  avec  ces  arts,  ou  lui  ont  assigné  un  rang  inférieur,  réduisant  sa 
valeur  à  ce  qu'on  appelle  un  art  d'agrément,  et  supposant  que  son 
action  se  borne  à  un  simple  jeu  de  sensations.  Kant,  lui-même,  mécon- 
naissant le  principe  et  la  portée  de  la  musique,  est  tombé  à  cet  égard 
dans  l'erreur  des  philosophes  sensualistes.  Que  dirai-je?  Hegel,  cet  ar- 
dent adversaire  du  monde  réel,  cet  apôtre  de  la  création  absolue  par 
l'esprit  de  l'homme,  cette  forte  tête  pensante  qui  a  fait  preuve  de  tant 
de  profondeur  et  de  sagacité  dans  ses  leçons  sur  l'esthétique,  ne  parait 
avoir  compris  ni  le  principe  ni  le  rôle  de  la  musique  dans  le  domaine 
du  beau.  Quant  à  ceux  qui  ont  reconnu  à  la  musique  une  mission  plus 
élevée  que  celle  de  chatouiller  les  sens,  incertains  de  la  manière  dont 


l'idéal  s'y  met  en  relation  avec  la  sensibilité,  ils  n'en  ont  parlé  qu'en- 
termes  vagues  qui  décèlent  leur  embarras.  Je  vais  essayer  de  pénétrer 
dans  les  mystères  de  ce  sujet,  et  de  poser  la  théorie  du  beau  musical 
sur  une  base  plus  solide. 

»  L'opinion  générale  fait  de  l'oreille  le  lieu  où  se  passent  les  phéno- 
mènes acoustiques  ;  mais  cet  organe  n'est  qu'un  appareil  de  percep- 
tion; car  s'il  en  était  autrement,  il  ne  suffirait  pas  qu'il  fût  organisé 
comme  un  instrument  de  musique  pour. nous  procurer  des  jouissances, 
ainsi  que  l'ont  prétendu  Vésale,  Mengoli,  Morel,  Duverney,  Valsalva, 
Dumas  et  plusieurs  autres  :  il  devrait  être,  en  outre,  susceptible  d'at- 
tention, de  discernement,  d'analyse,  de  réflexion  et  de  jugement.  Tout 
son,  pris  isolément,  est  juste;  toute  oreille  qui  le  perçoit  l'est  égale- 
ment, car  un  son  ne  change  pas  de  nature  en  se  répercutant  dans  le 
conduit  auditif.  Ce  qui  peut  être  faux  ou  juste,  c'est  le  rapport  d'un 
son  avec  un  autre;  or,  l'esprit  seul  juge  ce  rapport,  suivant  qu'il  est 
bien  ou  mal  organisé  pour  en  faire  l'appréciation.  Le  plaisir  que  pro- 
cure la  succession  ou  la  simultanéité  de  plusieurs  sons  est  donc  tout 
intellectuel.  Je  dirai  tout  à  l'heure  comment  il  peut  devenir  en  même 
temps  sentimental. 

»  Une  série  dont  les  rapports  sont  saisis  avec  facilité  par  l'intelli- 
gence compose  une  formule  de  tonalité  qu'on  désigne  par  le  nom  de 
gamme.  Tous  les  sons  contenus  dans  cette  gamme  ont  des  rapports 
homogènes  et  harmonieux,  soit  qu'on  les  dispose  dans  un  ordre  suc- 
cessif, pour  en  former  des  mélodies,  soit  qu'on  les  réunisse  avec  choix 
dans  des  accords  simultanés.  Si  des  sons  qui  appartiennent  à  d'autres 
gammes,  et  qui,  conséquemment,  composent  d'autres  ordres  de  tona- 
lité, venaient  se  mêler  à  ceux-là,  il  y  .aurait  désaccord  entre  eux,  les 
rapports  seraient  faussés,  et  l'intelligence,  troublée  dans  ses  concep- 
tions, réagirait  d'une  manière  pénible  sur  la  sensibilité.  Cet  effet  se 
produit  dans  ce  qu'on  appelle  communément  chanter  ou  jouer  faux . 
Le  chanteur,  l'instrumentiste  qui  fait  naître  cette  impression  désagréa- 
ble ,  ne  fait  autre  chose  que  de  mêler  aux  sons  qui  constituent. la 
gamme,  des  sons  qui  sont  étrangers  à  celle-ci,  soit  par  une  organisa- 
tion vicieuse  qui  fait  chanter  trop  haut,  soit  par  une  fatigue  de  l'or- 
gane qui  fait  chanter  trop  bas,  soit,  enfin,,  s'il  s'agit  d'un  instrumen- 
tiste, parce  que  l'instrument  est  mal  accordé. 

»  Ainsi  qu'on  le  voit,  l'effet  harmonieux  des  sons,  soit  dans  l'or- 
dre successif,  soit  dans  l'ordre  momentané,  résulte  uniquement  de 
rapports  qui  ne  peuvent  être  appréciés  que  par  l'intelligence.  Or,  le 
type  de  ces  rapports  existe  primitivement  dans  l'esprit  ;  la  production 
des  phénomènes  sonores  dans  l'organe  de  l'audition  n'est  que  l'occa- 
sion qui  les  éveille  et  les  rend  saisissables.  Ce  sont  ces  rapports  qui, 
dans  l'état  le  plus  sauvage,  dirigent  la  voix  des  peuples  et  règlent  les 
relations  de  sons  dont  ils  composent  leurs  chants  primitifs. 

»  Les  sons,  quels  qu'ils  soient,  ont  une  durée  quelconque  :  ils  se 
produisent  donc  dans  le  temps  ;  d'où  il  suit  que  le  temps  est  le  sujet 
de  la  musique,  comme  l'espace  est  celui  de  l'architecture.  Les  durées 
des  sons,  comme  fractions  du  temps,  ont  entre  elles  des  rapports  sem- 
blables à  ceux  des  intonations.  Ces  rapports  sont  appréciés  par  l'intel- 
ligence, de  la  même  manière  que  les  rapports  de  justesse  des  sons  en- 
tre eux.  Chose  remarquable,  les  appréciations  de  ces  deux  genres  de 
rapports  sont  contemporaines  :  quelles  que  soient  les  complications  de 
ces  calculs  simultanés,  l'esprit  les  fait  avec  la  rapidité  de  l'éclair.  S'il 
n'en  était  pas  ainsi,  il  serait  absolument  impossible  de  saisir  la  signifi- 
cation d'une  composition  exécutée  par  un  grand  nombre  de  voix  ou 
d'instruments.  Si  les  sons  se  succédaient  dans  des  durées  inégales  qui 
n'eussent  pas  de  relations  entre  elles  et  qui  ne  fussent  pas  dans  des 
rapporls  saisissables  et  faciles,  l'esprit  serait  troublé  dans  son  juge- 
ment et  réagirait  encore  d'une  manière  pénible  sur  la  sensibité  ;  au  ré- 
sumé, il  n'y  aurait  pas  de  musique  possible  ;  car  ce  n'est  que  par  une 
ordonnance  régulière  des  durées  des  sons  que  la  mélodie  et  l'harmonie 
prennent  un  caractère  déterminé,  e.t  que  la  musique  nous  émeut.  Le 
sentiment  de  la  régulière  disposition  des  durées  diverses  des  sons  ne 
nous  est  pas  inspiré  par  le  mode  extérieur  ;  car,  suivant  la  remarque 


92 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


parfaitement  juste  de  Kant,  le  temps  est  la  forme  saisissable  du  sens 
interne,  comme  l'espace  est  celle  du  sens  externe.  Il  est  donc  permis 
de  dire  que  la  véritable  mesure  de  la  durée  dérive  de  l'âme  comme  le 
sentiment  du  rapport  des  intonations  ;  ce  qui  justifie  cette  parole  de 
Leibniz  :  que  la  musique  est  un  calcul  secret  que  l'âme  fait  à  ion  insu. 
Cependant  nous  verrons  tout  à  l'heure  que  ce  calcul  ne  constitue  que 
les  conditions  de  la  beauté  formate  de  l'art,  et  que  ce  genre  de  beauté 
n'est  que  le  contingent  de  la  beauté  idéale  dont  le  principe  est  plus 
élevé.  »  [La  suite  au  •prochain  numéro.) 


AUDITIONS  MUSICALES. 

Concert  de  la  Société  de  Sainte-Cécile.  —  9111e  de  Blallevllle.  — 
3191.  Alard  ,  Frauchonune  et  Bessems.  —  9111e  Clauss.  —  M.  Sta- 
maty  et  Mlle  Kélina  Vautier.  —  91.  Colblain.  —  Association  des 
artistes  musiciens.' 

La  Société  Sainte  Cécile  se  tient  ferme  sur  les  arçons  ;  elle  fournit 
une  belle  carrière.  Le  concert  de  dimanche  dernier  a  été  remarquable 
par  le  choix  des  morceaux  qu'on  y  a  dits  et  l'ensemble  et  la  chaleur 
déployés  dans  l'exécution  de  ces  morceaux.  La  critique,  qui  n'entend 
jamais  abdiquer  ses  droits,  ne  pourrait  guère  les  exercer  que  sur  l'am- 
pleur du  programme  de  ce  concert ,  peut-être  un  peu  trop  fourni  de 
musique.  Deux  symphonies  complètes  et  modernes  ne  sont  pas  de  fa- 
cile digestion.  Celle  de  M.  Reber  est  dans  la  manière,  le  faire,  la 
couleur  des  symphonies  de  Haydn.  Les  idées  en  sont  logiques,  les  mé- 
lodies franches,  naturelles,  mais  un  peu  vieillotes,  un  peu  froides. 
L'instrumentation  de  M.  Reber  est  riche,  ingénieuse  et  serrée  :  c'est 
de  la  musique  consciencieusement  faite ,  de  la  musique  d'honnête 
homme.  La  symphonie  en  la  majeur  de  Mendelssohn  est  jugée  unani- 
mement comme  charmante,  délicate,  depuis  que  la  Société  des  concerts 
s'est  décidée  à  en  enrichir  son  répertoire,  et  que  la  Société  Sainte- 
Cécile  l'a  exécutée  aussi.  Les  thèmes  des  différentes  parties  en  sont 
frais  et  travaillés  avec  un  goût  exquis.  Il  y  a  un  luxe  vivace  d'instru- 
mentation qui  captive  l'attention  des  auditeurs  du  commencement  à  la 
fin.  C'était  la  seconde  fois  que  ce  remarquable  ouvrage  était  dit  par 
l'orchestre  de  M.  Seghers,  et  l'exécution  en  a  été  irréprochable. 

Le  chœur  à  quatre  voix  de  la  Blanche  de  Provence,  de  Cherubini , 
cette  romance  berceuse,  cette  harmonie  si  pleine  de  mélodie,  avait  été 
redemandée  aussi ,  et  elle  a  été  redite  avec  une  suavité  vocale  qui  n'a 
rien  laissé  à  désirer. 

M.  Léonard  a  mêlé  sa  charmante  fantaisie  sur  Richard-Cœur-de-  Lion 
à  tous  ces  morceaux  si  bien  interprétés,  et  il  a  provoqué  de  nombreux, 
disons  même  d'unanimes  applaudissements.  Mlle  Rochkoltz-Falconi ,  se 
souvenant  du  brillant  succès  qu'elle  avait  obtenu  en  chantant ,  la  saison 
dernière,  aux  concerts  de  la  Société  Sainte-Cécile,  est  venue  continuer 
ce  succès  :  elle  a  dit  avec  cet  aplomb  de  bonne  musicienne  et  cette 
excellente  méthode  de  chant  rétrospectif  ou  moderne  qui  la  distingue  si 
éminemment,  la  fameuse  sicilienne  de  Pergolèse,  la  cavatine  de  la  Semi- 
ramide,  con  cori,  et  le  finale  de  YEurianthe,  de  Weber.  L'habile  can- 
tatrice a  provoqué  l'unanimité  des  suffrages  de  l'assemblée,  comme  le 
violoniste-lion  en  nous  jouant  son  drame  instrumental  de  Richard- 
Cœur- de-Lion. 

—  Mlle  Charlotte  de  Malleville  a  ouvert  la  troisième  de  ses  séances 
de  musique  classique  en  se  plaçant  devant  un  superbe  et  excellent  piano 
destiné  au  roi  d'Espagne,  sur  lequel  elle  a  joué,  comme  on  aurait  dit 
aux  tbeaux  temps  de  la  monarchie,  royalement  sur  ce  roi  des  instru- 
ments de  M.  Pleyel.  Un  quatuor  pour  piano,  violon,  alto  et  violoncelle, 
par  Weber  -,  une  fantaisie  pour  piano  seul,  en  ut  mineur,  par  Mozart; 
un  [trio  pour  piano,  clarinette  et  alto,  du  même  auteur;  un  quintette 
de  M.  Onslow,  et  la  charmante  bagatelle  en  mi  bémol  de  Beethoven  ont 
donné  l'occasion  à  la  jeune  et  habile  pianiste  de  montrer  la  vigueur,  la 
douceur  et  la  pureté  de  son  jeu.  Dire  que  le  clarinettiste  Leroy  et 
l'altoïste  Ney  ont  égalé  le  charme  et  l'élégance  du  style  de  Mlle  de  Mal- 
leville, dans  le  trio  de  Mozart,  c'est  faire  acte  de  justice  et  de  vérité. 


—  Nous  rivalisons  presque  les  dilettantes  de  Londres,  qui  montrent 
depuis  quelques  années  un  furieux  appétit  de  musique  instrumentale, 
musique  de  chambre,  quatuors  et  quintettes.  M.  Bessems,  bon  profes- 
seur d'accompagnement  et  de  musique  d'ensemble,  donne,  une  ou 
deux  fois  par  an  aussi  des  séances  de  quatuors  ;  il  a  répondu  aux 
besoins  de  sa  clientèle  dans  la  salle  de  Sax,  et  a  servi  comme  d'inter- 
mède aux  brillantes  séances  de  MM.  Alard  et  Franchomme,  qui  conti- 
nuent aussi  leurs  intéressantes  exhibitions  de  musique  de  chambre, 
exécutée  avec  ce  fini,  ces  nuances,  cet  esprit  des  grands  maîtres,  ce 
style  enfin  qui  leur  redonne  âme  et  vie,  et  qui  touche  à  la  perfection. 

■ —  Le  troisième  concert  de  Mlle  Clauss  avait  attiré  une  bonne  partie 
de  la  haute  fashion  musicale  de  Paris,  tout  ce  qui  s'occupe  sérieuse- 
ment de  l'art  de  jouer  du  piano,  de  sentir  et  de  peindre,  d'impres- 
sionner un  auditoire  d'artistes,  de  connaisseurs  sur  cet  instrument. 
Faire  saillir  la  mélodie  jusque  dans  le  trait  est  une  chose  si  rare  parmi 
les  pianistes,  qui  semblent  tous  n'avoir  pour  muse  que  la  difficulté,  qu'on 
était  impatient  d'entendre  la  jeune  artiste  allemande  jouer  ce  drame 
sombre  et  terrible  de  Beethoven,  qui  a  pour  titre  :  Sonate  en  ut  dièze 
mineur  (œuvre  27).  C'est  qu'indépendamment  de  la  difficulté  digiti- 
grade et  de  ce  que  les  gens  du  métier  appellent  le  mécanisme,  on  vou- 
lait voir  comment  la  jeune  virtuose  se  pénétrerait,  comment  tout 
son  système  physiologique  s'empreindrait  de  cette  élégie  échappée  de 
l'âme  déchirée  d'un  homme  de  génie.  Ici  les  termes  techniques  et  di- 
dactiques sont  insuffisants  pour  parler  dignement  d'une  digne  inter- 
prète de  Beethoven.  Le  sentiment  poétique  doit  venir  au  secours  de 
l'analyseur,  et  surtout  de  l'auditeur,  qui  ne  peut  comprendre  que  le 
compositeur  et  l'exécutant  arrivent  par  des  moyens  mécaniques , 
appris,  à  ce  degré  d'inspiration  qui  locomotionne  tout  un  auditoire,  et 
lui  fait  partager  les  émotions  du  prêtre  ou  de  la  prêtresse  artistique. 

Il  est  une  pièce  musicale  dont  la  forme  représente  assez  bien  le 
morceau  de  tapis  que  les  saltimbanques  étalent  dans  les  place  publi- 
ques sur  lesquelles  et  lequel  ils  exécutent  leurs  tours  de  force,  leurs 
contorsions  ;  c'est  cette  pièce  musicale  que  Fontenelle,  en  la  personni- 
fiant, apostropha  d'une  façon  spirituelle  en  lui  disant  du  ton  d'un 
homme  ennuyé,  fatigué,  impatienté  :  Sonate,  que  me  veux-tu?  Si  la 
sonate  en  ut  dièze  mineur  avait  existé  du  temps  de  Fontenelle,  person- 
nifiée ainsi  par  le  neveu  du  grand  Corneille,  elle  lui  aurait  répondu  : 
Je  veux  t' émouvoir,  te  créer  une  âme  musicale,  parler  plus  à  ton  cœur 
qu'à  ton  esprit,  te  frapper  d'étonnement  et  d'admiration,  comme  tu 
l'as  été  souvent  sans  doute  à  l'audition  d'une  grande  et  belle  scène  du 
Cid  ou  des  Horaces.  Et,  malgré  ce  que  disait  le  chef  des  beaux-esprits 
d'alors,  qu'il  existait  deux  choses  qu'il  n'avait  jamais  pu  comprendre, 
les  femmes  et  la  musique,  Fontenelle  aurait  compris  la  sonate  en  ut 
dièze  mineur,  comme  la  comprend  et  la  fait  comprendre  Wilhelmine 
Clauss.  Cette  jeune  artiste,  à  qui  notre  langue  est  familière,  me  disait 
dernièrement,  au  moment  de  jouer  pour  elle  et  pour  moi  ce  chant 
échappé  d'une  âme  brisée,  de  me  retracer  ce  sombre  tableau  d'un 
autre  Salvator  Rosa,  qu'elle  sentait  le  besoin  de  porter  ses  yeux  et  sa 
pensée  autre  part  que  sur  le  clavier  de  son  piano,  dont  les  touches, 
blanches  et  noires  comme  les  plumes  de  la  pie,  représentent  les  cou- 
leurs et  trop  souvent  le  babillage  insignifiant  de  cet  oiseau  bavard. 
Evoquant  un  souvenir  de  vos  vieilles  chroniques  françaises  du  moyen- 
âge,  ajouta-t-elle,  il  me  semble,  sur  le  premier  andante,  tout  empreint 
d'une  couleur  gothique,  entendre  et  faire  retentir  moi-même  sur  les 
dalles  de  marbre  d'un  manoir  féodal  les  pas  du  seigneur  de  Fayel 
qui  adresse  des  reproches  à  la  châtelaine  sa  femme,  Gabrielle  de 
Vergy.  Aux  interpellations  qui  lui  sont  lancées  brutalement  par  le  haut 
baron,  jaloux  du  sire  Raoul  de  Coucy,  la  pauvre  Gabrielle  ne  répond 
que  par  des  plaintes  d'une  mélodie  anxieuse  et  douce  tout  à  la  fois. 
Ce  terrible  dialogue,  cet  interrogatoire  en  imitations  pressées  terminé, 
les  deux  époux  se  mettent  à  table,  et  pendant  ce  triste  repas,  les  vas- 
saux viennent  danser  devant  leur  seigneur  sur  le  scherzo  d'un  rhylhme 
villageois,  d'une  harmonie  enchevêtrée,  syncopée,  qui  témoigne  la 
joie  qu'ils  éprouvent,  par  ordre,  d'être  agréables  à  leur  suzerain,  comme 


DE  PARIS. 


93 


votre  Béranger  a  dit  des  vassaux  de  Louis  XI,  retiré  en  son  château  de 

Plessis-lèz-Tours  : 

Voyez  d'ici  briller  cent  hallebardes, 
Aux  feux  d'un  soleil  pur  et  doux. 
N'entcnd-on  pas  le  Qui-vive  des  gardes, 
Qui  se  mêle  au  bruit  des  vorroux? 
Heureux  villageois,  dansons  : 
Sautez,  fillettes 
Et  garçons. 
Unissez  vos  joyeux  sons, 
Musettes 
Et  chansons. 

Et  puis  cette  joie  factice  est  tout  à  coup  interrompue  par  le  tyran  ja- 
loux, qui  jette  à  la  malheureuse  Gabrielle  ces  terribles  mots  :  Vous  ve- 
nez de  manger  le  cœur  du  sire  de  Coucy  !  C'est  là  que  commence  le 
final  ;  c'est  là  que  se  développe  toute  l'action  de  ce  drame  instrumen- 
tal ;  c'est  là  qu'éclate  tout  ce  qu'il  y  a  de  plus  pathétique,  de  plus  dou- 
loureux, de  plus  terrible,  et  de  féroce,  et  de  plaintif,  et  de  désespéré 
dans  le  cœur  humain. 

Et  notre  jeune  muse  de  la  verte  Germanie  se  mit  à  me  peindre, 
comme  elle  l'a  peint  ensuite  dans  son  concert  de  lundi  dernier,  15 
mars,  à  son  auditoire  charmé,  cet  admirable  tableau  de  tant  d'émotions 
et  de  souffrances,  et  de  chacun  de  ses  doigts,  de  ses  yeux  s'échappaient 
un  pleur,  un  cri,  un  reproche,  une  menace,  un  effet  de  foudroyante 
harmonie  au  milieu  de  laquelle  perçait  toujours  le  sentiment  d'une  mé- 
lodie élancée  du  cœur. 

Mlle  Clauss  a  dit,  de  plus,  dans  ce  concert,  la  Grande  fantaisie  sur 
la  Lucie,  de  Liszt,  et  l'Hexameron,  variations  composées  parle  même 
pianiste,  Thalberg,  Pixis,  Herz,  Czerny  et  Chopin. 

Mlle  Ida  Bertrand,  du  Théâtre-Italien,  s'est  montrée,  comme  toujours, 
cantatrice  aussi  renommée  qu'aimée,  et,  par  conséquent ,  applaudie 
avec  justice,  dans  l'air  de  Fidelio;  dans  le  fameux  Brindisi;  puis  dans 
une  charmante  canzonella  napolelane.  Wartel  a  dit  d'une  manière 
remarquablement  dramatique  la  scène  et  l'air  de  folie  ùaCharles  VI, 
de  M.  Halévy,  ainsi  qu'une  mélodie  de  Scubert  et  une  autre  de  M.  Rei- 
chel. 

—  M.  Camille  Stamaty  tient  bien  sa  place  à  côté  de  ces  célébrités 
pianistiques.  La  manière  de  procéder  sur  le  piano  et  d'enseigner  à 
jouer  de  cet  instrument  en  M.  Stamaty,  vient  en  droite  ligne  de  dé- 
menti, dont  Hummel,  Dusseck,  Kalkbrenner  et  Chopin  se  montrèrent 
les  héritiers,  et  dont  M.  Stamaty,  élève  de  Kalkbrenner,  est  le  conti- 
nuateur. Mlle  Zélina  Vautier,  dont  il  est  le  professeur,  a  donné  son 
premier  concert  dans  les  salons  de  M.  Pleyel,  mardi  16  mars;  et  dans 
la  grande  fantaisie  en  la  bémol  sur  Guillaume  Tell,  par  Doehler  ;  dans 
un  andante  de  sonate  en  ré  bémol  et  des  études  charmantes  de  M.  Sta- 
maty, comme  en  exécutant  le  grand  caprice  sur  la  Somnambule,  de 
Thalberg,  la  jeune  virtuose  a  montré  une  véritable  intelligence  musi- 
cale, un  style  correct  et  pur,  et  une  manière  de  dire  la  mélodie  qui, 
bien  que  chantée  par  des  doigts  de  treize  ans  et  quelques  mois,  n'en 
décèlent  pas  moins  une  sensibilité  d'artiste  qui  anonnee  de  l'avenir  en 
Mlle  Zelina  Vautier. 

—  Et  puisque  nous  en  sommes  aux  début»,  nous  signalerons  celui  de 
Mlle  Laval,  jeune  pianiste  aussi,  qui  s'est  distinguée  tout  d'abord  dans 
un  concert  donné  chez  Sax,  par  M.  Colblain,  jeune  violoniste  de  talent, 
qui,  entre  autres  morceaux,  a  dit  avec  sensibilité  une  fort  jolie  élégie 
pour  le  violon,  écrite  par  M.  Becquié,  et  la  grande  fantaisie  d'Alard 
sur  la  Favorite.  Le  jeu  fin  et  non  moins  empreint,  de  sensibilité  que 
Mlle  Laval  a  montré  dans  la  fantaisie  de  M.  Prudent  sur  la  Lucie,  lui  a 
valu  de  nombreux  applaudissements. 

■ —  Et  maintenant,  après  nous  être  écrié,  dans  un  des  derniers  nu- 
méros delà  Gazette  musicale  :  A  tout  seigneur  tout  honneur!  à  l'égard 
de  l'aristocratie  du  talent,  nous  pourrions  dire  aussi  :  Honneur  aux  sen- 
timents de  bienfaisance  !  honneur  aux  artistes  en  qui  l'on  voit  l'accord 
d'un  beau  talent  et  d'un  beau  caractère  !  Nous  finirons  donc  cette  no- 
menclature des  concerts  les  plus  intéressants  de  la  semaine  qui  vient 
de  s'écouler  par  ce  posl-scriptum  : 


4'onrcrt  de  lMHHOcinflon  ilet  artlnteg  mnmlriens. 

Le  comité  de  V Association  des  artistes  musiciens ,  infatigable  en  sa 
philanthropie,  essaie,  ainsi  que  pourrait  le  faire  un  virtuose  animé  du 
désir  d'acquérir  de  la  gloire  et  de  la  fortune,  de  donner  des  séances 
musicales  piquantes  et  variées.  Le  concert  donné  mercredi  passé, 
17  mars,  a  été  l'un  des  plus  intéressants  de  la  saison. 

Un  orchestre  brillant  de  jeunesse  et  de  verve,  fort  bien  dirigé  par 
M.  Bousquet,  a  dit  avec  ensemble  et  chaleur  une  charmante  symphonie 
en  ut  majeur,  de  Haydn,  œuvre  trop  oubliée,  et  qu'on  n'avait  pas  en- 
tendue depuis  bien  longtemps  dans  Paris. 

Ce  même  orchestre  a  accompagné,  avec  une  recrudescence  de  jeu- 
nesse et  de  verve ,  le  concerto  de  Mendelssohn  en  sol  mineur,  pour 
piano,  exécuté  d'une  façon  brillante  par  Mme  Massart,  l'une  de  nos 
excellentes  et  jolies  pianistes. 

Le  violoniste  Léonard,  au  talent  puissant,  qui  n'a  eu  qu'à  quitter  la 
Belgique  pour  conquérir  tout  d'abord  une  juste  et  brillante  réputation 
qui  va  grandir  encore ,  le  violoniste  Léonard  s'est  mis  noblement  à  la 
disposition  du  comité  de  Y  Association  des  artistes  musiciens,  ainsi  que 
Mme  Léonard,  qui,  renonçant  à  toute  prétention,  qu'elle  a  le  droit  d'avoir, 
au  titre  de  cantatrice  brillante,  nous  a  fait  entendre  les  deux  Nina,  de 
d'Aleyrac  et  de  Paisiello,  dans  leur  scène  de  folie.  On  l'avait  tant  ap- 
plaudie dans  l'air  de  la  Belly  de  Donizetti ,  aux  fioriture  tyroliennes 
de  cet  air,  qui  permet  à  la  cantatrice  de  se  montrer  habile  vocalisa- 
trice,  qu'on  a  mieux  aimé  l'applaudir  au  moyen  de  ce  murmure  appro- 
bateur des  gens  de  goût ,  manifestation  plus  flatteuse  que  les  bravi  et 
les  brava  du  dilettantisme,  qui  se  pâme  et  crie  aux  cadences  et  aux  rou- 
lades sur  la  Félicita  ed  il  trionfar.  La  voix  suave,  douce  et  sans  aucun 
effort  de  la  cantatrice,  se  trouvait  on  ne  peut  mieux  en  harmonie  avec 
ses  traits  fins  et  gracieux.  Il  est  bon  quelquefois  d'échanger  les  suffra- 
ges bruyants  et  brillants  contre  ceux  de  l'intelligence  artistique.  Le  chef 
de  cette  communauté  artistique  et  charmante,  M.  Léonard,  a  joué  son 
troisième  concerto  en  la,  œuvre  d'une  forme  neuve,  originale,  et  qui  se 
distingue  autant  par  l'élégance  des  mélodies,  l'ingéniosité  de  l'harmonie 
que  par  la  richesse  et  l'éclat  de  l'instrumentation.  Sa  romance  et  sa 
sérénade,  deux  jolis  morceaux  pour  le  violon,  n'ont  pas  eu  moins  de 
succès  que  le  concerto  ,  si  même  ils  n'ont  pas  produit  plus  d'effet  el 
n'ont  pas  été  plus  applaudis.  Ce  que  nous  n'applaudissons  pas  moins  , 
nous,  c'est  le  tact,  l'activité  du  comité  des  concerts  de  V Association,  des 
artistes  musiciens  et  le  bon  goût  qui  préside  et  présidera  sans  doute 
toujours  à  la  composition  de  ces  concerts  donnés  dans  un  but  de  phi- 
lanthropie et  de  progrès  de  l'art.  Henri  BLANCHARD. 

NOUVELLES. 

*„*  Demain  lundi  à  l'Opéra,  les  Huguenots  chantés  par  Roger,  Depassio, 
Mme  Laborde  et  Mlle  Poinsot. 

*„*  Le  Prophète  avait  rempli,  lundi  dernier,  la  salle  de  l'Opéra  jus- 
qu'aux combles.  Roger  a  été  magnifique  dans  le  rôle  de  Jean  de  Leyde,  sa 
glorieuse  création.  Mme  Tedesco  et  Mlle  Poinsot  l'ont  secondé  avec  un 
talent  rare.  L'ensemble  était  des  plus  brillants. 

*„*  Guillaume  Tell,  chanté  par  Gueymard,  le  mercredi  suivant,  attirait 
encore  la  foule. 

***  Le  ténor  Pelagrave  a  fait,  vendredi,  sa  rentrée  dans  Lucie,  par  le 
rôle  d'Edgard,  qu'il  chante  avec  beaucoup  de  ta'ent  et  d'effet. 

%*  Si  le  Juif  errant  n'est  pas  donné  dans  les  derniers  jours  de  ce  mois, 
la  première  représentation  en  sera  nécessairement  remise  après  les  fêtes 
de  Pâques. 

*„*  Madelon,  tel  est  le  titre  définitif  de  l'ouvrage  en  deux  actes,  de 
MM.  Sauvage  et  Bazin,  que  l'on  répétait  sous  celui  des  Barreaux  verts  à 
FOpéra-Comique.  La  première  représentation  en  est  annoncée  pour  la  se- 
maine qui  vient 

*/  Mlle  Wertheimber,  dont  la  santé  est  depuis  longtemps  rétablie, 
doit  jouer,  dit-on,  un  rôle  déjeune  homme  dans  une  pièce  nouvelle,  dont 
les  études  interrompues  sont  activement  reprises.  Ce  second  début  n'aura 
pas  moins  d'attrait  que  le  premier. 

*„*  Le  Théâtre-Italien  a  donné  lundi  dernier,  pour  le  bénéfice  de 
Mlle  d'Angri,  la  seconde  représentation  de  Ccnercnlula ,  opéra  qui  est  l'un 
des  triomphes  de  Lablache.  Mardi  c'était  Yllaliana  in  Algieri,  et  jeudi,  le 
Barbier  de  Séville  a  reparu  avec  Lablache  et  Sophie  Cruvelli. 

%*  Hier  samedi,  le  célèbre  violoniste  Bazzini  s'est  produit  entre  les 
les  deux  actes  du  Barbier,   que  l'on  donnait  encore.   Dès  son  arrivée  à 


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REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


Taris,  ce  virtuose  a  justifié  la  brillante  renommée  qui  l'y  avait  devancé. 
Sa  Ronde  des  lutins  est  un  double  chef-d'œuvre  de  composition  et  d'exé- 
cution. 

%*  Il  y  a  tout  lieu  d'espérer  qu'avant  de  partir  pour  Londres  t  Marie 
Cruvelli,  sœur  .de  l'admirable  et  infatigable  Sophie,  se  fera  entendre  à 
Paris,  dans  un  concert.  Ce  sera  un  vif  attrait  pour  tous  ceux  qui  croient 
aux  talents  de  famille,  et  le  nombre  en  est  grand. 

*,,*  Joanila,  l'opéra  de.  Duprez,  attire  la  foule  à  l'Opéra-National,  et, 
comme  il  arrive  toujours,  le  succès  du  grand  ouvrage  rejaillit  sur  les  pe- 
tits. On  se  souvient  que  le  célèbre  artiste,  avant  d'écrire  pour  le  théâtre, 
était  déjà  compositeur,  et  qu'il  a  publié  un  recueil  de  charmantes  roman- 
ces et  chansonnettes,  qui  se  sont  chantées  beaucoup  et  qui  se  chantent 
plus  que  jamais  dans  les  salons. 

V  Voici  un  ténor  léger  qui  s'est  signalé  par  une  conduite  plus  que 
légère,  en  voulant  prouver  apparemment  que  son  poing  était  moins  léger 
que  son  emploi.  Les  faits  se  sont  passés  entre  M.  Puget,  chanteur  au  théâ- 
tre de  Marseille,  et  M.  Bénédit,  le  critique  distingué,  que  nous  nous  hono- 
rons de  compter  parmi  nos  collaborateurs,  et  qui  rédige  le  feuilleton  mu- 
sical du  Sémaphore,  l'un  des  meilleurs  journaux  de  la  localité.  Un  article 
plein  de  convenance  et  de  mesure,  dans  lequel  à  des  éloges  raisonnes  se 
mêlaient  quelques  observations  du  ton  le  pi  us  inoffensif,  a  échauffé  la  bilede 
L'artiste,  au  point  de  le  porter  à  y  répondre  par  une  brutale  agression  en 
plein  théâtre.  Des  personnes  présentes  se  sont  interposées.  Il  n'y  a  eu 
qu'une  voix  dans  le  public'  et  dans  la  presse  pour  blâmer  l'artiste  et  ren- 
dre justice  à  l'écrivain,  dont  le  rang  est  marqué  parmi  ceux  qui,  en  rem- 
plissant consciencieusement  leur  devoir,  n'ont  jamais  excédé  les  limites 
de  leur  droit.  | 

%*■  Le  second  concours  pour  le  prix  institué  vers  la  fin  de  1850,  en 
faveur  des  compositeurs  nationaux,  par  Sa  Majesté  le  roi  des  Pays-Bas, 
vient  d'être  jugé  à  La  Haye.  Le  libretto  était  de  11.  Scribe.  Deux  partitions 
ont  été  soumises  au  jury,  qui  a  décerné  le  prix  à  celle  portant  la  devise  : 
«Tout  vient  à'  point  à  qui  peut  attendre.  »  Le  billet  cacheté  joint  à  cette  par- 
tition portait  le  nom  de  Si.  Charles  Van  der  Does.  L'opéra,  qui  est  en  un 
acte,  et  dont  le  titre  est  encore  un  mystère,  sera  représenté  prochaine- 
ment sur  le  Théâtre-Royal  de  La  Haye. 

-%*  L'Université  de  Dublin  (Irlande)  vient  de  nommer  M.  Sigismond 
Neukonim,  docteur  en  musique.  C'est  la  première  fois  que  cet  insigne  hon- 
neur est  accordé  à  un  étranger. 

%*  Par  arrêté  du  général  de  division  commandant  supérieur  des  gardes 
nationales  de  la  Seine',  sont  nommés  aux  emplois  de  chefs  et  sous-chefs 
de  musique  dans  la  garde  nationale  de  Paris,  avec  rang  de  capitaine  pour 
les  chefs  et  de  sous-lieutenant  pour  les  sous-chefs  :  MM1.  Tolbecque,  chef 
de  musique;  Leroy,  sous-chef;  Verroust  aîné,  chef,  de  musique;  Weber, 
sous-chef;  Meifred,  chef  de  musique;  Leplus,  sous-chef;  Klosé,  chef  de 
musique  ;  Eug.  Bousquet,  sous-chef;  Forestier,  chef  de  musique;  Charles 
Verroust,  sous  chef.  L'organisation  des  divers  corps  de  musique  de  la 
garde  nationale  de  la  Seine  sera  déterminée  utérieurement  par  un  règle- 
ment spécial  du  général  commandant  supérieur.  Le  roulement  du  service 
aura  lieu  alternativement  entre  eux  sans  distinction  de  subdivision  ni  de 
bataillon. 

%*  Vieuxtemps  doit  être  à  Paris  vers  la  fin  d'avril  ;  il  y  donnera  un 
concert. 

V  Panofkaest  de  retour  à  Londres,  où  il  passera  la  saison.  Son  Guide 
du  chant  pratique,  et  sa  collection  de  morceaux  de  chant,  intitulée  :  Soirées 
de  Londres,  viennent  de  paraître  chez  Mechetti ,  à  Vienne. 

*\*  M.  Tellefsen,  le  jeune  pianiste  compositeur,  dont  le  sentiment  et 
le  style  ont  tant  d'analogie  avec  ceux  de  Chopin ,  qui  fut  son  maître,  don- 
nera un  concert,  le  mercredi  31"mars,  dans  les  salons  de  Pleyel ,  rue  Ro- 
chechouart. 

**  C'est  demain  lundi,  22  mars,  que  la  messe  composée  par  M.  Del- 
devez  à  la  mémoire  d'IIabeneck,  sera  exécutée  dans  l'église  de  la  Made- 
leine, à  11  heures,  avec  le  concours  du  cercle  musical  des  amateurs  et 
du  comité  de  l'Association  des  artistes  musiciens.  Les  instrumentistes  et 
chanteurs,  au  nombre  de  200,  seront  dirigés  par  M.  Georges  Bousquet. 
M.  Chapuis,  Brémont  et  le  jeune  Beaumont  chanteront  les  solos.  Le  grand 
orgue  sera  touché  par  Al.  Lefébure-YV'ély.  Le  produit  de  la  quête  est  des- 
tiné à  la  caisse  de  pensions  et  secours  de  l'Association  des  artistes  musi- 
ciens. Les  personnes  qui  ne  pourraient  assister  à  cette  solennité  sont 
priées  d'adresser  leur  offrande  à  l'une  des  dames  patronesses  :  —  Mnies  la 
comtesse  d'Andlau,  rue  du  Marché-d'Aguesscau,  5;  la  baronne  Ernouf, 
rue  de  la  Ferme-cles-Mathurins,  47;  Charles  de  Bez,  rue  Saint-Lazare,  36, 
square  d'Orléans;  de  Villiers,  rue  des  Beaux-Arts,  2;  Klein,  rue  des  Batail- 
les, 30  ;  Panseron,  rue  d'Hauteville,  21;  Richard,  rue  de  Babylone,  39. 
Mlle  Charlotte  de  Malleville,  rue  de  Berlin,  22; 

*,„*  Un  second  concert  sera  donné  mercredi,  31  mars,  par  l'Association 
des  artistes-musiciens  dans  la  salle  Bonne-Nouvelle;  mais  en  attendant 
une'matinée  de  musique  de  chambre  aura  lieu  dimanche  prochain  ,  28 
mars,  dans  le  même  local,  sous,  la  direction  de  M.  Massart.  On  y  entendra 
plusieurs  morceaux  de  nos  grands  maîtres  pour  instruments  à  cordes  et 
instruments  à  vent.  La  séance  se  terminera  par  deux  chœurs  qu'exécu- 
teront 30  chanteurs  de  la  Société  chorale  populaire  du  Conservatoire  de 
Paris,  sous  la  direction' de  M.  Edouard  Batiste. 

V  Mardi  prochain,  à  8  heures  du  soir,  aura  lieu,  salle  Herz,  le  Concert 
de  M.  Léopold  Aniat,  chanteur  el  compositeur  distingué,  avec  le  con- 
court   de   Mmes  Taccani-Tasca  ,   Caveaux  -Sabatier,,.  Iweiiis   d'Hennin; 


MM.  deLagrave,  du  grand  Opéra,  Louis  Lacombe,  J.  Offenbach  et  Léon 
Reynier,  et  un  intermède  littéraire  par  des  artistes  de  la  Comédie-Fran- 
çaise. 

*»*  L'œuvre  charitable  des  faubourgs  donnera  mardi,  23  mars,  à  une 
heure,  dans  la  salle  Sainte-Cécile,  et  sous  la  direction  de  M.  Coninx,  un 
beau  concert  auquel  prendront  part  Mmes  Laborde,  Révilly,  Bochkoltz- 
Falconi;  MM.  Alexis  Dupond,  Bouché,  Chandesaigues,  Coninx,  Delédicque 
et  plusieurs  autres.  MM.  Beauvallet,  Chéri  et  Mlle  Rimbliot  joueront  le 
4e  acte  de  Polyeucte  e\  le  4e  acte  de  Jeanne  d'Arc. 

V  La  séance  musicale  déjà  annoncée  par  11. -C.  Stamaty,  aura  lieu 
mercredi  24  mars,  à  8  heures  1/2  ,du  soir,  dans  la  salle  Pleyel. 

***  M.  A.  Gouffé,  l'excellent  contrebassiste  de  l'Opéra,  donnera  mer- 
credi, 31  mars,  dans  la  salle  de  l'Association  des  artistes-musiciens,  bazar 
Bonne-Nouvelle,  une  matinée  musicale,  dont  voici  le  programme  :  1°  Frag- 
ments du  septuor  de  Ilummel,  pour  piano,  alto,  flûte,,  hautbois,  cor,  vio- 
loncelle et:  contrebasse;  2°  mélodies  chantées  par  M.  Wartel;  3°  concer- 
tino  pour  la  contrebasse,  composé  par  A.  Gouffé;  4° grand  air  chanté  par 
Mlle  Crémont ;  5°  fragments  d'un  quintette  de  Georges  Onslow,  pour  deux 
violons,  alto,  violoncelle  et  contrebasse:  6"  mélodies  chantées  par 
M.  Wartel  ;  7°  solo  de  flûte  par  M.  Dorus;  8°  fragments  du  septuor  de 
Beethoven,  pour  violon,  alto,  clarinette,  cor,  basson,  violoncelle  et  con- 
trebasse ;  9°  mélodie  et  légende,  chantée  par  Mlle  Crémont  ;  10°  intro- 
duction et  polonaise,  pour  la  contrebasse ,  composée  par  Adolphe  Blanc  ; 
11"  air  varié  pour  piano,  par  J.  Haydn,  exécuté  par  Mlle  de  Malleville.  — 
Le  piano  sera  tenu  par  M.  Gillette. 

V  Mme  Louise  Farrenc  donnera,  le  samedi  17  avril,  à  8  heures  du  soir, 
un  concert  dans  la  salle  Sainte-Cécile. 

V-  M.  Achille  Montuoro  donnera,  le  dimanche,  28  mars,  dans  la  salle 
Herz,, à,  huit  heures  du  soir,  un  grand  concert  vocal  et  instrumental,  avec 
le  concours  de  Mme  Taccani,  deMM.Lablaehe.Morelli.deFOpéra.Guasco, 
les  frères  Lionnet  et  des  choristes  du  Conservatoire. 

***  La  Société  Sainte-Cécile  donnera  son  sixième  concert  de  l'abonne- 
ment à  la  salle  Sainte-Cécile,  rue  de  la  Chaussée-d'Antin ,  49  bis,  le  di- 
manche 28  mars,  à  deux  heures  précises.  Programme  :  1°  Ouverture  de  la 
Mer  calme,  de  Mendelssohn  ;  2°  Trio  des  songes  de  Dardanus,  de  Rameau  ; 
3"  Chœur  des  Elus,  de  M.  Wekerlin  ;  4*  Symphonie  pastorale  de  Beethoven  ; 
5"  Air  de  Limnander,  chanté  par  Mlle  Miolan;  6"  Pavane,  air  de  danse  du 
xvii"  siècle  ;  7°  Ouverture  du  Roi  Esticnne,  de  Beethoven. 

V  Voici  le  programme  de  la  quatrième  séance  de  musique  de  chambre 
qui  sera  donnée,  le  samedi  27  mars  1852,  par  Mlle  Charlotte  de  Malleville: 
1°  Quatuor  de  Mozart  {sol  mineur)  ,  pour  piano,  violon,  et  violoncelle; 
2"  Sonate  de  Beethoven  (fa  mineur) ,  pour  piano  seul;  3°  Trio  de  Weber, 
pour  piano,  flûte,  violoncelle  ;  4°  Quatuor  de  Haydn ,  pour  deux  violons] 
alto  et  basse;  5"  Sonate  de  Beethoven,  pour  piano  et  violon;  6"  Menuet 
de  Beethoven  {{mi  bémol  )  ;  Arietta  variée  de  Haydn.  —  On  entendra 
MM.  Maurin,  Mas,  Casimir  Ney,  Lebouc,  Gouffé,  Dorus. 

*„*  Mlle  de  Courcelles  donnera  le  samedi,  23  mars,  une  soirée  musicale 
dans  la  salle  des  artistes  musiciens. 

V*  La  nuit  de  la  mi-Carême  a  mis  fin  aux  bals  de  l'Opéra.  Deux  qua- 
drilles de  Musard  ont  obtenu  un  grand  succès  jeudi  dernier,  celui  des 
Clairons  de  l'armée,  et  celui  de  la  Poupée  de  Nuremberg. 

fijfi  Le  lundi,  22  mars,  à  huit  heures  du  soir,  Mlle  Juliette  Dillon,  orga- 
niste de  la  cathédrale  de  Meaux,  donnera,  dans  la  salle  Bonne-Nouvelle, 
sa  première  soirée  d'iMPROvisATiON  musicale.  Plusieurs  artistes  éminents 
prêteront  leurs  concours  à  cette  soirée,  dans  laquelle  Mlle  Juliette 
Dillon  improvisera  cinq  fois  :  1°  préludes  d'après  l'indication  du  son  et  de 
la  mesure;  2°  improvisation  sur  un  thème  donné  au  moment  même; 
3°  improvisation  sur  un  sujet  poétique.  ;  4"  improvisation  sur  plusieurs 
thèmes  de  différent  style  et  de  différent  caractère  ;  5°  improvisation  sur 
une  scène  contenant  plusieurs  sujets  contrastant  entre  eux. 

CRQISSQUE   DÉPARTEMENTALE. 

V  Amiens,  17  mars.  —  Les  concerts  au  profit  des  pauvres  sont  tou- 
jours les  plusriches  en  talents,  mais  celui  de  lundi  dernier  se  distinguait 
encore  par  une  richesse  exceptionnelle.  MM.  Vivier,  Gueymard,  Mlles  So- 
phie et  Marie  Cruvelli  en  étaient  les  étoiles.  Sophie  Cruvelli  a  chanté  deux 
airs,  deux  duos,  l'un  avec  Gueymard,  l'autre  avec  sa  sœur,  Marie,  au  mi- 
lieu, des  applaudissements  et  de  l'enthousiasme.  Marie  Cruvelli  a  dit, 
seule,  le  grand  air  de  Yltalienm  à  Alger,  qu'on  a  -écouté  avec  le 
plus  grand  plaisir.  Gueymard  a  provoqué  la  sympathie  la  plus  vive 
en  chantant  une  scène  d'Ernest  Boulanger.  Les  formules  manquent  tout 
à  fait,  lorsqu'on  vient  à  parler  de  Vivier,  cet  instrumentiste-prodige, 
pour  lequel  il  faudrait  des  expressions  aussi  nouvellesque  les  effets 
qu'il  a  trouvés.  Cédant  aux  instances  du  public,  il  a  bien  voulu 
jouer  un  second  morceau,  non  promis,  et  la' salle  a  failli  s'écrouler 
sous  les  bravos.  Un  auditeur  a  improvisé,  en  écoutant  Vivier,  des  vers 
très-dignes  d'avoir  été  faits  à  loisir.  N'oublions  pas  de  dire  que  M.  Dé- 
neux,  président  de  la  Société  philharmonique,  a  exécuté  sur  la  flûte  une 
fantaisie  de  Boehm  avec  un  talent  de  premier  ordre.  Enfin,  disons, 
comme  dernier  éloge,  que  la  recette  du  concert  s'est  élevée  à  la  somme 
de  5,860  fr. 

V  Marseille,  17  mars— Le  concert  annuel  de  l'Assqciation  des  artistes 
musiciens  a  été,  comme  à  l'ordinaire,  la  plus  belle  solennité  musicale  de 
la  saison.    L'exécution  s'est  montrée  digne  du  programme,  qui  était  ma- 


DE  PABJSi 


95 


gnifique.  La  Symphonie  héroïque,  de  Beétnoven,  bîéii  rendue,  sous  la  con- 
iiniir  de  M.  Hasselmans,  chef  d'orchestre  éprouvé,  a  produit  la  plus  vive 
sensation  dans  l'auditoire,  ou  cependant  les 'diim'es  étaient  en  majorité. 
Couverture  du  Carnaval  romain,  de  Berlioz,  chef-d'œuvre  de  verve  el  de 
vigueur,  a  enlevé  la  salle  La  Société  Trotdbas  apportait  à  l'Association  le 
contingent  do  ses  chfettrs  si  remarquables:  Vllijmne  àBacchus,  de.  Men- 
delssohn,  et  le  final  du  Serment,  d'Auber,  ont  soulevéJdes  applaudisse- 
ments unanimes.  Un  jeune  professeur  de  violon  du  conservatoire  do 
Marseille,  M.  Millont,  qui  a  réalisé  toutes  les  espérances  que  faisait  con- 
cevoir son  titre  de  lauréat  de  Paris,  a  joué,  d'une  manière  tout  à  fait 
distinguée  un  adagio  de  Vieuxtemps.  Enfin,  tous  les  artistes  du Grand- 
Théâtre  s'étaient  disputé  l'honneur  d'apporter  leur  concours  à  cette  fête; 
M.  Violette  a  dit  l'air  d'OEdipe,  de  Sacchini,  et  M.  Puget,  l'air  des  Aben- \ 
cerrag-s,  de  Cherubini,  et  celui  du  Slabat,  de  Rossini.  Mais  les  honneurs 
de  la  séance  ont  été  pour  Mme  Charton-Demeur,  qui  a  chanté,  d'une  ma- 
nière irréprochable,  l'air  de  Freischiitz  et  celui  du  Rossignol,  dans  lequel 
elle  était  accompagnée  par  M.  Demeur.  Applaudissements,  trépignements, 
rappels,  fleurs,  rien  n'a  manqué  à  son  triomphe,  le  plus  complet  et  le 
mieux  justifié.  Si  l'on  ajoute  â  ces  détails  que  2,000  IV.  vont  être  envoyés 
à  l'Association  des  artistes  musiciens,  on  trouvera  que  tont  le  monde  doit 
se  louer  des  résultats  du  concert. 

*„.*  Bordeaux,  16  mars.  —  La  Société  de  Sainte-Cécile  nous  avait  donné 
clans  son  premier  concert  du  mois  de  mai  dernier,  le  spécimen  de  ce 
qu'elle  voulait  tenter  dans  l'avenir.  Le  concert  de.  samedi  dernier  ouvre 
décidément  des  voies  nouvelles  pour  la  musique  à  Bordeaux.  Aujourd'hui, 
nous  pouvons  espérer  de  voir  successivement  interpréter  devant  nous 
tous  les  immortels  chefs-d'œuvre  qui  font  la  gloire  et  l'admiration  del'Eu- 
rope  musicale.  Nous  ne  craignons  pas  de  répéter  ici  ce  que.  nous  disions 
lors  du  premier  concert  de  la  Société  de  Sainte-Cécile  :  «  Au  Conserva- 
toire seulement,  on  peut  entendre  de  pareille  musique.  »  La  symphonie 
en  ut  mineur  de  Beethoven,  cet  admirable  poème  de  l'illustre  maître,  a 
été  rendue  par  notre  orchestre  avec  un  sentiment  de  vérité,  et  cet  art  in- 
fini des  nuances  qui  est  la  grande  difficulté  de  cette  musique.  Le  public  a 
applaudi  à  l'ensemble,  à  l'énergie  et  à  la  perfection  remarquable  de  cette- 
exécution,  qui  a  fait  le  plus  grand  honneur  à  nos  artistes  et  à  nos  ama- 
teurs. Le  boléro  et  la  marche  des  Deux  Avares  ont  produit  un  grand 
effet.  Ce  dernier  morceau  a  été  'bissé  et  frénétiquement  applaudi.  Le 
sextuor  de  Don  Juan  a  été  fort  bien  rendu  par  Mmes  Laget-Planterre, 
C***,  Hillen,  MM.  Koubly,  Pôrilé  et  Barielle,  ainsi  que  le  beau  trio  de 
Joseph.  Le  septuor  des  Huguenots,  chanté  par  cent  choristes,  a  été  enlevé. 
L'air  d'Amazily,  deF'ernand  Cortez;  a  été  chanté,  en  grande  artiste,  par 
Mme  Laget-Planterre,  qui  amis  dans  son  chant  un  sentiment  et  une  pas- 
sion qui  ont  électrisé  l'auditoire.  Enfin,  l'ouverture  du  Jeune  Henri  a  ter- 
miné la  soirée.  Rien  ne  peut  donner  l'idée  de  l'entrain,  de  la  verve  et  de 
la  puissance  de  cette  exécution.  Le  motif  de  chasse,  répété  à  l'unisson  par 
vingt- cinq  cers,  était  du  plus  bel  effet.  Telle  a  été  cette  magnifique  soi- 
rée, qui  sera  suivie  d'un  grand  festival  qu'on  nous  annonce  pour  le  4  mai 
prochain.  Les  applaudissements  les  plus  sympathiques  ont  accueilli  M.  Mé- 
zerai,  le  chef  d'orchestre,  qui,  à  la  lin  du  concert,  a  reçu  une  véritable 
ovation  ;  M.  Mézerai  a  été  rappelé  et  couvert  des  bravos  du  public.  C'était 
justice. 

*„*  Douai,  10  mars.  —  Une  fête  musicale  s'est  célébrée  en  l'honneur 
de  M.  Bra,  le  célèbre  statuaire.  Mlle  Caroline  Carton,  jeune  cantatrice, 
MM.  Ad.  Herman  et  Willent-Bordogni  y  figuraient  en  première  ligne.  Ce 
dernier  s'y  est  posé  comme  virtuose  et  compositeur  dans  la  fantaisie 
dédiée  à  M.  Luce,  président  et  chef  d'orchestre  de  la  Société  philharmo- 
nique. Tous  les  élèves  de  l'Académie  de  musique,"  ainsi  que  l'excellente 
musique  de  la  garde  nationale,  ont  contribué  à  cette  brillante  fête.  Deux 
ouvertures  vraiment  remarquables  avaient  été  composées,  l'une  par 
M.  Charles  Choulet,  l'autre  par  M.  Luce. 

*„*  Boulogne-sur-Mer ,  18  mars.  — Le  concert  donné  par  la  musique  de  la 
Fraternité  au  bénéfice  de   la  caisse  de  la  Société  de  bienfaisance,   a  été 


îles  plus  brillants.  Les  amateurs  s'y.étaient  réunis  aux  artistes;  des  dames 
anglaises  y  chantaient  pour  la  première  l'ois  en  public.  Il  faut  louer 
l'exécution  des  quatre  morceaux,  fort  bien  rendus  par  l'orchestre  sous  la 
direction  de  M.  Adolphe  Léfebvre.  On  a  beaucoup  applaudi  une  polka 
vraiment  originale  de  AI.  l.efebvrë,  ainsi  que  le  violon  expressif  de  M.  Aly, 
le  piano  de  Mlle  Masson,  le  violoncelle  de  M.  Vervoitte  ,  le  cornet  à  pis- 
tons et  le  sàx'-hôrn  du  même  M.  l.efebvrë,  artiste  tout  à  fait  éminent. 
>T  *^  Alger.  —  Seligmanu  est  venu  ici  donner  un  concert  qui  a  été  ma- 
gnifique. On  en  demandait  un  second,  mais  des  obstacles  suscités  par  la 
direction  du  théâtre  ont  empêché  l'artiste  de  le  donner.  Le  talent  de  Se- 
ligmann  'a  été  reconnu  et  applaudi,  comme  à  Paris  et  dans  toute  l'Eu- 
rope. On  a  trouvé  qu'il  se  distinguait  par  une  grande  pureté  do  style,  que 
l'expression  en'  était  toujours  vive  et  bien  sentie,  jamais  exagérée,  et  que 
si  l'âme  de  l'artiste  passait  dans  les  cordes  de  l'instrument,  c'était  pres- 
que sans  eflbrt  et  sans  aucune  de  ces  contorsions  qui  s'autorisent  d'il- 
lustres exemples.  VAve  Maria  de  Schubert,  la  prière  de  Normu,  et  /  Zan,- 
pognarï,  tels  sont  les  morceaux  exécutés  par  l'artiste.  Le  dernier  a  été 
bissé,  chose  assez  rare  en  Afrique,  et  chose  plus  rare  encore,  Seligmann  a 
fait  une  recette  digne  de  son  talent. 

CHRONIQUE     ÉTRANGÈRE. 

%*  Londres,  13  mars.  —  Le  théâtre  italien  de  Covent-Garden  a  publié 
son  programme.  Les  chanteurs  et  cantatrices  seront  MM.  Mario,  Stigelli  , 
Luigi  Mei,  Soldi,  Tamberlik.  Galvani,  Ancler,  Gueymard.  Ronconi,Rommi, 
Bartolini,  Formes,  Tagliafico  ,  Polonini,  Gregorio  ,  Bâche  et  Marini, 
Mmes  Grisi,  Castellan,  Bertrandi,  Anna  Zerr,  Gazzaniga,  Medori,  Thérèse 
Seguin,  Cotti.  C'est  donc,  à  peu  de  chose  près,  toujours  la  même  troupe. 
Rien  de  nouveau  non  plus  dans  les  ouvrages  annoncés,  si  ce  n'est  un  cer- 
tain Pietro  il  grande.  (Pierre-le-Grand),  de  la  façon  de  Jullien,  qui 
a  composé-  tant  de  polkas,  valses  et-.quadrilles.  '  —  Le  théâtre  de  Sa  Ma- 
jesté, dirigé  par  M.  Lumley,  n'a  pas  encore  donné  son  bill  of  fare  ;  mais  on 
a  tout  lieu  d'espérer  qu'il  sera  splendide. 

*i*  Gand.  —  Marina  Falie.ru  vient  d'être  joué  dans  une  représentation 
au  bénéfice  de  M.  Zelger,  artiste  favori  de  public  de  cette  ville.  MM.  Lac 
et  Etienne  l'ont  très  bien  secondé;  Mmes  Begrez  et  Muller  ont  aussi  mon- 
tré beaucoup  de  talent.  Ce  succès  est  une  bonne  fortune  pour  les  artistes 
du  théâtre,  qui  s'étaient  mis  en  société  par  suite  des  embarras  de  la  di- 
rection. 

*.j*  Vienne.  —  La  réunion  pour  chant  d'homme  a  mis  au  concours  un 
-prix  de  dix  ducats  pour  la  meilleure  messe  vocale.  Le  terme  du  concours 
est  fixé  au  il 5  juillet  prochain.  —  M.  Schulhoff  est  de  retour.  Les  deux 
concerts   qu'il  a  donnés    jusqu'ici  avaient  attiré  beaucoup   de   monde. 

L'opéra  allemand  terminera  ses  représentations  par  le  Prophète,  le  l/i 

mars.  Le  15  commencera  la  saison  italienne;  Mmes  Medori  et  Déméric, 
MM.  Fraschini  et  Debassini  débuteront  dans  Lucia.  Le  17  auront  lieu 
les  débuts  de  Mme  Marray  et  de  M.  Scalese  dans  Don  Pasqualc  —  Au  com- 
mencement de  mai  sera  célébré  dans  la  chapelle  du  château  impérial  un 
jubilé  commémoratif  de  la  fondation  de  cette  chapelle  qui  existe  depuis 
/|00  ans.  Les  amateurs  de  musique  sacrée  liront  sans  doute  avec  intérêt 
la  liste  des  œuvres  qui  seront  exécutés  pendant  l'octave.  Des  messes  de 
Mozart,  Assmayer,  Mayseder,  Eybler,  Preyer  et  Beethoven  ;  Graduels  par 
Haydn,  Assmayer,  Hotter,  Eybler,  Preyer;  Offertoires  par  Assmayer, 
Ilotter,  Eybler  et  Preyer;  enfin  la  grande  litanie  de  Mozart  et  les  vêpres 
chorales  de  l'abbé  Vogler. 

*  *^Munich.  —  La  première  représentation  de  YEnfant  prodigue,  d'Au- 
ber, est  annoncée  pour  le  11  mars. 

*  *  Moscou.  —  Un  grand  nombre  d'artistes  sont  annoncés  pour  le  carême, 
entre  autres,  les  sœurs  Neruda.  On  attend  également  l'opéra  italien  de 
Saint-Pétersbourg.  M.  J.  Gungl,  le  Musard  berlinois,  fait  ici  de  bonnes 
affaires.  Dans  les  premiers  jours  d'avril,  M.  Gungl  partira  pour  Saint- 
Pétersbourg. 

Le  gérant  :  Ernest  DESCHAMPS. 


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M;  CSOI'SCIIAl.K.   La  mélancolie,  étuqV  d'après  J.   Gpdefroid  . 
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LE  FARFADET 

OPÉRA-COMIQUE   EN    UN    ACTE,    PAROLES   DE    M.    PLANARD,    MUSIQUE    DE  * 

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OUVERTURE  arrangée  pour  piano,  par  A.  de  Garaudé. 
CA  TALOGUE  i»/:  S  MORCEAUX  JOE  CffANT  A  TEC  ACCOMPAGNEMENT  M>E  PMA  NO  s 

'k  bis.  Le  même  transposé  pour  ténor. 

Duo  chanté  par  M.  Jourdan  et  Mlle  Lemercier  :  «  Que  ta  peur  est  iinbé- 


N"  1.  Couplet»  chantés  par  Mlle  Lemercier  :  ■•  A  la  fête  du  village.  » 

2.  Qnnliior  chanté  par  MM.  Jourdan.  Lemaire,  Mlles  Lemercier  et  ïalmont  : 

«  Ce  vieux  moulin  est  fait  exprès  pour  les  lutins.  » 

3.  Couplets  en  duo   chaînés   par  Mlles   Lemercier  et  Talmont:.  lime 

cajolait,  il  me  câlinait,  etc.  » 
I).  Air  chanté  par  M.  Bussine. 


aie: 


POLKAS,  11EDOWA,  SCOTTISCHS. 


fi.  liuo   et  quatuor  chanté  par  M.  Jourdan,  Lemaire,  Mlles  Lemercier  et 
Talmont  :  «  Ah  !  c'est  de  la  magie.  » 
Un  quadrille  et  une  valse  par  uikArd. 

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L'OUVERTURE    POUR    PIAKO   SEUIi  :  G  ffr. 


Couplet»  pour  voix  de  Bosse  chantés  par  M.  Grignon  :  ù  Le  rêve 
de  toute  ma  vie.  » ■ 3    » 

Air  de  baryton  chanté  par  M.  Meillet  :  «A  moi  la  jeunesse.»  5     » 

bis.  Le  même  transposé  pour  ténor 5     » 

Duo  de  la  valse  pour  sotraro  et  baryton  chanté  par  Mlle  Rouvroy 
et  M.  Meillet  :  «  Me  voilà!  oui  c'est  elle,  c'est  ma  belle.  »  9     » 


.'t.  t^raml  air  de  soprano  chanté  par  Mlle  Rouvroy  :  «  Où  suis-je? 
Oui  suis-je  ?  Quel  prestige  ?» 5    » 

5.  Couplets  pour  soprano  chanté  par  Mlle  Rouvroy  :   «  Quand  je 
commande,  attention,  silence  !» 3  75 

ÏÏIX  QUADRILLE  et  WJXM   VALSE  de  MUSARSfi. 
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DU  HliHK  .%(  TECH: 

Quadrille-Polka 4 

Mathilde,  polka 2 

Pauline,  polka 2 

Estelle,  polka 2 

POUR   PARAITRE    PROCHAINEMENT, 


Alice,  suite  de  valses. 

l*e  vieux  Piqueur,  quadrille. 

Follette,  polka-mazurka. 


Henriette,  schotisch. 
llitnuela,  schotiieh. 


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Ces  morceaux  ont  été  exécutés  par  l'auteur  à  son  dernier  concert. 

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19e  Année. 


»•  il*. 


On  s'nboi Im 

tilioa  toos  lea 
el  nus  Durcnu 


28  Mars  1852. 


I>rl\   ll<-    i     .h, ,ll.l.   Mi.   III   I 


Wi'sscli-tn'.'Wn.ni-fc'i-nUlri'i'l 
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30  centimes  la  ligne 
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te  Journal  pnrûit  le  Dir 


GAZETTE  MUSICALE 


13    fâllS, 


--w\AAAf©S©©JV/Wv\^- 


SOMMAIRE.    —  Théâtre  de  l'Opéra-Comique,  Madelon,  libretto  en  deux   actes  de 
M.  Sauvage,  partition  de  M.  Bazin  (1M  représentation},  par  Henri  Blanchard. 

—  Auditions  musicales,  par  le  môme.  —  Correspondance,  Berlin.  —  Nouvelles  et 
annonces. 


THEATRE  DE  L'OPERÂ-COMIOOE. 

SIAlIGiiOK, 

Opéra  comique  en  deux  actes;  libretto  de  M.  Sauvage  ;  partition  de 

M.  Bazin. 

(Première  représentation  26  mars  1852. ) 

Nous  sommes  en  plein  xvi'i"  siècle ,  du  vivant  de  Louis  XIII ,  sous  le 
règne  du  cardinal-roi ,  Armand  Duplessis  de  Richelieu ,  au  temps  de 
Dartagnan  et  du  capitaine  Roland  des  Mousquetaires  de  la  reine.  En 
la  petite  ville  de  Saint- Germain-en-Laye  est  établie  la  charmante  Ma- 
delon ,  qui  tient  le  cabaret  des  Barreaux -Verts ,  et  qui  reçoit  d'une 
façon  accorte  traitants  et  militaires.  Au  nombre  de  ces  derniers  se 
trouve  un  vieux  baron  ivrogne  bravache  et  ruiné,  qui  adore ,  à  ce  qu'il 
prétend,  la  charmante  maîtresse  de  cette  espèce  d'hôtel  garni.  Parmi 
ses  clients  et  ses  adorateurs  se  trouve  aussi  le  banquier  Bourgil- 
lon  ;  mais  son  amour  prétendu  pour  la  jeune  hôtesse  n'a  d'autre  objet 
que  de  la  mieux  servir  dans  son  projet  de  ramener  à  elle  Arthur 
de  Landri,  cornette  d'un  régiment  de  cavalerie.  Ce  jeune  officier  dé- 
teste toutes  les  femmes ,  parce  que  le  père  de  celle  qu'il  aimait  l'a 
complètement  ruiné  en  sa  double  qualité  de  tuteur  et  de  procureur.  I 
aimait  pourtant  la  fille  de  ce  tuteur  ;  mais  il  paraît  que  la  mémoire  mu. 
sicale  est  plus  solide  que  la  mémoire  du  cœur  en  notre  jeune  cornette , 
car  s'il  se  rappelle  parfaitement  et  répète  même  avec  plaisir,  avec  beau- 
coup de  charme  surtout,  une  ballade  sur  deux  fleurs  que  lui  chantait  la 
jeune  personne,  il  a  complètement  oublié  ses  traits;  à  ce  point  qu'il  ne 
la  reconnaît  point  quand  il  la  revoit  sous  le  nom  et  le  costume  de  la  ca- 
baretière  Madelon;  mais  elle  lui  fait  tant  de  coquetteries,  d'agacerieset  de 
chateries,  qu'il  finit  par  la  r'atmer  el  par  l'épouser,  bien  que  l'auteur 
n'en  dise  rien  ;  mais  ça  se  comprend  de  reste  pour  tout  auditeur  qui 
connaît  sa  morale  d'opéra  comique.  Il  y  a  même  partie  carrée  d'hymen  ; 
car  notre  vieux  capitaine  de  mousquetaires,  Roland  ou  Raymond,  en  re- 
vient à  ses  premières  amours,  Marie  Malpart,  jeune,  brutale  et  sédui- 
sante virago ,  qui  joue  de  la  cravache  comme  Lola  Montés  ,  et  qu'il 
épouse  sans  doute  aussi  :  on  aime  à  se  le  persuader,  pour  qu'il  soit  fait 
justice  des  prétentions  de  ce  nouveau  don  César  de  Bazan,  au  manteau 
sordide  et  couleur  de  muraille. 

Sur  ce  tableau  de  genre,  M.  François  Bazin  n'a  pas  précisément  mis 
une  musique  ayant,  comme  il  l'aurait  fallu,  la  couleur  et  les  allures  des 
figures  de  Canot;  mais  le  faire  en  est  facile  et  franc,  et  cela  marche 
bien.  La  musique  de  M.  Bazin  est  une  honnête  fille,  sans  caprice,  qu; 
plaît  par  sa  science  et  sa  simplicité. 


L'ouverture  commence  par  une  mélodie  un  peu  rétrospective,  comme 
on  en  faisait  au  commencement  de  ce  siècle,  et  qui  ne  manque  pas  de 
grâce,  ou  plutôt  de  bonhomie  :  on  aurait  mieux  aimé  qu'elle  fût  d'un 
temps  plus  reculé  encore  ;  elle  aurait  donné  plus  de  caractère  à  cette 
préface  musicale.  La  péroraison  retombe  dans  les  petits  et  sémillants 
rondos  du  jour. 

Après  un  chœur  de  mousquetaires  buveurs  qui  n'a  pas  beaucoup  de 
couleur  bachique  ni  même  guerrière,  vient  la  ballade  dont  nous  avons 
déjà  parlé,  souvenir  des  deux  fleurs,  des  primevères,  mélodie  originale 
et  simple  et  distinguée  tout  à  la  fois,  délicatement  chantée  par  Au- 
dran,  chargé  du  personnage  d'Arthur  de  Landri.  On  a  remarqué  de 
jolis  couplets  chantés  par  Madelon  ,  puis  un  air  dit  par  le  garçon  du 
cabaret  de  Madelon,  et  un  quintette  bien  traité  pour  la  voix.  L'air  avec 
péroraison  guerrière  chanté  par  la  demoiselle  Malpart,  ne  manque 
pas  de  verve,  et  cette  cabalette  est  bien  instrumentée.  La  remise  de  la 
lettre  par  cette  dernière,  et  qui  joue  un  rôle  important  dans  l'action ,  a 
offert  l'occasion  au  compositeur  de  montrer  son  savoir,  qui,  là,  devient 
dramatique  par  le  style  fugué  qu'il  a  employé. 

L'air  avec  péroraison  guerrière  aussi  sur  ces  paroles  : 

Vive ,  vive  la  guerre , 
Pour  étoudir  et  pour  faire  oublier , 

n'est  pas  sans  chaleur  et  sans  verve;  mais  ces  deux  vers  sont  répétés 
trop  souvent  et  même  à  satiété.  Quoi  qu'il  en  soit,  ce  morceau  est;  lar- 
gement traité.  Le  canlabile  par  lequel  il  commence  est  accompagné  par 
une  partie  de  cor  obligé  qui  s'éteint  et  disparaît  trop  tôt.  Il  faut  que  le 
compositeur  sache  soutenir  logiquement  ces  deux  sujets,  qui  ont  du 
charme  pour  l'oreille  de  l'auditeur  même  ignorant.  Si  nous  signalons  ce 
manque  d'haleine  scientifique  du  compositeur,  c'est  que  cet  inconvénient 
se  renouvelle  plusieurs  fois  dans  sa  partition  :  la  première  fois,  dans  un 
presque  solo  de  violon  qui  n'a  pas  de  suite,  et ,  plus  loin],  au  troisième 
acte,  dans  l'air  du  baron,  où  la  clarinette  intervient  d'une  façon  incom- 
plète dans  une  ritournelle  qui  fait  regretter  de  n'entendre  pas  plus 
longtemps  l'excellent  clarinettiste  Leroy  qui  joue  ce  solo. 

Les  couplets  dits  par  le  garçon  cabaretier  pendant  que  Landri  est  à 
table  sont  amusants  par  la  position  de  la  scène  et  par  une  modulation 
originale  de  ré  majeur  et  fa  majeur,  que  paraît  affectionner,  du  reste, 
M.  Bazin,  car  elle  revient  plusieurs  fois,  ce  nous  semble,  dans  le  cours 
de  la  partition.  Les  partisans  de  l'enchaînement  classique  des  tons 
relatifs  auraient  le  droit  de  s'en  scandaliser.  Ces  couplets,  dits  par 
M.  Sainte-Foy  de  la  manière  la  plus  comique,  ont  été  redemandés. 

On  peut  citer  comme  morceau  capital  de  la  partition  de  M.  Bazin,  le 
duo  entre  Madelon  et  Landri.  La  phrase  mélodique  dite  par  celui-ci  :  ,4 
vous  écouter,  à  vous  voir,  etc. ,  est  d'un  sentiment  délicieux.  Après  l'air 
du  baron,  où  se  trouve  le  solo  de  clarinette  dont  nous  venons  de  parler, 


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REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


air  trop  long,  mais  que  chante  fort  bien  Hermann-Léon,  vient  en- 
core un  duo  entre  le  baron  et  la  demoiselle  Malpart,  duo  éternel  et  qui 
doit  être  abrégé  au  moins  de  moitié,  d'abord  parce  qu'il  ne  contient 
rien  de  neuf  en  mélodie  et  en  harmonie,  et  puis  parce  que  la  situation 
dramatique  en  est  fausse.  On  n'aime  pas  à  voir  traiter  en  ironie,  en 
charge,  l'amour,  ce  sentiment  que  les  hommes  n'ont  pas  encore  pu 
gâter,  comme  le  dit  si  bien  Mlle  de  Lespinasse  dans  une  de  ses  lettres 
au  comte  deGuibert. 

Après  ce  duo  vient  un  nocturne  délicieux  de  mélodie  et  d'harmonie 
mystérieuse  et  distinguée,  dit  par  Madelon  et  Landri.  Tel  est  le  con- 
tingent musical  de  cet  ouvrage,  qui  maintient  M.  Bazin  dans  la  position 
honorable  qu'il  s'est  faite,  et  d'où  il  sortira  quelque  jour  par  quelque 
élan  de  cette  originalité  qu'on  ne  trouve  jamais  qu'après  l'avoir  long- 
temps cherchée. 

Mlle  Lefebvre  a  joué  le  rôle  principal  de  Madelon  avec  une  gaîté,  un 
entrain  charmant  et  qui  n'a  jamais  dépassé  la  limite  du  bon  goût  :  elle 
a  chanté  comme  toujours,  c'est-à-dire  avec  sûreté,  légèreté,  brio,  et 
cette  bonne  méthode  qu'elle  ne  déserte  jamais  pour  plaire  aux  audi- 
teurs inintelligents  du  parterre.  Audran  a  donné  au  personnage  du 
jeune  officier  de  cavalerie  une  physionomie  brusque,  originale  et  dra- 
matique, ce  qui  ne  l'empêche  pas  d'imprimer  à  la  partie  musicale  une 
couleur  expressive  et  charmante.  Hermann-Léon,  dans  le  vieux  baron 
Soudard,  est  digne  du  capitaine  Roland;  il  ne  pouvait  pas  mieux  faire 
que  de  se  copier.  Mme  Meyer-Meillet  est  suffisamment  Lola-Montès  dans 
son  rôle  de  la  Malpart.  Enfin,  la  preuve  qu'il  y  a  succès  et  qu'acteurs 
et  chanteurs  s'y  sont  associés,  c'est  qu'on  les  a  demandés,  qu'on  a  voulu 
les  revoir  après  la  pièce.  Faut-il  vous  dire  qu'ils  sont  tous  revenus  ? 
Pourquoi  pas?...  à  l'exception  cependant  de  M.  Lemaire.  chargé  de 
représenter  la  finance  dans  la  personne  du  banquier  Bourgillon. 

Henri  BLANCHARD. 


AUDÏTMS  MUSICALES. 

31.  ©orTal-Yalentino.  —  SB.  A  ntonin   Cànillct.  —  ÎSlle  ISontemps. 

—  CEBCBjE  HUSICALi  ET  lilVVËRAlBE.  —  Mlle  Marie 
Ducrest.  —  BSllc  «le  Courcellcs.  — SBlle  «le  S.nmli.  —  M.  3,éi>pol«l 
:tma(.  —  l^EUVRE  DES  FAUIIOURGS.  —  MM.  Kriigcr  et 
ITeïlefseii.  —  M.  Colline.  —  Mlle  Klêve.  —  M:  Stamaty.  —  M.  For- 
gués.  —  Mlle  Bîillon.  —  33.  EBazzini.  —  M.  et  Mme  Welofl're  et 
M.  E»ilet.  -Le  petit  Paul-sSiilien.— SB.  ESonelii'rajf  <  «  Mlle î.rac- 
ter. 

Une  question  peut  paraître  fondée  à  propos  de  tant  de  con- 
certs, de  tant  de  matinées  et  de  soirées  musicales.  Les  œuvres  qui 
se  produisent  dans  ces  séances  sont-elles  utiles  au  progrès  de  l'art? 
Se  prononcer  pour  l'affirmative  serait  montrer  une  excessive  bien- 
veillance. Cependant,  avec  un  peu 'de  bonne  volonté,  on  doit  savoir 
gré  à  des  gens  qui  1  ouent  nos  salles  de  concerts  pour  y  convier  une 
société  presque  toujours  bien  composée,  —  il  est  vrai  que  l'on  commence 
déjà  d'y  mêler  des  claqueurs,—  et  qui,  en  définitive,  passe  des  moments 
fort  agréables.  C'est  ce  qui  explique  pourquoi  l'on  donne  à  domicile 
tant  de  séances  de  musique  intime,  classique  ou  légère.  Si  donc  nous 
signalons  plusieurs  de  ces  séances  qui  n'ont  pas  absolument  lieu  dans 
l'intérêt  de  l'art  sérieux,  c'est  pour  donner  une  idée  à  nos  lecteurs  du 
mouvement  musical  pendant  celte  saison  [de  concertomanie,  et  puis 
afin  d'y  découvrir  ce  qui  peut  être  utile  ou  nouveau.  Ainsi  c'est  moins 
dans  l'intention  de  faire  savoir  à  nos  lecteurs  que  M.  Dorval-Valentino 
a  donné  une  soirée  musicale  et  dansante,  où  la  musique  légère  a  tenu 
une  large  place,  puisqu'il  s'agissait  de  danse,  que  de  rappeler  qu'il  est 
auteur  d'une  méthode  de  chant  dans  laquelle  il  a  su  parfaitement  déve- 
lopper l'art  de  bien  prononcer,  qui  est  celui  de  bien  poser  la  voix  et 
d'émettre  le  son,  premiers  éléments  de  l'art  du  chant. 

—  M.  Antonin  Guillot  est  aussi  un  excellent  poseur  de  voix,  et  qui 
a  déjà  fait  d'excellents  élèves  pour  le  solo  ou  l'ensemble.  Quand  il  ne 
compterait  parmi  ses  disciples  que  Mlle  Brousse,  amateur,  qui,  dans 
une  matinée  musicale  qu'il  a  donné  chez  lui,  a  dit  l'air  :  Robert,  toi  que 
i'aime,  etc. ,  en  soprano  de  premier  ordre,  celte  seule  audition  prou- 


verait que  M.  Antonin  Guillot  sait  choisir  ses  élèves,  et  que  Mlle  Brousse 
a  bien  su  profiter  des  conseils  de  son  professeur.  Mlle  Favel,  de 
l'Opéra-Comique,  autre  élève  de  M.  Guillot,  a  chanté  aussi  dans  cette 
séance  avec  beaucoup  de  justesse,  de  style  et  d'instinct  dramatique  l'air 
et  le  boléro  du  Carillonneur.  Pourquoi  donc  Mlle  Favel  n'a-t-elle  encore 
eu  d'autre  rôle  que  celui  de  Nina,  que  du  reste  elle  chante  et  joue  à  mer- 
veille ?  Un  final  d'Oberon  a  été  dit,  con  cori,  avec  un  louable  ensemble 
par  des  artistes  et  des  amateurs.  Ajouter  qu'Alard  a  exécuté  sa  fantaisie 
sur  la  Fille  du  Régiment,  et  que  Rosenhain  a  fait  entendre  sa  légende 
fantastique  de  la  Danse  des  Sylphes,  c'est  dire  que  cette  matinée  musi- 
cale a  été  charmante. 

—  Mlle  Bontemps  est  aussi  une  cantatrice  ;  elle  est  peu  connue  et 
mérite  pourtant  de  l'être,  car  elle  chante  juste  et  dans  un  bon  style. 
Il  est  des  gens  qui  disent  que  le  chanteur,  semblable  à  l'orateur,  doit, 
avoir  l'air  d'improviser  ce  qu'il  a  souvent  appris  très  péniblement  ;  et 
ces  gens  ont  remarqué  que  Mlle  Bontemps  fait  un  peu  trop  sentir  celui 
(le  bon  temps)  de  la  mesure  par  un  mouvement  de  la  main  droite  qui 
bat  la  mesure  comme  un  professeur  de  solfège  ;  mais  cela  n'a  pafe  em- 
pêché Mlle  Bontemps  de  fort  bien  chanter  l'air  :  Grâce  !  de  Robert-le- 
Diable,  et  Yarioso  du  Prophète  d'une  voie  pure  et  bien  exercée. 

—  Puisque  nous  en  sommes  sur  la  voie  des  bonnes  et  belles  voix,  il 
faut  bien  dire  que  Mme  Mallarmi,  qui  a  succédé  àMlle  Nau  aux  concerts 
donnés  par  M.  Malibran  dans  la  salle  Sainte-Cécile,  n'a  pas  réuni  le 
nombre  de  voix  suffisant  pour  lui  donner  voix  au  chapitre  dans  ces 
concerts,  qui,  toutefois,  attirent  du  monde  par  la  modicité  du  prix  d'en- 
trée et  le  choix  de  bonne  musique  qu'on  y  exécute,  grâce  au  chef  d'or- 
chestre actif  et  intelligent  qui  dirige  les  concerts  du  Cercle  littéraire 
et  musical. 

—  Mlle  Marie  Ducrest,  à  la  voix  fine,  souple,  déliée,  et  qui  est  en 
train  de  lui  faire  acquérir  plus  de  volume,  de  rondeur  et  de  hardiesse 
vocale,  par  les  leçons  qu'elle  prend  de  l'habile  professeur  Bordogni , 
après  avoir  été  élève  de  sa  mère  qui  professe  fort  bien  l'art  du  chant, 
Mlle  Marie  Ducrest  a  donné  lundi  passé  un  charmant  concert  chez 
Pleyel,  où  elle  s'est  fait  justement  applaudir  dans  l'air  d'nn  opéra  peu 
connu,  de  Donizetti,  Buondelmonte,  et  puis  en  nous  faisant  entendre 
des  bagatelles  musicales  qu'elle  a  dites  avec  beaucoup  de  goût,  de  grâce 
et  d'esprit. 

—  Mlle  de  Courcelles  n'en  est  plus  à  apprendre  d'un  professeur 
comment  on  éblouit  un  auditoire  au  moyen  d'une  vocalisation  et  des 
élans  de  son  âme  musicale  ;  elle  sait  exercer  ce  prestige  et  l'enseigner 
aux  autres,  à  Mlle  Delphine  Skopetz,  son  élève,  par  exemple,  avec  qui 
elle  a  chanté  le  duo  de  la  JSorma  dans  le  concert  que  cette  cantatrice  a 
donné  dans  la  salle  de  Y  Association  des  artistes  musiciens.  Ce  concert 
avait  attiré  beaucoup  de  monde;  et  si  nous  ne  signalons  pas  les  artistes 
qui  ont  secondé  la  bénéficiaire,  c'est  qu'ils  étaient  en  trop  grand  nombre, 
et  que  nous  sommes  certain  de  les  retrouver  sur  un  autre  programme 
de  concert  avec  les  mêmes  morceaux  qui  leur  vaudront  sans  doute  la 
même  somme  d'applaudissements. 

—  Mlle  de  Landi  est  encore  une  cantatrice  qui  ne  possède  pas  une 
éclatante  renommée.  Mlle  de  Landi  est  une  belle  personne  qui  ne  chante 
que  de  la  musique  italienne.  La  désinence  de  son  nom  lui  en  donne  le 
droit  ;  mais  elle  n'en  a  pas  abusé  dans  la  soirée  dramatique  et  musicale 
qu'elle  a  donnée  dans  la  salle  Barthélémy,  salle  qui  répond  à  toutes  les 
exigences  de  l'acoustique,  mais  qui  se  trouve  dans  une  position  topogra- 
phique assez  bizarre  pour  qu'on  ne  s'empresse  point  d'aller  à  sa  recher- 
che, S  moins  qu'on  n'espère  y  voir,  y  entendre  ce  qu'on  y  a  vu  et  entendu 
dans  la  séance  donnée  par  la  bénéficiaire,  Mmes  Denain  et  Nathalie, 
du  Théâtre-Français,  dans  la  scène  du  Misanthrope,  entre  Célimène  et 
Arsinoé,  la  première  jouant  d'une  façon  exquise  avec  M.  Brindeau  le 
proverbe  exquis  de  M.  Alfred  de  Musset  :  Il  faut  qu'une  porte  soit  ou- 
verte ou  fermée;  Mlle  Siona-Lévy  nous  disant  les  monologues  de 
Jeanne  d'Arc  et  de  Cléopâtre  à  la  manière  de  Rachel,  et  puis 
Mlle  Montigny  qui  est  venue  nous  chanter  l'air  de  la  Favorite  :  0  mon 
Fernand  !  d'une  voix  puissante,  et  consciencieuse,  et  large,  et  bien 


DE  PARIS. 


posée,  en  qui  se  manifeste  une  tendance  vers  l'Opéra,  où  elle  serait 
entendue  avec  plaisir  et  succès.  En  ajoutant  à  tout  cela  une  musique 
militaire  cachée,  assez  mal  composée  et  médiocrement  exécutée  ;  des 
choristes  cachés  aussi  dans  le  cintre,  et  qui  nous  ont  dit  avec  aussi  peu 
d'ensemble  que  de  justesse  : 

La  garde  passe,  il  est  minuit; 
Qu'on  se  retire  et  point  de  bruit. 

on  conviendra  que  cette  soirée  pittoresque  offrait  de  quoi  choisir 
entre  le  bon  et  le  mauvais.  Au  reste,  dans  cette  variété,  le  bon  l'a  em- 
porté, et  la  manière  de  chanter  de  Mlle  de  Landi  en  faisait  partie,  sur- 
tout dans  l'air  de  la  F iglia  del  Regghnenlo,  qu'elle  a  presque  dit  à  la 
Sontag. 

— En  fait  de  manière  de  chanter,  chacun  a  la  sienne  :  les  uns  chantent 
du  nez ,  les  autres  de  la  gorge,  ceux-ci  de  la  tête  ;  on  chante  avec 
beaucoup  de  voix,  peu  de  voix  ou  sans  voix.  M.  Léopold  Amat  chante, 
lui,  avec  un  tiers  ou  même  un  quart  de  voix  :  c'est  un  tour  de  force 
pour  lequel  il  n'en  faut  pas  beaucoup;  mais  la  vigueur,  la  force,  sont 
remplacées  par  la  grâce  et  la  douceur  chez  ce  chanteur  romanciste. 
L'àme,  l'expression  musicale  ont  le  privilège,  le  don  de  commander  le 
silence,  de  se  faire  écouter  ;  et  les  auditeurs  ont  pour  elles  le  senti- 
ment qui  faisait  dire  à  Mme  de  Sévigné,  en  parlant  de  sa  fille  :  «  J'ai 
mal  à  sa  poitrine.  » 

Dans  le  concert  que  M.  Léopold  Amat  a  donné,  mardi  23,  dans  la 
salle  Herz  ,  il  a  dit  (c'est  le  mot)  de  charmantes  petites  choses  musi- 
cales qui  ne  jetteront  nulle  perturbation  dans  l'art  de  l'harmonie  et 
même  de  la  mélodie  ;  il  s'est  rappelé  au  souvenir  des  vieux  amateurs 
de  ce  genre  de  musique  en  leur  redisant  la  Feuille  et  le  Serment,  chant 
qui  eut  un  moment  de  fraîcheur,  et  qui  était  tombé  dans  l'oubli  comme 
une  feuille  d'automne  et  le  serment  d'une  coquette. 

Louis  Lacombe  a  joué  du  piano  dans  ce  concert  comme  il  en  joue 
toujours,  avec  cette  fermeté,  cette  pureté  et  cette  mélodie  que  peu  de 
pianistes  pratiquent  sur  leur  instrument  peu  mélodique  de  son  carac- 
tère; et ,  puisque  nous  voilà  sur  la  voie  du  madrigal  lancé  aux  auxi- 
liaires du  bénéficiaire,  disons  avec  justice  que  M.  Offenbach  a.  joué  avec 
justesse  un  fort  joli  solo  de  violoncelle  sur  Guillaume  Tell  ;  que 
Mme  Gaveaux-Sabatier  s'est  montrée  ce  qu'elle  est  toujours,  d'une 
grâce  et  d'une  naïveté  charmantes  ;  que  M.  Edouard  Lyon  ,  de  l'Opéra, 
possède  une  belle  voix  dont  il  se  sert  fort  bien  ;  que  Mme  Iweins- 
d'Hennin  a  soutenu  dignement ,  dans  de  petites  choses  musicales,  sa 
réputation  de  cantatrice  et  de  professeur  de  chant  ;  et  qu'enfin  Mme  Tac- 
cani  (comtesse  Tasca)  a  chanté  en  femme  de  qualité  qui  est  restée  artiste 
de  non  moins  bonne  qualité. 

—  Dans  le  concert  donné  le  23  mars  dans  la  salle  Sainte-Cécile,  au  profit 
de  YOEwre  des  faubourgs,  M.  Alexis  Dupond  a  chanté  un  Ave  Maria  ; 
M.  Bouché,  l'air  de  la  Calumnia;  Mlle  Bochkoltz-Falconi,  une  cavatine 
italienne  et  Y  Adieu  à  la  mer,  de  Rosenhain  ;  Mlle  Révilly,  de  l'Opéra- 
Comique,  a  dit  d'une  manière  brillante  et  pure  un  dialogue  pour  so- 
prano et  flûte,  avec  l'auteur  de  ce  morceau,  M.  Coninx.  Ces  artistes, 
ainsi  que  M.  Beauvallet  et  Mlle  Rimblot,  dans  Y Hamlcl  de  Ducis  ,  et  la 
belle  scène  du  quatrième  acte  de  Jeanne  d'Arc,  ont  montré  autant  de 
talent  que  de  philanthropie.  Au  reste, on  sait  depuis  longtemps  qu'artiste 
et  bienfaisant  sont  synonymes.  11  est  juste  d'ajouter  à  cette  nomen- 
clature MM.  Perrelli,  le  pianiste;  M.  Chéry,  le  comédien;  Déledic- 
que,  le  violoniste;  Chaudesaignes,  l'amusant  raconteur  de  chansonnet- 
tes, et  M.  Quintin  ,  chef  de  musique  du  19"  léger,  qui  a  fait  exécuter 
l'ouverture  d'Haydée  et  de  fort  jolies  valses. 

—  11  faut  absolument  qu'un  nouveau  Cadmus  musical  ait  semé  des 
dents  d'éléphant  dont  il  naît  des  milliers  de  touches  d'ivoire  de  piano 
et  autant  de  pianistes  qui  semblent  surgir  de  dessous  terre.  Nous 
commençons  à  croire  qu'il  y  avait  présomption  de  notre  part  quand 
nous  nous  sommes  porté  fort  et  capable  de  faire  apercevoir  les  nuan- 
ces qu'il  y  a  entre  tant  de  virtuoses  promenant  leurs  doigts  sur  le  cla- 
vier. Nous  venons  de  recevoir  la  visite  d'un  pianiste  de  la  Norvège,  qui 
nous  a  montré  assez  de  goût  pour  s'excuser  de  se  présenter  à  nous  en 


cette  qualité.  Il  y  a  de  l'esprit  dans  ce  scrupule  ,  et  nous  parierions  que 
cet  artiste  a  tout  autant  de  talent  que  le  premier  artiste  de  talent  venu. 
Au  reste,  nous  verrons,  bien  et  nous  entendrons  M.  Tellefsen,  pianiste 
norvégien,  qui  doit  donner  un  concert  le  31  de  ce  mois  dans  la  salle 
Pleyel. 

—  Nous  n'en  sommespas  aux  conjecturessurle  talent  fin  et  distingué  de 
M.  Krûgcr;  il  semble  tenir  de  Chopin  ce  jeu  qui  avait  fait  de  ce  musicien- 
poète,  le  pianiste  des  lemines  et  des  rêveurs  ;  et  dans  le  salon  comme 
dans  le  concert  qu'il  a  donné  dans  la  salle  Herz,  il  y  a  quelques  jours, 
M.  Krûger  se  montre  et  s'est  montré  compositeur  de  goût  et  virtuose  à 
l'exécution  nette  et  brillante,  soit  dans  sa  Harpe  éolienne  ou  sa  Danse 
espagnole,  qu'il  intitulera,  dit-on,  Y  Arayonaise. 

—  M.  Codine  est  un  de  ces  pianistes  qui  se  sont  fait  porter  telle- 
ment haut  par  la  presse  littéraire  ,  que  nous  avons  besoin  de  réen- 
tendre  ce  célèbre  virtuose  pour  voir  jusqu'à  quel  point  est  fondée  cette 
illustration. 

—  Après  s'être  formé  un  jeu  éclectique  des  différentes  manières  de 
procéder  sur  le  piano  qui  distinguent  Thalberg,  Doehler,  Prudent 
et  autres  réellement  célèbres  pianistes  dont  elle  a  reçu  des  leçons, 
Mlle  Blêve  s'est  essayée  dans  une  des  soirées  musicales  de  M.  Max- 
Mayer ,  et  là  on  s'est  convaincu  qu'il  lui  a  été  donné,  comme  à  Pan- 
dore, quelque  chose  par  chacun  de  ces  dieux  de  l'art.  Si  la  fille  de 
Vulcain  garda  l'espérance  dans  la  boîte  dont  on  l'avait  chargée,  l'es- 
pérance de  devenir  une  artiste  distinguée  est  aussi  dans  la  boîte  qu'on 
appelle  un  piano,  pour  Mlle  Blêve. 

—  Le  talent  de  pianiste  n'est  point  en  espérance  chez  M.  Stamaty; 
il  est  à  l'état  de  fait  accompli,  réalisé.  L'excellent  professeur  a  prouvé 
cette  vérité  par  des  exemples  réitérés  dans  le  concert  qu'il  a  donné 
dans  la  salle  Pleyel.  Musique  classique  et  des  grands  maîtres  du  piano, 
études  charmantes  et  de  sa  composition,  le  moderne  Clementi  a  jeté 
tout  cela  avec  prodigalité  à  ses  auditeurs,  qui  l'ont  applaudi  comme 
il  le  méritait,  c'est-à-dire  avec  un  excès  de  bonne  compagnie  et  de  bon 
goût. 

—  Voici  venir  un  autre  pianiste  cherchant,  et  même  ayant  comme 
trouvé  une  individualité  qui,  à  proprement  parler,  ne  procède  d'aucune 
école,  d'aucune  imitation.  M.  Emile  Forgues  est  un  pianiste  chaleureux, 
fougueux  même  ;  il  cherche  et  trouve  des  intonations  pleines,  rondes, 
surtout  dans  les  cordes  basses  de  l'instrument  où  le  son  est  si  confus. 
II  a  dit,  au  commencement  du  concert  qu'il  a  donné  mercredi  dernier 
dans  la  salle  Herz,  Yandanle  de  Thalberg  d'une  manière  large  et  belle, 
et  puis  les  Mélodies  hongroises,  de  Liszt,  d'un  rhythme  impérieux  et 
puissant.  Comme  tous  les  pianistes  de  France  et  de  Navarre,  et  de  mille 
autre  lieux,  M.  Forgues,  qui  vient  d'Espagne,  a  fait  sa  Tarentelle,  fan- 
taisie pleine  d'entrain  et  de  verve  et  d'originalité,  et  il  l'a  dit  d'une  vi- 
vacité, d'une  fougue  qui  donne  bien  l'idée  de  cette  danse-délire  appro- 
priée à  l'imagination  des  habitants  du  Midi.  Son  boléro,  sous  le  titre  de 
YAlcasar,  a  bien  aussi  la  couleur  méridionale,  et  il  est  modulé  d'une 
manière  inattendue  et  pittoresque.  Toutes  ces  compositions  et  la  façon 
de  les  dire  font  de  M.  Forgues  un  artiste  à  physionomie  nouvelle  et  bien 
accusée;  cela  est  rare  par  le  temps  de  pianistes  qui  court  ou  qui  cou- 
rent après  la  renommée.  Si  nous  citons  au  courant  de  la  plume  la  so- 
nate en  ut  dièze  mineur  que  la  plupart  des  pianistes  jouent  en  ce  mo- 
ment dans  les  concerts,  et  que  nous  a  dite  aussi  M.  Forgues,  c'est  pour 
faire  remarquer  à  ceux  qui  se  croient  appelés  à  nous  traduire  cette  so- 
nate, qu'il  faut  autre  chose  que  de  la  force  et  de  la  chaleur  pour  bien 
interpréter  cette  sombre  et  belle  élégie  :  il  faut  pour  cela  se  sentir  de 
la  poésie  dans  l'âme,  dans  la  tête  et  jusqu'aux  bouts  des  doigts. 

—  Dans  une  soirée  un  peu  plus  publique  que  celle  qu'elle  avait  donnée 
dans  la  petite  salle  Sainte-Cécile  ,  Mlle  Juliette  Dillon  s'est  posée  en 
Corinne  musicale,  en  improvisatrice,  dans  la  salle  de  l'Association  des 
artistes-musiciens,  boulevart  Bonne-Nouvelle.  Sur  le  ton  de  la  bémol 
majeur  et  la  mesure  en  six-huit  que  deux  différentes  personnes  lui 
avaient  indiqués,  la  Pythie  musicale,  la  moderne  Sapho  a  créé  à  l'ins- 
tant une  mélodie  bien  rhythmée  et  non  moins  bien  harmoniée  qu'on  a 


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REVUE  2.T  GAZETTE  MUSICALE 


justement  aplaudie.  Les  improvisations  sur  un  thème  donné  et  sur  un 
sujet  poétique  ont  été  moins  claires  ;  celle  sur  une  scène  renfermant 
plusieurs  sujets  contrastant  entre  eux,  n'ont  offert  que  des  thèmes  con- 
nus mis  à  la  suite  les  uns  des  autres,  et  plus  ou  moins  brodés  d'une 
arabesque  mélodique,  dessinée  à  la  Thalberg.  Dans  cette  séance,  comme 
dans  la  première,  des  hommes  du  monde  et  des  gens  de  lettres  se  sont 
trouvés  qui  demandaient  qu'on  transportât  sur  le  piano,  qu'on  y  peignît 
des  choses  vagues,  métaphysiques,  impossibles  enfin,  telles  que  le  ju- 
gement  dernier  et  autres  petits  faits  de  ce  genre.  Cela  nous  a  remis  en 
mémoire  les  bals  historiques  donnés  à  l'Opéra  il  y  a  quelques  années  , 
et  dans  lesquels  Arnal,  en  compositeur  chef  d'orchestre,  faisait  exécuter 
une  symphonie  plus  ou  moins  fantastique  sur  le  trois  pour  cent,  et  s'é- 
criait qu'il  fallait  être  doué  d'une  bien  mauvaise  organisation  musicale 
pour  ne  pas  saisir,  voir,  entendre,  dans  les  effets  de  son  orchestre,  les 
fluctuations  du  cours  de  la  bourse  qui  haussait  et  baissait.  Quoi  qu'il  en 
soit  de  cette  plaisanterie,  il  restera  de  l'essai  fait  par  Mlle  Dillon  une 
tentative  'artistique  dent  il  peut  résulter  des  effets  neufs  et  piquants 
dans  la  science  des  sons  maniés  instantanément  comme  la  parole  par 
l'orateur,  et  dont  il  peut  surgir  de  belles  et  nobles  inspirations. 

—  Après  les  brillants  succès  que  viennet  d'obtenirs  Ernst  et 
Léonard,  il  était  difficile  de  s'y  faire  remarquer  sur  le  même  instru- 
ment. M.  Bazzini,  virtuose  milanais,  l'a  tenté,  et  il  a  réussi.  M.  Baz- 
zini  s'est  fait  entendre  au  Théâtre-Italien,  entre  les  deux  actes  à'il 
Barbiere  di  Siviglia.  Il  a  joué  deux  fantaisies  sur  des  mélodies  ita- 
liennes, et  les  a  dites  comir.e  Rubini  les  aurait  chantées  dans  son  beau 
temps. 

M.  Bazzini  connaît  on  ne  peut  mieux  toutes  les  ressources  de  son 
instrument.  Il  chante  délicieusement,  fait  le  trille  et  le  staccato  de  la 
manière  la  plus  brillante  ;  ilf-y  a  en  lui  chaleur,  sensibilité,  fougue,  ca- 
price, originalité,  surtout  dans  sa  piquante  Ronde  des  lutins,  fantaisie 
piquante  et  diabolique  de  difficultés  inextricables  dont  il  triomphe 
merveilleusement.  Que  manque-t-il  donc  à  ce  nouveau  Paganini  pour 
être  le  premier  violoniste  de  l'époque  ?  Ce  que  possèdent  au  plus  haut 
degré  Vieuxtemps  et,  Léonard  :  le  son,  cette  intonation  nourrie  et 
puissante,  rende  [et  pleine,  et  qui  vibre  au  loin,  et  satisfait  l'oreille, 
l'esprit  et  le  cœur. 

—  M.  et  Mme[Delcffre  et  M.  Pilet  sont  trois  artistes  d'un  talent  vraj 
et  consciencieux  dans  chacune  de  leur  spécialité.  M.  Deloffre  est  un 
de  nos  bons  violonistes  français,  qui  vient  de  bien  tenir  son  rang  de 
soliste  au  théître  de  la  Reine,  à  Londres,  pendant  plusieurs  années;  il 
a  l'intonation  juste,  joue  avec  expression  et  fait  bien  la  difficulté. 
Mme  Deloffre  est  une  charmante  pianiste  qui  dialogue  au  mieux  une 
sonate  ou  un  trio  de  Beethoven,  avec  son  mari  et  M.  Pilet,  excellent 
violoncelliste.  Il  résulte  de  ce  ménage  musical  à  trois  un  ensemble  de 
bonne  et  sérieuse  musique  que  les  auditoires  les  plus  difficiles  à  con- 
tenter sort  charmés  d'entendre.  C'est  ce  que  celui  qui  assistait,  mer- 
credi passé,  au  concert  que  ces  trois  artistes  ont  donné  dans  la  salle 
Herz,  lui  a  prouvé  en  les  applaudissant  à  l'unanimité.  Le  beau  duo 
pour  violon  et  violoncelle  qui  terminait  ce  concert  a  surtout  enlevé 
tous  les  suffrages.  Par  la  double  corde,  ces  deux  beaux  instruments  qui 
se  marient  si  bien,  produisent  les  effets  d'un  quatuor  à  riche  et  puis- 
sante harmonie,  et  l'ensemble  avec  lequel  le  disent  les  deux  virtuoses 
en  fait  un  morceau  neuf  et  des  plus  intéressants. 

—  Après  tous  ces  violonistes  de  talent,  il  faut  bien  signaler  le  retour 
de  notre  petite  merveille  Paul  Julien,  bien  que  nous  n'aimions  guère  à 
crier  au  prodige  à  l'exhibition  de  ces  petites  marionnettes  musicales  qui 
finissent  presque  toujours  par  se  donner  une  entorse  en  courant  sur  le 
grand  chemin  de  la  célébrité.  Mon  petit  bonhomme  d'artiste,  de  Paga- 
nini en  herbe,  tu  imites  parfaitement  ton  maître  Alard  ;  tu  parodies  au 
mieux  sa  sensibilité,  son  staccato  perlé  et  son  trille  si  bien  mordu  ;  mais, 
gâté  par  le  public,  par  les  belles  dames  du  monde,  tu  poses  déjà  dans 
ta  veste  écourtée  de  gamin  musical  ;  Lu  masses,  tu  arranges  artistement 
tes  cheveux  dans  les  intervalles  des  tutti.  Prends  garde  à  cela,  et  sur- 
tout ne  colporte  pas  dans  tous  les  concerts  les  trois  ou  quatre  morceaux 


que  tu  sais  bien,  que  tu  dis  gentiment,  mais  qui,  trop  répétés,  finiraient 
par  te  faire  passer  pour  un  automate  de  Maelzel.  Voilà  les  réflexions 
qui  me  sont  venues  à  ton  concert,  en  t'écoutant  nous  dire  les  mêmes 
morceaux  que  tu  avais  joués  la  veille  au  concert  de  M.  Forgues. 

—  Un  autre  violoniste,  le  jeune  Roncheraye,  qui ,  celui-là  ,  n'a  pas 
trouvé  de  meilleur  moyen  de  se  distinguer  que  de  tenir  son  archet  de 
la  main  gauche  et  de  doigter  de  la  main  droite,  a  aussi  donné  un  con- 
cert dans  lequel  il  a  produit  son  petit  effet  de  singularité.  Ce  qu'on  a 
remarqué  de  plus  intéressant  dans  cette  séance  musicale,  c'est  la  fan- 
taisie de  Prudent  sur  la  Lucie,  exécutée  avec  une  grâce,  une  chaleur  et 
une  poésie  ravissantes  par  Mlle  Graever.  La  charmante  pianiste  a  évo- 
qué dans  l'âme  de  ses  auditeurs  tout  ce  qu'il  y  a  de  sensibilité  et  de 
passion  dans  le  seul  roman  d'amour  que  nous  ait  laissé  Walter  Scott. 

Henri  BLANCHARD. 


CORRESPONDANCE. 

Berlin,  14  mars  1852. 

Notre  campagne  musicale  d'hiver  est  terminée  ou  à.  peu  près.  Je  vou- 
drais ne  pas  trop  nous  vanter,  mais  je  puis  le  dire,  on  a  vaillamment  com- 
battu. Je  ne  mentionnerai  même  pas  les  légères  escarmouches,  et  je  m'en 
tiendrai  uniquement  aux  grandes  bataille!.  Voici  d'abord  les  faits  et  gestes 
du  corps  des  instrumentistes  :  neuf  soirées,  où  ont  été  exécutées  dix-huit 
grandes  symphonies,  à  savoir,  toutes  les  symphonies  de  Beethoven,  et  les 
plus  importantes  parmi  celles  de  Haydn,  Mozart  et  des  maîtres  modernes; 
déplus,  dix-huit  grandes  ouvertures  de  Beethoven,  Mozart,  Cherubini , 
Mendelssohn  et  de  quelques-uns  de  leurs  successeurs.  J'avoue  que  dans 
ces  évaluations  j'ai  un  peu  anticipé,  la  dernière  soirée  de  symphonies  ne 
devant  avoir  lieu  que  mercredi  prochain  (nous  sommes  aujourd'hui  à 
dimanche)  ;  mais  lorsque  vous  livrerez  mon  bulletin  à  l'impression,  la  vic- 
toire sera  décidée.  Pour  le  général  en  chef  du  corps  des  symphonistes , 
M.  Taubert,  je  demande  la  grand'eroix,  et  pour  les  artistes  sous  ses  or- 
dres, celle  de  chevalier  de  l'ordre  des  symphonies,  qui  vient  immédiate- 
ment après  celle  de  la  Toison-  d'Or. 

Le  bataillon  sacré,  — je  ne  saurais  trouver  de  dénomination  plus  con- 
venable pour  le  corps  de  musique  religieuse  ,  —  a  peut-être  montré  en- 
core plus  d'activité  et  de  vaillance.  Il  nous  a  fait  entendre,  avec  le  con- 
cours de  l'Académie  de  chant,  deux  grands  oratorios  :  Judas  Macchabée,  de 
Uaendel,  les  Dernières  heures  du  Sauveur,  par  Spohr  et  des  compositions 
de  Mendelssohn,  Taubert  et  Naumann.  Le  chœur  du  Dôme  a  fait  paraître 
sur  le  champ  de  bataille  les  héros  des  anciens  jours  :  Palestrina,  Lotti 
Caldara,  Léo,  Gabriel)',  Durante,  etc.  ;  parmi  les  modernes  :  Bernard 
Klein  et  Mendelssohn.  Pour  la  fin  de  la  saison,  la  réunion  de  chant  Stern 
nous  promet  le  Samson,  de  Uaendel. 

Les  troupes  légères  de  la  musique  de  chambre  ont  également  fait  leur 
devoir.  Je  citerai  d'abord  les  dix-huit  trios  de  Beethoven,  Mozart,  Haydn, 
Onslow,  Spohr,  etc.,  et  six  compositions  nouvelles  exécutées  par  les 
frères  Stahlknecht  et  l'élégant  pianiste  M.  Loeschhorn  ;  puis  les  dix-huit 
quatuors  classiques  que  nous  a  fait  entendre  M.  Zimmermann  ;  un  sex- 
tuor, un  quintette,  un  trio,  une  sonate  avec  accompagnement  par  l'excel- 
lent violoniste,  M.  Grunewald  et  M.  Seidel,  pianiste  distingué. 

Quant  à  l'opéra,  on  peut  dire  qu'il  s'est  surpassé  lui-même.  Vous  vous 
rappelez  sans  doute  que,  depuis  le  mois  de  juillet  de  l'année  dernière,  un 
nouveau  feld-maréchal  se  trouve  à  la  tête  de  ce  corps  d'armée,  dans  le- 
quel le  maintien  de  la  subordination  n'est  pas  facile  à  obtenir.  Les  légions 
féminines,  â  qui  on  doit  sans  doute  les  plus  brillantes  victoires,  se  mon- 
trent souvent  rétives  à  l'endroit  de  la  discipline  ;  plus  d'un  malheureux 
imprésario  en  a  fait  l'expérience.  Le  nouveau  général  en  chef,  M.  de  I-Jul- 
sen,  a  dignement  soutenu  la  réputation  de  sa  famille,  qui  figure  avec 
gloire  dans  les  fastes  de  l'armée  prussienne. 

En  fidèle  et  consciencieux  historiographe  musical,  je  puis  affirmer  que, 
depuis  vingt-six  ans,  jamais  le  corps  d'armée  de  l'Opéra  n'a  déployé  une 
aussi  grande  activité  que  pendant  la  dernière  saison  d'hiver,  notamment 
dans  les  deux  mois  qui  viennent  de  s'écouler. 

Quand  on  pense  que  chez  nous  deux  chefs  d'orchestre,  avec  un  seul 
orchestre,  avec  les  mêmes  solistes,  doivent  suffire  à,  tout;  qu'on  joue  ic; 
l'opéra  allemand,  l'opéra  français,  l'opéra  italien,  —  en  allemand,  à  la 
vérité,  mais  cela  importe  peu,  quant  à.  la  musique;  que  le  même  person- 
nel doit  chanter  Gluck .  Mozart,  Cherubini,  Beethoven ,  Spontini ,  lîossini, 
Bellini ,  Donizetti ,  Meyerbeer,  Auber,  Halévy,  etc. ,  on  est  obligé  de  con- 
venir que  l'on  a  fait  l'impossible,  d'autant  plus  que  les  mêmes  chanteurs 


DE  PARIS. 


101 


et  le  même  orchestre  sont  employés  dans  les  grands  concerts  et  dans  les 
ballets. 

Aussi,  clans  les  dernières  semaines,  nous  avons  eu  souvent  quatre  opé- 
ras de  suite,  par  exemple  :  Olympie,  Figaro,  I  Capuleti ,  le  Prophète,  en 
quatre  jours;  ou  bien,  \es  Huguenots,  Vin  Juan,  Freischulz,  le  Camp  de 
Silésie;  la  semaine  dernière:  l phi  génie  en  Âulide,  Euryanthe,  la  Fille  du 
Régiment,  Fidélio.  Un  rapide  coup  d'oeil  jeté  sur  notre  répertoire  d'hiver 
suffira  pour  vous  l'aire  voir  qu'en  dehors  des  ouvrages  que  nous  venons 
de  citer,  et  de  deux  opéra  nouveaux ,  Norma  et  Lucrèce  Borgia,  nous  de- 
vons entendre  :  la  Dame  Blanche,  le  Maçon,  la  Flûte  enchantée,  Obéron, 
Robèrt-le-Diable,  Cosi  fan  tutte,  les  Deux  Journées,  Czar  et  Charpentier,  le 
Barbier  de  Séaille,  la  Juive,  etc.  Cela  fait  de  trente  a.  trente-deux  parti- 
tions, ce  qui  est  un  chiffre  fort  respectable,  il  faut  en  convenir.  Mais 
aussi ,  nous  en  voyons  les  conséquences.  Les  premières  cantatrices,  qui 
alternent  entre  elles,  ont  pu  suffire  a.  ce:;  travaux  sans  trop  s'en  ressentir; 
mais  les  premiers  instrumentistes  ont  tous  un  commencement  de  phtisie  ; 
les  premiers  violons  ont  tous  des  rhumatismes  aux  épaules,  et  les  violon- 
cellistes sont  pris  par  les  jambes;  bref,  le  personnel  de  notre  orchestre 
peuplera  sous  peu  Ems,  Tœplitz,  Bade,  toutes  les  eaux  du  continent. 

Qu'allons- nous  devenir,  cependant?  Nous  sommes  aujourd'hui  le 
lit  mars,  et  le  18,  notre  Opéra  perd,  pour  quelque  temps  du  moins,  son 
plus  ferme  appui.  Johanna  Wagner  a  fixé  son  départ  au  1 9  du  mois  ;  elle 
se  rend  à  Leipsig,  puis  à. je  ne  sais  combien  de  théâtres  du  continent, 
puis  à  Londres.  Son  congé  dure  depuis  le  19  mars  jusqu'au  l°r  octobre, 
d'après  les  clauses  de  son  contrat.  Demain,  la  jeune  cantatrice  jouera 
dans  Euryanthe  le  rôle  d'Églantine,  dont  elle  a  la  première  compris  et  fait 
ressortir  toute  la  grandeur  ;  jeudi ,  Johanna  Wagner  nous  fait  ses  adieux 
dans  Fidélio.  Comment  les  Berlinois  pourront-ils  vivre  sans  Johanna 
Wagner?  Nous  verrons  bien. 

Un  autre  fait  remarquable  qui  a  signalé  la  saison,  c'est  l'empressement 
avec  lequel  le  public  a  suivi  les  représentations  de  notre  opéra,  même 
les  plus  médiocres;  car  il  y  en  a  eu,  on  ne  saurait  le  nier  :  chaque  soir, 
le  caissier  vendait  ses  billets  jusqu'au  dernier.  Cela  prouve  qu'uu  second 
Opéra  ferait  chez  nous  de  brillantes  affaires.  Car,  malgré  toute  l'habileté 
de  l'administration,  il  y  a  une  foule  d'excellents  ouvrages  dont  il  faut 
nous  passer.  A  première  vue,  je  puis  vous  nommer  tout  de  suite  une  dou- 
zaine d'opéras  que  l'on  reverrait  avec  le  plus  vif  plaisir  et  qui  depuis 
longtemps  ont  disparu  du  répertoire  du  théâtre  royal  :  Armiile,  Alaste, 
Orphée,  Ipliigénie  en  Tauride,  Titus,  Bel  mont  et  Constanc-,  Fernand  Cortez, 
la  Vestàlr,  Lodoïska,  Fanhka,  les  Abeneerragc,  la  Muette  de  Portici,  Fra 
Diavolo,  et  presque  tous  les  opéra  d'Auber.  L.  RELLSTAB. 


Le  défaut  d'espace  nous  oblige  à  remettre  nu  prochain  numéro  la 
suite  de  l'article  important  sur  la  Philosophie  de  la  musique. 


NOUVELLES. 

%*  Demain  lundi,  à  l'opéra,  Rubert-le-Diable. 

%.*  Décidément  la  première  représentation  du  Juif  «  rrant  n'aura  lieu 
qu'après  les  fêtes  de  Pâques.  Le  repos  de  la  Semaine-Sainte  sera,  em- 
ployé aux  derniers  travaux  qu'exige  la  mise  en  scène  de  ce  grand  ou- 
vrage, dont  plus  que  jamais  l'apparition  est  attendue  comme  un  événe- 
ment. 

*„*  Lundi  dernier,  les  Huguenots  ont  été  représentés  avec  un  ensemble 
admirable.  Roger  a  chanté  et  joué  avec  sa  supériorité  accoutumée  le  rôle 
de  Raoul. 

*„*  Une  indisposition  ayant  empêché  de  donner  mercredi  Robert-le- 
Diable,  que  l'affiche  annonçait  la  veille,  la  Sylphide  et  la  Bouquetière  ont 
été  joués  en  échange. 

%*  Vendredi  Guillaume  Ttll,  chanté  par  Gueymard,  avait  rempli  la 
salle,  comme  toujours. 

%*  Le  Théâtre-Italien  fera  sa  clôture  pour  la  saison,  mardi  prochain, 
30  mars.  On  donnera  Norma,  chantée  par  Sophie  Cruvelli,  qui  pendant 
toute  la  semaine  dernière  a  chanté  le  Barbier  de  Sévill',  avec  Lablache, 
Belletti  et  Calzolari. 

%*  Le  délicieux  talent  de  Caroline  Duprez  n'est  pas  l'un  des  moindres 
éléments  de  succès  de  l'opéra  dont  son  père,  le  célèbre  et  grand  artiste  , 
a  écrit  la  partition.  Joanita  poursuit  brillamment  sa  carrière  à  l'Opéra- 
National,  et  la  jeune  cantatrice,  chargée  de  ce  rôle,  est  chaque  fois  l'objet 
de  l'ovation  la  mieux  méritée.  Duprat,  Poultier,  Balanqué  et  Mlle  Guichard 
la  secondent  avec  talent. 

%*  La  roupie  de  Nuremberg  est  toujours  en  possession  de  la  scène  et 
de  son  succès  populaire. 

%*  On  annonce  comme  devant  avoir  lieu  bientôt  la  reprise  de  la  Prison 
d'Edimbourg,  ouvrage  de  MM.  do  Planard  et  Carafa,  composé  pour  l'O- 
péra-Comique  et  représenté  à  ce  théâtre  il  y  a  quinze  ou  seize  ans. 

*4*  On  parle  aussi  de  la  Pie  i><  leuse,  de  Rossini. 

%*  Le  service  médical  dans  les  divers  théâtres  de  Paris  vient  d'être 
réorganisé  par  mesure  administrative. 


„%  Pans  une  brillante  soirée  chez  M.  de  Morni,  Vivier  s'est  fait  enten- 
dre et  applaudir  encore  avec  enthousiasme. 

V  Le  Requiem  de  M.  Deldevez  à  la  mémoire  d'IIabencck,  exécuté  par 
l'orchestre  du  Cercle  musical,  et  chanté  par  des  artistes  du  premier  mé- 
rite, sous  la  direction  de  M.  Georges  Bousquet,  avait  attiré  lundi  dernier 
dans  l'église  de  la  Madeleine  une  foule  avide  de  musique  et  de  piété. 
C'était  non  seulement  un  hommage  religieux,  mais  aussi  une  œuvre  d'art 
écrite  avec  la  science  et  la  conscience  dont  son  auteur  a  donné  déjà  des 
preuves  incontestables.  On  n'applaudit  pas  sous  les  voûtes  d'un  temple, 
mais  si  l'abondance  de  la  quête  peut  être  considérée  comme  l'éloge  in- 
direct du  compositeur,  M.  Deldevez  a  lieu  d'être  content,  non  moins  que 
tous  ceux  qui  ont  pris  part  à  la  cérémonie. 

***  L'Association  des  artistes  musiciens  poursuit  sa  marche  dans  une 
double  voie,  celle  de  la  musique  de  concert  avec  orchestre,  et  celle  de 
lamusique  de  chambre,  qui  ne  lui  promet  pas  moins  de  succès.  Voici  le  pro- 
gramme de  la  matinée  qu'elle  donnera  aujourd'hui  dimanche,  à  2  heures, 
dans  la  salle  Bonne-Nouvelle,  et  dont  la  composition  est  de  nature  à  exciter 
un  vif  intérêt  :  1°  6e  quatuor  de  Beethoven,  exécuté  par  MM.  L.  Massart 
Llorens,  Chéri  et  Jacquard;  2"  concerto  pour  piano,  de  Sébastien  Bach', 
exécuté  par  Mme  Massart,  avec  accompagnement  obligé  de  quintette  ; 
3°  adagio  de  Weber,  pour  piano  et  violon,  exécuté  par  M.  et  Mme  L.  Mas- 
sart; 4°  grande  sérénade,  de  Mozart,  pour  deux  hautbois,  deux  clari- 
nettes, deux  cors,  deux  bassons  et  contrebasse,  exécutée  par  MM.  Trié- 
bert,  Garimond,  Klosé,  Parés,  Urbain,  Bonnefoy,  Jancourt,  Espaignet  et 
Gouffé;  5°  solo  de  violon,  exécuté  par  Aille  Urso,  élève  de  M.  L.  Massart  ; 
6°  ode  de  Gilbert,  An  banquet  de  la  v  e,  musique  d'A.  Gilbert,  et  chœur 
des  gardes-chasse  du  S  nge  d'une  nul  u'éé,  d'Ambroise  Thomas,  exécu- 
tés par  trente  membres  de  la  Société  chorale  populaire  du  Conservatoire 
de  Paris,  sous  la  direction  de  M.  Edouard  Batiste.  On  trouve  des  billets  à 
la  salle  du  concert.  Loges,  5  fr.  ;  stalles,  3  fr.  ;  pourtour,  2  fr. 

V  Mercredi,  31  mars,  à  huit  heures  du  soir,  dans  la  même  salle,  aura 
lieu  le  second  concert  organisé  par  l'Association  des  artistes-musiciens, 
au  profit  de  la  caisse  de  pensions  et  secours,  sous  la  direction  de  M.  Geor- 
ges Bousquet.  On  y  entendra  les  morceaux  suivants  :  1°  Symphonie  en  ut 
majeur,  de  Weber,  l'auteur  du  Frein  hiitz;  2°  air  de  Jean  de  Paris,  chanté 
par  M.  Bonnehée,  dont  la  belle  voix  s'est  signalée  au  dernier  exercice  du 
Conservatoire  ;  3"  concerto  de  violoncelle,  composé  et  exécuté  par  M.  Che- 
villard, qui  depuis  trop  longtemps  ne  s'est  fait  entendre  en  public; 
à°  air  de  la  Fé-  avx  Roses,  chanté  par  Mme  Lefébure-Wely  ;  5°  concerto 
de  Beethoven,  pour  piano,  exécuté  par  Mme  Massart  ;  6°  ou\erturede 
YHôtellerie porlug-jUe,  de  Cherubini. 

V  Trois  partitions  originales  d'opéras  attribués  à  Lulli  avaient  été  vo- 
lées, il  y  a  quelque  temps,  à  la  Bibliothèque  nationale.  La  police  a  fini  par 
en  retrouver  deux  :  l'une  chez  un  marchand  de  musique  ;  l'autre,  chez  un 
éditeur  du  faubourg  Saint-Germain.  Quanta  la  troisième,  que  les  deux 
marchands  avaient  refusé  d'acquérir,  bien  que  les  timbres  et  cachets  de 
la  Bibliothèque  en  eussent  été  habilement  enlevés,  on  suppose  qu'elle  a 
été  expédiée  à  l'étranger.  L'auteur  présumé  de  ces  sous  tractions  a  été  ar- 
rêté ces  jours  derniers. 

V  Bazzini  se  fera  entendre  deux  fois  aujourd'hui,  la  première  dans  le 
concert  donné  le  matin  par  la  Société  de  bienfaisance  allemande  ;  la  se- 
conde, dans  le  concert  donné  le  soir  par  M.  Montuoro.  Jeudi  prochain, 
le  célèbre  violoniste  jouera  dans  le  grand  concert  qui  aura  lieu  au 
Théâtre-Italien,  après  avoir  fait  dans  l'intervalle  le  voyage  de  Douai,  où  il 
est  appelé  mercredi. 

V  La  Société  de  bienfaisance  allemande  donnera  aujourd'hui  diman- 
che, a  deux  heures,  dans  la  salle  Herz,  un  concert  avec  le  concours  de 
Mme  de  Kalergis,  née  comtesse  de  Nesselrode,  Mlle  Clauss,  Mlle  Falconi, 
de  MM.  Miller,  Bazzini,  Chevillard,  Charles  Eckert,  et  la  Société  des  ama- 
teurs allemands.  En  voici  le  programme.  —  Première  partie-  1.  Trio  en  ré, 
de  Beethoven,  pour  piano,  violon  et  violoncelle,  exécuté  par  MM.  Ililler, 
Bazzini  et  Chevillard.  2.  Air  de  Mozart,  chanté  par  Mlle  Falconi.  3.  Chœurs 
allemands,  Frauenlob,  de  F.  Hiller  ;  Turkisches  Schenklied,  de  F.  Mendel- 
sohn.  h-  Andante,  de  Spohr,  la  Danse  des  lutins,  de  Bazzini,  exécutés  par 
M.  Bazzini. — Deux  ème  par  ie.  1.  Concerto  pour  trois  pianos,  de  Séb.  Bach, 
exécuté  par  Mme  de  Kalergis,  Mlle  Clauss  et  M.  Hiller.  2.  Die  Zigeun-rin 
(la  Bohémienne),  de  F.  Hiller;  barcarolle,  de  Mercadante,  chantées  par 
Aille  Falconi.  3.  Variations  pour  deux  pianos  sur  un  chœur  de  Weber, 
composées  expressément  pour  ce  concert  par  F.  Ililler,  exécutées  par 
Mlle  Clauss  et  l'auteur,  li.  Chœurs  allemands,  Liehe  und  Wein,  de  F.  Men- 
delssohn  ;  Liedesfreihe.it,  de  Marschner. 

%*  M.  Achille  Montuoro  donnera,  aujourd'hui  dimanche,  28  mars,  dans 
la  salle  Herz,  à  huit  heures  du  soir,  un  grand  concert  vocal  et  instrumen- 
tal, avec  le  concours  de  Mme  Taccani,  de  MM.  Lablache,  Morelli,  de  l'O- 
péra, Guasco,  les  frères  Lionnet  et  de  M.  Bazzini  qui  jouera  deux  mor- 
ceaux, et  des  choristes  du  Conservatoire. 

%*  C'est  vendredi  soir,  2  avril,  qu'aura  lieu  le  concert  d'Alexandre 
Batta  dans  la  salle  Herz.  Le  programme  réunit  les  noms  des  artistes  les 
plus  célèbres  et  les  plus  aimés  du  public.  Léopold  de  Meyer  exécutera  deux 
de  ses  grandes  et  belles  compositions.  Mme  Gaveaux-Sabatier,  M.  Jules 
Lafont,  chanteront  leurs  morceaux  les  plus  en  vogue,  et  AI.  Alexandre 
Batta  fera  entendre  pour  la  première  fois  une  fantaisie  sur  le  Pré  aux 
Clercs  qu'il  vient  de  terminer,  et  des  airs  russes,  souvenirs  de  Péters- 
bourget  de  Moscou,  puis,  avec  le  concours  des  violoncellistes  renommés, 
MM.  Offenbach  et  Lee,  il  jouera  son  admirable  morceau  pour  trois  vio- 


102 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


loncelles  et  piano  sur  Guillaume  Tell.  Un  jeune  violoniste,  M.  Luigi  Elena, 
qui  arrive  d'Amérique,  fera  sa  première  apparition  dans  ce  brillant  con- 
cert. 

%*  Goria  donne  scn  concert  après-demain  mardi,  30  mars,  à  huit 
heures  du  soir.  11  y  jouera  l'allégro  du  premier  concerto  de  Chopin,  avec 
accompagnement  d'orchestre;  la  Pavane,  air  du  xv=  siècle,  et  une  fantai- 
sie inédite  sur  Guillaume  Tell.  Mme  Gaveaux-Sabatier,  M.  Lefort  et  l'ex- 
cellent violoncelliste.  Jacquard,  s'y  feront  entendre.  La  société  chorale, 
dirigée  par  M.  Edouard  Batiste,  exécutera  deux  chœurs. 

%*  C'est  samedi  prochain,  3  avril,  que  le  monde  musical  sera  appelé  à 
juger  un  pianiste  qu'on  présente  comme  destiné  à  faire  révolution  dans 
son  art,  comme  inventeur  d'une  méthode  et  de  procédés  tout  à  fait  nou- 
veaux de  doigter.  M.  Haberbier  donnera  son  concert  dans  la  salle  Pleyel. 

***  Aujourd'hui  dimanche,  28  mars,  sixième  et  dernière  séance  de 
MM.  Alard  et  Franchomme,  dans  la  salle  Pleyel  à  deux  heures  :  —  1.  Qua- 
tuor en  sal  mineur,  de  Mozart,  pour  piano,  violon,  alto  et  basse.  2.  Quin- 
tette (manuscrit),  de  Onslow,  exécuté  pour  la  première  fois.  3.  Variation 
de  la  sonate  dédiée  à  Kreuzer,  de  Beethoven,  h-  Canzonetta,  de  Men- 
delssohn.  5.  Trio  en  sol  (redemandé),  de  Beethoven,  pour  violon,  :  lto  et 
bass. 

%*  Herman ,  le  jeune  et  habile  violoniste,  donnera  son  concert  an- 
nuel 1  '  vendredi,  2  avril,  à  deux  heures  de  l'après-midi,  salle  Pleyel.  Le 
talent  du  bénéficiaire  et  le  concours  d'artistes  éminents,  tels  queGéraldi, 
Audran,  Fumagalli,  P.ichard  Mulder  et  Mme  Lefébure-Wély,  rendront  ce 
concert  un  des  plus  intéressants  de  la  saison.  On  entendra  un  duo  pour 
deux  pianos  de  Bichard  Mulder,  exécuté  par  Fumagalli  et  l'auteur  ;  une 
fantaisie  concertante  pour  piano  et  violon,  sur  des  thèmes  de  la  Fille  du 
Régirnini,  par  Bichard  Mulder  et  Herman,  qui  jouera  seul  une  nouvelle 
fantaisie  sur  la  Sonnambula  et  son  brillant  morceau  la  Clochette. 

*„*  Le  3  avril,  a  trois  heures  de  l'après-midi,  aura  lieu  le  concert  spi- 
rituel de  M.  Gordigiani  dans  la  salle  Herz.  Il  fera  exécuter  pour  la  pre- 
mière fois  dix  chants  religieux  de  sa  composition,  qui  seront  interprétés 
par  la  princesse  Nadine  Labanoff,  Mlle  Joséphine  Hugot,  Moriani  et  La- 
blache.  Les  chœurs  seront  dirigés  par  M.  Muratori. 

*„*  Matinée  musicale,  donnée  pour  la  seconde  audition  de  l'Al- 
bum des  Femmes,  par  Mme  El.  Launer-Manera,  dans  la  salle  Sainte- 
Cécile,  à  bis,  Chaussée-d'Autin,  lundi  29  mars,  à  deux  heures  très-pré- 
cises. L'Album  sera  interprété  cette  fois  par  Mmes  Nau,  Sabatier,  Charles 
Ponchard  et  Drouard-Monrose  ;  Mlles  Charlotte  de  Malleville,  Céline  Mil- 
hès;  MM.  Brisson,  Emile  Forgues,  G.  Perrelli,  Max-Mayer,  Triébert, 
Jancourt,  Charles  Lebouc,  Boucher,  Ferd.  Prévôt,  Gilbert,  Juvin  fils,  etc., 
se  chargeront  des  accompagnements  et  des  solos  de  cette  belle  matinée. 

*„*  Samedi  3  avril,  à  huit  heures  du  soir,  aura  lieu,  dans  la  salle  Herz, 
le  concert  annuel  de  M.  Max-Meyer,  l'habile  violoniste.  Entr'autres  ar- 
tistes distingués  on  entendra  dans  ce  concert  Mme  Oscar  Comettant, 
MM.  Frédéric  Brisson  et  Norblin. 

%*  Le  concert  de  M.  Van  Gelder  aura  lieu,  salle  Sax,  mardi  31,  dans 
lequel  on  entendra  Mme  Lefebure-Wely,  Mlle  Crémont,  MM.  Wartel, 
Lafont,  Lacombe  et  Charles  Dancla. 

%*  Le  concert  dn  pianiste  Fumagalli,  qui  devait  avoir  lieu  le  1er  avril, 
salle  Herz,  est  remis  au  mardi  20  du  même  mois. 

%*  11  y  a  un  an,  M.  P.  Dorval-Valentino  publiait  sa  brochure  sur  la 
ran'inc'aUo7i  appliqué,  ou  (hant,  que  le  public  musical  et  le  Conserva- 
toire accueillaient  également  bien.  Tout  récemment,  l'auteur  donnait  à 
sa  théorie  la  sanction  de  l'expérience  en  faisant  exécuter  chez  lui,  par 
ses  nombreux  élèves,  dont  le  plus  ancien  n'a  pas  huit  mois  de  leçons,  des 
morceaux  de  Bossini,  Paer,  Halévy,  Adolphe  Adam.  Il  est  difficile  que 
ces  morceaux  puissent  être  rendus  avec  un  sentiment  plus  exact  de  la 
mesure,  des  nuances,  de  la  diction  et  de  l'action  dramatique  ;  aucune  pa- 
role n'était  perdue,  et  l'extrême  rapidité  des  progrès  des  élèves  attestait 
l'excellence  de  l'enseignement  du  professeur. 

CRON1QUE   DÉPARTEMENTALE. 

%*  Strasb  urg,  22  mars.  —  Le  Prophète  vient  d'être  monté  en  cette  ville. 
La  première  représentation  a  eu  lieu  le  h  mars  avec  un  plein  succès.  La 
direction  n'a  rien  négligé  pour  répondre  dignement  à  l'attente  du  public. 
Grâce  à  une  subvention  municipale  de  10,000  fr.,  la  mise  en  scène  est 
splendide.  Les  trois  principaux  décors  ont  été  peints  par  MM.  Philastre 
frères,  de  Paris,  et  l'effet  du  lever  du  soleil  ne  laisse  rien  à  désirer.  Après 
la  première  représentation  le  public  a  rappelé  le  directeur  eu  même  temps 
que  Mlle  Méquillet,  qui  remplissait  le  rôle  de  Fidès.  Ce  rôle  convient  par- 
faitement à  Mlle  Méquillet,  qui,  par  sa  voix  et  son  jeu  dramatique,  a  vive- 
ment impressionné  le  public/ Nous  devons  aussi  une  mention  honorable 
à  M.  Sélénick,  le  chef  d'orchestre,  qui,  depuis  un  an,  a  fait  de  très-grands 
progrès  dans  l'art  de  diriger  un  opéra  ;  l'orchestre  s'est  tiré  avec  honneur 
de  la  partition  si  difficile  du  chef-d'œuvre  de  Meyerbeer.  Depuis  '  le 
à  mars  le  Prophète  a  été  régulièrement  représenté  deux  fois  par  se- 
maine, et  chaque  fois  le  théâtre  n'a  pu  contenir  les  nombreux  spectateurs 
qui  se  pressaient  à  ses  portes.  Le  succès  du  Prophète  est  donc ,  à  Stras- 
bourg, ce  qu'il  a  été  partout.  Il  est  à  regretter  que  ce  bel  ouvrage  art  été 
monté  si  tard,  car  l'année  théâtrale  finit  à  Strasbourg  le  U  avril,  et  l'année 
prochaine  nous  ne  devons  avoir  qu'une  troupe  d'opéra-comique.  Le  Pio- 
phéi*  eût  pu  fournir  une  carrière,  sinon  plus  brillante,  du  moins  beaucoup 
plus  longue. 


CHRONIQUE     ÉTRANGÈRE. 

V  Londres,  26  mars.  —  Le  début  delà  nouvelle' Société  philharmo- 
nique, organisée  et  dirigée  par  Berlioz,  à  Exeter-haM,  vient  de  s'opérer 
d'une  façon  triomphale.  Toutes  les  promesses  ont  été  tenues,  toutes  les 
espérances  dépassées.  Jamais  Berlioz  n'a  obtenu  ,  comme  compositeur  et 
chef  d'orchestre,  de  succès  plus  grand  qu'en  cette  mémorable  circon- 
stance, où  il  avait  tout  à  faire,  où  une  telle  responsjbilité  pesait  sur  lui. 
Le  programme  était  ainsi  composé  :  première  partie  :.  1°  symphonie  en  ut 
(Juptttr),  de  Mozart  ;  2"  fragment  d'Iphigénie  en  Tauride,  de  Gluck  ;  3"  con- 
certo de  Beethoven ,  pour  piano ,  violon  et  violoncelle ,  exécuté  par 
MM.  Silas,  Sivori  et  Piatti  ;  U°  ouverture  d'Obérvn.  —  Deuxième  partie  : 
5°  Itomèo  et  Juliette,  symphonie  de  Berlioz  (première  partie  ,  avec  solos  et 
chœurs  ;  6"  fantaisie  pour  la  contrebasse,  exécutée  par  Bottesini  ;  7"  ou- 
verture de  Guillaume  Tell.  De  l'aveu  général,  l'exécution  de  tous  ces  mor- 
ceaux, de  toutes  ces  œuvres,  a  été  foudroyante  et  exquise.  S'il  y  avait 
encore  quelqu'un  qui  s'imaginât  que  Berlioz  ne  peut  conduire  que  sa  mu- 
sique, il  doit  être  détrompé.  Ensemble  parfait,  finesse  de  nuances,  gra- 
dation dans  les  crescendo,  formidable  explosion  dans  les  forte,  rien  n'a 
manqué,  parce  que  Berlioz  avait  pris  ses  mesures  pour  qu'il  en  fût  ainsi. 
Au  lieu  de  se  borner  au  petit  nombre  de  répétitions  dont  on  se  contente 
ici  d'ordinaire,  il  en  avait  exigé  à  discrétion,  et  l'événement  a  justifié  sa 
prévoyance.  On  l'a  critiqué  seulement  d'avoir  supprimé  les  reprises  dans 
la  symphonie  de  Mozart,  eton  aeu  raison.  Mais  cettefaute  n'estpas  la  sienne: 
il  faut  l'imputer  à  ceux  qui  craignaient  dans  le  programme  un  excès  de 
longueur.  Au  demeurant,  la  nouvelle  Société  philharmonique  ne  pouvait 
se  poser  avec  plus  d'éclat.  C'est  une  concurrence  terrible  pour  l'ancienne, 
qui  se  montrait  si  dédaigneuse  envers  les  contemporains  et  les  compa- 
triotes. Berlioz  a  le  droit  d'être  heureux  et  fier.  C'était  une  journée  de 
bataille,  dans  laquelle  il  figurait  à  la  fois  comme  général  et  comme 
soldat.  Le  résultat  n'a  pas  été  moins  flatteur  pour  l'un  que  pour 
l'autre.  Malgré  ses  inextricables  difficultés,  la  symphonie  de  Romeo  et 
Juliette  a  été  enlevée  :  le  délicieux  scherzo,  la  Rein'!  Mab,  a  soulevé 
des  bravos  enthousiastes,  comme  tout  le  reste  de  cotte  œuvre  si  origi- 
nale et  si  neuve  de  conception.  Ni  le  temps,  ni  l'espace  ne  nous  per- 
mettent de  rendre  une  justice  détaillée  aux  artistes  qui  ont  pris  part  â 
cette  belle  manifestation;  nous  ne  pouvons  que  nommer  miss  Dolby 
et  M.  Lockey,  qui  ont  chanté  les  solos  de  la  symphonie,  et  Bottesini,  qui 
a  fait  des  prodiges  sur  son  immense  instrument. 

*»*  Vienne.  —  Une  jeune  pianiste  de  grand  talent,  Mlle  Louise  Leisler, 
qui  s'est  fait  entendre  avec  beaucoup  de  succès  l'hiver  dernier  au  Grand- 
Opéra  de  Paris,  vient  de  donner  ici  un  brillant  concert,  dans  lequel  elle  a 
pleinement  justifié  la  réputation  avantageuse  qui  l'avait  précédée.  On  a 
particulièrement  applaudi  la  Pompa  di  f>sta,  de  Wilemers  ;  le  Torrent,  de 
Lacombe,  et  le  Tamb  ur  de  banque,  de  Bichard  Mulder;  dans  ce  dernier 
morceau,  la  jeune  artiste  a  su  trouver  des  nuances  d'une  exquise  délica- 
tesse, qui  lui  ont  valu  de  la  part  du  public  les  ovations  les  plus  brillantes 
et  l'honneur  du  rappel. 

*„,*  Mun'ch,  20  mars.  —  V Enfant  proligue,  de  MM.  Scribe  et  Auber, 
vient  d'obtenir  ici  un  éclatant  succès,  qui  promet  de  se  soutenir  long- 
temps. En  huit  jours,  cet  ouvrage  a  été  donné  trois  fois,  et  chaque  fois  il 
y  a  eu  chambrée  complète,  quoique  les  prix  d'entrée  fussent  doublés,  ce 
qui  a  toujours  lieu  ici  pour  les  premières  représentations  d'une  pièce  â 
grand  spectacle.  Les  rôles  de  V Enfant  prodigue  sont  confiés  aux  premiers 
sujets  du  théâtre:  MM.  Ilartinger,  Kinclemann  et  Mlle  Diez,  pour  le  chant  ; 
Mlles  Fenzl  et  Holler,  pour  la  danse.  La  mise  en  scène  offre  une  magnifi- 
cence qu'on  ne  saurait  comparer  qu'à  celle  déployée  pour  le  Prophète. 
Tous  les  costumes  et  les  décors  sont  neufs.  Deux  ont  été  exécutés  par 
M.  Cambon,  l'un  des  décorateurs  du  grand  Opéra  de  Paris,  et  les  quatre 
autres  par  MM.  Schnitlzer  et  Simon  Quaglio,  membres  de  l'Académie  royale 
des  beaux-arts  de  Munich. 

Barcelone,  18  mars.  —  Mme  Sophie  Vera-Lorini  vient  dedébuter  au  théâ- 
tre du  Liceo,  dans  la  Fille  du  Régiment.  .Son  succès  y  a  été  brillant  et  dé- 
cisif. Onl'a  surtout  applaudie  dansle  premier  duo,  le  final  du  premier  acte, 
le  duo  avec  le  ténor,  le  trio  de  la  leçon,  le  grand  air  Euv.iva,  la  Francia, 
et  le  rondo  final  de  M  de  Bériot,  al  dolce  in-anto,  que  la  cantatrice  avait 
ajouté  pour  rendre  la  fin  de  l'opéra  plus  brillante. 


Le  gérant  :  Ernest  DESCHAMPS. 


Chez  BUANDUS    et  Ce,  éditeurs  : 


NOUVELLE   C051POS1TION   DE 

MOPOÏ.D  SE  MElfEK. 


OUVERTURE  DE  GUILLAUME  TELL 

Transcrite  pour  le  piano  à  quatre  mains, 

PAR 

H.  ROSELLEK. 


DE  PARIS. 


103 


IIK.tXBIKJN    E't'  C  .   hligTKIlKM. 


lO.'l,  ni'E  Richelieu. 


BEVER. 

Op.  49.  Bouquet  do  mélodies  de  la  Reine  (le 

Chypre 0  » 

Op.  42.  Souvenirs  des  Puritains 6  » 

Op.  59.  Deux  fantaisies  sur  les  Diamants  de 

la  couronne,  chaque G  >• 

Op.  71.  Morceau  de  Sakm  sur  \a  Part  dit  Diable  0  » 
Op.  82.  Bouquet  de  mélodies  des  Mousque- 
taires de  la  Reine G  ■ 

Op.  8G.  Deux  rondinossur  les  Mousquetaires 

de  la  Reine,  chaque r>  » 

Op.  87.  Divertissement  sur  des  motifs  de  Guil- 
laume Tell 5  » 

Mosaïque  sur  le  Lac  des  Fées y  » 

Le  Trémolo  de   Ch.   de  Bériot,  arrangé  pour 

piano  seul G  •■ 

RILtJlIEVriIAL. 

Op.  1.  La  Source,  caprice 6  » 

Op.  2.  Deux  caprices  :  le  Rûve,  la  Brillante.   .  5  » 
Op.  3.  Trois  mélodies:   le  Calme,  une  Fleur, 

Valse  styrienne 5  » 

Op.  ti.  Fête  cosaque,  caprice G  » 

Op.  5.  Trois  mazurkas 6  » 

Op.  6.  Deux  valses  en  2  suites,  chaque  ...  5  » 

Op.  7.  Une  nuit  à  Venise,  fantaisie G  » 

Op.  8.  Les  deux  Anges,  more,  caract  ....  5  » 

Op.  9.  Trois  mazurkas 6  » 

Op.  10.  N°  1.  La  Brise  du  Soir 5  » 

2.  Nocturne 5  » 

Op.  11.  Les  Oiseaux,  caprice 6  » 

Op.  12.  Chant  national  des  Croates 4  50 

Op.  14.  La  Plainte G  » 

Op.   15.  L'eau  dormante 6  » 

Op.  1G.  Consolation,  fantaisie 7  50 

Op.  17.  Marche  militaire 5  » 

Op.  17  bis.  Marche  funèbre 5  » 

Op.  18.  Scène  de  ballet 7  50 

Op.  19.  Nocturne  impromptu 5  >• 

Op.  20.  Trois  mazurkas 7  50 

LKO\  PASCAL    GERVIkliE. 

Le  Bengali  au  réveil,  bluette 4  » 

Le  Carillon  de  mon  clocher,  impromptu  ...  4  « 

Rossignol  et  Fauvette,  étude  de  salon.  ....  5  » 

Saltarelle.    '. 5  » 

Trois  Mazurkas 5  » 

Deuxième  nocturne 5  » 

GOBÎBA. 
Op.  21.  Fantaisie  sur  les  Mousquetaires  de  la 

Reine 9  » 

Op.  24.  Fantaisie  sur  la  Sultana 7  50 

Op.  41.  Grande  mazurka  originale 5  » 

Op.  47.  Fantaisie  dramatique- sur  le  Val  d'An- 
dorre      9  » 

Op.  50.  La  Brise,  fant.  brillante  sur  Haydée  .  9  » 

Op.  55.  Fant.  brillante  sur  la  Fée  aux  Roses  9  « 

FKAA'Ç'OBS»    HVHTEN: 
Op.  40  bis.  Variations  brillantes  sur  la  marche 

de  Guillaume  Tell 9  » 

Op.  57.  Fantaisie  brillante  sur  Ludovic.   .    .  7  50 


Op.  58.  Variations  sur-Gustave G  » 

Op.  Cl.  Quatre   Rondos   sur  les  Citasses,   de 

Labarre,  2  suites,  chaque 5  » 

Coblentz,  valse,  précédée  d'une  valse  favorite 

de  .Milan 5 

Galop  parisien  précédé  d'un  galop  saxon  ...  5  » 
Op.  04.   1  e  Bal,  fantaisie  sur  une  chansonnette 

de  Troupenas C  » 

Op.  G:1.  Va.   ?tions  sur  la  ronde  de  Lestocq.  .  6  » 
Quatre  airs  ao  ballet  de  Guido  et  Ginevra,  4 

suites,  chaque G  » 

Op.   82  bis.  Deux  rondos  sur  les  FJuguenots  : 

N"  1.  Cavatine  du  page C  » 

2.  Ronde  des  bohémiens 6  » 

Quatre  airs  de  ballet  de  la  Favorite,  4  suites, 

chaque G  » 

Op.  134.  Trois  morceaux  favoris  sur  la  Sirène, 

3  suites,  chaque 5  « 

Op.  143.  Fantaisie  sur  les  Mousquetaires  de 

la  Reine G  » 

Op.  151.  Variations  brillantes  sur  la  Sultana  6  » 

Cornelia,  valse 5  » 

Op.  105.  Fantaisie-rondo  sur  le  Val  d'Andorre  6  ■> 

Op.  171.  Fantaisie  sur  le  Prophète 6  ■> 

Op.  173.  Fantaisie  sur  la  Fée  aux  Roses    .    .  C  » 

A.  DE   KdOTSKI. 

Op.  24.  Variations  bril.  sur  les  Huguenots.  .  7  50 

Op.  31.  Trois  valses  brillantes 6  •• 

Op.  C0.  Grande  fantaisie  sur  Guido  et  Ginevra  7  50 

Op.  70.  Fantaisie  sur  la  Juive 7  50 

Op.  119.  Fantaisie  sur  Haydée 6  » 

G.  3IATIIIAS. 

Op.  2.  Paysage  et  Marche  croate C  » 

Op.  3.  Nocturne  et  Barcarolle G  n 

Op.  4.  Deux  polkas  de  concert 7  50 

Op.  5.  Allégro  appassianato,  more,  de  concert  7  » 

Op.  6.  Galop-caprice 7  50 

Op.  7.  Matinées  de  printemps,  en  4  séries,  ch.  5  » 

Op.  11.  Pastorale  et  air  de  danse G  » 

Op.  12.  Mazurka-caprice 6  » 

©SE5©2«E. 

Op.  11.  Rondino  sur  le  Diable  à  Séville  .   .  G  » 
Op.  12.  Grandes  variations  sur  la  romance  de 

Mme  Malibran  :  Le  réveil  d'un  beau 

jour G  » 

Op.  22.  Variations  brillantes  sur    le  quatuor 

de  femmes,  des  Huguenots.   ...  7  50 
Op.  23.  Caprice  et  variations  sur  l'orgie  et  Ra- 

taplan,  des  Huguenots 7  50 

Op.  24.  Variât,  bril.  sur  le  bal  des  Huguenots  7  50 

Op.  27.  Variations  brillantes  sur  la  Bluette.  .  6  » 

Variations  de  concert  sur  ['Ambassadrice  .    .  C  » 

Op.  28.  Fantaisie  brillante  surle  Domino  noir  7  50 

Op.  32.         —        sur  les  Treize 7  50 

Op.  33.        —        brillante  surle  LaedesFées  7  50 

Op.  35.         —        sur  le  Schérif, G  a 

Op.  37.        —        et  variations  sur  Zanetta..  7  50 

Op.  39.        —        brillante  sur  le  Guittarrero  6  » 

Op.  40.        —        brillante  sur  la  Favorite  .  6  » 


Op.  406/'.9.Graridcf3ntaisiesurlefl'(cd'O/o/)«e  7  50 

Op.  45.  Nocturne 5  n 

Op.  40.  Grande  fantaisie  brillante  sur  la  Reine 

de  Chypre    .    .   . 7  50 

Op.  48.  Fantaisie  sur  Charles  VI 7  50 

Op.  49.  La  Chasse,  caprice  brillant  sur  la  Part 

du  Diable 5  » 

Fantaisie  sur  la  romance  de  la  Marguerite,  du 

Val  d  Andorre 7  50 

Op.  78.  Fantaisie  brillante  sur  le  Prophète.   .  7  50 

Op.  77.  Fant.  brillante  sur  la  Fée  aux  Roses  G  » 

K4>*EtlO  ID  \. 

Agitato i,  00 

Deux  rondos  sur  les  HuguenUs C  » 

Divertissement  sur  la  Sirène 7  50 

Fantaisie  sur  les  Puritains 7  50 

Op.  24.  Poëme g  „ 

Op.  30.  Rêveries,  2  suites,  chaque G  » 

Op.  31.  Trois  romances  sans  paroles  : 

N°  1.  Chanson  polonaise 4  50 

2.  Adieux  a  l'étranger 4  50 

3.  Lutte  intérieure 4  50 

Op.  34.  Morceau  de  concert  sur  la  Seine  de 

Chypre 7  50 

Op.  36.  Polka  de  salon 7  50 

Op.  37.  Quatre  romances  sans  paroles  en  3 
suites  : 

N°  1.  Chant  de  l'Orient,  le  Passé  .    .  4  50 

2.  L'Ondine 4  50 

3    La  Plainte  de  l'Amant 4  50 

TAI,EXY. 

Op.  13.  Fantaisie  sur  Haydée 7  50 

Op.  17.        —       sur  le  Val  d' Indorre.   .   .  G  » 
Op.  20.        —        brillante  sur  le  Prophète  .  7  50 
Op.  32.        —        brillante  sur  l'Enfant  pro- 
digue     7  50 

Hercule,  grand  galop. 5  » 

Diane,  polka-mazurka 5  » 

Wanda,  polka-mazurka 5  » 

Op.  33.  Fantaisie  sur  la  Dame  de  Pique  .    .  7  50 
CU.  VOSS. 

Op.  61.  Sérénade 6  » 

Op.  GG.  Fantaisie  brillante  sur  les  Huguenots  7  50 
Op.  70.  Fantaisie  sur  Cz-ar  et  Charpentier,  7  50 
Op.  76.  Fantaisie  militaire  sur  les  Mousque- 
taires de  la  Reine 7  50 

Op.  99.  Trois  fleurs  :  la  Rose,  la  Violette  et 

l'Amarante G  o 

Op.  101.  Fant.  dramatique  sur  le  Prophète  .  9  .• 
Op.  104.  Souvenir  du  Prophète:  la  Complainte 

et  la  Marche  du  Sacre,  variées  .   .  6  » 

Op.  109.  Fant.  de  salon  sur  la  Fée  aux  Roses  6  » 

Op.  113.  La  Cascade  de  fleurs 5  » 

Op.  117.  L'Assaut,  grand  galop  militaire.   .    .  5  « 

Op.  118.  N"  1.  LaMélancolie  de Prume,  variée  5  » 

2.  Chant  bohémien,  varié.  ...  5  » 

Op.  120.  Fantaisie  de  salon  sur  Giralda.    .   .  6  >• 

Op.  122.  Fantaisie  sur  la  Dame  de  Pique  .   .  6  » 

Op.  124.  Grande  fantaisie  sur  la  Favorite  .    .  7  50 

Op.  199.  Mon  Etoile,  grand  nocturne  ....  7  50 


LES  LARMES  DE  MADELEINE 


MEDITATION  POUR  LE  PIANO 


LA    XAPOLITAÏXE 

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Op.  2S.  Souvenirs  de  Vienne,  nocturne 5    ■■       Op.  44.  Le  Coucher  du  Soleil,  1"  nocturne 5     • 

Op.  30.  Souvenirs  de  Varsovie,  mazurka 5     »       Op.  46.  Trois  études  de  concert 9     „ 

Op.  31.  Caprice  sur  des  Thèmes  hongrois 9     »       Op.  47.  Le  Passé,  2"  nocturne /i  50 

Menuet  de  Mozart  transcrit 4  50   |    Op.  58.  Scène  russe,  caprice  brillant 7  50 

J^b        ClOîîïlS'ïlg  Grande  valse  de  concert'.   '.'.'.'.'.'.'.'.'.     7  50 


104 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS. 


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Qui  suis-je  ?  Quel  prestige  ?  « 5     » 

5.  Couplets  pour  soprano  clianté  par  Mlle  Rouvroy  :   «  Quand  je 
commande,  attention,  silence  !» 3  75 


N°  1.  4'o«ipîe««  pour  voix  de  bosse  chantés  par  M.  Grignon  :  «  Le  rêve 
de  toute  ma  vie.  »  . 3    » 

2.  »ir  de  baryton  chanté  par  M.  Meillet  :  «A  moi  la  jeunesse.»  5     » 
2  bis.  Le  même  transposé  pour  ténor 5     » 

3.  ..aao  de  la  valse  pour  soi ra'io  et  baryton  chanté  par  Mlle  Rouvroy 

et  M.  Meillet  :  «  Me  voilà  !  oui  c'est  elle,  c'est  ma  belle.  »  9     » 


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N°  1.  Conplet«  chantés  par  Mlle  Lemercier  :  «  A  la  fête  du  village.  »  .  4 
2.  Coupleis   en    duo   chantés   par  Mlles   Lemercier  et  Talmont  : 

«  Il  me  cajolait,  il  me  câlinait,  etc.  » 3 

2  bis.  Les  mêmes  arrangés  à  une  voix 2 


N°  3.  A 
3  bis. 
II.  I» 


ir  chanté  par  M.  Bussine 4  50 

Le  même  transposé  pour  ténor 4  50 

10  chanté  par  M.  Jourdan  et  Mlle  Lemercier:  «  Que  ta  peur  est 

imbécile  1  > 0  » 


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—  Op.  GO.  Elisire  d'amore,  variation  caprice 

A.   FUMAGAUILI.  Op.  61  bis.  Casta  Diva,  étude  pour  la  main  gauche. 

—  Op.  76.  Laura,  polonaise  brillante 

Op.  83.  Danse  des  Sylphes,  rondo  brillant 

—  Op.  85.  Nocturne  élégant  en  si 

A.  «SAEE.    Op.  14  Danse  des  Sylphes,  fantaisie  élégante  (moyenne  force) 
.I.-lî.   DVVERXOY.   Op.  141.  Fantaisie  italienne 

Op.  142.  Les  deux  Sœurs,  2  fantaisies,  chaque.. 
Op.  144.  Fiorentona,  fantaisie  élégante  .... 

—  Op.  158.  Deux  fantaisies  sur  la.  So  nnambul  a,  ch. 
Op.  203.  Danse  des  Sylphes  (facile) 

B.  1IUI.DER.  Op.   12.  La  Cascade,  étude  dédiée  à  Mme  Pleyel 

—  Op.  12  bis  La  Styrienne 

—  OP'  19-  Cécilia,  mazurka,  caprice 

A.    GOKSA.   Op.  59.  La  Campanella,  mélodie,  étude 

SI.  GOTSCIIAL.K.   La  mélancolie,  étude  d'après  J.   Godefroid  .... 
Ii.   S1ES8ESIAECKEH.  Op.  67.  Oréa,  polka 

—  Op.  68.  Le  Boucanier,  rondog-alop 

—  Op.  60.  Frasquita,  polka-mazurka 


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O.  COS1ETTAWT.  La  Vision,  polka-mazurka 

—  Gasilda,  fantaisie  facile  pour  les  petites  mains  .    . 

A.  FOUET.  Les  Willis,  polka-mazurkas,  schottisch,  valses 

lIAKKIElt.  Op.  5.  Polka-mazurka 

31AKC.   Les  Brises  du  Nord,  six  polkas-mazurkas _ 

—  Bertrand  Duguesclin,  quadrille  pour  piano  et  a  4  mains 

—  La  Fête  des  Fous,  —  

Cil.  DUPAIIX.  Don  Juan,  

ii.  «'  1111  1.9.1    Op.  II.  Vingt-cinq  études  progressives 

F.  FEKKAKIS.  Harmonies  poétiques,  quarante-trois  études    pour   le 

piano  en  trois  livres,  chaque 

MEXUEESSOIÏA-ISAKÏ'IIOEIV.  Op.  57.  Six  mélodies  pour  piano 
seul,  transposées  par  St.  Heller 

—  Op.  Cl.  Scherzo  sur  le  ftève  d'une,  nuitd'ilé,  à  4  mains,  par  l'auteur 

—  Op.  61  bis.  Nocturne  et  marche  sur  le  liétie  d'une  nuit  d'été,  à  4 

mains,  par  l'auteur  . 

E.  MEÇATTI.  Le  vieux  Forban,  ballade  pour  voix  de  baryton 

—  L'Angelus  du  Pâtre,  mélodie  pour  ténor  ou  mezzo  soprano 
SI.  ItOXEUiiEV  Semiramide,  fantaisie  et  variations  brillantes  .... 

F.  liI>»îET.  Elégie  sur  une  mélodie  de  Sorriano  (Feuille  morte) 

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4  50 
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4  50 
4  50 
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7  50 
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i-.ci,  liirtM.r.K,  2(1. 


BUREAUX  A  PARIS  :  BOULEVART  DES  ITALIENS,  1. 


19e  Année. 


N°  14. 


4  Avril  1852. 


i.oiuIi'ck.  WcsselctC',220,nesontslrool 
Nt-Pctcrtibom-g.  Belfonrd 

Kcw-1'ork.  Scuurfenuerg  ot  l.uis. 

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—  Bote  et  Boek,  12,  Jucgcrstr, 

l.lNUniine.  Snssetti. 


REVUE 


i*rlx  «le  I  llioiiiioiueiil  : 


i>  ]y uii'iiis,  i;,;:^iip i  sulssi- :jo 

Étranger :u 


■  Journul  parait  le  Dima-iche. 


GAZETTE  MUSICALE 


il    FâHIS, 


SOMMAIRE.  --  Auditions  musicales,  par  Henri  Blanchard.  — Philosophie  do 
la  musique  (suite).  —  Slruensée  à  Bruxelles.  —  Correspondance,  Bruxelles.  — 
Nouvelles. 


AUDITIONS  MUSICALES. 

II.  Beaulieu. — SI.  et  Mme  Eieféuure-^Vély. — II.  et  Unie  Eagarin. 
—  II.  Tellefsen. — II.  CJorin.  —  lime  Collii-Xeumanu.  —  M.  Ilon- 
tuoro.— Mlle  «le  Malleville.  —  Mme  Taccanï-Tasca.  —  M.  ftonffé. 

—  Concert  donné  par  la  SOCIÉTÉ  »K  BIKXFABS.1XCK  ALIiE- 
111KDE.  —  Mme  de  Kalei-gi  et  Mlle  Clauss. 

Un  monsieur  portant  le  même  nom  que  le  savant  qui  a  découvert  les 
qualités  nutritives  de  la  pomme  de  terre,  si  nous  pouvons  nous  en  fier 
à  notre  habileté  pour  déchiffrer  la  calligraphie  des  signatures,  nous  a 
écrit  pour  nous  dire  que  la  valse  le  Désir,  sur  laquelle  le  violoniste 
Léonard  a  composé  une  fantaisie  dont  nous  avons  parlé  lors  de  son 
dernier  concert  à  Paris,  est  de  François  Schubert ,  et  non  de  Beetho- 
ven ,  à  qui  l'on  attribua  cette  valse  dans  le  temps.  Nous  savions  cela , 
ou  plutôt,  nous  nous  en  doutions;  car  il  y  a  près  d'un  quart  de  siècle 
que  nous  avons  publié  chez  Petibon ,  alors  éditeur  de  musique,  rue  du 
Bac,  à  Paris,  cette  valse  sans  nom  précis  de  compositeur.  La  lithogra- 
phie qui  sert  de  frontispice  à  cette  mélodie  représente  Frederick  Le- 
maître, — qui  faisait  courir  alors  tout  Paris  au  théâtre  de  la  Porte-Saint- 
Martin  ,  —  dansant  avec  Mlle  Paul  (Zélie),  qu'il  dominait  de  toute  la 
puissance  de  son  regard  et  de  ses  gestes,  cette  fameuse  valse  intitulée  : 
Méphistophélès,  ou  la  Valse  du  Diable. 

Quant  à  l'autre  valse  connue  sous  le  titre  de  :  La  Dernière  pensée 
de  Weber,  dont  notre  rechercheur  et  redresseur  d'erreurs  nous 
donne  le  début  noté,  et  qu'il  altère  un  peu ,  ce  nous  semble,  on  ne 
comprend  pas  trop  comment  elle  a  été  publiée  sous  un  pareil  titre, 
deux  ans  avant  la  mort  de  Weber,  ainsi  que  nous  l'a  dit  notre  com- 
mentateur. 

Les  rectificateurs  forment  une  famille  nombreuse,  alliée  à  celle  des 
annotateurs,  chronologues  ou  chronologistes  ,  élymologistes,  recher- 
cheurs de  pseudonymes,  etc.,  etc.  Les  partisans  quand  même  de  l'éty- 
mologie  des  noms  découvent  parfois  des  choses  assez  bizarres, 
comme,  par  exemple,  celle  qui  vous  prouve,  à  ce  qu'ils  prétendent , 
que  du  nom  de  Louis  procède  ainsi  celui  de  Babet.  De  Louis  vient  bien 
certainement  Louise  ;  de  Louise  on  a  fait  Lise,  puis  Elise  ou  Elisa,  qui 
dérive  évidemment  d'Elisabeth  ,  dont  Babet  est  le  diminutif  :  donc,  le 
nom  de  Babet  vient  de  Louis. 

Laissons  de  côté  ces  légers  travers  pour  nous  occuper  de  celui,  non 
moins  inoffensif,  de  la  mélomanie,  de  ce  besoin  de  donner  et  d'enten- 
dre des  concerts  :  c'est  un  véritable  assaut  entre  les  virtuoses  et  le 
public  à  qui  se  lassera  le  moins  de  jouer,  de  chanter  et  d'écouter. 


Voici  venir  M.  Beaulieu,  ancien  élève  de  notre  grand  Méhul  et  lauréat 
de  l'Institut,  ou  prix  de  Rome ,  qui  vient  de  faire  une  exhibition  d'art 
sérieux  par  un  concert  qu'il  a  donné  dans  la  salle  de  l'Association  des 
artistes-musiciens  (ancien  Diorama).  Il  faut  avoir  le  courage  et  le  dé- 
vouement d'un  véritable  artiste  pour  mener  à  bien  une  telle  affaire. 
M.  Beaulieu,  qui  habite  une  de  nos  villes  départementales  ,  Niort,  ne 
pouvant  pas  être  continuellement  sur  la  brèche  de  nos  théâtres  lyri- 
ques pour  obtenir  ce  qu'on  nomme  un  poème  d'opéra,  a  pris  des  vers 
de  Lamartine,  qui  valent  bien  ceux  de  nos  librettistes,  pour  les  mettre 
en  musique  sous  forme  d'oratorio.  L'Hymne  à  la  nuit  du  poëte,  ora- 
teur, publiciste,  homme  d'État,  a  noblement  inspiré  M.  Beaulieu.  Celte 
large  page  musicale  est  bien  écrite  pour  les  voix  et  pour  l'orchestre.  Les 
mélodies  en  sont  élevées,  belles  ;  le  tissu  harmonique  en  est  serré,  trop 
peut-être.  Ce  vaste  tableau  musical  manque  d'air,  d'éclaircies.  Si  un  nou- 
veau Joseph  II  était  venu  dire  à  M.  Beaulieu  : 'Il  y  a  diablement  de 
notes  là  dedans  !  le  compositeur  n'aurait  peut-être  pas  été  fondé  à  ré- 
pondre fièrement,  comme  Mozart  :  Pas  Une  de  trop,  Majesté,  pas  une 
de  trop  !  Il  faut  dire  aussi  que  le  poëme  est  de  ce  genre  admiratif  qui 
excluait  la  variété  de  tons  pour  le  compositeur,  forcé  de  rester  toujours 
dans  la  peinture  des  idées  grandioses.  Quoi  qu'il  en  soit,  M.  Beaulieu  est 
un  musicien  de  bon  et  beau  style,  fait  pour  réussir  dans  la  musique  re- 
ligieuse, qu'il  a  déjà  traitée,  du  reste,  avec  succès.  V Hymne  à  la  nuit 
a  été  fort  bien  chanté  par  MM.  Jourdan,  Florenza,  Adam  et  Mlles  Geis- 
mar  et  Boulart.  Cette  dernière  a  dit  un  air  de  soprano  composé  aussi 
par  M.  Beaulieu ,  dans  lequel  elle  a  montré  ce  bon  style  de  chant 
qu'elle  tient  de  son  illustre  professeur,  Mme  Damoreau,  et  qui  promet 
un  bel  avenir  à  la  jeune  cantatrice. 

Dieu  de  lumière,  dans  lequel  se  dessinent  bien  deux  coryphées,  est 
traité  en  chœur  à  cinq  voix  d'un  beau  caractère  aussi,  mais  dont  l'exé- 
cution a  manqué  parfois  d'ensemble  et  de  chaleur,  comme  ceux  de 
Y  Hymne  à  la  nuit,  dans  la  partie  chorale. 

MM.  Petiton,  Romedène  et  Jancourt  ont  exécuté  un  trio  fort  bien  fait 
pour  flûte,  hautbois  et  basson,  composé. par  M.  Bellon;  et  puis  un  dé- 
but remarquable  a  eu  lieu  dans  cette  soirée  :  le  jeune  René  Franc- 
homme,  âgé  de  onze  ans,  fils  de  notre  excellent  bassiste,  a  joué  sur 
un  violoncelle  miniature  comme  lui,  un  solo  par  lequel  il  a  provoqué 
d'unanimes  applaudissements. 

Avec  un  lalent  de  compositeur  réel  et  consciencieux,  M.  Beaulieu  a 
dépensé  environ  3,000  fr.  pour  réaliser  cette  exhibition  musicale.  Il 
faut  convenir  qu'il  y  a  quelque  chose  d'élevé  dans  un  art  qui  inspire 
de  tels  sacrifices  de  temps  et  d'argent. 

—  M.  Lefébure-Wely  et  Mme  Lefébure-Wely  ont  donné,  salle  Herz, 
un  joli  petit  concert  conjugal  tout  parsemé  de  charmantes  romances, 


106 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


de  cavatines  et  Je  délicieux  arrangements  pour  le  piano  à  percussion , 
sur  lequel  l'organiste  de  la  Madeleine  procède  avec  beaucoup  d'art. 

—  M.  Lagarin,  bon  violoniste,  adonné  aussi  un  concert  conjugal  dans 
lequel  Mme  Lagarin  a  dit  d'une  façon  légère  elbrillanteun  duo  à  deux 
pianos  sur  le  motif  de  Belisario  par  M.  Goria.  Nous  n'avons  pas  de 
motifs  pour  trouver  ceux  d'il  signore  Belisario  distingués,  communs 
ou  désagréables.  C'est  de  la  musique  qui  fait  bien  valoir  les  motifs  de 
gloria  e  di  irionfâr  que  pouvaient  avoir  le  compositeur  et  l'arrangeur 
en  les  écrivant,  mais  qui  ne  se  préoccupaient  guère  de  nouveauté  et 
d'originalité. 

M.  Lagarin  a  dit  une  fantaisie  sur  Charles  VI,  écrite  et  fort  bien  exé- 
cutée par  lui  ;  el|  puis  le  bénéficiaire  nous  a  fait  entendre  des  thèmes 
originaux  (andante  et  scherzo) ,  et  une  charmante  étude  de  concert, 
intitulée  le  Mouvement  perpétuel,  dont  l'auditoire  aurait  désiré  même 
voir  justifier  le  titre  ;  car  il  l'entendrait  encore,  et  son  plaisir  durerait 
toujours.  Tel  a  été  le  concert  de  M.  Lagarin,  avec  quelques  accessoires 
que  nous  ne  mentionnons  pas,  forcé  que  nous  sommes  de  ne  jeter  qu'un 
coup  d'œil  rapide  sur  cette  exposition  musicale  des  concerts  à  laquelle 
on  espère  que  celle  de  peinture  va  faire  un  peu  diversion. 

—  M.  Tellefsen,  pianiste  norvégien,  qui  a  donné  un  concert  mer- 
credi dernier  dans  la  salle  Pleyel,  est  un  artiste  dans  les  cordes,  dans 
la  manière-  de  Chopin,  dont  il  joue  bien  la  musique.  Sa  manière  à  lui, 
et  il  en  a  une,  est  douce,  mystérieuse,  en  style  lié  et  quelque  peu  mo- 
notone. Dans  ses  compositions  comme  dans  son  jeu,  on  trouve  sou- 
vent la  pointe  de  caprice  et  d'originalité  qui  réveille  l'auditeur.  Il  a 
dit  avec  verve  et  brio  la  Polonaise,  de  Chopin,  pour  piano  et  violon- 
celle ,  dans  laquelle  il  a  été  fort  bien  secondé  par  le  violoncelliste 
Franchomme  ;  et  puis  M.  Tellefsen  a  terminé  la  soirée  par  trois  pièces 
caractéristiques  de  sa  composition ,  qui  auraient  produit  encore  plus 
d'effet  devant  un  auditoire  un  peu  moins  norvégien. 

—  Le  public,  qui  avait  assisté  la  veille  au  concert  donné  dans  la 
même  salle  par  M.  Goria,  était  plus  chaud,  ou  avait  plus  chaud.  M.  Goria 
sait  animer  son  auditoire,  non  moins  que  le  séduire  et  l'étonner.  Il  a 
joué  plusieurs  de  ses  compositions,  dont  le  succès  est  général  dans  les 
salons,  et  notamment  une  fantaisie  très-brillante  sur  les  motifs  de 
Guillaume  Tell.  Il  avait  dit  l'allégro  du  premier  concerto  de  Chopin  en 
artiste  qui  sait  comprendre  et  rendra  tous  les  styles. 

—  Mme  Colin-Neumann  est  une  agréable  pianiste  qui  a  donné  un 
concert  dans  la  salle  Herz,  où  elle  s'est  vue  et  entendue  vivement  ap- 
plaudir, ainsi  que  M.  Montuoro,  autre  virtuose  qui ,  le  28  du  mois 
passé,  a  aussi  donné  un  concert  dans  lequel  il  s'est  classé  parmi 
les  pianistes  intelligents  qui  évoluent  dextrement  sur  le  clavier.  J'en 
passe  et  des  meilleurs,  ainsi  que  le  dit  don  Euy  de  Gomez  dans  Her- 
nani,  pour  arriver  à  Mlle  Charlotte  de  Malleville,  qui  a  donné  sa  qua- 
trième séance  de  musique  classique  chez  Pleyel ,  où  elle  a  purement 
joué,  comme  toujours,  le  concerto  en  vt  mineur  de  Beethoven  ,  la  so- 
nate en  fa  mineur  du  même  ,  et  celle  pour  piano  et  violon  ,  avec 
M.  Maurin  ;  le  trio  pour  piano,  flûte  et  violoncelle,  de  Weber,  puis  des 
variations  de  Haendel.  Nous  la  retrouvons  au  concert  donné  par  notre 
ami  Gouffé,  l'excellent  contrebassiste  de  l'Opéra,  et  nous  ferions  ap- 
précier la  variété  de  son  talent  classique  pur,  s'il  ne  nous  fallait  suivre 
de  l'oreille  et  de  l'œil  cette  course  au  clocher  des  pianistes  mues  par 
l'amour  de  l'art ,  de  la  gloire  et  de  la  bienfaisance.  Au  nombre  de  ces 
dernières,  il  faut  citer  en  première  ligne  Mme  deKalergi,  née  comtesse 
de  Nesselrode,  et  Mlle  Clauss,  qui  nous  ont  fait  entendre,  avec  M.  Fer- 
dinand Hiller,  le  charmant  concerto  pour  trois  pianos,  par  Sébastien 
Bach ,  au  concert  donné  par  la  Société  de  bienfaisance,  allemande,  au- 
quel ont  aussi  concouru  ,  dans  la  somme  de  talent  qui  les  distingue, 
Mlle  Falconi ,  MM.  Bazzini ,  avec  sa  délicieuse  Danse  des  Lutins,  Che- 
villard ,  Ekart  et  la  Société  des  amateurs  allemands. 

—  Mlle  Élise  Féan  de  la  Roche-Iagu  ,  compositeur  de  noble  lignage, 
est  encore  venue,  cette  année,  braver  -les  ironies  de  la  critique  et  du 
public,  qui  ne  se  fâche  et  ne  se  veut  point  brouiller  avec  cette  persé- 


vérante Bretonne;  il  dit,  comme,  dans  la  Métromanie,  l'oncle  du 
poëte  :  J'ai  ri ,  me  voilà  désarmé.  Mlle  de  la  Roche-Jagu  doit  avoir 
dans  son  blason  quelque  chose  comme  cette  devise  héraldique  :  Qui 
veut ,  petit.  Or,  comme  elle  veut  peu ,  une  petite  place  au  soleil  de  la 
publicité,  nous  l'accordons  toujours  à  cette  artiste  d'un  caractère  aussi 
entêté  et  aussi  brave  à  elle  seule  que  ses  compatriotes  les  Bretons  du 
combat  des  trente.  Puisse  le  succès  de  son  opéra  du  Mariage  de  hasard 
lui  en  faire  contracter  un  de  convenance,  de  sympathie  et  d'amour  ! 

—  Finissons-en  avec  la  noblesse,  non  pas  comme  dans  la  fameuse 
séance  du  4  août  1789,  mais  pour  lui  payer  le  tribut  d'éloge  et  de  ga- 
lanterie qu'on  doit  aux  dames  titrées  joignant  à  leur  qualité  celle  d'ar- 
tiste de  talent.  Mme  la  comtesse  Taccani-Tasca  nous  a  prouvé  qu'elle  est 
de  cette  catégorie  au  concert  qu'elle  a  donné  dans  la  salle  Herz  ,  le 
30  mars;  elle  a  dit  toutes  sortes  de  cavatines  et  de  variations  brillantes 
et  difficiles  qui  lui  ont  valu  force  brava  et  bravi. 

—  M.  Gouffé,  dont  plus  haut  nous  avons  dit  quelques  mots,  a  aussi 
donné  son  concert  dans  la  salle  de  l'Association  des  artistes  musiciens. 
Entouré  d'excellents  artistes,  ses  pairs,  il  a  joué  les  variations  de  Co- 
relli  sur  les  Folies  d'Espagne  pour  violoncelle  et  contrebasse  avec 
M.  Lebouc.  Ce  grave  dialogue  a  paru  piquant  de  rétrospectivité  et  de 
nouveauté.  Le  bénéficiaire  a  dit  encore,  comme  soliste,  une  sonatine 
de  M.  Adolphe  Blanc,  pièce  aussi  bien  faite  pour  l'instrument  que  bien 
exécutée.  Ces  deux  morceaux,  accompagnés  de  beaucoup  d'autres  dé- 
licieusement dits  par  MM.  Dorus,  Verroust,  Mlles  Crémont  et  de  Malle- 
ville,  ont  fait  de  cette  séance  un  des  plus  intéressants  concerts  de  la 
saison  qui  touche  à  sa  fin,  enfin! 

—  Le  sixième  et  dernier  concert  de  la  Société  Sainte-Cécile  a  eu  lieu 
dimanche  dernier,  ainsi  que  la  sixième  et  dernière  séance  de  musique 
de  chambre  donnée  par  MM.  Alardet  Franchomme  dans  la  salle  Pleyel. 
Ces  deux  sociétés,  diverses  dans  leurs  exhibitions  musicales,  ont  rendu 
de  véritables  services  à  l'art  sérieux.  On  a  remarqué  comme  musique 
moderne,  dans  le  concert  de  la  Société  Sainte-Cécile,  un  beau  chœur 
sur  le  Jugement  dernier  de  Gilbert,  par  M.  Wekerlin  ;  et,  dans  la  ma- 
tinée d'Alard,  un  nouveau  quintette  de  M.  Onslow,  et  surtout  la  déli- 
cieuse cansonnetta  pour  instruments  à  cordes  par  Mendelssohn. 

—  L'impressionnable  et  impressionnant  violoniste  Herman  à  donné 
son  concert  chez  Pleyel,  le  2  de  ce  mois,  et  l'on  a,  comme  toujours, 
applaudi  la  prestesse  de  son  archet,  la  finesse  et  le  brio  de  son  trille,  la 
sensibilité  exhubérante  et  quelque  peu  affectée  de  sa  mélodie,  qu'on 
aime  pourtant,  car  elle  part  d'une  organisation  exquise.  Au  nombre  des 
solistesqui  l'ont  secondé,  nous  avons  remarqué  Mme  Reitter  de  Courcelles, 
Mlle  Lefebvre,  de  l'Opéra-Comique,  MM.  Audran,  du  même  théâtre, 
Lamazou,  Malezieux,  Fumagalli  et  Richard  Mudler,  dont  on  ajustement 
applaudi  les  compositions  qui  sont  remarquées  et  obtiennent  beaucoup 
de  succès  dans  les  salons,  surtout  la  Cascade,  le  Tambour  de  basque, 
et  un  beau  duo  pour  deux  pianos  sur  des  motifs  italiens. 

—  M.  Van  Gelder  est  un  fort  bon  violoncelliste ,  qui  a  donné  un 
concert  dans  la  salle  Sax,  il  y  a  quelques  jours  de  cela ,  ce  qui  n'a  pas 
empêché  M.  Alexandre  Batta ,  non  moins  excellent  violoncelliste,  de 
gratifier  le  public  musical  de  Paris,  qui  ne  l'avait  pas  entendu  depuis 
longtemps,  depuis  trop  longtemps,  de  donner  aussi  son  concert  dans  la 
salle  Herz  vendredi  dernier.  M.  Van  Gelder  a  fort  bien  chanté  sur  son 
instrument  les  plus  belles  mélodies  des  Huguenots  ,  qu'il  a  arrangées 
en  fantaisie  plus  ou  moins  grande;  puis  des  Souvenirs  de  Bellini,  et 
puis  il  a  fait  entendre  et  résonner  Y  Echo  des  montagnes,  autre  grande 
fantaisie  pour  le  violoncelle,  composée  par  le  bénéficiaire  et  M.  Georges 
Hainl.  De  son  côté,  M.  Alexandre  Batta,  s'inspirant  des  mélodies  puis- 
santes, saintes  et  filiales,  et  d'amour,  du  Guillaume  Tell  de  Rossini,  en 
a  fait  un  trio  pour  trois  violoncelles,  qu'il  a  délicieusement  chanté  en 
collaboration  de  MM.  Offenbach  et  Lee  ;  puis  il  a  continué  de  chanter 
seul  et  de  ce  son  émouvant  qu'on  lui  connaît,  des  airs  russes  et  les 
mélodies  mélangées  de  la  Norma  et  de  la  Favorite,  par  lesquelles  il  a 
provoqué  d'unanimes  applaudissements. 


[)E   PARIS. 


107 


—  Revenant,  sinon  aux  virtuoses  aristocratiques,  du  moins  aux  nobles 
auditoires,  nous  dirons,  pour  en  finir,  que  Mme  Lucci  Sievers,  compo- 
siteur et  cantatrice,  avait  convié,  dans  la  salle  Pleyel,  le  1"  avril,  un 
public  de  ce  genre,  qui  s'y  est  rendu  avec  empressement.  La  noblesse 
du  Nord  y  coudoyait  la  noblesse  de  France  pour  y  entendre  Mme  Lu- 
cci Sievers.  Mme  Sievers  est,  de  corps  seulement,  une  frêle  virtuose, 
qui  chante  avec  peu  de  voix,  mais  avec  autant  d'esprit  que  de  goût, 
de  fort  jolies  mélodies  de  sa  composition.  De  plus,  une  main  sur  l'har- 
monium et  l'autre  sur  le  piano ,  elle  nous  a  fait  entendre  une  fantaisie 
en  duo  sur  il  Barbiere  di  Siviglia,  composée  et  arrangée  aussi  par 
elle,  et  qui  a  fait  généralement  plaisir  :  aussi  a-t-elle  été  applaudie 
comme  par  un  public  plébéien.  Au  reste,  ce  suffrage  est  comme  l'i. 
vresse  du  peuple  que  Figaro  désire  voir  prendre  au  comte  Almaviva  : 

c'est  le  meilleur. 

Henri  BLANCHARD. 


PHILOSOPHIE  DE  LA  MUSIQUE. 

(Suite)  (1). 

M.  Fétis  poursuit  en  ces  termes  l'exposé  du  système  de  la  philoso- 
phie de  l'art  : 

«  Messieurs , 

»  Je  viens  de  dire  que  c'est  par  un  arrangement  régulier  de  la  durée 
des  sons  que  la  mélodie  et  l'harmonie  ont  une  signification  déterminée  : 
ceci  doit  s'entendre  et  de  la  durée  relative  des  sons  et  de  leur  durée 
absolue.  La  durée  relative  est  la  comparaison  de  deux  sons  dont  l'un 
a  une  durée  double,  triple,  quadruple,  etc.  ,"de  l'autre,  ou  n'en  a  que  la 
moitié,  le  tiers,  le  quart ,  etc.  Or,  le  temps  musical  est  limité  comme 
tout  ce  qui  affecte  la  sensibilité.  Supposons  donc  que  l'unité  limitée  de 
temps  soit  égale  à  une  minute  :  cette  unité  pourra  être  divisée  en  frac- 
tions plus  ou  moins  petites  représentées  par  des  durées  de  sons,  et  la 
somme  de  celles-ci  égalera  l'unité.  Si  la  somme  des  fractions  était  plus 
petite  ou  plus  grande  que  l'unité  d'une  durée  quelconque,  le  rapport 
serait  faux,  et  le  sentiment  de  la  mesure  du  temps,  qui  est  de  l'essence 
de  l'âme,  serait  blessée. 

»  Mais,  si  le  retour  de  l'égalité  d'unité  n'avait  lieu  qu'à  l'expiration 
de  la  durée  d'une  minute,  le  rapport  serait  difficilement  apprécié  par 
l'intelligence,  et  l'impression  de  la  musique  dans  l'âme  serait  très- 
vague  :  de  là  donc  la  nécessité  du  retour  plus  fréquent  du  point  de 
comparaison  entre  les  diverses  fractions  de  durées,  pour  en  former  des 
divisions  régulières  de  la  grande  unité.  On  a  donné  le  nom  de  mesures 
à  ces  divisions  régulières  du  temps  musical,  et  les  divisions  de  celles-ci 
ont  été  appelées  temps  de  la  mesure.  L'égalité  des  mesures  et  la  régu- 
larité de  leurs  temps  sont  donc  une  condition  de  toute  musique  ,  con- 
dition inséparable  des  successions  mélodiques  et  harmoniques. 

»  L'impression  de  la  musique  est  plus  profonde  et  les  rapports  des 
durées  des  sons  deviennent  plus  facilement  saisissables  quand  les  diffé- 
rences des  durées  composent  des  successions  symétriques  auxquelles 
on  a  donné  le  nom  de  rlujthmes.  Les  durées  relativement  longues  ou 
brèves,  disposées  dans  un  ordre  régulier  et  continu,  ont,  indépendam- 
ment du  charme  qui  résulte  pour  l'intelligence  de  leurs  rapports  symé- 
triques, un  effet  irrésistible  sur  le  système  nerveux.  Tels  sont  les  rhy- 
thmes  continus  et  réguliers  de  temps  égaux  ou  inégaux,  par  exemple, 
une  longue  suivie  de  deux  brèves,  ou  deux  brèves  suivies  d'une  longue, 
ou  une  longue  et.  une  brève  se  succédant  alternativement,  etc.  La  puis- 
sance du  rhythme  sur  l'organisation  physique  se  fait  remarquer  parti- 
ticulièrement  dans  la  danse.  On  sait  aussi  l'effet  entraînant  du  rhythme 
égal ,  appelé  pas  de  charge,  sur  le  soldat  qui  marche  à  l'ennemi. 

»  Le  temps  n'entre  pas  seulement  dans  la  musique  à  l'état  de  durée 
relative  :  il  y  est  aussi  comme  durée  absolue  déterminée  par  le  mou- 
vement de  la  succession  des  sons,  lequel  peut  être  vif,  lent  ou  modéré. 
Du  mouvement  dépend  absolument  le  caradère  de  la  musique.  Telle 
est  son  influence  à  cet  égard,  que  la  même  mélodie  peut  paraître  tour 

(1)  Voir  le  numéro  12. 


à  tour  tendre,  mélancolique,  gaie,  bouffonne  même,  en  raison  de  la 
lenteur  ou  de  la  rapidité  du  mouvement.  Dans  la  conception  de  la  mu- 
sique, le  mouvement  est  donc  un  des  éléments  de  la  pensée  de  l'artiste  : 
il  est  inséparable  de  la  création  de  l'idée  mélodie.  C'est  par  lui  que  le 
rhythme  prend  un  caractère  déterminé  et  qu'il  exerce  son  empire; 
enfin,  le  mouvement  rhythmique  est  à  la  musique  ce  que  la  couleur 
est  à  la  peinture. 

»  Messieurs,  les  attributs  des  sons  ne  sont  pas  tous  dans  l'intona- 
tion et  dans  la  durée  :  à  ceux-là  se  joignent  encore  le  timbre  et  l'ac- 
cent. Le  timbre  est  la  qualité  spécifique  des  voix  et  des  instruments 
qui  détermine  leur  caractère  et  agit  particulièrement  sur  la  sensibilité. 
C'est  ainsi  que  les  sons  de  la  trompette  ont  de  l'éclat  ;  ceux  du  cor,  de 
la  rondeur;  ceux  de  la  flûte,  de  la  douceur  et  du  moelleux,  et  ceux  des 
instruments  à  anches,  du  mordant.  Les  modes  d'émission  des  sons  in- 
troduisent aussi  des  variétés  de  timbre  dans  un  même  appareil  sonore  : 
par  exemple,  les  sons  de  poitrine,  de  la  voix  mixte  et  du  fausset,  con- 
stituent autant  de  timbres  différents  dans  le  même  organe  vocal,  et, 
par  les  impressions  différentes  qu'ils  produisent,  remplissent  des  fonc- 
tions spéciales  dans  l'expression  de  la  musique.  C'est  ainsi  encore  que 
la  même  corde  sonore,  mise  en  vibration  par  la  percussion,  par  le 
frottement,  ou  par  le  pincé,  fait  naître,  par  la  différence  des  timbres, 
des  impressions  très-diverses.  Recueillis  par  la  mémoire  imagi  native 
du  musicien,  ces  faits  acoustiques  deviennent  autant  d'agents  expressifs 
de  sa  création  idéale. 

»  Ai-je  besoin  de  définir  l'accent?  Vous  savez,  Messieurs,  qu'il  est 
dans  la  musique  et  dans  le  langage,  ce  qu'est  le  geste  dans  la  panto- 
mime, c'est-à-dire  la  manifestation  immédiate  et  sensible  des  senti- 
ments et  des  émotions  passionnées.  L'accent,  vous  le  savez  aussi, 
consiste  dans  l'élévation  ou  dans  l'abaissement  de  l'intonation  de  la 
voix.  Indéterminées  dans  le  langage  parlé,  ces  modifications  de  l'organe 
se  mesurent  avec  exactitude  dans  la  musique.  Je  dirai  tout  à  l'heure 
comment  la  découverte  inattendue  d'une  relation  harmonique  a  réalisé 
tout  à  coup,  à  l'égard  du  rôle  de  l'accent  musical,  les  prévisions  idéales 
de  quelques  artistes  de  génie,  et  comment  elle  a  opéré  une  des  plus 
remarquables  transformations  que  nous  fasse  connaître  l'histoire 
de  l'art. 

»  11  est  enfin  dans  la  musique  un  autre  genre  d'accent  qui  consiste 
dans  les  modifications  de  l'intensité  des  sons,  c'est-à-dire  dans  le  pas- 
sage du  fort  au  faible  et  du  faible  au  fort,  soit  immédiat,  soit  progres- 
sif. Cet  accent,  dont  l'action  est  puissante  sur  la  sensibilité,  se  com- 
bine souvent  avec  celui  qui  naît  des  modifications  de  l'intonation. 

»  Voilà  donc  tous  les  éléments  par  lesquels  l'artiste  peut  réaliser  le 
beau  dans  la  musique,  à  savoir  :  la  diversité  des  intonations  des  sons, 
la  diversité  de  leur  durée,  leur  timbre,  leur  intensité,  et  l'accent,  qui 
en  est  pour  ainsi  dire  la  vie.  Deux  de  ces  éléments,  c'est-à-dire  l'in- 
tonation et  la  durée  sont  à  la  fois  dans  le  domaine  de  la  sensibilité  et 
dans  celui  de  l'intelligence.  Les  trois  autres  (le  timbre,  l'intensité  et 
l'accent)  constituent  plus  particulièrement  des  éléments  sensibles,  par 
cela  seul  qu'ils  sont  simples  et  n'impliquent  pas  la  conception  de  rap- 
ports. L'habileté  de  l'artiste  consiste  à  combiner  ces  éléments  pour  en 
former  une  composition  complète  par  laquelle  la  succession  mélodi- 
que des  sons,  leur  agrégation  harmonique  et  leur  cadence  rhythmique 
éveillent  dans  lintelligence  l'idée  d'un  ton  parfaitement  proportionné, 
et  affecte  la  sensibilité  à  l'aide  du  choix  des  timbres,  de  l'accent  et  des 
modifications  de  l'intensité. 

»  Mais  toute  la  musique  est-elle  renfermée  dans  cet  harmonieux  ac- 
cord de  ses  éléments  sensibles  et  intellectuels?  Suffit-il  de  cet  accord 
pour  faire  vibrer  dans  notre  âme  cette  voix  secrète  qui  nous  oblige  à 
dire  :  Cela  est  beau?  Non,  Messieurs.  Le  plus  parfait  arrangement  des 
éléments  dont  je  viens  de  faire  rénumération  n'est  à  la  musique  que 
ce  que  la  pureté  du.  langage  et  le  mécanisme  de  la  versification  sont  à 
la  poésie.  Qui  de  vous  n'a  pas  entendu  ce  que,  dans  les  écoles,  on  ap- 
pelle de  la  musique  bien  faite  ?  Si  vous  en  avez  souvenance,  vous  sa- 
vez que  rien  n'y  répugnait  à  la  relation  logique  des  sons  ;  ils  s'y  suc- 


108 


REVUE  LT  GAZETTE  MUSICALE 


cédaient  sous  des  formes  périodiques  et  régulières  qui  n'étaient  pas  dé- 
pourvues d'une|certaine  mélodie;  l'haimonie  en  était  correcte,  et  l'on 
y  remarquait  de  l'habileté  dans  l'agencement  des  voix  et  des  instru- 
ments. Cependant,  à  l'audition  de  cette  œuvre,  le  cœur  n'était  point 
ému  ;  l'attention  était  distraite.  Qu'y  manquait-il  donc?  C'est  dans  cette 
question  qu'est  toute  la  difficulté  de  la  théorie  esthétique  de  la  musi- 
que. Quelques  mots  encore,  et  peut-être  parviendrai-je  à  la  résoudre. 

»  Je  viens  de[dire  que  l'harmonieux  accord  des  éléments  de  la  mu- 
sique est  à  cet  art  ce  que  la  pureté  du  langage  et  le  mécanisme  de  la 
versification  sont  à  la  poésie,  ce  qui  semble  établir  l'analogie  de  ces 
deux  arts  ;  mais  la  poésie,  qu'elle  soit  religieuse,  allégorique  ,  histori- 
que, descriptive  ou  même  fantastique,  a  toujours  pour  sujet  des  no- 
tions universelles  ou  des  sentiments  déterminés,  des  faits  ou  des  fic- 
tions; car,  s'il  en  était  autrement,  elle  serait  absolument  inintelligible. 
La  musique  n'a  rien  de  tout  cela.  Elle  ne  prend  pas  son  snjet  dans  le 
monde  extérieur  ;  les  faits  n'existent  pas  pour  elle  ;  le  réel  n'est  pas 
son  domaine  ;  ce  qui  appartient  à  la  connaissance  lui  est  étranger,  et 
dans  les  idées  déterminées,  elle  ne  prend  que  l'abstraction.  L'imagina- 
tion, s'emparant  de  celle-ci,  ainsi  que  des  sentiments  et  des  passions, 
les  transforme  en  images  harmoniques.  La  grandeur,  la  force,  la  grâce, 
la  naïveté,  la  gaîté,  la  mélancolie,  l'amour  et  ses  extases,  la  jalousie  et 
ses  agitations,  sont  les  sujets  qu'exprime  la  musique.  C'est  là  qu'elle 
triomphe  et  que  sa  puissance  surpasse  celle  des  autres  arts.  Vous  le 
voyez  donc,  Messieurs,  c'est  dans  l'âme,  c'est-à-dire  dans  ce  principe 
vital  qui  sent,  qui  pense  et  qui  veut,  que  le  musicien  place  son  théâtre. 
C'est  l'homme  qu'il  prend  pour  sujet  de  son  œuvre,  mais  l'homme  en 
tant  qu'intelligence  et  sentiment.  C'est  en  cela  que  la  musique  diffère 
des  arts  plastiques  et  même  de  la  poésie,  et  c'est  pour  cela  que  cet 
art  est  le  seul  qu'on  puisse  qualifier  de  transcendental. 

»  Mais,  dira-t-on,  comment  le  musicien  peut-il  exprimer  tout  ce  que 
vous  venez  d'énumérer  avec  des  sons  qui  n'ont  qu'une  signification  to- 
nale et  chronométrique  ?  Messieurs,  ceci  est  le  secret  du  génie  :  il  me 
suffit  de  votre  propre  témoignage  pour  constater  le  succès  de  son  en- 
treprise. Combien  de  fois  ne  vous  est-il  pas  arrivé  de  vous  écrier  à 
l'audition  d'une  symphonie  de  Beethoven  ou  de  Mozart,  dont  le  pro- 
gramme n'était  pas  écrit  :  Que  cela  est  beau  !  que  cela  est  grand  ! 
quelle  force,  ou  quelle  grâce  dans  cette  musique  !  Que  signifiaient  ces 
exclamations,  si  ce  n'était  que  des  idées  de  beauté,  de  grandeur,  de 
force  et  de  grâce  se  sont  éveillées  en  vous  à  l'audition  de  cette  musi- 
que, et  conséquemment  qu'il  y  avait  accord  entre  les  facultés  créatri- 
ces de  l'artiste  et  celles  qui  présidaient  aux  impressions  que  vous  rece- 
viez de  son  œuvre?  Sans  doute  cet  accord  n'existe  pas  toujours,  car 
s'il  est  parmi  les  compositeurs  des  imaginations  qui  se  complaisent 
dans  le  développement  d'une  pensée  unique,  d'autres,  au  contraire, 
plus  riches  d'invention,  mais  moins  réglées  par  le  goût  et  par  l'expé- 
rience, prodiguent  les  idées  dans  leurs  ouvrages,  et  les  laissent  plus  ou 
moins  à  l'état  d'ébauche  par  l'absence  de  développement  et  de  retour 
périodique.  S'il  est  des  imaginations  qui  brillent  par  l'expression  de  la 
force,  il  en  est  d'autres  dont  les  tendances  sont  toutes  gracieuses. 
Certaines  imaginations  puissantes  conçoivent  l'art  au  point  de  vue  ab- 
solument idéal  et  ne  se  complaisent  que  dans  les  compositions  instru- 
mentales ou  religieuses,  tandis  que  d'autres  ont  besoin  d'un  programme 
dramatique  pour  s'exalter  et  n'ont  de  penchant  que  pour  l'opéra.  Je  ne 
finirais  pas  si  je  voulais  indiquer  toutes  les  variétés  d'organisation  ima- 
ginative  dont  les  résultats  se  font  apercevoir  dans  les  œuvres  des  mu- 
siciens. Or,  les  mêmes  variétés  existent  chez  les  exécutants  et  dans 
l'auditoire.  De  là  le  désaccord  dans  les  impressions  produites,  et  l'anta- 
gonisme des  jugements  portés  sur  les  productions  du  génie  des  artistes. 
Les  qualités  de  ces  productions  ne  sont  appréciées  à  leur  véritable 
point  de  vue  que  lorsqu'il  y  a  accord  parfait  entre  le  caractère  de  l'i- 
magination créatrice  du  compositeur  et  l'imagination  réflective  de  l'in- 
dividu qui  reçoit  les  impressions.  Il  est  nécessaire  aussi  que  l'exercice 
ait  perfectionné  l'organisation  pour  que  le  beau  soit  senti,  surtout  si 
l'œuvre  du  musicien  appartient  à  l'idéal  pur  et  transcendental.  C'est 


pour  cela  que  beaucoup  d'individualités  sont  plus  sensibles  aux 
impressions  de  la  musique  de  théâtre  qu'à  celles  de  la  musique  in- 
strumentale, car  le  sujet  de  l'œuvre  étant  connu,  l'attention  se  porte 
immédiatement  sur  l'expression  trouvée  par  le  compositeur  pour  le 
mouvement  passionné  indiqué  par  le  poëte,  en  sorte  que  l'auditeur  n'a 
qu'à  juger  de  la  propriété  de  l'expression,  de  la  même  manière  que, 
dans  la  peinture,  on  juge  de  la  ressemblance  d'un  portrait.  De  même 
que  l'imagination  du  compositeur  est  limitée  par  les  nécessités  du 
drame,  l'attention  de  l'auditoire  est  fixée  sur  un  seul  point,  à  savoir,  le 
rapport  de  l'œuvre  de  l'artiste  avec  l'objet  connu.  11  n'en  est  pas  de 
même  à  l'égard  de  la  musique  instrumentale,  où  l'arliste  entre  dans  le 
domaine  sans  bornes  de  l'idéal,  et  qui  requiert  de  lapart  de  l'auditeur 
une  puissance  plus  élevée  d'imagination  réflective. 

»  Arrivé  au  point  où  j'en  suis,  il  est  temps,  Messieurs,  que  je  donne 
plus  d'évidence  aux  théories  générales  exposées  précédemment,  par  des 
applications  sur  des  œuvres  musicales  choisies  dans  les  genres  divers 
et  principaux.  J'espère  vous  démontrer  par  ces  analyses  que  l'art  dont 
il  s'agit  n'est  jamais  plus  beau  ni  plus  puissant  que  quand  son  principe 
est  l'idéal  pur. 

»  Pour  procéder  avec  ordre ,  je  choisirai  d'abord  les  productions 
d'une  époque  où  l'accent  de  l'expression  passionnée  n'avait  point  en- 
core pénétré  dans  la  musique  par  l'harmonie ,  et  conséquemment  où 
cet  art  avait  pour  objet  les  idées  bien  plus  que  les  sentiments  :  cette 
époque  est  le  xvic  siècle.  J'ai  eu  l'honneur  de  vous  dire ,  il  y  a  deux 
ans,  comment  l'art  grec  ayant  péri  clans  les  dévastations  de  la  barbarie, 
un  art  nouveau  s'est  formé  dans  le  moyen-âge  par  la  découverte,  d'abord 
grossière,  de  l'harmonie  simultanée  des  sons;  comment  une  longue 
suite  de  siècles  s'est  écoulée  dans  de  lents  progrès ,  et  comment  les 
formes  harmoniques  se  sont  perfectionnées  dans  les  xive  et  xve.-  Jusque 
vers  1550,  ces  formes  fixèrentseules  l'attention  des  musiciens  et  furent 
''unique  objet  de  leurs  études.  Mais  à  l'époque  dont  je  parle,  un  homme 
de  génie,  Palestrina,  parut  enfin,  et  comprit  que  l'objet  des  travaux  de 
l'artiste  est  plus  élevé  qu'une  simple  jouissance  sensuelle,  occasionnée 
par  des  combinaisons  ingénieuses  de  sons.  Ce  n'est  pas  à  dire  que  Pa- 
lestrina ail  rompu  tout  à  coup  avec  les  formes  dont  je  viens  de  parler, 
car  on  subit  toujours  plus  ou  moins  l'influence  de  son  temps.  Loin  d'a- 
bandonner l'art  des  combinaisons  harmoniques  appelées  imitations, 
canons  et  fugues,  il  poussa  plus  loin  qu'aucun  autre  la  perfection  de 
leurs  formes,  leur  donna  un  tour  plus  élégant,  et,  plus  qu'aucun  musi- 
cien des  temps  précédents  et  postérieurs,  sut  faire  chanter  cinq,  six  et 
sept  parties,  dans  l'espace  quelquefois  circonscrit  de  deux  octaves. 
Avant  lui,  non-seulement  la  création  mélodique  était  négligée,  mais  on 
y  attachait  si  peu  de  prix,  que  le  thème  d'une  messe  entière  était  ou  un 
chant  de  l'église,  développé,  travaillé  ou  accablé  sous  une  infinité  de 
recherches  de  formes  et  de  combinaisons  harmoniques,  ou  même  une 
chanson  populaire  dont  une  des  voix  chantait  les  paroles  obscènes  en 
langue  vulgaire,  pendant  que  les  autres  faisaient  entendre  les  textes 
sacrés  dans  un  contrepoint  plus  ou  moins  ingénieusement  combiné.  Ces 
monstruosités  avaient  révolté  le  sentiment  religieux  des  princes  de 
l'Eglise  :  les  papes  et  les  conciles  les  avaient  flétries  dans  des  bulles  et 
arrêts,  et  les  choses  étaient  arrivées  à  ce  point,  que  le  pape  Marcel 
allait  bannir  à  jamais  la  musique  du  service  divin,  lorsque  Palestrina  le 
supplia  de  suspendre  sa  foudre  jusqu'à  ce  qu'il  lui  eût  fait  entendre  le 
premier  essai  d'une  musique  véritablement  religieuse ,  dans  une  messe 
qu'il  venait  de  composer.  Cette  production ,  dont  la  pensée  seule  fut 
une  des  plus  belles  conceptions  du  génie,  pour  l'époque  où  elle  se  pro- 
duisit, eut  tout  le  succès  qu'en  avait  espéré  son  auteur  ;  car  la  musique 
ne  fut  point  bannie  de  l'église  :  elle  s'éleva,  au  contraire,  dans  les  œu- 
vres de  Palestrina,  jusqu'à  la  réalisation  la  plus  sublime  de  son  objet. 

»  Le  sentiment  qui  porte  l'homme  à  glorifier  Dieu  par  ses  chants  n'a 
rien  de  terrestre  et  doit  être  conséquemment  dépouillé  de  toute  pas- 
sion. La  grandeur  infinie  de  l'Être  éternel,  souverain  créateur  de  l'uni- 
vers, peut  bien  porter  notre  foi  jusqu'à  l'enthousiasme  ;  mais  cet  en- 
thousiasme est  très-différent  de  celui  que  nous  éprouvons  quelquefois 


DK   PAHIS. 


îoy 


pour  les  choses  d'ici-bas.  Les  sentiments  d'amour  et  de  reconnaissance 
qui  naissent  dans  notre  âme  au  souvenir  du  sacrifice  de  la  rédemption, 
ne  sont  pas  semblables  à  ceux  qui  nous  animent  pour  les  créatures  hu- 
maines; cetimmensesacrificene  doit  passe  présenter  à  notreesprit  comme 
le  sujet  fatal  d'un  drame  qui  ne  peut  avoir  pour  dénouement  qu'une 
catastrophe  :  le  fruit  du  sacrifice  ,  c'est  le  salut  du  monde!  C'est  donc 
une  idée  mesquine  et  vulgaire  de  rapporter  les  souffrances  du  Christ  à 
celles  des  créatures  et  d'obliger  l'art  à  les  exprimer  par  des  accents 
passionnés.  La  calme  et  l'élévation,  voilà  ce  qui  convient  à  la  prière, 
lorsqu'elle  s'adresse  à  celui  dont  la  grandeur  est  incommensurable. 
Palestrina  Ht— il  ces  réflexions  avant  de  produire  les  œuvres  qui  l'ont 
illustré?  Cela  est  douteux;  mais  ce  qu'il  ne  se  dit  pas,  il  le  sentit  et 
l'exprima.  Rien  en  effet  de  plus  élevé,  de  plus  calme,  de  plus  dévot, 
n'a  jamais  été  conçu  depuis  l'institution  du  culte  catholique.  La  suavité 
de  ces  chants  ;  les  repos  alternatifs  des  voix  ;  leurs  rentrées  inatten- 
dues, mais  pleines  de  douceur  ;  le  grand  caractère  puisé  dans  une 
tonalité  dépouillée  d'accents  passionnés  :  tout  se  réunit  dans  ces  œu- 
vres pour  en  faire  l'expression  la  plus  idéale  et  la  plus  parfaite  des 
sentiments  religieux  inspirés  par  l'Évangile.  Le  motet  de  Palestrina  que 
je  vais  vous  faire  entendre,  Messieurs,  justifiera,  j'espère,  les  éloges 
que  j'accorde  aux  productions  de  cet  artiste,  l'un  des  plus  grands 
que  mentionne  l'histoire  de  l'art.  » 

Ici  M.  Fétis  s'est  en  effet  interrompu  pour  diriger  l'exécution  d'un 
fragment  de  motet  composé  par  le  maître  célèbre  qu'il  venait  de 
glorifier.  Cette  exécution  était  confiée  à  l'élite  des  élèves  de  chant  du 
Conservatoire.  Des  répétitions  multipliées  et  faites  avec  soin  avaient 
réglé  d'avance  toutes  les  nuances  et  les  traditions.  Préparé  de  cette 
manière,  l'effet  du  morceau  fut  si  saisissant,  qu'un  véritable  enthou- 
siasme s'empara  de  l'assemblée.  Nous  ne  nous  souvenons  pas  d'avoir 
jamais  éprouvé  d'émotion  plus  profonde  à  l'audition  d'un  morceau  de 
musique,  quoique  celui-ci  fût  dépouillé,  dans  le  lieu  où  il  était  exécuté, 
du  prestige  de  l'église  et  de  la  disposition  d'âme  que  font  naître  les 
cérémonies  du  culte  catholique.  Quelles  que  fussent  les  impressions 
produites  dans  le  reste  de  la  séance  par  d'admirables  inspirations  de  la 
mélodie  moderne,  tout  l'auditoire  électrisé  déclara  que  rien  n'avait 
égalé  l'effet  du  motet  de  Palestrina. 

(La  fin  au  prochain  numéro.) 

SVJRMIEXSEJE  A  BRUXELLES. 

Bruxelles,  29  mars  1852. 
A  Monsieur  le  Rédacteur  de  la  Gazette  musicale. 

Monsieur, 

Je  vous  écris  encore  sous  le  charme  d'une  des  impressions  les  plus 
vives  que  j'aie  dues  à  la  musique,  à.  cet  art  que  j'aime  par  dessus  toute 
chose,  et  dont  la  propagation  est  le  but  de  votre  Gazette.  Je  ne  sais  si  vous 
recevrez  par  une  autre  voie  des  détails  sur  l'événement  dont  je  viens  vous 
entretenir.  Si  quelque  plume  plus  compétente  et  plus  exercée  que  la 
mienne  vous  avait  mieux  renseigné  que  je  ne  puis  le  faire,  supprimez  tout 
bonnement  cette  lettre.  Dans  le  cas  contraire,  accueillez-la  non  pour 
donner  satisfaction  à  l'amour-propre  d'un  correspondant  qui  couvrira  son 
inexpérience  littéraire  du  voile  d'un  prudent  anonyme,  mais  pour  rendre 
un  nouvel  et  juste  hommage  au  génie  d'un  grand  maître. 

Je  viens  de  prononcer  le  mot  d'événement.  Parmi  vos  lecteurs  il  en  est 
qui  souriront  quand  ils  sauront  qu'il  s'agit  de  l'exécution  d'une  œuvre 
musicale.  Tout  peut  être  événement  ;  cela  dépend  de  l'importance  qu'on 
attache  à  telle  ou  telle  circonstance  ;  cela  dépend  aussi  de  la  direction  de 
certains  penchants  et  de  certains  goûts  naturels.  Pour  ma  part,  je  ne 
m'occupe  que  de  musique  et  ne  vois  d'événements  que  dans  la  musique. 
Je  laisse  passer  presque  sans  y  prendre  garde  les  révolutions  politiques  ; 
mais  quant  aux  révolutions  musicales,  c'est  une  autre  affaire.  La  conver- 
sion de  la  rente,  qui  est  un  événement  pour  les  gens  de  finance,  ne  me 
cause  aucune  émotion,  tandis  que  l'apparition  d'un  nouvel  opéra,  dont  la 
Bourse  ne  s'impressionne  guère,  est  un  événement  pour  moi. 

Vous  est-il  arrivé,  Monsieur,  en  voyant  la  gravure  au  trait  d'un  tableau 
de  quelque  grand  peintre  des  écoles  coloristes,  de  Titien,  de  Tintoret,  de 
Rubens,  de  Murillo,  par  exemple,  vous  est-il  arrivé  d'éprouver  un  regret 
amer  d'en  être  réduit  à  la  sensation  incomplète  que  peut  donner  une  telle 
reproduction,  et  d'être  sur  le  point  de  vous  mettre  subitement  en  route 


pour  Venise,  Anvers  ou  Séville,  afin  de  parfaire  cette  sensation  en  admi- 
rant ce  que  les  splendeurs  d'une  riche  palette  peuvent  ajouter  à  la  science 
du  dessin  et  au  goût  de  la  composition?  C'est  ce  que  me  faisait  éprouver 
depuis  longtemps  le  Sirwnsée  de  M.  Meyerbeer.  La  partition  de  piano  m'a- 
vait initié  au  plan  de  ces  beaux  fragments  ;  j'en  connaissais  le  dessin,  l'or- 
donnance générale:  c'était  un  commencement  d'initiation;  mais  les  dé- 
tails de  l'orchestre,  les  riches  combinaisons  harmoniques  et  instrumen- 
tales qui  élèvent  si  haut  les  productions  du  maître,  ce  qui  constitue  enfin 
'e  coloris  musical,  tout  cela  m'échappait.  J'appris  qu'on  devait  exécuter 
au  Conservatoire  de  Bruxelles  l'ouverture  et  les  entr'actes  de  Struensée. 
Pouvais-je  balancer  à  faire  le  voyage  de  Bruxelles  pour  les  entendre?  Je 
pris  donc  place,  samedi  soir,  dans  le  train  du  chemin  de  fer  du  Nord,  qui 
devait  me  déposer  le  lendemain  dans  la  capitale  de  la  Belgique.  J'étais 
plein  de  joie ,  plein  d'émotions  futures,  s'il  m'est  permis  de  m'exprimer 
ainsi. 

Je  vous  fais  grâce  du  récit  d'un  voyage  sans  incidents,  et  je  vous  con- 
duis immédiatement  au  concert.  La  séance  est  ouverte  par  la  symphonie 
en  soi  mineur  de  Mozart.  Vous  n'attendez  pas  une  nouvelle  appréciation  de 
ce  chef-d'œuvre  si  souvent  analysé.  Tout  ce  que  je  puis  vous  dire,  c'est 
que,  si  pressé  que  je  fusse  d'entendre  les  fragments  de  Struensée,  je  fus 
pénétré  d'une  vive  et  profonde  admiration.  Faut-il  vous  l'avouer?  je 
n'arrivais  pas  en  Belgique  sans  quelques  préjugés  parisiens.  Je  m'étais 
accoutumé  à  l'idée  qu'à  la  Société  des  Concerts  appartenait  le  privilège 
exclusif  d'une  exécution  parfaite  des  grandes  compositions  instrumen- 
tales. Ce  que  j'entendis  au  Conservatoire  de  Bruxelles  fut  de  nature  à. 
dissiper  cette  illusion.  Un  magnifique  orchestre  formé  de  près  de  cent 
virtuoses  et  admirablement  conduit  par  AI.  Fétis,  rendit  l'œuvre  de  Mo- 
zart avec  un  sentiment  exquis  de  ses  nuances  les  plus  délicates. 

Après  la  symphonie  en  sol  mineur,  voici  venir  un  chant  espagnol  à  six 
voix  de  femmes  qui  fut  exécuté,  si  je  ne  me  trompe,  aux  concerts  histori- 
ques de  M.  Fétis  ;  puis,  un  solo  de  flûte  joué  par  un  certain  M.  Reichert  de 
manière  à  réconcilier  avec  l'instrument  ses  ennemis  les  plus  acharnés. 
La  première  partie  est  terminée.  Nous  allons  passer  à  la  seconde,  qui  sera 
remplie  tout  entière  par  les  fragments  de  Struensée. 

Le  Conservatoire  de  Bruxelles  ne  fait  pas  les  choses  à  demi.  Afin  que  le 
public  eût  une  complète  intelligence  des  intentions  du  compositeur,  on 
avait  distribué  à  profusion  un  programme  où  se  trouvait  d'abord  une 
courte  analyse  du  drame  de  Struensée,  et  où  était  exposée  la  situation  ex- 
primée parla  musique  de  chaque  entr'acte.  L'idée  était  excellente,  selon 
moi.  Au  moyen  de  ce  programme  ,  chaque  auditeur  pouvait  voir  clair 
dans  ses  impressions.  Il  ne  tenait  qu'à  lui  de  se  figurer  qu'il  assistait  à  la 
représentation  du  drame. 

Mais  tandis  que  je  parcours  l'exposé  de  l'action,  les  premières  mesures 
de  l'ouverture  ont  retenti.  Soyons  attentifs.  Quel  début  sombre  et  mysté- 
rieux, quel  grand  caractère,  quelle  énergie  !  On  a  souvent  abusé, — de  quoi 
n'abuse-t-on  pas?  —  on  a  souvent  abusé,  dis-je,  d'une  expression  pitto- 
resque en  disant  de  certaines  compositions  qui  semblaient  contenir  le 
développement  complet  d'une  idée  :  «  C'est  tout  un  drame.  »  Jamais  cette 
expression  n'a  pu  être  plus  justement  appliquée  qu'à  l'ouverture  de 
Struensée.  Oui,  c'est  tout  un  drame,  c'est  toute  l'émouvante  histoire  que 
le  poëte  tragique,  s'appuyant  sur  les  traditions  authentiques,  a  mise  sous 
les  yeux  du  spectateur.  Il  faut  le  dire,  Monsieur,  car  jamais  il  n'y  eu  une 
vérité  plus  vraie,  Meyerbeer  est,  en  musique,  le  plus  puissant  des  colo- 
ristes. Vous  croyez  deviner  l'ouverture  de  Struensée  parce  que  vous  con- 
naissez Robert-le- Diable,  les  Huguenots  et  le  Prophète?  Détrompez-vous. 
Chacun  de  ces  opéras  vous  avait-il  donc  fait  pressentir  le  suivant?  Le 
maître  n'a-t-il  pas  pris  un  style  différent  pour  peindre  des  situations 
différentes?  Dans  Struensée,  il  a  encore  changé  de  manière.  On  se  sent 
aux  prises  avec  une  nature  en  quelque  façon  primitive,  avec  le  caractère 
rude,  et  souffrez  que  je  dise  même  un  peu  sauvage,  d'un  peuple  du  Nord. 
Des  transports  d'enthousiasme,  auxquels  je  fus  heureux  de  m'associer, 
accueillirent  cette  création  marquée  du  sceau  du  génie. 

Voici  le  programme  du  second  entr'acte  intitulé  :  la  Révolte  des  gardes 
à  pied.  Musique  qui  exprime  l'agitation.  —  Appel  par  les  tambours.  — 
Chœur  de  soldats  qui  parcourent  la  ville  en  chantant  l'air  populaire  da- 
nois :  Le  roi  Christian  est  au  grand  mût,  dans  la  fumée  de  la  poudre.  —  Le 
chœur  s'éloigne.  —  Marche  militaire  sur  le  chant  du  chœur.  —  Retour  du 
chœur.  —  Il  s'éloigne  de  nouveau.  —  Expression  de  sentiments  doulou- 
reux. —  On  entend  des  fragments  du  chant  populaire  clans  le  lointain.  — 
Le  bruit  cesse  par  degré.  —  En  effet,  la  musique  exprime  tout  cela  avec 
une  vérité  parfaite  ;  c'est  un  tableau  complet  où  le  dessin  grandiose  de 
Michel-Ange  s'est  uni  à  la  puissante  couleur  de  Rubens.  Les  détails  sont 
admirables  par  leurs  ingénieux  agencements,  admirables  surtout  par  la 
manière  dont  ils  concourent  à  l'unité  de  l'œuvre.  Il  n'y  pas  une  mesure 
qu'on  puisse  retrancher  sans  briser  cette  unité. 

Le  sujet  du  second  entr'acte  :  te  bal  et  l'arrestation,  est  indiqué  comme 
il  suit  dans  le  programme  distribué  aux  assistants  :  —  «  Polonaises  grand 


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REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


orchestre.  —  Agitation  de  la  cour.  —  Expression  de  la  douleur  de  la 
reine  quand  Struensée  est  arrêté.  —  Reprise  de  la  polonaise.  »  Je  doute 
que  la  faculté  d'expression  de  la  musique  se  soit  jamais  manifestée  avec 
plus  de  force  que  dans  ce  fragment.  La  polonaise  est  un  chef-d'œuvre  de 
noblesse,  de  grâce  et  d'élégance.  Elle  contraste  merveilleusement  avec  les 
agitations  de  la  cour,  comme  il  est  dit  dans  le  programme,  ainsi  qu'avec 
la  mélodie  où  se  peint  la  douleur  de  la  reine.  Le  critique  le  plus  endurci 
ne  trouverait  point  à  mordre  à  un  pareil  ouvrage.  Il  serait  réduit  à  tout 
admirer.  C'est  ce  que  j'ai  fait,  moi  qui  ne  suis  pas  critique,  c'est  ce  qu'a 
fait  une  assemblée  de  près  de  deux  mille  personnes,  dont  les  acclama- 
tions ont  salué  cette  grande  et  belle  chose. 

Quelque  exagérée  que  puisse  vous  paraître  mon  opinion,  je  vous  dé- 
clare que,  suivant  moi,  Struensée  est  la  production  la  plus  parfaite  de 
Meyerbeer,  celle  dans  laquelle  ses  inspirations  se  sont  élevées  à  la  plus 
grande  hauteur.  Les  idées  mélodiques  y  abondent,  et  la  forme  y  offre  un 
intérêt  qui  ne  faiblit  pas  un  seul  instant,  Rien  déplus  compliqué,  rien  de 
plus  simple  en  même  temps.  L'attention  de  l'auditeur  n'éprouve  nulle  fa- 
tigue à  suivre  dans  ses  mille  détours  une  pensée  où  la  lucidité  s'allie  à  la 
profondeur. 

u.i  assurait,  autour  de  moi,  que  les  fragments  de  Struensée  ont  été  de 
la  part  de  M.  Fétis  et  de  l'orchestre  qu'il  dirige,  l'objet  de  longues  et 
minutieuses  études.  Je  le  crois  sans  peine,  car  l'exécution  a  été  admira- 
ble d'un  bout  à  l'autre  ;  admirable,  ne  retranchez  rien  du  sens  absolu  de 
cet  adjectif.  Force,  puissance,  chaleur,  délicatesse  extrême  dans  les  nuan- 
ces, oppositions  intelligentes,  gradations  bien  ménagées,  voilà  ce  qu'a 
présenté  l'orchestre  du  Conservatoire  dans  le  rendu  de  Struensée. 

Par  une  disposition  des  plus  ingénieuses,  et  que  je  crois  devoir  signaler 
pour  qu'on  puisse  l'employer  au  besoin  ailleurs,  le  chœur  avait  été  placé 
dans  une  pièce  voisine  de  l'orchestre  et  qui  sert  habituellement  de  foyer 
aux  symphonistes.  En  se  tenant  plus  ou  moins  près  de  la  porte  dont  ils 
se  sont,  en  dernier  lieu,  éloignés  graduellement,  les  chanteurs  invisibles 
ont  produit  des  effets  qu'on  ne  pourrait  pas  rendre  par  la  seule  atténua- 
tion des  vibrations  vocales. 

Un  grand  honneur  revient  au  Conservatoire  de  Bruxelles  pour  avoir 
offert  au  public  de  cette  capitale  l'ensemble  de  cette  belle  composition  de 
Struensée,  rendue  de  manière  à  en  faire  apprécier  toutes  les  beautés.  Plus 
l'entreprise  était  difficile,  plus  il  y  a  de  mérite  à  y  avoir  réussi  de  cette 
façon.  Or,  je  ne  crois  pas  qu'il  existe  d'oeuvre  musicale  dont  l'interpréta- 
tion exacte,  dont  l'interprétation  selon  la  lettre  et  selon  l'esprit,  exige 
plus  de  talent,  de  soins  et  d'intelligence,  tant  de  la  part  du  chef  d'or- 
chestre que  de  celle  des  exécutants. 

Je  ne  vous  cache  pas  que  j'étais  assez  humilié  de  devoir  convenir  que 
nous  nous  étions  laissés  devancer,  nous  autres  Parisiens,  dans  la  mise  en 
lumière  de  ce  chef-d'œuvre,  car  il  faut  appeler  les  choses  par  leur  nom. 
Les  fragments  de  Struensée  exécutés  soit  dans  un  concert,  comme  au 
Conservatoire  de  Bruxelles,  soit  au  théâtre,  étant  adaptés  à  un  drame, 
feraient  une  fortune  prodigieuse,  je  vous  le  certifie.  Je  ne  comprends  pas 
qu'on  n'y  ait  point  encore  songé. 

Telles  sont,  Monsieur,  mes  impressions  de  voyage  dans  l'excursion  mu- 
sicale que  je  viens  de  faire  à  Bruxelles.  Je  vous  les  transmets  à  tout  hasard, 
en  vous  autorisant  soit  à  leur  donner  accès,  si  vous  le  trouvez  bon,  dans 
la  Gazette  musicale,  soit  en  les  supprimant,  si  tel  est  votre  plaisir. 
Agréez,  Monsieur,  etc. 

UM   AMATEUR. 


Bruxelles,  23  mars. 

Notre  opéra  languit ,  il  se  traîne,  il  se  meurt ,  il  est  mort.  Bruxelles  est 
je  tombeau  des  premières  chanteuses.  Je  vous  ai  entretenu  précédemment 
de  toutes  les  vicissitudes  qui  ont  atteint ,  depuis  le  commencement  de 
l'année  théâtrale,  le  premier  emploi  féminin  du  genre  lyrique  noble. 
Dernièrement  encore,  Mme  Duflot-Maillart  tombe  malade  après  avoir 
chanté  deux  fois  ;  Mlle  Julienne  lui  succède,  donne  également  deux  repré- 
sentations, et  se  trouve  atteinte  d'une  grave  indisposition  qui  ne  lui  per- 
met pas  de  continuer;  enfin,  voici  venir  Mme  Lebrun,  qui  devait  débuter 
par  Fidès,  du  Prophète,  lundi,  puis  mardi,  et  dont  l'apparition  se  trouve 
ajournée  indéfiniment  pour  cause  d'indisposition.  La  place  est  mauvaise, 
décidément  ;  les  prime  donne  quelque  peu  superstitieuses  hésiteront 
désormais  à  venir  affronter  les  dangers  d'une  véritable  épidémie  vocale. 
En  attendant,  pas  de  grand  opéra;  rien  que  de  l'opéra  comique  ;  la  reprise 
des  Monténégrins  pour  toute  nouveauté,  en  attendantla  Catilda,  du  grand- 
duc  de  Saxe-Cobourg. 

Si  vous  avez  vos  matinées  et  vos  soirées  musicales,  nous  avons  nos 
concerts.  A  chacun  ses  petites  misères,  ses  petites  douleurs.  Le  nombre 
de  ces  réunions  dites  artistiques  aura  été  cette  année  plus  considérable 


que  jamais  à  Bruxelles.  Il  n'est  si  mince  virtuose  de  la  localité,  pratiquant 
la  musique  sous  quelque  forme  que  ce  soit,  qui  n'ait  convié  le  public  au 
plaisir  de  l'entendre.  Je  ne  suis  pas  bien  sûr  qu'il  n'y  ait  pas  eu  des  con- 
certs d'ophicléide  et  de  grosse  caisse.  Il  nous  est  venu ,  en  outre,  du  de- 
hors, des  célébrités  chantantes  et  instrumentantes  plus  ou  moins  connues. 
Encore  s'il  en  était  des  concerts  comme  des  jours;  si  l'on  pouvait  dire 
qu'ils  se  suivent  et  ne  se  ressemblent  pas  !  Mais  ,  hélas  !  vous  savez  ce 
qu'il  en  est.  Rien  ne  ressemble  plus  à  un  concert  qu'un  autre  concert,  â 
Bruxelles  comme  à  Paris.  Ce  sont ,  à  peu  de  chose  près,  les  mêmes  élé- 
ments pour  tous  et  pour'  toute  la  saison.  Ce  sont  les  mêmes  fantaisies,  les 
mêmes  caprices  qui  n'ont  rien  de  capricieux ,  puisqu'ils  se  reproduisent 
avec  une  monotonie  désolante  ;  les  mêmes  romances,  etc.  Il  y  a  un  pro- 
gramme-type pour  les  concerts  de  l'année  :  on  n'y  change  que  le  nom  du 
bénéficiaire. 

Il  est  cependant  deux  séances  qui  ont  fait  sortir  un  moment  nos  dilet- 
tantes de  l'ornière  de  la  routine,  et  dont  il  faut  que  je  vous  parle  :  l'une 
consacrée  à  la  guitare,  l'autre  à  la  harpe. 

Bientôt  la  guitare  appartiendra  à  l'histoire  ;  ce  sera  une  chose  d'autre- 
fois, une  curiosité  archéologique.  Peut-être  y  a-t-il  encore  quelques 
provinces  d'Espagne  où  elle  se  trouve  à  l'état  de  fait  actuel;  mais, 
la  civilisation  aidant,  elle  en  disparaîtra  un  jour  comme  elle  a  disparu  du 
reste  du  monde.  Quand  l'Espagne  n'aura  plus  ses  routes  infestées  de 
bandits,  ses  hôtelleries  où  le  voyageur  doit  apporter  lui-même  les  objets 
nécessaires  à  sa  consommation  sous  peine  de  mourir  de  faim;  quand 
elle  aura  des  chemins  de  fer  et  des  hôtels  où  les  touristes  seront  bien  trai- 
tés, mais  écorchés,  au  figuré  s'entend,  l'Espagne  passera  pour  être  civi- 
lisée. La  civilisation  lui  ôtera  ses  costumes  pittoresques  pour  lui  donner 
nos  affreux  vêtements;  elle  lui  enlèvera  la  guitare  en  lui  prodiguant  le 
piano,  toujours  sous  prétexte  de  civilisation.  C'en  sera  fait  des  sérénades 
sous  les  balcons,  car  on  ne  donne  guère  de  sérénades  au  piano.  Adieu 
l'Espagne,  alors.  L'Espagne  privée  de  couvents  et  de  moines  a  déjà  perdu 
beaucoup  de  son  caractère,  que  sera-ce  donc  quand  elle  n'aura  plus  de 
gnitare  ?  Privez-la  tout  de  suite  de  ses  combats  de  taureaux  et  qu'il  n'en 
soit  plus  question.  L'Espagne  aura  vécu. 

Quoi  qu'il  en  soit,  M.  Zani  de  Ferranti,  dont  j'ai  à  vous  entretenir,  joue 
encore  de  la  guitare.  Il  ne  donne  pas  de  sérénades  sous  les  balcons,  mais 
il  donne  des  concerts,  et  vraiment  on  aurait  mauvaise  grâce  à  lui  en  con- 
tester le  droit,  tant  il  met  d'art  à  multiplier  les  ressources  de  son  instru- 
ment Tout  ce  qui  a  été  fait  avant  lui  sur  la  guitare  n'était  que  jeu  d'en- 
fant. Les  plus  grandes  difficultés  résolues  par  Carcassi,  Sor,  Aguado, 
Huerta,  e  tutti  quanti gwtarisli,  seraient  pour  lui  des  chosesd'une  extrême 
simplicité  !  Vous  imagineriez  difficilement  ce  qu'il  accumule  d'impossi- 
bilités dans  ses  morceaux,  presque  toujours  écrits  à  quatre  parties.  En 
voyant  M.  Zani  de  Ferranti  déployer  tant  de  talent,  on  regrette  qu'il  n'ait 
pas  appliqué  ses  facultés  à  un  instrument  de  nature  à  les  faire  mieux 
valoir.  Avec  la  moitié  de  ce  qu'il  possède  d'aptitude  naturelle,  avec  la 
moitié  des  efforts  qu'il  a  dû  faire  pour  acquérir  son  habileté  d'exécutant, 
il  serait  devenu  un  pianiste  célèbre,  tandis  qu'il  n'est  et  ne  sera  jamais 
connu  que  d'un  nombre  limité  d'amateurs.  Je  ne  terminerai  pas  ce  qui 
concerne  M.  Zani  de  Ferranti  sans  ajouter  qu'il  n'est  pas  seulement  à  la 
fois  le  premier  et  le  dernier  des  guitaristes,  mais  qu'il  se  distingue  aussi 
par  la  culture  de  son  esprit.  Il  s'est  occupé  de  littérature  italienne  pres- 
qu'autant  que  de  musique,  et  les  commentaires  du  Dante  qu'il  a  publiés 
sont  fort  estimés  des  érudits. 

Puisque  je  suis  en  veine  d'oraisons  funèbres,  je  passerai  de  la  guitare 
à  la  harpe.  Que  dirait  l'ombre  d'Ossian,  si  Ossian  avait  jamais  été  lui-même 
autre  chose  qu'un  être  imaginaire  ;  que  diraient  les  bardes  gaulois  et 
gallois;  que  diraient  enfin  les  douairières  du  siècle  passé,  en  voyant  le 
peu  de  cas  que  fait  de  la  harpe  la  génération  actuelle?  La  harpe,  dont  les 
accords  vibrants  éveillaient  les  inspirations  du  poète,  et  qui,  d'une  autre 
part,  mettait  en  évidence  une  belle  main  attachée  à  un  bras  moelleuse- 
ment  arrondi,  la  harpe  n'existe  plus  guère  non  plus  qu'à  l'état  de  sou- 
venir. Non  seulement  elle  est  abandonnée  en  France,  ce  pays  de  toutes  les 
nouveautés,  de  toutes  les  inconstances  ;  mais  en  Angleterre  même,  où  l'on 
est,  il  faut  le  reconnaître,  bien  plus  attaché  aux  vieilles  institutions,  la 
harpe  tombe  dans  l'oubli.  Rendons  grâce  à  M.  Godefroid  de  lui  rester  fidèle. 
Cet  artiste  vient  de  donner  un  concert  à  Bruxelles.  La  vérité  m'oblige  à 
dire  qu'il  n'a  eu  qu'un  petit  nombre  d'auditeurs.  Cela  devait  être  :  toutes 
les  actions  humaines  ont  Tégoïsme  pour  mobile.  On  va  au  concert  pour  y 
acquérir  quelque  instruction  applicable  à  soi.  De  là  vient  que  les  pianistes 
et  les  chanteurs  de  romances  réunissent  toujours  un  nombreux  audi- 
toire, pour  peu  qu'ils  aient  de  réputation.  Du  temps  où  Ton  jouait  de  la 
harpe,  les  harpistes  avaient  le  même  privilège.  M.  Godefroid  n'en  a  pas 
moins  admirablement  joué  à  son  concert.  Il  en  annonce  un  second. 
Triomphera-t-il  cette  fois  de  l'indifférence  du  public?  Je  le  désire  sans 
l'espérer. 


DK  PARIS. 


111 


On  s'occupe  beaucoup  chez  nous  de  l'éducation  populaire.  On  fait  des 
cours  a  l'usage  des  ouvriers,  on  publie  des  traités  élémentaires  sur  toutes 
sortes  de  sciences  et  d'arts  ;  enfin  le  ministre  de  l'intérieur  a  pris  un  ar- 
rêté qui  prescrit  la  formation  d'un  recueil  de  chansons  populaires.  C'est 
une  bonne  mesure.  Vous  n'ignorez  pas  que  la  plupart  des  cahiers  de  chan- 
sons qui  se  débitent  dans  la  rue  et  qui  composent  le  répertoire  des  ateliers, 
contiennent,  en  général,  des  poésies  (pardonnez  la  profanation  de  ce 
mot)  fort  peu  édifiantes.  Le  but  du  ministre  belge  a  été  de  remplacer  ces 
couplets  libres  et  pires  que  cela  souvent,  par  des  couplets  offrant  un  sens 
moral.  La  première  série  deces  chansons,  pour  laquelle  il  a  été  ouvert  un 
concours,  vient  de  paraître.  Elle  renferme  la  chanson  du  Tonnelier,  celle  du 
Forgeron,  celle  du  Tisserand,  celle  du  Laboureur,  celle  delà  Dentellière,  etc. 
Chaque  métier  aura  ainsi  la  sienne  ou  les  siennes.  Le  texte  est  encadré 
dans  un  cartouche  divisé  en  compartiments  où  sont  représentés  des  épi- 
sodes relatifs  au  sujet,  spirituellement  dessinés  et  gravés  sur  bois.  Tout  cela 
est  fort  bien;  mais  on  a  oublié  une  chose,  c'est  de  donner  les  airs  notés 
sur  lesquels  s'ajoutent  les  paroles.  11  en  résulte  qu'on  ne  les  chantera  pas, 
et  que  l'idée,  fort  bonne  en  principe,  n'aura  pas  d'application.  Si  l'on 
objectait  la  difficulté  qu'éprouveraient  les  ouvriers  à  déchiffrer  ces  airs, 
je  répondrais  que  chez  nous  la  lecture  musicale  fait  partie  de  l'enseigne- 
ment primaire  et  que  cet  obstacle  n'existe  pas  pour  la  jeunesse  instruite 
dans  les  écoles.  Quant  aux  parents  qui  n'ont  pas  eu  le  même  avantage, 
ils  prendront  des  leçons  de  leurs  enfants.  Ce  sera  conforme  aux  idées  de 
notre  temps,  où  l'on  prétend  tout  réformer. 

Je  ne  voudrais  pas  que  l'on  s'en  tînt,  en  fait  de  chansons  populaires,  à 
la  publication  de  ces  textes  notés  et  illustrés.  Il  y  aurait  encore  quelque 
chose  à  faire,  suivant  moi.  Ce  serait  de  créer  des  virtuoses  officiels  et  as- 
sermentés qui  auraient  pour  mission  de  répandre  la  connaissance  et  le 
goût  des  chansons  populaires  brevetées  avec  garantie  du  gouvernement, 
en  les  faisant  entendre  non  seulement  dans  la  rue,  mais  dans  les  cabarets 
et  dans  les  cafés-concerts,  dont  le  nombre  est  chaque  jour  plus  considé- 
rable. La  chanson  est  la  littérature  du  peuple;  ce  peut  être  pour  lui  un 
élément  de  moralisation  ou  de  démoralisation.  Les  gouvernements  n'y  ont 
point  assez  songé.  Est-ce  une  illusion  ?  je  ne  sais  ;  dans  tous  les  cas  ce 
n'est  pas  un  paradoxe  :  il  me  semble  que  la  publication  d'un  bon  recueil 
de  chansons,  dont  les  paroles  seraient  à  la  fois  morales  et  attrayantes,  — 
beaucoup  de  gens  nieront  que  cela  soit  possible,  mais  ne  le  croyez  pas, 
—  dont  la  musique  aurait  dans  le  caractère  mélodique  et  dans  le  rhythme 
cette  franchise  qui  entraîne  les  masses,  il  me  semble  qu'un  tel  recueil 
aurait  pour  effet  de  diminuer,  dans  un  temps  donné,  la  somme  des  crimes 
et  des  délits.  Cette  pensée  fera  sourir  nos  hommes  d'État.  Les  anciens,  qui 
n'étaient  pas  de  moins  grands  politiques,  appréciaient  mieux  les  services 
que  peut  rendre  la  musique,  considérée  comme  moyen  d'action  sur  les 
classes  populaires. 

La  rectification  du  nom  d'un  illustre  musicien  belge  vient  d'être  l'objet 
d'un  travail  moitié  sérieux,  moitié  plaisant,  présenté  à  l'Académie  de  Bel- 
gique. Plaisanter  avec  une  académie,  quelle  irrévérence!  J'ajouterai  que 
la  docte  compagnie  ne  s'en  est  pas  formalisée.  Il  s'agit  de  Lassus.  Un  bi- 
bliographe, en  compulsant  de  poudreuses  archives  de  la  ville  de  Mons, 
patrie  de  l'illustre  compositeur,  avait  trouvé  mention  d'un  certain  de 
Lattre,  condamné  au  bannissement  pour  un  méfait  quelconque.  Partant  de 
ce  point,  et  sans  autre  preuve,  il  fit  de  ce  de  Lattre  le  père  du  maestro, 
lequel  aurait  changé  son  nom  en  celui  de  Lassus,  à  la  suite  de  ce  fâcheux 
événement.  Le  roman  du  bibliographe  fut  accueilli  comme  une  histoire 
véritable,  et  Roland  de  Lassus  ne  fut  bientôt  plus  connu  en  Belgique  que 
sous  le  nom  de  Roland  de  Lattre.  Il  existe  plusieurs  sociétés  de  Roland 
de  Lattre;  la  ville  de  Mons  allait  élever  un  monument  à  Roland  de  Lattre. 
Un  jeune  savant  a  rassemblé  des  témoignages  qui  démentent  l'assertion 
du  biliographe  ;  il  a  prouvé  clairement  que  Lassus  s'était  toujonrs  appelé 
Lassus,  et  qu'il  n'avait  rien  de  commun  avec  le  coupable  dont  la  ville  de 
Mons  s'était  délivrée  par  l'exil.  Il  réclame  l'intervention  de  l'Académie 
pour  empêcher  que  ce  nom  malencontreux  de  de  Lattre  ne  figure  sur 
le  monument  élevé  à  la  mémoire  du  grand  artiste.  L'Académie,  après 
avoir  examiné  les  pièces  du  procès,  fera  droit,  sans  doute,  à  cette  re- 
quête, et  nous  évitera  le  ridicule  d'une  bévue  monumentale. 


Le  Prince  président  de  la  République  ne  pouvait  témoigner  plus 
hautement  son  intérêt  aux  lettres  et  aux  arts,  qu'il  ne  l'a  fait  par 
deux  décrets  récemment  émanés  de  sa  pleine  puissance.  L'un  de  ces 
décrets  affranchit  du  droit  de  timbre  tous  les  journaux  qui  ne  s'occu- 
pnet  que  de  science,  d'art  et  d'agriculture  ;  l'autre  a  pour  but  de  pro- 
téger la  propriété  des  ouvrages  étrangers  eh  France.  En  voici  les  deux 
articles  principaux  : 

«  Art.  1".  —  La  contrefaçon ,  sur  le  territoire  français,  d'ouvrages 
publiés  à  l'étranger  et  mentionnés  en  l'art.  425  du  Code  pénal,  constitue 
un  délit. 


»  Art.  2.  —  I!  en  est  de  même  du  débit,  de  l'exportation  et  de  l'expé- 
dition des  ouvrages  contrefaits.  L'exportation  et  l'expédition  de  ces  ou- 
vrages sont  un  délit  de  la  même  espèce  que  l'introduction,  sur  le  terri- 
toire français,  d'ouvrages  qui,  après  avoir  été  imprimés  en  France,  ont 
été  contrefaits  chez  l'étranger,  n 

Ce  décret  consacre  un  principe  de  justice,  et  l'un  de  ses  premiers 
effets  sera  d'assurer  la  réciprocité  de  la  part  de  la  Bavière,  de  la 
Prusse  et  de  la  Saxe,  qui  n'attendaient  que  ces  garanties. 


NOUVELLES. 

*„..*  Le  Juif-Errant  sera  donné  immédiatement  après  les  fêtes  de  Pâques. 
L'administration  a  décidé  que  la  première  représentation  de  ce 
grand  ouvrage  aurait  lieu  le  lundi,  12  avril,  et  d'ici  là  tout  le  temps  sera 
consacré  aux  répétitions  générales.  Il  n'y  aura  donc  pas  de  spectacle  ni 
lundi,  ni  mercredi  prochain,  et  l'apparition  du  Juif-Errant  solennisera 
la  réouverture  du  théâtre.  Nous  devons  dire  que  plus  l'événement  appro- 
che, plus  il  est  attendu  avec  espérance  et  confiance  par  tous  ceux  qui  sa- 
vent quelque  chose  du  poème  de  MM.  Scribe  et  Saint-Georges,  qui  ont 
recueilli  quelques  échos  de  la  musique  de  l'illustre  maître,  Halévy,  ou  qui 
ont  pu  jeter  un  coup  d'œil  sur  les  magnificences  de  la  mise  en  scène. 

%*  Les  Huguenots  ont  été  joués  lundi  au  lieu  de  Robtrl-lt-Diable.  Roger, 
Mlle  Poinsot,  Mme  Laborde  et  Obin  remplissaient  les  principaux  rôles. 

*„*  Mercredi,  dans  la  Favorite,  nous  avons  revu  Mlle  Courtot,  qui  re- 
venait après  deux  années  d'absence.  La  voix  de  la  jeune  artiste  a  beau- 
coup gagné  en  timbre  et  en  sonorité.  D'ailleurs  sa  méthode  est  toujours 
excellente,  et  nous  croyons  que  l'Opéra  ferait  en  elle  une  bonne  acqui- 
sition. 

*„*  Vendredi ,  le  ballet  de  Vert-Vert  a  repris  sa  place  au  répertoire  avec 
Mlles  Priora  et  Plunkett.  Le  spectacle  commençait  par  Xacarilla. 

*:*  Madelon,  le  nouvel  ouvrage  en  deux  actes  de  MM.  Sauvage  et  Bazin, 
a  subi  quelques  coupures  heureuses.  La  musique,  aussi  bien  faite  que 
bien  interprétée,  gagne  à  chaque  audition. 

*„*  Les  deux  derniers  ouvrages  d'Adolphe  Adam  continuent  de  mar- 
cher du  même  pas,  et  avec  le  même  succès,  le  Farfadet  à  l'Opéra-Comique 
et  la  Poupée  de  Nuremberg  à  l'Opéra-National. 

%*  Le  Théâtre-Italien  donnait  jeudi  dernier  un  concert  auquel  Sophie 
et  Marie  Cruvelli,  quoique  annoncées  par  l'affiche,  n'ont  pas  jugé  à  propos 
de  prendre  part.  Heureusement ,  l'assemblée,  fort  nombreuse,  a  été  dé- 
dommagée par  Lablache,  Mlle  Corbari,  Hiller,  Ferranti,  et  Bazzini,  l'ex- 
cellent violoniste,  dont  l'admirable  talent  ne  s'était  pas  encore  montré 
avec  tant  d'avantage. 

%*  La  représentation  organisée  l'année  dernière  par  Mme  Scribe,  au 
profit  d'une  oeuvre  de  bienfaisance,  sera  remplacée  cette  année  par  un 
concert  qui  aura  lieu  le  mercredi  21  avril,  à  8  heures  du  soir,  et  dans  le- 
quel on  entendra  Mme  de  Sparre,  la  princesse  Labanoff,  Mlle  de  Tourne- 
mine;  Mmes  de  Kalergi,  deGrandval;  MM.  Dutillay,  David,  etc. 

*„*  Le  Benvenuto  Cellmi ,  d'Hector  Berlioz,  a  été  représenté  pour  la 
première  fois,  le  samedi  20  mars,  à  Weimar,  et  la  seconde  représentation 
en  a  eu  lieu  le  24  ,  le  jour  même  où  Berlioz  inaugurait  la  nouvelle 
Société  philharmonique  à  Exeter-Hall.  On  sait  que  son  œuvre  a  été  montée 
sous  la  direction  de  Liszt,  qui  s'est  chargé  lui-même  d'en  annoncer  le 
succès  à  l'auteur,  dans  une  lettre  dont  nous  sommes  heureux  de  pouvoir 
transcrire  le  passage  suivant  :  «Honneur  aux  maîtres  ciseleurs  !  Gloire  aux 
»  belles  choses  et  place  pour  elles  !  Benvenuto  Cellini,  représenté  hier  ici 
»  (samedi  20  mars),  restera  debout  et  de  toute  sa  hauteur.  C'est  sans  pu/f 
»  qu'on  peut  informer  de  son  succès  Londres  et  Paris.  Je  remercie  bien 
»  sincèrement  Berlioz  du  noble  plaisir  que  m'a  procuré  l'étude  attentive  de 
»  son  Cellmi,  qui  est  l'une  des  plus  puissantes  œuvres  que  je  sache.  C'est  à 
»  la  fois  de  la  ciselure  splendide  et  de  la  statuaire  vivante  et  originale. 
»  L'exécution ,  nonobstant  quelques  défectuosités  de  détail  et  le  nombre 
»  trop  restreint  des  choristes  dont  je  dispose,  n'aurait  pas  mécontenté 
»  l'auteur.  L'orchestre  en  masse  s'est  parfaitement  conduit  en  cette  cir- 
»  constance,  et  la  plupart  de  ses  membres  ont  témoigné  hautement  et  leur 
»  respect  et  leur  admiration  pour  cette  magnifique  partition.  » 

*„*  L'inauguration  du  nouveau  temple  israélite,  situé  rue  Notre-Dame- 
de-Nazareth,  a  eu  lieu  jeudi  dernier.  La  cérémonie  a  commencé  par  un 
solo  d'orgue  et  un  hymne  à  trois  voix  avec  chœur,  d'une  admirable  fac- 
ture, dont  la  composition  est  due  au  talent  de  M.  Halévy.  L'exécution  en 
a  été  fort  remarquable. 

*„.*  Une  matinée  de  musique  de  chambre  et  un  concert  avec  orchestre 
ont  été  donnés,  dimanche  et  mercredi,  par  l'Association  des  artistes  mu- 
siciens, dans  la  salle  Bonne-Nouvelle.  Dans  notre  prochain  numéro,  nous 
parlerons  de  ces  deux  belles  séances  avec  l'intérêt  qu'elles  méritent. 

*„*  La  Société  Sainte-Cécile  donnera,  le  vendredi-saint,  9  avril  1852,  à 
huit  heures  du  soir,  salle  Sainte-Cécile,  rue  de  la  Chaussée-d'Antin,  Zi9  bis, 
un  concert  extraordinaire,  dans  lequel  on  entendra:  1"  Ouverture  cVIphi- 
génie  en  Aulide,  de  Gluck  ;  2°  Sanctus  de  la  Messe  de  Sa'nte-Cécile,  de  M.  Ad. 
Adam;  3°  Psaume,  de  Marcello,  chanté  par  Mlle  Vavasseur;  4°  symphonie 
en  la,  de  Beethoven  ;  5°  air,  trio  et  chœur  de  l'oratorio  Elie,  de  Mendels- 
sohn;   6°  Ace  verum,  de  Gounod  ;  7"  fantaisie  pour  piano,   orchestre  et 


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REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS. 


chœur,  de  Beethoven.  —  L'orchestre  sera  dirigé  par  M.  Seghers.   Les 
chœurs  seront  dirigés  par  M.  Wekerlin. 

%.*  Voici  le  programme  de  la  séance  de  musique  de  chambre,  donnée 
par  Mlle  Charlotte  de  Malleville,  mardi  soir,  13  avril,  dans  la  salle  de 
M.  Pleyel,  22,  rue  Rochechouart  :  —  1"  concerto  en  ré  mineur,  de 
Mozart,  accompagné  en  double,  quatuor;  2°  air  de  Joseph,  chanté  par 
M.  Lefort;  3°  variations,  de  Mendelssohn,  pour  piano  et  violoncelle; 
II"  andante  et  scherzo  du  sextuor,  d'Onslow,  pour  piano,  flûte,  cor, 
clarinette  et  basson;  5"  fragments  de  la  sonate,  piano  et  violon,  de 
Beethoven,  dédiée  à  Kreutzer  ;  6"  air  de  Jeanne-d'Arc,  chanté  par  M.  Le- 
fort; 7°  trio,  pour  piano,  c  arinette,  alto,  de  Mozart;  8°  aria  varié,  de 
Hasndel  ;  bagatelle  en  mi  bémol,  de  Beethoven.  -  On  entendra  MM.  Mau- 
rin,  Mas,  Lëbouc,  Casimir  Ney,  Gouffé,  Dorus,  Leroy,  Mingal,  Verroust  et 
Jules  Lefort. 

***  Le  8  de  ce  mois  ,  jeudi  saint,  il  y  aura  grand  concert  spirituel  au 
Jardin-d'Hiver.  On  y  exécutera  la  Me?se  d'Adolphe  Adam,  VAve  verum,  de 
Mozart,  et  un  morceau  religieux  de  Ferdinand  Schlosser.  Ce  jeune  com- 
positeur, qui  a  une  fort  bonne  voix  de  basse,  se  fera  entendre  à  cette  so- 
lennité dans  un  duo  de  sa  composition,  avec  Mlle  Mondutaigny. 

%.*  M.  A.  Ropiquet,  maître  de  chapelle  à  l'église  paroissiale  de  Saint- 
André,  fera  exécuter  le  dimanche  de  Pâques,  à  onze  heures  très-précises, 
une  messe  en  musique  de  sa  composition  avec  le  concours  de  nos  premiers 
artxites  ;  au  salut  à  trois  heures,  Aveverum, chœur  àtrois  voix,  Ave  Maria, 
solo  (avec  accompagnement  d'alto). 

*»*  Mlle  Gras,  1er  prix  du  piano  du  Conservatoire  et  élève  de  F.  Le- 
couppey,  donnera  un  concert  dans  la  salle  Herz,  le  samedi  17  avril. 

Vftlme  Gaveaux-Sabatier  donnera  un  concert  le  jeudi  22  avril,  à  huit 
heures  du  soir,  dans  la  salle  Herz. 

*„*  C'est  avec  regret  que  nous  annonçons  que  le  concert  que  Mlle  Grae- 
ver  devait  donner  le  5  avril  n'aura  pas  lieu,  à  cause  de  la  maladie  de  sa 
sœur. 

***  Le  second  concert  de  Léopold  de  Meyer  est  fixé  au  19  avril. 

%*  Charles  Dancla,  le  célèbre  violoniste,  donnera,  le  6  avril,  à  8  heures 
du  soir,  un  concert  dans  la  salle  Pleyel. 

***  Samedi,  17  avril,  salle  Sainte-Cécile,  concert  donné  par  Mme  L. 
Farrenc. 

*t*  Trois  séances  de  musique  pour  piano  et  orchestre ,  spécialement 
consacrées  à  l'exécution  de  concertos  de  Mozart  et  de  Beethoven  seront 
données  les  mercredis  14,  31  et  28  avril,  à  8  heures  du  soir,  dans  la  salle 
de  l'Association  des  artistes  musiciens,  par  les  élèves  de  M.  Stamaty  et 
sous  sa  direction. 

%*  Le  mois  de  mars  exerce  toujours  à  Paris  une  redoutable  in- 
fluence, et  celui  qui  vient  de  finir  s'est  montré  surtout  meurtrier. 
La  semaine  dernière  a  vu  mourir  un  de  nos  artistes  les  plus  distin- 
gués, M.  Alexis  de  Garaudé,  ancien  professeur  au  Conservatoire,  auteur 
d'une  foule  de  compositions  musicales,  méthodes  et  traités  de  tout  genre. 
M.  Garaudé  ne  comptait  que  73  années,  et  sa  célébrité  datait  de  si  loin, 
qu'on  le  croyait  généralement  plus  avancé  en  âge.  Vers  la  fin  de  l'année 
dernière,  en  rendant  compte  de  son  voyage  en  Espagne,  nous  avons  donné 
de  ses  travaux  et  de  son  mérite  une  appréciation  à  laquelle  nous  croyons 
devoir  renvoyer  nos  lecteurs. 

%*  Mme  la  comtesse  Merlin  a  succombé  mercredi  dernier  à  une  lon- 
gue et  douloureuse  maladie.  Les  arts  et  la  société  perdent  en  elle  une  des 
femmes  les  plus  renommées  par  ses  talents,  son  esprit  et  sa  beauté.  Elle 
était  née  a  la  Havane,  et  sortait  d'une  des  meilleures  maisons  de  la  Nou- 
velle-Espagne. Musicienne  excellente,  elle  avait  longtemps  chanté  avec 
un  grand  succès.  Ses  mémoires,  écrits  par  elle  et  publiés  en  trois  volu- 
mes in-8°,  renferment  des  souvenirs  personnels  mêlés  à  l'histoire  de 
son  pays. 

%*  M.  Cave,  ancien  directeur  des  beaux-arts  au  ministère  de  l'inté- 
rieur, récemment  nommé  directeur  des  palais  nationaux  et  des  manufac- 
tures au  ministère  d'État,  vient  d'être  enlevé  par  une  mort  subite.  Col- 
laborateur de  M.  Dittmer  pour  un  ouvrage  qui  obtint  du  succès,  les 
Soirées  deNeuilly,  il  avait  écrit  dans  le  Globe,  fait  jouer  au  Grand  Opéra  le 
ballet  de  la  Tentation,  et  à  l'Opéra-Comique,  le  Diable  à  Séville,  dont  Go- 
mis  composa  la  musique. 

CRON1QUE    BÉPARTEGîENÏ'.aï.E. 

*„*  Boulogne-sur-Ma,  31  mars.  —  Un  concert  au  bénéfice  des  pau- 
vres vient  d'être  donné  par  la  Société  philharmonique.  M.  et  Mme  De- 
loffre  et  M.  L.  Pilet  formaient  la  partie  instrumentale  de  ce  concert,  qui 
avait  attiré  un  nombreux  et  brillant  public.  Mme  Deloffre,  charmante  à 
double  titre,  a  exécuté  sur  un  magnifique  piano  d'Érard ,  envoyé  exprès 
pour  cette  soirée,  la  fantaisie  de  Prudent  sur  Lucie  de  Lam  rmoore,  et,  avec 
M.  Deloffre,  un  duo  sur  les  motifs  de  la  Favor'te.  d'Osborne  et  de  de  Bériot. 
Venait  ensuite  un  solo  de  violoncelle  de  M.  Pilet,  et  après  un  solo  de  vio- 
lon, composé  par  M.  Deloffre  sur  des  motifs  de  VEUsire  d'amore,  violon  et 
violoncelle  se  sont  réunis  dans  un  magnifique  duo  sur  des  thèmes  du  Pirate, 
Les  trois  artistes  ont  obtenu  un  succès  bien  légitime,  en  faisant  un  acte 
méritoire  et  désintéressé.  La  partie  vocale  était  confiée  à  Mme  Labarre, 
dont  la  voix  sympathique  et  la  méthode  parfaite  ont  obtenu  les  suffrages 
unanimes  du  public.  Un  artiste  arrivé  le  matin ,  Ed.  Lhuillier,  est  venu 
égayer  l'auditoire  par  sa  verve  comique  :  ses  spirituelles  compositions 
ont  été  accueillies  avec  faveur  et  bissées. 

%*  Rouen.  —  Dans  le  concert  au  profit  des  pauvres  qui  a  eu  lieu  dans 
la  grande  salle  de  l'hùtel-de-ville,  un  jeune  ténor,  M.  Durand,  s'est  fait 


applaudir  en  chantant  deux  jolies  romances  de  M.  Dassier,  le  Rêve  du  page 
et  Mon  pilote  est  l'amour.  Les  organisateurs  du  concert  ont  exécuté,  sous 
la  direction  de  M.  Réthaller,  deux  ouvertures,  celle  du  Chaperon  et  celle 
de  la  Sirène,  après  lesquelles  ils  ont  reçu  de  leurs  auditeurs  les  plus  vifs 
témoignages  de  sympathie. 

*„*  Carcnssonne,  27  mars.  —  La  Société  philharmonique  de  cette  ville, 
bien  que  comptant  â  peine  une  année  d'existence,  a  réalisé  très-digne- 
ment les  espérances  de  ses  fondateurs.  Grâce  à  son  habile  chef  d'orches- 
tre, M.  Teysseyre,  ancien  élève  du  Conservatoire  de  Paris  et  directeur  de 
l'école  gratuite  de  chant,  elle  est  parvenue  â monter  en  quelques  mois  le 
Désert,  et  le  Stabat,  de  Rossini,  lequel  sera  exécuté  dans  un  prochain  con- 
cert. Plusieurs  amateurs  ont  bien  voulu  se  charger  des  solos.  L'organisa- 
tion de  cette  Société  n'est  pas  seulement  un  avantage  local  ;  c'est  aussi 
un  concours  assuré  d'avance  aux  artistes  qui  visitent  le  midi  de  la  France, 
et  qui  trouveront  dans  son  sein  d'utiles  auxiliaires,  toujours  prêts  â  les 
seconder  dans  l'occasion. 

***  Gra*se  (Var)  —  La  Favorite  vient  d'être  jouée  ici  avec  un  ensem- 
ble remarquable.  Tous  les  rôles,  excepté  ceux  de  Léonor  et  d'Inès, 
étaient  remplis  par  des  amateurs  ;  c'étaient  aussi  des  amateurs  qui  com- 
posaient l'orchestre.  Le  tout  s'est  accompli  aux  applaudissements  de  800 
spectateurs.  Une  seconde  représentation,  retardée  par  les  approches  de 
Pâques,  est  impatiemment  attendue. 

CHRONIQUE     ÉTRANGÈRE. 

*„,*  Londres,  2  avril.  —  Le  théâtre  de  Sa  Majesté  a  aussi  publié  son 
programme,  dans  lequel  nous  trouvons  les  noms  de  Mmes  Sontag,  Fioren- 
tini,  Ida  Bertrand,  Marie  et  Sophie  Cruvelli,  Johanna  Wagner;  de  MM.  Gar- 
doni,  Pardini,  Mercuriali,  Calzolari,  Negrini,  Belletti,  Ferlotti,  Susini,  de 
Bassini,  Ferranti,  et  des  deux  Lablache.  L'orchestre  est  toujours  conduit 
par  Balfe.  La  danse  a  pour  représentantes  Mmes  Cerrito,  Guy  Stephan, 
Rosati.  L'ouverture  du  théâtre  a  eu  lieu  jeudi  1"  avril  par  Maria  di  Rohan. 
Tous  les  artistes  ont  reçu  le  meilleur  accueil,  mais  surtout  Ida  Bertrand, 
chargée  du  rôle  de  Gondi.  A  son  entrée,  les  bravos  l'ont  saluée  ;  on  a 
bissé  sa  ballata,  ainsi  que  l'adagio  chanté  par  elle  au  second  acte.  —  Le 
théâtre  italien  de  Covent-Garden  a  ouvert  également  par  le  même  ou- 
vrage, dans  lequel  chantaient  Mme  Castellan,  Mlle  Seguin,  Ronconi,  Polo- 
nini,  Rommi,  Soldi  et  Tamberlik. 

%*  Râle.  —  Ernst,  le  célèbre  violoniste,  a  donné  ici  son  premier  con- 
cert, dimanche  21  mars.  L'enthousiasme  a  été  des  plus  vifs.  Tout  le  public 
lui  a  demandé  un  second  concert  avec  instance  ;  mais  des  engagements 
contractés  avec  d'autres  villes ,  notamment  Zurich  et  Saint-Gall ,  l'ont 
empêché  de  répondre  immédiatement  à  ce  vœu.  Ce  n'est  qu'à  son  retour 
qu'il  pourra  se  faire  entendre  une  seconde  fois. 

*„*  Rerlin.  —  Le  concert  qui  a  eu  lieu  à  la  cour  sous  la  direction  de 
Meyerbeer,  a  fourni  à  deux  harpistes  distingués,  M.  Kruger,  de  Stuttgart , 
et  M.  Thomas,  de  Londres ,  l'occasion  de  se  faire  applaudir.  En  témoi- 
gnage de  sa  satisfaction,  le  roi  a  fait  remettre  aux  deux  éminents  artistes 
une  bague  enrichie  de  diamants.  —  M.  de  Hulsen  a  été  nommé  définitive- 
ment intendant  général  des  théâtres  royaux. 

%*  Prague.  —  Dans  un  concert  pour  les  pauvres,  Mme  Sontag  a  obtenu 
un  véritable  triomphe.  Une  pluie  de  bouquets  est  tombée  aux  pieds  de  la 
cantatrice,  à  son  entrée  dans  la  salle,  et  s'est  renouvelée  après  chaque 
morceau  et  à  la  fin  de  la  soirée.  Dans  un  de  ces  morceaux ,  les  chœurs 
ont  été  chantés  par  un  certain  nombre  de  dames  de  la  noblesse.  L'empe- 
reur Ferdinand  et  l'impératrice  Marie-Anna  assistaient  à  cette  solennité. 
***  Dres  le.  —  On  a  repris  un  opéra  de  Weber,  Sylvana  ,  qui  était  au- 
trefois en  grande  faveur. 

%*  Sehwétin:  —  On  annonce  pour  le  31  mars  la  représentation  du  Pro- 
phète ;  Mlle  Wagner  chantera  le  rôle  de  Fidès. 

%*  Saint-Pétersbourg.  —  La  saison  musicale  s'est  terminée  avec  le  plus 
grand  éclat  par  une  dernière  représentation  de  Sardanapale,  opéra  en  S 
actes  de  Giulio  Alary,  ordonnée  par  l'empereur  lui-même.  Le  succès  de 
cette  œuvre  a  justifié  la  faveur  faite  à  l'auteur,  par  la  volonté  expresse  du 
Czar.  Un  ukase  impérial  interdit  de  donner  à  Saint-Pétersbourg'  tout  ou- 
vrage qui  n'a  pas  été  joué  en  France,  en  Angleterre,  en  Italie  ou  en  Alle- 
magne. La  partition  inédite  du  Sardanapale,  d' Alary,  a  été  l'objet  d'une 
exception  qui  a  valu  à  notre  jeune  compositeur  une  véritable  ovation.  A 
toutes  les  représentations,  plusieurs  morceaux  dans  chaque  acte  ont  été 
redemandés  avec  enthousiasme.  Mario,  dans  le  rôle  magnifique  de  Sarda- 
napale ;  Mlle  Grisi,  dans  celui  de  Myrrha,  se  sont  surpassés.  Ronconi,  For- 
mes et  Tagliafico  ont  contribué  à  l'admirable  ensemble  avec  lequel  a  été 
exécuté  cet  ouvrage,  pour  lequel  un  luxe  magique  de  mise  en  scène  a  été 
déployé.  Les  situations  fournies  par  M.  Emilien  Pacini  à  l'inspiration  du 
musicien  ont  permis  à  ce  dernier  de  tenter  des  effets  tout  nouveaux  au 
théâtre.  Cet  opéra,  composé  au  point  de  vue  de  la  scène  française,  con- 
tient, dit-on,  des  beautés  de  premier  ordre. 

*„,*  Vienne.  —  Les  représentations  de  l'opéra  italien  sont  fort  suivies. 
Dans  Don  Pasquole,  on  a  surtout  applaudi  Debassini ,  et  Scalèse,  le  meil- 
leur bouffe  après  Lablache.  Un  ballet  nouveau,  la  Reme  des  ro.<es,  par 
Ferraris,  musique  du  comte  Gabrielli,  a  été  froidement  accueilli.  Mlle  Con- 
stance Geiger,  pianiste,  a  donné  ,  dans  la  salle  du  Théâtre-National,  un 
concert  dont  le  produit  est  destiné  à  la  restauration  du  monument  de 
Kotzebue.  Le  dimanche  des  Rameaux  aura  lieu  le  concert  annuel  au  profit 
du  fonds  de  pension  pour  veuves  et  orphelins.  On  exécutera  le  Samson 
de  Ilaendel. 

Le  gérant  :  Ernest  DESCHAMPS. 


CENTHALE  UE 


BEiU.KUE.    2U. 


BUREAUX  A  PARIS  :  EOULEMRT  DES  ITALIENS,  1. 


10°  Année. 


I\u  V6. 


11  Avril  18ï>2. 


I.VOII. 

Oonèvc 


l!ll,  r 


liOiiili'CN.  WesseletCa,229,Regentstreel 
S  t-Pc  tersbourg.  BiliMn] 

New-York.  Scharfeuberg  cl  Luis. 

Madrid.  Union  nrtisUco-musiciilo. 

Amsterdam.  Bureau  des  Postes, 

■Icrlln.  Sohlesinser,34,  u.  il.  Lindcn 

—  Bote  el  Bock,  (2,  Joegerstr. 

I.InIioiiuc.  Sassetti. 


REVUE 


Prix  de  l  *  bonnement  i 


Le  Journul  parait  le  Dimanche. 


GAZETTE  MUSICAL 


SOMMAIRE.  —  Auditions  musicales  :  Max-Mayer,  Mlle  Hersilie  Rouy,  M.  Haber- 
bier, Mlle  Louise  Mattmann ,  Société  Sainte-Cécile,  etc.,  par  Menri  Blan- 
chard. -  Philosophie  de  la  musique  (suite  et  fin).  —  Vivier,  par  Adolphe 
Adam.  —  Nouvelles  et  annonces. 


AUDITIONS  MUSICALES. 

II.  Max-SHajer.  —  Mlle  I£er»ilie  Rony.  —  M.  lOaberliier.  —  \ 
Mlle  S.ouisc  Slattmanii.  —  Société  Sainte-Cécile  —  M.  distavc  i 
Péronnet. 

Un  des  plus  humoristiques  analyseurs  de  nos  pièces  de  théâtre  disait 
dans  un  de  ses  feuilletons  :  «  L'amoureux  est  un  jeune  Allemand  qui 
se  nomme  Hermann,  car  toute  pièce  dont  la  scène  se  passe  en  Allema- 
gne offre  souvent,  sinon  toujours,  un  personnage  du  nom  d'Hermann.  » 
Il  en  est  de  même  des  Mayer  ou  Meyer  et  des  Max,  diminutif  de  Maxi- 
milien,  qui  sont  fort  communs  en  Germanie,  ainsi  que  nos  Durand  et 
nos  Dupré  en  France,  ce  qui  n'empêche  point  M.  Max-Mayer  de  pos- 
séder un  talent  distingué  sur  le  violon,  et  de  l'avoir  prouvé  dans  le 
concert  qu'il  a  donné  chez  Herz  le  3  avril.  Mlle  Vazelle-Martin  possède 
aussi ,  elle,  une  voix  qu'on  pourrait  comparer,  par  une  figure  un  peu 
hardie,  à  une  broche  ornée  de  toutes  les  perles  de  la  vocalisation,  mais 
à  laquelle  il  manquerait  celle  du  milieu  ,  ou  le  diamant  qu'on  nomme 
l'âme  musicale  ;  et  cependant  nous  avons  cru  voir  scintiller  quelques 
éclairs  de  sensibilité  dans  le  bel  air  de  Costa  diva  et  celui  de  la  Fée 
aux  roses  qu'elle  a  fort  bien  chantés. 

Mlle  Cécile  Crémont,  autre  jeune  cantatrice  en  expectative  de  célé- 
brité, a  fort  bien  dit  aussi,  au  concert  de  M.  Charles  Dancla,  le  Lac,  de 
Niedermeyer,  comme  elle  a  chanté  d'une  manière  poétique  et  dramati- 
que le  grand  air  du  i'reiscMtz  au  concert  donné  par  M.  Gouffé. 

Dans  la  collection  des  Dancla,  plus  ou  moins  Arnaud ,  Léopold ,  etc., 
M.  Charles  Dancla  se  dessine  par  son  droil  d'aînesse  et  son  individua- 
lité artistique,  qui  le  place  parmi  nos  meilleurs  violonistes.  On  désire, 
en  l'écoutant,  qu'il  mûrisse  un  peu,  pour  lui  voir  perdre  cette  irritabilité 
nerveuse,  ce  qui  lui  permettra  d'asseoir  le  son  plus  largement,  sans  lui 
faire  perdre,  il  faut  l'espérer,  la  légèreté  d'archet,  le  trille,  la  sensibi- 
lité, le  brio  qu'il  possède  au  plus  haut  degré.  Il  a  dit  une  symphonie 
concertante  de  sa  composition  avec  son  frère  Léopold,  qui  l'a  secondé 
en  alter  ego ,  et  puis  deux  fantaisies  originales  délicieusement  exécu- 
tées par  l'auteur,  surtout  celle  en  ré,  avec  la  quatrième  corde  du  violon 
principal  montée  un  ton  plus  haut,  ce  qui  donne  à  cette  partie  de  l'in- 
strument une  brillante  sonorité. 

Mlle  Hersilie  Rouy,  qui  n'entend  pas  qu'on  plaisante  sur  son  prénom 
antique,  Mlle  Rouy  donc,  qui  fait  partie  du  corps  des  pianistes  sur  les- 
quels nous  sommes  forcé  de  retomber...  ou  plutôt  de  revenir  avec  plai- 
sir, Mlle  Rouy  a  donné,  comme  tout  virtuose  qui  en  a,  le  droit,  son 
concert,  qui  mena....  c'est-à-dire  qui  promet  de  devenir  annuel. 


Mlle  Rouy  n'a  pas  de  style  ;  elle  les  essaie  tous.  Avant  de  se  livrer  à 
la  grande  valse  de  bravoure,  de  se  plonger  dans  le  délire  d'une  étude 
dramatique  et  de  nous  favoriser  d'un  aveu  en  tendre,  et  douce,  et  suave 
mélodie,  Mlle  Rouy  s'était  abandonnée  aux  charmes  d'un  dialogue  mu- 
sical avec  MM.  Blanc  et  Papin  dans  un  trio  de  Beethoven,  et  avait  réso- 
lument abordé  la  grande  sonate  pathétique  du  même  compositeur. 
Mlle  Rouy  a  joué  toutes  ces  choses  de  musique  légère  et  sérieuse  en 
pianiste  éclectique,  en  soliste  suffisante  et  qui  plaît,  et  qui  tient  à  prou- 
ver, par  une  exécution  rationnelle  de  la  musique  des  grands  maîtres 
du  piano,  qu'elle  professe  fort  bien  cet  instrument. 

Ah  çà,  mais,  décidément ,  c'est  une  chose  grave,  importante,  que 
le  pianiste,  dans  l'ordre  social.  C'est  ce  dont  on  a  pu  se  convaincre 
au  concert  donné,  dans  la  salle  Pleyel ,  par  M.  Haberbier ,  qui  ne  ten- 
dait rien  moins  qu'à  mettre  à  néant ,  disait-on ,  le  doigter  soi-di- 
sant rationnel  des  Thalberg,  des  Liszt,  des  Prudent,  etc.,  et  d'y 
substituer  des  procédés  exceptionnels  dans  l'art  de  jouer  du  piano. 
Voici  le  fait  :  M.  Haberbier,  dont  le  nom  signifie  en  allemand  bière 
d'avoine,  et  se  prononce  Haberbir,  est  un  Prussien  de  Kœnigsberg,  âgé 
de  près  de  quarante  ans,'qui  joue  du  piano  comme  tous  ceux  qui  en  jouent 
bien;  seulement,  il  fait  avec  les  deux  mains  de  certains  traits  qu'une 
seule  main  pourrait  exécuter,  et  donne  par  là  plus  d'intensité  au  son , 
surtout  aux  trilles,  qui ,  frappés  ainsi  par  les  deux  doigts  appelés  indi- 
cateurs, ont  plus  de  force  et  d'éclat  ;  mais  les  deux  mains,  employées 
de  là  sorte  à  parfaire  un  passage,  un  trait ,  doivent  se  passer  alors 
d'accompagnement ,  d'harmonie,  ce  qui ,  à  la  rigueur,  n'est  pas  un 
grand  inconvénient  ,  car  l'harmonie  trop  continuellement  complète 
produit  la  monotonie  et  l'ennui  sur  cet  instrument.    ' 

M.  Haberbier  est  compositeur-arrangeur,  et  ne  parait  pas  tenir  exces- 
sivement à  ne  jouer  que  de  sa  musique.  Dans  la  première  soirée  musi- 
cale qu'il  a  donnée  chez  Pleyel ,  le  samedi  3  avril ,  il  a  fait  entendre  à 
ses  auditeurs  une  fantaisie  pittoresque  intitulée  :  Souvenirs  de  Norvège, 
sur  dus  chansons  populaires  de  ce  pays  ;  puis  un  fragment  de  la 
fantaisie  de  Thalberg  sur  la  Sonnambula;  puis  la  Fontaine,  étude  imi- 
tative,  qui  ne  justifie  pas  trop  son  titre  ;  et  puis  l'ouverture  de  Guil- 
laume Tell,  arrangée  par  lui,  et  l'on  pourrait  dire,  ce  nous  semble, 
un  peu  par  Liszt ,  qui  peut  réclamer,  dans  cet  arrangement ,  les  hon- 
neurs de  la  collaboration.  Au  reste,  l'exercice  digitigrade  employé  dans 
ce  morceau  par  le  pianiste  prussien  lui  fait  trouver  de  beaux  effets  qui 
permettent  de  bien  apprécier  l'effet  du  nouveau  procédé.  Dans  son 
Souvenir  de  Danemarck,  M.  Haberbier  déploie  dans  ce  chant  national, 
qui  est  la  Marseillaise  des  Danois,  une  force,  une  énergie  harmonique 
qui  a  provoqué  de  chauds  applaudissements  partant  d'un  auditoire  fé- 
minin surtout,  et  qui  paraissait  assez  bien  disposé  à  l'enthousiasme. 
Pas  besoin  n'est  de  dire  que  la  salle  regorgeait  d'artistes  qui  s'oc- 


114 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


cupent  de  l'art  déjouer  du  piano. [On  ne  marchait  que  sur  des  pia- 
nistes :  pour  moi,  j'en  avais  deux  qui  me  flanquaient  de  droite  et  de 
gauche,  et  qui  ne  m'ont  pas  paru  très-empressés  d'adopter  le  doigter 
Haberbier. 

Et  pour  continuer  de  traiter  la  question  pianistique,  qui  ne  nous 
paraît  pas  près  d'être  épuisée,  nous  dirons  que  le  piano  qui  résume 
toute  musique  ne  doit  pas  être  considéré  comme  un  but  exclusivement 
instrumental,  mais  bien  comme  moyen  d'exprimer  des  sentiments  par 
l'harmonie  et  la  mélodie,  autant  que  cela  se  peut.  En  faire  saillir  le  son 
nourri,  soutenu,  rond,  puissant,  expressif,  et  pas  trop  étouffé  par 
l'accompagnement,  telle  est  l'étude  à  laquelle  doit  se  livrer  tout  pia- 
niste qui  veut  impressionner  ses  auditeurs  et  s'en  faire  écouter.  C'est 
à  ce  résultat  qu'arrive  Mlle  Louise  Mattmann.  En  ne  citant  que  deux 
morceaux  des  écoles  classique  et  moderne  qu'elle  a  exécutés  au  con- 
cert qu'elle  vient  de  donner  dans  la  salle  Sainte-Cécile,  samedi  dernier 
on  est  convaincu  que  c'est  une  mission  qu'elle  se  croit  appelée  à  rem- 
plir dans  ce  monde  musical.  Elle  élève  la  musique  moderne  à  sa 
hauteur  et  s'élève  à  la  hauteur  des  inspirations  de  nos  grands  maîtres. 
Dans  le  morceau  intitulé  :  les  Champs,  de  Prudent,  ses  doigts  sont  les 
interprètes  de  tous  les  frémissements  de  la  nature  ;  elle  fait  bruire 
l'idylle  vraie  à  vos  oreilles,  les  chants  du  villageois;  elle  peint,  par  des 
sons  limpides  et  fuyants,  le  ruisseau  murmurant;  vous  croyez  sentir  et 
respirer  la  fraîcheur  de  la  brise  matinale;  et  puis  vous  entendez  les 
rires  joyeux  et  confus  des  oiseaux  qui  s'endorment  en  gazouillant  aux 
approches  mystérieuses  du  soir  :  c'est  tout  ce  que  Théocrite,  Thomson 
et  Gessnernous  ont  peint  de  plus  frais. 

Voyez  maintenant  Louise  Mattmann  s'emparer  de  l'œuvre  27°  de 
Beethoven  qu'elle  fait  sienne,  de  cette  sonate  en  ut  dièze  mineur  que 
tant  de  pianistes  essaient  de  comprendre  et  de  faire  comprendre  à  leur 
auditoire  ;  de  cette  sombre  élégie  qui  exhale  toutes  les  douleurs  de 
l'âme,  toutes  les  tortures  de  la  passion,  les  affres,  du  désespoir  et  de  la 
mort.  La  jeune  virtuose  n'appelle  point  à  son  secours  les  images  poé- 
tiques comme  nous  sommes  obligé  de  le  faire  ici.  C'est  par  tout  son 
système  physiologique  pantelant,  c'est  par  le  son  ému,  vibrant  de  la 
voix  humaine  qui  s'échappe  de  chacun  de  ses  doigts,  qu'elle  procède, 
qu'elle  se  fait  l'égale,  la  sœur,  la  confidente  de  Beethoven,  qu'elle 
pleure  et  se  désespère,  et  crie  harmonieusement  avec  lui.  S'associer 
ainsi  corps  et  âme  aux  inspirations  du  génie,  c'est  prouver  qu'on  en  a 
soi-même,  qu'on  a  reçu  en  naissant  ce  triste  et  beau  don  du  ciel. 

Nous  félicitons  Mlle  Mattmann  de  n'avoir  pas  dit  le  scherzo,  cette 
leçon  d'harmonie  en  petites  suspensions  syncopées,  qui  vient  intempes- 
tivement  interrompre  les  deux  parties  homogènes  de  ce  drame  musical 
si  passionné.  C'est  une  preuve  de  goût  français  dont  il  faut  lui  savoir 
gré  :  cela  prouve  que  le  talent  sérieux  peut  s'allier  à  l'esprit,  au  tact 
d'une  juste  appréciation. 

Dans  son  concert  spirituel  et  de  clôture,  la  Société  Sainte-Cécile  a  fait 
un  bel  adieu  musical  à  sa  clientèle,  à  son  public  ;  car  cette  association 
vraiment  artistique  peut  dire  maintenant  qu'elle  a  son  public.  La  belle 
préface  del'  IpMgéniè  en  Aulide,  de  Gluck,  a  ouvert  la  séance;  puis  les 
choristes  ont  dit  avec  ensemble  et  religiosité  la  Prière,  de  Beethoven , 
entendue  pour  la  première  fois  à  Paris.  Mlle  Vavasseur  a  chanté  d'un 
style  classique  et  pur  un  psaume  de  Marcello.  Un  0  salutaris  et  un 
Sanclus  pompeusement  instrumentés,  et  faisant  partie  de  la  messe  de 
Sainte-Cécile  composée  par  M.  Adam,  ont  été  fort  bien  exécutés  aussi. 
La  symphonie  en  la ,  ce  grand  drame  instrumental  de  Beethoven,  a  été 
jouée  par  l'orchestre  d'une  manière  admirable  :  on  a  bissé  l'andante,  ce 
chef-d'œuvre  de  mélodie  qui  est  de  ce  genre  de  musique  avec  lequel 
en  fonderait  une  religion,  comme  disait  l'abbé  Arnaud,  dans  le  dernier 
siècle. 

Les  fragments  de  l'oratorio  d'Elie,  se  composant  d'un  air,  d'un  trio 
et  d'un  chœur  délicieux ,  ont  été  dits  avec  beaucoup  de  charme  et 
d'ensemble,  et  ont  fait  apprécier  le  vrai  style  religieux,  antique  et  mo- 
derne tout  à  la  fois  de  ce  genre  de  musique,  si  bien  traité  par  Men- 
delssohn  ;  puis  est  venu  un  bel  Arc  vervm  de  M.  Gounod ,  dont  le  solo 


a  été  chanté  par  M.  Masset  d'une  manière  large  et  puissante,  et  de  ce 
style  di  chiesa,  qui  repose  un  peu  les  oreilles  de  la  musique  trop  à  la 
mode  de  casino  e  di  ballo.  Le  compositeur,  le  chanteur  et  l'exécution 
de  ce  morceau ,  tout  empreint  d'une  noble  mélancolie,  ont  été  ho- 
norés du  bis,  comme  l'andante  de  la  symphonie  de  Beethoven.  Cette 
similitude  d'effet  n'est  pas  un  médiocre  suffrage. 

La  fantaisie  pour  piano,  orchestre  et  chœur,  de  Beethoven,  a  paru 
longue,  longue,  oh!  mais  longue  !...  à  ce  point  que  si  on  l'avait  bitséë, 
il  nous  semble  que  nous  y  serions  encore. 

La  cité  phocéenne  et  méridionale  a  cet  avantage  sur  Paris ,  selon 
nous,  qu'elle  prend  plus  tôt  ses  quartiers  d'été  que  dans  notre  capitale 
des  arts.  On  nous  écrit  de  Marseille  que  les  chants  ont  cessé  au  cercle 
lyrique  de  cette  ville,  et  que  la  saison  des. concerts  est  terminée.  On 
nous  assure,  et  nous  ne  voyons  nul  inconvénient  à  le  répéter,  bien  que 
ce  soit  un  nouveau  nom  à  enregistrer  parmi  ceux  des  pianistes  célèbres, 
que  M.  Gustave  Peronnet,  lauréat  du  Conservatoire  de  Paris  en  1845, 
a  joué  d'une  manière  remarquable,  dans  le  dernier  concert  de  cette 
réunion  musicale,  le  septuor  deHummel  et  différents  morceaux  de  Pru- 
dent. Que  répondre  à  cela  ?  Ceci  :  qu'il  n'y  a  rien  de  changé  en  France, 
comme  on  l'a  dit  si  ce  n'est  qu'il  n'y  a  qu'un  Français  habile  pia- 
iste  de  plus. 

Henri  BLANCHARD. 


Suite  et  fin  (1) 


Après  l'exécution  du  motet  de  Palestrina,  et  lorsque  l'émotion  de 
l'auditoire  permit  à  M.  Fétis  de  reprendre  la  parole,  il  continua  en  ces 
termes  l'exposition  de  son  système  de  la  théorie  du  beau  en  musique  : 

«  La  musique  religieuse  appartient  sans  nul  doute  à  la  conception 
idéale  combinée  par  l'effort  de  l'imagination  avec  le  sentiment  que  la 
plupart  des  hommes  portent  au  fond  du  cœur  de  la  grandeur  et  de  la 
bonté  infinie  de  Dieu.  La  pensée  seule  ne  peut  atteindre  à  ce  que 
vous  venez  d'entendre  :  sans  la  foi,  la  pensée  ne  parviendra  jamais  à 
faire  de  la  musique,  d'église  qui  puisse  entrer  en  parallèle  avec  les 
œuvres  du  grand  artiste  que  l'école  romaine  a  proclamé  son  chef  et  son 
modèle.  Inconnue  dans  l'antiquité,  née  avec  le  christianisme,  la  foi, 
sentiment  indéfinissable  qui  n'est  pas  seulement  la  croyance  à  des 
mystères  incompréhensibles,  mais  où  se  mêlent  aussi  des  expansions 
de  crainte  et  d'amour;  la  foi,  dis-je,  est  la  source  véritable  de  la  mu- 
sique religieuse  :  si  elle  n'inspire  l'artiste,  l'œuvre  ne  réalisera  pas  son 
objet.  Dans  les  messes,  dans  les  motets,  dans  les  hymnes  de  Pales- 
trina, cette  foi  est  austère,  et  son  expression  atteint  les  proportions  les 
plus  grandes,  parce  que  la  passion  humaine  n'y  a  pas  d'accès;  mais 
après  lui,  une  révolution  générale  se  fit  dans  l'art,  et  la  musique  des- 
tinée à  l'église  en  ressentit  les  effets. 

»  Jusqu'aux  derniers  jours  de  Palestrina,  l'harmonie,  inhérente  à  la 
tonalité,  avait  toujours  eu  un  caractère  de  repos,  parce  que  l'art  n'y 
avait  admis  que  des  agrégations  consonnantes  de  sons,  ou  des  disson- 
nances  facultatives  que  la  fantaisie  des  artistes  employait  ou  négligeait 
à  volonté,  sans  qu'il  en  résultât  de  modification  tonale.  J'ai  dit  en  cent 
endroits  comment,  dans  les  dernières  années  du  xvie  siècle,  Claude  Mon - 
teverde,  compositeurde  l'école  vénitienne,  trouva  par  instinct  l'harmo- 
nie attractive  qui  donne  naissance  à  la  nécessité  de  résolution,  et  con- 
séquemment  engendre  le  mouvement  et  la  cadence  des  phrases.  Avec 
cette  harmonie  fut  trouvé  l'accent  passionné  qui  n'existait  pas  aupa- 
ravant, car  cet  accent  ne  peut  se  trouver  que  dans  l'attraction  ascen- 
dante ou  descendante  des  sons,  et  dans  leur  mouvement  résolutoire. 
Une  tonalité  nouvelle  et  d'un  système  complètement  différent  de  celle 
qui  avait  servi  de  base  à  la  musique  jusqu'à  cette  époque;  la  transi- 
tion d'un  ton  à  un  autre;  l'abandon  progressif  des  combinaisons  for- 
males,  pour  la  nouveauté  de  l'expression  sentimentale  et  passionnée  ; 

(1)  Voir  les  numéros  12  et  14. 


DE  PARIS. 


115 


enfin,  la  création  du  draine  musical  avec  ses  conditions  nécessaires  de 
la  cantilène,  du  récitatif  et  de  l'instrumentation  :  telles  lurent  les  con- 
séquences des  hardiesses  de  Montevcrde. 

»  La  musique  d'église  ne  put  se  soustraire  aux  influences  de  ces 
nouveautés.  Insensiblement  le  caractère  religieux  grave  et  pur  s'altéra 
et  lit  place  aux  combinaisons  d'un  style  faux  appelé  slijle  concerté,  puis 
à  l'invasion  de  l'expression  sentimentale  et  passionnée.  Je  regrette, 
Messieurs,  que  les  limites  de  cette  séance  ne  me  permettent  pas  de  vous 
faire  entendre  les  monuments  des  transformations  multipliées  dont  se 
compose  l'histoire  de  la  musique  d'église  depuis  la  fin  du  xvie  siècle. 
Vous  y  remarqueriez  les  premières  luttes  du  sentiment  et  de  l'idéal  re- 
ligieux avec  les  tendances  passionnées  de  l'humanité,  les  égarements  de 
celles-ci,  et  çà  et  là  les  victoires  du  génie  contre  les  dépravations  du 
goût.  Ainsi  vous  verriez  le  beau  se  produire  dans  la  musique  religieuse 
par  l'expression  pathétique  aux  époques  qui  semblent  lui  être  les  moins 
antipathiques,  par  exemple  dans  les  psaumes  de  Marcello,  au  commen- 
cement du  xvnr  siècle,  plus  tard  dans  quelques  morceaux  de  Pergolèse, 
dans  quelques  cantates  spirituelles  de  J.-S.  lïach  et  dans  sa  belle  messe 
en  si  mineur  ;  enfin  dans  quelques  parties  du  Requiem  de  Mozart,  et 
surtout  dans  l'Ave  verum  de  ce  grand  homme.  Ce  dernier  morceau 
me  paraît  être  le  plus  parfait  modèle  de  l'alliance  du  sentiment  religieux 
le  plus  pur  avec  l'expression  tendre  d'une  sorte  de  mysticité.  C'est  une 
étude  pleine  d'intérêt  que  celle  du  rapprochement  du  beau  au  point  de 
vue  purement  idéal  et  dévot  de  la  musique  de  Palestrina  et  de  cette 
œuvre  de  Mozart,  où  l'amour  voué  à  Dieu  s'allie  au  sentiment  de  sa 
grandeur  et  le  tempère.  Chez  ces  deux  artistes  incomparables  la  pensée 
est  également  sublime,  bien  que  dans  des  directions  différentes,  et  la 
forme  de  leurs  œuvres,  bien  que  dans  des  conditions  qui  n'ont  pas  d'a- 
nalogie, offre  des  types  d'une  perfection  qui  n'a  pas  été  dépassée.  Je 
crois  donc,  Messieurs,  devoir  vous  faire  entendre  cet  Ave  verum  dont 
je  viens  de  parler,  afin  que  vous  puissiez  faire  la  comparaison  du  carac- 
tère du  beau  dans  des  ouvrages  produits  à  trois  siècles  d'intervalle,  et 
dans  des  conditions  très-différentes  de  tonalité  et  d'harmonie.  » 

L'exécution  de  ce  beau  morceau,  dirigée  par  M.  Fétis,  ne  laissa  rien  à 
désirer,  tant  pour  la  justesse  que  pour  les  nuances  délicates  de  l'expres- 
sion. Elle  fut  saluée  par  des  applaudissements  unanimes;  mais,  nonob- 
stant le  plaisir  que  l'auditoire  en  éprouva,  l'impression  ne  fut  pas  aussi 
profonde  qu'elle  l'avait  été  à  l'audition  du  motet  de  Palestrina,  et  l'on 
comprit  ce  qu'il  y  avait  de  vrai  et  de  profond  dans  ce  qu'avait  dit  le  sa- 
vant professeur  concernant  la  nécessité  de  tirer  le  principe  du  beau 
dans  la  musique  religieuse  du  sentiment  austère  de  la  grandeur  de  Dieu, 
et  non  d'une  expansion  d'amour  où  pénètre  toujours  quelque  chose 
des  passions  humaines. 
Reprenant  ensuite  la  parole,  M.  Fétis  continue  en  ces  termes  : 
«  En  dehors  des  deux  types  du  beau  dans  la  musique  religieuse  dont 
je  viens  de  vous  offrir  les  deux  termes  de  comparaison,  il  n'y  a  plus 
rien  que  des  formes  de  convention,  et  le  scandale  du  drame  musical 
transporté  dans  le  sanctuaire.  Ce  n'est  pas  à  dire  que  tous  ceux  qui  se 
sont  égarés  dans  ces  fausses  directions  n'aient  été  que  des  artistes  mé- 
diocres; non,  non;  des  talents  de  premier  ordre  y  ont  épuisé  leurs 
inspirations  et  leur  habileté.  Une  foi  tiède  et  languissante ,  la  conta- 
gion de  l'exemple,  et  surtout  la  recherche  de  l'effet  à  tout  prix,  ont 
été  les  causes  de  l'erreur  des  hommes  les  plus  remarquables  à  ce  sujet. 
Dans  le  xvnc  siècle,  l'esprit  de  combinaison  domine  en  général  les  tra- 
vaux des  musiciens  qui  écrivent  pour  l'église.  Le  pédantisme  de  la 
forme  n'est  plus  le  même  que  celui  qu'on  remarquait  dans  les  ouvra- 
ges des  prédécesseurs  de  Palestrina  ,  mais  il  n'est  pas  moins  despoti- 
que. On  n'écrit  plus  qu'à  deux,  trois,  quatre,  cinq  ou  six  chœurs  qui  se 
concertent  et  se  réunissent  à  de  certains  moments,  et  qui,  placés  à  di- 
vers endroits  de  l'église  ,  se  partageaient  l'attention  et  rendaient  toute 
dévotion  impossible.  L'objet  important,  le  beau,  comme  manifestation 
delà  pensée  et  du  sentiment,  ne  préoccupait  pas  les  artistes. 

»  Au  xvme  siècle,  toutes  ces  combinaisons  ont  disparu  ;  les  instruments 
ont  fait  invasion  dans  l'église  ;  le  style  du  concert  et  du  théâtre  règne 


sans  obstacle  dans  le  service  divin  ,  et  la  messe  est  comme  qui  dirait 
de  la  comédie  à  ariettes ,  car  il  faut  que  les  chanteurs  fassent  entendre 
tour  à  tour  leur  air  à  roulade.  Quelques  rares  génies  résistent  à  cet 
entraînement  de  mauvais  goût;  mais  ceux-là  tombent  dans  l'expression 
pathétique  et  dramatique.  Le  xiv  siècle  l'ait  justic3  des  emprunts  faits 
à  la  guinguette  pour  l'église;  mais  quelques  hommes  d'un  talent  con- 
sidérable ne  s'aperçoivent  pas  du  nouvel  égarement  où  ils  se  laissent 
entraîner  en  repoussant  le p inl-nmf  de  la  musique  religieuse.  Ils  rap- 
pellent l'art  à  des  formes  plus  nobles  et  plus  pures  ;  mais  tout  l'attirail 
du  grand  opéra  est  transporté  par  eux  dans  la  maison  de  Dieu.  Les 
textes  sacrés  sont  morcelés,  répétés  àj satiété,  et  ne  sont  plus  que  le 
prétexte  du  travail  fantastique  du  musicien.  Que  si  vous  oubliez  que 
vous  êtes  à  l'église,  que  vous  y  êtes  venu  pour  prier  Dieu,  et  que  la 
musique  qui  frappe  votre  oreille  devait  avoir  pour  objet  d'élever  votre 
âme  vers  le  créateur  ;  que  si  vous  oubliez  tout  cela,  dis-je,  vous  admi- 
rerez l'habileté  de  l'artiste  à  combiner  des  sons  sans  but  déterminé, 
ou  à  trouver  des  beautés  qui  seraient  dans  tout  leur  éclat,  si  elles  se 
produisaient  au  théâtre  au  lieu  de  se  faire  entendre  à  l'église. 

»  Messieurs  ,  vous  vous  rappelez  que  celte  séance  a  pour  objet  de 
rechercher  quels  sont  les  caractères  du  beau  dans  la  musique  ,  parti- 
culièrement quand  le  génie  de  l'artiste  n'a  point  eu  de  programme  et 
s'est  abandonné  à  toutes  les  inspirations  de  l'idéal.  Nous  ne  serez  donc 
pas  étonnés  de  me  voir  écarter  la  musique  du  drame  des  considéra- 
tions que  j'ai  à  compléter ,  car  ce  sujet  seul  exigerait  une  longue  séance 
qui  viendra  peut-être  à  la  suite  de  celle-ci.  Je  vais  donc  examiner 
comment  le  beau  se  produit  dans  l'idéal  pur,  ce  qui  n'a  lieu  que  dans 
la  musique  instrumentale. 

»  Qu'est-ce  donc  qui  détermine  les  inspirations  de  l'artiste  lorsqu'il 
compose  une  œuvre  de  ce  genre?  Ici,  point  de  synthèse  entre  la  pen- 
sée et  le  monde  extérieur,  point  d'objet  déterminé;  l'idéal,  l'idéal  pur. 
Supposons  donc  qu'au  moment  de  la  création,  le  compositeur  ne  soit 
impressionné  par  aucun  mouvement  passionné  ;  que,  sans  joie,  sans  tris- 
tesse, sans  amour,  sans  jalousie,  il  éprouve  cependant  le  besoin  de  ma- 
nifester sa  force  d'invention:  le  sentiment  étant  en  quelque  sorte  inerte, 
la  pensée  seule  agira.  Cette  pensée  serait  la  création  absolue  si  l'artiste 
ne  se  souvenait  de  l'effet  des  sons  dans  leur  succession  et  dans  leurs 
.  divers  modes  d'agrégation.  Le  compositeur  se  trouve  donc  seul  en 
face  de  sa  pensée,  et  c'est  de  lui  seul  aussi  que  sortent  tous  les  déve- 
loppements d'une  première  phrase  trouvée.  Cette  phrase,  nous  nous 
en  souvenons,  n'est  pas  née  sous  l'empire  d'une  affection  quelconque; 
elle  est  plus  ou  moins  simple  ;  peut-être  même  n'y  a-t-il  rien  en  elle 
qui  la  rende  remarquable  au  premier  abord.  C'est  dans  la  spontanéité 
du  génie  de  l'artiste  qu'elle  trouve  immédiatement  le  complément  qui 
la  transforme  en  période.  A  peine  cette  période  est-elle  formée  qu'elle 
fournit  à  l'imagination  le  plan  de  tous  ses  développements,  et  que  nais- 
sent comme  par  enchantement  les  épisodes  qui  réveillent  l'attention 
de  l'auditoire  et  jettent  de  la  variété  dans  la  composition.  Revenant 
sur  elle-même,  la  phrase  première  se  transforme  en  passant  d'un  in- 
strument à  un  autre,  et  s'enrichit  progressivement  d'une  infinité  de 
détails,  jusqu'à  ce  que  toutes  les  phases  du  développement  de  l'idée 
s'étant  succédé,  l'œuvre  est  complète  et  arrive  à  la  conclusion.  Le 
beau,  ainsi  conçu,  vient  uniquement  de  la  faculté  d'imaginer,  secondée 
par  la  raison  qui  pose  les  bornes,  et  par  le  goût  qui  préside  aux  moin- 
dres détails. 

»  Il  est  un  autre  genre  de  beauté  dans  la  composition  dont  la  source 
première  est  dans  une  affection  quelconque  de  la  sentimentalité,  s'il 
est  permis  de  s'exprimer  ainsi ,  car  le  compositeur  ne  sort  jamais  de 
lui-même  pour  trouver  le  sujet  de  son  œuvre.  Sous  une  impression 
joyeuse,  ou  mélancolique,  ou  tendre,  ou  douloureuse,  il  imagine  une 
phrase  qui  exprime  la  disposition  de  son  âme.  De  même  que  dans  l'ou- 
vrage dont  j'ai  parlé  précédemment,  cette  phrase  se  complète,  se]  dé- 
veloppe, s'enrichit  d'épisodes,  et  arrive  à  quelque  péroraison  chaleu- 
reuse qui  en  est  la  conclusion. 

»  Quelle  est  la  différence  radicale  entre  les  deux  genres  de  beautés 


116 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


ainsi  réalisés?  La  voici  :  dans  la  première  composition,  tout  est  sorti 
de  la  pensée;  dans  l'autre,  il  y  a  eu  action  réciproque  de  la  pensée 
sur  le  sentiment  et  de  celui-ci  sur  elle.  Le  premier  genre  de  beauté 
résulte  donc  de  la  production  et  de  la  contemplation  de  l'idée  en  elle- 
même;  l'autre  tire  sa  force  principale  des  mouvements  passionnés  de 
l'âme  et  des  ressources  que  l'imagination  y  a  puisées.  Le  beau  révélé 
par  la  première  composition  fera  naître  l'admiration  et  versera  dans 
l'âme  une  douce  satisfaction  ;  mais  l'autre  produira  des  impressions 
plus  vives  et  arrachera  des  exclamations  involontaires  d'enthou- 
siasme. » 

M.  Fétis  cite  alors,  comme  un  modèle  parfait  du  premier  genre  de 
musique  instrumentale ,  le  quatuor  en  sol  de  Haydn ,  qui  com- 
mence par  une  phrase  donnée  au  violoncelle  seul ,  et,  comme  type  du 
second ,  le  beau  quintette  en  sol  mineur  de  Mozart ,  considéré  à  bon 
droit  par  les  artistes  comme  un  prodige  de  génie  et  de  sentiment.  Les 
deux  premiers  morceaux  de  ces  belles  œuvres  sont  exécutées  d'une 
manière  remarquable  par  MM.  Lauterbach  ,  Hageman  ,  Schreurs , 
Eichter  et  Millier,  et  causent  une  profonde  émotion  dans  l'assemblée. 
M.  Fétis  analyse  rapidement  ce  qui ,  dans  chacun  de  ces  morceaux  , 
caractérise  le  beau  ,  et  fait  voir  que  ce  beau  est  purement  idéal.  A 
l'égard  de  la  signification  que  les  compositions  de  cette  espèce  ont  pour 
ceux  qui  les  écoutent ,  le  professeur  fait  voir  qu'elle  est  tout  entière 
dans  l'âme  de  l'auditeur,  et  que  celui-ci  en  fait  le  programme,  sui- 
vant son  organisaticn  ,  pendant  l'exécution  de  l'œuvre.  C'est  là, 
dit-il ,  ce  qui  donne  à  la  musique  une  incontestable  supériorité  sur  les 
autres  arts. 

Ici ,  le  savant  professeur  cause  quelque  étonnement  à  l'assemblée 
par  cette  proposition,  que  dans  la  musique  descriptive  et  pittoresque 
même,  par  exemple,  dit-il,  dans  la  Symphonie  pastorale  de  Beethoven, 
le  compositeur  n'a  pas  pour  objet  l'imitation  de  la  nature.  Mais  le  ta- 
lent avec  lequel  il  développe  cette  thèse  fait  éclater  bientôt  dans  la 
salle  des  témoignages  d'admiration.  «  Non,  s'écrie  M.  Fétis,  ce  n'est  pas 
à  ce  jeu  puéril  que  s'astreint  l'artiste  de  génie  ;"  ce  sont  les  impressions 
de  l'homme  lui-même  à  la  vue  de  la  campagne  qu'il  va  vous  faire  com- 
prendre, mais  non  les  bruits  villageois  qu'il  prendra  la  peine  d'imiter. 
11  ne  dégradera  pas  son  art  jusqu'à  lui  faire  exprimer  les  bêlements 
des  agneaux  ,  les  beuglements  sortis  de  l'étable,  le  hennissement  des 
chevaux,  la  cadence  du  fléau  sur  l'aire  de  la  grange,  ou  le  tic-tac  du 
moulin  ;  mais  il  aura  des  rbythmes  qui  correspondront  à  la  scène 
champêtre  dont  votre  âme  a  ressenti  plus  d'une  fois  les  effets,  et  ses 
suaves  mélodies  vous  rappelleront  cette  situation.  Prenons ,  dit-il , 
Y  ad  agio  de  cette  symphonie  pastorale  dont  les  perfections  sont  connues 
de  tout  le  monde.  Nous  n'avons  pas  ici  d'orchestre  pour  l'exécution  de 
ce  chef-d'œuvre  ;  mais  il  me  suffira  de  vous  en  faire  entendre  le  début 
par  un  double  quatuor  avec  une  contrebasse  et  le  piano  pour  les  effets 
d'instruments  à  vent.  Je  n'aurai  besoin  que  de  ce  |commencement  pour 
faire  passer  dans  votre  âme  la  conviction  que  je  suis  dans  le  vrai. 

»  L'adagio,  dent  je  vais  rappeler  le  commencement  à  votre  souvenir, 
a  pour  titre  :  Scène  champêtre  au  boid  d'un  ruisseav.  Quelle  est  cette 
scène?  Si  nous  en  jugeons  par  l'impression  que  fait  sur  nous  la  mu- 
sique, c'est  celle  d'une  agréable  et  douce  solitude,  par  un  beau  jour, 
et  lorsque  le  soleil  accable  de  ;es  feux,  vers  le  milieu  du  jour,  tous  les 
êtres  animés  et  semble  les  inviter  au  repes.  Le  bruit  d'un  ruisseau  qui 
murmure  et  le  chant  de  quelques  oiseaux  sont,  en  apparence,  les 
seules  voix  qui  troublent  le  silence  de  la  solitude  ;  mais  avec  elles  ré- 
sonnent dans  l'âme  de  l'être  humain  couché  sur  le  bord  du  ruisseau 
ces  voix  mystérieuses  qui  î.e  parlent  qu'aux  organisations  d'élite.  Pour 
le  vulgaire,  il  n'y  aurait  rien  dans  tout  cela  qui  eût  quelque  significa- 
tion ;  mais  pour  celui  dent  je  parle,  il  y  a  tout  un  monde  enchanté  qui 
donne  la  conscience  du  bonheur. 

»  Qu'a  fait  Beethoven  sur  ce  sujet  ?  11  a  bien  marqué  par  le  rhy  thmC 
du  second  violon,  de  l'alto  et  du  violoncelle,  les  ondulations  du  ruisseau 
dont  le  mouvement  monotone  se  soutient  jusqu'à  la  fin  du  morceau; 
mais  ce  mouvement,   le  gazouillement   de   la  fauvette,  et  ces  bruits 


vagues  que  la  campagne  seule  fait  entendre  au  milieu  du  silence,  et  que 
rendent  admirablement  les  cors  et  les  bassons,  ne  sont  que  les  acces- 
soires, que  les  accompagnements  de  la  sublime  mélodie  qui,  passant 
tour  à  tour  du  violon  aux  instruments  à  vent  et  de  ceux-ci  au  violon, 
exprime  la  haute  pensée  et  le  sentiment  exquis  qui  domine  toute  cette 
composition.  Ce  n'est  pas  le  tableau  de  la  nature  que  Beethoven  s'est 
proposé  de  peindre  :  ce  sont  les  sentiments  inspirés  par  ce  tableau 
auxquels  il  nous  initie,  et  lorsqu'après  avoir  épuisé  tout  ce  que  le  plus 
beau  génie  a  pu  lui  fournir  pour  remplir  cette  noble  tâche,  il  arrive  à 
la  conclusion.  Est-ce  son  heureuse  imitation  du  chant  de  la  fauvette,  de 
l'appel  de  la  caille  et  du  cri  du-coucou,  est-ce  cela,  Messieurs,  qui  vous 
émeut?  Non  certes  :  les  exclamations  contenues  qui  parcourent  toute  la 
salle  en  ce  moment  final  sont  soulevées  par  le  fragment  de  la  phrase 
délicieuse  que  vous  avez  entendue  dans  tout  le  cours  du  morceau,  et 
qui,  redit  dans  ce  moment  dans  un  piano  absolu,  éveille  dans  tous  les 
cœurs  ce  sentiment  de  bonheur  qui  est  le  sujet  de  l'œuvre. 

»  On  m'objectera  sans  doute  la  peinture  de  l'orage  qui,  dans  le 
morceau  suivant,  vient  interrompre  la  danse  villageoise  du  soir,  et  l'on 
s'accordera,  avec  raison,  dans  l'expression  d'une  vive  admiration  pour 
le  talent  que  l'auteur  de  la  symphonie  pastorale  a  déployé  dans  ce  ta- 
bleau. Autant  que  cela  était  possible,  il  a  lutté  avec  les  difficultés  du 
sujet  et  en  a  triomphé.  Mais  l'admiration  même  que  vous  éprouvez 
pour  le  talent  de  l'artiste,  dans  cette  occasion  exceptionnelle,  vous 
prouve  que  vous  partagez  à  votre  insu  mes  convictions,  que  l'art  est 
dans  une  condition  défavorable  lorsqu'il  essaie  d'imiter  la  nature,  et 
que  celle-ci  reste  toujours  supérieure  à  l'imitation.  L'épisode  de  cet 
orage,  imaginé  par  Beethoven,  lui  était  nécessaire  pour  l'opposition 
du  plaisir  qu'il  exprime  avec  tant  de  verve  dans  le  final  de  l'œuvre. 
C'est  là  qu'il  est  grand  et  que  l'on  reconnaît  l'artiste  maître  de  son 
sujet. 

»  Peut-être  m'accusera-t-on  de  porter  jusqu'au  fanatisme  ma  convic- 
tion de  la  complète  indépendance  du  musicien  dans  la  création  de  son 
œuvre,  si  je  vous  dis  que  lors  même  que  le  programme  lui  est  donné, 
il  en  fait  l'accessoire  de  sa  pensée.  C'est  cependant  une  vérité  que  j'es- 
père vous  démontrer  dans  cette  séance  même  par  deux  exemples  assez 
remarquables  Je  les  choisis  dans  ces  mélodies  de  Schubert,  si  connues 
de  tout  le  monde,  et  je  prendrai  pour  exemples  la  Sérénade  et  le 
Départ. 

»  La  Sérénade  nous  transporte  en  Espagne.  Un  amant  est  sous  les 
fenêtres  de  sa  maîtresse  ;  l'harmonie  exprime  quelque  chose  qui  res- 
semble à  l'accompagnement  d'une  guitare;  mais  ce  n'est  que  l'acces- 
soire du  tableau.  Le  poëte,  en  écrivant  les  vers,  ne  s'est  pas  même 
douté  de  ce  que  dirait  cet  homme  qu'il  avait  la  prétention  de  faire 
parler  ;  il  n'a  pas  su  quels  accents  passionnés  transformeraient  le  sens 
de  ses  paroles  et  les  rendraient  brûlantes;  il  a  pensé  n'écrire  que  des 
couplets,  et  Schubert  a  fait  un  poëme.  Ces  alternatives  de  tons  mineurs 
et  majeurs,  moyens  vulgaires  de  l'art,  sont  devenus  par  son  génie  des 
élans  passionnés  d'une  puissance  irrésistible. 

»  Le  Départ  est  un  cadre  tout  tracé  en  apparence  par  l'auteur  des 
vers,  qui  cette  fois  encore,  a  pensé  n'écrire  que  des  couplets.  Un  jeune 
homme  quitte  la  ville  où  il  a  trouvé  du  bonheur  et  des  succès  de  plus 
d'un  genre.  Il  n'emporte,  que  de  riants  souvenirs,  et  fait  gaiement  ses 
adieux  à  la  ville,  à  son  domicile,  aux  femmes  qui  ont  reçu  ses  homma- 
ges, à  celles  dont  il  fut  aimé,  à  tout  ce  qui  lui  rappelle  des  instants  de 
plaisir  et  de  douces  émotions.  Le  trot  du  cheval  était  indiqué  pour  l'ac- 
compagnement ;  Schubert  n'a  pas  manqué  d'en  marquer  l'allure;  mais 
avec  quelle  élégance  il  sait  la  diversifier  tout  en  lui  conservant  son 
caractère  rnythmique  !  Quel  charme  dans  l'harmonie  'et  dans  la  modu- 
lation de  cet  accompagnement  !  Et  pourtant  tout  cela  n'est  que  le  colo- 
ris de  son  délicieux  tableau.  C'est  le  bonheur  de  l'accent  trouvé  qui  fait 
de  cette  petite  composition  une  grande  et  belle  chose;  c'est  la  création 
tout  entière  sortie  de  l'âme  de  l'artiste  qui,  dans  un  petit  cadre,  a  su 
placer  un  tableau  de  grande  dimension. 

»  Messieurs,  je  m'arrête,  avec  la  crainte  d'avoir  peut-être  abusé  de 


DE  PARIS. 


117 


l'attention  que  vous  avez  bien  voulu  m'accorder  et  de  l'indulgence  que 
vous  m'avez  témoignée.  Cependant  j'espère  trouver  mon  excuse  dans  la 
beauté  du  sujet  que  j'ai  essayé  de  traiter  devant  vous.  Persuadé  comme 
je  le  suis  que  le  beau  ne  peut  être  exprimé  par  l'art  que  parce  que  son 
type  existe  primitivement  dans  l'homme,  j'ai  essayé  de  vous  démontrer 
que  ce  type  est  absolument  idéal  chez  le  musicien.  Puissé-je  n'être  pas 
resté  trop  au-dessous  de  ma  tâche  !  » 

VIVIER 

Voici  quelques  lignes  écrites  par  Adophe  Adam  sur  Vivier  à  propos 
de  la  visite  tout  récemment  rendue  par  lui  à  la  ville  d'Amiens.  Nous 
nous  faisons  un  plaisir  de  les  reproduire  dans  l'intérêt  de  nos  lecteurs, 
et  comme  modèle  d'appréciation  aussi  juste  que  spirituelle. 

Il  y  a  un  étrange  contraste  entre  la  nature  élevée,  sévère  et  sérieuse 
du  talent  et  le  caractère  de  gaieté  et  presque  de  bouffonnerie  du  célèbre 
artiste.  Mais  ce  qui  distingue  Vivier  des  plaisants  de  société  et  des  lous- 
tics d'atelier,  c'est  que  ses  plaisanteries,  ses  mystifications  n'ont  pas  pour 
but  d'amuser  les  autres,  mais  de  l'amuser  lui-même.  Enfermez-le  dans 
une  chambre  tout  seul,  et  il  trouvera  moyen  de  se  jouer  quelque  bon 
tour  et  de  se  moquer  de  lui-même.  Maintenant,  si  nous  séparons  l'homme 
de  l'artiste,  et  ce  n'est  que  de  ce  dernier  que  nous  devons  nous  occuper, 
nous  trouvons  encore  deux  natures  distinctes  entre  l'exécutant  et  le  com- 
positeur. 

Comme  exécutant,  Vivier  ne  peut  être  comparé  qu'à  lui-même.  Il  pos- 
sède une  plénitude  et  une  puissance  de  son  incomparables;  il  joue  habi- 
tuellement dans  le  ton  de  mi  et  dans  le  registre  du  second  cor.  Son  style 
est  d'une  largeur  magistrale.  11  n'exécute  que  sa  musique,  et  elle  est  toute 
inédite,  par  l'excellente  raison  qu'elle  ne  peut  être  exécutée  que  par  lui, 
puisqu'il  garde  le  secret  des  effets  qu'il  a  inventés  et  découverts.  C'est 
dans  l'exécution  de  mélodies  graves  et  sévères,  quoique  presque  toujours 
gracieuses,  qu'il  trouve  ses  éléments  de  succès;  mais  il  sait  donner  un 
tel  accent  à  son  instrument,  qu'il  produit  quelquefois  le  plus  grand  effet 
avec  une  simple  note  filée,  remplissant  avec  une  perfection  inouïe  toutes 
les  insensibles  transitions  du  pianissimo,  du  rinforzandu  et  du  decrescendo. 
En  un  mot,  Vivier  est  le  plus  admirable  chanteur  du  monde,  dont  la  voix 
est  remplacée  par  le  timbre  du  cor. 

Quant  à  ses  effets  de  doubles,  triples  et  quadruples  notes,  c'est  un  mys- 
tère que  les  acousticiens  ne  peuvent  analyser  et  que  les  musiciens  ne 
devinent  pas.  Ceux  que  rien  n'étonne  et  qui  veulent  tout  expliquer,  pré- 
tendent que  Vivier  chante  en  même  temps  qu'il  pousse  l'air  dans  le  tube 
de  son  instrument  :  ceci  ne  serait  déjà  pas  très-facile;  mais  en  admettant 
même  cette  explication ,  on  ne  comprendrait  pas  davantage  qu'il  pût 
chanter  trois  notes  à  la  fois.  Il  faut  renoncer  à  comprendre  par  quels 
moyens  cet  effet  se  produit. 

Comme  on  le  voit,  Vivier  n'exécute  guère  de  difficultés  sur  son  instru- 
ment; il  ne  fait  que  des  impossibilités. 

Si  nous  prenons  maintenant  Vivier  comme  compositeur,  il  ne  nous  pa- 
raîtra pas  moins  étrange,  car  ses  compositions  ne  se  rapportent  à  aucune 
catégorie  de  morceaux.  Ce  sont  de  petites  mélodies,  qu'il  chante  en  s'ac- 
compagnant  avec  le  violon  ;  mais  ce  qu'il  chante  n'est  pas  exécuté  avec  la 
voix  telle  qu'on  l'emploie  dans  les  morceaux  de  chant  :  sa  voix  tient  de  l'en- 
rouement ,  du  nasillement ,  de  la  tête,  que  sais-je?  Et  cela  est  charmant 
doux ,  plaintif,  mélancolique  et  d'une  poésie  indicible.  Quelquefois  Vivier 
ajoute  des  paroles  à  ses  mélodies,  elles  n'en  deviennent  que  plus  tou- 
chantes ;  il  en  est  deux  ou  trois  que  je  n'ai  jamais  pu  entendre  sans  pleu- 
rer. Joignez  au  charme  de  ces  mélodies  l'élégance  des  modulations  har- 
moniques les  plus  neuves  et  les  plus  variées,  et  vous  vous  ferez  encore 
difficilement  idée  de  la  perfection  de  ces  petits  morceaux ,  qu'on  ne  peut 
se  lasser  d'entendre.     > 

Pendant  le  dernier  séjour  que  Rossini  fit  à  Paris,  il  n'alla  pas  une  seule 
fois  au  théâtre  et  ne  voulait  entendre  aucune  espèce  de  musique.  Duprez, 
qu'il  ne  connaissait  pas,  avait  été  seul  admis  à  lui  chanter  quelques  pas- 
sages de  Guillaume  Tell.  Je  demandai  un  jour  à  Rossini  la  permission  de 
lui  amener  Vivier.  —  Qu'est-ce  que  c'est  que  cela,  Vivier  ?  —  C'est  un  cor 
qui  chante  et  qui  joue  du  violon.  —  Ça  doit  être  joli.  —  Oui ,  c'est  très- 
joli. —  Vous  m'en  répondez  ?...  Joue-t-il  longtemps?  —  Il  joue  fort  peu 
lorsqu'on  l'en  prie  beaucoup,  et  quelquefois  même  il  ne  joue  pas  du  tout. 
—  Alors,  amenez-le  moi,  je  vous  réponds  que  je  ne  le  tourmenterai  pas. 

Le  lendemain,  Vivier  vint  avec  moi.  Au  bout  d'une  demi-heure  de  con- 
versation ,  pendant  laquelle  Rossini  se  tordait  de  rire  sur  son  fauteuil ,  il 
pria  Vivier  de  lui  faire  entendre  un  petit  morceau  ,  puis  un  second ,  puis 
un  troisième,  et  nous  ne  nous  retirâmes  qu'à  une  heure  du  matin.   Mais 


il  fallut  promettre  de  revenir  le  lendemain,  et  chaque  soir  nous  y  retour- 
nâmes jusqu'au  départ  de  Rossini. 

J'ai  dit  que  Vivier  jouait  de  préférence  pour  les  têtes  couronnées:  aussi 
ne  se  faisait-il  jamais  prier  pour  jouer  devant  Rossini.  Celui-ci  ne  pouvait 
se  lasser  de  l'entendre,  et  moi  je  profitais  de  cette  bonne  fortune,  et  je 
me  surprends  quelquefois  à  être  obligé  de  désirer  qu'un  nouveau  voyage 
de  Rossini  me  procure  encore  l'occasion  de  jouir  du  talent  de  Vivier,  car, 
malgré  ma  liaison  assez  intime  avec  le  célèbre  capricieux,  je  ne  me  rap- 
pelle pas  l'avoir  entendu  plus  d'une  ou  deux  fois  sur  le  cor  depuis  cette 
époque.  Ad.  ADAM  (de  l'Institut). 


NOUVELLES. 

%*  Demain  lundi,  à  l'Opéra,  pour  la  réouverture,  le  Prophète. 

V  La  première  représentation  du  Juiftrrant  a  été  forcément  retardée 
de  huit  jours.  Toutes  les  mesures  prises  par  la  direction  pour  que  ce 
grand  ouvrage  fût  donné  demain  lundi  ont  été  dérangées  par  un  de  ces 
petits  accidents  impossibles  à  conjurer.  La  grippe  s'est  jetée  sur  la  voix 
d'une  cantatrice  et  l'a  réduite  au  silence  dans  l'intérêt  d'une  prompte 
guérison.  Aujourd'hui  que  la  cantatrice  chante  mieux  que  jamais,  une  se- 
maine suffira  amplement  pour  réparer  le  temps  perdu.  C'est  donc  au  lundi, 
19  avril,  que  l'apparition  du  Juif  errant  est  fixée.  En  attendant,  la  renom- 
mée de  l'œuvre  grandit  toujours;  que  sera-ce  quand  le  public  aura  passé 
par  là? 

%*  C'est  seulement  dans  la  journée  de  dimanche  dernier  qu'il  a  été  dé- 
cidé que  l'Opéra  jouerait  le  lendemain  ;  le  spectacle  se  composait  de  Vert- 
Vert  et  de  la  Xacarilla.  Mlle  Dameron  chantait  le  rôle  de  Lazarille,  et  on 
l'y  applaudissait  sous  le  nouveau  costume  qu'elle  porte  fort  gracieuse- 
ment. 

*._*  Mercredi,  la  Favorite  a  été  jouée.  On  croyait  que  Mlle  Courtot  chan- 
terait le  rôle  de  Léonor  pour  son  second  début  ;  mais  c'est  Mlle  Masson, 
qui  s'en  est  chargée  avec  son  talent  ordinaire.  Comme  à  la  précédente 
représentation  du  même  opéra ,  Roger  s'est  montré  admirable  dans  le 
rôle  de  Fernand  :  il  l'a  chanté  de  manière  à  exciter  l'enthousiasme  ;  la 
salle  entière  le  lui  a  prouvé  par  des  bravos  redoublés. 

V  Levasseur,  le  chanteur  célèbre,  qui  a  quitté  l'Opéra  depuis  quel- 
ques mois,  donne  en  ce  moment  des  représentations  à  Brest.  11  y  a  joué 
avec  un  égal  succès  dans  les  Huguenots  et  dans  le  Philtre. 

***  Aujourd'hui  à  l'Opéra  Comique  le  Farfadet,  Madeton  et  la  Fête  du 
villitjP  voisin. 

V  MmeDarcier  avait  remplacé  Mlle  Wertheimber  dans  le  CariUonneur 
di  Bruges,  et  mardi  dernier  ,  c'est  Mlle  Wertheimber  qui  a  remplacé 
Mme  Darcier,  en  reprenant  le  rôle  de  Béatrix,  si  bien  créé  par  elle.  Voilà 
l'effet  des  indispositions  au  théâtre  :  Mme  Darcier  se  trouvant  malade, 
Mlle  Wertheimber  s'est  gracieusement  prêtée  à  la  circonstance,  et, 
comme  il  faut  bien  faire  les  choses,  jamais  elle  n'avait  joué  ni  chanté  avec 
un  talent  si  remarquable.  11  n'est  pas  douteux  que  le  repos,  et  peut-être 
aussi  que  les  études  du  nouveau  rôle  qu'elle  va  créer,  ne  lui  aient  été 
grandement  profitables.  Aussi  l'a-t-on  chaudement  applaudie,  saluée  de 
fleurs,  et  rappelée  avec  Battaille,  Mlle  Félix  Miolan,  Boulo  et  tous  les 
artistes  qui  étaient  de  la  fête. 

%*  L'Opéra-Comique  annonce  pour  mardi  prochain  la  première  repré- 
sentation de  Calathée,  opéra-comique  en  deux  actes,  paroles  de  MM.  Bar- 
bier et  Michel  Carré,  musique  de  M.  V.  Massé.  Mme  Ugalde  jouera  le  rôle 
de  Galathée;  Mlle  Wertheimber  celui  de  Pygmalion;  les  deux  autres  rôles 
seront  remplis  par  Mocker  et  Sainte-Foy. 

V  Le  Farfadet,  de  compagnie  avec  Madelon,  s'établit  de  plus  en  plus 
au  répertoire. 

%*  L'Opéra-Comique  a  fait  relâche  jeudi,  vendredi  et  samedi. 

*/Le  vendredi-saint  il  y  a  eu  relâche  à  tous  les  théâtres  de  la  capitale. 

%*  L'Opéra-National  est  resté  fermé  pendant  toute  la  semaine.  Il 
s'agissait  avant  tout  de  décider  la  question  qui  intéresse  le  plus  l'avenir 
de  ce  théâtre.  Nous  croyons  savoir  que  la  nomination  de  M  Jules  Seveste 
comme  directeur,  est  assurée. 

%.*  Dimanche  dernier,  la  cérémonie  de  la  remise  de  la  barette  à  S.  E. 
le  cardinal  archevêque  de  Bordeaux ,  par  le  prince-président  de  la  Répu- 
blique, a  été  l'occasion  de  l'exécution  d'une  messe  en  musique  dans  la 
chapelle  des  Tuileries.  C'est  M.  Adolphe  Adam  qui  avait  été  chargé  d'im- 
proviser la  partie  musicale  de  la  cérémonie  en  vingt-quatre  heures. 
Comme  il  était  impossible  de  réunir  un  orchestre,  on  l'avait  remplacé  par 
un  orgue  à  percussion  d'Alexandre  et  par  deux  harpes.  Les  choristes, 
dirigés  par  M.  Dietsch ,  étaient  au  nombre  de  36.  Mmes  Laborde  et 
Printemps,  MM.  Dufrêne,  Bussine,  Donzel  et  Nathan  chantaient  lessolos. 
Le  L'iudate  de  la  messe  de  Sainte-Cécile,  de  M.  Adolphe  Adam,  a  été  dit 
par  Aimes  Laborde  et  Printemps;  un  motet  de  M.  Dietsch,  par  Dufrêne  et 
Bussine;  l'Ave  Maria,  de  M.  Dietsch,  par  Mme  Laborde;  l'O  salutaris,  de 
M.  Adolphe  Adam,  par  MM.  Dufrêne,  Donzel,  Bussine  et  Nathan ,  le  Do- 
mine, salvos,  par  MM.  Dufrêne  et  Bussine.  L'effet  général  a  été  des  plus 
satisfaisants  :  le  caractère  religieux  de  l'O  salutaris  a  paru  vivement  im- 
pressionner l'auditoire,  et  l'on  a  trouvé  que  la  sonorité  était  considérable, 
malgré  le  petit  nombre  d'exécutants.  C'est  un  avantage  local ,  mais  aussi 
un  éloge  pour  la  musique  et  les  chanteurs. 

V  Déjà  l'année  dernière  uue  brillante  matinée  musicale  et  dramatique 


118 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


avait  été  donnée  au  profit  de  l'œuvre  des  Saints-Anges,  institution  pieuse, 
qui  ne  se  soutient  que  par  la  bienfaisance,  et  dont  le  but  est  d'élever  de 
jeunes  orphelines  depuis  leur  première  enfance  jusqu'à  21  ans.  Demain 
lundi,  une  autre  matinée,  organisée,  comme  la  première,  par  Mmes  de 
Grammont  et  de  Châteauneuf.  aura  lieu  dans  la  salle  Herz,  à  deux  heures. 
Les  éléments  dont  elle  se  compose  en  garantissent  le  succès.  Henri  Herz, 
qui,  depuis  son  retour  en  Europe,  ne  s'est  fait  entendre  qu'une  seule  fois, 
a  bien  voulu  consentir  a  exécuter  sa  valse  intitulée  :  VEcume  de  mer,  ainsi 
que  sa  polka,  la  Californienne,  qu'il  a  composée  à San-Francisco.  MM.  Pon- 
chard,  Géraldy,  Mme  Taccani-Tasca  se  sont  chargés  de  la  partie  vocale, 
avec  M.  Malézieux,  qui  chantera  ses  plus  nouvelles  chansonnettes.  M.  de 
Cuvillon  exécutera  un  solo  de  violon,  et  le  jeune  René  Franchomme,  cet 
enfant  si  digne  de  son  père,  des  fantaisies  sur  le  violoncelle.  Enfin,  les 
Philosophes  de  vingt  cm?,  ce  charmant  proverbe  de  Mme  Berton,  sera  joué 
par  Mlle  Luther  et  autres  artistes  du  Gymnase.  Les  chœurs  seront  chan- 
tés par  le  choral  de  Paris,  sous  la  direction  de  M.  Philips.  —  Prix  des 
places  :  10  fr.  et  5  fr. 

%*  Voici  le  programme  du  troisième  concert  qui  sera  donné  par  l'As- 
sociation des  Artistes  musiciens,  le  jeudi  15  avril  4852,  à  8  heures  du  soir, 
dans  la  salle  du  Bazar  Bonne-Nouvelle  (ancien  Diorama)  :  1.  22e  Sympho- 
nie (en  sol  mineur)  de  Haydn.  2.  Pater  Nosttr,  de  M.  Georges  Bousquet, 
chsiïté  par  M.  Wartel.  3.  Andante  pour  le  violon,  de  Baillot,  exécuté  par 
M.  Maurin.  Z|.  Air  de  Bénioivsky,  de  Boïeldieu,  chanté  par  Mlle  Rossignon. 
5.  Concerto  de  piano  (en  ré  mineur),  deMozart,  exécuté  par  Mlle  Charlotte 
de  Malleville,  6.  La  Pénitence,  mélodie  religieuse,  de  Beethoven,  chantée 
par  M.  Wartel.  7.  Ouverture  de  Slratonice,  deMéhul. 

*s*  Le  concert-spirituel  de  bienfaisance  donné  le  jeudi-saint  par  l'As- 
sociation des  Artistes  industriels  au  Jardin-d'Hiver,  a  été  remarquable 
d'exécution.  Les  musiques  de  plusieurs  régiments  d'infanterie  et  de  ca- 
valerie, sous  l'habile  direction  de  M.  Klozé,  ont  fait  grand  plaisir  dans  les 
morceaux  suivants  de  la  messe  d'Adolphe  Adam  :  h'tjrie,  Credo,  Agnus  et 
Sanclus.  Mme  Montigny  a  dit  avec  un  sentiment  parfait  YAvè  Maria  de  F. 
Schlosser.  La  partie  de  basse-taille  était  chantée  par  l'auteur  lui-même, 
dont  la  voix  bien  timbrée  a  produit  le  meilleur  effet.  Les  applaudisse- 
ments de  l'auditoire  ont  dû  prouver  à  ce  jeune  compositeur-chanteur 
qu'il  peut  se  faire  entendre  sans  aucune  crainte.  Les  chœurs,  composés  des 
membres  de  plusieurs  sociétés  chorales,  ont  exécuté  avec  un  ensemble 
bien  remarquable,  sous  le  bâton  démesure  que  M.  E.  Delaporte  tient  par- 
faitement, plusieurs  morceaux  et  notamment  le  Gloria  de  Laurent  de 
Bille.  Le  lendemain,  vendredi  saint,  une  autre  solennité  du  même  genre 
s'est  encore  accomplie  avec  plus  d'ensemble  et  de  succès. 

%*  Nous  nous  empressons  d'annoncer  que  le  concert  de  Mlle  Graever 
aura  lieu  lé  20  de  ce  mois,  dans  la  salle  Herz.  Avant  cette  époque,  l'ex- 
cellente pianiste  se  fera  entendre  dans  un  concert  donné  par  M.  Ma- 
libran. 

*,*  Mme  Hennelle,  la  cantatrice  si  distinguée  et  si  renommée  pour  son 
talent  de  professora,  donnera  son  concert  annuel  samedi  prochain,  17  avril, 
dans  les  salons  de  Pleyel,  rue  llochechouart. 

*s*  Samedi,  17  avril,  à  8  heures  du  soir,  salle  Sainte-Cécile,  aura  lieu  le 
concert  donné  par  Mme  L.  Farrenc,  professeur  au  Conservatoire.  On  y 
entendra  pour  la  partie  vocale  :  Mlle  Favel ,  de  l'Opéra-Comique,  et 
M.  Alexis  Dupond  ;  pour  la  partie  instrumentale:  Mme  L.  Farrenc,  piano; 
M.  Maurin,  violon;  M.  Mas,  alto  ;  M.  Chevillard,  violoncelle;  M.  Gouffé^ 
contrebasse;  M.  Leroy,  clarinette.— Prix  des  billets  :  6  fr.  On  peut  s'en 
procurer  chez  Mme  Farrenc ,  rue  Taitbout,  10. 

V  L'organiste  de  l'église  Sainte-Valère,  M.  J.  Ganuza,  y  a  fait  en- 
tendre, le  vendredi-saint,  un  oratorio  de.  sa  composition.  Le  texte  n'est 
autre  chose  que  la  paraphrase  en  vers  français  des  sept  dernières  paroles 
du  Christ.  Quoique  l'exécution  des  solos  et  des  chœurs  ait  laissé  beau- 
coup à  désirer,  l'auditoire  a  parfaitement  apprécié  le  remarquable  mérite 
de  l'œuvre  du  jeune  artiste.  Elle  se  distingue  par  une  mélodie  facile, 
abondante,  gracieuse,  par  une  harmonie  élégante  et  correcte,  enfin  par 
des  effets  de  style  expressif  bien  sentis.  Cette  partition,  qui  ne  renferme 
pas  moins  de  neuf  morceaux,  presque  tous  développés,  promet  un  com- 
positeur d'avenir. 

%*  Par  une  décision  en  date  du  23  mars  dernier,  le  prince  Jérôme 
Bonaparte  a  nommé  organiste  du  Sénat,  M.  Edmond  Hocmelle,  lauréat 
du  Conservatoire,  et  qui  avait  obtenu  au  concours  la  place  d'organiste  de 
l'église  des  Invalides  et  de  celle  de  Saint-Thomas-d'Aquin.  M.  Edmond 
Hocmelle  conserve  ses  fonctions  auprès  de  cette  dernière  église. 

%*  M.  Blumenthal,  l'excellent  pianiste  et  compositeur,  vient  de  passer 
par  Paris  pour  se  rendre  à  Londres,  où  il  se  propose  de  rester  pendant  la 
saison  d'été. 

*4*  Si  la  justice  est  due  à  tout  le  monde,  elle  l'est  surtout  aux  enfants. 
C'est  donc  avec  un  grand  plaisir  que  nous  rectifions  une  erreur  commise 
à  l'égard  du  jeune  violoniste,  Paul  Julien,  il  est  si  peu  exact  que  l'artiste 
précoce  joue  toujours  les  mêmes  morceaux,  que  précisément  dans  le 
concert  dont  ce  journal  a  rendu  compte,  il  jouait  pour  la  première  fois 
un  quatuor  de  Beethoven,  et  le  7e  concerto  de  Rode.  Erreur  n'est  pas 
faute,  lorsqu'elle  échappe  sans  préméditation. 

***  Le  concert  annuel  de  M.  Géraldy  aura  lieu  le  27  avril  à  S  heures  du 
soir,  dans  la  salle  Pleyel.  Nous  donnerons  dans  notre  prochain  numéro 
le  programme  de  cet  intéressant  concert. 

"V  M.  Emile  Albert,  pianiste,  doit  donner  un  concert  le  15  avril,  à  8 
heures  1/2  du  soir,  dans  la  salle  Pleyel,  20,  rue  Rochechouart. 


V  Le  dernier  concert  de  M.  Léopold  de  Meyer  aura  lieu  le  19  avril, 
dans  la  salle  Herz.  Le  célèbre  pianiste  exécutera,  pour  la  première 
fois,  une  grande  fantaisie  sur  le  Prophète,  de  sa  composition,  puis  son 
Souvenir  d'Italie  qui  paraîtra  très  prochainement. 

V  M'le  Marie  Galtier,  jeune  pianiste  âgée  de  six  ans,  vient  d'arriver  à 
Paris.  Nous  saurons  bientôt  à  quoi  nous  en  tenir  sur  le  compte  de  cette 
petite  merveille. 

%*  Le  cinquième  concert  du  Cercle  musical  aura  lieu  dimanche 
18  avril,  avec  le  concours  de  trois  artistes  remarquables,  la  petite  violon- 
niste  Camille  Urso,  Mlle  Graever  et  Mlle  Molidoff'.  Mlle  Urso  exécutera  la 
fantaisie  d'Artot,  Souvenirs  de  Bellini;  Mlle  Graever  jouera  le  concerto  en 
la  mineur,  de  Hummel,  avec  orchestre,  et  Mlle  Molidoff  chantera  deux 
airs  italiens.  M.  Malibran  fera  entendre  son  ouverture  d'Hainlet,  encore 
inédite  à  Paris,  et  le  nocturne  de  Spohr,  pour  instruments  à  vent,  rede- 
mandé par  tous  les  amateurs  de  bonne  musique. 

*„*  Le  concert  de  Mlle  Joséphine  Martin  aura  lieu  le  16  avril,  salle 
Pleyel,  à  8  heures  du  soir,  avec  le  concours  de  M.  etMme  Lefébure-Welly, 
de  MM.  Offenbach,  Lecieux,  Balanqué,  de  l'Opéra-National  et  Lamazou. 

%*  Nous  voudrions  pouvoir  transcrire  entièrement  le  programme  d'une 
séance  musicale  dont  la  salle  Sax  a  été  le  théâtre  vendredi  dernier.  Voici 
du  moins  le  commencement  de  cette  pièce  vraiment  curieuse  :  «  Con- 
»  cert-défi  donné  à  tous  les  violons  et  tous  les  pianistes,  pour  la  puissance  et 
»  la  pureté  de  son,  l'énergie,  l'expression  et  le  goût,  par  M.  Corail.  Ilest  par- 
»  venu,  à  faire  chanter  le  violon  et  le  piano  avec  un  fini  et  un  charme  que  la 
»  voix  humaine  ne  saurait  égaler.  Avant  de  commencer  chaque  morcea'i  , 
»  M.  Corail  ftra  une  courte  explication....  »  Cette  explication  devait  dis- 
penser de  tout  commentaire. 

*t*  M.  Provini,  le  nouveau  directeur  du  théâtre  de  Marseille,  est  en  ce 
moment  à  Paris  pour  compléter  sa  troupe,  qui  se  compose  déjà  d'artistes 
de  premier  ordre,  tels  que  Mme  Charton  et  Mlle  Lafont, 

%*  Nous  croyons  devoir  signaler,  à  l'approche  du  mois  de  mai,  le  re- 
cueil de  motets  intitulé  Mois  de  Marie,  de  Saint-Philippe,  composé  par 
A.  Adam.  Ces  chants  sacrés  seront  exécutés  dans  toutes  les  églises  de 
Paris. 

%*  Le  dimanche  18  avril,  à  2  heures,  dans  la  salle  Herz,  aura  lieu  le 
concert  des  frères  Lionnet,  conscrits  de  la  classe  de  1851.  On  entendra, 
pour  la  partie  sérieuse  :  Gueymard,  Géraldy,  Goria,  E.  Nathan,  Lionnet 
frères;  Mlles  Nau  et  Montigny.  Pour  la  partie  comique  :  MM.  Levassor, 
Ravel,  Sainville,  Grassot,  Achard,  Hyacinthe,  Amant,  Lhéritier,  Michel, 
Pellerin,  Kalekaire  et  Augustin.  Nos  premiers  peintres  et  sculpteurs, 
voulant  donner  un  témoignage  de  sympathie  aux  jeunes  bénéficiaires,  ont 
organisé  pour  eux  une  tombola  composée  de  lots  offerts  par  les  artistes 
dont  les  noms  suivent  :  MM.  Ary  Scheffer,  Diaz,  Couture,  Henri  Scheffer, 
Pradier,  Eugène  Cicéri,  Rousseau,  Mélingue,  Duran-Brager,  Morel-Fatio, 
Cli.  deLuna,  Jong-Kind,  etc.,  etc. 

***  Voici  une  lettre  qui  fait  trop  d'honneur  au  caractère  d'un  artiste 
pour  que  nous  ne  cédions  au  plaisir  de  l'insérer.  Elle  est  adressée  à 
M.  Gartner,  chef  de  musique  au  Ue  régiment  d'infanterie  de  ligne,  par 
M.  Brunell,  président  de  l'association  musicale  de  Lille  :  —  «  Monsieur, 
Votre  régiment  change  de  garnison,  et  l'Association  musicale  perd  en 
vous  un  de  ses  auxiliaires  les  plus  dévoués.  Avant  votre  départ  l'Associa- 
tion a  un  compte  à  régler  avec  vous.  Les  services  rendus  par  votre  ta- 
lent, chacun  de  nous  les  connaît  et  les  apprécie;  mais  vous  avez  essayé 
de  nous  cacher  quelque  chose  qui  vaut  mieux  encore.  Depuis  cinq  mois, 
un  pauvre  artiste  de  Lille  est  enchaîné  sur  un  lit  de  douleur;  il  ne  peut 
plus  faire  son  service;  il  est  forcé  de  chômer,  et  le  chômage,  pour  lui, 
ce  devait  être  la  misère,  la  faim...  Depuis  cinq  mois  aussi,  vous  allez, 
chaque  soir,  prendre  la  place  de  l'absent  à  son  pupitre,  soit  chez  nous, 
soit  au  théâtre,  et  le  malade  touche  ses  appointement  tout  entiers,  et 
sa  femme  et  son  enfant  ne  manquent  de  rien...  Là  dessus,  vous  alliez 
nous  quitter,  comme  si  de  rien  n'était.  Ah!  monsieur,  vous  deviez  bien 
penser  qu'entre  l'Association  musicale  de  Lille  et  vous,  cela  ne  se  passerait 
point  ainsi...  L'Association  veut,  au  contraire,  vous  signaler  hautement 
à  l'estime  publique  et  à  l'affection  de  vos  camarades.  Elle  m'a  chargé  de 
vous  offrir  une  médaille  d'honneur  qui  vous  est  décernée  par  le  vote 
unanime  de  notre  commission  administrative.  Emportez  cette  médaille, 
Monsieur,  comme  un  bon  souvenir  des  artistes  lillois;  elle  doit  être 
pour  vous  un  titre  précieux,  car  elle  rappelle  à  la  fois  ce  que  vous  va- 
lez par  le  talent,  ce  que  vous  valez  par  le  cœur.  » 

*,*  En  exécution  de  diverses  délibérations  du  Conseil  académique  delà 
Seine  et  de  la  Commission  municipale,  il  sera  procédé,  dans  le  cours  du 
mois  de  mai  prochain ,  à  la  réorganisation  du  service  de  l'enseignement 
musical  dans  les  écoles  communales  primaires  de  Paris.  Les  maîtres  de 
chant  chargés  d'enseigner  dans  les  écoles  seront  désormais  nommés , 
comme  les  autres  instituteurs,  par  le  recteur,  le  Conseil  municip'al  en- 
tendu, sur  une  liste  d'admissibilité  dressée  par  le  Conseil  académique. 
Pour  être  porté  sur  la  liste  d'admissibilité,  il  faut:  1"  être  âgé  de  vingt  et 
un  ans  au  moins,  de  trente-cinq  ans  au  plus ,  à  moins  qu'on  ne  soit  déjà 
répétiteur  de  chant  dans  les  écoles  communales  ;  2°  offrir  toutes  les  ga- 
ranties de  moralité  désirables  ;  3"  présenter  un  certificat  spécial  d'aptitude 
délivré  par  une  commission  instituée  à  cet  effet.  Cette  commission,  sié- 
geant à  l'Hôtel-de-Ville,  commencera  les  examens  le  3  mai  prochain.  Les 
candidats  sont  invités  à  se  faire  inscrire  à  la  Sorbonne,  au  secrétariat  de 
l'Académie,  où  il  leur  sera  donné  communication  du  programme  d'examen 
dont  voici  la  teneur  : 


DE  PARIS. 


11» 


Programme  d'examen  pour  le  certificat  d'aptitude  aux  fonctions  d'instituteur 

spécial  pour  l'enseignement  du,  chant  dans  les  écoles  communales  primaires 

de  la  ville  de  Paris. 

\il.  I'1.  Questions  sur  les  éléments  do  la  partie  obligatoire  do  l'instruc- 
tion primaire,  toile  qu'ello  est  indiquée  par  l'art.  23  de  la  loi  organique  du 
15  mars  1850  (pour  les  candidats  qui  ne  sont  point  actuellement  répéti- 
teurs de  chant  dans  les  écoles  communales). 

Art.  2.  Chant  à  première  vue  d'une  leçon  de  solfège  sur  la  clef  de  soi  ou 
de  fa,  au  choix  du  candidat.  (1"  épreuve  de  solfège.) 

Art.  3.  La  lecturo  sur  les  cinq  clefs  en  usage.  (2°  épreuve  de  solfège.) 

Art.  U-  Transposition  solfiée  à  première  vue.  (3°  épreuve  de  solfège.) 

Art.  5.  Dictée  musicale. 

Art.  6.  Interrogations  sur  les  principes  généraux  de  la  musique,  tels 
que  le  rhythme,  les  intervalles,  la  tonalité. 

Art.  7.  Réalisation  écrite  à  quatre  parties  et  avec  des  valeurs  égales 
de  l'harmonie  indiquée  par  une  basse  chiffrée.  (Accord  parfait  et  accord 
de  septième  dominante  avec  leurs  renversements.) 

Il1  sera  tenu  compte  aux  candidats  de  la  réalisation  à  vue  sur  le  piano 
de  l'harmonie  (en  valeurs  égales)  d'une  seconde  basse  chiffrée.  (Mêmes 
accords.) 

Art.  8.  Interrogations  sur  les  divers  procédés  de  la  Méthode  B.  Wilhem. 

Art.  9.  Leçon  théorique  et  pratique  professée  par  le  candidat,  en  pré- 
sence de  la  commission,  dans  une  école  communale  désignée  à  cet  effet. 

Art.  10.  Les  observations  du  professeur  candidat  devront  porter,  selon 
qu'il  y  aura  lieu,  sur  l'intonation,  la  mesure,  l'émission  de  la  voix,  la  pro- 
nonciation et  la  respiration. 

Art.  11.  Epreuve  théorique  et  pratique  sur  les  éléments  du  plain-chant 
selon  la  méthode  B.  Wilhem. 

CRON1QUE   DÉPARTEMENTALE. 

%*  Lille.  —  L'association  musicale  de  cette  ville  organise  en  ce  mo- 
ment un  grand  concours  de  chant  d'ensemble  auquel  sont  conviées  les 
Sociétés  chorales  de  la  France,  de  la  Belgique  et  de  l'Allemagne.  Cette 
solennité  artistique  aura  lieu  le  20  juin  prochain.  La  ville  de  Lille,  assise 
sur  l'extrême  frontière,  au  confluent  des  chemins  de  fer  européens,  est, 
par  sa  position  même,  le  théâtre  naturel  où  les  nations  qui  nous  entourent 
se  donneront  cordialement  la  main.  L'association  musicale  ne  négligera 
rien  pour  rendre  cette  fête  digne  des  Sociétés  qui  répondront  à  son  appel, 
et  en  même  temps  pour  conserver  à  la  cité  la  réputation  qu'elle  a  acquise 
depuis  longtemps  et  qu'elle  tient  à  honneur  de  conserver.  On  se  rap- 
pelle encore  le  festival  de  1851  ;  cette  fois  encore  notre  ville  ne  veut  pas 
rester  en  arrière  des  nations  voisines,  la  Belgique  et  l'Allemagne,  et  à 
l'exemple  de  ces  deux  pays,  elle  veut  donner  à  ses  populations  le  spec- 
tacle nouveau  pour  elles  d'un  grand  concours  de  chant  d'ensemble.  L'as- 
sociation musicale  a  chargé  M.  Ferdinand  Lavainne  de  composer  un  chœur 
pour  voix  d'hommes  qui  sera  exécuté  par  une  réunion  choisie  de  cent 
cinquante  chanteurs,  et  qui  servira  d'ouverture  à  cette  fête  toute  artis- 
tique. 

%*  Nancy.  —  C'est  samedi  20  mars  que  la  Société  philharmonique  de 
cette  ville  inaugurait  sa  dixième  année  d'existence.  Elle  avait  fait  appel 
au  talent  d'Alexis  Dupond,  secondé  par  de  jeunes  artistes  dans  cette 
belle  solennité  artistique,  à  laquelle  assistait  la  plus  brillante  société  de 
Nancy  et  Mgr  Pévêque  de  cette  ville.  VAve  Maria,  de  Miné;  plusieurs 
mélodies  de  Schubert,  et  V.  Massé,  Reber  ;  surtout  le  duo  de  la  Nuit 
de  No'él,  de  ce  dernier,  ont  été  les  morceaux  les  plus  applaudis. 

%*  Strasbourg,  6  avril.  —  Le  Prophète  a  continué  sa  marche  triom- 
phale; la  dernière  représentation  avant  la  clôture  a  eu  lieu  dimanche  au 
milieu  d'un  concours  immense.  Elle  se  composait  de  deux  actes  du  Caïd, 
d'un  acte  de  Charles  VI  et  des  trois  derniers  actes  du  Prophète.  Les  hon- 
neurs de  cette  brillante  soirée  reviennent  incontestablement  à  Mlle  So- 
phie Méquillet,  d'abord  dans  le  rûle  d'Odette  qu'elle  a  interprété  d'une 
manière  délicieuse,  et  ensuite  dans  celui  de  Fidès,  qu'elle  a  chanté  et 
oué  en  grande  tragédienne.  Applaudissements,  rappels  et  bouquets, 
rien  n'a  manqué  à  son  triomphe.  Rappelée  de  nouveau  à  la  chute  du 


rideau,  l'éminente  artiste  a  été  l'objet  d'une  nouvelle  ovation;  elle  a 
reparu,  accompagnée  de  Mme  Montaubry  (Berthe),  et  du  ténor,  M.  Tous- 
saint, aux  applaudissements  de  la  salle  entière. 

CHRONIQUE     ÉTRANGÈRE. 

V  Berlin.  —  Meyerbeer  a  écrit  une  cantate  pour  la  célébration  du 
vingt-cinquième  anniversaire  du  mariage  du  prince  Charles  de  Prusse. 
Cette  nouvelle  composition  du  grand  maître  sera  exécutée  pendant  le 
séjour  de  l'impératrice  de  Russie.  —  La  Société  philharmonique  a  donné 
son  dernier  concert,  le  1k,  sous  la  direction  de  M.  Léopold  Oanz.  —  Au 
collège  Frédéric-Guillaume ,  les  élèves  de  la  première  classe  ont  repré- 
senté la  tragédie  A'Anligone  en  langue  grecque,  avec  les  chœurs  de  Men- 
delssohn.  — Le  théâtre  Friedrich-Wilhemstadt  a  donné  avec  beaucoup  de 
succès  la  Fille  du  Régiment.  Les  honneurs  de  la  soirée  ont  été  pour 
Mme  Rudersdorfï,  qui,  dans  le  rôle  principal,  s'est  placée  au  rang  des 
premières  cantatrices.  —  On  a  mis  à  l'étude  la  Poupée  de  Nuremberg,  qu; 
sera  jouée  dans  la  semaine  après  Pâques.  —  M.  Dupont ,  pianiste  belge 
d'un  très-grand  talent,  a  joué  à,  un  concert  de  la  Cour. 

*„.*  Zurich.  —  Le  célèbre  violoniste  Ernst  s'est  fait  entendre  avec  le  plus 
grand  succès.  Presque  toutes  les  villes  dé*  la  Suisse  le  réclament  et  lui 
demandent  des  concerts. 

*j*  La  Haye,  2  avril.  —  Le  théâtre  royal  français,  qui  a  été  fermé  pen- 
dant plus  de  quatre  mois,  a  fait  hier  sa  réouverture  par  la  représentation 
du  Roi  de  Bohême,  opéra  en  trois  actes,  de  M.  de  Saint-Georges,  et  dont  la 
musique,  due  à  M.  Lazare  Martin,  a  été  couronnée  au  concours  de  l'année 
dernière.  Cette  représentation  avait  rempli  la  salle.  L'avenir  du  théâtre 
français,  auquel  le  gouvernement  a  accordé  une  forte  subvention  ,  est 
maintenant  assuré. 

*Ht*  Vienne.  —  Les  concerts  se  suivent  ici  sans  interruption.  Dans  le 
nombre  nous  citerons  le  concert  donné  au  profit  du  fonds  de  l'hospice 
civil ,  dans  la  salle  des  Redoutes  :  on  y  a  entendu  l'ouverture  de  Slruen- 
sée,  par  Meyerbeer,  et  divers  morceaux  de  chant  exécutés  partîmes  Mar- 
ray  et  Médori  et  MM.  Fraschini  et  Scapini. 

***  Prague.  —  Mme  Sontag  a  été  nommée  membre  honoraire  de  l'Aca- 
démie Sophie;  le  diplôme  lui  a  été  remis  par  le  directeur  de  l'Académie, 
M.  Vogl  et  M.  de  Weyrother,  secrétaire. 

*.t*  Brunn.  —  Le  Prophète,  de  Meyerbeer,  a  été  représenté  ici  avec  une 
magnificence  de  décors  et  de  costumes  qu'on  n'avait  point  vue  encore  à 
notre  théâtre. 

%*  Dresde.  Le  dimanche  des  Rameaux  on  a  exécuté  ici  un  oratorio 
nouveau,  intitulé  :  David,  par  M.  Reissiger. 

*„*  Francfort.  —  Mme  Gundi  a  commencé  ses  représentations  à  notre 
théâtre  par  le  rôle  de  Fides. 

*„.*  Kœnigsberg.  —  La  troupe  italienne ,  composée  de  Mmes  Persiani  et 
Demi  et  de  MM.  Tamburini,  Pezzolini,  Rossi  et  Denis,  a  donné  jusqu'ici 
trois  représentations,  qui  ont  été  très-suivies,  quoique  les  prix  des  places 
eussent  été  doublés.  —  Le  pianiste  Decker  a  écrit  un  opéra  nouveau  :  la 
Comtesse  de  Toulouse,  qui  doit  être  représenté  incessamment. 

*„*  Constantinople,  là  février.  —  Le  théâtre  est  maintenant  en  bonne 
veine.  Le  second  concert  du  jeune  violoniste,  Horace  Poussard,  a  été  pour 
lui  et  pour  le  directeur  un  second  succès.  M.  Horace  Poussard  a  joué  une 
fantaisie  sur  Charles  Vf,  une  fantaisie  sur  la  Lucie,  une  romance,  et  le 
Souvenir  d'Amérique,  de  Vieuxtemps.  11  a  dû  répéter  ce  morceau  au  milieu 
des  applaudissements  enthousiastes  du  public.  M.  Horace  Poussard  don- 
nera encore  un  concert  assez  prochainement,  et  cette  soirée  ,  nous  en 
sommes  persuadé,  ne  sera  pas  moins  brillante  que  les  précédentes.  Bien- 
tôt le  violoniste  retournera  en  France  ;  il  pourra  dire  qu'il  a  trouvé  à 
Constantinople,  au  milieu  des  merveilles  de  la  nature  orientale ,  une  so- 
ciété semblable,  chose  étonnante,  aux  meilleures  sociétés  d'Europe,  un 
théâtre  comme  tous  les  théâtres ,  et  un  public  capable  d'apprécier  l'art 
et  les  bons  artistes. 


Le  gérant  :  Ernest  DESCHAMPS. 


En  vente,  chez  COLOMBIER,  éditeur,  rue  Vivienne,  6, 


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Opéra-comique  en  3  actes,  paroles  de  M.  DE  SAIHIT-GEOIMïES,  musique  de 


ALBERT 


Ouverture  et  morceaux  de  chant  détachés,  avec  accompagnement  de  piano  ;  deux  quadrilles,  par  MUSARD.  —  Polka-mazurka  et  schottiche,  par 
PASDELOUP.  —  Valse,  par  ETTLING.  —  Polka,  par  HENRION.  —  Morceau  pour  piano  et  violon,  parN.  LOUIS.  —  Morceaux  pour  le  piano, 
par  DUVERNOY  et  LECARPENTIER. 

POUR  PARAITRE  PROCEIAI\ENE%T  : 

Partition  d'orchestre  et  parties  séparées,  partition  pour  piano  et  chant  et  pour  piano  solo,  morceaux  de  piano, 
Par  Rosellen,  Ascher,  Burgmuller  et  Lefebure-Wely. 


120 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS. 


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L'ouverture  pour  piano  seul  :   55  fr. —  Ouverture  à  grand  orchestre  :    18  l'r. 

Wlffi  QWAHMMEi¥jM  et  ÏÏTNffî   TAW^M  de  MÏÏJ&AMM». 
REDOWA  par  PASDELOUP.  —  SCIIOTTISCH  et  POLKA  par  PILODO. 


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3  6(5.  Le  même  transposé  pour  ténor 4  50 

4.  BBuo  chanté  par  M.  Jourdan  et  Mlle  Lemercier:  «  Que  tapeur  est 
imbécile  !» 


2.  Couplets   en   dsio   chantés   par  Mlles   Lemercier  et  Talmont  : 

«  Il  me  cajolait,  il  me  câlinait,  etc.  » 3    » 

2  bis.  Les  mêmes  arrangés  à  une  voix 2  50 

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Dédiés  à  Sa  Majesté  très  fidèle  Dona  Maria  da  Gloria,  reine  de  Portugal, 


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N°  1.  Ave  Maria,  hymne  à  la  Vierge,  pour  soprano  et  accompagnement  de 

hautbois,  ad  lib S     » 

2.  Ave  Maria,  solo  pour  contralto 3     » 

3.  Ave  Maria,  duo  pour  soprano  et  contralto,  avec  accompagnement  de 

hautbois,  ad  lib 4  50 


N°  4.  Ave  veruji,  solo  pour  soprano 2  50 

5.  Ave  regina  coelorcm,  duo  ponr  soprauo  et  mezzo  soprano 3  75 

6.  Inviolata,  duo  pour  soprano  et  mezzo  soprano 3  75 

7.  O  salutaris,  pour  soprano 3     » 

8.  Ave  maris  Stella,  duo  pour  soprano  et  mezzo  soprano 5    » 


CHEZ    J.    BENACCI-PESCHIER 


Mitlitewr, 

S.  THAEBERK.  Op.  65.  Tarentelle 7 

—  Op.  06.  Elisire  d'amore,  variation  caprice 9 

A.  FCMAftiAB^Bja.  Op.  61  bis.  Casta  Diva,  étude  pour  la  main  gauche.  6 

—  Op.  76.  Laura,  polonaise  brillante 9 

Op.  83.  Danse  des  Sylphes,  rondo  brillant.   ...  9 

—  Op.  85.   Nocturne  élégant  en  .si 6 

A.   «SAEIi.    Op.  14  Danse  des  Sylphes,  fantaisie  élégante  (moyenne  force)  7 

«I.-B.   DVVliRKOV.   Op.  141.  Fantaisie  italienne 5 

—  Op.  142.  Les  deux  Sœurs,  2  fantaisies,  chaque..  5 
Op.  144.  Fiorentona,  fantaisie  élégante  ....  6 

—  Op.  158.  Deux  fantaisies  sur  la. Soiinambula, ch.  6 

—  Op.  203.  Danse  des  Sylphes  (facile) 6 

R.  MIJl.BiEIt.  Op.   12.  La  Cascade,  étude  dédiée  à  Mme  Pleyel 6 

—  Op.  12  bis  La  Styrienne 6 

—  OP-  19.  Cécilia,  mazurka,  caprice 7 

A.    GORIA.   Op.  59.  La  Campanella,  mélodie,  étude 6 

11.  COTSCU4LK.  La  mélancolie,  étude  d'après  J.   Godefroid  ....  6 

I>.   HESSE1IAECKEK.  Op.  67.  Oréa,  polka 3 

—  Op.  68.  Le  Boucanier,  rondog-alop 6 

—  Op.  69.  Frasquita,  polka-mazurka 6 


,  rue  MjttffitSe. 

©.  COHETIASÏ.  La  Vision,  polka-mazurka 

Gasilda,  fantaisie  facile  pour  les  petites  mains  .    . 

A.  FOUET,  Les  Willis,  polka-mazurkas,  schottisch,  valses 

BABBIEIS.  Op.  5.  Polka-mazurka 

SE  ARC.    Les  Brises  du  Nord,  six  polkas-mazurkas 

—  Bertrand  Duguesclin,  quadrille  pour  piano  et- à  4  mains 

—  La  Fête  des  Fous,  ,       —  —  

CH.  BUPART.  Don  Juan,  

4J.  C-tRUIiHil.  Op.  11.  Vingt-cinq  études  progressives 

F.  FERE5ARIS.  Harmonies   poétiques,  quarante-trois   études    pour   le 

piano  en  trois  livres,  chaque 

SIESiBEBjSWOHSI-BASI'ffH.OB.i»'.  Op.  57.  Six  mélodies  pour  piano 
seul,  transposées  par  St.  Heller 

—  Op.  61.  Scherzo  sur  le  Rêne  d'une  mi'l  d'été,  a  4  mains,  par  l'auteur 

—  Op.  61  bis.  Nocturne  et.  marche  sur  le  Rêve  d'une  nuit  d'été,  à  4 
mains,  par  l'auteur  .       

E.  MECiVWI.  Le  vieux  Forban,  ballade  pour  voix  de  baryton 

—  L'Ange)  us  du  Pâtre,  mélodie  pour  ténor  ou  mezzo  soprano 
II.  nOKllLliEV.  Semiramide,  fantaisie  et  variations  brillantes  .... 

F.  EBisKT.  Elégie  sur  une  mélodie  de  Sorriano  {Feuille  morte) 

—  Grande  fantaisie  sur  une  mélodie  de  Lespine 


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I.KIli.ll 


S;,s-rlli 


REVUE 


Le  Journal  paraît  le  Dimanche. 


GAZETTE  MUSICALE 


91    PAUÏS 


SOMMAIRE.  —  Théâtre  do  l'Opéra-Comique,  Galathée,  opéra-comique  en  deux 
actes  (1'"  représentation),  par  Henri  H6l;i  n<li«r<(.  —  Auditions  musicales, 
par  le  même.  —  Statue  de  Lesueur.  —  Almanach  des  spectacles  pour  1852.  — 
Correspondance,  Liège.  —  Nouvelles  et  annonces. 


THEATRE  DE  L'OPERA-COMIQUE. 

«Ali  ATHEE. 

Opéra-comique  en  deux  actes,  paroles  de  MM.  Jules  Barbier  et 

Michel  Carré,  musique  de  M.  Victor  Massé. 

(Première  représentation,  lh  avril.) 

Heureux  et  simple  que  j'étais  !  Pauvre  et  religieux  ami  de  l'art  qui 
croyais  à  sa  grandeur,  à  sa  puissance,  à  son  apothéose  !  Sur  la  foi  de  l'an- 
tiquité, qui  me  l'avait  enseigné  dans  un  de  ses  plus  délicieux  symboles, 
sur  la  foi  de  Jean-Jacques  Rousseau  etde  sa  prose  éloquente,  plus  chaude 
encore  que  la  poésie  d'Ovide,  je  me  flattais  que  la  beauté  physique  était 
voisine  de  la  beauté  morale.  Je  m'enivrais  de  l'idée  qu'une  admirable 
statue  pouvait  devenir  une  femme  adorable.  Eh  bien  !  je  vivais  sur  une 
illusion  ;  je  me  perdais  dans  les  chimères  ;  les  auteurs  de  Galathée  vien- 
nent de  me  le  prouver.  Le  Pygmalion  de  Jean-Jacques  Rousseau  avait 
dit,  dans  son  extase  :  «  Que  l'âme  faite  pour  animer  un  tel  corps  doit 
»  être  belle  !  »  Tout  au  contraire,  les  auteurs  de  Galathée  ont  dit  : 
»  Cette  âme  doit  être  laide,  vile  et  mesquine.  Une  statue  qui  reçoit  la 
»  vie  ne  doit  avoir  que  des  instincts  légers,  que  des  passions  igno- 
»  blés  ;  elle  ne  doit  aimer  que  la  toilette,  les  fleurs  et  le  vin;  elle  doit 
»  préférer  l'esclave  au  maître,  le  grossier  et  indolent  Ganymède  au 
»  délicat  et  ardent  Pygmalion  ;  elle  doit  renier  l'auteur  de  ses  char- 
»  mes,  et  le  remplir  d'indignation  ,  à  tel  point  qu'il  demande  à  Vénus 
»  de  repétrifier  l'œuvre  de  ses  mains.  •>  Et  pourquoi  cela  ?  Sans  doute 
parce  qu'une  statue  n'est  que  de  la  matière  ;  mais  l'étincelle  divine 
que  le  ciel  lui  envoie,  et  cette  étincelle  c'est  l'âme,  vous  la  comptez 
donc  pour  rien  ? 

Entre  la  Galathée  antique  et  la  Galathée  moderne,  telle  que  MM.  Jules 
Barbier  et  Michel  Carré  nous  l'ont  faite,  il  n'y  a  pas  à  hésiter.  L'une 
est  l'idéal ,  la  poésie  ;  l'autre  est  ce  qu'il  y  a  au  monde  de  plus  repous- 
sant. C'est  une  insulte  jetée  à  l'art,  en  la  personne  d'un  glorieux  artiste. 
Encore  si  Pygmalion  était  difforme  et  vieux,  et  que  son  esclave  ou  son 
élève  fût  gracieux  et  jeune  !  Encore  si  les  amis  de  Pygmalion,  pour  le 
sauver  d'une  passion  funeste,  eussent  imaginé  de  lui  lancer  une  lorette 
bien  éhontée,  en  lui  persuadant  que  c'est  sa  statue!  Dans  la  fable  de 
La  Fontaine,  on  conçoit  très-bien  qu'une  châtie  métamorphosée  en 
femme  conserve  ses  appétits  ,  ses  fantaisies  et  ses  griffes  de  chatte  ; 
mais,  pour  l'amour  de  Dieu,  quelle  conclusion  logique  pouvez-vous 
tirer  d'un  chef-d'œuvre  de  l'art  à  une  hideuse  femelle  ?  et  votre  Gala- 


thée n'est  que  cela.  En  un  mot,  vous  avez  pris  un  beau  vase  d'albâtre, 
et  vous  l'avez  condamné  à  un  usage  que  je  m'abstiendrai  de  nommer. 

Sur  ce  canevas  de  fantaisie,  le  compositeur  a  fait  plus  que  de  la  fan- 
taisie :  il  a  cherché  de  nouvelles  formes,  de  l'originalité,  et  il  l'a  sou- 
vent trouvée.  Son  ouverture  est  largement  développée,  et  porte  bien 
le  caractère  de  préface  que  doit  avoir  toute  ouverture  d'opéra.  Dès  le 
commencement  se  fait  entendre  un  soli  de  violoncelle  qui ,  à  la  pre- 
mière représentation  ,  a  été  dit  d'une  façon  un  peu  équivoque  pour  la 
justesse.  Cette  mélodie,  d'un  beau  caractère  ,  est  suivie  d'une  autre 
pour  la  flûte,  sous  laquelle  les  violons  se  dessinent  en  trémolo,  avec 
sourdines,  effet  neuf  et  piquant.  Tout  cela,  soutenu  ,  appuyé  d'accords 
plaqués,  arpégés  pour  la  harpe,  a  provoqué  d'unanimes  applaudisse- 
ments. On  aurait  désiré  que  cette  préface,  un  peu  trop  longue,  se  ter- 
minât là  comme  simple  et  pittoresque  introduction.  11  intervient  un 
nouveau  thème  de  rondo  en  forme  de  contredanse  à  la  mode  du 
xixe  siècle,  avec  triangle  ;  puis  vient  un  trait  brillant  des  premiers  vio- 
lons, difficile  et  bien  dit;  puis  une  énergique  entrée  des  cuivres,  à  la- 
quelle succède  la  péroraison  richement  travaillée  ;  et,  comme  il  faut 
être  logique,  le  motif  du  petit  et  joli  rondo  revient  avec  son  allure  d'ac- 
tualité pour  les  bals  de  nos  jardins  publics. 

Au  lever  du  rideau,  l'esclave  Ganymède,  rapin  de  l'atelier  du  sculp- 
teur Pygmalion ,  dort  sur  un  lit  de  forme  antique.  Son  sommeil  est 
bercé  par  les  accents  lointains  d'un  chœur  qui  célèbre  les  plaisirs  du 
festin  et  de  l'amour.  Ce  petit  ensemble  exhale  tout  d'abord  un  parfum 
d'antiquité  qui  plaît.  Midas,  le  vieil  amateur  de  statues,  vient  chanter 
deux  couplets  dans  lesquels  le  chanteur,  pour  arriver  à  l'effet  comique, 
scande  un  peu  systématiquement  la  mélodie.  Ces  couplets  sont  d'un 
assez  bon  caractère. 

Le  trio  :  Ne  le  bétonnes p"s\  est  chaud  et  dramatique,  et  bien  dit  ; 
et  puis,  les  couplets  qui  finissent  par  ces  mots  : 

Voilà  pourquoi  de  sa  statue 
Il  nous  cachait  la  douce  vue, 

offrent  sur  le  final  en  ensemble  un  effet  très-piquant.  La  coda  du  trio 
est  très-bien  de  scène,  surtout  par  les  rires  bien  exprimés  et  comiques 
des  interlocuteurs. 

L'air  chanté  par  Pygmalion,  ou  plutôt  la  scène  longuement  déve- 
loppée du  sculpteur  amoureux,  est  pleine  de  pensées  mélodiques  et 
de  charmants  effets  d'instrumentation.  Les  phrases  musicales  sur  ce 
vers  :  Et  contempler  cette  grâce  immortelle  ;  et  sur  ceux-ci  :  Tristes 
amours,  folles  chimères,  se  distinguent  par  l'élégance  et  une  nouvelle 
forme  mélodique.  Après  le  chœur  dans  la  coulisse,  qui  coupe  encore 
heureusement  ce  long  monologue  musical  ,  l'artiste  voit  son  chef- 
d'œuvre  s'animer  après  son  invocation  à  la  déesse  de  la  beauté,  et 
s'écrie  aussi  musicalement  que  poétiquement  : 


122 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


Déjà  le  sang  ruisselle 
Dans  ses  veines  d'azur  ! 

Sur  cetle  noble  mélodie,  unie  à  celles  de  la  flûte,  des  cors  et  de  la 
harpe,  qui  dialoguent  richement  entre  eux,  revient  le  trémolo  des  vio- 
lons de  l'ouverture  qui  expriment  au  mieux  la  circulation  du  sang,  et 
la  vie,  et  l'amour,  et  la  coquetterie,  et  le  caprice  qui,  déjà,  se  dis- 
putent les  moments  de  celle  à  qui  Vénus  vient  de  donner  la  vie. 

Le  duo  entre  Pygmalion  et  Galathée  :  Aimons,  aimons  !  est  bien 
écrit  pour  les  voix  ;  mais  Pais  ces  lieux  communs  de  morale  lubrique 
sont  un  peu  longs  ;  il  est  vrai  qu'il  s'agissait  avant  tout  de  faire  briller 
les  deux  cantatrices.  Les  cinq  Moil  que  J.-J.  Rousseau  fait  dire  à  sa 
Galathée  en  descendant  du  piédestal ,  et  qui  touchent  au  sublime  du 
naturel  dans  ce  sujet  fantastique  et  de  convention ,  ont  été  remplacés 
par  un  éclat  de  rire  gentiment  exprimé  au  moyen  d'un  petit  trait  as- 
cendant de  vocalisation,  suivi  de  ces  deux  mots  :  Je  ris]  traduction 
qui  a  paru  nécessaire  aux  auditeurs  pour  comprendre  la  chose.  Au 
reste,  la  moderne  Galathée,  par  la  manière  dont  elle  rit,  chante  et  boit, 
nous  représente  mieux  une  statua  gent/llissima  que  le  convive  de  don 
Juan ,  à  qui  Leporello  donne  cette  qualification  ,  le  courtisan  peureux 
qu'il  est  ! 

Il  y  a  de  l'entrain,  de  la  verve,  de  l'inspiration  musicale  dans  la 
scène  de  table  un  peu  décolletée,  et  qu'on  peut  désigner  par  les  mots 
d'orgie  bachique.  C'est  comme  un  épisode  du  festin  de  Trimalcion, 
assez  en  harmonie  avec  les  mœurs  de  notre  temps  ;  et  cela  rappelle  un 
peu  aussi,  par  la  mélodie,  la  tyrolienne  et  le  duo  guerrier  de  la  Fille 
du  Régiment.  En  opposition  à  ce  dévergondage  scénique  et  harmo- 
nique, les  questions  à  la  lyre  :  Que  dis-tu?  Que  dis-tu?  et  la  ritour- 
nelle qui  les  précède,  sont  charmants  de  mélodie,  même  la  modulation 
un  peu  crue  sur  ces  mots  : 

Tout  ici  bas  semble  me  dire... 

Après  un  entr'acte  musical,  caprice  d'instrumentation,  dans  lequel 
les'cors  chantent  avec  suavité  sur  de  charmantes  broderies  de  flûte,  le 
second  acte  s'ouvre  par  un  air  en  si  bémol  majeur  chanté  par  Ganv- 
mède,  morceau  d'une  facture  franche,  d'une  mélodie  vraie  et  bien 
inspirée  par  ces  vers,  qui  reviennent  aussi  souvent  qu'heureusement  : 

Ali  !  qu'il  est  doux  de  ne  rien  faire 
Quand  tout  s'agite  autour  de  nous! 

Le  compositeur  ne  recherche  point  ici  la  couleur  antique  ;  il  se  con- 
tente de  peindre  délicieusement  la  paresse,  qui  est  de  tous  les  temps; 
et  il  berce  [mollement  [son  auditoire  du  bienheureux  far  niente  des 
Italiens. 

Le  trio  entre  Galathée,  Mydas  et  Ganymède  :  Vous  êtes  laidl  etc., 
est  un  morceau  de  scène  bien  traité  :  c'est  comique,  bien  déclamé  et 
chaud.  Il  est  fâcheux  seulement  que  l'art  musical,  si  noble  en  lui-même, 
serve  ici  d'interprète  aux  sentiments  grossiers  et  rapaces  d'une  femme 
dont  le  cœur  est  resté  de  marbre  quand  le  vitriol  de  l'orgie  semble  cir- 
culer dans  ses  veines.  Comme  la  femme  de  Putiphar,  elle  ne  voit  qu'un 
Joseph  dans  l'esclave  Ganymède,  et  dans  un  duo-nocturne  tout  empreint 
de  voluptueuse  mélodie,  elle  lui  dit  : 

Ganymède,  c'est  toi  que  j'aime! 

et  elle?  achève  de  lui  faire  faire  une  sottise,  comme  il  le  dit  fort  bien 
lui-même  ,  par  un  trait  de  vocalisation  délicieuse ,  et  parfaitement 
réussi  par  la  cantatrice,  sur  le  mot:  Partonsl  c'est  dire  que  cette 
cantatrice,  Mme  L'galde,  a  joué  et  chanté  le  rôle  de  Galathée  avec  une 
audace,  un  brio  parfaitement  en  harmonie  avec  le  personnage  excep- 
tionnel. 

Mlle  Wertheimber  a  continué  ses  débuts  par  le  rôle  de  Pygmalion, 
personnage?  passionné,  mais  qui  participe  peu  à  l'action  de  la  pièce, 
s'il  y  en  a  une.  Sa  voix  de  contralto-soprano  s'est  bien  développée  et 
se  développera  mieux  et  dans  toute  son  ampleur  dramatique  aux  re- 
présentations suivantes.  Après  s'être  fait  remarquer  au  Conservatoire 
dans  le  rôle  d'Orphée,  il  serait  assez  singulier  que  la  débutante  créât 
des  rôles  à  F  Opéra-Comique  comme  ceux  de  Tancredi,  d'Arsace  de  la 
Semiramidc,  joués  dans  l'origine  par  des  contralti.  Nous  avons  l'inter- 
prète, il  ne  r.ous  manque  plus  qu'un  Rossini.  Sans  être  un  compositeur 


de  cette  étoffe,  M.  Massé  est  un  chercheur  ;  il  ne  fait  point  partie  du 
servum  pecus,  imitatores.  Sa  mélodie  est  parfois  originale,  rétrospec- 
tive à  dessein,  et  tombe,  par  cela  même,  dans  la  manière  ;  mais  quand 
il  est  naturel,  il  l'est  dans  la  bonne  acception  de  ce  mot.  Quant  à  son  in- 
strumentation, elle  est  riche,  puissante,  et  souvent  ingénieuse.  Qu'il 
apprenne  la  mesure  scénique,  qu'il  recherche  la  vérité  naïve  dont  il  a 
le  principe  en  lui  ;  qu'il  évite  l'affectation  dans  le  style,  et  nous  aurons 
un  bon  compositeur  de  plus.  MM.  Mocker  et  Sainte-Foy  n'ont  pas  été 
médiocrement  comédiens  et  chanteurs  comme  à  l'ordinaire.  On  a  jeté 
des  bouquets  à  tout  le  monde  ;  on  a  rappelé  tout  le  monde,  et  tout  le 
monde  a  été  content. 

Henri  BLANCHARD. 


AUDITIONS  MUSICALES. 

M.  %'isronti.  —  Mlle  Charlotte  «le  Malle-ville.  —  MBS.  L.econppcy 
et  Stamaty.  —  Société  «les  Saints-An^es  et  Société  générale 
«les  Crèche».  —  Mme  IKliira  Pcderaonle.  —  M.  Bvmile  Albert.— 
3"  Concert  «le  l'Association  «les  artistes-musiciens. —  MM.  Cibra 
et  Caceres. 

Les  concerts  auxquels  est  obligé  d'assister  le  critique  musical  seraient 
un  cours  d'harmonie  infiniment  trop  prolongé,  s'il  ne  lui  était  donné 
de  pénétrer  dans  la  coulisse  du  temple  musical,  dans  le  foyer  des 
artistes,  et  d'assister  là  à  toutes  les  péripéties  du  programme  interverti, 
et  dont  souvent  le  renversement  renverse  le  moral  du  virtuose  bénéfi- 
ciaire. Nous  avons  été  témoin  d'une  de  ces  scènes  d'intérieur  au  concert 
donné  chez  Pleyel  par  le  chanteur  napolitain  Visconti,  lundi  dernier, 
12  avril.  Son  pianiste,  ses  guitaristes,  son  violoniste,  tout  lui  faisait 
défaut  à  la  fois  ;  et  ce  pauvre  bénéficiaire  était  là  en  proie  à  d'atroces 
angoisses  d'impatience ,  forcé  de  paraître  devant  un  auditoire  nom- 
breux et  distingué,  n'étant  pas  assez  familiarisé  avec  notre  langue  pour 
faire  ce  qu'on  appelle  l'annonce  au  public  des  embarras  qui  lui  sur- 
venaient; il  chantait,  puis  rechantait  d'une  voix  strangulée  par  l'in- 
quiétude ,  l'agitation ,  la  crainte  d'être  obligé  de  suffire  seul  à  toute  la 
séance,  ou  de  congédier  une  si  belle  compagnie.  C'est  un  spectacle  in- 
téressant, curieux  et  poignant  que  celui  de  ces  souffrances  artistiques 
dont  ne  se  doute  point  l'auditeur  à  son  aise ,  qui  a  payé  1 0  fr. ,  5  fr. , 
3  fr.,  et  le  plus  souvent  même  rien  du  tout  son  billet  d'entrée.  Ce  der- 
nier est  presque  toujours  le  plus  difficile  et  le  plus  exigeant  à  propos 
d'une  variation  ou  d'une  chansonnette  dont  il  prétend  qu'on  lui  fait 
tort. 

Le  ciel  harmonique,  voilé  un  moment,  s'est  bientôt  rasséréné. 
M.  Goria,  qui  avait  été  forcé  de  subir  les  retards  d'un  cocher  ivre,  est 
arrivé  à  temps  pour  entrer  dans  la  lice  de  son  Tournoi,  et  pour  sonner 
sa  Campanella  ;  M.  Bazzini ,  est  venu  chanter  sur  son  instru- 
ment sa  mélodique  et  [charmante  fantaisie  bellinienne ,  et  faire 
évoluer  ses  Lutins;  Mme  Mariquita  Martinez,  la  cantatrice  couleur 
d'ébène,  et  bon  teint,  s'est  montrée  en  cette  circonstance  obligeante  et 
cantatrice  créole  au  talent  pittoresque,  mimique  ,  original  ;  et  M.  Vis- 
conti a  pu  alors  faire  apprécier  sa  méthode  d'excellent  professeur  de 
chant,  qui  ne  peut  que  grandir  par  l'exhibition  qu'il  en  a  faite  dans  ce 
concert. 

—  Mlle  Charlotte  de  Malleville  a  donné  aussi  chez  Pleyel  une  soirée 
supplémentaire  à  ses  quatre  séances  de  musique  classique,  dans  laquelle 
elle  a  joué  le  concerto  en  ré  mineur  de  Mozart;  les  variations  pour 
piano  et  violoncelle,  par  Mendelssohn;  le  charmant  andante  et  le 
scherzo  du  sextuor  de  M.  Onslow,  pour  piano,  flûte,  cor,  clarinette, 
basson  et  contrebasse  ;  un  fragment  de  la  sonate  pour  piano  et  violon  , 
dédiée  à  Kreutzer  ;  un  trio  de  Mozart ,  pour  piano,  clarinette  et  alto  ; 
un  air  varié  de  Haendel,  et  la  bagatelle  en  mi  bémol  de  Beethoven. 
On  voit  que,  solide  pianiste  de  musique  classique,  Mlle  de  Malleville  ne 
se  ménage  pas  ;  elle  nous  a  cependant  fait  entendre,  au  milieu  de  cette 
musique  rétrospective,  et  par  l'organe  sympathique  du  chanteur  Lefort, 
un  air  de  Jeanne  d'Arc  dont ,  malgré  la  discrétion  du  programme,-  on 


DE  PARIS. 


123 


l'accuse,  ou  plutôt  on  la  félicite,  d'être  l'auteur.  Nous  aimons  mieux 
n'avoir  pas  entendu  cet  essai  vocal  ;  cela  nous  permet  d'adopter  la 
dernière  appréciation. 

—  Lespianistes-professeursfont  comme  les  philosophes  de  l'antiquité. 
Comme  jadis  dans  Athènes  on  ouvrait  un  cours  de  philosophie,  ils  ou- 
vrent école  de  piano  dans  Paris  ;  ils  ont  leurs  disciples  :  nous  avons  les 
sectes  Farrenc,  Prudent,  Lecouppey,  Stamaty,  Herz,  Marmontel,  Goria, 
Ravina  et  tutti  quanti.  Pour  accomplir  consciencieusement  la  mission 
d'analyseur  de  ces  choses  aussi  mécaniques  que  musicales,  nous  nous 
sommes  donné  le  plaisir  d'écouter,  —  cela  dût-il  paraître  impossible  à 
certaines  personnes,  —  une  vingtaine  de  morceaux  de  piano  exécutés  par 
les  élèves  de  M.  Lecouppey,  qui  nous  avait  convié  à  ce  petit  banquet 
musical.  Tout  s'y  est  bien  passé  ;  et  comme  la  plupart  des  solistes 
étaient  des  jeunes  filles  blanches  et  roses  qui  ne  figuraient  sur  le  pro- 
gramme que  par  les  initiales  de  leurs  noms ,  nous  ne  citerons  que 
Mlle  Emma  Vidal,  premier  prix  du  Conservatoire,  1850;  Mlles  Sophie 
Wateau,  Emilie  de  Beauce,  lauréates  aussi  du  même  établissement,  qui 
ont  eu  le  courage  de  se  laisser  imprimer  sur  un  programme,  et  de 
s'exposer  ainsi  aux  rayons  de  la  publicité  :  aussi  est-il  juste  de  dire 
qu'il  y  a  un  beau  son ,  un  doigté  rationnel  et  le  sentiment  musical  en 
Mlle  Vidal  ;  grâce  et  finesse  de  jeu  en  Mlle  Wateau ,  comme  pureté 
d'intonation  et  netteté  d'exécution  chez  Mlle  de  Beauce.  Si  nous  étions 
bien  persuadé  que  c'est  par  fierté  que  les  autres  ont  gardé  l'inco- 
gnito, nous  pourrions  dire  à  Mlles  X.  ou  N.  qu'elles  ont  tout  ce  qu'il 
faut  pour  devenir  pianistes  de  dix-septième  ordre;  mais  qu'en  résul- 
terait-il pour  le  bien  de  l'art?  Rien. 

—  M.  Stamaty,  l'un  de  nos  bons  professeurs  aussi ,  offre  trois 
séances  de  musique  de  piano  aux  amateurs  de  cet  instrument  :  il  fait 
exécuter,  dans  ces  soirées  musicales,  qui  ont  lieu  dans  la  salle  des 
artistes  musiciens,  et  par  ses  élèves,  les  concertos  de  Mozart ,  de 
Beethoven  et  de  Mendelssohn.  La  première  de  ces  séances  a  eu  lieu 
mercredi  dernier,  l/i  avril ,  et  l'on  y  a  remarqué  le  concerto  en  vt 
mineur  de  Mozart,  fort  bien  exécuté  par  Mlle  Picart.  Cette  jeune  pia- 
niste a  été  vivement  et  justement  applaudie,  ainsi  que  M.  Cuvillon,  le 
violoniste  distingué  que  vous  savez,  qui  a  dit,  de  son  style  élégant, 
et  fin ,  et  impressionnable ,  le  charmant  andante  en  si  mineur,  par 
Baillot. 

—  Sous  l'invocation  des  Saints-Anges ,  une  grande  matinée  mu- 
sicale a  été  donnée,  le  12  avril,  par  une  association  philanthropi- 
que fondée  en  faveur  des  orphelines  à  partir  de  l'âge  de  deux  ans.  Si 
l'on  n'a  rien  dit  de  nouveau  dans  cette  séance  que  nous  n'ayons  en- 
tendu cent  fois  dans  d'autres  concerts  ,  tout  y  a  été  applaudi ,  parce 
que  tout  y  a  été  bien  dit;  et  on  le  concevra  facilement,  quand  on  saura 
que  parmi  les  artistes  qui  ont  figuré  dans  cette  solennité  musicale  et 
dramatique,  figuraient  MM.  Ponchard,  Géraldy,  Cuvillon,  Henri  Herz, 
René  Franchomme  et  Malézieux  ;  et  puis,  Mlle  Luther,  Mme  Mélam'e, 
M.  Armand  ,  qui  se  sont  associés  à  cet  acte  de  bienfaisance,  en  jouant 
les  Philosophes  de  vingt  ans,  charmant  intermède,  comédie  ou  pro- 
verbe de  Mme  Berton,  née  Samson  ,  qui  a  été  écoutée  et  applaudie 
avec  un  vif  plaisir. 

—  Une  autre  association  philanthropique,  la  Société  générale  dts 
crèches,  a  donné  sa  sixième  séance  annuelle  dans  la  salle  Sainte-Cécile; 
et  la  plupart  des  artistes  que  nous  venons  de  citer,  parmi  lesquels  s'est 
fait  remarquer  M.  Gennaro  Perrelli,  y  ont  porté  le  tribut  de  leurs  iné- 
puisables talents. 

—  Mme  Elvira  Pedemonte,  née  de  Lagoanère,  jeune  pianiste  et 
veuve,  a  donné  une  soirée  musicale  dans  le  foyer  du  Théâtre-Italien, 
veuf  de  ses  rossignols,  comme  dit  tout  littérateur  qui  se  fait  critique 
musical.  Mme  Pedemonte  a  joué  d'une  charmante  manière  de  char- 
mantes choses  de  Thalberg,  de  Schulhoff,  de  Mendelssohn  ,  de  Dùhler 
et  de  Ravina.  On  la  dit  aussi  habile  professeur  que  brillante  virtuose. 

—  Dans  un  concert  donné  chez  Pleyel,  le  jeudi  15  avril,  M.  Emile 
Albert  a  prouvé  qu'il  est  pianùte  aussi  fort  et  peut-être  plus  fort  qu'un 


autre.  Secondé  dans  cette  exhibition  musicale  par  M.  Jacquart,  qui  est 
un  de  nos  meilleurs  violoncellistes,  M.  Albert  a  dit  avec  M.  Cellot  un 
grand  duo  de  sa  composition,  un  andante  religioso,  et  l'air  varié  du 
Schleswig-Holslein.  thème  franc  et  bien  rhythmé  qui  semble  empreint 
d'une  couleur  nationale.  Le  compositeur  et  l'arrangeur  ont  été  juste- 
ment applaudi  en  la  personne  de  M.  Emile  Albert.  On  a  remarqué 
dans  cette  soirée  musicale  Mlle  Donovan,  cantatrice  irlandaise,  qui  a 
fort  bien  dit  l'air  à'  l  Copuleti,  de  Bellini. 

—  Le  troisième  concert  donné  par  l'association  des  artistes  musi- 
ciens, jeudi  passé,  n'a  pas  été  moins  intéressant  que  les  précédents. 
L'orchestre,  jeune  et  chaud,  a  dit  avec  verve  la  22e  symphonie  en  sol 
mineur,  de  Haydn.  Le  Pater  noster,  composé  par  M.  Bousquet  et 
chanté  par  M.  Wartel,  est  d'un  très-beau  caractère  et  d'un  excellent 
style  religieux.  Les  violoncelles  se  mêlent  à  la  voix  du  récitant  d'une 
manière  suave  qui  fait  rêver  l'auditeur  et  le  berce  des  plus  nobles 
pensées.  M.  Maurin  a  délicieusement  joué  l'andante  de  Baillot. 
Mlle  Rossignon  a  di,t  avec  beaucoup  de  grâce  l'air  du  Beniowski, 
de  Boïeldieu  :  Quel  nouveau  jour  pour  moi,  etc. 

Mlle  Charlotte  de  Malleville  n'a  pas  voulu  perdre  l'habitude  qu'elle  a 
contractée  de  briller  dans  ses  séances  de  musique  classique  ,  et  elle 
s'est  fait  justement  applaudir  par  son  exécution  pure,  irréprochable, 
du  concerto  en  ré  mineur,  de  Mozart.  La  belle  ouverture  de  Slratonice 
a  dignement  terminé  cette  intéressante  manifestation  de  bonne  musique 
de  styles  divers. 

—  Il  y  a  longtemps  qu'on  a  dit  de  la  guitare,  comme  Bossuet  dans  sa 
fameuse  oraison  funèbre  sur  Madame  :  la  guitare  se  meurt,  la  guitare 
est  morte  !  Voici  cependant  deux  Espagnols  qui  la  galvanisent,  qui  la 
font  revivre,  MM.  Cibra  et  Caceres;  ils  jouent  sur  cet  instrument  dont 
Ducis  a  dit  aussi  dans  son  Othello  : 

C'est  le  fidèle  ami  du  chagrin  solitaire, 

de  charmantes  cachuchas,  de  délicieux  boléros,  des  séguidilles,  etc.  Et 
voilà  que  dans  le  concert  qu'ils  ont  donné  avant-hier  dans  les  salons 
des  bains  de  Tivoli,  rue  Saint-Lazare,  M.  Cibra  a  fait  dire,  a  fait  chan- 
ter à  cet  instrument  si  peu  intense  de  son,  l'air  de  Roberl-le-Diable  : 
Grâce,  grâce  pour  moi  et  pour  toi-même.  Cette  puissante  et  drama- 
tique mélodie  et  plusieurs  autres  morceaux  dits  en  duos  ont  excité  au- 
tant l'étonnement  de  l'auditoire  que  ses  applaudissements. 

Henri  BLANCHARD. 


STATUE  DE  LESUEUR. 

Nous  sommes  allé  visiter  cette  semaine,  dans  l'atelier  de  l'un  de  nos 
habiles  statuaires,  M.  Rochet,  la  statue  monumentale  du  célèbre  com- 
positeur Lesueur  ,  qu'il  vient  d'achever.  Cette  statue ,  commandée 
pour  Abbeville,  est  conçue  et  exécutée  avec  un  rare  mérite  et  une 
entente  parfaite  du  sujet.  C'est  la  première  fois  qu'une  statue  élevée  à 
la  gloire  d'un  artiste  offre  à  un  tel  degré  le  mérite  essentiel  d'une 
complète  ressemblance,  en  satisfaisant  aux  exigences  d'un  ajustement 
gracieux  et  sévère,  et  d'une  expression  poétique  et  inspirée. 

L'illustre  auteur  des  Bardes  est  représenté  debout,  le  coude  appuyé 
sur  un  pupitre  d'église;  le  corps,  légèrement  incliné,  rend  bien  l'atti- 
tude du  sentiment  et  de  l'inspiration  musicale  ;  la  tête  est  levée,  et 
les  mains  vont  retracer  sur  le  papier  quelques  compositions  grandio- 
ses, soit  religieuses,  soit  dramatiques. 

Le  costume  adopté  par  l'artiste,  et  le  seul  qu'il  eût  pu  prendre,  est 
celui  de  membre  de  l'Institut,  l'habit  brodé  et  l'épée  au  côté,  joints  à 
la  culotte  courte  et  aux  bas  de  soie  que  portait  Lesueur  comme  surin- 
tendant de  la  musique  de  Napoléon  ;  car  on  sait  qu'il  a  été  l'ordonna- 
teur de  toutes  les  grandes  solennités  de  l'époque  impériale  ;  un  large 
manteau,  vêtement  indispensable  de  la  statuaire  monumentale,  dans 
un  temps  comme  le  nôtre  surtout,  enveloppe  le  personnage  et  fait  dis- 


124 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


paraître  en  partie  les  basques  fastidieuses  de  l'habit  et  la  trivialité  re- 
poussante du  costume  moderne.  De  longs  plis  justement  ménagés  vien- 
nent tomber  sur  un  riche  tabouret  de  piano,  qu'ils  couvrent  à  moitié, 
pour  descendre  en  cascade  jusqu'aux  pieds  du  musicien. 

Près  de  là  sont  deux  couronnes  de  laurier  négligemment  jetées  à 
terre  pour  marquer  les  deux  talents  qui  ont  fait  la  célébrité  musicale 
de  Lesueur,  ceux  du  théâtre  et  de  l'église.  Plus  loin,  près  du  lutrin,  on 
voit  quelques  livres  où  sont  gravés  les  noms  des  œuvres  du  maître. 

C'est  la  deuxième  statue  commémorative  que  la  faveur  aura  élevée 
à  un  compositeur  de  musique  ;  celle  de  Boïeldieu  est,  si  notre  mémoire 
ne  nous  trompe  pas,  le  seul  bronze  qui  existe  en  mémoire  d'un  musi- 
cien ;  en  voici  une  autre.  Les  amateurs  qui  se  rappellent  la  statue  de 
Rouen  pourront  comparer. 

La  France,  qui,  depuis  deux  siècles,  occupe  dans  le  monde  la  tête 
des  arts,  de  la  poésie  et  du  théâtre,  a  été  lente  à  produire  de  grands 
musiciens.  Aujourd'hui  sa  place  est  faite  et  la  suprématie  lui  est  ac- 
quise. C'est  donc  une  belle  pensée,  et  c'était  pour  elle  un  devoir,  au 
milieu  des  statues  qu'on  érige  partout  en  province  dans  les  villes  na- 
tales des  grands  hommes,  de  ne  pas  oublier  nos  célébrités  dans  cet 
art,  appelé  à  devenir  le  plus  populaire  de  tous. 

La  statuaire  lui  devait  son  concours;  c'est  un  acte  de  bonne  confra- 
ternité, surtout  quand  on  s'en  acquitte  comme  vient  de  le  faire  M.  Ro- 
chet.  Ce  monument  lui  fera  le  plus  grand  honneur  et  lui  maintiendra 
cette  haute  position  qu'il  s'est  déjà  acquise  par  le  bronze  colossal  du 
maréchal  d'Erlon,  qui  est  à  Reims,  et  surtout  par  la  magnifique  statue 
équestre  de  Guillaume-le-Conquérant  que  nous  avons  pu  admirer  l'an 
dernier  aux  Champs-Elysées. 

La  souscription  pour  élever  une  statue  à  Lesueur  est  toujours  ou- 
verte dans  les  magasins  de  musique  de  Brandus  et  C%  rue  Richelieu, 
103. 


ALMANACH  DES  SPECTACLES  POUR  1852, 

Sons  la    «Ilrcrlfon  «le   91.    Paliaxti. 

Salut,  cher  almanach,  qui  reparais  enfin,  comme  la  colombe  rentrant 
dans  l'arche,  le  rameau  d'olivier  au  bec!  Oui,  je  l'avoue,  cette  reprise 
d'une  publication  séculaire  interrompue  pendant  les  jours  d'orage, 
tombée  dans  l'indifférence,  mais  non  l'oubli,  me  semble  une  espèce 
d'arc-en-ciel  rayonnant  sur  le  monde  du  théâtre  et  des  arts.  Quelle 
curieuse  et  instructive  collection  que  celle  de  ces  petits  volumes,  dont 
le  premier  naquit  en  l'an  de  grâce  1751,  sous  le  titre  de  :  Calendrier 
historique  des  théâtres  de  l'opéra  et  des  comédies  françoise,  italienne, 
et  des  foires'.  Ce  calendrier  se  vendait  à  Paris,  chez  Cailleau,  libraire, 
rue  Saint-Jacques,  à  Saint-André.  Il  était  orné  d'une  petite  vignette 
représentant  deux  muses  dans  un  nuage,  et  au-dessous  des  enfants 
joufflus,  dont  tout  le  costume  consistait  en  un  casque,  un  masque, 
une  marotte  ou  une  balte  d'arlequin. 

D'autres  almanachs  avaient  déjà  paru  à  des  époques  irrégulières  ; 
mais  à  dater  de  1751  les  calendriers  se  suivirent  sans  lacune,  racon- 
tant par  le  menu  l'histoire  dramatique  de  l'année,  donnant  la  liste  des 
pièces  jouées,  l'état  des  répertoires,  le  personnel  des  artistes  de  chaque 
théâtre,  y  compris  celui  des  figurants  et  figurantes,  employés  et  ou- 
vreuses de  loges.  Vous  y  trouviez  des  biographies,  des  anecdotes,  des 
jugements,  et  jusqu'à  des  madrigaux  à  la  louange  des  acteurs  et  ac- 
trices. Le  calendrier  de  1751  ne  manquait  pas  à  cette  politesse,  dont 
pourtant  je  ne  regrette  pas  l'usage,  et  il  s'acquittait  de  ses  devoirs  lau- 
datifs  en  de  petits  vers  qui  rappellent  un  peu  trop  la  poésie  mirlito- 
nesque.  Je  n'en  citerai  qu'un  exemple,  que  je  prends  dans  le  chapitre 
de  l'opéra.  Voici  de  quelle  façon  était  tourné  l'hymne  en  l'honneur  du 
célèbre  chanteur,  Gélyote  : 

Au  dieu  du  chant  élevons  un  trophée; 

Gélyote  fait  aujourd'hui 
Par  ses  talents  ce  que  faisait  Orphée  : 

Il  fait  tout  courir  après  lui. 


Mais  en  revanche,  et  par  compensation  à  la  qualité  de  la  poésie,  le 
calendrier  contenait  des  enseignements  utiles  sous  la  forme  de  souve- 
nirs. Je  recommande  le  fait  suivant  à  nos  directeurs  de  spectacle,  qui 
aiment  à  placer  et  à  conserver  le  plus  longtemps  possible  un  ouvrage 
unique  sur  leur  affiche  ,  comme  si  l'unité  était  de  ce  monde!  Jusqu'à 
l'année  1722  (vous  voyez  que  ce  n'est  pas  hier),  il  était  d'usage  de 
donner  les  pièces  nouvelles  toujours  seules,  et  l'on  n'y  joignait  de  pe- 
tites pièces  qu'après  les  huit  ou  dix  premières  représentations.  Mais 
alors  cette  adjonction  tardive  était  regardée  comme  un  signe  de  la 
baisse  des  receltes.  Lamotte,  le  célèbre  auteur  d'Inès  de  Castro,  voulut 
conjurer  cette  maligne  influence  ,  et ,  le  premier,  il  eut  le  courage  de 
faire  donner  une  petite  pièce  le  jour  même  où  sa  tragédie  de  Romulus 
était  représentée  pour  la  première  fois.  Tous  ses  confrères  suivirent 
son  exemple,  qu'ils  trouvèrent  bon,  et  pendant  longues  années  il  n'y 
fut  pas  dérogé.  Mais  depuis  quelque  temps  l'usage  primitif  a  repris  son 
empire,  et  trop  souvent  la  longueur  démesurée  des  ouvrages  le  perpé- 
tue au-delà  de  toute  raison.  C'est  à  quelque  nouveau  Lamotte  ou  à 
l'intérêt  bien  entendu  des  directeurs  de  le  faire  de  nouveau  cesser. 

Voilà  un  échantillon  de  ce  qu'on  peut  apprendre  en  lisant  de  vieux 
almanachs  ;  et  pourtant,  à  la  honte  de  notre  temps,  la  chaîne  s'était 
brisée  :  de  l'almanach  dramatique,  il  ne  restait  plus  rien  qu'une  ombre 
et  qu'un  nom.  C'était  un  phénomène  étrange  à  une  époque  où  les  théâ- 
tres sont  si  nombreux  et  le  goût  des  spectacles  si  vif;  car  les  journa- 
listes blasés  ont  beau  dire  dans  leurs  feuilletons  en  style  de  Jérémie,  le 
théâtre  est  plus  vivant  et  plus  vivace  que  jamais.  Le  plaisir  qui  doit 
prendre  sa  place  n'est  pas  encore  trouvé.  Pour  peu  qu'il  annonce 
quelque  chose  d'attrayant,  pour  peu  que  la  pièce  soit  intéressante  et  que 
les  acleurs  ne  la  jouent  pas  trop  mal,  on  y  court  avec  un  empresse- 
ment, avec  une  ardeur  ,  qui  tiennent  du  premier  âge.  Le  monde  est 
vieux,  mais  il  est  toujours  enfant  :  on  l'amuse  aujourd'hui ,  comme  on 
l'amusait  il  y  a  des  siècles. 

Pourquoi  donc  l'Almanach  dramatique  avait-il  succombé  ?  Par  bien 
des  raisons,  dont ,  pour  moi ,  la  principale  c'est  qu'il  avait  besoin  de 
mourir  pour  renaître,  comme  le  phénix  ,  et  pour  rajeunir  de  plumage 
comme  de  ramage.  M.  Palianti  a  compris  ce  qu'il  fallait  faire 
de  l'antique  almanach  pour  en  tirer  un  almanach  tout  neuf  et  tout 
rayonnant  de  fraîcheur  printanière.  D'abord,  M.  Palianti  a  profité 
d'un  travail  qu'il  avait  ébauché  déjà,  je  veux  parler  de  ses  plans  figu- 
rés des  salles  de  spectacle.  Dans  son  volume,  il  ne  vous  donne  pas 
seulement  le  prix  des  places  de  toutes  les  salles  de  Paris,  il  vous  donne 
les  salles  mêmes,  il  vous  les  met  dans  la  main  :  vous  n'avez  qu'à  choisir 
votre  loge,  votre  stalle  et  qu'à  notifier  votre  choix  au  bureau  de  loca- 
tion ;  vous  êtes  servi  sans  sortir  de  votre  chambre.  Est-ce  là ,  je 
vous  prie,  un  avantage  à  dédaigner  ? 

Dans  ce  même  volume,  vous  avez  le  personnel  de  tous  les  théâtres 
et  de  tout  ce  qui  lient  aux  théâtres,  Conservatoire,  associations  des 
artistes,  agents  dramatiques,  éditeurs,  etc.,  etc.  ;  vous  avez  les  troupes 
de  Paris  et  les  troupes  départementales,  les  troupes  françaises  à  l'é- 
tranger (ne  pas  confondre  avec  les  armées  françaises)  ;  vous  avez  la 
récapitulation  des  ouvrages  nouveaux  que  l'année  a  vu  naître,  et  quel- 
quefois mourir  ;  vous  avez  la  nécrologie  des  auteurs,  artistes,  direc- 
teurs, chefs  d'orchestre  ;  enfin,  et  c'est  par  là  que  j'aurais  dû  commen- 
cer, puisque  c'est  par  là  que  débute  le  volume,  vous  avez  des  éphé- 
mérides  complètes  pour  les  trois  cent  soixante-cinq  jours  des  douze 
mois  de  l'année ,  éphémérides  composées  dans  le  genre  de  celles  qui 
avaient  pour  titre  :  Une  victoire  par  jour .  Substituez  à  une  victoire  un 
événement  dramatique,  et  le  tour  est  fait.  Ainsi,  vous  lisez  dans  l'Al- 
manach :  «  1851,  mercredi  1er  janvier,  Gaîté,  M.  Colin  abandonne  la 
»  direction  ;  M.  Hostein  reprend  le  sceptre.  »  Reprend  le  sceptre  est 
un  peu  ambitieux  ;  je  conseille  à  M.  Palianti  de  changer  ce  mot  dans 
l'édition  prochaine.  Quoi  qu'il  en  soit,  voilà  votre  événement  du  1"  jan- 
vier, et,  le  2  janvier,  deux  événements  vous  arrivent  à  la  fois  :  «  Reprise 
du  Monstre  et  le  Magicien,  à  l'Ambigu-Comique  ;  deux  pièces  nouvelles, 
Quand  le  IHable  devient  vieux  et  les  Noces  d'Orphée,  aux  Délasse- 


DE  PARIS. 


125 


ments.  »  Les  événements  se  suivent  de  celte  façon  d'un  bout  ù  l'autre 
de  l'année.  Quelle  collection  ce  sera  dans  quelques  siècles,  que  celle 
de  tous  ces  événements  et  de  tous  ces  calendriers  ! 

Je  dois  déclarer  en  toute  conscience  que  M.  Palianti  a  fait  œuvre 
d'artiste  en  publiant  son  Almanach  des  spectacles  avec  le  soin ,  le  bon 
goût  et  l'exactitude  sévère  dont  il  a  fait  preuve  dans  ses  belles  Mises  en 
scène,  si  utiles  aux  ouvrages  dramatiques  représentés  hors  des  murs  de 
Paris.  J'espère  qu'il  aura  fait  aussi  une  bonne  spéculation,  et  que,  grâce 
h  lui,  ce  précieux  volume,  dont  je  déplorais  l'absence,  va  contracter  un 
nouveau  bail  de  vingt-cinq,  cinquante  ou  cent  ans. 

P.  S. 


CORRESPONDANCE. 

Liège,  6  avril. 

Parmi  les  solennités  musicales,  grandes  et  petites,  qui  se  succèdent,  il 
en  est  une  que  je  vous  avais  annoncée  :  c'est  le  concert-festival,  organisé 
au  bénéfice  des  indigents  par  le  Conservatoire  royal,  sous  la  direction  de 
M.  Daussoigne-Méhul  ;  il  a  été  donné  au  théâtre,  où  il  avait  réuni  un 
concours  élégant  d'amateurs. 

La  salle  présentait  un  coup  d'oeil  admirable  :  les  nombreux  jets  de  lu- 
mière, les  arbustes,  les  guirlandes  de  fleurs,  les  tentures,  rien  n'avait  été 
épargné  pour  rehausser  l'éclat  de  cette  soirée.  La  scène  offrait  aussi  un 
aspect  imprévu  :  un  orchestre  de  quatre-vingts  musiciens  y  était  distribué 
en  amphithéâtre;  de  chaque  côté  se  trouvaient  échelonnés  sur  les  gradins 
soixante  chanteurs  fournis  par  les  sociétés  d'Orphée  et  d'Apollon ,  et 
quarante  sopranes,  y  compris  les  dames,  élèves  du  Conservatoire. 

L'orchestre  a  débuté  par  l'ouverture  militaire,  avec  marche  triomphale, 
de  Ries  :  le  mouvement ,  les  nuances,  tout  a  été  scrupuleusement  observé. 
Il  a  encore  témoigné  cette  même  supériorité  de  tact  et  d'exactitude  par 
la  manière  classique  avec  laquelle  il  a  fonctionné  dans  le  superbe  Allekua 
du  Messie,  de  Haendel  ;  dans  un  fragment  de  la  Création,  de  Haydn  ,  et 
dans  le  chœur  triomphal  de  la  Muttte  ,  d'Auber.  Le  succès  qu'il  a  obtenu 
dans  ces  quatre  morceaux  a  été  partagé  par  les  choristes  pour  les  trois 
derniers  :  eux  aussi  se  sont  parfaitement  acquittés  de  leur  tâche;  mais, 
en  se  tenant  debout  pour  chanter,  ils  auraient  fourni ,  je  pense,  un  vo- 
lume de  voix  plus  puissant.  Cette  exécution,  qui  a  été  remarquable,  ex- 
pliquait d'autant  moins  l'espèce  de  négligence  que  l'orchestre  a  apportée 
dans  l'accompagnement  de  quelques  solistes. 

M.  Zeiss,  trempette  solo  du  théâtre  de  la  Reine,  à  Londres,  —  où  il  vient 
de  retourner,  —  et  le  flûtiste,  II.  Reichert,  qui,  selon  toute  probabilité, 
sera  prochainement  attaché  à  notre  Conservatoire,  ont  prêté  leur  coopé- 
ration à  ce  concert.  M.  Zeiss,  dans  une  fantaisie  sur  des  motifs  de  /  Puri- 
tani,  et  11.  Reichert,  dans  un  air  varié  de  Bcehm ,  dans  une  fantaisie  et 
dans  uu  pot-pourri ,  ont,  l'un  et  l'autre,  excité  l'admiration  par  la  pureté 
de  son,  par  la  facilité  d'en  adoucir  la  force,  par  la  précision  dans  les  notes 
détachées  et  dans  les  autres  difficultés  du  mécanisme. 

Une  jeune  et  jolie  violoniste  liégeoise,  élève  de  son  frère  et  lauréat  du 
dernier  concours,  a  été  accueillie  par  des  applaudissements  unanimes 
dans  un  air  varié' sur  de  motifs  de  VElisire  d'amore,  de  Haumann.  C'est 
Mlle  Frère,  qu'il  ne  faut  pas  confondre  avec  son  émule,  Mlle  Fréri ,  de 
Bruxelles.  Un  archet  varié,  un  jeu  large  et  délicat,  de  la  justesse,  un  sen- 
timent que  l'âge  développera  encore,  préparent  à  Mlle  Frère  une  place 
dans  la  jeune  phalange  des  violonistes  belges. 

M.  Frère  a  exécuté  le  10e  concerto  de  de  Bériot,  avec  cette  pureté  d'in- 
tonation, cette  habileté  mâle  et  correcte  dans  tous  les  traits,  ce  moelleux 
et  ce  goût  qui  dénotent  le  vrai  talent.  Ancien  élève  de  M.  de  Bériot,  il  en 
est  devenu  un  digne  interprète. 

M.  Géraldy  nous  a  dit  avec  l'excellente  méthode  qu'on  lui  connaît,  plu- 
sieurs romances,  l'air  du  sénéchal  de  Jean  de  Paris,  de  Boïeldieu ,  et  un 
duo  de  la  Chaste  Suzanne,  de  Monpou,  avec  M.  Carin,  son  ancien  élève, 
qui  l'a  bien  secondé. 

L'air  du  Crociato,  de  Meyerbeer,  et  celui  de  la  Rose  de  Péronne,  d'Adam; 
ont  valu  à  Mme  Itébert-Massy  les  mêmes  suffrages  que  ceux  qui  étaient  pro- 
digués chaque  soir,  sur  notre  scène,  à  cette  charmante  et  délicieuse  prima 
donna. 

La  Société  libre  d'émulation  a  donné  dans  son  local ,  au  profit  des  pau- 
vres, son  premier  concert  de  carême.  Le  programme  et  l'exécution  ont 
été  assez  misérables,  malgré  le  concours  de  Mlle  Léonie  Péters.  Cette  har- 
tiste  arrivait  chez  nous  précédée  d'une  réputation  qui  me  paraît  un  peu 
usurpée.  J'excepterai  M.  Van  der  Boom  de  cette  critique  presque  géné- 


rale :  dans  une  fantaisie  de  Moschelès,  intitulée  :  Souvenir  d'irlan  le,  et 
dans  la  Plage,  fantaisie  qu'il  a  composée,  ce  pianiste  a  prouvé  du  style, 
un  doigté  ferme  et  souple,  et  une  agilité  soutenue  dans  les  difficultés. 

La  campagne  théâtrale  approche  de  son  terme,  et  Mme  Ilébert-Massy 
nous  quitte  même  avant  la  clôture.  Après  avoir  consacré  une  longue  série 
de  représentations  aux  opéras  comiques  du  répertoire  ordinaire,  elle  a, 
en  dernier  lieu,  abordé  avec  beaucoup  de  talent  les  rôles  de  Marie  de  Ito- 
han  et  de  la  Somnambule,  ouvrages  mis  à  la  scène  pour  elle. 

On  nous  annonce  pour  la  fin  de  ce  mois  le  retour  du  pianiste  M.  Dupont 
d'Ensival.  On  s'intéresse  beaucoup  à  Liège  aux  succès  que  notre  compa- 
triote a  obtenus  dans  les  principales  villes  d'Allemagne  où  il  vient  de  se 
faire  entendre. 

Le  conseil  communal  a  alloué  un  subside  à  la  société  de  chant,  O-phée 
de  Liège,  pour  l'organisation  d'un  concours  auquel  seront  invitées  toutes 
les  sociétés  chorales  du  pays  et  de  l'étranger.  Ce  concours,  suivi  d'un  fes- 
tival, est  fixé  au  22  août.  Nous  saurons  incessamment  si  cette  mesure 
aura  reçu  la  sanction  de  l'administration  supérieure. 

A  propos  de  cette  Société  d'Orphée,  qui  a  remporté  en  1849  le  premier 
prix  du  grand  concours  national  de  Bruxelles,  elle  se  propose  de  parti- 
ciper au  concours  de  Lille  qui  aura  lieu  dans  le  mois  de  juin  prochain. 

Z. 


NOUVELLES. 

%*  Il  y  a  eu  relâche  vendredi  au  grand  Opéra  pour  une  des  dernières 
répétitions  du  Juif-Errant,  et,  selon  toute  apparence,  il  en  sera  de  même 
demain  lundi.  La  première  représentation  pourra  en  être  donnée  mer- 
credi prochain,  si  nulle  indisposition  n'y  met  obstacle.  Une  jeune  canta- 
trice d'un  grand  avenir,  Mlle  Emmy  Lagrua,  débutera  dans  cet  ouvrage. 
Il  n'y  a  qu'une  opinion  sur  la  beauté  de  sa  voix  sympathique  et  la  dis- 
tinction de  toute  sa  personne.  Parmi  les  accessoires,  dont  il  faut  tenir 
compte,  on  cite  de  nouveaux  instruments  fabriqués  par  Adolphe  Sax,  et 
dont  la  sonorité  magnifique  ajoutera  beaucoup  d'effet  aux  merveilles  de 
la  mise  en  scène. 

%*  Lundi,  pour  la  réouverture,  l'Opéra  donnait  la  125e  représentation 
du  Prophète,  et  la  recotte  s'est  élevée  à  9,393  fr.  90  c.  Roger  s'était  dé- 
voué, malgré  un  enrouement  presque  absolu,  et  l'on  ne  saurait  trop  le 
louer  du  courage  ainsi  que  du  talent  qu'il  lui  a  fallu  déployer  dans  une 
tâche  que  son  indisposition  rendait  si  difficile.  Mlle  Masson  chantait  le 
rôle  de  Fidès  ;  Mlle  Poinsot,  celui  de  Berthe;  Depassio,  celui  de  Zacha- 
rie,  et  Brémond  restait  fidèle  au  personnage  d'Oberthal,  qu'il  a  si  bien 
créé.  C'était,  du  reste ,  vendredi  dernier  le  troisième  anniversaire  du 
chef-d'œuvre,  dont  la  première  représentation  a  eu  lieu  le  16  avril  1849. 

%*  Le  Farjadet,  d'Adolphe  Adam,  a  été  revu  cette  semaine  avec  autant 
de  plaisir  que  dans  l'origine  par  le  public  de  l'Opéra-Comique  ;  il  est  tou- 
jours accompagné  de  Aladelon. 

*,*  M.  Jules  Séveste  a  reçu  lundi  dernier  l'ampliation  de  l'arrêté  minis- 
tériel qui  lui  confère  le  privilège  de  l'Opéra-National.  Ce  théâtre  pren- 
dra désormais  le  titre  de  Théâtre-Lyrique.  Le  nouveaux  directeur  a 
l'espoir  fondé  d'obtenir,  pour  l'année  prochaine ,  une  subvention  de 
50,000  fr. 

%*  Joanita  et  Caroline  Duprez  ont  repris  leur  place  au  répertoire. 

%*  La  Poupée  deSuremberg  n'a  pas  perdu  l'habitude  d'amuser  et  de 
charmer. 

V  La  recette  des  divers  spectacles,  concerts  et  curiosités  de  Paris  s'est 
élevée  pendant  le  mois  de  février  dernier  àla  somme  de  1,209,247  fr.  57  c, 
qui  se  décompose  ainsi  :  théâtres  subventionnés,  302,285  fr.  86  c;  théâ- 
tres secondaires,  667,240  fr.  88  c;  concerts,  spectacles  concerts,  cafés- 
concerts  et  bals,  229,723  fr.  03  c;  curiosités  diverses,  9,999  fr.  80  c.  La 
recette  du  mois  de  janvier  avait  été  de  1,125,780  fr.  14  c.  Le  mois  de  fé- 
vrier présente  donc  sur  le  précédent  une  augmentation  de  73,467  fr.  43  c. 
Il  y  avait  eu  aussi  progrès  de  janvier  sur  décembre  ;  mais  cette  progres- 
sion a  dû  nécessairement  s'arrêter  en  mars,  qui  correspond  à  l'époque 
du  carême  et  de  la  cessation  des  bals. 

V  Levasseur  a  été  victime  d'un  accident  grave,  en  se  rendant  de 
Brest  à  Nantes.  Deux  lieues  avant  Auray,  la  diligence  a  versé  en  descen- 
dant une  côte.  Levasseur  occupait  le  coupé,  dont  les  glaces  se  sont  bri- 
sées. La  secousse  le  jeta  en  avant,  et  il  se  blessa  si  grièvement  au  genou, 
contre  un  éclat  de  verre,  que,  transporté  dans  un  bourg  voisin  il  s'y 
évanouit,  et  y  resta  longtemps  privé  de  connaissance.  Le  verre  avait 
pénétré  dans  l'articulation  du  genou  et  causé  une  hémorragie  considé- 
rable. Lorsque  les  réparations  furent  faites  à  la  voiture,  Levasseur  put 
cependant  y  reprendre  sa  place,  mais  à  son  arrivée  â  Nantes  il  lui  a  fallu 
se  mettre  au  lit  pour  huit  jours  au  moins. 

V  L'Alboni  est  arrivée  à  Paris,  de  retour  de  son  voyage  en  Espagne. 
On  parle  d'un  engagement  qui  l'appellerait  aux  Etats-Unis. 

V  Mme  Anna  ïhillon  est  toujours  à  New-York,  et  y  jouit  d'une  fa- 
veur plus  grande  que  jamais. 

V  Le  grand  opéra  en  quatre  actes,  dont  le  duc  régnant  de  Saxe-Co- 
bourg-Gotha  a  écrit  la  musique,  Casilda,  a  été  représentée  â  Bruxelles  mer- 
credi dernier.  Les  principaux  rôles  en  sont  chantés  par  Mmes  Barbot, 
Cabel,  MM.  Barbot,  Carman  et  Mangin. 


126 


REVUE  ET  GAZE! 


MUSICALE 


*  *  m.  Théodore  Labarre  est  nommé  directeur  de  la  musique  du  prince- 
président  de  la  République. 

*  *  L'Association  des  artistes  musiciens  a  donné  cette  semaine  encore 
i  concert,  et  ce  concert  ne  sera  pas  le  dernier.  Elle  avait  aussi  donné,  il 


pour  piano  et  violon ,  avec  Mme  Massart;  et  aussi  comme  maître  delà 
jeune  Urso,  déjà  violoniste  fort  agréable.  Dans  cette  matinée,  comme  dans 
le  concert  suivant,  Mme  Massart  avait  enlevé  d'unanimes  bravos  en  exé- 
cutant avec  une  maestria  chaleureuse  et  brillante  le  curieux  concerto  de 
Bach  et  l'admirable  concerto  de  Beethoven.  Le  talent  de  Chevillard,  la  belle 
voix  de  Bounehée,  l'un  des  meilleurs  élèves  du  Conservatoire,  la  grâce  de 
Mme  Lefébure-Wély,  dans  l'air  de  la  Fée  aux  rose«,  l'admirable  ensemble 
avec  lequel  la  grande  sérénade  de  Mozart  a  été  dite,  et  aussi  celui  des 
chœurs  dirigés  par  Edouard  Batiste,  tels  ont  été  les  principaux  éléments 
de  ces  deux  séances,  qui  sont  le  commencement  d'une  grande  chose  et 
qui  porteront  leurs  fruits.  On  a  cru  devoir  demander  pourquoi  l'Associa- 
tion avait  précisément  choisi  cette  époque  exubérante  de  soirées,  de 
matinées,  pour  entrer  en  lice  elle-même  et  grossir  le  nombre  des  concerts 
déjà  trop  nombreux.  La  réponse  est  simple  et  facile.  L'Association  n'a  pas 
choisi  sua  jour  :  elle  a  commencé  dès  qu'elle  a  pu  le  faire,  parce  qu'il  y 
avait  pour  elle  nécessité  de  commencer.  11  y  a  toujours  un  début  à  faire, 
et  l'Association  n'a  pas  voulu  retarder  le  sien.  Dès  à  présent,  elle 
a  un  orchestre,  composé  par  Georges  Bousquet  d'artistes  excellents  et 
dévoués.  Cet  orchestre  a  montré  ce  qu'il  pouvait  faire,  et  quand  viendra 
la  saison  prochaine,  il  n'aura  qu'à  se  rassembler.  Il  sera  au  service  de 
l'Association  et  de  tous  les  virtuoses  français  ou  étrangers.  L'Association 
aura  donc  tout  ce  qui  lui  manquait,  une  salle,  un  orchestre,  des  séances 
régulières  de  grande  musique  et  de  musique  de  chambre.  Cette  année, 
elle  a  travaillé  surtout  pour  l'avenir  :  l'avenir  la  récompensera. 

*  *  Voici  le  programme  du  dernier  concert  que  Léopold  de  Meyer 
donnera  demain  lundi  à  8  heures  du  soir,  dans  la  salle  Herz,  et  qui  sera 
sans  doute  l'un  des  plus  beaux  de  cette  saison  féconde  :  1.  La  Ronde  de 
nuit,  de  F.  Bazin  ,  chœur  par  la  Société  populaire  du  Conservatoire, 
dirigée  par  M.  Edouard  Batiste,  du  Conservatoire.  2.  Souvenir  d'Italu, 
grande  fantaisie  composée  et  exécutée  par  Léopold  de  Meyer.  3.  Air  de 
Lambert  Simnel,  d'A.  Adam,  chanté  par  M.  Cornélis.  k-  Fantaisie-Caprice 
pour  le  violoncelle,  composée  et  exécutée  par  M.  Alexandre  Batta. 
5.  Cavatiue  du  Prophète,  de  Meyerbeer ,  chantée  par  Mme  lweins-d'Hen- 
nin.  6.  Fantaisie  sur  des  motifs  de  Lwrèce  Borgia,  composée  et  exécutée 
par  Léopold  de  Meyer.  7.  Chœur  des  Gardes-Chasse,  du  Songe  d'une  Nuit 
d'Été,  d'A.  Thomas ,  par  la  Société  populaire  du  Conservatoire,  dirigée 
par  M.  Edouard  Batiste.  8.  La  Sérénade,  mélodie,  d'Ed.  de  Ilartog  ;  la 
Truite  mélodie  de  Schubert,  chantées  par  M.  Cornélis  9.  Grand  im- 
promptu sur  des  motifs  du  Prophète,  composé  et  exécuté  par  Léopold  de 
Meyer.  10.  Roses  et  Quenouilles,  romance  de  L.  Puget;  la  Plainte  du 
Mousse  romance  de  L.  Abadie;  chantées  par  Mme  Iweins-d'Hennin. 
11.  Air  du  Siège  de  Corinthe ,  de  Rossini,  chanté  par  Hermann-Léon. 
'12.  Marche  d'Isly  (dédiée  au  maréchai  Bugeaud,  composée  et  exécutée 
par  Léopold  de  Meyer.  13.  Grand  Finale  par  la  Société  populaire  du  Con- 
servatoire. 

*  *  La  seconde  séance  de  musique  pour  piano  et  orchestre,  exécutée 
par  des  professeurs  élèves  de  M.  Stamaty,  aura  lieu  mercredi  prochain, 
21  avril  à  8  heures  du  soir,  dans  la  salle  de  l'Association  des  artistes-mu- 
siciens. 

*  *  Un  jeune  violoniste  polonais,  I.  Lotto,  élève  de  Massart,  donnera 
mardi  27  avril,  un  concert  dans  la  salle  Herz,  à  huit  heures  du  soir.  Nous 
qui  avons  entendu  plusieurs  fois  cet  enfant,  nous  pouvons  affirmer  qu'il 
est  vraiment  extraordinaire.  Le  concert  a  pour  but  de  lui  fournir  le 
moyen  d'attendre  le  succès  d'une  demande  adressée  en  sa  faveur  au  gou- 
vernement russe,  et  que  son  talent  précoce  justifie  pleinement.  Nous  don- 
nerons le  programme  dimanche  prochain. 

%*  Les  compositions  de  Richard  Mulder  pour  le  piano,  obtiennent  de 
plus  en  plus  la  faveur  du  public  et  des  artistes.  L'excellent  pianiste  com- 
positeur donnera  dimanche  prochain,  25  avril,  une  matinée  musicale,  par 
invitation,  à  la  salle  Pleyel,  dans  laquelle  il  fera  entendre  ses  plus  nou- 
velles œuvres,  entre  autres,  avec  Lecieux,  le  duo  sur  la  Dame  blanche,  que 
Mlle  Martin  a  joué  d'une  manière  si  remarquable  à  son  dernier  concert. 
Son  duo  pour  deux  pianos,  exécuté  cette  semaine  par  Kruger  et  Fumagalli 
dans  la  salle  Sainte-Cécile,  n'a  pas  produit  moins  d'effet. 

%*  Le  concert  de  Mlle  Graever  est  toujours  fixé  au  20  de  ce  mois.  La 
jeune  et  excellente  pianiste  s'y  fera  entendre  avec  le  concours  de  MM.  Le- 
fort,  Lecieux,  Verroust,  Lamazou,  Ascher  et  de  Mme  Ducrest. 

%*  Le  concert  le  plus  attrayant  de  la  saison  musicale  va  être  donné  le 
dimanche  soir  25  courant,  dans  la  salle  Herz.  Jamais  notre  célèbre  vio- 
loncelliste, Jacques  Offenbach,  n'aura  réuni  de  si  précieux  éléments  de 
succès.  L'Opéra  et  l'Opéra-Comique  seront  représentés  à  ce  festival  par 
Roger  et  Mmes  Laborde  et  Ugalde.  Le  piano  sera  tenu  par  Léopold  do 
Meyer,  et  les  chansonnettes  seront  dites  par  Levassor.  Jacques  Offenbach 
exécutera  son  fameux  sextuor  pour  six  violoncelles  avec  MM.  Batta,  Van 
Gelder,  Jacquart,  Rignault  etLee.  Les  Larmes  de  Jacqueline,  conte  d'Arsène 
Houssaye,  seront  récitées  par  Mlle  Fix,  des  Français.  Enfin,  pour  couron- 
ner splendidement  la  fête,  une  comédie  écrite  au  bénéfice  du  bénéficiaire 


par  Henri  Murger,  le  Vol  au  mouchoir,  sera  joué  par  Mlles  Judith,  Fix 
M.  Brindeau,  Monrose. 

*/■  Le  cinquième  concert  du  Cercle  musical  et  littéraire  de  Paris  aura 
lieu  aujourd'hui  dimanche,  18  avril,  dans  la  salle  Sainte-Cécile.  On  y  en- 
tendra la  jeune  violoniste,  Mlle  Camille  Urso,  Mlle  Graever  et  Mlle  Moli- 
doff.  M.  Malibran  y  fera  exécuter  son  ouverture  i'Hamlet. 

%*  Seligmann  est  de  retour  à  Paris  après  une  longue  et  brillante  tour- 
née en  Afrique,  dans  le  nord  de  l'Italie  et  dans  le  midi  de  la  France. 

***  Les  Tliécries  complètes  du  chant,  par  Stephen  de  la  Madelaine,  vien- 
nent de  paraître  en  un  beau  volume  à  la  librairie  d'Amyot.  Nous  parle- 
rons bientôt  de  cet  ouvrage,  approuvé  par  l'Institut  de  France  et  le  Con- 
servatoire de  musique. 

*..*  La  grande  fête  annoncée  pour  le  25  avril  prochain,  au  Jardin-d'Hi- 
ver,  au  profit  des  trois  sociétés  des  auteurs,  compositeurs,  artistes  dra- 
matiques et  artistes  musiciens,  est  tout  à  fait  organisée.  —  L'attrait  le 
plus  puissant  de  cette  fête  sera  la  vente  de  charité  faite  dans  seize  bou- 
tiques dont  les  enseignes  rappelleront  une  des  plus  charmantes  créations 
des  gracieuses  marchandes.  On  passera  de  Diane  à  la  Reine  de  Navarre, 
de  Vert- Vert  à  Galathée  et  au  Val  d'Andorre,  de  Joanita  à  Clarisse  Har- 
lowe,  de  Mignon  à  la  Dame  aux  Camélias,  de  Maman  Sabouleux  à  Marthe 
et  Marie,  et  de  la  Paysanne  pervertie  à  Chonchon. 

V*  M.  Ettling,  le  compositeur  distingué,  vient  d'épouser  Mlle  Léo- 
nard. 

V  M-  J-  Bénédict  est  àStuttgard.  Sur  la  prière  de  S.  M.  le  roi  de  Wur- 
temberg, il  a  dû  diriger  vendredi  dernier  l'exécution  de  son  opéra,  le 
Vi'Ux  de  la  Montagne  en  présence  des  grands-ducs  de  Russie,  frères  de  la 
princesse  royale  de  Wurtemberg.  Bénédict  se  rendra  de  Stuttgard  en  An- 
gleterre. 

***  Attilio  Grisi,  né  à  Crémone  en  1765,  ancien  maître  de  concert  à  la 
cour  grand-ducale  de  Wurtzbourg,  vient  de  mourir  en  cette  ville  dans  sa 
quatre-vingt-septième  année.  Autrefois  A.  Grisi  avait  été  un  violoniste  en 
renom  ;  il  s'était  fait  entendre  en  Italie,  en  Allemagne  et  en  Hongrie,  et 
avait  eu  des  relations  d'amitié  avec  Mozart,  Pleyel,  C.  de  Weber,  et  sur- 
tout avec  Haydn.  Jusqu'à  la  fin  de  ses  jours,  le  vétéran  infatigable  a  di- 
rigé la  partie  musicale  du  culte.  Parmi  ses  nombreux  élèves,  on  compte 
plus  d'un  virtuose. 

%*  Le  monument  funéraire  élevé,  dans  le  cimetière  Montmartre,  à  la 
mémoire  d'Hippolyte  Colet,  compositeur  et  professeur  au  Conservatoire, 
par  les  soins  de  sa  veuve,  Mme  Louise  Colet,  de  ses  condisciples  et  de  ses 
élèves,  vient  d'être  terminé.  Le  cippe  est  orné  d'un  grand  médaillon  de 
bronze  vert  malachite,  qui  reproduit  les  traits  du  jeune  maître.  Dans  les 
plis  du  voile  mortuaire  qui  entoure  sa  tête,  sont  gravés  les  titres  de  ses 
ouvrages.  Ce  médaillon  est  dû  au  ciseau  de  M.  Ferrât,  élève  distingué  de 
M.  Pradier. 

CROK1QUE    DÉP&RTEUfïEMÏALE. 

*„,*  Lyon,  15  avril.  —  Le  Prophète  touche  à  sa  quarantième  représenta- 
tion, et  ses  interprètes  sont  aussi  zélés,  aussi  ardents  qu'aux  premiers 
jours.  Mlle  Lacombe,  dans  le  rôle  de  Fidès,  est  constamment  fêtée,  cou- 
ronnée et  fleurie.  Caubet.  l'infatigable  ténor,  soutient  avec  courage  et 
talent  le  personnage  de  Jean  de  Leyde.  Mme  Cœuriot-Ismaël  ne  montre 
pas  moins  d'énergie,  ainsi  que  les  trois  anabaptistes  Bonnesseur,  Bineau 
et  lsmaël,  et  que  Dubosc,  dans  le  rôle  d'Oberthal.— Les  représentations  de 
Aille  Lavoye  alternent  avec  celles  du  Prophète,  et  nous  l'entendons  tour  à 
tour  dans  Y  Ambassadrice,  les  Diamants  de  la  couronne,  les  Mousquetaires  de 
la  Reine,  la  Fée  aux  roses,  Haydée,  le  Toréador.  —  La  dernière  solennité 
musicale  de  notre  Grand-Théâtre  a  été  le  concert  annuel  de  Georges 
llainl,  le  célèbre  artiste  et  chef  d'orchestre.  Le  programme,  composé  avec 
une  recherche  savante,  réunissait  :  l'ouverture  de  Marguerite  d'Anjou  , 
de  Meyerbeer;  le  Festin  de  Balth'isar,  oratorio  d'un  lauréat  du  Conserva- 
toire de  Bruxelles,  M.  Lassen;  la  romance  de  Martini,  Plaisir  d'au, our, 
avec  chœur  ;  l'allégro,  l'andante  et  le  scherzo  de  la  symphonie  en  la,  de 
Beethoven  ;  un  chœur  du  Crociato  in  Egitto,  de  Meyerbeer;  le  Sanclus  et 
le  Bmcdictus,  de  Charles  Gounod  ;  le  Vin  des  Gaulois  et  la  Danse  de  l'épie, 
du  même,  et  la  marche  triomphale  de  Ries.  Presque  tous  ces  morceaux , 
supérieurement  interprétés,  notamment  le  chœur  du  Cr-  ch  to,  chanté  par 
soixante  voix  ,  ont  produit  une  impression  vive.  Le  Vin  des  Gaulois  et  la 
Danse  de  l'épée,  de  Charles  Gounod,  ont  obtenu  aussi  beaucoup  de  succès. 
Georges  Hainl  dirigeait  l'orchestre  avec  sa  supériorité  ordinaire. 

***  Marseille.  —  Seligmann,  dont  le  nom  et  le  talent  sont  bien  connus 
dans  notre  ville,  est  venu  y  donner  un  concert,  au  retour  d'un  long 
voyage.  Dans  les  Réminiscences  d'Halémj,  l'artiste  a  pu  développer  ses  qua- 
lités les  plus  précieuses  ;  il  a  été  vraiment  pathétique  dans  Y  Ave  Maria  et 
dans  Norma  ;  mais  le  morceau  capital  de  la  soirée  a  été  sans  contredit  / 
Zampognari,  que  Seligmann  a  joué  avec  un  art  et  un  esprit  infini.  C'est 
un  petit  poëme  montagnard  qui  produit  un  effet  immense  :  aussi  le  lui  a 
t-on  fait  répéter  au  milieu  d'un  tonnerre  d'applaudissements.  Les  sœurs 
Sabine  et  Catinka  Heinefetter  ont  admirablement  chanté  des  Lieders 
charmants  de  grâce  et  d'originalité,  et  ont  été  chaleureusement  ac- 
cueillies. MM.  Milont,  Darboville  et  Vigourel  ont  prêté  leur  précieux 
concours  au  célèbre  violoncelliste. 

*»*  La  Rochelle,  14  avril.  —  La  famille  Martin  vient  de  donner  ici  un 
concert.  Elève  distinguée  de  Ponchard,  Mlle  Anna  Martin,  charme  par  la 
pureté  de  ses  vocalises  et  par  la  douce  expression  de  sa  voix.  Douée 
d'un   soprano  magnifique  ,  c'est  sans  effort   qu'elle    atteint  les   notes 


DE  PARIS. 


127 


les  plus  élevées.  Son  frère,  M.  Amédée  Martin,  élève  do  M.  L.  Massart, 
quoique  fort  jeune,  possède  un  fort  joli  talent  de  violoniste.  Il  a  dit  avec 
aplomb  et  justesse  le  Réveil  d'un  beau  jour,  de  son  professeur.  —  Les  huit 
soirées-concerts  que  donne  chaque  année  la  Société  philharmonique,  ont 
été,  cet  hiver,  plus  brillantes  que  jamais.  Fondée  en  1815,  voici  37  an- 
nées, sans  la  moindre  interruption,  que  cette  association  musicale  ac- 
complit fidèlement  son  but  de  propager  le  goiltde  la  musique,  et  de  venir 
en  aide  aux  malheureux  en  prêtant  son  concours  à  toutes  les  œuvres  cha- 
ritables. 

%*  Carcassonne,  10  avril.  —  Le  concert  donné  au  bénéfice  des  pauvres 
par  l'école  gratuite  de  chant,  a  eu  lieu  le  31  mars  dans  la  grande  salle  de 
la  mairie,  qui  n'a  pu  contenir  tous  ceux  qu'avait  attirés  cette  solennité. 
L'exécution  d'un  chef-d'œuvre  inconnu  dans  notre  ville,  le  Siabat,  de 
Rossini;  l'école  de  chant,  qu'on  écoute  toujours  avec  plaisir;  enfin,  le 
gracieux  concours  d'un  artiste  de  mérite  et  de  quelques  voix  d'élite,  qui 
ne  s'étaient  fait  entendre  encore  que  dans  quelques  salons  privilégiés, 
tout  cela  était  de  nature  à  piquer  vivement  la  curiosité. 

CHRONIQUE     ÉTRANGÈRE. 

%*  Londres,  16  avril.  —  Les  deux  théâtres  italiens  ont  fait  leur  réou- 
verture après  les  fêtes  de  Pâques.  Le  théâtre  de  Sa  Majeslé  a  donné  deux 
fois  Vllaliana  in  Algieri,  chantée  par  Mlle  d'Angri.  Demain,  samedi,  So- 
phie Cruvelli  doit  faire  sa  rentrée  dans  Norma.  —  Le  théâtre  de  Covent- 
Garden  a  représenté  Guillaume  Tell,  fort  bien  exécuté  par  Ronconi,  le 
nouveau  ténor,  Ander  et  Mme  Castellan  ;  on  annonce  pour  demain  les 


Martyrs.  —  Le  théâtre  anglais  do  Drury-Lane  est  rentré  en  lico  avec 
Roberl-le-Diable.  —  Mlle  Joanna  Wagner  est  annoncée  par  les  deux  théâ- 
tres italiens  à  la  fois.  La  querelle  de  ces  deux  directions  qui  se  la  dispu- 
tent est  une  réclame  immense  pour  ses  débuts.  —  L'arrivée  d'Emile  Pru- 
dent et  de  Mlle  Clauss  excite  une  vive  émotion  chez  les  amateurs  de  piano 
et  dans  tout  le  monde  musical. 

V  Vienne.  —  L'Opéra-Italien  a  donné  le  lundi  de  Pâques  Linla  diCha- 
tnouni  pour  les  débuts  du  ténor  Boucarde.  de  Mitrovich,  basse-taille,  et  du 
baryton  Ferri.  —  M.  Cari  Kunt,  professeur  de  chant,  et  avantageusement 
connu  par  ses  écrits  sur  l'art  musical,  est  mort  le  h  avril. 

***  Saint-Pétersbourg.  —  Vieuxtemps  a  donné  son  concert  d'adieu.   

Le  directeur  général  de  musique,  M.  Maurer,  a  reçu  l'ordre  de  congé- 
dier la  moitié  des  artistes  attachés  aux  orchestres  de  nos  théâtres. 

V  Varsovie.  —  Mme  Moriani  Sikorska  a  joué  avec  beaucoup  de  succès 
le  rôle  d'Isabelle  dans  Robert  le  Diable. 

%*  Barcelone,  5  avril.  —  Avec  la  Figlia  del  reggimento,  on  a  repris  le 
mois  passé  au  théâtre  du  Lycée  //  nuovo  Figaro  et  Una  avventura  di  Sca- 
ramuccia.  L'exécution  en  a  été  assez  bonne,  surtout  celle  du  dernier  de 
ces  opéras.  On  a  aussi  exécuté  tout  récemment  au  même  théâtre  le  Sta- 
bat  de  Iïossini.  Les  artistes  et  les  chœurs  ont  été  applaudis.  L'introduction 
de  la  Création,  d'Haydn,  et  le  chœur  de  Iïossini,  la  Charité,  ont  partagé 
le  succès  du  Stabat.  —  Maintenant  on  répète  la  Muette  de  Potiici,  qui  doit 
être  représentée  le  jour  de  Pâques. 


Le  gérant  :  Ernest  DESCHAMPS. 


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2.  Couplels   en    duo   chantés   par  Mlles   Lemercier  et  Talmont  :  J  3  bis.  Le  même  transposé  pour  ténor  ............   \  \   \     4  51 

«  Il  me  cajolait,  il  me  câlinait,  etc.  » 3     »  4.  Duo  chanté  par  M.  Jourdan  et  Mlle  Lemercier  :"..  Que  ta  peur-  est 

2  bis.  Les  mêmes  arrangés  à  une  voix 2  50   J  imbécile  !» 6     : 

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Nuremberg 5     » 

Rondo  villageois  sur  le  Farfadet 5     » 

bérîot  fils  iC.  V.  de).  Op.  1.  Etude-caprice 6    » 

ejjeyschociî.  Deux  rapsodies   en  deux  suites .  chaque  ....  5     » 

devos.  Op.  12.  Rêveries  du  soir,  2°  impromptu 4  50 

duvernoy  M.  B.).  Op.  206.  Petite  fantaisie  sur  le  Farfadet.   .  5     » 

GEEVIL1E  (Léon-Pascal).  Op.  6.  Trois  mazurkas 5     » 

—  Op.  7.  Deuxième  nocturne A  50 

iî3  carpemtiib.  132e  bagatelle  sur  la  Poupée  de  Nuremberg.  .  5     » 

—  133e  bagatelle  sur  le  Farfadet 5     » 

—  134e  bagatelle  sur  le  Toréador 5     » 

r.URGS;Dll.tR  (F.).  Grande  valse  brillante  sur  la  Poupée  de  Nu- 
remberg   5     » 

—  Polka  sur  le  Farfadet 4     » 

devos.  Graz;osa,  mazurka  brillante 4  50 

IiEMONCOUST  (le  comte  Sublet  de).  Alice,  suite  de  valses  ...  5    » 

—  Follette,   polka-mazurka 2     » 

—  Manuelita,  schottisch 3     » 

—  Henriette,  schottich 2  50 

—  Le  vieux  Piqueur,  quadrille 4  50 

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BÉRIOT  (Ch.  de)  et  MATï-rias  (Georges1.  Grand  duo  sur  la  Juive 

pour  piano  et  violon 10    » 

IHERCIER  (Jules).  Souvenir  de  la  Favorite,  fantaisie  pour  violon 

avec  accompagnement  de  piano 9     » 

LOUIS  (N.).  Op.  225.  Fantaisie  sur  la  Poupes  de  Nuremberg  pour 

piano  et  violon   ...       9     » 

Airs  de  VEclair  arrangés  pour  violon  seul 7  50 

Airs  de  la  Juive  arrangés  pour  violon  seul 7  50 

Airs  de  Guido  et  Ginevra  arrangés  pour  violon  seul 7  50 

LEE  (S.).  Grand  duo  sur  le  Pirate  pour  piano  et  violoncelle  ...  9     » 

tulou.  Grand  duo  sur  VEnfant  prodigue  pour  piano  et  flûte.   .    .  9     » 


ihathus  (Georges).  Op.  13.  Première  valse  de  concert.  ...  6  » 

— ■                            Op.  14.  Noce  villageoise,  morceau  de  genre  6  » 

wieïer  (Léopold  de).  Op.  69.  Souvenir  d'Italie,  grande  fantaisie  9  » 
rosellem  (Henri).  Ouverture   de   Guillaume  Tell,    arrangée    à 

quatre  mains 10  » 

tûlsxy  (Adrien1.  Op.  21.  Fantaisie  brillante  sur  le  Toréador  .   .  6  » 

voss  (Charles).  Op.  114.  Les  larmes  de  Madeleine,  méditation.   .  4  50 

—  Op.  118.  N°  1.  Chant  bohémien  varié 5  » 

—  2.  La  mélancolie  de  Prume  variée  .    .  5  » 

—  Op.  134.  Barcarolle  (ÏOberon 5  » 

—  Op.  136.  La  Napolitaine,   polka  tarentelle  ....  5  » 

—  Op.  137.  N°  1.  Fantaisie  élégante  sur  la  Poupée  de 

Nuremberg 5  » 

—  2.  Fantaisie  élégante  sur  le  Farfadet  5  » 

s5  quabsïues. 

|    iwussflKD.    Les  Clairons  de  l'armée  française,  quadrille  ....     4  50 

—  La  Poupée  de  Nuremberg,  id 4  50 

Le  Farfadet,        .  id .4  MO 

—  Le  Toréador,  id 4  50 

—  Grande  valse  sur  la  Poupée  de  Nuremberg 5     » 

—  Grande  valse  sur  le  Farfadet 5    » 

—  Priora,  grande  polka 4     » 

Nota.  —  Les  compositions  de  Musard  sont  aussi  en  vente,  arrangées 

'  à  quatre  mains  et  à  grand  orchestre. 

îvess  iirsTSUMEàfTS. 

!  TCtocf.  Grand  duo  sur  le  Pirate  pour  piano  et  flûte 9     » 

j   ON8LOW  (Georges).  Op.    79.   Grand  septuor  pour  piano,  flûte, 

hautbois,  clarinette,  cor,  basson  et  contrebasse  ...  25     » 

—  Op.  79  bif.  Grand  quintette  pour  piano,  violon,  alto,  vio- 

loncelle et  contrebasse 20     » 

—  Op.  80.  33e  quintette  pour  deux  violons,  deux  altos  et 

violoncelle 18  » 

j  Ouverture  de  la  Poupée  de  Nuremberg  à  grand  orchestre 18  » 

—  du  Farfadet  à  grand  orchestre 18  » 

—  du  Toréador  à  grand  orchestre 18  » 

Les  mêmes  en  partition,  chaque 18  » 


HARMONIE  DES  FLEURS 

SIX  MORCEAUX  CARACTÉRISTIQUES  POUR  LE  PIANO 

JACQUES  BLUMENTHAL. 


Op.  21. 


N°  1.  lies  Primevères  (Retour  du  printemps) 0 

2.  lia  Violette  (Modestie) 4 

3.  Bva  Rose  (Amour) 5 


N"  h.  Romarin  (Deuil).    .    .    .    , 
5.   La  Pensée  (Souvenir).   . 
C.  EHélîotrope  (Enivrement) 


LE 


De    $SBÎElt-IPflli5ippe. 

HUIT    MOTETS 

A  UNE  ET  .DEUX  VOIX  AVEC  ACCOMPAGNEMENT  D'ORGUE, 
Dédiés  à  Sa  Majesté  très  fidèle  Doua  Maria  da  Gloria,  reine  de  Portugal, 

Far    ADOLPHE    ADAM. 


1.  Ave  Maria,  hymne  à  la  Vierge,  pour  soprano  et  accompagnement  de 

hautbois,  ad  lit) 3     » 

2.  Ave  Maria,  solo  pour  contralto 3     » 

3.  Ave  Maria,  duo  pour  soprano  et  contralto,  avec  accompagnement  de 

hautbois,  ad  lib k  50 


N°  4.  Ave  verum,  solo  pour  soprano :   .    .   .   .  2  5(i 

5.  Ave  régira  cœloruh,  duo  pour  soprano  et  mezzo  soprano 3  75 

0.  Inviolata,  duo  pour  soprano  et  mezzo  soprano 3  75 

7.  O  sALiiTARis,  pour  soprano 3    » 

8.  Ave  maris  Stella,  duo  pour  soprano  et  mezzo  soprano 5     » 


PAIIIS.   —    IBiri 


(.KNTUALE    DE    [S'A 


li£   BErtGiaiE,   20. 


BUREAUX  A  PARIS  :  BOULEVART  DES  ITALIENS,  1. 


19e  Aimée. 


iV  17. 


25  Avril  1852. 


On  s'abonne  donn  les  Départements  et  h  i'ïi'rnnçtT, 

chez  toas  1rs  Mat.imnds  dp,  Musique, les  1,  liruircs 
ci  aux  !lurvnu\  (\<-,  llr.ssugc:  iesct  «les  pnste-s . 

A  notre  Agence  générale,  5 
■    i;,i«i 
K.l    do 

■du'lV 


S*rlx  de  I'aBioiiii 


*hoii 


"\VesseletGv229,IU'gints 
MUli/ard. 
Sulun-ft-nlierg  et  luis. 


Madrid. 
Amnterdam.         Rurenu  les  Postes. 
Uerliu.  Sclilesinger,  34,  u.d.Linden. 

note  ni  Bock,  42,  Joegerstr. 
LUIiounc.  Sassetti. 


Le  Journal  paraît  le  Dimanche 


GAZETTE  MUSICAL 


91    PARIS, 


SOMMAIRE.  —  Théâtre  du  grand  Opéra,  le  Juif  errant,  opéra  en  5  actes,  paroles 
de  MM.  Scribe  et  de  Saint-Georges,  musique  de  M.  Halévy  (première  représenta- 
tion),  par  t*aul  ftmith.  —  Auditions  musicales,  par  fllcari  HSlauchard. 

—  Correspondance,  Berlin.  —  Nouvelles  et  annonces. 


THEATRE  DU  GRAND  OPERA. 

LE  JUIF  ERRANT, 

Opéra  en  5  actes,  paroles  de  MM.  Scribe  et  de  Saint-Georges  ,  mu- 
sique de  M.  Halévy,  divertissements  de  M.  Saint-Léon,  décors  de 
MM.  Cambon,  Séchan.  Desplechin,,  Dièterle,  Thierry,  Nollo  et  Rubé. 

(Première  représentation  vendredi  23  avril.) 

Depuis  dix-huit  siècles  et  plus,  le  Juif  errant  marche  toujours;  il  est 
donc  tout  simple  qu'il  ait  fait  son  chemin,  et  un  beau  chemin,  j'espère! 
De  la  légende  populaire,  de  la  simple  ballade,  de  la  complainte  de  car- 
refour récitée,  entonnée  par  toute  sorte  de  voix,  excepté  les  bonnes, 
accompagnée  des  maigres  accords  d'un  violon  lugubre,  il  vient  de  s'é- 
lever aux  sommités  de  l'art,  aux  perfections  de  la  musique,  aux  ma- 
gnificences poétiques  ,  lyriques  et  pittoresques  de  l'Opéra  !  Quelle 
transfiguration  !  quelle  apothéose  pour  cet  être  mystérieux,  pour  ce 
poétique  témoin,  ce  fatal  contempteur  du  plus  grand  fait  de  l'histoire 
divine  et  humaine!  Le  Juif  errant  avait  essayé  de  tout,  drame,  vaude- 
ville, épopée,  roman;  il  avait  tenté  de  s'arrêter  partout;  mais  toujours 
le  terrible  Marche!  Marche!  l'avait  chassé  de  ses  stations  momenta- 
nées et  forcé  de  reprendre  sa  course,  cherchant  en  vain  le  repos  de  la 
tombe  ;  et  voilà  qu'en  arrivant  à  l'Opéra,  il  trouve  une  patrie,  un 
trône,  un  ciel  !  Voilà  qu'il  y  est  reçu  de  manière  à  faire  croire  que  sa 
destinée  est  vaincue,  que  ses  pérégrinations  sont  finies  ;  en  un  mot  que 
le  Juif  errant  ne  sera  plus  errant,  mais  qu'au  contraire  ce  sera  la  foule 
qui  s'agitera,  se  dérangera  pour  venir  à  lui,  pour  le  contempler  et  l'é- 
couter ! 

Ceci  est  le  résultat  d'un  concours  de  pensées,  d'inspirations,  de  tra- 
vaux, dont  un  seul  théâtre  au  monde  possède  le  secret  et  que  lui  seul 
peut  mettre  en  œuvre.  Pour  aujourd'hui,  je  voudrais  seulement  vous 
tracer  une  rapide  esquisse  de  l'ensemble,  un  panorama  au  crayon  de 
toute  cette  création  nouvelle,  dont  les  détails  infinis  absorberaient  des 
volumes.  L'enfantement  en  a  semblé  lent  et  laborieux  à  ceux  qui  ne  la 
connaissaient  pas  encore  ;  il  sera  jugé  tout  autrement  par  ceux  qui 
sauront  en  quoi  elle  consiste.  Si  jadis  on  supposait  qu'il  avait  suffi  de 
quatre  éléments  pour  créer  l'univers,  on  n'a  jamais  douté  qu'il  n'en 
fallût  des  centaines  pour  la  confection  d'un  grand  opéra. 

L'histoire  d'Ashvérus,  de  ce  cordonnier  de  Jérusalem  qui  insulta  le 
Sauveur,  pliant  sous  le  poids  de  la  croix;  qui  lui  refusa  un  instant  de 
repos  et  un  verre  d'eau  devant  la  porte  de  sa  boutique,  et  encou- 


rut ainsi  la  sentence  :  «  Tu  marcheras  sur  la  terre  jusqu'à  ce  que  j'y 
reparaisse,  »  cette  histoire,  dis-je,  embrasse  toute  l'ère  chrétienne; 
elle  peut  s'accrocher  dans  sa  longue  durée  à  n'importe  quel  clou  fourni 
par  les  annales  d'un  peuple  ou  d'une  famille  ;  elle  peut  même  s'épar- 
parpiller,  de  siècle  en  siècle  et  d'acte  en  acte,  sur  plusieurs  branches 
sorties  de  la  même  tige,  et  cette  méthode  a  été  employée  plusieurs 
fois.  Mais  ce  n'est  pas  ainsi  qu'ont  procédé  MM.  Scribe  et  de  Saint- 
Georges.  En  gens  experts  et  avisés,  ils  ont  compris  que  le  genre  lyri- 
que s'accommoderait  mal  d'une  succession  de  personnages  subdivisés 
par  couches  ou  par  dynasties,  et  qu'avant  tout,  le  compositeur  leur 
demanderait  de  l'unité  dans  le  sujet,  dans  l'intérêt.  Entre  la  foule  des 
époques,  ils  en  ont  donc  choisi  une  qui,  avec  une  action  dramatique, 
leur  offrît  de  fraîches  couleurs,  des  tons  vifs  et  tranchés,  des  splen- 
deurs et  des  péripéties  encore  intactes  jusqu'à  eux.  Ils  ont  pris  le  com- 
mencement du  xme  siècle,  et  ce  singulier  épisode  d'un  empire  latin,  jeté 
pour  quelques  années,  par  le  caprice  de  la  guerre  et  des  croisades,  sur 
le  siège  même  de  l'empire  grec.  Cet  empire  datait  de  Baudouin  Ier, 
comte  de  Flandres,  et  finit  à  Baudouin  II ,  fils  et  successeur  de  Pierre 
de  Courtenay.  Les  empereurs  grecs  avaient  imploré  le  secours  des 
croisés,  et  les  croisés  leur  avaient  enlevé  leur  empire,  ce  qui  était  un 
moyen  assez  neuf  de  les  tirer  d'embarras.  Baudouin  I"  mourut,  comme 
on  le  sait ,  prisonnier  de  ces  mêmes  Bulgares  contre  lesquels  Isaac 
Lange  et  son  fils,  Alexis,  avaient  sollicité  sa  protection  et  celle  de  ses 
compagnons  d'armes. 

Une  courte  introduction  précède  le  lever  de  la  toile.  Si  vous  me  de- 
mandez pourquoi  il  n'y  a  pas  d'ouverture,  je  vous  répondrai  qu'elle  est 
faite;  mais  que  comme  il  arrive  toujours  lors  des  premières  représen- 
tations de  ces  ouvrages  chargés  d'accessoires,  dont  le  jeu  est  si  difficile 
à  régler,  le  compositeur  en  a  remis  l'exécution  au  temps  où  la  machi- 
nerie laissera  plus  d'espace  à  la  musique.  Une  décoration  parfaitement 
belle  et  fidèle,  peinte  par  MM.  Nollo  et  Rubé,  représente  un  faubourg  de 
la  ville  d'Anvers,  les  rives  de  l'Escaut,  hérissé  d'une  forêt  de  mâts. 
Sur  le  devant  de  la  scène,  l'effigie  du  Juif  errant  pend  à  une  échoppe 
de  bateleurs.  C'est  jour  de  kermesse  et  de  joie,  un  chœur  de  fête  re- 
tentit; seigneurs  et  paysans,  nobles  dames  et  bourgeoises  se  coudoient. 
Théodora,  la  belle  batelière,  sort  de  son  logis  avec  Léon,  son  jeune 
frère.  Tous  les  rangs  la  courtisent,  et  c'est  elle  qui  raconte  aux  curieux 
l'histoire  de  l'homme  étrange  dont  la  figure  se  dessine  tristement  sur 
,'enseigne.  Elle  l'a  recueillie  de  son  aïeul,  qui  en  parlait  souvent. 

....  Bien  plus,  au  sein  de  ma  famille, 
On  disait  que,  depuis  mille  ans, 
Nous  étions  tous  ses  descendants 
Par  Noéma,  sa  fille. 

La  ballade  est  écoutée  avec  recueillement;  chaque  vers  excite  la 
surprise  et  l'effroi. 


130 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


Pour  expier  envers  lui  ses  outrages 
Dieu  le  condamne  à  ne  pouvoir  mourir  !.... 
Jusqu'à  la  fin  des  mondes  et  des  âges, 
Dieu  le  condamne  à  vivre  pour  souffrir. 

Pendant  un  quart  d'heure, 

C'est  l'arrêt  de  Dieu, 

A  peine  il  demeure 

Dans  le  même  lieu  ! 

Un  ange  invisible, 

L'ange  du  Très-Haut, 

D'une  voix  terrible 

Lui  crie  aussitôt  : 
Marche  !  marche  !  marche  toujours! 
Sans  vieillir,  accablé  de  jours, 
Marche!  marche  toujours  ! 

Tel  est  le  premier  couplet  de  cette  ballade  excellente  de  coloris  poé- 
tique et  musical,  dont  la  dernière  phrase  est  répétée  en  chœur  par  les 
assistants.  En  cet  instant,  la  nuit  s'abaisse  ;  un  officier  du  bourgmestre 
ordonne  aux  habitants  de  se  retirer  et  d'éteindre  les  lumières.  Après 
tant  de  couvre-feux  traités  avec  talent  et  génie,  c'était  chose  difficile 
que  d'en  risquer  un  nouveau  :  le  compositeur  l'a  fait  avec  un  succès 
incontestable,  et  puis,  tout  à  coup,  de  ce  morceau  charmant  il  nous 
fait  passer  à  un  morceau  grandiose,  original,  fantastique,  comme  le 
personnage  dont  il  annonce  l'apparition.  Le  Juif  errant  se  montre  au 
bruit  de  la  foudre,  au  milieu  des  ténèbres  que  sillonnent  les  éclairs. 
Ashvérus,  appuyé  sur  son  bâton,  avec  sa  longue  barbe  et  le  reste  du 
costume  que  la  tradition  lui  assigne,  traverse  lentement  les  remparts. 
Il  ne  dit  pas  une  syllabe,  et  pourtant  la  scène  est  complète,  le  person- 
nage expliqué  ! 

A  peine  a-t-il  disparu,  que  des  brigands,  des  malandrins  accourent. 
Pendant  la  nuit  la  ville  leur  appartient,  et  ils  en  usent  comme  de  leur 
proie.  Chacun  apporte  le  fruit  de  ses  larcins,  des  coffrets,  des  bijoux, 
une  jeune  fille.  —  Qu'avez-vous  fait  ?  leur  crie  Ludgers,  leur  chef. 
Cette  dame  en  litière,  massacrée  par  vous,  c'était  la  comtesse  de 
Flandres,  la  femme  de  Baudouin,  notre  maître,  qui  allait  en  Orient  re- 
trouver son  époux  sur  le  trône  impérial.  Ces  bijoux  sont  les  siens  : 
cette  fille  est  la  sienne!  —  Frappons  la  fille  aussi,  dit  l'assassin  de  la 
mère  ;  mais  non,  par  réflexion,  je  la  cède  à  qui  voudra  la  prendre.  Le 
Juif  errant  s'avance  et.  dit  :  —  Je  la  prends  !  Les  malandrins  tournent 
leurs  poignards  contre  lui  ;  mais  leurs  poignards  se  brisent  sur  sa  chair 
immortelle,  la  hache  de  Ludgers  vole  en  éclats.  Ashvérus  est  reconnu 
au  signe  sanglant  que  son  front  porte,  et  les  malandrins  se  sauvent 
pour  échapper  à  cette  vision. 

Ashvérus,  resté  seul  avec  l'enfant,  chante,  je  ne  dirai  pas  un  air, 
mais  un  hymne,  un  cantique  de  douleur  et  d'amour.  Cette  jeune  fille, 
elle  est  de  sa  race  :  elle  est  du  sang  de  Noëma,  comme  Théodora,  la 
batelière,  et  quelle  distance  entre  les  deux  !  Dans  le  malheur  il  n'en 
est  plus.  Théodore  revient  ;  elle  invite  le  pèlerin  fatigué  à  se  reposer. 
—  Jamais  il  ne  se  repose.  —  A  boire  un  verre  d'eau  !  —  Jamais  il  ne 
boit,  depuis  le  jour  du  refus.  Théodore  reconnaît  Ashvérus,  qui  lui 
confie  la  jeune  fille,  et  la  charge  de  l'élever.  Ils  disent  ensemble  un 
duo,  dans  lequel  le  compositeur  a  su  donner  au  châtiment  du  Juif  une 
forme  en  quelque  sorte  matérielle  et  palpable.  Le  maudit  formule  ainsi 
sa  plainte  : 

Rien  ne  suspend  des  heures 
L'impitoyable  cours  ! 
Heureuse  tu  demeures; 
Moi,  je  marche  toujours  ! 
La  voix  que  je  redoute 
Bientôt  va  retentir, 
Me  traçant  ma  route 
Qui  ne  doit  pas  finir! 

Sous  ces  paroles,  serpente  une  mélodie  d'une  inexprimable  tris- 
tesse, et  les  instruments  à  vent,  bassons  et  cors,  exhalent  une  même 
note,  une  pédale  solitaire,  éternelle,  qui  se  prolonge  comme  cette  route 
qui  ne  doit  pas  finir  !  Cette  perpétuité  de  souffle,  qui  lasserait  toutes 
les  poitrines,  est  due  à  l'entente  fraternelle  des  deux  bassons  et  des 
deux  cors,  qui  se  relaient  imperceptiblement.  Et  puis  de  cet  abîme 
douloureux  s'échappe  une  phrase  délicieuse  qui  rassérène  et  console  : 

Fille  chérie, 
A  toi  ma  vie, 
Mou  avenir. 


Tout  ce  premier  acte  est  d'un  bout  à  l'autre  un  chef-d'œuvre  de  con- 
ception :  M.  Halévy  n'a  rien  écrit  de  plus  admirable.  A  l'auteur  de  la 
Juive,  à  la  profonde  intelligence  d'où  sortit,  il  y  a  dix-sept  ans,  le 
grand  rôle  d'Eléazar,  il  était  réservé  de  personnifier  le  Juif  errant, 
de  l'illustrer  sur  la  scène  en  caractères  qui  ne  s'effaceront  pas. 

Le  second  acte  nous  conduit  en  Bulgarie,  au  pied  du  mont  Hémus. 
Baudouin  est  mort  depuis  longtemps;  Irène,  sa  fille,  a  grandi  sous  les 
yeux  de  Théodore,  de  compagnie  avec  Léon,  dont  elle  se  croit  la  sœur. 
Léon  aussi  se  croit  le  frère  d'Irène,  mais  il  éprouve  pour  elle  des  sen- 
timents qu'il  n'ose  s'avouer.  Malgré  ses  efforts,  l'aveu  ne  peut  rester 
captif.  Il  confie  ses  tourments  à  Théodore,  qui  lui  apprend  que  celle 
qu'il  ose  aimer  n'est  pas  sa  sœur,  et  que  pourtant  l'hymen  n'est  pas 
possible  entre  elle  et  lui.  Quel  que  soit  l'obstacle,  Léon  se  flatte  qu'Irène 
le  lèvera  :  il  court  la  chercher.  Irène  vient  d'être  enlevée  par  des 
bandits  qui  avaient  réclamé  l'hospitalité.  En  effet,  daus  ces  prétendus 
voyageurs,  nous  avons  reconnu  Ludgers  et  autres  malandrins.  Ludgers 
a  quitté  son  métier  de  coupe-jarret  pour  une  profession  plus  douce  :  il 
fait  la  traite  des  esclaves  ;  il  vend  des  femmes  jeunes  et  jolies,  et  quand 
il  ne  peut  les  acheter,  il  les  enlève.  Ainsi  a-t-il  fait  d'Irène,  après  con- 
seil tenu  avec  ses  associés.  Ce  conseil  fournit  le  thème  d'un  fort  beau 
quatuor,  pour  voix  de  basse,  écrit,  dans  le  genre  bouffe,  avec  une  fran- 
chise de  style  et  une  liberté  d'allure  appropriées  à  la  circonstance.  Le 
duo  de  Léon  et  de  Théodore  n'est  pas  moins  remarquable.  Léon  et 
Théodora  s'élancent  sur  les  traces  d'Irène,  et,  par  un  changement  de 
décor,  nous  arrivons  sur  la  grande  place  de  Thessalonique,  où  des 
feux  de  Saint-Jean  sont  préparés. 

C'était  une  imposante  et  curieuse  cité  que  Thessalonique,  s'il  faut 
s'en  rapporter  aux  pinceaux  de  MM.  -Séchan  et  Diéterle.  Le  peuple  y 
entonne  des  chants  pleins  de  vie  et  de  chaleur,  d'un  rhythme  entraî- 
nant. Le  prince  Nicéphore,  empereur,  ou  plutôt  prétendant  à  l'empire 
d'Orient,  se  rend  sur  la  place  avec  ses  seigneurs,  ses  soldats.  Ludgers 
profite  de  l'occasion  pour  lui  offrir  un  assortiment  de  beautés  rassem- 
blées à  son  intention  depuis  Ispahan  jusqu'à  Jérusalem.  Ici,  nous  avons 
un  pas  d'esclaves  à  demi  voilées,  qui  dansent  sur  un  air  ravissant  de 
grâce  pudique  et  coquette  à  la  fois.  Nicéphore  regarde  et ,  seul ,  n'est 
pas  séduit  : 

Toutes  ces  beautés  de  l'Asie 

N'ont  pas  de  pouvoir  sur  mon  cœur. 
Plus  d'amour  éphémère  et  plus  de  fantaisie  : 
Je  suis  las  du  plaisir  et  voudrais  le  bonheur. 

Irène  est  présentée  à  son  tour  par  Ludgers  :  c'est  justement  l'idéaj 
du  bonheur  rêvé  par  Nicéphore,  qui  veut  s'emparer  d'elle.  Ashvérus 
intervient  et  déclare  au  peuple  que  cette  esclave,  livrée  à  prix  d'or, 
est  la  légitime  héritière  du  trône  impérial ,  la  fille  de  Baudouin ,  sou- 
verain fort  peu  légitime  lui-même,  et  qui  avait  traité  l'empire  comme 
Nicéphore  voudrait  traiter  Irène.  Mais  ceci  est  de  la  politique,  et  la 
politique  n'a  rien  à  démêler  avec  l'opéra.  Nicéphore  se  fâche  contre 
Ashvérus,  et ,  puisque  ce  dernier  invoque  le  nom  de  Dieu,  il  l'accepte 
pour  juge.  Que  l'épreuve  du  feu  en  décide  :  le  bûcher  est  tout  prêt  : 
Ashvérus  y  monte  avec  calme,  et  la  flamme  s'éteint  :  la  foudre  éclate 
en  son  honneur  :  le  tonnerre  jure  pour  lui!  Dès  lors,  le  peuple  est 
convaincu  et  s'incline  humblement  devant  Irène,  qui ,  de  captive,  de- 
vient impératrice.  — A  genoux!  s'écrie  Ashvérus;  et  tous,  excepté 
Nicéphore,  tombent  à  genoux.  Vous  comprenez,  sans  que  je  le  dise, 
que  cette  révolution,  à  laquelle  le  ciel  participe,  est  le  sujet  d'un  grand 
final ,  écrit  d'une  main  puissante,  et  dans  lequel  la  simplicité  du  des- 
sin, la  clarté  des  développements  égalent  la  majesté  des  idées.  Le  spec- 
tacle est,  d'ailleurs,  éblouissant  :  la  figure  sauvage  et  terne  d'Ashvérus 
se  détache  avec  un  effet  extraordinaire  de  toute  cette  masse  lumineuse 
de  pourpre  et  d'or,  d'armures  et  de  monuments. 

Et  comment  vous  peindre  encore  le  palais  des  empereurs  à  Constan- 
tinople,  où  se  passe  le  troisième  acte?  Ce  palais  est  l'œuvre  de 
M.  Cambon,  œuvre  qui  tient  de  la  féerie  par  la  hardiesse  de  ses  con- 
structions bysantines  et  l'enchantement  de  ses  perspectives.  Irène  en 
sera  bientôt  maîtresse,  et,  ce  qui  la  flatte  plus  encore,  elle  reverra  sa 


DE  PARIS. 


131 


sœur  chérie,  son  frère  bicn-aimé.  Les  voici  déjà  qui  demandent  à  lui 
parler,  sans  la  connaître,  sans  rien  savoir  de  ses  grandeurs.  Ils  vien- 
nent la  prier  de  leur  rendre  celle  que  des  bandits  leur  ont  enlevée. 
Irène  lève  son  voile  :  Léon  est  frappé  de  stupeur.  Il  comprend  alors 
quel  est  l'obstacle  dont  lui  parlait  Théodora.  Plus  d'hymen!  plus 
d'amour  !  Il  veut  partir,  mais  Irène  le  retient,  et  une  fêle  commence  : 
des  danseurs  étrangers  implorent  la  faveur  de  reproduire  la  fable  du 
Pastatr  Aiislëe  et  des  Abeille,  non  pas  exactement  telle  que  la  ra- 
conte Virgile,  mais  arrangée  à  leur  manière  et  dans  le  goût  byzantin. 

Dans  cet  acte,  Irène  a  déjà  chanté  une  élégante  cavatine,  Léon  a  sou- 
piré une  romance  pathétique,  qui  se  répéteront  partout.  Voici  bien  une 
autre  chose,  une  musique  de  ballet,  qu'on  peut  nommer  tout  un  petit 
poëme  du  style  le  plus  ingénieux.  Un  léger  bourdonnement  d'orchestre 
avec  sourdines  introduit  l'essaim  des  insectes  ailés,  car  toutes  les  dan- 
seuses ont  des  ailes,  des  corsets  côtelés  d'or  :  la  reine  des  abeilles  porte 
de  plus  sur  sa  tête  un  petit  réseau  d'or,  surmonté  de  deux  antennes 
blanches.  L'essaim  voltige,  tourbillonne,  et  l'adorable  musique  voltige, 
tourbillonne  comme  lui.  En  écoulant  son  fin  murmure,  je  ne  puis" 
empêcher  ces  charmants  vers  de  Clément  Marot  de  me  revenir  en  mé- 
moire et  sous  la  plume  : 

Là,  d'un  côté  ,  auras  la  grand'  clôture 
De  saulx  épais,  où  pour  prendre  pâture, 
Mouches  à  miel  sucer  la  fleur  iront 
Et  d'un  doux  bruit  souvent  t'endormiront. 

Le  berger  Aristée  est  piqué  par  les  abeilles  ;  il  veut  se  venger,  les 
dompler,  les  apprivoiser,  et  il  y  parvient,  grâce  aux  sons  de  sa  flûte, 
traduits  par  l'incomparable  hautbois  de  Verroust.  Le  berger  et  les 
abeilles,  réconciliés,  voltigent  et  tourbillonnent  sur  nouveaux  frais. 
Mlle  Taglioni,  reine  des  abeilles ,  se  pose  en  reine  de  la  danse  :  ses 
pas  sont  aussi  fins  ,  aussi  gracieux  que  la  musique  est  fine  et  distin- 
guée. Une  immense  ruche,  sortie  de  terre,  amène  un  renfort  d'abeilles 
et  couronne  le  divertissement.  Bravo,  le  chorégraphe!  mais  bravo  cent 
.  et  cent  fois  le  compositeur,  qui  a  fait  un  chef-d'œuvre,  une  merveille, 
un  digne  pendant  de  l'Aristéedes  Géoryiques  : 

Pustor  Arislœus  fugiens  peneia  Tempe. 

Revenons  au  drame.  La  fêle  terminée,  Nicéphore,  suivi  de  son  sénat 
en  grand  costume,  vient  déclarer  que  pour  finir  douze  ans  de  guerre, 
il  faut  qu'Irène  l'épouse  :  le  trône  est  à  ce  prix.  Irène  ne  veut  plus  du 
trône  :  Théodora  lui  défend  d'abdiquer  et  de  déshériter  sa  famille. 
Avant  qu'elle  se  décide,  Léon  demande  tout  bas  un  rendez-vous  àJrène, 
qui  l'accorde  à  son  frère.  Un  large  ensemble  ,  dominé  par  les  quatre 
voix  principales,  conclut  ce  troisième  acte  si  varié,  si  riche  d'harmo- 
nie, sans  compter  celle  des  gigantesques  saxo-tubas ,  qui  résonnent 
sur  le  théâtre  et  forment  un  orchestre  de  plus. 

Au  quatrième  acte,  nous  avons  d'abord  deux  morceaux  délicieux  de 
mélodie,  une  cavatine  de  Léon,  un  duo  de  Léon  et  d'Irène.  Les  deux 
amants,  délivrés  de  la  fraternité,  jurent  d'être  unis  pour  la  vie.  Léon 
s'est  chargé  de  révéler  à  Irène  que  ses  sentiments  n'étaient  pas  de  l'a- 
mitié pure  : 

Et  tant  qu'a  duré  ce  sommeil 
Où  dormaieut  nos  âmes...,  ton  âme 
N'éprouvait-elle  pas  une  secrète  flamme, 
Impatiente  du  réveil  1 

Léon  se  charge  encore  de  soulever  le  peuple  en  faveur  d'Irène  et  de 
ses  droits.  Par  malheur,  Nicéphore  a  surpris  ses  projets,  et  dit  à  Lud- 
gers  : 

Tu  viens  de  les  entendre!  Ils  ont  dicté  leur  sort! 
La  honte  à  cette  femme...  A  cet  homme  la  mort! 

Le  théâtre  change,  et  nous  voici  devant  le  plus  magnifique  décor  qui 
se  puisse  imaginer  :  un  temple  ruiné  sur  la  rive  du  Bosphore,  et  puis 
rien  que  la  solitude,  la  nuit,  la  tristesse  ;  une  ville  à  perte  de  vue  ;  les 
rayons  vacillants  de  la  lune  sous  les  nuages  !  Ceci  est  l'œuvre  de 
M.  Thierry.  Bravo,  le  peintre  !  Ashvérus  descend  des  ruines  ;  il  se  la- 
mente, il  gémit  sur  sa  destinée,  en  des  vers  qui  n'auraient  pas  besoin 
d'être  chantés.  La  voix  du  trombone  ,  si  bien  joué  par  Dieppo,  se 
mêle  à  sa  voix  dolente ,  et  l'on  se  prend  d'une  véritable  pitié  pour  ce 


malheureux  qui  ne  peut  pas  mourir!  Nous  le  plaignons  sincèrement, 
nous  qui  mourrons  tous,  et  qui  souvent  craignons  ce  qu'il  désire! 

Autour  de  moi  tout  passe! 

En  parcourant  l'espace, 

Des  mondes  disparus 

Moi  seul  connais  la  trace 

Et  retrouve  la  place 

Des  temps  qui  ne  sont  plus  ! 

Jamais  la  prière 

Ne  vient  adoucir 

La  douleur  amere 

Qu'il  me  faut  subir! 

Jamais,  sur  ma  vie, 

Un  œil  n'a  versé 

Cette  larme  amie 

Qu'on  donne  au  trépassé  ! 

Le  pauvre  homme!...  Et  voilà  que  Ludgers  nous  revient,  escorté 
de  ses  camarades  :  de  marchand  d'esclaves,  il  s'est  refait  meurtrier, 
et  il  est  là  pour  frapper  sa  victime  !  Léon  paraît  avec  Théodora  :  il  se 
flatte  que  tout  va  bien.  Tout  va  mal  au  contraire;  Ashvérus,  qui  veille 
toujours  sur  lui,  le  lui  apprend.  Léon,  l'aveugle  Léon,  n'en  veut  rien 
croire.  Il  repousse  Ashvérus  et  ses  conseils,  et  son  secours.  Il  lui  re- 
proche de  traîner  le  malheur  avec  lui,  tandis  que  la  mort  plane  sur 
sa  tête.  Les  assassins  enveloppent  Léon,  le  désarment  ;  Ashvérus  s'in- 
terpose, mais  trop  tard  !  Le  quart  d'heure  est  passé,  les  trompettes  re- 
tentissent :  l'ange  exterminateur  agite  sa  flamboyante  épée  :  Marche  ! 
marche!...  Léon  est  précipité  du  haut  des  rochers,  Théodora  s'éva- 
nouit. Tout  cela  est  saisissant,  poétique  et  musical.  Le  quatrième  acte 
à  lui  seul,  vaut  tout  un  opéra. 

Le  cinquième  arrive  enfin  pour  dénouer  et  conclure.  Rassurez-vous, 
Léon  n'est  pas  mort  :  les  flots  l'ont  apporté  entre  les  bras  d'Ashvérus, 
de  son  père,  et  son  père  l'a  sauvé  pour  l'unir  à  Irène.  Nicéphore  est 
tombé  du  trône,  qui  n'allend  plus  que  son  impératrice.  Ainsi,  chacun 
va  être  heureux,  hormis  le  Juif  errant  !  S'il  y  a  un  dénoûment  pour 
tout  le  monde,  il  n'en  est  pas  pour  lui,  qui  doit  toujours  vivre  :  c'est  sa 
punition.  Plus  que  jamais  il  appelle  la  mort  :  Dieu  lui  permet  de  la 
rêver. 

Mais,  ô  ciel!  quel  prodise  étrange! 

Tout  en  moi  se  confond  et  change... 
Oui,  c'est  la  mort  !  Oui,  je  la  sens! 
C'est  le  repos...  la  fin  de  mes  tourments. 

Ashvérus  tombe  accablé  sur  la  plage,  en  face  d'une  mer  sans  limites, 
et  son  rêve  le  transporte  dans  la  vallée  de  Josaphat,  cette  vallée  sym- 
bolique, prétoire  de  la  justice  divine,  devant  laquelle  tous  doivent 
comparaître. 

Les  trompettes  du  jugement  dernier  convoquent  les  morts  par  l'or- 
gane des  terribles  saxophones,  et  les  morts  se  hâtent  de  ressusciter. 
L'ange  exterminateur  leur  signifie  les  ordres  du  Très-Haut. 

La  voix  du  Seigneur  vous  appelle  : 

Morts,  levez-vous! 
Devant  la  puissance  éternelle, 

Paraissez  tous. 

M.  Halévy  a  encore  écrit  d'admirables  choses  pour  cet  instant  su- 
prême, qui  précède  l'Enfer  et  le  Paradis.  La  vallée  disparaît  ;  l'Enfer 
s'ouvre,  et  jamais  vous  n'avez  vu  de  tableau  qui  vous  en  donne  une 
idée  plus  formidable  :  Michel-Ange  est  surpassé  par  M.  Desplechin. 
Levez  les  yeux,  et  regardez  le  Paradis,  dont  les  cimes  pures  et  glorieu- 
ses rayonnent  de  paisibles  clartés!  Votre  choix  est  fait,  n'est-ce  pas? 
Mais  croyez-vous  qu'on  vous  consulte?  Et  cet  infortuné  Juif,  ce  damné, 
ce  proscrit,  qui  choisirait  l'enfer  plutôt  que  la  vie,  qui  dormait  là  sur 
la  terre,  persuadé  que  la  terre  n'était  plus  rien  pour  lui  !....  Vaine  es- 
pérance !  illusion  !  L'ange  exterminateur  le  réveille  et  lui  dit  encore  : 
Marche  !  marche  !  Ashvérus  ressaisit  son  bâton  et  s'écrie  : 

Ah  !  mon  sort  n'est  pas  achevé  ! 
J'ai  cru  voir  terminer  ma  vie! 
J'ai  cru  ma  misère  finie  ! 
J'ai  cru  mourir,  et  j'ai  rêvé! 

Qu'en  dites-vous?  Ce  drame  ne  vous  semble-t-il  pas  une  heureuse  et 
habile  exploitation  de  la  fameuse  légende  dont  fut  bercée  votre  en- 
fance? N'y  trouvez-vous  pas  de  l'action,  des  incidents,  de  l'intérêt,  et 
ne  le  croyez-vous  pas  de  nature  à  toucher  fortement  des  attentions 


132 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


blasées,  des  curiosités  assoupies  ?  Quant  à  moi ,  je  n'en  fais  pas  l'objet 
d'un  doute  ;  je  félicite  hautement  MM.  Scribe  et  de  Saint-Georges  du 
nouveau  produit  de  leur  féconde  association. 

La  musique  !...  Ah  !  pardon,  je  m'arrête.  Vous  n'exigez  pas  de  moi, 
sans  doute,  une  étude  raisonnée,  savante,  approfondie,  de  la  partition 
d'un  maître  depuis  longtemps  placé  au  premier  rang  des  maîtres. 
Vous  l'aurez,  mais  pas  aujourd'hui.  Laissez-nous  reprendre  haleine  et 
nous  reposer  de  tant  d'admirations  réunies  en  un  seul  bloc.  Je  vous  en 
ai  dit  assez,  en  vous  parlant  de  chaque  morceau,  pour  vous  faire  soup- 
çonner que  cette  partition  pourrait  bien  être  un  chef-d'œuvre.  J'aurais 
dû  me  contenter  de  vous  dire  qu'elle  était  de  M.  Halévy.  Cependant, 
je  tiens  dès  à  présent  à  constater  que  l'illustre  compositeur  n'a  jamais 
plus  approché  du  terme  souverain  en  matière  d'art,  le  grand  dans  le 
simple  et  le  simple  dans  le  grand.  Rien  de  cherché,  de  fatigant,  de 
tourmenté  dans  cette  œuvre,  qu'on  dirait  jetée  sur  le  papier  sans  in- 
tervalles, sans  lacunes.  Ce  qui  distingue  les  artistes  éminents,  c'est  la 
faculté  de  se.  modifier  sans  cesse  et  de  s'améliorer  en  se  modifiant. 
Dieu  leur  a  dit,  comme  au  Juif  errant  :  Marche!  marche!...  Et  c'est 
ainsi  que  M.  Halévy  a  marché. 

Parlons  des  artistes  qui  ont  interprété  sa  dernière  production.  Dans 
le  rôle  du  Juif  errant,  Massol  a  obtenu  le  plus  beau  succès  de  toute  sa 
carrière.  Il  l'a  créé  par  la  physionomie  aussi  bien  que  par  la  voix,  et 
cette  voix  est,  plus  que  jamais  pleine,  onctueuse  et  sonore.  Le  Juif 
errant  et  Massol,  Massol  et  le  Juif  errant,  désormais  ce  n'est  plus  qu'un. 

Ro^er,  toujours  si  accompli  dans  sa  dualité  de  chanteur  et  d'acteur, 
a  rajeuni  de  dix  ans,  sous  les  traits  de  Léon.  Le  costume,  la  musique, 
même,  concourent  à  la  métamorphose.  Son  rôle  est  tendre  et  pas- 
sionné, sans  exiger  d'effort  ;  il  n'a  qu'à  le  dire,  comme  les  auteurs  l'ont 
fait,  pour  toucher  et  pour  plaire.  La  romance  du  troisième  acte,  la  ca- 
vatine  et  le  duo  du  quatrième  en  sont  les  plus  beaux  fleurons. 

La  magnifique  voix  de  Mme  Tedesco  ne  s'était  pas  encore  déployée 
aussi  largement,  aussi  fréquemment  que  dans  le  rôle  de  Théodora  : 
elle  en  a  dit  plusieurs  passages  de  façon  à  soulever  la  salle  entière. 

La  débutante,  Mlle  Emmy  La  Grua  n'a  pas  failli  aux  promesses  de 
son  talent  et  de  sa  jeunesse.  Sa  voix  de  soprano  sfogato  est  charmante 
de  timbre  ;  elle  ne  manque  pas  d'art,  mais  elle  a  besoin  de  bien  con- 
naître les  exigences  de  la  salle.  Après  deux  ou  trois  .représentations 
elle  y  sera  faite,  et  on  l'applaudira  pour  le  présent  comme  pour  l'ave- 
nir. C'est,  du  reste,  une  grande  et  belle  personne,  Sicilienne  de  nais- 
sance, mais  parlant  le  français  comme  une  Française  de  Paris. 

Obin  et  Depassio,  deux  belles  voix  de  basse,  représentent  Nicéphore 
et  Ludgers.  Les  autres  rôles  de  bandits  sont  tenus  par  Canaple,  Gui- 
gneau  et  Noir,  ce  qui  fait  que  l'exécution  en  est  supérieure.  Merly 
chante  le  rôle  du  guetteur  de  nuit;  Chapuis,  celui  de  l'ange  extermina- 
teur. Mlle  Petit-Brière  u  bien  voulu  dire  quelques  lignes  de  musique 
ornées  d'un  point  d'orgue  fort  bien  réussi.  En  cherchant  bien,  je  trou- 
verais encore  d'estimables  artistes,  voués  de  corps  et  d'âme  à  la  for- 
tune du  Juif  errant.  J'aurais  à  citer  les  choristes  en  masse,  et  l'or- 
chestre tout  entier,  si  bien  dirigé  par  son  habile  chef,  M.  Girard  ;  mais 
le  moment  de  m'arrêter  est  venu  ;  le  temps  et  la  place  me  manquent; 
et  quand  même  l'ange  exterminateur  m'ordonnerait  de  marcher  en- 
core, comme  je  n'ai  pas  commis  de  faute  équivalente  à  celle  d'Ash- 
vérus,  je  n'irais  pas  plus  loin.  Paul  SMITH. 


AUDITIONS  MUSICALES. 

Mme  Farrenc Mme  Claire  ÏBenelIe.—  Mlle  Joséphine  Martin.  — 

Mlle  Ironise  Matlmaiin.  —  Mlle  Madeleine  GraeTer.  —  Cercle 
mnsicalet  littéraire.—  Mme  tanner  llaiiera.- Mlle  Euffénie  de 
Rosa.— Mlle  ©ras.  —  Mme  «aveaux-Sabatier  et  Mme  Eioger  de 
Beauvoir.  —  MM.  Lamazon ,  Lefort ,  Fnmasalli,  I.éopold  de 
Meyer.  —  M.  Delsarte,  Mlle  Rachel  et  Mme  la  comtesse  de  Ka- 
lergis.  —  The  doctor  liardner.  —  H.  Kosellen. 

La  virtuoserie  prend  ses  ébats  plus  que  jamais;  c'est  comme  une 
colérine,  une  fièvre  artistique  ou  plutôt  une  sorte  d'ivresse  produite 


par  l'opium  ou  le  narguillé  sur  les  fumeurs  de  l'Orient ,  ivresse  qui 
plaît  au  public  et  le  berce  des  plus  douces  idéalités.  Récitants  et  audi- 
teurs sont  dans  les  meilleurs  termes,  et  se  retrouvent  toujours  ensem- 
ble avec  un  nouveau  plaisir.  Chaque  matinée  ou  soirée  musicale  fait 
salon  ou  salle  comble.  En  est-il  de  même  de  la  bourse  du  bénéficiaire? 
Nous  n'oserions  répondre  très-affirmativement  à  cette  question.  Tou- 
jours est-il  que  ces  exhibitions  musicales  faites  par  des  artistes  d'âge, 
de  sexes  et  de  talents  divers,  portent  à  la  bienveillance,  à  la  sociabi- 
lité ;  qu'elles  ajournent  les  conlroverses  ardentes  sur  la  politique,  et 
prouvent,  pour  la  cent  millième  fois,  que  l'art  musical  est  égalitaire  et 
civilisateur.  Il  n'y  a  guère  que  l'analyseur,  le  critique  de  ces  choses, 
qui  pourrait  être  fondé,  à  la  rigueur,  à  trouver  un  peu  monotone  la 
représentation  de  cette  pièce  musicale  appelée  concert ,  qui  est ,  à 
peu  de  choses  près,  toujours  la  même  pour  lui  ;  car  il  retrouve  sou- 
vent dans  la  matinée  musicale  du  jour,  la cavatine,  la  chansonnette, 
l'air  varié  et  la  fantaisie  du  concert  de  la  veille  ;  heureux  quand  il  ne 
les  entend  pas  deux  ou  trois  fois  dans  la  même  journée!  Il  est  vrai  que 
ces  charmantes  et  charmants  solistes  se  croient  suffisamment  justifiés 
en  faisant  imprimer  sur  leurs  programmes  à  chaque  morceau,  et  entre 
deux  parenthèses  :  (redemandé).  Redemandé  par  qui?  —  Par  tout  le 
monde.  —  Pourquoi  ?  —  Dans  l'intérêt  de  l'art.  ■-  Ah  !  c'est  bien. 

C'est  bien  réellement  dans  l'intérêt  de  l'art  que  Mme  Farrenc 
a  donné  un  concert  dans  la  salle  Ste-Cécile.  Cette  dame,  docteur  ès- 
science  des  sons  a  dit,  avec  MM.  Maurin,  Mas,  Chevillard  et  Bailly, 
son  deuxième  quintette  pour  piano,  violon,  alto,  violoncelle  et  contre- 
basse dont  nous  avons  déjà  signalé,  pour  les  lecteurs  de  la  Gazette 
musicale ,  les  finesses  harmoniques  et  l'élégance  mélodique.  La 
deuxième  sonate  pour  piano  et  violon,  composée  aussi  par  Mme  Far- 
renc, a  été  dite  par  l'auteur  et  M.  Maurin  ;  puis,  M.  Alexis  Dupond, 
après  avoir  dit  de  ce  style  de  chant  pur  et  classique  qui  lui  est  pro- 
pre, le  bel  air  de  Pylade  dans  Vlphigénie  en  Tauride,  de  Gluck  :  Unis 
dès  la  plus  tendre  enfance,  etc.,  a  dit  encore  Andréa  lafolle,  romance 
de  Mme  Farrenc  ,  et  V Hirondelle  du  prisonnier,  par  Mlle  Victorine 
Farrenc,  deux  charmantes  choses  vocales  ;  et  puis  revenant  à  la  musi- 
que rétrospective  dont  elle  s'est  toujours  nourrie,  Mme  Farrenc  nous  a 
fait  entendre  un  andante  et  un  allegro,  pour  piano  seul,  de  Philippe 
Emmanuel  Bach  ;  ensuite,  un  adagio  avec  final  de  la  sonate  en  la  de 
Beethoven.  Bien  que,  pour  éviter  des  redites,  nous  ne  mentionnions  que 
les  faits  et  gestes  et  les  œuvres  du  bénéficiaire,  nous  nous  plaisons  à 
faire  ici  une  exception  à  cette  règle  en  faveur  de  M.  Leroy,  du  théâtre 
de  l'Opéra-Comique  ,  qui  a  joué  un  solo  de  clarinette  d'un  excellent 
style  et  d'un  son  charmant ,  on  ne  peut  plus  remarquable  d'homogé- 
néité et  de  distinction. 

—  Puisque  nous  sommes  sur  la  voie  agréable  du  madrigal,  ce  thème 
avec  des  variations  infinies  que  le  Français,  né  galant ,  joue  avec  une 
incroyable  aisance  de  plume  et  de  parole  pour  le  beau  sexe,  nous  féli- 
citons les  auditeurs  qui  ont  assisté  au  concert  donné  chez  Pleyel  par 
Mme  Claire  Henelle,  cette  cantatrice  de  bonne  société,  à  la  méthode 
rationnelle,  au  style  pur  et  varié,  à  la  voix  sympathique  comme  sa 
personne,  et  qui ,  bien  que  veuve,  a  dit  d'une  voix  charmante  et  d'un 
accent  convaincu  la  Spo*a  fedele,  fort  jolie  cavatine  italienne  ;  le  duo, 
avec  M.  Jourdan  ,  de  l'Opéra-Comique,  de  la  Dame  blanche  :  Il  s'éloi- 
gne, etc.  ;  le  Cantique  de  Noël ,  avec  accompagnement  d'orgue  mélo- 
dium  ou  harmonium  ;  et ,  enfin  ,  de  charmantes  mélodies  ayant  pour 
titres  Où  sera  le  bonheurl  et  Jeanne,  par  M.  Membrée. 

—  Mlle  Joséphine  Martin  n'a  pas  été  moins  mélodique  de  ses  dix 
doigts  spirituels,  en  nous  disant,  nous  exprimant ,  au  concert  qu'elle 
a  donné  dans  la  même  salle,  ses  Elans  du  cœur,  élégie  un  peu  vague 
pour  le  piano  ;  puis,  sa  Danse  syriaque;  et  puis  sa  Kermesse,  fête  fla- 
mande, tumulte  joyeux  et  franc,  et  naïvement  harmonieux.  Elle  s'était 
déjà  montrée,  avant  ces  morceaux  de  sa  composition  ,  pianiste  pure, 
ferme  et  brillante?dans  l'exécution  d'une  très  belle  fantaisie  de  Stephen 
Heller. 

—  Dans  une  des  matinées  de  M.  Gouffé,  l'homme-progrès  pour  la 


DE  PARIS. 


133 


musique  de  chambre,  on  a  dit  une  excellente  sonate  pour  piano  et  vio- 
loncelle, de  M.  Ferdinand  Lavainnc,  ot  un  fort  joli  trio  pour  piano, 
violon  et  violoncelle,  dit,  joué,  chanté  délicieusement  par  Mlle  Louise 
Mattmann ,  la  pianiste  de  la  musique  rétrospective  et  actuelle,  et  par 
M.  Lebouc  et  l'auteur,  M.  Adolphe  Blanc. 

—  Honneur  aussi  a  la  conviction  musicale,  au  jeu  ferme  et  brillant 
et  coloré  de  Mlle  Madeleine  Graever,  la  pianiste  hollandaise  dont  les 
mains  agiles  glissent  sur  l'ivoire  poli  du  clavier,  comme  les  jolis  pieds 
de  ses  compatriotes  sur  la  glace  de  son  froid  pays,  comme  l'hirondelle 
circonvolutionne  sur  les  prés  ou  la  surface  d'un  lac.  Elle  a  prouvé  cela 
dans  le  dernier  concert  qu'elle  a  donné,  le  20  avril,  chez  Herz,  où  elle 
a  dit,  d'un  style  d'exécution  chaleureuse  et  variée,  un  suave  adagio  de 
Hummel,  suivi  du  final  de  la  sonate  œuvre  31°  de  Beethoven,  dont  le 
rédacteur  du  programme  n'a  pas  cru  devoir  citer  le  nom  ,  nous  ne  sa- 
vons pourquoi.  La  bénéficiaire  a  dit  splendidement  la  Prière  de  Mw.se, 
par  Thalberg,  et  de  belles  études  par  M.  Forgues  ;  elle  nous  a  même  fait 
entendre  une  ballade  de  sa  composition. 

Au  cercle  musical  et  littéraire  où  fonctionne  un  bon  orchestre  bien 
dirigé  par  M.  Malibran  dans  la  salle  Sainte-Cécile,  Mlle  Graever  a  dit 
aussi,  aux  applaudissements  d'un  public  assez  nombreux,  le  beau  con- 
certo en  la  mineur  de  Hummel,  fort  bien  accompagné  par  l'orchestre, 
qui  a  rendu  avec  énergie  et  beaucoup  d'ensemble  l'ouverture  de  X  liu- 
ricnle,  de  Weber,  ainsi  que  le  Notturno,  sérénade  de  Spohr,  pour  cla- 
rinettes ,  hautbois,  flûtes,  bassons,  cors,  trompette,  ophlcléide  et 
trombone,  suite  de  morceaux  d'un  effet  original  et  charmant. 

—  En  vertu  de  cet  axiome  :  Ce  que  femme  veut ,  Dieu  le  veut, 
Mme  Manera,  qui  a  employé  tout  ce  qu'elle  a  de  volonté  musicale  et 
religieuse,  et  ce  n'est  pas  peu  dire,  à  faire  connaître  et  apprécier  les 
différents  mérites  de  son  Album  des  Femmes,  est  parvenue  à  la  réali- 
sation de  cette  pensée  artistique.  L'auleur  a  fait  jouer,  dire,  chanter, 
interpréter,  comme  on  voudra,  ses  poésies,  ses  élégies,  ses  romances,  sa 
musique  religieuse  au  Jardin-d'Hiver  ;  et  tout  cela  a  été  applaudi,  fêté, 
grâce  au  sentiment  musical  et  conjugal  qui  a  inspiré  ce  charmant  re- 
cueil, et  grâce  encore  à  ses  interprètes ,  parmi  lesquels  figuraient 
Mme  Sabatier,  Mlles  Nau,  Dillon,  Jouvante,  Mattmann;  MM.  Gouffé, 
Lebouc,  Max-Meyer,  Vincent,  etc.,  etc. 

—  Mlle  Eugénie  de  Rosa  est  une  petite  cantatrice  brune,  chantant 
de  jolies  petites  choses  assez  mélodiques ,  mais  pas  excessivement 
musicales.  Mlle  Rossignon,  autre  cantatrice  au  teint  de  lis,  celle-là,  et 
qui  pourrait  changer  la  lettre  finale  de  son  nom  en  un  l,  Mlle  Rossi- 
gnon, qui  figurait  sur  le  programme  de  ce  concert  et  qui  n'y  a  pas 
chanté,  a  été  suppléée  par  la  Malibran  noire,  Mme  Martinez,  cantairice 
de  couleur  bon  teint.  Ce  n'est  pas  le  cas  de  dire  qu'une  blanche  vaut 
deux  noires,  car  Mme  Martinez  semble  s'être  donné  l'obligeante  mis- 
sion de  se  mettre  en  quatre  pour  venir  au  secours,  ainsi  que  cela  est 
arrivé  dernièrement  dans  la  soirée  musicale  du  chanteur  Visconti,  chez 
Pleyel,  des  virtuoses  dans  l'embarras  par  suite  d'inexactitude  ou  d'in- 
disposition de  leurs  co-concertants. 

—  Mlle  Gras  est  une  jolie  pianiste,  dans  toutes  les  acceptions  qu'on 
voudra  donner  à  cet  adjectif.  Dans  la  petite  exhibition  de  musique 
agréable  qu'elle  a  faite  à  ses  auditeurs,  la  bénéficiaire  n'a  eu  qu'à  se 
louer  de  leur  galanterie,  et  même,  on  pourrait  dire,  de  leurs  justes  ap- 
plaudissements. 

—  Pour  Mme  Gaveaux-Sabalier,  ce  n'est  pas  seulement  de  la  galan- 
terie et  de  justes  applaudissements,  c'est  de  la  sympathie  entre  la  bé- 
néficiaire et  son  public,  car  elle  peut  dire  mon  public  dans  tous  les 
concerts  où  elle  se  fait  entendre,  comme  chaque  auditoire  a  l'air  de 
dire  ma  chanteuse.  La  salle  de  Herz,  où  elle  a  donné  son  concert, 
jeudi  22  avril,  regorgeait  de  monde,  et  cependant  ce  concert  n'offrait 
rien  de  bien  nouveau.  C'était  :  Pourquoi?  chansonnette  qu'elle  dit  d'une 
manière  délicieuse  ;  la  Pavana,  autre  chansonnette  qu'elle  brode  d'une 
façon  remarquable  ;  le  grand  air  du  Caïd,  qu'elle  chante  et  vocalise  en 
héritière  de  Mme  Ugalde,  à  l'Opéra-Comique.  Tout  cela,  avec  la  petite 
comédie  :  Dos  à  dos,  de  Mme  Roger  de  Beauvoir,  jouée  par  les  acteurs 


du  Théâtre-Français,  et  de  nouvelles  scènes  comiques  de  Levassor, 
ont  fait  de  la  réapparition  de  Mme  Sabatier,  comme  artiste,  une  char- 
mante séance  musicale  et  dramatique  qui  a  plu  généralement. 

—  Au  nombre  des  virtuoses  masculins  qui  se  sont  manifestés  en 
public,  dans  la  semaine  qui  vient  de  s'écouler,  il  faut  citer  M.  Lama- 
zou,  le  ténor  méridional  à  la  voix  douce  et  flatteuse,  qui  a  donné  son 
concert  chez  Pleyel  ;  M.  Lefort,  le  baryton  à  la  voix  vibrante  et  sym- 
pathique, et  bon  professeur  de  chant,  ayant  des  relations  nombreuses 
et  distinguées  dans  la  bonne  société,  qui  a  donné  le  sien  chez  Herz  ; 
enfin,  M.  Fumagalli,  lu  pianiste  milanais,  qui  a  dit  d'une  manière  bril- 
lante une  grande  fantaisie  sur  les  motifs  du  Prophète,  des  V  <ria>ions- 
caprics  sur  l' lïlisiï  d'amore;  une  belle  étude,  pour  la  main  gauche, 
sur  i.ns/a  diva,  de  la  Norma;  et  puis,  une  grande  fantaisie  militaire, 
pour  quatre  pianos,  dans  laquelle  il  ne  peint  rien  moins  qu'</»e  r«nde 
devv.it,  vn-'mrtau  camp,  le  signal  d'alarme  et  combat,  une  marche 
fuiw.br-,  un  hymne,  triomphal  (extrait  du  Siégede,  i. orinthe,  deRossini) 
et.  un"  orgie.  Les  interprètes  de  tout  cela  étaient  MM.  Anatole  Petit, 
YVilheim  Kruger,  Richard  Mudler  et  Adolfo  Fumagalli,  l'auteur.  Ces 
messieurs  ont  fait  du  bruit  comme  quatre  ,  et  le  public  les  a  applaudis 
idem. 

—  En  digne  représentant  des  pianistes  légers  de  l'Allemagne,  avec  le 
nom  orné  de  la  particule  nobiliaire  et  de  plusieurs  ordres  des  souve- 
rains de  l'Europe,  M.  Léopold  de  Meyer  a  donné  son  concert  d'adieu  à 
la  population  musicale  de  Paris,  si  la  population  de  Paris  est  réelle- 
ment musicale.  Son  Grand  impromptu  sur  des  mélodies  du  Prophète  a 
fait  le  plus  grand  plaisir  ainsi  que  ses  variations  sur  le  llrindi  i  de  la 
Lucrcziu  Borgia,  et  ses  S'nuenirs  d'Italie,  et  sa  Marche  d'Isly,  bril- 
lante d'entrain  guerrier  et  tout  empreinte  d'une  couleur  orientale  qui 
provoque  les  applaudissements,  comme  les  a  excités  dans  le  temps  sa 
Marche  marocaine,  d'un  rhythme  si  impérieux  et  si  caractéristique. 
Si  la  partie  instrumentale  a  été  dignement  soutenue  dans  ce  concert 
par  le  bénéficiaire  et  M.  Alexandre  Batta,  le  chant  a  été  fort  bien  re- 
présenté aussi  par  Mme  hveins-d'Hennin,  qui  a  dit  comme  toujours  en 
bonne  cantatrice-professeur  des  romances  dramatiques  et  la  cavatine  du 
Prophète;  par  M.  Hermann-Léon,  le  chanteur  expressif,  et  M.  Cornélis, 
professeur  de  chant  au  Conservatoire  de  Bruxelles,  dont  la  voix  de 
ténor,  flatteuse  et  bien  posée,  a  plu  généralement. 

—  -  DunoblepianisteLéopolddeMeyeràla  noble  comtesse  de  Kalergis, 
née  Nesselrode,  il  n'y  a  qu'un  pas.  Cette  virtuose  de  distinction  et 
d'aussi  bonne  qualité  par  le  talent  que  par  la  naissance,  s'est  présentée 
dans  la  salle  Herz  sur  l'estrade  de  la  publicité  au  concert  donné  par 
Delsarte,  l'excellent  professeur  de  chant;  et,  vêtue  en  simple  robe 
noire,  coiffée  non  moins  simplement  de  son  opulente  chevelure  blonde, 
daignant  à  peine  s'embellir  d'un  sourire  qui  lui  va  cependant  si  bien,  — 
pardon,  madame  la  comtesse,  de  ces  observations  qui  sont  dans  le  droit 
du  critique  appelé  à  juger  des  faits  et  gestes  et  de  toutes  les  facultés 
physiques  et  intellectuelles  de  l'artiste  qui  paraît  devant  un  public 
payant  ;  —  ne  s'astreignant  point  au  salut  traditionnel  du  virtuose  so- 
liste en  se  présentant  devant  son  auditoire  ou  en  le  quittant,  Mme  de 
Kalargis  nous  a  dit  d'un  style  sage  et  pur  une  sonate  de  Mozart  accom- 
pagnée par  M.  Sauzai,  une  suave  rêverie  intitulée  la  Berceuse,  de  Reber, 
dont  la  partie  de  violon  n'est  pas  le  moindre  ornement,  et  enfin  un  con- 
certo de  piano  avec  accompagnement  d'orchestre,  par  Haendel,  ayanj 
pour  rondo  une  délicieuse  fugue  dite  par  la  récitante  d'un  style  net, 
limpide,  et  qui  plaît,  ne  fût-ce  que  par  sa  charmante  rétrospectivité. 

Mous  ajouterons  que,  dans  ce  concert,  Delsarte  s'est  montré  le  di- 
gne interprète  de  Gluck,  c'est-à-dire  poète,  tragédien,  orateur.  Dans 
la  Descente  d'Atceste  aux  enfers,  il  a  rappelé  le  mot  de  Mozart  à  son 
père,  lorsque  celui-ci  dit  à  l'auteur  d'Orphée,  après  la  presque  chute 
d' Alcesté  :  Eh  bien!  mon  pauvre  chevalier,  voilà  donc  ton  .ilceste 
tombée?  —  Tombée  du  ciel,  mon  père  !  s'écrie  aussitôt  le  virtuose  en- 
fant, qui  plus  tard  devait  écrire  Don  Juan. 

Mlle  Rachel,  qui  avait  promis  de  dire  des  scènes  de  Virginie  et  du 
Misanthrope,  a  fait  défaut  ;  elle  a  été  dignement  remplacée  par  Del- 


\M 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


sarte  qui,  dans  la  grande  scène  finale  A'Armide,  a  autant  ému  son  au- 
ditoire qu'aurait  pu  le  faire  notre  admirable  tragédienne,  eût-elle  fait 
entendre  les  accents  désespérés  de  Roxane  ou  de  Phèdre.  Avec  un 
organe  brisé,  voilé,  l'habile  chanteur,  par  l'œil,  le  geste,  l'accent  et 
toute  la  physionomie,  et  la  déclamation  la  plus  vraie,  et  la  plus  vive, 
et  la  plus  touchante,  a  rendu  la  perfide  enchanteresse  aussi  intéres- 
sante que  l'Ariane  et  la  Bidon  abandonnées.  Delsarte  a  galvanisé  dans 
leurs  tombeaux  Virgile,  Corneille  et  Gluck. 

—  M.  Lardner,  savant  anglais,  doetor  ès-sciences  exactes,  a  désiré 
entendre  résonner  chez  lui  les  beaux  instruments  de  la  fabrication  fran- 
çaise qu'il  avait  analysés  à  l'Exposition  de  Londres  ;  et  dans  une  bril- 
lante soirée  qu'il  a  donnée  chez  lui,  rue  de  Lille,  MM.  Thalberg  et 
Godefroid  ont  fait  parler  le  langage  qu'on  sait  au  piano  et  à  la  harpe 
de  M.  Erard. 

M.  h.  Rosellen  a  donné  chez  lui  une  seconde  matinée  musicale 

consacrée  à  l'audition  de  ses  élèves,  et,  fidèle  à  son  système  d'ensei- 
gnement, il  a  fait  exécuter  des  morceaux  de  Herz,  Weber,  Prudent, 
Dohler,  Thalberg  et  des  siens.  Cette  séance  n'a  pas  été  moins  brillante 
que  la  précédente  ;  elle  prouve  une  fois  de  plus  l'excellence  de  la  mé- 
thode et  des  soins  de  cet  habile  professeur. 

C'est  avec  le  plus  grand  plaisir  que  l'auditoire  a  revu  Mlle  Marie 
Brousse,  qui  a  chanté  un  air  de  Guillaume  Tell  et  un  duo  avec  M.  Jules 
Lefort  ;  c'est  aussi  au  milieu  des  plus  chaleureux  applaudissements  que 
M.  Rosellen,  parfaitement  secondé  par  MM.  Léopold  et  Arnaud  Dancla, 
a  exécuté  son  trio  pour  piano,  violon  et  violoncelle ,  œuvre  remarqua- 
ble que  nous  avons  dans  le  temps  signalée  à  nos  lecteurs. 

Henri  BLANCHARD. 


CORRESPONDANCE. 

Berlin,  14  avril  1S52. 

Je  vous  ai  annoncé  dans  le  temps  la  fin  de  notre  campagne  musicale 
d'hiver,  en  vous  donnant  le  détail  des  prouesses  qui  l'ont  signalée.  De- 
puis ,  la  campagne  du  printemps  a  commencé  sous  les  plus  heureux 
auspices. 

On  sait  qu'en  automne  et  au  printemps  reparaissent  les  oiseaux  de  pas- 
sade :  avec  les  hirondelles  sont  arrivés  les  virtuoses.  Deux  harpistes 
éminents,  M.  Thomas,  de  Londres,  et  M.  Kruger,  de  Stuttgard,  ont  fait 
assaut  de  talent.  Le  violoniste  Singer,  de  Vienne,  s'est  fait  entendre  plu- 
sieurs fois  en  public  avec  le  plus  grand  succès.  Nous  avons  eu  également 
une  violoniste,  Mlle  Bierlich ,  de  Saxe,  qui  n'en  est  pas  a.  son  premier 
voyage.  Pour  acquérir  un  talent  hors  ligne,  Mlle  Bierlich  n'aurait  besoin 
que  de  prendre  pour  maître  un  virtuose  de  premier  ordre.  Enfin, 
un  vent  du  sud-est  nous  a  ramené  un  pianiste  viennois,  M.  Ehrlich,  et 
une  brise  de  l'ouest ,  M.  Dupont ,  pianiste  de  Bruxelles.  A  coup  sûr,  on 
peut  dire  de  tous  les  deux  que  ce  n'est  pas  en  vain  qu'ils  ont  ont  reçu  de 
Dieu  leurs  dix  doigts.  Je  parie  ma  main  droite,  qu'il  n'y  a  pas  de  main 
gauche,  plus  habile  sur  le  clavier  que  celle  du  premier;  et  quant  à  M.  Du- 
pont, je  gagerais  ma  main  gauche  qu'il  n'y  a  pas  de  droite  plus  élégante 
que  la  sienne,  surtout  dans  le  stacca'o.  Ce  serait  un  grand  malheur  pour 
moi  de  perdre  mes  deux  mains  à  ce  pari ,  sans  doute,  mais  je  serais  sans 
inquiétude.  Ce  qu'il  y  a  de  plus  étonnant,  c'est  que  ces  deux  virtuoses  ne 
soient  pas  des  enfants  ;  ils  touchent  presque  à  l'âge  mûr.  Et  si  l'on  tient 
compte  de  la  précocité  du  développement  des  facultés  musicales,  de  nos 
jours,  on  peut  fixer  à  trente  ans  le  commencement  de  la  vieillesse  pour 
les  virtuoses  :  or,  ils  ne  sont  pas  loin  de  la  trentaine.  Voila  pour  les  oiseaux 
de  passage  isolés.  Hier,  il  nous  en  est  venu  une  troupe  tout  entière  :  elle 
s'est  abattue  sur  :;  de  l'Opéra  et  en  a  pris  possession,  comme 

une  volée  de  moineaux  s'abat  sur  un  cerisier  ;  avec  cette  différence 
toutefois  que  les  gourmands  pierrots  mangent  les  meilleurs  fruits,  tan- 
dis que  cette  espèce  d'oiseaux  nous  en  apporte.  Buffon  ne  la  connaît 
pas  :  c'est  une  impardonnable  ignorance!  Le  monde  la  connaît  d'autant 
mieux.  Le rossi gnol-Persiani ,  le  Tamburini...  Ma  foi,  ici,  la  comparaison 
cloche,  comme,  d'ordinaire.  Quittons  la  métaphore,  et  disons  simplement 
que  les  chanteurs  italiens,  venant  de  Pétersbourg  pour  retourner  au  pays, 
ont  commencé  leurs  représentations  par  le  Barbier  de  Séville.  Tamburini, 
j'en  conviens,  a  peut-être  un  peu  vieilli  depuis  que  je  l'ai  entendu  dans 
Don  Pasqaale,  à  côté  de  Lablache;  mais,  avec  ce  qui  lui  reste,  Tamburini 
est  encore  plus  riche  que  bien  d'autres  ne  le  seront  jamais  avec  tout  ce 
qu'ils  pourront  acquérir.  Il  a  chanté  le  rôle  de  Figaro  avec  beaucoup 


d'entrain,  et  s'il  n'avait  pas  eu  trop  souvent  recours  au  fausset,  nous 
n'aurions  que  des  éloges  à  lui  adresser. 

Je  pose  en  fait  quelaPersiani,  du  temps  qu'elle  s'appelait  encore  signora 
Tacehinardi,  ne  chantait  pas  mieux  qu'aujourd'hui.  Mme  Persiani  ne  cède 
le  pas  qu'à  Mme  Sontag,  dont  elle  approche  du  reste  de  très-près  ;  tout 
ce  qu'elle  nous  a  donné  est  un  modèle  de  goût,  de  grâce  et  d'élégante 
exécution.  Le  ténor  Pozzolini  possède  un  bel  organe,  d'un  timbre  mé- 
tallique, avec  une  grande  netteté  et  beaucoup  de  précision  dans  les  trilles  ; 
quant  â  son  jeu  et  à  sa  manière,  on  peut  lui  reprocher  un  peu  de  raideur. 
Rossi  (Bartholo)  est  un  bon  comédien  doué  d'une  bonne  voix,  sans  être  un 
talent  de  premier  ordre.  La  représentation  a  offert  un  ensemble  par- 
fait. La  petite  troupe  était  toute  joyeuse  et  pétillante  de  verve  ;  si  bien  que 
le  public  lui-même  ne  put  y  tenir,  et  se  laissant  emporter  par  cette 
gaîté  franche  et  de  bon  aloi,  témoignait  sa  satisfaction  plutôt  par  de 
joyeuses  acclamations  que  par  des  applaudissements.  Somme  toute,  nos 
artistes  nomades  nous  ont  créé,  comme  par  enchantement,  un  printemps 
tout  italien,  tandis  que  le  nôtre  continue  â  nous  faire  greloter. 

Tels  sont  les  faits  et  gestes  de  la  saison  ;  printannière  nous  avons  à  y 
ajouter  quelques  mots  sur  des  objets  plus  sérieux.  Pâques  nous  a  amené, 
comme  tous  les  ans,  ses  solennités  musicales.  La  grande  Pa.iion,  de  Sé- 
bastien Bach,  a  été  dignement  exécutée  par  l'Académie  de  chant.  Quant  à 
la  Mort  de  Jésus,  de  Graun,  de  composition  bien  inférieure  et  pourtant 
bien  plus  populaire,  nous  l'avons  entendue  deux  fois  :  d'abord  à  l'église, 
par  la  réunion  de  chant  Schneider,  et,  le  vendredi-saint,  à  l'Académie  de 
chant,  où  cette  production  a  été  troublé  par  quelques  accidents.  Quelques 
artistes  étaient  tombés  malades,  d'autres  étaient  retenus  ailleurs  par  des 
empêchements  imprévus  ;  l'Académie  dut  avoir  recours  à  ses  propres 
ressources  :  elle  mit  en  évidence  quatre  sopranistes,  qui,  avec  des  études 
complètes  et  en  passant  par  l'école  de  la  publicité,  deviendraient  des 
cantatrices  excellentes  ;  telles  qu'elles  sont,  comme  dilettantes,  elles  ont 
droit  à  tous  nos  éloges. 

Ainsi  nous  avons  été,  avec  chants  et  musique,  au-devant  du  printemps, 
mais  il  n'a  pas  encore  voulu  venir  :  l'un  des  deux,  de  mon  almanach  ou 
de  mon  thermomètre,  ne  dit  pas  la  vérité. 


*  *  Demain  lundi ,  à  l'Opéra,  seconde  représentation  du  Juif  errant. 
*J*  Le  Prophète  va  être  repris  au  grand  théâtre  de   Marseille.  Le  rôle 

principal  sera  chanté  par  Octave,  qui  l'a  déjà  créé  à  Bruxelles  avec  un 
immense  succès. 

***  Levasseur  est  à  Bordeaux,  tout  à  fait  remis  de  son  accident,  dont 
il  paraît  d'ailleurs  que  la  gravité  avait  été  un  peu  exagérée.  C'est  ce  que 
nous  apprenons  par  des  nouvelles  particulières. 

***  Le  théâtre  de  l'Opéra-Comique  a  repris,  vendredi ,  la  Perruche,  ou- 
vrage en  un  acte,  dont  la  musique  est  de  Clapisson.  C'est  Couderc  qui 
remplit  le  rôle  créé  par  Chollet. 

**  Bazzini,  le  célèbre  et  charmant  violoniste,  est  en  possession  de  ra- 
vir les  habitués  du  Gymnase-Dramatique,  où  il  a  déjà  comparu  dans  treize 
représentations.  Il  jouera  vendredi  dans  le  dernier  concert  donné  par 
l'Association  des  artistes  musiciens. 

*„*  La  recette  des  divers  spectacles,  concerts  et  curiosités,  pendant  le 
mois  de  mars,  a  produit ,  savoir  :  théâtres  nationaux  subventionnés , 
313,127  fr.  17  c.  ;  théâtres  secondaires,  vaudevilles  et  drames ,  petits 
spectacles  ,  Luxembourg ,  Délassements,  Funambules,  5Zi/i,083  fr.  52  c.  ; 
concerts,  spectacles  concerts,  cafés-concerts  et  bals,  127,955  fr.  33  c.  ; 
curiosités  diverses,  2Zi,062  fr.  52  c.  -  Total,  1,009,228  fr.  5i  c. 

*  *  L'assemblée  générale  de  l'Association  des  artistes  dramatiques 
s'est  tenue  dimanche  dernier  dans  la  salle  Bonne-Nouvelle.  M.  Samson  a 

fait  le  rapport  avec  son  talent  et  son  succès  de  chaque  année  ;  ensuite, 
on  a  procédé  au  renouvellement  du  comité.  Les  cinq  membres  sortants, 
Mil.  Samson,  Fontenay,  Volnys,  Provost  et  Dupuis,  ont  été  réélus.  MM.  l.e- 
clere,  Pierron  et  Chilly  ont  été  nommés  en  remplacement  de  MM.  Bouffé, 
Albert  et  Chéry,  démissionnaires. 

V  L'assemblée  générale  des  l'Association  de  artistes  peintres,  sculp- 
teurs, architectes,  graveurs  et  dessinateurs,  aura  lieu  lieu  demain  lundi, 
26  avril,  à  midi,  dans  la  salle  Bonne-Nouvelle. 

**  Teresa  Milanollo  vient  de  donner  des  concerts  extrêmement  bril- 
lants à  Chambéry. 

%*  Lundi  dernier,  le  célèbre  pianiste  Haberbier  a  été  frappé  d'un 
coup  de  sang  en  sortant  de  la  maison  Pleyel.  Deux  médecins  sont  arri- 
vés à  temps,  et  il  a  pu  être  transporté  sans  danger  rue  Richelieu.  Le  con- 
cert qu'il  devait  donner  le  soir  même  a  donc  été  forcément  remis. 

*  ,*  C'est  ce  soir  dimanche,  à  8  heures  du  soir,  qu'a  lieu  le  concert  d'Of- 
fenbach.  Rien  n'est  changé  au  magnifique  programme,  si  ce  n'est  que 
Provost,  Delaunay  et  Mlle  Fix,  du  Théâtre-Français,  joueront  le  Bon- 
homme Jadis,  charmante  comédie  d'Henri  Murger,  qui  vient  d'obtenir  un 
si  éclatant  succès,  et  dans  laquelle  Provost  déploie  â  un  si  haut  degré  les 
merveilles  de  son  rare  talent. 


DE  PARIS. 


135 


V  Décidément,  c'est  au  théâtre  de  Sa  Majesté,  dirigé  par  M.  Luinley, 
que  chantera  Mlle  Johanna  Wagner.  L'autorité  est  intervenue  dans  eegrave 
débat  et  a  tranché  la  question  en  faveur  du  directeur  qui  avait  su  le  pre- 
mier conquérir  et  s'assurer  la  célèbre  cantatrice. 

*„,*  L'Association  dos  artistes  musiciens  donnera,  lo  vendredi  30  avril, 
a  huit  heures  du  soir,  dans  la  salle  Bonne-Nouvelle,  un  quatrième  et  der- 
nier concert,  dont  voici  le  programme  :  1°  Ouverture  des  Nozze  di  Figaro, 
de  Mozart  ;  2°  Duo  concertant  pour  deux  flûtes,  de  M.  Léon  Magnier,  exé- 
cuté par  M.  Jules  Simon  et  l'auteur  ;  3°  Trio  des  Artistes  par  occasion,  de 
Catol ,  chanté  par  MM.  Jubelin  ,  Boulanger  et  Sautot,  de  la  classe  de 
M.  Panseron,  professeur  au  Conservatoire;  li°  Souvenir  de  Naples,  fantai- 
sie pour  le  violon  sur  des  thèmes  populaires,  de  Bazzini ,  exécutée  par 
l'auteur;  5°  Fragments  de  la  Symphonie  en  mi  (andante  et  scherzo),  de 
M.  I.avainne;  G"  Fantaisie  pour  l'orgue  à  percussion,  sur  des  motifs  du 
Freischiïlz,  de  Lefébure-Wély,  exécutée  par  l'auteur  sur  un  instrument 
de  MAI.  Alexandre  ;  7°  Trio  de  l'Hôtellerie  portugaise,  de  Cherubïni,  chanté 
par  MM.  Jubelin  ,  Boulanger  et  de  Beaupré;  8°  Concerto  de  violon  ,  de 
M.  Bazzini ,  exécuté  par  l'auteur  ;  9°  Ouverture  de  Démophon  ,  de  Vogel. 
—  L'orchestre  sera  dirigé  prr  M.  Georges  Bousquet. 

*„,*  La  seconde  matinée  musicale  donnée  par  la  môme  Association 
dans  sa  salle  de  concerts,  boulevart  Bonne-Nouvelle,  aura  lieu  diman- 
che prochain,  2  mai,  à  deux  heures.  On  y  entendra  Mlle  Louise  Matt- 
mann,  MM.  Rignault,  Guerreau,  Casimir  Ney,  Lebouc  et  Gouffé,  pour 
les  instruments  à  cordes;  et  MM.  Triébert,  Garimond,  Klosé,  Parés,  Ur- 
bain, Bomiefoy,  Jancourt  et  Espaignet,  pour  les  instruments  a  vent.  En 
voici  le  programme:  1.  Quintette  d'Onslow  (n°  8),  pour  instruments  à 
cordes.  2.  Sonate  de  Corelli,  pour  violon  et  basse,  exécutée  sur  le  violon- 
celle et  la  contrc-"basse.  3.  Trio  de  Beethoven,  en  si  bémol  (dédié  à  l'ar- 
chiduc Rodophe),  pour  piano,  violon  et  violoncelle,  h-  Fragments  de  la 
sérénade  de  Mozart  pour  deux  hautbois,  deux  clarinettes,  deux  cors, 
deux  bassons  et  contre-basse.  5.  AndanU  varié  par  II.  Blanchard,  extrait 
d'un  quatuor  pour  alto,  deux  violons  et  violoncelle.  6.  Bagatelle  en  mi 
bémol,  de  Beethoven,  et  air  varié  de  Haendel  pour  piano. 

*„,*  La  deuxième  des  séances  annoncées  par  M.  Stamaty,  dans  le  but  de 
faire  exécuter,  sous  sa  direction,  par  des  professeurs  et  élèves,  une 
série  de  chefs-d'œuvre  pour  piano  et  orchestre,  ayant  été  remise  de  mer- 
credi dernier  à  hier  soir,  samedi,  nous  ne  pourrons  rendre  compte  que 
dimanche  prochain  du  magnifique  programme  que  promettait  cette  sé- 
ance. Nous  parlerons  en  même  temps  de  la  troisième,  qui  reste  fixée  à 
mercredi  prochain,  28,  à  huit  heures  du  soir,  salle  de  l'association  des 
artistes  musiciens.  On  y  entendra  le  concerto  en  ut  majeur  (16e),  par 
M.  Laflite;  ceux  de  Beethoven  (op.  58  et  37)  par  Mlles  Picard  et  Magnier; 
celui  de  Weber,  par  Mlle  Vautier.  M.  Alard  exécutera  la  romance  en  soi, 
de  Beethoven,  pour  violon.  L'orchestre  se  composera,  comme  dans  les 
autres  séances,  d'artistes  du  Théâtre-Italien. 

*„,*  Voici  le  programme  du  concert  que  donnera  mardi  prochain,  dans 
la  salle  Herz,  à  8  heures  du  soir,  le  jeune  violoniste  1.  Lotto,  élève  de 
M.  L.  Massart:  —  1.  Les  Gardes-nuit,  d'Auber,  chœur  exécuté  par  la  So- 
ciété chorale  du  Conservatoire  (sous  la  direction  de  M.  Ed.  Batiste).  — 

2.  Sixième  air  varié  pour  le  violon,  de  Bériot,  excuté  par  I.  Lotto.  — 

3.  Air  des  Mousquetaires,  d'Halévy,  chanté  par  Mme  Ch.  Ponchard.  — 
h.  Concerto  de  piano,  de  S.  Bach  (1720),  exécuté  par  Mme  L.  Massart.  — 

5.  Air  de  GiLby  la  Cornemuse,  de  Clapisson,  chanté  par  M.  Bonnehée.  — 

6.  Concerto  de  violon,  de  lï.  Kreutzer,  exécuté  pari.  Lotto.— 7.  chansonnettes 
chantées  par  M.  Malézieux.  —  8.  Chœur  des  gardes-chasse  du  Songe  d'unenuil 
d'été,  d'A.  Thomas.  —  9.  Etude  sur  les  touches  noires,  de  Chopin,  chanson 
bachique,  de  Ed.  Wolff,  exécutées  par  Mme  L.  Massart.  —  10.  liien,  l'Hi- 
ver vimt  toujours  trop  tôt,  de  C.  Hocmelle,  romances  chantées  par 
Mme  Ch.  Ponchard.  —  11.  Fantaisie,  de  Léonard,  exécutée  par  I.  Lotto. 

%,*  La  jeune  et  savante  organiste  de  la  cathédrale  de  M  eaux,  l'excel- 
lente musicienne  qui  a  obtenu  un  si  beau  succès  cet  hiver  dans  ses 
concerts  d'improvisation  musicale,  Mlle  Juliette  Dillon  vient  de  publier 
une  œuvre  qui  ne  peut  manquer  d'avoir  un  grand  succès  à  cause  de  son 
actualité  et  du  double  talent  de  ses  auteurs.  On  se  souvient  de  l'infortuné 
poète,  Hégésippe  Moreau,  qui  mourut  à  l'hôpital.  Moreau  a  laissé  au  sé- 
minaire de  Meaux  des  poésies  religieuses  inédites.  Ce  poète  de  l'école  de 
Diogène  a  su  trouver  des  vers  ravissants  pour  en  composer  un  Cantique  a 
ta  sainte  Vierge.  Mlle  Juliette  Dillon  a  écrit  sur  ce  Cantique  une  mélodie 
à  deux  parties,  qui  sera  chantée  dans  toutes  les  églises  ;  car  selon  ce  que 
dit  Hégésippe  Moreau: 

Bientôt  le  mois  de  mai,  pour  la  reine  des  Vierges, 
Fera  neiger  les  lis  et  rayonner  les  cierges. 
Nous  prédisons  à  l'œuvre  du  séminariste  et  de  l'organiste  une  popularité 
certaine. 

V  II  y  aura  jeudi,  29  avril,  à  8  heures  du  soir,  dans  la  salle  Herz,  au- 
dition des  compositions  musicales  de  M.  Edouard  de  Hartog.  Voici  le 
titre  des  divers  morceaux  de  sa  composition  qui  seront  exécutés.  — 
1.  Chant  du  soir,  Hymne  à  la  gloire,  chœurs  pour  voix  d'hommes  sans 
accompagnement.  —  2.  Elle  est  morte,  Désir,  mélodies  chantées  par 
M.  Ponchard.  —  3.  Le  Sylphe,  mélodie  chantée  par  Mme  Ch.  Ponchard. 
—  U.  Adagio  et  scherzo  de  la  sonate,  op.  21,  barcarolle,  pour  piano, 
exécutées  par  Mme  A.  Muel  (de  Courtemblay).  —  5.  Souhaits  d'amour, 
mélodie,  Dans  ma  maison,  chanson  rustique,  chantées  par  M.  Alfred 
Mutel.  —  6.  Fleur  des  champs,  scène  dramatique  chantée  par  Mme  Ga- 
veaux - Sabatier.   —  7.  Loin  du  pays,  chanson  à  boire,  chœurs  pour 


voix  d'hommes  et  pour  voix  mixtes  sans  accompagnement.  —  8.  Le  Roi 
solitaire,  scène  dramatique,  Ne  me  regarde  ptus,  mélodie,  chantées  par 
M.  Jules  Lefort.  —  9.  Fantaisie  pour  le  violoncelle,  de  M.  A.  Batta,  exé- 
cutée  par  lui-môme.  —  10.  Sérénad;  Johanna,  mélodies  chantées  par 
M.  Cornélis,  professeur  au  Conservatoire  de  Bruxelles.  —  11.  Aurore  et 
Nuit,  fantaisie  nocturne  à  deux  voix,  chantée  par  M.  Ponchard  et 
Mme  Ch.  Ponchard.  —  12.  Confidences,  rêverie,  tarentelle  fantastique, 
pour  piano,  exécutées  par  Mme  A.  Mutel.  —  13.  Le  Dimanche  au  village, 
pastorale,  chantée  par  Mme  Gaveaux-Sabatier.  —  là.  Sérénade,  Où  vas- 
tu,  petit  oiseau,  chœurs  pour  voix  d'hommes  et  pour  voix  mixtes  sans  ac- 
compagnement. —  Les  chœurs  seront  exécutés  par  cinquante  chanteurs 
sous  la  direction  de  M.  Wekerlin  ;  les  paroles  sont  traduites  de  l'allemand 
par  M.  Marc  Constantin. 

*„*  La  ville  de  Paris,  qui  a  entrepris  sur  une  vaste  échelle  la  décoration 
intérieure  de  l'église  Saint-Eustache,  lui  accorde  aussi  une  subvention 
de  36,000  fr.  pour  la  reconstruction  de  l'orgue,  dont  la  dépense  totale 
s'élèvera  à  137,133  fr.  Le  magnifique  buffet  qui  le  renfermera  sera  en 
rapport  avec  la  richesse  architecturale  de  l'église.  D'après  l'état  actuel 
des  travaux,  l'instrument,  dont  l'exécution  est  confiée  à  la  maison  Ducro- 
quet,  pourra  être  inauguré  vers  le  mois  d'août  prochain. 

***  M.  E.  Scudo  vient  de  faire  paraître,  chez  l'éditeur  Lecou,  un  livre 
du  plus  haut  intérêt  pour  tous  ceux  qui  s'occupent  de  musique,  sous  le 
titre  de  Critique  et  littérature  musical/:  L'auteur,  Vénitien  de  naissance, 
élevé  en  Allemagne,  a  fait  ses  dernières  études  à  Paris,  sous  la  direction 
de  Choron.  Son  ouvrage  contient  une  série  d'articles  dont  les  premiers 
sont  consacrés  à  Liszt,  à  Berlioz,  et  à  l'influence  du  mouvement  romanti- 
que sur  l'art  musical  ;  puis  viennent  Donizetti  et  l'école  italienne  depuis 
Rossini  ;  Cimarosa  et  le  Mariage  setret  ;  l'art  du  chant  en  Italie  et  Mlle  Ai- 
boni  ;  Angelica  Catalani  ;  Mozart  et  son  Don  Juan  ;  le  Prophète,  de  Meyer- 
beer;  la  symphonie  et  la  musique  imitative  en  France  (M.  F.  David)  ; 
Beethoven  ;  l'opéra  en  France;  l'opéra  comique  ;  Ilérold;  esquisse  d'une 
histoire  de  la  romance  depuis  son  origine  jusqu'à  nos  jours;  de  la  musique 
religieuse  ;  IL  Sontag  et  histoire  d'une  cantatrice  de  l'Opéra.  Le  charme 
et  la  variété  du  livre  sont  encore  rehaussés  par  un  style  élégant  et  spiri- 
tuel ;  l'auteur  y  fait  preuve  des  études  musicales  les  plus  étendues.  Kous 
signalons  donc  à  l'attention  de  nos  lecteurs  l'ouvrage  de  M.  Scudo. 

%*  Un  poëte  italien,  Giacomo  Ferretti,  qui  avait  été  le  collaborateur  de 
Rossini ,  de  Donizetti  et  de  plusieurs  autres  compositeurs  ,  est  mort  à 
Rome  le  8  mars  dernier.  C'est  à  lui  que  l'on  doit  les  libretti  de  Cemren- 
iola,  de  Matilda  di  Shabran,  de  Tortaqualo  Tasso,  etc. 

CHROMIOUE     ÉTRANGÈRE. 

%.*  Liège.  —  Le  Val  d'Andorre,  d'Halévy,  a  été  représenté  pour  la  pre- 
mière fois  avec  le  plus  brillant  succès. 

%*  Dresde.  —  La  reprise  du  Prophète  a  retrouvé  toutes  les  sympathies 
qui  avaient  accueilli  le  magnifique  ouvrage  à  sa  première  représentation. 
La  saison  des  concerts  n'a  pas  eu  un  grand  éclat:  parmi  les  solennités  de 
ce  genre  nous  citerons  la  soirée  donnée  au  profit  du  monument  de  Ch. 
Marie  de  Weber. 

***  Cologne.  —  Le  petit  et  intéressant  violoniste  Fritz  Gernsheim  a 
donné,  le  15,  un  concert  dans  lequel  une  nombreuse  assemblée  lui  a 
donné  des  marques  nombreu.'es  de  satisfaction. 

*„*  Saint-Pétersbourg,  15  mars.  —  L'opéra  russe  s'est  efforcé  de  sup- 
pléer au  peu  de  mérite  de  ses  chanteurs  par  une  grande  activité.  Tandis 
que  pendant  toute  la  saison  les  Italiens  n'ont  monté  que  deux  ouvra- 
ges nouveaux,  Nino  (Nabwodonosor),  et  le  Sardanapale ,  les  Russes  ont 
monté  d'abord  YEsmeralda,  du  compositeur  russe  Dargomirski  ;  en- 
suite Stra-tella,  opéra  allemand  de  Flotovv,  le  Freischiïlz,  de  Weber,  et  le 
Val  d'Anlorre,  d'Halévy;  et  maintenant  ils  sont  à  l'étude  de  Dmitri  du 
Don,  de  Rubinstein,  dont  la  première  représentation  est  promise  pour  la 
réouverture  du  théâtre  après  Pâques.  Malgré  une  faible  exécution,  le 
Val  d'Andorre  a  obtenu  un  succès  brillant.  La  charmante  musique  d'Ha- 
lévy avait  attiré  au  théâtre  russe  la  société  élégante,  qu'on  n'y  voit  pres- 
que jamais. 

V  Madrid.  —  La  reine  Isabelle  a  fait  jouer  deux  opéras  à  son  théâtre 
particulier  d'Aranjuez.  Les  deux  représentations  ont  coûté  14  millions  de 
réaux.  Les  costumes  ,  qu'on  avait  fait  faire  à  Paris,  ont  été  payés 
180,000  fr. 

*£*  Neto-York.  — Il  existe  ici  une  Société  philharmonique  allemande 
qui  se  réunit  deux  fois  par  semaine.  Au  mois  de  janvier  dernier  cette  So- 
ciété a  exécuté  Czar  et  Charpentier,  opéra  de  Lortzing.  —  Ole  Bull  vient 
d'arriver. 

Le  gérant  :  Ernest  DESCHAMPS. 
En  vente  chez  BRAN  DUS  et  C,  t05,  rue  Richelieu, 

SOUVENIRS   DU    FREÏSCHUTZ, 

Morceau  de  salon  pour  piano  et  violon,  par  Mme  MASSART 

ET 

L    KSASSART, 

Professeur  au  Conservatoire  de  musique. 
PRIX  :  10  FR. 


136 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS. 


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PARIS.   —   IHPRlMEItÎE  CENTRALE    DE  NAPOLÉON   CUAIXET  C'°     RUE  DERGÊRE,    20. 


BUREAUX  A  PARIS  :  BOULEVART  DES  ITALIENS,  I. 


lî)e  Année. 


N°  18. 


n  s'iilumnc  iluns  U-,    l><-p.iitt-iru'i»ts  vin   l'KIniiipiT, 

ulioztoa*  1rs  Mnrchnnda  de  Musique,  les  l.liruires 

L-I  1IUX   ISlll'IMU.V   tlr.\-,   .M  t'SV.I^'.J,  Il  S  .  I  il  t.' h   |.  ».l'>  . 

yon.  A  notr»  Agonco  ginûrolo,  S 

Icnèvc,  i:r  pour     Chez  M,  Ed.  do  la  PlOcliiôro, 


2  Mai  1851 


Prix  île  V  ilionncmcnt  i 


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lillCl, 


Londres.  Wcssclcl  0, 229,Hc6l-ntslrcct 

(■U-I'cl.crKhoiirE.  ll.liznnl. 

Scn-tdili.  s,. ,,,  erg  ol  Luis. 

Wnilrhl.  Union  ortisiico-musiciue. 

Amsterdam.         Bureau  des  Postes 
Berlin.  Sclilnsinçer,  31,  u.u.  T.imlen, 

Uute  cl  îtuck,  42,  Juogorstr. 

Sussetli. 


Parte,  un  an 

n^pmtcmcnls,  Bo'giquo  et  Suis 
étranger      


Le  Jourmil  p.iruit  le  Dimanche. 


Lisbonne 


GAZETTE  MUSICA 


-w\aAA/^S<^SJWvw- 


SOMMAIUE.  —  Le  Juif  errant,  grand  opéra  en  5  actes,  la  musique  (1"  article),  par 
Fétis  perc.  —  Auditions  musicales,  par  Henri  Blanchard.  —  Les  Danses 
des  Morts,  de  Georges  Kastner.  —  Nouvelles  et  annonces. 


Les  Abonnés  reçoivent,  nvec  ce   numéro,    une    romance,    MAffiinME, 

composée  par  P'.  DAN^HEB. 


E.E    .F&JME    EMMA  IV T. 

GRAND    OPÉRA     EN    CINQ    ACTES. 

n,.t  î4"a"'s>B<!ea'fE. 

(1"  article.) 

C'est  une  histoire  singulière  que  celle  du  grand  opéra  français  pen- 
dant un  siècle  et  demi,  c'est-à-dire  depuis  son  origine  jusqu'en  1827  ! 
Fondé  par  un  musicien  italien  (Lulli) ,  dont  le  génie  suffit  à  sa  prospérité 
pendant  une  longue  suite  d'années,  il  dépérit  entre  les  mains  de  ses  suc- 
cesseurs, tous  Français  de  naissance.  Colasse,  Destouches,  Boismortier, 
Colin  de  Boismont  et  Mouret,  cultivaient  avec  amour  le  genre  malheu- 
reux que  le  bon  sens  de  Voltaire  a  flétri  parce  vers  : 

Tous  les  genres  sont  bons,  hors  le  genre  ennuyeux. 

Non-seulement  il  ne  reste  rien  de  leurs  ouvrages,  mais  la  mention 
que  je  fais  de  leurs  noms  est  probablement  la  seule  qui  soit  parvenue 
jusqu'à  mes  lecteurs. 

La  France  ne  pouvait-elle  donc  donner  le  jour  à  quelque  compositeur 
doué  de  mélodie  et  de  sentiment  dramatique  ?  Si  fait  :  elle  produisit 
Bameau,  qui,  vers  le  milieu  du  xviir  siècle,  ranima  le  grand  opéra 
français  par  ses  vigoureuses  conceptions,  balança  la  gloire  de  Lulli,  et 
triompha  même  dans  la  lutte  qu'il  eut  à  soutenir  contre  les  nouveautés 
de  la  musique  italienne.  Mais  Rameau  ne  fut  qu'une  exception.  Déjà 
vieux  lorsqu'il  aborda  la  scène,  il  ne  jouit  pas  longtemps  de  ses 
triomphes,  et  le  temps  approchait  où  ce  qu'il  avait  fait  pour  l'honneur 
du  nom  français  en  musique  devait  être  oublié. 

Il  y  avait  pua  de  temps  que  Rameau  était  descendu  dans  la  tombe, 
lorsqu'une  réforme  complète  du  grand  opéra  français  fut  faite  par  des 
compositeurs  étrangers.  Ni  Rebel,  ni  Francœur,  ni  le  vieux  Berton, 
père  de  l'auteur  de  Montano  cl  Stéphanie,  n'avaient  pu  continuer 
l'œuvre  de  Rameau  :  leurs  soporifiques  partitions  n'avaient  eu  qu'une 
existence  éphémère.  Enfin,  Gluck  arriva  à  Paris,  dans  l'espoir  d'y 
trouver  des  dispositions  favorables  à  la  nouvelle  direction  que  venait 
de  prendre  son  génie.  Il  ne  s'était  pas  trompé  :  Ylphigénie  en  Aulide, 
YAlceste,  Y  Orphée,  Y Iphigénie  en  Tauridr,  et  YArmide,  mirent  en 
émoi  toute  la  nation,  à  cette  époque  de  paix  et  de  calme  où  la  publi- 
cation des  œuvres  d'art  et  de  littérature  préoccupait  tous  les  esprits. 
On  sait  les  agitations  que  ces  beaux  ouvrages  firent  naître  dans  toutes 
les  classes  de  la  société,  et  comment  la  France  se  partagea  en  deux 


camps  pour  l'illustre  musicien  allemand  et  pour  son  rival  Piccinni,  que 
ses  antagonistes  avaient  fait  venir  d'Italie  ;  car  le  succès  ne  se  compose 
pas  seulement  d'ovations  :  il  y  faut  aussi  l'opposition  pour  qu'il  ait 
de  la  durée.  Piccinni,  génie  mélodique  de  premier  ordre,  était  digne 
du  rôle  qu'on  lui  avait  destiné  :  ses  opéras  de  Roland,  Bidon,  Atys, 
et  même  son  Iphigénie  en  Tauride,  où  se  trouvent  des  airs  admirables, 
soutinrent  dignement  la  lutte  et  restèrent,  avec  ceux  de  Gluck,  en 
possession  du  théâtre  pendant  quarante  ans  environ.  Presque  dans 
le  même  temps,  un  autre  maître  vint  d'Italie  partager  avec  ces  deux 
grands  artistes  la  gloire  de  la  régénération  de  l'opéra  français  :  on 
comprend  que  je  veux  parler  de  Sacchini,  dont  YOEdipe  à  Colone, 
chef-d'œuvre  de  sentiment,  de  grâce  et  de  force  dramatique,  n'a  pu 
lasser  l'admiration  du  public  et  des  artistes  pendant  un  demi-siècle. 

Une  sorte  de  fatalité  semblait  avoir  frappé  le  talent  des  compositeurs 
français  lorsqu'ils  abordaient  la  scène  de  l'Opéra  ;  car  Monsigny  et 
Philidor,  artistes  doués  du  plus  heureux  instinct,  et  dont  les  opéras 
comiques  ont  fait  longtemps  les  délices  de  la  nation,  avaient  échoué 
sur  un  plus  vaste  théâtre,  le  premier  dans  une  Aline,  reine  de  Gol- 
conde,  l'autre,  dans  Ernelinde.  Lemoyne  n'avait  obtenu  que  quelques 
représentations  pour  son  Electre  et  pour  sa  Phèdre,  tandis  que  les 
Danaïdes,  de  Salieri,  attiraient  la  foule  à  l'Opéra,  et  que  le  Démophon, 
ainsi  que  la  Toison  d'or,  de  l'Allemand  Vogel,  agitaient  le  public  de 
vives  émotions,  nonobstant  les  défauts  des  poèmes.  Grétry  réussissait 
dans  la  Caravane  du  Caire  et  dans  Panurge,  ouvrages  de  demi-ca- 
ractère ;  mais  Grétry  était  Belge.  Un  peu  plus  tard,  l'immense  talent 
de  Méhul,  que  son  caractère  sérieux  semblait  destiner  spécialement  au 
Grand  Opéra,  ne  fut  heureux  ni  dans  Adrien,  ni  dans  Horatius  Coclès, 
ni  dans  les  Amazones;  et  l'influence  du  Conservatoire,  alors  très- 
puissante,  ne  put  donner  à  la  Sémiramis  de  Catel  qu'un  petit 
nombre  de  représentations.  L'Aslianax  de  Kreutzer  eut  un  sort  à 
peu  près  semblable,  et  le  succès  des  Bardes,  de  Lesueur,  fut  une 
affaire  de  parti  qui  n'eut  pas  de  durée,  et  fut  suivie  d'un  profond 
oubli. 

Nous  ne  sommes  pas  au  bout  de  la  domination  des  artistes  étrangers 
sur  la  scène  de  l'Opéra.  Après  les  chutes  ou  les  succès  contestés  des  ou- 
vrages dont  j'ai  parlé,  les  ressources  de  ce  théâtre  consistaient  toujours 
dans  la  reprise  des  opéras  de  Gluck,  de  Piccinni  et  de  Sacchiui.  Enfin, 
après  trente  ans,  de  nouveaux  succès  non  moins  brillants  vinrent  sus- 
pendre le  cours  de  leurs  représentations  ;  mais  ce  fut  un  compositeur 
italien  qui  les  obtint.  La  Vestale  et  Fernand  Cortez,  de  Spontini ,  fu- 
rent les  heureuses  conceptions  qui  ouvrirent  à  l'Opéra  une  ère  nouvelle 
de  prospérité.  On  sait  quel  fut  l'enthousiame  dont  furent  salués  ces 
beaux  ouvrages,  non-seulement  en  France,  mais  dans  toute  l'Europe. 
Ils  occupèrent  presque  seuls  la  scène  de  l'Opéra  depuis  1807  jusqu'en 


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REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


!  I 


1815.  L'Aristippi,  de  Kreutzer;  la  Mort  d'Adam,  de  Lesueur  ;  le  Triom- 
phe de  Trajan  et  la  Jérusalem  délivrée,  de  Persuis;  les  Bayadères,  de 
Catel ,  même,  malgré  les  beautés  qui  s'y  faisaient  remarquer,  ne  furent 
que  des  temps  d'arrêt  dans  les  représentations  toujours  suivies  des 
deux  partitions  de  Spontini. 

Loin  de  moi  l'indifférence  qui  me  ferait  méconnaître  la  valeur  des 
belles  choses  répandues  dans  les  opéras  qui  furent  joués  depuis  cette 
époque  jusqu'en  1826  ;  mais  je  recherche  seulement  ce  qui  est  resté  à 
la  scène  et  ce  qui,  sortant  du  répertoire  d'un  seul  théâtre,  s'est  répandu 
dans  le  monde  musical  et  y  a  été  accueilli  par  une  sympathie  univer- 
selle ;  or,  je  ne  trouve  rien  avant  le  Siège  de  Corinthe,  bien  que  cette 
partition  ne  soit  que  le  remaniement  du  Maometlo.  Ce  remaniement 
était  digne  du  maître  qui  brillait  alors  sans  rival  sur  toutes  les  scènes. 
Le  Moue,  autre  partition  du  même  genre,  et  plus  grande  encore,  vint 
ensuite  marquer  sa  place  dans  la  liste  de  ces  ouvrages  qui  ne  périssent 
pas  et  dont  l'avenir  est  incessamment  lié  au  passé.  Puis  vinrent  les 
grâces  du  Comte  Ory;  puis  les  beautés  colossales  de  Guillaume  Tell. 
œuvre  séculaire  qui  a  marqué  la  fin  de  la  carrière  d'un  grand  homme. 
Il  faut  bien  avouer  qu'entre  Rossini  et  Spontini ,  rien  de  semblable 
n'avait  été  produit.  C'était  donc  toujours  le  génie  étranger  qui  domi- 
nait à  l'Opéra  et  qui  lui  fournissait  ses  ressources  les  plus  productives. 
Nous  allons  le  voir  encore  y  apporter  d'immenses  trésors  par  les 
grandes  conceptions  de  Meyerbeer.  Mais,  à  cette  époque,  la  fatalité 
cesse  pour  l'école  française  :  Auber,  Halévy,  la  vengent  des  défaites  du 
passé,  et  leurs  œuvres,  que  vingt  années  de  succès  nationaux  n'ont  pu 
vieillir,  se  relèvent  encore  par  des  succès  universels. 

Ce  fut  un  beau  jour  pour  l'art  français,  que  celui  qui  mit  en  évidence 
les  beautés  répandues  à  profusion  dans  la  partition  de  la  Muette  de 
Portici.  On  n'en  comprit  par  d'abord  toute  la  valeur  ;  mais  insensible- 
ment leur  renommée  grandit,  et  le  temps,  toujours  profitable  aux  belles 
œuvres  d'art,  finit  pas  classer  celle-ci  parmi  les  plus  considérables.  A 
cette  belle  production,  Auber' ajouta,  quelques  années  après,  la  partition 
du  Philtre,  délicieux  ouvrage  qui  laisse  bien  loin  derrière  lui  l'opéra 
italien  composé  sur  le  même  sujet.  Puis  vint  le  tour  d'Halévy,  qui , 
modeste  avec  excès  peut-être  ,  ignorait  encore  la  portée  de  son  talent 
lorsqu'il  écrivit  la  musique  de  la  Juive.  II  faut  l'avouer,  la  critique  et 
le  public  lui  montrèrent  d'abord  si  peu  de  bienveillance,  que  la  timidité 
d'un  artiste  si  distingué  semblait  être  justifiée.  Je  me  souviens  qu'après 
les  premières  représentations  de  ce  chef-d'œuvre,  l'opinion  générale 
était  que  la  Juive  n'avait  d'existence  que  par  le  luxe  de  sa  mise  en 
scène.  M.  Duponchel  croyait  de  bonne  foi  qu'il  avait  sauvé  l'ouvrage 
en  y  introduisant  le  piaffement  des  chevaux.  Heureusement,  il  se  trouva 
un  critique  musicien  qui ,  étranger  à  toute  coterie,  à  tout  esprit  de 
parti ,  à  toute  prévention  ,  et  ne  jugeant  l'art  que  par  lui-même,  osa 
dire  que  le  luxe  auquel  on  faisait  honneur  du  succès  de  l'opéra,  était 
précisément  ce  qui  nuisait  à  la  seule  chose  qui  eût  de  la  valeur  dans  la 
Juive,  à  savoir,  la  musique  si  dédaignée,  et  que,  lorsque  toute  cette 
friperie  serait  fanée,  il  resterait  des  beautés  impérissables  dans  l'œuvre 
du  compositeur.  On  ne  vit  d'abord  qu'un  paradoxe  dans  cette  opinion  : 
cependant  les  jugeurs  devinrent  plus  circonspects  ;  on  se  donna  la 
peine  d'écouter  avec  plus  d'attenlion ,  et ,  sans  se  donner  ouvertement 
le  ridicule  d'une  rétractation,  on  finit  par  convenir  qu'il  y  avait  de 
belles  choses  dans  la  partition.  Depuis  lors,  la  Juive  a  reçu  la  sanction 
d'un  véritable  suffrage  universel ,  donné  par  acclamation  chez  toutes 
les  populations  émues. 

Quand  il  n'y  eut  plus  moyen  de  nier  l'éclatant  succès  des  beautés  de 
la  Juive,  on  ne  manqua  pas  d'opposer  cet  ouvrage  aux  autres  produc- 
tions de  son  auteur  ;  car  il  n'est  que  trop  vrai  qu'il  existe  un  esprit 
(^'opposition  qui,  envieux  du  talent,  ne  peut  lui  pardonner  ses  triom- 
phes. Cet  esprit  se  retrouve  en  tout  temps  :  sa  tactique  est  toujours  la 
même.  Mais  s'il  reste  souvent  quelque  chose  des  calomnies  dont  on 
poursuit  les  individus ,  il  ne  reste  rien  du  dénigrement  qui  s'attache 
aux  belles  œuvres  de  l'art  et  de  la  science.  N'ai-je  pas  vu  ce  dénigre- 
ment aux  prises  avec  tous  les  ouvrages  de  Meyerbeer?  Ne  l'ai-je  pas 


entendu  dire,  à  l'apparition  de  Robert-le-Diable,  qu'il  n'y  en  avait 
pas  pour  dix  représentations?  N'a-t-on  pas  imprimé  dans  certains 
journaux  que  les  Huguenots  ne  pouvaient  soutenir  la  comparaison  avec 
cet  ouvrage,  et  que  l'engouement  du  public  ne  serait  qu'un  feu  follet? 
Et  naguère  encore  n'est-ce  pas  avec  Robert  et  les  Huguenots  qu'on  a 
prétendu  tuer  le  Prophète  ?  A  tout  cela,  que  répondait  le  critique  mu- 
sicien dont  j'ai  parlé  toutàl'heure?  Insensés!  ne  voyez-vous  pas  que  ces 
œuvres  ont  le  caractère  de  la  force  et  delà  grandeur?  Ne  voyez-vous 
pas  que  cela  part  d'un  sentiment  intime  et  tout  original?  Que  cela  est 
nouveau  ,  hardi  et  profondément  dramatique  ?  Et  vous  prétendez  que 
cela  ne  vivra  pas!  Moi  je  vous  déclare  que  cela  fera  le  tour  du  monde 
au  bruit  d'unanimes  applaudissements,  et  que  cela  tiendra  un  haut 
rang  parmi  les  monuments  de  l'histoire  de  l'art.  —  Et  ce  critique  ne 
s'est  pas  trompé  ;  et  des  diatribes  envieuses  il  ne  reste  airun  souvenir. 
11  en  est  de  même  de  toutes  les  attaques  qui  ont  poursuivi  Halévy 
dans  la  nouveauté  de  ses  ouvrages  :  elles  sont  oubliées,  et  les  œuvres 
vivent. 

Au  surplus,  il  y  a  autant  d'incapacité  que  de  mauvais  vouloir  dans  le 
jugement  qu'on  porte  des  grandes  compositions  après  une  première 
audition  ;  on  doit  même  avouer  que  les  difficultés  sont  grandes  pour 
saisir  la  véritable  signification  de  la  musique  dans  l'ensemble  si  com- 
plexe du  spectacle  d'un  grand  opéra.  Le  sujet  qu'il  faut  comprendre  ; 
la  marche  de  l'action  dramatique  qu'il  faut  suivre  ;  la  mise  en  scène, 
les  danses,  le  jeu  et  le  chant  des  acteurs ,  les  costumes,  les  décora- 
tions; toutes  ces  choses,  dis-je,  se  partagent  l'attention  avec  la  musi- 
que, et  ne  peuvent  manquer  de  nuire  à  celle-ci ,  car  cet  art  ne  souffre 
pas  de  partage.  S'il  ne  règne  souverainement  sur  l'âme  ,  il  s'anéantit. 
On  n'emporte  donc  de  la  représentation  d'un  grand  ouvage  qu'on  a 
entendu  pour  la  première  fois  qu'un  souvenir  vague  plus  ou  moins 
agréable,  plus  ou  moins  pénible,  sans  possibilité  de  formuler  une  opi- 
nion raisonnée  sur  chacune  des  parties  de  l'ensemble  dont  on  a  été 
impressionné.  Par  exemple,  à  la  sortie  de  la  première  représentation 
du  Juif  errant,  chacun  des  spectateurs  pouvait  se  dire  qu'il  avait  as- 
sisté à  un  grand  et  magnifique  spectacle  ;  il  se  rappelait  sans  doute 
qu'une  musique  tantôt  suave  et  gracieuse,  tantôt  forte  et  dramatique, 
l'avait  ému  et  lui  avait  arraché  des  applaudissements  instinctifs;  mais, 
fatigué  par  une  attention  soutenue  et  partagée  entre  une  multitude 
d'objets  pendant  plus  de  cinq  heures,  il  ne  pouvait  avoir  qu'un  souve- 
nir confus  de  toutes  ces  choses.  Ce  n'est  qu'après  plusieurs  auditions 
que  les  mêmes  personnes  mettent  de  l'ordre  dans  la  mémoire  de  leurs 
impressions,  et  qu'élaguant  tour  à  tour  les  divers  accessoires  dont  la 
musique  est  accompagnée,  elles  accorderont  à  celle-ci  une  attention 
presque  exclusive.  Alors  seulement  le  génie  du  compositeur  agira  puis- 
samment sur  leur  organisation  ;  alors  seulement  elles  saisiront  les 
beautés  qui  fourmillent  dans  la  nouvelle  partition  de  l'auteur  de  la 
Juive.  Le  musicien  habile  emporte  incontestablement  d'une  première 
audition  une  connaissance  beaucoup  plus  étendue  de  la  valeur  d'une 
œuvre  musicale  qu'un  spectateur  étranger  à  l'art  ;  mais  il  ne  peut  faire 
que  son  attention  n'ait  été  distraite  par  des  choses  étrangères  aux  inspi- 
rations du  compositeur,  et  conséquemment  que  beaucoup  de  choses 
importantes  ne  lui  aient  échappé.  Il  a  donc  aussi  besoin  d'entendre  un 
grand  opéra  plusieurs  fois  pour  s'en  former  une  juste  opinion. 

Les  auteurs  des  paroles  du  Juif  errant  ont  ménagé  des  situations 
pleines  d'intérêt  pour  le  musicien.  Non-seulement  ils  lui  ont  donné  à 
exprimer  des  sentiments  qui  sont  le  thème  inépuisable  d'un  art  tout 
sentimental ,  mais  ils  lui  ont  ouvert  les  trésors  d'un  monde  surnaturel 
et  fantastique  où  l'imagination  n'a  pas  de  limites  ;  enfin,  ils  ont  opposé 
les  mœurs  de  l'Occident  à  celles  de  la  Grèce  asiatique,  et  préparé,  pour 
ainsi  dire,  une  riche.palette  pour  la  peinture  des  sons.  Le  compositeur 
chargé  de  cette  grande  œuvre  n'est  pas  resté  au-dessous  de  la  tâche 
qui  lui  avait  été  confiée.  Je  n'ai  point  à  dire  ici  quels  sont  les  dévelop- 
pements du  sujet  ni  la  marche  de  l'action  dramatique:  mon  spirituel 
collaborateur  a  bien[voulu  prendre  ce  soin.  C'est  de  la  musique  seule 
que  j'ai  à  parler.  Bien  qu'il  n'y  ait  qu'un  moyen  pour  rendre  parfaite- 


DE  PARIS. 


139 


ment  saisissable  l'analyse  d'une  œuvre  musicale,  à  savoir  l'exécution 
de  l'œuvre  elle-même,  je  vais  essayer  de  faire  comprendre  à  mes  lec- 
teurs quelles  sont  les  qualités  par  lesquelles  brille  le  nouvel  opéra  d'Ha- 
lévy,  et  par  quoi  se  distingue  cet  ouvrage  de  ceux  du  même  artiste 
qui  l'ont  précédé. 

Si  l'on  examine  ^attentivement  la  partition  de  l'auteur  du  Juif  er- 
rant, on  reconnaîtra  bientôt  que  la  mélodie  s'y  trouve  en  abondance  ; 
et  l'on  sera  forcé  d'avouer  qu'elle  y  a  toujours  un  cachet  de  distinc- 
tion. 11  semblerait  donc  au  premier  aspect  que  la  musique  de  ce 
compositeur  dut  obtenir  des  succès  faciles  ,  et  que  l'auditoire  le 
moins  avancé  dans  la  connaissance  de  l'art  en  dût  avoir  l'intelli- 
gence; car,  dit-on,  la  mélodie  est  la  partie  de  la  musique  qui  est  à  la 
portée  de  tout  le  monde.  Mais  au  don  de  l'inspiration  mélodique,  Ha- 
lévy  ajoute  l'esprit  de  combinaison  et  le  penchant  à  une  harmonie 
recherchée  qui  ont  beaucoup  de  prix  aux  yeux  de  l'artiste  expérimenté, 
mais  qui  étonnent  d'abord  plus  qu'ils  ne  charment  le  simple  amateur, 
et  qui  ne  peuvent  pénétrer  dans  son  esprit  qu'après  avoir  quelque  peu 
tourmenté  son  oreille.  Sous  la  phrase  du  chanteur ,  qui  serait  aussi 
claire  que  séduisante  si  elle  n'avait  pour  accompagnement  qu'une  har- 
monie simple  et  naturelle,  d'autres  phrases  également  intéressantes  se 
font  entendre  dans  l'instrumentation,  et  composent  un  ensemble  riche 
de  détails  dont  le  mérite  de  facture  ne  peut  être  saisi  que  par  des  au- 
ditions répétées.  De  là  vient  que  le  succès  de  cette  musique  a  toujours 
été  l'œuvre  du  temps.  Tel  n'est  pas  le  système  adopté  par  Halévy  dans 
la  composition  du  Juif  errant.  Le  sujet  de  cet  ouvrage  est  une  lé- 
gende populaire  :  la  naïveté  des  idées  y  est  donc  en  quelque  sorte  une 
nécessité.  Ajoutons  que  la  scène  se  passe  au  xn6  siècle ,  et  que  cette 
considération  plaide  aussi  en  faveur  de  la  simplicité.  Dirigé  par  ces 
pensées,  le  compositeur  a  complètement  transformé  sa  manière.  Sim- 
ple, clair,  abondant  en  mélodies  suaves  et  naturelles,  il  n'a  pas  couvert 
celles-ci  par  une  instrumentation  compliquée  :  son  orchestre,  au  con- 
traire, est  d'une  légèreté  remarquable.  Evitant  avec  soin  de  partager 
l'attention  des  spectateurs,  il  leur  fait  entendre  presque  partout  le 
chant  à  découvert,  bien  que  l'accompagnement  soit  écrit  avec  beau- 
coup d'élégance  et  de  finesse.  Dans  une  seule  situation,  Halévy  a  senti 
le  besoin  de  faire  intervenir  le  chant  de  l'instrumentation  pour  fortifier 
l'expression  dramatique.  Cette  situation  est  celle  de  l'admirable  duo  du 
quatrième  acte,  où  le  poëte  et  le  musicien  ont  rivalisé  de  talent  pour 
l'expansion  d'un  amour  à  la  fois  naïf  et  passionné.  Les  paroles  et 
la  musique  sont  également  une  heureuse  inspiration  de  l'idéal  du 
sentiment  et  de  la  vérité  de  l'expression.  Voici  ce  passage  si  plein  de 
charme  : 

LÉON. 

Ah  !  si  j'osais,  Irèiie,  interroger  ton  cœur! 

IRÈNE. 

Parle  sans  crainte....   Je  t'écoute. 

LÉON. 

En  apprenant  que  tu  n'es  pas  ma  sceur, 
Ton  cœur  s'est-il  troublé? 

IRÈNE, 

....  Sans  doute  ! 

LÉON. 

Et  tant  qu'a  duré  ce  sommeil 
Où  dormaient  nos  âmes  !....   Ton  âme 
NV^rouvait-elle  pas  une  secrète  flamme, 
Impatiente  du  réveil  ? 

IRÈNE. 

le  m'en  souviens,  et  pendant  ton  absence, 
Je  me  sentais  mourir  dans  l'ombre  et  le  silence , 
Comme  la  fleur  loin  du  soleil  ! 

LÉON. 

Et  quand  ma  main  pressait  la  tienne  ? 

IRÈNE. 

Je  tremblais 

léon,  avec  transport. 
Tu  m'aimais,  Irène  !.... 
Et  quand  mes  regards,  sur  tes  traits, 
S'arrêtaient  tout  émus?.... 

IRÈNE. 

Je  tremblais!.... 

LÉON. 

Tu  m'aimais!... 


Et  quand  sous  le  baiser  d'un  frèro , 
Se  trahissait  ma  vive  ardeur?.... 

IRÈNE. 

Je  tremblais!.  .. 

léon,  avec  passion. 
Tu  m'aimais!!...  Près  de  toi  tout  m'éclaire  ! 
Ton  cœur  se  révèle  à  mon  cœur!!! 

Ce  dialogue  si  vrai,  il  était  impossible  de  le  chanter  en  mélodies  ca- 
dencées, car  il  fallait  que  toutes  ces  phrases  entrecoupées  fussent  dites 
avec  la  liberté  d'une  déclamation  juste.  Cependant  il  fallait  aussi  du 
charme,  de  l'amour,  du  bonheur  clans  l'expression  musicale.  C'est  ce 
que  le  compositeur  a  compris.  Son  génie  secondant  son  intelligence  lui 
a  fait  trouver  dans  la  voix  du  cor  anglais  un  chant  délicieux  de  suavité  et 
d'émotion  naïve,  où  s'exprime  tout  l'idéal  de  l'amour,  pendant  que  les 
personnages  de  la  scène  disent  le  dialogue  avec  une  vérité  d'accent 
digne  de  l'inspiration  de  Gluck.  Ce  duo  capital  est  à  lui  seul  un  chef- 
d'œuvre  dans  l'ouvrage. 

On  a  quelquefois  reproché  à  l'auteur  de  la  Juive  et  de  la  Reine  de 
Chypre  de  trop  aimer  le  bruit  :  dans  la  partition  du  Juif  errant  il  s'en 
est  montré  fort  sobre,  et  a  réservé  les  grands  effets  de  l'instrumentation 
pour  la  voix  formidable  qui  poursuit  Ashvérus  de  ces  paroles  fatales  : 
Marche  !  marche  toujours  !  pour  les  tempêtes  que  soulève  l'approche 
de  ce  personnage,  et  pour  le  triomphe  d'Irène  qui  couronne  le  final  du 
troisième  acte. 

Toutes  les  parties  du  nouvel  ouvrage  d'Halévy  méritent  une  analyse 
détaillée.  Je  laferai,  mais  elle  sera  l'objet  d'un  autre  article.  Ici,  je  dois 
me  borner  à  dire  quelle  a  été  l'impression  générale  produite  par  cette 
grande  œuvre.  Par  l'effet  même  de  la  transformation  de  manière  du 
compositeur  dont  j'ai  parlé  précédemment,  la  clarté  du  style  a  mis  im- 
médiatement toutes  les  beautés  de  l'ouvrage  à  la  portée  du  public,  qui, 
charmé  par  l'abondance  de  mélodies  dont  son  oreille  était  caressée, 
s'est  laissé  aller  à  la  manifestation  presque  constante  du  plaisir  qu'il 
éprouvait.  Il  est  très-rare  de  voir  autant  d'unité  dans  les  applaudisse- 
ments donnés  à  un  grand  opéra  dès  sa  première  apparition,  car  une 
œuvre  de  ce  genre  est  toujours  complexe,  et  préoccupe  souvent  l'at- 
tention jusqu'à  l'incertitude  sur  l'effet  produit.  Ce  succès  me  paraît  de- 
voir être  universel  et  destiné  à  une  longue  durée. 

L'exécution  n'a  pas  peu  contribué  à  ce  succès  dès  la  première  audi- 
tion. Mme  Tedesco,  chargée  du  rôle  de  Théodora,  l'un  des  principaux 
de  l'ouvrage,  l'a  chanté  en  artiste  du  plus  beau  talent.  Sa  voix,  dont 
l'étendue  très-rare  unit  les  notes  graves  d'un  vigoureux  contralto 
aux  notes  élevées  du  soprano,  est  parfaitement  homogène  et  d'un 
seul  registre.  Sa  vocalisation  indique  de  bonnes  études  de  chant  ;  son 
style  est  élevé,  son  sentiment  actif  et  passionné,  et  sa  manière  large  de 
terminer  les  phrases  fait  voir  qu'elle  se  possède  et  qu'elle  sait  ré- 
gler la  spontanéité  de  ses  inspirations.  Suffisamment  dramatique,  elle 
représente  bien  le  personnage  sans  tomber  dans  l'exagération  des  effets 
de  scène.  Sous  ce  rapport,  elle  a  un  grand  avantage  sur  Mlle  Alboni, 
qui,  dans  tous  les  opéras,  n'est  qu'une  très-belle  cantatrice  de  concert. 
Mme  Tedesco  me  paraît  destinée  à  être  la  grande  ressource  de  l'admi- 
nistration de  l'Opéra. 

Roger  est  un  chanteur  fin,  intelligent,  bien  inspiré  par  le  cœur,  et 
qui  phrase  avec  un  rare  bonheur  d'accent.  Si  la  puissance  de  son  or- 
gane secondait  toujours  son  sentiment,  aucun  ténor  ne  pourrait  lui  être 
comparé.  Dans  le  nouvel  opéra,  Halévy  lui  a  faitunebelle  part,  car  tous 
ses  avantages  y  sont  mis  en  relief  et  les  occasions  de  fatigue  y  sont  très- 
rares.  L'air  du  quatrième  acte  est  le  seul  morceau  qui  paraisse  exiger 
de  lui  des  efforts  pénibles  ;  mais  dans  les  deux  duos  du  second  acte  et 
du  quatrième,  dans  la  romance  du  troisième,  et  dans  quelques  passages 
du  récitatif,  il  ch%nte  avec  autant  de  charme  que  d'effet  dramatique. 

Massol  est  bien  placé  dans  le  rôle  d'Ashvérus.  Son  magnifique  or- 
gane s'y  déploie  dans  toute  son  étendue  ;  il  anime  la  scène  et  donne 
au  personnage  qu'il  représente  la  physionomie  convenable. 

Timide  à  la  première  représentation,  parce  qu'elle  se  faisait  entendre 
pour  la  première  fois  à  Paris  et  qu'elle  portait  la  responsabilité  d'un 
ouvrage  nouveau,  Mlle  Emmy  La  Grua  n'a  pas  montré  d'abord  tout  son 


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REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


talent  dans  le  personnage  d'Irène  ;  cependant  il  était  facile  de  reconnaître 
que  sa  voix  est  excellente,  qu'elle  est  musicienne  et  qu'elle  sait  chan- 
ter ;  mais  raffermie  aux  représentations  suivantes,  cette  artiste  repris 
par  degré  ses  avantages  et  a  dit  à  merveille  les  diverses  parties  de  son 
rôle.  11  y  a  lieu  de  croire  qu'elle  sera  une  bonne  acquisition  pour  l'O- 
péra, dont  le  personnel  a  besoin  de  se  recruter  de  talents  nouveaux. 

La  belle  voix  de  M.  Obin  fait  un  très-bon  effet  dans  le  rôle  de  Nicé- 
phore,  empereur  d'Orient.  Il  en  chante  les  diverses  parties  avec  no- 
blesse et  d'un  bon  style.  Enfin  MM.  Depassio,  Canaple,  Guignot  et 
Noir,  qui  représentent  quatre  bandits  dont  les  rôles  ont  de  l'importance 
dans  l'ouvrage,  disent  avec  soin  ce  qui  leur  est  confié,  particulièrement 
l'excellent  quatuor  des  quatre  basses  dans  le  second  acte. 

Je  n'ai  que  des  éloges  à  donner  à  l'orchestre,  si  bien  dirigé  par 
M.  Girard  ;  dans  l'ensemble  comme  dans  les  solos,  on  sent  que  cet 
orchestre  est  composé  d'artistes  distingués,  qui  réunissent  à  l'habileté 
dans  leur  art  le  sentiment  actif  des  beautés  de  cet  art  et  le  soin  con- 
sciencieux sans  lequel  il  ne  peut  y  avoir  de  bonne  exécution. 

FÉTIS  père. 

AUDITIOIS  MUSICALES. 

H.  Offenlbach.  —  II.  Blulder.  —  MBI.  Cavallo  et  Tiret.  — 
M.  SStamaty.  —  Société  plaîlSnarnionlque  oie  Saint-£îerma£iii-eu-' 
iiaje  et  Mlle  23olï;!oir.  —  3Ï.  Géraldy.  —  M.  Ejnigi  BSléiaa.  — 
M.  ScMosser.  —  SS.  Edouard  de  SBartog.  —  lie  jeune  ILotto. 

Au  temps  de  l'empire,  chaque  Français  passait  par  les  armes,  ou  du 
moins  par  le  noble  métier  des  armes  :  c'était  le  moyen  d'arriver  à 
tout.  Maintenant  c'est  l'art  de  jouer  du  piano  qui  fait  le  complément  de 
toute  éducation  féminine  et  même  masculine.  Comme  Thémistocle,  qui 
rougit  jusqu'au  blanc  des  yeux  d'avouer  qu'il  ne  savait  pas  jouer  de  la 
lyre ,  un  homme  bien  élevé  n'oserait  pas  convenir  qu'il  est  incapable 
d'accompagner  une  romance  au  piano ,  de  faire  danser  une  simple 
polka,  une  redowa  ou  bien  un  galop  sur  cet  instrument  ;  c'est  ce  qui 
fait  concevoir  que  sans  piano  et  sans  pianiste,  un  concert  semblerait 
incomplet.  Certes,  M.  Offenbach  sait,  autant  qu'homme  de  France  peut 
le  savoir,  l'art  de  formuler  un  programme  excentrique  et  piquant.  Ce- 
lui du  concert  qu'il  a  donné  dans  la  salle  Herz  dimanche  passé,  25  avril, 
l'a  prouvé  suffisamment;  mais  avec  M.  Roger  et  Mme  Laborde  de  l'O- 
péra, une  jolie  élégie  en  prose  de  M.  Arsène  Houssaye  ,  intitulée  les 
Larmes  de  Jacqueline  ;  Mme  Ugalde,  de  l'Opéra-Comique  ;  un  charmant 
ouvrage  de  M.  Henri  Murger,  le  Bonhomme  Jadis,  joué  délicieuse- 
ment par  M.  Delaunay,  Mlle  Fix,  et  surtout  M.  Provost,  de  la  Comédie- 
Française,  ce  programme  varié,  riche  encore  d'un  septuor  de  violon- 
celles sur  des  motifs  de  Bobert-le- Diable,  d'une  fantaisie  sur  Guil- 
laume Tell  et  le  Barbier,  et  de  scènes  comiques  par  Levassor,  offrait, 
de  plus,  deux  pianistes  :  l'une,  Mlle  Galtier,  âgée  de  six  ans,  qui  a  l'a- 
venir pour  elle,  et  l'autre,  M.  Léopold  de  Meyer,  possesseur  d'un  talent 
brillant,  incontesté,  si  bien  en  possession  du  présent.  De  tout  cela,  il 
a  dû  résulter,  comme  on  le  pense,  un  très-beau  concert  dans  lequel 
est  intervenu  le  bénéficiaire  comme  exécutant  et  compositeur,  avec 
son  cachet  individuel  que  nul  ne  lui  conteste. 

—  M.  Richard  Mulder  est  encore  un  virtuose  qui  tient  une  brillante 
place  parmi  la  pléiade  qui  scintille  dans  notre  ciel  harmonique.  Puis- 
sant de  son  talent,  de  son  jeu  vigoureux,  il  a  fait  apprécier  et,  par 
conséquent,  applaudir  son  mérite  de  compositeur  et  d'exécutant  dans 
le  concert  qu'il  a  donné  chez  Pleyel.  Sa  Cascade  et  son  Tambour  de 
basque,  études-fantaisies  dont  le  succès  est  aussi  assuré  qu'il  est  con- 
sacré, ont  été  suivis  d'un  excellent  duo  sur  les  motifs  de  la  Fille  du 
régiment,  pour  piano  et  violon,  composé  par  MM.  Mulder  et  Herman, 
et  que  les  auteurs  exécutent  délicieusement  ensemble.  Après  une  Pen- 
sée poétique  et  une  Bonde  provençale,  composées  et  fort  bien  dites  par 
M.  Mulder,  le  bénéficiaire  a  joué  encore  avec  M.  Fumagalli,  autre  pia- 
niste distingué,  un  duo  pour  deux  pianos  sur  des  motifs  italiens,  dia- 
logue aussi  bruyamment  exécuté  qu'applaudi.  M.  Mulder,  qui  aspire  sur- 
tout au  titre  de  compositeur  dramatique,  a  fait  dire  à  M.  Dufrêne,  de 


l'Opéra-Comique,  qui  s'en  est  gracieusement  acquitté,  une  cavatine 
charmante  qui  ne  pourrait  que  plaire  beaucoup  dans  un  opéra. 

■ —  M.  Pietro  Cavallo,  virtuose  bavarois,  malgré  ses  deux  noms  au- 
soniens,  est  aussi  pianiste  que  qui  que  ce  soit  ;  il  compose  bien,  exé- 
cute d'une  manière  fine  et  brillante,  et,  de  plus,  improvise  aussi  chau- 
dement que  scientifiquement.  M.  Pietro  Cavallo  s'est  associé  à  M.  Fré- 
déric Viret,  jeune  maître  de  chapelle  d'une  église  de  Paris,  composi- 
teur de  romances,  et  dirigeant  fort  bien  une  société  de  choristes 
amateurs  qui  fonctionnent  de  la  voix  avec  beaucoup  d'ensemble  et  de 
justesse,  qualité  très-rare  parmi  la  plupart  des  choristes  de  Paris. 
Dans  le  concert  que  ces  deux  artistes  ont  donné  dans  la  salle  Herz, 
mercredi  28  avril,  M.  Cavallo  a  dit  de  petites,  de  grandes  études  de 
sa  composition  ;  puis  de  charmantes  fantaisies,  comme  Ihie  feuille  qui 
tombe,  un  scherzo  capriccioso,  et  puis  la  belle  sonate  en  ut  dièze  mi- 
neur de  Reethoven,  que  tous  les  pianistes  ont  jouée,  comme  s'ils  s'é- 
taient donné  le  mot  pour  cela  dans  la  saison  musicale  qui  touche  à 
sa  fin.  C'est  que  cette  œuvre  est  la  pierre  de  touche  de  l'exécution 
classique;  qu'elle  fait  ressortir,  qu'elle  met  en  évidence  tout  ce  qu'on 
a  dans  son  système  physiologique  d'impressionnable  et  d'émouvant,  de 
sensibilité  dans  le  cœur,  de  poésie  dans  l'âme  ou  dans  le  cerveau,  et 
que  chaque  virtuose  n'est  pas  fâché  de  montrer  qu'il  possède  de  tout 
cela  en  suffisante  quantité.  C'est  surtout  comme  improvisateur  que 
M.  Cavallo  se  distingue.  Au  moyen  d'un  contrepoint  qui  n'est  pas  trop 
rigoureux,  il  sait  réunir  deux  sujets  donnés  et  qui  contrastent  en- 
semble par  la  forme  mélodique,  le  rhythme,  le  caractère,  et  en  tirer 
des  effets  neufs,  piquants.  Il  n'a  manqué  à  M.  Cavallo,  comme  à 
Mlle  Dillon,  qu'un  public  plus  intelligent  dans  ce  genre  de  musique 
capricieuse  et  classique  tout  à  la  fois.  Le  propre  de  l'art  musical, 
même  dans  l'improvisation,  c'est  de  joindre  l'exactitude  mathéma- 
tique à  l'idéalité.  Or,  il  est  peu  d'auditeurs  dans  le  public  de  Paris 
capables  de  donner  un  thème  ou  plusieurs  thèmes  qui  réunissent  les 
qualités  poétiques  et  celle  de  la  géométrie ,  ou  de  la  logique  musicale, 
sans  laquelle,  nous  le  répétons,  l'improvisation  n'est  que  de  la  divaga- 
tion. 

—  Ne  voulant  pas  tomber  dans  la  monotonie  du  planisme,  et  pour 
traiter  d'ailleurs  aussi  sérieusement  que  cela  le  mérite  les  trois  séances 
de  musique  de  chambre  avec  orchestre  qu'a  données  M.  Camille  Sta- 
maty,  nous  remettons  à  un  autre  numéro  le  compte-rendu  de  ces  in- 
téressantes manifestations,  tout  artistiques,  qui  ont  eu  lieu  dans  la  salle 
de  l'Association  des  artistes  musiciens,  à  l'ancien  Diorama. 

—  Une  Société  philharmonique  s'est  formée  et  constituée  dans  les 
murs  de  Saint-Germain-  en-Laye,  —  qu'on  se  le  dise  !  —  et  cette  So- 
ciété exécute,  non  seulement  avec  intelligence  les  symphonies  de 
Haydn  et  de  Mozart,  mais  appelle  dans  son  sein  des  artistes  régnicoles 
et  étrangers.  Samedi  24  avril,  Mlle  Molidoff,  cantatrice  viennoise,  a 
dit,  aux  applaudissements  de  toute  la  ville,  la  cavatine  de  Bornéo  :  As- 
colta,  etc.,  de  Rellini  et  Varia  du  même  :  Se  crudele  il  cor  mostrai. 

—  Après  cette  pointe  départementale,  nous  sommes  rentré  dans 
Paris,  où  les  chants  sont  loin  d'avoir  cessé.  Au  nombre  de  ces  chants  et 
des  chanteurs  aimés,  il  faut  citer  en  première  ligne  Géraldy,  le  mélo- 
diste polyglotte,  le  virtuose  vocal,  sérieux,  comique,  léger,  fantaisiste 
et  dramatique.  Son  concert  a  été  un  des  plus  brillants  de  la  saison. 

—  Il  y  a  tellement  de  place  au  soleil  de  la  publicité  et  de  la  célébrité 
dans  notre  Paris ,  ce  centre  de  tous  les  arts,  qu'après  Alard,  notre  vio- 
loniste national;  Léonard,  au  son  puissant;  Bazzini,  qui  semble  avoir 
élu  son  domicile  artistique  au  Gymnase-Dramatique,  M.  Elena,  ex-pre- 
mier prix  de  violon  du  Conservatoire  de  Paris,  et  ci-devant  enfant  pré- 
coce, phénomène  et  célèbre,  n'a  pas  craint  de  donner  un  concert  ven- 
dredi dernier  dans  la  salle  Herz,  après  ceux  de  ces  illustres  violonistes. 
Avant  son  excursion  aux  Etats-Unis,  où  il  a  obtenu  du  succès ,  ce  jeune 
virtuose  le  prenait  sur  un  ton  un  peu  trop  haut;  il  a  senti  la  nécessité 
de  modifier  cette  tendance  à  dominer  ;  son  intonation  est  plus  juste  :  il 
chante  avec  élégance  et  distinction  sur  son  instrument,  et  fait  le  trait 
d'une  manière  brillante.  Qu'il  tâche  d'acquérir  un  peu  de  largeur  de 


DE  PARIS. 


Ml 


son  et  de  sensibilité  dans  la  pression  de  son  archet,  et  il  pourra  pré- 
tendre tout  comme  un  autre  au  titre  de  premier  violon  solo  d'un  petit 
prince  régnant  quelconque  d'Allemagne  ou  d'Italie. 

—  On  cultive  fort  bien  la  musique  et  le  concert  dans  le  célèbre  col- 
lège de  Juilly,  d'où  sont  sortis  tant  d'hommes  distingués  en  toutes 
choses.  Parmi  les  artistes  venus  de  Paris  pour  coopérer  à  la  solennité 
musicale  qui  a  eu  lieu  le  27  avril  dans  cet  établissement,  on  a  surtout 
remarqué  M.  Schlosser,  de  Strasbourg,  dont  la  belle  voix  de  basse  a 
surpris  et  charmé  tout  l'auditoire,  M.  Schlosser,  qui  s'est  déjà  révélé 
comme  chanteur  et  même  comme  compositeur  à  l'un  des  concerts  de 
l'Association  des  artistes-musiciens.  Il  y  a  certainement  un  bel  avenir 
de  chanteur  dans  l'un  de  nos  théâtres  lyriques  de  Paris  pour  M.  Schlos- 
ser, car  il  joint  les  avantages  physiques  à  ceux  d'un  musicien  instruit 
doué  d'une  admirable  voix. 

—  M.  Edouard  de  Hartog  est  un  compositeur  qui  fait  de  la  musique 
pour  s'amuser.  Sa  musique  est-elle  amusante  ?  Pas  précisément  ;  mais 
elle  est  intéressante.  Au  reste,  si  M.  de  Hartog  est  un  amateur  difficile 
à  apprécier,  il  est  facile  à  juger  ;  car  il  ne  redoute  pas,  il  aime  même 
l'impartialité,  nous  a-t-il  dit.  Une  société  nombreuse  et  choisie  assis- 
tait à  l'audition  de  ses  œuvres,  qui  a  eu  lieu  jeudi  passé  dans  la  salle 
Herz  ;  et  il  avait  pour  interprètes  de  sa  musique  vocale  MM.  Pon- 
chard ,  Lefort;  Mme  Charles  Ponchard  ,  Mlle  Félix  Miolan  ;  Mme  Mutel 
de  Courtemblay,  pour  les  œuvres  de  piano  ;  puis  d'excellents  cho- 
ristes, parmi  lesquels  se  faisaient  remarquer  des  artistes  à  réputation. 
Cette  séance  curieuse  offrait  cependant  l'inconvénient  et  la  monotonie 
d'un  concert  composé  de  morceaux  sortis  tous  de  la  même  plume. 
Peut-être  un  peu  trop  partisan  du  Lied  allemand  ,  M.  de  Hartog,  pour 
ne  pas  tomber  dans  la  platitude  mélodique  et  harmonique  de  la  romance 
française,  s'est  trop  préoccupé  de  Schubert  et  de  Proch  ,  dont  il  imite 
la  forme.  Parmi  les  morceaux  de  chant,  il  faut  citer  Amore  et  Nuit , 
fantaisie  nocturne  à  deux  voix,  joli  duo  fort  bien  dit  par  M.  Ponchard 
et  Mme  Charles  Ponchard;  puis  le  Sylphe,  chanté  par  cette  dernière, 
qui  a  délicieusement  interprété  cette  charmante  idéalité  mélodique. 
Mlle  Félix  Miolan  ,  de  l'Opéra-Comique,  n'a  pas  moins  délicieusement 
célébré  de  sa  voix  pure  et  limpide  le  Dimanche  au  village.  Mme  Mutel 
a  déployé  ce  jeu  délicat  et  fin  ,  et  net  et  brillant ,  qu'elle  sait  si  bien 
mettre  au  service  de  la  musique  de  nos  grands  maîtres  ;  elle  a  fait  sail- 
lir de  tout  le  brio  de  son  talent,  une  rêverie  intitulée  :  Confidences,  et 
une  tarentelle  fantastique  fort  originale. 

Les  chœurs  pour  voix  d'hommes,  sans  accompagnement,  sont,  au 
reste,  ce  qu'il  y  a  de  plus  remarquable  dans  le  contingent  musical  de 
cet  amateur  exceptionnel  qui  a  bien  le  droit,  en  définitive,  de  passer 
pour  artiste.  Parmi  ces  chœurs,  nous  citerons  surtout  le  Chant  du  soir, 
la  Chanson  à  boire,  et  la  Sérénade.  Si  cela  manque  un  peu  de  jour, 
d'éclaircies,  de  repos  dans  les  parties,  et  de  dialogue  entre  deux  et 
trois  voix  ;  si  l'harmonie  est  trop  continuellement  pleine,  le  rhythme 
en  est  franc,  les  modulations  en  sont  claires  ;  cela  est  écrit  dans  les 
bonnes  cordes  des  voix;  il  n'y  a  pas  de  lieux  communs  et  de  lon- 
gueurs. Ces  chœurs  démontrent  qu'il  y  a  l'étoffe  d'un  compositeur 
dramatique  en  M.  de  Hartog. 

—  Un  immense  et  brillant  auditoire  remplissait  la  salle  Herz  mardi 
dernier,  au  concert  du  jeune  I.  Lotto  ,  violoniste  âgé  de  dix  ans,  élève 
de  M.  Massart. 

Le  bénéficiaire  a  exécuté  avec  une  verve,  une  sonorité  et  une  justesse 
irréprochable,  le  6e  air  varié  de  Bériot,  un  concerto  de  R.  Kreutzer  et 
une  fantaisie  de  Léonard.  —  Cette  audition  nous  a  prouvé  à  quel  talent 
est  déjà  parvenu  et  pourra  encore  parvenir,  avec  les  soins,  l'excellente 
méthode  de  son  professeur  et  sa  précoce  intelligence,  ce  petit  prodige 
d'organisation  musicale. 

Mme  L.  Massart ,  [  a,  comme  toujours,  provoqué  l'enthousiasme  et 
les  applaudissements  les  plus  chaleureux  par  la  pureté  de  son  style,  la 
finesse  tout  à  fait  spirituelle  d'un  jeu  qui  unit  intimement  la  grâce  et 
le  brio  de  la  difficulté. 

Mme  Charles  Ponchard ,  M.  Malézieux,  M.  Bonnehée  et  la  Société 


chorale  du  Conservatoire,  sous  la  direction  de  M.  Ed.  Batiste,  ont  tour 
à  tour  captivé  l'auditoire  et  conquis  ses  bravos. 

Henri  BLANCHARD. 


LES  DANSES  DES  MORTS. 

PAR  GEORGES  KASTNER. 

C'est  surtout  en  France  que  le  mariage  du  savoir  et  de  l'imagination 
a  produit  les  livres  les  plus  enrieux  et  en  même  temps  les  plus  agréa- 
bles. Notre  époque  fait  des  prodiges  en  ce  genre  :  elle  a  fouillé  le  passé 
avec  une  ardeur  que  nul  obstacle  n'a  pu  refroidir,  et  elle  en  a  tiré  des 
trésors  inconnus  qu'elle  a  eu  le  talent  de  présenter  sous  la  forme  la  plus 
séduisante,  en  mettant  quelquefois  le  dessin,  la  peinture,  la  musique  au 
service  de  l'érudition.  C'est  encore  un  livre  de  cette  précieuse  espèce 
dont  nous  avons;à  annoncer  la  publication,  recommandée  d'ailleurs  par 
le  nom  de  son  auteur,  plus  efficacement  qu'elle  nepouvait  l'être  par 
notre  appréciation  et  nos  éloges. 

La  manière  neuve  et  originale  dont  les  différentes  questions  relatives 
à  l'histoire,  à  la  philosophie  et  au  caractère  des  Danses  des  Morts  sont 
traitées  dans  l'ouvrage  que  nous  annonçons,  l'ordre  et  la  clarté  que 
l'auteur  a  su  introduire  dans  cette  matière,  jadis  si  embrouillée  et  si 
obscure  ;  enfin ,  la  découverte  intéressante  qu'en  lui  doit  du  rapport 
direct  que  ces  étranges  productions  ont  avec  l'art  musical,  tout  con- 
court à  placer  l'ouvrage  dont  il  s'açit.  a-"  nombre  des  livres  les  plus 
importants  et  les  plus  curieux  qui  aient  p  ara  de  nos  Jours.  Comme  il  est 
dit  dans  la  Préface,  on  parle  beaucoup  cl:  :  is  quelque  temps  de  la 
Danse  des  Morts,  ma:.-,  ce  en  p -rie  le  manière  à  faire  voir  que  l'on 
n'est  pas  encore  bien  nsé  sur  la  ne  ture  do  cette  bizarre  allégorie.  A 
l'exception  de  deux  ou  trois  savs  its,  de  quelques  archéologues  et  des 
fureteurs  de  bibliothèques,  pen  ::  :  .  33  ûre  -  ;e  na  s'est  soucié  d'ap- 
profondir ce  sujet.  Cela  es'c  si  vrai,  que,  nonobstant  la  publication,  déjà 
fort  ancienne,  da  livre  de  feu  Gabriel  Peignât  sur  les  Rondes  funèbres, 

la  question  de  l'origine  :'  :  .  d  -  s   ;  âsentations  multiples 

est  demeurée  tellement  entourée  d'incertitudes,  que  la  plupart  de  nos 
écrivains  modernes,  k  3  mîcne  ça':  '   :.,  bien  renseignés,  re- 

produisent de  la  meElsura  foi  cla  e  en'... ,  c_  prrio::t  des  Danses  des 
Morts,  toutes  le:  erreurs  qi  :  le  savant-ei  modeste  Peigaot  s'appliquait, 
ii  y  a  près  de  trente  sas,  L  :;~..ri:v  et  à  rectiiisr  do  son  mieux.  Plus 
complet  que  le  traité  do  Peighot,  quant  au::  renseignements  historiques, 
l'ouvrage  de  M.  Georges  Sastûer  :  en  distingue  du  reste  par  des  re- 
cherches et  un  plan  qui  lai  son':  propres  et  qui  n'ont  rien  de  la  séche- 
resse et  de  '  l'aridité  d'un  travail  de  pure  érudition.  Auteur  sérieux , 
mais  artiste  avant  tout ,  c'est  comme  penseur  et  comme  artiste  que 
M.  Georges  Kastner  a  compris  sen  sujet.  C'est  comme  penseur  et  comme 
artiste  qu'il  s'est  appliqué  à  faire  ressortir  la  haute  portée  philoso- 
phique et  l'intérêt  puissant  de  l'allégorie  semi-religieuse,  semi-satirique, 
où  les  écrivains,  les  peintres  et  les  statuaires  du  moyen  âge  ont  impi- 
toyablement raillé,  par  la  bouche  du  spectre,  la  pauvre  humanité. 

Le  livre  dont  nous  parlons,  embrassant  plusieurs  ordres  d'idées  et 
plusieurs  ordres  de  faits,  est  divisé  en  deux  grandes  parties.  La  pre- 
mière présente  des  considérations  ingénieuses,  et,  comme  nous  l'avons 
dit  en  commençant ,  tout  à  fait  nouvelles  sur  le  véritable  caractère  de 
l'épopée  lugubre,  sur  son  origine  et  sur  les  monuments  qu'elle  a  pro- 
duits. Cette  partie  se  subdivise  en  trois  sections,  savoir  : 

I.  De  l'idée  de  la  Mort.  —  Texte  des  Danses  des  Morts. 

II.  Symbolisation,  personnification  et  représentation  de  la  Mort. — 
Images  et  tableaux  des  Danses  des  Morts. 

III.  Origine  et  statistique  des  Danses  des  Morts  françaises  et  étran- 
gères. 

La  seconde  partie  contient  vingt-deux  chapitres  ;  elle  renferme  tout  ce 
qui  se  rapporte  plus  ou  moins  directement  à  l'art  musical,  soit  dans  les 
types,  soit  dans  les  légendes  en  vers,  soit  dans  les  images  des  poëmes  ou 
des  dessins  représentant  le  squelette  aux  prises  avec  des  personnages  de 
tout  sexe,  de  tout  âge  et  de  toute  condition.  Après  une  étude  très- 


142 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


remarquable  sur  le  ménestrel  ou  ménétrier  du  moyen  âge,  l'élément  le 
plus  important  de  cette  seconde  partie  consiste  dans  la  description  de 
figures  d'instruments  de  musique  très-anciennes,  dont  les  Danses  des 
Morts  offrent  une  réunion  fort  intéressante  et  fort  considérable.  Pour 
mieux  faire  comprendre  aux  lecteurs  ce  que  représentent  ces  figures, 
M.  Georges  Kastner,  qui,  dans  ses  précédents  travaux  a  déjà  donné  des 
preuves  de  son  érudition  musicale,  les  compare  avec  d'autres  figures 
analogues  provenant  de  monuments  antérieurs  aux  Danses  funèbres  ou 
contemporains  de  ces  Danses.  Invoquant  le  témoignage  des  écrivains, 
des  poëtes,  des  musiciens  et  des  auteurs  didactiques  du  temps,  il  ar- 
rive de  la  sorte  à  tracer  une  esquisse  de  l'histoire  des  principales  fa- 
milles instrumentales  en  usage  dans  la  dernière  période  du  moyen 
âge  et  dans  les  commencements  de  la  renaissance.  Une  pareille  tâche 
présentait  de  grandes  difficultés,  car  les  sources  où  l'on  peut  puiser  des 
renseignements  sur  cet  objet  sont  peu  nombreuses  et  quelquefois  peu 
exactes. 

Getiu  seconde  partie  doit  principalement  intéresser  les  musiciens, 
mais  elle  n'intéressera  pas  moins  tous  ceux  qui  s'occupent  d'histoire 
et  d'archéclogie. 

Quittant ,  comme  il  le  fait  souvent,  selon  la  double  faculté  qu'il  pos- 
sède, la  plume  de  l'écrivain  pour  celle  du  compositeur,  M.  Georges 
Kastner  a  eu  l'heureuse  idée  d'enrichir  son  important  ouvrage  d'une 
partition  qui,  dans  la  forme  littéraire  traditionnelle ,  c'est-à-dire  dia- 
loguée,  offre  une  interprétation  en  musique  de  la  Danse  macabre.  Fi- 
dèle à  la  coupe  et  à  la  couleur  primitives  de  l'oeuvre  qu'il  a  poétique- 
ment transportée  dans  le.  langue  des  sons,  le  compositeur  s'est  attaché 
à  faire  ressortir  par  le  caractère  particulier  de  la  mélodie,  comme  par 
la  forme  même  de  l'accompagnement,  non  seulement  l'apparition  suc- 
cessive des  divers  personnages  dans  la  ronde,  mais  encore  l'accent  et 
la  physionomie  propres  h  chacun  d'eux.  Ainsi  qu'il  le  dit  lui-même 
dans  sa  préface,  il  a  visé  en  général  à  une  simplicité  d'expression  ca- 
pable de  répandre  sur  l'ensemble  de  l'œuvre  un  certain  charme  archaï- 
que, et  ce  vague  mystérieux,  cette  indéfinissable  mélancolie  que  l'on 
remarque  dans  la  plupart  des  productions  nées  pendant  les  siècles  aus- 
tères du  moyen  âge.  Il  n'est  pas  jusqu'au  refrain  de  la  Mort  qu'il  n'ait 
su  marquer  d'un  cachet  significatif  en  lui  imprimant  l'allure  d'une  danse 
sépulcrale,  d'un  branle  d'outre-tombe.  Cette  partition,  tout  à  fait  -ori- 
ginale en  son  genre,  et  dans  laquelle  l'inspiration  de  l'auteur  reste 
constamment  appropriée  à  la  nature  du  sujet,  n'est  pas  du  ressort  de 
la  musique  à  la  mode,  qui  vit  le  plus  souvent  de  formules  routinières 
et  de  phrases  à  effet  ;  mais  par  cela  même,  nou.s  croyons  fermement 
qu'elle  obtiendra  les  suffrages  des  connaisseurs,  seuls  capables  d'ap- 
précier le  tact  intelligent  d'un  artiste  amoureux  du  style  vrai,  naturel  et 
dramatique. 

D'après  ce  qui  précède,  on  voit  que  les  éléments  de  succès  ne  man- 
quent pas  au  consciencieux  travail  de  M.  Georges  Kastner  ;  mais  ce  qui 
en  doublera  le  prix  pour  les  gens  d'étude  comme  pour  les  simples  cu- 
rieux, c'est  la  publication  de  la  suite  complète  des  images  bizarres  du 
Dolen  dants.  vieille  danse  des  morts  allemande  du  xve  siècle.  Dans  ces 
images,  inconnues  en  France  jusqu'à  ce  jour,  le  squelette  se  montre 
à  peu  près  partout  gambadant  de  la  façon  la  plus  grotesque,  et  faisant 
résonner  un  instrument  de  musique.  Outre  ce  précieux  document,  on 
trouve  encore,  dans  le  même  ouvrage,  un  tableau  synoptique  des 
danses  murales  dressé  par  l'auteur  ;  puis,  enfin,  quatre  tables  biblio- 
graphiques contenant  la  liste  des  éditions  des  Danses  bàloises,  de  la 
Danse  macabre  et  des  simulachres  (Icônes  Mortis),  du  célèbre  Holbein. 
Ces  tables  bibliographiques,  composées  par  le  savant  Massmann,  tra- 
duites avec  soin  de  l'allemand  et  publiées  ici  pour  la  première  fois, 
sont  indispensables  aux  amateurs  de  livres  anciens,  aux  collectionneurs 
de  gravures,  et  généralement  à  tous  ceux  qui  s'occupent  de  la  littéra- 
ture du  moyen  âge. 

Quant  à  l'exécution  matérielle  du  beau  volume  annoncé  dans  cet  ar- 
ticle, elle  ne  laisse  rien  à  désirer.  Nous  avon^  donc  tout  lieu  de  pen- 
ser que  le  livre  intitulé  les  Danses  des  Morts  trouvera  de  nombreux 


lecteurs  parmi  les  hommes  instruits  de  toutes  les  classes  :  historiens, 
littérateurs,  archéologues,  musiciens,  peintres  et  bibliophiles,  et  que, 
par  les  renseignements  si  nouveaux  et  si  utiles  qu'il  fournit  sur  plu- 
sieurs points,  il  comblera  plus  d'une  lacune  dans  le  domaine  des  scien- 
ces, des  lettres  et  des  arts.  R. 


S. 

'V  Demain  lundi,  à  l'Opéra,  cinquième  représentation  du  Juif  errant. 

%*  Ce  grand  et  bel  ouvrage  vient  d'être  donné  quatre  fois  de  suite.  A 
chaque  soirée,  la  salle  était  comble  et  le  succès  du  premier  jour  a  reçu 
la  confirmation  la  plus  positive.  Les  artistes  principaux,  Massol  et  Roger, 
Mme  Tedesco  et  Mlle  La  Grua,  sont  toujours  rappelés  avec  enthousiasme, 
non-seulement  à  la  chute  du  rideau,  mais  dans  le  cours  de  leurs  rôles. 
Ce  que  d'ailleurs  il  était  facile  de  prévoir  est  arrivé  à  l'égard  de  la  durée  du 
spectacle.  Maintenant  que  tout  est  en  ordre  et  à  sa  place,  h  Juif  errant  ne 
finit  pas  plus  tard  que  les  autres  ouvrages  en  cinq  actes  les  plus  célèbres 
et  les  plus  productifs  du  répertoire.  Avant  minuit  la  pièce  est  terminée. 

*„*  Les  torcherons  ont  été  repris  vendredi,  et  Mme  Darcier  a  reparu 
dans  le  rôle  de  Mme  de  Bryane,  sa  dernière  création,  avant  de  s'éloigner 
du  théâtre  où  elle  est  revenue.  La  charmante  actrice  a  obtenu  tout  le  suc- 
cès possible  dans  un  personnage  fait  exprès  pour  sa  physionomie  et  son 
talent. 

%*  Une  indisposition  de  Mme  Ugalde  interromp  les  représentations  de 
Galalhée. 

%*  Mlle  Wertheimber  est  tout  à  fait  rentrée  en  possession  du  rôle  de 
Béatrix  qu'elle  jouait  alternativement  avec  Mme  Darcier,  dans  le  Carillon- 
neur  de  Bruges.  L'habitude  de  la  scène,  que  rien  ne  peut  suppléer,  ajoute 
tous  les  jours  à  son  talent  d'actrice,  et  l'effet  de  sa  belle  voix  augmente 
en  proportion. 

***  Le  Théâtre-Lyrique  (Opéra-National)  a  fait  vendredi  sa  clôture  pour 
la  saison  d'été.  La  réouverture  n'aura  lieu  que  dans  trois  mois. 

*,.*  La  Prison  d'Edimbourg,  de  MM.  de  Planard  et  Carafa,  sera  jouée  à 
la  rentrée. 

*„*  Joanila,  l'opéra  de  Duprez,  nous  a  fait  ses  adieux  avec  Caroline  Du- 
prez,  sa  charmante  fille;  mais  il  est  impossible  que  la  jeune  artiste,  qui 
s'est  posée  avec  tant  d'éclat,  ne  nous  revienne  pas  sur  une  scène  ou  une 
autre. 

%*  Par  décret  du  13  avril,  le  Président  de  la  République,  sur  le  rapport 
du  ministre  de  l'intérieur,  a  autorisé  la  substitution  du  nom  de  place 
Boïeldieu  à  celui  de  place  des  Italiens  que  porte  l'emplacement  où  est 
situé  le  théâtre  de  l'Opéra-Comique  a  Paris. 

%.*  Comme  nous  l'annoncions  dimanche  dernier,  le  grand  débat  relatif 
à  l'engagement  de  Mlle  Jhoanna  Wagner  a  été  porté  devant  les  tribunaux 
de  Londres.  Le  théâtre  italien  de  Covent-Garden,  dirigé  par  M.  Gye,  an- 
nonçait pour  samedi  dernier  le  début  de  la  célèbre  cantatrice,  mais 
M.  Lumley  se  présenta  la  veille  devant  la  cour  delà  chancellerie,  et  démon- 
tra qu'il  avait,  avant  le  jour  fixé  dans  le  contrat,  versé  entre  les  mains  de 
Mlle  Wagner  la  somme  stipulée  et  rempli  toutes  ses  obligations  envers 
elle.  3n  conséquence,  la  cour  rendit  un  arrêt  d'injonction,  défendant  for- 
mellement à  Mlle  Wagner  de  chanter  sur  aucun  théâtre,  excepté  le  théâ- 
tre de  Sa  Majesté,  et  à  tout  directeur  de  théâtre,  excepté  M.  Lumley,  de 
faire  paraître  cette  artiste  sur  leurs  scènes.  Il  n'est  pas  inutile  d'ajouter 
que  la  moindre  infraction  à  cet  arrêt  est  punie  d'un  emprisonnement. 

%*  Une  plainte  avait  été  portée  par  M.  G.  Bénédit,  notre  honorable  col- 
laborateur, contre  M.  Puget,  ténor,  attaché  au  théâtre  de  Marseille,  qui, 
à  propos  d'une  critique  du  ton  le  plus  modéré,  s'était  permis  des  voies  de 
fait  extrêmement  vives.  Cette  affaire  s'est  terminée  le  22  avril  dernier 
devant  le  tribunal  de  police  correctionnelle  de  la  manière  la  plus  inatten- 
due et  la  plus  honorable  pour  les  deux  parties.  Après  l'audition  des  témoins, 
M.  Puget,  invité  par  le  président  à  s'expliquer  sur  les  dépositions  qu'il  ve- 
nait d'entendre,  a  exprimé  en  quelques  paroles  bien  senties  des  regrets 
auxquels  le  tribunal  ne  pouvait  qu'avoir  égard.  Le  président,  s'adressant 
alors  au  plaignant,  lui  a  demandé  si  ces  déclarations,  bien  que  tardives, 
ne  lui  paraissaient  pas  de  nature  à  changer  ses  dispositions.  La  réponse, 
pour  un  cœur  généreux  comme  celui  de  M.  Bénédit,  ne  pouvait  être  dou- 
teuse. Aussi  ces  explications  étaient  à  peine  finies  que  M.  Puget  tendait 
la  main  à  M.  Bénédit,  et  que  l'ancien  professeur  et  l'artiste  s'embrassaient 
au  milieu  de  l'émotion  de  l'auditoire.  Le  président  a  été  heureux  de  dé- 
clarer le  procès  terminé  par  un  dénouement  dont  l'art  et  la  critique  ont 
également  à  se  féliciter. 

%*  M.  Emile  Forgues,  vient  de  quitter  Paris  pour  aller  donner  des  con 
certs  clans  plusieurs  villes  duMidi. 

*„*  Nous  sommes  priés  d'annoncer  la  rupture  du  mariage  qui  devai 
avoir  lieu  entre  Mlle  Lavoye,  la  célèbre  cantatrice,  et  M.  Fromant. 

%*  Emile  Prudent  a  donné  jeudi  son  premier  concert  â  Londres.  Le  suc- 
cès a  été  immense  :  sa  pastorale,  les  Champs  a  produit  beaucoup  d'effet  ; 
la  fantaisie  sur  la  Sonnambula,  le  Réveil  des  Fées  et  les  Bois  ont  été  bissés 
avec  fureur.  Nou  donnerons  dimanche  prochain  de  plus  amples  détails 
sur  ce  concert,  qui  fera  époque  dans  la  carrière  de  l'éminent  artiste. 

*„*  La  Poupée  de  Nuremberg,  d'Adolphe  Adam,  se  joue  à  Bruxelles  avec 
autant  de  succès  qu'à  Paris. 

*  *  La  seconde  matinée  de  musique  classique  donnée  par  l'Association 


DE  PARIS. 


143 


des  artistes  dans  la  salle  de  concert,  boulevart  Bonne-Nouvelle,  aura  lieu 
aujourd'hui  à  une  heure  et  demie.  Hien  n'est  changé  au  programme  que 
nous  avons  publié  dimanche  dernier. 

*„,*  Voici  le  programme  de  la  séance  de  musique  de  chambre  que  doit 
donner  M.  Charles  Dancla  pour  l'audition  de  ses  œuvres  instrumentales  : 
1"  Quatuor  en  la  mineur  pour  deux  violons,  alto  et  violoncelle,  exécuté 
par  MM.  Charles  Dancla,  Léopold  Dancla,  Adolphe  Blanc  et  Arnaud  Dancla; 
—  1"  morceau  :  Scherzo,  andante,  rêveries  avec  sourdines,  final;  2"  qua- 
trième trio  pour  piano,  violon  et  violoncelle,  exécuté  par  MM.  Aug.  Wolfi", 
Arnaud  Dancla  et  l'auteur  :  andante,  scherzo,  final;  3"  fantaisie  pour 
violon  principal ,  exécutée  par  Charles  Dancla  ;  à"  quatuor  en  si  bémol 
pour  deux  violons,  alto  et  violoncelle ,  exécuté  par  MM.  Charles  Dancla , 
Léopold  Dancla,  Adolphe  Blanc  et  Arnaud  Dancla  :  1er  morceau,  sérénade, 
scherzo,  final. 

V  La  fêle  fondée  en  l'honneur  de  Pierre  Câlin,  par  la  Société  chorale 
Galin-Paris-Chcvé,  de  Paris,  aura  lieu  jeudi  prochain,  6  mai,  à  huitheures 
très-précises  du  soir,  salle  Barthélémy,  rue  du  Château-d'Eau.  On  y  en- 
tendra, pour  la  partie  vocale  :  F.  Delsarte,  Mme  Raby,  les  Sociétés  de 
l'école.  —  Pour  la  partie  instrumentale  :  JIM.  L.  Lacombe,  Armingaud , 
3.  Offenbach. 

V  L'Association  des  artistes  peintres,  sculpteurs,  architectes,  gra- 
veurs et  dessinateurs  a  tenu,  lundi  dernier,  sa  séance  générale.  M.  Dauzats 
a  présenté  un  rapport  plein  d'intérêt  sur  la  situation  de  cette  Société  fon- 
dée en  décembre  1844,  et  qui  possède  aujourd'hui  1A,9A0  fr.  de  rentes  , 
qui  se  distribuent  en  secours  et  pensions.  M.  le  baron  Taylor,  fondateur, 
a  aussi  pris  la  parole  et  constaté  le  succès  de  l'œuvre. 

*„*  L'établissement  des  bains  de  mer  de  Saint-Malo  a  été  l'an  dernier 
l'objet  d'importantes  améliorations.  Suivant  en  cela  l'exemple  des  grands 
établissements,  l'administration  a  traité  avec  des  artistes  en  renom,  et 
dans  plusieurs  concerts  elle  a  fait  entendre  avec  le  plus  grand  succès  à 
ses  abonnés  :  Mmes  Gaveaux-Sabatier,  Dobré  et  Landi.  Pour  la  partie  vo- 
cale et  pour  la  partie  instrumentale,  MM.  Bazzini,  Poussard  et  Vatel.  Pour 
la  saison  nouvelle  le  directeur  recevra  les  propositions  de  MM.  les  artistes 
qui  sont  disposés  à  voyager  cet  été  dans  les  départements  de  l'Ouest. 

GROEJIOUE   DÉPARTEIHEFITALE. 

%*  Marseille.  —  Avant  de  chanter  le  Prophète,  Octave  a  débuté  dans  les 
Huguenots  avec  Mlle  Heinefetter,  dont  le  succès  a  été  complet  dans  le  rôle 
de  Valentine.  Accueillie  par  une  triple  salve  d'applaudissements,  elle  a 
reçu  jusqu'à  la  fin  les  mêmes  témoignages  de  sympathie.  Mlle  Heinefetter 
s'est  montrée,  il  est  vrai,  dans  tout  l'éclat  de  son  beau  talent.  C'est  d'un 
heureux  présage  pour  la  reprise  du  Prophète  qui  nous  assure  des  jouis- 
sances dont  nous  sommes  privés  depuis  trop  longtemps,  et  qui  promet  à 
notre  Fidès  une  ample  moisson  de  bravos. 

%*  Bordeaux.  —  Dans  un  dernier  concert  de  la  Société  philharmonique, 
l'orchestre,  dirigé  par  M.  Cuvreau,  a  continué  la  série  de  ses  succès  si  sou- 
vent constatés.  Deux  artistes  célèbres  devaient  s'y  produire,  M.  et  Mme 
Léonard.  Le  premier  est  un  violoniste  du  premier  ordre;  sa  place  est  à 
côté  dos  Rode,  des  Baillot,  des  Kreutzer,  dont  il  rappelle  le  merveilleux 
talent,  1  énergie,  la  légèreté,  la  suavité,  l'inspiration  :  c'est  ainsi  que  nous 
l'avons  jugé  après  l'exécution  du  concerto.  Dans  les  Souvenirs  te  Gretry, 
M.  Léonard  a  excité  l'enthousiasme  de  ses  nombreux  auditeurs.  Dans  les 
variations  sur  un  thème  de  Haydn,  il  s'est  élevé  à  une  grande  hauteur  ; 
jusqu'à  présent,  nous  n'avions  pas  entendu  exprimer  les  sentiments  reli- 
gieux par  un  jeu  d'archet  si  doux.  On  aurait  cru  entendre  deux  violons, 
jouant,  l'un  le  chant  et  l'autre  l'accompagnement.  Mme  Léonard  a  chanté 
l'air  du  Billet  cfo  loterie,  de  Nicolo,  la  tyrolienne  de  Betly  ,  et  deux  chan- 
sons espagnoles,  avec  une  grâce  infinie  et  une  méthode  admirable.  On 
voit  que  ce  jeune  et  charmant  talent  a  été  formé  à  la  bonne  école.  Nous 
avons  entendu  aussi  M.  Henri  Péru,  un  jeune  pianiste,  notre  compatriote, 
qui,  pour  la  première  fois,  jouait  en  public,  et  à  qui  les  bravos  d'un  sé- 
vère et  intelligent  auditoire  ont  donné  la  consécration  de  l'art. 

V  Arras.  2k  avril.  —  Dans  le  concert  donné  par  la  Société  philharmo- 
nique au  profit  de  M.  Hecquet  aîné,  un  jeune  pianiste,  sorti  des  classes 
du  Conservatoire,  M.  Savary,  s'est  distingué  par  son  jeu,  dont  le  style 
rappelle  singulièrement  l'école  de  Thalberg. 

%*  Strasbourg,  23  avril.  —  Nous  venons  d'assister  à  une  ces  solennités 
musicales  malheureusement  trop  rares  à  Strasbourg  ,  et  dont  on  garde 
longtemps  le  souvenir.  VÊlie,  de  Mendelssohn,  vient  d'être  exécuté 
deux  fois,  les  21  et  22  avril,  au  Temple-Neuf,  l'une  des  églises  pro- 
testantes de  Strasbourg.  L'élite  de  nos  amateurs  s'était  réunie  pour  inter- 
préter dignement  le  chef-d'œuvre  de  Mendelssohn ,  et  l'effet  a  répondu 
à  ce  qu'on  était  en  droit  d'attendre  de  ce  magnifique  ouvrage.  La  double 
armée  des  chœurs  et  de  l'orchestre  a  parfaitement  manœuvré  sous  la  di- 
rection de  M.  Beiter,  l'excellent  chef  d'orchestre  de  Bâle,  qui  avait  déjà 
dirigé  ce  même  oratorio  l'été  dernier;  Mme  Reiter  et  M.  Stockhausen  ont 
bien  voulu  prêter  leur  concours  à  nos  amateurs  pour  lessolos  de  soprano 
et  de  basse.  M.  Stockhausen ,  possesseur  d'une  magnifique  voix ,  a  parfai- 
tement rendu  le  rôle  si  difficile  d'Élic.  Nous  devons  aussi  un  juste  tribut 
d'éloges  à  M.  Stern  ,  l'habile  organiste  du  Temple-Neuf,  qui  a  reconstitué 
la  Société  de  musique  religieuse.  C'est  lui  qui  a  eu  l'idée  de  faire  entendre 
à  ses  concitoyens  le  célèbre  oratorio  de  Mendelssohn  ;  il  en  a  dirigé  l'é- 
tude, cet  hiver,  et  M.  Reiter  a  trouvé  les  chœurs  si  bien  étudiés,  que 
deux  ou  trois  répétitions  avec  l'orchestre  lui  ont  suffi  pour  amener  la 
double  masse  vocale  et  instrumentale  à  tout  l'ensemble  et  à  toute  la  per- 


fection désirables.  M.  Beiter,  ancien  élève  de  Spohr,  a  toutes  les  qualités 
d'un  excellent  directeur  de  musique,  et  il  a  su  répandre  à  travers  tout 
l'ouvrage  la  vie,  la  force,  le  mouvement  et  l'entrain.  Le  public  strasbour- 
gecis  s'est  porté  en  foule  à  chacun  de  ces  concerts  spirituels,  ce  que  nous 
constatons  avec  d'autant  plus  de  plaisir  que  nous  ne  nous  y  attendions 
pas.  La  recette  de  la  première  exécution  d'Élie  a  été  versée  à  la  caisse  de 
la  Société  de  secours  mutuels  en  faveur  des  musiciens  infirmes  et  de  leurs 
veuves,  caisse  fondée  en  1832,  et  qui  se  trouve  aujourd'hui  dans  un  état 
de  prospérité  fort  satisfaisant.  La  seconde  exécution  a  eu  lieu  au  profit 
des  pauvres  de  la  ville. 

CHRONIQUE     ÉTRANGÈRE. 

*„,*  La  Haye,  1k  avril.  —  Hier  on  a  donné  sur  le  théâtre  royal  français 
de  notre  capitale  la  première  représentation  du  Roi  de  Bohême,  opéra 
comique  en  trois  actes  et  en  six  tableaux,  de  M.  de  Saint-Georges,  et 
dont  la  partition,  due  à  M.  Lazare  Martin,  a  remporté  le  prix  au  concours 
de  l'année  dernière.  Cette  représentation  a  été  honorée  de  la  présence  du 
roi  et  de  la  famille  royale.  Le  public  a  pleinement  confirmé  la  décision 
du  jury  musical  ;  il  a  accueilli  tous  les  morceaux  avec  des  tonnerres  d'ap- 
plaudissements, et  il  a  bissé  un  air,  un  duo  et  deux  chœurs.  A  la  fin  du 
spectacle,  M  Lazare  Martin,  qui  dirigeait  lui-même  l'exécution  de  son 
œuvre,  a  été  appelé  sur  la  scène,  et  a  été  l'objet  d'une  véritable  ovation 
de  la  part  des  nombreux  spectateurs  qui  encombraient  la  salle. 

*„*  Berlin.  —  Les  Huguenots  ont  été  représentés  deux  fois  dans  l'espace 
d'une  semaine.  Mlle  Liebhardt  a  eu  un  beau  succès  dans  le  rôle  de  Valen- 
tine. Formés  ga  été  également  très-applaudi  dans  celui  de  Raoul.  —  c'est 
par  Don  Patquale  que  la  troupe  italienne  a  terminé  ses  représentations. 
Elles  ont  été  très-suivies.  Le  roi  et  la  reine  y  ont  régulièrement  assisté 
tous  les  soirs.  —  Pendant  la  dernière  saison,  depuis  le  1er  octobre  jusqu'à 
fin  mars ,  l'Opéra-Royal  a  donné  vingt-huit  représentations.  Parmi  les 
ouvrages  qui  ont  été  joués,  nous  remarquons  :  Robeit-le-Diable,  le  Camp 
de  Silésie,  le  Prophète,  FiJelio,  Olympie,  le  Prévôt   de  Paris,  par  Dorn. 

*„.*  Munich,  23  avril.  —  Hier  au  soir,  sur  le  théâtre  particulier  de  la 
résidence  royale  de  Munich,  des  amateurs  de  la  haute  noblesse  ont  joué 
en  français  la  Meunitrc  de  Mar'y,  charmant  vaudeville  de  AI.  Alélesville, 
et  les  Rendez-vous  bourgeois,  opéra  comique  d'Hoffmann  et  de  Nicolo.  Le 
roi  et  la  reine,  le  roi  Louis  1",  et  tous  les  autres  membres  de  la  famille 
royale,  ainsi  qu'un  très-grand  nombre  d'invités,  assistaient  à  cette  repré- 
sentation. On  monte  sur  le  même  théâtre  Elira  e  Claudio,  de  Mercadante, 
et  le  rôle  de  Claudio  sera  rempli  par  S.  A.  R.  le  prince  Adalbert  de  Ba- 
vière, qui  possède  une  voix  de  ténor  aussi  remarquable  par  son  éclat  et 
sa  douceur  que  par  son  étendue. 

%*  Vienne.  —  Mme  Alédori,  qui  a  obtenu  un  si  beau  succès  pendant 
cette  saison,  a  été  engagée  comme  prima  donna  pour  la  saison  prochaine. 
Schulhoff  est  parti  pour  Pesth,  où  le  célèbre  pianiste  se  propose  de  donner 
une  série  de  concerts. 

%.*  Brunn.  —  Mme  de  la  Grange  a  donné  ici  trois  représentations  ;  elle 
a  chanté  dans  Lucie,  le  Barbier  de  Séville  et  le  Prophète.  Chaque  soir,  la 
salle  était  comble.  Le  rôle  de  Fidès  a  été  pour  l'éminente  cantatrice  l'oc- 
casion d'un  véritable  triomphe. 


Le  gérant  :  Ernest  DESCHAMPS. 


En  vente  chez  BliANDUS  et  C«,  105,  rue  Richelieu, 


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usicales  sur  les  divers  monuments  de  ce  genre  qui  existent  ou  qui  ont 
isté  tant  en  France  qu'à  l'étranger,  accompagnées  de 


Grande  ronde  vocale  et  instrumentale,  paroles  d'Edouard  THIERRY, 
Et  d'une  suite  de  planches  représentant  des  sujets  tirés  d'anciennes 
danses  des  morts  des  xive,  xve,  xvic  et  xvir?  siècles,  la  plupart  publiés  en 
France  pour  la  première  fois,  avec  les  figures  des  instruments  de  musi- 
que qu'ils  contiennent,  ainsi  que  d'autres  figures  d'instruments  du  moyen- 
âgs  et  de  la  renaissance, 

PAR 

GEORGES  KÂST^EB 

Un  volume  grand  \n-h",  imprimé  sur  beau  papier,  contenant  plus  de 
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MM.   E.    SCRÎBE   et   DE   S ATOT -GEORGES 

^Musique  de 

F.    HALÉVY 


Me   l'Institut. 


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ACTE. 


CHOEUR  pour  voix  de  femmes  :  «  C'est  jour  d'allégresse.  » 
CHOEUR  de  matelots  :  «  Après  combats  et  travaux.  » 
BALLADE  chantée  par  Mme  Tedesco  :   «  Pour  expier  envers  lui  ses  outra- 
ges. » 
La  même  transposée. 
LE  COUVRE-FEU  chanté  par  M.   Merly  et  chœur  :   «  De  par  le  bourg- 
mestre, de  par  nos  échevins.  » 
Le  même  pour  voix  de  basse  seule. 
CHOEUR  DE  MALANDRINS  :  «  Au  loin  tremblez  tous.  » 
AIR  chanté  par  M.  Massol  et  chœurs  d'hommes  :    «  Je  sens  trembler  la 
terre.  » 
Le  môme  pour  voix  de  baryton  seul. 
ROMANCE  AVEC  RÉCITATIF  chantée  par  M.  Massol  :  «  Ils  partent  frap- 
pés de  terreur.  » 
La  même  transposée. 
DUO  chanté  par  Mme  Tedesco  et  M.  Massol  :  «  Théodora,  qu'ici  le  ciel 


m'envoie.  » 


«e  ACTE. 


TRIO  chanté  par  M  mes  Tedesco  et  La  Grua,  et  M.  Roger  :  «  Douze  ans 
sont  écoulés.  » 

QUATUOR  pour  h  basses,  chanté  par  MM.  Depassio,  Guignot,  Canaple  et 
Noir  :  «  On  m'a  dit  vrai,  jamais  plus  charmante  beauté.  » 

CAVATINE  chantée  par  Mme  Tedesco  :  «  A  moi,  ta  sœur  et  ton  amie.  » 

DUO  chanté  par  Mme  Tedesco  et  M.  Roger  :  «  Qu'exiges-tu  d'un  misé- 
rable. » 

CHOEUR  de  la  Saint-Jean  :  «  Saint-Jean  I  Saint-Jean  I  n 


S'  ACTE. 


AIR  ET  RÉCITATIF  chanté  par  Mlle  La  Grua  :  «  0  merveille!  6  prodige! 
auquel  je  crois  à  peine.  » 

ROMANCE  chantée  par  M.  Roger  :  «  Une  sœur,  une  amie,  ange  de  la  mai- 
son. » 

STROPHES  chantées  par  Mme  Tedesco  :  o  Que  nos  voix  vers  le  ciel  mon- 
tent. » 

4e  ACTE. 

AIR  AVEC  RÉCITATIF  chanté  par  M.  Roger  :  «  A  ce  palais  dont  la  ma- 
gnificence...  » 
Les  mêmes  transposés. 
ROMANCE  EXTRAITE  DE  L'AIR  chantée  par  M.   Roger  :   «  Vous  n'êtes 
plus,  jours  d'innocence.  » 
La  même  transposée. 
DUO  chanté  par  Mlle  La  Grua  et  M.  Roger  :  «  Le  ciel  nous  a  réunis.  » 
ROMANCE  EXTRAITE  DU  DUO  :  «  0  ciel!  est-ce  un  rêve?  » 
AIR  chanté  par  M.  Massol  :  «  De  Dieu  l'éternelle  clémence.  » 

Le  même  transposé  pour  ténor. 
QUINTETTE  pour  5  voix  de  basses,  chanté  par  MM.  Depassio,  Guignot, 
Canaple,  Goyon  et  Noir  :  «  La  nuit  est  sombre.  » 
Le  même  réduit  à  1  voix  de  basse  seule. 

S*  ACTE. 


ROMANCE  chantée  par  M.  Roger  :  «  Quand  chacun  te  fuit  ici-bas.  » 

La  même  transposée  plus  bas. 
CHOEUR  DES  MORTS  :  «  Qui  vient  aujourd'hui  sous  leur  froide  tombe.  » 
CHOEUR  DES  ELUS  :  «  Prenez  pitié,  Seigneur.  » 
Six  airs  de  batlet  et  une  marelle» 


Le  Poëme  est  en  vente  :  Prix  1  fr* 


BUREAUX  A  PARIS  :  BOULE V ART  DES  ITALIENS,  1. 


19e  Année. 


snne  dnns  les  Départements  et  ft  l'Ktrnnger, 
ous  les  Marchands  <lc  Musique, les  Lihrauci 
1  Bureaux  des  Messageries  ■  I  de»  postes . 


[\°  19. 


9  Mai  1852, 


l'ri  .  <Ic  l'Abonnement  i 


I.JOIl. 

A  notre  Agenco  générale.  5 

lue  du  Caret. 

Cluz  .11.  I!i],   de  lu  l'lécll:èie. 

lorru  ia  suisse. 

III 1,  ruo  du  Terruillct. 

LonrireK. 

WcsscletC,,229,Hcgont«trcol 

Nt-l»e«ershoura 

.ll..]i/nrd 

I%ew-iYorl<. 

s,  liurf,  „ borgcl  Luis. 

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Bureou  des  Poslcs. 

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BjNbouuc. 

Sasselli. 

EVUE 


Départements,  Belgique  et  Sui.< 


Étrange: 


T.e  Journal  paraît  le  Dimnnelll 


GAZETTE  MUSICALE 


il    Pi^llS, 


-^vWW^SSJVVvw- 


SOMMAIRE.  —  Le  Juif  errant,  grand  opéra  en  5  actes,  la  musique  (2'  article),  par 
Vêtis  père.  —  Théâtre  de  l'Opéra-Comique,  reprise  des  Voilures  versées,  par 
Henri  Blanchard.  —  Auditions  musicales,  par  le  même.  —  Quatrième  et 
dernier  concert  donné  par  l'Association  des  artistes  musiciens.  —Correspondance, 
Bruxelles.  —  Nouvelles  et  annonces. 


MjJE  *wmjif  m  mm  a  w  t. 

GRAND    OPÉRA    EN    CINQ    ACTES. 

LA.    JDEtt'S»na5Q"3î. 

(2e  article.) 

Dès  la  deuxième  scène  du  premier  acte  du  Juif  errant  jusqu'à  la 
dernière,  la  couleur  est  sombre  ;  il  était  donc  nécessaire  qu'au  lever 
du  rideau  il  y  eût  de  l'entrain  ,  de  la  gaîté,  pour  former  l'opposition 
sans  laquelle  on  n'aurait  pu  éviter  la  monotonie.  Les  auteurs  du  poëme 
et  le  compositeur  de  cet  ouvrage  ont  trop  d'expérience  des  effets 
scéniques  pour  n'avoir  pas  satisfait  à  cette  nécessité.  La  première  scène 
offre  donc  ls  spectacle  d'une  fête  flamande  sur  les  bords  de  l'Escaut , 
et  l'introduction  de  l'opéra  est  un  chœur  animé  dont  les  premières 
paroles  sont  : 

C'est  jour  d'allégresse , 
De  grande  liesse  ; 
C'est  de  la  kermesse 
Le  plus  beau  moment ,  etc. 

Ce  chœur  n'est  pas  précédé  par  une  ouverture,  mais  par  quelques 
mesures  d'un  caractère  mélancolique,  en  harmonie  avec  le  sujet.  L'ou- 
verture est  faite,  dit-on  ;  mais  la  longueur  de  la  représentation  a  im- 
posé l'obligation  de  la  supprimer.  11  est  vraisemblable  qu'elle  sera 
exécutée  quand ,  devenus  plus  habiles  dans  la  pose  des  décorations, 
les  machinistes  feront  les  entr'actes  plus  courts. 

Il  y  a  de  la  verve  dans  le  chœur  d'introduction  :  son  instrumentation 
est  brillante,  et  présente  une  des  rares  occasions  où  le  compositeur  a 
cru  devoir  faire  usage  des  ressources  bruyantes  de  l'orchestre.  Elles 
y  sont  une  nécessité  ;  car,  opéra  à  part ,  il  y  a  toujours  grand  brui. 
dans  les  fêtes  patronales  qu'on  désigne  en  Belgique  par  le  nom  de 
kermesse.  Jo  devrais  dire  plutôt  il  ij  avait,  car  ces  traditions  du  moyen- 
âge  s'en  vont  avec  leur  gaîté,  comme  beaucoup  d'autres  choses  que 
notre  morosité  a  remplacées.  Interrompu  par  les  divers  appels  que 
font  les  marchands  aux  promeneurs,  le  motif  du  chœur  reprend  en- 
suite. 

Celui  des  matelots  qui  le  suit  immédiatement  est  d'un  rhythme 
brisé,  mais  régulier,  qui  produit  beaucoup  d'effet.  Les  auteurs  du  livret 
font  dire  à  ces  matelots  : 

Changeons  de  vins  et  d'amours 
Tous  les  jours. 

Ce  qui  sent  un  peu  plus  la  Courlille  que  les  rives  de  l'Escaut,  où  les 
matelots  n'ont  jamais  bu  d'autre  vin  que  la  bière.  Au  reste,  je  ne  veux 
pas  les  chicaner  sur  ce  petit  oubli  de  la  tradition  locale.  La  dernière 


reprise  du  chœur  :  C'est  jour  d'allégresse,  termine  toute  la  partie  gaie 
du  premier  acte. 

Dans  ce  qui  suit,  et  pour  amener  la  ballade  qui  rappelle  la  légende 
du  Juif  errant,  le  récitatif  est  rempli  de  traits  excellents  par  la  justesse 
de  la  déclamation.  Ce  mérite  n'a  vraisemblablement  pas  été  remarqué 
dans  l'émotion  des  premières  représentations  :  c'est  pour  cela  que 
je  crois  devoir  le  signaler. 

Autrefois,  la  ballade,  la  romance  et  la  chanson  étaient  de  droit  dans 
le  domaine  de  l'opéra  comique  ;  le  grand  opéra  classique  aurait  cru  sa 
dignité  compromise,  s'il  eût  emprunté  ces  formes  un  peu  trop  légères. 
Il  lui  fallait  de  grands  airs  et  de  longs  récitatifs.  Pour  exprimer  à  son 
ingrat  amant  l'amour  dont  elle  est  passionnée,  Didon  lui  disait  dans 
un  large  et  ravissant  cantabile  : 

Ah  !  que  je  fus  bien  inspirée, 
Quand  je  vous  reçus  dans  ma  cour  ! 

Elle  lui  chanterait  cela  aujourd'hui  en  deux  ou  trois  couplets  de  ro- 
mance, au  grand  scandale  du  vieil  amateur  de  V Académie  royale  de 
musique,  s'il  vivait  encore.  Pour  moi ,  dont  l'éclectisme  s'accommode 
de  toute  bonne  chose,  quelle  qu'en  soit  la  forme,  je  n'ai  nul  regret  à 
l'introduction  de  la  ballade  et  de  la  romance,  voire  même  de  la  chan- 
son, dans  un  opéra...  du  Grand-Opéra.  Les  antagonistes  de  ce  qu'ils 
appellent  la  pilite  musique  objectent  contre  les  chants  en  couplets, 
qu'on  ne  trouve  rien  de  semblable  dans  les  ouvrages  de  Gluck  et  des 
grands  maîtres  de  l'Italie;  mais  qu'en  peut-on  conclure?  si  ce  n'est 
que  celte  forme  n'avait  point  encore  pénétré  dans  leur  école.  Mozart, 
l'homme  des  grandes  choses  et  des  inventions,  n'en  a-t-il  pas  fait  un 
heureux  usage  dans  la  sérénade  de  Don  Juan,  dans  l'admirable  romance 
en  mi  bémol  de  la  Flûte  enchantée,  et  dans  les  couplets  de  Zarastro  ? 
Rossini  n'a-t-il  pas  eu  une  sublime  inspiration  dramatique  dans  la  ro- 
mance du  Saule,  au  troisième  acte  i'Otello?  Les  partisans  exclusifs 
de  la  musique  frivole,  et  les  fanatiques  revêtus  de  cuirasses  impénétra- 
bles aux  nouveautés  de  leur  temps,  sont  également  inhabiles  à  com- 
prendre l'art  dans  sa  largo  acception.  Lorsque  le  chant  en  couplets  est 
dans  le  sentiment  et  dans  la  situation  du  drame,  il  faut  l'y  mettre  ; 
mais  il  ne  faut.pas  en  abuser  ni  ramener  tout  l'opéra  aux  formes  étroites 
et  faciles.  Je  demande  pardon  à  mes  lecteurs  de  cette  longue  digres- 
sion ;  mais  j'ai  cru  devoir  saisir  cette  occasion  pour  répondre  à  cer- 
taines critiques  dont  mes  oreilles  ont  été  rebattues  depuis  quelques 
jours,  sur  ce  qu'il  y  a  dans  le  Juif  errant  une  ballade  et  deux  ro- 
mances. 

Revenons  à  la  ballade  d'Halévy.  Celle-là  est  certes  bien  à  sa  place  , 
et  l'air,  quelle  qu'en  fût  la  forme,  ne  pourrait  la  remplacer  ;  car  la  bal- 
lade, c'est  la  complainte  du  moyen-âge,  et  la  complainte  était  le  chant 
populaire  qui  conservait  toutes  les  légendes,  toutes  les  traditions  histo- 


146 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


riques.  La  mélodie  de  cette  ballade  résout  le  problème  assez  difficile 
d'avoir  de  la  distinction  sans  perdre  le  caractère  d'un  chant  populaire. 
Le  compositeur  a  eu  une  heureuse  idée  en  la  terminant  par  le  trait  lan- 
guissant de  la  clarinette  et  du  basson  sur  lequel  Théodora  répète  les 
paroles  :  Marche  !  marche!  etc.  ;  il  y  a  dans  ce  passage  une  couleur 
des  vieux  temps  qui  est  charmante,  et  dont  le  caractère  inspire  la  mé- 
lancolie. 

La  scène  du  couvre-feu  qui  vient  ensuite  est  regrettable,  parce  qu'elle 
reproduit  une  situation  des  Huguenots,  qu'elle  a  mis  le  compositeur 
dans  la  nécessité  de  donner  un  caractère  trop  chanté  aux  paroles  de 
l'officier  qui  fait  retirer  le  peuple,  afin  d'éviter  la  ressemblance  avec  le 
passage  de  la  musique  de  Meyerbeer,  véritable  trouvaille  pour  cette 
situation. 

Ce  léger  défaut  est  racheté  par  le  chœur  des  bandits  qui  envahissent 
les  rues  et  les  places  de  la  ville  d'Anvers  pendant  la  nuit.  L'énergie 
sauvage  de  ce  morceau  est  très-caractéristique  et  a  beaucoup  d'origi- 
nalité. Tout  concourt  à  préparer  l'effet  de  ce  chœur.  Après  la  retraite 
du  peuple,  l'orage  gronde,  et  au  milieu  d'une  obscurité  profonde,  une 
lueur  fantastique  brille  sur  les  remparts  de  la  ville.  En  ce  moment, 
Ashvérus  (le  Juif  errant),  dont  la  tête  est  accidentellement  éclairée  d'une 
façon  bizarre,  traverse  lentement  ces  remparts  et  disparaît  dans  l'om- 
bre. La  musique,  par  sa  couleur  sombre,  ajoute  à  l'effet  de  cette  appa- 
rition mystérieuse.  L'imagination  des  spectateurs  est  émue  :  c'est  en  ce 
moment  que  les  bandits  se  précipitent  sur  la  scène  par  toutes  les  issues, 
disant  à  demi-voix  et  sur  un  rhythme  très-heureux  : 

Au  loin,  tremblez  tous! 
La  rue  est  :\  nous  ! 
Enfants  de  la  nuit, 
L'ombre  nous  sourit; 
Sitôt  qu'elle  vient, 
Tout  nous  appartient,  etc. 

Au  milieu  de  ce  chant  puissamment  caractérisé  accourent  d'autres 
brigands  chargés  de  dépouilles  et  portant  un  enfant  qui  doit  jouer  un 
grand  rôle  dans  l'ouvrage  ;  car  cet  enfant  n'est  autre  qu'Irène,  fille  de 
Baudouin  et  future  impératrice  d'Orient.  Enlevée  à  sa  mère,  la  comtesse 
de  Flandre,  que  les  bandits  ont  surprise  dans  sa  litière  et  massacrée , 
elle  est  déposée  sur  une  pierre  où  elle  s'endort.  Le  chœur  continue,  et 
les  nouveaux  venus  expliquent  leur  crime  sur  le  même  rhythme  ;  puis, 
suspendu  par  un  récitatif  dans  lequel  le  chef  des  bandits,  Ludgers,  leur 
explique  le  danger  dont  les  menace  la  mort  de  la  comtesse  de  Flandres, 
il  reprend  bientôt  son  premier  thème  : 

La  ville  est  à  nous! 

Au  loin  tremblez  tous  !... 

La  couleur  locale  est  saisie  dans  tout  cela  par  Halévy  avec  une  grande 
puissance  de  talent.  La  suite  n'est  pas  moins  remarquable;  car  lorsque 
la  vie  de  la  fille  de  Baudouin,  menacée  par  les  bandits,  est  sauvée  par 
l'apparition  inattendue  du  Juif  errant,  qui  les  frappe  de  terreur,  l'inté- 
rêt se  concentre  sur  un  ensemble  d'une  grande  beauté  ,  dans  lequel 
Ashvérus  fait  entendre  un  chant  large  et  pathétique  sur  ces  paroles  : 

Du  Dieu,  dont  la  colère 
Réduit  tout  en  poussière, 
Redoutez  la  fureur!.... 

Le  chœur  qui  l'accompagne  ajoute  beaucoup  à  l'effet  de  ce  chant,  et 
lui  fait  produire  sur  l'auditoire  une  profonde  impression. 

Mis  en  fuite  par  un  geste  d'Ashvérus,  les  bandits  se  dispersent,  et  la 
scène  de  mouvement  et  de  terreur  qui  vient  d'émouvoir  le  public  est 
suivie  d'un  monologue  où  est  intercalé  un  très-beau  cantabile  bien 
chanté  par  Massol.  Cette  mélodie  gracieuse  et  douce  : 

Ali  !  sur  ton  front  de  rose, 
Mon  pauvre  et  bel  enlant, 
Que  mon  œil  se  repose, 
Hélas!  un  seul  moment! 

cette  mélodie,  dis-je,  était  nécessaire  pour  former  une  opposition  de 
coloris  avec  les  teintes  sombres  par  lesquelles  le  compositeur  a  exprimé 
les  douleurs  d'une  vie  misérable  condamnée  à  n'avoir  pas  de  fin. 

Dans  la  scène  suivante,  toutes  ces  douleurs  renaissent,  et  le  beau  duo 
d'Ashvérus  et  de  Théodora,  qui  commence  par  ces  mots  : 


THEODORA. 

Un  pauvre  voyageur... 

ashvérus. 
Errant  et  misérable!  .. 

THEODORA. 

Que  brise  la  fatigue... 

ASHVÉRUS. 

Et  que  la  soif  accable  ! 

en  est  l'expression  forte  et  passionnée.  La  situation  est  des  plus  dra- 
matiques. Mes  lecteurs  savent,  par  le  très-lucide  exposé  de  l'ouvrage 
dû  à  mon  collaborateur,  que  Théodora,  simple  batelière,  et  la  fille  de 
Baudouin,  destinée  au  trône  de  l'empire  d'Orient,  descendent  toutes 
deux  de  Noéma,  fille  d'Ashvérus.  C'est  à  la  première  que  l'infortuné 
confie  le  faible  enfant  tombé  en  ses  mains  par  un  miracle  de  la  Pro- 
vidence. Le  temps  vole,  dit-il,  et  je  dois  me  presser.  En  effet,  bientôt 
résonne  dans  les  airs  le  bruit  terrible  des  trompettes  célestes  qui  l'o- 
blige à  marcher  sans  cesse  :  un  tourbillon  l'entraîne.  Il  y  a  là,  dans  le 
chant  d'Ashvérus,  une  phrase  très-belle  :  Fille  chérie,  à  loi  ma  vie, 
qui  revient  admirablement  dans  l'ensemble.  En  général,  la  mélodie  est 
simple,  sentimentale  et  pathétique;  l'instrumentation,  sobre  de  bruit, 
colore  le  chant  par  des  effets  très-heureux. 

Tel  est  le  premier  acte,  au  point  de  vue  de  la  musique.  L'intérêt  n'y 
languit  pas  un  instant.  Le  ton  est  varié;  les  oppositions  y  sont  fré- 
quentes, et  les  impressions  qu'il  produit  laissent  dans  l'âme  des  spec- 
tateurs le  besoin  impatient  de  suivre  les  développements  de  cette  belle 
œuvre  dans  les  actes  suivants. 

Douze  ans  se  sont  écoulés  dans  l'intervalle  du  premier  acte  au  se- 
cond. Irène,  Léon,  ne  sont  plus  des  enfants  ;  des  voix  nouvelles  de 
soprano  et  de  ténor  vont  donc  fournir  au  compositeur  de  nouveaux 
moyens  d'expression  et  d'effet.  Un  sentiment  qui,  d'ailleurs,  est  l'âme 
des  impressions  les  plus  puissantes  de  la  musique,  et  dont  il  n'y  a  pas 
de  trace  dans  le  premier  acte,  va  se  manifester  ici  par  ses  élans  les 
plus  passionnés.  L'amour,  puisqu'il  faut  l'appeler  par  son  nom.  l'a- 
mour, ce  thème  éternel  des  plus  belles  créations  de  l'art  dramatique, 
va  présenter  au  musicien  l'occasion  d'inspirations  dont  le  caractère 
sera,  nécessairement,  très-différent  de.  celles  par  lesquelles  il  a  coloré 
la  première  partie  de  son  ouvrage.  Léon,  épris  d'une  passion  violente 
pour  Irène,  qu'il  croit  sa  sœur,  est  en  proie  aux  remords,  et  déteste 
son  amour  sans  pouvoir  le  vaincre.  C'est  dans  ces  combats  d'une  âme 
ardente,  mis  en  opposition  avec  la  candeur  d'une  jeune  fille  innocente, 
que  l'art  triomphe,  et  que  la  musique  a  un  incontestable  avantage  sur 
tous  les  autres  arts. 

Après  un  court  récitatif  qui  expose  la  situation  entre  Irène,  Léon  et 
sa  sœur  Théodora,  commence  un  trio  plein  de  charme.  Chacun  des 
personnages  y  exprime  ses  sentiments  dans  le  caractère  qui  lui  est 
propre  ;  Irène,  par  cette  phrase  charmante,  d'un  rhythme  cadencé, 
mais  doux  et  gracieux  : 

Dans  ce  riant  asile 
S'écoulent  mes  beaux  jours. 

Théodora,  par  la  même  phrase  transposée  une  quarte  plus  bas,  dit 
l'intérêt  que  lui  inspirent  les  deux  jeunes  gens  auxquels  elle  a  consacré 
sa  vie.  Léon  y  parle  de  ses  tourments,  et  des  remords  stériles  qui  le 
poursuivent  la  nuit,  le  jour.  La  terminaison  de  ce  morceau  est  cha- 
leureuse et  accentuée.  Si  je  ne  me  trompe,  ce  trio  a  été  originairement 
plus  développé,  et  je  pense  qu'il  devait  s'y  trouver  des  retours  de 
phrases  dont  on  sent  le  besoin,  au  point  de  vue  musical  ;  mais,  tel  qu'il 
est,  son  effet  est  très-séduisant. 

Au  caractère  doux  et  gracieux  de  ce  trio  succède  un  morceau  d'un 
genre  très-différent,  et  l'un  des  plus  importants  de  l'ouvrage  :  je  veux 
parler  du  quatuor  de  Ludgers  et  de  trois  autres  bandits  du  premier 
acte,  qui,  dans  l'intervalle,  se  sont  faits  marchands  d'esclaves  et,  comme 
ils  disent,  ont  parcouru  l  Asie,  exploité  la  Géorgie,  et  dépeuplé  la 
Circassie.  C'est,  je  crois,  le  premier  exemple  qu'on  ait  eu  au  théâtre 
d'un  quatuor  pour  quatre  voix  de  basse.  Rien  de  plus  heureux  que  la 
conception  de  cette  scène,  à  cause  de  la  variété  qu'elle  introduit  dans 
un  sujet  sérieux.  L'objet  de  la  scène  est  comique,  et  le  compositeur 


DE  PARIS. 


147 


lui  a  donné  le  caractère  bouffe  de  l'ancienne  école  italienne.  Heureuse- 
ment servi  par  ses  inspirations,  il  a  réussi  complètement  sa  compo- 
sition, sous  le  triple  rapport  du  rhj  llimc,  de  l'originalité  et  de  la  com- 
binaison des  voix  et  de  l'instrumentation.  Le  morceau  appartient  au 
genre  que  les  Italiens  appellent  note  et  parole;  genre  dans  lequel  l'in- 
térêt est  en  partie  dans  l'orchestre.  Vers  le  milieu,  le  mouvement  change 
et  les  développements  du  nouveau  motif  sont  assez  étendus,  à  cause  de 
la  quantité  de  paroles  données  par  les  auteurs  du  livret,  à  celui  de  la 
musique.  Les  auteurs  n'avaient  pas  songé  à  ramener  le  premier  thème  ; 
mais  Halévy  a  compris  que  l'effet  du  morceau  exigeait  ce  retour  de 
l'idée  principale. 

Restée  seule  avec  Léon,  après  que  Ludgers  et  ses  compagnons  sont 
entrés  dans  sa  demeure  pour  y  recevoir  l'hospitalité,  Théodora  inter- 
roge son  frère  sur  la  cause  de  sa  tristesse.  Celte  scène  est  le  sujet  d'un 
très-bon  duo.  Dans  un  phrase  pleine  de  tendresse,   Théodora  dit  à 

Léon  : 

A  moi,  ta  sœur  et  ton  amie, 
Dis-moi  qui  troulile  ton  repos. 
Laisse-moi  consoler  ta  vie, 
Laisse-moi  partiigcr  tes  maux. 

Ce  duo,  bien  que  favorablement  coupé  pour  la  musique  par  les  di- 
verses péripéties  sentimentales  qui  appartiennent  au  sujet,  était  très- 
difficile  à  faire,  précisément  à  cause  des  changements  de  situations  qui, 
modifiant  les  sentiments,  ne  permettaient  pas  de  ramener  régulière- 
ment certaines  idées  principales.  Ce  genre  de  difficulté,  dont  le  public 
ne  peut  se  rendre  compte,  exerce  un  très  importante  influence  sur  la 
conception  d'un  morceau  de  musique  dramatique.  Par  exemple,  lorsque 
Théodora,  voyant  ledésespoir  de  son  frère,  à  l'idée  d'un  amour  criminel 
inspiré  par  Irène,  lui  dit  :  Elle  n'est  pas  ta  sœur!  tout  change,  et  l'espoir, 
prenant  la  place  du  découragement  dans  l'âme  de  Léon,  doit  lui  suggé- 
rer d'autres  chants,  une  autre  expression  de  sa  situation  morale.  Plus 
loin,  lorsque  Théodora  oppose  aux  espérances  de  son  frère  le  refus  de 
l'unir  à  Irène,  dont  elle  seule  connaît  les  hautes  destinées,  de  nouveaux 
sentiments  agitent  les  personnages  et  exigent  des  accents  tout  diffé- 
rents. Enfin,  quand  Léon,  dans  l'espoir  qu'Irène  aura  plus  d'empire 
sur  l'esprit  de  sa  sœur,  va  la  chercher,  et  tout-à-coup  revient  en  s'é- 
criant  :  Irène!....  disparue!....  enlevée!....  ce  n'est  plus  l'amour  qui 
parle,  mais  le  désespoir,  la  fureur,  el  désir  de  la  vengeance  tout  en- 
semble. Certes,  de  toutes  ces  passions  si  diverses  doit  résulter  la  va- 
riété d'expression;  mais  l'unité,  qui  est  le  produit  du  développement 
régulier  des  idées,  où  le  compositeur  la  mettra-t-il?  Une  seule  ressource 
lui  reste,  à  savoir,  l'abondance  des  mélodies  caractérisées  par  chacune 
des  situations  préparées  par  le  poëte.  Cette  ressource  a  été  celle  des 
inspirations  d'Halévy.  Aussi  lorsqu'il  a  voulu  exprimer  le  bonheur  de 
Léon  à  l'idée  qu'Irène  n'est  pas  sa  sœur,  il  a  mis  dans  sa  bouche  une 
mélodie  adorable  sur  ces  paroles  : 

O  mon  Dieu!  n'est-ce  pas  un  songe, 
Un  séduisant  mensonge, 
Qui  vient  ravir  mon  cœur  1 
Elle  n'est  pas  ma  sœur  !  !  ! 

Ces  beautés,  que  l'artiste  puise  dans  les  ressources  mystérieuses  de 
son  talent,  ne  sont  pas  appréciées  d'abord  à  leur  juste  valeur  ;  le  temps 
seul  en  fait  connaître  le  prix.  Le  dernier  mouvement,  Viens,  suis 
mes  pas,  est  chaleureux  et  animé.  Là  encore  j'ai  cru  reconnaître  des 
coupures  qui  ne  laissent  pas  revenir  un  motif  dont  la  répétition  aurait 
été  nécessaire;  mais  telles  sont  les  exigences  de  la  scène  française,  que 
ia  musique  est  souvent  sacrifiée  à  de  certaines  situations  qui  demandent 
de  la  rapidité.  Rossini  n'était  disposé  à  aucun  sacrifice  sur  ce  point.  En 
artiste  de  premier  ordre,  il  avait  modifié  son  style  pour  l'approprier 
à  l'opéra  français,  mais  il  avait  déclaré  à  l'administration  de  l'Opéra, 
qu'ayant  écrit  son  Guillaume  Tell  pour  qu'il  eût  toutes  les  conditions 
de  l'art,  il  retirerait  sa  partition  si,  sous  prétexte  de  l'action  drama- 
tique, on  prétendait  en  ôter  quelque  chose.  Un  compositeur  français, 
aussi  connu  par  la  finesse  de  son  esprit  que  par  ses  brillants  succès,  a 
dit  quelquefois  que  le  public  ne  regrette  pas  ce  qui  lui  est  inconnu;  je 
ne  puis  admettre  que  cette  maxine  soit  parfaitement  juste.  Sans  doute, 


il  ne  regrette  pas  tel  ou  tel  morceau  dont  les  auteurs  ont  cru  devoir 
faire  le  sacrifice  pour  l'effet  général  d'un  ouvrage  ;  mais  s'il  ne  sait  pas 
qu'on  a  coupé  certaines  parties  d'un  air,  d'un  duo,  d'un  morceau  d'en- 
semble, d'un  final,  il  sent  instinctivement  qu'il  y  manque  quelque 
chose,  lorsque  la  coupure  empêche  le  retour  nécessaire  d'une  idée  in- 
téressante. 

Le  deuxième  tableau  du  second  acte  est,  pour  ainsi  dire,  tout  d'une 
pièce,  au  point  de  vue  de  la  musique,  sauf  l'intermède  dansé  qu'on  y 
a  introduit  non-seulement  pour  la  variété,  mais  pour  amener  la  situa- 
tion, qui  est  en  quelque  sorte  le  point  culminant  du  sujet.  Le  chœur  du 
feu  de  joie  de  la  Saint-Jean  est  le  commencement  de  ce  grand  final. 
Le  rhythme  très-accentué  de  ce  morceau  est  d'un  bel  effet  et  d'un  ca- 
ractère animé  qui  prépare  bien  les  scènes  suivantes.  Immédiatement 
après  commence  le  divertissement  des  esclaves,  où  se  trouvent  de  jolis 
morceaux  pour  la  danse.  Cette  partie  de  l'ouvrage  a  pour  but  d'amener 
la  présentation  d'Irène  à  Nicéphore  par  Ludgers,  qui  l'a  enlevée.  Ici  la 
scène  est  très-vive  ;  mais  la  manière  dont  elle  est  disposée  par  les 
auteurs  du  livret  donne  à  la  musique  un  caractère  de  récitatif  jusqu'à 
l'apparition  du  Juif  errant  qui ,  seul,  vient  au  [secours  de  la  fille  de 
Baudouin.  C'est  dans  des  situations  semblables  que  la  musique  fait  sen- 
tir sa  domination  dans  le  drame.  Que  serait  la  simple  parole  auprès 
des  énergiques  accents  donnés  par  le  compositeur  à  la  voix  qui  dit  : 

Arrêtez!...  Peuple,  écoutez  ma  voix! 
Souffrircz-vous  nue  captive,  on  entraine 
L'héritière  du  trône  et  le  sang  de  vos  rois  ? 
La  fille  de  Baudouin!...  et  votre  souveraine! 

Là  est  toute  une  péripétie  musicale  :  l'art  s'y  saisit  de  tous  ses  droits. 
Il  ne  s'agit  plus  de  rapidité  d'action,  d'exigences  de  la  scène,  ni  d'au- 
tre chose  que  du  développement  des  formes  de  la  musique  dans  le 
système  de  l'opéra  moderne.  Lorsque  les  flammes  du  bûcher  sur  le- 
quel on  a  mis  Ashvérus  se  sont  éteintes  à  sa  voix,  et  lorsque  le  peuple, 
frappé  de  ce  miracle ,  croit  entendre  l'arrêt  de  Dieu  ,  alors  ,  dis-je  , 
commence  un  de  ces  larges  morceaux  d'ensemble  comme  Halévy  sait 
en  faire,  pleins  d'émotion  et  taillés  sur  les  plus  grandes  proportions. 
Celui-ci  se  termine  de  la  manière  la  plus  brillante  par  le  chœur  :  Que 
l'orgueil  tombe  et  fléchisse. 

FÉTIS  père. 
(La  suite  au,  prochain,  numéro.) 


THÉÂTRE  DE  L'OPÉHÀ-COMIQÏÏE. 

ISeps-ise   des    ^ffllTSJRES  YEKSÉES. 

La  mélodie  naturelle,  aisée,  carrée  même,  unie  à  l'harmonie  simple 
et  rationnelle,  dans  laquelle  intervient  une  instrumentation  sobre, 
claire  et  pas  trop  bruyante,  a  décidément  des  droits  imprescriptibles. 
La  reprise  du  charmant  opéra  des  Voilures  versées  vient  de  le  prouver, 
comme  l'a  prouvé  la  remise  en  scène  de  Richard-Cœur-de-Lion,  du 
Déserteur,  du  Tableau  parlant,  du  Calife  el  de  Joseph.  On  peut  le 
dire,  c'est  un  joli  spectacle  à  ravir  la  pensée  que  d'assister  à  la  re- 
présentation d'une  pièce  faite  par  deux  hommes  aussi  spirituels  que 
l'étaient  Dupaty  et  Boïeldieu.  Le  libretto  des  Voilures  versées  est  un 
canevas  très-musical.  L'idée  qu'a  ce  M.  Dormeuil  ds  faire  disposer 
les  abords  de  sa  propriété,  sise  sur  le  bord  de  la  grand'route,  de  façon 
que  la  diligence  lui  verse  des  convives,  est  originale  et  fort  amu- 
sante, et  les  personnages  épisodiques  qui  surgissent  de  ce  versement  ne 
le  sont  pas  moins.  La  lutte  du  fat  et  de  la  coquette  qui  font  de  l'amour 
ironique,  de  la  rouerie  enfin,  se  termine  par  un  mot  très-piquant  de 
Mme  de  Melval.  Tout  cela  est  gai,  spirituel,  divertissant  et  parfaitement 
du  genre  de  l'opéra  comique.  Quant  à  la  musique,  on  semblait  avoir 
oublié  que  c'est  un  chef-d'œuvre  de  mélodies  gracieuses  et  de  déclama- 
tion musicale  aussi  ingénieuse  que  vraie.  Le  public  a  été  surpris  comme 
à  unepremière  représentation.  Sans  qu'il  soit  besoin  de  citer  la  plupart 
des  morceaux  d'un  sucjôs  consacré,  tels  que  :  Apollon  toujours  pré- 
side, etc.,  Partons  pour  ce  charmant  voyage,  etc.,  le  final  du  premier 


148 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


acte,  la  leçon  de  musique  par  l'enseignement  mutuel,  dans  laquelle  se 
dessine  un  fort  joli  canon,  nous  constaterons  ici  que  le  pont-neuf: 
Au  clair  de  la  lune,  mon  ami  Pierrot,  a  obtenu  un  succès  d'enthou- 
siasme et  a  été  bissé.  C'est  qu'il  faut  le  dire  :  rien  de  plus  frais,  de  plus 
élégant  que  ce  chant  populaire  traité  ainsi.  C'est  toute  la  grâce  de  la 
mélodie  italienne  unie  à  l'esprit  musical  français.  M.  Bussine  et 
Mlle  Miolan  l'ont  chanté  délicieusement.  Timbre  agréable  et  justesse 
dans  l'organe  du  premier  de  ces  deux  artistes,  en  qui  l'on  voudrait  un 
peu  plus  d'ardeur  vocale,  de  fougue  artistique,  et  timbre  également 
flatteur  dans  la  voix  de  la  seconde,  qui  évolue  en  vocalisation  avec  la 
netteté,  le  brio  et  la  justesse  d'intonation  des  touches  d'un  excellent 
piano  d'Erard  ou  de  Pleyel. 

Le  rôle  brillant  de  Mme  de  Melval  a  été  joué  et  chanté  par  Mlle  Fa- 
vel  d'une  manière  brillante,  et  qui  prouve,  beaucoup  mieux  encore 
que  le  talent  dépensé  par  elle  dans  le  rôle  de  Nina,  tout  le  parti  que 
l'Opéra-Comique  peut  tirer  d'elle.  Que  cette  jolie  actrice-cantatrice 
mette  un  peu  d'économie  dans  son  jeu,  dans  sa  vocalisation  ;  et  ses 
auditeurs  y  gagneront,  comme  elle,  au  point  de  vue  du  naturel  et  de  la 
simplicité,  fille  de  la  vérité  dramatique  qui  ne  laisse  pas  que  d'avoir 
son  prix." 

Entendez  Sainte-Foy  chanter  le  rôle  de  Cassandre  dans  le  Tableau 
parlant,  et  vous  serez  convaincus  qu'il  ment  quand  il  dit,  d'une  ma- 
nière si  comique,  dans  les  Voitures  versées,  qu'il  a  perdu  son  sol.  Ce 
qu'il  n'a,  certes,  pas  perdu  non  plus,  c'est  la  faculté  de  faire  rire  fran- 
chement le  public. 

Cette  représentation  a  été  une  véritable  fête  d'art  national. 

Henri  BLANCHARD. 


ADDITIOSfS  MUSICALES. 

M.  SIASSAGr"»". 

Comme  il  y  a  eu  plus  de  concerts  cette  année  que  toutes  les  précé- 
dentes, il  a  été  plus  difficile  à  ceux  qui  les  ont  donnés  de  se  distinguer, 
de  se  faire  un  nom,  et  même  de  conserver  ou  d'augmenter  celui  qu'ils 
avaient.  C'est  surtout  à  propos  de  l'art  musical  que  les  auditeurs 
redisent  cet  axiome  poétique  :  Il  nous  faut  du  nouveau,  n'en  /ut- 
il plus  au  monde.  Or,  ce  n'est  pas  précisément  par  la  nouveauté  que 
M.  Stamaty  a  essayé  de  se  distinguer  dans  les  trois  séances  musicales 
qu'il  a  données  dans  la  salle  de  l'Association  des  artistes-musiciens 
les  là,  24  et  28  avril.  Bien  que  les  solistes  de  ces  concerts  soient 
ses  élèves,  c'est  par  les  œuvres  qu'il  leur  a  fait  exécuter  qu'il  a  su 
donner  une  physionomie  à  ces  exhibitions  de  musique  rétrospective 
et  classique. 

M.  Stamaty  a  fait  pour  la  musique  de  chambre  et  de  piano  ce  que  les 
fondateurs  de  la  Société  des  ccncerls  ont  fait  pour  la  symphonie  ;  il  a 
visé  et,  pour  ainsi  dire ,  réussi  tout,  d'abord,  à  tracer  une  nouvelle 
voie  aux  jeunes  pianistes,  en  leur  faisant  exécuter  les  meilleurs  ouvra- 
ges de  Mozart,  de  Beethoven,  de  Weber  et  de  Mendelssohn  pour  piano, 
avec  accompagnement  d'orchestre.  C'est  faire  marcher  de  front  l'édu- 
cation des  solistes  et  des  auditeurs  ;  c'est  lutter  généreusement  contre 
le  triomphe  de  la  fantaisie  ;  c'est  inviter  le  public  à  se  faire  des  idées 
et  des  plaisirs  plus  graves  que  ceux  que  lui  laissent  dans  le  souvenir  la 
plupart  des  matinées  et  soirées  musicales.  Ecouter  les  tutti  des  beaux 
concerts  des  grands  maîtres  que  nous  venons  de  citer,  c'est,  pour  ainsi 
dire,  assister  à  l'audition  de  nouvelles  symphonies  de  ces  maîtres  peu 
connus  de  la  génération  actuelle.  C'est  un  plaisir,  un  bonheur  artis- 
tique que  M.  Stamaty  a  fait  goûter  aux  véritables  amateurs  des  solos 
de  piano,  unis  à  de  beaux  effets  d'orchestre. 

Parmi  les  interprètes  de  cette  belle  et  bonne  musique,  on  a  remar- 
qué MM.  Zompi  et  Lafitte,  Mlles  Picart,  Vautier,  Magnin,  et  Mlle  Worms, 
qui  a  dit  le  concerto  en  soi  mineur  de  Mendelssohn,  en  faisant  faillir 
toutes  les  finesses  mélodiques  et  harmoniques,  toutes  les  nuances,  le 
brio,  la  richesse,  l'imagination  du  trait  et  le  style  dramatique  de  cette 
belle  œuvre. 

Les  solistes  qui   ont  secendé  M.  Stamaty,  MM.  Alard,  Cuvillon  et 


Chevillard,  et  les  accompagnateurs,  parmi  lesquels  figuraient  la  plu- 
part des  artistes  du  Théâtre-Italien,  ont  fait  de  ces  séances  de  fort  in- 
téressants concerts  qui  peuvent  être  considérés  comme  un  très-utile 
complément,  comme  le  dernier  mot  de  l'enseignement  du  piano. 
M.  Stamaty  s'y  est  montré  professeur  dévoué  à  l'art,  h  ses  élèves,  et 
de  plus,  excellent  chef  d'orchestre. 

!S.  HAîSEïïSIÎBEIÏ. 

Ce  nouveau  Messie  instrumental,  ce  Mahomet  du  piano,  ce  Calvin 
du  doigter,  que  l'on  annonce  comme  un  réformateur,  à  qui  l'on  fait 
dire  qu'il  faut  brûler  ce  que  nous  avons  adoré  en  fait  de  méthode,  a 
donné  son  second  concert  chez  Pleyel,  un  mois  après  sa  première  audi- 
tion, dans  laquelle  il  avait  dit  son  dernier  mot,  à  ce  qu'il  paraît,  en  fait 
d'évolution  sur  le  clavier,  car  il  a  redit,  à  peu  de  chose  près,  ce  qu'il 
nous  avait  fait  entendre  la  première  fois.  Il  résulte  de  cette  seconde 
audition,  comme  de  la  première,  que  M.  Haberbier  est  un  artiste  de 
talent,  un  charmant  pianiste  qui  a  plus  de  dextérité  que  de  son  ,  plus 
d'adresse  que  de  sensibilité,  et  qui  comprend  mieux  le  trait  que  le 
chant;  et  quant  à  ses  procédés  de  nouveau  mécanisme,  il  n'est  pas  de 
pianiste  un  peu  expérimenté  qui  ne  les  trouve  épars  dans  les  études 
de  Kalkbrenner,  de  Czerny,  dans  la  musique  de  Liszt  surtout,  et  même 
dans  des  variations  de  Henri  Herz. 

SïM.  ESAEEI^'S  ET  ©Jt.MCIL.S. 

Le  directeur  du  Gymnase-Dramatique,  aussi  adroit  qu'heureux  dans 
le  choix  de  ses  pièces,  a  voulu  prouver  aussi  son  intelligence  musicale 
en  donnant  l'hospitalité  à  M.  Bazzini,  le  violoniste  prestidigitateur.  Le 
public  habituel  de  ce  théâtre  a  su  gré  de  cette  diversion  artistique  à 
M.  Montigny  et  au  virtuose  milanais  en  applaudissant  vivement  cha- 
cune de  ces  charmantes  séances  musicales,  M.  Bazzini  nous  a  fait  aussi 
entendre,  au  dernier  concert  donné  par  l'Association  des  artistes  mu- 
siciens, un  concerto  en  mi" majeur,  de  sa  composition,  d'une  coupe 
nouvelle  et  d'une  difficile  exécution,  s'il  peut  y  avoir  quelque  chose  de 
nouveau  en  fait  de  difficulté.  Cette  qualité,  si  c'en  est  une,  doit  tou- 
jours se  montrer  scus  l'aspect  de  la  grâce  et  de  l'aisance,  sous  peine 
d'impressionner  péniblement  l'auditeur  ;  et  M.  Bazzini,  dont  l'archet 
est  si  preste,  le  trille  si  brillant,  les  doubles  octaves  si  justes,  le  son 
même  plus  nourri,  plus  plein  et  plus  puissant  depuis  les  observations 
qui  lui  ont  été  faites,  ne  s'est  pas  montré  assez  Auriol ,  si  l'on  peut 
s'exprimer  ainsi,  pour  l'exécution  des  casse-cous  dont  il  a  parsemé  son 
concerto  qui,  du  reste,  a  produit  un  excellent  effet. 

M.  Charles  Dancla  est  un  de  nos  violonistes  français  les  plus  chaleu- 
reusement corrects  qui  soient  sortis  de  la  belle  école  de  Baillot,  et,  de 
plus,  il  est  compositeur  distingué.  Il  a  largement  prouvé  cette  double 
faculté  artistique  dans  une  matinée  musicale  qu'il  a  donnée,  mercredi 
dernier,  dans  les  salions  de  M.  Hesselbein,  facteur  de  piano,  rue  Vi- 
vienne.  Un  quatuor  en  /«mineur,  un  trio  pour  piano,  enfin  un  quatuor 
pour  deux  violons,  alto  et  basse,  sont  les  œuvres  sérieuses  et  conscien- 
cieusement faites  qui  ont  été  exécutées  par  l'auteur ,  ses  frères, 
M.  Adolphe  Blanc,  et  M.  Auguste  "Wolff,  excellent  pianiste, qui  n'a  qu'à 
jeter  un  peu  de  ce  lest  de  modestie  qui  le  relarde  dans  l'ascension  des 
succès  qu'il  mérite  et  qui  l'arracherait  à  ceux  des  salons  qui  ne  mè- 
nent à  rien. 

M»-   B>B    SEASVAB;. 

Dédaignant  la  phrase  consacrée  :  Depuis  mon  mariage,  j'ai  négligé 
j'ai  négligé  tout  ça,  Mme  de  Grandval,  née  de  Reiset,  la  cantatrice, 
la  pianiste-compositeur  au  talent  gracieux,  inspiré,  mélodique  et  suf- 
fisamment scientifique,  n'a  pas,  heureusement,  négligé  tout  ça  depuis 
son  mariage.  Dans  une  de  ces  matinées  musicales  où  l'art  moderne  cô- 
toie l'art  classique,  chez  M.  Gouffé,  Mme  de  Grandval  a  dit  elle-même 
une  charmante  sonate  peur  piano  et  violon,  avec  M.  Guerreau.  Dans  le 
doute  où  nous  sommes  de  savoir  qui  a  été  le  plus  applaudi  du  cam- 
positeur  ou  des  exécutants,  nous  renvoyons  à  une  nouvelle  audition 
à  résoudre  la  question.  Dans  la  même  séance,  il  a  été  dit  un  excellent 
quintette  en  la  majeur  pour  deux  violons,  alto,  violoncelle  et  contre- 
basse, de  M.  Georges  Bousquet,  œuvre  de  bonne  musique,  d'une  bonne 


DE  PARIS. 


149 


logique,  d'un   style  sévère,  mais  orné  cependant  d'un  délicieux  an- 

(lante. 

galiu-paris-chevé. 

La  dernière  de  ces  individualités  exceptionnelles  et  novatrices  a  fêté 
la  première  par  un  grand  concert  donné  dans  la  salle  Saint-Barthé- 
lémy, le  6  mai,  en  l'honneur  de  Pierre  Galin,  qui  fut  à  l'art  musical  et 
dans  l'enseignement  de  la  science  des  sons  ce  que  voulurent  être  dans 
l'organisme  social  Saint-Simon  et  Fournier. 

Celte  fête  musicale,  offerte  gratis  à  la  population  de  Paris,  n'a  pas 
été  sans  pompe  et  sans  intérêt.  Si  rien  de  nouveau  en  musique  n'y  a 
été  dit,  ce  n'est  jamais  sans  plaisir  qu'on  entend  Delsarte  chanter 
Gluck  et  Spontini.  M.  Lacombe  a  joué  du  piano  de  ce  style  rationnel 
et  classique  qui  n'aspire  pas  à  revendiquer  le  privilège  de  l'enseigne- 
ment de  cet  instrument ,  mais  qui  fait  admirer  la  netteté,  la  pureté  de 
ce  virtuose.  M.  Offenbach  nous  a  fait  entendre  de  belles  mélodies  du 
Gxiillaume  Tell  de  Rossini  sur  son  violoncelle;  et  une  masse  imposante 
de  choristes  a  bien  fonctionné  dans  V Hymne  au  Soleil,  de  Lesueur; 
dans  le  Chœur  des  Esprits,  tiré  du  final  de  Manfred,  symphonie  dra- 
matique de  M.  Lacombe.  Dans  les  fragments  de  Rulh  et  Booz,  oratorio 
biblique  pour  les  voix,  sans  accompagnement,  par  M.  Elwart,  Mme  Raby 
a  vocalisé  d'une  manière  brillante,  mais  peu  biblique. Toutes  ces  choses 
ont  provoqué  les  applaudissements  de  l'auditoire,  comme,  du  reste, 
elles  les  avaient  déjà  obtenus  en  maintes  autres  auditions. 

ASSOCIATION  ©ES  AROTSWES  MiUSSCISSS. 

Cette  Société  philanthropique  a  donné  en  la  personne  de  plusieurs  de 
ses  membres  une  deuxième  matinée  de  musique  classique  dans  laquelle 
on  a  entendu  un  fort  bon  quintette  de  M.  Onslow  (le  8e)  où  se  trouve 
un  charmant  andante  en  si  bémol  majeur  avec  variations;  puis  est  venu 
je  trio  en  si  bémol  de  Beethoven  (dédié  à  l'archiduc  Rodolphe)  avec  un 
andante  varié  en  si  bémol  ;  et  puis  le  fragment  d'une  sonate  de  Corelli 
pour  violoncelle  et  contrebasse  avec  variations  sur  les  Folies  d'Espagne  ; 
et  puis  la  Bagatelle,  de  Beethoven,  pour  piano,  dite  délicieusement  par 
Mlle  Maltman,  et  qui  n'est  qu'une  délicieuse  pensée  variée  avec  autant 
de  grâce  que  d'esprit.  La  même  virtuose  nous  a  fait  entendre  un  air  va- 
rié de  Haendel.  En  ajoutant  ne  varietur  à  ce  programme  composé  de 
tant  de  variations,  nous  devons  y  joindre  celles,  toujours  en  si  bémol 
majeur,  de  l'andante  d'un  quatuor  d'alto  dites  d'une  grâce  et  d'une 
suavité  charmante  par  MM.  Casimir  Ney,  Guerreau,  Adolphe  Blanc  et 
Lebouc. 

Nous  nous  complairions  ici  volontiers  à  vous  analyser  le  mérite  de 
cette  composition,  si  nous  ne  pensions  qu'on  serait  en  droit  de  nous 
dire  alors  :  Vous  êtes  orfèvre,  et  qu'on  pourrait  nous  appeler  M.  Josse 
au  lieu  de  Henri  BLANCHARD. 

QÏÏATBIÈBE  ET  DERNIER  CONCERT 

donné  gérer  fl'AssŒciaisoM  «les  An-tistea-lîlsîsiejeais. 

L'Association  a  brillamment  complété  son  œuvre  de  cette  année. 
Nous  disions  dernièrement  ce  qu'elle  avait  voulu  faire  et  ce  qu'elle  avait 
fait.  Désormais  elle  possède  une  salle,  un  orchestre  dirigé  par  un  chef 
excellent,  M.  Georges  Bousquet  :  dès  la  saison  prochaine,  elle  est  prête 
à  entrer  en  lice,  et  h  marcher  sans  embarras,  sans  entrave,  dans  la  car- 
rière ouverte  par  ses  efforts  intelligents. 

Le  dernier  concert  donné  le  vendredi,  30  avril,  plus  encore  que  les 
précédents,  a  montré  ce  que  l'art  et  les  artistes  devaient  attendre  de  la 
nouvelle  institution.  L'ouverture  des  Nozse  di  Figaro,  chaleureuse- 
ment exécutée  et  vivement  applaudie,  ouvrait  la  séance  ;  l'ouverture 
de  Démophon  la  terminait,  et  personne  n'avait  quitté  sa  place ,  per- 
sonne n'avait  voulu  perdre  l'occasion  d'entendre  cette  admirable  com- 
position, marquée  au  cachet  du  génie,  que  l'orchestre  a  rendue  avec 
un  vrai  talent.  Il  en  a  été  de  même  des  fragments  d'une  symphonie, 
andante  et  scherzo,  de  M.  Lavainne,  dont  nous  connaissions  le  nom 
beaucoup  plus  que  les  œuvres,  et  que  nous  sommes  heureux  d'avoir 
pu  apprécier. 


Deux  trios ,  l'un  des  Artistes  par  occasion ,  de  Calel ,  l'autre  de 
V Hôtellerie  portugaise,  de  Cherubini,  constituaient  la  partie  vocale  du 
concert.  Ce  sont  des  élèves  du  Conservatoire,  MM.  Jubclin,  Boulanger, 
Sautot  et  Beaupré,  qui  ont  chanté  ces  morceaux  classiques,  peu  connus 
de  la  génération  actuelle,  et  pourtant  si  dignes  de  figurer  comme  mo- 
dèles du  genre  dans  un  musée  lyrique. 

Lefébure-Wely  a  exécuté  sur  l'orgue  à  percussion  de  M.  Alexandre 
une  charmante  fantaisie,  dont  les  thèmes  étaient  tirés  du  Freischûts  ; 
MM.  Jules  Simon  et  Léon  Magnier  ont  supérieurement  joué  un  très- 
bon  duo  concertant  pour  deux  flûtes,  composé  par  le  second  des 
exécutants;  enfin,  Bazzini,  le  violoniste  charmant  et  supérieur,  s'est 
fait  entendre  deux  fois,  dans  une  fantaisie  sur  des  thèmes  napolitains, 
et  dans  un  concerto  de  conception  originale.  Les  bravos  n'ont  pas 
manqué  à  cet  éminent  artiste,  qui  jamais  n'avait  mieux  mérité  cet 
hommage,  dont,  par  bonheur,  l'habitude  ne  diminue  pas  le  prix. 

Maintenant,  à  la  saison  prochaine  ;  et,  en  attendant,  rendons  grâce 
à  M.  Georges  Bousquet,  qui  l'a  préparée  de  telle  sorte  que  le  résul- 
tat n'en  saurait  être  douteux.  B. 


Bruxelles,  28  avril  1852. 
Nous  touchons  à,  la  fin  de  notre  année  lyrique.  Dans  quelques  jours  le 
Théâtre-Royal  fermera  pour  quatre  mois;  ainsi  en  a  décidé  le  Conseil 
communal,  sur  la  proposition  du  directeur,  qui  ne  prévoit  pas  pouvoir 
soutenir  son  spectacle  pendant  les  chaleurs  de  l'été.  Les  derniers  jours 
de  la  saison  ont  été  employés  d'une  manière  active. 

Parmi  les  événements  de  fraîche  date  que  j'ai  à  enregistrer,  figure  en 
première  ligne  l'apparition  de  Casilda,  opéra  du  duc  régnant  de  Saxe- 
Cobourg,  traduit  par  un  jeune  littérateur  belge.  La  pièce  est  longue;  mais 
elle  n'est  pas  amusante.  Fâcheuse  compensation,  n'est-ce  pas?  C'est  un 
imbroglio  allemand  dont  s'accommodent  difficilement  des  spectateurs  ac- 
coutumés à  la  lucidité  des  pièces  françaises.  Du  reste,  je  n'ai  pas  l'in- 
tention de  m'occuper  plus  que  de  raison  du  poëme  de  cet  opéra,  si 
poésie  il  y  a.  C'est  de  la  musique  qu'il  s'agit. 

La  première  question  qu'on  adressera  au  critique  chargé  de  rendre 
compte  de  l'opéra  du  duc  de  Saxe-Cobourg,  c'est  celle-ci  :  «  Est-ce  de  la 
musique  de  grand  seigneur  ou  de  la  musique  d'artiste?  »  Je  vous  avouerai 
que  je  ne  fais  pas  grande  différence  entre  les  deux.  Pour  moi  la  musique 
est  toujours  de  la  musique,  que  son  origine  soit  aristocratique  ou  plé- 
béienne. Si  elle  est  mauvaise,  je  la  proclame  telle,  quand  elle  serait  d'un 
prince;  si  elle  se  recommande  par  des  qualités  réelles,  je  rendrai  justice 
à  son  mérite,  fût-elle  du  dernier  des  apprentis.  Vous  me  direz  qu'il  n'y  a 
pas  grand  courage  à  cela,  vu  le  peu  de  façon  avec  lequel  on  traite,  de 
nos  jours,  les  puissants  de  la  terre.  Eh  bien,  retournez  la  proposition,  si 
vous  voulez,  et  dites  qu'un  bon  opéra  sera  toujours  un  bon  opéra,  lors 
même  qu'il  serait  d'extraction  royale. 

Il  y  a  dans  la  partition  de  Casilda  des  motifs  qui  ne  manquent  pas  d'é- 
légance; mais,  chose  singulière,  ce  n'est  pas  là  le  côté  le  plus  méritant 
de  cet  ouvrage.  Je  dis  chose  singulière,  parce  qu'il  n'y  aurait  rien  de  sur- 
prenant à  ce  qu'une  tête  couronnée  eût  autant  d'idées  et  des  idées  aussi 
ingénieuses  que  le  premier  cerveau  venu.  C'est  une  affaire  de  nature,  et 
la  nature,  très-heureusement,  répartit  ses  dons  en  aveugle.  La  correction 
des  formes  scientifiques,  la  régularité  des  marches  harmoniques,  l'en- 
tente de  l'instrumentation,  voilà  ce  qu'il  est  surtout  permis  de  louer  dans 
l'œuvre  dont  je  vous  parle.  Or,  ces  choses,  il  a  fallu  les  apprendre,  et 
vous  trouverez  sans  doute  comme  moi  qu'il  est  bien,  de  la  part  d'un 
prince  régnant,  de  prendre  l'art  assez  au  sérieux  pour  lui  consacrer  le 
temps  que  réclame  une  éducation  technique  complète. 

Je  pourrais  vous  dire,  exagérant  un  peu  les  faits,  que  Ca-ilîa  a  obtenu 
un  succès  triomphal,  car  on  l'a  chaudement  applaudi  ;  mais  je  ne  me  sens 
pas  en  veine  de  flatterie.  Je  me  bornerai  à  vous  certifier  que  son  succès 
a  été  des  plus  honorables,  et,  en  m'exprimant  ainsi,  je  ne  crains  pas  un 
démenti. 

Bien  que  Casilda  soit  un  grand  opéra,  on  l'a  monté  ici  en  opéra  co- 
mique, c'est-à-dire  qu'il  a  été  exécuté  par  nos  artistes  lyriques  ayant  le 
genre  léger  dans  leurs  attributions  :  M.  et  Mme  Barbot,  Mme  Cabel,  etc. 
La  partie  dramatique  de  l'ouvrage  et  les  récitatifs  s'en  sont  un  peu  res- 
sentis. 

Chose  bizarre  et  qu'on  cherche  vainement  à  s'expliquer  ici,  la  cour  n'a 
paru  à  aucune  des  représentations  de  Casilda  ;  on  n'y  a  vu  ni  le  roi,  ni 
les  princes.  Or,  vous  n'ignorez  pas  quel  degré  de  parenté  les  lie  à  l'au- 
teur de  cet  ouvrage.  Il  est  des  gens  qui  se  demandent  si  l'on  blâme  en 


150 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


haut  lieu  le  duc  régnant  de  Saxe-Cobourg  de  s'être  exposé,  comme  com- 
positeur, au  jugement  de  la  foule;  d'autres  pensent  qu'il  y  a  seulement 
indifférence.  Je  suis  plutôt  porté  à  croire  que  c'est  par  discrétion  que  la 
cour  s'est  abstenue  de  paraître  aux  représentations  de  Casitda,  afin  de 
laisser  le  sentiment  public  se  manifester  en  dehors  de  toute  influence. 

On  pensait  que  le  duc  de  Saxe-Ccbourg  aurait  la  curiosité  d'entendre 
sa  partition  à  Bruxelles.  Cependant  la  loge  royale  est  demeurée  vide,  comme 
je  viens  de  vous  le  dire.  Quelques  personnes  affirment  qu'il  est  venu  in- 
cognito, et  qu'elles  l'ont  positivement  reconnu  dans  la  pénombre  d'une 
baignoire.  Je  vous  livre  cette  assertion  pour  ce  qu'elle  vaut,  n'ayant  pas 
été  à  même  d'en  contrôler  l'exactitude. 

Après  la  première  représentation  de  Casilda  ,  nous  avons  eu  celle  de  la 
Poupée  de  Nwcinberg,  et  le  public  a  vivement  applaudi  la  spirituelle  mu- 
sique de  M.  Ad.  Adam,  fort  bien  chantée  par  Mme  Cabal,  ainsi  que  par  les 
autres  artistes. 

J'ajouterai,  pour  établir  notre  bilan  musical  de  la  quinzaine,  les  reprises 
des  Visitandines  et  de  Joseph.  Cas  deux  vieilleries  étaient  presque  des  nou- 
veautés, tant  on  les  avait  oubliées  ;  un  long  repos  les  a  rajeunies.  Ce  sont 
bien  les  Visitandines  qu'on  nous  a  rendues,  et  non  pas  le  Pensionnat  de 
demoiselles  ;  on  y  voit  le  couvent,  les  nonnettes  et  Frontin-Hilarion.  J.a 
Belgique  est  un  pays  aussi  catholique  qu'il  soit  possible  de  l'être;  on 
y  a  autant  et  plus  que  partout  ailleurs  un  profond  respect  pour  la  reli- 
gion ;  mais  on  ne  pense  pas  que  celle-ci  puisse  se  trouver  atteinte  par  les 
facéties  de  Picart.  La  jolie  musique  de  Devienne  a  été  accueillie  avec 
faveur. 

Je  ne  m'attendais  pas,  je  l'avoue,  à  voir  nos  dilettantes  faire  une  aussi 
bonne  contenance  en  face  de  la  musique  simple  et  grave  de  Méhul.  Les 
mélodies  bibliques  de  Joseph  n'ont  pas  été  moins  applaudies  que  ne  le  sont 
les  brillantes  fantaisies  des  auteurs  à  la  mode.  Que  les  vrais  amateurs 
prennent  goût  à  ces  essais  d'art  rétrospectifs,  cela  se  conçoit  aisément , 
car,  pour  eux,  il  n'y  a  pas  de  mode;  mais  que  le  vrai  public,  que  le  pn- 
fanum  vulgus  cède  au  charme  d'une  chose  musicale  d'il  y  a  cinquante  ans 
sans  se  laisser  arrêter  par  la  date,  il  y  a  lieu  de  s'en  étonner.  On  s'explique 
d'autant  moins  le  succès  des  reprises  d'anciens  ouvrages  à  Bruxelles, 
qu'on  y  semble  prendre  à  dessein  toutes  les  mesures  propres  à  empêcher 
que  ce  résultat  soit  obtenu.  Quand  on  tente  des  expériences  semblables 
à  Paris,  c'est  avec  tout  le  zèle  et  toute  la  prudence  que  l'objet  comporte. 
On  apporte  autant  de  soin  à  l'exécution  et  à  la  mise  en  scène  que  s'il  s'a- 
gissait d'un  ouvrage  nouveau.  On  ne  veut  pas  qu'il  puisse  se  dire  :  «Cela  est 
vieux,  cela  est  suranné.  »  A  Bruxelles,  on  s'y  prend  autrement:  les  rôles 
sont  généralement  abandonnés  aux  acteurs  secondaires,  et  ce  qu'il  y  a  de 
plus  fané  dans  les  magasins  semble  être  assez  bon  pour  servir  d'acces- 
soire à  la  représentation  d'un  opéra  du  temps  passé.  Tout  est  fait  pour 
rebuter  la  foule,  qui  se  laisse  prendre,  comme  chacun  sait,  aux  apparences 
En  dépit  d'un  si  détestable  système,  dont  on  ne  s'est  pas  encore  départi 
cette  fois,  Jusuph  a  eu  un  succès  qui  a  dû  faire  tressaillir  d'aise  Méhul 
dans  sa  tombe,  si ,  comme  je  le  crois,  les  auteurs  conservent  au  delà  de  la 
vie  la  susceptibilité  de  leur  amour-propre. 

Nous  avons,  eu  pour  terminer  la  campagne  théâtrale,  une  bonne  fortune  à 
laquelle  nous  ne  nous  attendions  guère.  Mlle  Alboni  traversait  Bruxelles 
dans  un  des  capricieux  itinéraires  que  règle  seule  sa  fantaisie.  Elle  s'est 
arrêtée  pour  nous  donner  une  seale  représentation.  Ainsi  en  avait-elle 
décidé,  du  moins  ;  mais  il  a  fallu  que,  bon  gré  mal  gré,  elle  cédât  aux 
sollicitations  et  parût  une  seconde,  puis  une  troisième  fois.  Faut-il  vous 
dire  dans  quel  opéra  elle  s'est  fait  entendre  ?  C'est  dans  celui  dont  la 
puissance  attractive  semble  devoir  être  éternelle,  dans  le  Prophète,  et  je 
ne  vous  dirai  pas  comment  elle  chante  le  rôle  de  Fidès;  vous  le  savez  de 
reste.  Je  me  bornerai  à  mentionner  les  nouveaux  hommages  rendus  à  sa 
belle  voix  et  à  son  talent  vraiment  sympathique,  pour  me  servir  d'un  mot 
dont  a  souvent  abusé.  C'est  par  le  Prophète  avec  Mlle  Alboni  que  le  théâ- 
tre royal  a  terminé  la  saison.  On  ne  pouvait  mieux  finir.  Puisse  le  début  de 
la  prochaine  campagne  ressembler  à  cette  clôture  1 


NOUVELLES. 

V  Demain  lundi,  à  l'Opéra,  la  huitième  représentation  du  Juif  errant. 

%*  Le  succès  de  ce  bel  ouvrage  suit  une  marche  ascendante,  qui  n'a 
pour  limites  que  les  dimensions  même  de  la  salle.  Chaque  soir,  la  foule  se 
presse  et  beaucoup  d'amateurs  ne  peuvent  se  placer.  Vendredi  la  recette 
s'est  élevée  à  10,210  fr.,  et  quoique  nous  ne  soyons  encore  qu'à  la  hui- 
tième représentation,  la  location  se  porte  déjà  sur  la  dix-septième.  L'exé- 
cution fait  de  plus  en  plus  valoir  l'œuvre  entière,  unanimement  recon- 
nue comme  l'une  des  plus  belles  dont  M.  Halévy  ait  doté  notre  grande 
scène  lyrique. 

***  L'engagement  de  Aime  Tedesco  vient  d'être  renouvelé. 

***  Les  chefs  arabes  qui  sont  à  Paris  en  ce  moment  assistaient  mercredi 
à  la  représentation  du  Juif  errant. 


%*  Levasseur  est  revenu  à  Paris  en  parfaite  santé.  Mardi  dernier,  il  a 
repris  sa  classe  de  déclamation  lyrique  au  Conservatoire. 

%.*  Mme  Ugalde  sera  bientôt  remise  de  son  indisposition,  qui  interrom- 
pait les  représentations  de  Galathée.  On  annonce  sa  rentrée  pour  le  17  de 
ce  mois. 

***  H  y  aura  spectacle  aux  Tuileries  mercredi  prochain,  12  mai.  Le 
Théâtre-Français  jouera  Mademoiselle  de  la  Seiglière,  et  TOpéra-Comique 
les  R'.jndez-vous  bourgeois. 

*„*  Demain  lundi,  pendant  la  messe  basse  qui  sera  célébrée  par  Mgr  l'ar- 
chevêque de  Paris  dans  le  Champ-de-Mars,  et  qui  précédera  la  bénédic- 
tion des  drapeaux,  les  musiques  réunies  de  tous  les  régiments  de  la 
garnison  de  Paris  exécuteront  des  morceaux  de  la  messe  de  Sainte-Cécile 
de  M.  Ad.  Adam.  Cette  messe,  qui  appartient  à  l'Association  des  artistes 
musiciens,  a  été  arrangée  avec  beaucoup  de  talent  par  M.  Klosé,  profes- 
seur au  Conservatoire.  Les  parties  instrumentales  sont  confiées  aux  musi- 
ques d'infanterie;  ce  sont  les  musiques  de  cavalerie,  dites  musiques  de 
cuivre,  qui  interpréteront  les  parties  vocales.  Cette  exécution,  qui  réunira 
plus  de  1,000  musiciens,  sera  dirigée  par  M.  Klosé. 

*.t*  L'assemblée  générale  de  l'Association  des  artistes-musiciens  aura 
lieu  lundi  17  mai,  à  midi  et  demi ,  aux  galeries  Bonne-Nouvelle  dans  la 
salle  des  concerts  de  l'Association. 

*„*  L'Association  des  auteurs  dramatiques  a  tenu  dimanche  dernier  sa 
séance  annuelle.  Deux  rapports  ont  été  lus,  l'un  sur  la  situation  générale, 
l'autre  sur  la  situation  financière  de  la  Société.  M.  Ferdinand  Langlé, 
comme  trésorier,  était  chargé  de  ce  dernier;  mais  en  l'absence  de  son 
collègue,  M.  Villeneuve,  éloigné  par  une  indisposition,  le  trésorier  a  as- 
sumé la  tâche  des  deux  rapports.  L'ensemble  des  droits  perçus,  pendant 
l'exercice,  se  monte  à  917,531  fr.  61  c  ,  qui  se  divisent  ainsi  :  pour  Paris, 
705,363  fr  56  c;  pour  les  départements,  195,450  fr.  C7  c,  et  pour  la 
banlieue,  16,717  fr.  38  c.  L'ensemble  des  droits  ne  s'était  élevé  en  1850- 
51  qu'à  «95,368  fr.  67  c,  et  celui  de  1849-50  qu'à  723,982  fr.  L'augmenta- 
tion est  doncdel93,5Zi9fr  61c.  sur  l'avant-dernier  exercice,  etde 22,162  fr. 
9Zi  c.  sur  le  dernier.  La  perception  des  droits  en  Algérie  dépasse  4,000  fr. 
C'est  pour  la  première  fois  que  les  auteurs  français  peuvent  montrer  des 
bordereaux  de  recettes  effectuées  à  l'étranger.  Grâce  aux  traités  de  ga- 
ranties internationales  [conclus  depuis  quelques  années,  nous  avons,  on 
le  sait,  obtenu  le  maintien  réciproque  de  la  propriété  littéraire.  Ces  traités 
sont  enfin  en  voie  d'exécution.  Après  bien  des  luttes  prolongées  et  bien 
des  fins  de  non-recevoir,  les  agents  de  l'association  sont  parvenus  à  per- 
cevoir des  droits  à  Chambéry,  à  Nice,  à  Turin.  Mais  ces  premiers  résultats 
sont  assez  insignifiants;  ainsi  Turin  n'a  fourni  que  500  fr.,  précieuse  ré- 
colte toutefois  en  tant  qu'inauguration  du  grand  principe  qui  vient  d'être 
consacré.  Bientôt  le  Portugal  et  le  Hanovre  seront  organisés  sur  les  mêmes 
bases,  et  dans  quelques  mois  l'Angleterre  elle-même  entrera  en  compte 
avec  l'association.  Les  conventions  consenties  avec  la  Grande-Bretagne 
sont  surtout  d'une  haute  importance  comme  exemple  et  comme  résultat; 
car  cet  État  consacre  non-seulement  la  propriété  des  pièces  lorsqu'elles 
sont  jouées  dans  leur  langue  native,  mais  encore  il  maintient  leurs  droits 
lorsqu'on  les  fera  jouer  sous  la  forme  de  traductions  ou  d'imitations. 
Toutefois,  dans  l'exécution,  les  stipulations  réglementaires  exigent  le  con- 
cours d'un  certain  nombre  de  formalités  assez  minutieuses,  et  pour  con- 
server leur  propriété,  les  auteurs  français  seront  forcés  de  faire  veiller 
sur  elle  avec  soin,  et  de  constituer  une  agence  spéciale  fortement  or- 
ganisée. L'association  a  pris  à  cet  égard  pour  guide  et  pour  conseil 
M.  Bouard,  avocat  de  l'ambassade  française  à  Londres.  Après  la  lecture 
des  rapport*,  on  a  procédé  au  remplacement  de  MM.  Viennet.  président, 
Grisar,  Labiche,  Langlé  et  Lockroy,  membres  sortants.  L'assemblée,  com- 
posée de  80  membres,  a  choisi  pour  président  M.  Scribe,  Ont  été  ensuite 
nommés:  MM.  Laffîtte,  Dupeuty,  Batton  et  Amédée  Lefebvre. 

%*  La  presse  anglaise  est  unanime  à  proclamer1  le  succès  de  la  série 
de  concerts  donnés  à  Londres  par  la  nouvelle  Société  philharmonique 
sous  la  direction  de  notre  collaborateur,  Hector  Berlioz.  Le  troisième  con- 
cert a  eu  lieu  le  mercredi,  28  avril,  et  voici  comment  s'exprime  le  Times 
à  propos  des  fragments  de  la  symphonie  dramatique,  Roméo  et  Juliette 
qu'on  y  exécutait  pour  la  seconde  fois  :  —  «  Les  fragments  de  la  sym- 
phonie dramatique  sur  laquelle  nous  avons  déjà  fait  connaître  notre  opi- 
nion lors  du  premier  concert  de  la  nouvelle  Société,  ont  été  accueillis 
avec  une  faveur  si  générale,  que  Berlioz  doit  être  aujourd'hui  considéré 
comme  ayant  conquis  dans  l'estime  du  public  la  réputation  d'un  compo- 
siteur de  grand  talent  et  de  grande  originalité.  L'ne  seconde  audition,  en 
rendant  cette  musique  extraordinaire  plus  familière  à  l'oreille,  a  décou- 
vert tout  un  inonde  de  beautés  qui  n'avaient  pas  été  saisies  la  première 
fois,  comme  elle  a  prouvé  que  cette  musique  est  beaucoup  moins  étrange 
et  moins  difficile  à  comprendre  qu'on  n'a  bien  voulu  le  dire.  Le  dessin 
général  de  l'œuvre,  malgré  sa  très-grande  longueur,  et  que  la  première 
fois  on  peut  être  tenté  d'accuser  de  confusion,  devient  plus  clair  à  me- 
sure qu'on  le  Jconnaît  mieux.  L'orchestre  s'est  surpassé  dans  l'exécu- 
tion de  cette  musique  si  difficile,  et  la  réception  qui  a  été  faite  à  l'auteur 
a  été  si  expressive,  que  les  directeurs  de  la  Société  doivent  sérieusement 
se  préoccuper  de  la  nécessité  de  faire  jouer  la  seconde  partie  de  Roméo 
et  Juliette,  ou  au  moins  quelque  autre  œuvre  de  M.  Berlioz.  Le  grand 
morceau  de  musique  descriptive,  qui  a  pour  titre  le  Rai  chez  Capulet,  a 
été  redemandé  avec  le  plus  grand  enthousiasme  par  le  public;  mais 
M.  Berlioz  a  été  trop  modeste  pour  accepter  pour  lui-même  un  honneur 
qui  venait  d'être  refusé  à  l'ouverture  de  Mendelssohn,  les  Iles  de  Fingal. 


DE  PARIS. 


151 


A  la  fin  du  concert,  M.  Berlioz  a  été  salué  par  d'unanimes  acclamations, 
et  il  était  déjà  sorti  de  la  salle,  lorsqu'il  y  a  été  rappelé  par  le  publie  pour 
recevoir  encore  de  nouveaux  témoignages  de  l'admiration  universelle.  » 

%*  Mme  l'ieyel,  qui  est  à  Londres  depuis  peu  de  temps,  a  joué  dans  ce 
mémo  concert  le  Concert  Sluck  de  YVeber.  La  célèbre  pianiste  a  produit 
tout  l'effet  qu'on  devait  attendre  de  son  admirable  talent.  Itappelée  après 
le  morceau,  elle  a  dû  reparaître  au  bruit  des  applaudissements  redoublés 
de  la  salle  entière. 

%*  M.  F..  Ilaberbier  donnera,  jeudi  prochain  13  mai,  à  huit  heures  du 
soir,  salle  llerz.  un  troisième  concert.  Le  célèbre  pianiste  exécutera  de 
nouveau  le  nocturne  de  Chopin  et  les  chants  danois  de  sa  composition  , 
qu'on  lui  a  fait  répéter,  et  trois  œuvres  nouvelles  de  lui  :  une  marche 
triomphale,  une  mosaïque  et  Béve  doré,  inspiration.  M.  Masset,  Aille  AIou- 
tigny  et  M.  Jacquard,  violoniste,  prêteront  le  concours  de  leur  talent  à 
M.  Ilaberbier. 

%*  11  vient  de  paraître  chez  Flaxland,  éditeur,  une  fort  b^lle  valse  pour 
piano,  de  la  composition  du  jeune  Baur,  de  Saint-Pétersbourg,  pianiste 
et  compositeur  de  talent  et  d'un  avenir  assuré. 

*»*  Les  journaux  qui  nous  sont  arrivés  de  Londres  depuis  dimanche 
dernier,  confirment  et  au  delà  tout  ce  que  nous  avons  dit  du  succès  ma- 
gnifique obtenu  par  Emile  Prudent  dès  son  premier  concert.  Le  Musical 
Worli  dit  de  lui  :  «  M.  Emile  Prudent  a  conquis  du  premier  coup  la 
»  faveur  du  public  musical  anglais.  C'est  un  des  plus  grands  pianistes  de 
»  l'école  moderne,  et  à  beaucoup  d'égards  on  pourrait  le  comparer  à  Thal- 
»  berg,  quoiqu'à  beaucoup  d'autres,  et  notamment  par  une  certaine 
»  élégance  qui  lui  est  particulière,  il  en  diffère  totalement.  Les  différents 
»  morceaux  dont  se  composait  son  programme  avaient  été  parfaite- 
»  ment  choisis  pour  déployer  toutes  les  variétés  de  son  style.  Son  exécu- 
»  tion  est  toujours  nette  et  finie.  Il  possède  un  beau  son,  un  toucher 
»  élastique,  une  puissance  remarquable;  en  un  mot,  il  réunit  tout  ce  qui 
»  constitue  la  perfection  du  mécanisme:  aussi  a-t-il  brisé  la  glace  britan- 
»  nique,  et  enlevé  de  haute  lutte  un  triomphe  complet.  » 

V  Dans  la  matinée  champêtre  donnée  au  château  Beaujon  par  M.  Gu- 
din,  le  célèbre  peintre  de  marine,  ainsi  qu'au  bal  splendide  de  l'ambassade 
de  Prusse,  l'orchestre  et  les  compositions  de  Waldteufel  tenaient  une  place 
brillante.  On  a  remarqué,  dans  le  nombre,  son  dernier  galop,  le  plus 
charmant  de  tous,  intitulé  la  Sehnell-Voste,  que  l'on  exécutait  pour  la  pre- 
mière fois,  et  qu'il  a  fallu  répéter  souvent  dans  la  même  soirée. 

%*  Mme  Murio-Cœli,  artiste  du  théâtre  d'Alger,  n'a  jamais  mérité  plus 
d'éloges  que  le  jour  où,  pour  la  dernière  fois  de  l'année,  elle  remplissait 
le  rôle.  d'Athénaïs  dans  les  Mousquetaires  de  la  Reine.  La  manière  dont 
elle  a  dit  l'air  charmant  :  Bocage  épais,  est  tout-à-fait  remarquable. 

%*  L'Académie  des  Beaux-Arts,  dans  sa  séance  du  29  mars  1845,  a  dé- 
cidé qu'une  médaille  d'or  de  la  valeur  de  500  fr.  serait  offerte  chaque  an- 
née à  l'auteur  des  paroles  de  la  cantate  qui  serait  choisie  par  elle  pour 
être  donnée  comme  texte  des  concours  de  composition  musicale.  Cette 
cantate  doit  être  à  trois  personnages;  elle  est  destinée  à  être  chantée  par 
un  soprano,  un  ténor  et  un  baryton  ou  basse-taille.  Elle  devra  renfermer 
un  ou  au  plus  deux  airs,  un  seul  duo  et  un  trio  final,  chacun  de  ces  mor- 
ceaux étant  séparé  du  morceau  suivant  par  un  récitatif.  Les  hommes  de 
lettres  qui  seraient  dans  l'intention  de  prendre  part  à  ce  concours  sont 
invités  à  s'adresser  au  secrétariat  de  l'Institut,  où  il  leur  sera  donné  un 
programme  plus  détaillé.  Les  cantates  devront  être  adressées,  par  pa- 
quet cacheté,  à  M.  le  secrétaire  perpétuel  de  l'Académie  des  Beaux- 
Arts,  à  l'Institut,  le  18  juin  1852  :  le  terme  est  de  rigueur.  Chacune  des 
pièces  de  vers  contiendra,  dans  un  billet  cacheté,  le  nom  de  l'auteur  et 
l'épigraphe.  Il  ne  sera  reçu  à  ce  concours  que  des  pièces  de  vers  inédi- 
tes. Les  manuscrits  ne  seront  pas  rendus. 


V  L'art  musical  vient  de  faire  une  perte  sensible  et  prématurée  en  la 
personne  de  Mlle  Boutibonno.  jeune  pianiste  de  beaucoup  do  talent. 

V  1\1.  Pascal  Taskin,  professeur  de  piano,  membre  du  comité  de  l'As- 
sociation des  artistes-musiciens,  est  mort  subitement,  mercredi  dernier, 
à  l'âge  de  75  ans.  C'était  un  de  nos  artistes  français  les  plus  honorables. 

CHRONIQUE     ÉTRANGÈRE. 

*»*  Londres,  2  mai.  —  En  attendant  l'issue  du  grand  début  relatif  à  Jo- 
hanna  Wagner,  les  deux  théâtres  italiens  exploitent  les  richesses  ordinai- 
res de  leur  troupe  et  de  leur  répertoire.  -  Au  théâtre  de  Sa  Majesté,  dirigé 
par  M.  Lumley,  Norma,  le  Barbier,  Fidelio,  se  sontsuccedé. Sophie  Cruvelli 
chantait  le  premier  rôle  dans  ces  trois  ouvrages,  après  lesquels  est  venue 
Cenerentola,  chantée  par  Mlle  d'Angri.  —  Au  théâtre  de  Covent-Garden,  le 
jour  où  le  début  de  Mlle  Wagner  était  annoncé  par  les  affiches,  il  a  fallu 
substituer  les  Martyrs  au  Prophète,  et  le  désappointement  n'a  pas  été  mé- 
diocre. Depuis,  on  a  donné  Norma  pour  la  rentrée  de  Mlle  Grisi,  et  Mario 
a  fait  la  sienne  dans  les  Hvejmnols. 

*»*  Berlin.  —  Une  nouvelle  distribution  de  quelques  rôles  donnait  un 
vif  intérêt  à  la  dernière  représentation  des  Huguenots.  En  première  ligne 
il  faut  citer  MlleLiebhardt  quia  parfaitement  rendu  le  rôle  de  la  princesse. 
M.  Formés  a  également  réussi  dans  celui  de  Raoul.  Quant  à  Mme  Kœster, 
elle  a  été  comme  toujours  une  admirable  Valentine.  Mlle  Liebhardt  a  ter- 
miné ses  représentations  par  le  rôle  de  la  reine  des  nuits,  dans  la  Flûte 
enchantée. 

V  Dresde.—  Par  suite  de  l'indisposition  de  Mme  Krebs-Michalesi,  char- 
gée du  rôle  de  Fidès,  le  Prophète  avait  disparu  pour  quelque  temps  du 
répertoire.  Le  rétablissement  de  cette  artiste  distinguée  a  permis  de  re- 
mettre à  la  'scène  le  chef-d'œuvre  de  Meyerbeer,  qui  a  été  représenté 
trois  fois  dans  l'espace  de  huit  jours  ;  nous  n'avons  pas  besoin  d'ajouter 
que  chaque  fois  la  salle  était  comble  et  que  le  succès  a  été  complet. 

V  Vienne.  —  Le  maître  de  chapelle,  M.  Botter,  a  été  nommé  membre 
honoraire  du  Mozarteum  de  Salzbourg,  de  la  Société  musicale  du  Dôme  à 
Vienne,  et  de  la  Béunion  pour  musique  religieuse  à  Prague.  —  Le  produit 
net  du  concert  de  bienfaisance  donné  par  Al.  Schulhoff  a  été  de  780  flo- 
rins. —  Le  17  avril,  est  mort  à  l'âge  de  84  ans,  M.  Hyrtl,  qui  avait  été 
premier  hautbois  dans  la  célèbre  chapelle  du  prince  Esterhazy,  que  diri- 
geait Haydn. 

V  Wtimar.  —  La  symphonie-cantate  de  M.  Hasslinger,  intitulée  Napo- 
léon, a  été  exécutée  pour  la  première  fois  sous  la  direction  de  l'auteur.  Le 
poëme  contient  les  principaux  événements  de  la  vie  de  l'empereur.  Les 
cinq  voix  de  solo  sont  :  Napoléon,  l'ange  de  la  paix ,  l'ange  de  la  ven- 
geance, un  messager,  un  général  français.  Les  chœurs  et  l'instrumenta- 
tion ont  surtout  été  remarqués. 

Le  gérant  :  Ernest  DESCHAMPS. 

—  Les  airs  détachés  de  Galalhée,  cette  délicieuse  partition  de  M.  Victor 
Massé,  viennent  de  paraître.  Nous  ne  saurions  trop  recommander  aux 
amateurs  cette  musique  si  mélodieuse,  certains  que  nous  sommes  qu'elle 
ne  perdra  rien  à  être  chantée  dans  les  salons. 

En  vente  ch-z  Flaxland,  éditeur  demusiqw,  place  de  la  Madeleine,  l. 

Valse  brillante  pour  le  piano  par 

•I.-.4.  BSA  «J  35    (de  Saint-Pétersbourg1. 

Op.  1.  —  Prix  :  3  fr.  75. 


Chez  Mme  CENDRIER,  éditeur,    11,  rue  du  Faubourg- Poissonnière. 


i'.ti  xi  a-»;fla- 
LES  AIRS  DÉTACHÉS  DE 


Oiiéra-Comiqiee 

EN  2  ACTES. 


PAROLES  DE  J.   B/IRBIEB  ET  MICMEIi   CASXÏ5E,  MUSIQUE  DE  V3CTOR  MASSE. 
Ouverture  pour  piano  seul,  6  fr.  —  Ouverture  à  4  mains,  7  f.  HO. 


N"  2.  Couplets  chantés  par  M.  Sainte-Foy  :  «  Depuis  vingt  ans 
j'exerce.  »  (Ténor) 

2  bis.  Les  mêmes  en  ut  pour  baryton 

3  bis.  Couplets  chantés  par  Mlle  Wertheimber  :  «  Toutes  les 

femmes.  »  (Contralto) 

3  ter.  Les  mêmes  pour  basse  ou  baryton 

lt.  Air  chanté  par  Mlle  Wertheimber  :  «  Tristes  amours,  folles 

chimères.  »  (Contralto) 

U  bis.  Le  même  pour  basse  ou  baryton,  soprano  ou  ténor,  ch. . 

4  ter.  Cantabile  extrait  de  l'air,  pour  contralto,  basse  ou  bary- 

ton, soprano  ou  ténor,  chaque 

5.  Duo  chanté  par  Mmes  Ugalde  et  Wertheimber  :  «  Aimons, 

il  faut  aimer.  »  (Soprano  et  contralto) 

5  bis.  Le  même  pour  sopano  et  basse  ou  baryton 

6.  Air  de  la  lyre,  chanté  par  Mme  Ugalde  :  «  Fleur  parfumée.  » 

(Soprano) 


7  50 
7  50 


N"  6  bis.  Le  même  transposé  un  ton  plus  bas,  mezzo  soprano 7  50 

7.  Air  de  la  Paresse,  chanté  par  M.  Mocker  :   «Ah!  qu'il  est 

doux  de  ne  rien  faire.  »  (Ténor) 4  50 

7  bis.  Le  même  pour  baryton 4  50 

9  bis.  Couplets  de  la  coupe,  chantés  par  Aime  Ugalde  :  «  Sa 

couleur  est  blonde  et  vermeille.  »  (Soprano) 5     n 

9  ter.  Les  mêmes  transposés  un  demi-ton  plus  bas 5    » 

10.  Duettino  chanté  par  Aime  Ugalde  et  Al.  Alocker  :   «  Gany- 

mède,  c'est  toi  que  j'aime.  »  (Soprano  et  ténor) 4     » 

11.  Kondo  chanté  par  Aille  Wertheimber  :  «  A  moi  folles  ivres- 

ses. »  (Contralto) 4    » 

11  bis.  Le  même  pour  baryton 4     » 

11  1er.  Le  même  pour  basse  en  sol 4     » 

Grande  partition  et  parties  d'orchestre;  partition  in-8°  pour  chant  et 
piano  ;  partition  pour  piano  seul  ;  morceaux  de  piano  et  musique  de 
danse. 


152 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS. 


POUR  PARAITRE  INCESSAMMENT 
CHEK  BRANDUS  ET  €e.   EDITEUBS, 

103,  RUE  RICHELIEU. 


Opéra  en  einnj  actes, 
Paroles  de 


mm.  e.  scribe  et 


Musique  de 


Eïe   t'Jfnslilwt. 


MORCEAUX  DÉTACHÉS  POUR  CHANT  AVEC  ACCOMPAGNEMENT  DE  PIANO 


Ouverture  pour  le  piano  à  %  et  à  4  mains. 


1"  ACTE. 


1.  LÉGENDE  chantée  par  Mme  Tedesco  :   «  Pour  expier  envers  lui  ses 

outrages.  » 

1  bis.  La  même  transposée  pour  soprano. 

2.  LE  COUVRE-FEU  chanté   par  M.   Merly  et  chœur  :   «   De  par  le 

bourgmestre,  de  par  nos  échevins.  » 

2  bit.  Le  même  pour  voix  de  basse  seule. 

3.  CHOEUR  DE  MALANDRINS  :  «  Au  loin  tremblez  tous.  ■> 

ti.  ROMANCE  AVEC  RÉCITATIF  chantée  par  M.  Massol  :  «  Ils  partent 

frappés  de  terreur.  » 
k  bis.  La  même  transposée  pour  ténor. 
5.  DUO  chanté  par   Mme  Tedesco   et  M.  Massol  :  «  Théodora,  qu'ici 

le  ciel  m'envoie.  » 


«=  ACTE. 


Douze 


6.  TRIO  chanté  par  Mmes  Tedesco  et  La  Grua,  et  M.  Roger  ; 

ans  sont  écoulés.  » 

7.  QUATUOR  pour  à  basses,   chanté  par  MM.  Depassio,  Guignot.  Ca- 

naple  et  Noir  :  «  On  m'a  dit  vrai,  jamais  plus  charmante  beauté.  » 

8.  CAVATINE  chantée  par  Mme  Tedesco  :   «  A  moi,  ta  sœur  et  ton 

amie.  » 
8  bis.  La  même  transposée  pour  soprano. 

9.  DUO  chanté  par  Mme  Tedesco  et  M.  Roger  :  «  Qu'exiges-tu  d'un 

misérable.  » 
10.  CHOEUR  de  la  Saint-Jean  :  «  Saint-Jean  !  Saint-Jean  !  » 


3e  ACTE. 

11.  AIR  ET  RÉCITATIF  chanté   par  Mlle   La    Grua  : 

6  prodige!  auquel  je  crois  à  peine.  » 
11  bis.  Le  même  transposé  pour  contralto. 


0  merveille  ! 


12.  ROMANCE  chantée  par  M.  Roger  :  «  Une  sœur,  une  amie,  ange  de 

la  maison.  » 

12  bis,.  La  même  transposée  pour  baryton. 

13.  STROPHES  chantées  par  Mme  Tedesco  :  «  Que  nos  voix  vers  le  ciel 

montent.  » 

13  bis.  Les  mêmes  simplifiées. 

4e  ACTE. 

là-  AIR  AVEC  RÉCITATIF  chanté  par  M.  Roger  :  «  A  ce  palais  dont 

la  magnificence...  » 
\h  bis.  Le  même  transposé. 
15.  ROMANCE  extraite  de  l'air   chantée  par  M.  Roger  :   «  Vous  n'êtes 

plus,  jours  d'innocence.  » 

15  bis.  La  même  transposée  pour  baryton. 

1.6.  DUO  chanté  par  Mlle  La  Grua  et  M.  Roger  :  «  Le  ciel  nous  a  réunis.» 

16  b.s.  ROMANCE  extraite  du  dao  :  «  O  ciel!  est-ce  un  rêve?  » 

17.  AIR  chanté  par  M.  Massol  :  «  De  Dieu  l'éternelle  clémence.  » 

17  bis.  Le  même  transposé  pour  ténor. 

17  ter.  Le  même  transposé  pour  basse. 

18.  QUINTETTE  pour   5  voix  de  basse, 

Guignot,  Canaple,  Goyon  et  Noir  : 

1 8  bis.  Le  même  réduit  à  1  voix  de  basse. 


chanté  par  MM.  Depassio, 
La  nuit  est  sombre.  » 


5e  ACTE. 

19.  ROMANCE  chantée  par  M.  Roger  :  «  Quand  chacun  te  fuit  ici-bas. 
19  bis.  La  même  transposée  pour  baryton. 

20.  CHOEUR  DES  ELUS  :  «  Prenez  pitié,  Seigneur.  » 


SIX  AIRS  DE  BALLET  ET  UNE  MARCHE  TRIOMPHALE. 


Suite  de  Valses,  Quadrille  pastorale  et  Quadrille  infernale, 

Par  MUSARO. 


Grande  -valse  pour  piano,  par  Fr..  BURGMULLER. 
Polka  de*  AueJlles,  par  E.  ETTLING 
Scnottiscli  du  Berger  par  J.  PASDELOUP. 
Polka-llazurka,  par  G.  DAN1ELE. 


BciloTva,  par  A.  de  LENONCOURT. 
©eus  BEagateSIcsj  pour  piano,  par  A.  LECARPENTIER. 
Des  Morceaux  de  piano  par   II.    ROSELLEN ,   A.   TALEXY,  Ch.   VOSS, 
O.  COMETTANT,  R.  MULDER,  J.-B.  DUVERNOY,  M.  DECOURCELLE,  etc. 


ABBASCESIESTS  POHJ1E  T©ÏJSS  E.IKS    BJSfeTRaJMEM'fl'S. 


Le  Poëme  est  en  vente  :  Prix  1  fr. 


i  sut,  mil un-:  ci-.vniAiti  de  ^•l'ui.nn 


1XET   C10     RUE   BEdGÈRE,    20. 


BUREAUX  A  PARIS  :  BOULET/ART  DES  ITALIENS,  1. 


19e  Aimée. 


r  20. 


On  s'ubunne  «Inns  les  Départements  et  A  t'Etrangel 


Cioiii-vo , 


A  nnirr  Agence  générale,  5 
rue  du  Goret. 

Clii'Z  ».  I " .  1     <le  In  Fl.Vliiere. 
19.1,  rut  «lu  ferraillct. 


I.nillIl'C'N.  \Vesse]i'tC\229,negrntstrrel 
8t-»»é«<-r>iI»oiirîï.n«li7nril. 

K'ru-Vork,  Scharfenbcrg  et  l.uis. 

VIlMlrllI.  Union  arlislico-musiciile. 

AlUHterdani-  Bureau  «les  Postes. 

oerlln.  Schlralngor,  81;  u.d.'linden, 

—  note  et  Bock,  42,  Jaegerstr. 

ll-.lioi.uc.  Sassotti. 


REVUE 


10  Mai  18S1». 


Prix  de  l 'Abonnement  i 


T..»  Jour-nul  p.irnlt  le  Dima  che. 


GAZETTE  MUSICALE 


mm  ?âiî§. 


SOMMAIRE.  —  Le  Jni/  errant,  grand  opéra  en  5  actes,  la  musique  (3'  article),  par 
S.  lis  père.  —  Deux  échos,  par  «fleuri  ISIaix-linrd.  —Revue  critique,  Théo- 
ries complètes  du  chant,  de  Stephen  de  laMadelaine,  par  Paul  Smith.  — 
Nouvelles  et  annonces. 


MjJE    .JUIF    ERRA  HT. 

GRAND    OPÉRA    EN    CINQ    ACTES. 
1,1    MUSIQUE. 

(3e  article.) 

Nous  sommes  à  Constantinople ,  dans  le  palais  des  empereurs 
d'Orient,  et  nous  prenons  part  aux  agitations  d'Irène ,  encore  sous 
l'impression  du  changement  prodigieux  qui  vient  de  s'opérer  dans  sa 
fortune.  On  comprend  qu'il  y  a  dans  cette  situation  le  sujet  d'un  air  : 
le  compositeur  ne  peut  en  laisser  perdre  l'occasion.  Les  airs  de  ce 
genre  appartiennent,  par  la  nature  même  de  leur  objet,  au  style  appelé 
de  demi-caractère  (mezzo  carallere) ,  parce  que;  n'étant  inspirés  par 
aucun  mouvement  de  passion  déterminée,  ils  ont  un  caractère  plus  gra- 
cieux qu'expressif.  Les  chanteurs  de  concert  y  trouvent  une  précieuse 
ressource  que  ne  leur  offrent  pas  toujours  les  airs  purement  dramati- 
ques. Les  morceaux  de  ce  genre  survivent  à  la  représentation  des  ou- 
vrages d'où  ils  sont  tirés,  et  font  souvenir  des  succès  de  ceux-ci,  lors- 
que le  temps  les  a  fait  disparaître  du  répertoire.  Tel  fut  l'air  charmant 
de  Montano  et  Stéphanie  (Oui ,  c'est  demain  que  l'hyménée)  ;  tel  est 
celui  qu'Auber  a  si  heureusement  imaginé  pour  Mme  Damoreau  ,  dans 
le  Serment,  et  qui  est  souvent  la  ressource  des  cantatrices.  Celui  que 
chante  Mlle  Lagrua  dans  le  Juif  errant  aura  vraisemblablement, 
mais  dans  un  avenir  aujourd'hui  encore  bien  éloigné,  la  même  desti- 
née. Conçu  dans  le  but  de  faire  briller  l'habileté  de  la  cantatrice,  il  a 
toutes  les  qualités  nécessaires  à  ce  genre  de  morceaux,  et  se  fait  d'ail- 
leurs remarquer  par  ses  gracieuses  mélodies  et  son  instrumentation 
coquette. 

Après  cet  air,  la  délicieuse  romance  chantée  par  Roger  ranime  l'inté- 
rêt et  l'expression  dramatique.  Cette  romance,  dont  les  premiers  vers 
sont  : 

Une  sœur,  une  amie, 
Ange  de  la  maison  ! 

est  écrite  en  sol  mineur.  Sa  mélodie,  empreinte  de  tendresse  et  de  mé- 
lancolie, est  laissée  à  découvert  par  une  légère  et  sympathique  instru- 
mentation, composée  d'une  harpe  avec  cor  anglais  obligé,  deux  clari- 
nettes et  deux  bassons.  Au  deuxième  couplet,  Théodora  intervient  et 
dialogue  avec  le  chant  de  Léon  d'une  manière  intéressante.  A  l'accom- 
pagnement du  premier  couplet  s'ajoutent  les  violons,  altos  et  contre- 
basses pizzicato,  et  des  traits  de  violoncelle  pleins  de  grâce  et  de  déli- 
catesse. Le  chant  de  Théodora,  qui  vient  après  cette  romance,  est  du 
plus  beau  caractère  sur  ces  paroles  : 


Que  nos  voix  vers  le  ciel  montent  pour  le  bénir  ! 
Vos  décrets,  ô  mon  Dieu!  j'ai  donc  pu  les  servir!... 


La  mélodie  de  ce  chant,  admirablement  dite  par  Mme  Tedesco ,  est 
remarquable  par  la  largeur  du  style  et  par  le  sentiment  dramatique. 
L'harmonie  des  clarinettes  et  des  cors  qui  l'accompagne  avec  les  instru- 
ments à  cordes  pincées  produit  un  effet  charmant. 

On  n'installe  point  une  impératrice  d'opéra  sans  la  rassasier  de  diver- 
tissements~it  de~danses.  jTîT'ai  pas  besoin  de  dire  que  les  auteurs  du 
Juif  errant  se  sont  conformés  à  cet  usage  antique  et  solennel  ;  mais 
le  ballet  qu'ils  ont  imaginé  n'est  pas  resté  dans  l'ornière  du  classique 
pas  de  deux  ou  de  trois.  Ils  se  sont  souvenu  de  Virgile  et  de  ses  ravis- 
santes peintures  du  quatrième  livre  des  Géorgiques  : 

At  quum  incerta  volant,  cœloque  examina  ludunt, 
Contemnuntque  favos,  et  frigida  tecta  relinquunt, 
Instabiles  animos  ludo  prohibebis  inani. 

Ce  sont  ces  essaims  d'abeilles  qui  voltigent  sans  objet,  se  jouent  dans 
l'air,  oublient  leurs  rayons  de  miel  et  abandonnent  leurs  ruches  soli- 
taires, que  les  poètes  ont  pris  pour  sujet  de  leur  divertissement.  Les 
abeilles  sont  représentées  par  de  légères  jeunes  filles  dont  l'élégant 
corsage  rappelle  les  couleurs  et  les  lignes  du  corps  de  l'insecte  ailé.  Le 
berger  Arislée  essaie  de  les  fixer  en  jetant  des  fleurs  sur  leur  passage  , 
mais  en  vain.  Alors  il  n'a  pas  recours  aux  cymbales  bruyantes  de 
Cybèle 

Matris  quate  cymbala  circum, 

qui  ne  feraient  pas  un  très-bon  effet  en  musique  ;  mais  il  fait  entendre 
une  ravissante  mélodie  par  les  sons  d'un  hautbois  auquel  M.  Verroust 
donne  assez  de  charme  pour  opérer  le  prodige. 

Rien  de  plus  heureux  que  le  thème  et  la  combinaison  instrumentale  ■ 
imaginés  par  Halévy  pour  l'entrée  des  abeilles  en  scène.  Ce  thème,  écrit 
pour  alto  et  trois  parties  de  violoncelle,  avec  des  sourdines  et  pianis- 
simo, imite  le  bourdonnement  d'un  essaim  de  la  manière  la  plus  poéti- 
que. Pendant  ce  temps,  les  violons  font  entendre,  également  avec  des 
sourdines,  des  petits  groupes  de  notes  d'une  parfaite  légèreté.  Tout  cela 
est  trouvé  et  nouveau.  Puis  le  violoncelle  chante  une  belle  mélodie 
accompagnée  par  des  traits  de  violons,  des  tenues  d'instruments  à  vent 
dans  le  bas,  et  des  trémolos  d'alto  d'un  effet  très-heureux  ;  après  quoi 
le  premier  motif  revient.  Les  divers  thèmes  qui  se  succèdent  dans  ce 
divertissement,  pour  les  différents  caractères  de  danse,  ont  tous  de  la 
distinction  -,  je  citerai  particulièrement  celui  de  hautbois  solo  dans  un 
mouvement  lent,  et  le  pas  de  Mlle  Taglioni  (en  ré). 

Après  ce  ballet  original,  le  final  commence  par  une  marche  sur  la- 
quelle les  grands  de  l'empire  viennent  présenter  à  l'impératrice  leurs 
respects  et  leurs  vœux.  Cette  marche  est  exécutée  par  quinze  instru- 
ments de  cuivre  d'un  nouveau  système,  mais  dans  une  forme  antique, 
imaginés  et  fabriqués  par.M.  Sax.  Ces  instruments,  auxquels  l'inventeur 


154 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


a  donné  le  nom  de  Sax-tuba,  sont  combinés  de  la  manière  suivante  : 

1  Sax-tuba  en  si  bémol  aigu, 

1  —  en  mi  bémol  soprano, 
k  —  en  si  bémol  contralto, 

3  —  en  mi  bémol  alto-ténor, 

2  —  en  si  bémol  baryton, 
2  —  en  si  bémol  basse, 

1  —  en  mi  bémol  contrebasse. 

1  —  en  si  bémol  contrebasse. 

La  forme  des  tuba  de  M.  Sax  est  empruntée  à  des  figures  qui  se 
voient  sur  la  colonne  Trajane,  à  Rome.  Chez  les  Romains,  cet  instru- 
ment était  quelquefois  appelé  tubfc,  quelquefois  burcina  et  même  œre 
recurvo,  parce  qu'il  était  courbé  de  telle  sorte  que  la  partie  large,  après 
avoir  passé  sous  le  bras  du  musicien ,  repassait  par  dessus  son  épaule 
et  présentait  le  pavillon  en  avant,  L'avantage  de  cette  forme,  pour  la 
puissance  du  son  en  plein  air,  est  d'éviter  les  coudes  qu  nuisent  à  la 
libre  propagation  des  ondes  sonores.  Rien  ne  peut  donner  l'idée  du  vo- 
lume de  son  que  produisent  ces  nouveaux  appareils  acoustiques  de 
l'intelligent  facteur  à  qui  l'on  doit  déjà  tant  d'autres  belles  inventions. 
Les  contrebasses  en  mi  bémol  et  en  m  bémol  ont  une  puissance  inouïe. 
Ce  dernier  instrument,  très-facile  à  jouer,  a  Z|8  pieds  de  développe- 
ment dans  son  tube,  avec  un  diamètre  conique  bien  proportionné. 
C'est  le  géant,  le  mammouth  de  l'espèce. 

Ainsi  que  je  viens  de  le  dire,  les  Sax-tuba,  dont  le  son  est  à  la  fois 
strident  et  prodigieusement  volumineux,  sont  destinés  à  la  musique  en 
plein  air,  dans  de  grandes  solennités,  mais  on  n'en  avait  pas  assez 
calculé  l'effet  dans  une  salle  fermée.  A  la  première  représentation  du 
Juif  errant ,  l'impression  en  fut  formidable  et  hors  de  proportion  avec 
la  sonorité  de  l'orchestre  de  l'Opéra.  Ce  fut  une  rumeur  dans  toute  la 
salle;  mais  aux  représentations  suivantes,  les  musiciens  mirent  des 
sourdines  à  leurs  poumons,  et  l'effet,  bien  que  très-puissant  encore, 
s'harmonisa  parfaitement  avec  le  reste  de  l'instrumentation. 

Puisque  je  suis  à  parler  des  inventions  de  M.  Sax,  je  veux  vous  dire 
aussi  quelques  mots  du  morceau  du  Juif  errant  dans  lequel  Halévy  a 
placé  un  quatuor  de  saxophones,  dont  la  sonorité  sympathique  produit. 
un  excellent  effet.  La  combinaison  est  composée  d'un  saxophone  so- 
prano en  si  bémol  joué  par  M.  Ausoux  ;  de  deux  saxophones  alto,  dont 
un  est  joué  par  M.  Printz,  et  l'autre  par  M.  Lecerf,  et  d'un  saxophone 
basse  en  ut,  dont  M.  Sax  s'est  chargé  provisoirement.  Ce  premier 
essai  dans  la  musique  d'ensemble  d'un  instrument  nouveau,  qui  n'a 
pas  d'analogue,  a  fait  voir  que  des  effets  jusqu'ici  inconnus  peuvent  en 
être  tirés  pour  la  symphonie. 

Je  reviens  au  final  du  troisième  acte  du  nouvel  opéra.  Après  la  mar- 
che, dont  le  caractère  est  large  et  brillant  h  la  fois,  commence  un  beau 
récitatif  bien  déclamé,  suivi  d'un  ensemble  chaleureux  et  dramatique. 
Les  formes  musicales  en  sont  bien  développées,  et  le  retour  du  motif 
principal,  après  un  à  parte  de  Léon  et  d'Irène,  en  complète  l'effet. 
Dans  le  dernier  mouvement  animé,  j'ai  remarqué  une  belle  phrase  du 
chœur  sur  les  paroles  : 

Aux  rivages  du  Bosphore 
Viens  régner  sur  tes  sujets  : 
Etc.. 

Ces  vers  n'existent  pas  dans  la  brochure  de  la  pièce.  La  reprise  de 
la  marche,  pour  le  tableau  final,  complète  ce  beau  morceau. 

Si  le  troisième  acte  que  je  viens  d'analyser  n'a  pas  l'importance  des 
deux  premiers  au  point  de  vue  de  la  musique,  parce  que  les  poètes 
ont  eu  pour  objet  d'y  déployer  toutes  les  pompes  de  l'Opéra  et  n'y  ont 
mis  que  peu  de  situations  dramatiques,  il  n'en  est  pas  de  même  du  qua- 
trième, où  tout  a  été  réuni  pour  émouvoir  le  spectateur  en  ce  qu'il  y  a 
de  cordes  sensibles  dans  le  cœur  humain. 

Dans  la  première  scène,  Léon  est  au  rendez-vous  qui  lui  a  été  donné 
par  Irène.  L'espoir  et  la  crainte  l'agitent  :  ces  émotions  sont  le  sujet 
d'un  air  à  deux  mouvements  dont  les  mélodies  ont  une  suavité  remar- 
quable. Le  premier  mouvement,  andantino  plein  de  charme  sur  ces 
paroles  : 


Vous  n'êtes  plus,  jours  d'innocence 
Ecoulés  sous  un  ciel  d'azur  ! 

a  reçu  du  compositeur  sa  forme  musicale  ;  car  les  poètes  avaient  ou- 
blié, eh  écrivant  ce  morceau,  les  conditions  de  la  liaison  et  du  retour 
des  idées  sans  lesquelles  la  musique  ne  peut  atteindre  son  but.  Qu'il  me 
soit  permis  de  saisir  cette  occasion  pour  faire  voir  aux  littérateurs,  par 
l'analyse  de  ce  morceau,  quelles  difficultés  ils  préparent  quelquefois 
au  musicien,  sans  le  savoir,  par  la  disposition  et  la  coupe  de  leurs 
i  vers.  J'ai  d'autant  moins  de  regret  de  ma  critique,  que  je  m'adresse  à 
deux  hommes  qui  se  font  ordinairement  remarquer  par  le  talent  à  bien 
disposer  les  paroles  pour  la  musique.  Voici  ce  qu'ils  ont  écrit  cette 
fois  pour  la  première  partie  de  l'air  de  Léon  : 

Vous  n'êtes  plus  !  jours  d'innocence 
Ecoulés  sous  un  ciel  d'azur! 
Où  nos  deux  cœurs,  sans  défiance, 
Aimaient  d'un  amour  duux  et  pur  ! 
Où  sa  douce  voix  disait  :  Frère... 
Où  je  lui  répondais  :  Ma  sœur... 
Ou  la  nature  tout  entière 
Fêtait  notre  chaste  bonheur! 
Mîiis  je  vieiïs  ici  pour  te  dire 
Mon  amour  immense,  éternel  ! 
Dans  tes  regards,  mon  cœur  va  lire, 
Irène,  l'enfer  ou  le  ciel!.. 

On  comprendra  sans  peine  ce  qu'il  y  a  d'opposé  à  la  nature  de  la 
musique  dans  cette  longue  tirade,  si  l'on  a  remarqué  que  la  phrase 
musicale  a  toujours  un  sens  fini  après  la  cadence,  et  qu'il  est  impos- 
sible de  lui  donner  un  sens  suspensif,  à  moins  d'une  cadence  rompue 
qui  ne  peut  se  prolonger  sans  ôter  à  la  mélodie  son  caractère  déter- 
miné. C'est  donc  déjà  un  embarras  pour  le  compositeur  que  le  premier 
adverbe  (oit  nos  deux  cœurs)  ;  mais  l'embarras  est  bien  plus  grand 
après  la  cadence  nécessairement  finale  d'un  amour  doux  et  pur,  lors- 
que la  nouvelle  phrase  doit  commencer  par  où,  et  conséquemment  de- 
venir la  continuation  de  l'autre;  et  enfin  les  tortures  du  compositeur 
s'accroissent  à  chacun  des  vers  suivants,  lesquels  commencent  tou- 
jours par  le  même  adverbe.  Cela  est  bon  en  poésie;  mais  en  musique 
il  n'en  est  pas  de  même.  Hegel  fait  à  ce  sujet  des  réflexions  d'une  par- 
faite justesse,  dans  ses  leçons  sur  l'esthétique.  La  poésie  de  l'opéra 
doit  avoir  pour  but  unique  de  faciliter  l'œuvre  du  musicien. 

Le  second  reproche  que  je  fais  aux  vers  qu'on  vient  de  lire  est  qu'il 
n'y  a  pas  de  retour  à  une  pensée  première,  et  qu'on  n'y  trouve  pas 
d'unité  de  sentiment.  Pour  que  cette  unité  existât,  il  fallait  revenir  aux. 
quatre  premiers  vers  :  c'est  ce  qu'un  musicien  tel  que  Halévy  devait 
comprendre  :  aussi  a-t-il  ramené  le  premier  motif  à  la  fin  du  cantabile. 
Ce  retour  a  produit  le  meilleur  effet  aux  deux  premières  représenta- 
tions :  malheureusement,  par  économie  de  temps,  aux  représentations 
suivantes  on  a  fait  une  coupure  en  supprimant  le  retour  de  cette  mé- 
lodie si  suave,  si  expressive.  J'engage  Halévy  à  rétablir  dans  sa  parti- 
tion gravée  ce  premier  mouvement  de  sa  cavatine,  telle  qu'il  l'a  conçu 
d'abord. 

L'allégro  moderato,  qui  forme  le  second  mouvement  de  l'air,  sur  ces 
paroles  : 

Viens  briller  pour  elle, 
Ardente  étincelle, 

est  d'une  mélodie  élégante  et  bien  accentuée.  Les  poètes  n'avaient  fait 
de  ces  petits  vers  qu'une  coda  pour  leur  introduction  ;  mais  le  compo  - 
siteur  a  pris  un  très  bon  parti  en  les  traitant  sous  la  forme  du  rondo 
et  les  ramenant  plusieurs  fois. 

L'air  que  je  viens  d'analyser  offre  une  singularité  qui  ne  peut  s'ex  ■ 
pliquer  que  par  la  nécessité  de  rendre  plus  faciles  au  chanteur  certains 
passages;  car  le  cantabile  est  en  mi  bémol,  et  Y alleijro  est  écrit  un 
demi-ton  plus  haut.  Je  pense  qu'il  serait  bon,  au  point  de  vue  de  l'u- 
nité, de  mettre  les  deux  mouvements  dans  le  même  ton. 

Le  beau  duo  de  la  deuxième  scène  de  cet  acte  est,  comme  je  l'ai  dit 
dans  mon  premier  article,  le  morceau  capital  de  l'ouvrage.  Il  a  cet 
avantage,  qu'il  est  à  la  fois  éminemment  dramatique  et  rempli  des 
plus  suaves  mélodies  ;  enfin,  il  est  du  petit  nombre  de  ces  morceaux 


DE  PARIS. 


155 


qui  produisent  de  profondes  émotions  dans  les  concerts  comme  à  la 
scène,  dans  un  simple  salon  comme  dans  un  vaste  local.  L'andante  : 
Ociel!  est-ce  vn  rêve!  La  seconde  phrase  à  deux  voix,  sur  les  mômes 
paroles,  est  également  remarquable.  J'ai  dit  par  quelle  heureuse  con- 
ception llalévy  a  si  bien  exprimé  tout  ce  qu'il  y  a  de  naïf  et  de  pas- 
sionné clans  le  dialogue  où  l'amour  d'Irène  se  dévoile  d'une  manière  si 
naturelle  et  si  vraie.  Celle  délicieuse  partie  du  morceau  est  suivie  de 
la  reprise  du  premier  motif  à  deux  en  imitation  à  l'octave,  sur  les  pa- 
roles :  Ce  n'est  qu'un  rêne  qui  vient  m'éblouir,  et  ce  retour  au  thème 
principal  complète  d'une  manière  excellente  ce  cantàbile,  qui  ne  laisse 
rien  désirer  pour  sa  perfection. 

La  transition  de  ce  premier  mouvement  à  un  autre  plus  vif  et  plus 
animé  est  marquée  naturellement  par  cette  réflexion  de  Léon  : 

Tu  m'aimes!...  Et  pourtant,  domain, 

A  Nicéphore,  hélas  !  tu  vas  donner  ta  main! 

Quelques  mesures  énergiques  forment  cette  transition  et  conduisent  au 
thème  de  l'allégro  modéré,  non  moins  heureux  que  les  mélodies  pré- 
cédentes. Ici  les  poètes,  bien  inspirés  depuis  le  commencement  de  la 
scène,  ont  très-bien  ramené  ce  motif,  que  le  compositeur  a  fait  suivre 
d'une  cabalette  animée.  Ainsi  se  complète  ce  morceau,  l'une  des  plus 
remarquables  productions  du  talent  d'Halévy. 

Le  deuxième  tableau  du  quatrième  acte  présente  des  situations  dra- 
matiques d'un  caractère  tout  différent  de  celles  du  premier  tableau. 
La  musique  y  trouve  de  précieuses  occasions  d'oppositions.  Tout  est 
disposé  pour  seconder  ses  effets  :  un  site  pittoresque,  des  ruines  impo- 
santes, la  rive  du  Bosphore  et  les  ombres  de  la  nuit;  enfin,  au  milieu  de 
ce  sombre  tableau,  la  figure  mystérieuse  de  cet  homme  frappé  de  ma- 
lédiction, de  ce  juif  condamné  à  marcher  toujours  et  à  ne  pas  mourir. 
Une  belle  ritournelle  pour  trombone  solo,  fort  bien  exécutée  par 
M.  Dieppo,  précède  un  récitatif  d'un  grand  caractère  que  suit  un  air 
malheureusement  sacrifié  aux  exigences  de  la  rapidité  d'action,  et  dont 
il  n'est  resté  qu'une  partie  du  cantàbile;  mais  on  ne  peut  s'empêcher 
de  regretter  ce  sacrifice  en  écoutant  la  belle  et  noble  phrase  de  ces 
vers  : 

Mon  crime  fut  bien  grand!...  II  n'est  point  expié. 
Mais  aux  trésors  des  cieux  n'est-il  plus  de  pitié  1 

Réduit  aux  proportions  qu'il  a  maintenant,  l'air  n'a  plus  de  forme  ; 
j'exhorte  donc  Halévy  à  lui  rendre  dans  sa  partition  gravée  les  propor- 
tions qu'il  lui  avait  données  d'abord.  Il  est  bon  de  sacrifier  au  succès 
le  jour  d'une  première  représentation,  mais  l'art  ne  doit  pas  perdre  ses 
droits  dans  la  postérité. 

Au  lieu  d'un  chœur  de  bandits  qu'avaient  indiqué  les  poètes,  le  com- 
positeur a  fait  un  morceau  à  cinq  voix.  Je  crois  qu'il  a  bien  fait,  car  la 
scène  en  est  plus  mystérieuse,  et  la  musique  a  un  coloris  plus  sombre 
que  n'aurait  pu  avoir  un  chœur.  Ce  quintette  : 

La  nuit  est  sombre 
Et  voici  l'ombre 
Qui  nous  sourit. 

est  d'un  excellent  effet  rhythmique,  et  contraste  bien  avec  ce  qui  pré- 
cède. Le  spectateur  y  est  sous  l'influence  d'une  certaine  terreur  qui 
prépare  bien  à  l'effet  de  la  scène  suivante.  On  sait  que  ces  bandits  ont 
reçu  de  Nicéphore  la  mission  d'assassiner  Léon.  Le  lieu  où  ils  sont 
maintenant  doit  être  celui  du  crime  ;  ils  attendent  leur  victime  ;  elle 
parait,  et  ici  commence  une  des  plus  belles  scènes  de  l'ouvrage  et  l'un 
des  principaux  morceaux  de  la  partition.  Ce  final,  largement  dessiné, 
commence  par  un  chant  déclamé  qui  se  fait  remarquer  par  une  très- 
belle  phrase  sur  ces  mots  : 

Non,  non,  je  ne  veux  pas  de  ton  secours  funeste  ! 
L'énergie,  l'animation,  caractérisent  cette  scène  musicale,  que  les 
poëtes  ont  admirablement  préparée  pour  le  compositeur.  Celui-ci  n'est 
pas  resté  au-dessous  de  sa  tâche,  car  tous  les  détails  du  final  sont  re- 
marquables. Les  angoisses  de  Léon,  se  débattant  entre  les  mains  de  ses 
assassins,  le  désespoir  de  sa  sœur,  celui  d'Ashvérus  que  l'ange  vengeur 
poursuit  de  son  épée  de  feu  en  l'empêchant  de  porter  secours  à  son 
descendant,  le  chœur  des  anges,  les  trompettes  célestes,  tout  cela  est 


rendu  par  une  musique  remplie  d'émotions.  L'intérêt  principal  est  dans 
l'orchestre,  parce  que  l'agitation  de  la  scène  a  obligé  le  compositeur  à 
faire  chanter  les  personnages  par  note  et  parole,  mais  il  résulte  de  cet 
ensemble  un  effet  irrésistible. 

Le  cinquième  acte  n'a  qu'un  objet  :  faire  voir  aux  spectateurs  la  re- 
présentation du  songe  d'Ashvérus ,  c'est-à-dire  la  résurrection  des 
morts  et  le  jugement  dernier.  Le  premier  tableau  n'est  qu'un  achemi- 
nement à  celui-là.  Léon  a  été  sauvé  des  eaux  par  Ashvérus  ;  il  lui  ex- 
prime sa  reconnaissance  dans  une  romance  touchante  dont  le  deuxième 
couplet  est  chanté  à  trois  voix  par  Irène,  Théodore  et  Léon.  Puis  le 
Juif  errant  annonce  à  ses  descendants  qu'un  sort  brillant  les  attend  à 
Constantinople.que  Nicéphore  est  tombé  et  qu'Irène  doit  monter  sur  le 
trône.  Resté  seul,  Ashvérus  implore  Dieu  dans  un  très-beau  récitatif 
pour  la  fin  de  sa  vie  misérable.  Ses  vœux  semblent  être  exaucés  ,  car 
il  tombe  sur  la  terre;  mais  c'est  le  sommeil  qui  le  saisit  et  non  la 
mort.  Alors  commence  la  représentation  du  songe  auquel  il  est  livré, 
par  un  chœur  de  morts  sortant  du  tombeau  à  l'appel  de  la  trompette 
du  jugement  dernier.  Ce  chœur,  dont  les  premières  paroles  sont  : 

Qui  vient  donc,  sous  leur  froide  tombe, 
Agiter  les  morts  i'ici-bas  ?... 

est  un  des  plus  beaux  morceaux  de  la  partition  ;  mais  la  préoccupation 
que  donne  le  spectacle  au  public  ne  lui  permet  pas  d'accorder  à  la  mu- 
sique l'attention  nécessaire  pour  en  apprécier  les  beautés.  Par  le 
rhythme,  par  l'harmonie  remplie  de  cadences  inattendues,  enfin  par  la 
disposition  des  voix,  ce  chœur  a  un  caractère  original  parfaitement  en 
harmonie  avec  la  situation.  Il  est  suivi  de  l'appel  de  l'ange  extermina- 
teur, dont  le  chant  a  un  caractère  saisissant  et  majestueux.  Ce  chant, 
alternant  avec  le  chœur  des  morts  ressuscites,  frappés  de  terreur,  sera 
remarqué  plus  tard  lorsque  les  nouveautés  du  spectacle  auront  perdu 
de  leur  attrait.  Il  y  a  aussi  un  chœur  de  démons  d'une  grande  énergie  ; 
mais  la  même  cause  empêche  de  l'entendre. 

Lorsque  toutes  les  merveilles  du  décorateur  et  du  machiniste  ont 
disparu,  tout  n'est  pas  fini  :  les  nuages  se  dispersent,  et  l'on  retrouve 
le  pauvre  juif  couché  sur  la  terre.  Il  s'agite ,  s'éveille  et  s'écrie  en 
voyant  l'ange  devant  lui  : 

Ah  !  mon  sort  n'est  pas  achevé  !... 

Un  récitatif  de  quatre  vers  exprime  sa  douleur  ;  les  trompettes  son- 
nent ,  et  le  chœur  des  anges  le  poursuit  de  son  terrible  :  Marche 
toujours  !  Il  fuit  devant  l'ange  qui  le  poursuit.  Ainsi  finit  cet  ouvrage, 
qui,  nonobstant  les  grandes  beautés  répandues  dans  Guido  et  Ginevra, 
dans  la  Reine  de  Chijpre  et  dans  Charles  Vf,  est  la  partition  la  plus 
remarquable  et  la  plus  complète  qui  ait  été  écrite  par  Halévy  depuis 

la  Juive. 

FETIS  père. 

DEUX  ÉCHOS. 

Quand  on  parle  d'honneur,  il  y  a  de  l'écho  en  France,  a  dit  éloquem- 
ment  notre  général  Foy  à  la  tribune  législative.  Ce  n'est  point  de  cet 
écho,  qui  est  toujours  à  la  réplique,  comme  chacun  pense,  dont  il  est 
ici  question.  Ce  n'est  pas  non  plus  de  celui  qui  répondait,  au  dire  d'un 
plaisant,  à  l'interpellation  :  Comment  vous  portez-vous?  —  par  :  Fort 
bien,  et  vous?  Celui  dont  nous  avons  d'abord  à  vous  entretenir,  c'est 
l'écho  qui  répercute  les  sons  mélodiques  et  harmoniques  des  derniers 
concerts  de  la  saison  ;  c'est  le  charmant  écho  des  violonistes  Alard , 
Bazzini,  De  Bériot,  Ernst,  Haumann,  Léonard,  Yieuxtemps.ou,  mieux 
encore,  de  Milanollo,  Mlle  Désirée  Fréry,  enfin. 

Mlle  Fréry  est  une  jeune  personne  âgée  de  seize  ans,  qui  joue  du 
violon  d'un  manière  remarquable,  au  double  point  de  vue  du  méca- 
nisme et  du  sentiment  musical. 

Tout  virtuose,  de  quelque  sexe  qu'il  soit,  qui  entre  dans  la  voie  de 
la  célébrité,  devient,  corps  et  âme,  et  par  cela  même  qu'il  monte  sur 
l'estrade  de  la  publicité,  tributaire  de  l'analyse  et  de  la  critique.  Cette 
dernière  a  peu  de  chose  à  dire  à  l'égard  de  Mlle  Frery,  et  doit  peu 
l'inquiéter.  Sous  le  point  de  vue  du  physique,  de  la  tenue  et  delà 


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REVUE  Lï  GAZETTE  MUSICALE 


grâce,  difficile  à  conserver  pour  les  personnes  du  sexe  qui  se  décident 
à  jouer  du  violon,  Mlle  Frery  plaît  tout  d'abord.  C'est  une  jolie  et  pi- 
quante brune,  à  l'œil  spirituel  et  joyeux.  Malgré  ses  cheveux  noirs 
bouclés  à  la  Ninon  de  Lenclos  et  son  allure  enfantine,  il  y  a  du  naturel, 
de  la  distinction  de  jeune  personne  bien  élevée,  et  nulle  afféterie  en 
cette  précoce  virtuose.'  Voilà  pour  l'extérieur,  le  corps,  la  pose  artis- 
tique. L'âme  est  aussi  bien  douée  en  Mlle  Frery.  Avec  le  mécanisme 
instrumental  qui  s'acquiert  par  l'élude,  elle  a  ce  qui  ne  se  donne  pas, 
un  beau  son,  ce  qui  implique  justesse  et  sensibilité. 

Mlle  Désirée  Frery  est  élève  de  MM.  Haumann  et  De  Bériot  ;  elle  a 
obtenu  au  Conservatoire  de  Bruxelles  :  premier  prix,  prix  d'honneur, 
médaille  d'or,  etc.  Dans  une  intéressante  séance  musicale  qui  n'avait 
rien  d'un  concert|  d'apparat ,  elle  s'est  fait  entendre  chez  le  facteur 
Souffleto.  Lajjeune  violoniste  a  dit  d'une  grâce  charmante  un  air  varié 
de  son  maître  De  Bériot,  et  le  septième  concerto  du  même.  Son  archet 
aisé,  son  trille  brillant,  son  staccato,  sa  justesse  imperturbable,  même 
dans  la  double  corde,  son  style  élégant  et  pur  et  sympathique  en  font, 
■  sinon  la  rivale,  du  moins  la  sœur  de  Teresa  Milanollo  ;  on  dirait 
qu'on  voit  revivre  en  elle  la  jeune  Maria  Milanollo,  enlevée  à  l'art  si 
prématurément. 

Plusieurs  de  nos  bons  artistes  se  sont  fait  un  véritable  plaisir  de  se 
grouper  autour  de  la  jeune  virtuose  pour  l'écouter  avec  un  vrai  plaisir, 
d'abord,  et  pour  la  seconder  dans  son  début  qui  a  été  des  plus  brillants. 
Mme  Henri  Potier  a  fort  bien  chanté  l'air  classique  de  tant  de  concerts, 
depuis  un  demi-siècle  :  Oui,  c'est  demain  que  l'hyménée,  de  Montana 
el  Stéphanie.  Mme  Steiner-Beaucé,  sœur  de  Mme  Ugalde,  a  dit  le  Lac, 
de  Niedermeyer,  et  des  mélodies  de  Schubert  en  cantatrice  expressive 
et  dramatique.  François  Wartel  s'est  fait  le  digne  interprète  du  Dieu 
glorifié  par  ses  œuvres,  de  Beethoven  ;  et  puis  d'une  charmante  Ber- 
ceuse, de  M.  Léon  Kreutzer,  sans  préjudice  de  plusieurs  autres  mé. 
lodies  de  Schubert,  dont  il  semble  s'être  mis  en  possession,  et  par 
droit  de  conquête  et  far  droit  de  naissance. 

Le  deuxième  écho  musical  que  nous  ayons  à  signaler  à  nos  lecteurs 
est  l'éclectique  Haberbier,  écho  de  Gerké,  pianiste  russe,  dont  il  est 
l'élève  ;  écho  de  Charles  Mayer,  et  de  Léopold  de  Meyer,  tout  aussi  ha- 
bile prestidigitateur  que  lui,  s'il  ne  l'est  plus,  en  fait  de  tours  de  force 
et  d'adresse  digitigrade  sur  le  clavier.  Une  lithographie,  due  au  crayon 
spirituel  du  chanteur  Patania,  et  qui  vient  de  paraître,  représente  le 
pianiste  Léopold  de  Meyer  s'escrimant  des  mains  et  même  des  pieds 
sur  le  clavier  d'un  piano,  de  cet  instrument  si  fort  à  la  mode,  au  front 
duquel  on  lit  :  Piano  d'Erard  à  toute  épreuve.  Voilà  donc  Léopold  de 
Meyer  enchérissant  sur  le  prétendu  doigter  nouveau,  et  le  novateur 
Haberbier  dépassé,  ce  qui  pourrait  se  traduire  par  un  vers  de  Boileau, 
parodié  ainsi  :  Bosco  trouve  toujours  un  plus  Bosco  que  lui.  Au  reste,  qui 
de  nous  n'a  pas  vu  nos  célèbres  pianistes  se  servir  de  doigters  excep- 
tionnels, sans  afficher  pour  cela  la  prétention  de  renverser  le  doigter 
rationnel  et  classique?  Dans  le  mouvement  en  mesure  à  six-huit  du 
Concerl-Stuck,  de  Weber,  Thalberg  et  MmePleyel,  dansle  temps, nous 
ont  fait  entendre  la  gamme  diatonique  glissée  à  un  doigt,  et  couronnée 
par  un  trille  refrappé  d'une  manière  brillante  par  les  deux  doigts  pa- 
reils des  deux  mains.  Au  moyen  du  même  procédé  en  glissade,  montez 
la  gamme  en  ut  majeur,  avec  un  doigt  de  la  main  droite,  considérant 
cette  gamme  ascensionnelle  d'ut  comme  accord  de  septième  dominante 
de  fa  majeur,  et  touchant  d'un  doigt  de  la  main  gauche  tous  les  si  bé- 
mols comme  septièmes  de  l'accord  de  fa,  et  le  tour  est  fait.  Même 
procédé  pour  descendre  une  gamme  en  sol  avec  l'ongle  du  pouce  ou  les 
deux  premiers  doigts  de  la  main  droite  sur  les  touches  blanches,  pen- 
dant que  la  main  gauche  frappe  tout  ce  qui  se  trouve  de  si  bémol,  la 
bémol  et  sol  bémol  sur  sa  route,  dans  cette  descente  diatonique.  Ce 
prétendu  mécanisme  nouveau  e.  t  donc,  ainsi  que  nous  l'avons  déjà 
dit,  dans  les  doigts  de  tous  les  pianistes  et  dans  beaucoup  de  leurs  ou- 
vrages. Cela  n'empêche  pas  M.  Haberbier  d'être  un  virtuose  forthabile, 
un  artiste  de  talent  qui  joue  non-seulement  du  piano  comme  tous  les 
pianistes,  ainsi  qu'il  nous  l'a  dit  lui-même,  mais  un  compositeur-arran- 


geur plein  de  goût,  qui  en  montrerait  plus  encore  en  s'opposant  à  ce 
qu'on  le  proclamât  le  réformateur  et  le  transformateur  de  l'art  de  jouer 
du  piano. 

Au  concert  qu'il  a  donné  vendredi  dernier  dans  la  salle  Herz, 
M.  Haberbier  s'est  montré  comme  précédemment  plus  préludeur  que 
compositeur.  Sous  le  titre  à' Impression*  d'un  voyage  en  Norvège,  il  a 
fait  entendre  une  macédoine  de  pensée  incohérentes,  exprimant  soi- 
disant  l'attente,  un  ranz  de  vaches  norvégien  mêlés  à  des  plaintes  et  des 
danses  champêtres,  formant  un  tout  vague  et  sans  méthode,  qui  ne 
laisse  pas  que  d'avoir  du  charme  quand  on  entend  cela  pour  la  pre- 
mière fois,  car  c'est  légèrement  et  délicatement  touché  ;  mais,  encore 
une  fois,  c'est  un  écho  de  la  manière  préludante  de  l'habile  et  brillant 
Léopold  de  Meyer. 

Après  avoir  dit  le  nocturne  de  Chopin,  le  bénéficiaire  nous  a  fait 
entendre  une  Marche  triomphale  de  sa  composition  ,  d'une  mélo- 
die assez  ordinaire,  d'une  harmonie  un  peu  commune,  et  qu'il  a  eu 
le  bon  goût  de  ne  pas  redire,  bien  qu'on  ait  tenté  de  la  lui  faire 
répéter.  Au  lieu  d'une  seconde  audition  de  cette  Marche  triom- 
phale à  reculons,  M.  Haberbier  nous  a  dom.é  un  fragment  de  la 
Fantaisie  sur  la  Somnambule  par  Thalberg.  Cet  andante,  qu'il  avait 
déjà  joué  dans  un  précédent  concert,  et  auquel  il  aurait  dû  joindre  la 
péroraison  de  l'œuvre,  lui  aurait  certainement  valu  de  nombreux  ap- 
plaudissements par  le  brio  de  son  exécution  que  personne  ne  songe  à 
lui  contester;  au  lieu  de  cela,  virtuose  d'haleine  courte,  il  a  chanté 
seulement  cet  andante  avec  beaucoup  d'expression,  de  délicatesse  et 
d'élégance,  mais  en  refrappant,  on  se  demande  pourquoi,  toutes  les 
premières  notes  de  chaque  phrase  mélodique. 

Sous  les  titres  prétentieux  de  Rêve  doré,  à' Inspiration,  M.  Haberbier 
nous  a  redit,  car  il  redit  beaucoup  sous  prétexte  de  cette  formule  de 
programme  redemandé,  une  étude  en  musique  imitative  intitulée  la 
Fontaine  imitation  de  la  Source,  de  Blumenthal.  et  puis,  enfin,  ses 
Souvenirs  du  Danemarck,  ou,  avec  variante,  ses  Chants  danois  (tou- 
jours redemandés),  et,  toujours  sous  forme  de  préludes  vagues,  in- 
déterminés, de  charmant  bavardage  mélodique  avec  sens  et  cadences 
finales  incessamment  suspendus  qui  font  penser,  malgré  qu'on  en  ait, 
aux  charmants  préludes  d'une  mélodie  si  claire,  si  arrêtée,  qui  précè- 
dent les  belles  fugues  de  Sébastien  Bach. 

M.  Masset  a  délicieusement  chanté  dans  ce  concert  une  Romanza  d'I 
due  Foscari,  un  duo  de  Tancredi  avec  Mlle  Montigny,  et  un  fragment 
del'air  du  Gulistan  de  d'Aleyrac.  M.  Jacquard  s'est  fait  applaudir  à  trois 
reprises  dans  un  solo  de  violoncelle,  qu'il  a  dit  d'un  style  expressif  et 
tout  empreint  d'un  profond  sentiment  musical. 

Henri  BLANCHARD. 

1EVUE  CBITIQUE. 

TSaɮM5ES  C'WMPIiK'ffES  Kl!  CHAKT, 
Par  STÉPHEN  DE  LA  MADELAINE. 
Il  y  a  de  par  le  monde  une  certaine  quantité  de  petites  histoires 
qui  se  transmettent  d'âge  en  âge,  que  chacun  répète  et  que  personne 
ne  croit.  Telle  est,  par  exemple,  celle  de  Porpora,  le  grand  composi- 
teur, le  grand  maître  de  chant,  et  de  Gaffarelli,  son  élève.  Suivant  la 
tradition  reçue  et  consacrée,  Porpora  l'aurait  tenu  pendant  cinq  ans  sur 
une  même  page,  toute  remplie  d'exercices  divers.  Au  bout  de  ce  temps, 
l'élève,  dont  il  faudrait  au  moins  admirer  la  patience,  avait  ses  raisons 
pour  ne  se  regarder  encore  comme  bien  avancé,  quand  le  maître  lui 
dit  :  «  Va,  mon  fils,  lu  n'as  plus  rien  à  apprendre  :  tu  es  le  meilleur 
»  chanteur  de  V Italie  et  du  monde.  »  Tout  cela  par  la  vertu  d'un  seul 
feuillet  hérissé  de  gammes,  trilles,  grupetti,  martellements  et  autres 
combinaisons  de  gymnastique  vocale  !  Non,  cela  n'est  pas  possible  :  on 
ne  devient  pas  excellent  chanteur  à  sî'  bon  marché  ;  je  ne  parle  pas 
du  temps,  dont,  au  contraire,  la  dépense  eût  excédé  toute  mesure.  Pre- 
nons cette  histoire  tout  uniment  pour  ce  qu'elle  est,  pour  un  symbole 
de  l'utilité  du  travail  mécanique  clans  l'art  qui  semble  en  exiger  le 


DE  l'AHIS. 


157 


moins.  L'homme  ne  chante  pas,  comme  l'oiseau,  sans  avoir  rien  appris, 
mais  la  perfection  du  chant  pour  lui  n'est  pas  celle  dont,  à  la  rigueur, 
pourrait  Être  doué  un  automate. 

L'auteur  des  Théories  complètes dv,  chant  (pourquoi  Oiéoriesaa  plu- 
riel, s'il  n'y  en  a  réellement  qu'une  bonne?),  M.  Stéphen  de  la  Made- 
laine,  est  entièrement  de  cet  avis.  11  pense,  à  la  vérité,  comme  Porpora, 
qu'on  doit  commencer  l'étude  du  chant  par  les  difficultés;  mais  il  est 
convaincu  que  six  ou  huit  mois  de  travail  bien  dirigé  suffisent  pour 
obtenir  un  excellent  mécanisme.  Et  puis,  quand  on  le  possède,  ce  mé- 
canisme, est-on  un  chanteur  accompli  ?  Non  pas,  répond  M.  de  la  Ma- 
dclainc  {on  ne  sait  pas  encore  le  premier  mol.  de  l'art  du  chant. 

Je  serai  moins  sévère,  et  je  dirai  qu'on  sait  les  mois,  mais  qu'il  reste 
à  étudier  l'art  de  construire  les  phrases,  de  les  assembler,  de  les  pro- 
noncer avec  expression,  avec  pureté,  avec  élégance.  Malgré  la  petite 
histoire  ci-dessus  [rappelée,  Gaffarelli  devait  avoir  appris  tout  cela,  ou 
bien,  quelque  habile  qu'il  fût,  il  ne  savait  pas  grand' chose. 

Porpora,  dit-on,  se  contentait  d'une  page.  M.  de  la  Madelaine  se  pré- 
sente avec  un  livre  tout  entier,  qu'il  met  entre  les  mains,  dirai-je  des 
professeurs  ou  des  élèves  ?  J'avoue  que  son  ouvrage  me  semble  surtout 
destiné  à  compléter  l'éducation  des  premiers  ,  à  leur  découvrir  des 
arcanes  que  la  plupart  d'entre  eux  ne  soupçonnent  guère,  à  leur  en- 
seigner la  philosophie  d'un  art  dans  lequel  trop  souvent  ils  ne  voient 
qu'un  métier.  Quels  sont  les  titres  de  M.  Stephen  de  la  Madelaine  à 
cette  haute  mission  ?  11  a  pris  le  soin  de  les  énumérer  lui-même  dans 
l'introduction  de  son  livre.  Élevé  littérairement,  il  passa  des  études 
classiques  aux  études  musicales;  il  suivit  pendant  deux  ans  les  cours 
du  Conservatoire,  etfut  admis  en  qualité  de  récitant  (basse-taille  solo) 
à  la  chapelle  ,  ainsi  qu'à  la  musique  particulière  du  roi  Charles  X.  Il 
avait  pris  des  leçons  d'un  élève  de  Crescentini,  de  Plantade,  de  Carat, 
de  Lays  ;  il  reçut  des  conseils  de  Paer,  etLesueur  l'initia  aux  mystères 
de  l'érudition.  De  plus ,  il  étudia  l'anatomie  dans  ses  rapports  avec 
l'appareil  vocal.  En  est-ce  assez  pour  inspirer  confiance  et  pour  pro- 
fesser avec  autorité? 

Les  théories  du  chant  se  divisent  en  six  parties  principales  :  1°  Des- 
cription de  l'appareil  vocal;  2°  fonctionnement  des  organes;  3° méca- 
nisme vocal  ;  /|°  mécanisme  de  la  prononciation  ;  5°  expression,  accen- 
tuation et  style  ;  6°  hygiène  des  chanteurs.  Toutes  ces  parties  se 
subdivisent  en  chapitres  ,  subdivisés  eux-mêmes  en  paragraphes  ,  ce 
qui  rend  la  lecture  du  livre  facile  et  profitable.  Comme  preuve,  je  ci- 
terai la  première  partie  ,  la  plus  obscure  de  toutes,  lorsqu'on  n'a  pas 
des  pièces  d'anatomie  sous  les  yeux.  M.  de  la  Madelaine  s'est  fait  ana- 
lomiste  pour  l'instruction  de  ses  lecteurs  ;  il  a  écrit ,  le  scalpel  à  la 
main,  et  il  faut  voir  avec  quelle  aisance  il  se  promène  dans  les  laby- 
rinthes de  ce  tube,  de  ces  parois,  de  ces  cartilages  ;  comme  il  se  re- 
trouve au  milieu  de  la  glotte,  de  l'épiglotte,  de  la  trachée-artère  et  des 
bronches;  comme  il  va  du  larynx  au  pharynx,  de  la  bouche  qui  émet 
le  son,  aux  poumons  où  il  se  prépare.  D'illustres  praticiens  l'ont  com- 
plimenté sur  son  travail,  qu'il  a  su  mettre  à  la  portée  (ies  ignorants. 

Les  cinq  autres  parties  de  l'ouvrage  sont  traitées  avec  le  même  soin. 
Ce  que  l'auteur  dit  à  propos  des  registres,  du  timbre  et  de  la  classifi- 
cation des  voix,  delà  pose  du  son,  du  style,  est  dicté  par  l'étude, 
l'expérience  et  le  goût.  Son  chapitre  de  la  voix  sonibrèe  contient  les 
plus  sages  préceptes,  et  je  le  recommande  aux  jeunes  chanteurs.  Je  lui 
ferai  seulement  un  reproche,  qu'il  sera  libre  de  prendre  pour  un  éloge,  et, 
en  effet ,  je  suis  sûr  que  bien  des  gens  l'interpréieront  ainsi.  C'est  qu'il 
ne  s'exprime  pas  toujours  d'un  ton  assez  grave,  et  que  la  plaisanterie, 
la  critique,  le  sarcasme,  prennent  une  place  un  peu  trop  large  dans  son 
enseignement.  Les  Théories  complètes  dît  chant  ne  sont  pas  moins  rail- 
leuses que  dogmatiques.  L'auteur  en  veut  beaucoup  à  ces  pauvres  pro- 
fesseurs de  piano,  de  guitare,  ou  de  toute  autre  chose,  qui  se  posent 
en  maîtres  de  chant,  et  qui  en  montrent  Fart  à  peu  près  comme  ce 
montreur  du  cheveu  imperceptible,  sans  l'avoir  jamais  vu.  11  en  résulte 
certainement  que  le  livre  est  moins  froid,  moins  lourd  que  les  traités 


ordinaires  ;  mais  n'y  perd-il  pas  quelque  chose  de  ce  qui  caractérise 
un  traité  ?  Une  théorie  s'expose  et  s'applique,  mais,  en  général ,  elle 
ne  se  moque  pas. 

11  est  un  point  sur  lequel  je  diffère  tout  à  fait  d'opinion  avec  l'au- 
teur. Suivant  lui ,  l'art  du  chant  dégénère  en  France  :  la  vocale  se  perd. 
C'est  tout  le  contraire,  suivant  moi.  Nous  n'avons  pas  reçu  vainement 
les  leçons  de  l'Italie  ;  nos  théâtres  lyriques  n'ont  pas  eu  vainement  à 
soutenir  pendant  longues  années  la  salutaire  concurrence  du  Théâtre- 
Italien,  alors  qu'il  était  desservi  par  les  premiers  artistes  du  monde. 
On  cite  loujours  le  passé  :  je  l'ai  connu,  ce  passé,  et  je  me  le  rappelle. 
Combien  y  avait-il  de  chanteurs  dignes  de  ce  nom  à  l'Opéra  et  à 
l'Opéra-Comique?  Lays  et  Martin,  pas  davantage  ;  Levasseur  et  Pon- 
chard  n'arrivèrent  qu'au  déclin  des  deux  autres.  Et  les  cantatrices  ? 
Pendant  tout  l'Empire  et  les  deux  tiers  de  la  Restauration ,  il  n'y  eut  à 
l'Opéra  que  Mme  Branchu  et  Mme  Albert  Hymm.  A  l'Opéra-Comique, 
il  y  en  eut  trois  :  Mme  Lemonnier,  Mme  Duret,  Mme  Boulanger.  Mais,  à 
côté  de  ces  artistes,  qui  ont  laissé  des  souvenirs,  il  n'y  avait  rien.  Si  l'on 
nous  rendait  tout  d'un  coup  l'Opéra  et  l'Opéra-Comique  de  1810  et  de 
1816  (il  n'est  question  ici  que  de  chant),  tout  le  monde  se  boucherait 
les  oreilles. 

Je  trouve  aussi  qu'on  a  plus  que  suffisamment  pleuré  la  suppression 
des  maîtrises,  auxquelles  M.  de  la  Madelaine  accorde  sa  larme  de  ri- 
gueur. Les  maîtrises  formaient  des  musiciens,  d'accord  ;  des  chantres, 
je  le  veux  bien  ;  mais  des  chantres  h  des  chanteurs,  il  y  a  loin,  et  je 
vous  le  démontre  en  vous  rappelant  l'état  de  nos  théâtres  d'autrefois; 
je  vous  renvoie  à  Vurlofrancese,  qui  de  nos  jours  a  changé  de  patrie, 
le  n'ai  pas  oublié  que  sous  l'Empire  il  n'y  avait  de  presque  vrais  con- 
naisseurs que  ceux  qui  avaient  voyagé  en  Italie.  II  est  vrai  que  la  vic- 
toire et  la  politique  y  envoyaient  beaucoup  de  Français.  Mais  enfin,  sous 
l'Empire,  on  chantait  encore  à  table,  sans  accompagnement,  sans  me- 
sure, et  trop  souvent  sans  justesse.  Donc,  le  goût  musical  était  mé- 
diocre; donc,  la  vocale  existait  moins  comme  art  que  comme  plaisir  et 
comme  habitude. 

Je  demande  à  M.  de  la  Madelaine  lui-même  si  dans  l'heureux 
temps  des  maîtrises  il  eût  osé  publier  son  livre  et  à  quel  public  il  eût 
cru  pouvoir  l'adresser.  Le  public  musical  n'existait  pas  alors,  pas 
plus  que  le  journal  de  musique.  L'art  s'est  répandu,  popularisé;  plus 
que  jamais,  on  a  reconnu  que  pour  bien  chanter  il  ne  suffisait  pas  de 
posséder  une  voix,  mais  qu'il  fallait  apprendre  à  s'en  servir.  Et  vous 
voudriez  que  précisément  à  cette  époque  l'art  du  chant  se  fût  mis  à 
dépérir?  Dans  votre  intention,  votre  livre  a  pour  but  d'arrêter  la  déca- 
dence, d'opposer  une  digue  à  la  barbarie;  eh  bien  !  moi,  je  l'accepte 
avec  reconnai  ssance  comme  très-susceptible  de  seconder  et  de  hâter  le 
perfectionnement. 

Paul   SMITH. 


NOUVELLES. 

***  Demain  lundi,  à  l'Opéra,  la  onzième  représentation  du  Juif  errant. 

%*  Pendant  toute  la  semaine  qui  vient  de  finir,  le  Juif  errant  a  encore 
seul  occupé  l'affiche.  Les  recettes  se  sont  élevées  à  un  chiffre  fabuleux  : 
celle  de  lundi  a  été  de  10,954  fr.  celle  de  mercredi,  de  11,045  fr., 
et  celle  de  vendredi,  de  4  0,600  fr.  N'est-ce  pas  véritablement  la  semaine 
miraculeuse? 

V  La  rentrée  de  Urne  Ugalde  aura  lieu  mardi  prochain  dans  Galathée. 
En  attendant,  le  répertoire  du  théâtre,  par  son  attrait  et  sa  variété,  n'a 
cessé  d'attirer  la  foule.  Le  Carillonneur  de  Bruges,  Madelun,  le  Farfadet , 
ont  concouru  avec  les  Voitures  versées,  la  Fée  aux  Ro*es,  les  Porcherom  et 
le  Sonne  d'une  nuit  d'été  à  défrayer  les  spectacles  de  la  semaine  dernière. 

*H.*  On  annonce  diverses  réformes  et  mutations  dans  le  personnel  de  ce 
théâtre.  Si  les  bruits  se  confirment,  nous  aurons  à  regretter  le  départ 
d'Audran  et  d'Hermann  Léon,  qui  seraient  suivis  de  Bellecour,  Ailles  Petit- 
Brière  et  Lemaire.  A  compter  d'hier,  15  mai,  Mocker  a  cessé  ses  fonctions 
ds  régisseur  général,  et  c'est  Duvernoy  qui  s'en  est  chargé  en  son  lieu  et 
place. 

V  Le  grand  débat  relatif  à  l'engagement  de  .Mlle  Wagner  est  terminé. 
M.  Lumley,  directeur  du  théâtre  de  Sa  Majesté,  a  gagné  sa  cause  eu  ap- 
pel, comme  il  l'avait  gagnée  en  jiremière,  instance,  et  si  Mlle  Wagner 
chante  à  Londres,  ce  ne  pourra  être  qu'au  théâtre  placé  sous  sa  direction. 

%*  Aujourd'hui,  dimanche,  il  y  aura  exercice  des  élèves  au  Conserva- 


158 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


toire  de  musique  et  de  déclamation.  Le  programme  de  la  séance  est  ainsi 
composé  :  1"  ouverture  de  l'Hôtellerie  portugaise,  de  Cherubini;  2°  le  Jeu 
de  l'amour  et  du  hasard,  de  Marivaux,  joué  par  MM.  Lesage,  Tuchmann, 
Vonoven,  Gilles  de  St-Germain.  Buthiau,  Mlles  Arrène  et  Valérie  ;  3°  l'Irato, 
de  Marsollier  et  Méhul,  joué  par  MM.  Beckers,  Iloltzem,  Bonheur,  Bussine 
jeune,  Mlles  Larcena  et  Girard. 

*„*  Une  commission  vient  d'être  nommée  par  arrêté  du  ministre  de 
l'intérieur  pour  examiner  les  moyens  de  modifier  la  législation  en  ce  qui 
touche  le  droit  prélevé  par  les  hospices  sur  les  recettes  des  théâtres.  Les 
membres  de  cette  commission  sont  :  MM.  Achille  FoUld,  sénateur  ;  Ferdi- 
nand Barrot,  conseiller  d'Etat  ;  Carlier,  id.  ;  Frémy,  id.  ;  Crosnier,  député 
au  Corps  législatif;  Bomieu,  directeur  des  Beaux-Arts;  Jéze,  chef  de  la 
division  des  hospices  au  ministère  de  l'intérieur,  et  Louis  Perrot,  inspec- 
teur général  des  prisons. 

%*  Plusieurs  journaux  ont  annoncé  qu'une  subvention  de  2,000  fr.  ve- 
nait d'être  accordée  par  le  Prince-Président  de  la  République  à  l'école 
musicale  de  Metz  ,  succursale  du  Conservatoire  de  Paris.  Cette  nouvelle 
est  exacte,  mais  incomplète.  Lorsque  le  moment  en  sera  venu,  nous  fe- 
rons connaître  dans  toute  son  étendue  le  bienfait  dont  le  Conservatoire 
de  Paris  et  les  quatre  succursales  de  Toulouse,  Marseille ,  Lille  et  Metz, 
vont  être  redevables  à  la  libéralité  du  Prince-Président,  et  nous  dirons 
comment  le  budget  de  la  grande  école  ,  beaucoup  trop  réduit  sous  les 
gouvernements  précédents,  sera  désormais  reporté  au  chiffre  que  lui 
avait  attribué  l'Empire,  c'est-à-dire  à  plus  de  200,000  fr. 

*„*  MM.  Niedermeyer,  Georges  Bousquet,  Bazin  et  Camille  Pleyel  vien- 
nent d'être  nommés  membres  de  la  Commission  musicale  de  surveillance 
près  les  écoles  communales  de  la  ville  de  Paris.  Cette  Commission  comptait 
déjà  au  nombre  de  ses  membres  MM.  Auber,  Ualévy,  Carafa,  Onslovv, 
Adelphe  Adam,  Ambroise  Thomas,  Zimmerman ,  Clapisson,  Barbe- 
reau,  etc. 

%*  Comme  nous  l'avons  annoncé  déjà,  l'assemblée  générale  de  l'As- 
sociation des  artistes-musiciens  aura  lieu  demain,  lundi  47  mai,  aux  ga- 
leries Bonne-Nouvelle,  dans  la  salle  des  concerts  de  l'Association. 

%*  Le  troisième  banquet  de  l'Union  des  lettres  et  des  arts,  présidé 
par  M.  le  baron  Taylor ,  fondateur  de  quatre  associations  d'artistes, 
a  eu  lieu  hier  samedi.  Le  temps  et  l'espace  nons  manquent  égale- 
ment pour  rendre  les  impressions  que  cette  fête  admirable  dans  son  but, 
charmante  dans  son  ensemble,  a  laissées  dans  l'esprit  et  le  cœur  de  tous 
les  convives.  Dimanche  prochain,  nous  donnerons  quelques  détails  sur  ce 
banquet,  à  la  fin  duquel  M.  Dauzats  a  porté  la  parole  pour  les  artistes 
peintres,  sculpteurs,  etc.;  M.  Tessier,  pour  les  artistes  et  inventeurs  indus- 
triels; M.  Anicet  Bourgeois,  pour  les  auteurs  et  compositeurs  dramatiques; 
M.  Edouard  Monnais  pour  les  artistes  musiciens  ;  M.  Francis-Wey,  pour 
les  gens  de  lettres  ;  M.  Samson,  pour  les  artistes  dramatiques.  M.  le  baron 
Taylor  a  répondu  à  tous  ces  discours.  M.  Lefebvre,  comme  délégué  des 
artistes  dramatiques  de  Lyon,  a  aussi  prononcé  quelques  paroles  sympa- 
thiques; et  l'assemblée  s'est  séparée  au  bruit  des  bravos  redoublés  qui 
ont  accueilli  toutes  ces  allocutions  animées  du  même  sentiment,  mais 
dont  chacune  avait  son  style  et  sa  couleur. 

%*  Le  Mois  de  Marie,  d'Adolphe  Adam,  est  chanté  à  Boulogne-sur-Mer 
deux  fois  par  semaine  dans  l'église  des  marins.  Plusieurs  morceaux  se 
chantent  également  à  Rouen  dans  l'église  de  la  Madeleine,  et  Y  Ave  regina 
cœlorum  dans  l'église  de  Dieppe. 

%*  En  raison  de  la  brièveté  de  l'office  dans  la  grande  cérémonie  reli- 
gieuse et  militaire  célébrée  lundi  dernier  au  Champ-de-Mars,  les  morceaux 
de  la  messe  de  Sainte-Cécile  cle  M.  Ad.  Adam  ont  dû  être  réduits  à  trois  : 
le  Kyrie,  YO  Salularis  et  le  Sanctus.  Ces  morceaux  ont  été  exécutés,  sous 
la  direction  de  M.  Klosé,  par  1,500  instrumentistes,  composés  des  musi- 
ciens appartenant  à  19  régiments  d'infanterie  et  à  9  régiments  de  cava- 
lerie, et  par  184  élèves  du  Gymnase  musical,  et  par  des  instrumentistes 
de  M.  Sax,  qui  figurent,  dans  le  Juif  errant.  Voici  les  numéros  des  régi- 
ments dont  les  musiques  ont  concouru  à  cette  exécution  grandiose  :  3% 
6%  13",  19e,  28%  31%  33%  37%  /(3%  44%  49%  51%  56%  58e  et  72=  d'infante- 
rie de  ligne  ;  3%  6%  15e  et  19°  d'infanterie  légère  ;  1er  et  7e  lanciers, 
1 2«  dragons  ;  1"  et  2e  carabiniers,  6e  et  7°  cuirassiers,  garde  républicaine 
etc.  A  l'élévation,  annoncée  par  un  coup  de  canon,  les  tambours  ont  battu 
aux  champs ,  les  trompettes  ont  sonné,  les  troupes  ont  présenté  les  armes. 
Après  la  cérémonie,  le  Prince-Président  de  la  République  a  fait  remettre 
à  M.  Adam  une  tabatière  ornée  cle  son  chiffre  et  d'aigles  en  brillants , 
comme  témoignage  du  plaisir  que  lui  avait  fait  éprouver  cette  belle  com- 
position. 

V  Un  artiste  distingué  ,  M.  Willent,  professeur  de  basson  au  Conser- 
vatoire et  attaché  à  l'orchestre  de  l'Opéra,  vient  d'être  enlevé  par  une 
mort  aussi  prématurée  qu'inattendue.  M.  Willent  était  gendre  de  Bordo- 
gni,  le  célèbre  chanteur  et  professeur.  Sa  mort  laisse  une  double  place  à 
remplir. 

CRON1ÇUE   DÉPARTEMENTALE. 

V  Marseille.  —  Mlle  Ileinefetter,  la  prima  donna  de  notre  grand  théâ- 
tre, vient  de  perdre  sa  mère  ;  cet  événement  douloureux  l'éloigné  du 
théâtre  au  moment  où  elle  venait  de  créer  le  rôle  de  Fidès  du  Prophète, 
de  la  manière  la  plus  remarquable.  Indépendamment  de  la  partie  vocale 
qu'elle  a  rendue  avec  une  incontestable  supériorité,  elle  avait  su  donner 
à  son  jeu  un  relief  des  plus  dramatiques.  Nous  citerons  surtout  la' scène  si 


émouvante  de  l'égli  e  au  quatrième  acte.  Notre  public,  vivement  impres- 
sionné par  la  vérité  et  la  puissante  expression  de  ce  jeu  muet,  a  couvert 
d'applaudissements  l'artiste,  et  l'a  rappelée,  avec  le  ténor  Octave,  à  la 
chute  du  rideau.  L'ovation  s'est  renouvelée  plus  brillante  encore  à  la  fin 
du  grand  air  de  la  première  partie  du  cinquième  acte;  et  constater  le 
rappel  qui  a  suivi  la  représentation,  c'est  rendre  simplement  hommage  à 
la  vérité. 

*»*  Amiens.  —  La  Société  philharmonique  a  clos  sa  saison,  en  s'as- 
sociant  Mlle  Caroline  Duprez,  M.  Alard  et  M.  Balanqué.  Grâce  au  zèle 
si  intelligent,  si  soutenu  et  si  méritoire  de  M.  Jules  Deneux ,  son  prési- 
dent ,  cette  saison  a  été  certainement  une  des  plus  brillantes  dont 
puisse  se  glorifier  la  Société.  En  effet,  si  nous  récapitulons  les  mor- 
ceaux mis  à  l'étude  et  exécutés  cette  année  par  l'orchestre  et  les  chœurs, 
nous  trouvons  :  les  ouvertures  de  liobin-des-Bois,  Obéron,  Otello,  Guil- 
laume Tell,  Charles  VI  et  Nabuco  ;  la  fantaisie  militaire  de  Fessy,  la  béné- 
diction des  poignards  des  Huguenots,  la  marche  de  sacre  du  Prophète,  la 
prière  de  Moïse  et  le  chœur  des  pèlerins  de  Jérusalem  ;  et  si  à  cette  énu- 
mération  déjà  si  riche,  nous  joignons  la  harpe  de  Godefroid,  le  cor  de 
Vivier,  le  violon  dAlard,  la  clarinette  de  Leroy,  la  flûte  de  M.  Deneux  et 
le  piano  de  M.  le  comte  des  Essarts  ;  si  nous  ajoutons  les  voix  de  Mmes  So- 
phie et  Marie  Cruvelli,  Caroline  Duprez,  Taccani-Tasca  et  Poinsot,  de 
MM.  Gueymard,  Balanqué  et  Sainte-Foy,  nous  trouvons  que  le  passé  four- 
nit de  belles  et  bonnes  garanties  pour  l'avenir. 

CHRONIQUE     ÉïEfiEC-ÈRE. 

%*  Berlin,  30  avril.  —  Les  Cantatrici  villane  de  Fioravanti  continuent 
d'être  données  avec  une  grande  vogue.  L'ouvrage  a  dépassé  la  seizième 
représentation  ,  et  le  jour  où  elle  a  eu  lieu,  la  salle  était  comble,  les 
princes  de  la  famille  royale  y  assistaient.  Mlle  Hermine  Budersdorf  a  eu 
les  honneurs  de  la  soirée.  L'air  de  Nicolo  :  Non,  non,  je  ne  veux  pas  chan- 
ter, intercalé  par  elle,  a  fait  fureur,  comme  toujours,  et  on  a  rappelé 
la  cantatrice.  —  La  Poupée  de  Nuremberg  va  être  donnée  prochainement  ; 
Mlle  Rudersdorf  chantera  le  rôle  de  Bertha. 

***  Ntufchâlel.  —  Ernst  a  donné  son  premier  concert.  Il  ne  nous  ap- 
partient pas  de  porter  un  jugement  sur  le  talent  de-  ce  violoniste  qui  n'a 
pas  de  rivaux  ou  qui,  du  moins,  n'a  pas  été  surpassé  ;  mais  nous  ne  pou- 
vons nous  refuser  le  plaisir  de  payer  un  tribut  de  reconnaissance  au 
chantre  inspiré  cle  YE.égie ,  au  puissant  enchanteur  qui  a  évoqué,  dans 
son  Carnaval  de  Venise,  tant  cle  figures  gracieuses,  folles,  ravissantes, 
souriantes  ou  terribles  !  Ces  lignes  ne  sont  qu'un  faible  écho  des  accla- 
mations enthousiastes  qui  ont  salué  le  célèbre  virtuose.  Mais  son  plus 
doux  triomphe  ,  Ernst  a  dû  le  trouver  dans  l'expression  de  ravissement 
avec  laquelle  Teresa  Milanollo  prêtait  l'oreille  à  ses  accents,  et  clans  la 
couronne  de  laurier  que  la  jeune  fille  duTMidi  a  jetée  aux  pieds  du  maître 
sérieux  du  Nord. 

***  Pétenbourg.  — Le  célèbre  violoncelliste  Servais  adonné  des  con- 
certs à  Kiew  et  à  Odessa.  Dans  cette  dernière  ville,  à  la  fin  du  quatrième 
concert,  le  prince  Dolgorouky  a  offert  à  Servais  une  couronne  de  laurier 
en  or. 

*„*  Constantinople.  —  La  société  formée  pour  les  concerts  dans  cette 
ville  vient  d'être  forcée  cle  liquider,  malgré  le  succès  des  artistes,  par  le 
fait  d'un  procès  intenté  au  directeur  par  M.  Emile  Solie,  ex-rédacteur 
de  quelques  petits  journaux ,  actuellement  chanteur  comique.  La  con- 
duite de  ce  chanteur  lui  a  mérité  une  condamnation  en  police  correction- 
nelle de  ce  pays,  à  la  date  du  13  avril  dernier.  —  Les  amateurs  de  bonne 
musique,  et  il  en  existe  à  Constantinople,  regretteront  Mme  Ernesta  Grisi, 
ainsi  que  M.  Antony  Rambaud,  dont  la  belle  voix  de  baryton  a  su  lui 
mériter  les  suffrages.  Il  revient  à  Taris,  où  nous  aurons  occasion  de  l'en- 
tendre et  de  vérifier  ce  que  Ton  nous  dit  de  sa  méthode  et  de  sa  voix 
sympathique.  —  M.  Horace  Poussard,  jeune  violoniste  français,  pre- 
mier prix  du  Conservatoire,  et  qui  obtient  toujours  ici  beaucoup  de 
succès,  a  eu  l'honneur  d'être  demandé  tout,  récemment  par  le  grand  vizir, 
et  de  jouer  devant  lui  et  devant  les  hauts  fonctionnaires  de  l'Empire,  que 
Réchid-Pacha  avait  invités  à  cette  soirée  musicale.  Pendant  plus  de 
deux  heures,  le  jeune  violoniste  n'a  pu  quitter  son  instrument.  Il  a  joué 
ses  fantaisies  sur  Norma,  Lucia,  une  fantaisie  américaine  de  Vieux- 
temps,  le  Carnaval  du  Venise,  d'Ernst,  et  différents  autres  morceaux  em- 
pruntés au  répertoire  de  la  musique  européenne.  Le  grand  vizir,  après 
avoir  témoigné,  ainsi  que  tous  les  assistants,  l'admiration  que  leur  inspi- 
ra;' <e  talent  de  M.  II.  Poussard,  après  l'avoir  félicité  sur  ces  succès  à 
Paris  et  à  Constantinople,  lui  a  demandé  de  jouer  quelques  airs  turcs. 
Entre  autres  morceaux  d'un  cachet  fort  original  et  dont  le  succès  serait 
assuré  en  Europe,  si  l'artiste  français  avait  la  bonne  pensée  de  les  y  im- 
porter, M.  Horace  Toussard  a  exécuté  l'hymne  du  Sultan  dont,  il  jouait  le 
chant,  pendant  que  des  musiciens  ottomans  l'accompagnaient  à  la  manière 
turque.  Ce  morceau,  d'un  caractère  plein  de  grandeur,  ainsi  exécuté,  a 
fait  le  plus  grand  plaisir  à  toute  l'assistance,  et  le  grand  vizir  a  remercié 
l'artiste  avec  les  paroles  les  plus  flatteuses  et  les  éloges  les  plus  vifs,  et, 
nous  devons  le  dire,  le  mieux  mérités. 


U  gérant  :  Ernest  DESCUAMPS. 


DE  PAULS. 


156 


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N°  2.  Couplets  chantés  par  M.  Sainte-Foy  :   «  Depuis   vingt  ans 

j'exerce.  »  (Ténor) 3     » 

2  bis.  Les  mêmes  en  ut  pour  baryton 3    » 

3  bis.  Couplets  chantés  par  Mlle  Wertheimber  :  «  Toutes  les 

femmes.  »  (Contralto) 4    » 

3  ter.  Les  mêmes  pour  basse  ou  baryton U    » 

h.  Air  chanté  par  Mlle  Wertheimber  :  «  Tristes  amours,  folles 

chimères.  »  (Contralto) 6    » 

U  bit.  Le  même  pour  basse  ou  baryton,  soprano  ou  ténor,  en. .     6     » 
h  ter.  Cantabile  extrait  de  l'air,  pour  contralto,  basse  ou  bary- 
ton, soprano  ou  ténor,  chaque lx     » 

5.  Duo  chanté  par  Mmes  Ugalde  et  Wertheimber  :  «  Aimons, 

il  faut  aimer.  »  (Soprano  et  contralto) 7  50 

5  bis.  Le  même  pour  sopano  et  basse  ou  baryton 7  50 

6.  Air  de  la  lyre,  chanté  par  Mme  Ugalde  :  «  Fleur  parfumée,  » 

(Soprano) 7  50 


N°  6  bis.  Le  même  transposé  un  ton  plus  bas,  mezzo  soprano 7  50 

7.  Air  de  la  Paresse,  chanté  par  M.  Mocker  :   «Ah!  qu'il  est 

doux  de  ne  rien  faire.  »  (Ténor) k  50 

.    7  bis.  Le  même  pour  baryton l\  50 

9  bis.  Couplets  de  la  coupe,  chantés  par  Mme  Ugalde  :  «  Sa 

couleur  est  blonde  et  vermeille.  »  (Soprano) 5    » 

9  ter.  Les  mêmes  transposés  un  demi-ton  plus  bas 5    » 

10.  Duettino  chanté  par  Mme  Ugalde  et  M.  Mocker  :   «  Gany- 

mède,  c'est  toi  que  j'aime.  »  (Soprano  et  ténor) k    » 

11.  Rondo  chanté  par  Mlle  Wertheimber  :  «  A  moi  folles  ivres- 

ses. »  (Contralto) , U    » 

11  Us.  Le  même  pour  baryton U    » 

il  ter.  Le  même  pour  basse  en  sol k    » 

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piauo  ;  partition  pour  piano  seul  ;  morceaux  de  piano  et  musique  de 
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160 


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103,  RUE  RICHELIEU. 


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Opéra  en  eini(  acte», 

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MM.    E.    SCRIBE    et    DE    SAINT -GEORGES 

Musique  de 


HALÉVY 


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Ouverture   pour  le  piano  a  t  i'l  n   I  mains. 


1"  ACTE. 


N*  1.  LÉGENDE  chantée  par  Mme  Tedesco  :    «  Pour  expier  envers  lui  ses 
outrages.  » 

1  bis.  La  même  transposée  pour  soprano. 

2.  LE  COUVRE-FEU  chanté   par  M.   Merly  et  chœur:   «    De   par  le 

bourgmestre,  de  par  nos  échevins.  » 

2  bis.  Le  même  pour  voix  de  basse  seule. 

3.  CHOEUR  DE  MALANDRINS  :  «  Au  loin  tremblez  tous.  » 

II.  ROMANCE  AVEC  RÉCITATIF  chantée  par  M.  Massol  :  «  Ils  partent 

frappés  de  terreur.  » 
Il  bis.  La  même  transposée  pour  ténor. 

5.  DUO  chanté  par   Mme  Tedesco   et  M.  Massol  :  «  Théodora,  qu'ici 

le  ciel  m'envoie.  » 

*"  ACTE. 

6.  SCÈNE  ET  TRIO  chantés  par  Mmes  Tedesco  et  LaGrua,  et  M.   Ro- 

ger :  «  Douze  ans  sont  écoulés.  » 

7.  QUATUOR  pour  à  basses,   chanté  par  MM.  Depassio,  Guignot.   Ca- 

naple  et  Noir  :  «  On  m'a  dit  vrai,  jamais  plus  charmante  beauté.  » 

8.  CAVATINE  chantée  par  Mme  Tedesco  :   «  A  moi,  ta  sœur  et  ton 

amie.  » 
8  bis.  La  même  transposée  pour  soprano. 

9.  DUO  AVEC  RÉCITATIF  chanté  par  Mme  Tedesco    et    M.   Roger  : 

«  Sa  voix,  sa  vue  enchanteresse.  » 

10.  CHOEUR  de  la  Saint-Jean  :  «  Saint-Jean  !  Saint-Jean  !  » 

8e  ACTE. 

11.  AIR  AVEC  RÉCITATIF  chanté   par  Mlle  La  Grua  :    «0  merveille! 

ô  prodige  I  auquel  je  crois  à  peine.  » 
11  bis.  Le  même  transposé  pour  contralto. 


12.  ROMANCE  chantée  par  M.  Roger  :  «  Une  sœur,  une  amie,  ange  de 

la  maison.  » 

12  bis.  La  même  transposée  pour  baryton. 

13.  STROPHES  chantées  par  Mme  Tedesco  :  a  Que  nos  voix  vers  le  ciel 

montent.  » 

13  bis.  Les  mêmes  transposés  pour  soprano. 

4"  ACTE. 

14.  AIR  AVEC  RÉCITATIF  chanté  par  M.  Roger  :  «  A  ce  palais  dont 

la  magnificence...  » 

14  bis.  Le  même  transposé. 

15.  ROMANCE  extraite  de   l'air   chantée  par  M.  Roger  :   «  Vous  n'êtes 

plus,  jours  d'innocence.  » 

15  bis.  La  même  transposée  pour  baryton. 

16.  DUO  en;  nté  par  Mlle  La  Grua  et  M.  Roger  :  «  Le  ciel  nous  a  réunis.» 

16  6  s.  ROMANCE  extraite  du  duo  :  «  0  ciel!  est-ce  un  rêve?  » 

17.  AIR  chanté  par  M.  Massol  :  «  De  Dieu  l'éternelle  clémence.  » 

17  Ins.  Le  même  transposé  pour  ténor. 

17  1er  Le  même  transposé  pour  basse. 

18.  QUINTETTE  pour  5  voix  de  basse,    chanté  par  MM.  Depassio, 

Guignot   Canaple,  Goyon  et  Noir  :  «  La  nuit  est  sombre.  » 

18  Ins.  Le  même  réduit  à  1  voix  de  basse. 

5«  ACTE. 

19.  ROMANCE  chantée  par  M.  Roger  :  «  Quand  chacun  te  fuit  ici-bas.  » 

19  bis.  La  même  transposée  pour  baryton. 

20.  EVOCATION  chantée  par  M.  Chapuis  :  «  La  voix  du  Seigneur  vous 

appelle.  » 

21.  CHOEUR  DES  ELUS:  «  Prenez  pitié,  Seigneur.  » 


SIX  AIRS  DE  BALLET  ET  UNE  MARCHE  TRIOMPHALE. 


Suite  de  Valses,  Quadrille  pastorale  et  Quadrille  infernale, 

Par  MUSARD. 


Grande  valse  pour  piano,  par  Fr.  BURGMULLEB. 
Polka  des  Abeilles,  par  E.  ETTLING. 
Scnottiscn  du  Berger  par  J.  PASDELOUP. 
Polka-Mazurka,  par  G.  DAN1ELE. 


Krilnwn,  par  A.  DE  LENONCOURT  et  P1LODO. 
Ociix  Bagatelles  pour  piano,  par  A.  LECAR.PENTIER. 
Des  Morceaux  de  piano  par    II.    ROSELLEN ,   A.   TALEXY,   Ch.   VOSS, 
O.  COMETTANT,  R.  MULDER,  J.-B.    DUVERNOY,  DECOURCELLE,  etc. 


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Le  Poème  est  en  vente  :  Prix  1  fr. 


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N°  21 


REVUE 


23  Mai  1852. 


prl\  île  l'Abonnement  1 


Départements,  Re'gique  pt  Su 
Étranger      


Le  Journal  p.irolt  le  pi  marche. 


TTE  MUSICALE 


SOMMAIRE.  — De  la  propriété  littéraire  et  do  la  contrefaçon,  Bruxelles,  20  mai.  — 
Conservatoire  de  musique  et  de  déclamation,  exercice  des  élèves.  —  Association 
des  artistes  musiciens,  assemblée  générale  et  compte  rendu,  de  M.  Jules  Simon. 
—  Revue  critique,  essai  sur  les  études  pour  piano  de  Mme  de  Gasparin,  par 
Henri  Blanchard.  —  Nouvelles  et  annonces. 


DE   LÀ  PROPRIÉTÉ  LITTÉRAIRE  ET  DE  LA  CONTREFAÇON. 

Bruxelles,  le  20  mai  1852. 

Je  n'ai  pas  la  prétention  de  vous  apprendre  que  des  négociations  se 
suivent  en  ce  moment  à  Paris  pour  résoudre  le  problème  si  souvent 
posé  d'un  échange  entre  la  France  et  la  Belgique  du  droit  de  propriété 
que  j'appellerai  intellectuelle,  pour  donner  à  la  chose  son  sens  véritable 
et  son  extension  naturelle.  A  la  vérité,  ces  négociations  sont  conduites 
en  secret,  afin  d'éviter  de  part  et  d'autre  des  influences  ou  des  tenta- 
tives d'influences  qui  pourraient  gêner  les  représentants  des  deux 
États  (1).  La  diplomatie  n'est  plus  la  science  ténébreuse  d'autrefois;  la 
plupart  de  ses  travaux  se  font  aujourd'hui  à  ciel  ouvert,  soit  qu'il  y  ait 
plus  de  franchise  dans  les  rapports  des  nations,  soit  que  les  hommes 
soient  devenus  plus  bavards  et  moins  capables  de  garder  un  secret;  je 
vous  laisse  le  choix  entre  ces  deux  hypothèses.  Cette  fois  pourtant  les 
diplomates  se  sont  enveloppés  de  mystère,  et  la  question  qu'ils  agitent 
pourra  bien  être  résolue  au  moment  où  l'on  s'y  attendra  le  moins. 
Votre  nouveau  gouvernement  vous  aaccoutumés  à  plus dediscrétion  qu'on 
n'en  avait  sous  le  régime  parlementaire.  La  publication  par  le  Moniteur 
du  traité  qui  abolira  la  contrefaçon  ne  causera  pas  plus  de  surprise  as- 
surément que  celle  du  décret  sur  la  conversion  de  la  rente. 

Vous  allez  me  demander  comment  il  se  fait  que  je  sache,  moi  qui  vis 
à  Bruxelles,  ce  qui  se  passe  en  ce  moment  chez  vous.  Je  n'ai  pas,  croyez- 
le  bien,  la  prétention  d'être  sorcier  ;  mais  s'il  est  difficile  de  garder  un 
secret  dans  un  grand  pays,  cela  est  impossible  dans  un  petit.  Nos  di- 
plomates ont  eu  beau  mettre  leur  manteau  couleur  de  muraille  et  se 
glisser  dans  l'ombre,  on  a  su  qu'ils  partaient  pour  Paris,  on  a  su  ce 
qu'ils  y  allaient  faire  et  ce  qu'ils  y  faisaient. 

On  pense  généralement  à  Paris  que  la  Belgique  entière  prend  fait  et 
cause  pour  la  contrefaçon,  qu'elle  en  défend  le  principe  d'une  façon 
absolue  et  qu'elle  place  les  profits  qu'on  en  tire  au-dessus  de  toutes  les 
considérations  morales.  C'est  une  grave  erreur.  Il  ne  faut  pas  s'étonner 
que  les  libraires,  les  imprimeurs,  les  fabricants  de  papier,  les  fondeurs 

(1)  Ce  que  dit  notre  correspondant  sur  le  secret  des  négociations  prouve  qu'en 
Belgique  on  ne  sait  pas  tout-à-fait  comment  les  choses  se  passent  à  Paris.  Ce  secret 
existe  si  peu  que  nous  avons  été  nous-même  appelé  plus  d'une  fois  au  ministère  avec 
la  Commission,  composée  de  tous  les  délégués  des  parties  intéressées,  et  toujours 
nous  avons  été  tenu  au  courant  des  négociations.  Du  reste  nous  laissons  aujourd'hui 
parler  notre  correspondant,  et  dans  notre  prochain  numéro  nous  dirons  où  en  est  la 
question,  en  répondant  en  même  temps  à  quelques  arguments  qui  n'ont  pas  encore 
été  discutés. 


de  caractères,  que  tous  les  industriels  enfin  qui  vivent  du  grand  déve- 
loppement donné  par  la  contrefaçon  au  commerce  des  livres  soient  op- 
posés à  toute  mesure  qui  aurait  pour  but  d'interdire  la  libre  reproduc- 
tion des  ouvrages  français.  C'est  un  sentiment  assez  conforme  à  la 
nature,  puisqif  au  bout  de  cette  mesure  est  pour  eux  sinon  la  ruine,  du 
moins  une  singulière  diminution  dans  l'importance  de  leurs  affaires,  et 
par  conséquent  dans  le  chiffre  de  leurs  bénéfices  Mais,  croyez-le  bien, 
la  contrefaçon  a  beaucoup  d'adversaires  en  Belgique  même.  EHe  a 
contre  elle  d'abord  les  gens  qui,  tout-à-fait  désintéressés  dans  la  ques- 
tion, comprennent  ce  qu'il  y  a  d'immoral  au  fond  dans  la  spoliation  des 
droits  imprescriptibles  de  la  propriété,  dans  quelques  conditions  qu'elle 
se  pratique,  se  couvrît-elle  du  manteau  de  la  légalité  ;  elle  a  encore 
contre  elle  tous  ceux  qui  écrivent  et  qui  voudraient  voir  la  vie  littéraire 
s'introduire  en  Belgique,  où  elle  existe  si  peu  que  ce  n'est  pas  la  peine 
d'en  parler. 

La  contrefaçon  belge  a  donc  en  Belgique  de  nombreux  ennemis, 
s'il  s'agit  du  principe  sur  lequel  elle  s'appuie  ;  mais  il  n'en  faut  pas 
conclure  qu'on  soit,  ici,  disposé  à  faire  bénévolement  à  la  France  le 
sacrifice  des  avantages  matériels  qu'elle  procure  au  pays,  ni  même, 
ceci  va  vous  surprendre  peut-être,  qu'on  trouve  vos  réclamations  par- 
faitement fondées,  jusqu'à  ce  jour  du  moins,  car  un  décret  récent  a 
beaucoup  modifié,  sous  ce  rapport,  l'aspect  de  la  question.  On  disait, 
et,  vous  l'avouerez,  on  n'avait  pas  tort,  que  la  France  était  bien  peu 
fondée  à  reprocher  aux  autres  un  méfait  commis  par  elle  sans  nul 
scrupule.  Aux  contrefaçons  des  auteurs  français  faites  à  Bruxelles,  on 
opposait  les  contrefaçons  d'auteurs  anglais,  italiens,  allemands,  espa- 
gnols, faites  à  Paris.  On  citait  encore  les  fortunes  faites  par  les  traduc- 
tions d'opéras,  les  arrangements,  pastiches,  etc.  A  ceux  qui  se  plai- 
gnaient de  voir  nos  théâtres  vivre  du  répertoire  français,  sans  payer 
aucune  redevance  aux  littérateurs  et  aux  musiciens  dont  ils  exploi- 
taient les  œuvres,  on  demandait  de  quoi  vécurent,  à  Paris,  l'Opéra- 
Italien  et  l'Odéon,  où,  certes,  Rossini,  Weber,  Donizettiet  tant  d'autres 
ne  furent  pas  mieux  traités  qu'on  .'ne  traita  chez  nous  vos  grands 
maîtres.  On  disait,  enfin,  que  lorsqu'on  veut  proclamer  à  son  profit  des 
principes  d'équité,  il  faut  commencer  par  se  les  appliquer  à  soi-même 
et  par  supporter  les  charges  qu'ils  imposent. 

Voilà  ce  qu'on  disait  en  Belgique,  quand  tous  les  jours  vos  écrivains 
montaient  sur  leur  cheval  de  bataille  pour  combattre  la  contrefaçon, 
quand  vos  journaux  nous  traitaient,  chaque  jour,  de  pirates,  de  for- 
bans, sans  songer,  sans  doute,  que  les  injures  dont  ils  nous  accablaient 
étaient  méritées  au  même  titre  et  par  des  actes  en  tout  point  sem 
blables  à  ceux  qui  nous  valaient  leurs  [invectives,  par  des  gens  aux- 
quels ils  accordaient  toute  estime.  «  Y  a-t-il  donc  deux  poids  et  deux 
mesures?  Ce  qui  est  un  crime,  fait  à  Bruxelles,   devient-il,    à  Paris, 


162 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


une  action  méritoire  ?  »  Tel  était  le  problème  que  se  posaient  chez 
nous  Iles  personnes  les  moins  disposées  à  soutenir  le  principe  de  la 
contrefaçon,  sans  'pouvoir  le  résoudre  à  l'avantage  de  la  France,  je 
vous  en  fais  l'aveu..  Il  est  vrai  que  nous  ne  sommes  qu'une  petite  na- 
tion et  que  vous  en  êtes  une  grande.  11  est  encore  vrai  que  certaines 
licences  prises  à  l'égard  des  droits  consacrés  par  la  morale,  passent, 
aux  yeux  de  beaucoup  de  gens,  pour  n'être  plus  répréhensibles  lors- 
qu'elles sont  pratiquées  dans  de  certaines  proportions,  par  de  certaines 
puissantes  personnes  ;  mais  tout  le  monde  ne  partage  pas,  heureuse- 
ment, cette  manière  de  voir.  La  France  consacrant  chez  elle  les  droits 
des  auteurs  étrangers,  et  se  faisant  une  loi  d'observer  les  principes 
qu'elle  pose  en  matière  de  propriété  littéraire,  toute  objection  tombe 
de  ce  côté. 

Pour  ce  qui  touche  à  la  contrefaçon  des  livres  français  en  Belgique, 
on  faisait  remarquer,  non  sans  raison,  que  si  elle  était  exilée  de  Bruxel- 
les, ce  serait  pour  se  réfugier  soit  en  Hollande,  soit  en  Suisse,  et  l'on 
voulait  que  votre  gouvernement  traitât  en  même  temps' avec  tous  les 
Etats,  au  lieu  de  prétendre  interdire  à  la  Belgique  seule,  et  sans  aucun 
bénéfice  pour  les  littérateurs  parisiens,  un  commerce  illicite  si  vous 
voulez,  mais  dans  lequel  se  trouvaient  engagés  de  gros  intérêts.  Tout 
cela,  convenez-en,  n'était  pas  déraisonnable. 

Quand  on  a  su  que  des  négociations  allaient  être  entamées  à  Paris 
pour  régler  les  conditions  d'un  échange  du  droit  de  propriété  littéraire 
entre  la  France  et  la  Belgique,  les  diverses  industries  que  doit  attein- 
dre cette  mesure  se  sont  émues.  Il  y  a  eu  des  meetings  d'ouvriers  im- 
primeurs dans  lesquels  ont  été  rédigées  des  adressés  aux  ministres  et 
aux  chambrés,  afin  d'obtenir  que  la  cause  de  la  typographie  et  de  la 
librairie  belge  fût  énergiquement  défendue  par  nos  commissaires. 
Quant  à  l'opinion  publique,  contraire  au  maintien  de  la  contrefaçon, 
elle  n'est  inLervenue  dans  le  débat  que  pour  exprimer  le  vœu  qu'on 
stipulât  en  échange  de  son  abandon  des  conditions  avantageuses  au 
commerce  national.  Plusieurs  brochures  ont  été  publiées  où  les  idées 
les  plus  diverses,  les  plus  contradictoires,  les  plus  bizarres,  sont  émises 
au  sujet  de  la  contrefaçon  envisagée  au  point  de  vue  de  son  principe  et 
de  ses  applications. 

Et  d'abord  il  faut  que  je  vous  dise  que  ce  vilain  mot  de  contrefaçon 
sonne  fort  mal  à  l'oreille  de  nos  éditeurs  ;  ils  préfèrent  celui  de  réim- 
pression. Si  vous  vous  dégagez  de  toute  prévention,  si  vous  prenez  les 
choses  au  pied  de  la  lettre,  en  conservant  aux  mots  leur  sens  gram- 
matical, vous  reconnaîtrez  qu'ils  n'ont  pas  tout  à  fait  tort.  Contrefaire 
un  livre,  ce  serait  lui  donner  une  physionomie  propre  à  tromper  l'a- 
cheteur sur  son  origine  ;  mettre  sur  sa  couverture  le  nom  de  l'éditeur 
parisien  ;  imiter  le  mode  d'impression.  Or,  ce  n'est  pas  ce  que  font 
nos  libraires.  Des  in-octavo  français  ils  font  des  in-douze,  indiquent 
Bruxelles  pour  lieu  de  publication,  et  au  bas  du  titre  inscrivent  leur 
nom  en  toutes  lettres,  ainsi  que  celui  du  typographe,  quand  ils  ne  sont 
pas  à  la  fois  imprimeurs  et  éditeurs.  Il  n'y  a  donc  pas  contrefaçon,  à 
bien  parler;  quiconque  achète  un  livre  imprimé  à  Bruxelles  sait  par- 
faitement -qu'il  n'achète  pas  l'édition  originale.  Du  reste,  le  mot  ne  fait 
rien  à  l'affaire.  Contrefaçon  ou  réimpression,  le  procédé  qui  consiste  à 
s'emparer  du  bien  d'autrui,  et  certes  les  productions  de  l'esprit  consti- 
tuent une  propriété  légitime ,  n'en  est  pas  moins  immoral.  J'ai  fait 
une  concession  grammaticale  à  nos  libraires  ;  mais  je  ne  suis  pas  dis- 
posé à  transiger  avec  eux  sur  le  fond  de  la  question.  Il  n'y  a  pas  lieu 
de  les  attaquer  personnellement;  on  a  tort  en  France  quand  on  les 
traite  de  pirates,  de  forbans.  J'en  connais  qui  sont  dignes  d'une  par- 
faite estime  ;  et-  dans  le  fait,  ils  exercent  au  grand  jour  une  industrie 
que  la  loi  reconnaît  et  protège,  ainsi  que  font  vos  éditeurs  de  livres 
anglais,  allemands  et  espagnols,  vos  traducteurs  d'opéras.  Or,  changer, 
la  loi,  voilà  ce  qu'il  faut. 

Lorsqu'il  est  question  de  faire  intervenir  entre  la  France  et  la  Bel- 
gique un  traité  qui  garantisse  les  auteurs  des  atteintes  portées  à  la 
propriété  de  leurs  œuvres,  on  ne  parle  que  des  effets  de  cette  mesure' 
en  ce  qui  touche  à  la  littérature  et  à  la  librairie.  Ses  résultats,  en  ce 


qui  concerne  les  théâtres  et  la  musique,  ne  sont  pas  moins  importants. 
C'est  de  ceux-ci  que  je  m'occuperai  particulièrement. 

Je  viens  de  vous  dire  que  plusieurs  brochures  sur  la  contrefaçon,  ou 
si  l'on  veut  sur  la  réimpression,  avaient  paru  à  Bruxelles  dans  ces  der- 
niers temps.  L'auteur  de  l'une  d'elles  n'y  va  pas  par  quatre  chemins  ; 
suivant  lui,  la  propriété  littéraire  ou  intellectuelle,  comme  je  pense 
qu'il  convient  de  la  nommer,  n'est  pas  une  propriété.  Voilà  du  moins 
qui  a  l'avantage  d'établir  nettement  la  question.  Vous  recevez  un  bien 
par  héritage;  il  est  votre  propriété  légitime  ;  à  l'aide  de  capitaux  vous 
fondez  un  établissement  industriel,  nul  n'en  peut  contester  la  posses- 
sion ni  à  vous  ni  à  vos  héritiers.  Mais  que  votre  génie  enfante  un  chef- 
d'œuvre  littéraire,  musical  ou  pitturesque,  chacun  aura  le  droit ,  non 
seulement  d'en  jouir,  mais  d'en  tirer  profit  sans  que  vous  ayez  le  plus 
petit  mot  à  dire. 

Le  puissant  motif  sur  lequel  s'appuie,  pour  soutenir  sa  thèse  bizarre, 
l'écrivain  qui  a  pris  pour  devise  cette  maxime,  incontestable  suivant 
lui,  que  la  propriété  littéraire  n'est  pas  une  propriété,  c'est  que  l'inté- 
rêt général  veut  qu'un  bon  livre  se  débite  à  bas  prix  afin  de  répandre 
le  plus  possible  les  idées  utiles  qu'il  renferme.  A  la  bonne  heure;  mais 
si  l'auteur  doit  travailler  uniquement  dans  un  but  d'intérêt  général,  il 
est  du  devoir  de  l'Etat  de  lui  assurer  des  moyens  d'existence.  Voyez 
où  cela  nous  conduit,  et  quelles  proportions  prendra  le  budget  si  le  gou- 
vernement est  tenu  de  pensionner  tous  ceux  qui  tiennent  une  plume  ! 

Craignant  des  conséquences  semblables  à  celles  que  j'indique  ici , 
l'inventeur  de  ce  nouveau  système  substitue  un  droit  de  copie  à  la  pro- 
priété des  œuvres  de  l'esprit.  11  veut  que  chacun  puisse  imprimer  et 
vendre  un  ouvrage  quelconque,  à  la  condition  de  payer  à  son  auteur 
un  droit  de  copie,  en  sorte  qu'il  pourrait  arriver  qu'il  se  fît  à  la  fois  dix 
éditions  d'un  livre  ou  d'une  partition.  Qui  réglera  ce  droit?  La  volonté 
du  littérateur  ou  du  musicien  ;  mais  alors  on  retombe  dans  l'inconvé- 
nient des  prix  élevés  que  veut  éviter  notre  novateur.  Une  disposition 
législative  ?  Comme  la  loi  ne  peut  apprécier  le  mérite  de  chaque  auteur, 
la  valeur  de  chaque  ouvrage  ;  comme  elle  ne  peut  poser  que  des  règles 
d'une  application  générale,  il  en  résulte  que  l'élucubration  du  dernier 
poète  crotté  se  paiera  aussi  cher  qu'une  production  de  MM.  de  Lamartine 
et  Victor  Hugo,  et  que  la  partition  de  tel  opéra  médiocre  sera  assimilée, 
pour  les  conditions  de  la  publication  ,  au  Prophète  ou  au  Juif  errant. 
Sortez  de  là  si  vous  pouvez. 

Une  autre  brochure  intitulée  :  De  la  propriété  littéraire  internatio- 
nale, de  la  contre  façon  et  rie  la  liberté  de  la  presse,  a  paru  en  même 
temps  que  celle  dont  je  viens  de  vous  parler.  Elle  est  l'œuvre  de 
M.  Ch.  Muquardt,  libraire  allemand,  depuis  longtemps  fixé  dans  ce  pays 
et  faisant  un  assez  grand  commerce  de  livres  étrangers.  La  question  y 
est  envisagée  à  un  tout  autre  point  de  vue.  On  n'y  conteste  pas  la  légi- 
timité de  la  propriété  littéraire  ;  on  n'y  parle  pas  de  droit  de  copie  , 
mais  du  droit  imprescriptible  et  absolu  des  auteurs  sur  leurs  ouvrages  ; 
la  contrefaçon  enfin  y  est  appelée  par  son  nom. 

M.  Muquardt  fait  le  bilan  de  la  contrefaçon  depuis  quinze  ans.  Ses 
calculs  établissent  de  la  manière  la  plus  positive  que  la  contrefaçon  , 
qui  semblait  avoir  atteint  en  1836  un  haut  degré  de  prospérité,  et  à 
laquelle  des  destinées  plus  brillantes  encore  paraissaient  réservées,  n'a 
cessé  de  décroître,  et  qu'elle  est  tombée  si  bas  aujourd'hui ,  qu'on  en 
arriverait  à  douter  de  son  existence,  n'était  le  bruit  qu'on  fait  à  Paris 
pour  abattre  ce  prétendu  colosse.  En  1836,  puisque  l'auteur  de  la  bro- 
chure nous  fait  remonter  jusque  là,  plusieurs  sociétés  de  librairies  ve- 
naient d'être  fondées  pour  exploiter  la  contrefaçon.  C'était  le  moment 
de  la  grande  vogue  des  actions  industrielles;  on  se  disputa  les  chiffons' 
de  papier  qui  représentaient  le  capital  de  ces  sociétés.  On  se  mit  à  im- 
primer avec  ardeur,  avec  frénésie.  Il  ne  paraissait  pas  un  livre  à  Paris 
qu'aussitôt  on  n'en  fît  mainte  édition  à  Bruxelles.  La  concurrence  s'é- 
tablissait non  pour  la  meilleure  exécution  typographique,  mais  pour  le 
plus  bas  prix.  Tel  volume  coté  7  fr.  50  c.  par  l'éditeur  français,  était 
mis  à  3  fr.  par  le  premier  contrefacteur  belge,  à  30  sous  par  le  second; 
un  troisième  trouvait  moyen  de  l'abaisser  encore.  On  en  est  venu  à  ce 


DE  PARIS. 


163 


poinl  que  las  livres  n'ont  plus  aucune  sorte  de  valeur,  cl  que  dans  les 
venLes  publiques,  par  exemple,  ils  ne  se  vendent  pas  même  au  poids 
du  papier,  attendu  que  ce  papier  est  d'une  qualité  détestable. 

Ce  qui  a  causé  la  dépréciation  des  édition;  belges  en  I!  slgique,  c'est 
d'abord  l'incorrection  typographique.  Pour  aller  plus  vile  et  pour  fa- 
briquer à  meilleur  marché,  en  imprimait  sur  une  composition  faite  à  la 
hâte  sans  corriger  d'épreuves.  Vous  jugez  quelle  pouvait  être  la  pureté 
de  textes  traités  de  celle  façon.  Que  de  failles,  que  de  bévues  de  Iput 
sortes!  Je  pourrais  vous  citer  des  livres  où  il  existe  des  lacunes  consi- 
dérables. La  pagination  continue;  mais  le  sens  des  phrases  est  inter- 
rompu: il  manque  la  moitié  d'un  chapitre. 

Autre  détail  assez  piquant  sur  les  motifs  de  celte  dépréciation.  Les 
fabriques  de  papier  suffisaient  à  peine  aux  besoins  des  imprimeries,  qu. 
dévoraient  leurs  produits  avec  une  insatiable  avidité.  On  fit  du  pap:er 
avec  toutes  sortes  d'éléments  de  mauvaise  nature  ,  et  l'on  employa  , 
pour  blanchir  la  pâle,  dos  acides  qui  la  brûlèrent.  Les  inconvénients 
de  ces  procédés  expéditifs  ne  ressorlirent  pas  au  premier  moment.  Les 
livres  avaient  une  assez  belle  apparence.  Quelques  années  après  seule- 
ment, des  souscripteurs  voulant  faire  relier  les  volumes  qu'ils  s'étaient 
félicités  d'acheter  à  bon  marché,  ceux-ci  tombèrent  en  poussière  sous 
le  marteau  dans  l'opération  du  battage.  Toutes  les  éditions  belges  ne 
sont  pas  confectionnées  ainsi.  Celles  de  la  maison  Méline  se  distinguent 
par  la  correction  aussi  bien  que  par  l'élégance  ;  mais  pour  quelques 
livres  bien  imprimés,  combien  de, monstruosités  typographiques  n'ont 
pas  enfantées  Bruxelles,  Liège,  Tournay  et  Mons,  celles  de  nos  villes 
où  sont  les  principaux  ateliers  de  la  contrefaçon  ? 

Je  reviens  à  la  brochure  de  M.  Muquardt  et  au  bilan  de  la  contre- 
façon qu'il  dresse  en  chiffres  ronds,  ainsi  que  je  vous  le  disais  tout  à 
l'heure.  La  production  belge,  si  active  en  1836,  s'est  réduite  graduel- 
lement aux  plus  minimes  proportions.  Toutes  les  sociétés  de  librairie, 
sauf  une,  celle  de  M.  Méline,  ont  disparu.  En  1850,  enfin,  sur  7,608  li- 
vres et  brochures  publiés  en  France,  on  n'en  a  réimprimé  que  187  en 
Belgique;  tel  est  le  degré  d'affaiblissement  de  ce  monstre  qu'on  repré- 
sente chez  nous  comme  prêt  à  tout  dévorer.  M.  Muquardt ,  après 
être  entré  dans  des  considérations  commerciales  fort  judicieuses , 
mais  où  je  no  le  suivrai  pas,  conclut  à  l'abolition  de  la  contrefaçon 
comme  ne  devant  porter  à  la  Belgique  aucun  dommage  matériel  et 
comme  pouvant  aider  beaucoup  au  développement  de  la  littérature 
nationale. 

Dans  les  deux  brochures  que  je  viens  de  citer,  la  question  littéraire 
est  seule  mise  en  jeu.  Encore  n'est-elle  envisagée  qu'au  seul  point 
de  vue  de  la  réimpression  des  livres.  Il  n'y  est  parlé  ni  des  œuvres 
dramatiques,  ni  des  productions  musicales,  pittoresques  et  plastiques. 
En  voici  venir  une  troisième  où  le  point  de  vue  est  pris  d'une  manière 
plus  générale.  Celle-ci  a  pour  auteur  M.  Hauman,  frère  du  célèbre  vio- 
loniste et  chef  d'une  des  maisons  de  librairie  qui  ont  cessé  d'être. 

M.  Hauman  est  homme  d'esprit;  sa  brochure  est  piquante  et  bien 
écrite.  11  prend  la  défense  de  la  contrefaçon  ,  ce  qui  est  fort  naturel, 
puisqu'il  l'a  pratiquée  largement  jadis  et  qu'il  lui  doit  une  grande  par- 
tie de  sa  fortune.  Son  avis  est  aussi  que  la  pensée  n'est  pas  une  pro- 
priété. Que  le  principe  de  cette  propriété  soit  inscrit  dans  les  codes  , 
aussitôt  la  civilisation  s'arrête.  11  reconnaît  qu'on  ne  devra  pas  appli- 
quer seulement  à  la  littérature  les  droits  qu'il  confère ,  mais  qu'il  fau- 
dra l'étendre  jusqu'aux  arts,  aux  sciences  ,  à  l'industrie,  a  Alors,  dit- 
il,  la  France  restituera  à  l'Angleterre,  à  l'Allemagne,  à  l'Italie,  les  idées, 
les  procédés  qu'elle  leur  a  empruntés.  Elle  renoncera  à  la  peinture  à 
l'huile  que  la  Belgique  lui  a  enseignée  ;  au  tissage  du  lin,  car  c'est  en 
Belgique  que  cette  industrie  a  vu  le  jour  ;  elle  cessera  de  pratiquer  les 
enseignements  agricoles  qu'elle  est  venue  chercher  en  Belgique,  etc.  » 
Ce  sont  là  d'ingénieux  paradoxes  ;  mais  ce  ne  sont  que  des  para- 
doxes. 

M.  Hauman  touche  une  corde  qui  vibre  plus  juste,  quand  il  reproche 
à  la  France  de  spéculer  elle-même  sur  la  contrefaçon  qu'elle  veut  in- 
terdire aux  autres  nations.  Il  cite  les  éditeurs  parisiens  qui  réimpri- 


ment les  écrits  des  autours  anglais,  italiens,  allemands  et  espagnols;  il 
mentionne  égalcmeni  les  éditions  d'oeuvres  musicales  é,tcangèïea qui 
se  font  chez  vous  ;  enfin,  il  n'oublie  pas  ce  qui  se  passe  en  matière  de 
spectacle  lyrique.  «  La  propriété  de  la  pensée ,  c'esl  ainsi  qu'il. s'ex- 
prime, méconnue  par  la  législation  française,  par  les  libraires  fran- 
çais, par  les  traducteurs  français,  n'est  pas  plus  respec.lée  au  théâtre. 
Tous  les  opéras  de  liossini,  à  peu  d'exceptions  près,  ont  été  chantés  à 
l'Opéra-Italien  de  Paris  ou  à  l'Odéon,  sans  qu'on  se  soit  jamais  soucié 
des  droits  de  l'auteur.  Les  compositions  de  Weber,  de  Mozart,  de  Bee- 
thoven, ont  été  exécutées  en  France  :  a-l-on  jamais  songé  aux  droits 
de  ces  grands  hommes?  La  veuve  de  Weber  vivait  dans  la  médiocrité 
pendant  que  l'Odéon  s'enrichissait. par  le  Freischûlz.  » 

Tout  cela  est  vrai;  mais  quelle  conséquence  en  pcul-on  tirer,  si  ce 
n'est  qu'il  était  urgent  qu'un  échange  international  du  droit  de  pro- 
priété intellectuelle  vînt  garantir  partout  les  écrivains  et  les  composi- 
teurs des  spoliations  dont  ils  n'ont  été  que  trop  longtemps  victimes. 
En  demandant  l'abolition  des  contrefaçons  pratiquées  chez  d'autres 
nations  au  détriment  de  ses  nationaux,  la  France  n'a  jamais  eu,  j'en 
suis  convaincu,  l'intention  d'autoriser  chez  elle  le  maintien  d'un  pareil 
abus  au  préjudice  des  étrangers. 

En  examinant  l'influence  qu'exercera  sur  la  situation  des  théâtres  en 
Belgique  une  reconnaissance  du  principe  de  la  propriété  intellectuelle, 
M.  Hauman  prétend  que  ce  sera  la  ruine  de  nos  entreprises  dramati- 
ques, qui,  dans  l'état  actuel  des  choses,  ont  déjà  grand'peine  à  \ivre 
ou  même  ne  vivent  pas  du  tout.  Suivant  lui,  les  directeurs,  plutôt  que 
de  se  soumettre  à  l'impôt  du  droit  des  auteurs,  renonceront  à  exploiter 
le  répertoire  de  Meyerbeer,  d'Halévy,  d'Auber,  etc.;  les  subsides  qui 
sont  censés  soutenir  le  théâtre  royal  et  qui_ne  le  préservent  pas  d'une 
chute  en  quelque  sorte  périodique,  deviendront  de  plus  en  plus  insuf- 
fisants, d'où  il  suit  que  nous  sommes  menacés  d'une  privation  presque 
complète  du  spectacle  lyrique.  Les  sombres  prévisions  de  M.  Hauman 
se  réaliseront-elles  ?  C'est  ce  que  je  vais  examiner.  Après  des  préam- 
bules nécessaires  pour  l'intelligence  de  la  question  débattue  en  ce 
moment  par  les  négociateurs  français  et  belges,  j'arrive,  comme  vous 
le  voyez,  à  n'en  plus  considérer  que  le  côté  musical. 

M.  Hauman  m'accusera  peut-être,  à  son  tour,  de  soutenir  une  opi- 
nion paradoxale,  si  je  dis  que  loin  d'être  une  cause  de  ruine  pour  le 
théâtre  royal  de  Bruxelles,  la  consécration  du  droit  intellectuel  sera, 
au  contraire,  pour  lui  un  motif  de  prospérité.  Telle  est  pourtant  ma 
conviction  profonde,  et  je  ne  désespère  pas  de  la  faire  partager  aux 
esprits  non  prévenus,  car  elle  s'appuie  sur  des  faits  qui  me  semblent 
péremptoires. 

Le  théâtre  royal  de  Bruxelles  reçoit,  tant  de  l'administration  com- 
munale que  de  la  liste  civile,  une  assez  forte  subvention.  Je  reconnais 
que  cette  subvention  n'est  plus  suffisante  pour  le  faire  prospérer;  mais 
pourquoi  ?  C'est  qu'il  s'est  établi  plusieurs  autres  spectacles  où  l'on  joue 
le  drame  et  le  vaudeville,  et  que  Bruxelles  n'a  pas  une  population 
assez  considérable  pour  alimenter  tous  ces  lieux  d'amusement  public. 
Les  théâtres  secondaires,  non  subventionnés,  vont  se  trouver  rudement 
atteints  par  la  disposition  législative  qui  les  soumettra  aux  droits  d'au- 
teurs. Je  ne  doute  pas  que  celte  charge  nouvelle  ne  les  écrase  et  qu'il 
n'en  tombe  quelques  uns  pour  ne  plus  se  relever,  ce  qui  ne  sera  pas 
un  mal  assurément.  On  me  dira,  sans  doute,  que  le  théâtre  royal  subira 
comme  les  autres  les  conséquences  de  l'impôt  et  que  la  même  cause 
pourrait  bien  avoir  pour  lui  les  mêmes  effets.  Cette  objection,  assez 
fondée  en  apparence,  ne  me  trouvera  pas  sans  argument.  Voici  ce  que 
j'y  répondrai  : 

Jusqu'à  ce  jour  le  gouvernement  n'a  rien  fait  pour  le  théâtre  royal 
de  Bruxelles,  soit  parce  qu'il  était  catholique,  et  qu'alors  il  répugnait  à 
ses  principes  de  favoriser  l'œuvre  du  démon,  soit  parce  qu'il  était  li- 
béral et  qu'il  ne  voulait  pas  soulever,  au  sein  de  la  Chambre,  les  récri- 
minations de  ses  adversaires.  Il  sera  moralement  forcé  de  lui  donner 
un  subside  égal  à  la  somme  que  représentera  le  prélèvement  annuel  du 
droit  des  auteurs,  ce  prélèvement  ayant  lieu  en  vertu  d'une  convention 


164 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


diplomatique.  Si  le  gouvernement,  mal  inspiré,  se  soustrait  à  cette  obli- 
gation, il  n'y  a  nul  doute  que  la  ville  ou  la  liste  civile  ne  vienne  en  aide 
à  l'entrepreneur.  Le  théâtre  royal  se  trouvera  donc  à  la  fois  débarrassé 
de  concurrents  fâcheux  et  doté  d'un  supplément  de  subside,  grâce  à 
l'article  du  traité  international,  que  les  partisans  du  maintien  de  l'état 
de  choses  voudraient  faire  considérer  comme  la  cause  de  sa  ruine. 

Si  je  vois  juste,  non  seulement  nous  ne  serons  pas  privés  du  réper- 
toire de  Meyerbeer,  Halévy,  Auber,  etc.,  ainsi  que  le  suppose  M.  Hau- 
man;  mais  rien  n'empêchera  que  d'habiles  compositeurs  de  l'école 
française  ne  viennent,  dans  des  moments  où  il  y  aurait  encombrement 
aux  spectacles  lyriques  de  Paris,  faire  représenter  des  opéras  nouveaux 
à  Bruxelles,  s'ils  étaient  sûrs  d'y  trouver  une  rémunération  de  leurs 
travaux.  Les  artistes  belges  auraient  aussi  quelque  chance  d'être  mieux 
accueillis  par  les  iwpresari,  du  moment  que  ceux-ci  ne  pourront  plus 
fonder  leur  refus  sur  la  faculté  qu'ils  ont  de  mettre  gratuitement  à  con- 
tribution le  génie  de  vos  plus  grands  maîtres. 

La  contrefaçon  des  œuvres  de  musique  est  nulle  en  Belgique,  quant 
aux  partitions  d'opéras,  aux  grandes  compositions  instrumentales  et 
aux  méthodes.  En  revanche,  on  contrefait  ici  beaucoup  de  morceaux  de 
piano  et  beaucoup  de  romances,  par  la  raison  que  ces  ouvrage  coûtent 
peu  à  établir  et  trouvent  un  débit  considérable.  L'abolition  de  la  con- 
trefaçon intéresse  donc  très-directement  le  commerce  de  musique  de 
Paris. 

De  même  que  les  littérateurs,  tous  les  musiciens  belges  appellent 
de  leurs  vœux  la  conclusion  du  traité  qui  garantira  l'échange  mutuel 
du  droit  de  propriété  intellectuelle.  Je  ne  soutiendrai  pas  que  cet  acte 
législatif  doive  avoir  pour  effet  de  multiplier  chez  nous  les  composi- 
teurs de  génie  et  d'y  faire  naître  les  chefs-d'œuvre  enfouie;  mais,  génie 
ou  non,  lorsqu'un  jeune  artiste  se  présente  chez  un  éditeur  de  Bruxelles 
avec  un  manuscrit  dont  il  a  la  naïveté  de  solliciter  l'impression,  l'é- 
diteur lui  demande  s'il  se  moque  de  penser  qu'il  sera  asez  fou  pour 
risquer  ses  écus  dans  une  telle  opération,  tandis  qu'il  a,  sans  bourse 
délier,  les  ouvrages  d'auteurs  célèbres  dont  le  nom  seul  est  une  ga- 
rantie de  succès. 

La  contrefaçon  musicale,  ainsi  que  la  contrefaçon  littéraire,  a  dé- 
cliné en  Belgique  depuis  quelques  années.  On  n'y  chante  pas  moins 
cependant  ;  on  n'y  joue  pas  moins  de  piano  ni  de  violon.  On  fait  plus 
d'usage  des  éditions  originales.  Le  commerce  de  musique  parisien  a 
eu  à  lutter  contre  un  ennemi  plus  dangereux  que  la  contrefaçon  belge  : 
c'est  la  réimpression  allemande.  L'Allemagne  nous  inondait  de  ses  pu- 
blications fort  laides,  mais  à  bon  marché.  Les  amateurs  commencent  à 
s'en  dégoûter,  surtout  quand  il  s'agit  de  musique  de  chant,  à  cause  de 
la  confusion  qu'offrent  les  paroles  françaises  et  la  traduction  allemande 
superposées. 

11  faut  rendre  justice  à  tout  le  monde,  même  à  la  contrefaçon.  Elle  a 
eu  pour  résultat  d'obliger  les  éditeurs  parisiens  à  abaisser  le  prix  des 
livres  jadis  trop  élevé.  Si  ces  mêmes  éditeurs  voulaient- profiter  des 
traités  qui  vont  reconnaître  le  droit  international  de  la  propriété  intel- 
lectuelle pour  remettre  les  choses  sur  l'ancien  pied,  ils  auraiient  tort. 
Ils  doivent,  au  contraire,  partir  de  ce  principe,  que  l'abolition  de  la 
contrefaçon  va  leur  créer  de  nouveaux  et  considérables  débouchés, 
pour  établir  leurs  publications  à  des  prix  peu  élevés,  afin  de  s'adresser 
à  un  plus  grand  nombre  de  consommateurs.  Les  défenseurs  de  la  con- 
trefaçon faisaient  valoir  les  services  qu'elle  rendait  à  la  civilisation 
en  répandant  à  bon  marché  des  connaissances  ou  des  jouissances  in- 
tellectuelles dont  les  éditeurs  français  avaient  constitué  un  privilège 
en  faveur  des  classes  riches  par  les  prix  excessivement  élevés  de  leurs 
éditions.  11  y  avait  là  quelque  chose  de  vrai.  La  librairie  et  le  com- 
merce de  musique  de  Paris  ne  voudront  pas ,  après  avoir  vaincu  la 
contrefaçon  sur  le  terrain  de  la  légalité,  rendre  sa  cause  intéressante 
aux  yeux  des  amis  de  la  littérature  et  des  arts,  en  ôtant  à  ceux  que 
n'a  point  favorisés  la  fortune,  la  possibilité  de  satisfaire  les  appétits  de 
leur  intelligence. 

A.  Z. 


CONSERVATOIRE  DE  MUSIQUE  ET  DE  DÉCLAMATION. 

EXERCICE  DES  ÉLÈVES. 

L'ouverture  de  l' Hôtellerie  portugaise  inaugurait  la  séance,  et  l'exé- 
cution de  cette  admirable  composition,  l'une  des  meilleures  de  l'illustre 
Cherubini,  a  été  fort  satisfaisante.  Le  jeune  orchestre  savait,  en  ce  mo- 
ment, qu'il  était  sur  la  sellette  ;  il  n'avait  pas  à  regarder  les  acteurs 
sur  le  théâtre,  ni  à  s'occuper  de  la  pièce  plus  cjue  de  sa  partie,  et  il  a 
montré  ce  qu'il  pouvait  faire.  Il  fera  bien  plus,  quand  M.  Massart,  ap- 
puyé sur  l'autorité  de  M.  Auber,  aura  mis  en  pratique  son  excellent 
projet  d'organisation  et  de  discipline.  Ce  qui  manquait  à  toute  cette 
milice  juvénile,  qui  avait  trop  l'allure  des  corps-francs,  c'était  un  chef 
permanent,  invariable,  qui  les  connût  par  leur  nom,  aussi  bien  que  par 
leur  talent  et  leur  caractère,  qui  eût  la  volonté  ferme  et  l'habitude  ac- 
quise de  les  mener.  M.  Massart  ayant  accepté  cette  tâche,  il  est  certain 
que  le  corps-franc  se  changera,  dans  peu,  en  troupe  réglée,  et  que 
nous  aurons  un  bon  orchestre  de  plus  à  Paris. 

La  comédie  de  Marivaux  a  été  aussi  bien  jouée  qu'elle  pouvait  l'être 
par  de  très-jeunes  gens.  Le  rôle  de  Sylvia,  dans  le  Jeu  de  l'Amour  et 
du  Hasard,  est  tout  un  abîme  de  finesse,  de  coquetterie,  de  passion 
même.  11  faut  y  avoir  vu  Mlle  Mars  pour  se  douter  de  ce  qu'on  peut  en 
tirer.  Mlle  Arrène  s'y  est  montrée  agréable  de  jeu,  charmante  de  fi- 
gure. Mlle  Valérie  a  aussi  fort  bien  joué  Lisette.  Lesage,  Tuchmann, 
Gilles  de  Saint-Germain,  ont  fait  preuve  de  grande  intelligence  dans  les 
rôles  d'Orgon ,  de  Mario,  de  Pasquin;  quant  au  rôle  de  Dorante. 
Vonoven,  qui  d'ailleurs  donne  beaucoup  d'espoir,  lui  a  imprimé  une 
teinte  trop  prononcée  de  tragédie  :  il  avait  plus  l'air  d'un  Oreste  que 
d'un  jeune  homme  de  la  société. 

L'Irato  n'était  dans  le  principe  qu'une  bouffonnerie,  une  mystifica- 
tion poétique  et  musicale.  Méhul  croyait  de  bonne  foi  parodier,  imiter 
la  musique  italienne  et  baffouer  ses  admirateurs.  Et  ce  qu'il  y  a  de  bon, 
c'est  qu'on  s'y  laissa  prendre  !  Fut-il  jamais  pourtant  de  musique  moins 
italienne  que  celle  de  Ylrato? 

Tous  les  rôles  de  cet  ouvrage  n'étaient  pas  taillés  pour  la  voix  des 
élèves  qu'on  en  avait  chargés.  Ceux  d'Isabelle  et  du  docteur  étaient 
trop  élevés  pour  Mlle  Larcéna  et  Bussine  jeune,  ce  qui  ne  les  a  pas 
empêchés  de  jouer  très-bien.  Beckers  a  une  excellente  tête  de  vieillard 
colère.  Holtzem  chante  bien,  mais  sa  voix  est  faible.  Mlle  Girard  n'avait 
qu'un  bout  de  rôle.  Le  mieux  partagé  de  tous,  c'était  Bonheur,  qui 
s'est  distingué  à  double  titre  dans  le  rôle  de  Scapin. 

Joseph,  au  Conservatoire,  avait  précédé  d'une  année  la  reprise  de 
Joseph  à  l'Opéra-Comique.  L'Jrato  de  l'un  suivra  encore  Ylrato  de 
l'autre,  mais  de  plus  près.  P.  S. 


ASSOCIATION  DES  ARTISTES-MUSICIENS. 

A&scniUEé«  générale. 

Nous  voulions  revenir  sur  la  relation  du  banquet  solennel  qui,  l'autre 
samedi,  réunissait  à  la  même  table  la  grande  famille  des  lettres  et  des 
arts.  Nous  voulions  entrer  dans  les  détails  de  cette  fête,  qui  est  non- 
seulement  celle  d'un  homme,  mais  celle  d'une  institution,  et  communi- 
quer à  nos  lecteurs  une  faible  partie  des  impressions  que  tous  les  assis- 
tants en  ont  emportées.  La  tâche  eût  été  difficile  sans  doute  ;  nous 
n'aurions  pu  donner  qu'une  froide  analyse  de  ces  allocutions  toutes 
remplies  d'un  même  sentiment,  d'une  même  pensée,  et  dont  plusieurs, 
notamment  celles  de  M.  Dauzats ,  compagnon  de  M.  le  baron  /faylor 
dans  ses  voyages  d'Orient;  de  M.  Samson,  ami  de  sa  jeunesse ,  et  de 
M.  Taylor  lui-même,  avaient  tout  l'intérêt  qui  s'attache  aux  mémoires , 
tout  le  charme  qui  respire  dans  les  confidences. 

Aujourd'hui  nous  y  renonçons  non  sans  regret,  parce  qu'une  solennité 
d'un  autre  genre,  l'assemblée  générale  de  l'Association  des  artistes-mu- 
siciens a  eu  lieu  depuis,  et  parce  que  dans  le  compte-rendu  annuel  que 


SIMPLEMENT. 


SUPPLÉMENT. 


DE  PARIS. 


M.  Jules  Simon  y  a  lu  et  présenté,  le  banquet  des  Lettres  et  des  Arts 
a  trouvé  aussi  sa  place;  contentons-nous  donc  de  cette  page  et  de 
nos  souvenirs  pour  ne  nous  occuper  que  d'affaires,  de  chiffres,  de 
scrutin ,  d'élections. 

C'est  lundi  dernier,  à  une  heure,  que  la  grande  séance  s'est 
tenue  dans  la  salle  de  concert,  aux  galeries  Bonne-Nouvelle.  Jamais, 
depuis  la  fondation,  les  Artistes  Musiciens  ne  s'y  étaient  rendus  en 
aussi  grand  nombre  :  on  a  compté  jusqu'à  314  assistants  qui  ont 
entendu  le  rapport.  Parmi  les  membres  des  autres  Associations 
dont  la  présence  a  été  d'abord  signalée  par  le  Président  et  ensuite 
applaudie  par  tout  l'auditoire,  il  faut  citer  MM.  Samson,  Derval, 
Dauzats,  Bochet,  Michel  ;  nous  regrettons  que  les  noms  des  autres 
nous  échappent,  mais  ils  n'ont  pas  échappé  aux  chaleureuses  accla- 
mations des  hôtes  qu'ils  daignaient  visiter. 

Après  le  rapport  dont  tout-à-1'heure  nous  dirons  quelques  mots, 
on  a  procédé  au  tirage  des  douze  noms  qui  devaient  sortir  de  l'urne. 
Le  sort  a  désigné  MM.  Georges  Kastner,  Auber,  Alard,  Tilmant 
aîné,  Battu,  Panseron,  Hubert,  Artus,  Onslow,  Ad.  Adam,  Berlioz 
et  Lebel.  Outre  ces  douze  places,  dont  l'assemblée  avait  légalement 
à  disposer,  il  y  en  avait  une  treizième  vacante  par  le  décès  récent 
de  l'un  de  nos  meilleurs  artistes  et  confrères,  M.  Pascal  Taskin. 
Tous  les  membres  sortants  ont  été  réélus,  à  l'exception  d'un  seul, 
qui  n'a  pas  tout-à-fait  réuni  le  nombre  de  voix  nécessaire.  Ainsi, 
MM.  Auber,  Ad.  Adam,  Onslow,  Berlioz,  Georges  Kastner,  Pan- 
seron, Tilmant,  Alard,  Lebel,  Artus,  Hubert,  sont  de  nouveau 
et  pour  cinq  années,  membres  du  Comité;  M.  Gounod,  l'auteur  de 
Sapho,  y  entre  avec  eux  et  pour  le  même  temps.  M.  Bellon,  élu  le 
treizième,  en  remplacement  de  M.  Taskin,  siégera  pendant  quatre 
années,  comme  l'aurait  fait  celui  dont  il  est  le  successeur. 
Les  membres  de  l'Association,  qui  ont  pris  part  au  scrutin , 


étaient  225,  c'est-à-dire  la  moitié  plus  que  dans  les  élections  des 
premières  années.  M.  Adolphe  Adam,  le  premier  réélu,  a  réuni  188 
suffrages;  M.  Bellon,  le  dernier  élu,  91  ;  ceux  qui  ont  approché 
le  plus,  sont  MM.  Prumier  fils  et  Battu,  qui  ont  obtenu  86  voix 
chacun,  M.  Seghers,  73,  et  M.  de  Mareuse  à  peu  près  autant. 

M.  Bellon,  treizième  élu,  est  un  ancien  premier  prix  de  violon  du 
Conservatoire,  il  a  dirigé  l'orchestre  du  théâtre  de  la  Porte-Saint- 
Martin. 

Pour  la  troisième  fois,  en  trois  années,  le  Comité  avait  chargé 
M.  Jules  Simon  de  rédiger  le  compte-rendu.  C'est  déjà  un  éloge  qui 
pourrait  nous  dispenser  de  tout  autre.  Cependant,  nous  tenons  à 
dire  que  par  la  manière  dont  il  a  présenté  son  troisième  rapport, 
par  le  talent  qu'il  y  a  déployé,  M.  Jules  Simon  s'est  grandement 
exposé  à  être  encore  chargé  d'en  écrire  un  quatrième,  sans  préju- 
dice de  ceux  qui  suivront.  Au  surplus,  nos  lecteurs  en  jugeront  par 
eux-mêmes.  En  étudiant  ce  document  parfaitement  net  et  conscien- 
cieux, ils  se  convaincront  des  progrès  de  l'Association  ;  ils  appré- 
cieront son  action  de  plus  en  plus  salutaire,  de  plus  en  plus  géné- 
rale, et  ne  conserveront  aucun  doute,  s'ils  en  ont  eu  jamais,  sur 
l'avenir  qui  lui  est  réservé. 

Nous  ne  citerons  que  deux  faits.  Les  recettes  réalisées  pendant 
l'année  1851  dépassent  53,000  fr.;  c'est  une  augmentation  de 
11 ,000  fr.  sur  1850,  et  de  31 ,000  fr.  sur  1849.  Les  cotisations  figu- 
rent dans  ce  chiffre  pour  22,000  fr. 

Le  Comité  s'est  vu  dans  la  pénible  nécessité  de  rayer  beaucoup 
de  membres  retardataires  dans  le  paiement  de  leurs  cotisations, 
mais  de  nouveaux  membres  sont  arrivés  en  foule,  et  en  définitive, 
l'équilibre  est  plus  que  rétabli. 

Maintenant,  laissons  parler  le  rapporteur  lui-même,  M.  Jules. 
Simon. 


Messiecbs  et  chers  Camarades, 

Votre  Comité,  persévérant  dans  son  indul- 
gence envers  moi,  a  bien  voulu,  celle  année 
encore ,  me  confier  l'honorable  lâche  de  vous 
exposer  le  résumé  de  ses  travaux  el  de  soumettre 
à  vos  appréciations  les  résultais  qu'il  a  pu  réa- 
liser pendant  le  cours  de  l'exercice  1851-1852. 

Le  choix  unanime  de  mes  collègues  me  Datte 
infiniment;  il  m'impose  un  devoir  si  doux,  si 
facile  à  remplir,  que  je  l'aurais  ambitionné  si  je 
m'en  étais  cru  le  plus  digne.  Aussi ,  consultant 
plutôt  les  affections  de  mon  cœur  que  les  facul- 
tés de  mon  esprit,  ai-je  accepté  avec  un  pro- 
fond sentiment  de  reconnaissance  la  mission  qui 
m'était  offerte  de  vous  entretenir  des  intérêts 
d'une  institution  qui  nous  est  chère  à  tous; 
d'une  institution  appelée  peut-être  à  transformer 
complètement  les  relations  physiques,  morales 
et  intellectuelles  de  l'arl  et  des  artistes  avec  la 
société;  d'une  institution  où  toutes  les  généro- 
sités, tous  les  dévouements  trouvent  si  large- 
ment à  se  répandre;  d'une  institution ,  enfin, 
belle  déjà  par  ses  bienfaits  passés  el  ses  bien- 
faits présents;  plus  belle  encore  par  les  vastes 
espérances  dont  elle  est  le  solide  fondement 
pour  l'avenir. 

Votre  Comité,  et  je  crois  être,  en  ceci  surtout, 
son  fidèle  interprète,  est  heureux  de  se  présen- 
ter chaque  année  devant  vous.  Sûr  de  n'avoir 
point  failli  au  mandat  qu'il  lient  de  vos  suffra- 
ges, c'est  toujours  avec  une  entière  confiance 
qu'il  vient  retremper  sa  force  dans  votre  appro- 
bation et  régénérer  son  influence  progressive 
et  moralisatrice  dans  vos  sympathiques  encou- 
ragements. La  mission  du  Comité  de  l'Associa- 
tion des  Artistes  Musiciens,  mes  chers  Cama- 
rades, est  d'autant  plus  honorable  qu'elle  s'ap- 
puie sur  le  désintéressement  le  plus  absolu;  son 
unique  envie,  son  unique  ambition  est  de  réa- 
liser le  plus  immédiatement  possible  tout  le  bien 
qui  doit  infailliblementdècouler  de  l'application 
de  nos  féconds  principes;  toutefois,  il  serait 
souverainement  injuste  de  peser  ses  actes  dans 
la  balance  étroite  des  intérêts  purement  actuels  ; 
il  vous  faut,  si  vous  voulez  les  juger  èquitable- 
ment,  vous  placer  assez  haut  pour  embrasser 
l'œuvre  de  l'Association  d'un  seul  regard,  non 


seulement  dans  ses  développements  acquis  ; 
mais  encore,  mais  surtout,  dans  ses  développe- 
ments futurs. 

Et  puis,  la  route  où  nous  marchons,  et  où  les 
vœux  de  tant  de  cœurs  généreux  nous  accompa- 
gnent, bien  qu'elle  conduise  au  plus  noble  des 
buts,  n'en  est  pas  pour  cela  sansècueils;  heu- 
reusement, notre  Association  porte  en  elle  une 
puissante  vitalité  ;  rien  ne  peut  l'arrêter  dans  sa 
marche  constante  ;  elle  triomphera  de  tous  les 
obstacles  qu'on  lui  oppose  ou  qu'on  serait  tenté 
de  lui  opposer,  car  ces  obstacles,  essentiellement 
passagers  et  fragiles,  ne  sauraient  tenir  qu'à  des 
influences  de  positions  individuelles  qui  s'effa- 
cent d'elles-mêmes  devant  les  grands  intérêts 
que  vous  nous  avez  chargés  de  servir  et  de  dé- 
fendre. 

J'arrive,  mes  chers  Camarades,  à  l'énumèra- 
tion  des  faits  que  vous  attendez  sans  doute  avec 
impatience. 

Rien,  chez  les  esprits  d'élite,  n'est  conlagieux 
comme  l'exemple  du  bien  :  l'Association ,  en 
grandissant  et  en  semant  autour  d'elle  les  bien- 
faits el  les  consolations ,  donne  lieu  chaque  jour 
à  de  nouveaux  actes  de  générosité  : 

Afin  de  remplir  l'un  des  vœux  suprêmes 
de  son  époux,  Mma  Tranchant  adresse  à  votre 
Comité  un  tilre  de  rente  de  10  fr.  à  3  %  trans- 
féré au  nom  de  l'Association. 

Le  jour  même  de  notre  dernière  assemblée 
générale,  l'un  de  nos  collègues,  M.  Hubert, 
assisté  de  MM.  Jacques  Mathieu  et  Edouard 
Kcnaud,  organise,  pendant  une  soirée  donnée 
par  lui,  une  quête  au  profit  de  l'Association  ; 
elle  rapporte  une  somme  de  180  fr. 

M.  Saint-Arod,  maître  de  chapelle  du  Roi 
de  Sardaigne,  verse  dans  notre  caisse  une  somme 
do  100  fr.  sur  la  recette  de  sa  messe  de  Rome 
exécutée  à  Marseille. 

M.  Foulon  et  quelques  membres  de  l'Union 
"Wilhemienne,  à  l'occasion  du  banquet  annuel 
de  Saint-Hubert,  provoquent  une  collecte  au 
profit  de  l'Association  des  Artistes  Musiciens 
dont  le  produit  figure  à  nos  recettes  pour  une 
somme  de  131  fr. 

La  vil  le  de  Brest,  après  une  exécution  du  Désert 
de  M.  Félicien  David,  nous  envoie,  avec  un 
grand  nombre  d'adhésions  nouvelles,  une  som- 
me de  200  fr.  L'organisation  de  ce  concert  est 
due  à  MM.  Méquet,  directeur  du  théâtre,  et 


Grassau,  chef  d'orchestre.  Ce  dernier  continue 
dignement  à  Brest  les  fonctions  de  délégué  qu'il 
remplissait  avec  tant  de  zèle  à  Rouen.  Dans  cette 
circonstance,  comme  toujours,  MM.  Méquet  et 
Grassau  se  sont  montrés  entièrement  dévoués 
aux  intérêts  de  l'Associatjon.  Qu'ils  en  soient 
tous  deux  cordialement  remerciés. 

M""  Coche,  professeur  de  piano  au  Conserva- 
toire, zélatrice  aimable  et  chaleureuse  de  nos 
idées,  nous  fait  chaque  jour  de  nouveaux  adep- 
tes; non  contente  de  travailler,  en  vue  de  l'art 
et  de  la  bienfaisance,  à  la  propagation  de  notre 
œuvre,  et  de  convertir  les  Artistesà  nos  princi- 
pes en  leur  en  démontrant  l'excellence,  elle 
manifeste  le  vœu  de  participer  plus  directement 
aux  travaux  de  votre  Comité,  et  met  à  notre 
disposition ,  en  faveur  d'une  fille  pauvre  de 
l'Association,  son  talent,  son  expérience  et  ses 
conseils.  Le  noble  désir  de  Mrne  Coche  a  trouvé 
immédiatement  à  se  satisfaire. 

Comme  tous  ceux  dont  le  cœur  a  soif  de  sacri- 
fice et  de  dévouement,  comme  tous  ceux  dont 
l'esprit  s'alimente  à  la  source  des  généreuses 
pensées,  et  ceux-là,  Dieu  merci,  sont  nombreux 
parmi  vous,  M™c  Coche  a  supérieurement  com- 
pris l'esprit  de  notre  institution.  Bien  plus 
jalouse  d'ensemencer  le  bien  dans  l'intérêt  géné- 
ral des  Artistes  que  d'en  recueillir  personnelle- 
ment les  fruits;  ce  qu'elle  désire,  ce  qu'elle 
veut,  ce  qu'elle  demande;  ce  ne  sont  point  des 
droits  à  exercer,  ce  sont  des  services  à  rendre, 
du  bien  à  faire  et  des  devoirs  à  remplir. 

Par  l'intermédiaire  de  notre  collègue  Labro 
aîné,  M.  Roquemont  dépose  sur  notre  bureau 
la  partition  et  les  parties  d'orchestre  de  l'ouver- 
ture d'Alhalie  de  Mendelsohn  ,  enrichissant 
ainsi  d'une  œuvre  remarquable  les  archives 
de  l'Association.  11  est  à  vivement  désirer  que 
l'exemple  de  M.  Roquemont  trouve  parmi  les 
Artistes  un  grand  nombre  d'imitateurs. 

M.  Maillard,  Artiste  de  l'Opéra-Comique, 
abandonne  à  l'Association  le  montant  de  ses 
jetons  de  présence  à  laSocièlède  Sainte  Cécile. 

M.  Perrot,  Artiste  de  l'Opéra,  fait  hommage 
aux  Sociétés  artistiques  d'une  messe  à  grand 
orchestre  de  sa  composition. 

M™  Dalty,  de  Marseille,  donne  5  fr. 

La  compagnie  de  pompiers  de  la  même  ville 
donne  20  fr. 

M.   Edmond  Séveste,  directeur  du  troisième 


166 


GAZETTE  MUSICALE 


théâtre  lyrique,  introduit  dans  le  texte  des  en- 
gagements des  Artistes  de  l'orchestre  et  des 
chœurs  de  ce  théâtre  une  clause  spéciale  exi- 
geant d'eux  qu'ils  fassent  partie  de  l'Association 
des  A  rtistes  Musiciens  ;  cette  clause,  vous  devez 
le  penser,  n'a  trouvé ,  à  de  rares  exceptions 
près,  que  des  approbateurs  et  des  adhérents, 
et  tout  le  monde  en  a  su  gré  à  son  auteur. 

Douze  entrées  au  théâtre  lyrique  sont,  en 
outre,  mises  à  la  disposition  de  votre  Comité. 
Nos  remerciments  sont,  hélas!  un  peu  tardifs: 
M.  Edmond  Séveste  a  cessé  de  vivre;  nous  les 
adressons  à  sa  mémoire.  Remercions  aussi  M. 
Jules  Séveste,  son  frère,  qui  lui  a  succédé  dans 
la  direction  du  théâtre,  et  qui,  lui  aussi,  s'est 
montré  pour  nous  très  sympathique  et  très  bien- 
veillant. 

Le  directeur  de  la  Porte  -  Saint  -  Martin  , 
M.  Marc  Fournier,  exige  aussi  de  ses  Musiciens 
qu'ils  fassent  partie  de  l'Association  ;  il  verse 
en  outre  les  amendes  encourues  par  eux  dans 
notre  Caisse  de  secours. 

Mue  Pouilley  éternise  sa  cotisation  en  versant 
un  capital  de  120  fr. 

M. et  M""'Daigred'Alger,  enagissentdemème. 
Tous  ceuxd'entre  nous  qui  pourraienlsuivre  cet 
exemple  sans  s'imposer  trop  de  gène,  feraient 
bien  de  le  faire,-  c'est  un  moyen  sûr  de  tourner 
au  profit  de  l'Association  les  éventualités  qui  la 
lèsent,  telles  que  les  départs,  les  négligences, 
les  revirements  de  fortune  et  d'opinion,  et  sur- 
tout, les  chances  de  la  mortalité. 

M""  Thérèse  Jaurès,  qui  répond  toujours  avec 
tant  d'empressement  au  vœu  du  Comité,  et  qui 
a  accepté  bien  des  fois  les  fonctions  de  dame 
quêteuse  dans  nos  solennités,  offre  à  la  biblio- 
thèque de  l'Association  trois  morceaux  de  mu- 
sique de  sa  composition. 

M.  Delaunay,  de  Lille,  nous  adresse  quinze 
exemplaires  de  l'une  de  ses  productions  mu- 
sicales. 

M.  le  docteur  Lemarchand  soigne  gratui- 
tement l'un  de  nos  malades. 

MM.  Charles  Alphonse  Guilbert  et  Janin, 
docteurs-médecins ,  sollicitent  et  obtiennent 
l'honneur  de  faire  partie  de  votre  Conseil  mé- 
dical. Heureux  de  concourir  à  nos  efforts,  ils 
consacrent  leurs  lumières  et  leur  temps  à  l'a- 
doucissement de  vos  souffrances. 

MM.  Andrieux,  docteur-médecin, et  Gessart, 
pharmacien  de  Saint-Denis,  offrent,  l'un,  ses 
soins  gratuits,  l'autre  des  médicaments  à  prix 
réduits,  en  faveur  de  nos  sociétaires  de  celte 
ville. 

M.  Kriegelstein,  facteur  de  pianos,  nous  au- 
torise à  disposer,  pour  nos  concerts,  de  l'un  de 
ses  instruments;  le  zèle  tout  désintéressé  que 
nous  témoignent  depuissi  long-temps  MM.  Erard 
et  Pleyel  ,  ne  nous  permet  pas  de  mettre  à 
profit  l'offre  généreuse  de  M.  Kriegelstein,  que, 
néanmoins,  nous  croyons  devoir  signaler  à  votre 
reconnaissance. 

Le  Comité  de  l'Association  des  Artistes  dra- 
matiques, offre  au  Comité  des  Artistes  Musi- 
ciens, la  collection  des  excellents  rapports  de 
M.  Samson.  Outre  que  ces  comptes-rendus  pré- 
sentent dans  leur  ensemble  l'historique  fidèle  de 
l'aînée  des  quatre  associations  fondées  successi- 
vement par  M.  le  baron  Taylor  ;  ils  sont  encore 
précieux,  en  ce  qu'ils  sont  autant  de  modèles  du 
genre  que  nos  rapporteurs  ne  consulteront  ja- 
mais sans  fruit. 

Notre  collègue,  M.Kaslner,  fait  don  à  lAs- 
sociation  de  son  remarquable  travail  intitulé 
«  Manuel  général  de  la  musique  militaire  «  , 
ouvrage  où  sont  formuléesdepuis  long-temps  déjà 
les  principales  améliorations  que  réclame  encore 
l'organisation  actuelle  des  musiques  de  régi- 
ments. 

MM.  Devaux  père  ,  Zimmerman  et  Henri 
Gauthier,  tous  trois  membres  de  votre  Comité, 
voulant  témoigner  la  reconnaissance  de  l'As- 
sociation aux  enfants  de  chœur  qui  ont 
concouru  avec  tant  d'empressement  et  de  zèle 
à  l'exécution  de  la  messe  de  Requiem .  de 
M.  Beaulieu,  les  font  sociétaires  et  acquittent 
leur  première  année  de  cotisation.  Voilà,  certes, 
un  service  bien  dignement  reconnu  ;  une  œuvre 
touchante  d'intelligente  charité.  Nous  éprouvons 
un  véritable  bonheur   à  porter  ce  fait  à   votre 


connaissance  ;  ces  enfants  sont  jeunes  encore;  il 
se  peut  qu'ils  ne  sentent  pas  aujourd'hui  tout 
le  prix  d'une  telle  action  ;  mais  un  jour,  peut- 
être,  quand  l'âge  et  le  travail  auront  sillonné 
leur  front  et  blanchi  leurs  cheveux,  ils  béniront 
au  milieu  de  leurs  enfants,  le  souvenir  de  leurs 
premiers  bienfaiteurs;  déjà  l'un  d'eux,  le  jeune 
Martin,  s'etant  blessé  à  la  jambe  dans  les  écha- 
fauds  élevés  à  Saint-Eustache  pour  des  travaux 
de  réparation,  a  pu  apprécier  toute  la  portée  de 
l'acte  généreux  de  nos  collègues. 

M.  Kastner  double  un  secours  mensuel  de 
10  fr.  voté  en  faveur  d'un  Sociétaire  de  Stras- 
bourg; il  fait  membre  de  l'Association,  en  ac- 
quittant sa  première  année  de  cotisation,  la 
femme  d'un  ancien  Musicien  atteint  d'une  in- 
curable maladie. 

M.  Zimmerman  ajoute  5  fr.  par  mois  au  se- 
cours accordé  à  un  vieil  et  intéressant  Artiste. 
M.  Artus,  notre  collègue,  ajoute  aussi  5  fr. 
pendant  plusieurs  mois,  au   secours  mensuel 
d'une  pauvre  veuve. 

M.  Henri  Gauthier,  l'un  de  nos  collègues  les 
plus  zèles  et  les  plus  bienfaisants,  non  content 
d'avoir  mis  à  la  disposition  du  Comité  une 
certaine  somme,  pour  être,  chaque  mois, 
distribuée  en  secours,  solde  l'arriéré  de  deux 
vieux  Artistes,  dont  l'un  ètaitsur  le  pointd'en- 
courir  la  radiation,  et  augmente  de  5  fr.  pen- 
dant les  mois  d'hiver  les  secours  mensuels  de 
quatre  de  nos  plus  infortunés  Sociétaires.  Tout 
récemment  encore,  notre  Président,  ayant  ob- 
tenu, en  faveur  d  une  pauvre  femme  membre 
de  l'Association,  un  secours  de  50  fr.  de  M.  le 
ministre  de  l'intérieur,  M.  Henri  Gauthier  en 
fait  l'avance,  et,  lorsque,  les 50  fr.  étant  arrivés 
du  ministère,  la  personne  destinataire  vient  les 
remettre  à  M.  Gauthier,  celui-ci  refuse  de  les 
recevoir  :  heureux  ceux  qui  font  un  aussi  bel 
usage  du  pouvoir  qu'ils  ont  reçu  du  ciel  de  pra- 
tiquer si  largement  le  bien. 

Notre  bon  collègue,  M.Triébert,  ne  promet  son 
concours  aux  organisateurs  du  concert  donné  au 
palais  de  Versailles,  le  jeudi  1 3  de  ce  mois,  qu'à 
la  condition  expresse  qu'une  somme  de  100  fr. 
sera  prélevée  sur  la  recette  et  versée  dans  la 
Caisse  de  secours  et  pensions  des  Artistes  Mu- 
siciens. 

M.  Triébert  a  pris  là  l'initiative  d'une  ex- 
cellente mesure,  i.es  concerts  de  bienfaisance 
vont  se  multipliant;  les  Artistes  Musiciens  sont 
heureux  sans  doute  de  participer  à  tant  d'oeu- 
vres charitables,  mais  enfin,  eux  aussi,  ils  ont 
une  Société  de  hienfaisance  qui  organise  des 
concerts,  et  à  laquelle  ils  se  doivent  avant  tout; 
cela  est  si  juste  que  déjà  plusieurs  Sociétés 
l'ont  spontanément  compris;  donc,  nous  avons 
lieu  de  l'espérer,  le  cas  particulier,  l'exception 
que  nous  venons  de  vous  signaler  deviendra 
bientôt  la  règle  générale. 

Enfin,  à  l'occasion  du  Te  Veum  chanté  à  l'é- 
glise Notre-Dame  au  mois  de  janvier  dernier, 
notre  collègue,  M.  Ad.  Adam,  nous  envoie  200  fr. 
prélevés  sur  la  somme  que  M.  le  ministre  de 
l'intérieur  lui  a  allouée  à  titre  d'indemnité  per- 
sonnelle. 

A  ces  marques  de  sympathie,  à  ces  encoura- 
gements qui  nous  viennent  de  toutes  parts,  à  ces 
bonnes  œuvres  qni  proclament  si  hautl'ulilitéde 
l'Association,  viennent  se  joindre  les  progrès  de 
toute  nature,  qu'elle  réalise  incessamment  soit 
à  Paris,  soit  dans  les  provinces. 

Sous  l'impulsion  du  Comilè  de  Marseille,  un 
Comité  nouveau  est  fondé  à  Nîsmes  par  les  soins 
de  MM  Rouais,  Marteau  et  Fonseca;  le  secré- 
taire de  ce  Comité,  M.  Nicot,  nous  envoie  plus 
de  cent  adhésions,  et  nous  annonce  dans  une 
lettre  chaleureuse,  qu'il  se  dispose  à  lancer  dans 
le  département  du  Gard  un  écrit  qui,  infailli- 
blement, doit  attirer  à  nous  tous  les  hommes 
d'intelligence  et  de  cœur  :  «  nous  dépenserons 
»  toutes  les  forces  de  la  plus  active  charité,  nous 
»  dit  M.  Nicot  dans  celte  lettre,  à  la  propa- 
»  gation  et  à  la  prospérité  d'une  œuvre  qui  a 
»  grandi  et  grandira  toujours  comme  tout  ce 
»  esl  beau  et  bien.  «  Laissez -nous  l'espérer, 
»  ajoute- t-il  plus  loin,  la  ville  de  Nîsmes  figu- 
»  rera  bientôt  au  nombre  des  plus  dévouées  à 
d  l'Association.  »  Emule,  dès  son  origine,  du 
Comité  de  Marseille,  qui  lui  a  communiqué  son 
esprit  de  persévérance  et  de  prosélytisme,  le 
Comité  de  Nismes,  n'en  doutez  pas,  marchera 


sur  ses  traces  et  fera  des  prodiges  ;  déjà,  un 
projet  immense,  né  dans  la  pensée  de  l'un  des 
hommes  à  qui  l'Association  doit  le  plus,  préoc- 
cupe vivement  nos  correspondants  du  midi  :  il 
s'agit  d'un  gigantesque  festival,  qui  serait  donné 
dans  les  Arènes  de  Nismes.  Si,  comme  tout  au- 
torise à  l'espérer,  les  efforts  combinés  des  deux 
Comités  des  Bouches-du-Khône  et  du  Gard 
parviennent  un  jour  à  réaliser  ce  projet,  jamais 
solennité  musicale  plus  imposante  n'aura  eu 
pour  théâtre  un  monument  plus  grandiose  et 
des  spectateurs  plus  nombreux. 

A  La  Rochelle ,  un  nouveau  Comité  se  fonde 
et  réunit  en  peu  de  jours  environ  200  adhésions 
nouvelles. 

M.  Beaulieu,  toujours  dévoué  à  nos  communs 
intérêts,  fonde  à  Niort  un  comité  correspon- 
dant ;  il  nous  présente,  en  outre,  un  Artiste  dont 
le  zèle  égale  le  talent,  M.  Farge,  que,  sur  sa  de- 
mande, le  Comité  central  investit  du  pouvoir 
d'organiser  un  comité  dans  la  ville  de  Limoges. 

Par  les  soins  de  nos  collègues,  MVi.  Charles 
Debez  et  Devaux,  le  Cercle  musical  des  Ama- 
teurs nous  procure  onze  nouveaux  Sociétaires. 

M.  Raillard,  l'un  deux,  souscrit  pour  une  co- 
tisation annuelle  de  12  fr.  et  verse  6  fr.  de  pre- 
mière mise. 

Un  autre  Membre  du  Cercle  ,  M.  le  marquis 
de  Louvencourt,  souscrit  aussi  pour  une  cotisa- 
tion annuelle  de  12  fr.  et  verse  20  fr.  de  pre- 
mière mise. 

M.  Delcroix  donne  également  20  fr.  de  pre- 
mière mise. 

M  Baumal ,  présenté  par  notre  collègue 
M.  Proust,  en  adhérant  à  nos  statuts,  effectue 
un  premier  versement  de  40  fr.,  dont  20  fr.  à 
titre  de  première  mise.  Grâce  aux  soins  de  ce 
dernier,  un  comité  correspondant  fonctionne 
aujourd'hui  à  Lons-le-Saulnier. 

Il  en  est  de  même  à  Avignon  et  à  Courthezon, 
grâce  à  l'impulsion  toujours  agissante  de  nos 
collègues  de  Marseille. 

M.  Caussinus  continue  à  remplir  avec  zèle  les 
fonctions  de  correspondant  pour  la  ville  de 
Varzy. 

A  Clamecy,  M.  Marcelot,  professeur  de  mu- 
sique, a  bien  voulu  accepter  les  mêmes  fonc- 
tions. 

A  Chàlons-sur-Marne,  M.  le  maire  de  la  ville 
sollicite  et  obtient  de  nous  le  mandat  de  délégué. 

A  Metz,  ville  où  les  beaux-arts,  la  musique 
surtout,  sont  cultivés  avec  amour,  un  comité 
provisoire  s'est  aussi  organisé.  M.  Dalmont,  son 
secrétaire,  s'occupe  activement  de  nos  intérêts. 

A  Nancy,  de  graves  difficultés  surgissent 
tout-à-coup  :  une  association  locale,  l'Union 
des  Arts,  paraît  vouloir  s'élever  en  face  de  la 
nôtre;  heureusement,  le  Comité  de  Nancy, 
présidé  par  l'un  de  nos  plus  anciens  et  de  nos 
plus  zélés  collègues,  M.  Hormille,  comité  dont 
vous  avez  pu  déjà  apprécier  les  travaux  impor- 
tants, combat  sous  nos  drapeaux  avec  une  per- 
sistance et  une  vigueur  dignes  de  la  noble  cause 
qu'il  défend.  Tout  nous  fait  désirer,  tout  nous 
faitcroire,  que, mieux  éclairés  sur  leurs  propres 
intérêts,  les  Artistes  dissidents  de  la  ville  de 
Nancy  se  rallieront  à  nous,  et  comprendront 
qu'on  ne  peut  qu'affaiblir  une  force  collective 
toutes  les  fois  que,  désagrégeant  les  éléments 
qui  la  composent,on  attente  à  son  unité. 

Des  discussions  fâcheuses,  nées  d'insinuations 
malveillantes  et  gratuites,  ont  un  instant  inter- 
rompu les  bonnes  relations  qui  existent  entre 
nous  etleComitécorrespondant  de  Troyes.  Cela 
était  d'autant  plus  regrettable,  que  nos  rapports 
aveclesArtistes  de  Troyes  avaientpris  naissance 
sous  les  plus  favorables  auspices,  lors  du  grand 
festival  donne  dans  cette  ville  au  mois  de  juin 
de  l'an  dernier,  par  l'Association  des  Artistes 
Musiciens.  Nous  sommes  heureux,  en  vous  si- 
gnalant cette  légère  discussion,  de  vous  appren- 
dre que,  grâce  à  l'intervention  officieuse  de 
M.  le  maire,  Ferrand  Lamotte,  et  de  M.  de 
Bancel,  préfet  de  l'Aube,  les  difficultés  se  sont 
applanies,  et,  vraisemblablement,  ne  se  repro- 
duiront plus  à  l'avenir. 

Le  Comité  de  Lille,  et  particulièrement  son 
secrétaire,  M.  Sautais,  continue  à  servir  les  in- 
térêts de  l'Association  avec  un  zèle  digne  des 
plus  grands  éloges  :  Dans  le  cours  de  l'exercice 


DE  PAWS. 


167 


qui  vient  de  s'écouler,  bon  nombre  de  nouvelles 
souscriptions  nous  sont  venues  de  cette  ville; 
ce  n'est  pas  l'unique  preuve  que  nous  ayons 
acquise  de  la  sympathie  des  artistes  Lillois  pour 
notre  bienfaisante  institution. 

Beaucoup  de  Musiciens  militaires  nous  ont 
apporté  leurs  adhésions. 

Un  grand  nombre  de  noms  influents  pàrmiles 
Artistes  Musiciens  sont  venus  s'ajouter  à  la  liste 
de  nos  sociétaires. 

Votre  Comité  a  reçu  avec  beaucoup  de  regret 
la  démission  de  l'un  des  fondateurs  de  l'Associa- 
tion, M.  Meifred.  lia  élu  pour  le  rrtnplacerun 
artiste  dévoué  à  notre  œuvre,  M.  Edouard 
Batiste,  professeur  au  Conservatoire. 

Plusieurs  journaux  de  la  province  ont  publié 
sur  notre  Association,  des  articles  très  recom- 
mandâmes où  l'on  trouve,  au  double  point  de  vue 
de  l'art  et  de  la  philanthropie,  des  considérations 
élevées  et  des  appréciations  pleines  de  justesse. 
L'un  d'eux,  le  Glaneur  d'Amiens,  a  spontané- 
ment reproduit  des  extraits  de  notre  rapport  de 
l'an  dernier.  Sans  vouloir  attacher  à  ce  fait  plus 
d'importance  qu'il  ne  faut,  nous  pensons  qu'il 
ajoute  au  témoignage  de  tant  d'autres,  pour 
vous  convaincre  que  notre  œuvre  généreuse 
excite  partout  l'intérêt  des  gens  de  bien ,  et  que 
chaquejourdilatede  plus  en  plus  le  cercle  de  son 
créditetde  son  influence.  Nier  aujourd'hui  l'op- 
portunité, l'efficacité,  disons  plus,  la  nécessité  de 
l'Association  des  Artistes  Musiciens,  ce  serait 
nier  la  lumière  elle-même;  aussi ,  partout  où 
pénètrent  nos  idées,  elles  trouvent  d'ardents 
apôtres  et  des  apologistes  éclairés  ,  et  l'opinion 
publique  ne  tarde  pas  à  se  prononcer  ouverte- 
ment en  sa  faveur. 

Une  autre  preuve  de  nos  progrès,  et  la  plus 
péremptoire  peut-être,  se  trouve  dans  le  nom- 
bre toujours  croissant  de  nos  sociétaires.  Vous 
savez  déjà  que  l'an  dernier,  par  décision  prise 
après  mûre  et  sérieuse  délibération,  décision 
portée  à  votre  connaissance  par  des  avis  sans 
cesse  réitérés,  le  Comité,  se  basant  sur  les  indi- 
cations à  lui  fournies  par  une  Commission  nom- 
mée à  cet  effet,  a  dû  procéder  enfin  à  la  radia- 
tion définitive  de  ceux  des  membres  de  l'Asso- 
ciation qui ,  étant  en  retard  dans  ie  versement 
de  leur  cotisation,  n'auraient  pas  acquitté  leur 
arriéré,  soit  en  un  seul,  soit  en  plusieurs  verse- 
ments, avant  l'expiration  du  mois  de  décembre 
1851. 

Beaucoup  d'Artistes  ont  entendu  notre  appel 
et  se  sont  mis  aussitôt  en  mesure  contre  l'ex- 
clusion dont  ils  étaient  menacés  :  beaucoup 
d'autres,  nous  le  constatons,  hélas!  avec  regret, 
ont  cru  devoir  persévérer  jusqu'à  la  fin  dans 
leur  négligence  ou  leur  aveuglement.  Quelque 
pénible,  quelque  douloureux  qu'ait  été  ce  travail 
des  radiations,  c'était  un  devoir  que  nous  de- 
vions remplir  et  nous  l'avons  rempli.  Il  eût  été 
profondément  injuste  de  conserver  plus  long- 
temps l'exercice  des  droits  qu'assure  le  titre  de 
sociétaire  à  des  hommes  qui  refusent  obstiné- 
ment de  remplir  les  faibles  devoirs  attachés  à  ce 
titre.  L'opération  relative  à  la  radiation  des 
sociètaii  es  retardataires  a  constaté  :  1°  69  comp- 
tes nuls,  soit  par  double  emploi  ou  par  toute 
autre  cause;  2°  194  décès;  et  enfin,  3°  1432 
radiations. 

Mais  tandis  que  s'accomplissait  cette  mesure 
de  justice  et  d'équité,  peut-être  même  à  cause 
de  cette  mesure,  la  confiance  publique  semblait 
se  raviver;  nos  doctrines  généreuses  et  frater- 
nelles, enfin  mieux  comprises  des  Artistes  Mu- 
siciens, nous  gagnaient  chaque  jour  de  nou- 
veaux souscripteurs,  de  telle  sorte  qu'aujour- 
d'hui, en  récapitulant,  on  trouve,  comme  vous 
allez  vous  en  convaincre  tout  à  l'heure,  que  le 
nombre  des  sociétaires  inscrits  depuis  le  1er  jan- 
vier 1851  jusqu'au  15  avril  1852,  balance  au 
moins  le  nombre  des  exclus. 

Au  commencement  de  l'année  1851,  l'Asso- 
ciation comptait  3878  sociétaires.  Au  1"  jan- 
vier 1852,  elle  en  comptait  5172,  ce  qui  constate 
1294  adhésions  nouvelles  Depuis  le  1"  janvier 
jusqu'au  15  avril  de  l'année  courante,  301  noms 
sont  venus  grossir  nos  listes,  ce  qui  porte  à 
1595  le  nombre  d'adhérents  acquis  depuis  le 
1"  janvier  1851  ,  c'est-à-dire  depuis  quinze 
mois.  Vous  avez  vu  plus  haut  que  le  chiffre  des 
radiations  n'était  que  de  1432;  il  en  résulte  que 
l'Association,  malgré  les  trop  nombreuses  dé- 


chéances qu'elle  a  dû  prononcer,  compte,  dans 
le  fait,  163  membres  de  plus  qu'au  1"  janvier 
1851. 

Nous  ne  cherchons  pas  à  nous  le  dissimuler, 
ces  progrès  constants,  en  ajoutant  chaque  jour 
à  la  difficulté  de  notre  tache,  exigent  de  nous 
un  dévouement  plus  complet  ;  nous  n'ignorons 
pas  qu'elle  est  bien  grave,  la  responsabilité  qui 
pèse  sur  chacun  de  nous  ;  cependant,  nous  n'hé- 
sitons pas  à  l'accepter.  Guidés  par  notre  infati- 
gable Président,  forts  de  vos  suffrages,  sûrs  de 
votre  concours  et  de  vos  sympathies,  nous  sau- 
rons, n'en  douiez  pas,  mettre  notre  zèle  et  notre 
activité  au  niveau  des  obligations  que  notre 
mandat  nous  impose. 

L'été  dernier,  les  Artistes  de  l'orchestre  du 
théâtre  de  la  Porle-Saint-Martin,  éprouvant  un 
long  retard  dans  le  paiement  de  leurs  appointe- 
ments, se  disposent  à  refuser  le  service  si,  le 
soir  même,  l'administration  ne  satisfait  pas  à 
leur  juste  réclamation.  L'intervention  de  notre 
Président,  celle  de  notre  collègue  Wacquez, 
dont  l'influence  a  été  très  salutaire  dans  cette 
affaire,  obtiennent,  d'une  part,  que  les  Artistes 
n'infirmeront  pas  leurs  droits  ultérieurs  en  as- 
sumant sur  eux  la  responsabilité  d'un  tel  fait, 
et,  d'autre  part,  que  la  direction  leur  versera 
immédiatement  un  à-compte  de  300  fr.  Quel- 
ques jours  après,  le  théâtre  fermait  ses  portes 
ne  laissant  aux  Artistes  qu'une  assez  forte 
créance  dénuée  de  toute  sérieuse  garantie. 
Devant  ces  faits  qui  se  reproduisent,  hélas!  trop 
souvent,  le  Comité  ajoute  aux  300  fr.  obtenus 
de  l'administration,  une  somma  de  600  fr.  qu'il 
vole  à  titre  d'indemnité  en  faveur  de  nos  Cama- 
rades sans  emploi. 

On  s'est  quelquefois  étonné  que,  dans  toutes 
les  circonstances  analogues  à  celles  dont  nous 
venons  de  parler,  le  Comité  conseillât  aux  Ar- 
tistes de  ne  jamais  refuser  le  service  au  moment 
de  commencer  soit  une  représentation  ,  soit  un 
bal,  soit  un  concert;  cependant,  rien  de-  plus 
raisonnable,  rien  de  plus  logique,  rien  même 
qui  soit  plus  dans  les  véritables  intérêts  des 
Musiciens.  Nous  comprenons,  à  la  rigueur,  que 
l'Artiste  isolé,  n'ayant  pour  toute  arme  qu'un 
droit  devenu  illusoire,  parce  que  l'épuisemeut 
de  ses  ressources  ne  lui  permet  pas  de  l'exercer, 
puisse  recourir  à  ces  moyens  extrêmes  ;  mais  en 
est-il  ainsi  de  l'Artiste  membre  de  l'Associa- 
tion? Nous  n'hésilons  pas  à  répondre  :  non.  Non, 
celui  que  des  liens  solidaires  unit  à  notre  grande 
famille,  celui  qui,  malgré  tout,  est  certain  de 
trouver  dans  une  institution  protectrice  la  dé- 
fense légale  de  ses  intérêts,  et  qui,  même  devant 
l'insolvabilité  absolue  de  ses  débiteurs,  est  sûr 
d'être,  sinon  complètement  désintéressé,  au 
moins  largement  indemnisé,  ne  peut  pas,  ne 
doit  pas  agir  en  ce  sens  :  lorsqu'on  demande 
justice,  il  faut,  autant  que  possible,  n'avoir  mis 
aucun  tort  de  son  côté;  nos  fautes,  en  ce  cas, 
atténuent  d'autant  celles  dont  nous  avons  à 
nous  plaindre.  Si  cette  vérité  n'était  pas  évi- 
dente d'elle-même,  nous  ne  serions  pas  embar- 
rassés de  vous  citer  des  faits  qui  la  confirment; 
ainsi,  dans  l'affaire  relative  aux  Artistes  du  bal 
d'Asnières,  affaire  dont  le  plein  succès  doit  être 
attribué  aux  efforts  de  M'  Lan,  notre  infatiga- 
ble agréé,  des  1300  fr.  que,  sur  déclaration  du 
juge  commissaire,  le  syndic  de  la  faillite  devait 
verser  entre  les  mains  du  chef  d'orchestre  , 
M.  Denault,  ont  été  distraits  200  fr.  à  titre  de 
dommages-intérêts  en  raison  des  dégâts  commis 
dans  le  parc  par  un  public  turbulent  qu'avaient 
mécontenté  les  Musiciens,  en  refusant  de  mon- 
ter à  l'orchestre  au  moment  de  commencer  le 
bal. 

Les  limites  dans  lesquelles  s'exerce  notre 
action  salutaire  vont  sans  cesse  en  s'élargissant. 
De  Marseille  à  Lille,  de  Strasbourg  à  Brest, 
dans  presque  tous  les  grands  centres  de  !a 
France,  notre  Association  a  versé  ses  bienfaits, 
moins  abondamment,  sans  doute,  que  nous 
l'eussions  désiré  et  qu'elle  le  fera  dans  la  suite, 
mais  enfin  en  raison  des  ressources  dont  elle 
dispose.  A  Lille,  le  théâtre  ferme  au  moment 
où  on  le  prévoyait  le  moins;  par  ce  fait,  quatre 
Artistes  sont  sensiblement  frappés  dans  leur 
existence  et  dans  cellesde  leurs  familles,  IPOfr. 
leur  sont  immédiatement  votés. 

A  Nancy,  M.  Desfossés,  directeur  du  théâtre, 
se  croit  en  droit  de  refuser  aux  Artistes  de  l'or- 


chestre et  des  chœurs  le  paiement  d'un  mois 
d'appointements  qu'ils  réclament,  et  qui  leur 
est  légitimement  dû.  Un  procès  est  intenté  à 
M.  Desfossès  par  le  Comité  de  Nancy,  procès 
dont  nous  apprenons  bientôt  après  l'heureuse 
issue. 

M.  Volland ,  ancien  bâtonnier  et  l'un  des 
avocats  les  plus  distingués  de  Nancy,  s'est  em- 
pressé d'accepter  la  mission  de  défendre  nos 
Camarades;  nous  devons  à  son  talent,  à  l'estime 
dont  il  jouit  parmi  ses  confrères,  le  gain  de 
notre  cause. 

M.  Depèronne,  qui  a  plaidé  pour  nous  en  i 
1"  instance  et  qui  a  fait  un  mémoire  envoyé  au 
Conseil  judiciaire  de  Paris,  a  bien  voulu  nous 
traiter  aussi  fraternellement.  Ces  Messieurs  ont 
refusé  leurs  honoraires  et  se  sont  mis  pour  tou- 
jours à  notre  disposition,  ne  désirant  et  n'ac- 
ceptant pour  récompense  que  le  litre  de  Mem- 
bre honoraire  de  notre  Association. 

En  1848,  les  Artistes  de  l'orchestre  du  grand 
théâtre  de  Marseille  eurent  à  supporter  une 
forte  diminution  sur  leurs  appointements;  ils 
furent,  en  outre,  atteints  dans  leurs  intérêts  par 
la  réduction  de  l'année  théâtrale  qui,  de  onze 
mois,  fut  portée  à  neuf  et  même  à  huit  mois. 
D'après  des  promesses  formelles,  ces  dures  con- 
ditions, acceptées  par  les  Artistes  comme  une 
nécessité  impérieuse,  devaient  être  temporaires; 
et  cependant,  depuis  cette  époque,  rien  n'a  été 
changé.  Dans  ces  circonstances,  le  Comité  de 
Marseille  a  cru  devoir,  dans  un  mémoire  très 
détaillé,  appeler  l'attention  du  Conseil  munici- 
pal sur  la  situation  des  Artistes.  La  requête  de 
nos  collègues  a  été  entendue  ;  justice  à  été  faite 
à  leurs  réclamations  :  l'année  théâtrale  va  re- 
prendre son  ancienne  durée  ;  elle  sera  désormais 
de  onze  mois. 

L'hiver  dernier,  M.  le  directeur  du  bal  des 
Folies-Mayer ,  sous  le  prétexte  que  les  événe- 
ments de  décembre  ont  porté  préjudice  à  son 
établissement,  veut,  de  son  autorité  privée  et 
au  mépris  d'un  engagement  formel  contraclè 
avec  M.  Denault,  chef  d'orchestre,  remercier  ce 
dernier  s'il  ne  consent  à  subir  une  réduction 
d'un  tiers  sur  ses  appointements.  M.  Denault, 
qui  sait  maintenant  mieux  que  personne  si  l'As- 
sociation des  Artistes  Musiciens  est  une  institu- 
tion très  utile,  vient  nous  soumettre  ses  griefs; 
votre  Comité  se  charge  de  lui  faire  rendre  jus- 
tice, après  toutefois  que  M"  Lan  a  formellement 
déclaré  que  la  plainte  de  M.  Denault  lui  paraît 
fondée  et  ses  droits  incontestables,  l'affaire  est 
menée  à  bonne  fin  ;  M.  Mayer  est  condamné  à 
exécuter  le  contrat  qui  le  lie  à  M.  Denault,  ou  à 
lui  payer  le  dédit  stipulé  dans  l'une  des  clauses 
de  cet  écrit. 

M.  Sèné,enlrepreneurdu  bald'Anlin  se  croit 
autorisé  à  fermer  son  établissement  et  à  ren- 
voyer ses  Musiciens  sans  les  prévenir  à  l'avance. 
M.  Fosse,  chef  d'orchestre,  porte  sa  plainte  à 
votre  Comité;  sur  notre  demande,  Mc  Lan  se 
charge  de  la  défense  de  nos  sociétaires  et  fait 
condamner  M.  Séné  à  payer  une  quinzaine  à 
tous  les  Musiciens  de  son  orchestre. 

Le  directeur  du  bal  Chabrol,  M.  Martin,  veut 
en  agir  de  même;  il  porte  même  plus  loin  ses 
prétentions  arbitraires  :  Voici  la  lettre  par  la- 
quelle Mc  Lan  nous  apprend  le  dénouement  de 
cette  affaire. 

«  1852,  11  mars. 
»  Monsieur  le  Président  el  Messieurs  les 
»  Membres  du  Comité, 
»  J'ai  l'honneur  de  vous  annoncer  aveeleplus 
»  vif  plaisir  que  le  tribunal  vient  de  rendre  un 
»  jugement  qui  consacre   le  principe  que  des 
»  Musiciens  d'un  bal  public  ne  pourront  être 
»  remerciés  par  l'entrepreneur  qu'à  la  charge, 
»  par  celui-ci  de  leur  donner  un  congè-aver- 
»  tissementau  moins  quinze  jours  à  l'avance. 

»  Le  jugement  condamne  M.  Martin  ,  entre- 

»  preneur  du  bal  Chabrol,  à  payera  M.  Leclair 

»  337  fr.   tant  pour  appointements  que   pour 

»  avances  faites  à  son  orchestre,  et  à  chacun 

»  des  Musiciens ,  un  mois  d'appointements,  et 

n  le  condamne  en  outre  aux  dépens. 

»  Recevez, Messieurs, mescivilitésempressées, 

»  Signé  :  Laiv.  » 

Dans  ces  trois  dernières  affaires,  comme  dans 

celle  du  Casino  ,  comme  dans  celle  d'Asnières  , 

comme  dans  celle  du  Chàleau-d'Eau  ,  comme 


168 


GAZETTE  MUSICALE 


dans  tant  d'autres,  Me  Lan  a  fait  preuve  d'au- 
tant de  zèle  et  de  désintéressement  que  d'intel- 
ligence et  d'activité.  L'Association  lui  doit  des 
rernerciments  et  les  Artistes  de  la  reconnais- 
sance ;  nous  sommes  certains  qu'ils  acquitteront 
leur  dette  comme  nous  acquittons  la  nôtre. 

Toujours  plein  de  sollicitude  pour  les  intérêts 
des  arts  et  des  Artistes,  le  Comité  adresse  à 
M.  le  Ministre  de  l'intérieur  une  demande  de 
subvention  en  faveur  du  troisième  théâtre  ly- 
rique ,  espérant  que  l'administration  trouvera 
dans  celte  ressource  et  dans  cet  appui  officiels, 
les  moyens  d'améliorer  la  position  des  Artistes 
qu'elle  emploie,  et  de  leur  présenter  de  plus 
solides  et  de  plus  larges  garanties. 

Plusieurs  chefs  de  musique  de  l'armée  se  sont 
présentés  devant  nous,  et  ont  sollicité  l'inter- 
vention du  Comité  auprès  de  l'autorité  compé- 
tente, pour  obtenir  que  de  certaines  modifica- 
tions devenues  indispensables  dans  l'organisa- 
tion des  musiques  régimentaires  se  réalisent 
enfin.  Nous  avons  accédé  au  vœu  de  nos  Cama- 
rades de  l'armée  avec  d'autant  plus  d'empres- 
sement que  déjà,  le  Comité  a  signalé  à  plu- 
sieurs reprises  lesamèliorationsqu'ilsréclamf.nt 
et  en  a  vainement  poursuivi  l'application.  Un 
écrit  a  été  adressé  à  M.  le  ministre  de  la  guerre; 
des  démarches  ont  été  faites  ;  le  commandant 
en  chef  de  l'armée  de  Paris,  M.  le  général  Ma- 
gnan,  qui  nous  adonné  déjà  de  vifsetnombreux 
témoignages  de  ses  sympathies,  s'est  montré 
parfaitement  disposé.  Nous  croyons  fermement 
à  l'opportunité  de  la  demande,  et  nous  espé- 
rons que  notre  nouvelle  tentative  ne  demeurera 
pas  sans  résultats. 

Outre  trois  de  nos  pensionnaires,  qui  vous 
seront  désignés  plus  loin,  nous  avons  à  déplorer 
la  perte  de  M.  Dupetit-Mèré,  mort  des  suites 
d'un  accident,  de  M.  Petit,  de  M.  Bousquet,  du 
Vaudeville,  de  M.  Schneider,  ancien  Artiste 
de  l'Opéra-Comique  et  de  M.  Leveau,  admis  à 
l'hospice  Beaujon  par  l'intermédiaire  du  docteur 
Barthe,  sous  le  patronage  du  Comité.  Ricord, 
excellent  Artiste  de  l'orchestre  des  Italiens,  est 
atteint  de  paralysie.  Beaucoup  d'autres  socié- 
taires malades  ou  malheureux  ont  réclamé  nos 
secours;  dans  toutes  ces  tristes  circonstances, 
le  Comité  s'est  appliqué  à  concilier  la  bienfai- 
sance envers  chacun  avec  la  plus  stricte,  la  plus 
sévère  économie  en  vue  des  intérêts  de  tous. 

Cette  année  encore,  les  exigences  de  nos  fonc- 
tions et  la  nature  de  quelques-unes  des  demandes 
qui  nous  ont  été  faites  nous  ont  mis  en  relations 
directes  avec  un  certain  nombre  de  propriétai- 
res. 11  nous  est  doux  de  déclarer  que  nous 
avons  rencontré  chez  tous  beaucoup  de  bien- 
veillance et  de  bonne  volonté  ;  quelques-uns  ont 
voulu  participer  à  vos  mutuels  bienfaits,  en 
abandonnant  la  moitié ,  quelquefois  même , 
les  deux  tiers  de  leurs  créances.  C'est  ainsi  que 
les  bonnes  œuvres  font  naître  les  bonnes  œuvres; 
c'est  ainsi  que  la  chaleur  qui  rayonne  de  notre 
institution  généreuse  comme  d'un  ardent  foyer, 
pénètre  les  cœurs  et  y  ranime  la  charité. 

Si,  comme  l'a  dit  un  philosophe  austère,  la 
lutte  de  l'homme  de  bien  contre  l'infortune  est 
un  spectacle  digne  de  l'attention  des  dieux,  le 
spectacle  du  malheur  terrassé  par  le  dévoue- 
ment est  bien  plus  digne  encore  de  fixer  leurs 
regards. 

Il  se  peut  qu'au  gré  de  certains  esprits  impa- 
tients, nous  marchions  avec  lenteur  vers  le  but 
final  de  notre  entreprise  ;  mais  nous  y  mar- 
chons d'un  pas  ferme  et  sûr  et  sans  nous 
inquiéter  des  difficultés  qui  peuvent  nous  arrê- 
ter un  instant.  Nous  conserverons,  n'en  doutez 
pas,  cette  fermeté  inébranlable  dans  l'exercice 
de  la  justice;  cette  obstination  à  faire  le  bien 
qui  triomphe  de  tout  et  dont  rien  ne  peut 
triompher;  et,  quand  bien  même  une  victoire 
apparente  donnerait  gain  de  cause  à  nos  adver- 
saires, nous  n'en  demeurerions  pas  moins  con- 
fiants et  calmes,  car  leur  succès  serait  comme 
ces  songes  riants  qui  ne  laissent  après  eux  que 
d'inutiles  et  vains  regrets.  Les  résistances  qu'on 
oppose  à  la  marche  des  bonnes  choses  ne  servent 
qu'à  en  démontrer  la  force.  Les  obstacles,  en  fin 
de  compte,  sont  la  pierre  de  touche  de  la  vérité; 
c'est  en  les  écrasant  qu'elle  se  distingue  de  l'er- 
reur et  du  mensonge.  Et  puis,  il  y  a  dans  la  vie 
des  institutions,  comme  dans  celle  des  individus, 
comme  dans  celle  des  nations,  des  époques 
d'épreuves  et  des  âges  critiques  où  leur  dévelop- 


pement semble  se  ralentir;  il  faut  se  garder 
d'en  conclure  inconsidérément  la  décrépitude 
et  la  mort.  Le  sage,  au  contraire,  sait  voir  dans 
ces  repos  périodiques,  des  moments  de  prépa- 
ration, d'initiation  à  de  nouveaux  progrès  et  à 
des  destinées  plus  brillantes. 

Nous  vous  avons  annoncé,  dans  notre  dernier 
compte-rendu,  qu'un  grand  festival  se  préparait 
à  ïroyes.  Ce  festival,  organisé  parles  soins  de 
votre  Comité  central  et  du  Comité  correspon- 
dant de  celte  ville,  a  eu  lieu  les  t",  2  et  3  juin 
1851  avec  beaucoup  d'éclat  et  de  solennité.  11 
se  composait,  pour  le  premier  jour,  d'un  double 
concours,  d'une  part,  entre  les  Sociétés  chorales 
et  les  Orphéons  de  la  France  et  de  la  Belgique; 
d'autre  part,  entre  les  musiques  des  gardes 
nationales  de  l'Aube  et  des  départements  limi- 
trophes. Les  musiques  et  les  Orphéons  formant 
cortège  ont  traversé  la  ville,  bannières  en  tète, 
au  milieu  d'un  grand  concours  de  population; 
après  quoi, les  groupes  de  chanteurs  et  les  corps 
de  musique  se  sont  rendus  aux  lieux  qui  leur 
avaient  été  respectivement  désignés;  le  jury 
des  Sociétés  chorales  était  formé  de  notre  Prési- 
dent M.  le  baron  Taylor,  de  M.  Doyen,  Prési- 
dent du  Comité  de  Troyes,  receveur-général  du 
département  de  l'Aube,  et  de  MM.  Georges 
Bousquet,  Zimmerman,  Levasseur  ,  Wartel, 
Hubert,  Proust  et  Delaporte;  au  jury  chargé 
de  juger  les  musiques,  siégeaient  MM.  Klosé, 
Dauver.ié,  Prumier,  Trièbert,  Jancourt,  De- 
vaux,  Navarre,  Deffès  et  Artus  père.  Les  prix  de 
chant  d'ensemble  ont  été  décernés  ainsi  qu'il 
suit:  t"  division  —  1"  prix  :  la  Société  des 
chœurs  de  Gand,  dirigée  par  M.  Chariot  ;  2m" 
division  —  1"  prix  :  les  Orphéonistes  de  Lille, 
dirigés  par  M.  Lavainne,  2mc  prix,  ex  equo:  la 
Société  chorale  des  enfants  de  Paris,  dirigée  par 
M.  Devin  et  la  classe  de  chant  populaire  du 
Conservatoire,  dirigée  par  M.  Edouard  Batiste; 
3me  division  —  1"  prix  :  l'Orphéon  de  la  ville 
de  Troyes,  dirigé  par  MM.  Arnaud  et  Uffoltz. 

Les  prix  suivants  ont  été  décernés  aux  musi- 
ques :  lre  division  —  Ier prix:  la  musique  de 
la  garde  nationale  de  Troyes,  dirigée  par  M. 
Naujoux  ,  2mc  prix  :  la  musique  de  la  garde 
nationale  de  Bar-sur-Seine,  dirigée  par  M. 
Guérin;  2""  division  —  1"  prix  :  la  musique 
de  la  garde  nationale  de  Villenaux,  2°"  prix  : 
les  musiques  des  gardes  nationales  de  Piney  et 
de  Pougy,  dirigées  par  MM.  Chalron  et  Royer. 

Le  second  jour,  la  messe  de  l'Orphéon  a  été 
chantée  dans  la  cathédrale  par  un  chœur  de  500 
voix,  dirigé  par  M.  Delaporte.  La  messe  finie, 
après  une  courte  et  chaleureuse  allocution  de 
notre  Président,  les  prix  ont  été  solennellement 
distribués,  sur  la  grande  place,  à  ceux  qui  les 
avaient  remportés.  Un  grand  concert  spirituel  a 
succédé  à  la  distribution  des  prix  ;  ce  concert  a 
eu  lieu  également  dans  la  cathédrale  que  rem- 
plissait une  foule  attentive  et  recueillie.  Le 
clergé  et  les  autorités  de  Troyes  assistaient  à 
cette  manifestation  artistique  et  religieuse,  et 
Monseigneur  Cœur,  évêque  de  Troyes,  y  a 
prononcé  un  discours  tout  rempli  d'éloges  flat- 
teurs et  de  nobles  pensées.  Le  programme  se 
composait  d'un  l'saume  de  Marcello,  de  Y  Ave 
verum  de  Mozart ,  des  Laudi  spirituali,  cantique 
du  XVe  siècle, du  Sanctus  de  la  messe  de  Sainte- 
Cécile  de  notre  collègue,  M.  Ad.  Adam  ,  d'un 
O  salularis  et  d'un  Vie  Jesu  de  M.  Zimmer- 
man, d'un  Ave  Maria  de  Proust,  de  Y  Alléluia 
de  Haëndel,  de  la  Pénitence  de  Beethoven  et 
du  Pater  noster  de  notre  collègue  M,  Georges 
Bousquet  auquel  avait  été  confiée  la  direction  de 
l'orchestre. 

Nous  devons  des  remerciements  à  M .  Edouard 
Batisle  qui  a  tenu  l'orgue  d'accompagnement,  à 
MM.  Wartel  et  Lagrave,  à  M""  Dobrè  et  Mora- 
che  de  Troyes,  dont  le  talent  a  puissamment 
contribué  à  l'éclat  de  cette  imposante  solennité. 

Le  troisième  jour,  un  grand  concert  a  été 
donné  dans  le  vaste  local  de  la  halle  qui  avait 
été  disposé  à  cet  effet  par  les  soins  du  Comité 
de  Troyes.  Ici,  encore,  le  public  a  répondu  à 
l'appel  qui  lui  avait  été  fait;  la  foule  était  si 
compacte  qu'elle  a  dû  envahir  l'estrade  réservée 
aux  choristes.  Voici  quels  étaient  les  principaux 
éléments  du  programme  :  la  symphonie  en  ré  de 
Beethoven,  l'ouverture  du  jeune  Henry  de  Më- 
hul  ;  le  sextuor  de  Lucie  de  Donizelli;  le  qua- 
tuor de  l'Irato,  l'invocation  de  Roberl-le-Diable, 
les  couplets  de  Marcel  des  Huguenots,  admira- 


blement chantés  par  M.  Levasseur;  un  solo  de 
violon  exécuté  par  M.  de  Cuvillon,  un  duo  pour 
hautbois  et  basson,  par  MM.  Trièbert  et  jan- 
court; un  solo  de  clarinette  exécuté  par  M.  Klosé. 
Le  piano  était  tenu  par  notre  collègue  M.  Ba- 
tiste. Aux  noms  des  chanteurs  que  nous  avons 
cités  plus  haut,  il  faut  ajouter  ceux  de  MM. 
Pesme  et  Guérard  ,  amateurs  distingués  de 
Troyes,  et  de  M.  Fernando,  Artiste  du  théâtre. 

Remercions  ceux  des  choristes  du  théâtre 
Italien  qui  ont  bien  voulu  nous  seconder.  M.  le 
colonel  Revel  et  M.  le  capitaine  Rosetti,  en 
nous  assurant  le  concours  de  l'excellente  musi- 
que du  8*  hussards  ,  nous  on  l  été  1res  utiles.  M. 
Éug.  Rougé,  inspecteur  des  contributions  et 
vice-président  de  la  Société  philharmonique,  a 
aussi  acquis  des  droits  à  notre  gratitude  par  le 
zèle  et  l'activité  dont  il  a  donné  tant  de  preuves. 
La  Société  philharmonique  de  Troyes, augmentée 
d'un  grand  nombre  dama  leurs  des  localités 
environnantes  et  de  beaucoup  de  nos  Camarades 
de  Paris,  s'est  admirablement  comportée. 

Il  nous  est  doux  de  payer  ici  le  tribut  de 
notre  reconnaissance  à  tous  les  Artistes  ou  ama- 
teurs qui  ont  bien  voulu  participer  à  l'exécu- 
tion du  festival  de  Troyes.  Nous  terminerons 
celte  rapide  relation  en  vous  citant  quelques 
lignes  d'une  lettre  adressée  à  notre  Président 
par  M.  de  Bancel,  préfet  du  département  de 
l'Aube. 

M.  de  Bancel  s'exprime  ainsi: 

«  La  pensée  première  du  congrès  musical 
»  qui  vient  d'avoir  lieu  à  Troyes  serait  de- 
»  meurée  tout-a-fait  inféconde  sans  la  partici- 
»  pation  active,  intelligente  et ,  permettez-moi 
»  de  le  dire,  dévouée,  que  vous,  M.  le  Président 
»  et  MM.  les  membres  du  Comité  y  avez  prise; 
»  aussi,  suis-je  heureux  de  l'occasion  que  vous 
»  m'offrez  de  vous  dire  que  les  souvenirs  que 
»  vous,  M.  le  Président  etMM.  les  Artistes  ont 
»  laissé  dans  notre  ville,  sont  de  ceux  qui  ne 
»  s'effacent  jamais.  » 

Grâce  aux  soins  de  son  Comité  dont  l'ardente 
activité  et  le  zèle  intelligent  se  placent  de  plus 
en  plus  au-dessus  de  tout  éloge,  la  ville  de  Mar- 
seille, aussi,  a  eu  son  festival  ;  festival  dont  les 
résultats  ont  été  magnifiques,  soit  qu'on  veuille 
le  considérer  comme  œuvre  d'art  ou  comme 
œuvre  de  bienfaisance. 

Le  dimanche  17  août  1851  ,  1200  exécutants 
chanteurs  et  instrumentistes  étaient  réunis  dans 
le  Château  des  Fleurs  ,  Hippodrome  de  Mar- 
seille devant  un  auditoire  de  plus  de  6,000  per- 
sonnes. Les  morceaux  suivants  y  ont  été  exécu- 
tés. La  Légiou-d' Honneur  ,  marche  triomphale 
(Luce); — l'Hymne  à  la  nuit,  chœur  (Kreutzer); 

—  Chœur  d'Armide  (Gluck)  ;  —  Chœur  de  l'o- 
péra Ne  louchez  pas  à  la  Reine  (  Boisselot)  ;  — 
Prière  et  final  de  Moïse  (Rossini;; —  La  Fiancée 
du  Brigand,  chœur  (Ries);  —  Mosaïque  de  Fer- 
nand  fortes  (Spontini),  arrangée  par  Klosé;  — 
Ouverture  de  Fra  Diavolo  (Auber);  — Chœur 
des  Dewa;  Aw«rcs(Grétry);-Apothèose  (Berlioz); 

—  Les  Chasseurs  Noirs  ,  chœur  (Weber); —  La 
Chasse,  fanfare  (Rossini), — et  enfin  le  chœur  de 
Judas  Machabée  de  Haëndel,  exécuté  par  toutes 
les  masses  chorales  et  instrumentales. 

L'orchestre  militaire,  composé  de  douze  corps 
de  musique,  était  dirigé  par  M.  Hasselmans,  et 
les  chœurs ,  composés  de  dix  sociétés  chorales, 
par  M.  Martin.  Voici  les  noms  de  ces  musiques 
et  de  ces  sociétés. 

MUSIQUES. 
Garde  nat.  de  Marseille,  chefs,  MM.Wacker. 
Fanfare  de  la  marine  ,    —  Bonsignour 

Garde  nat.  d'Avignon, 
et  de  Courlhezon.  .  .    —  Ronchoni. 

Musique  de  St  -Henri .    —  Guivier. 

Fanfare  de  la  douane  .    —  Bonjean. 

10e  régt.  d'inf.  légère  .     —  Gués. 

14e    —  —  —  Maréchal. 

50e  de  ligne —  Gornaud. 

3e  hussards —  Biot. 

13e  chasseurs —  Brick. 

SOCIÉTÉS  CHORALES. 

Les  élèves  de  M.  Castellan  (Conservatoire  de 
Marseille). 
Société  Trotebas.  .  .  chefs,  MM.  Martin. 

—  pde  la  Plaine  .      —  Levais  aine. 

—  tde  France.    .      —  Colin. 
— j£  des  Camoïns  .      —            Arnoux. 


169 


Société  de  St-Marccl.  chefs,  MM.Camoïn. 

—  dcMarzargucs      —  Conte». 

—  des  Pennes .  .     —  Teissier. 

—  de  Simiane.  .  —  Mcrculicr. 
Fraction  des  chœurs  du  g<>  théâtre 

et  de  la  Renaissance,  chef,  M.  Pépin. 

L'exécution  a  été  des  plus  remarquables,  les 
musiques  des  régiments  et  de  la  garde  natio- 
nale ont  fait  merveille,  les  chœurs  ont  admira- 
blement marché. 

Nous  avons  les  plus  grandes  obligations  en- 
vers M.  le  général  Hccquet ,  commandant  la  7e 
division  militaire,  et  M.  le  colonel  chef  d'état- 
major  Sercey.  Nous  devons  beaucoup  aussi  aux 
administrateurs  des  chemins  de  fer,  ces  Mes- 
sieurs ont  bien  voulu,  sur  la  demande  de  nos 
collègues  de  Marseille,  accordera  150Musicions 
d'Avignon  et  de  Tarascon  le  passage  gratuit, 
aller  et  retour.  Remercions  aussi  M.  Albrand 
qui,  au  double  titre  de  premier  adjoint  de  la 
mairie  et  de  président  du  Comité  de  surveil- 
lance du  Conservatoire,  a  toujours  répondu  aux 
désirs  de  nos  collègues  avec  beaucoup  d'em- 
pressement et  de  bienveillance, 

A  l'occasion  de  ce  festival,  et  pour  en  perpé- 
tuer le  souvenir  ,  le  Comité  marseillais  a  fait 
frapper  vingt-cinq  médailles,  dont  deux  en  or 
et  vingt-trois  en  argent,  qu'il  a  offertes  comme 
preuve  de  sa  gratitude  aux  chefs  de  musique  et 
de  chœurs,  dont  le  concours  avait  été  à  la  fois 
si  actif,  si  brillant,  si  efficace  et  si  désintéressé. 
La  recelte  nette  du  festival  de  Marseille  s'est 
élevée  à  plus  de  2,000  fr. 

Le  Comité  de  Marseille  est  vraiment  infati- 
gable. Chacun  de  ses  projets  semble,  en  se  réa- 
lisant, en  enfanter  un  autre.  Jamais  il  ne  se 
repose  sur  ses  lauriers.  Le  triomphe  qu'il  ambi- 
tionne est  à  peine  accompli ,  qu'il  court  aussitôt 
vers  une  nouvelle  victoire. 

Grâce  à  tant  de  dévouement  et  de  persévé- 
rance, peu  de  temps  après  le  festival  dont  nous 
venons  de  parler,  la  Messe  solennelle  de  Sainte- 
Cécile  était  exécutée  dans  l'église  Saint-Joseph, 
par  les  principaux  Artistes  et  amateurs  de  la 
ville.  A  l'occasion  de  cette  Messe  ,  400  fr.  ont 
été  versés  dans  notre  caisse. 

Ce  n'est  pas  tout  :  Le  9  mars  dernier,  le  Co- 
mité de  Marseille  a  donné,  dans  la  belle  salle 
Boisselot,  son  grand  Concert  annuel  au  bénéfice 
de  l'Association  des  Artistes  Musiciens.  Ce 
concert  a  été  plus  brillant  encore  que  ses  de- 
vanciers. Le  programme  était  des  plus  attrayants. 
Voici  les  éléments  dont  il  se  composait  :  La 
Symphonie  héroïque  de  Beethoven ,  le  chœur 
A'Anligone  de  Mendelshon,  chanté  par  la  so- 
ciété Trotebas;  air  du  Slabat  Mater  de  Rossini, 
air  des  Âbencerrage.i  de  Cherubini ,  chantés  par 
M.  Puget;  air  du  Frëschulz  de  Weber,  dit  par 
M™0  Charton  Demeur  ;  ouverture  du  Carnaval 
romain  de  Berlioz;  air  d'UEdipe  de  Sacchini , 
chanté  par  M.  Vialette;  l'Adagio  Rêverie  de 
Vieuxtemps,  exécuté  sur  le  violon  par  M.  Mil- 
lonl  ;  air  du  Rossignol,  chanté  par  M"10  Charton 
Demeur,  avecaccompagnement  de  flûte  obligée, 
par  M.  Demeur  ;  et  enfin  ,  le  final  du  Serment, 
chanté  par  M.  Vialette  et  la  société  Trotebas. 
L'orchestre,  composé  des  artistes  du  Grand- 
Théâtre  et  de  MM.  les  amateurs,  était  placé  sous 
l'habile  direction  de  M.  Hasselmans. 

Le  produit  net  de  ce  concert  a  été  de  1462  fr. 
25  centimes.  Vous  le  voyez,  mes  chers  Cama- 
rades, le  comité  de  Marseille,  admirablement 
secondé  dans  ses  constants  efforts  par  les  Artisles 
et  amateurs  de  cette  ville  a,  cette  année,  parson 
travail  et  son  intelligence,  augmenté  notre  ca- 
pital commun  de  près  de  4,000  fr. 

Ah!  si  toutes  les  grandes  villes  de  France  se 
proposaient  Marseille  pour  exemple  ;  si  tous  les 
Artistes  de  Paris  et  des  départements  étaient 
animés  de  cet  esprit  fécond  de  prévoyance  et  de 
charité  auquel  l'Association  doit  sa  naissance 
et  ses  premiers  progrès,  le  but  si  envié  que  nous 
postulons  serait  bientôt  atteint,  et  tous  les  Musi- 
ciens n'auraient  plus  rienà  craindrede  la  misère 
etdu désespoir.  Ùnissons-nous  tous  pour  remer- 
cier avec  effusion  le  Comité  de  Marseille  et  pour 
souhaiter,  dans  l'intérêt  général  des  Artistes , 
qu'il  trouve  des  imitateurs  et  des  émules.  C'est 
Une  douce  récompense  pour  nous,  et  particuliè- 
rement pour  notre  honorable  Président,  que  de 
voir  cette  belle  et  antique  cité  de  Marseille  , 
cette  Athènes  des  Gaules ,  comme  l'appelaient 


les  Romains,  si  bien  comprendre,  cl  surtout  si 
bien  pratiquer  nos  généreuses  doctrines. 

Le  Comité  de  Marseille  a  bien  mérité  de 
l'Association. 

Le  dimanche  28  septembre  a  eu  lieu,  dans  la 
ville  de  Melun,  le  premier  concours  annuel  ou- 
vert, d'une  part,  entre  les  Orphéons  du  dépar- 
tement île  Seine-et-Marne  et  ceux  des  départe- 
ments circonvoisins  ,  et ,  d'autre  part ,  entre  les 
corps  de  musiques  militaires  des  mêmes  dépar- 
tements. 

Ce  double  concoursorganisé  par  votre  Comité, 
après  décision  du  conseil  général  et  sous  les 
auspices  de  M.  de  Vincent,  alors  préfet  de 
Seine-et-Marne,  a  présenté  un  puissant  intérêt, 
tant  par  les  remarquables  progrès  qu'il  a  cons- 
tatés dans  le  passé,  que  par  les  brillantes  espé- 
rances qu'il  a  fait  naître  pour  l'avenir. 

Une  des  choses  qui  caractérisent  le  mieux 
peut-èlre  les  tendances  de  notre  époque,  c'est 
cet  élargissement  constant  de  la  sphère  des 
beaux-arts.  Autrefois,  les  murs  d'un  théâtre  ou 
d'une  salle  de  concerts  traçaient  d'étroites  li- 
mites à  l'influence  salutaire  de  la  musique;  au- 
jourd'hui, des  populations  entières  peuvent , 
dans  un  recueillement  commun,  goûter  simul- 
tanément les  pures  jouissances  que  donne  cet 
art  divin. 

Dès  huit  heures  du  matin  ,  le  chemin  de  fer 
déposait  à  l'embarcadère  des  musiques  de  gardes 
nationales  et  des  groupes  d'orphéonistes  accou- 
rus de  trente  lieues  à  la  ronde  pour  prendre 
part  au  concours. 

A  neuf  heures,  le  Président-Fondateur  de 
l'Association,  accompagné  des  membres  du 
Comité  désignés  pour  composer  les  jurys  spé- 
ciaux, était  reçu  officiellement  par  une  députa- 
tion  des  autorités. 

La  ville  avait  revêtu  ses  habits  de  fête;  on 
remarquait  dans  les  rues,  sur  les  places,  un 
mouvement  inaccoutumé  ;  des  visiteurs  arri- 
vaient de  toutes  parts;  la  foule  se  pressait  sur- 
tout aux  abords  de  la  vieille  église  de  Saint- 
Aspais,  où  les  orphéonistes  se  préparaient  alors 
à  chanter  l'office  divin. 

La  messe  de  l'Orphéon  a  été  dite  par  une 
centaine  de  voix  prises  dans  divers  groupes,  et 
sous  la  direction  de  M.  E.  Delaporte,  avec  un 
ensemble  satisfaisant,  malgré  la  diversité  des 
éléments  qui  composaient  le  chœur.  A  l'issue  de 
la  messe,  une  quête  au  bénéfice  de  notre  Caisse 
de  secours  et  pensions  a  été  faite  par  M""  de 
Vincent  et  par  d'autres  dames,  dont  nous  re- 
grettons de  ne  pouvoir  citer  les  noms. 

A  onze  heuras,  les  corps  de  musique  et  les 
Orphéons  se  réunissaient  bannières  déployées  à 
l'embarcadère,  dans  l'ordre  qui  leur  avait  été 
indiqué.  Quelques  instants  après ,  une  salve 
d'artillerie  annonçait  que  le  cortège  se  mettait 
en  marche,  se  dirigeant  vers  l'hôtel  de  la  pré- 
fecture, où  l'attendaient,  pour  le  passer  en 
revue,  M.  le  Préfet,  M.  le  Président  Taylor, 
M.  le  général  de  Rillette,  commandant  le  dé- 
partement, M.  Drouin  de  Lhuis,  représentant 
de  Seine-et-Marne,  le  conseil  général,  les  auto- 
rités municipales  et  MM.  les  membres  des 
jurys. 

La  revue  terminée,  les  Orphéons  et  les  corps 
de  musique  se  dirigèrent,  les  premiers  vers  le 
théâtre,  les  seconds  vers  la  grande  place,  lieux 
qui  leur  avaient  été  désignés  pour  les  concours. 
En  tète  des  musiques,  marchait  l'excellente  fan- 
fare du  7e  régiment  de  lanciers,  qui,  sur  l'auto- 
risation de  M.  le  général  et  de  M.  le  colonel 
Feret,  avait  bien  voulu  se  mettre  à  la  dispo- 
sition des  ordonnateurs  de  la  fête. 

Arrivé  sur  la  place,  le  cortège  pénétra,  à 
traversune  double  haiede  troupes  de  ligne  dans 
la  première  enceinte  du  champ-clos,  qu'entou- 
rait une  foule  immense  :  le  jury  prit  place  sur 
l'estrade,  et  son  président,  M.  Klosè,  donna 
le  signal  du  concours. 

Les  prix  ont  été  décernés  dans  l'ordre  sui- 
vant : 

1"  division.  —  Musiques  rurales. 
Prix  d'honneur.  —  Tableau  donné  par  M.  le 
ministre  de  l'intérieur,  et  médaille  d'or  offerte 
par   le  conseil  -  général;    musique  de  Fontai- 
nebleau, chef  M.  Duquat. 

1"  prix.  —  Médaille  de  vermeil  ;  musique-  de 
Batignolles,  chef,  M.Coret. 


2"  prix.  —  Ex  œquo.  Médaille  d'argent,  mu- 
siques de  Melun  et  de  Corbeil;  chefs,  MM.  Ber- 
thet  et  Sourdillon. 

Prix  d'encouragement.— Médaille  de  bronzeet 
gravures;  musiques  de   Provins  et  de  Mcaux, 
chefs,  MM.  Voisc  et  Gentil. 
2«  division.  —  Musiques  rurales. 
1"  prix.—  Médaille  de  vermeil  et  gravures; 
musique  de  Montereau,  chef,  M.  I.clong. 

2'  prix.  —  Ex  œquo  Médaille  d'argent  ;  mu- 
sique de  Villeneuve-gaint-Georges  et  de  Iloissy 
Saint-Léger;  chefs,  MM.  Charles  de  Bez  et 
Duchamp. 

Prix  d'encouragement.  —  Médaille  de  bronze 
et  gravures;  musiques  de  Donnemarie  et  de 
Brunoy,  chefs,  MAI.  lîellagtiel  et  Wolfinger. 

En  dehors  des  concours,  deux  médailles  d'ar- 
gent ont  été  offertes  â  divers  titres;  l'une  à  la 
musique  de  la  l-'crtè-sous- Jouarre,  l'autre  à  la 
musique  de  Melun. 

Pour  clore  le  concours,  la  fanfare  du  7'  lan- 
ciers, sous  la  direction  de  M.  Bousquier,  fit  en- 
tendre une  mosaïque  de  la  Favorite  et  une  fan- 
taisie sur  la  Norma,  sa  belle  exécution  lui  valut 
une  médaille  d'or  offerte  par  l'Association  des 
Artistes  Musiciens.  Pendant  le  concours  qui  n'a 
pas  duré  moins  de  4  heures,  IcsOrphéons,  éga- 
lement divisés  en  deux  sections,  les  Sociétés 
chorales  de  Paris  et  les  Orphéons  de  la  pro- 
vince, entraient  en  lice  dans  la  salle  de  spectacle 
devant  un  nombreux  auditoire. 

Le  jury,  présidé  par  M.  Prumier,  décerna  les 
prix  dans  l'ordre  suivant  : 
Section  des  Orphéons  de  province. 
Prix  d'honneur. —  Médaille  d'or,  offerte  par 
M.  le  Président  de  la  République  à  celui  des 
Orphéons  de  Seine-et-Marne,  qui  se  distin- 
guerait le  plus  dans  le  concours. 

Orphéons  de  Meaux,  dirigé  par  M.  Torchet. 
1"  prix.  —  Médaille  de  vermeil;  orphéon  de 
Nemours,  dirigé  par  M.  Langlet. 

2°  prix.  —  Médaille  en  vermed;  Orphéon  de 
Melun,  dirigé  par  M.  Berthet. 

3e  prix.—  Ex  œquo.  Médaille  d'argent;  Or- 
phéons de  Sens  et  de  Fontainebleau,  dirigés  par 
MM.  Courageux  et  Duquat. 

Prix  d'encouragement. —  Médaille  de  bronze  ; 
Orphéons  de  Lagny,  dirigé  par  M.  Desaint. 

En  dehors  du  concours,  une  médaille  d'argent 
a  été  offerte  à  l'Orphéon  de  Villeneuve-1'Ar- 
chevèque. 
Section  des  Sociétés  de  Paris. 
1"  prix.  —  Médaille  d'or  ;  les   Enfants  de 
Lutèce,  dirigés  par  M.  Gobert. 

2e  prix.  —  Médaille  de  vermeil  ;  la  classe  po- 
pulaire de  chant  d'ensemble  du  Conservatoire, 
dirigée  par  M.  Edouard  Batiste. 

3e  prix. —  Médaille  d'argent;  les  Elèves  de 

M.  Foulon  sous  la  direction  de  leur  professeur. 

4e  prix.  —  Médaille  d'argent  offerte  par  le 

jury;    les    Enfants  de    la    Seine    dirigés   par 

M.  Etiard. 

En  général,  les  chœurs  chantés  par  ces  quatre 
derniers  groupes,  ont  été  supérieurement  exé- 
cutés. Le  public  les  a  accueillis  par  des  bravos 
prolongés.  Les  Enfants  de  Lutèce  ont  surtout 
produit  beaucoup  d'effet  dans  la  Saint-Hubert, 
chœur  de  Laurent  de  Rillé. 

A  5  heures,  une  nouvelle  salve  d'artillerie  an- 
nonçait la  distribution  solennelle  des  prix  ;  les 
Orphéons  étaient  venusse  joindre  aux  musiques. 
Sur  l'appel  de  l'un  des  membresdujury,  les  chefs 
des  corps  lauréats  vinrent  successivement  aux 
applaudissements  d'une  foule  sympathique,  re- 
cevoir des  mains  de  M.  le  préfet,  les  récom- 
penses qu'ils  avaient  mérités.  Après  la  distri- 
bution des  médailles,  M.  le  préfet  ayant  adressé 
aux  concurrents  quelques  paroles  chaleureuses,la 
fête  se  termina  comme  elle  avait  commencé, 
dans  l'ordre  le  plus  parfait. 

Rien  n'est  plus  beau,  plus  louchant  que  ces 
pacifiques  démonstrations  à  ciel  ouvert.  L'As- 
sociation, outre  les  éléments  d'avenir  qui  lui 
sont  propres  et  que  nous  avons  fait  ressortir 
dans  maintes  circonstances,  trouvera,  en  se 
maintenant  à  la  tète  de  ces  manifestations  artis- 
tiques, des  moyens  d'étendre  de  plus  en  plus 
son  action  bienfaisante  sur  l'art  et  sur  les  Ar- 
tistes.  Un  jour  viendra   où    chaque   ville   de 


170 


GAZETTE  MUSICALE 


France  aura  son  Orphéon  particulier  et  sa  So- 
ciété philharmonique.  Alors  les  arts  offriront  à 
l'activité  du  peuple  un  aliment  plus  sain  et  plus 
choisi  ;  sous  leur  influence,  les  mœurs  publiques 
se  modifieront  et  s'amélioreront ,  une  noble 
émulation  tiendra  l'intelligence  en  éveil,  et  l'en- 
seignement sera  puissamment  secondé  par  l'ap- 
pât de  ces  récompenses  publiques,  devenues 
l'objet  de  la  louable  ambition  des  Artistes.  Les 
concerts,  les  festivals,  les  concours,  les  messes 
se  multiplieront  de  toutes  parts  sous  les  auspi- 
ces de  l'autorité  ,  et  ces  solennités  brilleront 
d'un  éclat  dont  il  est  facile  de  se  faire  une  idée 
lorsqu'on  songe  à  la  richesse  et  au  nombre  des 
éléments  dont  l'Association  pourra  disposer. 
Par  ces  faits,  l'art  prendra  des  proportions  di- 
gnes de  lui  et  de  sa  mission  dans  le  monde,  il 
resserrera  les  liens  sociaux  en  apprenant  aux 
hommes  à  se  connaître  et  à  s'aimer,  et  ainsi 
s'accomplira  l'oeuvre  de  la  musique  considérée 
au  point  de  vue  supérieur  de  la  morale  et  de  la 
civilisation  moderne. 

Cette  année,  comme  les  années  précédentes, 
l'Association  a  fêlé  la  patronne  des  Artistes 
Musiciens. 

Le  samedi  22  novembre  1851,  jour  de  Sainte- 
Cécile,  la  messe  en  ut  d'Haydn  a  été  exécutée 
dans  l'église  Saint- Eustache  par  plus  de  300  Ar- 
tistes, tant  instrumentistes  que  chanteurs.  Notre 
collègue,  M.Tilmant,  avait  accepté  cette  fois 
encore  avec  empressement  la  mission  de  diriger 
l'orchestre,  et  M.  de  Garaudé  avait  bien  voulu 
se  charger  de  présider  à  l'étude  des  chœurs.  Les 
soins  et  le  zèle  de  ces  deux  éminents  Artistes 
n'ont  pas  peu  contribué  à  la  perfection  qui  a 
signalé  à  un  si  haut  degré  l'exécution  de  l'œu- 
vre de  Haydn  :  les  solos  ont  été  chantés  par 
Mllc  Lefebvre,  de  l'Opéra-Comique,  Mm"  Prin- 
temps et  Baron,  et  MM.  Jourdan,  Coulon  et 
Adam.  Les  masses  instrumentales  étaient  for- 
mées de  l'orchestre  de  l'Opéra-Comique,  de 
quelques  Artistes  du  théâtre  Italien ,  du  troi- 
sième Théâtre  Lyrique ,  du  Gymnase  et  de 
l'Ambigu-Comique.  La  partie  vocale  se  compo- 
sait des  chœurs  de  l'Opéra-Comique,  de  la 
classe  de  M.  Batiste,  des  dames  des  chœurs  de 
l'Opéra  et  des  Enfants  de  Saint-Eustache,  de 
Saint-itocb  et  des  Blancs  -  Manteaux,  que 
MM.  Hurand,  Masson  et  Delahaye,  maîtres  de 
chapelle  de  ces  églises,  s'étaient  empressés  de 
mettre  à  la  disposition  de  la  Commission. 

Bemercions  ici  nos  dames  palronnesses  etquê- 
teu'es,  MM*"  de  Saint -Brice,  Zimmerman, 
Panseron ,  Alard,  Henri  Gauthier,  Massart  et 
M"c  Thérèse  Jaurès.  Ces  dames  se  sont  acquit- 
tées de  leur  tâche  délicateavec  une  bonne  grâce 
parfaite. 

Comme  d'habitude,  en  pareille  circonstance, 
et  nonobstant  une  concurrence  fâcheuse ,  la 
foule  avait  envahi  les  vastes  nefs  de  Saint-Eus- 
tache. Le  profond  recueillement  dont  elle  était 
pénétrée  témoignait  assez  éloquemment  de  la 
puissance  de  l'art  sur  les  âmes,  et  le  résultat 
des  quêtes  a  donné  une  nouvelle  preuve  que  les 
pures  impressions  qui  en  découlent  fécondent 
dans  les  cœurs  les  sentiments  généreux  et  en 
font  jaillir  les  bonnes  œuvres.  La  recette  de  la 
messe  s'est  élevée  au  chiffre  de  2,737  fr.  95  c. 
Hge  somme  de  50  francs  nous  a  été  adressée  par 
M.  le  ministre  de  l'intérieur,  et  notre  bienfai- 
trice, madame  la  duchesse  de  Narbonne,  empê- 
chée d'assister  à  la  cérémonie  par  une  grave 
indisposition,  nous  a  envoyé  60  francs  pour  son 
offrande.  Ajoutons  qu'à  la  dernière  répétition 
générale,  qui  avait  attiré  dans  l'église  un  cer- 
tain nombre  de  curieux,  une  collecte,  provoquée 
par  quelques-uns  de  nos  collègues,  et  recueillie 
par  M.  Adam  et  la  gracieuse  Mn"  Lefebvre, 
avait  produit  une  somme  de  28  fr.  50  c. 

Des  invitations  avaient  été  adressées  par  le 
Comité  au  Président  et  au  Vice-Président  de  la 
République,  à  M.  le  ministre  de  l'intérieur,  aux 
ambassadeurs  des  puissances  étrangères ,  à 
M.  le  préfet  de  la  Seine,  à  MM.  les  maires  des 
douze  arrondissements  de  Paris,  à  M.  le  direc- 
teur des  Beaux-Arts,  en  un  mot  à  toutes  les 
notabilités  civiles,  militaires,  religieuses,  scien- 
tifiques, artistiques  et  littéraires. 

Nous  sommes  heureux  de  pouvoir  vous  an- 
noncer que  notre  collègue  M.  Ambroise  Tho- 
mas, de  l'Institut,  a  bien  voulu  se  charger  d'é- 
crire la  messe  qui  sera  exécutée  à  la  Sainte- 
Cécile  de  1852. 


Empressons-nous  d'adresser  nos  actions  de 
grâces  à  M.  lecuréGaudreau  à  qui  notre  œuvre 
est  déjà  si  redevable,  et  qui  nous  montre  tou- 
jours le  même  empressement  et  la  même  bien- 
veillance. Remercions  aussi  notre  bon  pasteur, 
Monseigneur  l'archevêque  de  Paris,  qui  conti- 
nue à  nous  favoriser  de  sa  haute  protection  et 
de  ses  honorables  sympathies.  Toute  la  sollici- 
tude de  l'illustre  prélat  est  acquise,  vous  le 
savez,  à  nos  institutions  de  bienfaisance.  Voici 
ce  qu'il  dit  dans  son  admirable  mandement  sur 
la  Charité,  en  s'adressant  aux  Associations  de 
tout  genre  qui  fonctionnent  dans  Paris  : 

«Soyez  bénis,  vous  tous  qui  trouvez  votre 
»  bonheur  à  visiter  les  pauvres,  à  recueillir  des 
»  enfants  abandonnés,  à  instruire  les  uns  de 
»  leurs  devoirs,  à  diriger  les  autres  dans  leur 
»  apprentissage,  à  moraliser  les  jeunes  ouvriers, 
»  à  payer  le  loyer  de  ceux-ci ,  à  acquitter  les 
»  dettes  de  ceux-là,  à  réhabiliter  les  mariages 
»  illégitimes,  à  consoler  les  familles  éprouvées, 
»  à  porter  des  secours  aux  indigents,  a  essuyer 
»  enfin  les  larmes  de  toutes  les  infortunes.  » 

A  vous,  mes  chers  Camarades,  â  vous  une 
part  de  ces  bénédictions  qui  de  la  chaire  pasto- 
rale sont  tombées  naguères  sur  la  grande  cité 
comme  une  rosée  bienfaisante  sur  une  terre  en 
travail. 

Quelque  temps  après  la  messe  de  Sainte-Cé- 
cile, le  Cercle  Musical,  présidé  par  notre  collè- 
gue M.  Charles  Debez,  a  organisé  dans  l'église 
de  la  Madeleine,  avec  le  concours  de  votre  Co- 
mité ,  une  messe  de  Requiem  composée  par 
M.  Deldevez,  en  mémoire  de  son  professeur 
M.  Habeneck  aîné.  L'orchestre  était  dirigé  par 
notre  collègue  M.  Georges  Bousquet,  et  les 
chœurs,  composés  de  25  élèves  de  la  classe  po- 
pulaire du  Conservatoire  et  des  enfants  de  la 
Madeleine ,  par  notre  collègue  M.  Edouard 
Batiste.  M.  l'abbé  De  Guerry  a  prouvé  dans 
cette  circonstance  qu'il  était  toujours  animé 
pour  l'Association  de  ces  excellents  sentiments 
dont  elle  a  reçu  jadis  tant  et  de  si  précieux  té- 
moignages. Mrac  la  comtesse  d'Andlau,  Mm"  De- 
bez,  Panseron,  Klein,  Richard,  Devilliers, 
Mme  la  baronne  Ernouf  et  Mllc  Charlotte  de 
Malleville  ont  rempli  les  fonctions  de  dames 
quêteuses  avec  cette  grâce  et  cette  distinction 
qui  leur  sont  familières.  La  messe  de  Requiem 
de  M.  Deldevez  a  produit  une  recette  de  700  tr. 
dont  le  Cercle  Musical  a  fait  l'abandon  intégral 
à  l'Association  des  Artistes  Musiciens. 

Non  dans  le  but  de  réaliser  un  bénéfice  en 
argent,  bénéfice  que  les  circonstances  rendaient 
pour  ainsi  dire  impossible,  mais  plutôt  pour 
continuer  une  œuvre  d'art  trop  long-temps  in- 
terrompue, votre  Comité  s'est  déterminé  à  or- 
ganiser dans  notre  salle  quatre  concerts  à  orches- 
tre, pour  lesquels  M.  le  ministre  de  l'intérieur 
et  le  Président  de  la  République  lui-même  nous 
ont  adressé  une  somme  à  titre  d'encouragement. 
L'exécution  de  cesquatre  concerts  n'a  rien  laissé 
à  désirer,  grâces  aux  soins  et  à  l'habileté  de 
M.Georges  Bousquet;  grâces  aussi  à  l'exacti- 
tude, au  zèle  et  surtout  au  talent  des  Artistes 
qui  composaient  l'orchestre;  grâces  enfin  aux 
virtuoses  distingués  qui  se  sont  fait  entendre 
dans  ces  quatre  soirées  remarquables. 

Les  morceaux  exécutés  par  l'orchestre  sont  la 
vingt-deuxième  et  la  trentième  symphonie  de 
Haydn;  la  symphonie  en  sol  de  Weber;  des 
fragments  de  la  symphonie  en  mi  de  M.  La- 
vainne,  compositeur  distingué  de  Lille;  les  ou- 
vertures du  Mariage  de  Figaro  de  Mozart  ;  de 
YHôlellerie  Portugaise  de  Cherubini;  de  Stra- 
lonicc  de  Méhul  et  de  Démophon  de  Vogel.  Il 
est  de  notre  devoir  de  remercier  ici  M"1'  Lefè- 
bure  Wely,  qui  a  supérieurement  chanté  l'air 
de  la  Fée  aux  Roses;  M™  Léonard  qui,  don- 
nant lieu  à  un  rapprochement  plein  d'intérêt, 
s'est  fait  entendre  dans  la  romance  de  la  Nina 
de  Dalayrac  et  dans  la  scène  de  la  Nina  de  Paé- 
siello.MlloRossignon,M.Wartel,M.  Bonnehce; 
MM,  Jubelin,  Boulanger,  Sautot  et  de  Beau- 
pré, qui  tous  ont  bien  voulu  mettre  leur  talent 
au  service  de  votre  Comité. 

Remercions  aussi  Mme  Massart  et  Mlu  Char- 
lotte de  Malleville  qui  ont  dit,  la  première,  un 
concerto  de  Mendelshon  et  le  concerto  en  mi  b 
de  Beethoven,  avec  celte  supériorité  d'exécu- 
tion que  vous  lui  connaissez ,  et ,  la  seconde ,  le 
concerto  en  ré  mineur  de  Mozart  avec  une 
grande  puissance  de  sentiment  et  d'expression. 


N'oublions  pas  MM.  Léonard,  Bazzini  et  Mau- 
rin,  violonistes  hors  ligne;  MM.  Chevillard, 
Lefébui  e  Wely  et  Léon  Magnier,  Artiste  auquel 
nous  avons  été  heureux  de  prêter  personnelle- 
ment notre  concours. 

Outre  ces  quatre  concerts,  deux  matinées  de 
musique  de  chambre  ont  été  données  par  votre 
Comité  les  28  mars  et  2  mai  1852.  On  a  en- 
tendu dans  la  première  de  ces  matinées  orga- 
nisée par  notre  collègue  M.  Massart,  le  sixième 
quatuor  de  Beethoven,  exécuté  par  MM.  Mas- 
sart, Llbrens,  Chéri  et  Jacquard  ;  un  concerto  de 
piano  de  Sébastien  Bach,  exécuté  par  M""  Mas- 
sart; une  grande  sérénade  de  Mozart  pour  ins- 
truments à  vent,  un  solo  de  violon  par  M"c  Urso, 
élève  de  M.  Massart;  enfin  deux  chœurs  parles 
élèves  de  notre  collègue  Batiste. 

Le  programme  de  la  deuxième  malinée  or- 
ganisée par  notre  collègue  Gouffe  était  ainsi 
composé  :  Quinlelto  d'Onslow,  par  MM.  Ri- 
gnault,  Guerreau,  Casimir  Ney,  Lebouc  et 
bouffé;  —  Trio  de  Beethoven,  par  MUo  Louise 
Mattmann,  MM.  Guerreauet  Lebouc;  —  So- 
nate de  Coretli ,  pour  violon  el  basse,  exécutée 
sur  le  violoncelle  et  la  contre-basse  par  MM. 
Lebouc  et  Gonfle  ;  —  Andante  variée  de  Blan- 
chard, par  MM.  Casimir  Ney,  Guerreau,  Blanc 
et  Lebouc.  Enfin,  Bagatelle  de  Beethoven  et 
Air  varié  de  Haëndel  pour  piano,  exécuté  par 
Mlu  Louise  Mattmann;  remercions  encore 
MM.  Triébert,  Garimond,  Klosé,  Parés,  Urbin, 
Bonnefoy,  Jancourt  el  Espaignet  quiont  con- 
couru à  ces  deux  matinées.  Ajoutons  que  de- 
puis le  1"  janvier  1851  jusqu'au  31  mars  1852, 
la  location  de  notre  salle  de  concerls  a  produit 
une  somme  de  2,695  fr. 

Les  jeudi  et  vendredi-saint,  8  et  9  avril  der- 
nier, deux  grands  concerts  ont  été  donnés  au 
Jardin-d'Hiver  par  les  Associations  réunies  des 
Artistes  Musiciens  et  des  Artistes  Industriels. 

Ces  concerls  n'ont  pas  produit  ce  qu'on  était 
en  droit  d'en  attendre;  néanmoins  les  receltes 
ont  excédé  les  dépenses  Plusieurs  morceaux 
de  la  messe  de  Sainte-Cécile,  arrangés  pour  mu- 
sique militaire  par  M.  Klosé  ont  été  exécutés, 
sous  ladirection  de  ce  dernier,  par  les  musiques 
du  3e  léger,  du  14%  du  42e  et  du  58e  de  ligne  , 
du  1"  et  du  7e  lanciers;  des  chœurs  religieux 
ont  été  chantés,  le  vendredi,  parla  Société  cho- 
rale populaire  du  Conservatoire,  sous  la  direc- 
tion de  M.Balisle;  le  jeudi,  par  des  députations 
des  Sociétés  des  Enfants  de  Lutèce,  des  Enfants 
de  Paris,  de  l' Union  Wilhemienne,  des  Enfants 
de  la  Seine  réunies  au  nombre  de  200  chanteurs 
sous  la  conduite  de  M.  Delaporte. 

Mu"Montigny,RouvroyetAublel,  MM.  Gri- 
gnon  fils,  Lourdel,  Raymond,  Schlosser  ont 
chanté  les  solos. 

MM.  Amédée  Arnault  et  Viault  ont  tenu 
l'orgue. 

Le  Comité,  au  nom  de  l'Association  tout  en- 
tière leur  en  témoigne  ici  toute  sa  reconnais- 
sance. 

Quelques  jours  après,  le  25  avril  dernier, 
une  fête  de  jour  a  été  donnée  dans  le  même  éta- 
blissement sous  le  nom  de  fête  du  Printemps, 
au  profit  des  Caisses  de  secours 

1°  De  la  Société  des  Auteurs  etCompositeurs; 

2"  De  l'Association  des  Artistes  Dramatiques; 

3°  De  l'Association  des  Artistes  Musiciens. 

La  beaulé,  la  jeunesse  et  le  talent  ont  fait  au 
public  les  honneurs  de  cette  fête. 

La  Commission  d'organisation  se  composait 
de  MM.  Anicet-Bourgeois,  Ambroise-Thomas, 
Langlé,  Marc-Michel,  Brisebarre,  baron Taylor, 
Derval  ,  Provost,  Mocker,  Berthier,  Debez, 
Panseron,  Henri  Gauthier  et  Devaux. 

Nous  avons  trouvé  chez  M.  Frottin,  maire  du 
1"  arrondissement,  dans  lequel  est  situé  le 
Jardin-d'Hiver,  une  bienveillance  et  un  appui 
dont  nous  sommes  profondément  reconnaissants. 

La  liquidation  de  cette  opération  n'est  point 
encore  entièrement  terminée  ;  cependant ,  on 
peut  dès  aujourd'hui  prévoir  que  chacune  des 
associations  bénéficiaires,  encaissera  plus  de 
500  fr. 

Nous  regrettons  de  ne  pouvoir  citer  ici  les 
noms  de  tous  les  comédiens  et  de  toutes  les 
charmantes  actrices  dont  le  concours  a  été  si 
brillant  et  si  gracieux  :  nous  leur  adressons  col- 
lectivement nos  remerciements  sincères. 


Le  9  de  ce  mois,  une  messe  en  musique  com- 
posée par  M.  Coqterre  ,  chef  de  musique  au  1" 
carabiniers  ,  a  été  exécutée  à  Versailles  par  les 
artistes  du  théâtre,  la  musique  des  carabiniers 
et  l'Orphéon  de  cette  ville  :  M™"  la  comtesse 
de  Ravel  et  M"  Mavet ,  nos  daines  quêteuses , 
ont  recueilli  une  somme  de  215  fr. 

Enfin,  le  10  du  présent  mois,  à  l'occasion  de 
la  grande  fête  de  la  distribution  des  aigles,  le 
Kyrie ,  le  Sanctus  et  VU  Saliitaris  de  la  messe 
de  Sainte-Cécile  de  M.  Ad.  Adam,  arrangée  par 
M.  Klosé  ,  ont  été  exécutés  par  plus  de  1500 
musiciens  militaires.  Ce  formidable  orchestre 
était  composé  des  31  musiques  de  la  division  ; 
voici  quelles  étaient  ces  musiques  : 

Chefs,  MM. 

1°  —  Élèves  du  Gymn.  militair.  Loustalot. 

2°—  Musiq.de  la  Garde  Répub.  Paulus. 

3"  -  Musiq.  du2*rég.dugénic.  Bousquier. 

4" —   3*  de  ligne Ernst. 

5"  -   6*      —        Bonhomme. 

6" — 13'      —        Moreau. 

7«— 19'      _        Nicoud. 

8"— 28-      —        Sourilas. 

9"—  31'       —         Couard. 

10"—  33*      —        Raffara. 

11"- 37'      —        Guiva. 

12"- 38'      -^        Diard. 

13—43'      —        Boudier. 

14"— 44'      —        Borderieux. 

15"— 49'      — Diouras. 

16'  —  51-      —        Douard. 

17"- 56'      —        Lanulle. 

18"— 58'      — Zwerzina. 

19—72"      — Blanckmann. 

20—  3°  léger Kientz. 

21—  6'    — Ponsignon. 

22"— 15=    — Wilhem. 

23'  -19'    —     Quantin. 

24"—    1"  lanciers Creton. 

25" —   7*        — Bousquier. 

26 ■'—    1"  carabiniers Coqterre. 

27"—   2'  —        Gariel. 

28"—   6'  cuirassiers Sax. 

29"—   7'  Ferminet. 

30°—  12-  dragons Baffara. 

31° —   7'  artillerie Buot. 

M.  le  ministre  de  la  guerre  ,  en  s'adressant  à 
notre  Président,  a  compris  que  l'Association 
seule  pouvait  en  aussi  peu  de  temps  grouper 
et  harmoniser  les  éléments  nécessaires  à  une 
pareille  exécution. 

MM.  le  baron  Taylor,  Ad.  Adam  et  Klosé 
se  sont  multipliés.  —  Au  reste,  nous  sommes 
heureux  de  le  reconnaître  ,  la  bonne  volonté 
qu'ils  ont  rencontrée  chez  nos  camarades  de 
l'armée,  les  a  puissamment  secondés  dans  leur 
travail  difficile  et  précipité. 

Nous  avons  eu  d'autres  projets  encore  :  à 
Paris,  à  Saint-Cloud,  à  Londres,  à  Poitiers,  à 
Bheims,  à  Châlons-sur-Marne,  à  Dunkerque,  à 
Nantes,  à  Dieppe,  à  Rouen  ,  des  fêles  ont  été 
tentées,  mais  n'ont  pu  être  suivies  de  réalisa- 
tion ;  plus  d'une  fois  nous  avons  dû  reculer  de- 
vant des  obstacles  qu'il  n'a  pas  dépendu  de  nous 
de  tourner  ou  de  franchir. 

Ici  se  termine,  mes  chers  Camarades,  l'exposé 
des  opérations  de  votre  Comité  pendant  l'exer- 
cice qui  vient  de  s'écouler.  Nous  en  soumettons 
les  détails  et  l'ensemble  à  votre  examen  et  à 
vos  appréciations ,  avec  cette  franchise  el  cette 
tranquillité  que  donne  la  conscience  d  un  devoir 
accompli. 

Il  ne  nous  reste  plus  qu'à  jeter  un  coup-d'œil 
rapide,  mais  attentif,  sur  quelques  chiffres  im- 
portants. Certains  esprits  positifs  qui  ne  saisis- 
sent la  vérité  que  lorsqu'elle  s'appuie  sur  des 
résultats  matériels,  que  lorsqu'elle  est  attestée 
par  des  faits,  y  trouveront  la  preuve  sensible 
que  nos  espérances  et  nos  prévisions  n'ont  rien 
d'aléatoire  et  d'incertain;  qu'au  contraire,  elles 
portent  en  elles-mêmes  le  cachet  de  l'évidence 
et  de  la  certitude  la  plus  entière. 

Les  cotisations  de  Paris  et  de  la  province, 
rentrées  pendant  le  coursde  l'année  1850,  avaient 
atteint  le  chiffre  de 16,126  75 

chiffre  qui  constatait  sur  1849,  une 
augmentation  de  5,000  fr.;  eh  bien, 
les  cotisations  perçues  en  1851  ,  se 
sont  accrues  dans  une  proportion 
plus  forte  encore  :  elles  se  sont  éle- 


vées, pour  Paris,  à 13,414  35 

et  pour  la  province,  à 8,585  15 


Ce  qui  constitue  un  total  de. . .  .     21,999  50 


Ce  total  constate  une  augmenta- 
tion de  5,872  fr.  75  c.  Pendant  les 
trois  premiers  mois  de  cette  année 
1852  ,  le  chiffre  des  cotisations  a 
continué  sa  progression  ascendante, 

il  s'est  élevé,  pour  Paris,  à 4,967    » 

pour  la  province,  à 2,649  25 

Total 7,616  25 

La  moyenne  du  trimestre  de  l'an  dernier 
n'était  que  de  5,499  fr.  87  c. 

Le  total  des  recettes  de  1851  a  surpassé  celui 

de  1850,  de 11,745  45 

il  s'est  élevé  à 53,925  73 

La  contre-partie  de  l'accroissement  des  re- 
cettes, c'est  l'augmentation  relative  dans  les 
secours,  les  pensions  et  les  dons  de  toute  na- 
ture :  ainsi,  en  1850,  le  total  des  secours  et 
pensions  payés  par  l'Association  ,  sans  y  com- 
prendre les  secours  pris  sur  les  fonds  de  la  lo- 
terie, n'était  que  de 7,544    » 

en  1851,   il  a  plus  que  doublé;  il 

s'est  élevé  à 15,056  55 

4,319  fr.  75  c.  ont  été  distribués  en  secours 
et  pensions,  depuis  le  1"  janvier  jusqu'au  31 
mars  1852. 

Outre  cette  augmentation  dans  les  secours  et 
pensions,  amenée  par  l'accroissement  des  recet- 
tes ,  nous  avons  pu  payer  les  frais  de  loyer,  de 
décoration  et  d'ameublement  de  notre  salle  de 
concerts,  et  acheter,  depuis  le  1"  janvier  1851, 
895  fr.  de  rentes  pour  une  somme  de  18,327  fr. 
45  c. 

L'an  passé,  la  liquidation  de  la  grande  loterie 
d'un  million  n'étant  pas  entièrement  terminée  , 
nous  n'avons  pu  vous  citer  le  total  de  nos  rentes 
qued'unemanière  approximative.  Nous  sommes 
en  mesure  aujourd'hui  de  vous  le  faire  connaître 
d'une  manière  exacte  et  positive. 

A  l'heure  qu'il  est,  si  la  conversion  des  renies 
5  p.  %  n'avait  pas  été  décrétée,  l'Association 
des  Artistes  Musiciens  posséderait  13,835  fr. 
de  rentes  ,  dont  13,215  fr.  en  5  p.  °/„  et  620  en 
3  p.  •/„. 

Le  décret  concernant  le  5  a  fait  subir  à  la 
rente  une  dépréciation  d'un  dixième;  donc,  au 
chiffre  13,835  fr.  il  faut  substituer  celui  de 
12,514  fr.  50  cent.  ;  tel  est  aujourd'hui  le  total 
de  nos  rentes. 

Il  ne  nous  appartient  pas  d'apprécier  ici  la 
mesure  de  la  conversion  dans  la  généralité  de 
son  application  ;  nous  croyons,  puisqu'elle  a  été 
prise,  qu'elle  était  réclamée  par  l'intérêt  géné- 
ral du  pays;  cependant,  nous  ne  pouvons  nous 
empêcher  de  déplorer  l'atteinte  grave  qu'elle 
nous  a  portée  :  la  rente  de  l'Association,  c'est 
le  pain  du  malheureux  ,  le  médicament  du 
malade,  le  soutien  du  vieillard,  de  la  veuve  et 
de  l'orphelin  ;  elle  ne  peut  être  identifiée,  con- 
fondue avec  la  fortune  du  rentier  ;  assimilée  aux 
revenus  du  capitaliste.  Nous  basant  sur  ces 
considérations,  qui  ne  sont  pas  sans  valeur  à 
nos  yeux,  nous  avons  cru  devoir  adresser  nos 
réclamations  à  l'autorité;  nous  savons,  et  nous 
en  sommes  fiers,  que  l'existence  de  notre  insti- 
tution est  intimement  liée  à  celle  de  la  France; 
nous  savons  que  nos  destinées  sont  solidaires 
des  destinées  delà  l'atrie;aussi, ce  que  nous  sollici- 
tons, ce  n'est  pas  d'échapper,  soit  par  exception, 
soit  par  privilège,  à  la  loi  qui,  nous  le  compre- 
nons, doit  être  générale  dans  ses  commande- 
ments comme  elle  l'est  dans  ses  garanties  : 
mais,  c'est  d'obtenir  de  l'État  soit  un  don,  soit 
uneindemnilè  qui  balance  ou  au  moinsatténue 
l'énorme  perte  que  nous  avons  éprouvée;  notre 
voix  a  été  entendue,  tout  nous  fait  espérer  que 
notre  demande  ne  restera  pas  sans  résultats. 

La  réduction  de  la  rente  devait  amener  néces- 
sairement, ou  une  diminution  dans  les  secours, 
ou  un  abaissement  proportionnel  du  chiffre  de 
la  pension  ;  d'un  côté,  il  eût  été  fâcheux,  comme 
l'a  fort  bien  fait  voir  notre  vice-président,  M. 
Edouard  Monnais,  de  descendre  la  pension 
au-dessous  de  300  fr.,  ce  chiffre  nous  paraissant 
répondre  à  l'extrême  minimum  des  besoins  de 
la  vie;  de  l'autre,  il  eût  été  pénible  de  fer- 
mer l'oreille  aux  demandes  de  secours  qui 
nous  arrivent  de  toutes  parts,  quand  déjà  nous 


regrettons  de  ne  pas  faire  assez  pour  ceux  qui 
souffrent.  Pendant  que  chacun  de  nous  réflé- 
chissait sur  cette  question  importante  a6n  d'ap- 
porter dans  le  déliât  le  fruit  de  ses  méditations 
particulières,  la  mort,  sans  laquelle  nous  comp- 
tions, vint  malheureusement  résoudre  le  problê- 
me. Trois  de  nos  pensionnaires,  MM.  Lavocat, 
Calin-Chaine  de  Paris  el  Bouhourc  de  Toulouse 
expirèrent  presque  simultanément.  Il  fut  unani- 
mement décidé  qu'on  attendrait,  pour  nommer 
aux  pensions  vacantes,  que  le  travail  et  le  temps, 
sinon  l'indemnité  que  nous  espérons,  aient 
réparé  la  perte  de  notre  fortune  commune  ;  de 
cette  manière,  le  chiffre  de  la  pension  sera  con- 
servé, et  les  secours  accordés  ne  subiront  pas 
de  diminution. 

Un  reproche  qu'on  adresse  quelquefois,  non 
seulement  à  votre  Comité  ,  mais  encore  aux 
Comités  des  Artistes  Dramatiques  et  des  Artistes 
Peintres,  Architectes,  Sculpteurs,  Graveurs  et 
Dessinateurs,  c'est  de  ne  pas  répartir  équitable- 
ment  les  pensions  entre  Paris  el  les  départe- 
ments. Les  Artistes  de  province  qui  formulent 
ce  grief  le  font  injustement,  le  document  qui  suit 
en  fournit  la  preuve. 

Tableau  des  pensions  que  paient,  dans  les 
villes  de  province,  par  l'intermédiaire  de  MM. 
les  maires,  les  trois  Associations  des  Artistes 
Dramatiques,  des  Artistes  Peintres  el  des  Artis- 
tes Musiciens  : 

A  Agen 120  fr. 

A  Amiens 306 

A  Besancon 150 

A  Bordeaux 372 

A  Avignon 200 

A  Dunkerque 120 

A  Dieppe ....        306 

Au  Havre 366 

A  Lyon 1,434 

A  Marseille 1,568 

A  Nantes 386 

A  Nancy 300 

A  Nevers 200 

A  Orléans 300 

A  Nîsmes 186 

A  Pau 200 

A  Poitiers 186 

A  Bouen 730 

A  Rochefort 186 

A  La  Bochelle 186 

A  Saintes 186 

A  Sarlat 186 

A  Sens. 186 

A  Strasbourg 300 

A  Toulouse 558 

Total 9,218 

Il  résulte  du  tableau  qui  précède,  que  les  trois 
Associations  payent  à  litre  de  pensions  ,  dans 
vingt-cinq  villes  importantes, un  total  de  9,218  f. 

Vous  savez  ,  mes  chers  Camarades  ,  qu'une 
nouvelle  loterie  de  600,000  fr.,  dite  Loterie 
nationale  des  Lettres  et  des  Arts,  a  été  organisée 
au  profit  des  six  Associations  :  1"  des  Auteurs 
et  Compositeurs  dramatiques  ;  2"  des  Gens  de 
lettres;  3°  des  Artistes  Dramatiques;  4°  des 
Musiciens;  5°  des  Peintres;  6"  des  Inventeurs 
et  Artistes  Industriels. 

L'organisateur ,  vous  le  connaissez  ;  c'est 
notre  Président,  M.  le  baron  Taylor. 

Comme  virent  autrefois  les  Hébreux  sous  la 
verge  de  leur  législateur,  sourdre  de  fraîches 
eaux  des  stériles  rochers  de  l'Horeb  ,  nous,  les 
Artistes,  qui  sommes  aussi  le  peuple  de  Dieu, 
et  qui  marchons  comme  eux  vers  une  terre 
promise,  nous  avons  vu,  sous  les  mains  fé- 
condes de  M.  Taylor,  jaillir  des  Loteries,  jadis 
objet  de  scandale,  de  désespoir  et  de  ruine,  des 
sources  abondantes  de  fortune,  de  consolations 
et  de  bienfaits. 

N'oublions  pas  que  nous  devons  aux  Loteries, 
une  large  part  de  notre  capital,  et  que  ce  riche 
filon  ouvert  au  profit  des  Artistes  par  notre 
Président,  est  loin  d'être  épuisé. 

La  Commission  de  surveillance  dont  M.  le 
baron  Taylor  est  Président,  se  compose  : 

Pour  les  Auteurs  et  compositeurs  dramatiques, 
de  MM.  Anicet  Bourgeois  et  Lockroy. 

Pour  les  Gens  de  Lettres,  de  MM.  Achille 
Comte  et  Celiiez. 

Pour  les  Artistes  Dramatiques,  de  MM.  Sam- 
son  et  Derval. 


GAZETTE  MUSICALE 


Pour  les  Artistes  Musiciens,  de  MM.  Charles 
Debez  et  Adolphe  Adam. 

Pour  les  Artistes  Peintres,  Sculpteurs,  Archi- 
tectes, Graveurs  et  Dessinateurs,  de  MM.  Mar- 
chand et  Diimonl. 

Pour  les  Inventeurs  et  Artistes  Industriels,  de 
MM.  le  baron  Taylor  et  Etienne  Blanc. 

M.  Bolle-Lasalle  a  été  chargé  de  l'adminis- 
tration de  celle  nouvelle  Loterie,  à  laquelle 
M.  le  duc  de  Luynes,  cet  amateur  éclairé  des 
arts,  ce  protecteur  généreuxdesArtistes,  a  sous- 
crit pour  100  fr.  de'billels. 

Nous  n'avons  que  des  louanges  et  des  re- 
merciments  à  adresser  à  nos  Conseils  médical  et 
judiciaire.  Tout  le  monde  a  fail  son  devoir  avec 
autant  de  zèle  que  de  désintéressement. 

Nous  sommes  en  instance,  mes  chers  Cama- 
rades, pour  obtenir  du  Gouvernement,  que  notre 
instilution  soit  reconnue  comme  établissement 
d'utilité  publique.  Nos  statuts  vont  êlre  soumis 
à  l'approbation  du  Conseil  d'Etat,  qui,  sans  au- 
cun doute,  fera  pour  nous  ce  qu'il  a  déjà  fait 
pour  les  Artistes  dramatiques.  Nous  espérons 
que  cette  année  ne  s'écoulera  pas  sans  que  soit 
rendue  l'ordonnance  qui  fait  l'objet  de  notre  de- 
mande; aussi,  nous  engageons  les  Artistes  sans 
fortune,  qui,jusqu'àprèsenl,  soitpar  négligence, 
soit  par  toute  autre  cause,  n'auraient  point  en- 
core fait  acte  d'adhésion  à  l'Association,  à  se 
hâter  de  le  faire:  plus  tard,  selon  toute  proba- 
bilité, il  sera  exigé  d'eux  un  premier  versement 
de  30  francs;  et  ce  versement  sera  de  toute  jus- 
tice, car  il  trouvera  de  larges  compensations 
dans  les  garanties  offertes  à  l'impétrant,  d'une 
part,  par  l'autorisation  et  la  reconnaissance  du 
Gouvernement;  de  l'aulre,  par  la  fortune  ac- 
quise de  l'Association. 

Nous  en  étions  ici  de  notre  travail,  quand 
nous  avons  appris  la  perle  douloureuse  qui  vient 
d'atteindre  votre  Comité  dans  la  personne  de 
l'un  de  ses  membres  les  plus  exacts,  les  plus 
utiles  et  les  plus  dévoués. 

M.  Joseph-Henri-Pascal  Taskin,  né  à  Ver- 
sailles le  24-  août  1779,  fils  de  Pascal  Taskin, 
fadeur  de  pianos  de  Louis  XV  et  de  Louis  XVI, 
membre  de  l'Alhènée  des  Arls,  de  la  Société 
Académique  des  Enfants  d'Apollon,  du  Grand 
Orient  de  France,  du  Comité  de  l'Association 
des  Artistes  Musiciens,  a  cessé  de  vivre  presque 
subitement,  le  mardi  4  mai  1852,  vers  11  heures 
(lu  soir,  à  l'âge  de  73  ans. 

Taskin  était  un  de  ces  Artistes  choisis  qui 
font  peu  de  bruit,  mais  font  beaucoup  de  bien  ; 
sa  modestie  égalait  son  talent.  Doué  d'uneintel- 
ligence  élevée,  d'un  esprit  droit,  d'un  ca- 
ractère égal,  d'un  cœur  d'or,  il  ne  sacrifia 
jamais  aux  dieux  du  jour,  et  le  culte  qu'il 
professait  pour  l'art,  demeura  constamment 
digne  de  son  suprême  objet.  Taskin  avait  con- 
servé dans  sa  gaie  et  verte  vieillesse  toute  la 
candeur  et  toute  la  sensibilité  du  jeune  âge; 
philanthrope  éclairé,  professeur  consciencieux, 
artiste  convaincu,  heureux  des  services  qu'il 
pouvait  rendre  aux  autres,  il  fut  aimé  et  estimé 
de  tous,  sa  mort  a  été  douce  et  calme  comme  sa 
vie;  la  tombe  s'est  refermée  sur  lui,  mais  son 
souvenir  vit  et  vivralong-tempsdans  nos  cœurs. 
Votre  Comité  n'a  pu  être  prévenu  assez  à  temps 
pour  accompagner  officiellement  Taskin  à  sa 
dernière  demeure,  et  jeter  sur  sa  cendre  un 
éternel  adieu;  mais  cet  adieu.il  le  lui  adresse 
devant  vous,  mes  chers  Camarades,  il  le  joint  au 
vôtre  dans  toute  l'effusion  de  ses  regrets. 

Nous  placerons  ici  quelques  considérations 
qui  ne  nous  paraissent  pas  sans  quelque  utilité, 
elles  seront  courtes  comme  nous  l'imposent  du 
reste  les  limites  que  nous  nous  sommes  tracées. 

Les  Associations  d'Artistes,  et  particuliè- 
rement la  nôtie,  mes  chers  Camarades,  ont  de- 
vant elles  une  large  carrière  à  fournir.  Elle 
est  grande  et  salutaire,  la  mission  que  notre 
œuvre  est  appelée  à  remplir  ici-bas.  Pénétrez- 
vous  bien  de  cette  vérité,  comprenez- en  bien 
l'importance.  Tout  ce  qui  tend  à  dégager  l'idée 
pure,  la  pensée  mère  de  l'Association  des  no- 
lions  mesquines,  vagues  ou  même  fausses  qu'on 
a  pu  s'on  faire  jusqu à  ce  jour,  ne  saurait  être 
oiseux  ou  inutile.  C'est  une  de  nos  convictions, 
que  mieux  l'Association  sera  comprise  plus  on 
lui  consacrera  de  forces,  et  plus  elle  éveillera  de 
sympathies. 

iNotre  Association  n'est  point  une  sorte  d'o- 


pération de  tontine  entre  les  individus  qui  la 
composent  ;  gardez-vous  bien  de  la  considérer 
ainsi;  elle  domine  ces  combinaisons  comme  le 
dévouement  domine  l'intérêt;  comme  l'amour 
domine  l'ègoïsme.  Toutes  ces  sociétés  de  pré- 
voyance purement  individuelle,  avec  lesquelles 
il  ne  faut  pas  nous  confondre,  expirent  toujours 
avec  le  dernier  survivant  des  co-associés,  ne 
laissant  après  elles  qu'un  héritage  particulier 
qui  en  démontre  en  quelque  sorte  le  néant  et  le 
peu  de  moralité.  Nous,  ce  que  nous  voulons,  ce 
n'est  pas  seulement  nous  assurer  mutuellement 
un  soulien,  c'est  encore,  c'est  surtout  élever  sur 
les  bases  tracées  par  notre  fondateur  un  monu- 
ment qui  puisse  servir  d'abri  à  nous  et  aux  Ar- 
tistes qui  viendront  après  nous.  Songez-y  :  les 
hommes  passent,  les  institutions  demeurent; 
elles  sont  les  liens  qui  rattachent  les  généra- 
tions entre  elles.  Pourquoi  toutes  les  tentatives 
qui  ont  été  faites  depuis  la  loi  du  22  août  1790, 
décrétée  par  l'Assemblée  constituante,  jusqu'à 
ce  jour,  pour  organiser  les  secours  et  l'assistance 
publics  sont-elles  restées  impuissantes  et  sté- 
riles? C'est  qu'elles  ne  faisaient  rien  pour  l'ave- 
nir ;  c'est  qu'elles  n'établissaient  aucune  solida- 
rité enlre  les  temps  présents  et  les  époques  fu- 
tures ;  c'est,  en  un  mot,  qu'elles  ne  traçaient  pas 
le  plan  d'une  institution  durable,  ainsi  que  l'ont 
fait  nos  législateurs.  En  immobilisant  notre 
capital,  et  en  ne  laissant  aux  besoins  actuels  que 
la  disposition  de  notre  rente,  ils  ont  concilié  les 
exigences  du  présent  avec  celles  de  l'avenir;  ils 
ont  assuré  l'assistance  au  malheur,  et  en  même 
temps  créé  une  fortune  insaisissable  à  la  grande 
famille  des  Artistes  Musiciens. 

Il  est  clair  que  nous  n'arriverons  pas  à  ce 
magnifique  résultat  de  doter  notre  pays  dune 
institution  salutaire,  sans  de  grands  travaux  et 
de  grands  sacrifices;  mais,  vous  le  savez,  on 
n'édifie  pas  sans  matériaux.  Nous  bénissons  nos 
pères  quand  nous  songeons  aux  conquêtes  qu'ils 
nous  ont  léguées;  faisons  en  sorte  que  nos  en- 
fants nous  bénissent  de  même  en  recueillant  un 
jour  le  fruit  de  nos  labeurs. 

Ce  n'est  pas  immédiatement,  c'est  graduelle- 
ment, c'est  insensiblement  qu'on  peut  atteindre 
un  but  si  élevé,  cl  le  mode  d'action  déterminé 
par  nos  premiers  fondateurs  décèle,  vous  le  re- 
connaîtrez ,  la  plus  pure  charité,  la  plus  haute 
intelligence  et  la  plus  pratique  sagesse. 

Pour  tirer  de  nos  principes  et  pour  hâter  le 
développement  des  germes  féconds  qu'ils  con- 
tiennent, nous  avons  besoin  du  concours  de  tous. 
L'œuvre  est  si  immense ,  que  le  nombre  des 
travailleurs  ne  saurait  être  trop  grand  ;  elle  est 
si  belle,  que  leur  participation  ne  saurait  être 
trop  active  ni  trop  dévouée.  Loin  de  nous  l'é- 
troite pensée  de  restreindre  de  nos  vœux  le 
nombre  de  ceux  qui,  en  concourant  aux  progrès 
de  l'Association,  auront  acquis  des  droits  à  la 
jouissance  de  ses  bienfaits.  Nous  désirons  au 
contraire  que  notre  institution  étende  son  égide 
protectrice  sur  tous  les  Artistes  Musiciens  de  la 
France.  Que  les  intérêts  particuliers  ne  s'alar- 
ment pas;  ils  ne  sauraient  être  justes  et  légiti- 
mes qu'à  la  condition  d'être  en  parfaite  harmo- 
nie avec  l'intérêt  général  D'ailleurs,  dans  nos 
opérations,  plus  la  base  est  large  et  plus  elle  est 
favorable.  Ne  repoussons  pas  le  bénéfice  que 
nous  assure  la  loi  des  grands  nombres,  loi  par 
laquelle  le  calcul  des  probabilités  présente  des 
résultats  d'autant  plus  exacts  et  plus  sûrs  qu'il 
spécule  sur  une  plus  grande  quantité  de  faits. 
Les  demandes  de  secours  et  pensions  augmen- 
teront, cela  est  vrai,  avec  le  nombre  des  socié- 
taires; mais,  soyez-en  bien  convaincus,  nos 
ressources  s'accroilront  dans  déplus  larges  pro- 
portions que  nos  besoins. 

Ce  que  nous  venons  de  dire  est  encore  impar- 
faitement compris  de  la  masse  des  Artistes; 
mais  de  jour  en  jour  la  lumière  se  fait,  et  si 
quelques  hommes,  heureusement  en  bien  petit 
nombre,  nous  sont  restés  défavorables;  si,  gui- 
dés par  un  intérêt  mal  entendu,  quelques  autres 
se  sont  groupés  avec  hostilité  autour  des  pre- 
miers, il  ne  faut  pas  nous  en  émouvoir.  Cela 
peut-être  excitera  nos  regrets,  mais  n'éveillera 
jamais  nos  craintes  D'ailleurs,  tout  ce  que  Paris, 
tout  ce  que  la  France  compte  de  véritables  il- 
lustrations artistiques,  scientifiques  ou  littérai- 
res; tout  ce  qui  produit,  tout  ce  qui  crée,  tout 
ce  qui  féconde  dans  le  vaste  domaine  de  la 
pensée,  est  entièrement  dévoué  à  nos  institu- 
tions. 


Avant-hier,  15  mai,  a  eu  lieu  le  banquet  an- 
nuel des  Comités  réunis,  banquet  dont  le  but 
est  non  seulement  de  fêter  le  fondateur,  mais 
encore  de  célébrer  la  fondation  des  Associations. 
Cette  fêle  intime,  présidée  par  la  Société  des 
Artistes  Peintres,  dans  la  personne  de  M.  Adrien 
Dauzats,  a  présenté  le  spectacle  touchant  d'une 
immense  famille  assise  autour  de  la  table  pa- 
ternelle. 

M.  Adrien  Dauzats,  au  nom  des  Peintres,  a 
porté  le  premier  toast  au  Président  Taylor,  au 
savant,  à  l'archéologue,  au  voyageur,  à  l'artiste, 
au  fondateur  des  Associations.  M.  Tessier,  au 
nom  des  Inventeurs;  M.  Edouard  Monnais,  au 
nom  des  Musiciens;  M.  Francis  Wey,  au  nom 
des  Gens  des  Lettres;  M.  Anicet  Bourgeois,  au 
nom  des  Auteurs  et  Compositeurs  Dramatiques, 
et  enfin  M.  Samson,  au  nom  des  Artistes  Dra- 
matiques ,  ont  successivement  pris  la  parole; 
tous,  ils  ont  exprimé  de  nobles  pensées,  éveillé 
de  grandes  espérances,  rappelé  d'illustres  sou- 
venirs. M.  Taylor  a  répondu  à  ces  divers  toasts 
avec  celle  éloquence  du  cœur  qui  entraîne  et 
qui  séduit. 

Nous  voudrions  que  tous  les  Artistes  pussent 
assister  à  ces  agapes  fraternelles;  comme  nous, 
ils  en  sortiraient  plus  forts,  plus  convaincus, 
plus  confiants,  plus  dévoués  à  l'œuvre  de  l'As- 
sociation. Il  est  beau,  il  est  consolant,  en  effet, 
de  voir  l'Industrie,  les  Lettres  et  les  Arts,  dans 
la  personne  de  leurs  plus  illustres  représentants, 
se  grouper  dans  un  même  élan  de  tendresse  et 
de  reconnaissance  autour  de  l'homme  qui  leur  a 
ouvert  une  nouvelle  carrière,  de  l'homme  qui 
en  est  le  cenlre,  de  l'homme  qui  en  résume,  qui 
en  personnifie  la  puissante  unité. 

Je  vous  ai  dit,  et  vous  vous  le  rappelez  sans 
doute,  qu'un  beau  portrait  du  baron  Taylor, 
peint  par  M.  Charles  Lefebvre,  du  Comité  des 
Peintres,  ornait,  l'année  dernière,  la  salle  de 
notre  banquet;  ce  portrait,  que  vous  avez  pu 
voir  et  apprécier  au  salon  de  cette  année,  a  été 
reproduit  parla  lithographie.  Les  Comités  ont 
confié  cette  reproduction  à  l'habile  crayon  de 
M.  Léon  Noël  ;  c'est  un  service  rendu  aux  Ar- 
tistes. Aujourd'hui,  il  nous  est  possible  à  tous, 
moyennant  une  modique  somme,  de  posséder 
chez  nous,  dans  notre  intérieur,  à  notre  foyer, 
les  traits  de  l'homme  bienfaisant  qui  nous  a 
consacré  sa  vie.  Ce  portrait  sera  le  plus  beau, 
le  plus  utile  ornement  de  nos  demeures;  il  nous 
dira  dans  la  prospérité  :  souvenez-vous  que 
vous  avez  des  frères  malheureux;  dans  l'adver- 
sité, il  nous  rappellera  que  nous  ne  sommes 
point  isolés  ici-bas,  qu'une  providence  terrestre 
veille  sur  nous;  en  un  mot,  qu'il  existe  une 
institution  dont  le  devoir,  dont  le  bonheur  est 
de  nous  consoler,  de  nous  assister,  de  nous 
secourir  et  de  nous  sauver. 

Ce  portrait,  vous  l'avez  vu,  il  est  exposé  à 
l'entrée  de  cette  salle,  et  vous  l'avez  (rouvé 
ressemblant,  n'est-il  pas  vrai,  mes  chers  Cama- 
rades, il  l'est,  en  effet,  ttplus  encore  que  vous 
ne  le  supposez  :  il  se  livre,  comme  celui  dont  il 
est  la  fidèle  image,  au  bénéfice  des  Associa- 
tions. 

Nous  voici  arrivés,  mes  chers  Camarades,  au 
terme  de  notre  tache,  il  nous  reste  une  crainte  : 
celle  de  n'avoir  pas  rendu  justice  à  tous,  celle 
de  ne  vous  avoir  pas  signalé  tous  ceux  qui  ont 
acquis  des  droits  à  notre  reconnaissance  ;  mais, 
si  notre  mémoire  a  été  infidèle,  notre  cœur  n'a 
rien  oublié;  nous  les  confondons  tous  dans  un 
même  souvenir  et  dans  une  même  pensée,  pour 
leur  adresser  nos  félicitations  sincères  et  nos 
vifs  remerciements- 

Quant  à  vous,  notre  cher  Président,  qui  ne 
vivez  plus  pour  vous-même,  quant  à  vous, 
pilote  dévoué,  qui  ne  quittez  le  gouvernail  que 
pour  courir  au  compas  ou  à  la  voile,  et  qui  ne 
vous  arrêterez  dans  votre  rude  labeur,  que  lors- 
que votre  cher  équipage  aura  touché  le  port, 
soyez  béni  pour  le  bien  que  vous  faites.  Les 
Artistes,  vos  enfants,  ne  sont  pas  des  ingrats;  si 
leur  vœu  le  plus  ardent  est  exaucé,  et  il  le  sera, 
Dieu  vous  accordera  des  jours  nombreux ,  il 
vous  permettra  d'achever  votre  œuvre  ;  «  car, 
i.  pour  le  bonheur  des  uns  et  pour  l'exemple  de 
»  tous,  comme  l'a  noblement  exprimé  notre 
n  maître,  Samson,  une  longue  vie  est  due  à 
»  ceux  qui  la  remplissent  de  si  bonnes  œa- 
»  vres.  » 


DE  PARIS. 


173 


REVUE  CRITIQUE. 

Eludent  pour   l<-    itlmio  par  Hm1  In  romlctmc    Igruitr    <l«- 
Uasparlu. 

Comme  quelques  célèbres  chanteurs  qui  sont  devenus  riches,  titrés, 
favoris  et  presque  minislrcs,  tels  que  Rizzio,  Farinelli,  plusieurs  actri- 
ces, cantatrices  ,  ont  pris  rang  aussi  parmi  les  favorites  de  l'amour, 
de  la  fortune,  des  grands  qui  les  ont  épousées.  De  nos  jours,  ce  sont 
les  dames  titrées  qui  se  font  elles-mêmes  artistes,  virtuoses,  auteurs, 
compositeurs,  etc.  Dans  celles  qui  tiennent  la  plume  d'une  manière  re- 
marquable, on  peut  citer  Mme  la  princesse  de  Belgiojoso,  qui,  excellente 
musicienne,  sait  unir  la  pensée  ascétique,  sur  les  pères  de  l'Église,  au 
style  piquant  et  léger  du  moraliste-critique.  Le  talent  de  Mme  la  ba- 
ronne Dudevant  n'a  pas  besoin  d'être  élogié,  comme  dirait  notre  vieux 
Montaigne  :  son  appréciation  est  faite  chaque  jour  par  ses  innombrables 
lecteurs.  Les  comtesses  d'Agoult  et  de  Merlin  se  sont  faites  également 
écrivains,  artistes.  Mlle  de  Nesselrode,  comtesse  deKalergi,  dit  sur  le 
piano  la  musique  classique  de  nos  grands  maîtres,  en  musicienne  de 
profession.  Mme  la  vicomtesse  de  Grandval,  naguère  Mlle  de  Reiset, 
cantatrice  en  style  de  Mme  Damoreau,  compose  sonates,  duos,  trios, 
quatuors,  quintettes  pour  instruments  à  cordes  ou  à  vent  et  pour  piano, 
qu'elle  exécute  délicieusement  elle-même  sur  ce  dernier  instrument. 
Voici  venir  de  plus,  et  pour  compléter  cette  pléiade  musicale,  artistique  et 
nobiliaire  tout  à  la  fois,  Mme  la  comtesse  Agénor  de  Gasparin,  quia 
composé  trois  études  pour  le  piano  qu'elle  a  fait  publier,  ou  du  moins 
publier  avec  restriction,  puisqu'une  note  mise  au  bas  du  titre  de  cette 
œuvre  dit  que  ces  études  ne  sont  pas  en  vente.  C'est  le  seul  défaut  que 
nous  connaissions  à  ce  recueil  et  celui  d'être  trop  court,  et  peut-être 
aussi  celui  de  renfermer  trop  de  doubles  octaves  pour  les  deux  mains. 

Ce  qui  distingue  surtout  ce  travail  sérieux  et  utile,  jeté  avec  une 
sorte  d'aristocratie  dans  l'enseignement  du  piano ,  c'est  la  mélodie 
franche  et  bien  rhythmée;  c'est  le  contraste  des  dessins  harmoniques, 
des  deux  sujets  bien  accusés  et  bien  perceptibles  à  l'oreille  de  l'audi- 
teur intelligent;  c'est  la  pureté,  la  sévérité  du  style  ;  c'est  en  même 
temps  la  fantaisie,  le  brio,  l'extension,  les  sauts  capricieux  et  auda- 
cieux des  intervalles  les  plus  disparates;  c'est  enfin  la  logique,  l'unité 
de  la  pensée  unie  à  l'élégance,  à  l'éclat  du  trait  de  nos  brillants  pia- 
nistes de  ce  temps-ci. 

La  première  de  ces  études,  en  ut  majeur,  mesure  à  quatre  temps, 
débute  par  une  introduction  de  huit  mesures  d'une  allure  franche  et 
vive.  Sur  le  dessin  de  celte  introduction,  qui  passe  alors  à  la  basse,  la 
main  droite  brode  une  arabesque  en  huit  triolets  par  double  croche, 
en  doubles  octaves  et  tierces  ou  quartes,  d'une  rare  élégance,  et  qui  ne 
cesse  qu'à  la  fin  de  cette  étude,  qui  n'a  pas  moins  de  huit  pages.  Les 
modulations  y  sont  traitées  avec  modération.  Celle  qui  passe  du  ton 
primitif  d'uTmajeur  en  la  bémol,  c'est-à-dire  à  la  tierce  majeure  infé- 
rieure, est,  quoique  très-connue  et  fort  usitée,  d'un  bon  et  piquant 
effet. 

A  l'exemple  de  Beethoven,  qui  a  traité  avec  génie  et  science  le  pre- 
mier morceau  de  sa  symphonie  en  ut  mineur,  en  n'y  employant  qu'un 
dessin  de  quatre  notes  seulement,  Mme  de  Gasparin,  plus  sobre  encore 
dans  ses  dessins  mélodiques,  a  composé  sa  deuxième  étude,  en  ut  mi- 
neur aussi,  au  moyen  presque  exclusif  d'une  phrase  de  trois  notes,  en 
mesure  à  trois-huit.  Après  une  épisode  d'un  canlo  appassionato  en  dou- 
bles croches,  l'auteur  revient  à  ses  trois  notes  et  termine  en  ce  rhythme 
cette  étude  vive,  alerte,  animée,  et  tout  empreinte  d'une  verve  drama- 
tique. 

La  troisième  et  dernière  de  ces  études  n'est  pas  moins  passionnée  et 
dramatique  que  la  seconde.  En  la  mineur,  elle  entre  en  matière, 
comme  les  deux  premières,  par  une  large  introduction  de  quelques 
mesures,  et  attaque,  sur  une  mesure  à  deux-quatre,  d'un  mouvement 
vif,  un  trait  de  huit  doubles  croches  en  double  octaves  à  la  main  droite, 
pendant  que  la  gauche  procède  par  un  dessin  syncopé  du  meilleur  effet. 
A  ec  double  dessin  en  succède  un  en  quadruples  octaves  pour  les  deux 


mains,  que  les  plus  habiles  pianistes  trouveront  d'une  difficile  exé- 
cution. 

Dans  les  six  mesures  de  péroraison  qui  terminent  cette  dernière 
étude,  il  faut  supprimer,  ce  nous  semble,  les  points  qui  suivent  chaque 
double  croche  comme  allongeant  la  valeur  des  notes  outre  mesure,  ou 
surmonter  du  chiffre  3,  et  désigner  ainsi  comme  triolets,  les  triples  et 
doubles  croches  qui  sont  précédées  d'un  demi-quart  de  soupir.  Après 
le  conseil  de  cette  légère  correction  à  faire  et  qui  est  exclusivement 
dans  les  attributions  du  graveur,  ainsi  qu'une  croche  à  changer  en 
double  à  la  quatorzième  mesure  de  la  page  lit,  nous  n'avons  plus  qu'à 
donner  des  éloges  à  ces  trois  belles  et  bonnes  études,  à  reconnaître  et  à 
dire  que  si  ces  trois  études  sont  l'œuvre  d'une  femme  de  qualité,  c'est 
aussi  de  la  musique  de  bonne  qualité. 

Henri  BLANCHARD. 


NOUVELLES. 


V  Demain  lundi,  à  l'Opéra ,  la  quatorzième  représentation  du  Juif 
errant. 

V  Les  semaines  se  suivent  et  se  ressemblent  :  pendant  celle  qui  vient 
de  finir,  le  Juif  errant  a  encore  occupé  constamment  l'affiche,  et  les  re- 
cettes se  sont  maintenues  au  taux  des  plus  grands  succès  d'hiver,  c'est-à- 
dire  après  de  10,000  fr.  C'est  doue  une  des  fortunes  les  plus  solidement 
établies  que  celle  du  nouvel  ouvrage  de  MM.  Scribe  et  de  Saint-Georges, 
et  de  la  nouvelle  partition  de  M.  Halévy.  Par  un  bonheur  providentiel, 
aucune  indisposition  n'est  venue  entraver  cette  vogue  merveilleuse.  Il  est 
vrai  que  le  tribut  avait  été  payé  d'avance,  et  puis,  on  l'a  remarqué  sou- 
vent, c'est  un  effet  des  grands  succès  et  des  bons  rôles  que  de  conserver 
la  santé  des  artistes.  Roger  et  Massol  ne  se  sont  jamais  mieux  portés  : 
jamais  ils  n'ont  eu  la  voix  plus  fraîche ,  plus  sonore.  Aime  Tedesco  et 
aille  La  Grua  se  naturalisent  chaque  soir  de  plus  en  plus  dans  l'afl'ection 
et  l'enthousiasme  du  public  français,  qui  les  a  tout  à  fait  adoptées.  Les 
autres  chanteurs,  Obin,  Depassio,  Merly,  Chapuis,Canaple,  méritent  aussi 
une  mention  d'honneur.  Enfin,  cet  opéra,  qu'on  s'était  plu  à  proclamer 
trop  long  parce  qu'il  était,  disait-on,  trop  magnifique,  est  toujours  resté 
magnifique,  et  finit  précisément  à  la  même  heure  que  tous  les  autres 
opéras. 

V  Galathée  et  Mme  Ugaldeont  reparu  mardi  dernier,  et  la  pièce  a  été 
donnée  encore  le  jeudi,  ainsi  que  le  samedi  suivant.  La  cantatrice  n'a  rien 
perdu,  ou  plutôt  elle  a  gagné  à  perdre  quelque  chose,  et  sa  taille  est  dé- 
sormais plus  en  harmonie  avec  le  rôle  d'une  statue  qui  ne  sort  quelques 
instants  de  son  marbre  que  pour  y  rentrer  bien  vite.  Elle  chante  toujours 
les  couplets  de  table  :  Verse  encore,  vidons  l'amphore,  de  manière  à  se  les 
faire  redemander. 

%*  Autant  Mme  Ugalde  met  de  légèreté,  de  verve  coquette  et  mutine 
dans  le  rôle  de  -Galathée,  autant  Mlle  Wertheimber  met  de  passion  sé- 
rieuse et  brûlante  dans  celui  de  Pygmalion.  Sa  belle  voix  en  rend  supé- 
rieurement le  caractère  et  les  nuances. 

%*  Ce  n'est  plus  Mocker,  qui  remplit  le  rôle  de  Ganymède,  et,  jusqu'à 
présent,  le  nom  de  cet  excellent  et  charmant  artiste  figure  sur  la  liste  des 
pensionnaires  dont  le  théâtre  s'est  séparé,  avec  Audran,  Ilermann-Léon, 
Mlle  Révilly;  mais  nous  ne  pouvons  croire  que  la  séparation  soit  définitive 
et  sans  retour.  L'Opéra-Comique  et  Mocker  sont  faits  l'un  pour  l'autre  : 
ils  doivent  s'entendre  et  se  rapprocher.  Déjà  Battaille,  Ricquier  et  Jour- 
dan,  dont  on  annonçait  la  retraite,  ont  signé  de  nouveaux  traités  :  avant 
peu  nous  apprendrons  que  Mocker  a  fait  de  même.  . 

**  Par  suite  des  changements  survenus  dans  le  personnel,  c'est  le 
jeune  Riquier-Delaunay  qui  remplace  Mocker  et  joue  le  rôle  de  Gany- 
mède. Nous  devons  dire  qu'il  s'en  acquitte  fort  bien  et  chante  parfaite- 
ment ses  couplets  sur  la  paresse. 

*,*  Dans  Madelon ,  que  Mlle  Lefebvre  personnifie  toujours  avec  beau- 
coup de  talent  et  de  succès,  Dufrêne  a  pris  le  rôle  créé  par  Audran  :  il  y 
est  fort  agréable  de  voix  et  de  physionomie. 

%*  Le  Farfadet,  d'Adolphe  Adam,  tient  plus  que  jamais  sa  joyeuse 
place  au  répertoire  ;  hier  encore,  on  le  donnait  avec  Galathée. 

%*  VIrato,  de  Méhul ,  sera  bientôt  repris  pour  les  débuts  de  Meillet, 
l'ancien  élève  du  Conservatoire,  qui  s'est  produit  avec  un  grand  succès 
au  Théâtre-Lyrique  (Opéra-National). 

*%*  M.  Jules  Séveste,  le  nouveau  directeur  du  Théâtre-Lyrique,  s'occupe 
d'organiser  sa  troupe  et  son  répertoire  pour  la  prochaine  saison,  qui  sera 
inaugurée  le  1er  septembre.  La  réouverture  doit  avoir  lieu  par  un  opéra- 
comique  en  trois  actes,  dont  la  partition  est  de  M.  Boisselot,  et  on  don- 
nerait le  lendemain  un  autre  ouvrage  en  trois  actes,  mis  en  musique  par 
M.  Ambroise  Thomas. 

%*  La  recette  des  divers  spectacles,  concerts  et  curiosités  pendant  le 
mois  d'avril,  a  produit,  savoir  :  Théâtres  subventionnés,  212,832  fr.  78  c. 
théâtres  secondaires,  vaudevilles  et  drames,  petits  spectacles  :  Luxem- 
bourg, Délassements,  Funambules,  543,743  fr.  88  c.  Concerts,  spectacles- 
concerts,  cafés-concerts  et  bals,   111,320  fr.   67   c.  Curiosités  diverses, 


174 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


67,366  fr.  55  c.  Total  935,260  fr.  88  c.  La  recette  d'avril  présente  donc 
une  différence  en  moins  de  73,967  fr.  66  c.  sur  celle  de  mars.  La  décrois- 
sance de  mars  sur  février  avait  été  encore  plus  forte,  puisque  la  différence 
était  de  200,019  fr.  30  c. 

V  Le  comité  des  études  musicales  du  Conservatoire  de  musique  et  de 
déclamation  s'est  réuni  vendredi  matin  pour  dresser  une  liste  de  candidats 
à  la  classe  de  basson,  vacante  par  le  décès  de  M.Willent.  Les  trois  candi- 
dats présentés  au  choix  du  ministre  sont  :  MM.  Cokken,  Jancourt  et 
Verroust  jeune. 

%*  Aujourd'hui,  dimanche,  dans  l'église  de  Saint- Vincent-de-Paul,trois 
cents  voix  et  la  mus:que  du  3e  léger  exécuterontla  messe  à  l'unisson  de 
M.  Laurent  de  P.illé,  en  faveur  de  l'école  des  jeunes  apprentis. 

V  Concours  de  composition  musicale  pour  1S52.  (  oncours  d'essai.  En- 
trée en  loges  le  samedi  5  juin,  à  dix  heures  du  matin.  Sortie  de  loges  le 
vendredi  11  juin,  à  dix  heures  du  matin.  Jugement  le  samedi  12  juin,  à 
dix  heures  du  matin  Concours  définitif.  Entrée  en  loges  le  samedi  26  juin, 
à  midi.  Sortie  de  loges  le  mercredi  21  juillet,  à  midi.  Jugement  prépara- 
toire le  vendredi  13  aoùr,  à  midi.  Jugement  définitif  le  samedi  14  août,  à 
midi.  En  tout,  25  jours  de  travail. 

%*  Le  théâtre  de  Covent-Garden  a  dû  donner,  jeudi  dernier,  une  repré- 
sentation de  la  Juive,  pour  le  début  de  Gueymard,  dans  le  rôle  d'Eléazar. 
Nous  savons  que  l'ouvrage  a  été  monté  avec  un  grand  luxe.  Dimanche 
prochain  nous  aurons  reçu  les  détails  que  nous  communiquerons  à  nos 
lecteurs. 

V  Toutes  les  sociétés  philharmoniques  profitent  du  repos  que  Caro- 
line Duprez  a  voulu  se  ménager,  en  se  retirant  à  la  campagne.  Aujour- 
d'hui même,  la  charmante  cantatrice  se  rend  au  Havre  pour  y  chanter 
dans  un  concert  organisé  par  la  Société  de  cette  ville  ;  et  le  congrès  mu- 
sical de  l'Ouest  compte  aussi  sur  elle  pour  sa  grande  solennité. 

%*  L'auteur  de  la  traduction  musicale  des  Contes  d'Hoffmann,  Mlle  Ju- 
liette Dillon,  a  fait  paraître  dernièrement  une  marche  militaire  intitulée  : 
France.  Ce  morceau,  que  la  musique  de  plusieurs  régiments  a  déjà  exé- 
cuté, a  été  offert  au  prince  Louis-Napoléon,  qui  en  a  agréé  la  dédicace. 

*,*  M.  Giovanni  Filippa,  frère  d'un  chevalier  Filippa  qui  se  disait  élève 
et  successeur  de  Paganini,  s'est  fait  entendre  ces  jours-ci  dans  quelques 
représentations  extraordinaires  données  au  théâtre  des  Variétés.  Ce  jeune 
artiste,  premier  violon  du  grand  théâtre  de  Turin,  peut  tenir  la  place  en- 
tre les  violonistes  Bazzini  et  Sivori,  qui  se  sont  déjà  classés  parmi  les  meil- 
leurs violonistes  de  l'Italie  par  des  procédés  paganiniens.  Comme  pour 
beaucoup  de.gens  et  d'amateurs  de  musique,  le  dernier  venu  a  toujours 
raison,  M.  Filippa  leur  a  paru  résumer  en  lui  seul  Paganini,  Sivori  et 
Bazzini.  S'il  est  permis  de  ne  pas  partager  entièrement  cette  manière  de 
voir,  on  peut  dire  cependant  que  le  jeune  virtuose  a  montré  de  la  sensi- 
bilité dans  la  mélodie,  d'heureuses  hardiesses  dans  le  trait,  de  la  justesse 
dans  la  double  corde;  et  qu'il  a  dit  ses  variations  sur  la  tyrolienne 
d'Appenzell  d'un  archet  preste  et  brillant,  et  sa  fantaisie  sur  il  Pirata,  de 
Bellini,  en  violoniste  devant  qui  s'ouvre  un  bel  avenir  d'artiste,  car  il  est 
jeune,  et  paraît  doué  d'un  profond  sentiment  musical. 

*,.*  Dans  une  réunion  artistique,  nous  avons  entendu  M.  Ferdinand 
Schlosser,  dont  la  belle  voix  de  basse  nous  a  vivement  impressionné.  Une 
mélodie  de  lui,  intitulée  :  Elle  n'est  plus,  a  été-  dite  avec  un  sentiment 
parfait  et  une  voix  agréable  et  sympathique. 

V  Léopold  de  Meyer  est  appelé  à  Lyon,  Marseille  et  Bordeaux.  Ce  pia- 
niste vraiment  extraordinaire  va  faire  entendre  aux  départements  les 
diverses  compositions  qui  ont  produit  tant  d'effet  dans  la  capitale,  notam- 
ment son  Souvenir  d'Italie,  dont  la  publication  est  toute  récente,  et  sa 
grande  fantaisie  sur  le  Prophète,  qui  va  paraître  incessamment. 

*„*  La  Société  Sainte-Cécile,  en  terminant  la  série  de  ses  beaux  concerts 
de  musique  classique,  sous  l'habile  direction  de  MM.  Seghers  et  Wekerlin, 
vient  de  recevoir  du  gouvernement  un  don  de  1 ,000  fr.  à  titre  d'encoura- 
gement. Cette  jeune  Société,  sans  perdre  de  temps,  prépare  déjà  les  ma- 
tériaux de  son  concert  annuel,  destiné  à  l'audition  des  œuvres  inédites  des 
compositeurs  contemporains.  Four  donner  un  nouvel  attrait  à  ce  concert, 
le  comité  de  la  Société  a  décidé  qu'on  mettrait  successivement  au  concours 
cette  année  les  paroles  et  la  musique  d'une  cantate  pour  voix  solo,  chœur 
et  orchestre.  Le  sujet  indiqué  aux  jeunes  poètes  est  une  Hymne  ou  Ode  à 
Samte-Cécile.  Le  jury  pour  le  concours  poétique  sera  composé  des  mem- 
bres du  comité  de  la  Société  des  gens  de  lettres,  auxquels  s'adjoindront 
les  deux  chefs  de  la  Société  Sainte-Cécile.  Les  poésies  devront  être  adres- 
sées (franco)  avant  le  15  juillet  prochain,  à  M.  Godefroy,  agent  central  de 
la  Société  des  gens  de  lettres,  cité  Trévise,  ïk,  avec  l'entête  suivant  : 
Concours  de  la  Société  Samte-Cécile.  Ces  poésies  ne  doivent  pas  être  si- 
gnées, mais  accompagnées  du  nom  de  l'auteur,  renfermé  sous  enveloppe 
cachetée,  et  portant  un  signe  distinctif  reproduit  sur  la  poésie.  On  rendra 
les  manuscrits  non  couronnés  ;  celui  qui  aura  été  choisi  par  le  jury  de- 
viendra la  propriété  de  la  Société  Sainte-Cécile. 

*.,*  La  Société  des  gens  de  lettres  a  tenu,  le  dimanche  16  mai,  son  as- 
semblée générale  annuelle  dans  la  salle  de  la  galerie  Bonne-Nouvelle.  Après 
avoir  entendu  le  rapport  présenté  par  M.  Léo  Lespès  au  nom  du  comité 
sortant,  sur  les  travaux  accomplis  pendant  l'année  écoulée,  l'assemblée  a 
procédé  à  la  nomination  du  nouveau  comité.  Ont  été  élus  :  MM.  Altaroche, 
Marie  Aycard,  Alphonse  de  Calonne,  Henri  Celliez,  Achille  Comte,  Félix  De- 
riége,  Louis  Desnoyers,  Etienne  Enault,  Marc  Fournier,  Théophile  Gau- 
tier, Emmanuel  Gonzalès,  Arsène  Houssaye,  Achille  Jubinal,  Paul  Lacroix 
(bibliophile  Jacob),  Jean-Baptiste  Laffitte,  G.  de  LaLandelle,  Julien  Lemer, 


Léo  Lespès,  Eugène  de  Mirecourt,  Molé-Gentilhomme,  comte  de  Salvandy, 
baron  Taylor,  marquis  de  Varennes,  Francis  Wey. — Le  lundi  17,  lenouveau 
comité  a  procédé  à  la  constitution  de  son  bureau.  Ont  été  nommés  :  pré>- 
sident,  M.  Francis  Wey;  vice-présidents,  MM.  Achille  Comte  et  Emmanuel 
Gonzalès;  secrétaires,  MM.  Théophile  Gautier,  Alphonse  de  Calonne, 
Etienne  Enault;  rapporteurs  :  MM.  Léo  Lespès,  Eugène  de  Mirecourt  ; 
questeurs  :  MM.  le  marquis  de  Varennes,  Julien, Lemer;  archiviste  :  Molé- 
Gentilhomme;  présidents  honoraires  :  MAL  le  baron  Taylor,  membre  de 
l'Institut  ;  Louis  Desnoyers,  ancien  président  fondateur  ;  comte  de  Sal- 
vandy,  Victor  Hugo,  membres  de  l'Académie  française. 

V  L'assemblée  générale  de  l'Association  des  inventeurs  et  artistes  in- 
dustriels, fondée  et  dirigée  par  M.  le  baron  Taylor,  a  eu  lieu  dimanche, 
9  mai,  au  bazar  Bonne-Nouvelle,  dans  la  salle  des  concerts  de  l'association 
des  artistes  musiciens.  La  séance  était  présidée  par  M.  Taylor.  M.  Jobard, 
directeur  du  Musée  belge;  M.  Galy-Cazalat,  ancien  membre  de  l'Assemblée 
constituante,  présidents  de  l'association,  assistaient  à  la  séance.  M.  Tresca, 
ancien  élève  de  l'Ecole  polytechnique,  a  lu  le  rapport  des  travaux  du  co- 
mité. Ce  rapport  a  été  écouté  avec  le  plus  vif  intérêt.  M.  Tresca,  après 
avoir  cité  quelques  passages  du  rapport  de  M.  Samson,  du  Théâtre-Fran- 
çais, à  la  dernière  assemblée  générale  des  artistes  dramatiques,  a  fait 
voir  combien  les  hautes  considérations  de  cet  artiste  s'appliquent  aussi  à 
l'association  des  inventeurs,  qui  ont  le  même  intérêt  à  se  grouper,  à  s'en- 
tendre, afin  de  pousser  à  l'amélioration  de  la  loi  qui  régit  les  inventions. 
M.  le  baron  Taylor  a  prononcé  ensuite  quelques  paroles  sympathiques  en 
faveur  de  l'association.  La  séance  a  été  terminée  par  le  tirage  au  sort  des 
quatorze  membres  sortants  du  comité.  Les  membres  sortants  ont  été 
réélus. 

V  Une  publication  d'un  haut  intérêt  va  commencer  en  Espagne,  celle 
d'une  Collection  des  œuvres  de  musique  religieuse,  composées  par  ie-  maîtres 
espagnols  les  plus  renommés,  tar.l  anciens  que  modernes.  Cette  entreprise 
honorable  et  curieuse,  due  au  zèle  de  VUnion  ar'hlico  musica'e,  est  placée 
sous  l'auguste  protection  de  la  reine.  La  collection  entière  sera  divisée 
en  quatre  parties,  comprenant  :  la  première,  les  œuvres  du  xvie  siècle; 
la  seconde,  celles  du  xvnc  ;  la  troisième,  celles  du  xvm1';  la  quatrième  , 
celles  du  xixe.  A  partir  du  1"  juin,  il  paraîtra  une  livraison  par  mois.  On 
souscrit  à  Madrid,  chez  Salazar  ;  à  Milan,  chez  nicordi  ;  et  à  Paris,  chez 
Brandus  et  C. 

CRON'QUE    DÉP&ïtTEMENTALE. 

*s*  Marseille  ,  11  mai.  —  Le  Prophète,  avec  Mlle  Heinefetter  et  Octave, 
poursuit  sa  marche  triomphale.  Mme  Charton-Demeur,  qui  peu  de  jours 
auparavant,  s'était  fait  si  vivement  applaudir  dans  Marguerite,  des  Hugue- 
nots, etNérilha,  de  la  Fée  aux  roses,  n'a  pas  obtenu  moins  de  succès  dans  le 
rôle  de  Bertha.  Non-seulement  elle  y  a  prodigué  le  charme  et  les  finesses 
de  style,  mais  elle  a  donné  à  la  dernière  partie  un-accent  chaleureux  , 
une  expression  entraînante. 

*„*  Strasbourg.  —  Le  concert  donné  par  Mme  Cabel  avait  attiré  la  foule, 
La  charmante  cantatrice  a  ravi  tous  ses  auditeurs  par  la  pureté  de  son 
chant  et  la  hardiesse  de  ses  vocalises.  Les  bravos,  les  bouquets  et  les 
rappels  n'ont  pas  manqué  dans  cette  soirée,  et  M.  Cabel,  qui  faisait  ses 
adieux  au  public,  a  partagé  l'ovation  décernée  à  sa  femme. 

%*  Nancy,  20  mai.  —  Une  expérience  musicale  du  plus  haut  intérêt  ré- 
unissait dernièrement  dans  les  salons  de  M.  Mangeot  l'élite  des  artistes  et 
des  amateurs  de  cette  ville.  Un  ancien  chef  de  musique  de  l'armée,  nourri  à 
l'école  de  Reicha,  M.  Bousquier,  soumettait  à  l'audition  trois  magnifiques 
œuvres  de  chambre  de  Beethoven  et  d'Haydn  pour  instruments  à  cordes 
et  qu'il  avait  eu  l'idée  d'arranger  en  quintette  pour  flûte,  hautbois,  clari- 
nette, coret  basson.  Ses  interprètes  étaient  MM.  Gérolt,  Kuschnick  aîné,  Ni- 
colaï,  Begher,  l'excellent  chef  de  musique  du  73°  de  ligne,  et  M.  Bousquier 
lui-même.  C'est  assez  dire  que  l'exécution  a  été  parfaite  et  digne  en  tout 
point  de  l'intelligence  de  l'auditoire  et  de  la  hauteur  de  l'entreprise.  Le 
beau  quatuor  en  ut  mineur  de  Beethoven  a  ouvert  la  séance,  puis  est 
venu  le  trio  en  si  bémol  du  même  auteur,  et  ces  deux  œuvres  si  larges,  si 
majestueuses,  si  pleines  de  charme  et  d'élégance  ont  subi  à  la  satisfaction 
unanime  la  métamorphose  qui  leur  avait  été  imposée.  Le  trio  surtout, 
élargi  aux  proportions  du  quintette,  et  dans  lequel  se  trouve  un  motif  va- 
rié, a  fourni  à  chacun  des  exécutants  l'occasion  de  faire  briller  les  qualités 
qui  le  distinguent  et  de  mettre  en  relief  les  ressources  de  son  instrument. 
Ces  suaves  mélodies,  qu'on  n'entendra  et  qu'on  ne  jouera  jamais  assez, 
empruntaient  un  intérêt  nouveau  à  la  différence  des  timbres  qui  les  ex- 
primaient, et  se  reproduisaient  avec  une  originalité  ingénieuse  et  pleine 
de  charme  aux  oreilles  habituées  à  les  entendre  exécutés  par  des  instru- 
ments à  cordes.  Entraînés  par  le  plaisir  qu'ils  répandaient  autour  d'eux  et 
qu'ils  partageaient  eux-mêmes,  les  habiles  instrumentistes  ont  bien  voulu 
aborder  à  première  vue  une  œuvre  qu'ils  ne  connaissaient  pas  encore,  le 
quatuor  dit  le  Qua:uor  des  quintes,  cette  spirituelle  et  savante  plaisanterie 
musicale  du  bon  Haydn,  et  ils  l'ont  rendue  avec  une  énergie  et  une  supé- 
riorité dignes  d'eux-mêmes.  Constatons  donc  un  bel  et  bon  succès,  un  tra- 
vail consciencieux  et  intelligent  qui,  s'il  est  répandu,  comme  nous  l'espé- 
rons, vaudra  à  M.  Bousquier  la  reconnaissance  des  instrumentistes  à  vent. 
Le  répertoire  de  cette  famille  d'instruments  était  bien  restreint,  et  voilà 
qu'une  idée,  bien  simple  assurément,  mais  qui  enfin  n'était  venue  encore 
à  personne,  ouvre  une  voie  magnifique  à  la  propagation  des  chefs-d'œu- 
vre de  la  musique  intime,  et  appelle  à  leur  exécution  un  si  graud  nom- 
bre d'instrumentistes  qui  en  étaient  exclus.  Nous  savons  qu'un  certain 


DE  PARIS. 


175 


nombre  clo  quatuors  de  Beethoven,  de  Mozart  et  d'Haydn  ont  enrichi  la 
collection  de  M.  Bousquier  ;  nous  espérons  qu'il  ne  s'en  tiendra  pas  là,  et 
nous  ne  craignons  pas  de  prédire  un  succès  complet  à  la  publication  qu'il 
se  propose  d'eu  faire. 

CHROI1IOUE     ÉTRANGÈRE. 

*„*  Londres,  15  mal  —  Les  deux  théâtres  italiens  font  ce  qu'ils  peuvent, 
en  attendant  que  la  question  Wagner  soit  tout-à-fait  résolue.  Ce  qui  parait 
plus  que  probable,  c'est  que  la  cantatrice  no  chantera  nulle  part.  Elle  est, 
dit-on,  malade,  et  s'en  retournera  comme  elle  est.  venue,  pour  cette  année 
du  moins.  — L'arène  est  ouverte  aux  pianistes;  Emile  Prudent  culasse 
les -succès  sur  les  succès.  La  musique  composée  par  lui  jouit  d'une  vogue 
immense.  11  y  a  déjà  eu  six  ou  sept  éditions  de  sa  uc.c,  de  ses  Bois,  de  ses 
Champs:  Tout  le  monde  les  joue.  Mme  l'icyel,  qui  est  allée  donner  des- 
concerts à  Dublin,  a  joué  les  fantaisies  de  Prudent  sur  les  Huguenots  et 
les  Puritain'-,  Mme  Belleville-Oury  joue  les  Bois  et  la  Somnambule.  Epfin 
Prudent  est  partout,  sinon  de  sa  personne,  au  moins  par  ses  (ouvres.  —  La 
charmante  Mlle  Clauss  n'est  pas  tccueillie  avec  moins  de  faveur  et  d'éclat 
qu'à  Paris.  Le  talent  prodigieux,  le  Istyle,  la  vigueur  et  la  grâce  qu'elle 
déploie  dans  l'exécution  des  chefs-d'œuvre  de  Beethoven,  de  Mozart,  de 
Mendelssohn,  dans  les  fugues  de  Bach,  excitent  l'enthousiasme,  et  l'en- 
ceinte de  la  Soété  philharmonique  vient  d'en  être  l'écho.  Dans  le  même 
concert,  Staudigl  a  chanté  admirablement  une  polonaise  de  Spolie  — 
.Mme  Pleyel,  revenue  de  ses  triomphes  à  Dublin,  prépare  son  second  con- 
cert à  Londres. 

*!t*  La  Haye.  —  Le  Vieux  château, .  opéra  comique  en  un  acte,  paroles 
de  M.  Scribe,  musique  de  M.  Van  der  Doës,  pianiste  du  roi,  ouvrage  cou- 
ronné par  le  jury  au  dernier  concours,  vient  d'être  représenté  avec  un 
succès  complet.   Anthiome  a  chanté  avec  goût  le  rôle  de  Max,  et  Comte  , 


dans  celui  de  Jean  I.enoir,  a  obtenu  de  nombreux  bravos.  M.  Eugène  Pré- 
vost, l'excellent  chef  d'orchestre,  a  dirigé  les  masses  chorales,  avec  son 
habileté  ordinaire. 


Le  gérant  :  Ernest  mI'.sciiaaips. 


—  La  place  de  premier  cor  solo  et  une  place  de  basson  sont  vacantes 
dans  l'orchestre  du  Grand  Opéra.  Un  concours  aura  lieu  sur  le  théâtre  le 
lundi  2/i  de  ce  mois  à  11  heures  1/2.  MM.  les  artistes  qui  désirent  y  pren- 
dre part  sont  priés  de  se  faire  inscrire  au  secrétariat  de  l'administration 
de  l'Opéra,  rue  Drouot,  5. 

—  La  paitition  pour  chant  et  piano  du  Qarillonneur  de  Bruges,  d'Albert 
Grisar,  vient  de  paraître  chez  l'éditeur  Colombier.  Cet  ouvrage  remar- 
quable aura  la  vogue  dans  les  salons  connue  à  l'Opéi  a-Comique.  On  chan- 
tera partout  les  vives  mélodies  du  charmant  compositeur. 

r p  i  Qrr  Schottisch  nouvelle  de  Paul  Barbot,  se  trouvera  sur  tous  les 
LUAntt,  pianos,  en  compagnie  de  la  Perle  du  Nord,  polka-mazurka 
du  môme  compositeur. 

En  vente  chz  F.axland,  éditeur  de  musique,  place  de  la  Madeleine,  4. 


Valse  brillante  pour  le  piano  par 
J.-A.  B.il'B   (de  Saint-Pétersbourg 

Op.  1.  —  Prix  :  3  fr.  75. 


CHEZ  BBANDUS  EX  C%   lOS,  RUE  KICIISEI,IEU, 

Euvres  de 


Solfège  avec  accompagnement  de  basse  chiffrée 12 

Sol  Togo  à  changement  de  clefs 36 

llcssii'  «le  Hctgiiiem  à  l\  parties  en  chœur  avec  accompagne- 
ment d'orchestre,  en  partition 60 

Messe  «le  llequâem  pour  voix  d'hommes  avec  accompagne- 
ment d'orchestre,  en  partition 62 

Messe  solennelle  à  lx  parties  avec  accompagnement  d'orches- 
tre, en  partition 90 


Mesise  «aan  «acre  à  3  parties  avec  accompagnement  d'orches- 
tre, en  partition 75 

SSes>*»«-  solennelle  à  à  et  5  parties  avec  accompagnement  d'or- 
chestre, en  partition 75 

Fnuit>ka.  opéra  en  3  actes  avec  paroles  italiennes,  en  grande 
partition 250 


Chez  COLOMBIER,  éditeur,  rue   Vivieiine,   G, 


NOUVE 


ATIOH 


ïemetits  sur  le 


CARILLOiWEUR  DE  BRUGES 


3¥.  Louis.                      Fantaisie,  piano  et  violon 9» 

Biirgmiiilcr.  Op.  102.  Fantaisie,  pour  le  piano  ....  6     « 

•Ï.-B.  Duvcrnoy.  Op.  205.        —                  —             ....  6     » 

P.  Ueiiriuii  .  Op.  16.           —                  —             ....  6     » 

il.IiCCiirpcntii-r  13/ic  et  125°  Bagatelles    —             .     .     Ch.  5     » 

il.  Etesellen.  Op.  13à.  Fantaisie,          —             ....  9     h 

Musard.                     Deux  quadrilles  brillants à  50 

E.  Etiling.                valse  brillante 5    » 

P.  Ueitrion.              Polka  élégante 6     » 

J.  Pasdeloup.          Polka-mazurka Zi  50 

—                    Schottisch 3  75 

Ouverture   et  airs  pour  2  violons,  2  llùtes  et  2  cornets.  —  Violon  seul, 
flûte  seule  et  cornet  seul. 


NOUVEAUTES  POUR  LE  PIANO 

Oh  Alwejis;.             Op.  5.  Styriennes à  Z|0 

—  Op   7.  Polka-Mazurka  de  salon à  50 

Cil.  AiittlauJK.           Mazurka  élégante k  50 

!•".  KrïfcRoin.  Op.  /là.  Jadis  et  Aujourd'hui,  fantaisie    .     .  7  50 

—  Op.  à5.  Caprice-Nocturne 6     » 

—  Op.  à6.  Cabaletta 7  50 

—  Op.  à7.  Hommage  à  Chopin,  impromptu.     .  6     » 

«-.l'omettant.          Op.  59.  La  Bianchina,  fantaisie 6     » 

.J.-Ï6.  Uuvernu).     Op.  199.  Tarentelle 6     » 

P.  Ilenrion.  Op.  13.  La  Féria  Sévilla,  fantaisie  .     .     .     .  .6     » 

—  Op.  lu.  Caprice  Mazurka 5    » 

—  Op.  15.  Marche  hongroise S    » 

3.   ILaroiMlic.            Etude  delà  main  gauche 6     » 

Etude  en  si  bémol  mineur 7  50 

A.  B.e  ('(irpeiilïer.  Op.  162.  Fantaisie  sur  Joseph 5     » 

■LcréntirclVély.     Op.  67.  La  Séga,  danse  créole 5     » 

—  Op.  68.  La  Bellerine,  air  de  danse.     .    .     .  5    » 

—  Op.  69.  Les  Eclairs,  étude  de  concert.     .     .  6     » 

—  Op.  70.  Nocturne 6    » 

Op.  71.  L'a  Garde  montante,   cap.  de  genre.  7  50 

—  Op.  72.  L'enlèvement,  scherzo 7  50 

fil.  9Iulc!er.  Op.  16.  Le  Menuet,  variations  études.     .     .  6     » 

—  Op.  17.  La  Styrienne,  valse-caprice    ...  7  20 
A.  «Hiûla m.  Op.  32.  Les  Etoiles  brillantes,  caprice.     .     .  7  50 

—  Op.  33.  Le  Roulis,  étude  maritime.     ...  6     » 

—  Op.  3/|.  Marche  de  l'Univers 5     » 


176 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS. 


POUR  PARAITRE  LE  4"  JUIN 

1  ïioz.   BRANDUS  et  O,  éditeurs,    103,  rue  Richelieu, 


A  VIENNE,  CHEZ  GLOEGGL. 


LE 


Opéra  en  cinq  actes, 

Paroles  de 

MM.    E.    SCRIBE    et    DE    SAINT -GEORGES 

Musique  de 

W 


HALEVY 


ile   l'JTttstitut. 


MORCEAUX  DÉTACHÉS  POUR  CHANT  AVEC  ACCOMPAGNEMENT  DE  PIANO 

PAR 

HENRI     Ï&OTIEÏL 


Ouverture  pour  le  piano  à  %  et  a  4  mains. 


l»r  ACTE. 


N°  1.  LÉGENDE  chantée  par  Mme  Tedesco  :    «  Pour  expier  envers  lui  ses 
outrages.  » 

1  bis.  La  même  transposée  pour  soprano. 

2.  LE  COUVRE-FEU  chanté  par  M.   Merly  et  chœur  :   «   De  par  le 

bourgmestre,  de  par  nos  échevins.  » 

2  bis.  Le  même  pour  voix  de  basse  seule. 

3.  CHOEUR  DE  MALANDRINS  :  «  Au  loin  tremblez  tous.  » 

4.  ROMANCE  AVEC  RÉCITATIF  chantée  par  M.  Massol  :  «  Ils  partent 

frappés  de  terreur.  » 
U  bis.  La  Romance  seule  transposée  pour  ténor. 

5.  DUO  chanté  par   Mme  Tedesco   et  M.  Massol  :  «  Théodora,  qu'ici 

le  ciel  m'envoie.  » 

«"  ACTE. 

6.  SCÈNE  ET  TRIO  chantés  par  Mmes  Tedesco  et  LaGrua,  et  M.  Ro- 

ger :  «  Douze  ans  sont  écoulés.  » 

7.  QUATUOR  pour  4  basses,   chanté  par  MM.  Depassio,  Guignot,  Ca- 

naple  et  Noir  :  <c  On  m'a  dit  vrai,  jamais  plus  charmante  beauté.  » 

8.  ROMANCE  chantée  par  Mme  Tedesco  :   «  A  moi,  ta  sœur  et  ton 

amie.  » 
8  bis.  La  même  transposée  pour  soprano. 

9.  DUO  AVEC  RÉCITATIF  chanté  par  Mme  Tedesco    et   M.   Roger: 

«  Sa  voix,  sa  vue  enchanteresse.  » 
10.  CHOEUR  de  la  Saint-Jean  :  «  Saint-Jean  !  Saint-Jean  1  » 


3e  ACTE. 


11 


AIR  AVEC  RECITATIF  chanté   par  Mlle  La  Grua  :   «  O  merveille! 
ô  prodige  !  auquel  je  crois  à  peine.  » 
11  bis.  Le  même  transposé  pour  contralto. 

SEPT  AIRS  DE  BALLET  ET 

N"  1.  Pas  des  Esclaves, 

2.  Pas  des  voiles, 

3.  Le  Bourdonnement, 

4.  Le  berger  Aristée, 


12.  ROMANCE  chantée  par  M.  Roger  :  «  Une  sœur,  une  amie,  ange  de 
la  maison.  » 

12  bis.  La  même  transposée  pour  baryton. 

13.  STROPHES  chantées  par  Mme  Tedesco  :  «  Que  nos  voix  vers  le  ciel 
montent.  » 

13  bis.  Les  mêmes  transposées  pour  soprano. 

4e  ACTE. 

14.  AIR  AVEC  RÉCITATIF  chanté  par  M.  Roger  :  «  A  ce  palais  dont 
la  magnificence...  » 

14  bis.  Le  même  transposé  plus  bas. 

15.  ROMANCE  extraite  de  l'air   chantée  par  M.  Roger  :   «  Vous  n'êtes 
plus,  jours  d'innocence.  » 

15  bis.  La  même  transposée  pour  baryton- 

16.  DUO  ch;nté  par  Mlle  La  Grua  et  M.  Roger  :  «  Le  ciel  nous  a  réunis.» 

16  bis.  ROMANCE  extraite  du  duo  :  «  O  ciel!  est-ce  un  rêve?  » 

17.  AIR  chanté  par  M.  Massol  :  «  De  Dieu  l'éternelle  clémence.  » 

1 7  bis.  Le  même  transposé  pour  ténor. 

17  ter  Le  même  transposé  pour  basse. 

18.  QUINTETTE  pour  5  voix  de  basse ,    chanté  par  MM.  Depassio, 
Guignot.  Canaple,  Goyon  et  Noir  :  «  La  nuit  est  sombre.  » 

18  bis.  Le  même  réduit  à  1  voix  de  basse. 

5<=  ACTE. 

19.  QUATUOR  chanté  par  Mlle  La  Grua,  Mme  Tedesco  ;  MM.  Roger  et 
Massol  :  «  Tu  m'as  sauvé,  mon  père  !  » 

19  bis.  ROMANCE  extraite  du  quatuor,  chantée  par  M.  Roger  :  «  Quand 
chacun  te  fuit  ici  bas.  » 

20.  EVOCATION  chantée  par  M.  Chapuis  :  «  La  voix  du  Seigneur  vous 
appelle.  » 

UNE  MARCHE  TRIOMPHALE  : 

N°  5.  La  Ronde, 

6.  La  Reine  des  Abeilles, 

7.  La  Ruche. 
Marche  triomphale. 


Suite  de  Valses  et  deux  Quadrilles  par  JBBSAKBf. 


drantlc  valse  pour  piano,  par  Fr.  BURGMULLER. 
Polka  de»  Abeilles,  par  E.  ETTLING. 
Scuottiscli  «lu  Berger  par  J.  PASDELOUP. 
Folka-Hazurkn,  par  G.  DAN1ELE. 


Redowa,  par  A.  de  LENONCOURT. 
Ucuv  Bagatelles  pour  piano,  par  A.  LECARPENTIER. 
Des  Morceaux  de  piano  par   H.    ROSELLEN ,    A.   TALEXY,   Cil.   VOSS, 
O   COMETTANT,  R.  MULDER,  J.-B.    DUVERNOY,  DECOURCELLE,  etc. 


ARRANGEMEXIS  POUR  TOI  «   LES    INSTRUMENTS. 


Le  Poème  est  en  vente  :  Prix  1  fr. 


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10e  Année. 


N°  22. 


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REVUE 


30  Mai  1852. 


Pris  '!<•  l  alKiniiciiicnt  1 


Paris,  un  on .   •   .      M  fr. 

Départements,  Belgique  et  Suisse 30 

Étnmger 3i 


to  Journul  paraît  le  Dimanclie 


GAZETTE  MUSICALE 


BI    PâEIS 


-^AAfj\r@©®©iAAAAA^- 


SOMMAIRE.  —Le  Droit  des  pauvres,  par  Edouard  FétlS;— Théâtre  de  l'Opéra- 
Comique,  reprise  de  l'Jrato,  par  Henri  Blanchard.— Nouveau  Journal  d'or- 
gue, de  M.  Lemmens,  par  Maurice  Sources.  —  Nouvelles  et  annonces. 


LE  DROIT  DES  PAUVRES. 

Je  dirai  sans  préambule  que  ces  mots  :  le  droit  des  pauvres,  me 
choquent  énormément  ;  j'ajouterai  qu'ils  me  semblent  présenter  une 
véritable  énormité  philosophique  et  morale.  Qu'est-ce  que  ce  droit  qui 
s'exerce  sur  une  portion  de  la  société  au  bénéfice  de  l'autre?  Si  la  révo- 
lution a  détruit  les  privilèges  sous  une  certaine  forme,  ce  n'est  pas 
pour  les  rétablir  sous  une  autre  ;  si  elle  a  mis  au  néanL  les  droits  des 
nobles,  ce  n'est  pas  pour  établir  le  droit  des  pauvres  ou  pour  le  main- 
tenir si  l'on  veut,  car  son  origine  remonte  fort  au-delà  de  la  déclaration 
du  principe  d'égalité  en  France. 

'  Le  droiL  des  pauvres,  puisque  droit  il  y  a,  devrait  être  odieux  aux 
hommes  de  tous  les  partis  politiques.  Ceux  dits  du  mouvement  peuvent 
le  considérer  comme  un  reste  de  l'absolutisme  qui  créait  des  bénéfices, 
qui  chargeaient  un  établissement,  une  commune,  une  propriété  parti- 
culière, au  profit  de  tel  favori,  de  telle  corporation.  Les  conservateurs, 
s'ils  étaient  conséquents  avec  leurs  principes,  y  verraient  la  mise  en 
pratique  de  l'un  des  principes  du  socialisme.  Le  droit  des  pauvres,  c'est 
une  dime  prélevée  sur  le  produit  du  travail  et  de  l'intelligence  en  fa- 
veur de  l'incapacité  et  souvent  de  la  paresse. 

Du  moins  le  socialisme,  en  proclamant  le  droit  au  travail,  le  droit  à 
l'assistance,  tous  ces  droits  qu'on  repousse  comme  incompatibles  avec 
une  organisation  régulière  de  la  société,  le  socialisme,  dis-je,  n'a  pas 
dessein  d'en  imposer  la  charge  à  une  seule  catégorie  de  citoyens;  en- 
core moins  fait-il  choix,  pour  cela,  de  l'une  des  classes  actives.  Il  s'a- 
dresse à  tous  ceux  qui  possèdent,  à  quelque  titre  que  ce  soit.  C'est 
moins  contraire  à  la  logique  et  à  l'équité. 

Je  ne  ferai  pas  l'histoire  de  l'institution  du  droit  des  pauvres,  des 
phases  qu'il  a  parcourues,  des  modifications  qu'il  a  subies.  Cela  me  con- 
duirait trop  loin,  et,  dans  tous  les  cas,  hors  du  terrain  où  j'ai  voulu  me 
placer,  puisque  je  n'ai  dessein  que  d'examiner,  comme  je  l'ai  dit  en 
commençant,  le  côté  philosophique  et  moral  de  la  question.  Je  rap- 
pelerai  seulement  que  le  droit  des  pauvres  fut,  dans  l'origine,  établi  à 
titre  provisoire,  pour  suppléer  momentanément  à  l'insuffisance  du  re- 
venu des  hospices,  ce  qui  prouve  qu'on  reconnaissait  l'injustice  de  cet 
impôt  tout  en  le  décrétant. 

Je  ne  m'étonne  pas  qu'on  ait  créé  le  droit  des  pauvres  à  une  époque 
où  tout  se  faisait  par  privilège,  par  exception,  en  vertu  de  la  toute- 
puissance  du  bon  plaisir  royal.   Il  y  avait  sous  l'ancien  régime  bon 


nombre  de  monstruosités  du  même  genre.  Ce  qui  me  surprend,  c'est 
qu'il  soit  demeuré  debout,  tandis  que  les  autres  iniquités  du  pouvoir 
absolu  tombaient  sous  les  rudes  atteintes  des  réformateurs  politiques. 
Dieu  sait  quels  cris  on  a  poussés  quand  les  ministres  de  Charles  X  ont 
présenté  un  projet  de  loi  pour  le  rétablissement  du  droit  d'aînesse. 
Pourtant,  en  fait  de  choses  rétrogrades,  le  droit  d'aînesse  se  peut  dé- 
fendre par  de  beaucoup  meilleures  raisons  que  le  droit  des  pauvres. 

J'admets,  si  l'on  veut,  qu'il  faille  aux  hospices  des  ressources  spé- 
ciales ,  bien  qu'il  soit  plus  naturel  de  faire  figurer  leur  dotation  au 
budget  de  l'Etat.  L'État,  c'est  tout  le  monde;  or,  si  les  pauvres  ont  le 
droit  d'être  secourus,  il  faut  que  tout  le  monde  contribue  à  soulager 
leur  misère.  Il  est  injuste,  il  est  absurde  que  ce  soin  onéreux  soit  laissé 
à  quelques  membres  du  corps  social.  Et  comment  justifier  la  préférence 
accordée  aux  artistes  ? 

Si  l'on  disait  qu'en  un  pays  lointain  et  peu  connu ,  les  charges  qui 
doivent  peser  sur  la  généralité  des  .citoyens  sont  imposées  à  diverses 
classes  d'entre  eux  ;  que  les  avocats,  par  exemple,  sont  chargés  de 
l'entretien  des  routes;  les  banquiers,  de  la  solde  des  troupes;  les  no- 
taires, du  traitement  des  fonctionnaires  de  l'ordre  judiciaire  ;  les  méde- 
cins, des  frais  du  culte ,  etc. ,  on  trouverait  ce  système  d'organisation 
sociale  souverainement  ridicule,  et  ce  serait  un  système  cependant , 
tandis  qu'il  est  bien  autrement  irrationnel  de  placer  exceptionnelle- 
ment les  artistes  hors  de  la  loi  commune,  en  exigeant  qu'ils  fournissent 
aux  dépenses  d'un  service  public. 

Puisqu'on  prélève  le  droit  des  pauvres  sur  les  recettes  des  spectacles 
et  des  concerts,  pourquoi  ne  soumet-on  pas  au  même  impôt  les  indus- 
triels, les  négociants,  tous  ceux  qui  tirent  un  profit  quelconque  de 
l'exercice  de  leur  intelligence?  Pour  quel  motif  en  exempte-t-on  les 
propriétaires  et  les  fonctionnaires  rétribués  par  l'État?  Tous  devraient, 
me  semble-t-il,  contribuer  pour  une  part  égale  au  ^soulagement  des 
pauvres. 

On  assure  que  ce  ne  sont  pas  les  directeurs  de  théâtres  qui  paient 
le  droit  des  pauvres  ;  on  dit  que  c'est  le  public,  attendu  qu'originaire- 
ment le  prix  des  places  a  été_  augmenté  d'un  dixième  pour  faire  face  à 
l'impôt.  Pour  soutenir  une  pareille  thèse,  il  ne  faut  pas  avoir  la  moindre 
notion  d'économie  politique.  On  sait  que  plus  un  objet  de  consomma- 
tion est  à  bas  prix,  plus  il  trouve  de  débit,  et  plus  il  offre,  par  consé- 
quent, de  chances  de  bénéfices  au  débitant.  Or,  les  spectacles  peuvent 
être  mis  au  rang  des  autres  objets  de  consommation.  Si  les  directeurs 
étaient  soulagés  de  la  taxe  des  pauvres,  il  ne  tiendrait  qu'à  eux  de  di- 
minuer le  prix  des  billets,  et  il  n'y  a  nul  doute  que,  dans  ce  cas,  leur 
clientèle  ne  s'accrût  considérablement.  Je  demanderai  encore  pourquoi 
on  les  place  dans  une  situation  différente  de  celle  des  autres  industriels; 
pourquoi  l'on  ne  dit  pas  au  cordonnier,  au  chapelier,  au  tailleur  :  vous 


178 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


porterez  un  dixième  en  sus  des  prix  auxquels  vos  calculs  vous  ont. 
permis  d'établir  votre  marchandise,  et  ce  dixième  appartiendra  aux 
pauvres? 

Combien  n'a-t-on  pas  eu  à  enregistrer  de  sinistres  dramatiques,  tant 
à  Paris  qu'en  province,  depuis  cinquante  ans?  Comparez  leur  déficit 
avec  le  montant  des  sommes  payées  par  eux  pour  le  droit  des  pauvres, 
et  vous  arriverez,  si  je  ne  me  trompe,  à  constater  que  ce  déficit  est 
plus  que  représenté  par  la  somme  en  question.  La  conséquence  immé- 
diate de  la  faillite  des  entrepreneurs  de  spectacles  est  la  clôture  du 
théâtre  qu'ils  administrent.  Cette  clôture  prive,  momentanément,  de 
moyens  d'existence  un  personnel  considérable.  Il  est  possible  que  les 
artistes  dramatiques  ou  lyriques  inspirent  peu  d'intérêt  à  beaucoup  de 
gens,  par  la  raison  qu'en  général  on  les  suppose  enrichis  par  de  gros 
traitements,  à  moins  que  leur  imprévoyance,  [d'autres  disent  leur  in- 
conduite, n'ait  absorbé  les  économies  qu'ils  auraient  dû  faire.  Mais  que 
dira-t-on  des  musiciens  de  l'orchestre,  des  choristes,  des  comparses, 
des  employés  subalternes  du  théâtre  et  de  la  salle,  qui  vivent  au  jour 
le  jour,  et  très-maigrement,  de  leurs  maigres  appointements  ?  Que 
dira-t-on  des  costumiers,  des  peintres  décorateurs,  des  fournisseurs  de 
tout  genre  que  la  clôture  du  théâtre  prive  tout  à  coup  du  plus  clair  de 
leurs  revenus,  sans  compter  les  marchands  de  journaux  et  les  bouque- 
tières, les  cafés  où  vont  se  rafraîchir  les  spectateurs,  les  cochers  de 
fiacre,  les  marchandes  d'oranges  et  tout  ce  menu  peuple  d'industriels  qui 
exercent  chaque  soir,  leur  petit  commerce  à  la  porte  des  spectacles? 
Voilà  une  foule  de  braves  gens  qui  ne  demandent  [qu'à  travailler,  et 
qui,  plus  misérables  maintenant  que  ceux  qu'on  prétend  secourir  à  leur 
détriment,  sont  ruinés  par  le  fait  du  droit  des  pauvres.  Y  a-t-il,  je  le 
demande,  apparence  d'équité  dans  de  pareils  actes? 

Voici  pour  ce  qui  concerne  les  théâtres.  Voyons  maintenant  ce  qui 
se  passe  pour  les  concerts.  La  loi  établit  au  profit  des  pauvres  le  pré- 
lèvement ,  non  plus  d'un  dixième,  mais  d'un  quart.  Notez  que  ce  quart 
est  pris,  non  sur  les  bénéfices  présumés,  ce  qui  serait  déjà  une  assez 
grosse  injustice,  mais  sur  la  recette  brute  ,  ce  qui  devient  en  même 
temps  le  comble  de  l'absurde.  Suivez  ce  calcul  bien  simple  :  un  artiste 
donne  un  concert  pour  lequel  il  a  1,000  fr.  de  frais,  représentés  par 
le  loyer  de  la  salle,  l'éclairage,  les  impressions,  le  paiement  de  l'or- 
chestre, etc.  Il  fait  tout  juste  1,000  fr.  de  recette.  C'est  pour  lui  une 
circonstance  déjà  très-fâcheuse  que  de  ne  pas  réaliser  le  bénéfice  sur 
lequel  il  a  dû  compter  en  se  donnant  les  soucis  inséparables  de  l'organi- 
sation d'un  concert.  Pourtant,  le  droit  des  pauvres  lui  enlève  250  fr., 
en  sorte  qu'il  faut  qu'il  tire  une  somme  égale  de  sa  poche,  souvent, 
hélas!  mal  garnie,  pour  compléter  le  chiffre  rond  de  ses  frais.  Je  sup- 
pose l'artiste  besogneux,  cela  se  voit  parfois  ;  les  250  fr.  qu'on  lui 
prend  au  nom  des  pauvres,  il  les  devait  à  des  fournisseurs  ;  ceux-ci 
n'étant  point  payés,  le  poursuivent,  et  il  passe  presque  pour  un  mal- 
honnête homme  à  cause  du  droit  des  pauvres.  La  loi  qui  crée  un  pa- 
reil état  de  choses  est-elle  morale? 

Mais,  dit-on,  la  loi  ne  s'exécute  pas  dans  toute  sa  rigueur  à  l'égard 
das  artistes  donnant  concert.  On  ne  leur  prend  pas  un  quart  de  la  re- 
cette qu'ils  font  ou  sont  censés  faire.  Les  représentants  des  pauvres 
entrent  en  arrangement  et  se  contentent  d'un  droit  moindre.  Je  ré- 
pondrai à  cela  que  toute  loi  qui  ne  s'exécute  pas  est  une  loi  mauvaise, 
et  qu'on  doit  s'empresser  de  l'abroger.  En  principe,  il  importe  peu  de 
sa  voir  quel  est  le  chiffre  de  la  somme  dont  on  dépouille  les  ar- 
tistes sous  prétexte  de  philanthropie;  il  s'agit  de  savoir  si  l'on  a  le 
droit  de  leur  prendre  une  somme  quelconque.  Or,  c'est  ce  que  je  nie 
et  ce  que  tous  les  gens  de  bon  sens  nieront,  je  pense,  avec  moi. 

Après  avoir  envisagé  la  question  au  point  de  vue  matériel,  il  me 
reste  à  l'examiner  sous  le  rapport  moral.  Il  y  a  aussi  beaucoup  à  dire 

de  ce  côté. 

Je  posç  encore  une  hypothèse.  Vous  lisez  dans  la  relation  d'un  voya- 
geur véridique  (on  assure  qu'il  s'en  trouve),  vous  lisez  qu'en  Chine, 
le  gouvernement,  au  lieu  d'accorder  aux  artistes  une  protection  libé- 
rale, leur  oppose  des  obstacles,  les  soumet  à  d'injustes  mesures  fis- 


cales. Les  impôts  sont  assez  équitablement  répartis  dans  .le  céleste 
empire  ;  ils  ne  pèsent  pas  sur  telle  classe  plus  lourdement  que  sûr 
telle  autre.  Il  n'est  dérogé  à  ce  principe  qu'à  l'égard  des  artistes,  qu'on 
assujettit  à  des  taxes  spéciales  du  fait  même  de  l'exercice  de  leur  pro- 
fession. Les  acteurs,  les  chanteurs,  les  musiciens  paient  une  patente 
beaucoup  plus  élevée  que  les  plus  riches  banquiers  et  les  plus  gros 
marchands.  Vous  vous  écriez  qu'on  vante  bien  à  tort  la  civilisation  chi- 
noise. Le  devoir  de  tout  gouvernement  éclairé  n'est-il  pas  d'exciter 
ses  sujets  à  rechercher  les  jouissances  intellectuelles?  Le  théâtre  passe 
pour  une  école  de  mœurs,  pour  un  moyen  d'instruction  à  l'usage  des 
masses.  De  toute  antiquité,  la,  musique  a  été  considérée  comme  pou- 
vant exercer  sur  le  développement  des  bons  instincts  des  masses  l'in- 
fluence la  plus  salutaire.  L'empereur  de  la  Chine  a  donc  tort  d'opposer 
des  entraves  au  penchant  naturel  de  son  peuple  pour  les  spectacles  et 
pour  les  concerts.  Au  lieu  d'écraser  d'impôts  les  établissements  qui 
ont  pour  but  de  lui  procurer  des  récréations  intellectuelles,  pourquoi 
ne  frappe-t-il  pas  d'une  taxe  les  cafés  où  il  va  fumer  ce  terrible  opium 
qui  détruit  à1a  fois  sa  raison  et  sa  santé? 

Voilà  ce  que  vous  diriez  de  la  Chine  et  de  son  gouvernement.  Or, 
ce  que  je  viens  de  supposer  n'est-il  pas  précisément  ce  qui  se  passe 
en  France?  La  France  a  la  juste  prétention  de  marcher  à  la  tête  des 
nations  civilisées.  Faudrait-il  cependant  beaucoup  de  lois  semblables  à 
celle  qui  a  institué  et  qui  maintient  le  droit  des  pauvres,  pour! que 
cette  prétention  cessât  d'être  légitime?  Les  cabarets  où  le  peuple  va 
s'enivrer  n'ont  à  payer  à  l'État  qu'une  patente  insignifiante,  tandis  que 
les  théâtres  où  il  pourrait  se  moraliser  et  s'instruire,  succombent  sous- 
la  taxe  arbitraire  du  droit  des  pauvres. 

Tout  en  avouant  que  le  droit  des,  pauvres  est  une  iniquité  légale  , 
beaucoup  de  gens  admettent  qu'il  soit  conservé,  parce  que,  disent-ils, 
les  ressources  actuelles  des  hospices  ne  sont  pas  suffisantes  pour  qu'ils 
puissent  s'en  passer.  Détestable  raison  !  Qu'on  prenne  telle  autre  me- 
sure qu'on  voudra  ;  mais  que  l'art  et  les  artistes  rentrent  enfin  sous 
l'empire  du  droit  commun,  et  que  la  taxe  des  pauvres  ne  continue  pas 
à  faire  un  mensonge  de  cet  article  du  Code  constitutionnel  qui  dit  que 
tous  les  Français  sont  égaux  devant  la  loi.  Il  y  a  lieu  d'espérer  que  la 
question,  mise  encore  une  fois  sur  le  tapis,  sera  résolue  dans  ce  sens. 

Edouard  FÉTIS. 


THEATRE  DE  L'OPERA-COMIQUE. 

Reprise  de  l'IRATO. 

Il  n'y  a  guère  que  les  auteurs  et  les  compositeurs  qui  tiennent  le 
théâtre,  comme  on  dit  en  termes  de  métier,  qui  soient  peu  partisans 
des  reprises  de  nos  anciens  ouvrages  ;  ils  vont  disant,  sur  un  ton  qu'ils 
croient  spirituellement  épigrammatique,  que  la  scène  sur  laquelle  on 
exhume  ainsi  de  vieux  ouvrages  est  le  théâtre  des  morts.  Ces  morts, 
qu'ils  se  nomment  Sedaine,  Marsolier,  Etienne,  Duval,  Dupaty,  Bouilly, 
unis,  parla  collaboration,  à  Grétry,  d'Aleyrac,  Méhul,  Boïeldieu,  Hé- 
rold,  Berton,  n'en  sont  pas  moins  toujours  de  bons  vivants.  Les  ou- 
vrages que  ces  gens-là  ont  laissés  plaisent  aux  vieux  auditeurs,  et  ne 
font  pas  moins  de  plaisir  aux  jeunes;  et  puis,  ils  ont  encore  cela  de 
bon  qu'ils  sont  propres  à  former  des  comédiens,  sous  le  double  rap- 
port lyrique  et  dramatique.  On  ne  nous  contestera  point  la  justesse  de 
ces  réflexions  en  présence  du  brillant  succès  des  reprises  de  Richard- 
Cœur^de-Lion,  du  Déserteur,  de  l' Amant  jaloux,  du  Tableau  parlant, 
du  Calife,  des  Voitures  versées,  de  Joseph,  et,  enfin,  de  Ylrato,  cette 
débauche  d'esprit  musical  de  notre  grave  et  sévère  Méhul.  Ce  petit  acte 
bouffon,  ce  libretto  à  la  manière  des  anciennes  farces  de  la  Comédie- 
Italienne,  a  été  repris  vendredi  dernier  au  théâtre  de  la  rue  Favart, 
et  le  succès  n'en  a  pas  été  douteux  un  seul  instant.  On  y  a  trouvé  les 
premiers  éléments  du  genre  de  l'opéra-comique  :  des  mélodies  carrées, 
vraies,  bien  déclamées,  fraîches  et  distinguées,  après  un  demi-siècle 
d'existence  ;  enfin,  une  orchestration,  puisqu'il  faut  nous  servir  de  ce 
néologisme  à  la  mode,  suffisamment  nourrie  par  le  temps  d'instrumen- 


DE  PARIS. 


179 


•tation  qui  court  et  nous  étourdit  un  peu  trop  de  sa  science  monotone. 

Les  couplets  :  Si  je  perdais  mon  Isabelle,  etc.,  sont  charmants  d'iro- 
nie par  la  tournure  de  la  mélodie  et  leurs  petits  effets  d'instrumentation. 
L'air  :  J'aide  la  raison,  j'ai  de  la  sagesse,  est  également  d'un  rliythme 
mélodique,  franc  et  joyeux,  et  facile  à  retenir. 

Le  fameux  quatuor  de  V  Irato  est  trop  connu,  trop  usé,  par  l'admira- 
tion et  la  popularité  sur  la  scène  et  dans  les  concerts,  pour  que  nous 
essayons  d'en  faire  sentir  les  beautés  à  nos  lecteurs.  Nous  dirons  seule- 
ment qu'il  a  été  chanté  gentiment,  trop  joliment  peut-être.  On  y  vou- 
drait plus  d'entrain,  plus  de  verve  musicale,  scénique,  vocale.  C'est  pro- 
pre, c'est  net,  c'est  juste,  mais  cela  ne  sonne  pas  suffisamment  :  on  se 
souvient,  malgré  qu'un  en  ait,  de  la  voix  grave,  mordante  et  verveuse  de 
Martin.  Allons,  Messieurs  et  Mesdames  !  ne  vous  croyez  pas  dans  un  petit 
salon  de  société,  autour  d'un  piano,  et  chantant  une  romance  ou  quel- 
que doucereux  nocturne  à  deux  voix  de  feu  Blangini.  Faites  un  appel  à 
la  sonorité  de  votre  organe  vocal  ;  que  chacun  apporte  sa  mise  de  fonds 
dans  cette  association  double,  triple  et  quadruple;  faites  enfin  du  bruit 
comme  quatre,  mais  de  ce  bruit  intelligent,  harmonieux  qui  vient  de 
l'inspiration  ;  car  si  c'est  un  enthousiasme  de  fantaisie  et  de  convention 
qui  anime  les  personnages  que  vous  nous  représentez-,  ce  n'en  est  pas 
■moins  de  l'enthousiasme,  et  la  manière  dans  la  diction  ne  doit  pas  ex- 
clure ici  l'effet  artistique  et  musical.  Le  trio  : 

Femme  jolie  et  du  bon  vin, 
Voilà  les  vrais  biens  de  la  vie! 

a  été  dit  avec  plus  de  chaleur  par  M  VI.  Ponchard,  Meillet  et  Sainte-Foy, 
grâce  peut-être  à  l'excellent  comique  que  le  dernier  déploie  dans  le 
rôle  du  docteur  Balouard.  11  est  impossible  de  s'y  montrer  plus  stupi- 
dement pion  et  balourd,  et  en  même  temps  plus  amusant. 

M.  Meillet  débutait  par  le  rôle  de  Scapin;  il  s'y  est  montré  tout 
d'abord  bon  comédien  et  chanteur  suffisant,  surtout  dans  son  premier 
air  de  scène  :  Promènerons-nous  bien  longtemps"!  M.  Lemaire,  dans 
le  personnage  principal,  qui  n'est  pas  plus  essentiel  que  les  autres  ,  a 
été  convenablement  irascible,  ce  qui  vient  d'ire,  dont  on  a  fait  Y  irato. 
Mlle  Lemercier  a  joué  la  belle  Isabelle  en  actrice  intelligente  comme 
elle  est  toujours,  et  Mlle  Decroix,  celui  de  la  soubrette,  avec  la  gentil- 
lesse qui  lui  est  habituelle.  La  remise  à  la  scène  de  l'ouvrage  de  Mar- 
sollier  et  de  Méhul,  loin  d'être  une  reprise  perdue,  est,  au  contraire  , 
un  succès  de  retrouvé  pour  le  théâtre  de  l'Opéra-Comique. 

Henri    BLANCHARD. 

REVUE  CRITIQUE. 

SOUÏE1U    J«91j*K^TAKi    ffi'OItfiUE. 

A  L'USAGE  DES  ORGANISTES  DU  CULTE  CATHOLIQUE, 
Publié  par  M.  Lemmens,  professeur  d'orgue  au  Conservatoire  de 
Bruxelles. 
Il  y  a  déjà  un  an  qu'une  plume  savante,  certainement  la  plus  com- 
pétente en  matière  de  haute  critique  musicale,  mentionnait,  dans  ces 
colonnes,  avec  de  grands  éloges,  la  publication  d'un  Nouveau  journal 
d'orgue,  commencé  en  1850  par  M.  Lemmens.  M.  Fétis  signalait  à 
l'attention  publique  les  neuf  premières  livraisons  de  ce  remarquable 
recueil,  et  en  faisait  ressortir  la  valeur  et  l'utilité  avec  ce  tact  judicieux 
et  cette  netteté  de  déduction  logique  qui  distinguent  toujours  ses  lumi- 
neuses appréciations.  • 

Depuis,  M.  Lemmens  a  persévéré  dans  son  œuvre.  Neuf  autres  livrai- 
sons se  sont  suivies  périodiquement  pendant  le  cours  de  1851.  Elles 
forment  aujourd'hui,  jointes  à  leurs  sœurs  aînées,  un  volume  in-folio 
de  plus  de  200  pages,  dont  tout  le  contenu,  texte  et  musique,  appar- 
tient bien  en  propre  à  M.  Lemmens,  sauf  pourtant  deux  petits  mor- 
ceaux échappés  à  la  Minerve  naissante  d'un  de  ses  meilleurs  élèves. 

De  ce  travail  considérable  résulte  un  système  complet  d'enseigne- 
ment de  la  plus  haute  portée,  un  système  neuf  dans  la  plupart  de  ses 
détails,  fécond  surtout  en  conséquences  sérieuses.  Les  principes  en 
sont  énoncés  simplement  et  en  peu  de  mots.  Quelques  pages  de  texte, 


écrites  d'un  style  concis,  mais  lucide,  suffisent  pour  exposer,  non-seu- 
lement la  théorie  raisonnée  du  doigter  appliqué  aux  claviers  de  main 
aussi  bien  qu'au  clavier  de  pédales,  mais  encore  la  constitution  des 
tons  de  l'Eglise  et  la  méthode,  réellement  nouvelle  à  force  d'être  an- 
cienne, par  laquelle  M.  Lemmens  espère  régénérer  l'accompagnement 
du  plain-chant  et  le  ramener  au  véritable  caractère  de  la  tonalité  ecclé- 
siastique pure.  Si  l'auteur  est  sobre  de  paroles,  il  est  en  revanche  pro- 
digue d'exemples.  Le  précepte  trouve  à  l'instant,  sous  des  formes  mul- 
tiples et  variées,  son  application  pratique. 

Est-il  question  du  rôle  des  doigts  sur  le  clavier?  voici  plusieurs  séries 
d'exercices  soigneusement  chiffrés,  progressivement  calculés,  destinés 
à  l'étude  quotidienne,  de  manière  à  faire  contracter  à  l'élève  (qu'on 
suppose  d'ailleurs  suffisamment  pianiste,  harmoniste  et  contre-pointiste) 
l'habitude  du  jeu  lié,  qui  est  de  l'essence  même  de  l'orgue,  et  auquel  con- 
tribue singulièrement  l'ingénieux  procédé  de  la  substitution  d'un  doigt 
à  un  autre  sur  une  seule  touche. 

S'agit-il  encore  d'apprendre  aux  pieds  à  courir  avec  autant  d'agilité 
que  d'intelligence  sur  le  clavier  qui  leur  est  réservé?  tous  les  cas  de" 
difficultés  possibles  sont  prévus  dans  une  suite  de  combinaisons  métho- 
diques, qu'il  faut  répéter  souvent,  répéter  sans  cesse,  pour  arriver  à 
doter  toutes  les  parties  du  pied  de  la  dextérité  et  de  la  précision  des 
mains.  Pied  droit,  pied  gauche,  pointe,  talon,  orteil,  voire  même  ré- 
gion du  petit  doigt,  tout  est  bon  à  M.  Lemmens,  tout  devient  agent 
docile  pour  faire  parler  à  volonté  les  vingt-quatre  touches  du  pédalier. 
Tout  cela  doit  manœuvrer  à  propos,  sauter,  glisser,  détacher,  couler, 
produire  au  besoin  des  suites  de  tierces,  de  sixtes,  d'octaves,  des  har- 
monies concertantes  à  deux,  trois  et  même  quatre  parties.  Le  brisé, 
le  trille,  l'arpège,  ne  sont  plus  du  domaine  de  l'impossible.  Le  pied 
se  multiplie,  le  pied  se  fait  main;  il  a  de  l'habileté  jusqu'à  la  cheville. 
L'artiste  joue  alors  à  quatre  mains  à  lui  tout  seul.  Auprès  de  lui,  l'A- 
chille aux  pieds  légers  d'Homère  n'est  plus  qu'un  pesant  lourdaud. 

Tous  ces  prodiges,  dont  on  pourrait  suspecter  l'authenticité  si  la 
réalité  n'en  confirmait  le  récit,  M.  Lemmens  enseigne  à  les  pratiquer 
par  le  travail  (un  travail  opiniâtre  certainement!)  des  exercices  succes- 
sifs qui  font  de  son  école  de  la  pédale  la  plus  complète,  la  mieux  enten-. 
due  qu'on  ait  encore  publiée.  Lui-même,  exécutant  de  première  force, 
est  la  preuve  vivante  de  l'excellence  de  cette  méthode. 

M.  Lemmens  ne  se  borne  pas,  d'ailleurs,  à  toucher  de  l'orgue  en  vir- 
tuose; il  écrit  pour  son  instrument,  et  d'une  plume  magistrale,  les 
nombreuses  productions  rassemblées  dans  les  dix-huit  livraisons  de  son 
Nouveau  Journal  d'Orgue  sont  là  pour  le  témoigner  avec  éclat.  Préludes, 
versets,  offertoires,  sorties,  communions,  prières,  ricercari,  pièces 
fuguées,  tout  est  conçu  dans  les  véritables  propriétés  de  l'instrument, 
tout  répond  à  la  portée  de  ses  ressources  mécaniques  comme  au  but 
de  sa  mission  religieuse. 

Initié  par  son  docte  professeur  de  contre-point,  M.  Fétis,  à  tous  les 
secrets  de  l'art  d'écrire,  nourri  des  plus  saines  traditions,  particulière- 
ment de  la  lecture  des  maîtres  du  xvr  siècle  et  surtout  de  Palestrina, 
rempli  des  chefs-d'œuvre  de  Bach,  de  Haendel  et  des  meilleurs  dis- 
ciples de  leur  école,  M.  Lemmens  a  su  communiquer  à  son  style,  d'un 
côté  l'irréprochable  pureté  et  la  clarté  sereine  du  style  italien  primitif; 
de  l'autre,  la  richesse  harmonique,  la  puissance  et  l'audace  de  modu- 
lation qui  caractérisent  le  style  allemand  des  grandes  époques.  Dans 
son  travail,  il  fait  assurément  une  large  part  à  la  science  et  à  ses  arti- 
fices les  plus  recherchés  :  mais  ce  n'est  jamais  aux  dépens  de  la  pensée. 
L'inspiration,  attentivement  élaborée,  apparaît  plus  vigoureuse,  plus 
nette,  plus  énergique,  fortifiée  et  régularisée  qu'elle  est  par  tous  les 
moyens  de  développement  que  l'art  peut  mettre  à  la  disposition  du 
musicien.  Ce  ne  sont  point  là  de  ces  pièces  improvisées,  superficielles, 
sans  profondeur,  qui  n'ont  qu'une  légère  écorce,  un  vernis  brillante  et 
qui  ne  sauraient  soutenir  l'examen.  M.  Lemmens  se  déclare,  et  avec 
raison,  l'ennemi  acharné  du  déplorable  usage  de  l'improvisation  per- 
pétuelle, fâcheusement  introduit  depuis  deux  siècles  environ  dans  les 
églises  de  France,  et  dont  nos  organistes,  si  distingués  qu'ils  soient, 


180 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


ne  paraissent  pas  disposés  à  se  départir.  Rien  pourtant  de  plus  étrange, 
de  plus  absurde  que  cet  usage. 

L'inspiration  est-elle  donc  de  commande  ?  Est-il  possible  qu'à  un 
moment  donné  elle  jaillisse  des  doigts  de  l'exécutant ,  surtout  lors- 
qu'il s'agit,  non  pas  d'improviser  sur  une  guimbarde  ou  un  flageolet, 
mais  d'opérer  sur  le  plus  compliqué  ,  le  plus  riche  et  par  cela 
même  le  plus  difficile  de  tous  les  instruments?  Quel  artiste  osera 
répondre  non-seulement  de  trouver  à  heure  fixe  des  pensées  di- 
gnes de  la  majesté  du  culte  et  appropriées  à  telle  ou  telle  circonstance 
des  cérémonies  religieuses,  mais  encore  de  les  présenter  d'ans  les 
meilleures  conditions  de  l'art?  Et  si  par  hasard  il  a  fait  une  de  ces 
trouvailles,  peut-il  être  toujours  certain  d'une  égale  bonne,  fortune  ? 
Ne  court-il  pas  le  risque  de  donner  forcément  dans  les  banalités,  de 
rebattre  cent  et  cent  fois  les  mêmes  tours,  les  mêmes  progressions,  en 
attendant  l'éclair  de  l'inspiration,  cette  fantasque  un  peu  semblable  au 
chien  de  Jean  de  Nivelle,  qui  fuit  toujours  quand  on  l'appelle? 

N'est-il  pas  plus  rationnel,  plus  sensé  déjouer  de  mémoire  de  bonne 
musique,  d'exécuter  des  morceaux  préparés,  bien  pensés,  bien  écrits, 
bien  sus,  et,  sans  nul  doute,  beaucoup  mieux  rendus  que  ces  impromp- 
tus où  les  doigts  sont  pris  quelquefois  au  dépourvu?  Mais  aussi  n'écrit 
pas  qui  veut  des  morceaux  tels  que  les  meilleurs  du  Nouveau  Journal 
d'Orgue. 

Ce  sont  des  compositions  substantielles  ,  conçues  avec  profondeur, 
mûrement  digérées,  pourvues  des  richesses  de  la  science,  sans  que  la 
science  aille  pourtant  jusqu'au  puritanisme  pédantesque.  A  fort  peu 
d'exceptions  près,  la  mélodie  y  est  abondante  ;  non  pas  une  mélodie 
vaine,  brillante,  mondaine,  papillonnante,  efféminée,  mais  une  mélodie 
tantôt  noble,  grave,  simple  dans  sa  grandeur,  tantôt  onctueuse  et  tou- 
chante, sans  mollesse  pourtant  ni  mignardise.  M.  Lemmens  n'est  point 
de  ces  jansénistes  outrés  qui  veulent  chasser  du  temple  les  grâces  na- 
turelles du  chant.  Il  les  réclame  au  contraire,  mais  les  veut  à  la  hau- 
teur de  la  solennité  du  saint  lieu  ,  gratiœ  décentes. 

Souvent  il  lui  arrive  d'emprunter  au  chant  liturgique  même  le 
thème  de  ses  ricercari,  témoin  les  deux  hymnes  :  Jesu  corona  virgi- 
num  et  Creator  aime  siderum.  La  mélodie  de  la  première  sert  de  su- 
jet à  un  excellent  duo  écrit  en  contre-point  double  à  l'octave  ;  les  procé- 
dés de  la  diminution  et  de  l'augmentation  y  sont  employés  avec  adresse. 
Le  chant  de  la  seconde  est  enlacé,  par  phrases  découpées,  à  la  trame 
serrée  d'un  dialogue  à  deux  claviers,  dans  le  goût  allemand. 

Plus  loin,  M.  Lemmens  traite  en  style  fugué  les  intonations  du  Magni- 
ficat et  du  Benedicamus  Domino.  Mais  c'est  surtout  dans  ses  fantaisies 
fuguées,  pour  le  grand-chœur,  qu'il  tire  un  admirable  parti  des  par- 
celles extraites  de  la  mélodie  sacrée.  Voyez  plutôt,  dans  la  douzième 
livraison,  sous  la  rubrique  Laudate  Dominum  omnes  gentes,  la  magni- 
fique pièce  écrite  sur  l'intonation  psalmodique  du  septième  mode. 

Une  introduction  pompeusement  retentissante  proclame  la  phrase 
de  chant,  choisie  pour  texte  du  développement,  et  la  reproduit  sous 
différents  aspects  d'harmonie,  de  timbre,  de  nuances  sonores.  Entre  ce 
prélude  d'une  solennité  pontificale  et  la  coda  finale  qui  ramène  le 
thème  avec  toutes  les  puissances  de  l'orgue,  Vient  se  placer  une  fugue 
dont  le  sujet  n'est  autre  que  l'intonation  déjà  citée,  fugue  à  cinq  parties 
réelles,  rigoureusement  écrite  dans  les  conditions  du  genre,  conduite 
avec  une  adresse,  un  savoir,  une  chaleur  singulières,  et  close  par  une 
pédale  d'un  effet  colossal.  Le  chromatique  joue  un  rôle  fort  ingénieux 
dans  la  constitution  du  contre-sujet.  Remarquons  en  passant  que 
M.  Lemmens  affectionne  beaucoup  l'emploi  du  genre  chromatique,  qui 
est  d'ailleurs  une  conséquence  naturelle,  inévitable  du  jeu  lié.  Il  s'en 
sert  fréquemment  pour  les  notes  de  passage,  et  obtient  par  là  des 
groupes  harmoniques  d'un  effet  toujours  flatteur  et  souvent  nouveau. 
11  ne  faudrait  pas  cependant  que  le  procédé  allât  jusqu'à  l'abus  ;  et 
nous  invitons  l'artiste  à  se  bien  retenir  sur  cette  pente  glissante  qui  peut 
mener  insensiblement  à  l'afféterie  et  jeter  aussi  quelques  nuages  sur  la 
franchise  de  la  tonalité.  Cela  dit,  revenons  au  plan  que  nous  venons  de 
décrire  à  propos  du  Laudate,  et  reconnaissons  qu'il  a  le  grand  mérite 
de  conserver  à  toute  la  pièce  d'orgue  une  parfaite  unité  de  pensée,  en 


évitant  cette  perpétuelle  volatilité  d'idées,   si  contraire  à  l'esprit  im- 
muable du  catholicisme. 

M.  Lemmens  a  adopté  le  même  plan  pour  plusieurs  autres  morceaux, 
notamment  pour  Vite,  missa  est,  placé  en  tête  de  la  première  livraison 
de  la  deuxième  année,  et  enrichi  d'un  luxe  d'artifices  dont  l'oreille  et  le 
jugement  sont  tour  à  tour  charmés  ;  pour  l'Offertoire  en  la  majeur  de  la 
seconde  livraison;  pour  la  très-belle,  très-ample  et  très-splendide  fugue 
en  «^.mineur  de  la  cinquième;  et  aussi,  mais  dans  un  cadre  moins  spa- 
cieux, pour  l'Offertoire  en  sol  majeur  (11°  livraison,  lre  année),  don' 
le  motif  est  vraiment  séduisant,  si  séduisant  que  l'auteur  lui-même  s'y 
est  laissé  prendre  et  l'a  imité,  à  son  insu,  dans  le  dernier  morceau  de 
la  deuxième  année ,  autre  Offertoire  fugué  en  ré  majeur,  mais  bien  plus 
riche,  bien  plus  grandiose  que  le  précédent. 

Le  recueil  renferme  encore  nombre  de  fugues  de  moins  longue  ha- 
leine, par  exemple  la  fugue  sur  le  chant  Lauda  Sion,  et  celle  en  fa  mi- 
neur qui  appartient  àlaonzièmelivraison.  Rien  de  plus  logique,  de  mieux 
déduit.  Voilà  des  pièces  réellement  bonnes  dans  toute  la  force  du  mot. 
A  côté  de  ces  compositions ,  dont  la  forme  scolastiquement  austère 
est  corrigée  par  l'attrait  du  dessin  mélodique  et  l'élégante  ornementa- 
tion de  l'harmonie,  viennent  se  placer  des  compositions  libres,  où  tout 
est  d'invention ,  telles  que  les  Prières ,  les  Communions ,  les  Sorties. 
Lisez  surtout  le  scherzo  sijmphonique  ;  l'auteur  y  a  posé  la  limite  pré- 
cise qui  sépare  le  style  mondain  du  genre  de  la  musique  instrumen- 
tale à  l'église. 

Ses  Préludes,  répandus  en  quantité  dans  le  recueil ,  sont  d'une  in- 
flexible logique.  La  majeure  partie  affecte  naturellement  des  formes 
empruntées  soit  à  l'imitation  canonique,  soit  à  l'imitation  libre.  Plu- 
sieurs sont  rigoureusement  écrits  dans  la  tonalité  du  plain-chant  :  ainsi, 
le  prélude  fugué  sur  le  Te  Deum  ,  dans  le  mode  phrygien. 

Quant  à  la  question  de  tonalité  ecclésiastique,  M.  Lemmens,  si  large 
et  si  libéral  dans  tout  le  reste,  ne  veut  faire  aucune  concession.  Les 
seuls  moyens  qu'il  laisse  à  l'accompagnement  du  plain-chant  sont  l'ac- 
cord parfait  sur  les  six  premières  notes  de  l'heptacorde ,  l'accord  de 
sixte  sur  les  sept  degrés,  et  l'accord  de  sixte  et  quarte  seulement  à  la 
cadence  finale,  et  encore  sous  certaines  conditions  de  résolution.  Rien 
de  plus,  rien  de  moins.  Non-seulement  il  repousse  avec  autant  de  mé- 
pris que  de  raison  les  altérations  chromatiques  ridiculement  introduites 
dans  la  mélodie  par  l'ignorance  des  chantres  ;  mais  il  n'admet  point 
que,  tout  en  respectant  la  pureté  du  chant  traditionnel ,  l'organiste 
glisse  dans  l'accompagnement  la  moindre  modulation  voisine.  En  un 
mot,  M.  Lemmens  arrête  les  lois  de  l'accompagnement  du  plain-chant 
à  la  période  du  xvi"  siècle,  antérieure  aux  hardiesses  révolutionnaires 
de  Monteverde. 

C'est  donc  dans  une  tout  autre  pensée  que  celle  d'aider  à  pro- 
faner le  plain-chant  par  un  accompagnement  monstrueux,  que  l'au- 
teur présente  à  ses  disciples  des  modèles  de  modulations  éloignées  et 
des  exercices  pratiques  pour  les  modulations  circulaires. 

Cet  appendice  s'adresse  spécialement  aux  nécessités  de  l'improvisa- 
tion, quelquefois  obligatoire,  mais  qui  ne  doit  être  que  l'exception  ,  et 
point  du  tout  la  règle  générale.  A  ce  propos,  que  M.  Lemmens  nous 
permette  de  l'engager  à  compléter  son  beau  travail  en  donnant ,  dans 
quelqu'une  de  ses  prochaines  livraisons ,  des  conseils  applicables  à 
l'improvisation  pratique. 

-  Si  les  formules  peuvent  avoir  quelque  part  leur  utilité  secourable, 
c'est  assurément  dans  cette  région  vague  et  indécise  de  l'art,  vaste 
océan  où  la  pensée  court  le  risque  de  s'égarer  si  elle  n'a  quelque  bous- 
sole qui  la  guide.  Les  meilleurs  improvisateurs  ont  d'ailleurs  toujours 
usé,  quoiqu'ils  ne  s'en  soient  pas  vantés,  de  ces  moyens  auxiliaires, 
dont  il  est  facile  de  composer  une  sorte  de  code.  Mieux  vaut  encore  le 
prosaïsme  d'un  régulateur  mécanique  que  de  laisser  flotter  au  hasard 
la  fantaisie  inexpérimentée  du  novice. 

Ici  s'arrête  notre  tâche.  M.  Lemmens  va  poursuivre  la  sienne.  Son 
jeu  magnifique  est  déjà  célèbre  à  Paris.  Ses  compositions,  qui  étonnent 
le  vulgaire  et  lui  plaisent  instinctivement,  ont  conquis  l'approbation 
réfléchie  des  juges  éclairés.  Le  mérite  du  Nouveau  journal  d'Orgue 


DE  PARIS. 


181 


qui  les  renferme  est  donc  bien  consacré.  C'est  un  livre  qui  porte  en- 
clos dans  ses  feuillets  toute  une  réforme  ,  tout  un  avenir.  Va  donc, 
livre  consciencieux  et  puissant;  fais  ton  chemin  dans  nos  églises  de 
France  ;  deviens,  s'il  est  possible,  et  cela  est  possible,  le  bréviaire  du 
parfait  organiste,  l'évangile  des  organistes-aspirants.  Frappe  aux  por- 
tes des  écoles  ;  frappe  aux  portes  des  sacristies.  N'est-il  pas  dit  :  Frap- 
pez, et  on  vous  ouvrira. 

Mauiu.ce  BOURGES. 


L'Académie  française  procédait  jeudi  dernier  à  la  réception  de 
M.  Alfred  de  Musset,  appelé  à  remplir  la  place  d'Emmanuel  D.upaty, 
dont  le  talent  s'exerça  si  souvent  et  avec  tant  de  succès  dans  le  genre 
lyrique.  C'est  pour  nous  un  plaisir,  et  presque  un  devoir,  de  transcrire 
le  passage  suivant  du  discours,  excellent  de  pensée  et  de  style,  pro- 
noncé par  le  récipiendaire  en  l'honneur  de  son  devancier.  Après  avoir 
opposé  la  comédie  de  caractère  à  la  comédie  d'intrigue,  M.  Alfred  de 
Musset  définit,  en  poëte  et  en  critique  éminent,  le  rôle  de  la  musique 
dans  le  drame  :  «  La  juste  mesure  entre  ces  deux  excès,  dit-il,  est  très- 
»  difficile.  Elle  ne  l'était  pas  pour  M.  Dupaty  par  ce  motif  qu'elle  lui 
»  était  naturelle,  et  l'opéra  comique,  ce  genre  qu'il  aimait  tant,  qu'il 
»  avait  tant  de  raisons  d'aimer,  est  justement  celui  de  tous  les  genres 
»  où  se  montre  le  plus  distinctement  ce  temps  d'arrêt,  ce  point  de  dé- 
»  marcation  entre  l'action  et  la  poésie.  En  effet,  tant  que  l'acteur  parle, 
»  l'action  marche,  ou  du  moins  peut  marcher  ;  mais  dès  qu'il  chante,  il 
»  est  clair  qu'elle  s'arrête.  Que  devient  alors  le  personnage?  Est-ce  un 
»  maître  irrité  qui  gronde  ?  Est-ce  un  esclave  qui  supplie  ?  Est-ce  un  aman  t 
»  jaloux  qui  jure  de  se  venger  ?  Est-ce  une  jeune  fille  qui  s'aperçoit  qu'elle 
»  aime?  Non,  ce  n'est  rien  de. tout  cela,  et  il  ne  s'agit  plus  de  savoir  de 
»  quelles  circonstances  naît  la  situation.  C'est  la  colère,  c'est  la  prière, 
»  c'est  la  jalousie ,  c'est  l'amour  que  nous  voyons  et  que  nous  enten- 
»  dons,  et  que  le  personnage  s'appelle  comme  on  voudra,  Agathe  ou 
»  Elise,  Dernance  ou  Valcour,  la  musique  n'y  a  point  affaire.  La  rnélo- 
»  die  s'empare  du  sentiment  :  elle  l'isole.  Soit  qu'elle  le  concentre,  soit 
»  qu'elle  l'épanché  largement,  elle  en  tire  l'accent  suprême  :  tantôt  lui 
»  prêtant  une  vérité  plus  frappante  que  la  parole,  tantôt  l'entourant 
»  d'un  nuage  aussi  léger  que  la  pensée,  elle  le  précipite  ou  l'enlève  ; 
»  parfois  même  elle  le  détourne,  puis  le  ramène  au  thème  favori, 
»  comme  pour  forcer  l'esprit  à  se  souvenir,  jusqu'à  ce  que  la  muse 
»  s'envole  et  rende  à  l'action  passagère  la  place  qu'elle  a  semée  de 
»  fleurs.  » 


NOUVELLES. 

%*  Demain  lundi,  à  l'Opéra  ,  la  dix-septième  représentation  du  Juif 
errant.  Roger  chantera  le  rôle  de  Léon  pour  la  dernière  fois  avant  de 
prendre  son  congé. 

%*  Rien  de  changé  au  programme.  Toujours  le  Juif  errant,  toujours 
même  succès  de  vogue  et  même  affluence.  Roger  va  nous  quitter,  mais  il 
sera  remplacé  par  Chapuis  et  par  <;ueymard,  qui  sous  peu  de  jours  nous 
reviendra  de  Londres.  Roger  est  redemandé  par  l'Allemagne,  qui  ne  se 
lasse  pas  de  l'entendre.  Massol  et  .Mme  Tedesco  nous  restent  pour  quelque 
temps  encore  ;  le  congé  de  Mlle  Lagrua  ayant  été  racheté,  la  jeune  et 
charmante  cantatrice  nous  reste  tout-à-fait. 

*„*  Parmi  les  reprises  dont  on  s'occupe  et  qui  auront  lieu  dans  la  sai- 
son d'été,  on  cite  Moïse  et  Jérusalem. 

%*  Mme  Stoltz  est  arrivée  à  Rio-Janeiro  dans  les  premiers  jours  d'avril. 
Elle  devait  débuter  à  la  fin  de  ce  même  mois  dans  la  Favorite. 

%*  Mlle  Révilly  ne  quittera  pas  l'Opéra-Comique  ;  son  réengagement 
est  signé  depuis  quelques  jours. 

*,*  Ricquier,  l'excellent  comique,  a  aussi  renouvelé  son  engagement. 

*„,*  Les  Voitures  versées  ont  mis  en  relief  le  talent  que  possède  déjà 
Mlle  Favel  et  les  espérances  qu'elle  donne.  Un  rôle  important  vient  de  lui 
être  confié  dans  un  ouvrage  en  trois  actes,  dont  la  musique  est  de  Reber. 

*„*  Un  ouvrage  en  un  acte,  V Opéra  au' camp,  vient  d'être  mis  à.  l'étude. 
La  pièce  est  de  M.  Paul  Foucher  et  la  musique  de  M.  Varney.  Le  débu- 
tant, Meillet,  y  fera  sa  première  création,  et  Mlle  Lemercier  y  jouera  le 
rôle  de  Mme  Favart. 

*„*  M.  Varney,  comme  on  sait,  ne  remplira  plus  les  fonctions  de  chef 
d'orchestre  du  troisième  théâtre  lyrique,  où  il  avait  rendu  assez  de  bons 
et  brillants  services  pour  que  son  absence  y  soit  vivement  regrettée. 
C'est  comme  compositeur  qu'il  fera  sa  rentrée  à  ce  théâtre  par  un  opéra- 


comique  en  trois  actes,  que  lui  a  demandé  le  directeur,  M.  Jules  Séveste, 
et  qui  sera  sans  chœurs.  C'est  la  première  fois  que  pareille  chose  sera 
tentée  depuis  l'Eclair,  dont  l'exemple  est  d'un  bon  augure  pour  le  succès. 

%*  C'est  à  tort  qu'on  annonçait  un  ouvrage  nouveau  de  M.  Ambroise 
Thomas  pour  la  réouverture  du  Théâtre-Lyrique.  C'est  pour  l'Opéra-Co- 
mique que  ce  compositeur  travaille  en  ce  moment. 

%*  La  commission  chargée  d'examiner  la  question  du  droit  des  pauvres 
aura  bientôt  terminé  son  travail. 

%*  Le  Conservatoire  donnera  encore  un  exercice  avant  les  examens 
semestriels  ;  on  y  jouera  Jocorvle,  de  Nieolo,  pour  la  partie  lyrique. 

*»*  La  nouvelle  que  nous  avons  donnée  sur  les  libéralités  du  gouverne- 
ment envers  le  Conservatoire  de  Paris  et  ses  .succursales  de  Toulouse,  Lille, 
Marseille  et  Metz  est  parfaitement  exacte.  Il  n'en  faut  tirer  aucune  consé- 
quence défavorable  pour  les  autres  succursales,  notamment  celle  de  Nan- 
tes, pour  laquelle  réclame  un  journal  de  la  localité.  L'Ouest  a  certaine- 
ment autant  de  droits  que  l'Est,  le  Nord  et  le  Midi,  mais  pour  les  rendre 
valables  il  ne  faut  pas  qu'il  sommeille,  comme  ce  même  journal  avoue 
qu'il  le  fait  en  ce  moment.  Aide-toi,  le  ciel  t'aidera. 

%*  La  nomination  de  M.  Cokken  à  la  place  de  professeur  de  basson  au 
Conservatoire  est  annoncée.  M.  Cokken  était  le  premier  sur  la  liste  des 
candidats  présentés  par  le  Comité  des  études  musicales.  Il  a  déjà  la  place 
de  premier  basson  à  l'orchestre  de  l'Opéra,  à  celui  de  la  Société  des  con- 
certs, et  il  est  professeur  au  Gymnase  musical  militaire. 

V  C'est  par  erreur  que  dans  les  annonces  de  notre  dernier  numéro  , 
M.  Gloeggl,  à  Vienne,  a  été  désigné  comme  acquéreur  de  l'édition  alle- 
mande du  Juif  errant  ;  c'est  la  maison  Schott,  propagatrice  par  excellence 
de  la  musique  française,  qui  publiera  encore  la  magnifique  partition  d'IIa- 
lévy  en  Allemagne.  Le  droit  d'édition  pour  l'Angleterre  a  été  acquis  par 
MM.  Schott  et  Ce  à  Londres. 

V  Le  Comité  de  l'Association  des  artistes  musiciens  a  tenu  jeudi  sa 
première  séance,  après  l'assemblée  générale,  et  procédé  àla  reconstitution 
du  bureau.  Le  scrutin  a  donné  les  mêmes  résultats  que  l'année  dernière. 
Ainsi,  M.  le  baron  Taylor  est  toujours  président  ;  MM.  Edouard  Monnais, 
Prumier,  Georges  Bousquet,  Debez,  Zimmerman,  sont  vice-présidents  ;  et 
MM.  Jules  Simon,  Lebel,  Petiton,  Jancourt,  Conrad,  secrétaires.  M.  Demol 
a  été  adjoint  aux  membres  dont  se  compose  la  Commission  des  pensions  ; 
M.  Bellon  remplace  M.  Taskin,  décédé,  dans  celle  des  comptes  et  du  con- 
trôle du  personnel;  M.  Urbin  lui  succède  également  dans  la  Commission 
de  correspondance,  comme  M.  Gounod  à  M.  Zimmerman,  qui  s'en  est 
retiré. 

V  Aujourd'hui  dimanche,  jour  de  la  Pentecôte,  une  messe  solennelle 
à  quatre  voix  (Kyrie,  Gloria,  Sanctus,  0  Salutaris  etAgnus  Dei), composée 
par  M.  Joseph  Frank,  organiste  de  Saint-Thomas  d'Aquin,  sera  exécutée 
dans  cette  église,  à  10  heures  très  précises. 

*,,*  Une  messe  nouvelle  de  M.  Dietsch  sera  aussi  exécutée  aujourd'hui 
à  l'église  de  la  Madeleine,  dont  il  est  maître  de  chapelle. 

***  Une  jeune  pianiste  ,  dont  le  nom  réclamait  sa  place  parmi  toutes 
les  célébrités  musicales  réunies  à  Londres  en  ce  moment,  Mlle  Elisa  Kri- 
nitz,  s'est  vue  tout  à  coup  arrêtée  par  une  indisposition  douloureuse.  Le 
concert  qu'elle  allait  donner  a  dû  être  remis.  Heureusement  la  santé  est 
revenue,  et  Mlle  Elisa  Krinitz  pourra  bientôt  réparer  le  temps  perdu. 

*„*  Dès  l'année  dernière  ,  le  Conseil  académique ,  d'accord  avec  M.  le 
préfet  de  la  Seine,  avait  arrêté  les  bases  d'une  nouvelle  organisation  de 
l'enseignement  du  chant  dans  les  écoles  primaires  de  la  ville  de  Paris. 
Cet  enseignement,  placé  sous  la  surveillance  d'une  commission  ,  dont 
nous  nommions  encore  tout  récemment  les  membres,  se  divise  en  deux 
parties  distinctes  :  1°  l'étude  de  la  musique  et  du  chant  qui  se  fait  dans 
les  écoles  communales,  d'après  la  méthode  Wilhem ,  sous  la  direction 
d'instituteurs  spéciaux  ;  2°  les  études  d'ensemble  qui  viennent  se  résumer 
dans  les  réunions  de  l'Orphéon,  et  qui  ont  lieu  sous  la  dirction  particu- 
lière du  directeur  en  chef  de  l'établissement.  C'est  par  suite  de  ces  nou- 
velles dispositions  que  M.  le  préfet  de  la  Seine  vient  de  demander  au 
Conseil  municipal  d'approuver  le  choix  que  la  Commission  de  surveillance 
du  chant  a  fait  de  M.  Gounod,  comme  nouveau  directeur  de  l'Orphéon. 
Cette  approbation  a  été  donnée  ;  il  ne  manque  plus  à  M.  Gounod  pour 
entrer  en  fonctions  que  la  sanction  du  conseil  académique. 

%*  Les  fêtes  de  l'Association  musicale  de  l'Ouest  seront  célébrées  à 
Limoges  les  17  et  18  juin  prochain.  C'est  la  dix-huitième  année  de  cette 
institution ,  la  seule  permanente  du  même  genre  qui  existe  en  France 
entre  plusieurs  départements.  —  Parmi  les  morceaux  qu'on  doit  exécu- 
ter, on  cite  plusieurs  fragments  du  Stabat,  de  Rossini  ;  le  Kyrie  et  le 
Credo  d'une  messe  solennelle,  de  M.  Beaulieu  ;  l'introduction  du  premier 
acte  de  la  Juive  ;  l'introduction  du  premier  acte  de  Guillaume  T-  Il  et  le 
final  du  troisième  acte  de  Benioxcski.  Pour  la  partie  vocale,  Mlle  Duprez , 
MM.  Poultier  et  Balanqué,  et  pour  la  partie  instrumentale,  MM.  Jancourt, 
Triébert  et  Jacquart  contribueront  par  leur  beau  talent  à  l'effet  de  cette 
solennité,  et  la  commission  chargée  de  l'organisation  ne  néglige  rien  pour 
donner  à  ces  fêtes  tout  l'éclat  possible. 

%*  Un  concert  a  été  donné,  lundi  dernier,  dans  le  Jardin-d'Hiver,  au 
profit  des  familles  nécessiteuses,  visitées  et  secourues  par  les  conféren- 
ces, —  ce  sont  les  termes  du  programme,  assez  singulièrement  rédigé,  — 
de  Saint-Vincent-de-Paul,  des  paroisses  Saint-Laurent  et  Saint-Joseph  du 
Temple.  On  peut,  on  doit  affirmer,  au  nom  de  la  philanthropie,  que 
MM.  Elwart,  Schlosser,  Elena,  Samary  ;  Ailles  Julette  Dillon,  Remy,  Judith 
Elena,  Dupuy,  Vidal,  Valentine  Bianchi,  Ersilie  de  Agostini,  ont  montré 


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REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


autant  de  talent  que  de  zèle  et  de  charité  dans  cette  séance  artistique  et 
de  bienfaisance.  La  Corinne,  organiste  de  la  cathédrale  de  Meaux  , 
Mlle  Dillon,  a  improvisé  sur  son  instrument  avec  sa  facilité  poétique  or- 
dinaire ;  AI.  Schlosser  a  dit  de  sa  belle  voix  de  basse  l'invocation  des 
nonnes  de  Robert-le-Diable.  Mlle  Ersilie  de  Agostini,  Judith  Elena  et  Va- 
lentine  Bianchi  ont  chanté  comme  des  prime  donne  pur  sang.  On  a  peut- 
être  remarqué  que  la  Méditation  de  M.  de  Lamartine,  récitée  par 
Mlle  Rémy,  n'a  guère  été  entendue  ;  mais  cela  n'était  pas  plus  nécessaire 
que  décrire  le  programme  en  bon  français,  L'essentiel  c'était  l'acte  de 
bienfaisance  qui  a  produit  une  assez  bonne  somme  par  le  placement  des 
billets,  la  quête  faite  pendant  le  concert  et  la  vente  des  programmes. 

V  La  famille  Waldteufcl  se  signale  par  une  rivalité  de  talent  et  de 
.production  tout-à-fait  remarquable.  Le  père  et  le  fils  viennent  d'augmen- 
.ter  leur  riche  répertoire,  l'un  avec  sa  polka  de  Henri  IV  et  sa  valse  Volu- 
bilis, l'autre-avec  une  valse  non  moins  brillante,  la  Perle  des  salons  de  Paris. 

*it*  Nous  racontions  dernièrement  que  Teresa  Milanollo ,  assistant  à 
Berne  au  concert  donné  par  Ernst,  après  avoir  chaleureusement  applaudi 
le  grand  artiste,  lui  avait  jeté  une  couronne  de  laurier.  Cependant,  nous 
lisons  dans  un  journal  suisse,  le  Guillaume-Tell ,  que  les  deux  virtuoses, 
logés  dans  le  même  hôtel,  n'en  avaient  pas  moins  continué  à  vivre  sur  le 
même  pied  de  réserve  extrême  sans  se  parler,  sans  même  se  voir.  Mais 
Teresa  donna  concert  à  son  tour  :  Ernst  l'écouta  en  grand  connaisseur, 
et  lui  rendit  bravos  pour'  bravos.  Le  lendemain  il  se  présenta  chez  elle, 
pour  l'assurer  de  son  respect,  de  son  admiration,  de  son  dévouement,  et 
pour  la  prier  de  vouloir  bien  en  accepter  un  faible  souvenir.  Ernst  remit 
à  Teresa  une  magnifique  broche  enrichie  de  diamants.  Entre  artistes  de 
ce  caractère  et  de  ce  talent,  un  juste  hommage  en  vaut  un  autre. 

*„*  Nous  avons  entendu,  dimanche  dernier,  une  messe  en  musique  exé- 
cutée à  Saint-Vincent-de-Paul  par  400  chanteurs  et  par  l'excellente  mu- 
sique du  3e  léger.  Nous  regrettons  de  ne  pouvoir  analyser  les  différentes 
parties  de  ce  remarquable  ouvrage,  mais  nous  devons  constater  qu'il  a 
produit  le  plus  grand  effet.  L'auteur,  M.  Laurent  de  Rillé,  est  du  reste  un 
compositeur  qui  a  fait  ses  preuves.  Aussi  est-ce  moins  un  début  que  nous 
annonçons  qu'un  nouveau  succès  et  un  pas  de  plus  vers  un  brillant  avenir. 

"y*  Dans  notre  dernier  numéro,  nous  parlions  du  brillant  concert 
donné  à  Strasbourg  par  Mme  Cabel.  Commençons  par  un  erratum.  C'est 
non  pas  le  mari  de  la  cantatrice,  mais  son  beau-frère,  longtemps  attaché 
comme  baryton  au  théâtre  de  la  ville,  qui  a  pris  part  au  concert  et  fait 
ses  adieux  au  public.  Ajoutons  que  Mme  Cabel  a  chanté  en  costume  des 
fragments  du  Maître  de  chapelle,  du  Barbier  de  Séville  ;  puis  elle  a  dit  une 
jolie  mélodie,  la  Fée,  composée  pour  elle  par  M.  Ed.  Berger,  et  le  trio  du 
Toréador.  Son  succès  a  été  complet  comme  cantatrice  et  actrice.  En  quit- 
tant le  théâtre  de  Bruxelles,  Mme  Cabel  a  accepté  un  engagement  pour 
celui  de  Lyon,  et,  en  attendant  l'ouverture  de  la  saison,  elle  doit  se  ren- 
dre à  Londres. 
V"  Le  ténor,  François  Jaeger,  qui  a  brillé  dans  le  temps  au  théâtre  de 
Berlin,  à  côté  de  Mme  Sontag,  vient  de  mourir  à  Stuttgard,  où  il  était 
professeur  de  chant. 

GRON1QUE  DÉPâRTESIENTALE. 
*„*  Marseille,  20  mai.  —  Deux  jeunes  émules  des  charmantes  sœurs 
Milanollo,  Virginia  et  Carolina  Ferni,  l'une  âgée  de  quatorze  ans,  l'autre 
de  douze  à  peine,  ont  donné  ici  un  concert,  dans  cette  même  salle  Bois- 
s'elot,' toute  remplie  des  souvenirs  de  Teresa  et  de  Maria.  La  plus  jeune, 
Carolina,  s'est  posée  avec  un  aplomb  de  virtuose  d'élite  :  elle  a  joué  la 
fantaisie-caprice  de  Vieuxtemps  avec  une  justesse  irréprochable,  un  sen- 
timent, une  expression,  un  style  qui  annoncent  la  véritable  artiste.  Elle 
pose  une  note  grave  ou  aiguë,  la  nuance  avec  art,  l'anime  par  des  vibra- 
tions pénétrantes,  lance  des  gammes  doubles  avec  une  légèreté  fabuleuse, 
donne  de  l'esprit  à  son  staccato,  fait  résonner  la  double  corde  avec  am- 
pleur, et  sème  dans  son  jeu,  avec  une  expérience  et  un  discernement  au- 
dessus  de  tout  éloge,  ces  finesses  exquises,  considérées  par  les  maîtres 
comme  le  perfection  du  talent.  Ce  que  nous  disons  de  Carolina  peut  s'ap- 
pliquer à  Virginia,  qui,  dans  une  fantaisie  de  Dancla,  s'est  montrée  la 
digne  rivale  de  sa  sœur  cadette.  Sans  avoir  toute  la  vigueur  de  celle-ci, 
Virginia  possède  les  mêmes  qualités  de  délicatesse,  de  sentiment  et  de 
style.  Aussi  les  deux  sœurs  ont-elles  recueilli  une  égale  part  de  bravos 
dans  le  duo  concertant  de  Dancla,  qu'elles  ont  exécuté  à  la  fin  de  la 
première  partie.  Après  nous  avoir  montré  le  violon  sous  son  aspect  à  la 
fois  le  plus  aimable  et  le  plus  sérieux,  les  sœurs  Ferni  ont  voulu  prouver 
au  public  qu'elles  étaient  tout  aussi  familières  avec  les  difficultés  du  mé- 
canisme, alors  même  qu'elles  s'éloignent  de  la  fantaisie  ordinaire  pour 
aborder  le  champ  de  la  bizarrerie  poussée  jusqu'à  l'excentricité.  C'est  ce 
qu'elles  ont  fait  dans  le  Carnaval  de  Venise,  sans  jamais  manquer  à  la 
justesse.  Un  bel  avenir  paraît  réservé  à  ces  deux  jeunes  personnes,  non 
moins  sœurs  par  le  talent  que  par  le  sang. 

V  Lille,  27  mai.  —  La  salle  des  concerts  de  la  ville  de  Wazemmes  est 
terminée.  Elle  surpasse  celles  de  Lille  par  sa  coquetterie  et  sa  bonne  dis- 
tribution. Son  inauguration  doit  avoir  lieu  sous  peu.  Lille  et  Wazemmes 
possèdent  actuellement  trois  chefs-d'œuvre  d'architecture  que  tous  les 
étrangers  visitent,  et  l'excellente  sonorité  de  ces  salles  de  concerts  ajoute 
un  grand  prix  à  leur  construction.  Un  concours  de  chant  saus  exemple 
jusqu'à  ce  jour  doit  avoir  lieu  le  21  juin  à  l'Association  musicale.  L'ému- 
lation à  Gand  et  à  Cologne  est  à  son  comble  dans  les  sociétés  chorales 
qui  doivent  concourir.  Nous  rendrons  compte  de  cette  grande  fête  mu- 
sicale. 


CHRONIQUE     ÉTRANGÈRE. 

*.*  Londres,  28  mai.  —  Décidément  M.  Lumley  a  gagné  sa  cause  :  la 
victoire  lui  est  demeurée.  Le  lord  chancelier,  en  confirmant  la  décision  de 
la  Cour  inférieure,  a  condamné  Mlle  Wagner  aux  dépens.  De  plus,  le  noble 
lord  a  cru  devoir  apprécier  la  moralité  du  procès,  et  il  a  terminé  en  di- 
sant :  «  J'ai  l'espoir  que  Mlle  Wagner  suivra  la  ligne  que  lui  tracent  son 
»  devoir  et  son  intérêt,  en  remplissant  ses  obligations  envers  M.  Lumley, 
»  comme  il  a  rempli  les  siennes  envers  elle.» — Ce  succès  n'est  pas  le  seul 
qu'ait  obtenu  M.  Lumley.  Il  y  a  huit  jours,  une  manifestation  des  plus  ho- 
norables a  été  faite  dans  l'intérêt  de  son  théâtre.  Plus  de  cent  personnages 
importants,  parmi  lesquels  figuraient  le  duc  de  Cleveland,  le  duc  de  Leins- 
ter,  le  marquis  de  Clanricarde,  le  baron  Brunow  et  beaucoup  d'autres,  se 
sont  rassemblés  en  comité  dans  la  salle  de  concert  du  théâtre.  IFa  été  re- 
connu qu'à  raison  des  services  rendus  par  M.  Lumley  à  l'art  musical  en 
Angleterre,  et  des  difficultés  contre  lesquelles  il  avait  lutté  avec  tant  d'é- 
nergie ,  il  y  avait  lieu  d'ouvrir  une  souscription  destinée  à  assurer  la 
marche  du  théâtre  pendant  la  présente  saison.  En  conséquence,  une  com- 
mission a  été  nommée  et  une  souscription  ouverte  immédiatement.  Tout 
fait  donc  espérer  que  le  théâtre  de  Sa  Majesté  va  jouir  d'une  existence 
plus  brillante,  plus  tranquille,  et  que  les  efforts  immenses  de  son  directeur 
ne  seront  pas  perdus.  —  Mme  Lagrange  a  débuté  dans  Lucie,  et  son  ap- 
parition a  été  pour  elle  un  vrai  triomphe.  —  Au  théâtre  de  Covent-Gar- 
den,  la  Juive  a  été  représentée  avec  un  grand  éclat  :  Gueymard,  qui  rem- 
plissait le  rôle  d'Éléazar,  a  obtenu  un  succès  incontestable.  Sa  belle  voix, 
son  expression  dramatique  ont  produit  beaucoup  d'effet,  et  la  critique  de 
nos  voisins  ne  lui  trouve  d'autre  défaut  que  celui  d'appartenir  à  l'école 
française.  Après  le  trio  du  secondacte  et  l'air  du  quatrième,  il  a  été  rap- 
pelé, salué  de  bravos.  Mme  Jullienne,  qui  chantait  le  rôle  de  Rachel,  s'est 
associée  à  son  succès.  ■ —  La  foule  se  pressait  dans  les  salons  d'Hanover- 
Square  au  concert  donné  par  Mme  Pleyel.  L'admirable  pianiste  y  a  joué 
deux  concertos  de  Beethoven,  en  ut  mineur  et  en  sol  mineur,  la  fantaisie 
de  Liszt  sur  l'air  des  patineurs,  du  Prophète,  et  un  choix  de  morceaux  tirés 
des  Soirées  musicales,  de  Rossini,  et  aussi  arrangés  par  Liszt.  Nous  n'avons 
rien  à  dire  ni  de  son  talent  ni  de  son  succès,  sinon  que  l'un  et  l'autre  ont 
marché  de  pair.  —  L'Alboni  est  en  cette  ville,  mais  son  départ  pour  les 
Etats-Unis  est  certain. 

%*  Constantinople.  —  Mme  Nissen  Saloman  se  trouve  en  ce  moment 
dans  notre  capitale,  où  elle  a  donné  deux  concerts,  le  premier,  dans  la 
grande  salle  de  l'ambassade  russe;  le  second,  au  Théâtre-Italien. 

Le  gérant  :  Ernest  DESCHAMPS. 

PUBLIÉ  PAR 
BRANDUS  et  Ce,  éditeurs,  405,  nie  Richelieu. 


pour  mm  wim, 


Alice,  suite  de  valses 5    » 

Ondiiic,  suite  de  valses  ....  5  n 
ILe  Tiens  BMqueur,  quadrille.  4  50 
IFollette,  polka-mazurka.  ...  3  » 
Blenriette,  schottisch 3    » 


Ifaiiuclita,  schotisch 3  » 

Quadrille-Polka h  50 

lïathilue,  polka 2  » 

Pauline,  polka 2  » 

Estelle,  polka 2  » 


LE  COiTE  A,  SUBIET  DE  LEMCOUAT. 

Pour  paraître  incessamment,  du  même  auteur  : 
REDOWA  ET  QUADRILLE  SUR  LE  JUIF  ERRANT. 

LES  DANSES  DES    MORTS 

Dissertations  et  recherches  historiques,  philosophiques,  littéraires  et 
musicales  sur  les  divers  monuments  de  ce  genre  qui  existent  ou  qui  ont 
existé  tant  en  France  qu'à  l'étranger,  accompagnées  de 


Grande  ronde  vocale  et  instrumentale,  paroles  d'Edouard  THIERRY, 

PAR 

GEORGES  KASÏNER 

PRIX  :  25  FRANCS. 
//  a  été  tiré  de  cet  ouvrage  vingt  exemplaires  sur  vélin  numérotés, 

PRIX   DE   CHAQUE   EXEMPLAIRE    :     50   FRANCS. 


Morceau  de  salon  pour  piano  et  violon ,  par  Mme  M&SSART 


L    MASSART, 

Professeur  au  Conservatoire  de  musique. 
PRIX  :  10  FR. 


DE  PARIS. 


183 


EST  VKNTE  CHEZ  Bit  AMI»  UN  KT  C,  ÉDITEURS, 

hue    Richelieu,    10  3, 

OEuvres  de 


Solfège  avec  accompagnement  de  basse  chiffrée 42 

Sol fège  à  changement  de  clefs 36 

liesse  «le  itc<iulcin  à  h  parties  en  chœur  avec  accompagne- 
ment d'orchestre,  en  partition 60 

Messe  «le  itciiuiem  pour  voix  d'hommes  avec  accompagne- 
ment d'orchestre,  en  partition 62 

liesse  solennelle  à  k  parties  avec  accompagnement  d'orches- 
tre, en  partition 90 

liesse  «lu  sacre  à  3  parties  avec  accompagnement  d'orches- 
tre, en  partition.  (Les  parties  séparées  de  chant  sont  gravées  aussi.). . .      75 


liesse  solennelle  à  k  et  5  parties  avec  accompagnement  d'or- 
chestre, en  partition 

Faniska.  opéra  en  3  actes  avec  paroles  italiennes,  en  grande 

partition 

Cours  «le  contrepoint    et    fugue net 

l.odoiïslia,  partition  in- 8°,  pour  piano  et   chant net 

ILes  Deux  Joiiirii«?«»&,  partition  in-8°,  pour  piano  et  chant,  net 
Ifarrlacs  «l'iifirnionie,  pratiquées  dans  la  composition,  adop- 
tées pour  l'enseignement  dans  les  classes  du  Conservatoire,  net 
Ouverture  «le  Lodoïska  à  grand  orchestre net 


250     » 

30     » 

8     » 


SIX    MOTETS 

A  2,  3  et  4  voix,  avec  solos  et  accompagnement  d'orgue,  composés  pour  être  chantés  pendant  la  messe  basse, 

Par  ALBERT  SOWINSRI. 

Op.  80. 

1 .  Domine  Deus,  motet  d'Introït  à  h  voix.  i  N°  U.  O  quant  suavis,  soprano  ou  ténor  solo. 

2.  Lactabitur  terra,  motet  d'Offertoire  à  à  voix.  j         5.  Caro  mea,  pour  2  voix,  motet  d'Elévation. 

3.  O  salu'.aris,  pour  soprano,  ténor  et  basse,  sans  accompagnement.     I         6.  Laudate  Dominum,  à  h  voix,  chœur  et  fugue. 

Prix  des  six  motets  :  avec  les  parties  de  chant,  12  fr.  ;  séparément,  chaque,  2  et  3  fr. 
Se  trouvent  à  raris  chez  les  principaux  marchands  de  musique. 

En  vente  cliez  Mme  veuve  9<AU.VER,  boulevart  Montmartre,   IG, 


NOUVELLES  PUBLICATIONS 


LA    PEBLE    S 


1.  Quadrille,  par  Musard h  50 

2.  —        par  Marx U  50 

3.  Valse,  par  Pilodo h  50 

h.  Polka,  par  le  même 2  50 

5.  Polka-mazurka,  par  Bousquet 3    » 

6.  Schottisch,  par  Eugène  Moniot 3    » 


7.  Bagatelle,  par  Le  Carpentier 5    » 

8.  Divertissement,. par  le  même.    .    . 5    » 

9.  Duo  pour  violon  et  piano,  par  N.  Louis 7  50 

10.  Redowa,  par  Pasdeloup .  i    » 

11.  Duo  pour  le  piano  à  quatre  mains,  par  Edouard  Wolff   ...  9    » 

12.  Fantaisie  pour  la  flûte  avec  accomp.  de  piano,  par  Henri  Altés.  7  50 


EN   VENTE, 
Cnez  «ï.  HAHO,  éditeur,  IO,  passage  «Jouffiroy. 


Opéra-comique  en  deux  actes,  paroles  de  T.  SAUVAGE,  musique  de 

F.   BAZIiX. 

Partition  in-8"  pour  piano  et  chant,  net.  42  fr.  —  Ouverture  pour  piano,  6fr. 


N*  1.  MADRIGAL,  chanté  par  M.  Herman-Léon:  «  O  belle  hôtesse!  »  à  50 

1  bis.  LE  MÊME,  pour  ténor:  «  O  belle  hôtesse!» U  50 

2.  ROMANCE,  chantée  par  M.  Audran  :  «  Regardez,  Arthur,  ces 
deux  fleurs  jolies  » U  50 

2  bis.  LA  MÊME,  pour  mezzo  soprano  ou  baryton  :  «  Regardez, 
Arthur,  ces  deux  fleurs  jolies.  » 4  50 

3.  COUPLETS,  chantés  par  Mlle  eLfebvre  :  «  Me  voilà,  trala  la 
tra  la  la,  me  voilà.  » 5    » 

à.  AIR,  chanté  par  Mlle  Lefebvre  :  «  Si  je  leur  fais  bonne  mine  »  6    » 
5.  AIR, chanté  par  M.  Audran  :  «  On  jure  de  s'aimer; hélas!  pro- 
messe folle.  » 6    » 

Grande  valse  pour  piano,  par  BAZIN.  —  Polka-Mazurka  par  PASDELOUP.  —  Polka,  Quadrille,  Schottisch,  etc, 

SOUS  PRESSE, 

LA  GRANDE  PARTITION  ET  LES  PARTIES  D'ORCHESTEE. 


N°  6.  COUPLETS ,  chantés  par  M.  Sainte-Foy  :  «  Madame  Lerond, 

j'en  conviens.  » 2  50 

6  bis.  LES  MÊMES,  pour  basse  ou  baryton  :  a  Madame  Lerond, 
j'en  conviens  » 2  50 

7.  AIR,  chanté  par  M.  Herman-Léon  :  «  Misère  profonde.  ».    .     6    » 

8.  DUO,  chanté  par  Mlle  Lefebvre  et  M.  Audran  :  «  Vous  avez  vu, 
ma  belle  hôtesse  » 7  50 

9.  NOCTURNE,  chanté  par  Mlle  Lefebvre  et  M.  Audran  :  «Qui  n'a 
pas  fait  de  beau  projet  ?  )■ 5  .  » 


184 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS. 


POUR  PARAITRE  LE  4"  JUIN 

Citez    iliMA^'iUJS*  et  €>.  riallienrM,    t*&8,  mie  Richelieu, 


MAYENCE,  LES  FILS  DE  B.  SCHOTT.  —  LONDRES,  SCIIOTT  ET  O", 


LE 


Opéra  en  eiwej  actes, 

Paroles  de 

MM.   E.    SCRIBE   et    DE   S ÂIOT -GEORGES 

Musique  de 


Wm    H  AL 


He  ë'Wnstilttl. 


MORCEAUX  DÉTACHÉS  POUR  CHANT  AVEC  ACCOMPAGNEMENT  DE  PIANO 

PAR 

Ouverture  pour  le  piano  à  V  et  à  4  m;tfnst,  «;  fr.  et  9   fr.  SO. 


1"  ACTE. 

N°  1.  LÉGENDE  chantée  par  Mme  Tedesco  :  «  Pour  expier  envers  lui 

ses  outrages.  » 3  75 

1  bis.  La  même  transposée  pour  soprano 3  75 

2.  LE  COUVRE-FEU  chanté  par  M.  Merly  et  chœur  :  «  De  par  le 

bourgmestre,  de  par  nos  échevins.  » 4  50 

2  bis.  Le  même  pour  voix  de  basse  seule 3  75 

3.  CHOEUR  DE  MALANDRINS  :  «  Au  loin  tremblez  tous.  » 6    » 

II.  ROMANCE  AVEC  INCITATIF   chantée  par  M.  Massol  :    «  Ils 

partent  frappés  de  terreur.  » 4  50 

4  bis.  La  Romance  seule  transposée  pour  ténor 3  75 

5.  DUO  chanté  par  Mme  Tedesco   et  M.   Massol  :  «  Théodora, 

qu'ici  le  ciel  m'envoie.  » 7  50 

%<=  ACTE. 

„  6.  SCÈNE  ET  TRIO  chantés  par  Mmes  Tedesco  et  La  Grua,  et 

M.  Roger  :  «  Douze  ans  sont  écoulés.  » 6    » 

7.  QUATUOR  pour  4  basses,  chanté  par  MM.  Depassio,  Guignot, 

Canaple  et  Noir  :  «  On  m'a  dit  vrai,  jamais  plus  charmante 
beauté.  » 9     » 

8.  ROMANCE  chantée  par  Mme  Tedesco  :  «  A  moi,  ta  sœur  et 

ton  amie.  » 3     » 

8  bis.  La  même  transposée  pour  soprano 3     » 

9.  DUO  AVEC  RECITATIF  chanté  par  Mme  Tedesco  et  M.  Roger  : 

«  Sa  voix,  sa  vue  enchanteresse.  » 7  50 

10.  CHOEUR  de  la  Saint-Jean  :  «  Saint-Jean  !  Saint-Jean  !» 6    » 

3=  ACTE. 

11.  AIR  AVEC  RÉCITATIF  chanté   par  Mlle  La  Grua  :   «  O  mer- 

veille !  ô  prodige  !  auquel  je  crois  à  peine.  » 6    » 

11  bis.  Le  même  transposé  pour  contralto 6    » 


12.  ROMANCE  chantée  par  M.  Roger  :  «  Une  sœur,  une  amie, 

ange  de  la  maison.  » 3     » 

12  bis.  La  même  transposée  pour  baryton 3    » 

13.  STROPHES  chantées  par  Mme  Tedesco  :   «  Que  nos  voix  vers 

le  ciel  montent.  » 4  50 

13  bis.  Les  mêmes  transposées  pour  soprano 4  50 

4e  ACTE. 

14.  AIR  AVEC  RÉCITATIF  chanté  par  M.  Roger  :  «  A  ce  palais 

dont  la  magnificence, . .  » 5     » 

Mi  bis.  Le  même  transposé  plus  bas 5     » 

15.  ROMANCE  extraite  de   l'air   chantée  par  M.  Roger  :   «  Vous 

n'êtes  plus,  jours  d'innocence.  » 3  57 

15  bis.  La  même  transposée  pour  baryton 3  75 

16.  DUO  chanté  par  Mlle  La  Grua  et  M.  Roger  :  «  Le  ciel  nous  a 

réunis.  » 7  50 

16  bis.  ROMANCE  extraite  du  duo  :  «  O  ciel!  est-ce  un  rêve?  » . .  3  75 

17.  AIR  chanté  par  M.  Massol  :  «  De  Dieu  l'éternelle  clémence.  ».  5    » 

1 7  bis.  Le  même  transposé  pour  ténor 5    » 

17  ter.  Le  même  transposé  pour  basse 5     » 

18.  QUINTETTE  pour  5  voix  de  basse,  chanté  par  MM.  Depassio, 

Guignot,  Canaple,  Goyon  et  Noir  :  «  La  nuit  est  sombre.  »  S  75 

1 8  bis.  Le  même  réduit  à  1  voix  de  basse 2  50 

5*  ACTE. 

19.  QUATUOR  chanté  par  Mlle  La  Grua,  Mme  Tedesco;  MM.  Ro- 

ger et  Massol  :  «  Tu  m'as  sauvé,  mon  père  !» 5    » 

19  bis.   ROMANCE  extraite  du  quatuor,  chantée  par  M.  Roger  : 

«  Quand  chacun  te  fuit  ici  bas.  » 5    » 

20.  EVOCATION  chantée  par  M.  Chapuis  :  «,La  voix  du  Seigneur 

vous  appelle.  » 2  50 


SEPT  AIRS  DE  BALLET  ET  UNE  MARCHE  TRIOMPHALE 


N°  1.  Pas  des  Esclaves 4  50 

2.  Pas  des  voiles 4  50 

3.  Le  Bourdonnement 4  50 


N°  4.  Le  berger  Aristée 4  50 

5.  La  Ronde 4  50 

6.  La  Reine  des  Abeilles 4  50 


N"  7.  La  Ruche 4  50 

Marche  triomphale 2  50 


Suite  de  Valses  et  deux  Quadrilles  par  MUSARD. 


Grande  -valse  pour  piano,  par  Fr.  BURGMULI.ER. 
Polka  des  Abeilles,  par  E.  ETTLING. 
Scbottisch  du  Berger  par  J.  PASDELOUP. 
Polka-Hazurfaa,  par  G.  DAN1ELE. 


Redovva  et  quadrille,  par  S.  de  LENONCOURT. 
Deux  Bagatelles  pour  piano,  par  A.  LECARPENTIER. 
Des  Morceaux  de  piano  par    H.    ROSELLEN,    A.   TALEXY,  Ch.   VOSS, 
O.  COMETTANT,  R.  MULDER,J.-B.    DUVERNOY,  DECOURCELLE,  etc. 


ABBASÎtiEMKVB'.**  POUIS  TOUS  ILES    ISiSTRUMESiïS. 


Le  Poëme  est  en  vente  :  Prix  1  fr. 


PARIS.  —  IMPRIMERIE  CENTRALE  DE  NAPOLÉON  CHAIX  ET  C"  RUE  BERGÈRE,  20. 


BUREAUX  A  PARIS  :  BOULEVART  DES  ITALIENS,  1. 


ïi)°  Année. 

On  s'nlionne  ilutis  Les  Dopartenientfl  rt  o  l'Ktrnnger,. 
«liez  tous  1rs  Mnrclinnds  de  Musique,  los  I.iliroïrol 
et  (iux  uureoux  tirs  Messageries  1 i  d*s  postes 

■  - 1>».                         .\  noire  AffCnnc  gcnérolc,  5 

rue  du  Gurct. 
Genève,  et'  podu     Ch'»z  H.  Ed    do  lu  FMehtèm, 
toris  usiissf.            10.1, rue du Tcrraillct. 

ff  23. 

G  Juin  1852. 

Prix  de  l'Abonnement  t 

'21  fr. 

Jîfc  Jâ  Isr  |J  JÊj 

Londres.                VessclelC\220,Bcgentslreot 

S«-I»é«er.«ibotirs.l>,li/nr.l. 

31 

Le  Jourruil  pnrolt  Le  Dimanche. 


wmm 


©as  Fâiïs, 


SOMMAIRE.  —  Richard  Wagner,  par  Félix  père.  —  Un  Ménétrier  ou  le  Bois- aux 
Loups, par  ijia  HuldiT.  —  Traité  de  prononciation,  de  M.  Morin  (deClaguy), 
professeur  au  Conservatoire  de  musique  et  de  déclamation.  —  Nouvelles  et  an- 
nonces. 


RICHARD  WAGNER. 

Sa  vie.  —  Son  système  de  rénovation  de  l'opéra.  —  Ses  œuvres  comme 
poète  et  comme  musicien.  —  Son  parti  en  Allemagne.  —  Apprécia- 
lion  de  li  valeur  de  ses  idées. 

En  1839,  un  jeune  poète  et  musicien  allemand,  inconnu  jusqu'alors, 
arriva  à  Paris  dans  une  situation  peu  fortunée,  à  ne  considérer  que  sa 
bourse,  mais  riche  d'espérances  et  de  confiance  en  lui-même.  Son 
nom  élait  Richard  Wagner.  C'est  ce  même  artiste,  si  obscurément  jeté 
dans  le  monde  à  cette  époque,  qui  préoccupe  en  ce  moment  l'Allemagne 
du  Nord,  et  dont  les  idées  sur  l'art  et  les  œuvres  ont  lancé  le  signal 
de  la  guerre  entre  quelques  amis  enthousiastes  et  d'ardents  antago- 
nistes. Après  son  retour  en  Allemagne,  Wagner  avait  rencontré  des 
circonstances  favorables  pour  la  représentation  de  ses  ouvrages  ainsi 
que  pour  son  bien-être  :  changement  inouï  dans  sa  fortune,  péripétie 
sans  exemple,  que  lui-même  n'eût  jamais  espérée  dans  ses  plus  beaux 
rêves;  mais  des  événements,  dont  il  sera  parlé  plus  loin,  vinrent  tout- 
à-coup  anéantir  cette  heureuse  phase  de  la  vie  de  l'artiste,  l'obligèrent 
à  chercher  un  refuge  sur  une  terre  étrangère,  et  le  condamnèrent  au 
silence  pour  quelque  temps. 

Peut-être  la  courte  apparition  de  Wagner  dans  le  monde  musicaj 
serait-elle  maintenant  oubliée  si  Liszt,  plein  de  foi  dans  la  valeur  des 
œuvres  de  cet  artiste,  n'eût  résolu  de  les  faire  revivre,  d'en  proclamer 
le  mérite  et  d'en  rendre  l'exécution  aussi  bonne  que  possible  dans  la 
mesure  des  moyens  que  lui  offrait  le  petit  théâtre  de  Weimar.  Pour 
atteindre  son  but,  il  ne  fallait  pas  moins  que  ses  convictions  inébran- 
lables, sa  ferme  volonté,  et  l'influence  dont  il  jouit  près  de  la  cour  si 
bienveillante  dont  il  est  le  premier  maître  de  chapelle.  Tanhauser  et 
Lohcngrin ,  derniers  ouvrages  de  Wagner,  qu'on  peut  considérer  comme 
l'expression  finale  de  son  sentiment  et  de  sa  conception,  furent  donc 
représentés  à  Weimar  dans  les  années  18Z|9  et  1850.  La  paisible  popu^ 
lation  de  cette  agréable  ville  ne  comprit  peut-être  pas  trop  bien  ce  qu'on 
lui  faisait  entendre;  mais  Liszt  lui  appliqua  le  précepte  de  l'Ecriture  :  il 
la  força  d'entrer,  et  ce  qui  d'abord  avait  paru  fort  obscur  finit  par 
s'éclaircir  un  peu.  Ces  représentations  ne  furent  pas  sans  retentisse- 
ment. Cependant  Liszt,  ne  trouvant  pas  dans  l'effet  produit  par  quel- 
ques articles  de  journaux  ce  qu'il  attendait  de  ses  efforts,  voulut  lui- 
même  fixer  l'attention  du  monde  musical  sur  ces  œuvres  qu'il  considère 
comme  une  transformation  radicale  de  la  musique  dramatique,  et  en 


écrivit  l'analyse,  qu'il  a  publiée  sous  le  titre  de  :  Lohcngrin  et  Tanhau- 
ser (Leipsick,  1851,  in-8°). 

C'est  dans  ces  circonstances  que  Wagner  vient  de  rompre  le  silence  et 
qu'il  a  fait  appel  à  la  sympathie,  à  l'admiration  de  l'Allemagne,  par  la  publi- 
catian  de  deux  ouvrages,  dont  un  est  composé  des  poëmes  de  ses  trois 
derniers  opéras  (1),  et  dont  l'autre,  intitulé  l'Opéra  et  le  Drame  (2), 
renferme  l'exposé  de  ses  opinions  sur  le  mérite  de  ses  contemporains 
et  de  ses  prédécesseurs  dans  l'art  dramatique ,  au  point  de  vue  de  la 
musique  et  de  la  poésie,  ainsi  que  de  ses  théories  sur  cet  art.  Les 
poëmes  du  Hollandais  votant ,  de  Tanhauser  et  de  Lohengrin  sont 
précédés  d'une  longue  préface  de  près  de  deux  cents  pages  que  Ri- 
chard Wagner  a  intitulée  :  Communications  à  ses  amis  (Mittheilungen 
an  seine  Freunde).  Rien  de  plus  curieux  que  ce  morceau  ;  car  il  ne  nous 
fait  pas  connaître  seulement  les  vues  de  l'artiste  et  l'histoire  de  ses  œu- 
vres ,  il  nous  révèle  l'homme  tout  entier.  Or,  comme  le  dit  Wagner 
lui-même,  l'homme  est  inséparable  de  l'artiste.  '  II  s'explique  à  cet 
égard  d'une  manière  catégorique  dès  la  première  page  de  ses  révéla- 
tions :  «  J'adresse  (dit-il)  ces  communications  à  mes  amis;  car  je  ne 
»  puis  être  compris  que  par  ceux  qui  éprouvent  le  besoin  et  le  désir 
»  de  me  comprendre,  et  ceux-là  ne  peuvent  être  que  mes  amis.  Mais 
»  je  ne  puis  considérer  comme  tels  ceux  qui  disent  m'aimer  comme 
»  artiste,  et  qui  croient  devoir  me  refuser  leur  sympathie  comme 
»  homme,  parce  qu'ils  confondent  le  nom  à.' homme  avec  celui  de  sujet. 
»  Si  la  séparation  de  l'artiste  et  de  l'homme  est  aussi  dépourvue  de 
»  bon  sens  que  la  séparation  de  l'âme  d'avec  le  corps  (!),  il  est  certain 
»  que  jamais  artiste  n'a  pu  être  aimé,  jamais  son  art  n'a  pu  être  com- 
»  pris,  sans  qu'il  fût  aimé  (du  moins  involontairement)  comme  homme, 
»  et  sans  qu'on  comprît  à  la  fois  ses  œuvres  et  sa  vie.  »  Bien  que  Wa- 
gner ne  s'exprime  qu'avec  réserve  dans  ce  qui  suit  sur  les  sentiments 
qui  doivent  animer  ceux  qui  l'admirent  comme  artiste  et  l'aiment 
comme  homme,  il  est  évident  qu'il  s'adresse  à  un  parti;  parti  sur  le- 
quel je  ne  m'expliquerai  pas  en  ce  moment,  mais  qui  ne  lui  fait  pas 
défaut. 

Il  m'a  paru  que  les  lecteurs  français  de  la  Gazelle  musicale  peuvent 
désirer  de  connaître  celui  qui,  comme  artiste  et  comme  homme,  est 
l'objet  de  l'attention  publique  dans  le  nord  de  l'Allemagne.  l'ai  cru 
aussi  que  ces  lecteurs  verront  avec  intérêt  l'analyse  du  système  par  le- 
quel cet  homme  s'est  donné  la  mission  de  transformer  l'œuvre  drama- 
tique connue  sous  le  nom  d'opéra.  Je  me  propose  de  satisfaire  leur 
curiosité  sur  ces  deux  points.  Et  d'abord  je  m'occuperai  de  la  personne 
de  Wagner  et  de  son  caractère  ,  le  laissant  parler  lui-même  aussi  sou- 

(1)  Drei  Operndichtungen  nebst  Mittheilungen  an  seine  Freunde  ah  Vor- 
worl.  Leipsick,  Breitkopf  et  Haertel,  ]852.  1  vol.  petit  in-8°. 

(2)  Opervnd  Draina.  Leipsick,  J.-J.  Weber,  1852.  3  petits  volumes  in-16. 


186 


REVUE  LT  GAZETTE  MUSICALE 


vent  que  je  le  pourrai,  afin  que  ses  amis  ne  puissent  m'accuserde  gâter 
la  ressemblance  du  portrait. 

Richard  Wagner  est  né  à  Leipsick  le  10  mai  1813.  Son  père  lui  fut 
enlevé  dès  ses  premières  années.  Ce  fut,  selon  lui,  un  grand  bonheur; 
car,  après  avoir  rapporté  l'histoire  fictive  d'un  roi  Wiking,  qui  chassa 
de  son  palais  certaine  jeune  fée ,  laquelle  avait  voulu  doter  son  fils 
nouveau-né  de  l'esprit  mécontent  de  ce  qui  existe  et  passionné  pour  la 
recherche  du  nouveau  ,  il  dit  que  cette  fée  nous  offre  à  tous  le  même 
don  le  jour  de  notre  naissance,  et  que  par  lui  nous  pourrions  devenir 
tous  des  génies  ;  mais  que  la  manie  de  l'éducation  qui  règne  dans  notre 
monde  dégénéré  est  telle,  que  le  hasard  seul  nous  apporte  encore  ce 
don,  lorsqu'il  nous  garantit  du  malheur  d'être  èduquè  (p.  36).  «  Cer- 
»  taine  de  ne  pas  être  empêchée  (après  la  mort  du  père),  la  fée  (ajoute- 
»  t-il)  se  glissa  à  mon  berceau  et  m'accorda  son  présent  qui  jamais  ne 
»  m'a  quitté,  et  qui  dans  une  complète  indépendance,  m'a  fait  mon 
»  propre  instituteur,  et  m'a  dirigé  dans  la  vie  et  dans  l'art.  Voilà: 
»  c'est  en  cela  que  consiste  tout  le  génie  (seht,  hierin  liegt  ailes  Ge- 
»  nie  !)  »  Auprès  de  Richard  Wagner,  Jacotot  n'est  qu'un  bien  pauvre 
homme  ;  car,  bien  qu'il  eût  la  persuasion  que  toutes  les  intelligences 
sont  égales,  il  avait  conservé  le  préjugé  de  la  nécessité  d'une  direction 
dans  l'étude.  Delà  vient  sans  doute  qu'aucun  génie,  à  ma  connaissance, 
n'est  sorti  des  mains  de  Jacotot  ou  de  ses  disciples,  et  que  son  ensei- 
gnement universel  n'a  guère  produit  que  des  ignorants  et  des  esprits 
vulgaires. 

Cependant  notre  indépendance  n'est  jamais  si  absolue,  même  lors- 
que nous  avons  le  bonheur  de  perdre  notre  père  dès  nos  plus  jeunes 
ans ,  que  nous  ne  restions  soumis  à  notre  insu  aux  influences  de  ce 
qui  nous  entoure.  Ainsi,  Wagner  avait  encore  des  parents,  une  famille, 
quelque  chose  comme  une  mère,  une  sœur,  un  frère.  Ces  bonnes  gens 
vivaient  du  théâtre,  et  vraisemblablement  s'occupaient  peu  du  génie 
doué  par  la  fée  ;  mais  ils  lui  faisaient  fréquenter  les  coulisses  ;  il  y  prit 
la  connaissance  et  le  goût  de  la  comédie.  A  la  vérité,  il  ne  s'y  livra  que 
sous  la  réserve  de  son  indépendance  juvénile.  Il  jouait  la  comédie, 
mais  dans  sa  chambre  et  seul.  Il  ne  tirait  pas  les  sujets  des  scènes  qu'il 
représentait  des  pièces  qu'il  avait  vues  au  théâtre  :  lui-même  les  in- 
ventait. Le  théâtre  n'avait  été  que  l'occasion  à  l'aide  de  laquelle  sa 
passion  dramatique  s'était  éveillée  ;  mais  il  ne  prenait  aucun  plaisir  à 
ce  qu'il  appelait  la  comédie  fardée  ;  elle  était  même  pour  lui  l'objet 
d'une  véritable  horreur.  Quoi  qu'il  en  soit,  l'origine  de  ses  idées  con- 
cernant le  drame  et  la  représentation  de  l'action  théâtrale,  ne  fut.de 
son  propre  aveu,  qu'une  imitation.  Si  négligée  que  fût  son  éducation, 
on  l'avait  envoyé  au  gymnase  dont  il  avait  suivi  les  cours  :  en  y  appre- 
nant à  connaître  l'antiquité,  il  y  prit  le  goût  de  la  poésie  et  de  la  mu- 
sique aussi  par  imitation,  et  il  cessa  de  s'essayer  dans  la  peinture, 
lorsqu'un  peintre  de  portraits  qui  l'avait  recueilli  dans  sa  maison  et 
fournissait  généreusement  à  ses  besoins,  vint  à  mourir. 

»  J'écrivais  des  drames,  dit  Wagner,  lorsqu'à  l'âge  de  quinze  ans 
»  j'eus  l'occasion  de  connaître  les  symphonies  de  Beethoven  ;  elles  dé- 
»  cidèrent  de  ma  passion  exclusive  pour  l'étude  de  la  musique,  qui,  du 
»  reste,  agissait  puissamment  sur  mon  organisation  depuis  que  j'avais 
»  entendu  le  Freischuls  de  Weber.  Cependant,  mes  études  dans  cet 
»  art  ne  me  détournèrent  jamais  de  mon  penchant  à  imiter  les  poètes; 
«  seulement,  ce  penchant  se  soumettait  à  l'impulsion  musicale,  et  je  ne 
»  cultivais  la  poésie  qu'au  point  de  vue  de  la  musique.  Ainsi ,  je  me 
»  souviens  que,  dans  mon  exaltation  pour  la  Symphonie  pastorale ,  je 
»  composai  une  comédie  champêtre  dont  j'avais  pris  le  sujet  dans  les 
»  Caprices  des  amoureux,  de  Goethe.  Je  ne  fis  pas  d'esquisse  poéti- 
»  que  ;  j'écrivais  en  même  temps  les  vers  et  la  musique,  et  je  laissais 
))  ainsi  surgir  conjointement  les  situations  du  drame  et  leur  expression 
»  musicale.  » 

Wagner  venait  d'entrer  dans  sa  dix-huitième  année  lorsque  la  révo- 
lution de  juillet  1830  éclata;  il  avoue  (page  38)  qu'il  éprouva  une  vive 
émotion  à  la  nouvelle  de  cet  événement.  Le  sort  de  la  Pologne,  qui  en 
fut  une  des  plus  tristes  conséquences,  lui  causa  une  affliction  égale  à 


l'enthousiasme  que  lui  avait  inspiré  le  courage  de  ses  habitants  dans 
la  lutte  avec  les  puissantes  armées  russes.  11  était  trop  jeune  pour 
prendre  part  à  ces  événements,  mais  ses  instincts  s'étaient  révélés. 
Cependant  il  n'en  résulta  pour  lui  qu'une  surexcitation  qui  le  porta  à 
écrire  beaucoup  de  musique  instrumentale,  particulièrement  des  sona- 
tes, des  ouvertures  et  une  symphonie.  Ce  dernier  ouvrage  fut  exécuté 
au  concert  d'abonnement  le  10  janvier  1833.  Wagner,  alors  dans  sa 
vingtième  année,  n'entendit  pas  son  œuvre,  parce  que  le  mauvais  état 
de  sa  santé  l'avait  obligé  à  s'éloigner  de  Leipsick  pour  aller  chercher 
un  climat  plus  doux  à  Wûrzbourg,  près  de  son  frère  ,  professeur  de 
chant  et  père  de  Mlle  Johanna  Wagner,  objet  de  tant  de  retentissement 
à  Londres  dans  cette  saison,  et  dont  le  talent,  quel  qu'il  puisse  être, 
sera  vraisemblablement  une  cause  de  ruine  pour  les  directeurs  de 
théâtre  qui  se  le  disputent. 

Dans  une  situation  de  santé  meilleure ,  après  une  année  de  calme  et 
de  repos,  Richard  Wagner  s'occupa  de  la  recherche  d'une  position ,  et 
la  trouva  dans  la  place  de  directeur  de  musique  au  théâtre  de  Magde- 
bourg,  où  il  fut  installé  dans  les  derniers  jours  de  183A.  Ainsi  qu'il  le 
dit  lui-même,  il  ne  connaissait  jusqu'à  cette  époque  que  l'imitation  du 
style  des  compositeurs  renommés.  L'Oberon,  de  Weber,  et  le  Vampire, 
de  Marschner,  qu'on  représentait  alors  à  Leipsick,  lui  donnèrent  l'idée 
d'un  texte  d'opéra  intitulé  les  Fées,  qu'il  tira  d'une  nouvelle  de  Gozzi  : 
il  le  mit  immédiatement  en  musique.  Cette  musique  était  l'écho  des 
impressions  qu'avaient  fait  sur  lui  les  œuvres  de  Beethoven,  de  Weber  et 
de  Marschner.  Bientôt  désabusé  sur  son  ouvrage,  et  placé  sous  l'em- 
pire de  passions  d'un  autre  genre,  que  ses  relations  de  théâtre  avaient 
attisées,  il  sentit  ses  idées  se  modifier  et  prendre  des  tendances  plus  indi- 
viduelles. Ce  fut  alors  qu'il  conçut  le  plan  de  son  opéra  intitulé  la 
Novice  de  Païenne,  qui  fut  représenté  sur  le  théâtre  de  Magdebourg 
le  29  mars  183G  et  ne  réussit  pas.  Le  mécontentement  qu'eut  Wagner 
de  la  chute  d'un  ouvrage  auquel  il  attachait  alors  de  l'importance ,  lui 
fit  quitter  sa  place  dans  la  même  année.  Au  commencement  de  1837 
on  le  retrouve  à  Kœnigsberg  dans  la  position  de  chef  d'orchestre  du 
théâtre  ;  mais,  par  des  motifs  qui  ne  sont  pas  connus,  il  n'y  resta  que 
quelques  mois.  Lui-même  garde  le  silence  sur  cette  époque  de  sa  vie, 
dans  ses  Communications  à  ses  amis.  J'ai  tiré  mes  renseignements 
des  journaux  allemands  de  musique  qui  paraissaient  alors.  Autant  qu'on 
peut  comprendre  son  récit  (page  45) ,  c'est  à  cette  époque  qu'on  doit 
rapporter  le  mariage  qu'il  contracta  trop  légèrement,  dit-il.  Voici  la 
traduction  de  ses  paroles  :  «  J'étais  amoureux  ;  je  me  mariai  par  ob- 
»  stination  ,  et  je  rendis  malheureux  moi-même  et  autrui,  tourmenté 
»  par  les  ennuis  de  la  vie  domestique  pour  laquelle  je  ne  possédais  pas 
»  le  nécessaire  :  c'est  ainsi  que  je  tombai  dans  la  misère  dont  les  effets 
»  tuent  tant  de  milliers  d'individus.  » 

Engagé  comme  directeur  de  musique  au  théâtre  de  Riga,  Wagner  se 
rendit  dans  cette  ville.  Il  y  eut  d'abord  le  projet  de  composer  un  opéra- 
comique  dont  il  tira  le  sujet  des  Mille  et  une  Nuits,  et  en  commença 
l'exécution  ;  mais  bientôt  après,  ses  dégoûts  de  la  vie  de  théâtre  et  sa 
position  malheureuse  lui  firent  abandonner  cette  entreprise.  Résolu  à 
sortir  de  cette  situation  et  à  se  rendre  à  Paris  pour  y  écrire  un  grand 
opéra,  il  conçut  le  plan  de  son  ouvrage  intitulé  Kienzi.  Travaillant  avec 
ardeur,  il  acheva  ce  plan  et  écrivit  les  deux  premiers  actes.  Ce  fut  alors 
que,  poussé  par  le  désespoir,  il  rompit  (dit-il)  les  rapports  qui  avaient 
existé  jusqu'à  ce  moment  (?),  et  se  mit  en  route  directement  de  Riga 
pour  Paris,  sans  avoir  de  ressources  suffisantes  pour  un  si  long  voyage. 
Le  vaisseau  sur  lequel  il  s'était  embarqué  fut  battu  par  la  tempête  et 
jeté  sur  les  côtes  de  la  Norvège  ;  mais  enfin  l'artiste  put  aborder  les  ri- 
vages de  France.  Peu  de  jours  après  il  entrait  à  Paris,  ne  possédant 
que  l'ébauche  d'un  opéra  et  l'espoir  d'un  temps  meilleur.  «  Je  me 
»  fiais  en  la  musique  (dit-il),  cette  langue  universelle,  et  je  la  croyais 
»  propre  à  remplir  entre  la  vie  parisienne  et  ma  personne  une  lacune 
»  sur  l'existence  de  laquelle  mon  sentiment  intérieur  ne  pouvait  pas 
»  me  tromper  (page  52).  » 
Le  premier  soin  de  Wagner  fut  de  chercher  des  compatriotes  qui 


DE  PARIS. 


187 


pussent  l'aider  à  sorlir  de  sa  position  actuelle.  M.  Maurice  Schlcsinger, 
alors  éditeur  de  musique  et  propriétaire  de  la  Gazette  musicale,  fut 
celui  qui  lui  rendit  les  services  les  plus  utiles,  en  le  chargeant  de  tra- 
vaux dont  le  salaire  satisfaisait  aux  besoins  les  plus  pressants.  Puis,  il 
le  mit  en  relation  avec  les  artistes  et  littérateurs  qui  pouvaient  l'aider 
à  se  faire  connaître  et  à  réaliser  ses  espérances  en  lui-même.  Souvent 
même  il  essayait  de  le  diriger  par  ses  conseils.  Tantôt  il  lui  faisait  com- 
poser des  romances  sur  des  paroles  françaises,  afin  que  son  nom  pé- 
nétrât dans  les  salons  ;  mais  les  formes  insolites  de  ces  mélodies,  et  les 
difficultés  dont  elles  étaient  remplies,  à  cause  de  l'ignorance  absolue 
du  compositeur  dans  l'art  du  chant,  rebutèrent  les  chanteurs  :  pas  un 
d'eux  ne  voulut  se  hasarder  parmi  les  écueils  de  cette  musique  aussi 
étrangère  aux  habitudes  de  leur  oreille  qu'à  celles  de  leur  larynx.  Plus 
tard,  Schlesinger  obtint  de  la  Société  des  concerts  la  promesse  qu'on 
essaierait  une  ouverture  de  son  protégé,  et  qu'elle  serait  exécutée 
si  l'effet  répondait  à  ce  qu'il  annonçait.  Sur  cette  assurance,  Wagner  se 
mit  au  travail,  traça  le  plan  d'une  ouverture  pour  le  Faust  de  Goethe, 
qui  ne  devait  être  que  le  premier  morceau  d'une  grande  symphonie 
sur  le  même  sujet,  et  acheva  rapidement  cette  œuvre,  dont  on  fit  une 
répétition  qui  parut  une  longue  énigme  aux  exécutants.  Après  cette 
épreuve,  il  ne  fut  plus  question  du  placement  de  l'ouverture  dans  le 
programme  d'un  concert.  Schlesinger  et  les  autres  amis  de  Wagner 
avaient  conçu  le  projet  de  lui  faire  écrire  un  opéra  du  genre  mixte  pour 
le  théâtre  de  la  Renaissance.  11  avait  écrit,  autrefois,  un  livret  de  cette 
espèce  auquel  il  donnait  le  titre  de  la  Défense  de  l'amour  ;  on  en  com- 
mença une  traduction  française,  et  son  arrangement  fut  confié  à  un 
littérateur  connu  par  ses  succès  au  théâtre.  Mais  celui-ci  déclara  bientôt 
que  celle  pièce  n'avait  aucune  chance  de  réussite  sur  la  scène  fran- 
çaise :  il  n'en  fut  plus  question. 

Par  une  disposition  d'esprit  qui  peut  paraître  fort  bizarre  au  pre- 
mier aspect,  mais  qui  n'est  qu'une  conséquence  naturelle  de  l'organi- 
sation de  Wagner,  il  éprouvait  peu  de  regrets  de  ces  contre  temps.  Il  s'en 
rehaussait  même  à  ses  propres  yeux  ;  car  il  considérait  comme  indigne 
de  lui  de  descendre  des  hauteurs  auxquelles  il  aspirait  pour  les  œuvres 
frivoles  qu'on  l'engageait  à  faire.  S'il  se  prêtait  en  apparence  aux  con- 
seils de  ses  amis,  c'était  simplement  dans  le  but  de  ne  pas  décourager 
leur  bonne  volonté.  Pour  lui,  il  ne  voulait  arriver  qu'à  l'Opéra  ,  au 
grand  Opéra,  avec  toute  la  puissance  de  son  effet  musical  et  les  ma- 
gnificences de  son  spectacle.  La  persuasion  que  là  était  sa  place  l'avait 
seule  conduit  à  Paris.  Ce  qu'il  avait  vu  à  l'Académie  royale  de  musi- 
que avait  de  beaucoup  surpassé  ce  qu'il  avait  imaginé,  et  avait  donné 
plus  d'énergie  à  son  désir  de  se  produire  par  une  œuvre  sérieuse  sur 
cette  vaste  scène.  Il  ne  se  dissimulait  pas  les  difficultés  qu'il  devait 
rencontrer  pour  la  réalisation  de  ses  vœux  :  «  Je  manquais  absolument, 
»  dil-il,  des  qualités  personnelles  qu'il  aurait  fallu  posséder.  A  peine 
»  avais-je  appris  assez  de  français  pour  me  faire  entendre  ;  cette  lan- 
»  gue  m'inspirait  des  dégoûts  invincibles.  Je  ne  me  sentais  aucune  in- 
»  clination  pour  les  manières  françaises  ;  mais  je  me  flattais  d'imposer 
»  les  miennes.  »  Dans  les  premiers  temps  de  son  séjour  à  Paris,  lors- 
qu'il assistait  à  une  représentation  de  l'Opéra,  ce  qui  du  reste  était 
assez  rare,  il  éprouvait  une  sorte  de  vertige  causé  par  l'effet  de  la 
musique;  mais  plus  tard,  il  eut  l'espoir,  la  certitude  même,  dit-il,  qu'il 
emporterait  la  palme  sur  ses  rivaux  lorsqu'un  de  ses  ouvrages  serait 
représenté  sur  cette  vaste  scène. 

Il  y  a  loin  de  là  à  l'arrangement  de  la  musique  d'un  vaudeville  pour 
un  théâtre  des  boulevarts  ;  la  misère  obligea  cependant  l'auteur  de 
Tanhauser  et  de  Lohenyrin  à  accepter  cette  humiliation  ;  mais  il  n'en 
recueillit  pas  même  le  bénéfice,  car  il  se  trouva,  je  ne  sais  comment, 
que  cette  musique  ne  put  servir.  Alors  il  ne  resta  plus  à  Wagner 
qu'une  ressource,  offerte  par  Schlesinger,  à  savoir  :  d'arranger  pour  le 
violon  et  pour  le  cornet  à  pistons  la  musique  des  opéras  nouveaux. 
Ses  dents  durent  grincer  en  faisant  ce  travail.  Le  dégoût  qu'il  en  éprou- 
vait détermina  plus  tard  le  bienveillant  propriétaire  de  la  Gazette  mu- 
sicale à  lui  proposer  d'écrire  des  morceaux  de  fantaisie  pour  ce  jour- 


nal; morceaux  que  traduisait  de  l'allemand  en  français  une  plume 
exercée.  Wagner  réussit  mieux  dans  cette  entreprise  que  dans  ce  qu'il 
avait  fait  précédemment  à  Paris.  Deux  nouvelles  composées  par  lui  se 
font  remarquer  par  l'intérêt  du  sujet  et  par  l'originalité  de  la  forme. 
La  première  est  le  pèlerinage  d'un  jeune  compositeur  à  Vienne,  pour 
y  voir  Beethoven  ;  l'autre,  un  musicien  étranger  qui  veut  se  faire  con- 
naître à  Paris,  et  qui  meurt  à  la  peine.  Dans  le  premier  de  ces  mor- 
ceaux il  avait  pris  ses  sentiments  pour  sujet;  dans  le  second,  sa  per- 
sonne. Ces  fantaisies  furent  lues  avec  intérêt. 

Wagner,  après  deux  ans  de  séjour  à  Paris,  passés  en  tentatives  in- 
fructueuses, arriva  enfin  à  la  conviction  que  ses  idées  et  les  tendances 
de  son  goût  n'y  pouvaient  réussir.  Dès  lors  une  seule  pensée  le  préoc- 
cupa :  retourner  en  Allemagne  et  y  faire  représenter  sur  un  grand 
théâtre,  sur  un  théâtre  aulique,  suivant  son  expression,  son  Rienzi, 
qu'il  avait  achevé,  et  lui  semblait  enfin  la  réalisation  complète  de  l'i- 
dée qu'il  poursuivait  depuis  sa  première  jeunesse.  Il  avait  aussi  achevé 
son  poëme  du  Hollandais  volant,  et  s'était  mis  en  relation  avec  sa  pa- 
trie pour  l'admission  de  ces  ouvrages  dans  quelque  capitale.  La  mau- 
vaise fortune  qui  le  poursuivait  depuis  longtemps  vint  à  cesser  tout  à 
coup.  11  reçut  à  peu  d'intervalle  des  lettres  de  Dresde  et  de  Berlin  qui 
l'informaient  de  l'admission  de  Rienzi  au  théâtre  de  la  première  de  ces 
villes,  et  du  Hollandais  volant  dans  l'autre.  Cependant  une  difficulté 
considérable  l'arrêtait  encore  ;  car  pour  s'éloigner  de  Paris  et  faire  un 
long  voyage,  alors  que  les  chemins  de  fer  n'existaient  pas  encore,  il 
fallait  beaucoup  d'argent,  et  Wagner  n'en  avait  pas.  Ce  fut  encore 
Schlesinger  qui  vint  à  son  secours,  en  lui  confiant  l'arrangement  de 
l'opéra  d'Halévy,  la  Reine  de  Chypre,  pour  le  piano.  Quelle  que  fût  la 
répugnance  du  musicien-poëte  pour  des  travaux  de  cette  espèce,  il  ac- 
cepta avec  joie  les  propositions  de  l'éditeur,  dans  la  vue  d'une  prompte 
délivrance  de  l'esclavage  où  Paris  le  retenait.  Partir,  arriver,  entendre 
enfin  ces  ouvrages  qui  avaient  été  le  rêve  de  sa  vie,  telle  était  alors  sa 
seule  pensée;  le  reste  n'était  que  le  moyen. 

Il  paraît  qu'alors  une  autre  ressource  plus  prompte  que  celle  d'un 
long  et  fastidieux  travail  lui  fut  offerte  par  M.  Léon  Pillet,  directeur  de 
l'Op'éra.  Cet  administrateur  avait  besoin  d'un  sujet  d'opéra  pour  le 
confier  à  M.  Dietsch,  son  protégé.  On  lui  avait  parlé  du  Hollandais 
volant,  de  Wagner  ;  une  négociation  fut  engagée  avec  celui-ci  pour 
qu'il  le  cédât  en  échange  de  quelques  centaines  de  francs ,  sous  la 
condition  qu'il  conserverait  la  propriété  de  son  œuvre  pour  l'Allema- 
gne, et  que  le  titre  serait  changé  à  Paris.  C'est  ce  même  sujet  qui, 
traité  par  M.  Paul  Toucher  sous  le  titre  du  Vaisseau  fantôme,  a  été  joué 
à  l'Opéra  en  18Z(2,  avec  la  musique  de  M.  Dietsch. 

Désormais  donc  Wagner  était  libre  ;  une  ère  nouvelle  s'offrait  à  lui  ; 
le  temps  de  l'humiliation  était  passé,  celui  du  triomphe  était  venu. 
C'est  dans  cette  pensée  consolante  qu'il  s'éloigna  de  Paris  au  commen- 
cement de  18/|2,  après  trois  années  de  séjour  qui  n'avaient  été  pour  lu; 
qu'une  longue  torture. 

FÉTIS  père. 
(La  suite  au  prochain  numéro.) 


M  MENETRIER 

ou 
LE   BOIS  AUX  LOUPS. 

Si  le  récit  que  l'on  va  lire,  et  qui  se  rattache  à  la  longue  histoire  des 
effets  curieux  de  la  musique,  n'était  pas  vrai  de  tout  point;  s'il  n'exis- 
tait pas  à  l'appui  de  son  authenticité  d'irrécusables  témoignages,  nous 
n'aurions  pas  pris  la  peine  de  le  transcrire.  Il  est  des  choses  qu'on  n'a 
pas  le  droit  d'inventer  et  qui  n'ont  d'autre  mérite  que  celui  d'être  arri- 
vées. Telle  est  celle  que  nous  allons  retracer,  presque  sous  la  dictée 
d'un  ami.  C'est  l'ami  qui  parle  :  nous  avons  tâché  de  conserver  la 
forme  aussi  fidèlement  que  le  fond. 

«  L'été  dernier  je  fus  poursuivi  par  une  idée  fixe,  celle  de  voyager  ; 
j'étais  fatigué  de  la  vie  parisienne,  des  concerts,  des  soirées,  et,  pour- 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


quoi  le  tairais-je?  de  l'Opéra,  bien  que  pour  en  arriver  à  cette  satiété, 
il  ne  m'eût  fallu  pas  moins  que  six  mois  passés  au  milieu  des  cercles 
les  plus  brillants ,  sous  le  feu  des  bougies  et  des  lustres.  Le  15  mai  était 
arrivé  et  se  révélait  dans  toute  sa  splendeur;  les  arbres  s'habillaient  de 
leur  robe  d'émeraude,  les  oiseaux  à  leur  tour  donnaient  au  promeneur 
matinal  leur  concert  sans  programme.  Chaque  matin ,  fidèle  à  l'appel 
de  mes  petits  chanteurs  emplumés,  je  me  rendais  à  la  grille  des  Tuile- 
ries, où  je  prenais  un  billet  de  plaisir  gratis  ;  pendant  une  heure  j'écou- 
tais le  chant  de  mes  chers  virtuoses  avec  autant  de  plaisir  qu'un  homme 
blasé  sur  des  mets  exquis  éprouve  de  joie  à  goûter  la  mûre  des  haies  ! 
Je  regrettais  parfois  que  la  masse  des  choristes  ne  fût  pas  plus  grande  : 
le  rossignol,  ce  soprano  des  bois,  faisait  défaut  à  la  charmante  troupe, 
et,  dans  le  morceau  d'ensemble  qui  s'exéculaitdu  haut  des  marronniers, 
il  manquait  une  partie  importante.  Je  fis  la  réflexion  toute  simple  que 
si  je  quittais  les  Tuileries  pour  les  bois,  les  plaines  ou  les  forêts,  mon 
dilettantisme  trouverait  d'autant  plus  de  ressources  ! 

»  Or  donc,  un  beau  matin,  j'allai  prendre  congé  de  quelques  amis  , 
qui ,  moins  heureux  que  moi,  ne  pouvaient  franchir  les  murs  de  Paris, 
et  je  partis  pour  la|Touraine  !  Rassurez-vous,  ami  lecteur,  mon  inten- 
tion n'est  pas  de  vous  décrire  les  villes  par  lesquelles  j'ai  passé,  ni  de 
vous  mettre  au  cou  le  chapelet  des  grains  de  sable  que  j'ai  foulés ,  en- 
core moins  de  vous  dessiner  la  Loire  que  je  parcourais  sur  un  de  ces 
bateaux  empanachés  de  fumée.  Non  !  je  préfère  m'en  rapporter  à  vos 
souvenirs  ou....  à  votre  curiosité.  Si  vous  voulez  bien  me  suivre,  je 
■vous  mènerai  droit  à  la  modeste  auberge  qui  se  trouve  au  village 
d'Herbot,  à  16  kilomètres  de  Blois.  En  arrivant,  mon  premier  coup 
d'œil  fut  pour  la  cuisine,  car,  je  ne  sais  si  vous  l'avez  remarqué,  les 
voyages  font  de  l'homme  une  femme  de  ménage  très-entendue.  J'allais 
donc  m'occuper  du  menu  de  mon  souper,  lorsque  de  joyeux  chants  et 
le  son  aigre  d'un  violon  firent  trêve  à  ma  méditation  gastronomique. 
J'ouvrais  la  bouche  pour  demander  la  cause  d'une  gaîté  si  bruyante  , 
quand  la  porte  de  la  grande  salle,  vivement  poussée,  me  laissa  voir  une 
jeune  fille  que  depuis  quelques  heures  le  oui  solennel,  ce  mot  si  court 
duquel  dépend  le  bonheur  ouïe  malheur  de  toute  une  longue  existence, 
venait  de  transformer  en  une  charmante  jeune  femme.  Elle  était  encore 
parée  de  la  couronne  et  du  bouquet  virginal.  A  cet  aspect,  je  l'avoue  ( 
je  tremblai,  non,  comme  vous  pourriez  le  croire,  de  l'émotion  que  me 
causait  sa  beauté ,.  mais  pour  mon  souper  !  Que  pouvais-je  espérer,  en 
effet,  dans  une  méchante  auberge  de  village,  venant  après  une  noce  ? 
J'interrogeai  la  cuisinière  avec  l'anxiété  d'un  estomac  vide ,  et  la  ré- 
ponse que  je  redoutais  me  fut  faite  :  il  n'y  avait  plus  rien  !.... 

»  J'en  élaisp  me  demander  si  je  me  contenterais  de  quelques  œufs 
et  d'un  morceau  de  fromage  de  chèvre,  lorsque  la  jeune  mariée,  qui 
était  sortie  de  la  cuisine  sans  que  j'y  prisse  garde,  y  revint  tenant  par 
la  main  un  beau  garçon  de  vingt  ans  ;  elle  me  le  présenta  du  geste,  et 
s'avançant  vers  moi  :  Monsieur,  me  dit-elle,  puisque  nous  avons  épuisé 
toutes  les  provisions  de  la  maison  et  qu'on  vous  propose  un  si  maigre 
repas,  mon'imari  et  moi,  nous  serions  heureux  et  fiers  si  vous  consen- 
tiez à  vous  mettre  à  notre  table  et  à  partager  notre  dîner.  L'invitation 
des  jeunes  époux  était  faite  si  simplement  et,  par  cela  même,  si  cor- 
dialement, que,  sans  plus  de  façon,  j'offris  le  bras  à  la  jolie  mariée,  et 
tous  trois  [nous  entrâmes  dans  la  salle  du  banquet.  On  venait  de  se 
mettre  à  table  ;  mais,  chacun  poussant  son  voisin,  on  parvint  à  me  faire 
une  place  vis-à-vis  de  la  reine  de  la  fête,  entre  le  marié  et  un  pelit 
homme  dont  je  vous  parlerai  avec  détail,  car  c'est  le  héros  de  notre 
histoire.  Les  convives,  fort  étonnés  de  mon  intrusion  soudaine,  me  re- 
gardaient avec  cette  persistance  qu'ont  seuls  les  paysans  et  les  enfants  ; 
autant  que  ma  politesse  naturelle  me  le  permettait,  je  pris  ma  revanche 
et  j'examinai  à  mon  tour.  Mais  qu'importe,  après  tout,  que  les  convives 
soient  bruns  ou  blonds,  jeunes  ou  vieux,  beaux  ou  laids? 

»  Je  reviens  au  voisin  que  le  hasard  m'avait  choisi  tout  aussi  bien,  du 
reste,  que  s'il  eût  consulté  mon  goût  pour  la  place  que  je  devais  oc- 
cuper. C'était  un  homme  de  quarante  ans  environ  ;  son  teint  était  ba- 
sané ;  ses  petits  yeux  noirs,  très-enfoncés  sous  d'épais  sourcils,  étaient 


d'une  vivacité  remarquable  ;  mais  comme  si  la  nature,  malgré  sa  pré- 
voyance, ne  les  eût  pas  dotés  d'un  refuge  assez  profond,  sa  paupière, 
par  un  mouvement  rapide,  s'abaissait  convulsivement  sur  le  point  vi- 
suel, sans  doute  trop  faible  pour  supporter  longtemps  de  suite  l'éclat 
de  la  lumière  ;  ce  qui  lui  donnait  un  air  inquiet  et  presque  hagard.  11 
était  assez  sérieux,  bien  que  son  métier  fût  d'apporter  avec  lui  le  plaisir 
et  la  joie:  c'était  le  ménétrier  du  village,  le  complément  obligé  de  toute 
noce  de  campagne.  A  la  boutonnière  de  son  habit  bleu  étaient  attachés 
de  grands  rubans  floUants,  et  ce  symbole  de  gaité  faisait  un  contraste 
assez  singulier  avec  l'ensemble  un  peu  triste  de  sa  personne  ;  bref,  il  y 
avait  en  lui  un  cachet  de  bizarrerie  qui  commandait  l'attention. 

»  En  me  plaçant  près  de  lui,  j'avais  déjà  remarqué  que,  par  une  mono- 
manie incompréhensible,  il  ne  se  séparait  pas,  même  à  table,  des  insi- 
gnes de  sa  profession;  car,  sous  sa  serviette,  on  distinguait  parfaite- 
ment la  forme  d'un  violon,  qu'il  portait,  ainsi  que  nos  chanteurs  am- 
bulants, suspendu  à  son  cou.  Un. peu  plus  tard,  j'eus  encore  lieu  de 
remarquer  son  originalité.  J'étais,  comme  étranger,  l'objet  des  atten- 
tions du  marié,  et  comme,  dans  toutes  les  campagnes,  la  meilleure  ma- 
nière de  fêter  un  convive  est  de  lui  faire  boire  une  bouteille  de  vin  par 
demi-heure ,  il  résultait  pour  moi,  du  bon  accueil  dont  j'étais  gratifié, 
que  je  subissais  depuis  le  commencement  du  repas  une  véritable  ques- 
tion. En  ce  moment  je  n'aurais  pas  plus  redouté  la  vue  du  fameux  Tor- 
quemada,  que  ce  goulot  de  bouteille  s'inclinant  à  chaque  instant  sur 
mon  verre  !  Dans  un  accès  de  désespoir,  je  désarmai  mon  trop  gracieux 
persécuteur,  et  m'emparant  de  la  bouteille,  je  me  tournai  du  côté  du 
ménétrier,  et  ne  voyant  rien  dans  son  verre,  j'y  versai  quelques  gout- 
tes de  vin.  —  Ne  versez  pas  !  ne  versez  plus  !  —  s'écria-t-il  d'une  voix 
de  Stentor.  Je  levai  la  tête,  étonné  de  ce  cri  d'alarme,  et  je  le  vis  pâle 
comme  un  mort  et  tremblant  comme  un  peuplier  sous  le  vent  d'au- 
tomne. —  Un  autre  verre,  reprit-il  d'une  voix  étranglée;  je  veux  boire 
de  l'eau  !  ^Et  comme  s'il  eût  cherché  une  arme  protectrice,  je  le  vis 
serrer  son  violon  convulsivement;  ses  yeux  étincelaient  et  toute  sa 
physionomie  dénotait  une  anxiété  si  violente,  que,  vu  la  petite  cause  de 
ce  grand  effet,  je  le  crus  fou. 

»  Cependant,  au  bout  de  quelques  minutes,  sa  figure  se  détendit,  sa 
main  abandonna  le  violon  qu'elle  tenait  toujours,  et  rapprochant  sa 
chaise  de  la  table,  il  se  remit  en  devoir  de  manger,  de  même  qu'un 
homme  réveillé  par  un  cauchemar  se  retourne  sur  l'autre  oreille  et  se 
rendort.  Ma  curiosité  était  si  vivement  piquée  que  je  ne  songeai  pas 
même  à  témoigner  à  mon  singulier  voisin  le  regret  que  j'éprouvais  de 
l'effroi  que  je  venais  de  lui  causer  ;  mon  regard  étant  apparemment 
moins  discret  que  majxniche;  le  marié  s'aperçut  du  désir  que  j'avais 
de  posséder  le  mot  de  cette  énigme,  et  s'adressant  au  ménétrier  :  — 
Allons,  Raboulot,  bien  que  nous  connaissions  tous  ton  histoire,  conte- 
nous-la  encore  une  fois  de  plus;  ça  expliquera  à  monsieur  la  grimace 
que  tu  viens  de  lui  faire,  et  ça  l'aidera  à  te  la  pardonner.  Est-ce  dit, 
mon  vieux  ?  Tu  boiras  une  carafe  d'eau  de  plus  si  bon  te  semble  !  — 
C'est  bien  !  c'est^bien  !  mauvais  plaisant,  dit-il  en  clignant  des  yeux 
plus  que  jamais;  si  tu  avais  passé  cette  nuit-là  dans  ma  compagnie... 
Enfin,  puisque  vous  le  voulez,  je  vais  vous  conter  ça.  Et  se  tournant 
vers  moi,  il  commença  ainsi  : 

»  Un  jour  de  l'automne  dernier,  j'étais  de  noce  comme  aujourd'hui  ; 
après  le  banquet  oiyievait  danser,  et,  ainsi  que  vous  le  savez  déjà, 
c'est  moi  qui  fais  sauter  la  jeunesse.  J'étais  grimpé  sur  un  tonneau  ;  et 
là,  mon  violon  à  la  main,  je  m'égosillais  à  crier  :  «  La  queue  du  chat! 
en  avant  deux  !  balancez  vos  dames  !  »  tant  et  si  bien  que,  ma  foi,  j'a- 
vais la  gorge  comme  une  râpe!  Je  demandai  un  verre  de  vin  pour  me 
radouber  le  gosier  à  neuf;  et  comme  la  noce  était  riche,  au  lieu  d'un 
verre  on  mit  deux  bouteilles  sur  mon  tonneau.  Petit  à  petit  et  sans 
m'en  apercevoir,  je.  les  vidai;  si  bien  qu'à  deux  heures  du  matin, 
quand  il  fallut  descendre  de  [mon  piédestal  pour  retourner  chez  moi,  je 
trouvai  que  la  maison  dansait  mieux  que  la  mariée  et  que  le  chemin  se 
tortillait  comme  un  vrai  serpent.  Sans  m'en  douter,  au  lieu  de  suivre 
mon  chemin  ordinaire,  j'entrai  dans  le  bois  aux  Loups!  Vous  qui  n'êtes 


DE  PARIS. 


189 


pas  du  pays,  Monsieur,  vous  saurez  que  tout  homme  qui  jouit  de  sa 
raison  ne  se  risque  jamais  après  huit  heures  dû  soir  dans  le  bois  aux 
Loups  ;  car,  voyez-vous,  si  nous  l'avons  appelé  comme  ça  au  lieu  de 
lui  laisser  son  vrai  nom  du  Guérinet,  ce  n'est  pas  pour  faire  plaisir  aux 
roi  de  Prusse  ! 

»  J'avais  à  peine  marché  dix  minutes  qu'une  pierre  dont  je  ne  sus 
pas  me  garer,  me  fit  tomber.  Malgré  tous  mes  efforts,  je  ne  pus  par- 
venir à  me  relever  ;  mes  jambes  refusaient  de  me  porter  plus  loin,  et, 
prenant  mon  parti  avec  l'insouciance  d'un  homme  ivre,  je  m'endormis 
sur  la  mousse  aussi  délicieusement  que  si  j'avais  été  dans  la  plume 
jusqu'au  nez.  Je  ne  sais  combien  de  temps  mon  sommeil  avait  duré, 
lorsqu'il  me  sembla  qu'on  me  retournait  du  dos  sur  le  ventre,  et  du 
ventre  sur  le  dos  !  J'allais  me  relever,  lorsque  je  reçus  en  plein  visage 
une  haleine  chaude  et  humide  qui  me  fit  frissonner  des  pieds  à  la  tête  ; 
elle  était  trop  abondante  pour  être  celle  d'un  homme,  et  je  ne  m'y 
trompai  pas  :  je  venais  d'être  retourné  comme  un  morceau  de  viande  à 
la  broche  par  un  énorme  loup  qui  maintenant  me  flairait  les  yeux,  les 
oreilles,  puis  enfin  tout  le  corps. 

»  En  un  instant  je  fus  dégrisé;  je  retrouvai  juste  assez  de  raison 
pour  comprendre  qu'au  moindre  mouvement  que  je  tenterais,  je  serais 
dévoré.  Je  ne  sais  si  j'aurais  pu  crier,  mais  je  ne  l'essayai  pas  ;  la  frayeur 
m'avait  comme  paralysé...  Un  instant  je  me  crus  délivré  :  je  ne  sentais 
plus  la  respiration  du  loup  se  mêler  à  la  mienne  ;  j'ouvris  les  yeux  et  je 
reconnus  mon  erreur.  Le  terrible  animal  était  à  mes  pieds,  occupé  à 
pousser  avec  son  nez  toutes  les  feuilles  sèches  qu'il  avait  pu  amasser, 
et  il  commençait  à  m'enterrer  !  D'abord  ce  furent  mes  bottes,  puis  mes 
jambes,  puis  ma  poitrine.  A  ce  moment  je  refermai  les  yeux....  il  arri- 
vait à  ma  tête  !  !  Combien  de  temps  dura  cet  ensevelissement,  je  ne 
saurais  le  dire,  pas  plus  que  je  ne  pourrais  vous  peindre  mes  angoisses. 
Cependant,  chose  inouïe,  depuis  que  j'étais  face  à  face  avec  cette  bête 
cruelle,  je  n'avais  reçu  ni  coup  de  dent,  ni  coup  de  patte!  Quand  sa 
besogne  fut  finie  et  qu'il  me  trouva  suffisamment  enterré,  je  le  vis  à 
travers  les  feuilles  qui  couvraient  mon  visage  s'asseoir  à  côté  de  moi  et 
contempler  son  œuvre  avec  des  yeux  injectés  de  sang;  sa  gueule  ou- 
verte me  laissait  voir  deux  rangées  de  dents  aiguës  qui  me  semblaient 
déjà  faire  craquer  mes  os  sous  leur  pression  !...  Tout-à-coup  il  se  leva: 
je  crus  mon  dernier  moment  venu  et  je  recommandai  mon  âme  à  Diei  • 
mais  au  lieu  de  s'élancer  sur  moi,  comme  je  m'y  attendais,  à  mon 
grand  élonnement,  il  se  retourna,  resta  immobile,  ayant  l'air  de  se 
tracer  un  plan  de  conduite,  me  jeta  un  dernier  regard,  puis  enfin  prit 
sa  course  vers  la  profondeur  du  bois  en  poussant  des  hurlements  af- 
freux. Il  n'était  pas  à  deux  cents  pas,  que  d'un  bend  j'avais  secoué 
mon  linceul  de  feuilles,  et  je  me  croyais  sauvé! 

»  Cependant  je  ne  marchais  que  l'oreille  tendue  et  cherchant  à  percer 
l'obscurité,  car  à  chaque  pas  je  craignais  de  me  précipiter  dans  la 
gueule  béante  de  mon  ennemi  ;  j'entendais  toujours  ses  hurlements  plus 
forts  de  moment  en'  moment,  et  il  me  semblait  que  d'autres  y  répon- 
daient !  Je  m'arrêtai  un  instant  le  cœur  serré,  le  front  baigné  d'une 
sueur  froide  semblable  à  celle  qui  précède  la  mort.  Retenant  ma  respi- 
ration, le  cou  tendu  entre  deux  branches  que  je  tenais  écartées...  j'é- 
coutai !  Une  voix  plus  aiguë  se  mêlait  à  celle  que  je  connaissais  déjà! 
Je  lâchai  une  de  mes  branches  ;  le  découragement  commençait  à  s'em- 
parer de  moi;  je  ne  pouvais  me  dissimuler  que  le  cri  que  je  venais  d'en- 
tendre était  celui  de  la  louve!  J'aurais  donc,  dorénavant,  deux  ennemis 
à  combattre  au  lieu  d'un;  du  moins  je  le  croyais  ainsi,  mais  Dieu  en 
avait  décidé  autrement.  A  ces  deux  cris  différents  s'en  mêlèrent 
d'autres...  Je  laissai  échapper  ma  seconde  branche,  et,  comprenant  que 
si  je  faisais  un  pas  de  plus  j'étais  perdu,  je  montai  dans  le  premier  arbre 
qui  se  trouva  près  de  moi,  sans  prendre  le  temps  de  calculer  sa  gros- 
seur et  son  élévation,  résolu  à  ne  le  quitter  qu'au  jour,  lorsque  le  soleil 
aurait  forcé  les  loups  à  regagner  leur  tannière. 

»  A  peine  avais-je  gravi  la  moitié  de  l'arbre  auquel  je  demandais  pro- 
tection, que  je  vis  passer  au-dessous  de  moi  une  bande  de  quatre 
loups!  Ils  couraient  et  ne  firent  aucune  attention  à  la  place  que  j'occu- 


pais. A  quelques  pas  de  là,  le  plus  fort  se  détacha  de  la  troupe  et  mar- 
cha droit  au  lieu  où  j'avais  été  enterré,  sans  doute  par  ses  soins. 
Lorsqu'il  s'aperçut  que  sa  proie  lui  était  enlevée,  il  devint  furieux  ;  ses 
pattes  creusèrent  la  terre,  et  ses  compagnons  se  mirent  en  devoir  de 
l'y  aider.  Vous  jugez  si  je  perdais  un  seul  de  leurs  mouvements!  Ce- 
pendant, ne  trouvant  rien,  ils  se  lassèrent  de  labourer,  et  se  mettant  à 
humer  l'air  fortement,  je  vis  les  quatre  museaux  noirs  se  diriger  vers 
la  cime  d'un  arbre.  J'étais  encore  à  une  assez  grande  distance  de  la 
bande,  pourtant  je  frémis  à  l'idée  d'être  découvert  par  ces  intelligences 
féroces!  Ils  passèrent  en  revue  tous  les  arbre?  qui  me  séparaient 
d'eux,  suivant  exactement  le  chemin  que  j'avais  pris,  s'arrêtant  par- 
fois, puis  reprenant  leurs  course  avec  des  grognements  sourds  qui  me 
faisaient  dresser  les  cheveux  sur  la  tête. 

»  Je  ne  comptais  plus  que  trois  arbres  entre  eux  et  moi  ;  bientôt  je 
n'en  comptai  plus  que  deux,  plus  qu'un....  toute  la  distance  était  fran- 
chie !...  Je  ne  respirais  par,  ma  raison  m'abandonnait  de  nouveau,  mes 
os  craquaient  par  avance  !  Les  cris  redoublés  des  loups  m'annonçaient 
que  j'étais  découvert.  Aussitôt  ils  se  dressèrent  tous  les  quatre  sur  leurs 
pattes  de  derrière,  cernèrent  l'arbre  et  me  jetèrent  ma  sentence  de 
mort  à  la  face!  Puis,  s'éloignant  de  quelques  pas  pourprendrede  l'élan, 
toute  la  bande  se  rua  sur  le  jeune  arbre  que  je  tenais  embrassé.  A  cha- 
que bond,  je  sentais  des  secousses  d'abord  faibles,  ensuite  plus  fortes  et 
enfin  terribles  !  Encore  quelques  minutes,  et  l'arbre  déraciné  allait  me 
livrer  à  mes  bourreaux  !! 

»  Dans  un  suprême  effort,  réunissant  tout  ce  qui  me  restait  de  vi- 
gueur, je  m'élançai  sur  une  branche  plus  élevée  ,  dans  l'espoir,  bien 
faible,  il  est  vrai,  de  gagner  un  gros  chêne,  dont  l'abri  me  promettait 
un  refuge  certain.  Au  moment  où  j'allais  tenter  ma  périlleuse  enjambée, 
une  branche  s'embarrassa  dans  mon  violon  que  je  portais  suspendu  à 
mon  cou,  et  lui  fit  rendre  un  son  prolongé  et  discordant.  Désolé  du 
retard  que  cet  accident  apportait  à  ma  fuite,  je  tirai  vigoureusement 
l'instrument  à  moi,  et  de  nouveau  les  quatre  cordes  résonnèrent.  A 
l'instant  même  les  secousses  cessèrent,  l'arbre  redevint  immobile! 
Croyant  à  un  miracle,  ne  pouvant  m'expliquer  le'silence  qui  succédait 
à  cette  lutle  acharnée,  je  me  penchai  pour  regarder  au-dessous  de  moi  ; 
j'eus  beau  chercher,  je  ne  vis  plus  que  des  terres  amoncelées  et  des 
racines  éparses.  Quant  aux  loups,  ils  avaient  disparu.  Mon  violon  m'a- 
vait sauvé  !  Je  ne  pouvais  croire  si  vite  à  tant  de  bonheur  ;  cependant, 
le  cœur  plein  de  confiance,  passant  du  désespoir  à  la  plus  vive  joie,  je 
pris  mon  cher  violon  à  qui  je  devais  tant,  et,  sans  quitter  mon  poste 
aérien,  je  me  mis  à  jouer  avec  frénésie  !  Au  bout  d'un  quart  d'heure, 
je  plongeai  du  regard  dans  la  profondeur  du  bois  :  tout  était  calme  ! 

»  Alors  je  descendis  malgré  les  craquements  de  l'arbre  prêt  à  se 
briser  sous  mon  poids.  Dès  que  je  touchai  terre,  j'entamai  le  concert 
que  je  m'étais  promis  de  leur  donner  tout  en  marchant.  Jamais  je  n'a- 
vais tant  maltraité  le  pauvre  instrument  qui  venait  de  me  sauver  la  vie  ; 
je  sciais  mes  cordes  de  manière  à  me  faire  grincer  des  dents  moi- 
même.  Enfin,  j'arrivai  à  la  lisière  du  bois,  puis  à  la  route,  et  le  soleil 
s'étant  levé,  je  n'avais  plus  rien  à  craindre.  Je  rendis  grâce  à  Dieu  et 
à  mon  violon  ;  de  plus,  je  fis  vœu  de  ne  jamais  approcher  de  mes  lè- 
vres une  seule  goutte  de  vin,  et  de  ne  jamais  me  séparer  de  mon  sau- 
veur à  quelque  heure  du  jour  ou  de  la  nuit  que  ce  fût. 

»  Cette  affreuse  aventure  est  encore  si  présente  à  ma  pensée,  con- 
tinua-t-il,  que  la  vue  de  celte  liqueur  qui  a  manqué  me  coûter  la  vie 
produit  sur  moi  un  effet  dont  je  ne  suis  pas  encore  maître.  J'espère, 
Monsieur,  dit  Raboulot  en  s'adressant  à  moi,  que,  sachant  mon  histoire, 
vous  me  pardonnerez  la  manière  dont  j'ai  accueilli  votre  politesse. 

»  Je  l'assurai  qu'il  était  complètement  excusé  et  que  son  récit  avait 
fait  une  vive  impression  sur  moi.  Allons  !  allons!  enfants,  dit-il  en  se 
levant  de  table,  assez  causé!  Est-ce  que  nous  ne  dansons  pas  ce  soir? 
Et  montant  sur  une  chaise  :  En  avant  deux  !  cria-t-il  de  toutes  ses  for- 
ces. Je  pris  la  main  de  la  jolie  mariée  et  je  dansaila  première  contre- 
danse avec  elle  ;  après  quoi,  l'ayant,  ainsi  que  son  mari,  remerciée  de 
sa  gracieuse  réception,  je  fis  un  signe  amical  d'adieu  au  ménétrier,  et 


190 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


j'allai  me  coucher,  me  promettant  bien  de  visiter  dès  le  lendemain  le 

bois  aux  Loups,  mais...  en  plein  jour!  » 

Lia  MULDER. 


ÏBAITÉ  DE  PRONONCIATION 

Par  SI.  saOKDW  (île  Clagmj), 
Professeur  de  lecture  à  haute  voix  et  de  déclamation  lyrique  au  Conservatoire. 
Nous  ne  connaissons  pas  d'ouvrage  plus  clair,  plus  simple,  ni  en 
même  temps  plus  complet  que  ce  traité,  qui  résume  en  80  pages  in-4" 
de  longues  années  d'étude  et  d'expérience.  Toutes  ces  pages  sont 
autant  de  tableaux  parlant  aux  yeux  comme  à  la  pensée.  L'auteur  ren- 
ferme en  neuf  leçons,  suivies  de  conseils  généraux,  tous  ses  enseigne- 
ments, tous  ses  exemples,  en  sorte  que  d'un  coup  d'oeil  on  peut  em- 
brasser la  méthode  entière  et  choisir  la  partie  à  laquelle  on  croit  devoir 
s'attacher.  Les  cinq  premières  leçons  ont  pour  objet  l'articulation  des 
voyelles  et  des  consonnes  :  ceci  s'adresse  à  tout  le  monde  sans  dis- 
tinction ;  mais  les  quatre  leçons  suivantes  indiquent  le  moyen  de  corri- 
ger les  défauts  qu'il  est  heureusement,  rare  de  trouver  réunis  en  la 
même  personne,  savoir  :  mollesse  d'articulation,  blésement  et  zézaie- 
ment, grasseyement,  bégaiement,  et  c'est  ici  que  le  partage  commence, 
suivant  les  accidents  de  nature  et  les  nécessités  d'éducation. 

Chaque  fois  qu'il  s'agit  de  prononciation,  de  son  mécanisme  et  de 
ses  règles,  la  scène  du  Bourgeois  gentilhomme  revient  involontaire- 
ment à  la  pensée.  Nous  faisons  tous  plus  ou  moins  de  la  prose  sans  le 
savoir,  et  ce  qu'il  y  a  de  pis,  nous  en  faisons  au  hasard,  sans  nous  dou- 
ter de  la  manière  d'en  bien  faire.  De  même  nous  prononçons  sans  savoir 
au  juste  comment  il  convient  de  prononcer.  Voilà  précisément  ce  que 
M.  Morin  enseigne  avec  une  précison  méthodique  et,  pour  ainsi  dire  , 
géométrique.  Si  le  bon  monsieur  Jourdain  revenait  au  monde,  dans 
quelle  extase  ne  tomberait-il  pas  en  contemplant  le  tableau  des  voyelles 
(et  M.  Morin  en  admet  18  !)  rangées  dans  un  ordre  de  croissance  et  de 
décroissance  progressive,  ordre  qui  a  pour  base  le  degré  d'ouverture 
que  chaque  voyelle  exige  de  la  bouche  !  Le  crescendo  commence  par 
l'e  fermé  et  continue  'jusqu'à  l'an  nasal  ;  le  decrescendo  part  de  l'e  muet 
et  se  termine  par  l'j  ou  l'y.  C'est  comme  un  son  enflé  et  diminué  dans 
l'exercice  vocal.  En  montant  ou  en  descendant  pas  à  pas  avec  attention, 
avec  soin,  tous  les  échelons  de  cette  gamme  nouvelle,  on  est  certain 
d'arriver  à  une  exécution  parfaitement  nette  et  régulière. 

Le  chapitre  final  des  Conseils  généraux  n'a  qu'une  page  et  demie  ; 
mais  cette  page  et  demie  en  vaut  dix  pour  le  moins  ;  chacun  y  a  son 
lot  :  le  Parisienne  provincial,  l'étranger.  L'auteur  indique  aux  habitants 
du  nord  et  du  midi  de  la  France,  aux  Hollandais,  aux  Belges,  aux  An- 
glais, en  quoi  leur  prononciation  est  fautive ,  et  leur  donne  le  moyen 
de  se  corriger.  Aux  uns  il  prescrit  l'exercice  des  voyelles  ouvertes  et 
nasales,  la  leçon  sur  le  grasseyement;  aux  autres,  la  progression  crois- 
sante et  décroissante  de  la  mâchoire ,  les  boules  de  caoutchouc ,  géné- 
ralement substitués  aux  cailloux  de  Démosthène. 

Un  traité,  quelque  bon  qu'il  soit ,  ne  dispense  pas  des  leçons  d'un 
maître,  mais  il  les  abrège  considérablement,  quand  l'élève  a  de  l'intel- 
ligence et  de  la  volonté.  La  prononciation  étant  le  principe  de  l'art  de 
bien  chanter,  comme  de  celui  de  bien  dire  ,  principium  et  fons  ,  la 
clientèle  que  M.  Morin  s'est  plus  que  jamais  assurée  par  son  traité  doit 
être  innombrable,  car  de  nos  jours  qui  ne  se  croit  appelé  à  devenir  un 
peu  orateur  ou  un  peu  chanteur?  Dans  ce  moment  peut-être  le  chan- 
teur a  l'avantage  ;  mais  nous  avons  vu  le  temps  où  l'on  se  piquait 
d'être  avant  tout  danseur  :  nous  trouvons  donc  qu'il  y  a  progrès. 

P.  S. 

NOUVELLES. 

%*  Demain  lundi  à  l'Opéra,  la  19"  représentation  du  Juif  errant, 
*„*  Jusqu'à  présent,  aucun  ouvrage  nouveau  n'avait  été  donné  dix-sept 
fois  de  suite.  Le  Juif  errant  a  eu  cet  honneur,  au  grand  profit  de  la  di- 
rection, puisque  les  dix-sept  premières  représentations  ont  produit  une 
moyenne  de  9,000  fr.  par  soirée,  soit  un  total  de  153,000  fr.  Lundi  der- 
nier, Roger  nous  faisait  ses  adieux  pour  deux  mois,  et  la  salle  était  com- 


ble. Mercredi  le  spectacle  avait  changé,  Lucie  et  Yert-Vcrt  occupaient 
l'affiche.  Mais  vendredi,  le  Juif  errant  est  revenu  pour  la  dix-huitième- 
fois.  Ghapuis  succédait  à  Roger  dans  le  rôle  de  Léon  ;  et  s'il  y  avait  chan- 
gement de  personne,  à  peine  une  différence  se  faisait-elle  sentir  dans 
la  recette.  Chapuis  s'est  bien  acquitté  d'une  tâche  difficile;  sa  voix  jeune 
et  vibrante  a  racheté  ce  qui  lui  manque  en  expression  de  physionomie 
et  en  talent  dramatique  pour  être  un  artiste  complet.  Massol,  légère- 
ment indisposé,  n'en  a  pas  moins  chanté  le  rôle  d'Ashvérus  avec  son 
succès  ordinaire.  Mme  Tedesco  et  Mlle  Lagrua  ont  aussi  mérité  d'être 
applaudies,  comme  elles  le  sont  toujours.  11  est  dans  la  destinée  du  Juif 
errant  de  ne  pas  s'arrêter. 

*.,*  L'Alboni  est  partie  pour  l'Amérique  ;  elle  s'est  embarquée  à  Sou- 
thampton  le  26  du  mois  dernier. 

*„*  Galathèe,  VIrato,  les  Voilures  versées,  iiadflon,  la  Perruche,  ont 
composé,  avec  le  Cnrillonn-ur  de  Bruges,  le  répertoire  de  la  semaine  à 
l'Opéra-Comique.  Dans  ce  dernier  ouvrage,  Mme  Meyer-Meillet  a  pris  le 
rôle  de  Béatrix,  successivement  chanté  par  Mlle  Wertheimber  et  Mme  Dar- 
der. 11  paraît  que  dès  l'origine  ce  rôle  lui  avait  été  promis  :  elle  n'a  donc 
fait  que  rentrer  dans  sa  propriété  avec  l'intelligence  et  le  sentiment  dra- 
matique qui  ne  lui  appartiennent  pas  moins  incontestablement. 

%*  M.  Eugène  Scribe  est  de  retour  à  Paris  depuis  quelques  jours.  Après 
avoir  passé  tout  l'hiver  en  Italie,  il  est  revenu  par  l'Allemagne.  De  Vienne 
il  s'est  rendu  à  Berlin,  où  il  a  visité  Meyerbeer.  Le  29  du  mois  dernier, 
ces  deux  grandes  illustrations  théâtrales  assistaient  ensemble  à  une  repré- 
sentation des  Huguenot'. 

%*  La  cantate  composée  par  Meyerbeer  pour  le 25e  anniversaire  du  ma- 
riage du  prince  Charles,  frère  de  S.  M.  le  roi  de  Prusse,  a  été  exécutée  le 
26  mai  dernier  dans  le  palais  du  prince.  L'auditoire  no  comptait  que  des 
têtes  couronnées  :  l'empereur  et  l'impératrice  de  Russie,  le  roi  et  la  reine 
de  Prusse,  le  grand-duc  de  Wcimar  et  son  fils,  le  grand  duc-d'Oldenbourg 
et  son  fils,  la  duchesse  de  Mecklembourg,  les  princes  des  Pays-Bas  et  les 
princes  royaux  de  Prusse.  L'œuvre  de  l'illustre  compositeur  a  été  fort 
goûtée,  et  le  compositeur  lui-même  comblé  d'hommages  et  de  distinc- 
tions par  ses  nobles  auditeurs.  Le  texte  de  la  cantate  est  de  M.  le  docteur 
Goltdammer,  conseiller  à  la  Cour  royale  de  Berlin  ;  M.  le  professeur  Hen- 
feld  l'a  enrichie  d'illustrations.  Un  exemplaire  en  peau  vélin  sera  bientôt 
présenté  au  prince  et  à  la  princesse  de  Prusse  par  les  trois  auteurs. 

%*  Liszt  se  trouvait  aussi  à  Berlin.  Il  y  prenait  des  arrangements  pour 
une  grande  fête  musicale  qui  sera  donnée  sous  sa  direction  à  Ballenstedt, 
le  28  et  le  29  juin.  A  ce  Festival,  il  y  aura  quinze  cents  exécutants  de 
tous  les  pays  de  l'Allemagne. 

%*  Les  examens  semestriels  commencent  demain  lundi  au  Conserva- 
toire de  musique  et  do  déclamation. 

*„*  Comme  nous  l'avons  annoncé,  M.  Cokken  est  nommé  professeur  de 
basson  au  Conservatoire,  en  remplacement  de  feu  Willent. 

*„*  Le  théâtre  français  de  la  Haye  a  fait  sa  clôture  le  22  mai  dernier, 
et  à  partir  du  premier  de  ce  mois,  il  n'y  a  plus  rien,  ni  opéra,  ni  comé- 
die, ni  vaudeville.  C'est  un  deuil  général  parmi  les  artistes  que  la  suppres- 
sion de  ce  théâtre  placé  sous  la  haute  protection  du  roi  lui-même,  et  au- 
quel ce  prince,  ami  des  arts,  avait  donné  tant  de  marques  d'affection. 
Naguère  encore,  rien  ne  faisait  pressentir  une  détermination  de  ce  genre. 
Au  milieu  de  l'incertitude  générale  des  entreprises  dramatiques,  le  théâtre 
delà  Haye  était  une  oasis  réservée  au  talent,  une  espèce  de  terre  pro- 
mise, où  les  artistes  rencontraient  ce  qu'il  y  a  de  plus  rare,  la  sécurité 
dans  le  bonheur.  Nous  ne  sommes  que  leur  interprète,  en  exprimant  le 
vœu  d'un  prochain  retour  de  la  faveur  royale,  qui  les  soutenait  avec  tant 
de  bienveillance,  et  qui  en  recueillait  tant  d'éclat! 

*„*  Vivier  ne  fait  rien  comme  un  autre.  Tandis  que  le  célèbre  artiste 
était  attendu  à  Londres,  et  réclamé  comme  un  des  plaisirs  obligés  de  la 
saison,  il  se  décidait  à  partir  pour  Constantinople,  où  son  talent  extraor- 
dinaire ne  peut  manquer  de  produire  tout  son  effet.  Du  reste,  son  excur-  ■ 
sion  ne  sera  pas  de  longue  durée.  Vivier  se  rend  par  terre  dans  la  ville 
des  sultans,  mais  il  en  reviendra  par  mer,  et  s'il  s'arrête  en  chemin,  ce 
ne  sera  que  pour  étonner  en  passant  quelque  ville  d'Italie. 

%*  Emile  Prudent  vient  de  donner  son  second  concert  à  Londres  : 
l'effet  en  a  été  extraordinaire.  Sur  les  quatre  morceaux  qu'il  a  joués,  on 
en  a  bissé  trois.  La  Villanelle  obtient  un  succès  merveilleux.  Appelé  par 
la  reine  mardi  dernier,  Prudent  a  joué  devant  Sa  Majesté  deux  morceaux: 
la  Somnambule  et  le  Réveil  des  Fées.  La  reine  a  voulu  entendre  une  se- 
conde fois  ce  dernier  morceau,  et  s'est  placée  à  côté  du  pianiste,  ainsi 
que  le  prince  Albert  et  la  duchesse  de  Kent,  pour  observer  sa  manière  de 
jouer.   Le  troisième  concert  d'Emile  Prudent  aura  lieu  le  21  de  ce  mois. 

%*  Dans  le  concert  dont  nous  venons  de  parler,  on  a  vivement  applaudi 
et  bissé  un  charmant  morceau  de  Panofka  intitulé  la  Fe^ta  et  chanté  par 
Mme  E.  Garcia. 

%*  Léopold  de  Meyer  a  dû  donner  un  concert,  jeudi  3  juin,  à  Mar- 
seille, dans  la  salle  du  Cercle  musical,  avec  les  deux  jeunes  violonistes 
Virginia  et  Carolina  Ferai,  dont  nous  avons  parlé  dernièrement. 

%•  On  ne  peut  pas  dire  à  M.  Dietsch,  à  propos  de  ses  œuvres  de  mu- 
sique religieuse  :  Quand  nous  serons  à  dix,  nous  ferons  une  croix,  car  il 
a  fait  exécuter  sa  douzième  messe  en  l'église  de  la  Madeleine,  le  dimanche 
de  la  Pentecôte  ;  et  ce  dernier  ouvrage,  d'un  très-bon  style  sacré,  ne 
prouve  pas  qu'il  en  fasse  à  la  douzaine,  bien  que  celui-ci  ait  atteint  ce 
nombre.  Sans  luxe  d'instrumentation  et  accompagnée  seulement  du  petit 
orgue  du  chœur,  cette  messe  est  simple  et  d'un  bon  sentiment  mélodique. 


DE  PARIS. 


191 


Xe  Kyrie,  bâti  sur  lu  plain-chant,  est  large  et  grandiose.  Le  Cralo  offre  do 
très-belles  parties,  un  duo,  entr'autres,  dit  par  une  voix  de  basse  et  un 
enfant  de  chœur,  et  accompagné  délicieusement  par  l'auteur,  a  produit 
autant  d'effet  religieux  et  mémo  dramatique  qu'on  on  peut  obtenir  à  l'é- 
glise. Une  fugue  en  style  large,  et  rappelant  la  manière  de  Lesueur,  a  dû 
contenter  les  auditeurs  les  plus  difficiles,  et  leur  prouver  que  M.  Dietscli 
sait  écrire  (Tune  manière  sévère  et  traditionnelle.  WAgnus  Dei  est  tout 
empreint  de  grâce  et  de  suavité.  Tout  cela  s'est  fait  a  l'a  satisfaction  des 
fidèles,  et  au  moyen  d'un  ténor,  d'une  basse,  d'un  enfant  de  chœur  doué 
d'une  fort  belle  voix,  et  d'une  trentaine  de  choristes  intelligents  qui  ont 
dû  faire  passer  une  douce  matinée  à  l'auteur  ainsi  qu'aux  amateurs  de 
bonne  musique  religieuse. 

*„*  Mathieu,  le  jeune  et  brillant  ténor,  qui,  au  sortir  du  Conservatoire, 
était  antre  à  l'Opéra,  et  de  là  au  théâtre  de  Marseille,  vient  de  passer  une 
année  en  Italie  pour  s'y  perfectionner,  en  prenant  des  leçons  du  célèbre 
Lamperti.  Il  est  désormais  rendu  a  la  scène  française,  qui  profitera  de  son 
talent. 

*„*  M.  Stroeken,  l'habile  pianiste,  vient  de  partir  pour  la  Hollande,  où  il 
restera  six  mois. 

*„*  Eu  reparaissant  dernièrement  sur  le  grand  théâtre  de  Bruxelles , 
après  une  longue  absence,  Mme  DulloUMaillard  y  a  rapporté  un  talent 
musical  et  dramatique  tout  à  fait  supérieur,  fortifié  par  l'expérience,  et 
toujours  dirigé  par  le  goût.  Son  succès  a  été  complet  dans  tous  les  grands 
rôles  où  elle,  s'est  montrée. 

V  Nous  signalons  a  l'attention  de  nos  lecteurs  un  nouveau  et  excel- 
lent morceau  de  Charles  Voss,  intitulé  :  Rossini  et  Rellini,  grande  scène 
chantante  sur  des  thèmes  du  Stabat  Mater  et  de  Nurma.  Ce  morceau  de 
concert ,  d'un  genre  large  et  grandiose,  est  dédié  à  Mlle  Graever,  qui 
l'exécute  avec  infiniment  de  grâce. 

%*  M.  Gustave  Oppelt,  autour  des  paroles  françaises  de  l'opéra  mis  en 
musique  par  S.  A.  R.  le  due  régnant  de  Saxe-Cobourg-Gotha,  a  reçu  de 
son  noble  collaborateur  la  croix  de  chevalier  de  l'ordre  du  Mérite  de  Saxe. 

"y*  Dimanche  dernier ,  jour  de  la  Pentecôte,  M.  Masson,  maître  de 
chapelle  de  Saint-lîoch,  a  fait  exécuter  dans  cette  église  la  deuxième  messe 
d'Haydn  et  le  Saluiaris  de  Lesueur.-  On  ne  peut  que  le  féliciter  sur  la 
manière  dont  ces  deux  belles  œuvres  ont  été  rendues  ainsi  que  sur  l'en- 
semble qu'on  remarque  ordinairement  dans  les  solennités  musicales  d'une 
église  qui  compte  toujours  pour  auxiliaire  la  belle  voix  d'Alexis  Dupond. 

*„,*  Une  petite  fête  artistique  vient  d'avoir  lieu  tout  récemment  à  Stras- 
bourg; les  circonstances  tout  à  fait  méritoires  qui  l'ont  entourée  nous 
font  un  devoir  de  donner  la  publicité  qu'elle  mérite.  Une  société  d'ama- 
teurs dramatiques,  tous  enfants  de  la  ville,  ont  monté  la  pièce  d'Arnold 
intitulée  le  Pfingstmontag,  comédie  qui  retrace  avec  la  plus  grande  fidé- 
lité le  costume,  le  langage  et  les  habitudes  de  la  population  strasbour- 
geoise  à  la  fin  du  xvmc  siècle.  Cette  représentation,  où  l'on  pu  remar- 
quer des  talents  vraiment  distingués,  était  donnée  par  cette  société  au  bé- 
néfice de  la  caisse  de  secours  de  l'Association  des  artistes-musiciens.  Le 
comité  correspondant  de  cette  ville  avait  offert,  par  une  gracieuse  réci- 
procité, le  concours  des  talents  des  sociétaires  dont  il  se  compose  pour 
former  l'orchestre  de  cet  intéressant  spectacle.  On  ne  peut  donner  trop 
d'éloges  a  cet  échange  de  procédés  délicats  entre  deux  sociétés  étrangères 
l'une  à  l'autre,  mais  que  rapprochaient  en  cette  occasion  une  noble  sym- 
patgie  et  un  commun  dévouement  pour  la  cause  sacrée  du  malheur. 

*„*  Nous  avons  sous  les  yeux  le  programme  d'un  concert  donné  à  Lon- 
dres, le  2Zi  mai  dernier,  au  théâtre  du  Lycée,  par  M.  Allcroft.  Ce  menu, 
dans  lequel  brillaient  les  noms  de  MmePleyel,  Sivori,  Lablache,  Bottesini, 
Jetty  de  Treffz,  accompagnés  de  douze  ou  quinze  autres  pour  le  moins,  se 
composait  de  deux  parties,  dont  la  première  contenait  vingt-trois  morceaux 
et  la  seconde  vingt.  Entre  les  deux  parties,  la  prière  de  Moïse,  de  Rossini, 
était  exécutée,  avec  chœurs,  orgue  à  percussion  et  huit  harpes.  La  matinée 
(car  c'était  une  matinée)  devait,  selon  le  programme,  commencer  à  une 
heure  précise  et  finir  â  quatre  heures  et  demie.  Seulement,  vu  sa  lon- 


gueur inévitable  et  la  nécessité  de  finir  à  l'heure  dite,  M.  Allcroft  sup- 
pliait le  public  do  ne  se  permettre  aucun  bis!  N'est-ce  pas  une  chose  ori- 
ginale de  défendre  les  bis  par  voie  de  programme? 

*„,*  M.  Emile  Solié  nous  adresse  une  réclamation  que  nous  accueillons 
avec  grand  plaisir.  Sur  la  foi  d'une  correspondance  de  Constantinople, 
nous  disions  dans  un  de  nos  derniers  numéros  que  M.  Emile  Solié  avait 
encouru  une  condamnation  correctionnelle.  Mais  il  y  a  condamnation  et 
condamnation  :  celle  qu'a  subie  notre  ex-confrère  avait  pour  cause  un 
soufflet  par  lui  appliqué  sur  une  joue  quelconque  et  ne  s'élevait  qu'à  I G  fr. 
d'amende  !  De  plus,  M.  Emile  Solié  ne  s'est  nullement  voué  à  la  profes- 
sion de  chanteur  comique;  il  ne  s'est  essayé  que  trois  fois  en  ce  genre  et 
dans  un  salon  où  l'on  n'était  admis  que  sur  invitation  personnelle. 

CRON1QUE   DÉPARTEMENTALE. 

*„*  Marseille.  —  La  dernière  représentation  du  Proplicle  a  été  pour 
Mlle  Heinefetter  l'occasion  d'un  magnifique  triomphe;  bouquets,  rappel, 
applaudissements  enthousiastes,  rien  n'a  manqué  au  succès  de  l'émi- 
nente  artiste  qui  nous  a  fait  ses  adieux  dans  le  beau  rôle  de  Fidès.  Son 
départ  laisse  de  vifs  regrets  chez  nos  dilettantes  et  rend  bien  difficile  la 
tâche  de  la  cantatrice  qui  sera  destinée  à  lui  succéder. 


CHRONIQUE     ÉTRANGÈRE. 

'in.  —  A  l'occasion  du  séjour  de  l'empereur  et  de  l'impératrice 
le  théâtre  royal  a  donné  le  Prophète  et  Olympie. 


%*  Berlin. 
de  Russie, 

*t*  Vienne.  —  Le  théâtre  de  la  cour  a  donné  deux  nouveautés  dans  le 
courant  de  la  semaine  :  un  ballet  de  Perrot,  Odette,  et  Don  Juan,  avec  le 
texte  italien.  Les  honneurs  de  la  soirée  ont  été  partagés  entre  Mme  Me- 
dori  (donna  Anna),  et  Mlle  Marray  (Zerline).  M.  Frédéric  fticcio,  qui  se 
trouve  en  ce  moment  à  Vienne  pour  diriger  les  répétitions  de  l'opéra  II 
Maritb  e  l'Amante,  qu'il  a  écrit  pour  le  théâtre  de  la  cour,  a  reçu  de  l'em- 
pereur du  Brésil  la  croix  de  chevalier  de  l'ordre  de  la  Rose.  —  M.  Chotek, 
pianiste  connu  par  ses  compositions  pour  le  piano ,  vient  de  mourir  dans 
cette  ville. 

*„*  Ballenstedt.  —  La  salle  de  concert  pour  le  grand  festival  qui  aura 
lieu  ici  vers  la  tin  de  juin,  pourra  contenir  3,000  personnes.  Parmi  les 
morceaux  indiqués  par  le  programme,  nous  avons  remarqué  le  duo  des 
Huguenots,  de  Meyerbeer;  la  9"'  symphonie  de  Beethoven;  Harold,  de 
Berlioz;  l'ouverture  de  Struensée,  de  Meyerbeer,  et  la  Nuit  de  Walpurgis, 
de  Mendelssohn. 

%*  Munich.  —  Mme  Sontag  a  commencé  ses  représentations  au  Théâ- 
tre-Royal par  le  rôle  d'Aminé  dans  la  Somnambule.  —  Le  15  mai,  est  mort 
ici  le  musicien  de  la  cour,  M.  Stahl,  à  l'âge  de  57  ans. 

*i*  Hambourg. —  Fanny  Elssler  vient  de  se  marier;  elle  a  épousé  le 
docteur  Ilahn,  dont,  toutefois,  elle  ne  portera  pas  le  nom.  La  célèbre 
danseuse  a  stipulé  dans  le  contrat  de  mariage  qu'elle  continuerait  à  s'ap- 
peler Elssler. 

\*  Râle.  —  Le  grand  festival  fédéral  aura  lieu  ici  le  11  et  le  12  juillet. 
Le  premier  jour,  concours  pour  les  diverses  sociétés  de  chant;  le  lende- 
main, concert  où  l'on  entendra  entre  autres  le  célèbre  motet  de  Klein  : 
la  Pésurrection,  et  un  chant  de  fête  de  Mendelssohn. 

*„*  New-York.  —  Mme  Otto  Goldschmidt  (Jenny  Lind)  donnera  ses 
trois  derniers  concerts  les  18,  21  et  2&  mai,  et  s'embarquera,  le  29,  sur 
le  vapeur  i'Allantic,  le  même  qui  l'avait  conduite  d'Europe  aux  Etats- 
Unis. 


Le  gérant  :  Ernest  DESCHAMPS. 


MUSIQUE  NOUVELLE  par  H.  HERZ. 

Op.  166.  Marche  nationale  mexicaine,  composée  à  Mexico. 

Op.  165.  Tarentelle  nouvelle  et  brillante. 

Op.  171.  La  Tapada,  polka  caractéristique  du  Pérou,  composée  à  Lima, 

avec  un  lithographie. 
Op.  168.  L'écume  de  mer,  valse  brillante. 
Op.  167.  La  californienne,  polka  composée  à  San-Francisco. 

A  Paris,  chez  les  marchands  de  musique,  et  48  rue  de  la  Victoire. 


EST  TEXTE  CHEZ  BRAIVD1TS  ET  Cc,  EDITK1JR§, 


RUE      RICHELIEU,      103, 


OEuvres  de 


Blffl 


Solfège  avec  accompagnement  de  basse  chiffrée 42 

Solfège  à  changement  de  clefs 36 

messe  tic  RequSciu  à  h  parties  en  chœur  avec  accompagne- 
ment d'orchestre,  en  partition 60 

Messe  «le  Requiem  pour  voix  d'hommes  avec  accompagne- 
ment d'orchestre,  en  partition 62 

Messe  solennelle  à  h  parties  avec  accompagnement  d'orches- 
tre, en  partition 90 

Messe  «lu  «acre  à  3  parties  avec  accompagnement  d'orches- 
tre, en  partition.  (Les  parties  séparées  de  chant  sont  gravées  aussi.). . .     75 


Messe  solennelle  à  h  et  5  parties  avec  accompagnement  d'or- 
chestre, en  partition 75 

FiinîKlïiB,  opéra  en  3  actes  avec  paroles  italiennes,  en  grande 

partition 250 

Cours  «le  contrepoint    el    fugue net  30 

a.odoBsKu,  partition  in-8°,  pour  piano  et  chant net  8 

I<es  Deux  «fournées,  partition  in-8",  pour  piano  et  chant,  net  8 
Mnrclies  «l'narmonie,  pratiquées  dans  la  composition,  adop- 
tées pour  l'enseignement  dans  les  classes  du  Conservatoire,  net  45 
Ouverture  de  E>o«loïska  à  grand  orchestre net  15 


19-2 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS. 


EN  VENTE 


EDITEURS, 
ISiac  l$icliel£eu9  sa"  fi  ©S. 


ETUDES. 

C.  V.  de  Bériot  fils.  Op.  1  Etude-caprice, 

en  ré 9 

Czerny.  Op.  817.  Le  Jeune  élève,  80  mor- 
ceaux faciles  et  progressifs,  suivis 
d'Etudes  journalières  dans  tous  les 
tons,  2  suites,  chaque    ......     9 

—  Op.  819.  La  Mélodie,  28  études  mélo- 

diques et   harmoniques,  3  suites, 
chaque 9 

—  Op.  8'0.   90  nouvelles  études  journa- 

lières pour   perfectionner   l'agilité 
des  doigts 12 


FANTAISIES  ET   AIRS   VARIES. 

A.  Adam.  Ouverture  de  la  Poupée  de  Nu- 
remberg, avec  accompagnement  de 
violon  ou  flûte,  arrang'e  par  Cro- 
haré 6     » 

—  Oaverture  du  Farfadet ,  avec  accom- 

pagnement de  violon  ou  flûte,  ar- 
rangée par  de  Gawa'"dé 6     » 

—  Ouverture  du  Toréador 5     » 

Anber.  Ouverture  d?.  Zerline ,  avec  accom- 
pagnement de  violon  ouflû'e,  par 

H.  Potier 6  » 

F.  Eurjjmiiller.  Grande  valse  brillante  sur 

la  Poupée  de  Nuremberg  ....  5  » 

—  Rondo  villageois  sur  le  Farfadet.   .   .  5  » 
■ —  Grande  valse  sur  le  Juif  errant  ...  5  •> 

O.  l'omettant.  Op.  56.  Fantaisie  brillante 

sur  l'Enfant  prodigue. 6    » 

—  Op.  57.  Fantaisie  caprice  sur  Zerline    6    » 
Darbovill<-.  Le  Moine,  Caprice-Etude.   — 

Etude  romantique G    » 

De  Vos.  Op.  12.  Rêverie  du  soir 6  50 

Dœliler.  Op.  74.  Veder  Napoli  e  poi  morir, 
fantaisie  sur  des  chansons  napoli- 
taines         7  50 

Dolmetsrh.  Op.   16.   Marche  du   sacre  du 

Prophète 6    » 

DreysclincU.  Op.  40  et  66.  Deux  rapsodies 

en  deux  suites,  chaque 5     » 

«I.  B.  Dnvernoj.  Op.  108.  Deux  fantaisies 
faciles  sur  Zerline,  deux  suites, 
chaque 5     » 

—  Op.  206.  Fantaisie  sur  le  Farfadet.  .     5    » 
C.  Fradel.  Mazurka  sur  le  chant  national 

des  Croates tx  50 


I>.  P.  «ervilîe.  Op.  5.  Sallarelle 5  » 

—  Op.  6.  Trois  mazurkas 5  » 

—  Op.  7.  Deuxième  nocturne 6  50 

A.  lie  Carpentier.  127e,  1"  bagatelle  sur 

Zerline 5  » 

—  128",  2e  bagatelle  sur  Zerline  ....  5  » 

—  132e  bagatelle  sur  la  Poupée  de  Nu- 

remberg    5  » 

—  133e  bagatelle  sur  le  Fa>  fadel .   ...  5  » 

—  136°  bagatelle  sur  le  Toréador  ....  5  » 

—  Deux  bagatelles  sur  le  Juif  errant,  ch.  5  » 
F.  Liszt.  Cujus  animam.  Air  du  Stabal  de 

Rossini,  transcrit  pour  piano  ...  5  » 
■ — ■  La  Charité,  chœur  de  Rossini  trans- 
crit pour  piano 5  » 

Ci.  Mathlae.  Op.  13.  Première  valse  de  con- 
cert      7  50 

—  Op.  14.  Noce  villageoise,   morceau  de 

genre 9  » 

IBciidelssolin-Sïairtliolily.  Gondoline  .  .  3  » 
IL.  de  Meyer.  Op.    69.    Souvenir  d'Italie , 

grande  fantaisie 9  » 

—  Op.   71.  Grande  fantaisie  sur  le  Pro- 

phète   10  • 

16.  SSuïoler.  Op.  23.  Caprice  guerrier  sur  le 

Juif  errant "50 

—  Op.  24.  Andan'e  de  concert  sur  une 

romance  du  Juif  errant 0  » 

01.  Potâer.  Huit  airs  de  ballet  de  Zerline  : 

1.  La  Valse 5  » 

2.  La  Styrienne 5  » 

3.  Les  Muses  et  les  Grâces  ....  5  » 

4.  Pas  chinois 3  » 

5.  La  Sentimentale  et  l'Enjouée.   .  5  » 

6.  Le  Bal  d'enfants 5  « 

7.  Quadrille  des  fous 5  » 

8.  Le  Carnaval  de  Palerme  ....  3  » 

—  Sept  airs  de  ballet  et  une  marche   sur 

le  Juif  errant  : 

1.  Pas  des  Esclaves 4  50 

2.  Pas  des  Voiles 4  50 

3.  Le  Bourdonnement 6  50 

4.  Le  berger  Aristée 4  50 

5.  La  Ronde 4  50 

6.  La  reine  des  Abeilles 4  50 

7.  La  Ruche 4  50 

Marche  triomphale 2  50 

F.  Prndent.  Op.  37.  Grande  fantaisie  sur 

Guillaume  Tell 9  » 

—  Op.  38.  Air  de  Grâce,  de  Robert  le 

Viab'e 9  » 

—  Op.  39.  Les  Champs,  fantaisie  ....  9  » 


£3.  ISos'.-llcn.   Op     127.   Fantaisie  brillante 

sur  la  Tempcsla 7  50 

—  Miranda,  valse   brillante  sur  la  Tem- 

pesla 4  50 

—  Op.  128.  Fantaisiebrillantesur  Zerline    9     » 

—  Op.  132.  Ballade 5     » 

—  Op.  133.   Fantaisie  sur  îo  Poupée  de 

Nuremberg 7  50 

A.  TTalexy   Op.  2t.  Fantaisie  brillante  sur 

le  Toréador 6     » 

—  Op.  33.  Fantaisie  brillante  sur  la.  Dame 

de  Pique 7  50 

C!    Voss.  Op.  114.  Les  larmes  de  Madeleine, 

méditation 4  50 

—  Op.  117.  L'Assaut,  grand   galop  mili- 

taire   5     h 

—  Op.  118.  N"  1.  Chant  bohémien  varié.     5     » 

2.  LaMêlancoliedePrume, 
variée 5    » 

—  Op.   124.  Grande  fantaisie  sur  la  Fa- 

vorite     7  50 

—  Op.    127.   Rossini  et    Bellini,   grande 

scène  chantante  sur  Norma  et  le 
Stabal 7  50 

—  Op.  120.  Mon  Etoile,  grand  nocturne  .     7  50 

—  Op.  134.  Barcarolle  û'Oberon   ....     5     » 
■ —  Op.l36.Lai\TapoIitaine,  polka-tarentelle    5    » 

—  Op.  137.  N"  1.  Fantaisie   élégante  sur 

la  Poupée  de  Nuremberg    ...     5    » 
N"  2.  Fantaisie  élégante  sur  le  Far- 
fadet     5     » 

—  Op.  138.  Grande  fantaisie   de  concert 

sur  Don  Juan 7  50 

—  Op.  139.  Grande  fantaisie  dramatique 

sur  ie, Juif, errant 9    » 

FANTAISIES  ET  MORCEAUX 

A    QUATRE   MAINS. 

Anber.  Ouverture  de  Zerline  arrangée  par 

Fessy 9  » 

Adam.  Ouvert,  de  la  Poupée  de  Nurember g  6  » 

—  Ouverture  du  Farfadet 6  » 

A.  Croisez.  Fantaisie  sur  Zerline 6  » 

SE.    Decon  réelle.    Op.    29.  Fantaisie    sur 

Zerline 9     » 

—  Ouveture   des  Diamants  de  la  Cou- 

ronne, arrangée  à  8  mains  ....   12     » 
F.  IlaléTy.  Ouverture  du  Juif  errant  ar- 
rangée à  4  mains  par  Henri  Potier    7  50 
Hïendelssolni-Bartlioldy.  Ouvert.  à'Elie    5     » 
H.  Bosellen.  Ouverture  de  Guillaume  Tell, 

nouvellement  arrangée  à  4  mains.  .  10     & 


SIX  MORCEAUX  CARACTÉRISTIQUES  POUR  LE  PIANO 


Op.  21. 

N°  1.  lues  Primevères  (Retour  du  printemps) 6     »    t   N°  4.  Homarin  (Deuil) 6  » 

2.  lia  Violette  (Modestie) 4    »  5.  Bia  Pensée  (Souvenir) 5  » 

3.  lia  Rose  (Amour) 5     »    I         6.  Héliotrope  (Enivrement) 6  ■ 


PARIS.   —   IHPIUMERIE  CENTRALE   DE  NAPOLÉON  C1IAIX   ET   C"     RUE  BEilCÈRE,    20. 


BUREAUX  A  PARIS  :  BOULEVART  DES  ITALIENS,  1. 


10e  Aimée. 


N»  24. 


On  l'abonné dons  le-  Départements  et»  l'étranger, 
uheztoas  les  Mnrchnnas  <ie  Musique, les,Librnrroi 

et  <iux  lluretiux  îles  MMSllgorlesi  t  des  postes. 

J.you.  A  notre  Agenre  générale, 

Qenève.  kt  i-oin    Chez  M.  Ed.  ào  la  Plflchlèro, 

TourK  u  •Distl.  Ifll.ruoduTerruiilet. 


I.onili  .  —  \Vi-sse]el<:v>*P,llegent  Street 
«(-■•«•«l-rsthourg.  Ileli/.urd. 

Kew-lorh.  Seluirfenlierg  et  Luis. 

Madrid.  Union  ortistico-musiculc. 

oYiiMterdam.  Bureau  des  Postes. 

■Jcrllu.  Selilesinger.  34,  u.d.  I.in.len. 

—  Dote  et  Bock,  -12,  Jacgerstr. 

Iilslionnc,  Sassctli. 


13  Juin  1852. 


Prix  de  rAbouueiuent  t 


Puris,  un  un 21  fr. 

D>:-ji(jrlemcnts,  Belgique  et  Suisse 30 


Le  Journal  parait  le  Dimanche». 


GAZETTE  MUSICALE 


9i  p&ris, 


-^wvw^KeJwvvv^- 


SOMMAIRE.  —  Richard  Wagner  (2e  article),  par  Féti»  père.  —  Société  libre  des 
Beaux-Arts,  matinées  de  M.  Gouffé,  etc.,  par  Uenrï  Klaiivliaril.  —  Un 
trait  de  Martini  (Il  Tedesco),  par  Paul  Mniith.  —  Correspondance,  Bruxelles. 
—  Nouvelles  et  annonces. 


BICHABD  WAGNER. 

Sa  vie.  —  Son  système  de  rénovation  de  l'opéra.  —  Ses  œuvres  comme 
poète  et  comme  musicien.  —  Son  parti  en  Allemagne.  —  Apprécia- 
tion de  la  valeur  de  ses  idées. 

(Deuxième  article.)  (1). 

Au  moment  où  Richard  Wagner  s'éloignait  de  Paris,  son  esprit  était 
préoccupé"  d'un  nouvel  ouvrage  dans  lequel,  ses  tendances  continuant 
à  se  caractériser,  il  se  proposait  de  rompre  d'une  manière  absolue  avec 
les  formes  du  drame  musical  de  l'époque  actuelle,  et  de  placer  l'art 
sous  des  conditions  différentes.  Le  sujet  de  cet  ouvrage  lui  avait  été 
indiqué  par  la  légende  populaire  et  par  la  chanson  de  Tannhauser.  Ce 
Tannhauser,  d'une  famille  noble  de  Franconie,  était  un  de  ces  trouvères 
allemands  qui  brillèrent  dans  les  xnc  et  xmc  siècles  sous  le  nom  de 
Minnesingers,  qu'on  traduit  précisément  par  ceux  de  troubadours  ou 
de  trouvères,  mais  qui,  littéralement,  signifie  chanteurs  amoureux, 
parce  que  le  sujet  de  leurs  poésies  chantées  était  souvent  l'amour. 
Tannhauser  était  bon  chevalier,  suivant  la  vieille  chanson  populaire 
allemande  : 

Der  Tannhauser  war  ein  Ritter  gut. 

11  cultivait  avec  un  égal  succès  la  poésie,  la  musique,  et  fut  un  digne 
rival  de  Wolfram  d'Eschenbach,  de  Walther  von  der  Vogehveide,  de 
Rodolphe  de  Rotenbourg,  d'Ulric  de  Lichtenstein,  en  un  mot,  des  plus 
célèbres,  si  nous  en  jugeons  par  les  seize  chansons  et  ballades  qui 
nous  sont  parvenues  sous  son  nom.  En  1207,  Tannhausser,  ou  ïhan- 
hauser,  ou  enfin  Tanhiiser,  reçut,  comme  tous  les  poètes  chanteurs  de 
l'Allemagne,  une  invitation  du  landgrave  de  Thuringe  pour  prendre 
part  au  mémorable  tournoi  poétique  ouvert  par  le  prince  à  son  château 
de  Warlbourg,  près  d'Eisenach.  Point  ne  manqua  au  rendez-vous  le 
Minnesinger.  C'est  ici  que  commence  le  sujet  de  l'opéra  de  Wagner. 
Il  paraît  que  le  bon  chevalier  avait  trouvé  en  son  chemin  un  des  rares 
manuscrits  qui  nous  ont  fait  connaître  les  métamorphoses  d'Ovide,  et 
qu'il  s'était  épris  d'une  véritable  passion  pour  les  allégories  du  paga- 
nisme, particulièrement  pour  les  galanteries  de  Vénus.  Ce  sujet  fut  ce- 
lui qu'il  choisit  pour  son  poëme  improvisé.  Il  chanta  avec  enthousiasme 
les  délices  qu'on  goûte  dans  un  lieu  mystérieux  nommé  le  Venusberg. 
Je  ne  vous  traduirai  pas  ce  mot,  cher  lecteur,  parce  que  vous  êtes  de 
cette  race  de  plaisants  qui  rient  de  tout.  Vous  ne  manqueriez  pas  de 
gloser  sur  l'étymologie  et  de  débiter  des  quolibets  qui  ne  vont  pas  à 

(1)  Voir  le  n°  23. 


mon  sujet  pris  au  sérieux.  J'aime  mieux  vous  dire  qu'un  cri  d'indigna- 
tion s'échappa  de  toutes  les  bouches  lorsqu'on  entendit  faire  l'éloge  de 
l'amour  sensuel,  au  lieu  de  cet  amour  si  pur,  si  platonique,  dont  étaient 
épris  la  plupart  des  minnesingers  pour  des  beautés  qui  n'existaient  que 
dans  leur  imagination.  Déclaré  indigne  du  prix,  Tannhauser  s'éloigna 
le  cœur  ulcéré.  Cependant,  le  remords  finit  par  y  pénétrer,  et  Tann- 
hauser se  rendit  à  Rome  pour  y  confesser  ses  fautes,  dont  il  espérait 
l'absolution  ;  mais  elle  lui  fut  refusée.  Désespéré,  furieux,  et  n'espérant 
de  joie  que  dans  ce  qui  avait  causé  sa  perte,  le  poëte  voua  de  nouveau 
son  culte  à  la  fausse  divinité  qui  l'avait  égaré.  Il  mourut  dans  l'impé- 
nitence  finale  et  tomba  au  pouvoir  du  démon.  Telle  est  la  légende 
transmise  d'âge  en  âge  par  un  chant  populaire  que  répètent  encore  à 
la  veillée  les  paisibles  habitants  de  la  Thuringe. 

Tieck  a  fait  sur  ce  sujet  un  poëme  dont  Wagner  parle  avec  peu  d'es- 
time :  «  Sa  tendance  mystico-coquette  ,  catholico  frivole  ,  dit-il,  ne 
»  m'avait  inspiré  aucune  sympathie  »  La  chanson  populaire  et  la  lé- 
gende lui  tombèrent  sous  la  main  à  Paris  ;  c'est  alors  seulement  qu'il 
conçut  le  projet  de  faire  de  cette  tradition  le  sujet  d'un  drame  musical 
dans  lequel  il  réaliserait  ses  vues  finales  concernant  l'opéra.  Se  diri- 
geant vers  Dresde  ,  où  l'attendait  la  mise  en  scène  de  son  Rienzi ,  il 
suivit  la  vallée  de  la  Thuringe  et  passa  près  du  château  de  Wartbourg, 
dont  l'aspect  donna  plus  de  force  au  projet  qu'il  avait  conçu.  Dès  ce 
moment,  il  élabora  le  sujet  de  Tannhauser,  et  caressa  son  imagination 
de  l'espoir  d'un  beau  succès.  Son  retour  en  Allemagne  était  alors  la 
direction  de  tout  son  avenir,  comme  l'avait  été,  trois  ans  auparavant, 
son  arrivée  à  Paris.  «  Je  foulais  de  nouveau,  dit-il,  le  sol  de  ma  patrie 
»  avec  une  joie  patriotique  et  chaleureuse  ;  et  maintenant  j'en  suis 
»  éloigné  comme  proscrit  et  comme  réfugié  politique.  » 

Arrivé  dans  la  capitale  de  la  Saxe,  Wagner  eut  à  s'occuper  des  répé- 
titions de  Rienzi  ;  il  y  trouva  une  satisfaction  qu'il  n'avait  pas  encore 
goûtée  dans  l'intérêt  que  les  chanteurs  accordèrent  à  son  ouvrage,  dans 
le  zèle  dont  ils  firent  preuve  pendant  leurs  études,  et  dans  les  éloges 
qu'ils  lui  décernaient.  Enfin  arriva  le  jour  de  la  représentation,  qui  fut 
aussi  celui  du  triomphe  de  l'artiste  :  le  succès  de  l'opéra  fut  complet. 
Le  public  comprit-il  ce  qu'il  applaudissait?  Cela  est  au  moins  douteux r 
quoique  les  formes  de  la  musique  de  Rienzi  soient  moins  étrangères 
aux  habitudes  acquises  que  celles  des  autres  ouvrages  de  Wagner  (je 
dirai  dans  un  autre  article  les  circonstances  dans  lesquelles  j'ai  pris 
connaissance  des  partitions  de  ces  opéras  ,  et  comment  j'en  ai  étudié 
la  contexture)  ;  mais  beaucoup  de  personnes  m'ont  avoué  à  Dresde 
qu'il  y  avait  eu  pour  elles  un  premier  mouvement  d'entraînement  causé 
par  l'étrangeté  des  déterminations  de  la  pensée  ;  étrar.geté  qui  leur 
avait  paru  annoncer  un  génie  créateur  destiné  à  diriger  l'art  dans  des 
voies  nouvelles.  Plus  tard  ,  il  y  eut  contre  ce  succès  une  cruelle  réac- 


19  i 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


tion.  Mais  n'anticipons  pas;  laissons  Wagner  se  plonger  dans  l'enivre- 
ment du  bonheur  que  dut  lui  apporter  le  résultat  de  tant  d'efforts  et  de 
persévérance.  Ce  résultat,  le  seul  que  son  imagination  d'artiste  avait 
rêvé,  eut,  peu  de  jours  après,  des  conséquences  qu'il  n'avait  pas  pré- 
vues et  qui  achevèrent  la  transformation  de  son  existence ,  car  le  roi 
de  Saxe  le  nomma  son  maître  de  chapelle  et  lui  accorda  un  traitement 
considérable.  '«  Eh  quoi ,  dit-il ,  moi ,  naguère  isolé,  abandonné,  sans 
»  feu  ni  ]ieu,"]e'  me  trouvais  tout-à-coup  aimé  ,  admiré  ,  contemplé 
»  même  avec  étonnement  !  Déplus,  par  l'effet  de  ce  succès,  je  trouvais 
»  une  base  solide  et  durable  du  bien-être  de  mon  existence  dans  ma 
»  nomination  aussi  inattendue  que  surprenante  de  maître  de  la  chapelle 
»  royale  de  Saxe  !  N'était-il  pas  naturel  que  je  m'abandonnasse  à  de 
»  douces  illusions,  destinées  pourtant  à  être  dissipées  par  un  doulou- 
»  reux  réveil  ?  » 

Tout  le  monde  comprendra  le  sentiment  exprimé  clans  ces  phrases  ; 
mais  il  est  difficile  d'accorder  une  raison  bien  saine  à  celui  qui ,  après 
cette  explosion  conforme  à  la  nature  humaine,  nous  apprend  qu'il  eut 
une  grande  répugnance  à  accepter  la  position  que  la  bonté  du  roi  ve- 
nait de  lui  accorder.  11  y  a  sur  cela  deux  pages  d'incroyables  divaga- 
tions dans  les  Communications  de  M.  Wagner  à  ses  amis  (pages  75  et 
76).  Quel  que  soit  l'immense  orgueil  dans  lequel  se  résume  toute  la 
personnalité  de  cet  artiste,  et  dont  les  Communications  à  ses  amis  sont 
un  monument  si  curieux  ,  on  a  peine  à  se  persuader  la  réalité  de  ses 
hésitations.  Pour  moi,  je  considère  ces  pages  comme  une  préparation 
à  des  explications  difficiles  qui  doivent  venir  plus  loin  sur  certaines 
circonstances  dans  lesquelles  l'auteur  s'est  trouvé.  Quoi  qu'il  en  soit , 
les  amis  auxquels  il  confia  ses  scrupules,  dit-il,  ne  les  comprirent  pas. 
Plus  sensés  que  lui ,  ils  écartèrent  ses  objections  et  le  décidèrent  à 
accepter  l'humiliation  d'être  heureux. 

Le  succès  de  Rienzi  avait  décidé  la  direction  du  théâtre  de  la  cour 
de  Dresde  à  mettre  en  scène  le  Vaisseau  fantastique,  que  Wagner  ap- 
pelle le  Hollandais  volant  (der  Fliegende  Hollander).  L'ouvrage  fut  mis 
immédiatement  à  l'étude,  bien  que  la  composition  du  personnel  chan- 
tant ne  fût  pas  pour  cet  ouvrage  ce  que  l'auteur  aurait  désiré.  Le  ténor 
chargé  du  rôle  principal  était,  suivant  lui ,  absolument  insuffisant.  Soit 
par  cette  cause,  soit  par  toute  autre,  cette  œuvre,  à  laquelle  Wagner 
accordait  ses  prédilections,  eut  une  chute  complète  le  2  janvier  1843. 
Je  n'ai  pas  besoin  de  dire  que  l'auteur  ne  voit  dans  cette  chute  qu'un 
défaut  d'intelligence  de  la  part  du  public.  Cependant  ses  amis  les  plus 
intimes  n'essayèrent  même  pas  de  défendre  son  ouvrage  ;  ils  crurent 
lui  rendre  un  service  plus  utile  en  effaçant  ie  souvenir  de  cette  défaite 
par  une  reprise  brillante  de  Rienzi.  On  se  souvient  que  les  arrange- 
ments avaient  été  faits  par  Wagner  avec  le  théâtre  royal  de  Berlin  pour 
la  représentation  de  ce  même  opéra  du  Hollandais  volant  ;  mais,  après 
la  chute  de  cet  ouvrage  au  théâtre  de  Dresde,  Wagner  avait  peu  d'es- 
poir qu'on  voulût  encore  le  mettre  en  scène  dans  la  capitale  de  la 
Prusse  :  cependant  il  y  fut  représenté  deux  fois  au  commencement  de 
1844.  L'exécution  en  fut  satisfaisante  ;  néanmoins  l'ouvrage  ne  put  se 
soutenir  au  répertoire,  bien  que  quelques  morceaux  eussent  été  ap- 
plaudis, parce  que  la  salle  fut  presque  déserte  à  la  seconde  représen- 
tation. La  critique  ne  parla  guère  que  de  l'excentricité  des  formes  de 
la  musique,  et  le  peu  de  sympathie  qu'elle  montra  pour  cette  musique 
eut  sans  doute  une  fâcheuse  influence  sur  le  public.  Au  milieu  des  cha- 
grins que  lui  causait  l'insuccès  de  son  ouvrage,  une  consolation  vint 
pourtant  trouver  le  poëte-musicien  :  ce  fut  une  lettre  de  Spohr,  par 
laquelle  ce  vieux  maître  informait  Wagner  qu'il  avait  donné  ses  soins 
à  l'exécution  de  son  Hollandais  volant,  au  théâtre  de  Cassel ,  et  l'en- 
courageait à  persévérer  dans  la  voie  qu'il  s'était  tracée. 

Wagner  attachait  tant  d'importance  à  la  conception  de  son  ouvrage 
et  croyait  si  fermement  h  son  succès,  que  sa  chute  le  jeta  pendant 
quelque  temps  dans  le  découragement.  Ses  projets  de  gloire  par  la 
transformation  du  drame  musical  se  trouvaient  tout  à  coup  renversés. 
Diverses  circonstances  venaient  ajouter  à  sa  disposition  d'esprit  ac- 
tuelle. A  Hambourg ,  Rienzi  n'avait  pas  réussi  ;  des  copies  autogra- 


phiées  que  Wagner  avait  faites  de  ses  deux  opéras  avaient  été  envoyées 
par  lui  aux  directeurs  de  théâtres  de  quelques  grandes  villes  :  la  plu- 
part lui  étaient  retournées,  sans  qu'on  eût  même,  dit-il ,  ouvert  les 
paquets.  Enfin,  l'artiste  se  trouvait  dans  une  de  ces  phases  trop  fré- 
quentes dans  la  carrière  des  arts,  où  la  route  parcourue  ne  présente 
que  des  épines.  Le  ciseau  du  statuaire,  la  palette  du  peintre,  la  plume 
de  poëte  et  du  musicien  sont  alors  foulés  aux  pieds  comme  d'indignes 
instruments  de  supplice  ;  mais  il  y  a  au  cœur  de  celui  qui  croit  en  sa 
mission  un  besoin  de  produire  qui  bientôt  guérit  les  blessures  de 
l'amour-propre,  et  ramène  l'artiste  à  l'objet  qui  tour  à  tour  reçoit  son 
culte  ou  ses  malédictions.  Le  véritable  artiste  n'est  jeûnais  entièrement 
satisfait,  si  ce  n'est  de  l'ouvrage  qu'il  va  faire,  disait  Méhul  ,  avec  le 
profond  sentiment  digne  d'un  si  grand  compositeur.  Ce  mot  est  d'une 
exacte  vérité.  Mais  si  l'homme  d'élite  s'avoue  les  imperfections  de  ses 
ouvrages  et  se  consume  en  efforts  pour  les  éviter,  il  ne  veut  pas  que 
d'autres  les  aperçoivent ,  encore  moins  qu'elles  deviennent  l'objet  de 
manifestations  humiliantes.  Cette  disposition  d'esprit  n'était  pas  celle 
de  Wagner,  car  il  était  satisfait  de  ce  qu'il  produisait.  S'il  éprouvait  du 
découragement,  la  cause  n'en  était  pas  dans  un  aveu  tacite  des  défauts 
de  son  œuvre,  mais  bien  dans  la  conviction  ou  que  l'exécution  n'en 
avait  pas  mis  les  beautés  en  relief,  ou  que  le  public  était  inhabile  à  le 
comprendre.  Ses  Communications  à  ses  amis  ne  laissent  aucun  doute 
à  cet  égard. 

Çà  et  là  il  rencontrait  quelque  enthousiaste  qui,  par  penchant  pour 
la  nouveauté  des  formes,  quelle  qu'elle  fût,  l'encourageait  à  persévérer 
dans  sa  voie  :  celui-là  seul  lui  paraissait  digne  de  l'entendre.  «  A  Ber- 
»  lin,  dit-il,  où  j'étais  absolument  inconnu,  je  reçus  de  deux  person- 
»  nés  qui  m'étaient  étrangères,  et  que  l'impression  produite  par  le 
»  Hollandais  volant  avait  amenées  vers  moi,  la  première  satisfaction 
»  complète  qu'il  m'ait  été  donné  de  goûter,  avec  l'invitation  de  con- 
»  tinuer  dans  la  direction  particuliers  que  je  m'étais  frayée.  Dès  ce 
»  moment  je  perdis  de  plus  en  plus  de  vue  le  véritable  public.  L'opi- 
»  nion  de  quelques  hommes  intelligents  prit  chez  moi  la  place  de  I'Ô- 
»  pinion  de  la  masse,  qu'on  ne  peut  jamais  saisir,  bien  qu'elle  eût  été 
»  l'objet  de  mes  préoccupations  dans  mes  premiers  essais,  alors  que 
»  mes  yeux  n'étaient  pas  ouverts  à  la  lumière.  L'intelligence  de  mon 
»  but  me  devint  de  plus  en  plus  lucide,  et  pour  m'assurer  qu'elle  se- 
»  fait  partagée,  je  ne  m'adressai  plus  à  cette  masse  qui  n'avait  aucun 
»  rapport  avec  moi,  mais  bien  aux  individualités  dont  les  dispositions 
»  et  les  sentiments  étaient  analogues  aux  miens.  Cette  position  plus 
»  certaine,  relativement  à  ceux  qui  devaient  recevoir  mes  communi- 
»  cations,  exerça  désormais  une  influence  très-importante  sur  mon 
»  caractère  d'artiste.  » 

Sorti  enfin  de  l'accablement  qu'avait  occasionné  la  chiite  du  Hollan- 
dais volant,  Wagner  voulut  poursuivre  sa  mission  de  réformateur  de 
l'opéra  qu'il  s'était  donnée,  et  revint  à  son  sujet  de  Tannhauser  dans 
la  disposition  d'esprit  qu'il  vient  d'expliquer  lui-même.  La  composi- 
tion de  cet  ouvrage  fut  laborieuse  et  pénible  ;  la  santé  de  l'artiste  en 
fut  même  altérée.  Les  médecins  avaient  jugé  nécessaire  qu'il  allât  aux 
bains  de  la  Bohême  et  qu'il  suspendit  ses  travaux  ;  il  s'y  rendit  en 
effet,  mais  il  n'y  suivit  qu'à  moitié  les  prescriptions  de  la  médecine, 
car  il  y  ébaucha  le  plan  de  son  dernier  opéra  {le  Lohengrin). 

De  retour  à  Dresde,  il  fit  commencer  les  répétitions  du  Tannhauser. 
La  direction  du  théâtre  royal  espérait  beaucoup  de  cet  opéra,  et  avait 
fait  de  grandes  dépenses  pour  sa  mise  en  scène.  Les  acteurs,  le  chœur 
et  l'orchestre  rivalisèrent  de  zèle  et  de  soin  pour  que  l'exécution  ré- 
pondît à  la  pensée  du  poëte-musicien  ;  mais  le  résultat  ne  répondit  pas 
aux  espérances  de  succès  qu'on  avait  conçues.  Ici  se  trouve  une  des 
nombreuses  contradictions  qui  remplissent  la  longue  préface  des  œu- 
vres dramatiques  de  Wagner.  Il  nous  a  dit  tout  à  l'heure  qu'il  avait 
pris  la  résolution,  en  écrivant  le  Tannhauser,  de  ne  plus  s'occuper  de 
l'effet  à  produire  sur  le  public  en  masse,  et  de  ne  chercher  à  satisfaire 
que  quelques  individualités  dont  les  opinions  sympathiseraient  avec  les 
siennes  ;  maintenant  il   avoue  qu'il  avait  cru  satisfaire  dans  son  ou- 


DE  PARIS. 


105 


vrage  les  tendances  de  la  population  de  Dresde  ;  mais  le  public  fut 
complètement  trompe"  dans  son  attente  :  il  quitta  la  représentation  en 
témoignant  son  mécontentement,  et  l'ouvrage  ne  put  être  joué  que 
deux  l'ois.  ((  Je  fus,  dit-il,  accablé  de  ce  revers,  et  ne  pus  me  dissimu- 
»  1er  l'isolement  complet  dans  lequel  je  me  trouvais.  Le  petit  nombre 
»  d'amis  qui    sympathisaient  de  cœur  avec  moi   se  sentaient  eux- 
»  mêmes  découragés  par  un  vif  sentiment  de  ma  pénible  situation. 
»  Une  semaine  s'écoula  avant  que  la  deuxième  représentation  put  être 
»   donnée,  parce  que  des  changements  eL  des  coupures  avaient  été  ju- 
»  gés  nécessaires  pour  rendre  plus  facile  l'intelligence  de  l'ouvrage. 
»  Cette  semaine  eut  pour  moi  le  poids  d'une  vie  tout  entière.  Ce  ne 
»  fut  pas  la  vanité  blessée  qui  me  frappa  au  cœur,  mais  l'anéantisse- 
»  ment  absolu  de  toutes  mes  illusions.  H  devint  évident  pour  moi 
»  qu'arec  le  Tannhauser,  je  ne  m'étais  révélé  qu'au  petit  nombre  de 
»   mes  amis  intimes,  et  non  au  public,  à  qui  je  m'adressais  néanmoins 
»   involontairement  par  la  représentation  de  l'ouvrage.  11  ne  me  parut 
»  pas  possible  de  concilier  cette  contradiction.  »   Les  coupures,  les 
changements  qui  avaient  été  faits  dans  l'intervalle  de  la  première  repré- 
sentation à  la  deuxième,  n'avaient  produit  aucune  amélioration  dans 
l'impression  que  faisait  l'ouvrage  sur  le  public  ;  il  fallut  renoncer  à  la 
faire  entendre  une  troisième  fois.  C'est  alors  seulement  que  Wagner 
fit  les  réflexions  qu'on  vient  de  lire.  Je  suppose  que  mes  lecteurs  con- 
naissent déjà  assez  celui  qui  est  l'objet  de  ces  articles,  pour  être  per- 
suadés qu'il  ne  lui  vint  pas  à  l'esprit  que,  dans  sa  lutte  prolongée  avec 
le  public,  l'erreur  pouvait  être  de  son  côté  ;  non.  Ce  qu'il  faudrait  sui- 
vant lui,  ce  serait  de  lever  le  voile  qui  couvre  l'intelligence  de  ce  même 
public;  mais  comment  l'espérer,  placé  comme  il  est,   en  présence  de 
notre  opéra  actuel,  sous  l'empire  de  ses  jouissances  auditives  et  toutes 
sensuelles  ?  Voilà,  suivant  l'auteur  de  Tannhauser,  où  se  trouve  toute  la 
difficulté  ;  pour  lui,  il  est  dans  la  bonne  voie;  il  crée  le  vrai  et  le  beau  ! 
Nouvelle  contradiction.  Après  avoir  acquis  la  conviction  de  l'inca- 
pacité du  public  à  comprendre,  à  goûter  sa  musique,  il  semblerait  que 
Wagner  va  se  renfermer  dans  ses  fonctions  pratiques  de  maître  de  cha- 
pelle, quant  au  matériel  de  son  existence,  et  se  borner  à  écrire  pour  le 
très-petit  nombre  de  ses  amis  intimes,  pour  satisfaire  aux  lois  de  son 
organisation  ;  mais  non  ,  un  autre  soin  le  préoccupe,  à  savoir,  de  faire 
représenter  le  Tannhauser  sur  les  théâtres  des  grandes  villes  d'Alle- 
magne. «  Je  fis  (dit-il),  des  démarches  pour  la  propagation  de  mon 
»   opéra  et  jetai  particulièrement  les  regards  sur  le  théâtre  de  Berlin  ; 
»  mais  je   reçus  un  refus  formel  de  l'intendant  des  théâtres  royaux 
»  de  Prusse.  L'intendant  général  de  la  musique  de  la  cour  royale  de 
»  Prusse  paraissait  mieux  disposé  ;  par  son  intermédiaire,  je  fis  sol- 
»  liciter  le  roi  pour  qu'il  voulût  bien  s'intéresser  à  l'exécution  de  mon 
»  ouvrage  ,  et  demandai  la  permission  de  lui  dédier  la  partition  de 
»   Tannhauser.  Par  la  réponse ,   on  me  dit  que  le  roi  n'acceptait  ja- 
»  mais  la  dédicace  d'un  ouvrage  sans  le  connaître  ;  mais  qu'attendu 
»  les  obstacles  qui  s'opposaient  à  l'exécution  de  mon  opéra  sur  le 
»  théâtre  de  Berlin  ,  on  pourrait  le  faire  entendre  au  roi  si  j'en  ar- 
:>   rangeais  quelques  morceaux  pour  la  musique  militaire  ,   lesquels 
»  seraient  exécutés  à  la  parade.  Je  ne  pouvais  être  plus  profondément 
»  humilié  ni  reconnaître  avec  plus  de  certitude  quelle  était  ma  véri- 
»  table  position.  Désormais  toute  publicité  d'art  avait  cessé  pour  moi.» 
Après  ces  aveux,  c'est  une  chose  curieuse  que  de  voir  l'auteur  si  peu 
favorisé  du  Hollandais  volant  et  du  Tannhauser  expliquer  comment, 
précisément  au  moment  où  ses  sentiments  recevaient  de  si  rudes  at- 
teintes, il  se  remit  immédiatement  à,la  composition  du  Lohengrin.  Sa 
séparation  d'avec  le  public  et  le  sentiment  de  son  isolement,  furent, 
dit-il,  la  seule  cause  de  l'excitation  qu'il  éprouva  à  se  manifester  à  son 
entourage  dans  tout  le  développement  de  ses  idées.  Je  passe  la  des- 
cription qu'il  fait  du  sujet  de  son  nouvel  opéra  dans  le  langage  amphi- 
gourique qui  lui  est  familier,  parce  que  j'en  parlerai  dans  la  suite.  Près 
de  trois  années  s'étaient  écoulées  entre  la  représentation  du  Hollan- 
dais volant  et  celle  du  Tannhauser ,  car  ce  dernier  opéra  n'avait  été 
joué  pour  la  première  fois  que  le  20  octobre  1845  :  le  Lohengrin  ne 


fut  terminé  que  dans  les  derniers  jours  de  l'année  1847.  L'ouvrage  fut 
mis  à  l'élude  au  commencement  de  1848;  mais  les  événements  qui 
survinrent  peu  de  temps  après  en  empêchèrent  la  représentation. 

Nous  voici  parvenus  à  cette  époque  néfaste  qui  mil  en  péril  le  sort 
des  populations  civilisées,  et  sur  laquelle  NL  Wagner ,  sans  doute, 
n'arrête  pas  ses  souvenirs  sans  être  oppressé  par  des  regrets  amers; 
car  c'est  une  des  périodes  les  plus  pénibles  de  sa  vie,  comme  homme 
et.  comme  artisle.  Obligé  de  toucher  à  ce  sujet  dans  ses  Communica- 
tions à  ses  amis,  il  se  sent  sur  un  terrain  brûlant.  Jamais,  dil-il  (page 
131),  il  ne  s'était  occupé  de  la  politique  au  point  de  vue  des  affaires; 
mais  son  instinct  le  portait  à  y  prendre  intérêt  lorsqu'il  s'y  mêlait 
quelque  élément  révolutionnaire,  c'est-à-dire  (je  Iraduis  ses  paroles), 
lorsqu'il  voyait  la  révolte  du  sentiment  humain  contre  les  institutions 
politico-juridiques  de  la  société  moderne.  11  ne  faut  pas  oublier,  pour 
comprendre  le  parti  qu'il  prit  dans  la  crise  européenne  de  cette  époque, 
que  son  génie,  suivant  ses  expressions,  n'est  autre  chose  que  le  mécon- 
tentement de  ce  qui  existe.  Tout,  en  effet,  est  l'objet  de  sa  censure.La  reli- 
gion, l'État,  la  cour,  labourgeoisie,  les  institutions  sociales,  les  traditions, 
les  mœurs,  le  droit,  l'administration  de  la  justice,  les  formes  de  l'art,  le 
goût,  et  jusqu'à  Dieu  lui-même,  rien  n'y  échappe.  Je  ferai  voir,  dans 
un  autre  article,  par  des  citations  textuelles,  ce  que  la  personnalité  de 
M.  Wagner  a  de  caractéristique  à  cet  égard.  Dans  ces  dispositions,  il 
est  facile  d'imaginer  ce  qui  se  passa  en  lui  lorsque  cette  révolte,  pour 
laquelle  il  avait  tant  de  sympathie  ,  éclata  sur  une  grande  partie  du 
continent  européen,  et  particulièrement  dans  sa  patrie.  Il  nous  apprend 
qu'avant  cetle  explosion,  il  était  préoccupé  du  projet  de  réformer  le 
goût  de  la  population  de  Dresde,  et  de  ramener  à  lui  celte  population 
par  une  organisation  nouvelle  du  Théâtre-Royal  et  par  de  nouveaux 
genres  de  spectacle.  Mais  il  n'avait  pas  l'espoir  de  réaliser  ses  vues 
aussi  longtemps  que  le  théâtre  subirait  l'influence  de  la  cour,  dont  la 
générosité  comblait  chaque  année  les  déficits.   Une  révolution  seule 

pouvait  rendre  possible  la  réalisation  de  ses  vues  :  elle  se  fit !  «  La 

»  réaction  et  la  révolution  se  placèrent  nues  en  face  l'une  de  l'autre, 
»  (dit  M.  Wagner)  :  alors  se  montra  la  nécessité  ou  de  retourner  à 
»  l'ancien  régime,  ou  de  rompre  absolument  avec  lui.  »  Cette  nécessité 
ne  parut  pas  d'abord  avoir  été  comprise  par  la  populace,  qui  obéissait 
à  ses  instincts  de  révolte  sans  plan  déterminé.  Plus  clairvoyant, 
M.  Wagner  descendit  dans  la  rue ,  et  la  révolution  fut  victorieuse. 
Toutefois,  son  triomphe  fut  de  courte  durée,  car  l'armée  prussienne 
ne  tarda  pas  à  venir  en  aide  à  la  cour  de  Saxe  ;  Dresde  fut  reconquise, 
et  M.  Wagner  s'en  éloigna  en  fugitif. 

Ainsi  se  trouvèrent  anéantis  en  un  instanl  le  bien-êlre  matériel  de 
l'artiste,  la  considération  que  lui  donnait  une  position  honorable,  les 
ressources  considérables  qu'il  y  trouvait  pour  l'exécution  de  ses  ouvra- 
ges, et  plus  que  tout  cela,  le  sentiment  de  la  dignité  morale.  Arrivé, 
non  sans  avoir  couru  de  dangers,  dans  cette  belle  vallée  de  la  Thuringe 
qu'il  avait  parcourue  avec  enthousiasme  sept  ans  auparavant,  M.  Wa- 
gner en  suivit  les  sinuosités ,  agile  de  sentiments  bien  différents.  Quel- 
ques jours  après,  il  franchissait  les  frontières  de  la  Suisse  dans  la  posi- 
tion de  réfugié  politique,  et  fixait  son  séjour  à  Zurich,  où  depuis  lors  il 
a  vécu  dans  la  retraite  et  la  méditation.  Pendant  les  années  1849  et 
1850  son  nom  ne  retentit  en  Allemagne  que  par  les  essais  tentés  par 
Liszt  pour  fixer  l'attention  publique  sur  des  œuvres  dont  la  valeur  était 
grande  à  ses  yeux  ;  mais  une  sorte  d'agitation  causée  par  les  représen- 
tations de  Weimar,  ayant  succédé  à  l'oubli  dans  lequel  l'artiste  était 
tombé  depuis  les  événements  de  1848,  M.  Wagner  a  jugé  le  mement 
favorable  et  vient  de  publier  les  livres  dont  j'ai  parlé.  L'apparition  de 
ces  livres  a  produit  une  assez  vive  sensation  qui  se  manifeste  en  ce  mo- 
ment par  des  sentiments  opposés  dont  la  signification  sera  appréciée 
dans  la  suite  de  ces  articles. 

{La  suite  au  prochain  numéro.) 

FÉTIS  père. 


196 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


SOCIÉTÉ  LIBRE  DES  BEAUX-ARTS. 

MATINÉES  DE  M.  GOCFFÉ. 

EXPÉRIENCES  D'EXTASE  ET  D'INSENSIBILITÉ. 

Paris  se  donne  tout  entier  aux  institutions  philanthropiques  et  artisti- 
ques :  c'est  ce  qu'il  peut  faire  de  mieux  en  ce  moment.  Parmi  la  foule 
des  sociélés  de  ce  genre,  d'académies  au  petit  pied  que  renferme  notre 
capitale,  on  peut  citer  la  Société  libre  des  beaux-arts,  qui,  semblable  à 
une  honnête  fille,  fait  peu  parler  d'elle,  comme  disait  Voltaire  à  propos 
de  l'académie  de  Marseille  ;  et  cependant  la  Société  libre  des  beaux- 
arts  est  dans  sa  dix-huitième  année,  âge  heureux  pour  le  sexe  féminin, 
qui  connaît  alors  le  bonheur  et  peut  le  donner. 

La  Scciétê  libre  des  beaux-arts  fait  aussi  des  heureux  en  distribuant 
ses  faveurs,  qui  consistent  en  médailles  d'argent  et  de  bronze;  elle 
offre  même  à  ses  auditeurs  d'agréables  concerts  qui  ne  forment  pas  le 
revers  de  leurs  médailles.  D'abord  M.  Chaudet,  architecte,  a  obtenu 
une  médaille  d'argent  pour  la  restitution  des  propylées  d'Athènes; 
MM.  Pierrat  et  Tachet,  la  même  faveur,  le  premier,  pour  ses  réparations 
des  émaux  de  Limoges  et  des  faïences  de  Bernard  Palissy,  et  le  second 
pour  ses  panneaux  à  peindre;  ensuite  Mme  Elisa  Mantois  a  pu  entendre 
aussi  proclamer  son  nom  pour  sa  préparation  du  blanc  de  zinc  ;M.  Du- 
riri,  pour  son  inventionde  l'eau  fixative,  dite  fixateur  universel,  et'M.  Fi- 
chtemberg  pour  ses   crayons  et  pastels  de  mine   de  plomb;   enfin 
M.  Maillet  a  fait  connaître  à  l'auditoire,  qui  était  très-nombreux,  les 
travaux  de  la  Société  pendant  les  années  1848,  49,   50  et  51  ;  M.  de 
Sauclières  s'est  livré    à    un  examen  aigre-doux  dusalon   de  1852; 
M.   Vanderburch   nous   a  lu    des  vers  de  sa  façon  surla   peinture,  et 
M.    Delaire  ,  le  président,  une  fable  naïvement  épigrammaiique.  C'est 
alors  que  la  Société  libre  des  beaux-arts  a  fait  entrer  son  public  à 
pleines  voiles  dans  l'océan  musical,  et  le  premier  morceau  qui  lui  a 
été  soumis  est  un  trio  de  Mayseder  pour  piano,  violon  et  violoncelle, 
dit  par  Mlle  Hersilie  Rouy,  MM.  Adolphe  Blanc  et  Nathan.  Indépendam- 
ment des  faits  et  gestes  des  exécutants  qui  se  sont  fort  bien  acquittés  de 
leurs  fonctions  de  virtuoses,  on  a  remarqué  la  pantomime  gracieuse  d'un 
King-Charles,  vulgairement  appelé  un  épagneul,  appartenant  à  la  ré- 
citante, et  qui,  se  promenant  en  tout  sens  sur  l'estrade,  semblait  venir 
demander  par  ses  gentillesses  au  public,  pour  sa  maîtresse  et  ses  co- 
concertants,  des  applaudissements  qui  ne  leur  ont  pas  fait  défaut,   Ce 
petit  épisode,  qui  a  pour  ainsi  dire  fait  un  quatuor  du  trio  de  Mayseder, 
n'a  pas  été  le  moins  amusant  de  cette  jolie  matinée  musicale. 

Mlle  Révilly,  de  l'Opéra-Comique,  a  chanté  l'air  de  la  Muette  et  plu- 
sieurs autres  choses  de  brillante  vocalisation  en  véritable  canlairice  de 
concert  à  qui  il  a  été  permis  de  rêver  naguère  de  monter  sur  une  plus 
grande  scène  lyrique  que  celle  qu'elle  devait  quitter,  mais  où  elle  reste^ 
et  où  le  public  continuera  de  la  voir  avec  plaisir  et  de  l'applaudir  ;  elle 
a  lutté  de  traits  audacieux  contre  l'instrument  que  Cherubini  n'aimait 
guère,  comme  on  sait,  et  dont  M.  Conninx  joue  fort  bien.  Mlle  Elise 
Lucas  est  aussi  une  charmante  cantatrice  de  concerts,  et  elle  l'a  prouvé 
de  nouveau  dans  le  duo  du  Maître  de  chapelle  qu'elle  a  dit  avec 
M.  Beauce,  qui  n'a  pas  tout-à-fait  autant  de  voix  que  d'aplomb  ,  mais 
qui  chante  cependant  avec  une  sorte  d'intelligence  dramatique. 

Mlle  Chassant,  pianiste  au  jeu  classique,  net,  fin,  délicat,  et  par  cela 
même  un  peu  trop  chaste,  a  été  justement  applaudie  en  laissant  désirer 
un  peu  plus  de  laisser  aller  et  de  chaleur  artistique. 

Une  fantaisie  pour  flûte  et  piano  a  été  dite  par  Mlle  Hellenie  Bernard 
et  M.  Conninx.  Mlle  Bernard  est  une  toute  jeune  personne  qui  a  montré 
de  la  verve  et  du  brio  en  disant  cette  fantaisie  dans  laquelle,  si  le  mor- 
ceau avait  été  bissé,  elle  aurait  pu  remplir  1  un  ou  l'autre  rôle;  car,  bien 
qu'on  hésite  un  peu  pour  dire  de  ces  choses-là,  Mlle  Hellenie  Bernard, 
si  elle  est  déjà  habile  pianiste,  est  aussi  bonne....  flûtiste!  Que  voulez- 
vous?  Le  caprice  est  un  domaine  dans  lequel  les  jolies  femmes  aiment 
à  se  promener  ;  et  sous  ce  point  de  vue ,  il  est  permis  à  Mlle  Héllénie 
Bernard  d'être  capricieuse. 

Le  contre-bassiste  Gouffé  et  ses  adhérents,  fidèles  à  leur  culte, 


continuent  la  mission  qu'ils  se  sont  donnée,  de  propager  la  foi  musicale 
en  toute  saison.  Pour  eux 

L'été  n'a  point  de  feux ,  l'hiver  n'a  point  de  glace. 

Haydn,  Mozart  et  Beethoven  sont  toujours  là  sur  le  pupitre.  Un  des  plus 
beaux  morceaux  qu'ait  écrits  ce  dernier,  le  trio  en  ut  mineur  pour  violon , 
alto  et  violoncelle,  a  été  dit  mercredi  dernier  par  MM.Guerreau,Ney  et 
Lebouc.  Rien  de  large  et  de  grandiose  comme  cet  œuvre  ;  et  nous  le 
signalons  ici,  parce  que,  nous  ne  savons  pourquoi,  on  le  dit  rarement 
dans  nos  plus  intéressantes  séances  musicales.  En  louant  l'ensemble  , 
la  justesse,  le  profond  sentiment  musical  des  exécutants ,  nous  leur 
ferons  remarquer  qu'ils  en  prennent  les  mouvements  un  peu  trop  vite. 
Cela,  d'abord,  mesquinise  le  son  général  des  instruments  et  permet  à 
peine  de  saisir  les  beautés  harmoniques  de  cette  musique  si  serrée 
d'imitations,  et  de  ce  style  si  original  et  si  pittoresque.  Cette  musique 
n'a  pas  besoin  d'être  chauffée  ;  elle  recèle  en  elle  tout  ce  qu'il  y  a  de 
feu  sacré  dans  l'art. 

Et  comme  on  est  là  classique  et  progressiste,  on  y  a  dit  avec  plaisir 
et  entendu  de  même  un  fort  joli ,  nous  pouvons  même  dire  un  fort  bon 
quatuor  pour  deux  violons,  alto  et  basse,  de  M.  Gaslinel.  En  souvenir 
de  cette  noble  et  généreuse  pensée  de  Chateaubriand  ; — 11  est  temps  de 
quitter  la  critique  des  défauts  pour  l'analyse  des  beautés,—  nous  signa- 
lerons l'adagio  de  ce  quatuor  comme  satisfaisant  aux  exigences  de  l'é- 
poque où  nous  sommes,  c'est-à-dire  réunissant  l'unité  de  la  pensée,  la 
logique,  le  travail  de  l'idée  primitive  avec  le  caprice  et  l'idéalité  diver- 
gente comme  épisodes.  C'est  ainsi  que  nous  comprenons  le  romantisme 
intervenant  dans  l'art  sans  tout  briser  et  renverser. 

—  La  musique  fait  tellement  partie  de  l'organisme  humain,  que  le 
magnétisme  l'emploie  maintenant  comme  un  de  ses  plus  puissants  auxi- 
liaires. Le  planisme  et  le  magnétisme  se  donnent  la  main.  Il  n'en  est 
pas  de  même  des  magnétiseurs  eux-mêmes,  peu  d'accord  sur  le  fluide 
et  la  volonté  de  celui  qui  le  donne.  C'est,  du  reste,  la  question  qu: 
partage  toujours  les  hommes  dans  l'ordre  social ,  et  qui  se  résume  par 
ce  mot  de  Voltaire,  qu'il  faut  être  enclume  ou  marteau  dans  ce  monde. 
Malheur  à  ceux  qui  ne  veulent  être  ni  l'un  ni  l'autre,  ou  qui  veulent 
régulariser  par  la  philosophie  et  la  raison.  Mais,  pour  en  revenir  à  la 
question  magnétique  et  musicale,  nous  avons  assisté  à  une  séance  dans 
laquelle  il  s'est  fait  de  curieuses  expériences  d'extase  et  d'insensibilité 
par  la  musique  et  la  catalepsie.  Bien  de  plus  extraordinaire  à  voir  que 
Mme  Poindrel  plongée  dans  un  état  de  mort  par  suite  de  cette  catalep- 
sie, en  sortir  au  moyen  du  fluide  magnétique  et  musical ,  celui-ci  plus 
puissant  que  tous  les  autres,  se  tordre  comme  un  fakir,  ou  prendre  les 
attitudes  voluptueuses  d'une  aimée  ou  d'une  bayadère,  s'identifier  à 
vous,  et  répéter  instantanément ,  comme  un  écho,  tous  les  mots  que 
vous  lui  dites,  en  quelque  langue  que  ce  soit.  Ces  choses,  et  d'autres 
bien  plus  incroyables  encore,  ne  sont  point  dans  la  catégorie  des  fables, 
quoique  la  personne  qui  vous  initie  à  ces  étonnants  mystères  porte  le 

nom  de  Lafontaine. 

Henri  BLANCHARD. 


UN  TRAIT  DE  KARTI9I 

(IL  TEDESCO.) 

Savez-vous  pourquoi  je  cède  à  l'envie  de  vous  parler  aujourd'hui  de 
ce  compositeur  qui  a  brillé  d'un  certain  éclatdans  la  musique  française? 

Vous  croyez  peut-être  que  c'est  parce  qu'il  portait  un  nom  italien 
quoiqu'il  fût  né  en  Allemagne,  tout  au  rebours  du  célèbre  violoniste 
Jarnowick,  qui  s'appelait  originairement  Giornovichi,  et  qui  avait  vu 
le  jour  en  Sicile? 

Ou  bien  vous  vous  imaginez  que  ce  qui  me  frappe  en  lui,  c'est  l'a- 
vantage d'avoir  appartenu  à  deux  siècles,  d'avoir  vécu  plus  qu'un  âge 
d'artiste,  moitié  compositeur,  moitié  professeur,  et  enfin  d'avoir  con- 
servé sa  force  productive  jusqu'au  dernier  des  quelques  mois  et  des 
quelques  jours  qui  suivirent  ses  soixante-quinze  ans? 

Vous  supposez  peut-être  que  le  hasard  m'a  fait  retrouver  quelque  mor- 
ceau de  sa  musique  militaire,  qui  précéda  sa  musique  dramatique,  ou  bien 


DE  PARIS. 


197 


encore  que  j'ai  relu  quelqu'une  de  ses  partitions,  celle  de  l'Amoureux  de 
quinze  ans,  par  exemple,  qui  fut  son  heureux  début  en  1771,  ou  celle 
de  Sap/io,  qui  ne  réussit  pas  moins  en  1704,  et  fut  jouée  plus  de  cent 
fois? 

Non,  ce  n'est  rien  de  tout  cela  qui  réveille  en  moi  son  souvenir.  Je 
ne  lui  tiens  compte  ni  de  ses  fanfares  guerrières,  ni  de  ses  romances 
sentimentales,  ni  de  sa  Mélopée  moderne,  ni  de  son  Ecole  d'orgue,  ni 
de  son  Traité  d'harmonie,  ni  de  son  ouverture  de  la  Bataille  d'Ivnj, 
si  longtemps  populaire,  ni  de  sa  messe  deRcquiem,  composée,  en  1816, 
pour  l'anniversaire  du  21  janvier,  et  qui  lui  valut  le  grand  cordon  de 
Saint-Michel.  Hélas!  c'était  le  dernier  effort  du  vieil  artiste  !  La  f:imil!e 
royale  avait  trouvé  la  messe  admirable  :  Martini  aussi  fut  de  cet  avis, 
et,  sentant  sa  mort  prochaine,  il  pria  les  musiciens  d'exécuter  cette 
messe  sur  sa  tombe,  aussi  bien  qu'ils  venaient  de  le  faire  sur  celle  des 
défuntes  majestés.  Martini  ne  se  trompait  pas  :  à  quelques  jours  de  là, 
le  10  février,  il  avait  cessé  de  vivre,  comblé  d'honneurs,  enseveli  dans 
son  triomphe,  c'est-à-dire  dans  son  Requiem,  comme  Mozart  dans  le 
sien  ;  mais  Mozart  n'avait  que  trente-six  ans,  et  les  honneurs,  les 
places,  la  fortune,  ne  lui  étaient  arrivés  qu'à  son  lit  de  mort  ! 

Non,  encore  une  fois  ,  toutes  ces  choses  ne  me  paraissent  valoir  la 
peine  d'être  relevées  que  dans  l'ordre  et  la  marche  d'une  biographie 
exacte  et  consciencieuse,  qui  sait  tout  ce  qu'elle  doit  savoir  et  enregis- 
tre tout  ce  qu'elle  doit  enregistrer.  Ce  n'est  donc  ni  la  fin  ni  le  milieu 
de  la  carrière  du  compositeur  qui  m'intéresse  plus  que  celle  de  tout 
autre;  mais  c'est  le  trait  de  poésie  qui  en  marqua  le  commencement. 
Jamais  Martini  ne  se  montra  plus  original,  plus  hardi,  plus  inspiré,  en 
un  mot ,  plus  artiste  ,  qu'à  la  première  étape  de  son  voyage  dans  le 
monde  de  l'art. 

Martini  (Jean-Paul-Egide)  était  né  à  Freistadt  dans  le  haut  Palatinat. 
De  son  nom  véritable  et  patrimonial  ,  il  s'appelait  Schwarts'endorf ; 
cela  suffit  pour  l'excuser  d'en  avoir  pris  un  autre.  Ce  qui  n'est  trop 
souvent  qu'une  faiblesse  était  pour  lui  une  nécessité.  Dès  son  enfance, 
il  apprit  le  latin  et  la  musique.  Comme  musicien,  ses  dispositions  fu- 
rent assez  décidées,  ses  progrès  assez  rapides  pour  qu'à  l'âge  de  dix 
ans ,  il  fût  employé  comme  organiste  au  séminaire  des  Jésuites  de 
Neubourg  sur  le  Danube,  où  il  achevait  ses  études.  Sept  ans  après,  en 
1758,  il  s'en  alla  étudier  la  philosophie,  non  pas  à  l'université  d'Ox- 
ford, mais  à  celle  de  Fribourg  en  Brisgaw.  Tant  qu'il  séjourna  en  cette 
ville,  il  continua  son  métier  d'organiste  au  couvent  des  Franciscains  ; 
ensuite  il  reprit  le  chemin  de  sa  ville  natale  et  rentra  sous  le  toit  pa- 
ternel. Des  désagréments  et  des  chagrins  l'y  attendaient.  Son  père 
s'était  remarié  :  une  belle-mère  commençait  son  règne ,  et  quelque 
provision  de  philosophie  qu'il  eût  pu  faire,  il  ne  s'en  trouva  pas  assez 
muni  pour  se  résigner  aux  inconvéniens  du  nouvel  état  de  choses.  Il 
résolut  de  voyager,  de  chercher  à  vivre  par  et  pour  la  musique.  Il  s'en 
retourna  donc  à  Fribourg,  sans  avoir  aucune  idée  du  chemin  qu'il  pren- 
drait en  quittant  cette  cité. 

En  effet,  là  était  la  question.  Prendrait-il  à  droite?  Prendrait-il  à 
gauche?  De  ce  côté  était  la  France,  de  l'autre  côté  était  l'Italie.  Que 
décider  ?  Que  choisir  ?  Le  jeune  homme  s'abîmait  dans  ses  réflexions, 
et  il  avait  beau  réfléchir  ,  rien  de  décisif  n'apparaissait  à  son  esprit. 
Que  savait-il  de  l'Italie?  Que  savait-il  de  la  France?  Comment  compa- 
rer ce  qu'on  n'a  jamais  vu  que  dans  des  rêves  plus  ou  moins  vagues? 
Ennuyé  de  flotter  dans  le  doute,  il  monta  sur  un  clocher. 

Le  voyez-vous  d'ici,  ce  jeune  et  pauvre  artiste,  encore  moins  artiste 
qu'écolier,  incertain  de  sa  destinée,  cherchant  le  moyen  de  lire  dans 
l'avenir,  ou  plutôt  non,  cherchant  tout  simplement  une  raison  de  se 
déterminer  à  quelque  chose,  et  la  demandant  au  hasard,  puisque  toute 
sa  sagesse  naturelle  et  acquise  ne  la  lui  fournissait  pas? 

Il  monta  donc  sur  un  clocher,  et  sur  ce  clocher  que  fit-il? 

Que  fit  Jean-Jacques  Rousseau,  lorsqu'en  proie  aux  terreurs  de  l'en- 
fer, doutant  de  son  salut,  effrayé  de  la  damnation  éternelle,  il  s'en 
remit  à  une  espèce  de  pronostic  du  soin  de  l'éclairer  sur  le  terrible  oui 
ou  non.  Vous  vous  rappelez  qu'il  était  en  train  de  lancer  machinale- 


ment des  pierres  contre  des  troncs  d'arbre,  et  que  tout  à  coup  il  se  dit  : 
«  Je  m'en  vais  jeter  une  pierre  contre  l'arbre  qui  est  vis-à-vis  de  moi. 
»  Si  je  le  touche,  signe  desilut;  si  je  le  manque,  signe  de  damnation.» 
Disant  cela,  il  choisit  l'arbre  le  plus  gros,  jeta  sa  pierre  d'une  main 
tremblante,  et,  comme  d'ailleurs  il  était  fort  près  de  l'arbre,  il  l'attei- 
gnit au  beau  milieu.  «  Depuis  lors,  ajoute-l-il  lui-même,  je  n'ai  plus 
douté  de  mon  salut.  » 

Martini  s'en  rapporta  de  même  à  une  sorte  d'oracle  institué  de  sa 
propre  autorité.  Il  se  dit  :  «Voici  une  plume  ;  je  vais  la  jeter  du  haut  de 
»  ce  clocher,  j'examinerai  sa  direction,  et  j'irai  du  côté  où  le  vent 
»  l'aura  poussée.  »  Le  fait  suivit  la  parole  ;  la  plume  lancée  au  vent  fut 
poussée  vers  la  porte  de  France,  et  le  jeune  homme  n'hésita  plus  à 
sortir  par  cette  porte,  le  cœur  rempli  de  confiance,  la  bourse  entiè- 
rement vide  d'argent. 

Eh  bien,  l'oracle  ne  fut  pas  trompeur  :  la  plume  jetée  au  vent  mit  la 
jeune  artiste  dans  la  bonne  route;  elle  le  conduisit  à  la  fortune  et 
aux  honneurs.  Que  serait-il  advenu,  de  lui  si  la  plume  eût  tourné  ses 
pas  vers  l'Italie?  Peut-être  aussi  bien,  mais  non  mieux,  puisque 
Martini  fut  tout  ce  qu'il  voulait  être,  obtint  tout  ce  qu'il  voulait  obtenir 
et  vécut  plus  longtemps  que  bien  des  artistes  ne  voudraient  vivre. 

Sorti  de  Fribourg,  il  s'achemina  vers  Nancy,  où  il  arriva  ne  possé- 
dant rien  au  monde,  pas  même  un  seul  mot  de  la  langue  du  pays  où  il 
venait  demander  asile.  Ce  fut  là  qu'il  changea  son  nom  et  se  servit, 
pour  gagner  son  premier  morceau  de  pain,  du  peu  de  connaissances 
qu'il  avait  dans  la  facture  des  orgues.  Il  y  apprit  le  français,  l'harmonie, 
le  contrepoint,  se  produisit,  à  l'aide  de  quelques  productions  légères,  à 
la  cour  du  roi  Stanislas,  et  se  maria.  Que  de  choses  dans  la  même  ville  ! 

De  Nancy,  Martini  se  rendit  à  Paris.  Le  jour  de  son  arrivée,  il  y  avait 
un  concours  pour  la  composition  d'une  marche  à  l'usage  du  régiment 
des  gardes-suisses.  Martini  en  composa  une,  et  remporta  le  prix  :  sa 
marche  fut  exécutée  à  la  parade  dans  la  cour  du  château  de  Versailles , 
et  le  duc  de  Choiseul  le  prit  sous  sa  protection.  La  plume  jetée  au 
vent  n'avait  donc  pas  eu  tort  ! 

Plus  de  trente  ans  après,  Martini  était  l'un  des  cinq  inspecteurs  du 
Conservatoire  de  musique.  M.  Fétis  étudiait  alors  l'harmonie  sous  la 
direction  de  Rey.  «  Martini  vint  inspecter  sa  classe,  dit  M.  Fétis,  et 
»  corrigea  une  leçon  que  je  lui  présentai.  Je  lui  fis  remarquer  que  la 
»  correction  n'était  pas  bonne,  parce  qu'elle  donnait  lieu  à  une  suc- 
»  cession  de  quintes  directes  entre  l'alto  ej  le  second  violon.  —  Dans 
»  le  cas  dont  il  s'agit,  on  peut  faire  des  quintes  consécutives,  dit-il. 
»  —  Pourquoi  sont-elles  permises  ?  —  Je  vous  dis  que  dans  ce  cas  on 
»  peut  les  faire.  — Je  vous  crois,  Monsieur;  mais  je  désire  savoir  le 
»  motif  de  cette  exception.  —  Vous  êtes  bien  curieux  !  » 

A  ce  mot,  toute  la  classe  et  le  grave  professeur  lui-même  partirent 
d'un  éclat  de  rire.  Martini  en  garda  rancune,  et  chaque  fois  qu'il  ren- 
contrait l'élève,  il  lui  lançait  un  regard  plein  de  courroux.  «  Au  sur- 
»  plus,  ajoute  M.  Fétis,  il  eût  été  difficile  de  deviner,  à  la  brusquerie 
»  à  la  dureté  de  ses  manières  et  au  despotisme  qu'il  affectait  avec  ses 
»  subordonnés,  l'auteur  d'une  multitude  de  mélodies  empreintes  de  la 
»  plus  douce  sensibilité.  » 

Martini,  longtemps  connu  des  musiciens  sous  le  nom  de  Martini  il 
Tedeseo,  fut  donc  un  homme  plus  heureux  qu'aimable  :  on  a  presque 
oublié  ses  œuvres,  mais  on  n'oubliera  pas  qu'il  eut  un  jour  de  haute 
poésie  et  qu'il  jeta  la  plume  au  vent  !  Pourquoi  ne  suivrait-on  pas  son 
exemple? 

Paul  SMITH. 

CORRESPONDANCE. 

Bruxelles,  2  juin  1852. 
Du  temps  où  l'on  avait  du  respect  pour  les  traditions,  un  concert  était 
une  succession  de  morceaux  de  chant  et  d'instruments.  On  ne  se  serait 
pas  avisé  de  composer  autrement  un  programme.  Ce  temps  n'est  plus;  les 
traditions  sont  ce  qu'on  respecte  le  moins  au  monde.  Il  suffit  même  qu'une 
chose  ait  été  consacrée  par  un  long  usage  pour  qu'on  n'en  veuille  plus 


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REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


ou  du  moins  pour  qu'on  s'efforce  de  la  modifier.  Un  concert,  aujourd'hui, 
se  compose  d'éléments  très-divers  et  parfois  même  étrangers  à  l'art  mu- 
sical. On  y  joue  des  comédies,  des  proverbes;  bientôt  on  y  donnera  des 
séances  de  magnétisme  et  de  prestidigitation.  Il  n'y  a  pas  jusqu'à  leur 
titre  qu'on  n'ait  changé.  Un  concert  s'appelle  une  audition  musicale. 
C'est  à  Paris  que  ces  innovations  ont  été  imaginées.  Partoui  on  les  imite  ; 
les  mauvais  plaisants  diront  que  Bruxelles  ne  pouvait  pas  plus  en  cette 
circonstance  que  dans  d'autres  demeurer  en  reste  de  contrefaçon.  11  est 
de  fait  que  nous  venons  d'avoir  une  audition  musicale. 

Le  mot  et  la  chose  étaient  aussi  nouveaux  l'un  que  l'autre.  Vaudition 
se  composait  de  fragments  d'un  opéra  de  Judith,  œuvre  de  M.  Laroche  , 
élève  du  Conservatoire  de  Paris ,  si  je  suis  bien  renseigné.  M.  Laroche  , 
après  avoir  écrit  sa  partition,  éprouvait,  pour  la  faire  exécuter,  les  diffi- 
cullés  qui  s'opposent  d'ordinaire  au  début  des  jeunes  musiciens.  Aucun  des 
théâtres  lyriques  de  Paris  ne  se  souciait  de  faire  les  frais  de  la  mise  en 
scène  d'un  opéra  présenté  sous  les  auspices  d'un  nom  obscur,  surtout  d'un 
opéra  biblique.  Il  prit  le  chemin  de  la  Belgique  avec  son  manuscrit.  S'il 
se  fût  obstiné  à  vouloir  jouir  des  honneurs  de  la  représentation,  il  n'eût 
pas  eu  plus  de  succès  à  Bruxelles  qu'à  Paris,  car  notre  théâtre  d'opéra 
chômera  cette  année  durant  toute  la  belle  saison.  Il  ne  s'est  pas  montré 
si  difficile.  L'ne  simple  audition  lui  a  suffi.  Seulement,  comme  on  ne  peut 
pas  exécuter  un  drame  lyrique  tout  entier  dans  Un  concert,  il  a  fait  choix 
de  plusieurs  fragments,  ceux  sur  l'effet  desquels  il  fondait  sans  doute  le 
plus  d'espoir. 

M.  Laroche  affectionne  les  formules  italiennes.  11  n'y  a  pas  de  mal  à 
cela.  Il  n'y  a  de  mal  qu'à  s'être  persuadé  qu'on  pouvait,  en  écrivant  pour 
la  scène  française,  adapter  ces  formules  à  un  texte  biblique.  M.  Laroche 
a  été  plus  rossiniste  que  Rossini,  plus  donizettiste  que  Donizetti  ;  car  ces 
deux  maîtres  avaient  eux-mêmes  compris  la  nécessité  de  se  modifier  dans 
leurs  partitions  de  Guill  mm?  Teli  et  des  Martyrs.  Le  premier  défaut  de  la 
musique  de  Judith  consiste  dans  l'absence  des  idées  originales  ;  le  second, 
dans  un  manque  absolu  de  couleur  locale.  Je  ne  voudrais  point  par  ces 
critiques  décourager  un  jeune  artiste  au  début  de  sa  carrière;  mais  ne  se- 
rait-ce pas  lui  rendre  un  plus  mauvais  service  que  de  ne  pas  l'éclairer  sur 
ses  défauts?  Les  auteurs  n'ont  que  trop  d'amis  complaisants.  M.  Laroche 
sait  tout  ce  qu'il  faut  savoir  pour  composer  matériellement  unjbon  opéra. 
Il  ne  s'agit  pour  lui  que  de  donner  une  meilleure  direction  à  ses  idées. 

Vous  avez  annoncé,  il  y  a  un  an,  que  M.  Géraldy  avait  donné  sa  dé- 
mission de  professeur  au  Conservatoire  de  Bruxelles,  ne  voulant  pas  s'en- 
gager, ainsi  que  le  voulait  notre  ministre  de  l'intérieur ,  à  établir  d'une 
manière  fixe  sa  résidence  en  Belgique.  D'un  autre  côté,  vos  lecteurs  ont 
appris  récemment  que  cet  artiste  venait  de  renouveler  son  engagement 
comme  professeur  au  Conservatoire  de  Liège.  Le  rapprochement  de  ces 
deux  décisions  émanant  de  la  même  autorité  ne  causera  sans  doute  pas 
moins  de  surprise  à  Paris  qu'à  Bruxelles.  Ici  l'on  regrette  qu'on  n'ait  pas 
continué  à  faire  profiter  concurremment  les  deuj  établissements  du  sé- 
jour momentané  de  M.  Gérakly  en  Belgique.  Quoi  qu'il  en  soit, 'l'habile 
maître  a  été  remplacé  au  Conservatoire  de  Bruxelles  par  deux  de  ses 
élèves,  déjà  chargés  de  faire  l'intérim  de  sa  classe  durant  ses  absences 
périodiques.  On  ne  sait  encore  si  cette  organisation  sera  définitive.  Peut- 
être,  s'il  se  présentait  quelque  grande  illustration  vocale  qui  voulût  s'é- 
tablir dans  not'r.3  pays,  se  déciderait-on  à  créer  en  sa  faveur  une  classe 
supérieure  de  chant  ou  de  déclamation  lyrique.  Ce  n'est  là  qu'une  éven- 
tualité très-éloignée,  mais  que  déjà  plusieurs  postulants  ont  entrepris 
d'exploiter.  Parmi  les  candidats  à  la  place  qui  n'existe  pas,  on  cite  un 
virtuose  féminin  que  vous  connaissez,  Mme  Duflot- Maillard.  Ainsi  s'ex- 
plique le  séjour  prolongé  à  Bruxelles  de  cette  prima  donna  in  purlibu', 
qui  a  passé  ici  plusieurs  mois  sans  autre  but  apparent  que  de  se  faire  en- 
tendre dans  quelques  concerts  philanthropiques. 

Le  Journal  de  Constanlinople  annonce  que  Servais  a  été  présenté  der- 
nièrement au  sultan  par  le  chargé  d'affaires  de  Belgique.  Servais  venait  de 
Bucharest  où  il  s'était  arrêté  après  avoir  parcouru  une  partie  des  pro- 
vinces méridionales  de  la  Hussie.  J'ai  eu  sous  les  yeux  une  lettre  de  ce 
célèbre  artiste,  où  il  rend  compte  des  incidents  de  ses  dernières  péri- 
grinations  musicales  de  manière  à  tenter  ceux  des  donneurs  de  concerts 
auquels  l'Europe  dite  civilisée  n'offre  plus  guère  de  ressources.  Parlez- 
moi  de  ces  pays  primitifs  où  l'on  est  encore  tout  neuf  aux  impressions 
sur  lesquelles  nous  avons  le  malheur  d'être  blasés.  Servais  vient  de  faire 
une"  ample  moisson  de  roubles  et  de  couronnes.  Arrivait-il  dans  un 
chef-lieu  de  province,  le  représentant  de  l'autorité  l'accueillait  magnifi- 
fiquement  au  nom  de  l'empereur;  les  nobles  de  la  ville  mettaient  gratuite- 
ment à  sa  disposition  leur  salle,  leur  redoute  tout  éclairée,  et  souscrivaient 
pour  un  nombre  considérable  de  billets  au  concert  qu'il  était  prié  de  don- 
ner. Ce  concert  annoncé,  les  propriétaires  des  châteaux  voisins  (et  le 
voisinage  s'étend  à  une  grande  distance  grâce  à  des  moyens  de  commu- 
nication au  moins  aussi  expéditifs  que  celles  des  voies  ferrées)  faisaient 
atteler  leur  traîneau  et  accouraient  de  toute  la  vitesse  des  bouillants  cour- 


siers de  l'Ukraine.  Servais  était  comblé  d'applaudissements,  d'honneurs 
et  de  présents.  A  J;issy  (en  Moldavie),  il  reçut  du  grand  logothète  Con- 
stantin Stourza,  représentant  les  beaux-arts,  un  vase  en  or  enrichi  de 
pierres  précieuses  ;  et  de  l'hospodar  de  Valachie,  une  tabatière  du  plus 
beau  travail  oriental,  vrai  chef-d'œuvre  d'orfèvrerie.  A  Kircheneff,  ca- 
pitale de  la  Bessarabie,  de  nouveaux  triomphes  et  de  nouvelles  marques 
de  la  munificence  russe  l'attendaient.  A  Buchaest,  après  plusieurs  bril- 
lants concerts,  on  parlait  sérieusement  de  le  retenir  de  gré  ou  de  force, 
quitte  à  exposer  l'empereur  aux  réclamations  de  la  Belgique.  Il  obtint  en- 
fin de  pouvoir  s'éloigner,  avec  promesse  de  -retour,  et  s'embarqua  pour 
Constantinople.  Quand  il  aura  joué  pour  le  grand-turc,  il  retournera  à 
Saint-Pétersbourg  par  Odessa,  Pultawa,  les  Steppes,  Kunkaff,  Orell,  Toula 
et  Moscou;  puis  il  reprendra  le  chemin  de  la  Belgique,  où  l'attendent  ses 
élèves,  l'archet  à  la  main. 

Servais  rapporte  toute  une  collection  d'airs  moldaves  et  valaques  char- 
mants, dit-il,  quand  ils  sont  joués  par  les  lanlars,  orchestre  composé  de 
quatre  violons,  une  flûte  de  Pan,  un  luth  et  une  mandoline.  Son  intention 
paraît  être  de  faire  entendre  à  nos  dilettantes,  dans  leur  forme  originale 
et  avec  les  instruments  du  pays,  ces  airs,  dont  le  caractère  diffère  essen- 
tiellement de  ceux  des  autres  provinces  russes.  Ce  sera  une  diversion  aux 
fantaisies  obligées  de  nos  concerts. 

Le  Conservatoire  de  Bruxelles  vient  de  perdre  son  professeur  de  piano, 
M.  Michelot,  exécutant  médiocre,  mais  maître  intelligent  et  soigneux.  Le 
ministre  est  assailli  des  pétitions  de  ceux  qui  ont  la  prétention  de  recueil- 
lir son  héritage.  Les  pianistes  ne  sont  ni  moins  nombreux,  ni  moins  en- 
treprenants en  Belgique  qu'ailleurs;  malheureusement,' ils  y  sont  moins 
habiles.  Nous  brillons  sur  l'archet,  sur  l'embouchure,  mais  non  sur  le 
clavier,  du  côté  masculin  bien  entendu,  car  Mme  Pleyel  est  une  éclatante 
exception  qu'il  est  superflu  de  signaler.  Une  chose  désirable,  c'est  que 
l'autorité  ne  se  presse  pas  de  nommer  à  la  place  vacante.;  c'est  que,  écar- 
tant la  considération  étroite  de  la  nationalité,  elle  fasse  venir  de  l'étran- 
ger un  virtuose  capable  de  fonder  à  Bruxelles  une  belle  école  de  piano 
pour  les  hommes,  de  même  que  Mme  Pleyel  en  a  créé  une  pour  les  femmes. 
Il  y  a  quelques  années,  Liszt  parlait  de  la  possibilité  d'accepter  une  telle 
mission  II  aurait  passé  pour  cela  chaque  année  plusieurs  mois  en  Bel- 
gique; mais  il  est  fixé  et  si  bien  fixé  à  Weimar  qu'il  ne  faut  plus  songer  à 
l'exécution  de  ce  beau  projet. 

Nous  avons  failli  avoir  ces  jours-ci  une  curieuse  séance  mi-partie  mu- 
sicale et  littéraire.  Mlle  de  la  Morlière,  cantatrice  qui  a  traversé  la  scène 
de  l'Opéra,  si  j'ai  bonne  mémoire,  avait  annoncé  une  audition  dans  la- 
quelle des  artistes  dramatiques  représenteraient  une  comédie  inédite 
d'Alexandre  Dumas.  Cette  séance,  qui  excitait  un  assez  vif  intérêt,  fut 
remise  parce  que  les  acteurs  se  trouvaient  mal  à  l'aise  dans  une  salle  qui 
n'était  pas  disposée  pour  les  jeux  de  la  scène.  Elle  aura  lieu  prochaine- 
ment. On  assure  que  la  comédie  annoncée  est  en  effet  complètement  iné- 
dite. Alexandre  Dumas  l'aurait  improvisée  pour  Mlle  de  la  Morl;ère  dans 
l'intervalle  de  deux  chapitres  de  ses  mémoires,  j'aurais  dit  dans  un  mo- 
ment de  loisir  si  cet  auteur  infatigable  avait  des  loisirs.  Ce  sera  une  solen- 
nité tout  à  fait  digne  du  public  parisien.  Je  ne  manquerai  pas  d'en  faire 
connaître  le  résultat  aux  lecteurs  de  la  Gazelle  musical.  A.  Z. 


NOUVELLES. 

%*  Demain  lundi,  à  l'Opéra,  les  Hugwnots ,  pour  la  rentrée  de  Guey- 
mard,  qui  chantera  le  rôle  de  lîaoul  ;  Mlle  Poinsot  chantera  celui  de  Va 
lentine,  et  Mme  Laborde  celui  de  la  reine  Marguerite. 

%*  La  dix-neuvième  représentation  du  Juif-Errant  a  été  donnée  lundi, 
la  vingtième  mercredi  ,  toujours  avec  Chapuis  dans  le  rôle  de  Léon.  A  la 
dernière,  Mlle  Lagrua,  indisposée,  était  remplacée  par  Mlle  Marie  Dussy 
dans  le  rôle  d'Irène.  La  jeune  artiste  a  fait  preuve,  de  beaucoup  de  talent 
dès  cette  première  épreuve.  Mme  Tedesco  est  toujours  admirable  de 
voix,  de  méthode,  et  produit  toujours  un  immense  effet  dans  le  beau  rôle 
de  Théodora.  Il  faut  en  dire  autant  de  Massol  dans  celui  d'Ashvérus. 
Mercredi  ou  vendredi  prochain,  le  Jaif-Errant  reparaîtra  pour  la  vingt  et 
unième  fois  sur  la  scène. 

*•„*  Vendredi,  le  Freis'çtiutz  et  Vert-Vert  composaient  le  spectacle. 
Mlle  Poinsot  a  fort  bien  chanté  le  rôle  d'Agathe  dans  le  chef-d'œuvre  de 
Weber.  C'est  Mlle  Nau  qui  remplissait  celui  d'Annette. 

%*  On  annonce  pour  l'année  prochaine  un  grand  ouvrage,  dont  les 
paroles  seront  de  MM.  Maquet  et  Jules  Barbier,  la  musique  de  M.  Nieder- 
meyer. 

%*  lloger  est  arrivé  à  Bsrlin,  le  3  juin.  Lundi  dernier,  il  a  dû  chanter 
dans  un  concert  donné  dans  les  appartements  de  LL.  MM.,  sous  la  direc- 
tion de  Meyerbeer. 

%*  Nous  recevons  la  lettre  suivante  ,  et  nous  nous  empressons  de  la 
communiquer  à  nos  lecteurs  :  Smttgard,  9  mai.  —  «  Permettez-moi  de 
vous  transmettre  en  quelques  mots  la  nouvelle  des  triomphes  que  Roger 
vient  d'obtenir  ici  :  premièrement,  dans  les  Huguenots,  et  après  dans  le 
Prophète.   Dès  la  première  représentation,  notre  public  avait  ratifié  la 


DE  l'AlilS. 


199 


grande  réputation  qui  le  précédai1!  et  contre  laquelle  Cependant  quelques 
esprits  méfiants  avaient  voulu  se  tenir  en  gardé.  Son  apparition  a  dissipé 
toutes  ces  dispositions,  auxquelles  un  enTJidiusîaswe  sans  bornes  a  fait 
place,  et  sLest  traduit  par 'des  applaudissements  frénétiques.  Salué  de  iprà- 
vos  a  clia(|ue  entrée  en  scène,  il  aéié  rappelé  à  deux  reprises  après  chaque 

acte.  Le  dut)  du  quatrième  acte  '1rs  Ihi^iinml*  a  produit  une  vivo  et.  pro- 
fonde impression  sur  le  public,  et  beaucoup  de  personnes  (,nl  été  émues 
jusqu'aux  larmes.  C'est  dans  le  Vioplute  surtout  qu'il  s'est  révélé  à  nos  yeux 

Yr ne  le  plus  grand  chanteur-ad '  que  nous  ayons.  Co  rôle,  qu'aucun 

de  nos  chanteurs  allemands  n'a  su  comprendre  jusqu'à  ce  jour,  reçoit  de 
Roger  la  plus  haute  signification,  .levons  traduis  ici,  en  peu  de  mots, 
les  sentiments  généralement  exprimés  par  notre  public  et  notre  presse 
locale.  Ce  que  je  veux  ajouter  encore,  c'est  l'étonnement  et  l'admiration 
que  Roger  a  produits  par  la  merveilleuse  et  si  pure  prononciation  de  la 
langue  allemande,  à  ce  point  que  personne  ne  voulait  croire  à  son  origine 
française.  On  est  d'accord  qu'il  la  chante  et  la  parle  mieux  que  nos  chan- 
teurs indigènes.  Roger  donnera  encore  deux  représentations,  dont  l'une 
sera  la  Dame  blanche,  qui  fera  salle  comble. comme  un  des  opéras  favoris 
de  notre  public.  Ce  qui  a  été  seulement  regrettable,  c'est  que  toute  la 
cour  soit  absente  depuis  plusieurs  semaines.  Le  prince  et  la  princesse 
royale,  qui  sont  partis  pour  se  réunir  à  l'impératrice  de  Russie,  ont  ce- 
pendant retardé  leur  départ  de  deux  jours  pour  entendre  Roger  dans  les 
Huguenote  »  ^-' 

%*  Le  Baiser  de  la  Vierge,  ouvrage  en  trois'actes,  sera  donné  bientôt  à 
l'Opéra-Comique.  Les  paroles  sont  de  MM.  Dennery  et  Lockroy,  la  musi- 
que de  M.  Maillart.  Les  principaux  rôles  seront  joués  par  Bussine,  Boulo, 
Couderc,  Jourdan  et  iMlle  Lefebvre.- 

%*  11  est  aussi  question  d'un  ouvrage  en  deux  actes,  dont  la  musique 
est  attribuée  à  M.  le  prince  de  la  Moskowa,  sans  préjudice  des  partitions 
de  MM.  Clapisson,  Reber,  etc. 

%*  L' 'Opéra  au  camp,  dont  la  musique  est  de  M.  Varney,  doit  faire  son 
apparition  sous  peu  de  jours. 

%*  Les  Porchet  ons  ont  été  joués  mercredi.  Boulo,  qui  prenait  pour  la 
première  fois  le  rôle  créé  par  Mocker,  s'en  est  acquitté  avec  talent. 

V*  Audran  va  partir  prochainement  pour  Marseille,  où  l'appelle  un 
brillant  engagement. 

%*  Jefiny  Lind,  aujourd'hui  Mme  Otto  Coldschmidt,  est  arrivée  mer- 
credi dernier  à  Liverpool  avec  son  mari.  Elle  a  été  très-souffrante  pen- 
dant la  plus  grande  partie  de  la  trav  ersée.  Le  bâtiment  qui  l'a  ramenée 
en  Angleterre  est  le  même  qui  l'avait  conduite  en  Amérique.  C'est  l'At- 
lantique, capitaine  West. 

*t*  La  nouvelle  du  mariage  de  Fanny  Klssler  avec  le  docteur  I-Iahn  , 
annoncée  par  les  journaux  allemands,  est  démentie. 

*,*  Le  Courritr  des  Etats- dus,  du  lli  mai,  annonçait  que  Lola-Montès 
terminait  le  soir  même  sa  carrière  chorégraphique,  et  que,  le  lendemain, 
elle  devait  aborder  le  drame,  en  se  jouant  elle-même  dans  une  pièce 
écrite  exprès  par  un  de  ses  amis  :  Lola  Montés  ci  Bavière.    - 

%*  .11  suffit  d'annoncer  la  mise  en  vente  des  morceaux  composés  sur  les 
airs  de  danse  du  Juif  i  rranl ,  et  de  citer  les  noms  de  Musard,  Burgmuller, 
Pasdeloup,  Ettling,  pour  en  assurer  la  vogue.  Dans  tous  les  chefs-d'œuvre 
lyriques,  la  musique  de  danse  tient  une  place  importante,  et  le  Juif  errant 
ne  déroge  pas  à  la  règle.  11  n'y  a  pas,  en  ce  genre,  de  collection  plus  char- 
mante que  celle  des  Sept  airs  de  balut  et  de  la  Marche  triomphale,  qui 
paraîtra  demain. 

%*  Charles  Voss  vient  de  partir  pour  les  eaux  de  Tœplitz,  où  il  se 
propose  de  séjourner  deux  mois.  L'excellent  pianiste-compositeur  sera 
de  retour  à  Paris  au  mois  de  septembre  et  y  passera  l'hiver. 

%*  La  section  de  musique  de  l'Académie  des  beaux-arts  a  procédé  hier 
samedi  au  choix  des  six, concurrents  pour  le  grand  prix  de  composition 
musicale.  Voici  leurs  noms  dans  i'ordre  de  leur  admission  :  MM.  Saint- 
Saëns,  élève  de  MM.  Ilalévy,  Maleden  et  Benoist  ;  Portehaut,  élève  de 
MM.  Adam  et  Zimmerman;  Laffitte,  élève  de  M.  Carafa;  Léonce  Cohen, 
élève  de  M.  Leborne  ;  Galibert,  élève  de  MM.  Ilalévy  et  Bazin  ;  Poise,  élève 
de  MM.  Adolphe  Adam  et  Zimmerman. 

***  M.  Charles  Jacobi,  virtuose  sur  le  hautbois  et  avantageusement 
connu  par  ses  compositions  pour  cet  instrument,  vient  de  mourir  à  l'âge 
dé  près  de  64  ans,  à  Cobourg,  où  depuis  vingt  ans  il  remplissait  les 
fonctions  de  directeur  de  la  chapelle  ducale. 

CROMIQUE    BEP/lFiT^OTEttTALE. 

*■,,*■  Lyn,  6  juin.  —  Voici  en  quels  termes  un  journal  de  cette  ville,  le 
Saluf  pubhr,  parle  du  premier  concert  donné  le  3  juin,  au  Cercle  musical, 
par  Léopold  de  Meyer  :  «  Le  proverbe,  Menteur  tomme  un  programme,  en 
a  menti  par  la  gorge;  certaine  affiche  rose  avait  promis  un  beau  concert, 
et  l'affiche  a  tenu  parole.  Cependant  puisqu'il  faut  accuser  quelqu'un  ou 
quelque  chose  du  flagrant  délit  d'inexactitude,  nous  n'hésitons  pas  à  si- 
gnaler à  la  vindicte  artistique  une  caricature  que  l'on  a  pu  voir  affichée 
à  la  devanture  des  marchands  de  musique  :  elle  représente  M.  L.  de  Meyer, 
en  train  d'exécuter  un  piano  réputé  à  toute  épreuve...  Non,  pardon,  c'est 
la  Bataille  d'Isly,  exécutée  sur  un  solide  piano  d'Érard,  que  je  voulais 
dire.  Sur  la  foi  de  ce  méchant  carré  de  papier,  on  s'attendait  à  trouver 
en  M.  de  Meyer  un  artiste  à  gros  et  forts  poignets,  qui  aurait  en  perspec- 
tive l'avantage  de  pouvoir  s'enrégimenter  dans  les  forts  de  la  Halle,  le 
jour  où  l'art  musical  viendrait  à  chômer.  Au  lieu  de  ce  robuste  pianiste 
devant  qui  Erard  semblait  devoir  demandé  grâce  pour  ses  admirables  in- 
struments, nous  avons  rencontré  un  charmant  virtuose,  dont  les  compo- 


sitions révèlent  une  douceur,  une  légèreté,  une  grâce  remarquables, 
mêlées  à  une  certaine  originalité  de  rli.Whme  qui  sert  beaucoup  à  l'ell'et 
de  l'ensemble.  La  note  de  M.  de  Meyer  est  toujours  pure  et  sonore  :  ses 

traits  finals  sont  d'une  exquise  délicatesse;  les  broderies  du  chant  surtout 
très-vigoureu-eriient  dessinées  et  admirablement  exécutées;  nous  n'en 
citerons  pour  preuve  évidente  que  les  tlWs  shjn'nr,  grande  fantaisie  va^ 
riée,  où  la  foi  nie  nouvelle  des  divers  thèmes  mélodiques  du  moi ■eeau  iu- 
le cède  en  rien  à  la  richesse  des  variations  qui  les  accompagnent.  \1.  de 
Meyer  a  été  applaudi  à  tour  de  bras  après  l'exécution  de  cette  fantaisie 
comme  après  ta  grande  Marche  d'Isly,  morceau  capital  par  lequel  l'au- 
teur s'est  révélé  comme  un  talent  hors  ligne  et  surtout  essentiellement 
individuel  et  distinct  de  tous  les  autres  maîtres.  »  Le  célèbre  artiste  a 
donné  un  second  concert  le  vendredi  suivant,  et  le  lundi,  un  autre  con- 
cert au  théâtre.  La  foule  se  presse  pour  l'entendre  :  on  revient  de  la 
campagne  tout  exprès.  Les  morceaux  qu'il  joue  le  plus  souvent  et  avec 
le  plus  de  succès  sont  le  Souvenir  d'Italie  et  la  fantaisie  sur  le  Propl  etc. 

*\*  Aancy.  —  Hermann-Léon  et  les  Mousquetaires  de  la  Reine  viennent 
d'obtenir  ici  un  double  succès  des  plus  chaleureux  et  des  plus  productifs. 
L'artiste  a  rendu  le  rôle  du  capitaine  Roland  ,  sa  création  originale,  avec 
tout  le  talent  qu'il  y  déployait  a  Paris.  Pour  terminer,  il  a  chanté  le  Vieux 
Caporal,  de  Béranger,  mis  en  musique  par  Bonoldi,  de  manière  à  produire 
un  effet  électrique. 

***  Carcassomv,  29  niai.  —  Le  troisième  ponpert  de  la  Société  philhar- 
monique s'est' donné  dans  la  salle  de  la  mairie  avec  le  concours;  de  l'école 
de  chant  et  des  premiers  artistes  du  théâtre.  M.  Teisseyre,  directeur  de 
l'école,  s'est  montré,  comme  toujours,  excellent  et  infatigable  chef  d'or- 
chestre, chanteur  consommé,  accompagnateur  habile.  Il  a  dans  ce  concert 
:  joué  le  rôle  le  plus  difficile  et:  le  moins  brillant,  mais  il  a  dû  être  bien 
récompensé  par  les  applaudissements  qui  ont  été  prodigués  aux  musiciens 
et  aux  chanteurs.  Les  ouvertures  de  Leslocq,  d'Auber,  et  celle  de  Misso- 
lonyhi,  d'IIérold,  figuraient  sur  le  programme  avec  le  grand  duo  des  Hu- 
guenots,un  chœur  cVUlhal,  un  trio  de  J,  seph,  un  duo  de  Norma,  et  autres 
morceaux  de  musique  d'élite. 

CHRONIQUE     ÉTRANGÈRE. 

'**  Londres,  ii  jùiri.  —  La  popularité  aristocratique  d'Emile  Prudent  va 
grandissant  chaque  jour,  depuis  qu'il-  a-  eu  l'honneur  d'être  entendu  et 
applaudi  -par  la  reine.  Il  est  de. tous  les  grands  concerts  et  vient  encore  de 
jouer  à  Willis's'rooms,  et  Beethoven  association.  Partout  mêmes  bravos, 
même  triomphe.  —  La  nouvelle  Société  philharmonique  a  donné  son  cin- 
quième concert;  entre  plusieurs  morceaux  de.Mendelssohn,  de  Beethoven, 
de  Haendel,  et  autres,  on  y  a  exécuté  l'ouverture  des  Francs-Juges,  de 
Berlioz,  et  V Invitation  à  la  vulsi',  de  Weber,  orchestrée  par  lui.  Dans  le 
sixième  et  dernier  concert,  on  redira  la  symphonie  avec  chœurs  de  Bee- 
thoven, et  Mme  Pleyel  se  fera  entendre.  -  En  attendant,  la  célèbre  pia- 
niste est  allée  donner  des  concerts  à  Brighton.  —  Les  deux  théâtres 
italiens  ne  sortent  pas  de  leur  répertoire  ordinaire;  ils  ont  l'air  de  som- 
meiller ;  c'est  dommage  que  le  bien  ne  vienne  pas  toujours  en  dormant. 

*„.*  Genève:  —  'Ernst,  le  violoniste  célèbre,  s'est  fait  entendre  dans  deux 
concerts  au  théâtre.  Il  nous  a  fait  connaître  ses  plus  belles  compositions, 
notamment  son  concerto  (allegro  pathétique),  sa  fantaisie  sur  Otello,  ses 
caprices' du  Pirate,  son  Bondo  t'apageno-et  son  célèbre  Carnaval  de  Venise. 
Le  public  l'a  reçu  avec  enthousiasme;  les  couronnes  et  bouquets  ne  lui 
ont  pas  manqué.  Maintenant  l'incomparable  artiste  nous  donne  une  série 
de  soirées  musicales,  dans  lesquelles  il  nous  fait  entendre  la  musique  clas- 
sique des  grands  maîtres.  Dans  sa  première  soirée,  le  3  juin,  il  a  exécuté 
un  quatuor  d'Haydn,  Feuillet  d'Album, de  Stephen  Ileller,  son  Elégie,  ses 
airs  hongrois,  et  la  grande  sonate  de  Beethoven,  pour  piano  et  violon 
dédiée  à  Kreutzer.  ;  il  a  été  secondé  dans  cette  dernière  œuvre  par  un 
jeune  pianiste  distingué  de  Pesth,  M.  Adler,  qui,  sous  l'inspiration  du 
grand  artiste,  a  exécuté  la  partie  de  piano  en  grand  maître.  M.  Paulin, 
ancien  artiste  de  l'Opéra  de  Paris,  a  aussi  chanté  d'une  manière  tout  à 
fait  supérieure  l'air  de  Don  Juon,  une  romance  des  Puritains  et  deux 
Lieder  de  Schubert.  Ernst  doit  encore  faire  une  excursion  à  Lausanne 
pour  y  donner  un  second  concert,  ainsi  qu'à  Vevey,  après  quoi  il  nous 
reviendra  pour  continuer  ses  intéressantes  soirées,  et  nous  espérons  le 
garder  encore  longtemps  parmi  ne  us,  qui  avons  conservé  un  souvenir  si 
vif  de  son  séjour  à  Genève  en  1833. 

*  *  Vienne,  3  juin.  —  M.  Joseph  de  Leidersdorff,  jeune  sous-lieutenant, 
qui,  dans  les  campagnes  de  la  guerre  de  Hongrie,  a  perdu  la  vue  en  com- 
battant pour  la  cause  de  l'ordre,  vient  de  recevoir.de  l'empereur  une 
marque  précieuse  de  bienveillance.  Sa  Majesté  ayant  appris  que  M.  de 
Leidersdorff  était  un  des  ditetlahli  les  plus  distingués  de  Vienne,  et  que, 
malgré  sa  cécité  complète,  il  continuait  à  cultiver  avec  ardeur  la  musi- 
que^ lui  a  donné  la  jouissance  d'une  stalle  d'orchestre  au  théâtre  impérial 
du  Grand-Opéra  pour  toute  sa  vie.  —  Lindpaintner,  maître  de  chapelle  à 
Stuttgart,  vient  d'arriver  ici  ;  il  y  apporte  avec  lui'sou  nouvel  opéra  qui 
doit  être  joué  pendant  la  saison  allemande.  Au  théâtre  Josephstadt  on 
annonce  le  Maçon,  d'Auber. 

*„*  Cohurg.—  Le  25e  anniversaire  de  la  fondation  de  notre  théâtre  a  été 
célébré  par  la  représentation  des  Cantatrices  de  village,  de  Fioravanti  ; 
c'est  par  cette  partition  que  le  théâtre  avait  été  inauguré  il  y  a  25  ans. 
Après  la  représentation,  les  artistes  attachés  à  cet  établissement  ont  as- 
sisté à  un  banquet,  auquel  le  duc  de  Saxe-Cobourg avait  également  invité. 
Mme  Schroeder  Cevrient  [Xme  de  Bock)-;  Mme  Charlotte  Hagen  (Mme  de1 


200 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS. 


Oven),  et  M.  de  Kontski.  M.  de  Wangenheim  a  pris  la  directioa  de  l'inten- 
dance du  théâtre  et  de  la  chapelle  ducale,  sous  le  titre  de  maréchal  de  la 
maison  du  duc. 

%*  Munich.—  Le  Conservatoire  de  cette  ville  a  perdu  un  de  ses  maîtres 
les  plus  distingués  :  M.  Oberlaender,  excellent  professeur  de  piano,  vient 
de  mourir. — Mme  Sontag  continue  ses  brillantes  représentations:  la  Fille 
du  régiment  lui  a  offert  l'occasion  d'un  véritable  triomphe. 

*t*  S^inl-Pélersbourg.  —  La  Société  philharmonique  a  fêté  le  50"  anni- 
versaire de  sa  fondation  par  un  grand  concert,  auquel  ont  pris  part  l'élite 
de  l'orchestre  impérial,  les  chanteurs  de  la  cour,  etc.  ;  il  y  avait  en  tout 
360  exécutants.  Le  programme  se  composait  des  morceaux  suivants  : 
l'hymne  national  des  Russes  ;  première  partie  d'une  symphonie  du  comte 
Wielhorsky;  le  Stabat  du  général  Lwoff,  et  enfin  la  première  partie  de 


la  Création,  d'Haydn  ;  c'est  avec  ce  fameux  oratorio  que  la  Société  s'était 
inaugurée  il  y  a  cinquante  ans. 

Le  gérant  :  Ernest  DESCHAMPS. 

MUSIQUE  NOUVELLE  par  H.  HERZ. 

Op.  1S6.  Marche  nationale  mexicaine,  composée  à  Mexico. 

Op.  165.  Tarentelle  nouvelle  et  brillante. 

Op.  171.  La  Tapada,  polka  caractéristique  du  Pérou,  composée  à  Lima, 

avec  un  lithographie. 
Op.  168.  L'écume  de  mer,  valse  brillante. 
Op.  167.  La  californienne,  polka  composée  à  San-Francisco. 

A  Paris,  chez  les  marchands  de  musique,  et  48  rue  de  la  Victoire. 


EN  VENTE  : 
C'BIEE  ESRA1VOUS  ET  €",   103,  RUE  RICHELIEU, 


SEPT  AIRS  DE  BILLET  ET  UNE  MARCHE  TRIOMPHALE 

JJfT 


De  F.  MAÏiÉVY, 

Arrangés  pour  le  piano  par 


N"  1.  Pas  des  Esclaves k  50 

2.  Pas  des  Voiles k  50 

3.  Le  Bourdonnement U  50 

U.  Le  Berger  Aristée h  50 


N0'  5.  La  Ronde 4  50 

6.  La  Reine  des  abeilles 4  50 

7.  La  Recherche 4  50 

8.  Marche  triomphale 2  50 


LÀ  POUPÉE  DE  I1ÏR 


La  Purlition  de  ces  opéras  pour  piano,  in-8°,  chaque,  net  ....  8    » 

L'ouverture  pour  piano  et  à  quatre  mains,  chaque 6  et  7  50 

Choix  des  plus  jolis  airs  arrangés  pour  deux  violons,  par  ».  «16«el- 

hrimer,  2  suites,  chaque 9    » 


Les  mêmes  arrangés  pour  deux  flûtes ,  par  B.  Walcltlers  , 

2  suites,  chaque 9     » 

Les  ouvertures  de  ces  opéras  pour  deux  violons,  chaque A  50 

Les  mêmes  pour  deux  flûtes,  chaque à  50 


Deux  nouvelles  Romances  de 


MARINE 

Paroles  cl' ADOLPHE  CATELIN. 


LA  MER 

Paroles  de  ERNEST  DASSIER. 


L'Ombre Album  1852.  2  50 

Le  Spahis —  2  50 

Elle  était  là —  2  50 

La  Sœur  des  Marguerites ...  —  2  50 

Ange  ou  Démon  . ".  —  2  50 

Loin  du  pays —  2  50 

Ange,  regarde-toi,  romance 2  50 

Adieu,  patrie,  romance 2  50 

La  même  transposée  four  vois  de  basse  .   .  2  50 

Aimer  et  souffrir,  romance 2    » 

Ce  que  j'aime,  romance 2    » 

La  même  transposée  pour  voix  de  basse  .   .  2     ■> 

Chanson  du  Capitaine 2  50 


OU  MEME  AUTEUR  : 

Le  Chêne  du  Diable 2  50 

La  même  pour  voix  de  basse 2  50 

Les  Contrabandistas,  romance 2     » 

De  la  montagne  je  suis  le  Roi,  romance  ...  2     » 

Les  deux  Corsaires,  romance 2     » 

Les  Dragons  de  Castille,  romance 2  50 

Fou  d'amour,  mélodie 2  50 

La  même  transposée  pour  voix  de  baryton  .  2  50 

Le  Jour  et  la  Nuit,  sérénade 2  50 

Je  suis  Braconnier 2  50 

Iselle  la  Batelière 2  50 

Les  Larmes  du  cœur,  romance 2  50 

Ma  Mère  il  faut  mourir,  romance  .......  2     » 


Mère  et  Patrie,  romance 2  : 

Mon  Pilote  c'est  l'amour,  romance 2 

Promenade  en  mer,  barcarolle 2 

Le  rêve  du  Page,  mélodie 2  ! 

Thérèse  la  blonde,  pastorale 2 

Trop  tard,  romance 2 

Toujour  t'aimer,  romance 2 

Une  vengeance  corse,  romance 2 

La  même  transposée  pour  voix  de  basse    .   .  2 

Va  t'en,  je  t'aime,  mélodie 2 

La  même  transposée  pour  contralto  ....  2 

Venise  et  Bretagne,  romance 2 


S.  LEE. 


Impromptu  sur  la   POl'PEE  DE  aiHREJIBEKCi 
de  A».  Adam  , 

POUR   VIOLONCELLE   AVEC   ACCOMPAGNEMENT  DE   PIANO. 

Op.  63.  —  PRIX  :  5  FR. 


F.  BURGMULLER. 

Grande  Valse  brillante  pour  le  piano  sur  le  JUIF  ERRANT 

de  F.  Ûaléit, 

PRIX  :  5  FR. 

ILLUSTRÉE    DU    PORTRAIT    DE    MADE  «OI-ELLE    LOUISE   TAGLIOM. 


PARIS.   —  IMPRIMERIE  CE.NTRALE  DE   NAPOLEON  CUAIS  ET  C",  HUE  DERGERE,  -J0. 


BUREAUX  A  PARIS  :  BOULEVART  DES  ITALIENS,  1. 


19e  Année. 


Kn  25. 


On  s'nbonnc  ilnns  les  Qâpartepiests  cl  a  rKimnRiT. 

«lieztoas   les  Miirrluinds  di:  Musique,  1rs  l.rlinim'-i 

et  aux  Bureaux  des  .Messageries-  t  des  postes. 


Lyon. 
Genève ■  i 


A   noir.-  AgCQCe  générale, 

rue  du  Gerot. 
Clu-z  M.  Fd.  de  In  Vl.Vliierr. 
103,  rue  du  Terratllct. 


220,Hegmtstreet 


ronilreN.  W« 

SÏ-I'cI.isIkkii-.k 

New- York.  SchatTcnbcrg  et  Lu 


REVUE 


20  Juin  1852. 


Prix  de  I  Abonnement  : 


Pari*,  uo  in «M  fr 

Départements,  Belgique  et  Suisse 30 

Étranger      31 


Le  Joumol  poroît  le  Dîmarctae. 


GAZETTE  MUSICALE 


SOMMAIRE.  —  Richard  Wagner  (3*  article),  par  IVlis  père.  —  Un  concert  de 
chant  dans  le  département  du  Nord,  par  Edouard  Fétis.  —  Nouvelles  et 
annonces. 


Xos    Abonné**    reçoivent   avec   ce    numéro 
JUIF  ERRtlT  ,  pur  Pnsdcloup. 


SC1IOTTI*»  Il    SI  R   m: 


RICHÀBD  WAGNER. 

Sa  vie.  —  Son  système  de  rénovation  de  l'opéra.  —  Ses  œuercs  comme 
poète  et  comme  musicien.  —  Son  parti  en  Allemagne.  —  Apprécia- 
tion de  la  valeur  de  ses  idées. 

(Troisième  article.)  (1). 

Nous  savons  les  principaux  événements  de  la  vie  de  Richard  Wagner; 
mais  bien  que  certains  traits,  cités  çà  et  là  dans  les  deux  premiers  ar- 
ticles de  ce  travail,  aient  pu  donner  une  indication  de  son  caractère, 
nous  connaîtrions  mal  cet  artiste,  si  ses  opinions  et  ses  maximes  n'é- 
taient l'objet  d'un  examen  attentif.  C'est  dans  cet  examen  que  nous  trou- 
verons le  secret  de  la  direction  donnée  à  sa  carrière  comme  homme 
et  comme  novateur.  Livrons-nous  donc  à  la  recherche  des  principes 
fondamentaux  sur  lesquels  repose  tout  l'édifice  des  conceptions  de 
l'auteur  de  Tannhauser  et  de  Lohergrin.  Si  je  sais  dégager  ces  princi- 
pes du  fatras  de  déclamations  oiseuses  dans  lequel  il  les  a  noyés,  mes 
lecteurs  seront  placés  au  point  de  vue  sous  lequel  seulement  on  peut 
apprécier  les  productions  de  l'hcmme  singulier  que  je  me  suis  chargé 
de  leur  faire  connaître. 

Tout  homme  qui  se  donne  la  mission  de  changer  les  choses,  les  doc» 
trincs  ou  les  croyances,  a  un  point  de  départ  qu'il  faut  connaître  si 
l'on  veut  comprendre  le  but  de  son  œuvre.  Quel  est  donc  le  point  de 
départ  de  Wagner?  Le  voici  :  «  L'ouvrage  d'art  absolu  (dit-il,  page  10 
»  de  ses  Communications  à  se<  amis),  c'est-à-dire  l'ouvrage  qui  n'est 
»  lié  ni  au  lieu,  ni  au  temps,  et  qui  n'est  pas  destiné  à  certains  hom- 
»  mes,  dans  de  ceri aines  circonstances,  pour  être  compris,  seulement 
»  par  eux,  cet  ouvrage  est  un  non-sens,  une  chimère,  qui  ne  peut 
»  exister  que  dans  des  rêves  esthétiques.  »  La  signification  radicale 
de  cette  maxime  est  que  le  beau  n'a  qu'une  existence  conditionnelle, 
contingente,  passagère,  et  qu'il  ne  peut  se  déterminer  d'une  manière 
absolue.  Or,  si  cela  est,  il  devient  impossible  de  le  caractériser,  ni  de 
dire  par  quoi  on  peut  le  reconnaître. 

Une  première  et  inévitable  conséquence  d'une  telle  maxime,  c'est 
que  les  œuvres  considérées  comme  des  modèles  de  beauté,  de  perfec- 
tion, ne  doivent  avoir  qu'une  existence  momentanée,   transitionnelle. 

(1)  Voir  les  n°  23  et  24. 


Elles  n'ont  de  valeur  qu'au  moment  de  leur  création,  et  seulement 
comme  manifestation  de  la  puissance  d'invention  de  leur  auteur.  Plus 
tard,  elles  sont  moins  que  rien,  et  leur  valeur  n'est  tout  au  plus  que 
relie  du  papier  (keinen  Pfifferling  werth  ist,  und  hôchstens  als  das 
Papier.  Page  13,  note).  Cette  conséquence,  c'est  Wagner  lui-même  qui 
l'établit  et  la  développe  dans  douze  ou  quinze  pages  écrites  du  style  le 
plus  boursouflé,  dans  lequel  les  épithètes  et  la  surabondance  des  ad- 
jectifs accablent  le  lecteur  de  fatigue  et  d'ennui.  Et  qu'on  ne  croie  pas 
que  j'exagère  ici  le  sens  de  ses  paroles  :  celles  que  je  viens  de  citer 
s'appliquent  aux  œuvres  du  génie  de  Shakespeare.  L'auteur  complète 
sa  pensée  par  cette  phrase  :  «  Le  Shakespeare  qui  vaut  quelque  chose, 
»  c'est  le  poëte  qui  crée  des  choses  nouvelles,  et  qui  est  à  toutes  les 
»  époques  ce  que  Shakespeare  a  été  de  son  temps  (1).  »  Un  passage 
plus  curieux  encore  est  celui  dans  lequel  il  prétend  que  le  Don  Jvan, 
cet  ouvrage  immortel  de  Mozart,  a  été  bon  pour  son  temps,  mais  qu'il 
a  perdu  sa  signification  de  nos  jours.  «  D'abord,  dit-il,  l'ouvrage  a  été 
»  écrit  en  italien  par  le  poëte,  et  maintenant  on  le  joue  en  allemand!  Il 
>i  était  écouté  par  la  génération  pour  laquelle  il  a  été  conçu.  »  Puis  il  ajoute 
cette  remarque  bouffonne  :  «  L'acteur  qui  a  joué  originairement  le  rôle 
»  de  Don  Juan  avait  les  qualités  nécessaires  pour  représenter  ce  person- 
»  nage,  et  d'ailleurs  il  avait  été  dirigé  par  le  poëte  et  par  le  compositeur  ; 
»  mais  en  est-il  de  même  aujourd'hui  (lorsqu'on  représente  cet  ou- 
»  vrage)  devant  un  public  tout  différent,  préoccupé  d'affaires  de 
»  bourse,  et  composé  de  conseillers  privés  de  gouvernements  ;  lors- 
»  que  enfin  l'acteur  aime  à  jouer  aux  quilles,  à  boire  de  la  bière,  et 
»  échappe  ainsi  à  toute  occasion  de  devenir  infidèle  à  sa  femme?  » 
(Page  23.)  Mes  lecteurs  trouveront  peut-être  que  voilà  des  rai- 
sons bien  niaises  pour  arriver  à  la  conclusion  que  le  chef-d'œuvre  de 
Mozart  a  perdu  la  plus  grande  partie  de  sa  valeur  et  qu'il  n'a  plus  au- 
jourd'hui que  celle  du  papier  de  la  parution.  Mais  si  Richard  Wagner 
se  montre  assez  faible  dans  ses  arguments,  il  n'en  fait  pas  moins  une 
longue  et  rude  guerre  à  l'art  monumental.  Le  monumental  !  c'est,  dans 
ses  idées,  l'obstacle  opposé  à  toute  innovation  ;  c'est,  suivant  l'expres- 
sion de  Voltaire,  l'infâme  qu'il  faut  écraser!  Le  respect,  l'admiration 
des  artistes  et  des  connaisseurs  pour  certaines  œuvres  du  génie,  sont, 
à  son  avis,  des  liens  qui  garrottent  notre  intelligence  et  l'empêchent  de 
comprendre  les  créations  hardies  de  notre  temps.  Et  voilà  pourquoi 
l'existence  même  du  génie  qui  a  produit  ces  œuvres  est  combattue  par 
lui  ;  voilà  pourquoi  il  lui  substitue  l'esprit  mécontent  de  ce  qui  existe. 
Son  tempérament  se  révolte  contre  la  réalité  de  cette  faculté  excep- 
tionnelle dont  certains  individus  seraient  doués  par  l'arbitraire  de 

(1)  Der  Shakespeare,  der  uns  einzig  etwas  werth  sein  kann  ist  der  immer  neu 
schaffende  Dichter,  der  zu  jeder  Zeit  das  ist,  was  Shakespeare  zu  seiner  Zeit  war. 
(P.  H,  noie.) 


202 


taiC3MAT] 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


Dieu  ou  de  la  nature  (sie  nicht  durch  die  Willkûr  Gottes  oder  der 
IN'atur  in  das  Lebenge  worfen  werden)  !  La  [faculté  de  conception  et 
d'invention  n'est  autre  chose  que  le  développement  progressif  de  la 
force  vitale  accordée  à  tous,  et  que  Wagner  appelle/ac*<//e  communiste. 
Si  cette  force  vitale  n'arrive  à  son  développement  que  par  exception, 
c'est  qu'elle  se  détériore  et  s'étiole  sous  l'influence  de  la  discipline  de 
l'état,  c'est-à-dire  par  l'éducation.  Celui  qui  aie  bonheur  d'échapper  à 
cette  délétère  influence  conserve  l'intégrité  de  sa  force  vitale,  d'où  sa 
faculté  de  conception  :  celui-là  seul  est  capable  des  plus  grandes  choses. 
Vous  voyez,  mon  cher  lecteur,  que  nous  voici  en  pleine  école  de 
M.  Proudhon, 

Dieu  merci,  nous  voici  débarrassés  du  génie  et  de  ses  œuvres  ;  nous 
avons  secouéle  joug  du  respect  et  de  l'admiration  que  nous  leur  por- 
tions ;  nous  avons-même  affranchi  notre  esprit  de  la  chimère  d'un  beau 
absolu,  idéal,  qui  échapperait  aux  outrages  du  temps,  et  qui  serait 
senti  par  toutes  les  générations.  Nous  sommes  donc  parvenus  à  la  situa- 
tion dans  laquelle  M.  Wagner  voulait  que  nous  fussions  pour  avoir 
l'aptitude  à  comprendre  ses  œuvres!  Mais  non  :  il  reste  encore  à  nous 
guérir  d'une  lèpre  qui  gâte  tout.  Et  quelle  est  cette  lèpre?  La  critique, 
et  surtout  la  critique  historique,  qui  pose  la  base  de  ses  analyses  sur 
le  monumental,  ce  cauchemar  de  M.  Wagner,  et  qui  a  exercé  sa  mali- 
gnité sur  le  Hollandais  volant  et  sur  Tannhauser.  Ici  vient  se  placer 
la  deuxième  déduction  nécessaire  de  la  maxime  qui  met  au  néant  le 
beau  en  lui-même,  indépendant  des  temps  et  des  circonstances;  car 
s'il  n'y  a  plus  de  beau  absolu,  ses  monuments  s'écroulent  avec  lui  ;  et 
s'il  n'y  a  plus  de  beau  comme  règle,  plus  de  monuments  comme 
exemples,  la  critique  n'a  plus  de  base;  elle  rentre  dans  la  poussière, 
et  les  novateurs  respirent.  Je  ne  puis  vous  le  cacher,  mes  chers  colla- 
borateurs, MM.  Blanchard,  Maurice  Bourges,  Kastner,  et  tutti  quanti  : 
Richard  Wagner  a  pour  nous  des  mépris  dont  vous  serez  fort  humiliés, 
si  vous  n'êtes  pourvus  de  la  philosophie  qui  me  fait  persévérer  dans 
ma  placidité.  Je  ne  sais  ce  qu'a  dit  la  critique  des  productions  de 
M.  Wagner  ;  mais  il  faut  qu'elle  ait  été  bien  osée  et  qu'elle  l'ait  blessé 
au  cœur,  car  il  la  déclare  dépourvue  de  toute  intelligence,  pour  lui 
avoir  opposé  des  règles  qui  ne  sont,  pas  les  siennes.  Il  ne  fait  pas  d'ex- 
ception ;  c'est  la  critique  en  masse  qu'il  proscrit,  comme  une  des  cala- 
mités de  l'art  actuel.  Le  faire  vivre  en  ;  paix  avec  elle,  ce  serait  comme 
si  l'on  voulait  donner  une  constitution  sérieuse,  une  représentation  na- 
tionale véritable,  et  les  libertés  de  la  presse,  au  gouvernement  de 
l'empereur  Soulouque. 

On  voit  par  ce  qui  précède  que,  pour  se  mettre  au, point  de  vu  favo- 
rable à  la  conception  du  drame  musical  imaginé, par  Richard  Wagner, 
il  faut  rompre  avec  les  notions  du  beau  absolu ,  du  génie  qui  le  réalise, 
de  ses  monuments,  et  de  la. théorie  esthétique  qu'on  en  aurait  déduit. 
Supposons  pour  un  instant  que  ces  résultats  sont  obtenus,  et  voyons 
si  l'auteur  de  Tannhauser  et  de  Lohengrin  atteint  enfin  sans  obstacles 
le  but  vers  lequel  il  aspire.  Hélas  !  non  ;  car,  s'il  ne  trouve  pas  en  son 
chemin  l'art  du  passé,  il  y  trouve  celui  du  présent  :  l'art  de  la  mode, 
comme  il  l'appelle  !  Peut-être  penserez-vous  que  si  cet  art  a  des  déter- 
minations différentes  de  celles  du  passé,  c'est  qu'il  s'est  trouvé  des 
esprits  mécontents  qui  ont  fait  de  leur  côté  ce  que  Wagner'  fait  du 
sien,  et,  conséquemment,  qu'il  doit  y  avoir  sympathie  entre  eux. 
Mais,  non  :  une  différence  radicale  les  sépare,  ainsi  qu'on  va  le  voir. 

Les  poètes  dramatiques  et  les  compositeurs  de  l'époque  actuelle, 
suivant  l'opinion  de  Wagner,  ont  pour  but  unique  l'art  sensuel ,  c'est- 
à-dire  celui  qui  vise  à  produire  des  émotions  agréables,  à  plaire,  à 
caresser  les  penchants  de  la  multitude  ignorante,  tandis  que  lui  songe  à 
réformer  cet  art,  sans  se  préoccuper  du  plaisir  qu'y  pourront  prendre 
les  gens  de  cour  et  la  bourgeoisie.  Cette  différence  de  détermination 
provient  de  ce  que  la  force  vitale  qui  se  développe  en  faculté  de  con- 
ception est  composée  de  deux  principes,  dont  un  est  masculin  et  l'autre 
féminin.  Si  le  principe  mâle  domine  dans  le  développement  de  la  fa- 
culté de  conception,  alors  on  arrive  à  l'énergique,  au  grand  ,  et  l'on 
voit  se  produire  les  symphonies  de  Beethoven  ou  bien  le  Tannhauser 


et  le  Lohengrin.  Mais,  par  cela  même  que  la  conception  est  forte,  elle 
reste  obscure  pour  le  vulgaire,  et  le  temps  seul  peut  initier  celui-ci  à 
l'intelligence  de  ses  beautés  vigoureuses.  Si ,  au  contraire,  le  principe 
féminin  delà  force  vitale  prend  le  dessus  dans  le  développement  de  la  fa- 
culté de  conception,  celle-ci  n'arrive  que  jusqu'au  sensuel,  aux  émotions 
qui  tiennent  plus  de  la  sensibilité  que  de  l'intelligence,  et  l'on  voit  sa 
produire  des  choses  telles,  par  exemple,  que  Guillaume  Tell,  Robert- 
le-Diable  et  les  Huguenots,  la  Muette  de  Portici  ou  la  Juive.  Ces  pro- 
ductions, faisant  une  large  part  à  l'action  des  sens,  sont  à  la  portée  du 
plus  grand  nombre,  et,  par  cela  même,  tombent;  dans  le  domaine  de 
la  mode.  On  voit  donc  que  les  tendances  de  l'art  du  xixe  siècle , 
bien  que  différentes  de  celles  du  siècle  précédent ,  n'ont  .pas  de  rap- 
ports avec  celles  de  M.  Wagner,  et  que  les  facultés  créatrices  des  au- 
teurs des  ouvrages  qui  viennent  d'être  cités  sont  dans  un  ordre  infé- 
rieur à  celles  de  ce  réformateur.  Telles  sont  les  conclusions  auxquelles 
j'ai  été  conduit  par  la  lecture  de  la  préface  qui  me  guide  dans  ce 
travail. 

«  Je  n'ai  point  été  compris,  dit  M.  Wagner  :  ni  le  public ,  ni  les  cri- 
tiques n'ont  eu  l'intelligence  de  mes  œuvres  et  de  mon  but  ;  le  monu- 
mental et  l'art  de  mode  ont  été  mes  obstacles  ;  enfin ,  hormis  le  petit 
nombre  de  mes  amis,  personne  n'a  sympathisé  avec  mon  sentiment. 
Quelles  qu'eussent  été  mes  espérances,  j'ai  dû  reconnaître,  après  plu- 
sieurs expériences,  que  je  n'ai  rien  à  attendre  de  la  génération  actuelle: 
c'est  pour  l'avenir  que  je  travaille.  » 

Je  viens  d'exposer  les  théories  développées  par  Richard  Wagner 
dans  ses  Communications  à  ses  amis,  sans  y  mêler  de  réflexions  sur  leur 
valeur,  parce  que  j'ai  voulu  rendre  aussi  facile  que  je  l'ai  pu  l'intelli- 
gence des  principes  sur  lesquels  reposent  ces  théories,  dont  la  con- 
naissance est  indispensable  pour  comprendre  l'analyse  des  drames  et 
de  la  musique  du  réformateur.  Arrivé  au  point  où  je  suis,  je  pense  que 
le  moment  est  venu  pour  examiner  la  véritable  signification  des  propo- 
sitions singulières  qu'on  vient  de  lire;  propositions  qui,  du  reste,  ne 
sont  que  des  conséquences  de  l'esprit  de  révolte  et  de  révolution  qui 
agite  en  ce  moment  le  monde,  et  menace  l'existence  de  l'art  aussi  bien 
que  celle  de  la  société.  Voyons  donc  quel  est  le  degré  de  solidité  des 
principes  avancés  par  M.  Wagner. 

Le  beau  absolu,  indépendant  des  temps  et  des  lieux,  est  une  chi- 
mère, et  les  œuvres  des  plus  grands  artistes,  transportais  dans  des 
temps  postérieurs- à  ceux  de  leur  création,  n'ont  de  valeur  que  comme 
manifestation  de  la  puissance  de  conception  de  leurs  auteurs.  Le  but 
de  cette  proposition  est  de  faire  considérer  comme  vaines  les  règles  de 
proportions,  de  goût  et  de  formes  qu'on  prétendrait  tirer  de  la  perfec- 
tion de  certaines  œuvres  de  l'art.  Ceci  ne  s'adresse  pas  seulement  au 
drame,  à  la  musique,  mais  à  tout  ce  qu'ont  produit  la  pensée  et  la 
main  de  l'homme  depuis  l'origine  du  monde.  Poésie,  philosophie,  ar- 
chitecture, art  statuaire,  peinture,  n'ont  enfanté  que  des  œuvres  bon- 
nes pour  le  temps  qui  les  a  vues  naître,  et  condamnées,  dès  le  moment 
de  leur  création,  à  ne  représenter  plus  tard  que  la  personnalité  de  ceux 
qui  les  avaient  produites!  11  n'y  a  plus  qu'illusion  pour  le  poëte  et  pour 
Tartiste,  et  tandis  qu'ils  aspirent  à  la  postérité,  c'est  au  néant  qu'ils 
aboutissent,  en  tant  qu'ils  croient  à  la  réalité  de  leurs  œuvres!  Cou- 
rage, hommes  d'élite!  courage!  Une  belle  carrière  vous  est  ouverte! 
Evertuez-vous  à  tracer  sur  le  sable  du  désert  des  siècles  de  belles  pen- 
sées, afin  que  le  vent  de  l'avenir  les  efface,  et  qu'il  ne  reste  que  votre 
nom  dans  les  temps  futurs,  pour  témoigner  de  votre  impuissance 'à 
rien  produire  de  durable!  Mais  non,  ne  croyez  pas  à  la  maxime  quj 
dénie  le  droit  d'existence  à  vos  ouvrages,  car  elle  se  contredit  elle- 
même.  Wagner  's'élève  contre  le  despotisme  des  monuments  de  l'art 
qu'on  veut  lui  faire  subir,  et  déclare  que  la  beauté  qu'on  leur  attribue 
s'est  anéantie  dans  le  passage  d'une  époque  à  une  autre.  La  contradic- 
tion est  manifeste;  Car  si  le  monument  est  là,  ne  fût-ce  qu'en  papier, 
et  si  ses  beautés  sont  senties  par  ceux  qui  les  donnent  comme  modèles, 
elles  n'ont  donc  pas  péri,  et  les  objections  qu'on  tire  contre  elles  de  la 
différence  des  temps  et  des  circonstances,  loin  d'atteindre  le  but  qu'on 


DE  PARIS. 


203 


se  propose,  consistent  au  contraire  que  ces  beautés  sont  de  tous  les 
temps,  parce  qu'elles  sont  l'expression  idéale  du  sentiment  du  beau 
absolu  que  nous  portons  au  fond  de  notre  àme.  Eli  quoi!  c'est  un 
poêle,  c'est  un  artiste,  qui  nie  l'existence  absolue  du  beau,  et  qui  se 
fait  un  argument  de  celte  négation  dans  un  but  de  polémique?  Que  se 
propose-t-il  donc  dans  ses  œuvres?  Oh!  j'ai,  moi,  dos  arguments  bien 
plus  solides  à  opposer  au  scepticisme  des  instincts  révolutionnaires  de 
M.  Wagner.  Je  pourrais  d'abord  invoquer  ceux  de  la  philosophie  la  plus 
élevée  ;  mais  j'ai  traité  naguère  scientifiquement  ces  questions,  et  la 
Gazelle  musicale  a  reproduit  mes  leçons  sur  ce  sujet;  je  ne  répéterai 
donc  pas  ici  ce  que  j'ai  dit.  Les  arguments  d'expérience  ne  me  man- 
quent pas,  et  ceux-là  sont  les  plus  puissants  dans  la  discussion  des  faits- 
Or,  j'ai  tiré  de  la  poussière  des  bibliothèques  de  vieux  papiers  monu- 
mentaux, et  j'ai  fait  entendre  dans  mes  concerts  historiques  et  dans 
mes  cours  la  voix  des  siècles  passés.  Un  enthousiasme  qui  ne  s'est  ja- 
mais démenti  depuis  vingt  ans  a  toujours  accueilli  ces  reproductions 
de  beautés  naïves  ou  grandes  que  les  transformations  de  l'art  n'ont  pu 
faire  vieillir,  parce  que  le  beau  idéal  ne  vieillit  pas,  et  que  la  beauté 
malérielle  seule  disparaît  sous  la  main  du  temps.  Le  .beau  absolu  n'est 
donc  pas  une  chimère,  car  il  est  inhérent  à  l'organisation  de  la  nature 
humaine.  11  ne  se  produit  pas  par  imilation,  mais  par  le  concours  de 
diverses  facultés  parmi  lesquelles  l'imagination  tient  le  premier  rang. 
Enfin,  par  cela  même  qu'il  est  le  beau,  c'est-à-dire  l'expression  la  plus 
élevée  et  la  plus  pure  du  sentiment  de  l'homme,  il  est  impérissable. 

Je  ne  sais  ce  que  M.  Wagner  a  cru  gagner  pour  son  système  négatif 
par  la  substitution  delà  force  vitale  au  génie,  comme  principe  de  produc- 
tions dans  l'art.  Qu'entend-il  par  la  force  vitale  ?  Cette  force  ne  réside 
véritablement  que  dans  l'âme,  principe  de  vie  qui  pense,  sent  et  veut. 
Mais  l'àme  en  laquelle  se  résument  l'intelligence  elle  sentiment, c'est  le 
génie  lui-même  lorsque  l'imagination,  qui  est  une  de  ses  facultés,  est 
douée  d'une  énergie  plus  grande  que  chez  le  commun  des  hommes. 
Wagner  ne  veut  pas  que  cette  faculté  soit  un  don  du  hasard  ou  de  la 
puissance  souveraine  de  Dieu,  qu'il  qualifie  d'arbitraire.  Selon  lui,  la 
force  vitale  est  la  même  chez  tous  les  individus;  c'est,  suivant  son 
expression,  une  faculté  communiste  ou  pour  parler  plus  exactement, 
commune.  Si  elle  ne  produit  pas  toujours  de  beaux  résultats,  c'est  que 
la  faculté  de  conception,  qui  en  est  le  développement,  est  comprimée, 
et  par  degrés  détruite  sous  l'influence  de  l'éducation.  Il  oublie  que  la 
plupart  des  hommes  qui  ne  reçoivent  aucune  éducation  sont  des  rus- 
tres, et  que  les  hommes  les  plus  éminents  de  la  science  et  de  l'art  ont 
été  soumis  à  un  long  enseignement.  Lui-même,  qui  se  vante  d'avoir 
échappé  av.  malheur  d'être  édvcjuc,  ce  que  je  ne  mets  pas  en  doute, 
avoue  qu'il  a  passé  par  tous  les  degrés  de  l'imitation  dans  les  premiers 
travaux,  même  de  l'imitation  de  choses  qui,  plus  tard,  lui  sont  deve- 
nues antipathiques.  Or,  qu'esl-ce  que  l'imitation  si  ce  n'est  une  édu- 
cation véritable?  Lors  même  qu'on  l'abandonne  pour  se  livrer  à  ses 
propres  déterminations,  on  s'est  instruit  par  elle.  L'esprit  révolution- 
naire, qui  rêve  l'égalité  absolue,  ne  veut  pas  qu'on  lui  oppose  l'inéga- 
lité des  facultés ,  éternel  écueil  de  cette  égalité  impossible.  De  là  ces 
théories  communistes  et  socialistes,  qui  ne  sont  pas  d'hier,  mais  que 
nous  avons  vu  reproduire  depuis  peu  sous  différentes  formes.  Je  ne  suis 
pas  étonné  de  trouver  en  M.  Wagner  des  sympathies  pour  ces  aberra- 
tions de  l'esprit;  mais  je  ne  puis  m'expliquer  ce  qu'il  en  peut  tirer  à 
l'appui  de  ses  théories  de  l'art.  Qu'on  appelle  gé/rie  ou  force  vitale  le 
principe  qui  préside  à  la  production  des  œuvres  d'art,  peu  importe  : 
on  ne  détruit  pas  pour  cela  le  sentiment  du  beau  absolu,  parce  qu'il  est 
indestructible  dans  les  âmes  d'élite.  A  l'égard  de  la  doctrine  de  l'éga- 
lité des  facultés,  elle  ne  vaut  pas  la  peine  d'être  discutée.  En  l'accor- 
dant à  M.  Wagner,  on  ne  lui  fait  pas  un  grand  cadeau  ;  car  si  tout  le 
monde  a  la  force  vitale  ou  le  génie,  peu  d'hommes  en  font  usage;  c'est 
donc  comme  si  les  autres  ne  l'avaient  pas. 

11  est  un  point  cependant  sur  lequel  je  ne  puis  transiger  avec  l'auteur 
de  Tannhauser  :  le  principe  qui  préside  à  la  production  des  œuvres 
d'art,  il  l'appelle  faculté  do  conception  ;  or,  la  faculté  de  conception  , 


c'est  l'intelligence,  et  l'intelligence  est  impuissante  à  produire  seule  le 
beau.  C'est  l'imagination  qui  invente,  et  celle-ci  est  aussi  inséparable 
du  sentiment  que  de  l'intelligence.  11  y  a  évidemment  confusion  dans 
l'esprit  de  M.  Wagner  à  ce  sujet;  car  il  dit,  dans  un  eiidruii  (Je  sa  pré- 
face, qu'il  a  produit  par  le  sentiment,  et  que  ses  critiques  l'ont  jugé  par 
l'esprit;  tandis  que  dans  un  autre  passage ,  il  parle  de  sa  faculté  de 
conception  comme  du  principe  de  ses  ouvrages.  Confond-il  donc  le 
sentiment  avec  la  faculté  de  concept.'on  ,  et  met-il  son  cœur  dans  sa 
tète? 

La  confusion  que  je  signale  se  manifeste  d'une  manière  évidente 
dans  l'opinion  qu'a  Wagner,  que  si  ses  ouvrages  n'ont  pas  eu  de  succès, 
c'est  qu'ils  n'ont  pas  été  compris  par  le  public.  Ce  qui  est  produit  par 
le  septiment  n'a  pas  besoin  d'être  compris ,  il  doit  être  senti.  11  y  a 
sans  doute  dans  toute  œuvre  d'art  certaines  parties  qui  appartiennent 
à  la  conception,  car,  ainsi  que  je  viens  de  le  dire,  l'imagination  parti- 
cipe de  l'intelligence  et  du  sentiment;  mais  lorsque  celui-ci  a  fourni  sa 
part  dans  l'œuvre,  la  part  de  l'autre  devient  bientôt  intelligible.  C'est 
donc  une  erreur  partagée  par  Wagner  et  par  quelques  autres  artistes  , 
dont  les  œuvres  ne  sont  pas  sympathiques  aux  masses,  de  se  persuader 
que  les  ouvrages  d'art  sont  des  problèmes  dont  il  faut  chercher  la  so- 
lution. L'inspiration  véritable  n'est  pas  si  bizarrement  contournée 
qu'elle  ne  puisse  être  comprise  sans  effort  de  l'esprit.  Malheur  à  la 
musique  dont  la  signification  reste  environnée  d'incertitude  ou  de  dé- 
goût après  son  audition  !  Tenez  pour  certain  que  l'imagination  y  a  eu 
peu  de  part. 

L'artiste  incompris  de  son  temps,  ou  qui  du  moins  croit  l'être,  se  ré- 
fugie dans  l'avenir ,  car  nous  avons  toujours  besoin  d'espérer  en  quel- 
que chose.  Je  comprendrais  donc  sans  peine  que  tout  autre  que  Richard 
Wagner  en  appelât  aux  générations  futures  des  injustices  de  ses  con- 
temporains ;  mais  lui  qui  croit  que  les  ouvrages  ne  sont  faits  que  pour 
le  temps  où  ils  ont  été  faits  et  pour  des  circonstances  données  ,  com- 
ment peut-il  se  persuader  que  les  siens  vivront  dans  l'avenir?  Il  re- 
pousse le  monumental,  et  lui-même  veut  en  faire  pour  nos  neveux  !  La 
contradiction  ne  peut  être  plus  flagrante.  Si  je  cherche  à  la  concilier, 
je  ne  puis  y  parvenir  qu'en  supposant  que  Wagner  est  partisan  de  la 
doctrine  du  progrès  dans  l'art;  doctrine  qui  ne  soutient  pas  le  plus 
léger  examen,  et  que  l'expérience  repousse  aussi  bien  que  la  véritable 
philosophie.  FÉTIS  père. 

(La  suite  au  prochain  numéro.) 


UN  CONCOURS  DE  CHANT  DANS  LE  DÉPARTEMENT  DU  NORD. 

Le  beau  soleil  de  mai ,  qui ,  par  exception ,  n'a  pas  fait  mentir  les 
poètes  cette  année,  m'avait  donné  des  velléités  champêtres.  J'éprouvais 
un  besoin  impérieux  de  fuir  la  ville ,  d'aller  respirer  l'air  pur  des  cam- 
pagnes et  me  rafraîchir  l'âme  par  la  vue  de  la  végétation  printanière. 
Je  formai  le  projet  d'une  excursion  dans  le  département  du  Nord.  Un 
convoi  du  chemin  de  fer  me  déposa  à  Lille,  d'où  je  pris  ma  course  pé- 
destre, heureux  d'échapper  au  joug  de  la  vapeur,  d'être  libre  dans  mes 
allures,  de  m'appartenir  enOn.  Dût-on  m'appliquer  l'épithète  de  rétro- 
grade, je  déclare  que,  dans  mon  opinion,  les  chemins  de  fer  ont  détruit 
le  charme  des  voyages.  L'homme  qui  preud  place  dans  le  train  d'un 
railway  fait  le  sacrifice  de  sa  personnalité;  il  abdique  son  libre  arbitre; 
il  dépose  sa  dignité.  L'administration  qui  se  charge  de  le  transporter 
ne  fait  pas  plus  de  cas  de  lui  que  d'un  ballot  de  marchandise;  il  est 
mis  au  même  rang  que  sa  malle  et  son  sac  de  nuit.  On  n'a  pas  encore 
imaginé  de  le  revêtir  d'un  numéro  ;  mais  avec  les  progrès  de  ce  qu'on 
appelle  la  civilisation,  on  ne  peut  manquer  d'en  venir  là. 

Au  signal  du  coup  de  cloche ,  le  voyageur  s'est  hâté  de  prendre  sa 
place,  la  première  venue,  car  au  chemin  de  fer  on  ne  peut  retenir  un 
coin,  ainsi  que  cela  se  faisait  au  temps  de  la  diligence.  Le  voilà  ins- 
tallé ;  on  part...  on  est  parti.  Tant  pis  pour  les  retardataires  ;  la  vapeur 
n'attend  personne ,  impatiente  qu'elle  est  d'employer  sa  force  conte- 


204 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


nue.  Les  arbres,  les  maisons  glissent  comme  des  fantômes  le  long  des 
portières.  Un  site  pittoresque  se  présente  ;  le  voyageur  s'apprête  à  en 
jouir.  Soudain  le  convoi  entre  dans  un  tunnel,  sous  prétexte  que  les 
terrains  accidentés  le  gênent.  On  circule  dans  une  obscurité  profonde; 
mais  on  a  la  satisfaction  de  savoir  qu'au-dessus  de  soi  sont  de  riches 
prairies  et  des  coteaux  verdoyants.  Une  ville  intéressante,  à  laquelle 
se  rattachent  des  souvenirs  historiques ,  se  présente  sur  la  route  qu'on 
parcourt.  Il  faut  renoncer  à  la  connaître.  Le  chemin  de  fer  ne  franchit 
pas  plus  volontiers  les  murs  d'une  cité  que  les  flancs  d'une  colline.  On 
se  contente  donc  d'apercevoir  de  loin  les  silhouettes  des  plus  hauts  édi- 
fices se  détachant  sur  l'azur  du  ciel.  L'imagination,  quand  imagination 
il  y  a,  est  chargée  du  soin  de  compléter  le  tableau. 

Le  convoi  du  chemin  de  fer  suit  obstinément  sa  ligne  droite  inflexi- 
ble. Avec  lui,  plus  d'imprévu,  si  ce  n'est  quelque  explosion  ou  quelque 
choc  terrible  qui  vous  envoie  dans  l'autre  monde.  Adieu  les  mille  in- 
cidents de  la  route ,  les  enfants  qui  jouent  sur  le  seuil  des  chaumières, 
les  villages  traversés  le  soir,  la  forge  qu'illuminent  les  étincelles  jaillis- 
sant sous  les  coups  répétés  du  marteau,  le  passage  mystérieux  du  pont 
levis  d'une  place  forte  pendant  la  nuit,  les  haltes  des  relais,  les  discours 
mêlés  de  coups  de  fouet  que  le  postillon  adresse  à  ses  chevaux  pour 
stimuler  leur  ardeur,  les  côtes  gravies  à  pied  ;  adieu  tout  ce  qui  faisait 
le  charme  du  voyage  en  diligence.  Avec  le  chemin  de  fer,  on  part  et 
l'on  arrive.  Le  trajet  est  supprimé. 

Pour  quiconque  veut  voir  le  pays  qu'il  parcourt,  il  n'y  a  plus  qu'une 
manière  de  voyager  avec  quelque  agrément,  c'est  de  voyager  à  pied. 
Les  gens  qui  ont  peur  de  la  pluie  et  du  soleil,  du  vent  et  de  la  pous- 
sière, ceux  qui  veulent  tout  régler  méthodiquement  apprécient  peu  les 
avantages  de  ce  moyen  de  locomotion  essentiellement  primitif,  je  l'a- 
voue. Qu'il  est  doux  cependant  de  se  sentir  libre,  de  ne  dépendre  de 
rien,  ni  de  personne,  de  cheminer  à  son  aise  le  long  des  sentiers,  de 
s'arrêter  si  l'on  veut  pour  admirer  un  beau  point  de  vue,  de  s'asseoir 
au  bord  d'une  rivière  si  l'on  en  a  la  fantaisie,  de  cueillir  en  passant  des 
fleurs  dans  les  prés,  de  respirer  à  pleins  poumons  les  suaves  senteurs 
du  bois  dont  on  côtoie  la  lisière  !  On  marche  au  hasard,  et  comme  on 
n'a  pas  d'itinéraire  tracé  d'avance,  on  est  sûr  de  ne  pas  éprouver  de 
mécompte.  On  arrivera  toujours  bien  quelque  part. 

Je  m'étais  donc  soustrait  à  la  tyrannie  du  chemin  de  fer,  et  je  goû- 
tais dans  toute  sa  plénitude  le  charme  du  voyage  à  pied.  Vers  le  soir, 
j'entrai  dans  un  bourg  que  ses  habitants  décoraient,  non  sans  préten- 
tion et  un  peu  arbitrairement,  du  nom  de  ville.  Toute  la  population 
était  en  mouvement.  C'était  un  samedi,  et  le  lendemain  était  le  jour  de 
la  fête  communale,  appelée  Kermesse  dans  de  certaines  parties  du  dé- 
partement du  Nord  et  Lucassè  dans  d'autres.  Sur  une  place  plantée 
d'arbres  s'alignaient  les  boutiques  de  la  foire.  Les  marchands  profi- 
taient des  rayons  du  soleil  couchant  pour  mettre  la  dernière  main  à 
leur  étalage.  Pendant  ce  temps-là,  les  charlatans  débitaient,  à  grand 
renfort  de  mensonges  emphatiques  et  avec  l'aplomb  qui  les  caracté- 
rise, des  drogues  d'une  vertu  infaillible;  Jocrisse  et  Paillasse  exécu- 
taient une  parade  provocatrice  à  la  porte  d'un  spectacle  dont  les  pom- 
pes égalaient  suivant  eux,  si  elles  ne  les  dépassaient,  celles  de  l'Opéra; 
les  faiseurs  de  friture  parfumaient  l'air  des  produits  de  leur  industrie; 
des  spéculateurs  à  la  voix  enrouée,  qu'on  aurait  pu  prendre  pour  des 
philanthropes  désintéressés,  criaient  à  haute  voix  les  numéros  d'une 
de  ces  loteries  où  tout  le  monde  gagne,  si  ce  n'est  eux  apparemment. 

Ce  mouvement,  plus  pittoresque,  plus  gai  et  surtout  plus  nouveau 
pour  moi  que  celui  d'une  grande  ville,  me  plut  infiniment.  A  quoi  bon 
aller  plus  loin  ?  Pourquoi  ne  m'arrêterais-je  pas  en  cet  endroit  ?  Je  n'ai 
pas,  heureusement,  retenu  ma  place  pour  telle  ou  telle  station  ;  je  n'ap- 
partiens pas  à  la  vapeur;  je  suis  mon  maître  et  j'en  profite. 

A  l'une  des  extrémités  de  la  place  je  vois  une  auberge  qui  n'a  pas 
l'apparence  fastueuse  des  hôtels  de  nos  cités,  mais  qui  brille  de  cette 
propreté  qu'offre  la  plus  modeste  habitation  dans  les  provinces  du 
Nord.  Je  me  présente  couvert  de  poussière  ,  le  sac  sur  le  dos,  le  bâton 
du  voyageur  à  la  main,  dans  un  équipage  enfin  à  me  faire  éconduire, 


si  je  débarquais  au  sein  de  la  moindre  capitale,  par  tout  hôte  jaloux  de 
l'honneur  de  sa  maison.  Ici  l'on  n'y  regarde  pas  de  si  près.  On  m'ac- 
cueille d'une  façon  hospitalière.  Me  voici  installé  dans  une  chambre 
dont  l'ameublement  est  des  plus  simples,  mais  propre  et  riante,  et  d'où 
je  puis  jouir  à  mon  aise  du  spectacle  de  la  fête. 

J'étais  descendu  dans  la  salle  commune  des  voyageurs,  et  j'attendais 
qu'on  me  servît  à  dîner.  Le  propriétaire  de  l'hôtel  s'y  trouvait.  Je  le 
vis  tirer  d'une  armoire  une  cage  qu'il  déposa  sur  la  table  et  dans  la- 
quelle il  introduisit  les  aliments  destinés  au  petit  prisonnier  qu'elle 
contenait.  Jamais  je  n'avais  vu  mettre  un  oiseau  dans  une  armoire  ;  la 
place  me  parut  singulièrement  choisie,  et  je  me  hasardai  à  en  faire 
l'observation  à  mon  hôte.  Il  me  répondit  que  c'était  afin  que  son  pin- 
son, car  c'était  un  pinson,  fût  en  voix  pour  le  concours  du  lendemain. 

—  Quel  concours? 

—  Le  concours  de  chant.  Il  paraît  que  monsieur  est  étranger,  sans 
quoi  il  ne  me  ferait  pas  cette  question. 

—  A  la  vérité  ;  de  plus,  j'avoue  que  votre  réponse  ne  me  donne  pas 
la  solution  du  problème  de  cette  cage  et  de  cette  armoire.  Quel  rap- 
port y  a-t-il  entre  un  oiseau  et  le  concours  de  chant  dont  vous  me 
parlez  ? 

—  Ce  rapport  est  tout  simple  :  c'est  un  concours  de  chant  d'oiseau, 
un  concours  de  pinsons. 

Je  n'avais  jamais  entendu  parier  de  luttes  de  ce  genre.  Je  savais  les 
habitants  de  la  Flandre  française,  aussi  bien  que  ceux  de  la  Flandre 
belge,  grands  amateurs  de  concours  de  toute  espèce  :  concours  d'ar- 
chers, d'arbalétriers  et  de  carabiniers  ;  concours  au  jeu  de  balle  et  au 
jeu  de  quilles  ;  concours  de  musique  d'harmonie  et  de  chant  d'ensem- 
ble ;  concours  dramatique  ;  concours  pour  le  prix  à  décerner  au  plus 
grand  mangeur,  au  plus  intrépide  buveur,  au  plus  habile  faiseur  de  gri- 
maces; mais  le  concours  de  pinson  m'était  totalement  inconnu.  Je  priai 
mon  hôte  de  me  donner  quelques  renseignements  sur  cette  institution  à 
l'égard  de  laquelle  je  confessai  mon  ignorance  absolue.  Il  mit  à  me  sa- 
tisfaire un  empressement  qui  me  prouva  que  je  l'avais  appelé  sur  son 
terrain  favori. 

—  Nous  connaissons,  me  dit-il,  deux  espèces  de  pinsons  dans  le  pays, 
le  pinson  ordinaire  et  le  pinson  des  Ardennes.  Le  premier  est  plus  pe- 
tit que  l'autre.  C'est  celui  qui  chante  le  mieux  et  qu'on  élève  pour  les 
concours.  Les  pinsons  sont  grands  amateurs  de  fruits  ;  ils  se  tiennent 
dans  les  vergers;  c'est  là  qu'on  leur  fait  la  chasse.  On  peut  les  prendre 
tout  petits  dans  les  nids  et  les  élever  à  la  brochette,  mais  ceux-ci  ne 
deviennent  jamais  bons  chanteurs.  Pour  faire  des  élèves  distingués, 
il  faut  attendre  qu'ils  aient  un  an  environ  et  les  attraper  au  moyen  de 


—  De  quelle  nature  sont  ces  pièges? 

—  Vous  avez  un  pinson  chanteur  dans  une  cage  que  vous  déposez 
près  d'un  filet  tendu  sous  les  arbres  d'un  verger.  Vous  vous  cachez 
derrière  un  pommier  ou  un  poirier,  n'importe,  prêt  à  tirer  la  corde  qui 
sert  à  fermer  le  filet.  Le  pinson  captif  chante;  s'il  s'en  trouve  un  autre 
dans  le  voisinage,  il  ne  manque  pas  de  venir  se  percher  sur  la  cage; 
vous  faites  jouer  le  filet,  et  le  pinson  est  à  vous.  Ce  n'est  pas  plus  dif- 
ficile que  cela.  Quand  vous  avez  pris  un  pinson,  vous  pouvez  retourner 
chez  vous  ;  vous  n'en  attraperez  pas  deux  le  même  jour. 

—  Pourquoi  cela  ? 

—  C'est  qu'il  n'y  a  jamais  deux  pinsons  dans  un  verger.  Le  premier 
occupant  se  regarde  comme  légitime  propriétaire  du  jardin  et  des 
fruits  qu'il  renferme.  S'il  en  survient  un  second,  vous  les  verrez  se 
battre  jusqu'à  ce  que  l'un  des  deux  meure. 

—  Et  quand  on  a  pris  un  pinson,  comment  le  prépare-t-on  aux  con- 
cours dont  vous  me  parliez  tout  à  l'heure?  Comment  fait-on  son  édu- 
cation de  chanteur? 

—  On  le  met  dans  une  petite  cage  semblable  à  celle-ci,  me  dit  mon 
hôte  en  me  montrant  la  cellule  étroite  et  basse  où  s'agitait  le  petit 
prisonnier  ;  toutes  ont  la  même  forme.  Huit  jours  après,  quand  il  s'est 
accoutumé  à  sa  captivité,  on  lui  fait  l'opération  indispensable  pour  le 


DE  PARIS. 


205 


développement  de  son   talent  vocal  :  on  l'aveugle  en  lui  brûlant  les 
yeux  avec  un  fer  rouge. 

—  Quelle  barbarie  !  m'écriai-je. 

—  On  assure  que  cela  ne  lui  fait  pas  de  mal,  continua  imperturba- 
blement mon  interlocuteur  sans  paraître  attacher  grande  importance  au 
mouvement  d'indignation  qui  m'était  échappé.  La  preuve,  c'est  qu'à 
dater  de  ce  moment,  il  chante  mieux  et  plus  que  jamais.  Ne  connais- 
sez-vous pas  le  proverbe  :  Gai  comme  pinson? 

Je  ne  sus  trop  d'abord  que  répondre  à  cet  argument  assez  spé- 
cieux. Pourtant  je  fis  remarquer  à  mon  hôte  qu'il  serait  difficile  de  déci- 
der du  motif  qui  fait  chanter  le  pinson  aveuglé  dans  sa  cage.  Chante-t- 
il  parce  qu'il  est  gai ,  comme  dit  le  proverbe  ,  ou  bien  ,  au  contraire, 
parce  qu'il  est  triste  et  qu'il  s'ennuie  ?  Le  chant  n'est  pas  toujours  le 
signe  d'un  état  de  contentement.  L'homme  chante  dans  toutes  les  con- 
ditions :  il  chante  quand  il  est  heureux  pour  manifester  sa  joie,  et 
quand  il  souffre  moralement ,  pour  oublier  ses  maux.  Les  amoureux 
chantent  leur  bonheur  ou  leur  douloureux  martyre,  comme  disaient 
les  poètes  d'opéra  du  siècle  dernier  ;  l'ouvrier  chante  en  accomplissant 
son  dur  labeur  ;  le  prisonnier  chante  dans  son  cachot  ;  on  chante  à 
l'occasion  de  tous  les  grands  événements  publics  ;  l'église  a  ses  Te 
Deum  et  ses  De  profundis;  on  chante  aux  funérailles  de  nos  proches., 
et  le  chant  fait  couler  nos  larmes. 

Mon  hôte  ne  paraissait  pas  touché  '  le  moins  du  monde  de  mes 
réflexions  philosophiques.  Il  continua  : 

—  La  preuve  que  cette  opération  ,  barbare  suivant  vous,  ne  leur  fait 
pas  de  mal  ,  c'est  qu'elle  n'en  fait  mourir  aucun ,  quand  elle  est  prati- 
quée avec  soin  et  dextérité. 

—  Mais  à  quoi  bon  les  rendre  aveugles  ? 

—  C'est  que,  dans  les  concours  ,  la  vue  des  étrangers  les  effarou- 
cherait, tandis  que,  de  cette  manière,  ils  n'ont  pas  de  distractions. 

—  Leur  faut-il  longtemps  pour  s'accoutumer  à  leur  nouvel  état  et 
pour  qu'ils  soient  aptes  à  figurer  dans  un  concours? 

■ —  Ils  chantent  dès  qu'ils  sont  guéris  ;  mais  ce  n'est  qu'au  bout  de 
quatre  ou  cinq  ans  qu'ils  peuvent  poser.  Plus  jeunes,  ils  n'ont  pas  de 
chances  d'obtenir  le  prix  ;  ils  sont  toujours  vaincus  par  les  vieux.  Pour 
préparer  les  pinsons  novices  à  la  lutte,  on  les  place  de  temps  en  temps 
dans  le  voisinage  d'autres  plus  exercés.  On  en  réunit  ainsi  deux  ,  puis 
trois,  puis  un  plus  grand  nombre. 

—  Qu'entendez-vous  par  poser  ?  car  vous  venez ,  je  crois,  de  vous 
servir  de  ce  terme. 

—  Le  pinson  pose  lorsque,  étant  placé  à  côté  d'autres  oiseaux  de  son 
espèce,  il  essaie  de  l'emporter  sur  ceux-ci  en  chantant  plus  fort  et  plus 
longtemps.  Autant  de  fois  qu'un  pinson  fait  entendre  son  chant ,  au- 
tant de  fois  il  pose. 

—  Ce  chant  est-il  varié  ? 

—  Assurément.  L'organiste  de  notre  endroit  l'a  noté  en  musique. 
Je  le  sais  par  cœur,  et,  pour  peu  que  vous  le  désiriez,  je  vous  mettrai 
à  même  d'en  juger,  puisque  mon  pinson  ,  qui  s'y  prendrait  bien  mieux 
que  moi  ,  semble  vouloir  rester  muet  aujourd'hui. 

Cela  dit ,  mon  hôte  se  mit  en  devoir  de  satisfaire  un  désir  que  je 
n'avais  nullement  exprimé.  11  siffla  d'un  bout  à  l'autre  le  chant  en 
question  avec  une  telle  perfection ,  que  le  pinson  véritable,  celui  de  la 
cage,  lui  fit  immédiatement  concurrence  de  la  façon  la  plus  éner- 
gique. 

Pendant  ce  colloque,  on  avait  servi  mon  dîner.  Je  m'attablai,  décidé 
à  lui  faire  honneur  ;  car  la  nature,  qui  ne  perd  jamais  ses  droits,  me 
rappelait  sa  toute-puissance  par  un  appétit  qu'avait  aiguisé  une  longue 
marche.  La  monographie  du  pinson  chanteur  dont  je  venais  d'être  ré- 
galé par  un  discoureur  complaisant,  si  intéressante  qu'elle  fût,  n'avait 
pas  le  don  de  faire  prendre  à  mon  estomac  le  change  sur  la  prosaïque 
réalité  de  ses  besoins.  Mon  repas  terminé,  et  tandis  que  j'aspirais  les 
bouffées  d'un  cigare  de  contrebande,  l'hôte  s'approcha  et  me  demanda 
si  j'étais  curieux  d'assister  aux  préparatifs  du  concours  du  lendemain. 
N'ayant  rien  de  mieux  à  faire,  je  mis  volontiers  à  profit  cette  occasion 


de  compléter  mon  instruction  ornithologique.  Nous  nous  dirigeâmes 
vers  le  lieu  désigné  pour  l'assaut. 

Tandis  que  nous  nous  acheminions  vers  l'une  des  extrémités  du 
bourg,  je  veux  dire  de  la  ville,  où  les  éleveurs  de  pinsons  se  réunis- 
saient d'habitude,  mon  conducteur  acheva  de  me  donner  quelques  in- 
dications relativement  aux  soins  que  réclament  les  virtuoses  ailés  sur 
lesquels  allait  bientôt  se  fixer  l'attention  générale.  Nous  arrivâmes 
ainsi  à  un  cabaret  situé  en  plein  champ,  auquel  était  attenant  un  mur 
d'environ  vingt  mètres  de  long  qui  servait  de  clôture  à  un  jardin  public. 
Les  oiseleurs  y  étaient  en  nombre  ;  autour  d'eux  s'était  formé  un  cercle 
d'amateurs.  Tout  en  buvant  force  verres  de  bière,  car  rien  n'altère 
comme  la  discussion,  on  réglait  les  conditions  du  prochain  combat,  on 
en  supputait  les  chances,  des  paris  s'engageaient,  et  pour  d'assez 
grosses  sommes.  Parmi  les  concurrents,  il  y  en  avait  de  préférés, 
comme  aux  courses  de  chevaux  ;  on  spéculait  sur  leur  renommée,  et 
cependant  la  palme  pouvait  échoir  à  quelque  obscur  jouteur.  Mon  hôte, 
connu  pour  un  des  éleveurs  les  plus  experts  de  la  contrée,  fut  accueilli 
par  des  marques  unanimes  de  déférence.  On  s'en  rapporta  à  son  expé- 
rience pour  les  dernières  dispositions  à  prendre. 

La  première  mesure  mise  aux  voix  fut  la  nomination  des  juges  du 
concours.  Le  nom  de  mon  hôte  fut  celui  qui  réunit  le  plus  grand  nombre 
de  suffrages  ;  vinrent  ensuite  ceux  de  l'organiste  de  l'église  paroissiale 
et  du  chef  de  musique  de  la  garde  nationale,  auxquels  on  joignit  des 
amateurs  connus  qui  n'avaient  pas  cette  fois  d'intérêts  engagés.  On 
tira  ensuite  au  sort  les  places  qui  seraient  occupées  par  les  concur- 
rents. C'était,  comme  on  me  l'expliqua,  une  opération  de  la  plus  haute 
importance,  et  je  pus  m'en  convaincre  par  le  vif  intérêt  qu'y  prirent 
les  oiseleurs.  Voici  ce  que  j'appris  à  cet  égard  :  à  un  mètre  du  mur  at- 
tenant au  cabaret  devant  lequel  nous  étions  réunis,  était  une  rangée 
de  chaises  assez  largement  espacées.  Sur  chacune  de  ces  chaises  de- 
vait être  placée  la  cage  d'un  pinson  ;  toutes  portaient  un  numéro  corres- 
pondant à  l'un  de  ceux  que  le  sort  allait  répartir  entre  les  propriétaires 
d'oiseaux  chanteurs.  La  distribution  des  places,  réglée  par  l'aveugle 
hasard,  peut  exercer  une  grande  influence  sur  les  résultats  du  con- 
cours. Les  chaises  du  centre  sont  beaucoup  plus  favorables  que  celles 
des  extrémités.  Semblable  à  d'autres  oiseaux  et  aussi  à  certains  hommes 
fort  déplaisants  dans  une  conversation  générale,  le  pinson  est  ainsi 
fait,  que  plus  il  entend  chanter,  plus  il  chante.  Il  s'efforce  de  dominer 
de  sa  voix  celle  de  ses  voisins  et  mourrait  à  la  peine,  plutôt  que  de 
céder  sur  ce  point.  Les  pinsons  placés  au  centre  de  la  ligne  ont  des 
voisins  qui  les  excitent  à  poser;  ceux  des  extrémités,  n'étant  stimulés 
que  d'un  seul  côté,  sont  moins  portés  à  s'égosiller;  ils  se  reposent  de 
temps  en  temps  et  laissent  leurs  compétiteurs  plus  animés  prendre 
l'avance. 

Le  jury  nommé,  les  places  des  concurrents  tirées  au  sort,  on  se  re- 
tira en  prenant  rendez-vous  pour  le  lendemain.  Je  me  promis  bien  de 
ne  pas  arriver  un  des  derniers  à  une  solennité  musicale  d'un  genre 
si  nouveau  pour  moi,  et  je  me  tins  parole.  Or  il  y  avait  quelque  mé- 
rite à  cela,  car  les  concours  de  pinsons  ont  lieu  entre  cinq  et  six 
heures  du  matin.  On  aurait  pu  mieux  consulter  les  convenances  des 
auditeurs  ;  mais  ne  fallait-il  pas  songer  d'abord  à  celles  des  exécu- 
tants ?  On  a  reconnu  que  ceux-ci  sont  plus  en  voix  et  ^)lus  en  force 
dans  la  première  partie  de  la  matinée.  Je  me  levai  donc  dès  l'aube  ou 
à  peu  près.  Mon  hôte  s'était  déjà  dirigé  vers  le  lieu  de  la  fête  ;  on  en 
était  aux  derniers  préliminaires  quand  j'y  parvins  seul  et  sans  guide, 
ce  qui  n'était  pas  dificile,  vu  le  peu  d'étendue  de  la  localité.  Sur  cha- 
que chaise  était  une  cage  de  pinson  ;  auprès  se  tenait  un  des  juges 
ayant  à  la  main  une  règle  plate  sur  laquelle  son  office  est  de  marquer 
d'un  trait  à  la  craie  chaque  chant  de  l'oiseau  qu'il  épie.  Le  chant  qui 
s'arrête  à  mi-chemin,  qui  ne  se  compose  pas  du  prélude,  du  roulement 
et  de  la  finale,  qui  n'est  pas  complet  en  un  mot,  ne  doit  pas  être  mar- 
qué. Derrière  chaque  marqueur  il  se  trouve  un  second  juge  chargé  de 
contrôler  l'exactitude  de  ses  opérations. 

Les  pinsons  n'avaient  pas  attendu  le  signal  des  autorités  pour  se 


206 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


faire  entendre.  Ils  sifflaient  depuis  longtemps  à  l'envi,  quand  le.  pré- 
sident du  jury  proclama  le  concours  ouvert  ;  mais  alors  seulement  les 
marqueurs  firent  leur  office.  L'auditoire  observa  un  religieux  silence. 
Ce  ramage  d'oiseaux,  par  une  riante  matinée  du  printemps,  me  parut 
d'abord  agréable.  Au  bout  d'un  quart  d'heure,  je  le  trouvai  monotone. 
L'heure  écoulée,  il  m'était  insupportable.  Cependant  je  tins  bon  jus- 
qu'à la  fin.  Une  heure  est  la  durée  fixée  pour  les  concours.  A  un  signe 
fait  par  le  chef  du  jury,  les  mains  des  marqueurs  s'arrêtèrent  toutes  à 
la  fois. 

11  restait  une  opération  à  faire,  c'était  d'additionner  les  lignes  tra- 
cées à  la  craie  sur  les  règles.  Leur  nombre  variait  considérablement. 
Les  vieux  pinsons  avaient,  comme  de  coutume,  vaincu  leurs  jeunes 
émules.  Il  restait  à  ceux-ci  l'espoir  de  triompher  à  leur  tour  quand 
l'âge  et  l'expérience  auraient  mûri  leur  talent.  Il  fut  constaté  que  le 
pinson  auquel  fut  adjugé  le  prix  avait  posé  six  cent  soixante  jois  dans 
l'espace  d'une  heure. 

On  avait  amené  des  concurrents  de  points  éloignés  du  département 
du  Nord  et  de  celui  du  Pas-de-Calais.  Il  en  était  venu  de  Belgique.  Ce- 
lui auquel  échut  cette  fois  la  palme  du  vainqueur  était  d'Armentières. 
Les  amateurs  de  sa  localité  témoins  de  son  succès  firent  entendre  de 
vifs  applaudissements  quand  on  publia  le  résultat  du  concours.  Des 
pigeons  furent  lâchés  pour  porter  au  pays  celte  bonne  nouvelle  dont 
tout  Armentières  allait  se  réjouir.  Jamais  on  n'avait  fait  une  plus  juste 
application  de  leur  instinct  voyageur,  puisqu'il  s'agissait  de  célébrer  la 
gloire  de  la  gent  ailée  représentée  par  le  pinson  couronné. 

Une  certaine  agitation  suivit  la  proclamation  du  lauréat.  On  s'occupa 
de  régler  les  paris.  Il  y  eut  comme  toujours,  en  pareil  cas  ,  des  satis- 
fait et  des  mécontents.  Ensuite,  des  marchés  furent  conclus  ;  quelques- 
uns  des  pinsons  qui  avaient  le  mieux  figuré  dans  la  lutte  se  vendirent 
forts  cher.  Il  en  est  qui  atteignirent  le  prix  de  deux  cents  francs. 

Je  rentrai  à  mon  hôtel  assez  fatigué  de  la  cérémonie  dont  je  venais 
d'être  témoin,  dégoûté  pour  longtemps  du  chant  des  oiseaux  civilisés, 
et  décidé  à  faire  part  aux  lecteurs  de  la  Gazette  musicale,  avec  l'agré- 
ment de  son  rédacteur  en  chef,  des  particularités  d'un  concours  de 
pinsons.  Edouard  FÉTIS. 


NOUVELLES. 

*„;*  Demain  lundi,  à  l'Opéra,  le  Freischiilz,  suivi  du  Diable  à  quatre. 

*„*  Une  indisposition  de  Chapuis  a  empêché  de  donner  le  Juif  errant 
pendant  toute  la  semaine.  Mais  Gueymard  achevait  d'apprendre  le  rôle 
de  Léon,  et  la  vingt  et  unième  représentation  de  l'ouvrage  en  vogue  est 
annoncée  pour  mercredi  prochain. 

*„*  Deux  belles  représentations  des  Huguenots  ont  eu  lieu  lundi  et  ven- 
dredi. La  foule  s'y  est  portée  avec  un  empressement  qui  n'a  pas  besoin 
d'être  expliqué.  Gueymard,  revenu  de  Londres,  a  fait  sa  rentrée  parle 
rôle  de  Raoul,  dans  lequel  il  déploie  des  qualités  supérieures.  Au  qua- 
trième acte  il  a  passionné  la  salle  entière  dans  la  grande  scène  avec 
Mlle  Poinsot,  qui  chante  et  joue  avec  beaucoup  d'éclat  le  rôle  de  Valen- 
tine.  Mme  Laborde  rentrait  aussi  par  le  rôle  de  Marguerite,  et  son  talent 
de  cantatrice  brillante  en  a  fait  valoir  toutes  les  beautés.  Obin,  Brémont, 
Marié  et  Fleury  ont  eu  leur  part  du  succès. 

V  Mercredi  dernier,  le  Freischiilz  et  le  Vert-Vert  composaient  le  spec- 
tacle. 

*„*  Bien  de  moins  fondé  que  le  bruit  d'une  traduction  du  Camp  de  Si- 
lésie,  préparée  par  Meyerbeer  en  société  avec  M.  Scribe,  sous  le  titre  de 
Vielka. 

*„*  Galathê'ë,  VIrato  et  le  Farfadet  occupent  trois  fois  par  semaine  l'af- 
ftce  de  l'Opéra-Comique.  Les  Porcherons  et  le  Songe  d'une  nuit  d'été  ont 
défrayé  les  autres  jours  avec  les  Voitures  versets  et  Madelon.  La  salle  n'a 
jamais  cessé  d'être  remplie. 

*./  A  la  dernière  représentation  du  Carillonneur  de  Bruges,  Mlle  Wer- 
tlieimber  a  repris  le  rôle  de  Béatrix,  dont  Mme  Meyer-Meillet  avait,  du 
reste,  fort  bien  rempli  l'intérim. 

***  C'est  Delaunay  qui  joue  maintenant  dans  le  Farfadet  d'Adolphe  Adam, 
et  l'ouvrage  est  toujours  représenté  avec  un  égal  succès. 

V  La  Poupée  de  Nuremberg  continue  son  tour  de  France.  A  Nantes,  on 
l'applaudit  comme  à  Paris. 

*„*  Ulysse,  tragédie  en  cinq  actes,  avec  des  chœurs,  dont  la  musique 
est  de  M.  Gounod,  a  été  représentée  vendredi  dernier  au  Théâtre-Fran- 
çais. Nous  parlerons  de  cette  œuvre  remarquable  à  tous  égards. 

***  La  recette  des  divers  spectacles,  concerts  et  curiosités,  pendant  le 
mois  de  mai,  a  produit  une  somme  totale  de  1,0-1 8, 58/i  fr.  49  c.  Celle  du 
mois  précédent  n'avait  été  que  de  935,260  fr.  88  c. 


***  Notre  collaborateur  Hector  Berlioz  est  de  retour  à  Paris. 

%*  Aujourd'hui  dimanche,  il  y  aura  exercice  dramatique  et  lyrique  au 
Conservatoire  de  musique  et  de  déclamation.  Le  programme  se  compose 
ainsi  qu'il  suit  :  1°  ouverture  des  Deux  aveugles  di  Tolède,  de  Méhul  ; 
2°  les  -Précieuses  ndicules ,.  de  Molière,  jouéespar  MM.  Tuchmann,  Buthiau, 
Lesage,  Mlles  Valérie,  Arrène  et  Blum  ;  3°  Joconde,  d'Etienne  et  Nicolo, 
joué  par  MM.  Sapin,  Crémers,  Faure,  Shannon,  Boulanger,  Laurent, 
Mlles  Geismar,  Dhélens  et  Boulart. 

*„,*  L'examen  semestriel  du  Conservatoire  finira  jeudi  [prochain.  Le 
concours  de  chant  sera  cette  année  plus  nombreux  que  jamais,  surtout 
pour  les  élèves  du  sexe  masculin.  Il  n'y  aura  pas  moins  de  24  hommes  et 
de  26  femmes  :  en  tout ,  50  élèves.  L'année  dernière,  il  n'y  avait  que  13 
hommes  et  24  femmes  :  en  tout ,  37. 

%*  L'inspection  des  écoles  succursales  va  commencer  immédiatement 
L'importance  de  cette  mesure  s'accroît  encore  cette  année  de  la  néces- 
sité d'établir  sur  un  pied  nouveau  les  rapports  des  succursales  avec  la 
métropole.  Le  gouvernement  en  a  fourni  les  moyens,  en  accordant  des 
fonds  supplémentaires  aux  quatre  écoles  de  Toulouse,,  Marseille,  Lille,  et 
Metz.  Il  n'est  pas  douteux  que  les  autorités  locales  ne  s'empressent  de 
seconder  ses  vues  de  tout  leur  pouvoir. 

%*  Le  succès  d'Emile  Prudent  a  Londres  est  toujours  le  même.  Au  con- 
cert de  Mlle  Anichini,  le  llèceil  des  Fées  a  encore  été  bissé  avec  trans- 
port. 

*j*  M.  Georges  Kastner,  qui  a  déjà  reçu,  il  y  a  quelques  années,  de 
S.  M  Frédéric-Guillaume  IV,  roi  de  Prusse,  la  médaille  d'or  pour  les  arts 
et  les  sciences,  vient  d'obtenir  du  même  souverain  ,  pour  son  bel  ouvrage 
historique,  philosophique,  littéraire  et  musical  intitulé  les  Danses  des 
Morts,  lai  décoration  dé  l'ordre  royal  de  l'Aigle-Rouge  de  troisième  classe, 
distinction  qui  correspond  au  grade  de  d'officier  de  la  Légion-d'Ulonneur 
en  France. 

%*  La  jeune  et  charmante  chanteuse,  Jetty  de  Treffz,  vient  d'accepter 
un  engagement  pour  l'Amérique,  à  raison  de  30,000  dollars  par  an. 

*„*  Mme  Rudersdorf-Kuchenmeister  obtient  de  brillants  succès  a-  Posen, 
au  théâtre  et  dans  les  concerts.  C'est  dans  les  Cantatrici  villane  et  la  Fille 
du  régiment,  qu'elle  a  été  le  plus  applaudie.  Elle  a  dû  jouer  ce  dernier 
opéra  trois  fois  de  suite. 

***  Nous  avons  déjà  fait  connaître  à  nos  lecteurs  un  recueil  sérieux-  de 
musique  sacrée  dirigé  par  M.  J.  Régnier,  auteur  du  livre  de  VOrgue.  Ce 
recueil  intitulé  le  Chœur,  alimenté  et  répandu  par  une  société  fondée  à 
Nancy,  en  est  à  sa  cinquième  année.  Nous  le  recommandons  aux  amateurs 
des  chefs-d'œuvre  classiques  ,  tels  que  ceux  de  Palestrina,.  Arcadelt, 
Orlando,  Bach,  Rinck,  Marcello,  Lachner,  Baini,  etc.,  etc. 

%*  Un  concert  donné  lundi  dernier  au  théâtre  de  Versailles  a  réuni 
la  plus  brillante  société  de  cette  ville.  Cette  séance,  musicale  et  drama- 
tique en  même  temps,  avait,  il  est  vrai,  de  puissants  éléments  de  succès. 
La  bénéficiaire  de  la  solennité  artistique  en  question  était  Mme  Steineu- 
Beaucé,sœur  de  la  primadonna  du  théâtre  ,çte  l'Opéra-Comique,  MmeUgalde, 
qui  a  prêté  le  concours  de  son  talent  à  Mme  Steiner-Eeaucé,  cantatrice 
dramatique  elle-même.  On  cite,,  au  nombre  des  séductions  de  ce  char- 
mant concert,  le  jeu  fin,  délicat,  énergique  et  brillant  de  Mlle  Grae- 
ver  sur  le  piano  :  elle  a  dit  la  Lucii  de  Prudent,  le  morceau  si  difficile  de 
Guillaume  Tell  par  Liszt,  et  l'une  des  jolies  bagatelles  de  Gottschalk,  avec 
cette  prestesse  de  main,  cette  netteté,  cette  variété  de.  style  qui  distingue 
la  jeune  et  habile  pianiste  hollandaise.  Mieux  inspirée  que  la  plupart  de 
nos  virtuoses  à  réputations  européennes,  Mlle  Graever  a  préféré  les  suffra- 
ges des  vrais  amateurs  de  nos  sociétés  les  plus  distinguées  de  Paris  aux 
éventualités  de  la  saison  des  concerts  de  Londres. 

*„*  Le  dimanche  27  juin  prochain  doit  avoir  lieu,  à  Meaux,  en  présence 
d'un  jury  composé  de  hautes  sommités  musicales,  le  second  concours  an- 
nuel entre  les  sociétés  chorales  et  les  musiques  d'harmonie  du  départe- 
ment de  Seine-et-Marne  et  des  départements  voisins.  Cette  solennité  pro- 
met d'être  des  plus  brillantes;  presque  toutes  les  sociétés  chorales  de 
Paris  doivent  y  prendre  part  La  lutte  sera  vive  et  animée  ;  partout  on 
travaille  avec  cet  esprit  d'émulation  et  de  rivalité,  dont  l'heureuse 
influence  double  les  forces  et  multiplie  les  facultés.  On  ne  saurait  accueil- 
lir avec  trop  d'empressement  cette  œuvre  de  propagande  musicale.  Elle 
est  évidemment  un  des  plus  sûrs  moyens  d'instruction  et  d'éducation 
qu'il  soit  possible  d'imaginer,  une  source  intarissable  de  joies  honnêtes  et 
de  nobles  récréations. 

CRON1QUE    DÉPaRTEMENTâLE. 

*.,,*  A7me\  —  Les  adieux  de  la  troupe  d'opéra  ont  eu  lieu  dans  le  Pro- 
phète. M.  Marioz  (Jean  deLeyde),  le  ténor  à  la  voix  puissante,  et  Mlle  Elmire, 
la  cantatrice  aimée,  ont  été  couverts  de  bravos.  Mme  Lafont,  première 
chanteuse  du  théâtre  de  Toulouse,  a  donné  une  représentation  du  Pro- 
phète. Le  public  lui  a  prouvé,  en  l'accueillant  avec  enthousiasme,  que  la 
remarquable  artiste   n'est  pas  de  celles  qu'on  oublie. 

%*  Rouen.  —  Nous  avons  déjà  signalé  le  progrès  que  fait  dans  cette 
ville  l'art  de  la  musique  religieuse,  grâce  à  la  protection  que  lui  accorde 
le  vénérable  prélat  qui  a  la  direction  spirituelle  du  diocèse.  Le  maître  de 
chapelle  de  la  cathédrale,  M.  Ch.  Vervoitte,  dont  le  talent  se  produit  dans- 
toutes  les  solennités  où  l'Eglise  appelle  les  arts  à  seconder  les  magnifi- 
cences du  culte,  ne  concentre  pas  son  zèle  dans  la  limite  de  notre  ville  ; 
il  se  fait  l'apôtre  de  la  bonne  musique  dans  les  localités  environnantes  ; 
il  est  partout  le  propagateur  des  bonnes  méthodes  d'enseignement  choral. 
Ainsi  on  l'a  vu  il  y  a  quelques  jours  diriger,  à  la  Société  philharmonique 


DE  PARIS. 


207 


de  Dieppe,  l'exécution  de  plusieurs  de  ses  compositions  dont  les  dames 
et  les  sociétaires  s'étaient  faits  les  interprètes,  et  do  ce  concert,  dont  les 
virtuoses  étaient  tous  gens  du  monde,  H.  Vervcùtte  a  passé  à  une  séance 
musicale  dont  les  interprètes  étaient  soixante  pauvres  enfants  formant  la 
classe  chorale  de  l'institution  des  Frères  des  écoles  chrétiennes.  M.  le 
maître  de  chapelle  de  la  métropole  a  fait  subira  ces  jeunes  exécutants  un 
examen  dont  le  résultat  a  été  des  plus  satisfaisants.  Mgr  l'archevêque, 
dont  chacun  connaît  le  goût  artistique,  voit  ainsi  s'étendre  dans  tout  son 
diocèse  l'heureuse  impulsion  qu'il  a  donnée  dans  sa  cathédrale,  et  de  tous 
côtés  le  sentiment  de  la  musique  sacrée  se  révèle  et  donne  à  la  prière  un 
charme  auquel  les  plus  indifférents  en  matière  de  religion  ne  restent  pas 
insensibles. 

CHRONIQUE     ÉTRANGÈRE. 

%*  Londres,  18  juin.  —  Le  sixième,  et  peut-être  le  plus  brillant,  des 
concerts  de  la  nouvelle  Société  philharmonique,  a  terminé  heureusement 
la  série  de  ses  travaux  pour  la  saison.  Les  dépenses  préliminaires  de  pa- 
reilles entreprises  doivent  être  naturellement  très-considérables,  et  sous 
ce  rapport,  les  directeurs  de  la  nouvelle  Société  se  sont  exécutés  avec  la 
plus  entière  libéralité.  Ainsi  le  manque  de  répétitions  suffisantes  a  tou- 
jours été  jusqu'ici  la  véritable  cause  de  l'infériorité  d'exécution  des  so- 
ciétés musicales  de  Londres  ;  mais  la  nouvelle  Société  a  résolu  de  com- 
mencer la  réforme,  et,  pour  en  citer  un  exemple,  ,1a  symphonie  avec 
chœurs  n'a  pas  été  répétée  moins  de  six  fois  avant  d'être  exécutée  en 
public,  Berlioz  déployant  toute  son  énergie  et  son  talent  pour  orga- 
niser la  magnifique  interprétation  que  nous  avons  eu  enfin  le  bonheur 
d'entendre.  Aussi  le  triomphe  artistique  a  été  grand.  De  quinzaine  en 
quinzaine,  des  auditoires  enthousiasmés  ont  rempli  la  vaste  salle  d'Exeter- 
Hall  pour  entendre  une  musique  à  la  fois  nouvelle  et  classique,  une  musi- 
que jusqu'ici  peu  connue,  sinon  des  amateurs  qui  suivent  les  progrès 
de  l'art  sur  le  continent.  L'exécution  de  la  symphonie  avec  chœurs  est 
certainement  la  meilleure  qui  ait  jamais  été  produite  en  Angleterre,  et, 
en  même  temps,  le  génie  de  Berlioz  a  obtenu,  avec  sa  merveilleuse 
composition  de  Faust,  un  succès  plus  grand  encore  et  plus  enthousiaste 
que  celui  qui  avait  accueilli  sa  symphonie  de  Romeo  et  Juliette.  Ces  frag- 
ments de  Faust,  ont  été  le  plus  grand  événement  du  sixième  concert,  et 
ils  étaient  suivis  de  la  Marche  hongroise,  qui  a  soulevé  tout  l'auditoire, 
et  qu'on  a  redemandée  à  grands  cris.  A  la  fin  du  concert,  le  com- 
positeur lui-même  a  été  rappelé  plusieurs  fois.  —  Au  théâtre  de  Sa 
Majesté,  Sophie  Cruvelli  et  Mme  de  la  Grange  se  partagent  tou- 
jours le  premier  rang.  Il  y  a  peu  de  temps,  la  dernière  a  fait  réel- 
lement furore  en  chantant  une  mazurka  de  Schulhoff.  Jamais  la  vocali- 
sation n'avait  été  portée  à  un  degré  d'audace  et  d'agilité  si  extraordi- 
naire. Dans  un  concert  donné  par  la  reine,  en  présence  de  toute  la  cour, 
Sophie  Cruvelli  n'est  arrivée  qu'une  heure  après  les  autres  artistes.  L'or- 
dre du  programme  avait  dû  être  interverti.  Il  fallait  que  l'artiste  passât 
devant  la  reine  pour  se  rendre  à  son  poste.  L'artiste  s'est  inclinée  profon- 
dément, et  la  reine  s'est  Contentée  de  sourire.  Autrefois  l'affaire  n'eût  pas 
fini  ainsi.  —  Au  théâtre  de  Covent-Garden,  il  est  toujours  question  du 
Pietro  il  Grande,  l'opéra  de  Jullien;  mais  on  le  réserve,  dit-on,  pour  l'épo- 
que où  la  saison  touchant  à  sa  fin  commence  à  se  ralentir  et  a  besoin  d'un 
coup  de  fouet  vigoureux.  Jullien  a  remis  le  voyage  qu'il  devait  faire  cette 
année  en  Amérique  pour  ne  s'occuper  que  de  son  opéra.  —  La  reine  et  le 
prince  Albert  assistaient  le  16  de  ce  mois  à  la  représentation  de  Don  Car- 
los au  Théâtre-Allemand.  Dans  une  loge  se  trouvaient  Jenny  Lind  et 
M.  Goldschmidt,  son  mari,  qui  ne  cessaient  d'attirer  l'attention.  Le  cri  de 
vive  Jenny  Lind]  accompagné  d'applaudissements,  s'est  fait  entendre  sur 
plusieurs  points  du  parterre,  mais  il  a  été  réprimé  sur-le-champ,  l'éti- 
quette interdisant  toute  manifestation  dont  Sa  Majesté  n'a  pas  donné  le 
signal.  Les  directeurs  des  deux  théâtres  italiens  de  Londres  et  plusieurs 
entrepreneurs  de  concert  ont  proposé  à  Jenny  Lind  les  plus  brillants-en- 
gagements, mais  la  célèbre  artiste  a  refusé,  en  disant  que  sa  santé  exi- 


geait un  repos  absolu.  On  annonce  que  Jenny  Lind  s'embarquera  prochai- 
nement pour  Gothembourg,  d'où  elle  se  rendre  â  Stockholm  dans  le  sein 
lit'  sa  famille. 

*„*  Berlin.  —  Au  théâtre  Fricderieh-Wilhelmstadt,  la  reprise  du  Maçon, 
d'Auber,  a  fait  le  plus  grand  plaisir.  Cette  charmante  partition  a  été  vi- 
vement applaudie.  Une  solennité  commémorative  a  eu  lieu  à  l'Acadé- 
mie de  cliant  en  l'honneur  de  feu  le  lieutenant-général  de  Unruh;  on  y  a 
exécuté  un  choral  fie  Séb.  ISach,  le  Requiem  de  Jomelli,  plusieurs  compo- 
sitions du  défunt.  Cette  solennité,  qui  a  produit  un  grand  effet,  s'est  ter- 
minée par  un  choral  de  Graun. 

*i*  Munich.  —  Mme  Sontag  a  donné,  le  6  juin,  son  dernier  concert  au 
profit  des  pauvres.  Des  artistes  et  des  amateurs  ont  voulu  fêter  l'illustre 
cantatrice  d'une  manière  digne  d'elle.  Au  moment  de  lui  faire  eurs 
adieux  au  nom  du  public  bavarois,  ils  l'ont  entourée  et  ont  chanté  en 
chœur  une  ode  composée,  il  y  a  déjà  plusieurs  années,  en  son  honneur. 
Mme  Sontag  a  été  vivement  émue  en  reconnaissant  dans  cette  ode  des 
vers  composés  pour  elle  par  le  roi  actuel  de  Ba\ière,  Maximilien  II,  lors- 
qu'il n'était  encore  que  prince  royal  et  se  trouvait  à  l'Université  de  Ber- 
lin, au-x  jours  des  premiers  triomphes  de  la  jeune  artiste. 

***  Clèves.  —  Le  festival  du  Bas-Rhin,  auquel  concourent  les  liederta- 
fel  des  Pays-Bas  et  de  la  Prusse- rhénane,  aura  lieu  cette  année  dans  cette 
ville. 

V  Pcsih.  —  Mlle  Liebhardt  a  chanté  trois  fois  au  Théâtre-National  ;  les 
principaux  rôles  de  Mttrthaet  de-//«nyùtf(/-i<Hs/o,-opérade;Sl.;Br-feei,-0nt 
été  pour  la  jeune  cantatrice  l'occasion  de  véritables  triomphes. 

*s*  Gênes.  —  M.  Angelo-Mariani  prend  décidément  la  direction  du 
théâtre  Carlo  Felice.  11  a  débuté  par  .Robert-le-Diabk,  de  manière  à  nous 
faire  espérer  qu'on  devra  au  nouveau  directeur  la  restauration  de  l'art 
musical  en  Italie. 


Le  gérant  :  Ernest  DESCHAMPS. 

—  Une  place  d'alto  est  vacante  dans  l'orchestre  de  l'Académie  de  mu- 
sique. Un  concours  aura  lieu  le  samedi  26  de  ce  mois,  à  midi.  MM.  les  ar- 
tistes qui  désirent  y  prendre  part,  sont  priés  de  se  faire  inscrire  au  se- 
crétariat de  l'administration  de  l'Académie  de  musique,  rue  Drouot,  5. 

—  Nous  croyons  devoir  recommander  aux  mères  de  famille  les  cours 
d'instruction  pour  les  jeunes  personnes  dirigés  par  Mme  Jaccaz,  rue  Saint- 
Georges,  Zi3.  Trois  cours,  formant  chacune  deux  divisions,  offrent  à  tous 
les  âges,  depuis  quatre  ans  jusqu'à  dix-sept,  une  éducation  graduée  et 
complète.  Les  parents  sont  invités  à  assister  aux  leçons  que  reçoivent 
leurs  enfants.  Le  prix  se  traite  de  gré  à  gré  avec  leurs  familles. 

—  Mgr  l'archevêque  de  Bordeaux,  nos  seigneurs  les  évêques  de  Ver- 
sailles, de-Mende,  d'Évreux,  de  Luçon,  de  Pamiers,  d'Ajaccio,  d'Hétalonie, 
de  Bourges,  de  Montpellier  et  de  Beauvais,  Noyon  et  Senlis,  viennent  d'ap- 
prouver, par  des  lettres  particulières,  les  harmonies  sacrées  du  chevalier 
Gaston  d'Albano,  publiées  sous  le  titre  :  Les  Femmes  de  la  sainte  Bible. 


MUSIQUE  RELIGIEUSE. 


Collection  périodique  des  meilleures  pièces  de  musique  d'église, 
pour  les   voix  et  l'orgue. 

Six  numéros  par  an. 

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de  la  Société  de  musique  religieuse,  à  Nancy. 


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2.  Pas  des  Voiles 4  50 

3.  Le  Bourdonnement k  50 

h.  Le  Berger  Aristée k  50 


jN™  5.  La  Ronde U  50 

6.  La  Reine  des  abeilles 4  50 

7.  La  Recherche k  S0 

S.  Marche  triomphale 2  50 


208 


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peuples,  depuis  l'antiquité  jusqu'à  nos  jours; 
2*  La  nouvelle   organisation  instrumentale  prescrite  par  l'ordonnance 

ministérielle  du  19  août  18Û5; 
3°  La  description  et  la  figure  des  instruments  de  M.  Adolphe  Sax; 
U°  Quelques  instructions  pour  la  composition  et  l'exécution  de  la  musique 

militaire. 

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N°  20. 


REVUE 


27  Juin  1852. 


l'rh  de  1  .«bonnement  i 


népirtemènts,  Ro'gique  él  Su 
Étranger       


Itnli 


Ihirenu  des  Posti-s. 
Si'lili'singtr,  'M.  u.d.  l.inden. 
Bot.-  ri  Bock,  42.  Juegerstr. 
SuSatU. 


I,ft  Journal  paraît  le  Dimanche. 


GAZETTE  MUSICALE 


91    PâEIS, 


■vwuW©858JV\aa«- 


SOMMAIRE.  —  Richard  Wagner  (4"  article),  par  ï-'étis  père.  —  Théâtre-Français, 
Ulyste,  tragédie  de  M.  Ponsard,  avec  chœurs  et  musique  de  M.  Charles  Gounod, 
par  IImhiki-  Bourges.  —  Conservatoire  national  de  musique  et  de  déclama- 
tion, exercice  des  élèves,  les  Précieuses  ridicules  et  Jocunde.  —  Concours  de 
chant  d'ensemble  à -Lille.  —  Nouvelles  et  annonces. 


EICHABD  WAGNER. 

Sa  vie.  —  Son  système  de  rénovation  de  l'opéra.  —  Ses  œueres  comme 
poète  et  comme  musicien.  —  Son  parti  en  Allemagne.  —  Apprécia- 
tion de  la  valeur  de  ses  idées. 

(Quatrième  article.)  (1). 

Ainsi  que  la  plupart  des  individus  doués  de  cet  esprit  mécontent  de 
toutes  choses,  considéré  par  Wagner  comme  la  source  de  l'invention, 
cet  artiste  s'était  épris  de  lui-même  dès  sa  première  jeunesse.  Il  n'a- 
vaii  rien  produit  encore,  et  déjà  il  était  plein  de  confiance  en  ses  fa- 
cultés créatrices.  Ses  Communications  à  ses  amis  ne  permettent  aucun 
doute  à  cet  égard.  11  paraît  néanmoins  difficile  de  concilier  cet  éner- 
gique instinct  de  la  personnalité  avec  le  penchant  à  l'imitation  qui 
dirigea  Wagner  dans  ses  premiers  travaux,  et  qui  même  persistait  en- 
core au  commencement  de  son  séjour  à  Paris.  D'abord  ce  furent  les 
symphonies  de  Beethoven  qui  lui  parurent  le  type  du  beau  par  excel- 
lence, car  alors  ses  progrès  ne  l'avaient  pas  encore  conduit  à  la  néga- 
tion de  ce  type.  Il  fit  donc,  à  l'imitation  de  Beethoven,  des  ouvertures, 
une  symphonie,  des  sonates  et  d'autres  morceaux  de  musique  instru- 
mentale. Puis  Weber,  et  Marschner  même,  devinrent  ses  modèles  pour 
la  musique  dramatique,  et  ses  premiers  essais  dans  ce  genre  tendirent 
à  l'imitation  de  leur  style.  Puis  certaines  formes  de  la  musique  ita- 
lienne exercèrent  à  leur  tour  une  influence  momentanée  sur  l'esprit  du 
jeune  artiste.  Enfin,  lorsqu'il  arriva  à  Paris,  Wagner  se  passionna  un 
moment  pour  l'opéra  français,  auquel  il  a  voué  plus  tard  le  plus  pro- 
fond mépris,  et  l'on  voit  clairement  qu'il  n'aurait  point  alors  dédaigné 
de  lui  emprunter  quelque  chose.  Il  est  donc  évident  qu'il  se  cherchait 
encore  lui-même  longtemps  après  que  sa  confiance  dans  ses  propres 
forces  eut  pris  tout  son  développement.  Wagner  le  reconnaît,  et  c'est 
pour  cela  qu'il  ne  veut  pas  qu'on  tienne  compte  de  ses  premiers  essais. 
C'est  à  son  opéra  de  Rienzi  que  commence  véritablement  sa  carrière, 
quoiqu'il  eût  auparavant  donné  au  Conservatoire  de  Paris  un  échan- 
tllon  caractéristique  de  sa  conception  de  l'art  dans  une  ouverture  de 
Faust,  dont  se  souviennent  encore  les  artistes  qui  composent  l'orchestre 
de  la  Société  des  concerts.  Rienzi  est  donc  le  point  de  départ  du  ta- 
lent de  Wagner  qui  mérite  de  fixer  notre  attention,  et  nous  ne  remon- 
terons pas  au-delà. 

Il  est  néanmoins  une  considération  qui  n'est  pas  dépourvue  d'intérêt 
et  qui  doit  nous  arrêter  un  instant,  à  savoir,  que,  dès  l'âge  de  vingt 
ans,  l'imagination  de  Wagner  ne  s'occupe  de  la  musique  qu'au  point  de 

(1)  Voir  les  n"  23,  24  et  25. 


vue  de  la  poésie.  Nous  le  voyons  toujours  et  partout  occupé  de  la  re- 
cherche d'un  sujet  de  drame  ou  d'opéra,  ou  arrivant  à  l'exaltation  lors- 
qu'il en  trace  le  plan ,  tandis  qu'il  garde  un  silence  à  peu  près  absolu 
à  l'égard  de  ses  tendances  concernant  les  modifications  de  la  mélodie, 
du  rhythme,  de  l'harmonie  et  de  la  forme  dans  le  développement  des 
idées.  Il  ne  se  dévoile  à  cet  égard  que  dans  ce  qu'il  dit  de  Lnhengrin 
et  d'un  dernier  ouvrage  encore  inconnu  dont  je  parlerai  tout  à  l'heure; 
mais  là  même  se  manifeste  jusqu'à  l'évidence  la  domination  de  la  poé- 
sie sur  la  musique  dans  les  conceptions  dramatique  de  Richard  Wa- 
gner. Au  surplus,  lui-même  s'en  explique  catégoriquement  dans  ce 
passage  des  Communications  (page  25)  :  «  Je  parle  d'abord  des  poésies, 
»  parce  qu'en  elles,  non -seulement  le  rapport  de  mon  art  avec  ma  vie 
»  est  mis  en  évidence ,  mais  aussi  parce  que  je  dois  vous  expliquer 
»  pourquoi  mes  compositions  musicales  d'opéras  sont  les  conséquences 
»  nécessaires  de  ces  mêmes  poésies  (1).  » 

A  quinze  ans,  Wagner  écrit  des  drames  et  ne  s'occupe  pas  de  mu- 
sique ;  puis,  l'audition  de  la  symphonie  pastorale  de  Beethoven  lui 
inspire  Vidée  d'une  comédie  champêtre.  Plus  tard,  le  Freischûtz ,  de 
Weber,  et  le  Vampire,  de  Marschner,  lui  révèlent  son  penchant  pour 
l'opéra;  mais  ce  penchant  ne  se  manifeste  que  par  le  canevas  d'une 
pièce  féerique  qu'il  tire  d'une  nouvelle  de  Gozzi  ;  enfin,  la  lecture  d'un 
drame  de  Shakespeare  lui  fournit  la  donnée  de  la  Défense  de  l'Amour. 
Il  donne  de  longues  analyses  de  ces  ouvrages  au  point  de  vue  du  dé- 
veloppement littéraire  du  sujet  ;  mais  de  la  musique,  pas  un  mot.  En 
parlant  de  cette  dernière  production ,  il  nous  apprend  seulement  que 
la  musique  avait  été  écrite  à  l'imitation  des  formes  de  la  musique  fran- 
çaise, sans  objet  déterminé,  et  qu'il  l'ajusta  ensuite  sur  les  paroles.  Il 
paraît  que  l'imitation  n'avait  pas  été  très-adroite  ;  car  les  opéras  fran- 
çais jouissent  depuis  longtemps  de  la  vogue  sur  les  théâtres  de  l'Alle- 
magne, et  l'ouvrage  de  Wagner  tomba  tout  à  plat  à  la  première  et  seule 
représentation.  Peu  de  temps  après  ,  il  écrit  le  poëme  d'un  grand 
opéra  et  l'envoie  à  Scribe,  dans  l'espoir  que  ce  fécond  et  spirituel  au- 
teur l'arrangera  pour  la  scène  française  ;  mais  il  n'en  reçoit  pas  de 
réponse.  Arrivé  à  Riga,  il  s'y  occupe  encore  de  la  partie  littéraire  d'un 
opéra  comique  dont  il  tire  le  sujet  des  Mille  et  une  Nuits  ;  puis  il  con- 
çoit le  plan  de  Rienzi ,  et  écrit  la  poésie  des  deux  premiers  actes.  Le 
héros  de  cet  ouvrage  devait  exciter  sa  sympathie.  On  sait  que  Colas 
Rienzi,  ou  Rienzo,  fils  d'un  cabaretier  de  Rome,  se  saisit,  en  1341,  de 
la  puissance  souveraine  dans  cette  ville  par  l'effet  de  son  éloquence 
sur  le  peuple,  et  pendant  que  le  siège  de  la  papauté  était  à  Avignon  ; 

(t)  Ich  spreche  zunaechst  \on  don  Dichtungen,  weil  in  ihnen  nicht  nur  das  Band 
meiner  Kunst  mit  meinem  Leben  am  offensten  vorliegt,  sondera  auch  weil  ich  an 
ihnen  deutlich  zu  machenhabe,  dass  meine  musikalische  Ausfuhrung,  meine 
Opernkompositionsweise,  eben  aus  dem  Wesen  dieser  Dichtungen  sich  bedang. 


210 


RI 


EVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


"■  '  A     .-  .-;  ....     ; 


mais  qu'il  finit  par  s'aliéner  ce  même  peuple  par  son  faste,  son  inso- 
lence, sa  lâcheté,  et  périt  dans  une  émeute.  C'est  aussi  à  Riga  que  la 
lecture  d'un  roman  du  capitaine  Marryat  fournit  à  Wagner  le  sujet  du 
Vaisseau  fantôme,  dont  il  a  fait  plus  tard  son  poëme  du  Hollandais 
volant. 

Ainsi  qu'on  le  voit,  c'est  toujours  le  sujet,  ce  sont  toujours  les  déve- 
loppements poétiques  qu'il  lui  donne  dans  sa  manière  de  comprendre 
l'effet  dramatique,  qui  d'abord  s'emparent  de  l'attention  de  Wagner.  La 
musique  ne  se  présente  à  son  esprit  que  secondairement,  et  seulement 
comme  auxiliaire  de  l'expression.  Il  ne  conçoit  pas  cet  art  dans- sa  toute- 
puissance  indépendante,  et  n'ayant  d'autre  sujet  que  l'imagination  du 
compositeur.  Wagner,  musicien  incomplet,  n'a  l'intelligence  de  l'art 
qu'à  un  seul  point  de  vue,  et  déjà  l'on  peut  voir  que  les  formes  musi- 
cales en  elles-mêmes  perdront  chaque  jour  davantage  de  leur  impor- 
tance à  ses  yeux.  Cependant,  après  son  arrivée  à  Paris,  il  éprouva  l'in- 
fluence de  cette  grande  ville  sur  ses  tendances  d'artiste.  Rien  de  sem- 
blable à  ce  qu'il  entendit  à  la  Société  des  concets  et  à  l'Opéra  n'avait 
frappé  son  oreille  dans  les  petiles  villes  d'Allemagne  où  s'était  éoulée 
sa  jeunesse.  La  puissance  des  moyens  d'exécution  s'y  présentait  à 
lui  dans  de  vastes  proportions  dont  il  n'avait  auparavant  aucune  no- 
tion!  11  y  était  saisi  par  un  effet  musical  qui  reléguait  au  second  plan 
l'importance  du  sujet  et  de  la  conduite  du  drame.  Il  y  à  lieu  de  croire 
que  cette  influence  exerça  son  empire  sur  ses  facultés  pendant  qu'il 
écrivit  à  Paris  sa  partitiort  de  Rienzi  ;  car  les  formes  de  cet  ouvrage,  à 
part  les  excentricités  du  sentiment  du  compositeur,  sont  encore  celles 
de  l'opéra,  quant  à  la  coupe  des  airs,  duos,  morceaux  d'ensemble  et 
chœurs.  Mais  vers  la  fin  du  séjour  de  Wagner  à  Paris,  une  réaction  se 
fit  clans  son  esprit  contre  ces  formes  et  ces  tendances,  car  la  concep- 
tion poétique  du  Hollandais  volant  s'en   éloigne  déjà  d'une  manière 
sensible.  On  y  trouve  la  ballade,  la  chanson  ;  mais  l'air  proprement 
dit  en  a  disparu,  et  quoiqu'on  y  rencontre  des  ensembles,  ils  ne  s'y 
présentent  pas  comme  des    retours    périodiques   de    compléments 
d'une  période.  La  coupe  régulière  des  morceaux  de  musique ,  non-seu- 
lement ne  paraît  plus  être  considérée  comme  une  nécessité  par  l'auteur 
de  cet  ouvrage ,  mais  il  est  même  évident  qu'il  s'en  éloigne  avec  affec- 
tation. A  dater  de  la  conception  du  Hollandais  volant,  ce  qu'il  y  avait 
de  Vague  dans  là  pensée  de  Wagner  se  dissipe;  ses  idées  se  formulent 
en  système,  en  un  parti  pris.  La  poésie  et  la  musique  ne  s'y  placent 
plus  comme  deux  arts  dont  l'un  doit  subir  la  suprématie  de  l'autre,  mais 
comme  les  parties  d'un  tout  dont  l'équilibre  est  la  loi  suprême  d'exis- 
tence. De  deux  arts  indépendants,  l'auteur  du  Hollandais  volant  s'est 
posé  le  problème  de  la  formation  d'un  art  mixte,  et  entreprend  d'en 
donner  la  solution. 

"C'est  dans  la  nouvelle  direction  systématique  des  vues  esthétiques 
de  Wagner  que  fut  conçu  le  Tannlïaùser.  Mais  ce  nouvel  ouvrage  s'é- 
loigne plus  encore  que  le  précédent  dés  formes  et  du  but  artistique  de 
l'opéra.  Le  chant,  sous  là  forme  de  cantilène  libre  ou  distribué  en 
couplets,  s'y  retrouve  encore  ;  le  chœur  et  les  ensembles  des  principaux 
personnages  y  ont  leur  place;  mais'rien  n'est  disposé  dans  le  poëme 
pour  les  retours  périodiques  d'idées  principales  dans  la  musique,  et 
par  cela  même  toutes  les  formes  connues  de  l'air,  du  duo,  du  trio  ou 
quatuor,  sont  bannies  de  cette  conception.  11  est  évident  que  Wagner 
ne  considère  plus  ces  dispositions,  ces  retours  d'idées  et  ces  formes 
que  comme  des  conventions  arbitaires;  enfin,  l'art  tel  qu'il  s'est  déve- 
loppé depuis  deux  siècles  et  demi;  cet  art  qui,  bien  que  basé  sur  la 
libre  inspiration  du  génie,  donne  à  ces  inspirations  toute  leur  valeur 
au  moyen  des  ressources  découvertes  par  l'expérience  et  l'étude  ;  cet 
art,  dis-je,  est  dédaigné  par  l'auteur  de  Tannkaûser.  Ce  n'est  pas  à 
dire  qu'il  se  propose  d'ouvrir  à  la  musique  des  routes  plus  larges  et 
plus  belles;  son  but,  au  contraire,  est  d'en  abaisser  la  prépondérance 
en  l'assimilant  à  un  tout  dans  lequel  elle  doit  se  confondre.  La  poésie, 
trop  abondante  en  images,  trop  verbeuse,  pour  que  la  musique  ne  soit 
pas  souvent  réduite  au  récitatif,  suit  à  l'égard  de  celle-ci  une  marche 
rétrograde,  et  rentre  dans  le  système  des  opéras  de  Quinault  et  de  Mé- 


tastase, sauf  cette  différence  que  le  poëte  italien  coupe  admirablement 
bien,  par  ses  petits  vers  rhythmés  régulièrement,  les  parties  des 
scènes  que  le  compositeur  devait  prendre  pour  sujet  de  ses  airs.  La 
mélodie  avait  dans  la  musique  italienne  du  xvni0  siècle  un  rôle  trop 
important  pour  qu'il  n'en  fût  pas  ainsi;  tandis  que  Richard  Wagner  ne 
considère  plus  cette  partie  de  l'art,  à  l'époque  où  il  écrit  le  Tann- 
kaûser, que  comme  le  chant  proprement  dit,  c'est-à-dire  comme  la 
forme  de  la  poésie  chantée,  par  exemple,  dans  la  ballade  ,  la  chanson, 
les  chœurs  et  autres  choses  de  ce  genre,  mais  non  comme  expression 
vraie  des  situations  et  des  passions.  Ainsi  le  chant  des  Sirènes  : 

Naht  ench  dem  Strande, 
Naht  euch  dem  Lande, 
Etc.; 

les  trois  strophes  chantées  par  Tannhaùser  aux  sons  de  sa  harpe, 
dans  la  deuxième  scène  du  premier  acte,  le  chant  des  vieux  pèlerins, 
la  lutte  des  Minnesaenger,  sont,  dans  le  système  de  l'auteur,  les  occa- 
sions naturelles  de  la  mélodie  ;  mais  il  n'en  conçoit  pas  ailleurs  la  né- 
cessité. Ce  qu'il  cherche,  c'est  le  vrai  ;  il  ne  comprend  pas  que  ce 
tTMyobjet-de-ses  efforts,  -n'est  dans  l'art  que  le  contingent,  l'acces- 
soire, et  que  le  beau,  c'est-à-dire  l'art  dans  son  essence,  en  est  indépen- 
dant. Le  vrai,  c'est  le  réel,  autrement  dit  la  manifestation  des  choses 
en  elles-mêmes  ;  le  beau,  c'est  l'idéal,  et  l'idéal  est  l'expression  la  plus 
élevée  du  sentiment  et  de  la  pensée.  Hors  de  là  il  n'y  a  plus  d'art  vé- 
ritable. 

Je  crois  avoir  démontré  par  ce  que  je  viens  de  dire,  que  les  efforts 
de  Wagner  tendent  à  transformer  l'art  par  un  système,  mais  non  par 
l'inspiration.  Et  pourquoi  cela  ?  Parce  que  l'inspiration  lui  manque; 
parce  qu'il  n'a  pas  d'idées  ;  parce  qu'il  a  conscience  de  son  infirmité  à 
cet  égard,  et  parce  qu'il  cherche  à  la  déguiser.  Ce  qui  me  reste  à  dire 
achèvera  de  fournir  la  preuve  que  j'ai  mis  le  doigt  sur  la  plaie. 

Nous  venons  de  voir  dans  Tannhaùser  le  progrès  du  système  dont 
le  Hollandais  volant  est  le  commencement  ;  Lohengrin  va  nous  en 
présenter  une  modification  bien  remarquable.  Le  sujet  de  cet  ouvrage 
est  tiré  de  la  vieille  légende  du  chevalier  du  Cygne,  laquelle  sup- 
posait qu'un  chevalier  inconnu,  jeune,  beau,  courageux,  monté  sur 
une  barque  que  traînait  un  cygne,  était  arrivé  dans  un  pays  étranger 
au  moment  où  son  secours  pouvait  tirer  d'un  grand  danger  une  belle 
princesse  accusée  d'un  crime;  qu'il  avait  combattu  pour  elle  et  forcé 
son  accusateur  à  proclamer  son  innocence,  puis  l'avait  épousée  et  était 
devenu  la  souche  d'une  race  illustre.  Cette  légende,  dont  on  a  voulu 
rattacher  l'origine  aux  épopées  des  chevaliers  de  la  Table  ronde,  est 
fort  ancienne.  On  en  avait  tiré  la  généalogie  fabuleuse  de  plusieurs  fa- 
milles souveraines,  entre  autres  de  la  maison  de  Clèves  et  des  comtes 
de  Roulogne,  dont  descendait  par  sa  mère  le  fameux  duc  de  Brabant, 
Godefroid  de  Bouillon,  qui  fut  roi  de  Jérusalem,  et  mourut  l'an  1100. 
L'histoire  des  Croisades,  par  Guillaume,  archevêque  de  Tyr,  qui  s'é- 
tend jusqu'à  l'année  1183,  est  le  premier  monument  où  cette  légende 
est  mentionnée  (1)  ;  mais  elle  a  servi  de  base  à  une  multitude  de  chan- 
sons degestes  ou  poëmes  épiques  et  de  romans  écrits  depuis  la  fin  du 
xnc  siècle  jusqu'au  xve,  dans  toutes  les  langues,  et  qui  présentent  des 
versions  très-variées  du  premier  type.  Le  Farcival,  composé  par  le 
minnesaenger  Wolfram  d'Eschenbach,  vers  1205,  en  est  tiré,  et  le  Ti- 
turel.  autre  poëme  de  ce  chanteur  célèbre,  vient  de  la  même  source  (2). 
La  tradition  du  Lohengrin  de  Brabant,  autre  reproduction  de  la  légende 
du  chevalier  du  Cygne,  est  en  partie  une  imitation  du  Farcival,  faite 
claus  le  xme  siècle  par  un  poëte  anonyme  (3),ainsiquele»S'c/«««mri7fe/-, 
de  maître  Conrad  de  Wurtzbourg,  mort  en  1280,  dont  la  ressemblance 
avec  le  Lohengrin,  pour  le  caractère  et  le  style,  est  frappante,  ainsi  que 

(1)  Recueil  des  historiens  des  Croisades.  Paris,  Imprim.  royale,  1844,   in-folio, 
tome  I,  page  371. 

(2)  Parcival,  Rittergedicht  non  Wolfram  von  Eschenback.  Ans  dem  Millel- 
hochdeutschen  zum  erslai  Maie  ûbèrsetzt  von  San  Marie.  Magdebourg,  183G, 

ili-6".  ■•■.,.  .  ,. 

(3)  Grimm,  Deutsche  Sagen,  tome  II,  pages  30G-310.      „ 


DE  PA1US. 


211 


:.  i 


l';i  remarqué  M.  Gervinus  (1).  Au  t-urplus,  toutes  ces  traditions  onlélé 
précédées  par  l'œuvre  d'un  poète  provençal,  nommé  Kyolc,  qui  l'écrivit 
avant  la  lin  duxn"  siècle  (2). 

De  toutes  ces  traditions,  Wagner  a  choisi  celle  de  l'auteur  anonyme 
publiée  par  Goerres  dans  les  Deutsche  Spgfn,  de  Grimm  ;  cette  tradi- 
tion est  celle-ci  :  Eisa,  fille  du  duc  de  Brabant  et  de  Limbourg,  est 
devenue  orpheline.  Son  père,  en  mourant,  lui  a  donné  pour  tuteur  son 
vassal,  Frédéric  de  Telramund  (Tcrmonde),  qui,  abusant  de  sa  posi- 
tion, veut  obliger  sa  pupille  à  l'épouser,  afin  de  devenir  possesseur 
de  ses  riches  domaines,  et  sous  le  faux  prélexte  d'une  "promesse  de 
mariage.  Eisa  résiste  et  nie  cette  promesse.  Frédéric  en  appelle  à  l'em- 
pereur, Henri  l'Oiseleur,  qui  ordonne  qu'Eisa  ait  à  se  défendre  par  le 
combat  judiciaire  d'un  guerrier  contre  son  accusateur.  En  vain  la  jeune 
duchesse  convoque  à  Anvers  ses  parents  et  les  amis  de  son  père  pour 
le  combat  :  personne  ne  se  présente.  Eisa  prie  intérieurement  Dieu  de 
la  sauver;  alors  on  entend  dans  le  lointain  les  cloches  de  mont  Salvatch 
(Mons  Salutis),  près  du  Gràal  (l'oracle  du  Saint-Sang  ou  du  Saint-Ca- 
lice, dont  la  garde  était  confiée  aux  chevaliers  de  la  Table  ronde),  pour 
annoncer  que  quelqu'un  est  dans  la  détresse  et  demande  des  secours. 
Aussitôt  le  Gràal  fait  chercher  le  brave  Lohengrin,  fils  de  Parcival.  Le 
chevalier  se  dispose  à  monter  à  cheval  ;  mais  il  aperçoit  un  cygne  qui 
remorquait  une  barque  sur  l'eau  ;  plein  de  confiance  en  Dieu,  il  renvoie 
son  destrier  et  s'abandonne  à  la  conduite  de  l'oiseau.  Déjà  le  délai  ac- 
cordé à  la  jeune  duchesse  de  Brabant  allait  expirer,  lorsqu'on  aper- 
çoit un  cygne  qui  remontait  l'Escaut,  tirant  une  nacelle  dans  laquelle 
dormait  Lohîngrin,  étendu  sur  son  bouclier.  11  aborde  au  rivage;  mais 
à  peine  le  chevalier  a-t-il  touché  la  terre  et  revêtu  ses  armes,  que  le 
cygne  repart  comme  un  trait.  Frédéric  est  vaincu  par  Lohengrin  en 
champs  clos  à  Mayence,  et  avoue  qu'il  a  calomnié  la  princesse  ;  puis 
Eisa  devient  la  femme  du  chevalier,  qui  lui  recommande  de  ne  jamais 
lui  adresser  une  question  sur  sa  famille  et  sur  son  origine,  si  elle  ne 
vent  pas  qu'il  la  quitte  sur-le-champ.  Cependant  la  duchesse  de  Clèves 
élève  des  doutes  sur  la  noblesse  de  Lohengrin;  Eisa,  blessée  dans  son 
orgueil  et  digne  fille  d'Eve,  ne  peut  résister  à  la  tentation  d'interroger 
son  époux  sur  sa  naissance.  Pénétré  de  douleur,  il  lui  promet  de  la  sa- 
tisfaire au  point  du  jour;  il  déclare  en  effet  alors  publiquement  qu'il 
est  fils  de  Parcival  et  que  Dieu  l'a  envoyé  de  Gràal  en  ces  lieux.  Il  se 
fait  apporter  les  deux  enfants  qu'il  a  eus  de  la  duchesse,  les  embrasse, 
donne  à  sa  femme  son  anneau,  et  l'on  voit  à  l'instant  même  reparaître 
le  cygne  sur  l'Escaut.  Lohengrin  se  jette  dans  la  nacelle  et  disparaît 
pendant  qu'Eisa  tombe  évanouie.  Toules  les  recherches  qu'elle  fit  faire 
ensuite  pour  découvrir  la  retraite  de  son  époux  furent  sans  résultat. 

Wagner  a  modifié  quelques  circonstances  de  cette  tradition  pour  en 
former  son  poème  d'opéra,  mais  il  n'a  pu  lui  donner  un  intérêt  drama- 
tique véritable,  parce  que  cet  intérêt  ne  peut  naître  que  des  affections 
de  l'âme  et  des  passions  vraies.  Lohengrin  est  un  personnage  en  de- 
hors des  conditions  ordinaires  de  la  vie;  Eisa  est  justement  punie  de  sa 
curiosité  et  de  son  orgueil  ;  leur  amour  n'a  rien  de  naïf  ou  de  pas- 
sionné; enfin,  il  n'y  a  dans  cette  légende  féerique  aucune  oeccasion 
d'émotion,  et  quel  que  soit  le  mérite  de  la  poésie,  il  ne  peut  faire  dispa- 
raître les  défauts  d'un  sujet  glacial. 

Tel  est  l'ouvrage  que  Wagner  a  conçu  comme  une  manifestation 
plus  élevée  de  son  système  que  ses  productions  précédentes.  Non- 
seulement  il  y  prit  une  direction  plus  étrangère  encore  aux  tendances 
de  ce  qu'il  appelle  les  conventions  de  la  musique  d'opéra,  mais  il  vou- 
lut donner  à  l'art  une  sorte  de  signification  symbolique,  par  une  appli- 
cation toute  spéciale  d'un  moyen  qu'il  reconnaît  lui-même  avoir  été 
imaginé  par  un  autre  compositeur  dont  il  ne  dit  pas  le  nom.  Ce  moyen 
consiste  à  caractériser  chaque  personnage  principal  par  une  phrase 
musicale  qui  en  est  comme  le  symbole,  et  qui  se  représente  sous  des 

(1)  Geschichte  der  Nation.  Literatur  der  Dculschen,  tome  I,  page  467.  Voyez 
aussi  F.  VV.  Ganthe,  Deutsche  Dichtungen  des  MUlelaller,  Eisleben,  1841, 
tome  II,  page  280. 

(2)  K.  Lachmaan,   Wolfram  von  Escher.bach.  Berlin,  1833,   in-8",  pp.  xxiv, 

XXXII. 


combinaisons  différentes  toutes  les  fois  que  le  personnage  ainsi  carac- 
térisé rentre  dans  l'action,  ou  est  seulement  indiqué.  Mes  lecteurs  ont 
déjà  compris  que  cette  idée  est  la  reproduction  du  choral  de  Marcel 
dans  les  Huguenots  et  du  chant  des  anabaptistes  dans  le  prophète.  Je 
suppose  qu'ils  se  représentent  aussi  la  monotonie,  le  pédantisme  af- 
fadissant et  l'ennui  qui  doivent  être  les  conséquences  d'un  tel  moyen 
converti  en  système.  Employé  dans  une  occasion  exceptionnelle,  il 
peut  être  admis;  mal  appliqué  aux  personnages  mis  en  action  ,  il 
anéantit  nécessairement  l'inspiration  spontanée  et  convertit  le  travail 
de  l'artiste  en  une  succession  non  interrompue  d'opérations  combi- 
nées. Un  ouvrage  conçu  de  cette  manière  pourrait  être  considéré 
comme  une  œuvre  d'intelligence,  mais  ne  pourra  jamais  produire  l'im- 
pression d'une  production  d'art,  dans  le  sens  vrai  de  ce  mot. 

Nous  voici  parvenu  à  la  dernière  période  de  modification  du  sys- 
tème de  Richard  Wagner.  On  comprendra  par  ce  qui  me  reste  à  rap- 
porter qu'il  ne  peut,  en  effet,  aller  plus  loin;  car  dans  un  dernier 
ouvrage  qui  n'est  pas  encore  livré  à  la  publicité,  il  n'a  plus  voulu  que 
la  poésie  chantée  fût  un  opéra,  mais  un  drame.  A  tout  jamais,  les  for- 
mes de  l'opéra  sont  celles  qu'il  repoussera.  Le  livre  qu'il  vient  de 
publier,  sous  le  titre  de  Y  Opéra  et  le  Drame,  a  pour  objet  de  faire  con- 
naître cette  dernière  forme  de  sa  pensée,  d'en  proclamer  l'excellence 
et  de  faire  le  procès  à  tout  ce  qui  a  précédé  cette  divine  création,  aux 
poètes,  aux  musiciens  ,  à  leurs  ouvrages.  Il  ne  s'arrête  pas  là ,  car  il 
supprime  la  mélodie  et  le  rhythme.  Ces  choses  sont  trop  curieuses 
pour  que  je  ne  laisse  pas  Wagner  expliquer  lui-même  ses  idées.  Si  je 
ne  reproduisais  pas  textuellement  ce  qu'il  en  dit,  on  pourrait  croire, 
ou  que  je  ne  l'ai  pas  entendu  ,  ou  que  je  prêle  à  ses  paroles  un  sens 
trop  absolu  qui  n'est  pas  dans  sa  pensée.  Je  donnerai  donc  une  tra- 
duction, avec  le  texte  des  principaux  passages  dans  lesquels  il  établit 
et  développe  sa  doctrine;  mais  l'étendue  de  cet  article  m'obligea  ren- 
voyer ces  citations  au  prochain  numéro  de  la  Gaselte  musicale. 

Je  ne  terminerai  pas,  toutefois,  sans  faire  remarquer  que  Wagner  a 
été  conduit  d'une  manière  fatale  à  la  dernière  expression  de  son  sys- 
tème, par  la  nature  même  de  ce  système;  car  il  est  impossible  d'en- 
lever à  la  musique  sa  suprématie  dans  l'expression  dramatique,  ou,  si 
l'on  veut,  de  faire  monter  jusqu'à  elle  l'importance  de  la  poésie,  sans 
que  ce  partage  ne  prépare  son  anéantissement  au  point  de  vue  de  l'art 
moderne,  et  sans  ramener  l'art  musical  à  la  conception  grecque.  Dès 
que  le  principe  du  réel  s'introduit  dans  l'art,  celui  du  beau  disparaît. 
Dès  ce  moment,  la  tendance  incessante  consiste  à  s'approcher  autant 
que  possible  du  vrai;  à  faire,  comme  dit  Wagner,  disparaître  les  con- 
ventions ,  et  conséquemment  à  substituer  comme  résultat  définitif  le 
drame  à  l'opéra,  et  la  déclamation  à  la  mélodie. 

FÉTIS  père. 
(La  suite  au  prochain  numéro.) 


THEATRE  FRANÇAIS. 

UI/ÏSSE, 

Tragédie  de  M.  Poxsard,  avec  chœurs  et  musique 

de  M.  Charles  Gounod. 

(Première  représentation  le  18  juin  1852.) 

Ce  n'est  certainement  pas  une  nouveauté  que  la  tragédie  entremêlée 
de  chant  et  de  musique  instrumentale.  Ce  genre  mixte,  pour  ne  pas 
dire  bâtard,  a  été  surtout  en  honneur  vers  la  fin  du  xvr  siècle  et  pen- 
dant le  xvii0.  Dans  leur  adoration  sans  bornes  pour  la  belle  antiquité, 
ces  deux  siècles  croyaient  de  très-bonne  foi  l'imiter  ainsi  et  la  repro- 
duire fidèlement.  Ils  ignoraient  que  les  conditions  d'existence  de  la 
musique  moderne  et  celles  de  l'art  que  les  Grecs  nommaient  musique, 
diffèrent  du  tout  au  tout,  et  que,  par  conséquent,  il  y  a  impossibilité  à 
renouveler  les  effets  de  la  musique  des  anciens,  associée  aux  tragédies 
d'Eschyle,  d'Euripide,  de  Sophocle. 

Les  essais  furent  nombreux  en  France.  Sans  rappeler  l'Andromède 
et  la  Conquête  de  la  Toison-d'or,  de  Pierre  Corneille  ;  le  Jonalhas,  de 


212 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


Duché  ;  le  Jephté,  de  Boyer  ;  la  Circé,  de  Thomas  Corneille,  tragédie 
ornée  de  machines,  de  changements  d?  théâtre  et  de  musique,  et  bien 
d'autres  pièces  du  même  type,  où  le  chant,  l'orchestre  et  même  la 
danse  avaient  place,  il  suffira  de  citer  les  deux  modèles  du  genre, 
YEslher,  de  Jean  Racine,  dont  Moreau  fit  la  musique  en  1689,  et 
YAthalie,  du  même  poëte,  pour  laquelle  Boïeldieu  et,  depuis,  Men- 
delssohn  ont  écrit  des  chœurs  et  des  morceaux  d'orchestre  fort  re- 
marquables. Mais  cette  forme  dut  tomber  en  désuétude  aussitôt  que  le 
genre  de  l'opéra,  de  la  véritable  tragédie  lyrique,  fut  créé  et  solidement 
posé  sur  des  bases  sérieuses.  De  là  vient  que  le  x\iW  siècle  renonça  à 
cette  alliance  un  peu  barbare  de  la  musique  et  de  la  tirade  tragique. 

Notre  siècle  cependant,  habitué  par  l'opéra  comique  à  l'alternative 
de  deux  éléments  aussi  disparates  que  la  musique  et  le  dialogue ,  a 
cherché  parfois ,  mais  rarement,  à  l'appliquer  à  la  tragédie;  témoin,  le 
Sait!,  de  Soumet;  le  Paria,  de  Casimir  Delavigne;  VAnïigone,  donnée 
à  l'Odéon  il  y  a  peu  d'années.'  Mais  c'est  surtout  au  drame  en  prose 
que  la  musique  a  souvent  prêté  son  concours.  Le  répertoire  allemand 
est  en  ce  genre  d'une  grande  fécondité.  Pour  ne  faire  que  quelques  ci- 
tations ,  rappelons  que  Beethoven  a  écrit  de  fort  belle  musique  pour 
VEgmont,  de  Goethe;  pour  les  Ruines  d'Athènes,  de  Kotzbûe;  que 
Weber  a  enrichi  de  ses  vives  inspirations  le  drame  de  Preciosa;  que 
Mendelssohn  a  composé,  outre  la  musique  d'Athalie,  d' Antigone , 
d'OEdipe  à  Colone,  une  charmante  partition  pour  le  Songe,  d'une  nuit 
d'été,  de  Skakspeare.  En  France,  entre  autres  tentatives  assez  heu- 
reuses qui  sortent  de  l'ornière  banale  de  la  musique  des  mélodrames  du 
boulevart ,  on  peut  mentionner  la  musique  du  Missolonghi  d'Hérold. 
Mais  les  exemples  y  sont  encore  fort  rares.  Cela  peut  s'expliquer. 

Si  dans  l'opéra  comique  la  musique  intervient  pour  fortifier  l'expres- 
sion dramatique ,  c'est  du  moins  sans  réduire  au  silence ,  sans  frapper 
de  nullité  les  personnages  principaux.  Tous  y  prennent  part,  et  ne  font 
seulement,  en  traduisant  leurs  émotions,  que  changer  de  langage.  Au 
contraire,  dans  la  tragédie  ou  le  drame  mêlés  de  musique,  les  premiers 
rôles,  qui  déclament,  mais  qui  ne  chantent  pas  du  tout,  s'effacent  abso- 
lument pour  laisser  la  place  à  des  choristes  ou  des  solistes  accessoires. 
L'action  reste  suspendue,  paralysée.  Or,  comment  le  goût  français , 
qui  vise  toujours  droit  au  but  et  se  soumet  avant  tout  aux  lois  du  bon 
sens,  s'accommoderait-il  volontiers  d'une  combinaison  dont  le  vice  ra- 
dical est  de  refroidir  l'intérêt,  de  rompre  l'unité  et  d'annihiler  à  plu- 
sieurs reprises  les  principaux  personnages  ?  A  ce  point  de  vue,  on  trouve 
que  la  musique,  si  laconique  qu'elle  soit,  dérobe  toujours  trop  au 
drame. 

L'auteur  de  la  tragédie  d'f'/ysse,  M.  Ponsard,  a  fait  de  visibles  efforts 
pour  tourner  cet  écueil  et  rattacher  autant  que  possible  tous  les  chœurs 
à  l'action,  déjà  bien  lente  dans  sa  marche,  et  que  ce  luxe  musical  en- 
trave certainement  plus  qu'il  ne  la  précipite.  Mais  que  disons-nous  là? 
Et  quelle  irruption  osons-nous  faire  dans  le  domaine  du  feuilleton  litté- 
raire ?  A  d'autres  d'apprécier  les  qualités  ou  les  défauts  de  l'œuvre  nou- 
velle, le  mérite  ou  le  démérite  de  l'alliance  du  style  noble  et  tragique  au 
style  familier  et  même  burlesque.  A  d'autres  de  déclarer  si  M.  Ponsard 
a  bien  ou  mal  fait  de  condenser  en  cinq  actes  les  neuf  ou  dix  derniers 
chants  de  Y  Odyssée,  de  dépecer  Hcmère,  et  de  pousser  jusqu'à  l'ex- 
trême servilité  cette  étude  d'une  naïveté  souvent  par  trop  antique. 
Tout  cela  n'est  point  de  notre  compétence.  Mais  puisque  l'harmonie  est 
du  ressort  de  notre  critique,  jetons  en  passant  un  tribut  de  justes 
louanges  à  cette  harmonieuse  poésie,  à  ces  vers  si  bien  frappés,  répan- 
dus à  profusion  dans  Ulysse. 

Tout  ce  que  le  poëte  a  destiné  à  la  musique  lui  est  très-favorable.  La 
coupe  des  strophes  n'a  lien  de  vulgaire.  Le  mètre  choisi  est  toujours 
inspirateur.  11  est  vrai  que  le  musicien  a  dû  repousser  une  partie  des 
richesses  lyriques  prodiguées  par  le  poëte.  On  ne  chante  guère  au  théâ- 
tre que  le  tiers  des  vers  imprimés  dans  la  brochure.  Et  cependant, 
telle  qu'elle  est,  la  partition  ne  renferme  pas  moins  de  douze  chœurs. 
On  y  trouve  aussi  plusieurs  petits  morceaux  d'orchestre  sans  mélange 
de  chant  vocal,  par  exemple,  les  enlr'actes  de  peu  de  durée  et  quan- 


tité de  fragments  détachés,  qui  préludent  à  l'entrée  d'un  personnage, 
comme  la  cantilène  de  hautbois  ramenée  plus  d'une  fois  à  l'appari- 
tion de  Pénélope  ;  ou  qui  accompagnent  le  débit,  comme  la  musique 
expressive  et  très-caractéristique  exécutée  pendant  la  reconnaissance 
de  Télémaque  et  d'Ulysse,  d'Ulysse  et  d'Euryclée,  pendant  la  scène  de 
l'arc,  les  libations  à  Jupiter  et  la  prophétie  du  devin  Théoclymène.  Ici 
surtout  l'orchestre  a  des  accents  singulièrement  heureux. 

L'introduction  instrumentale  est  très-brève.  Il  règne  dans  ces  quel- 
ques mesures  qui  précèdent  le  réveil  d'Ulysse,  une  sérénité,  un  charme 
tranquille,  particulièrement  dû  à  la  voix  mélancolique  des  cors  et  à  la 
douce  harmonie  des  flûtes  et  des  clarinettes.  On  peut  regretter  cepen- 
dant que  M.  Gounod  n'ait  pas  suivi  l'exemple  de  Beethoven,  de  Men- 
delssohn ,  qui  ont  écrit  des  ouvertures  pour  Egmont ,  Prométhée  , 
Alhalie,  le  Songe  d'une  nuit  d'été.  La  matière  ne  manquait  pas, 
ce  nous  semble.  Calypso,  Polyphème,  Circé,  Nausica,  les  Syrènes, 
quels  souvenirs!  quelles  images!  pour  féconder  l'imagination  riche  et 
poétique  du  musicien. 

Le  premier  chœur  des  naïades,  Déesse  gui  portes  l'égide,  est  une 
mélopée  simple,  pure,  dont  la  tonalité  d'ut  un  peu  incolore  redouble  la 
placidité.  On  y  remarque  le  bon  effet  des  sourdines  et  aussi  de  l'unisson 
vocal,  que  les  nymphes  d'Ithaque  devraient  chanter  avec  plus  de  jus- 
tesse. Un  deuxième  chœur  de  naïades  complète  le  prologue.  C'est  un 
chant  d'une  fraîcheur,  d'une  grâce  exquise.  Les  sons  harmoniques  des 
violons  à  l'aigu,  les  frémissements  brillants  et  légers  du  triangle  lui 
prêtent  une  sonorité  cristalline.  Le  premier  acte,  qui  se  passe  chez 
Eumée,  le  chef  des  pasteurs  d'Ulysse  ou  des  porchers,  comme  se  plaît 
à  le  redire  M.  Ponsard,  est  précédé  d'un  petit  morceau  champêtre  où 
le  hautbois  trouve  tout  naturellement  sa  place.  Peu  après,  la  même 
phrase  de  chant  se  reproduit  pour  amener  le  premier  chœur,  si  éner- 
gique, des  porchers  :  Voraccs  prétendants  !  La  rudesse  du  rhythme, 
l'âpreté  de  l'harmonie,  la  véhémence  d'une  exécution  rauque  et  sac- 
cadée avec  intention,  peignent  au  mieux  l'honnête  mais  brutale  indi- 
gnation des  compagnons  d'Eumée.  On  sent  là  que  M.  Ch.  Gounod  s'est 
inspiré,  lui  aussi,  de  la  crudité  d'expression  d'Homère.  La  phrase,  Ne 
le  permets  pas,  Dku  puissant,  d'un  style  religieux  et  lié,  produit  un 
beau  contraste. 

Si  bon  que  soit  ce  chœur,  encore  qu'un  peu  écourté  vers  la  fin,  il  est 
complètement  éclipsé  par  le  suivant,  un  autre  chœur  de  porchers,  qui 
est  certainement  le  meilleur  comme  le  plus  brillant  de  l'ouvrage.  L'in- 
vocation chaleureuse,  O  dieu  des  bacchantes,  y  est  amenée  par  un 
crescendo  ingénieusement  ménagé.  Dans  cette  mélodie  à  trois  temps, 
vive,  originale,  entraînante,  il  y  a  comme  un  air  de  famille  avec  cer- 
taines mélodies  verveuses  de  Monpou.  L'accompagnement  se  distingue 
surtout  par  un  dessin  de  cor  d'un  effet  très-neuf.  Tout  le  récit  du  re- 
tour triomphant  d'Ulysse,  que  l'enthousiasme  bachique  fait  rêver  à  ses 
serviteurs,  est  traité  dans  ce  chœur  avec  une  adresse  et  une  gradation 
de  chaleur  surprenantes.  Le  point  d'orgue  après  le  cri  retentissant,  Il 
entre,  l'unisson  lentement  déclamé,  //  terrasse  ses  rivaux  vaincus,  puis 
la  rentrée  d'une  parcelle  de  chant  sur  ces  deux  vers  : 

Brillante  de  grâce 
La  reine  l'embrasse. 

enfin  l'acclamation  bruyante  Erohe  !  Eacchvs  !  tout  contribue  à  faire 
de  ce  morceau,  qui  est  toujours  redemandé,  une  pièce  achevée  de  tout 
point  et  de  beaucoup  supérieure  au  troisième  chœur  des  porchers  : 

Nous  vous  suivons ,  ô  noble  Télémaque  ! 

Le  début  de  ce  dernier  chant  est  d'une  pompe  martiale  trop  vulgaire. 
Le  chœur  tlégant  et  léger  qui  ouvre  le  second  acte  (  Voici  l'heure  té- 
nébicuse)  vient  dissiper  bien  vite  cette  impression.  Il  est  chanté  par 
les  suivantes  infidèles  et  répété  à  la  fin  de  l'acte  par  les  mêmes  escla- 
ves, mais  seulement  sur  de  nouvelles  strophes.  La  couleur  de  cette 
mélodie  coquettement  voluptueuse  contraste  avec  la  plaintive  mélopée 
des  servantes  fidèles,  qui  déplorent  le  malheur  de  Pénélope.  La  flûte 
est  délicieusement  employée  dans  la  ritournelle  de  ce  chœur.  On  re- 
trouve là  une  suave  émanation  des  inspirations  antiques  de  Gluck. 


DE  PAP.IS. 


213 


Jusqu'ici  les  voix  d'hommes  et  les  voix  de  femmes  n'ont  pas  été 
confondues.  Il  en  résulte  quelque  monotonie.  La  faute  en  doit  retomber 
sur  l'auteur  du  scénario,  qui  n'a  mis  au  prologue  que  des  chœurs  de 
femmes,  que  des  chœurs  d'hommes  dans  le  premier  acte,  que  des 
chœurs  de  femmes  dans  le  deuxième.  Mais  voici  que  le  troisième  acte 
débute  par  le  grand  morceau  du  festin  (notez  qu'on  fcstir.e  terriblement 
dans  Ulysse).  Tous  les  timbres  se  marient  ici  avec  un  puissant  effet. 
C'est  d'abord  une  strophe  du  chantre  Phémius: 
Voici  comment  agit  le  brave, 

vigoureuse  mélodie  en/«  majeur,  que  M.  Sapin  lance  d'une  voix  écla- 
tante, mais  assez  mal  assurée  ;  puis,  le  chaut  des  serviteurs,  Que  le  vin 
coule  en  abondance,  dont  l'accompagnement  est  d'un  rhythme  vif  et 
dansant;  puis  encore  un  chœur  de  porchers  caractéristique,  où  les 
voix  se  traînent  sourdement  sur  le  trémolo  des  altos  que  sillonne  un 
trait  rapide  et  brillant  des  premiers  violons  ;  puis  enfin  l'ensemble 
retentissant  de  ces  trois  mélodies  attaquées  à  pleine  voix  et  dont  la 
première,  celle  de  Phémius,  est  reproduite  par  les  femmes.  L'union  de 
ces  trois  chants,  qui  se  mêlent  sans  confusion,  a  beaucoup  de  gran- 
deur. Le  battement  continu  des  croches  dans  la  mesure  à  deux-quatre 
est  d'un  entrain  singulier.  Les  instruments  de  percussion,  cymbales, 
triangle,  tambour  de  basque,  ajoutent  à  l'énergie  du  rhythme  et  lui 
donnent  une  étrangeté  qui  saisit  l'imagination.  C'est  encore  là  une  des 
belles  pages  de  l'œuvre  de  M.  Gounod.  Dans  ce  qui  suit,  il  reste  peu 
de  chose  qui  soit  digne  d'une  mention  toute  particulière.  Il  y  a  pour- 
tant de  bonnes  intentions  dans  le  chœur  des  porchers  qui  pleurent  en 
reconnaissant  l'arc  de  leur  maître.  Mais  ce  chœur  a  le  tort  d'être  as- 
sez décousu  et  d'entraver  mal  à  propos  la  marche  de  la  scène. 

Plus  loin,  un  dessin  de  deux  notes,  dont  la  première  est  fortement 
accentuée  par  les  altos,  à  trois  reprises  différentes,  veut  imiter  les  efforts 
répétés  d'Antinous  cherchant  en  vain  à  tendre  l'arc  inflexible  d'Ulysse. 
Peut-être  y  a-t-il  là  quelque  chose  de  plus  puéril  que  de  vraiment  ingé- 
nieux. Le  chœur  qui  salue  le  triomphe  d'Ulysse,  Victoire  au  mendiant, 
ne  manque  pas  d'éclat.  Son  défaut  est  de  rappeler  la  manière  parfois 
lourde  et  poncive  de  Haendcl.  Même  défaut  dans  le  chœur  final,  Chan- 
tons Ulysse;  il  a  toute  l'allure  et  la  tournure  d'un  motet  ou  plutôt  d'un 
cantique  de  confrérie. 

Du  reste,  ces  imperfections  secondaires  n'empêchent  pas  que  la 
partition  d'Ulysse  ne  soit  d'un  ordre  supérieur.  Ce  qui  la  distingue 
surtout,  c'est  un  profond  sentiment  de  couleur  locale.  Il  s'exhale  de 
cette  musique  une  senteur  puissante  qui  prend  au  cerveau  et  réveille, 
quoi  qu'on  en  ait,  le  souvenir  des  temps  fabuleux.  Par  là,  le  nouveau 
chantre  d'Ulysse  surpasse  incontestablement  tous  les  compositeurs  ses 
devanciers,  qui  ont  jadis  traité  le  même  sujet  (dans  d'autres  conditions, 
il  est  vrai).  De  1670  à  1809,  c'est-à-dire  depuis  Draghi  jusqu'à  Mayer, 
il  y  a  eu ,  pour  le  moins,  vingt  ou  trente  opéras  donnés  sous  les  titres 
divers  de  :  Pénélope,  le  Retour  d'Ulysse,  Ulysse  à  Ithaque.  Si  ces 
œuvres,  dont  quelques-uns  des  auteurs  sont  Conti,  Jomelli,  Gazzaniga, 
Cimarosa,  Piccinni ,  l'emportent  à  certains  égards  sur  la  partition  de 
M.  Charles  Gounod  ,  celle-ci  respire  je  ne  sais  quel  souffle  enchanteur 
venu  des  côtes  de  la  Grèce  antique.  Puis,  les  inspirations  mélodiques 
ont  généralement  de  la  vérité  et  du  caractère.  Le  coloris  en  est  vif, 
vrai  et  toujours  séduisant ,  même  lorsque  les  formes  du  chant  sont 
entachées  d'une  excentricité  peut-être  étudiée.  Quant  à  l'instrumenta- 
tion elle  laisse  peu  à  désirer;  elle  est  à  la  fois  sonore,  intéressante  et 
expressive.  Le  personnel  de  l'orchestre,  notablement  augmenté,  suffit 
pour  la  mettre  en  relief.  Treize  violons,  cinq  altos,  quatre  violoncelles, 
quatre  contrebasses,  une  harpe,  composent  la  masse  des  instruments  à 
cordes,  que  fortifie  une  harmonie  complète  d'instruments  à  vent  en  bois 
et  en  cuivre.  Tout  cela  fonctionne  avec  précision  sous  les  ordres  d'Oflén- 
bach,  qui  est  non-seulement  un  charmant  violoncelliste  et  un  compo- 
siteur plein  de  charme,  mais  encore  un  fort  bon  chef  d'orchestre, 
habile,  intelligent,  consciencieux.  M.  Wekerlin,  lui  aussi,  a  prouvé 
beaucoup  d'intelligence,  de  conscience  et  même  de  patience  en  dres- 
sant pour  les  représentations  d'Ulysse  les  nombreux  choristes  qu'il  di- 


rige avec  talent.  Si  par  malheur  (ce  dont  le  préservent  les  Dieux  .') 
Ulysse  après  tant  de  traverses  venait  à  subir  encore  l'infortune  d'une 
médiocre  réussite,  la  musique  en  serait  certainement  bien  innocente, 
puisque  le  compositeur  et  ses  interprètes  ne  sont  pas  restés  au-dessous 
de  leur  mission.  Maurice  BOURGES. 


CONSERVATOIRE  NATIONAL  DE  MUSIQUE  ET  DE  DÉCLAMATION. 

Exercice  de»  élèves.  —   Le»  Fréciettaea  ritliculea  el 
Jfocotttle. 

Cet  exercice,  qui  devait  précéder  le  dernier  examen  semestriel,  n'a 
pu  être  donné  que  peu  de  jours  avant  sa  clôture.  Ainsi  les  répétitions  et 
l'examen  ont  marché  de  front,  ce  qui  n'était  pas  petite  affaire.  La 
séance  commençait  par  l'ouverture  des  Deux  Aveugles  de  Tolède,  de 
Mëh'ul.  Et  à  propos  de  ce  célèbre  compositeur  français,  disons  quel- 
ques mots  de  la  controverse  tout  récemment  soulevée  par  la  reprise  de 
VIrato.  Méhul  avait-il  ou  n'avait-il  pas  voulu  faire  de  la  musique  ita- 
lienne? S'était-il  ou  ne  s'était-il  pas  annoncé  d'avance  comme  auteur 
de  la  partition  nouvelle?  Un  ami  du  compositeur,  un  témoin  delà 
première  représentation  ,  vient  de  trancher  ces  questions ,  dans  une 
lettre  qui  confirme  tous  les  faits  reconnus,  excepté  de  ceux  qui  aiment 
à  nier  l'histoire.  Dans  cette  lettre,  M.  Fabien  Pillet,  père  de  M.  Léon 
Pillet,  l'ancien  directeur  de  l'Opéra,  tout  en  protestant  contre  l'in- 
tention faussement  attribuée  à  Méhul  de  mystifier  un  grand  homme 
qui  avait  bien  le  droit  de  ne  pas  se  connaître  en  musique,  rappelle 
ce  qui  était  resté  dans  toutes  les  mémoires  contemporaines,  à  savoir 
que  la  partition  de  VIrato  fut  une  réponse  au  défi  d'écrire  quelque 
chose  dans  le  genre  de  Pergolèse,  de  Galuppi,  de  Paisiello,  et 
qu'elle  fut  présentée,  répétée,  exécutée  même  pour  la  première  fois., 
sous  le  couvert  d'un  certain  Fiorelli ,  compositeur  fantastique.  L'ou- 
vrage ayant  réussi ,  Méhul  se  nomma.  Sa  dédicace  au  premier  consul 
doit  être  considérée  comme  une  sorte  d'excuse  du  mauvais  tour  qu'il 
avait  cru  pouvoir  jouer  aux  amateurs  exclusifs  de  la  musique  italienne. 
Voilà  la  vérité,  rien  que  la  vérité. 

Revenons  à  l'exercice  et  aux  Précieuses  ridicules,  où  il  y  a  aussi  de 
la  musique.  C'est  à  M.  Régnier,  l'excellent  acteur  du  Théâtre-Français, 
qu'on  attribue  la  composition  ,  l'arrangement  de  l'air  sur  lequel  le 
marquis  de  Mascarille  chante  son  fameux  impromptu  : 

Oh  !  oh  !  je  n'y  prenais  pas  garde. 

Sans  compliment,  nous  déclarons  cet  air  très-original  et  très-bien 
conçu.  Gilles  de  Saint-Germain,  chargé  du  rôle  du  marquis,  a  chanté 
comme  il  a  joué,  avec  beaucoup  d'intelligence,  de  finesse  et  d'adresse. 
Si  Mlles  Valérie  et  Arréne,  qui  jouaient  les  rôles  des  Précieuses,  ne 
méritaient  d'être  louées  que  pour  leur  extérieur,  nous  dirions  qu'à  l'a- 
vantage d'être  jolies,  ellesjoignent  celui  de  posséder,  chacune  pour  son 
compte,  une  de  ces  tailles  de  guêpe  telles  qu'on  n'en  rencontre  guères 
ou  même  qu'on  n'en  rencontre  pas.  Mais,  taille  à  part,  elles  mettent 
dans  leur  jeu  des  qualités  réelles  qui  annoncent  deux  actrices  tout  à 
fait  distinguées.  Lesage,  Roger,  Tuchmann  el  Buthiau  n'avaient  que 
des  bouts  de  rôle,  ainsi  que  Vonoven,  à  l'organe  tragique,  choisi  pro- 
bablement pour  l'un  des  porteurs  de  chaise  à  cause  de  la  tradition  de 
Lekain,  qui  ne  dédaigna  pas  ce  rôle  dans  un  jour  solennel,  et  y  pro- 
duisit un  immense  effet. 

Joconde  venait  ensuite,  ce  Joconde  si  populaire,  ce  type  d'opéra- 
comique  pur  sang  et  commis  voyageur,  auquel  on  n'osa  longtemps  rien 
préférer  ni  même  rien  comparer.  Etienne,  l'auteur  du  poëme,  excel- 
lait à  traiter  proprement  les  sujets  d'une  indécence  extrême  ;  son  style, 
qui  ne  brillait  ni  par  la  vivacité,  ni  par  le  trait,  avait  toujours  de  la 
tenue,  de  la  convenance.  On  lui  savait  un  gré  infini  d'être  parvenu  à 
yaser  la  nudité  italienne  de  l'Arioste,  qui,  dans  les  mots  comme  dans 
les  choses,  brave  l'honnêteté.  Le  parterre  et  l'orchestre,  qui  possédaient 
leur  La  Fontaine,  s'amusaient  à  l'excès  de  ces  situations  symboliques,  à 
travers  lesquelles  l'imagination  voyait  toute  autre  chose  que  ce  qui  se 
passait  sur  la  scène.  Nicolo,  compositeur  négligé,  mais  plein  de  verve 


214 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


et  d'idées,  broda  sur  ce  canevas  autant  de  mélodies-proverbes  que 
de  morceaux.  La  partition  de  Joconde  a  dû  être  écrite  au  courant 
de  la  plume,  et  instrumentée  dans  le  bureau  de  copie,  comme  Nicolo 
le  faisait  souvent.  Elle  a  quelque  chose  de  chaleureux  ,  de  tapageur, 
comme  une  fête  foraine  ;  elle  a  aussi  des  inspirations,  d'une  grâce  ex- 
quise et  d'un  sentiment  parfait.  Tout  bien  compté,  Joconde  mérita  sa 
fortune  inouïe,  quoique  bien  inférieur  à  plusieurs  chefs-d'œuvre  qui 
l'ont  précédé  et  suivi. 

Dans  cet  ouvrage,  il  n'y  a  guère  que  trois  rôles  :  celui  de  Joconde  , 
celui  de  Robert  et  celui  de  Jeannette  ;  ceux  de  Mathilde,  d'Edile,  de 
Lysandre,  du  bailli,  de  Lucas,  rentrent  à  peu  près  dans  les  accessoires. 
Deux  élèves  pensionnaires,  Cremers  et  Sapin,  remplissaient  les  deux 
premiers.  Cremers  est  entièrement  novice  comme  acteur.  Dans  le 
cantabile  sa  voix  a  du  charme  ,  aussi  a-t-il  enlevé  un  brillant  succès  en 
chantant  :  Dans  un  délire  extrême  !  Sapin  est  né  acteur  ;  il  ne  pèche 
que  par  l'abus  de  qualités  précieuses  :  l'aplomb,  la  chaleur,  l'entrain. 
Sa  voix  est  forte  et  vibrante  :  avec  du  travail,  de  l'art,  du  goût,  il  ar- 
rivera. La  manière  dont  il  a  dit  le  couplet  final  : 

De  ma  main,  recevez  ce  gage. 
Personne  ne  sait  davantage 
Combien  vous  l'avez  mérité , 

prouve  de  reste  que  ce  jeune  homme  est  capable  de  modérer,  de  rete- 
nir l'exubérance  de  sa  nature  et  d'en  tirer  un  vrai  talent. 

Mlle  Boulart  a  été  fort  gentille  dans  le  rôle  de  Jeannette  ;  ce  qu'elle 
a  dit  le  mieux,  ce  sont  les  couplets  : 

Ma  grand'mere  disait  souvent. 

Mlles  Geismar,  Dhélens  ;  MM.  Faure,  Shannon  et  Laurent  ont  fait  ce 
qu'ils  ont  pu  des  autres  rôles,  hormis  toutefois  que  Shannon  aurait  pu 
moins  charger  le  sien. 

Nous  avons  des  confrères,  d'ailleurs  très-indulgents  et  très-honora- 
bles, qui  trouvent  que  les  exercices  de  cette  année  n'ont  pas  valu, 
quant  aux  personnel  des  sujets  principaux  ,  les  exercices  des  années 
précédentes.  Admettons  le  fait  :  qu'en  conclure  ?  Que  le  Conservatoire 
n'est  pas  toujours  également  partagé.  Le  Conservatoire  n'est  pas  un 
théâtre  :  il  prend  ce  qui  lui  arrive  ;  il  montre  ce  qu'il  a.  et  les 
spectateurs  ne' sauraient-  s'en  plaindre.  Une  autre  opinion  que  nous 
ne  croyons  pas  moins  erronée,  c'est  que  le  Conservatoire  ne  devrait 
produire  dans  ses  exercices  que  les  élèves  tout  prêts  à  passer  au  théâ- 
tre. Alors,  où  et  comment  se  formeraient  ceux  qui  n'ont  que  des  dis- 
positions plus  ou  moins  décidées?  L'exercice  est  la  grande  épreuve, 
la  leçon  suprême  destinée  à  éclairer  les  élèves  et  les  maîtres  eux- 
mêmes.  Qui  n'a  pas  vu  ses  défauts  en  plein  jour  ne  les  connaît  certai- 
nement pas.  De  plus,  si  le  Conservatoire  était  condamné  à  ne  montrer 
que  des  élèves  complets,  il  y  a  des  circonstances  où  les  exercices  de- 
viendraient impossibles,  et  ils  sont  prescrits  par  le  règlement  non 
moins  que  par  l'intérêt  général  de  l'école. 

Ce  qui  nous  a  frappé  surtout  dans  le  dernier  exercice,  ce  que  nous 
nous  plaisons  à  mettre  en  relief ,  c'est  l'amélioration  notable  de  l'or- 
chestre, formé,  réformé  et  dirigé  par  M.  Massart.  Il  ne  fallait  qu'un 
.peu  d'énergie,  et  M.  Massart  l'a  eue,  toujours  de  concert  et  avec  l'appui 
de  M.  Auber.  Dès  ce  moment,  la  discipline  est  établie  ;  les  répétitions 
se  font  avec  ordre  et  attention  ;  la  représentation  n'est  plus  pour 
les  jeunes  instrumentistes  un  simple  spectacle,  dont  il  s'agit  avant  tout 
de  prendre  sa  part  :  c'est  un  examen,  c'est  une  épreuve  qu'ils  subis- 
sent comme  leurs  camarades  qui  sont  en  scène.  Il  ne  reste  plus  à  de- 
mander à  cet  orchestre  régénéré  qu'un  peu  moins  de  force  et  un  peu 
plus  de  nuances.  Rien  de  plus  facile  à  obtenir  en  persistant  dans  la 
voie  ouverte  ,  et  surtout  en  instituant  pour  la  saison  prochaine  des 
exercices  de  pure  musique  instrumentale,  entremêlés  de  choeurs  et  de 
quelques  morceaux  de  chant.  P.  S. 


COICOUBS  DE  CHANT  D'ENSEMBLE  À  LILLE. 

La  ville  de  Lille,  suivant  son  ancienne  et  louable  habitude,  s'est  mise, 
dimanche  dernier,  en  grands  frais  de  cavalcades,  costumes,  bals,  etc.,  à 


l'occasion  de  sa  fête  communale.  Les  journaux  quotidiens  ont,  la  plu- 
part, depuis  huit  jours  consacré  plusieurs  de  leurs  longues  colonnes  à  la 
description  de  cette  solennité  caractéristique  Quant  à  nous,  ce  qui  doit 
le  plus  fixer  notre  attention,  c'est  le  concours  de  chant  d'ensemble  qui  a 
été  organisé  pour  cette  circonstance  par  les  soins  de  l'Association  musi- 
cale lilloise,  lequel  a  été',  sans  contredit,  l'une  des  plus  curieuses  et  des 
plus  intéressantes  parties  de  cette  belle  fête. 

A  dix  heures  du  matin,  la  section  d'harmonie  de  l'Association  s'est  ren- 
due au  débarcadère  du  chemin  de  fer,  afin  d'y  recevoir  officiellement  les 
diverses  sociétés  chorales  françaises  et  étrangères  qui  s'étaient  fait  in- 
crire  pour  prendre  part  au  concours.  Toutes  ensembles  se  sont  ensuite 
rendues  en  cortège  au  local  de  l'Association,  en  traversant  les  rues  prin- 
cipales et  la  grande  place  ;  chacune  était  précédée  de  sa  bannière  déployée, 
et  l'on  reconnaissait  en  outre  les  membres  des  différentes  sociétés  aux 
signes  distinctifs  qu'ils  portaient,  les  uns  à  la  boutonnière,  les  autres  en 
sautoir.  Arrivés  au  lieu  où  devait  se  faire  le  concours,  le  président  de 
l'Association  musicale  lilloise,  M.  Henry  Brunell,  l'un  des  ordonnateurs  et 
des  moteurs  les  plus  zélés  de  cette  fête  mémorable,  leur  a  adressé  u  e 
allocution  chaleureuse,  bien  sentie,  et  qui  maintes  fois  a  été  interrompue 
par  des  applaudissements  unanimes.  Puis  on  a  fait  circuler  parmi  tous 
les  groupes  le  vin  d'honneur.  L'un  des  chefs  de  la  Société  des  chœurs  de 
Gand  a  répondu  en  excellents  termes  au  discours  de  M.  H.  Brunell;  l'Al- 
lemagne, la  Belgique  et  la  France  se  sont  confondues  dans  un  même  sen- 
timent de  cordialité,  en  attendant  l'heure  du  pacifique  combat,  et  quelle  que 
dût  en  être  l'issue. 

A  cinq  heures,  après  que  la  riche  cavalcade  des  Fastes  de  Liile  eut 
parcouru  la  ville  dans  tous  les  sens  et  récolté  une  ample  moisson  au  profi  t 
des  pauvres,  la  foule  avait  envahi  le  local  de  l'Association  pour  être  té- 
moin de  la  lutte  musicale  qui  allait  être  livrée.  Plus  de  trois  mille  per- 
sonnes encombraient  la  salle  et  le  jard  n  au  milieu  duquel  était  placé  le 
jury,  composé  de  M.  letaron  Taylor,  président;  MM.  Ambroise  Thomas, 
Georges  Bousquet  et  Hubert,  mandés  de  Paris  ;  M.  F.  Lavainne,  de  Lille; 
M.  Choulet,  professeur  au  Conservatoire  de  Douai  ;  M.  Albert  Seigne,  pro- 
fesseur au  Conservatoire  de  Valenciennes;  M.  Albert  Dommange,  profes- 
seur au  Conservatoire  de  Gand,  et  M.  Bovéry,  chef  d'orchestre  du  casino 
de  Gand.  Les  Sociétés  chorales  se  sont  présentées  sur  l'estrade  dressée 
pour  le  concours,  dans  l'ordre  suivant  :  1°  Lille.  Mais  les  chœurs  de 
l'Association  musicale  lilloise,  faisant  les  honneurs  de  leur  ville,  ne  concou- 
raient point  ;  ils  ont  chanté  les  premiers,  en  quelque  sorte,  comme  pour 
inVitêr  leurs  hôtes  au  tournoi  ;  ils  se  sont  faits,  si  l'on  peut  ainsi  dire  , 
leurs  hérauts;  ils  ont  chanté  un  très  bon  morceau  intitulé  le  Réveil,  ex- 
pressément composé  par  M.  F.  Lavainne,  qui  en  a  dirigé  lui-même  l'exé- 
cution ;  2"  les  Oiphéonistes  û'Arras;  ils  ont  chanté  un  Boléro  de  M.  Lim- 
nander,  et  les  Enfants  de  Paris,  de  M.  Adolphe  Adam  ;  3"  la  classe  d'ensei- 
gnement populaire  du  Conservatoire  de  Paris,  qui  a  chanté  un  Sanctus  de 
M.  Ilalévy,  et  le  chœur  des  Gardes-Chasses ,  de  M.  Ambroise  Thomas.  — 
Ces  deux  Sociétés,  les  seules  françaises  qui  se  soient  rendues  à  l'appel  des 
Lillois,  formaient  une  première'division  du  concours,  et  ne  concouraient 
point  avec  les  Sociétés  chorales  étrangères.  Celles-ci ,  nous  devons  le 
reconnaître,  étaient  bien  supérieures  et  en  nombre  et  en  valeur.  — 
La  Liederlafel,  de  Mayence,  a  exécuté  avec  un  ensemblj,  une  préci- 
sion et  une  chaleur  dignes  des  plus  grands  éloges  un  chœur  de  M.  L. 
Liebe  (Multersproche)  et  un  de  M.  C.-L.  Fischer  (Die  Weltist  so  schocri). 
La  Sodé  é  d  Orphée  de  Liège  lui  a  succédé  et  a  chanté  avec  beaucoup 
de  succès  la  Bra.-iche  d'amandier,- chœur  de  M.  E.  Soubre,  et  un  Chœur  de 
buveurs,  de  M.  Birtsman.  Après  celle-ci,  la  Concordia  de  Gand  a  fat  en- 
tendre un  chœur  de  M.  C.  Méry,  intitulé  Nuit  d'amour  et  un  Chœur  de  bu- 
veurs, de  M.  deRillé.  La  Société  des  chœurs  de  Gand  est  venue  après  la  Cvn- 
cordia,  et, dans  deux  morceaux  de  M.  A.  Gevaert  (Sur  l'eau  etle  Départ  des 
croisés),  a  montré  une  supériorité  d'exécution  vraiment  inouïe  ;  le  second 
de  ces  morceaux,  double  choeur  à  huit  parties,  offrait  des  difficultés  très- 
grandes;  elles  ont  été  toutes  surmontées  avec  un  grand  talent.  Cette  com- 
position est  d'ailleurs  extrêmement  remarquable  tant  sous  le  rapport  de 
la  facture  que  de  la  pensée  musicale.  Une  autre  Société  de  Gand,  qui  a 
Cela  de  particulier  qu'elle  ne  chante  qu'en  langue  flamande,  et  qui  se 
nomme  Willems-Genuolscliap ,  a  exécuté  deux  morceaux  dont  les  titres 
sont  Het  Kerkje  et  Di  Zegezon.  Si  vous  ne  savez  pas  le  flamand,  tirez-vous 
de  là  comme  vous  pourrez.  Au  reste,  le  programme  nous  ôte  d'embar- 
ras en  nous  apprenant  que  ces  mots  signifient  Y  Eglise  et  Soleil  bienfaisant. 
La  Concordia  d'Aix-LA-CHAi'ELLE  a  provoqué  des  applaudissements  en- 
thousiastes en  chantant  Abenilied,  chœur  de  M.  F.  Abt^  et  tm  Walle,  de 
M.  F.  Kucken.  Outre  le  mérite  d'une  exécution  vraiment  excellente,  cette 
Société  a  produit  une  vive  sensation  par  la  beauté  et  l'harmonie  de  ses 
voix,  qui  par  moments  produisent  des  effets  de  sonorité  d'une  amplitude 
pareille  à  celle  du  plein-jeu  de  l'orgue.  Enfin  les  Ouvrnrs  réunis,  autre 
Société  chorale  gantoise,  a  clos  la  séance  par  deux  morceaux  (Nocturne  et 
Chant  triomphal),  de  M.  J.  Denefve. 


DE  PARIS. 


215 


Il  était  dix  heures  passées  lorsque  le  président  du  jury  est  venu  procla- 
mer les  noms  des  Sociétés  victorieuses.  Dans  le  concours  entre  les  so- 
ciétés françaises,  Paris  l'a  emporté  sur  Arras;  mais,  il  faut  le  dire,  d'une 
voix  seulement.  Quoi  qu'il  en  soit,  Paris  a  obtenu  le.  premier  prix  et  Ar- 
ras le  second.  Le  jugement  entre  les  sociétés  étrangères  a  dû  è\te  difli- 
cilo  à  rendre;  le  jury  n'a  pu  faire  autrement  que  de  décerner  deux  pre- 
miers prix  ex  (cquo  :  ce  sont  la  Concordia,  d'Aix-la-Chapelle,  et  la  Société 
des  Chcews.  de  C.and,  qui  les  ont  obtenus.  La  Société  d'Orphée,  de  Liège, 
l'a  emporté  sur  la  Liedertafel,  de  Maycnce,  pour  le  second  prix  ;  cette 
dernière  société  aurait  eu  cependant  bon  nombre  de  parieurs  pour  elle  si 
des  paris  se  fussent  ouverts  dans  le  public. 

Le.  lendemain  du  concours  a  eu  lieu  a  midi  la  distribution  des  récom- 
penses si  honorablement  gagnées.  C'a  été  l'occasion  d'une  nouvelle  séance 
de  chant  d'ensemble,  à  laquelle  ont  successivement  participé  chacune  des 
sociétés  concurrentes  ;  et  cette  séance  s'est  terminée  par  un  chœur  géné- 
ral dont  la  poésie  a  été  écrite  tout  exprès  pour  cette  fête  par  M.  A.  de  Mus- 
set, et  la  musique  par  M.  Ambroise  Thomas.  Vainqueurs  et  vaincus  ont  uni 
leurs  voix  dans  un  touchant  concert  de  vœux  pour  la  paix  et  le  bonheur 
de  tous.  Ce  morceau,  dont  le  compositeur  dirigeait  lui-même  l'exécution, 
a  été  accueilli  par  le  public  avec  les  marques  d'une  très-vive  sypathie. 

En  terminant  ce  compte-rendu,  nous  ne  pouvons  nous  empêcher  de  vous 
communiquer  cette  réflexion,  peu  flatteuse  pour  la  France,  mais  très- 
vraie,  c'est  qu'en  écoutant  quelques-unes  des  sociétés  chorales  étran- 
gères qui  ont  concouru  à  Lille  dimanche  dernier,  tout  le  monde  a  pu  ju- 
ger de  l'état  d'infériorité  où  sont  les  nôtres.  Puissent  de  pareilles  luttes  se 
renouveler  souvent  afin  de  donner  à  nos  sociétés  chorales  le  stimulant, 
ou,  pour  parler  plus  exactement,  le  goOt  qui  leur  manque!  Honneur  à  la 
ville  de  Lille  qui  a  su  prendre  l'initiative  d'une  mesure  qui,  pour  peu 
qu'elle  rencontre  des  imitateurs,  pourrait  devenir  de  la  plus  grande  uti- 
lité pour  la  propagation  et  les  progrès  de  l'art  musical  dans  notre  pays  ! 

G. 


*„*  Demain  lundi ,  à  l'Opéra  ,  la  vingt-deuxième  représentation  du  Juif 
errant. 

*»*  C'est  vendredi  que  ce  grand  et  bel  ouvrage,  interrompu  quelques 
jours  seulement,  a  reparu  sur  la  scène,  et  que  Gueymard  a  chanté  pour 
la  première  fois  le  rôle  de  Léon.  La  recette  s'est  élevée  a  9,288  fr.  75  c., 
ce  qui  prouve  que  l'empressement  du  public  n'avait  rien  perdu  pour  at- 
tendre. La  représentation  a  été  fort  belle.  Le  jeune  chanteur  a  vaillam- 
ment abordé  le  rôle  de  Léon,  dont  le  costume  va  très-bien  à  sa  figure  et 
à  sa  taille.  La  musique  ne  convient  pas  moins  â  la  fraîcheur  et  à  la  puis- 
sance de  sa  voix  II  en  a  dit  supérieurement  les  plus  saillantes  parties,  et, 
avec  un  peu  d'habitude,  il  les  fera  toutes  valoir  également.  C'est  un  avan- 
tage pour  le  rôle  que  d'avoir  été.  successivement  essayé  par  des  chanteurs 
différents  de  voix  et  de  méthode,  comme  autrefois  ceux  d'Arnold,  de 
r.obert  et  tant  d'autres,  et  ce  n'est  pas  un  désavantage  pour  des  artistes 
éminents,  qui  savent  tous  s'y  distinguer  a  leur  manière.  Massol,  dans  le 
personnage  du  Juif  ;  Mme  Tedesco  et  Mlle  Lagrua,  dans  les  rôles  de  Théo- 
dora  et  d'Irène,  n'ont  jamais  mérité  ni  obtenu  plus  de  bravos  que  dans 
la  représentation  dernière,  qui  en  annonce  d'autres  toujours  brillantes 
et  toujours  suivies.  La  vogue  constante  du  Juif  errant  en  plein  mois  de 
juin,  au  milieu  de  la  saison  chaude,  continue  d'être  une  exception. 

%*  La  Xacarilla,  substituée  au  Freischiiti,  et  le  D'iaUe  à  quatie,  com- 
posaient le  spectacle  de  lundi.  Mercredi,  on  donnait  la  Favorite,  chantée 
par  Mlle  iMasson,  Mairaltet  Morelli. 

%*  L'Opéra-Comique  donnera  très-prochainement  la  Vierge  de  Kermo, 
ouvrage  en  trois  actes,  dont  les  paroles  sont  de  MM.  Dennery  et  Lockroy, 
la  musique  de  M.  Maillart.  Ce  même  ouvrage  avait  été  annoncé  d'abord 
sous  le  titre  du  Baiser  de  la  Vierge.  La  première  représentation  aura  lieu 
au  plus  tard  dans  les. premiers  jours  de  juillet.  Les  rôles  principaux  se- 
ront remplis  par  Mlle  Lefebvre,  Bussine,  Couderc,  Eoulo  et  Jourdan. 

%"*  Pendant  toute  la  semaine  qui  vient  de  finir,  le  répertoire  a  été  à 
peu  près  le  même  que  celui  de  la  semaine  précédente,  et  le  public  n'a  pas 
fait  défaut. 

***  Une  jeune  cantatrice,  Mme  Colson,  qui,  sous  le  nom  primitif  de 
Pauline  Marchand,  a  fait  sa  réputation  aux  théâtres  de  Lyon  et  de  la 
Haye,  vient  d'être  engagée  par  M.  Jules  Séveste  au  Théâtre-Lyrique  do 
Paris. 

*„,*  Jeudi  dernier,  le  théâtre  de  Sa  Majesté,  â  Londres,  a  donné  avec  un 
grand  succès  la  première  représentation  d'un  grand  ouvrage  lyrique  et 
chorégraphique,  Zélie  ou  l'Amour  et  la  magie,  qui  portait  d'abord  le  titre 
des-  Quatre  déments.  L'auteur  est  M.  de  Saint-Georges,  â  qui  nos  théâ- 
tres lyriques,- comme  ceux-de  presque  toute  l'Europe,  doivent  tant  et  de 
si  beaux  succès  depuis  dix  ans. 

***  On  annonce  que  Mlle  Johanna  Wagner  est  de  retour  en  Allemagne, 
et  qu'eflese  trouve  en  ce  moment  aux  eaux  de  Creuznach. 

*t*  Hier  samedi,  à  l'Institut,  les  six  élèves  admis  a  concourir  pour  le 
grand  prix  de  composition  musicale,  et  dont  nous  avons  donné  lès  noms, 
sont  entrés  en  loges.  Quatre-\ingt-cinq'cantates'avaient  été  envoyées  au 
secrétariat.    Celle  qui  a  été  choisie  a  pour  titre  le  Retour  de  Virginie   (la 


Virginie  de  Bernardin  do  Saint-Pierre),  et  pour  auteur  M.  Auguste  Hollet. 

*„*  Emile  Prudent  sera  de  retour  à  Paris  dans  quelques  jours,  et  s'y 
reposera  des  magnifiques  succès  qu'il  vient  d'obtenir  h  Londres.  11  y 
jouera  le  30  de  ce  mois,  pour  la  dernière  fois.  Au  concert  donné  par  le 
violoniste  Sainton,  le  Réveil  des  fé*s  a  encore  produit  un  effet  merveilleux. 

*»*  Le  talent  des  artistes  et  surtout  des  compositeurs  a  besoin  de  s'é- 
prouver en  passant  viar  diverses  phases.  C'est  ainsi  que  M.  Georges  Ma- 
thias,  le  jeune  et  brillant  pianiste  compositeur,  qui  s'était  plu  d'abord  à 
multiplier  les  difficultés  dans  les  morceaux  sortis  -le  sa  plume,  vient  dVn 
écrire  deux  d'un  style  tout  différent  et  d'une  exécution  qui  n'exige  aucun 
effort  extraordinaire.  Ces  morceaux  ont  pour  titre  :  Valse  de  concert  et 
Noce  villageoise.  L'auteur  les  a  conçus  pour  être  précisément  ce  qu'ils 
sont,  faciles,  brillants  et  à  effet. 

*„*  Notre  collaborateur  Georges  Kastner  vient  de  partir  pour  son 
voyage  annuel  en  Allemagne. 

%ï  Aujourd'hui  dimanche,  27  juin,  une  grande  solennité  musicale  réu- 
nira à  Meaux  les  Sociétés  chorales  de  Paris,  les  orphéons  et  les  musiques 
des  gardes  nationales  de  Seine-et-Marne  et  des  départements  voisins.  Un 
concours  de  chant  d'ensemble  aura  lieu  ;  un  jury  présidé  par  M.  Adolphe 
Adam,  de  l'Institut,  décernera  les  prix. 

%f  Un  concert  des  plus  attrayants  a  eu  lieu  la  semaine  dernière  à 
Saint-Germain.  M.  S.  Lee,  le  violoncelliste  distingué,  en  était  le  bénéfi- 
ciaire en  même  temps  que  le  héros.  Il  a  fait  entendre,  entr'autres,  une 
fantaisie  ravissante  sur  le  Juif  errant;  c'est  un  morceau  plein  de  charme, 
qui  sera  toujours  entendu  avec  le  plus  grand  intérêt  Jamais  l'artiste  n'a- 
vait été  mieux  inspiré;  l'auditoire  était  transporté  par  son  archet  sympa- 
thique autant  que  par  les  délicieuses  mélodies  dont  il  était  l'interprète. 
M.  Maurice  Lee  et  le  jeune  Edouard  Lee,  habiles  pianistes  de  beaucoup 
d'avenir,  ainsi  que  M.  Armingaud,  le  gracieux  violoni-  te  de  salon,  ont 
également  charmé  le  public. 

*„*  Nous  avons  sous  les  yeux  une  lettre  écrite  â  il.  Bianchi,  luthier,  par 
Bazzini,  le  célèbre  violoniste.  Nous  voudrions  pouvoir  la  transcrire  tout 
entière  pour  donner  une  idée  du  prix  infini  que  le  virtuose  attache  aux 
réparations  faites  par  l'habile  main  de  M.  Bianchi  à  son  Guarnerius,  à  son 
Galliano,  et  à  son  Gaspard  Salo.  Qu'il  nous  suffise  de  dire  que  ces  répara- 
tions sont  presque  des  métamorphoses. 

%*  Nous  avons  annoncé  le  concours  ouvert  par  la  Société  Sainte-Cécile 
pour  la  composition,  paroles  et  musique,  d'une  ode  à  la  patronne  de  cette 
Société.  Le  morceau  couronné  sera  exécuté  au  mois  de  novembre  pro- 
chain dans  le  concert  des  jeunes  compositeurs.  —  Les  jeunes  poètes  qui 
désirent  prendre  part  au  concours  pour  les  paroles  sont  priés  d'adresser 
leurs  œuvres,  avant  le  15  juillet,  au  bureau  du  comité  des  gens  de  lettres, 
cité  Trévise,  lk.  Une  enveloppe  séparée,  renfermant  le  nom  de  l'auteur, 
devra  accompagner  ces  poésies,  qui  ne  doivent  pas  être  signées.  Le  con- 
cours de  poésie  sera  jugé  par  le  comité  de  la  Société  des  gens  de  lettres. 

GROMÎQUE   DÉP&RTERÏBMTALE. 

%*  Rouen.  —  Le  concert  donné  par  M.  Dubosc  a  été  fort  agréable  d'en- 
semble et  de  détails.  La  chambrée  était  assez  nombreuse  Tous  les  ouvra- 
ges, choisis  avec  goût,  ont  reçu  leur  part  de  bravos.  Mlle  Pauline  Paul  a 
chanté  avec  beaucoup  de  grâce  et  d'esprit  le  boléro  du  Carillunwur  ele 
Bruges,  et  la  romance  Pourquoi?  de  Loïsa  Puget  ;  Mlle  Omont  a  fort  bien 
dit  une  romance  et  Je,  duo  de  A'e  bûchez  pas  à  la  rtine;  M.  Durand,  jeune 
ténor,  a  fait  le  plus  grand  plaisir  en  chantant  la  jolie  barcarolle  de 
E.  Dassier,  Mon  pilote  cVt  l'amour,  le  Rêve  eu  pag-,'da  même  auteur,  et  la 
belle  romance  du  Val  d'Andorre.  M.  Dubosc.  dont  tout  le  monde  ici  con- 
naît et  apprécie  la  belle  voix  et  la  diction  sympathique,  a  chanté  avec 
beaucoup  de  sentiment  le  Chêne  du  Dtabl- ,  de  E,  Dassier,  mélodie  dont  les 
accents  dramatiques,  parfaitement  rendus  par  le  chanteur,  ont  vivement 
impressionné  l'auditoire. 

*„*  Iio<deaux.  —  Mlle  Esther  Danhauser  vient  de  débuter  avec  un  très- 
grand  succès  dans  le  rôle  de  Bose  de  Mai ,  du  Val  d'Andorre. 

*J*  Nantes.  —  Un  conservatoire  avait  été  fondé'en  cette  ville  et  confié 
à  la  direction  de  M.  Bressler.  Par  malheur,  le  conseil  municipal  a  toujours 
rejeté  par  ses  votes  successifs  tous  les  projets  qui  tendaient  â  soutenir 
cette  institution  utile,  en  lui  accordant  secours  et  protection.  Il  en  ré- 
sulte que  non  seulement  les  salles  du  Conservatoire  sont  désertes  et  si- 
lencieuses, les  cours,  ajournés,  les  professeurs  congédiés  ;  mais  que  d'au- 
tre part,  les  libéralités  du  gouvernement  qui  se  sont  récemment  étendues 
sur  le  Cpnservatoire  de  Paris  et  les  succursales  de  Toulouse,  de  Lille,  de 
Marseille,  de  Metz,  ont  glissé  au-dessus  de  Nantes,  sans  laisser  trace  de 
leur  passage.  Une  autre  conséquence  de  ce  .--ystème  d'économies  mal  en- 
tendues, c'est  que,  malgré  l'évidence  du  progrès  musical  auquel  la  créa- 
tion du  Conservatoire  avait  contribué,  malgré  le  retentissement  que 
peuvent  avoir  dans  les  autres  villes  les  fêtes  instrumentales  et  chantan- 
tes qui  se  donnent  ici,  soit  au  théâtre,  soit  à  la  mairie,  soit  dans  la 
salle  des  Beaux-Arts,  si  libéralement  ouverte  désormais  aux  talents  vrai- 
ment méritoires,  Nantes  n'est  comptée  pour  rien  dans  l'Association  mu- 
sicale des  départements  de  l'Ouest,  tandis  que  sa  position  de  grande  cité  et 
de  succursale  du  Conservatoire  de  Taris  devrait  la  placer  en  tête  des  villes 
qui  figurent  dans  cette  société  philharmonique.  Si  Nantes  avait  un  Con- 
servatoire qui- fonctionne,  comme  il  a  fonctionné  déjà  sous  l'habile  direc- 
tion de  M.  Bressler,  il  n'en  serait  point  ainsi.  Souveraine  musicale  de 
l'Ouest,  ainsi  que  le  gouvernement  l'avait  souhaité  et  décidé,  elle  exer- 
cerait son  influence  et  sa  suprématie  sur  les  cités  environnantes.  Au  lieu 
d'ètie  à  la  remorque,   ou  plutôt,  d'ctie  complètement  annulée,  elle   con- 


216 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS. 


centrerait  vers  elle  les  travaux,  les  efl'orts,  les  éléments  de  l'art  musical, 
disséminés  dans  les  autres  villes;  ou  tout  au  moins  elle  serait  représentée 
avec  honneur,  avec  supériorité  même,  dans  les  grandes  fêtes  que  celles-ci 
donnent  alternativement  chaque  année.  Ce  sont  là  des  considérations 
qu'il  serait  urgent,  selon  nous,  de  ne  pas  perdre  de  vue  ;  elles  en  valent 
bien  la  peine. 

CHRONIQUE     ÉTRANGÈRE. 

%*  Vienne.  —  Parmi  les  nouveautés  qui  feront  incessamment  leur  ap- 
parition au  théâtre  de  la  Cour,  on  cite  le  Val  d'Andorre ,  d'Halévy.  — 
Après  une  saison  des  plus  prospères,  l'Opéra-Italien  a  fait  sa  clôture  le 
1b  juin  :  il  avait  ouvert  le  15  mars  dernier.  Depuis  le  temps  de  Barbaja, 
les  chanteurs  italiens  n'avaient  point  obtenu  de  pareils  succès.  En  pre- 
mière ligne,  il  faut  citer  Mme  Médori,  dont  l'apparition  dans  le  rôle  de 
Lucrezia  fut  saluée  avec  un  enthousiasme  qui  est  allé  en  augmentant  jus 
qu'à  la  fin.  Mlle  Marray,  MM.  Fraschini  et  Debassini  se  sont  également 
soutenus  dans  la  faveur  du  public.  C'est  surtout  dans  Dona  Anna,  de  Don 
Juan ,   que  la  Médori  a  fait  fureur. 

%*  B  rlin  —  M.  Charles  Voss  est  arrivé  dans  notre  capitale,  d'où  il 
doit  se  rendre  aux  eaux  de  ïœplitz  —  L'événement  le  plus  marquant  dans 
notre  monde  théâtral ,  c'est  la  représentation  de  Lucia,  qu'on  a  reprise 
pour  Roger,  qu'on  attend  cette  semaine.  Mme  Tuczek  y  a  été  vivement 
applaudie  dans  le  rôle  principal.  —  Vieuxtemps  se  trouve  depuis  quelque 
temps  en  cette  ville. 

%*  Brunswick.  —  Notre  cinquième  festival  commencera  le  2  juillet  : 
un  orchestre  composé  de  140  instrumentistes  et  700  chanteurs  exécutera 
VElie,  de  Mendelssohn ,  sous  la  direction  de  M.  Muller.  Le  lendemain , 
Egmont  et  la  grande  symphonie  de  Beethoven. 

*„,*  Hambourg.  —  Struensée,  avec  la  musique  de  Meyerbeer,  a  eu  plu- 
sieurs représentations  ;  l'ouverture,  empreinte  d'une  énergie  si  profonde 


et  si  caractéristique,  la  polonaise,  le  chant  national  danois  et  la  scène  du 
rêve,  ont  produit  le  plus  grand  effet.  , 

*„*  Varsovie.  —  M.  Lvoff,  directeur  de  la  chapelle  impériale  russe  et 
adjudant  général  de  l'empereur,  est  arrivé  ici.  On  espère  que',  pendant 
son  séjour,  le  Stabat,  qui  est  la  plus  éminente  de  ses  compositions,  sera 
exécuté,  ainsi  que  le  Stabat  de  Pergolèse. 

*„,*  Milan.— Mlle  Sosse  vient  de  chanter  dans  un  concert  donné  au  théâ- 
tre de  la  Canobiana,  la  cavatine  d'Attila  et  celle  de  Linda  avec  un  immense 
succès.  Cette  excellente  artiste  est  engagée  au  même  théâtre  pour  y  créer 
le  rôle  des  Musnadiert. 

*t*  Slo  kholm.  7  juin.  —  Mme  Jenny  Lind  vient  de  faire  remettre  à 
notre  gouvernement  la  somme  de  50,000  piastres  fortes  (250,000  fr.)  pour 
être  employée  à  la  création  de  nouvelles  écoles  primaires  gratuites  dans 
les  localités  où  le  nombre  de  ces  établissements  ne  répond  pas  aux  be- 
soins de  la  population. 

Le  gérant  :  Ernest  bESCHAMPS. 
MUSIQUE  RELIGIEUSE. 

LE    CHOEUR 

Collection  périodique  des  meilleures  pièces  de  musique  d'église, 
pour  les   voix  et  l'orgue. 

Six  numéros  par  an. 

Envoyer  un  mandat  de  e  fr.  S0  sur  la  Pote,  à  M.  REGNIER,  secrétaire 
de  la  Société  de  mwiqiie  rehyieuse,  à  Nancy. 


Chez   aiMAr«IMJS  et  C%  éditeurs,    flOS,  rue  Kielielieu, 


MM.    E. 


Opéra  e»  ci»<a  îsri«-w  , 
Paroles  de 

et    DE   S  A  WT  -GEORGES 


MSe    l'Mnslilttt. 

Partition  nom*  piano  et  clisiat,  net  4©  fr. 

MORCEAUX  DÉTACHÉS  POUR  CHANT  AVEC  ACCOMPAGNEMENT  DE  PIANO 

PAR 

illlî    POTI2 


MORCEAUX  ET   ARRANGEMENTS  SUR   CET   OPERA 


Ouverture  arrangée  par  H.  Potier 6     » 

Fréil.Burgniullrr.  —  Grande  valse 5     » 

neeourceltc. — Fantaisie  à  quatre  mains 7  50 

iB.  Il  Du  ver  noy.  —  Deux  fantaisies  ;  chaque 6     » 

A.l-ecarpentier.  —  230e  et  139=  Bagatelle  ;  chaque 4     » 

II.  llulder  —  Op.  23.  Caprice  guerrier 9     » 

—  Op  .  24.    Andante  de  concert 5     » 

II,  UoHellen.  —  Fantaisie  brillante 7  50 

A.  Falévy. — Op.  46.  Fantaisie,  brillante 7  50 

Cl».  Vors.  —  Op.  139.  Grande  fantaisie  dramatique 9     » 


HT.  KiO'ulN. — Op.  228.  Fantaisie  pour  piano  et  violon 

s.uv.  —  Op.  64.  Fantaisie  pour  violoncelle  avec  accompagnement 
de  piano 

A.  Fes&y.  —  Trois  fanfares  pour  musique  de  cavalerie.  Chaque. 
Airs  arrangés  pour  deux  violons,  par  N.  Louis,  trois  suites.  Ch. 

—  arrangés  pour  deux  cornets  à  piston,  par  Caussinus ,  trois 

suites.  Chaque , 

—  arrangés  pour  deux  flûtes,  par  E.  Walkiers,  trois  suites.  Ch. 

—  arrangés  pour  violon  seul,  flûte  seule  et  cornet  seul.  Chaque 

instrument,  deux  suites  à 


MUSIQUE  DE  DANSE 


n.  PotiiJer.  —  Sept  airs  de  ballet  et  une  marche  : 

1.  Pas  des  Esclaves 4  50 

2.  Pas  des  Voiles 4  50 

3.  Le  Bourdonnement 4  50 

4.  Le  berger  Aristée 4  50 

5.  La  Ronde 4  50 

6.  La  Reine  des  Abeilles 4  50 

7.  La  Ruche 4  50 

Marche  triomphale 2  50 

Ettling.  —  Polka  des  Abeilles 4    » 


.!•  do  Lcnonrourl,  -    Redowa 

—  Quadrille  de  salon 

3Iarx.  —      Quadrille   facile 

Uii!«arU.  —  Deux  quadrilles.  Chaque 

—  Les  mêmes,  à  quatre  mains.  Chaque 

—  Suite  de  valses 

—  Les  mêmes,  à  quatre  mains  .... 

«*asdvli>up.  —  Schottisch  du  Berger 

îPilodo.  —  Schottisch 


7  50 

5     » 


i  » 
h  50 
4  50 
4  50 
4  50 

6  » 

7  50 
4  » 
3     » 


Grande  partition  et  partie  «M'orchestre. 


BUREAUX  A  PARIS  :  BOULEVART  DES  ITALIENS,  1. 


19°  Année. 


\"  27. 


4  Juillet  I8ÎJ2. 


ot  aux Vuroaux  iir*  Mjcssugot les ifdes  postes. 
I.yon.  A  noire  Àgonco  générale 

Oenève,  et  mm    a,..,,  m.  i;,i    ,i«  In  MMiil 

TOUK   iu'.im.  i:il,  rucilu  IVmnlh/i. 

Londres. 


l'rii    <!<■   I    tliuiim  uK'iil  I 


REVUE 


Le  Jouroul  puroll  te  Dimu  clic. 


GAZETTE  MUSICALE 


Sïl    Pâl2S, 


-ww\AreaeaA/vw^- 


SOMMAIRE.  —  Beethoven  et  ses  trois  stylos,  de  W.  (le  T.cnz,  par  IPîimI  Win  ï  th. 

—  Concours  d'orphéons  et  de  musiques  d'harmonie,  à  Meaux.  —  Revue  critique  : 
Méthode  de  chant,  de  Piermarini  ;  rieurs  d'Italie,  de  Léopold  Terry  ;  Etudes  pour 
piano  et  violon,  de  Ferdinand  Miller,  par  Henri  Blauchs  r<l.  —  Correspon- 
dance, Bruxelles.  —  Nouvelles  et  annonces. 


LITTÉRATURE  MUSICALE. 

BEETHOVEN   ET    SES  TIIOIS  ST¥I;ES, 

PAR  W.  DE  LENZ. 

M.  W.  de  Lenz  est  Russe  et  conseiller  d'Etat.  En  nous  envoyant  son 
livre  de  Saint-Pétersbourg-,  où  il  a  été  publié,  il  nous  adresse  une  let- 
tre dont  nous  croyons  devoir  extraire  les  passages  suivants  :  «  J'ai 
»  écrit  pour  la  vérité,  rien  que  pour  la  vérité.  —  Rendez-le-moi  dans 
»  votre  estimable  feuille.  Je  sais  qu'à  Paris  on  n'a  pas  le  temps  de  lire 
»  un  livre,  qu'on  y  a  à  peine  le  temps  d'en  faire  un.  —  J'ose  cepen- 
»  dant  vous  prier  de  lire  les  deux  premiers  chapitres,  etc.,  etc.,  les 
»  suppléments  enfin,  et  le  catalogue,  qui  est  à  lui  seul  unlivre,  dont  les 
»  recherches  m'ont  pris  vingt  ans.  Soyez  sévère,  je  crois  l'avoir  mé- 
»  rite;  mais  soyez  juste.  Je  l'attends  de  vous,  du  caractère  français.  » 

Eh  bien  ,  nous  allons  tâcher  d'être  tout  ce  que  M.  W.  de  Lenz  désire 
que  nous  soyons.  Nous  le  traiterons  comme  un  de  ces  compatriotes 
des  bords  de  la  Newa ,  qui  ne  diffèrent  presque  en  rien  de  ceux  des 
rives  de  la  Seine.  Les  lignes  qu'on  vient  de  lire  prouvent  déjà  que 
nous  avons  affaire  à  un  homme  d'esprit  ;  son  ouvrage  prouvera  peut- 
être  qu'il  en  a  trop,  et  c'est  un  tort  qui  souvent  empêche  qu'on  ait 
assez  de  raison ,  qui  nuit  plus  qu'on  ne.  saurait  le  croire,  en  France 
surtout,  où  l'on  connaît  si  bien  la  juste  mesure  des  choses.  L'auteur  le 
reconnaît  lui-même  dans  un  avant-propos  où  il  rend  compte  des  mo- 
tifs qui  l'ont  porté  à  écrire  son  livre  en  français,  la  langue  universelle 
des  artistes.  Une  autre  considération  encore  l'a  décidé  :  «  Il  faut  con- 
»  venir,  dit-il ,  que  le  français  est  une  espèce  de  licou  qui  bride  uti- 
»  lement  l'enthousiasme  par  l'impérieuse  nécessité  qu'il  impose  de 
»  rester  clair.  »  Hélas  !  que  de  lois,  en  lisant  les  deux  volumes  de 
M.  Lenz,  avons-nous  regretté  de  voir  que  le  licou  ne  servait  presque 
à  rien  ! 

Puisque  nous  en  sommes  à  ce  chapitre  de  la  France,  et  que  M.  de 
Lenz  nous  a  demandé  la  vérité,  disons-la-lui  tout  de  suite  sur  un  des 
points  qui  doivent  naturellement  nous  tenir  le  plus  au  cœur.  M.  de 
Lenz,  presque  au  début  de  son  livre  (à  la  page  12  du  premier  volume), 
prononce  sur  la  France  et  l'esprit  français  un  jugement  de  la  plus  dé- 
plorable légèreté,  tranchons  le  mot,  de  l'absurdité  la  plus  ridicule.  Et 
puis,  quand  il  a  fulminé  tant  bien  que  mal  cet  arrêt  souverain,  il  le 
termine  par  une  contradiction  des  plus  flagrantes,  escortée  d'un  non- 
sens  des  mieux  conditionnés. 


Voici  l'arrêt  textuel  :  «  L'esprit  français,  à  le  considérer  en  masse,' 
»  est  essentiellement  contraire  à  la  musique  :  positif,  net ,  très-maté- 
»  riel,  il  trouve  la  poésie  dans  le  trois  pour  cent  et  dans  la  vie  de 
»  Bohême.  On  dit  en  français  :  travailler  un  instrument  donné,  le 
»  piano,  le  violon,  etc.  ;  c'est  la  seule  langue  qui  s'exprime  ainsi.  Tout, 
»  en  effet,  est  travail  en  France  :  lutte  sauvage  d'individu  à  individu  ; 
»  on  ne  voit  rien  au  delà,  et  les  arts  n'y  sont  eux-mêmes  qu'une  ma- 
»  nière  d'escompter  au  comptant  les  faiblesses  du  consommateur. 
»  Paris  ressemble,  sous  ce  rapport,  à  un  bocal  gorgé  d'affreux  insectes 
»  qui  se  mangent  très-bien  les  uns  les  autres,  le  tout  par  concurrence. 
»  Aussi  bien  le  public  parisien  semble-t-il,  dans  sa  masse,  destiné  à 
»  former  le  public  le  moins  musicien.  Le  Parisien  pur  sang  dit  Bee- 
»  thoven,  il  pense  Musard.  Paris,  cependant,  fait  les  réputations.  Il 
«  faut  bien  qu'une  ville  les  fasse  :  celle-là  est  la  bonne,  géographique- 
»  ment  parlant.  » 

Autant  et  plus  de  folies  que  de  lignes.  Ainsi  voilà,  en  quelques  traits 
de  plume,  l'esprit  français  mis  au  ban  de  l'Europe  à  cause  de  ses  ten- 
dances exclusivement  positives  et  matérielles,  de  son  attachement  au 
trois  pour  cent,  ce  qui  implique  un  certain  goût  d'ordre  et  d'économie, 
et  en  même  temps  à  cause  de  son  entraînement  vers  la  vie  de  Bohême, 
ce  qui  annonce  la  dissipation  et  le  désordre  !  Voilà  les  malheureux  Fran- 
çais condamnés  au  travail  à  perpétuité,  sans  repos  ni  trêve,  parce  qu'en 
français  on  dit  travailler  un  instrument,  et  non  pas  studiare,  comme 
en  italien,  ou  studiren,  comme  en  allemand,  et  que,  par  une  consé- 
quence forcée,  jamais  les  Italiens,  les  Allemands,  n'ont  travaille  leurs 
instruments  comme  les  Français  !  Voilà  encore  ces  mêmes  Français  con- 
damnés à  se  dévorer  les  uns  les  autres  comme  d'affreux  insectes  dans 
un  bocal,  parce  que,  chez  eux  seulement,  les  arts  offrant  un  moyen  de 
vivre  et  même  de  faire  fortune,  il  n'a  jamais  existé  de  concurrence  que 
chez  eux,  et  que  partout  ailleurs  les  artistes  n'ont  jamais  eu  la  cou- 
pable pensée  de  spéculer  sur  les  faiblesses  du  consommateur  !  Enfin,  et 
c'est  le  bouquet,  voilà  le  Parisien  pur  sang  atteint  et  convaincu  d'un 
tel  crétinisme  qu'alors  même  qu'il  articule  le  nom  de  Beethoven,  toute 
sa  pensée  est  à  Musard! 

E  pure  si  muove  !  Et  pourtant  ce  même  Parisien,  cette  bête  brute,  ce 
sauvage,  est  appelé  à  exercer  la  plus  haute  juridiction  en  musique  ! 
Et  pourtant  ce  Paris,  dont  on  ne  devrait  pas  laisser  pierre  sur  pierre, 
ce  Paris,  fait  les  réputations  !  Pourquoi  donc?  Parce  qu'il  faut  bien 
qu'une  ville  les  fasse.  A  la  bonne  heure!  Mais  pourquoi  celle-ci  plutôt 
que  celle-là?  J'admets  qu'on  tire  au  sort,  ce  serait  une  raison  ;  mais  si 
on  ne  l'a  pas  fait,  il  y  en  a  donc  une  autre?  La  situation  géographique. 
Oh  !  pardon  :  je  prends  une  carte  d'Europe,  et  je  ne  vois  pas  du  tout 
que  Paris  soit  au  centre;  il  l'est  beaucoup  moins  que  Vienne,  Berlin, 
Munich,  et  pas  plus  qu'autrefois  Athènes  et  Rome,  qui  ont  aussi  exercé 


218 


REVUE  E!  GAZETTE  MUSICALE 


dans  les  lettres  et  les  arts  une  certaine  souveraineté.  Ne  serait-il  pas 
possible  qu'aujourd'hui  Paris  fît  les  réputations  en  vertu  du  même 
droit  et  au  même  titre  que  ces  immortelles  cités  qui  ont  dominé  le 
monde,  géographie  à  part? 

Que  M.  de  Lenz  se  détrompe.  11  n'y  a  jamais  eu  d'effet  sans  cause, 
et  la  cause  qu'il  attribue  à  l'effet  qu'il  constate  est  d'une  bouffonnerie 
à  faire  rire  aux  éclats.  Lui-même  ne  la  croit  pas  sérieuse,  et  peut-être 
se  moque- t-il  de  nous,  qui  nous  amusons  à  la  réfuter.  Il  sait  trop  bien 
l'histoire  pour  ignorer  que  de  tout  temps,  à  peu  d'exceptions  près,  les 
artistes  ont  travaillé  pour  vivre  et  que  la  concurrence  a  été  leur  ai- 
guillon. Il  connaît  les  rivalités,  les  jalousies,  les  luttes  acharnées  des 
composileurs  italiens  à  l'époque  des  Pergolèse,  comme  à  celle  des  Pic- 
cinni,  des  Cimarosa  et  des  Paisiello.  Dans  la  biographie  de  Mozart,  si 
bien  écrite  par  son  compatriote  et  son  devancier,  M.  Oulibicheff,  il  a 
vu  tout  ce  que  l'auteur  d'Idoménée  et  de  Don  Juan  avait  eu  à  souffrir 
de  la  haine  furieuse  des  pianistes  et  des  compositeurs  viennois  ou  au- 
tres/ qui  voulaient  l'écra:  er.  Paris  n'est  donc  pas  une  ville  exception- 
nelle, sauf  toutefois  en  ce  sens  que,  comme  il  y  a  place  pour  tout  le 
monde,  les  artistes  y  sont  plus  heureux,  plus  tranquilles,  moins  enne- 
mis les  uns  des  autres  que  partout  ailleurs.  Ils  peuvent  y  faire  leur  ré- 
putation, sans  être  nécessairement  anthropophages.  L'anathème  rédigé 
par  M.  de  Lenz  manque  donc  complètement  de  justesse.  On  le  croirait 
dicté  par  un  de  ces  grands  hommes  incompris,  comme  parfois  il  s'en 
trouve,  qui  s'exilent  de  Paris,  en  le  chargeant  d'invectives,  parce  qu'il 
fait  les  réputations,  et  n'a  pas  daigné  faire  la  leur  ! 

Du  chapitre  de  la  France  passons  à  celui  de  l'enthousiasme,  dont, 
suivant  M.  de  Lenz  ,  le  français  est  le  licov.  Mais  il  y  a  enthousiasme 
et  enthousiasme  :  M.  de  Lenz  n'est  pas  enthousiaste  comme  un  autre  ; 
on  en  jugera  par  le  trait  suivant,  à  propos  de  la  symphonie  avec 
chœurs  :  «Quand  on  la  jcua  pour  la  première  fois  à  Saint-Pétersbourg, 
»  dit-il  (Société  philharmonique,  7  mars  1836),  je  rencontrai  à  la 
»  répétition  Glinka,  le  célèbre  compositeur.  Nous  étions  placés  sur  les 
«  degrés  auprès  des  fenêtres,  qui,  dans  la  salle  d'Engelhardt ,  voient 
»  passer  et  repasser  le  flot  incessant  de  la  grande  artère  de  Saint- 
»  Pétersbourg,  de  la  Perspective.  Glinka  dit  après  l 'allegro: — Mettohs- 
«  nous  par  terre  .  ce  sera  plus  décent.  Et  il  s'assit  sur  le  drap  vert 
»  qui  recouvrait  les  degrés.  Le  sentiment  que  j'éprouvais  était  d'aller 
»  me  cacher  dans  les  caves  de  la  maison  d'Engelhardt,  sous  les  ton- 
»  neaux  de  la  cave ,  si  la  symphonie  eût  pu  s'entendre  de  là.  Au 
»  scherzo,  Glinka  s'écria ,  en  cachant  sa  tête  entre  les  deux  mains  : 
»  : —  Mais  on  ne  touche  pas  là!  Oh!  c'est  impossible!  Il  pleurait.  Je  re- 
»  connus. que  je  n'aurais  pu  me  trouver  aux  côtés  d'un  plus  grand  ar- 
»  tiste.  Je  ne  conserve  pas  de  plus  grande  impression  en  musique , 
»  malgré  la  médiocrité  de  l'exécution,  qui  était  dans  les  conditions  de 
»  l'ouvrage ,  dont  on  appellerait  les  chœurs  —  les  impossibles.  En 
»  sortant  de  la  salle ,  je  rencontrai  à  la  tête  du  pont  de  Kasan ,  ce 
»  Pont-Neuf  des  rencontres  de  Saint-Pétersbourg,  le  pianiste-compo- 
»  slteur  Yollweiler,  talent  remarquable ,  enlevé  par  une  mort  préma- 
»  lurée.  Francfort-sur-le-Mein  avait  donné  à  Vollweiler  quelques  no- 
»  tions  confuses  de  cuisine  qu'il  corrigeait  chez  nous.  Il  était  près  de 
»  cinq  heures.  —  J'ai  bien  appétit,  dit-il.  Et  me  sachant  bonne  four- 
»  chette,  expression  de  Servais  à  mon  égard,  Vollweiler  ajouta  :  —  J'ai- 
»  merais  bien  à  dîner  avec  vous  après  cette  invraisemblable  sympho- 
»  nie  que  nous  venons  d'entendre.  Nous  entrâmes  chez  le  restaurateur, 
»  qui  avait  nom  Grand-Jean,  à  deux  pas  de  la  maison  d'Engelhardt,  sur 
»  la  canal.  A  peine  assis  à  une  des  tables  rondes  du  petit  appartement 
»  où  on  était  sûr  de  ne  rencontrer  personne  ,  je  me  mis  à  épancher 
»  mes  impressions.  L'heure  passait.  Vollweiler  m'interrompit  de  loin 
»  en  loin  parle  mot  de  menu.  Ces  interruptions  finirent  cependant  par 
»  s'éteindre,  et  j'aime  à  attester  le  fait  que  nous  étions,  tous  deux, 
»  assez  émus  ;  qu'en  dépit  du  proverbe  :  ventre  affamé  n'a  pas  d'o- 
»  reilles,  Vollweiler  me  donna  raison  ,  qu'il tfa!Uàiï  célébrer  l'ëvéne- 
«  ment  en  s'abstenant  ;  que  deux  intrépides  mangeurs  et  qui  pouvaient 
»  payer  leur  dîner,  sortirent,  au  grand  étonnement  de  Grand- Jean,  qui 


»  m'avait  vu  manger,  mais  qui  ne  m'avait  pas  entendu  parler  sym- 
»  phonie  avec  chœurs,  sortirent,  dis-je,  de  chez  ce  digne  collatéral 
»  des  Carême,  sans  avoir  succombé  à  ses  tentations.  » 

Comprenez-vous  maintenant  de  quelle  façon  M.  de  Lenz  pratique 
l'enthousiasme  et  pourquoi  le  licou  ne  suffit  pas  toujours?  Franchement, 
un  Parisien  pur  sang,  tout  en  préférant  Beethoven  à  Musard,  n'eût  rien 
fait  de  semblable.  Il  se  serait  même  permis  de  rire  tant  soit  peu  de  cette 
formule  admirative  qui  devait  se  résoudre  en  une  mauvaise  nuit  et  des 
crampes  d'estomac.  M.  de  Lenz  dit,  il  est  vrai,  que  «  s'il  faut  se  gar- 
»  der  de  l'enthousiasme  fac lice,  aveugle;  l'enthousiasme  sincère  lui 
»  parait  cire  une  belle  chose  et  qui  implique  des  conditions  dont  les 
»  personnes  qui  ne  la  comprennent  pas,  qui  la  proscrivent,  sont  pri- 
»  vées.  »  Nous  le  lui  accordons  ;  mais  de  ce  que  l'enthousiasme  est 
sincère,  s'ensuit-il  qu'il  ne  puisse  être  aveugle?  Et  dans  quelle  caté- 
gorie pense-t-il  qu'on  doive  ranger  celui  dont  il  nous  a  donné  le 
plaisant  spécimen?  S'il  rendait  un  digne  hommage  à  Beethoven,  celui 
qui  ne  dînait  pas  après  avoir  entendu  sa  neuvième  symphonie,  que 
faudrait-il  dire  de  celui  qui  n'aurait  ni  déjeuné,  ni  dîné  le  lendemain? 
Et  de  celui  qui  aurait  jeune  toute  une  semaine?  Et  de  celui  qui  se  se- 
rait laissé  mourir  de  faim?  Et  de  celui  qui  se  serait  poignardé  sur 
l'heure  même,  pour  ne  pas  survivre  à  tant  de  bonheur  et  à  tant  d'exal- 
tation ?  Une  fois  entré  dans  cette  voie  de  macérations,  de  tortures,  de 
supplices  même,  renouvelés  de  l'Inde  et  des  fakirs,  il  n'y  a  pas  de  mo- 
tif pour  s'arrêter,  sinon  au  dernier  terme.  Notre  avis  est  que  ce  sont 
choses  qu'on  est  libre  do  faire,  pour  peu  que  cela  convienne,  mais 
dont  il  est  sage  de  ne  pas  se  vanter.  Nous  avons  un  auteur,  parisien 
pur  sang,  appelé  Molière,  qui  a  dit  dans  une  sienne  comédie,  intitulée 
Tartufe  : 

Les  bons  et  vrais  dévols  qu'il  faut  suivre  a  !a  trace 

IVe  sont  pas  ceux  aussi  qui  font  trnt  de  grimace. 

Non,  sans  doute,  la  véritable  et  profonde  admiration  pour  les  mer- 
veilles de  l'art  n'a  pas  besoin  de  ces  manifestations  excentriques,  dont 
la  progression  naturelle  mène  droit  au  suicide.  Et  ce  qu'il  y  a  de  re- 
marquable, c'est  que  M.  de  Lenz  le  sait  bien  ;  c'est  qu'il  a  en  horreur 
le  tour  de  force  et  le  puff,  au  point  que  dans  un  endroit  de  son  livre, 
il  transcrit,  avec  approbation,  ce  passage  d'un  de  nos  confrères  et 
amis,  Jules  Janin  :  «  Un  homme  avale  une  grenouille  vivante,  il  finit 
»  par  avaler  une  couleuvre  ;  il  mâche  de  l'étoupe  enflammée,  il  en 
»  vient  à  se  plonger  une  épée  au  fond  du  gosier.  Eh  !  le  tour  de  force, — 
»  on  sait  où  il  commence,  on  ne  sait  pas  où  il  s'arrête.  11  ne  faut  pas 
»  toucher  au  tour  de  force,  quand  en  est  un  vrai  poëte  et  pour  peu 
»  que  l'on  soit  un  grand  artiste.  »  II  n'y  faut  pas  toucher,  non  plus, 
quand  On  est  un  vrai  dévot  de  l'art,  sous  peine  de  tomber  dans  le 
fanatisme,  et  du  fanatisme  au  puff  il  n'y  a  que  la  main.  M.  de  Lenz 
trouve,  et  nous  trouvons  comme  lui,  que  les  ovations  transatlantiques 
décernées  à  Jenny  Lind  ont  comblé  la  mesure  de  l'absurde.  Cepen- 
dant nous  n'avons  pas  ouï  dire  qu'une  jeûne  universel  ait  été  prêché 
en  son  honneur  !  Quand  on  blâme  le  fétichisme,  il  ne  faut  pas  s'y  jeter 
à  corps  perdu  tout  le  premier. 

M.  de  Lenz  nous  a  demandé  d'être  sévère  et  juste  :  il  nous  pardon- 
nera, nous  l'espérons,  d'avoir  commencé  par  ce  que  notre  lâche  avait 
de  plus  pénible.  Nous  avons  voulu  indiquer  tout  d'abord  en  quoi  nos 
opinions  et  les  siennes  différaient  essentiellement.  Maintenant  il  sait 
quel  est  le  point  de  départ,  quelle  sera  la  direction  de  notre  critique. 
Nous  avons  lu  son  livre  tout  entier,  quoiqu'il  s'imagine  .qu'à  Paris  on 
n'ait  pas  le  temps  de  lire.  Nous  aurons  encore  bien  des  occasions  de 
sévérité,  mais  nous  en  aurons  aussi  de  justice,  si  par  ce  mot  on  en- 
tend l'hommage  payé  aux  bonnes  parties  d'une  œuvre  que  l'auteur 
pourra  rendre  infiniment  meilleure  quand  il  le  voudra. 

Paul  SMITH. 


DE  PARIS. 


219 


CONCOURS  D'ORPHÉONS  ET  DE  MUSIQUES  D'HARMONIE 

A    11V.  AI  IX. 

Le  27  juin,  le  département  de  Seine-et-Marne  a  tenu  pour  la  seconde 
l'ois  ses  assises  musicales  annuelles.  Le  conseil  général  de  ce  départe- 
ment, comprenant  la  salutaire  influence  que  la  musique  peut  exercer  sur 
la  moralisation  des  masses  ,  et  sachant  très-bien  qu'un  des  meilleurs 
moyens  de  la  répandre  parmi  les  populations  qu'il  administre,  et  de  leur 
y  faire  prendre  un  goût  passionné,  c'est  l'émulation,  a  décidé  que  chaque 
année  aurait  lieu,  dans  une  des  localités  principales  du  département,  un 
concours  public,  suivi  d'une  distribution  solennelle  des  prix,  auquel  se- 
raient invités  à  prendre  part  non-seulement  les  Sociétés  chorales  et  les 
corps  de  musique  de  la  garde  nationale  des  villes  et  villages  de  Seine-et- 
Marne,  mais  encore  tous  ceux  des  départements  voisins.  Déjà  l'an  dernier 
cette  excellente  intention  fut  très-heureusement  réalisée  à  Melun,  pour 
qui  le  jour  du  concours  fut  un  jour  de  fête  générale,  dont  tout  le  monde 
dans  la  ville  garde  un  bon  souvenir.  Cette  année,  c'est  à  Meaux  que  la 
fête  a  eu  lieu,  et  avec  un  véritable  éclat.  Les  habitants  étaient  tous  sur 
pied;  de  tous  côtés  les  trains  de  plaisir  amenaient  des  Sociétés  concur- 
rentes et  des  amateurs  qui  venaient  les  entendre.  La  presse  parisienne 
avait  été  convoquée,  et  quelques-uns  de  ses  feuilletonistes  spéciaux  s'é- 
taient empressés  de  se  rendre  à  l'invitation.  Avec  eux  était  arrivée  de 
Paris  une  foule  considérable  de  dilettantes.  Le  jury  était  aussi  tout  pari- 
sien ;  il  se  composait,  pour  le  concours  d'orphéons,  de  M.  Adolphe  Adam, 
président;  de  MM.  Ambroise  Thomas,  Georges  Bousquet,  Gounod,  Panse- 
ron,  Limnander  et  Laty  ;  pour  le  concours  de  musiques  d'harmonie ,  de 
M.  Klosé,  président;  de  MM.  Triébert,  Dauverné,  Urbin,  Artus,  Cokken 
et  Forestier.  En  outre,  quelques  membres  du  conseil  général  de  Seine-et- 
Marne  avaient  été  adjoints  à  l'un  et  à  l'autre  jury.  On  remarquait  parmi 
les  membres  du  jury  du  concours  de  chant,  le  général  Pelet,  en  grand 
cordon  de  la  Légion-d'honneur. 

Les  deux  concours  ont  commencé  simultanément  à  midi,  celui  des 
orphéons,  dans  la  salle  de  spectale  ;  celui  des  musiques  de  garde  natio- 
nale, sur  la  place.  Au  premier,  vingt-trois  Sociétés  chorales  sont  entrées 
en  lice  ;  dix  corps  de  musique  d'harmonie  se  sont  présentés  au  second. 
Les  concurrents  avaient  été  classés  par  division,  suivant  leur  degré  de 
force  connu,  ou  leur  temps  d'existence  :  les  orphéonistes  formaient 
quatre  divisions.  Le  concours  a  commencé  par  la  quatrième,  qui  se  com- 
posait d'enfants  de  différents  établissements  d'instruction  publique.  Le 
premier  prix  a  été  décerné  à  l'Institution  Fleury,  de  Lagny  ;  ses  jeunes 
chanteurs  étaient  au  nombre  de  trente-cinq;  l'Ecole  communale  des  Frè- 
res, de  Meaux,  a  obtenu  le  second  prix;  son  contingent  de  choristes  im- 
berbes était  de  trente.  Le  village  de  Trilport  avait  envoyé  à  ce  concours 
vingt-cinq  de  ses  enfants.  — La  troisième  division  comprenait  onze  or- 
phéons :  celui  de  Fontainebleau  au  nombre  de  vingt-huit  membres,  celui 
d'Epernay  (vingt-cinq),  de  Sens  (vingt),  de  Senlis  (vingt-quatre),  de  Ne 
mours  (vingt-quatre),  de  la  Ferté-sous-Jouarre  (vingt-deux),  de  Ville- 
neuve-sur-Yonne (treize),  de  Trilport  (cinquante),  de  Clnilons  (trente- 
deux),  de  Lagny  (quarante),  de  Vaugirard  (vingt-cinq).  L'orphéon  de 
Nemours  a  obtenu  le  premier  prix;  celui  de  Fontainebleau,  le  second; 
une  médaille  a  été  accordée  à  chacun  des  orphéons  de  Lagny,  de  Tril- 
port et  de  Sens.  Un  fait  digne  de  remarque,  c'est  que  ce  village  de  Tril- 
port, qui  a  figuré  dans  ces  deux  divisions,  à  l'une  avec  vingt-cinq 
enfants,  à  l'autre  avec  cinquante  adultes,  ne  compte  que  neuf  cents  ha- 
bitants. —  Six  Sociétés  choralas  entraient  dans  la  seconde  division  : 
c'étaient  les  Enfants  de  la  Seine,  au  nombre  de  trente;  l'orphéon  de 
Meaux  [(quarante-cinq);  les  Cécilitns ,  de  Pari  (trente);  V  Union 
Wilhemienne,  de  Paris  également  (cinquante-huit)  ;  la  Clurali  de  la  Seine 
(trente-neuf j,  et  les  Enfants  de  Paris  (cinquante).  C'est  la  Société  des  En- 
fants de  Paris  qui  a  obtenu  le  premier  prix  ;  le  second  a  été  remporté  par 
la  Société  des  Enfants  de  la  Seine  ;  une  médaille  a  été  accordée  à  l'orphéon 
de  Meaux.  —  Enfin,  les  concurrents  de  la  première  division  étaient 
la  Chorale  populaire  du  Conservatoire  (trente  et  un  membres);  la  Société 
chorale  de  Bercy  (quarante-quatre),  et  les  Enfants  de  Lutèce  (soixante-dix). 
Le  premier  premier  prix  a  été  obtenu  par  la  Société  des  Enfants  de  Lutèce, 
et  le  second  par  la  Chorale  populaire  du  Conservatoire. 

Il  n'y  a  pas  eu  de  première  division  dans  le  concours  de  musiques 
d'harmonie  ;  les  conditions  fixées  par  le  programme  n'ayant  pu  être  rem- 
plies par  les  corps  de  musique  concurrents  ;  il  n'y  a  eu  qu'une  deuxième 
et  une  troisième  division.  Dans  celle-ci ,  nous  retrouvons  le  village  de 


Trilpoi't ,  avec  vingt  musiciens  :  il  a  eu  le  premier  prix;  le  second  a  été 
décerné  à  la  musique  de  Villeneuve-sur-Yonne,  également  au  nombre  de 
vingt  exécutants  ;  la  musique  de  Charly  (dix-huit  musiciens)  a  obtenu 
une  médaille.  Dans  la  deuxième  division,  le  premier  prix  a  été  décerné  à 
la  musique  de  Meaux,  et  le  second  a  la  musique  de  Ylontcroaii  ;  une  mé- 
daille a  été  accordée  a  la  musique  de  Melun. 

Les  concours  se  sont  terminés  à  cinq  heures  et  demie.  A  leur  issue,  les 
diverses  Sociétés  se  sont  formées  en  cortège  sur  la  place  Henri  IV,  et, 
précédées  et  escortées  d'un  détachement  de  cuirassiers,  la  musique  du 
3e  léger  en  tête,  se  sont  mises  en  marche,  avectoutes  les  autorités  dépar- 
tementales et  communales,  en  grand  costume  officiel,  et  les  membres  du 
jury;  puis,  traversant  les  principales  rues  de  la  ville,  se  sont  rendues  à 
la  place  Lafayette,  élégamment  décorée,  où  les  récompenses  ont  été 
distribuées  aux  vainqueurs,  devant  une  très  nombreuse  assistance, 
qui  a  applaudi  avec  enthousiasme  a  chaque  nom  proclamé.  La  distribu- 
tion des  prix  a  été  précédée  d'un  discours  chaleureux  et  bien  senti ,  pa- 
triotique, on  peut  le  dire,  à  bon  droit,  de  M.  le  préfet,  et  suivi  d'un  ban- 
quet cffjrt  à  tous  les  concurrents,  ainsi  qu'aux  personnes  de  distinction 
invitées  à  la  fête.  La  cordialité  la  plus  franche  n'a  cessé  de  régner 
pendant  toute  cette  journée,  qui  fait  vraiment  honneur  à  la  ville  de 
Meaux  et  au  département  de  Seine-et-Marne.  —  Nous  ne  devons  pas 
omettre  que  la  fête  avait  été  inaugurée  par  une  messe  en  musique  de 
M.  Laurent  de  Itillé,  chantée  par  des  orphéonistes  et  accompagnés  par 
la  musique  du  3e  léger.  Il  est  juste  aussi  de  nommer  M.  E.  Delaporte, 
l'infatigable  et  intelligent  organisateur  de  ces  concours  musicaux ,  si 
utiles  sous  tous  les  rapports,  si  intéressants  tant  au  point  de  vue  moral 
qu'au  point  de  vue  de  la  propagation  de  l'art. 

Ajoutons  enfin  que,  comme  témoignage  de  leur  sollicitude,  le  Prince- 
Président  et  M.  le  ministre  de  l'intérieur  avaient  envoyé,  le  premier,  une 
médaille  d'or,  qui  constitue  le  premier  prix  de  la  troisième  division  du 
concours  vocal;  le  second,  un  tableau,  ajouté  en  prime  à  la  récompense 
qui  devait  échoir  au  premier  lauréat  de  la  deuxième  division  du  concours 
instrumental.  A.  Z. 

REVUE  CRITIQUE. 

Couru  de  chant,  ou    Méthode  dlVisée  en  deux  parties,  par  6"18;&l- 

MABSBWB,  chevalier  de  l'ordre  d'Isabelle-la-Catholique,  et  directeur  du  Conser- 
vatoire de  musique  de  Madrid,  du  conseil  de  S.  M.  C.  la  reine  d'Espagne,  et  son 
secrétaire  honoraire. 
Fleurs  d'Italie,  ou  12  Bsélodies  italiennes,  par  I.i'opolil  TERBY, 

professeur  de  chant  au  Conservatoire  royal ,  et  chef  d'orchestre  de  l'Association 
musicale  de  Liège. 

En  religion  ou  en  politique,  le  génie  éloquent  et  passionné  est  un 
slryge  destructeur;  dans  les  arts,  et  surtout  en  musique,  c'est  un  dieu 
créateur  et  bienfaiteur.  L'art  du  chant,  entre  tous,  contribue  pour  une 
large  part  au  bonheur  de  l'humanité.  Le  chant,  et  cela  dit  sans  exa- 
gération ,  c'est  Je  ryhthme  impérieux  de  la  science  qui  charme,  en- 
traine, persuade  ;  c'est  l'éloquence  ,  plus  l'action  ;  c'est  la  vie  active 
donnée  à  la  pensée  de  religion,  de  guerre,  ou  d'amour  :  aussi,  depuis  le 
commencement  du  monde,  si  le  monde  a  jamais  commencé,  l'homme , 
la  femme,  l'enfant,  chantent  involontairement  et  même  volontairement. 
Rien  n'est  aussi  doucement  consolateur  que  le  chant  : 

Il  purge,  réjouit,  conforte  le  cerveau  ; 

De  toute  noire  humeur  promptement  le  délivre  ; 

Et  qui  vit  sans  (.hanter  n'est  pas  digue  de  vivre. 

Par  toutes  les  qualités  que  nous  avons  énumérées  en  tête  de  cet  ar- 
ticle, M.  Piermarini  est  un  autre  Farinelli  de  la  moderne  Espagne  ;  il 
semble  avoir  été  presque  un  favori-ministre  à  la  cour  de  Madrid.  Parmi 
toutes  ses  dignités,  celle-ci,  qui  figure  en  tête  de  l'ouvrage  qu'il  a  pu- 
blié sur  Fart  de  chanter,  n'est  pas  la  moins  importante  : 

«  Mon  cher  Piermarini,  j'ai  reçu  et  examiné  avec  attention  votre  mé- 
thode de  chant.  Cet  ouvrage,  que  je  regarde  comme  très-utile  pour  l'art, 
est  digne  de  vous  qui  avez  si  bien  chanté ,  et  qui  avez  fait  de  si  bons 
élèves  lorsque  je  vous  ai  connu  à  Madrid  dans  le  Conservatoire  que 
vous  dirigiez  avec  autant  de  talent  que  de  zèle.  Je  me  félicite  avec 
vous,  mon  cher  ami,  et  je  souhaite  que  cet  ouvrage  remarquable  cou- 
ronne vos  désirs. 

»  Votre  affectionné , 

»  G.  Rossini.  » 


220 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


I  Cette  approbation  en  vaut  bien  un  autre  ;  car  celui  qui  l'a  donnée 
ept  ou  fut  un  aussi  habile  chanteur  qu'il  s'est  montré  savant  composi- 
teur dans  l'art  d'écrire  pour  les  voix. 

La  méthode  de  M.  Piermarini  est  précédée  de  quatre  pages  de  texte 
seulement,  c'est-à-dire  d'un  avertisscme?it  et  de  quelques  idées  géné- 
rales sur  le  chant.  Cette  sobriété  de  préceptes,  d'explications,  de  clas- 
sifications scientifiques  ,  anatomiques  ,  fait  contraste  avec  le  grand 
nombre  des  cours  de  chant  qu'on  publie  depuis  quelque  temps,  et  dans 
lesquels  on  fait  intervenir  les  définitions  physiologiques,  esthétiques, 
en  attendant  qu'on  y  fasse  entrer  les  dissertations  psycologiques.  Sans 
avoir  recours  aux  termes  prétentieusement  scientifiques  ,  M.  Pierma- 
rini vous  dit  tout  d'abord ,  dans  une  courte  note  de  l'avertissement, 
qa'iljavt  commencer  l'élude  du  chant  par  la  chose  la  plus  pénible  et  la 
plus  fatigante,  qui  est  le  développement  de  la  voix  de  poitrine,  l'union 
des  registres,  la  bonne  manière  de  respirer,  la  pose  enfin  de  la  voix  et 
de  la  figure.  Cette  instruction  concise  est  pleine  de  choses:  c'est  pres- 
que un  cours  de  chant,  comme  la  page  d'exercices  qu'avait  tracée  pour 
ses  élèves  un-  célèbre  chanteur  italien,  et  qui  résumait  tout  l'art  vocal. 

L'auteur  du  nouveau  cours  de  chant  qui  nous  occupe  a  cru  devoir 
définir  le  génie  dont  nous  avons  parlé  plus  haut.  Sans  traiter  ce  sujet 
hyperboliquement ,  comme  J.-J.  Rousseau  dans  son  dictionnaire  de 
musique,  il  dit  que  la  troisième  qualité  du  chanteur,  qualité  rare,  es- 
sentielle, c'est  le  gérAe  ;  c'est  ce  don  du  ciel  qu'on  n'acquiert  pas,  ce 
privilège  avec  lequel  naissent  certaines  organisations,  feu  sacré  qui  n'a 
son  foyer  que  dans  quelques  âmes  d'élite.  On  ne  l'acquiert  pas  :  on  le 
développe,  on  le  dirige;  et  c'est  surtout  lorsqu'il  est  fort  de  toutes  les 
ressources  de  l'art,  lorsqu'il  a  dominé  toutes  les  difficultés,  renversé 
tous  les  obstacles  des  longues  et  pénibles  études,  qu'il  se  montre  au 
grand  jour  et  dams  toute  son  entraînante  beauté.  11  faut  au  génie  cette 
conviction  de  sa  force  ;  il  ne  la  devra  qu'à  un  travail  soutenu  et  bien 
dirigé. 

Al.  Piermarini  fait  aussi  de  la  critique  à  bon  escient  ;  il  parle,  en  s'en 
moquant,  des  leçons  d'anatomie  qui  se  sont  introduites  depuis  quelque 
temps  dans  la  plupart  des  méthodes  de  chant;  chose  aussi  peu  néces- 
saire à  connaître  peur  le  chanteur,  dit-il,  que  la  conformation  des  doigts 
pour  le  pianiste.  Pour  cet  habile  théoricien,  enfin,  le  chant  est  l'âme  de 
la?nusique.Tvois  choses  sont  nécessaires  au  chanteur  :  la  voix,  l'ait,  le 
génie.  La  voix,  don  de  la  nature,  que  l'art  façonne  et  rend  docile,  que 
le  génie  touche  de  son  étincelle,  anime  et  fait  vivre.  Mais  l'art  est  le 
produit  du  travail;  le  génie  le  développe  et  le  féconde  par  l'application 
constante  de  l'imagination.  Ces  deux  études  propres  à  l'art  et  au  génie 
influent  prodigieusement  sur  l'amélioration  de  la  voix,  qui  doit  gagner 
tous  les  jours  en  force,  en  souplesse,  en  étendue.  La  France,  dit  encore 
M.  Piermarini,  est  merveilleusement  riche  en  voix.  L'opinion  contraire, 
généralement  accréditée,  estime  erreur;  mais  il  faut  savoir  les  mé- 
nager, les  conduire  et  laisser  à  chacune  son  caractère  sans  les  déna- 
turer comme  on  le  fait  :  c'est  là  qu'est  le  mal. 

La  première  partie  de  l'ouvrage  de  M.  Piermarini  se  compose  de 
cinquante  jolies  petites  leçons  de  solfège  avec  un  simple  accompagne- 
ment de  piano,  mélodies  faciles  etprogres  sives,  écrites  sur  la  clef  de  sol, 
et  de  dix  autres  leçons  sur  la  clef  d'vt  première  ligne.  Le  professeur 
conseille  de  solfier  d'abord  en  nommant  les  notes,  et  de  revenir,  de 
repassersur  toute  cette  première  partie,  même  les  gammes,  en  les  vo- 
calisant. 

La  seconde  partie  de  cette  méthode  présente,  dans  quarante  exer- 
cices, dont  la  dernière  notée  est  sur  la  clef  d'vt  première  ligne,  toutes 
les  difficultés  de  l'art  du  chant.  Les  mélodies  en  sont  tour  à  tour  bril- 
lantes, passionnées  et  dramatiques.  Cela  est  bien  accompagné,  pure- 
ment écrit,  et  toujours  dans  les  cordes  de  la  voix.  Bien  entendu  que 
ces  études  ne  sont  applicables  qu'aux  voix  de  soprano  et  de  ténor. 

Quand  l'élève  aura  parcouru  avec  intelligence  et  avec  le  secours 
d'un  bon  professeur,  car  il  faut  toujours  un  maître  pour  appliquer  une 


méthode  quelconque,  ce  vaste  cours  de  chant  qui  se  compose  de  prè 
de  trois  cents  pages,  il  sera  nécessairement  un  bon  chanteur,  ou,  comme 
cette  personne  qui  jouissait  d'une  bien  mauvaise  santé,  il  faudra  que 
cet  élève  soit  doué  de  bien  médiocres  facultés  musicales;  cardans  cette 
riche  collection  d'exercices  on  trouve  tous  les  styles  et  tous  les  artifices 
de  l'art  du  chant  :  romances  sans  paroles,  airs  hérissés  des  difficultés 
les  plus  ardues,  et  jusqu'à  la  scène  dramatique  avec  récitatif  à  l'usage 
du  tragédien  lyrique,  du  ténor  d'opéra-comique  et  du  brillant  chanteur 
de  concert. 

—  Après  l'art  scolastique  utile,  vient  celui  de  salon,  qui  se  manifeste 
par. l'album,  les  chants  aisés,  ausoniens.  C'est  un  ouvrage  de  ce  genre 
que  vient  de  publier  à  Bruxelles  M.  Terry,  professeur  de  chant  au  Con- 
servatoire royal,  et  chef  d'orchestre  de  l'Association  musicale  de  Liège- 
Ce  recueil  de  mélodies  est  dans  le  genre  des  Matinées  de  Rossini,  sans 
en  avoir  précisément  l'originalité,  la  fraîcheur,,  la  nouveauté,  lors- 
qu'elles parurent.  Ce  sont  des  petits  airs  d'opérettes,  des  romances  avec 
paroles  italiennes  et  françaises.  C'est  :  il  Canto  délia  Zingara,  valse 
légère  et  joyeuse,  et  pas  mal  modulée  ;  Barcarolle  vénitienne  et  philo- 
sophique, dite  par  une  jeune  et  jolie  gondoliôre  qui  pratique  la  vie  et 
sa  profession  en  traduisant  à  peu  près  cet  axiome  de  chanson  française  : 
Et  vogue  la  galère,  avec  de  joyeux  la.  la,  en  mesure  à  six-huit,  sur 
laquelle  ondule  toujours  toute  barcarolle;  et  puis  vient  une  romanza 
sur  la  Rimenbranza  del  g. uramento;  il  Pellcgrino  ;  une  chansonnette 
ail'  arnica,  sur  Lous  les  lieux  communs  de  morale  lubrique  que  Lulli 
réchauffait  des  sons  de  sa  musique,  et  que  M.  M.  Glandier  a  fait  passer 
de  la  langue  italienne  dans  la  nôtre;  il  l>  myroverq,  lumento,  suffisam- 
ment lamentable  ;  il  Menestrello;  Che  cos  è  amor  ;  Arietla,  ou  valse 
avec  paroles  toujours  traduites  de  l'italien  par  M.  Glandier,  et  toujours 
dans  l'esprit  de  celles  que  réchauffait  Lulli  des  sons  de  sa  musique.  Un 
autre  lamento  en  sept  couplets  sur  les  hirondelles,  et  un  boléro  intitulé 
Y Indovinat rice  terminent  ce  recueil  de  mélodies,  ou  Fleurs  d'Italie, 
comme  dit  le  titre,  et  qui  doit  plaire  à  celte  classe  d'amateurs  qui  croient 
toujours  que  ce  n'est  que  de  l'Italie  que  nous  vient  le  chant.  C'est  une 
idée  tout  comme  une  autre,  une  vérité  qu'on  peut  défendre  et  contester. 
Le  recueil  de  M.  Terry  a  donc  des  chances  de  succès  auprès  du  plus 
grand  nombre.  11  y  a  du  mouvement,  de  l'entrain,  de  la  grâce  clans  sa 
mélodie,  et  de  la  facilité  dans  ses  modulations,  dans  ses  accompagne- 
ments. 

Six  «-(iulfs  giour  Piiant»  v-t  VàoHoin 
liai'  j?H.  Fi:iiDErc.&«9»  SI  il  tiiii-'.n. 

Il  y  a  consonnances  et  dissonnances  en  harmonie  :  cette  science  est 
souvent  en  désaccord  avec  la  mélodie ,  et  ceux  qui  la  professent  comme 
théoriciens  ou  virtuoses  ne  s'entendent  pas  toujours.  Par  exemple,  les 
maîtres  de  piano  croient  pouvoir  tout  enseigner  à  leurs  élèves  :  exécu- 
tion brillante,  composition,  et  jusqu'au  sentiment  musical.  Aussi  ce 
n'est  jamais  sans  une  sorte  de  jalousie  qu'ils  voient  arriver  chez  ces 
élèves  le  professeur  d'accompagnement  et  de  musique  d'ensemble  ;  ils 
font  tout  pour  éloigner,  sinon  indéfiniment,  pour  ajourner  du  moins 
sa  présence.  Et  cependant,  concerter  avec  une  ou  plusieurs  personnes 
est  le  seul  moyen  de  compléter  un  enseignement  musical  quelconque. 
La  musique  d'ensemble  représente  l'esprit  de  société.  La  première 
excursion  que  font  les  élèves  dans  cette  partie  de  l'art  les  embarrasse 
fort;  ils  sont  déroutés,  et  bientôt  convaincus  que  faire  ce  qui  est 
écrit  ne  suffit  pas  dans  le  dialoguemusical,  si  multiple,  si  compliqué  par- 
fois ;  dans  cette  conversation  qui  ne  vit,  comme  la  pratique  du  monde, 
des  affaires,  que  de  concessions  et  de  l'oubli  de  toute  individualité,  à 
moins  qu'on  ne  soit  orateur  ou  virtuose. 

C'est  sans  doute  préoccupé  de  ces  vérités,  que  M.  Ferdinand  Ilillcr, 
le  chef  d'orchestre  du  Théâtre -Italien,  pianiste  et  compositeur  distin- 
gué, vient  d'écrire  et  de  publier  un  ouvrage  qui  prendra  nécessairement 
une  place  essentielle  dans  l'enseignement  musical.  Cet  ouvrage  est  un 
recueil ,  non  pas  de  vingt-cinq,  quarante,  soixante-quinze  études  pour 
piano,  comme  on  en  a  tant  composé,  comme  on  en  a  fait  tant ,  et 


\)E  PARIS. 


221 


comme  on  est  sans  doute  en  train  d'en  écrire  encore  ;  mais  un  livre  de 
six  ■études  pour  piano  et  violon ,  bien  dialoguées,  pour  ne  pas  dire 
concertantes,  et  surtout  bien  dans  le  caractère  des  deux  instruments. 
1  A  l'utilité  dont  ces  excellentes  études  seront  pour  former  de  bons 
musiciens,  se  joindra  le  plaisir  de  jouer  de  fort  jolis  duos  pleins  de 
grâjce  unie  au  savoir.  C'est  surtout  par  le  contraste  des  rhylhmes  que 
se  distingue  chaque  élude.  La  première,  en  vl  mineur,  en  mesure  à 
six-huit,  allegro  appassionaio  ,  est  une  élégie  disperata  pleine  de 
chaleur  et  de  distinction.  Sur  celte  belle  et  noble  mélodie,  se  meut 
un  accompagnement  tourmenté,  en  douze  doubles  croches,  que  se  par- 
tagent la  main  droite  et  la  main  gauche,  celle-ci  procédant  par  une 
fraction  de  deux  doubles  croches,  et  une  croche  attaquée  brusquement, 
pcndanl  que  la  main  droite  répond  par  un  fragment  obstiné  et  en 
imitation  renversée  à  l'appel  de  la  basse,  de  tout  quoi  il  résulte  une 
sorte  de  dispute  de  voix  haletantes  de  colère  et  de  passion  pleine  d'in- 
térêt pour  le  lecteur  et  l'auditeur. 

La  seconde  étude  est  un  charmant  scherzo,  violon  et  piano  procé- 
dant par  le  même  dessin,  leste,  pimpant ,  aisé  et  énergique  tour  à  lour. 
Cette  étude  est  en  Isol  majeur  et  à  trois  temps.  Celle  qui  suit  est  en 
caractère  de  chasse  ou  de  tarentelle.  C'est  dire  qu'elle  est  écrite  en 
mesure  à  six-huit.  La  tonalité  de  la  mineur  lui  donne  un  accent  fébrile 
:ét  souffreteux  qui  attache  et  passionne  celui  qui  dit  et  celui  qui  écoute, 
comme  dans  le  premier  morceau  de  cet  intéressant  recueil. 

le  n°  h  est  un  allegro  energico  conjvoco,  en  ré  mineur,  mesure  à 
deux-quatre.  Ce  morceau  est  une  imitation  pressée  en  triolets  pour 
doubles  croches  entre  le  violon  et  la  main  droite  du  piano  ;  et  puis,  le 
violon  reprend  sa  voix  mélodique  et  chante  en  doubles  octaves  sur  le 
trait  en  triolets  obstinés,  chaleureusement  continués  par  la  main  droite 
au  piano. 

La  pensée  de  chacune  de  ces  études  est  toujours  claire,  en  mesures 
simples,  et  surtout  mélodique.  On  dirait  même  que  l'auteur  a  voulu 
payer  son  tribut  à  la  mode,  en  donnant  l'allure  d'un  galop  à  la  basse 
de  la  cinquième  étude.  Ce  dessin,  ce  rhythme  est  maintenu  pendant 
toute  la  durée  du  morceau  par  la  main  gauche,  pendant  que  la  main 
droite  et  le  violon  se  partagent  un  petit  trait  en  doubles  croches  et  à 
deux-quatre,  plein  d'élégance  et  de  vivacité.  Cette  étude  est  un  badi- 
nage  charmant,  même  dans  ses  caprices  scientifiques  et  enharmoniques, 
lorsqu'il  passe  de  mi  bémol  en  si  dièze  majeur  :  elle  sera  souvent  re- 
dite comme  souvenir  de  bal. 

La  sixième  et  dernière  étude  a,  pour  ainsi  dire,  le  caractère  d'un 
final,  d'un  final  dramatique  comme  musique  imitative.  Cela  peint  bien 
les  ondulations  de  la  vaste  mer.  Il  vous  semble  voir  les  balancements 
d'un  navire  par  les  Ilots,  entendre  les  craquements  du  Saint-Géran, 
cette  frôle  machine  qui  repoi  lait  Virginie  à  tout  ce  qu'elle  aimait,  dans 
l'immortelle  élégie  de  Bernardin  de  Saint-Pierre.  Le  rhythme  original 
du  piano  exprime,  en  s'abandonnant  à  cette  pensée  de  terrible  poésie  , 
les  secousses  du  vaisseau,  tandis  que  le  violon  nous  représente  au 
mieux,  par  son  trait  continuel  de  douze  doubles  croches  en  mesure  à 
six-huit  refrappées  deux  par  deux,  les  montagnes  incessamment  mobiles 
de  l'Océan.  Ceux  qui  ne  voient  dans  une  étude  instrumentale  qu'un 
exercice  de  mécanisme  digitigrade,  trouveront  peut-être  notre  inter- 
prétation exagérée  et  par  trop  pompeuse;  mais  nous  ne  pensons  pas 
qu'aucune  loi  mette  des  bornes  à  l'esthétique  ;  et  c'est  de  cette  méta- 
physique de  la  science  des  sons  ,  de  ces  idéalités  capricieuses  que 
naissent  la  poésie  et  le  vrai  plaisir  de  l'art  musical. 

[Henri    BLANCHARD. 


CORRESPONDANCE. 

Bruxelles  1"  juillet  1855. 

11  faut  que  je  commence  par  vous  remercier  de  la  courtoisie  avec  la- 
quelle vous  avez  traité  mes  compatriotes  en  parlant  des  fêtes  musicales  de 
Lille  où  ils  ont,  à  la  vérité,  obtenu  des  succès  bien  flatteurs.  Deux  villes 
de  la  Belgique,  Gand  et  Liège,  je  dirais  même  deux  provinces  entières,  se 


sont  vivement  émues  des  résultats  du  concours  de  chant  d'ensemble  ou- 
vert dans  le  chef-lieu  du  département  du  Nord.  L'ivresse  des  Gantois  en 
voyant  revenir  leur  Société  des  chœurs  ornée  d'un  premier  prix  obtenu  en 
partage  avec  la  Concordia  d'Aix-la-Chapelle,  ne  saurait  se  comparer  qu'au 
délire  qui  s'est  emparé  des  Liégeois  ù  la  nouvelle  que  la  Société  d  Orphée 
l'avait  emporté  sur  la  Liedertafel  de  Mayence.  Dans  chacune  des  deux 
cités,  la  nouvelle  du  triomphe  national  ou  pour  mieux  dire  communal, 
transmise  par  le  télégraphe  électrique,  remplit  la  population  d'une  joie 
indicible.  Les  affaires  cessent;  il  n'est  question  que  des  préparatifs  à.  faire 
pour  accueillir  les  vainqueurs  comme  ils  le  méritent.  Les  autorités  s'en 
mêlent.  On  se  rend  processionncllement  à  la  rencontre  des  concitoyens 
qui  ont  si  dignement  soutenu  la  gloire  de  la  ville  natale  ;  les  cloches  tin- 
tent, le  canon  gronde,  les  vivats  remplissent  l'air  ;  on  les  conduit  en 
grande  cérémonie  à  l'hôtel-de-ville,  où  le  vin  d'honneur  leur  est  offert, 
avec  accompagnement  d'éloquence  officielle.  Ils  auraient  pris  Paris  d'as- 
saut qu'on  ne  leur  décernerait  pas  un  triomphe  plus  éclatant.  De  tout 
temps  leslïelges  ont  été  de  furieux  amateurs  de  concours;  de  tout  temps 
ils  ont  attaché  un  prix  énorme  aux  succès  obtenus  dans  ces  luttes  d'amour, 
propre. 

Vous  avez  la  bonne  foi  de  constater  l'infériorité  des  Sociétés  chorales 
françaises  ù  l'égard  des  Sociétés  étrangères  au  concours  de  Lille.  Que 
c'est  bien  d'un  Parisien!  Vous  ne  voyez  là  que  la  question  d'art  ;  vous 
applaudissez  aux  vainqueuis  quels  qu'ils  soient.  Si  vous  étiez  de  Gand  ou 
de  Liège  et  qu'on  n'eût  pas  couronné  vos  citoyens,  vous  vous  en  prendriez 
au  jury,  vous  l'accuseriez  de  partialité,  d'injustice.  On  est  ainsi  fait  chez 
nous;  on  porte  jusque  làl'amour-propre  local.  J'ai  vu,  dans  nos  concours 
de  chant  ouverts  à  Bruxelles,  il  y  a  quelques  années,  siffler  une  Société 
allemande,  celle  de  Cologne,  je  |  ense,  parce  qu'elle  avait  obtenu  le  pre- 
mier prix  en  concurrence  avec  les  Sociétés  du  pays.  C'est  depuis  lors 
qu'on  a  créé  des  prix  spéciaux  pour  les  Sociétés  étrangères.  Ne  concluez 
pas  de  ce  fait  que  nous  soyons  un  peu  de  grossier,  inhospitalier.  Nous  re- 
cevons, au  contraire,  fort  cordialement  les  voisins  qui  viennent  nous  vi- 
siter soit  du  Midi,  soit  du  Nord;  mais  en  matière  de  vanité  nationale  et 
surtout  de  concours,  nous  n'entendons  pas  raillerie.  Nous  conviendrons  à 
la  rigueur  que  les  Belges  ont  été  vaincus  sur  tel  champ  de  bataille  ;  mais 
nous  n'avouons  pas  que  telle  Société  d'archers  ou  d'arbalétriers  de  notre 
ville  natale  n'a  pas  mérité  la  palme  dans  une  lutte  où  elle  a  figuré.  Que 
voulez-vous?  c'est  une  faiblesse:  chaque  peuple  n'a-t-il  pas  les  siennes  ? 

Les  journaux  allemands  nous  apprennent  qu'un  concours  de  chant 
d  ensemble,  pareil  à  ceux  de  la  Belgique,  que  vous  commencez  à  imiter 
en  France  (on  vous  y  prend  à  faire  de  la  contrefaçon),  aura  lieu  à  Dussel 
dorf,  le  1"  août  prochain.  Ce  sera  quelque  chose  de  nouveau  pour  les 
provinces  rhénanes  ,  mais  ce  ne  sera  point  un  progrès  assurément.  Dans 
ces  concours  la  musique  proprement  dite  ne  tient  qu'une  place  fort  se- 
condaire. L'amour-propre  particulier,  l'orgueil  collectif,  la  vanité  natio- 
nale, sont  surtout  en  jeu.  Je  verrais  avec  regret  ces  éléments  hétérogènes, 
parasites,  dissolvants,  s'introduire  dans  les  fêtes  musicales  de  l'Allemagne 
où  le  pi  r  amour  de  l'art  avait  seul  accès  jadis.  S'il  y  avait  émulation,  si 
l'on  cherchait  à  mieux  faire  que  son  voisin,  c'était  pour  que  les  œuvres 
des  compositeurs  fussent  dignement  rendues.  Quand  on  réunissait  un 
millier  d'exécutants,  c'était  pour  les  faire  coopérer  à  une  œuvre  com- 
mune. On  va  les  faire  entendre  par  détachements  de  trente  ou  quarante 
individus.  Est-ce  un  progrès?  je  le  demande.  Les  concours  de  chant  d'en- 
semble ont  eu  cela  de  bon  en  Belgique  qu'ils  ont  stimulé  le  zèle  des  So- 
ciétés chorales,  et  favorisé  le  développement  de  ce  genre  d'exécution 
musicale.  Ainsi  que  l'a  très-bien  fait  observer  la  personne  qui  a  rendu 
compte  des  fêtes  de  Lille,  le  même  but  pourra  être  atteint  en  France  par 
des  moyens  semblables  .Mais  l'Allemagne  n'en  est  pas  là  ;  le  chant  choral 
est  chez  elle  une  vieille  institution  en  pleine  prospérité  et  qu'il  ne  faut 
qu'abandonner  à  elle-même.  Quoi  qu'il  en  soit,  la  ville  de  Dusseldorf  a  ob- 
tenu des  administrations  de  chemins  de  fer  le  transport  à  prix  réduit  des 
Sociétés  qui  se  rendront  dans  ses  murs  pour  le  concours  du  i"  août,  et 
de  plus  elle  se  propose  d'héberger  gratuitement  ceux  des  exécutants  que 
leur  situation  pécuniaire  mettrait  dans  la  nécessité  de  solliciter  cette 
faveur.  On  n'est  pas  plus  hospitalier. 

Autre  concours  de  chant  d'ensemble.  Celui-ci  aura  lieu  à  Bruxelles,  en 
septembre,  à  l'occasion  des  fêtes  commémoratives  de  la  révolution  de 
1830.  C'est  la  Société  de  la  Grande  Harmonie  qui  en  a  pris  l'initiative  en 
fondant  de  fort  beaux  prix  en  médailles  et  en  primes  d'argent. 

Plusieurs  fois  je  vous  ai  signalé  le  tort  que  causent  chez  nous  à  l'art 
dramatique  en  général  et  à  l'art  lyrique  en  particulier  la  multiplicité  des 
théâtres.  C'est  à  cette  cause  qu'est  due  en  ce  moment  la  clôture  de  notre 
Opéra.  Le  conseil  municipal  va  entreprendre  une  croisade  contre  les 
spectacles  secondaires.  On  ne  peut  les  interdire,  car  la  constitution  s'y 
oppose,  et  le  pacte  politique  est  en  Belgique  l'objet  d'un  respect  religieux. 
Quiconque  a  l'envie  d'établir  un  théâtre  le  peut  faire  librement,  sans 
autre  formalité  qu'une  déclaration  à  l'autorité  locale.   Mais,  s'il  est  des 


222 


REVUE   ET  GAZE1 


MUSICALE 


accommodements  avec  le  ciel ,  c'est  assurément  lorsqu'il  s'agit  de  mettre 
des  obstacles  quelconques  aux  jeux  de  la  scène.  Quand  on  n'a  pas  la 
grande  route  à  sa  disposition ,  on  se  sert  des  voies  détournées.  Le  conseil 
communal  de  Bruxelles  sait  qu'il  ne  peut  pas  ordonner  la  fermeture  des 
théâtres  secondaires  en  alléguant  le  dommage  causé  a  ceux  qu'il  subven- 
tionne ;  mais  il  exigera,  au  nom  de  la  sécurité  publique,  de  telles  précau- 
tions contre  les  éventualités  d'incendie,  qu'aucun  des  entrepreneurs  ne 
sera  en  mesure  de  les  remplir.  Il  restera  à  ceux-ci  la  ressource  de  faire 
construire  de  nouvelles  salles  de  spectacle;  mais  c'est  ce  qu'ils  ne  feront 
pas,  pour  des  raisons  tirées  de  l'état  de  leurs  finances.  Le  conseil  com- 
munal se  flatte  d'arriver  ainsi  à  l'a  suppression  très-prochaine  des  théâtres 
autres  que  les  théâtres  royaux.  Le  principe  de  liberté  recevra  là  une  at- 
teinte ;  mais  on  ne  peut  se  dissimuler  que  la  musique  dramatique,  les 
artistes  et  les  dilettantes  s'en  trouveront  bien.  L'Opéra,  condamné  par  la 
concurrence  â  une  clôture  de  quatre  mois,  redeviendra  permanent,  grâce 
au  privilège. 

Vieuxtemps  a  traversé  Bruxelles  dernièrement,  se  rendant  à  Londres. 
11  n'est  point  passé  si  vite  qu'il  n'ait  eu  le  temps  de  faire  part  à  ses  amis 
du  projet  qu'il  a  de  rentrer  bientôt  dans  sa  patrie.  Son  engagement  avec 
la  Russie  n'est  pas  expiré;  mais  des  circonstances  que  j'ignore  l'ont,  à  ce 
qu'il  paraît,  engagé  à  en  abréger  la  durée.  Suivant  toute  apparence,  il  ne 
retournera  plus  à  Saint-Pétersbourg,  et  viendra  se  fixer  à  Bruxelles,  non 
à  demeure  fixe,  mais  en  prenant  cette  ville  comme  un  point  central  d'où 
il  étendra  de  divers  côtés  ses  excursions  artistiques. 

Il  nous  est  arrivé  dernièrement  toute  une  caravane  de  jeunes  musul- 
mans. Ils  sont  envoyés  de  Constantinople  par  le  sultan,  leur  empereur 
et  maître,  pour  faire  leur  éducation  en  Belgique.  Chacun  suivra  ses  apti- 
tudes et  les  injonctions  qu'il  a  reçues.  Celui-ci  entrera  à  l'école  militaire, 
celui-là  à  l'école  des  mines;  l'un  suivra  les  cours  de  médecine,  l'autre 
s'appliquera  aux  choses  industrielles.  La  diplomatie,  le  génie  civil,  font 
également  partie  du  programme  de  leurs  études.  La  musique,  enfin,  n'a 
pas  été  oubliée.  On  assure  que  l'un  des  jeunes  Turcs  dont  je  vous  parle 
se  fera  inscrire  parmi  les  élèves  du  Conservatoire  de  Bruxelles,  et  qu'il  y 
recevra  une  instruction  musicale  complète,  depuis  les  éléments  du  solfège 
jusqu'aux  subtilités  du  contrepoint.  De  plus,  il  se  fera  initier  à  la  con- 
naissance générale  du  mécanisme  des  instruments  et  de  la  théorie  de  leur 
construction.  L'intention  du  sultan  paraît  être  de  lui  confier,  à  son  re- 
tour, la  mission  de  fonder  à  Constantinople  un  conservatoire  à  l'euro- 
péenne. Le  dilettantisme  bien  connu  d'Abdul-Medjid  donne  beaucoup  de 
vraisemblance  à  ce  bruit. 

La  classe  des  beaux-arts  de  l'Académie  royale  de  Belgique  avait  à  faire 
une  nomination  d'associé  étranger  pour  la  place  devenue  vacante  par  la 
mort  de  Spontini,  Il  y  a  peut  être  de  l'indiscrétion  à  vous  dire  que 
M.  Ambroise  Thomas  est  porté  en  tête  de  la  liste  de  ses  candidats  ;  mais  il 
est  convenu  que  l'indiscrétion  est  permise  aux  journaux.  Ce  n'est  encore 
que  le  résultat  d'une  élection  préparatoire.  Le  mois  prochain  seulement 
on  saura  ce  qui  est  résulté  du  scrutin  définitif. 


NOUVELLES. 

%*  Demain  lundi,  à  l'Opéra,  Iioberl-h-DiMe. 

***.  La  vingt-deuxième  et  la  vingt-troisième  représentation  du  Juif 
errant  ont  été  données  lundi  et  mercredi,  Gueymard  a  continué  d'y  chan- 
ter avec  un  grand  succès  le  rôle  de  Léon.  La  vingt-cinquième  représen- 
tation aura  lieu  mercredi ,  et  n'aura  pas  moins  d'éclat  que  les  précé- 
dentes. 

%*  Action  est  un  de  ces  charmants  ouvrages  dont  la  reprise  périodique 
obtient  toujours  le  même  succès.  L'Opéra-Comique  vient  encore  de  le 
réintégrer  dans  sa  place  au  répertoire.  Mlle  Félix  Miolan,  cantatrice  ha- 
bile et  brillante,  avait  droit  de  succéder  à  Mme  Damoreau  et  à  Mlle  La- 
voye  dans  ce  rôle  de  Lucrezia,  composé  avec  tant  de  finesse  et  de  charme. 
La  manière  dont  elle  l'a  rendu  ne  lui  a  rien  fait  perdre,  et  nous  comptons 
une  excellente  Lucrezia  de  plus.  Mlles  Révilly  et  Decroix,  MM.  Jourdan  et 
Coulon  ont  aussi  montré  beaucoup  de  talent  dans  les  autres  rôles  de  cet 
ouvrage,  l'un  des  fleurons  les  plus  précieux  d'une  collaboration  non  moins 
heureuse  que  féconde.  Rarement  MM.  Scribe  et  Auber  se  sont  mieux  en 
tendus  pour  la  forme  et  pour  la  couleur  :  de  là  vient  que  tous  les  mor- 
ceaux (V  Action  sont  également  populaires  au  théâtre  et  dans  les  salons. 

%*  l'emain  lundi,  au  même  théâtre,  reprise  de  la  Sirène,  dont  Mlle  Fé- 
lix Miolan  chantera  le  principal  rôle. 

%*  On  annonce  que  Sophie  Cruvelli  a  tout-à-coup  déserté  le  théâtre  de 
Sa  Majesté  à  Londres,  mais  on  ne  dit  pas  de  quel  côté  du  monde  elle  s'est 
dirigée. 

***  Mme  Frezzolini,  ainsi  que  Barroilhet,  sont  partis  pour  l'Italie,  où 
plusieurs  théâtres  leur  offrent  des  engagements. 

%*  L'Alboni  est  arrivée  à  New-York  le  15  juin  dernier  ;  elle  se  pro- 
posait d'y  donner  plusieurs  concerts,  dont  les  premiers  devaient  avoir 
lieu  le  31  du  même  mois. 
*„*  Le  Corps  législatif  a  définitivement  approuvé  tontes  les  propositions 


du  gouvernement  en  ce  qui  touche  les  allocations  affectées  aux  beawx- 
arts.  Bien  n'est  donc  changé  au  chiffre  des  subventions  théâtrales.  Pen- 
dant l'année  prochaine,  comme  pendant  l'année  présente,  le  grand  Opéra 
touchera  une  allocation  supplémentaire  de  60,000  fr\,  destinée  à  liquider 
son  arriéré.  Le  budget  du  Conservatoire  de  Paris  et  celui  des  succursales 
des  départements  continuera  d'être  augmenté  cTuin  somme  de  37,600  Et., 
ce  qui  en  porte  le  chiffre  total  à  206,000  fr. 

***  Meyerbeer  est  à  Paris  en  ce  moment.  L'illustre  compositeur,  qui 
s'est  longtemps  ressenti  de  la  grave  maladie  dont  il  avait  été  atteint 
l'automne  dernier,  n'est  venu  que  pour  consulter  le  docteur  Andral.  De 
Paris,  il  doit,  sous  peu  de  jours,  se  rendre  à  Spa,  pour  y  prendre  les  eaux. 

%*  On  sait  avec  quel  soin  et  quel  effet ,  Berlioz  a  fait  entendre  dér  -  ' 
nièrement  le  second  acte  de  la  Vestale,  à  l'un  (tes  concerts  de  la  New 
Philharmonie  Society  de  Londres.  Mme  Spontini,  la  veille  de  ce  magnifi- 
que concert,  lui  écrivit  la  lettre  suivante  en  lui  envoyant  le  bâton  de 
chef  d'orchestre  dont  l'illustre  auteur  de  la  Yestak  s'était  servi  toute  sa 
vie  : 

«  Londres,  28  avril. 

«  Monsieur,  nous  arrivons  pour  assister  au  concert  de  ce  soir.  Permet- 
tez-moi de  vous  offrir  le  bâton  de  commandement  dont  mon  cher  mari  se 
servait  pour  diriger  les  œuvres  de  Gluck,  de  Mozart  et  les  siennes.  Com- 
ment pourrait-il  être  mieux  placé  que  dans  vos  mains  habiles?...  Ce  soir, 
en  dirigeant  la  Vcstile,  il  vous  rappellera  encore  plus  vivement  notre  cher 
Spontini  qui  vous  aimait  tant,  qui  avait  tant  d'admiration  pour  vos  ou- 
vrages!... Hélas  !  Dieu  lui  a  refusé  cette  suprême  satisfaction  d'entendre 
la  dernière  reprise  à'Olympie  à  Berlin,  et  la  Vestale  dirigée  par  vous!...  A 
ce  soir  donc.  Veuillez  en  attendant  agréer  les  compliments  les  plus  af- 
fectueux et  les  plus  empressés  de  votre  toute  dévouée. 

.»  Ve  C.  SPONTINI.  » 

%f  A  Vienne,  sur  l'emplacement  de  la  maisonnette  où  mourut  l'au- 
teur de  Don  Juan  (ce  chef-d'œuvre  qui,  soit  dit  en  passant,  ne  lui 
rapporta  que  huit  ducats),  s'élève  aujourd'hui  un  fort  bel  édifice  connu 
sous  le  nom  d'Hôtel  de  Mozart.  Dans  le  faubourg  de  Josephstadt,  on  mon- 
tre encore  un  cabaret  à  bière  :  <>  A  la  bouteille  bleue  »,  qui  comptait 
Mozart  parmi  ses  habitués.  C'est  dans  le  jurdin  de  cet  établissement  qu'il 
écrivit  la  plus  grande  parlie  de  la  Flûte  enchantée.  Le  lieu  où  reposent  les 
restes  du  grand  compositeur  est  inconnu,  comme  on  sait.  Les  manuscrits 
qu'il  avait  laissés  furent  traités  avec  la  même  indifférence  par  ses  con- 
temporains. Ils  restèrent  entassés  sons  son  clavecin  pendant  plus  de  huit 
ans.  M.  André  les  acheta  1,000  écus  en  1799  ;  les  offrit,  en  1837  ,  à  la 
bibliothèque  impériale  au  prix  de  "20,000  florins,  et  son  offre  ne  fut  j.oint 
agréée. 

*„*  Les  fêtes  musicales  de  l'Ouest,  dont  la  célébration  a  eu  lieu  à  Li- 
moges, les  17  et  18  juin  dernier,  ont  été  fort  brillantes.  Quatre  villes  y 
ont  pris  part  :  Niort,  la  Rochelle,  Angoulème  et  Limoges.  L'orchestre, 
dirigé  avec  talent  par  M.  Farge,  a  exécuté  la  symphonie  pastorale  de 
Beethoven,  les  ouvertures  de  Freischulz  et  de  Guillaume  Tell.  Les  chœurs 
ont  dit  le  Dies  irœ  de  Cherubini;  l'introduction  du  premier  acte  de 
Guillaume  Tell,  du  premier  acte  de  la  Juive,  le  Kyrie  et  le  Credo  de  la 
messe  de  M.  Beaulieu.  Les  parties  vocales  étaient  confiées  à  Mlle  Caroline 
Duprez,  à  MM.  Poultier  et  Balanqué  ;  les  solos  d'instruments  à  Mme  Ben- 
nassi,  professeur  à  Limoges  ;  MM-  Chaîne,  Triébert,  Jancourt,  et  à  un 
jeune  amateur,  digne  élève  du  célèbre  harpiste  Godefroid. 

*„*  Bazzini  donne  en  ce  moment  à  Reims  des  concerts  très-suivis  et  très- 
productifs. 

*„*  Le  jeune  et  célèbre  pianiste,  J.  Blumenthal,  a  donné  le  mois  dernier 
à  Londres  un  des  plus  brillants  concerts  de  la  saison.  La  duchesse  de  GIo- 
cester  et  la  fleur  de  l'aristocratie  y  assistaient.  Le  bénéficiaire  a  obtenu  le 
plus  brillant  succès  en  jouant  plusieurs  morceaux  de  sa  composition,  un 
trio  pour  piano,  violon  et  violoncelle,  une  mazurka,  la  Pensée,  Fleur 
emblématique,  et  Chant  des  Slovaques.  Une  charmante  romance  du  même 
auteur,  le  Chemin  du  paradis,  chantée  par  Mario,  a  aussi  plu  beaucoup  à 
tout  l'auditoire. 

*„*  W.  Kruger  est  â  Hambourg  en  ce  moment.  Il  a  joué  tout-à-fait  à 
l'improviste  dans  un  concert  donné  par  le  célèbre  baryton  Pischek.  Son 
succès  a  été  tel  que  l'administration  l'a  engagé  pour  le  concert  suivant. 
En  attendant,  le  pianiste  et  le  chanteur  sont  partis  ensemble  pour  aller 
donner  des  concerts  dans  les  environs. 

*»*  Une  compagnie  hongroise,  dirigée  par  M.  Kalozdi,  fait  de  la  musi- 
que depuis  trois  jours  au  théâtre  des  Variétés. 

%*  Mlle  Graever  a  joué  avec  beaucoup  de  succès,  dans  la  soirée  de 
M.  Gouffé,  l'étude  de  violon  de  Mathias,  l'étude  de  Chopin,  ainsi  qu'un  trio 
de  Beethoven. 

%*  Une  audition  des  quintetti  de  Beethoven,  Mozart  et  Haydn,  arran- 
gés pour  instruments  à  vents  par  M.  Bousquier,  professeur  de  musique 
du  Lycée  et  de  l'École  normale  de  Nancy,  a  eu  lieu  dernièrement  dans 
les  salons  de  PleyeL  Les  exécutants  étaient  MM.  Verroust  frères,  Leroy, 
Forestier  et  Jules  Halary.  L'effet  en  a  pleinement  répondu  à  ce  qu'il  était 
permis  d'attendre  de  l'auteur  de  l'arrangement  et  de  ses  interprètes. 

V  Le  célèbre  violoniste,  H.  Léonard,  vient,  de  recevoir  de  la  Société 
de  Sainte-Cécile  de  Bordeaux  une  médaille  en  or,  avec  cette  inscription  : 
A  H.  Léonard,  la  Société  de  Sainte-Cécile  reconnaissante,  et  sur  le  revers  : 
Festival  du  3  mai  4S52.  Léonard  est  parti  pour  Spa  avec  sa  femme. 

V  Mardi,  6  juillet,  à  une  heure  après  midi,  dans  l'église  de  Saint 
Roch,   un  service    funèbre  sera  célébré  en   l'honneur   de    Lambert, 


DE  PARIS. 


223 


professeur  de  chant  distingué  nous  l'JEtnpire,  auteur  do  la  romance  De  ma 
Céline,  amant  niodesl'.,  qui  vient  de  mourir  S  Dijon,  à  l'htftèl  de  la  pré- 
fecture. Dans  son  testament,  qui  contient  plusieurs  legs  au  profit  de 
Partet  des  artistes,  Lambert  avait  prié  son  ami  Panseron  de  faireexé 
cuter  à  ses  obsèques  un  Magnificat  a  grand  orchestre,  avec  chœurs, 
de  sa  composition.  Ce  vœu  sera  rempli.  MM.  Alexis  Dupond  et  Boulan- 
ger chanteront  les  solos  ;  MM.  Panseron  et  Georges  Bousquet  dirigeront 
l'orchestre. 

*„*  L'art  musical  vient  de  perdre  tin  de  ses  amateurs  les  plus  distin- 
gués. M.  le  baron  de  Trémont  est  mort  presque  subitement  dans  sa  73'  an 
née.  Ses  obsèques  ont  été  célébrées,  hier  samedi ,  à  Saint-Germain  ,  où  il 
avait  fixé  sa  résidence.  M.  le  baron  de  Trémont  avait  exercé  des  fonctions 
publiques,  et  s'y  était  distingué  par  sa  capacité  non  moins  que  par  son 
caractère.  Les  matinées  musicales  qu'il  donnait  chez  lui ,  et  dans  les- 
quelles il  faisait  sa  partie,  ont  été  longtemps  célèbres. 

CRON1QUE    DÉPARTEMENTALE. 

%*  Toulouse.  —  La  Société  des  concerts  de  notre  \ille  a  clôturé  ses 
séances.  Un  public  d'élite  remplissait  la  vaste  salle  de  l'Athénée,  revêtue 
de  ses  parures  de  fête,  étincelantede  (leurs  et  de  lumières.  Le  programme 
de  ce  cinquième  et  dernier  concert  était  conçu  de  manière  a  attirer  les 
plus  indifférents,  l-'i^èle  au  but  qu'elle  se  propose,  faire  revivre  le  goût 
de  la  bonne,  de  la  vraie  musique  et  exécuter  les  œuvres  des  maîtres,  la 
Société  avait  conservé  pour  sa  dernière  soirée  les  plus  belles  pages  de 
Mozart,  de  Beethoven.  A  cûté  de  l'ouv  rture  de  Fidclio  et  du  délicieux 
andante  de  la  symphonie  en  la,  de  Beethoven,  se  trouvait  la  symphonie  en 
sol  mineur,  de  Mozart,  et  l'ouvénure  de  Zam\. a,  d'Hérold.  Tous  ces  ou- 
vrages ont  été  exécutés  par  l'orchestre  avec  un  ensemble  qui  fait  honneur 
à  son  habile  chef,  M.  Bequié.  Mais  l'orchestre  n'a  pas  eu  seul  les  hon- 
neurs de  la  soirée  :  le  chant  peut  réclamer  une  largo  part  de  triomphe. 
Deux  solos  et  deux  quatuors  ont  été  parfaitement  chantés  par  des  ama- 
teurs. Toutefois,  sans  vouloir  amoindrir  le  succès  des  autres,  disons  que 
le  diamant  de  la  soirée  était  Mlle  Balla,  élève  de  .M.  G  osseth,  l'excel- 
lent professeur  de  chant  au  Conservatoire  de  Toulouse.  Cette  jeune  ar- 
tiste de  seize  ans  a  chanté  le  grand  air  de  la  Somnambule,  non  pas  comme 
une  élève,  mais  comme  une  cantatrice  de  premier  ordre.  Ajoutons  que 
la  nature  s'est  montrée  prodigue  à  son  égard.  Une  voix  qui  descend  jus- 
qu'aula  au-dessous  des  lignes  et  s'élève  jusqu'à  Val  dièse,  et  cela  sans 
effort,  sans  contraction,  exempte  de  ces  sons  aigus  qui  rappellent  une 
chanterelle  gémissant  sous  un  archet  sans  colophane.  Ajoutez  encore  une 
phrase  large  et  bien  finie,  un  style  plein  d'âme  et  de  chaleur,  et  un  mé- 
canisme qui  révèle  de  sérieuses  études.  Avec  de  semblables  éléments  on 
peut  prédire  à  Mlle  Balla  le  plus  brillant  avenir.  M.  Barbot,  l'intelligent 
et  gracieux  pianiste,  nous  a  fait  entendre  deux  de  ses  charmantes  compo- 
sitions; inutile  de  dire  qu'il  a  obtenu  le  plus  brillant  succès.  L'année  1853 
verra  se  renouveler  nos  soirées  musicales.  Mais  nous  ne  sommes  plus  en 
peine  désormais  pour  la  Société  des  concerts.  Toulouse  a  compris  les 
services  éminents  que  cette  Société  pouvait  rendre  non-seulement  aux 
artistes,  mais  à  l'art  lui-même  en  épurant  notre  goût,  en  nous  faisant  ap- 
précier les  œuvres  des  grands  maîtres.  Elle  prêtera  tout  son  appui  à  la 
Société  des  concerts,  qui  a  su  se  placer  tout  d'abord  au  niveau  des  sociétés 
philharmoniques  de  Marseille  et  de  Bordeaux. 

CHRONIQUE     ÉTRANGÈRE. 

%*  Londres,  l1' juillet.  —  Nous  n'avons  qu'à  confirmer  la  nouvelle  du 
brillant  succès  obtenu  par  le  ballet  donné  au  théâtre  de  Sa  .Majesté  sous 
le  titre  de  Zélie  ou  l'Amour  et  la  magie.  Cette  charmante  composition  de 
M.  de  Saint-Georges  n'a  qu'un  malheur  :  c'est  de  n'avoir  pas  été  mise  en 
scène  par  celui  qui  l'avait  conçue,  et  d'avoir  subi  quelques  altérations 
que  les  mains  paternelles  lui  eussent  épargnées.  En  voici  à  peu  près  l'ana- 
lyse. Un  magicien  nommé  Pbocas  a  adopté  une  jeune  fille  qui  est  le  type 
de  toutes  les  perfections.  Quoique  élevée  par  lui  au  milieu  de  tous  les  se- 
crets et  les  enchantements  de  la  magie,  Zélie  est  restée  une  fille  de  la  terre. 
Elle  aime  éperdument  le  prince  de  Samos,  jeune  homme  riche,  d'une  grande 
beauté,  et  qui  ne  cherche  le  bonheur  que  dans  les  choses  surnaturelles. 
Ce  n'est  pas  chose  facile  que  de  faire  la  conquête  d'un  prince,  même  pour 
la  fille  adoptive  d'un  magicien.  Attristé  du  découragement  de  Zélie,  Pho- 
cas  fait  usage  du  pouvoir  i^ue  la  science  lui  donne  ;  il  force  le  prince  de 
Samos  à  venir  le  consulter.  Sur  l'ordre  du  magicien,  Zélie  apparaît  aussi- 
tôt comme  le  génie  de  la  Terre.  Le  prince  ne  veut  pas  rester  en  si  beau 
chemin,  et  demande  à  Phocas  de  personnifier  en  sa  présence  les  trois 
autres  éléments  :  le  Feu,  l'Eau  et  l'Air.  Trois  gracieuses  nymphes,  Fiam- 
ma,  Fluvia  et  Eoline,  s'élèvent  à  l'instant  et  comme  par  enchantement  aux 
yeux  étonnés  et  ravis  du  prince.  Le  magicien  a  donné  au  prince  une  fleur 
magique  qui  a  le  privilège  de  faire  aimer  celui  qui  la  porte  par  celle  qu'il 
aime  lui-même.  Les  éléments  rivaux  se  disputent  le  cœur  du  prince,  pre- 
nant devant  lui  les  postures  les  plus  voluptueuses  et  lui  lançant  les  regards 
les  plus  passionnés.  Mais  le  Feu  est  bientôt  vaincu  par  l'Eau  ,  l'Eau  elle- 
même  cède  à  la  force  de  l'Air,  et  l'Air,  près  de  triompher,  est  à  son  tour 
victime  des  rayons  ardents  du  Soleil,  que  Phocas  appelle  à  son  aide.  La 
Terre  seule  survit,  et  Phocas,  au  comble  de  la  joie,  présente  Zélie  au 
prince,  non  maintenant  comme  le  génie  de  la  Terre,  mais  comme  l'une 
de  plus  parfaites  créations  de  la  science  du  magicien.  Le  prince  comprend 
enfin  que  le  surnaturel  ne  vaut  pas  ce  qui  est  naturel ,  il  préfère  le  na- 
turel au  figuré,  et,  ébloui  par  les  charmes  de  la  jeune  fille,  il  se  jette  à 


ses  pieds  et  devient  son  heureux  époux.  Telle  est  la  fable  ingénieuse  que 
la  Rosati  a  été  chargée  d'animer,  et  tout  le  monde  reconnaît  que  jamais 
la  charmante  danseuse  n'a  révélé  autant  do  grâces,  de  talent,  de  prestige 
que  dans  le  rôle  de  Zélie.  Le  Feu,  l'Eau  et  l'Air  ont  pour  représentantes 
Mlles  Bosa  ,  Espert  et  Lamoureux.  Gosselin  a  réglé  la  chorégraphie,  et 
M.  Nadaud  a  écrit  la  musique.  Jamais  le  secours  de  la  danse  n'est  venu 
plus  à  propos  :  l'Opéra  en  avait  grand  besoin  ;  mais  avec  V Amour  et  la 
.Vagir,  il  n'est  pas  douteux  que  la  santé  ne  lui  revienne,  et  que  le  théâ- 
tre ne  se  peuple  chaque  soir. 

*„*  Hambourg,  25  juin.  — Avant-hier,  Boger,  le  célèbre  ténor ,  a  dé- 
buté au  théâtre  de  la  ville  par  le  rôle  de  Fernaud  dans  la  Faroritr.  Mal- 
gré l'augmentation  des  prix,  la  salle  était  comble.  A  son  entrée  en  scène, 
Boger  fut  accueilli  avec  un  enthousiasme  qui  répondait  aux  impressions 
que  les  représentations  antérieures  de  cet  excellent  artiste  ont  laissées  à 
Hambourg.  Son  chant  ainsi  que  son  jeu  ont  offert  les  qualités  éminentes 
que  nous  avions  déjà  été  à  même  d'apprécier;  on  peut  même  dire  qu'il  y  a 
progrès  chez  lui,  sous  le  rapport  de  la  méthode  et  du  fini  précieux  qu'il  a 
coutume  de  donner  à  ses  rôles.  11  y  a  eu  rappel  à  chaque  entr'acte,  et  à 
la  fin  de  la  pièce,  une  explosion  d'applaudissements  interminables,  ac- 
compagnés d'une  pluie  de  bouquets.  Pour  cette  fois,  Boger  ne  chantera 
plus  que  dans  la  Dam.'.  Blanche  et  les  Huguenots  ;  le  célèbre  ténor  se  ren- 
dra d'ici  à  Berlin.  —  Mlle  Garrigues,  qui  chantait  le  rôle  de  Léonore,  s'est 
acquittée  dé  sa  tâche  avec  esprit  et  énergie  ;  son  succès  a  surtout  été  des 
plus  brillants  dans  le  second  acte,  qu'elle  a  chanté  en  français.  Mlle  Gar- 
rigues, fille  du  consul  de  Portugal  à  Copenhague,  dont  la  famille  est  d'o- 
rigine française,  est  élève  de  Garcia. 

%*  Cologne,  19  juin.  —  Mme  Sontag,  dont  le  départ  pour  les  Etats-Unis 
aura  lieu  vers  la  fin  d'août  prochain,  vient  de  choisir  pour  l'accompagner 
dans  ce  voyage,  on  qualité  de  pianiste,  M.  Charles  Eckert,  qui  l'année 
dernière  était  sous-directeur  de  la  musique  à  l'Opéra-Italien  de  Paris  pen- 
dant la  dernière  saison. 

*,*  Vienne.  —  Dans  le  courant  de  la  saison  allemande  qui  vient  d'ou- 
vrir, nous  aurons  d'abord  :  le  Val  d  Andorre  et  le  Juif  errant,  d'Ilalévy  ; 
puis  viendront  le  Corse,  de  M.  Lindpaintner,  et  un  opéra  nouveau  de 
lord  Westmorcland.  On  annonce  la  nomination  prochaine  de  M.  Cornet, 
en  remplacement  de  M.  de  Holbein,  directeur,  pour  la  partie  artistique, 
du  théâtre  de  la  Cour.  —  Le  célèbre  professeur  de  violoncelle  M.  Merk 
vient  de  mourir  dans  cette  capitale. 

*„*  Mil-n,  —  Nous  venons  d'entendre  le  pianiste  Fumagalli  dans  deux 
concerts  qui  lui  ont  valu  un  éclatant  succès.  Parmi  les  morceaux  qui  ont 
produit  le  plus  d'effet,  on  a  remarqué  un  très-beau  duo  pour  deux  pianos, 
de  Richard  Mulder.  Cette  composition,  exécutée  de  la  manière  la  plus 
brillante,,  a  été  accueillie  avec  enthousiasme.  Tous  les  journaux  s'accor- 
dent à  dire  que  Fumagalli  a  fait  de  sensibles  progrès  pendant  son  séjour 
à  Paris. 

%*  Ntw-Yorjî.  —  Les  quatre  concerts  de  la  Société  philharmonique, 
ainsi  que  les  soirées  de  quatuors  de  M.  Elsfeld,  ont  été  très-suivis.  M.  Jaell 
s'est  fait  entendre  dans  trente-cinq  concerts  à  Boston  ;  à  Philadelphie,  il 
a  joué  treize  fois,  et  à  Baltimore,  seize  fois.  A  son  retour  à  Philadelphie, 
le  jeune  pianiste  a  donné  un  concert  avec  Ole-Bull.  Jaell  est  devenu  très- 
populaire  en  peu  de  temps;  parmi  ses  compositions  on  a  surtout  remarqué 
une  fantaisie  sur  Norma.  —  La  législature  de  l'Etat  de  Pensylvanie  vient 
de  voter  les  fonds  nécessaires  pour  la  construction,  à  Philadelphie,  d'un 
théâtre  de  grand  opéra,  qui  sera  appelé  Académie  lalionale  de  Musique,  et 
qui  sera  assez  grand  pour  pouvoir  contenir  cinq  mille  spectateurs,  dont 
chacun  sera  assis  dans  une  stalle.  Ce  sera  la  plus  vaste  de  toutes  les  salles 
de  spectacle  actuellement  existantes.  —  Le  grand  festival  allemand  aura 
lieu  dans  cette  ville  du  19  au  21  juin  :  on  évalue  à  plus  de  1 ,4u0  le  nombre 
des  chanteurs  qui  y  prendront  part. 


—  La  saison  des  bains  de  Dieppe  n'a  commencé  que  très-tardivement, 
on  espère  qu'elle  n'en  sera  que  plus  brillante.  Le  célèbre  professeur  de 
danse,  M.  Cellarius,  vient  de  s'y  rendre  pour  rouvrir  son  cours.  C'est  encore 
M.  Alkan  jeune  qui  est  avec  lui  comme  accompagnateur.  Nous  félicitons 
M.  Cellarius  de  ce  choix,  car  M.  Alkan  n'apporte  pas  seulement  un  ré- 
pertoire de  musique  de  danse  tout  à  fait  nouveau,  maie  c'est  aussi  un  de 
nos  plus  habiles  pianistes.  —  La  musique  d'harmonie  dans  rétablisse- 
ment des  bains  aux  bords  de  la  mer,  a  été  confiée  à  un  orchestre  alle- 
mand, venant  de  Dusseldorf. 


Le  gérant  :  Ernest  DESCHAMPS. 


MUSIQUE  RELIGIEUSE. 


Collection  périodique  des  meilleures  pièces  de  musique  d'église, 
pour  lse   voix  et  l'orgue. 


Sis.  numéros  par  an. 


Envoytr  un  mandai  de  S  fr.  so  sur  la  Po-.le,  à  M.  RÉGNIER,  secrétaire 
de  la  Société  de  musique  religieuse,  à  Nancy. 


224 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS. 


CHEZ)   SBAKDÏÏS    ET    €1E,    mïïH,TmiBE.B, 

103,   BUE   RICHELIEU, 


OPERA-COMIQUE  EN  UN  ACTE, 
Musique  de 


MemOi 
GRANDE  PARTITION,  100  Fn.  - 

PARTITION    POUR    PIANO    ET 
II 

h 

6 


N"  1.  AIR,  «  Peindre  est  un  grand  bonheur.  » S. 

2.  AIR,  «  Il  est  des  époux  complaisants.  » B. 

3.  DUO,  «  Pourquoi  cet  air  sombre.  » S.  B. 

U.  ROMANCE,  «Jeunes  beautés,  charmantes  demoiselles.»        T.  2    » 

5.  AIR,  «  Nina,  jolie  et  sage.  » S.  à  50 

ARRANGEMENTS  SUR 

A.  Adam.  Op.  98.  Mélange  pour  piano 6 

I.e  Carpentïer.  91e  bagatelle  pour  piano 6 

Gwtsrlii-  Op.  7.  Air  favori  à  quatre  mains 5 

L'Ouverture  pour  piano  avec  accompagnement  de  violon  ou  flûte.  5 

—  arrangée  ù.  quatre  mains  par  Fessy 7 

Klemrzyiislil.  Duo  facile  pour  piano  et  violon 7 

Tulon   Op.  71.  Grandes  variations  pour  flûte,  avec  accompagne- 
ment de  piano 9 

—  Id.  avec  orchestre li> 


c  de  l'Imlilùt. 

-LES  PARTIES  D'ORCHESTRE,  100  Fr. 

CHANT,    FORMAT   IN-8°,    NET,    8    FR. 

Nu  6.  QUATUOR,  «  Le  destin  comble  mes  vœux.  »    2  S.  S.   T.  B. 

7.  DUO,  «  Surprise  nouvelle!  ô  terreur!  » S.  T. 

8.  TRIO,  «  Ce  sont  les  Nymphes  de  Diane.  ».    .    .    .  2  S.  S.  T. 

9.  CAVATINE,  «  Vous  obtenez  avec  sa  main.  » S. 


DES  MOTIFS  DE  CET  OPERA. 

Mo&ard.  Deux  quadrilles  pour  piano,  chaque 

—  Les  mêmes  à  quatre  mains,  chaque 
L'Ouverture  à  grand  orchestre 

—  en  partition 

L'Ouverture  pour  deux  flûtes 

—  pour  deux  violons 

Les  Airs  pour  deux  violons 

pour  deux  flûtes 


k  50 
à  50 
18  » 
18  » 
h  50 
à  50 
7  50 
7  59 


POUR  PARAITRE  LE  4"  AOUT, 


F-   HÂLEVY- 

PRIX    NET  :    /(O    FRANCS. 


OUVEAUX    lOMEAUX   DE    I 


LE  RÉVEIL  DES  FÉES 

Etude.  —  Op.  U-  —  Prix  :  9  fr. 


VÎLLANELLA 

Op.  /(O.  —  Prix  :  9  fr. 


FANTAISIE  POUR  VIOLONCELLE  AVEC  ACCOMPAGNEMENT  DE  PIANO 

•  SUR   LE 


JUIF  ERRAI 

PAK 

Op.  64.  —  Prix  :  7  fr.   50. 


TROISIEME   CONCERTO 

DE 

BEETHOVEN 

Arrangé  pour  piano  seul  par  MOSCIIEILIES  ou  avec  ace.  d'un  second  piano 
PAn 

Chevalier  de  la  Eégipn-d 'Honneur. 
POUR  PIANO  SEUL,  15  FR.  —  POUR  DEUX  PIANOS,  25  FR. 


FANTAISIE  BRILLANTE  POUR  LE  PIANO 


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Op.  46.  —  Prix  :  7  fr.  50. 


LÊOPOLD  DE  fflÀYER 

Op.   71.    -  GRANDE  FANTAISIE  POUR  LE  PIANO 

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BUREAUX  A  PARIS  :  BOUI.EVART  DES  ITALIENS,  1. 


19e  Année. 


N°  28. 


iilmimc  ilmis  1rs   |V'i»;irtcim'hl4   et  i\   l'IUranger, 

■■/ tuas  ii-s  Marchands  de  Musique,  (es  Llbrnïrai 
tiux  Hureuux  îles  Slcssiigeiics*  l  des  postes. 

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fi«-Pétcr*bourg.DelIznrd, 

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—  Bote  et  Uock,  42,  Joegerstr. 

l.iNhoDnc,  Sassetti. 


Il  Juillet  1852. 


Prit  tic  I   i5)n 


D.'pjrtf-nicnts,  Ru^'iiiiie  <■{  Su 


Le  Journal  pJiruît  le  Uima:  chc. 


GAZETTE  MUSICAL 


SOMMAIRE.  —  Richard  Wasner  (5e  article),  par  Fétîs  père.  —  Beethoven  et  ses 
trois  styles,  de  M.  W.  de  Lenz  {2e  article),  par  9»anl  Sniitli.—  Fêtes  musicales 
de  l'Ouest.  —  Correspondance,  Liège.  —  Nouvelles  et  annonces. 


RICHARD  WAGNER. 

5a  vie.  —  Son  système  de  rénovation  de  l'opéra.  —  Ses  œuores  comme 
poète  et  comme  musicien.  —  Son  parti  en  Allemagne.  —  Apprécia- 
tion de  la  valeur  de  ses  idées. 

(Cinquième  article.)  (1). 

J'ai  dit,  dans  mon  dernier  article,  que  Richard  Wagner  a  été  conduit 
par  degrés,  mais  par  une  pente  irrésistible,  à  l'abandon  des  formes  de 
l'opéra  pour  le  drame,  et  à  la  négation  de  la  mélodie  et  du  rhythme  ; 
j'ai  promis  de  le  laisser  expliquer  lui-même  ses  idées  à  ce  sujet  :  je 
vais  acquitter  cet  engagement.  Je  demande  seulement  à  mes  lecteurs 
l'autorisation  d'écarter  des  passages  que  j'emprunterai  à  ses  écrits  les 
divagations  oiseuses  auxquelles  il  se  laisse  entraîner  à  chaque  instant, 
et  de  ramener  à  l'expression  simple  et  claire  de  la  langue  française  les 
obscurités  de  son  tudesque  néologisme. 

«  Avec  le  Hollandais  volant,  dit-il  (2),  je  me  frayai  une  voie  nou- 
velle en  devenant  moi-même....  Désormais  je  devais  être  poëte,  au 
point  de  vue  de  mes  travaux  de  musique  dramatique  :  je  ne  redevins 
musicien  que  dans  l'exécution  complète  du  poëme.  Mais  j'étais  un 
poëte  qui  connaît  à  priori  les  ressources  facultatives  de  l'expression 
musicale  dans  ses  rapports  avec  la  poésie.  J'avais  si  bien  exercé  les 
instincts  de  mon  organisation  à  cet  égard,  que  je  possédais  parfaite- 
ment la  capacité  de  réaliser  toutes  les  conceptions  du  plan  poétique, 
et  que  je  pouvais  compter  en  toute  assurance  sur  les  ressources  de 
cette  capacité  dès  que  j'esquissais  le  sujet  d'un  drame.  De  même  aussi 
j'en  étais  venu  au  point  de  disposer  mon  œuvre  poétique  dans  toutes 
les  conditions  nécessaires  pour  son  union  avec  la  musique.  Précédem- 
ment, je  m'étais  approprié  le  talent  de  l'expression  musicale  de  la 
même  manière  qu'on  apprend  une  langue.  Quiconque  ne  sait  pas  en- 
core parfaitement  une  langue  étrangère  doit  avoir  égard  aux  pro- 
priétés de  cette  langue  pour  s'exprimer  intelligiblement,  et  doit  fixer 
incessamment  son  attention,  soit  sur  la  prononciation,  soit  sur  la  va- 
leur des  mots.  De  là  la  gêne  qu'il  éprouve  dans  son  énonciation  pour 
ne  pas  manquer  aux  règles  de  cette  langue,  et  la  difficulté  de  rendre 
librement  sa  pensée  ;  tandis  que  sa  langue  maternelle  lui  fournit  toutes 
ses  phrases  sans  qu'il  y  songe,  comme  expression  naturelle  de  ses 
idées.  L'usage  d'une  langue  étrangère  ne  devient  facile  que  lorsqu'on 
en  a  saisi  l'esprit,  et  lorsqu'on  s'est  si  bien  identifié  ses  formes,  qu'on 

(1)  Voir  les  numéros  23,  26,  25  et  26. 

(2)  Communications  à  ses  amis,  p.  Ikk  etsuiv. 


pense  dans  cette  même  langue  et  qu'on  peut  même  en  développer  les 
ressources.  Or,  à  cette  époque,  rien  ne  manquait  à  mon  instruction 
dans  la  langue  musicale  ;  je  la  possédais  comme  ma  langue  naturelle, 
et  je  n'étais  plus  obligé  de  m'occuper  des  formes  de  l'expression  pour 
communiquer  mon  sentiment  intime  ,  car  toutes  étaient  à  ma  dispo- 
sition. 

»  La  langue  de  la  musique  a  pour  objet  l'expression  des  sentiments 
et  des  émotions  de  l'homme;  elle  diffère  essentiellement  de  la  langue 
verbale,  qui  est  l'organe  de  l'entendement.  Le  langage  musical  est 
donc  par  lui-même  incapable  de  déterminer  avec  exactitude  l'objet 
de  son  expression  sentimentale  :  il  n'acquiert  celte  faculté  que  par  son 
union  avec  la  langue  parlée.  Mais  pour  que  l'union  se  fasse  avec  suc- 
cès, il  faut,  d'une  part,  que  la  musique  assimile,  autant  que  cela  se  peut, 
ses  facultés  à  celles  de  la  langue  parlée,  et,  d'autre  part,  que  celle-ci 
transforme  son  objet  intellectuel  en  un  objet  sentimental.  De  là  résulte 
un  langage  mixte  par  lequel  la  poésie  et  la  musique  étendent  réci- 
proquement leurs  moyens  de  communication,  et  parviennent  à  l'ex- 
pression totale  et  finale  de  tout  ce  qui  est  humain,  affranchi  de  toute 
convention.  » 

A  la  lecture  de  ce  dernier  paragraphe,  mes  lecteurs  se  persuaderont 
peut-être  que  l'union  intime  de  la  poésie  et  de  la  musique  dans  l'œuvre 
dramatique,  dont  parle  Wagner,  a  été  réalisée  par  Gluck  dans  Orphée, 
dans  Alcesle,  dans  les  deux  Jphigénies,  et  dans  Armide  ;  par  Mozart 
dans  Idoménée,  Don  Juan,  les  Noces  de  Figaro,  et  la  Flûte  enchantée; 
par  Sacchini  dans  Œdipe,  par  Spontini  dans  quelques  bellesparties  de 
ses  ouvrages,  Grétry  dans  un  grand  nombre  des  siens  ;  car  chacun  de 
ces  maîtres  s'est  affranchi  de  ce  que  l'auteur  de  Lohengrin  appelle  les 
conventions,  et  a  développé  les  ressources  de  son  talent  dans  le  do- 
maine de  son  sentiment  personnel,  se  proposant  de  donner  à  la  musique 
la  mission  spéciale  d'augmenter  la  force  d'expression  de  la  poésie  par 
la  puissance  de  ses  accents.  Mais  ce  n'est  pas  ainsi  que  l'entend  Richard 
Wagner:  pour  arriver  à  la  formation  de  sa  langue  mixte,  il  ne  suffit 
pas  que  le  musicien  cherche  dans  las  propriétés  d'accents  de  son  art 
des  ressources  pour  l'expresion  vraie  de  la  donnée  poétique  ;  il  faut 
aussi  que  le  poëte  rende  la  tâche  du  compositeur  plus  facile  en  ne  lui 
présentant  à  exprimer  que  des  idées  sentimentales  ;  en  un  mot,  il  faut 
que  le  musicien  soit  poëte,  ou  que  le  poëte  soit  musicien.  Dans  le  mys- 
tère de  cette  dualité  réside  uniquement  la  possibilité  de  création  ab- 
solue. Or,  Wagner  est  à  la  fois  le  poëte  du  musicien  et  le  musicien  du 
poëte!  Vous  comprenez?  Continuons. 

«  Ce  que  je  vis  (à  réaliser  par  l'art),  je  le  vis  par  l'esprit  de  la  mu- 
sique ,  non  de  cette  musique  connue  dont  les  déterminations  formelles 
m'eussent  tenu  à  la  gêne,  mais  de  la  musique  dont  j'avais  la  possession 
et  dans  laquelle  je  m'exprimais  avec  autant  de  facilité  que  dans  ma 


226 


REVUE  r,T  GAZETTE  MUSICALE 


1 
angue  maternelle.  Ce  qui  fixa  dès  lors  mon  attention  ,  ce  ne  fut  donc 

plus  l'expression  en  elle-même,  mais  l'objet  à  exprimer.  C'est  dans 

cette  libre  disposition  que  mes  créations  ont  été  conçues.  Ainsi,  ma 

capacité  acquise  de  l'expression  musicale  m'a  rendu  poëte,  parce  que, 

n'ayant  plus  à   m'occupe?-   de  l'expression  même,   mon  attention  se 

portait  tout  entière  sur  son  objet  en  artiste  créateur  (1). 

»  Conformément  à  la  nature  du  progrès,  je  devais,  dans  ma  posi- 
tion entre  le  sentiment  musical  et  la  création  des  sujets  poétiques,  je 
devais,  dis-je,  faire  disparaître  ce  qu'il  y  a  de  confus  dans  la  manifes- 
tation de  ce  sentiment ,  arriver  par  degrés  à  des  conceptions  plus  clai- 
res, plus  individuelles,  et  enfin  parvenir  là  où  le  poëte  inspiré  par  la 
réalité  vitale  donne  à  l'expression  musicale  une  signification  positive. 
Quiconque  examinera  avec  attention  les  trois  poëmes  que  je  publie  verra 
que,  dans  le  Hollandais  volant ,  j'ai  esquissé  par  de  larges  mais  va- 
gues ébauches,  ce  que  j'ai  exécuté  d'une  manière  plus  claire  et  plus 
ferme  dans  le  Tannhauser,  et  surtout  dans  le  Lohengrin.  Poussé  par 
le  dévelopement  de  mes  idées  à  entrer  de  plus  en  plus  dans  la  vie 
réelle  par  l'application  de  mes  procédés,  je  devais,  dans  un  temps 
donné,  et  sous  certaines  influences  extérieures,  arriver  à  la  conception 
d'un  sujet  poétique  (par  exemple,  Frédéric  Barberousse)  pour  lequel 
j'aurais  dû  renoncer  directement  à  l'expression  musicale.  Mais  ce  fut 
précisément  là  où  mon  procédé,  ignoré  jusqu'à  ce  moment,  me  pré- 
senta avec  évidence  ses  avantages  artistiques.  » 

M.  Wagner  explique  ici  comment  le  sujet  de  Frédéric  Barberousse 
lui  ayant  paru  incompatible  avec  la  musique,  il  fut  conduit  à  recon- 
naître que  les  sujets  purement  historiques  et  politiques  s'accommodent 
mal  de  l'alliance  de  cet  art ,  tandis  que  ceux  qui  reposent  sur  les  affec- 
tions humaines  lui  sont  éminemment  favorables.  Cette  découverte  équi- 
vaut à  celle  qu'un  navigateur  ferait  aujourd'hui  de  l'Amérique.  Quoi 
qu'il  en  soit ,  elle  détermina  le  novateur  à  abandonner  son  sujet  histo- 
rico-politique,  comme  il  l'appelle,  pour  celui  de  la  Mort  de  Seifried  ou 
Siegried,  qui  marque,  dit-il,  une  période  nouvelle  et  plus  décisive  de 
son  développement  artistique  et  humain  ;  période  dans  laquelle  il  a 
ouvert  et  frayé  une  voie  absolument  inconnue,  et  dont  la  nécessité 
avait  été  ignorée  jusqu'à  ce  jour.  11  ajoute  que  c'est  dans  cette  voie 
qu'il  marche,  comme  homme  et  comme  artiste,  à  la  dêcouevrte  d'un 
monde  nouveau  (2).  «  J'ai  signalé,  dit-il ,  l'influence  que  ma  posses- 
»  sion  de  l'esprit  de  musique  a  exercée  sur  le  choix  de  mes  sujets  poé- 
»  tiques  et  sur  la  forme  même  de  mes  poésies  ;  j'ai  maintenant  à 
»  exposer  quelle  réaction  opère  mon  système  poétique,  déterminé  de 
»  cette  manière,  sur  l'expression  musicale  et  sur  sa  forme.  »  Nous 
voici  enfin  parvenus  au  nouveau  monde  découvert  par  Richard 
Wagner  !  Laissons-le  parler. 

«  L'influence  relative  de  la  conception  poétique  sur  la  musique  se 
fit  sentir  en  deux  choses  principales,  à  savoir,  dans  la  forme  drama- 
tico-musicale  en  général  et  dans  la  mélodie  en  particulier.  Ma  tendance 
artistique,  telle  que  je  viens  de  la  signaler  une  fois  pour  toutes,  m'o- 
bligeait à  procéder,  dans  la  formation  de  mon  poëme,  par  des  vues 
absolument  étrangères  aux  formes  de  l'opéra  que  je  trouvais  en  usage. 
L'opéra  proprement  dit  n'a  jamais  eu  une  forme  déterminée  dans  la- 
quelle tout  le  sujet  du  drame  fût  embrassé  ;  ce  n'est  guère  qu'un  amal- 
game arbitraire  de  conceptions  mesquines  de  morceaux  de  chant  qui , 
dans  leurs  combinaisons  fortuites  d'airs,  de  duos,  trios,  etc.,  avec  les 
chœurs  et  les  prétendus  morceaux  d'ensemble,  composent  ce  qu'on 
nomme  vulgairement  un  opéra.  Dans  la  conception  poétique  de  mes 
sujets,  il  ne  m'importait  guère  de  remplir  d'une  manière  convenable 
cette  forme  trouvée  ;  mais  je  mettais  un  grand  prix  à  représenter  avec 

(1)  Grade  durci)  die  gewonnene  Fâhigkeit  des  musikalisehen  Ausdruckes  ward  ich 
somil  Dichter,  weil  ich  midi  niche  mehr  auf  den  Ausdruck  selbst,  sondera  auf  den 
Gegenstand  desselbcn  als  geslallender  Kiinstler  zn  bezichen  hatte.  (Page  IIP.) 

's)  Hatte  ich  eine  "eue  und  entscheidendste  Période  meiner  kûnstlerischen 

und menschlichen  Entvvickelung  angetreten,  die  Période  des bewussten  kiinstlerischen 
Wollens  auf  einer  vollkommen  neuen  ,  mit  unbewusster  Nothwendigkeit  von  mir 
cingeschlagenen  Bahn  ,  auf  der  ich  nun  als  Kunstler  und  Mensch  einer  neuen  Welt 
entgegenschreite. 


sentiment  et  entendement  l'objet  du  drame  dans  tout  son  développe- 
ment. Dans  tout  le  cours  de  ce  drame,  je  ne  vis  d'autres  séparations  et 
distinctions  possibles  que  celles  des  actes  et  des  scènes,  par  lesquelles 
les  temps,  les  lieux  et  les  personnages  changent.  »  (Page  150.) 

Ici  Wagner  explique  assez  longuement  comme  quoi  il  évite  dans  la 
contexture  de  ses  poëmes  les  fades  expositions  des  opéras  modernes, 
habile  qu'il  est  à  mettre  en  action  tout  ce  qui  importe  à  la  clarté  ainsi 
qu'à  l'intérêt  du  drame.  Il  ajoute  :  «  Par  la  nature  même  du  sujet  et 
par  la  disposition  du  poëme,  je  ne  suis  nullement  entraîné  à  me  préoc- 
cuper d'une  forme  musicale  quelconque,  car  les  formes  qui  lui  sont 
nécessaires  résultent  toujours  des  situations  ;  enfin,  dans  ma  concep- 
tion du  drame  musical,  je  suis  affranchi  de  la  nécessité  d'y  introduire 
violemment  les  formes  conventionnelles  des  morceaux  de  chant  en 
usage  dans  les  opéras.  Je  ne  me  suis  pas  fait  le  destructeur  systémati- 
que des  airs,  des  duos,  et  autres  morceaux  d'opéras,  mais  l'omission 
de  ces  formes  est  une  conséquence  de  la  nature  du  sujet  et  de  la  distri- 
bution de  l'ouvrage.  La  vérité  de  l'expression  est  la  seule  chose  qui  ait 
de  l'importance  à  mes  yeux.  La  connaissance  involontaire  de  cette 
forme  traditionnelle  exerça  encore  son  influence  sur  moi  dans  la  com- 
position de  mon  Hollandais  volant  ;  l'observateur  attentif  reconnaîtra 
à  la  lecture  de  cet  ouvrage  que  cette  influence  me  dominait  encore 
dans  l'arrangement  de  mes  scènes,  et  que  je  ne  m'en  suis  affranchi  que 
par  degrés  dans  le  Tannhauser,  et  plus  encore  dans  Lohengrin.  Posté- 
rieurement, je  m'y  suis  complètement  soustrait,  et  n'ai  plus  été  dirigé 
que  par  les  exigences  du  sujet  et  par  la  disposition  du  drame.  » 

Le  soin  que  prend  ici  Wagner  de  se  défendre  d'avoir  voulu  anéantir 
les  formes  consacrées  par  les  œuvres  des  plus  grands  maîtres,  s'expli- 
que dans  une  note  par  laquelle  il  répond  aux  critiques  qui  l'ont  atta- 
qué à  ce  sujet.  On  verra  dans  ce  que  je  rapporterai  de  ses  jugements 
sur  les  artistes  les  plus  célèbres,  ce  qu'on  doit  penser  de  sa  dénéga- 
tion. 

Wagner  explique  ensuite  comment  il  a  conçu  l'enchaînement  du 
poëme  musical  de  manière  que  toutes  les  scènes  sont  nécessairement 
la  conséquence  réciproque  les  unes  des  autres,  en  sorte  que  le  sujet  de 
l'action  et  ses  développements  sont  toujours  présents  à  l'intelligence  du 
spectateur.  Pour  créer  les  mêmes  avantages  d'unité  à  l'égard  de  la 
musique,  il  a  imaginé  de  caractériser  les  principaux  personnages  et 
même  certaines  situations  importantes  de  l'ouvrage  par  une  phrase 
qui  se  reproduit  de  temps  en  temps  à  raison  des  nécessités  du  drame. 
Il  ne  peut  nier  que  cette  idée  se  soit  produite  précédemment  dans 
quelques  ouvrages,  mais,  dit-il,  jamais  dans  un  opéra  entier.  En  effet, 
Grétry  dans  Richard-Cœur-de-Lion,  Mozart  dans  la  Flûte  enchantée, 
Berton  dans  Aline  et  dans  le  Délire,  Meyerbeer  dans  les  Huguenots  et 
dans  le  Prophète,  ont  tiré  de  l'intérêt  et  de  beaux  effets  de  ce  moyen, 
mais  Wagner  ne  veut  pas  avoir  appliqué  à  toute  la  durée  du  drame 
cette  idée  par  imitation.  Voici  ce  qu'il  rapporte  à  ce  sujet  :  «  Je  me 
souviens  qu'avant  de  procéder  à  la  composition  proprement  dite  du 
Hollandais  volant,  j'ébauchai  d'abord  la  ballade  de  Sente  au  second 
acte,  et  en  écrivis  les  vers  et  la  mélodie.  Dans  ce  morceau,  je  plaçai  sans 
le  savoir  le  germe  de  toute  la  musique  de  l'opéra  ;  car  c'est  l'image 
condensée  de  tout  le  drame  tel  qu'il  était  dans  mon  âme.  Cette  image 
thématique  s'étendit  ensuite  devant  moi  et  comme  un  tissu  complet  sur 
tout  le  drame,  parce  que  chacune  de  ses  phrases  étaitl'expression  d'une 
situation.»  (P.  155).  Wagner  dit  ensuite  que  cette  idée  s'étendit  dans 
la  composition  de  Tannhauser,  et  prit  son  entier  développement  dans 
celle  de  Lohengrin.  Dans  ce  dernier  ouvrage,  c'est  tout  un  système, 
mais  chacun  des  thèmes  caractéristiques  est  traité  d'une  manière 
différente  à  chacun  de  ses  retours  ;  ce  qui,  dit-il,  établit  une  grande 
richesse  et  beaucoup  de  variété  dans  les  impressions  de  la  musique. 
Il  continue  : 

»  Je  me  souviens  que  dans  la  première  période  musicale  de  ma  jeu- 
nesse j'étais  souvent  préoccupé  de  la  difficulté  d'inventer  des  mélodies 
originales  d'un  caractère  particulier  et  qui  m'appartinssent  en  propre. 
Plus  tard,  lorsque  j'entrai  dans  la  voie  de  l'union  intime  de  mes  créa- 


DE  PARIS. 


227 


tiuns  poétiques  et  musicales,  cette  inquiétude  de  mélodies  s'affaiblit 
par  degrés,  et  je  finis  par  la  perdre  complètement.  Dans  mes  premiers 
opéras  j'étais  simplement  déterminé  par  les  formes  traditionnelles  de 
h  mélodie  moderne  que  j'imitais  dans  ce  qu'elle  a  d'essentiel,  et  que 
je  tâchais  de  rn'approprier  par  des  artifices  d'harmonie  et  de  rhythme. 
Lorsque  j'écrivis  la  Défense  d'amour,  je  tombai  ouvertement  dans  l'i- 
mitation de  la  cantilène  moderne  d'Italie;  dans  Rienzi ,  lorsque  le  sujet 
ne  me  fournit  pas  par  lui-même  de  détermination  caractérisée,  je  fus 
entraîné  à  imiter  le  genre  mixte  italien-français  qui  m'avait  plu  dans 
les  opéras  de  Spontini.  Insensiblement  la  mélodie  des  opéras  moder- 
nes perdit  toute  influence  sur  moi.  Lorsque  j'écrivis  le  Hollandais 
volant,  je  cherchais  à  me  rapprocher,  dans  la  ballade,  du  caractère  de 
la  chanson  populaire,  et  cette  tendance  devint  encore  plus  marquée 
dans  la  chanson  des  fileuses,  et  surtout  dans  celle  des  matelots.  Ce 
qui  distingue  particulièrement  la  mélodie  populaire  des  formes  de  la 
mélodie  italienne,  c'est  son  incisive  vivacité  rhythmique.  Notre  mélo- 
die absolue  n'est  si  inférieure  à  la  mélodie  populaire  que  parce  qu'elle 
s'éloigne  de  cette  qualité  rhythmique.  Or  l'histoire  de  la  musique  mo- 
derne d'opéra  n'étant  que  celle  de  la  mélodie  absolue,  il  est  évident 
que  les  compositeurs  de  l'époque  actuelle,  particulièrement  les  Français 
et  leurs  imitateurs,  n'ont  pu  donner  quelque  valeur  à  leurs  ouvrages 
qu'en  rapprochant  leur  mélodie  du  caractère  de  la  danse  :  la  contre- 
danse avec  ses  variétés,  telle  est  eu  réalité  la  signification  de  la  mélodie 
actuelle  de  l'opéra.  Or,  il  ne  m'importe  guère  de  trouver  des  mélodies 
de  cette  espèce  :  ce  qui  m'intéresse,  c'est  l'expression  la  plus  conve- 
nable pour  mon  sujet.  »  Après  ce  curieux  passage,  Wagner  accumule 
les  paradoxes  pour  démontrer  que  la  mélodie  est  une  partie  de  l'art  à 
laquelle  on  a  accordé  trop  d'importance  ;  puis  il  termine  par  cette 
phrase  :  «  Dans  le  Hollandais  volant,  j'avais  encore  conservé  par  ci, 
par  là,  quelques  traces  de  chant,  quelques  cadences  mélodiques  ;  in- 
volontairement je  m'y  laissai  encore  entraîner  dans  le  Tannhauscr  et 
même  dans  Lohenyrin;  mais  insensiblement  je  me  suis  soustrait  a 
celte  influence,  et  j'y  ai  enfin  échappé  d'une  manière  dàcisiveâ  mesure 
que  le  vers  parlé  seul  m'a  déterminé  par  le  progrès  de  son  expression 
musicale.  »   (Page  160.) 

Que  dire  de  pareilles  folies?  Que  dire  de  cet  orgueil  exubérant,  qui, 
ne  pouvant  gravir  les  hauteurs  de  l'art  d'inspiration,  imagine  de  les 
saper  par  le  fondement,  et  de  poser  sur  leurs  débris  les  bases  d'un  art 
systématique,  d'un  art  impossible,  qui  ne  peut  avoir  été  conçu  que  par 
un  cerveau  malade?  Y  a-t-il  une  réponse  sérieuse  à  faire  à  de  pareilles 
choses  ?  Je  n'en  connais  qu'une  ;  le  poëte  qui  me  la  fournit  l'adressa 
jadis  aux  Wagners  de  tous  les  temps.  Celui  dont  je  m'occupe  n'en  eut 
vraisemblablement  jamais  connaissance;  je  pense  qu'il  en  pourrait  faire 
son  profit,  et  je  vais  la  lui  dire  : 

Un  vieux  renard,  mais  des  plus  fins, 
Grand  croqueur  de  poulets,  grand  preneur  de  lapins, 
Sentant  son  renard  d'une  lieue, 
Fut  enfin  au  piège  attrapé. 
Par  grand  hasard  en  étant  échappé, 
Non  pas  franc,  car  pour  gage  il  y  laissa  sa  queue; 
S'étant,  dis-je,  sauvé  sans  queue  et  tout  honteux, 
Pour  avoir  des  pareils  (comme  il  était  habile), 
Un  jour  que  les  renards  tenaient  conseil  entre  eux  : 
Que  faisons-nous,  dit-il,  de  ce  poids  inutile 
Et  qui  va  balayant  tous  les  sentiers  fangeux  ? 
Que  nous  sert  cette  queue?  Il  faut  qu'on  se  la  coupe. 
Si  l'on  m'en  croit,  chacun  s'y  résoudra. 
Votre  avis  est  fort  bon,  dit  quelqu'un  de  la  troupe; 
Mais  tournez-vous,  de  grâce,  et  l'on  vous  répondra. 
A  ces  mots  il  se  fit  une  telle  huée, 
Que  le  pauvre  écourté  ne  put  être  entendu. 
Prétendre  oter  la  queue  eût  été  temps  perdu  : 
La  mode  en  fut  continuée. 

La  mode  en  fut  continuée!  Voilà  quel  sera  le  succès  des  entreprises 
de  M.  Wagner  contre  l'art  éternel  dont  il  a  rêvé  la  destruction  ,  car  le 
principe  de  cet  art  est  dans  le  cœur  de  l'homme.  La  mode,  c'est  ici  la 
nécessité  de  la  soumission  aux  lois  de  la  création.  Le  chant,  n'est-ce 
pas  l'expansion  des  sentiments  les  plus  purs  et  les  plus  élevés  ?  Est-il 


dans  sa  nature  de  se  confondre  avec  la  parole?  N'est-il  pas  la  mani- 
festation des  émotions  diversement  modifiées  de  notre  àrne  ?  Vous  ne 
voulez  pas  lui  laisser  le  vague  et  l'indéterminé  de  nos  sentiments,  bien 
que  sa  poésie  y  soit  essentiellement  inhérente.  Vous  voulez,  par  la 
synthèse  de  l'intelligence  et  de  la  sensibilité,  lui  enlever  ce  qui  le  ca- 
ractérise comme  mélodie  pure,  pour  le  rapprocher  du  positif  de  la  pa- 
role ,  et  afin  que  l'expression  ait  autant  que  possible  le  caractère  du 
vrai  !  Mais  en  supposant  que  l'art  pût  ainsi  changer  de  destination  sans 
être  anéanti,  l'entreprise  de  sa  transformation  serait  insensée;  car  ja- 
mais la  synthèse  de  l'intellectuel  et  du  sentimental  ne  pourra  être  telle 
que  l'accent  de  la  passion  s'identifie  au  positif  philosophique  !  Que 
voulez-vous  ?  Que  cet  accent  ait  plus  de  liberté  que  dans  les  formes 
delà  mélodie  purement  conventionnelles,  selon  vous?  Mais  l'art  a  déjà 
mis  cette  liberté  de  formes  à  votre  disposition  et  vous  en  avez  déjà 
sous  les  yeux  d'admirables  produits  dans  certains  récitatifs  de  Gluck, 
de  Sacchini  et  d'autres  maîtres.  Je  sais  que  vous  n'admettez  pas  les 
modèles  ;  le  monumental,  comme  vous  l'appelez,  vous  importune  ; 
vous  voulez  l'anéantir  par  le  même  motif  que  vous  niez  le  beau,  le  gé- 
nie qui  le  crée,  l'imagination  qui,  par  sa  spontanéité,  en  diversifie  les 
formes,  enfin  tout  ce  qui  condamne  votre  folle  entreprise  ;  mais  pour- 
tant votre  prédécesseur  Omar  eut  beau  faire  incendier  la  bibliothèque 
d'Alexandrie,  il  ne  put  faire  que  le  monde  ne  fût  en  possession  des  tré- 
sors intellectuels  de  l'antiquité,  ou  du  moins  de  quelques-uns  des  plus 
beaux  monuments  de  la  science  et  de  l'art  ;  vous  ne  pourrez  faire 
aussi  que  le  cœur  de  tout  être  bien  organisé  ne  batte  sous  les  ravissan- 
tes impressions  que  produit  ce  qui  mérite  le  nom  de  beau  ;  et  vos  so- 
phismes  ne  feront  jamais  croire  que  le  monde  attendait  un  rédempteui 
pour  le  relever  de  cette  erreur. 

Par  quelles  pitoyables  raisons,  d'ailleurs,  attaquez-vous  les  formes 
de  la  mélodie  ?  L'art  moderne,  objet  de  vos  mépris,  vous  parait  dégé- 
néré? Ses  mélodies  vous  semblent  vulgaires  et  dépouillées  du  senti- 
ment poétique  ?  Soit.  Admettons  que  vous  êLes  dans  le  vrai,  et  que  votre 
intérêt  ne  vous  dicte  pas  vos  critiques  :  qu'en  devrons-nous  conclure? 
Evidemment  qu'il  faut  rappeler  l'art  dans  une  direction  plus  pure,  et 
lui  faire  produire  des  mélodiesempreintes  du  charme  qui  séduitdansles 
œuvres  des  plus  grands  artistes  ;  mais  nier  la  valeur  de  la  méthode  en 
elle-même,  parce  qu'elle  ne  sympathise  pas  avec  un  système  pré- 
conçu ,  parce  qu'elle  est  trop  évidemment  la  musique  proprement 
dite  pour  s'assimiler  à  la  conception  malheureuse  qui  vous  préoc- 
cupe :  cela  n'a  point  de  sens. 

FÉÏ1S  père. 
(La  suite  au  prochain  numéro.) 


LITïMTUaE  I0SÏCÂLE. 

BEETHOVEN  ET   SES  TlèOiS  S'ff'E'fc.ES, 
PAR  W.  DE  LENZ. 

(Second  article.)  (I) 

11  faut  convenir  que  l'architecture  générale  de  ce  livre  est  étrange  et 
que  sa  distribution  intérieure  a  quelque  chose  de  fort  irr'gulier.  L'au- 
teur, comme  son  titre  l'indique,  voulait  examiner  les  trois  manières 
de  Beethoven,  et,  soit  dit  en  passant,  c'est  M.  Fétis  qui  le  premier  eut 
l'idée  de  diviser  les  œuvres  du  grand  maître  en  trois  catégories  ou  trois 
époques  ;  M.  de  Lenz  le  rappelle,  tout  en  critiquant  beaucoup  M.  Fétis, 
mais  M.  Fétis  est  en  fonds  pour  le  lui  rendre,  et  il  aurait  trop  beau  jeu. 
N'empiétons  pas  sur  le  terrain  et  sur  les  droits  du  puissant  athlète. 
Bornons-nous  à  voir  ce  que  M.  de  Lenz  voulait  faire  et  ce  qu'il  a  fait. 
Vous  croiriez  peut-être  qu'il  a  commencé  par  écrire  une  large  biogra- 
phie de  Beethoven,  ou  par  dresser  un  catalogue  complet  de  ses  com- 
positions pour  les  reprendre  ensuite  une  à  une,  et  les  rattacher  à  l'un 
des  trois  groupes  suivant  leur  date  et  leur  caractère  ?  Nullement. 
M.  de  Lenz  ne  procède  pas  ainsi  ;  le  plan  de  son  livre,  si  cela  peut  s'ap- 

(I)  Voir  le  numéro  27. 


228 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


peler  un  plan,  a  horreur  de  la  ligne  droite;  il  s'égare  en  une  foule  de 
méandres  et  revient  à  chaque  instant  sur  ses  pas. 

Ainsi,  nous  avons  d'abord,  en  forme  d'introduction,  un  chapitre  in- 
titule :  De  la  voltige  transcendante  du  piano.  Pour  sentir  l'a  propos 
de  ce  chapitre  tout  bourré  d'épigrammes  et  que  l'on  croirait  sorti  du 
fameux  bocal  gorgé  d'affreux  insecte.1!,  il  faut  savoir  que,  dans  la 
riche  collection  des  œuvres  de  Beethoven,  ce  sont  surtout  les  sonates 
pour  piano  qui  ont  préoccupé  M.  de  Lenz.  Il  reproche  quelque  part  à 
M.  Oulibicheff  de  n'avoir  pas  dit  un  seul  mot,  dans  ses  trois  volumes 
sur  Mozart,  des  compositions  de  ce  maître  pour  piano  seul  et  piano 
avec  accompagnement.  M.  de  Lenz  est  tombé  dans  l'excès  contraire  ; 
il  n'a  presque  vu  Beethoven  qu'à  travers  ses  sonates. 

Au  chapitre  de  la  Voltige  transcendante  succède  un  autre  cha- 
pitre sur  Haydn,  Mozart,  Beethoven  ,  Weber,  Mendelssohn  ;  puis  nous 
arrivons  aux  trois  styles  de  Beethoven  ,  d'où  nous  passons  aux  sonates 
de  piano  de  Beethoven.  Ici,  le  fil  se  brise,  et  nous  nous  arrêtons  devant 
le  Coin  du  feu  du  pianiste,  espèce  de  parenthèse,  comme  dit  l'auteur,  à 
l'abri  de  laquelle  il  essaie  de  caractériser  Beethoven  ,  en  le  comparant 
à  Mozart  et  à  Weber.  Alors  aussi,  profitant  de  la  station,  il  trace  en  vingt 
pages  une  esquisse  biographique  de  Beethoven  ,  et  cette  esquisse,  un 
peu  trop  laconique,  termine  l'introduction. 

Nous  voici  parvenu  au  livre  proprement  dit,  à  l'analyse  des  trente- 
deux  sonates,  première  manière,  seconde  manière,  troisième  manière. 
Après  quoi,  si  vous  supposez  le  livre  fini,  vous  êtes  dans  l'erreur. 
L'auteur  va  vous  donner  ce  qui  le  couronne,  ce  qu'il  contient  certai- 
nement de  plus  curieux ,  un  catalogue  qui  lui  a  coûté  vingt  ans  de  re- 
cherches, catalogue  critique,  chronologique  et  anecdotique,  embrassant 
l'œuvre  entier,  trios,  quatuors,  quintettes,  symphonies,  messes,  con- 
certos, et  les  trente-deux  sonates,  qui  reparaissent  encore,  chacune  à 
son  numéro,  haute  futaie  musicale  parsemée  de  cèdres  du  Liban  !  En  fin 
de  compte,  viennent  les  quatre  suppléments,  dont  le  dernier  renferme 
deux  lettres  inédites  de  Beethoven.  Ajoutez  encore  un  tableau  général 
du  catalogue,  divisé  par  genres  d'ouvrages,  et  tout  sera  consommé. 

C'est  surtout  quand  on  a  parcouru  cette  réunion  de  chapitres,  plu- 
tôt que  ce  livre,  ce  rendez-vous  de  châteaux,  plutôt  que  ce  château  , 
comme  on  l'a  dit  de  Fontainebleau  antique  et  moderne,  qu'on  s'étonne 
que  l'auteur  ait  choisi  pour  exorde  ce  chapitre  incroyable  :  De  la  Vol- 
tige transcendante  du  piano.  Et  savez-vous,  monsieur  de  Lenz  ,  ce  que 
nous  trouvons  de  plus  choquant  dans  ce  chapitre  ?  C'est  qu'en  vous 
insurgeant  de  toutes  vos  forces  contre  la  voltige  transcendante  du  piano, 
vous  faites,  ce  qui  est  bien  pis,  de  la  voltige  transcendante  de.  style. 
Oui ,  vraiment ,  vous  tombez  dans  tous  les  abus  d'une  école  qui  se 
joue  de  la  phrase  comme  d'un  ballon  vide;  qui  prodigue  l'image,  le 
cliquetis,  le  calembour  même  ;  école  brillante  qui  a  eu  son  temps  et 
sa  vogue,  mais  dont  les  débauches  de  forme  et  de  couleur  n'ont  jamais 
été  reçues  clans  le  langage  de  la  saine  et  sobre  critique.  Comprend-on 
qu'un  livre  sur  les  trois  styles  de  Beethoven  débute  ainsi  :  «  Aujour- 
»  d'hui,  on  ne  joue  plus  le  piano,  on  le  monte.  Devenu  cheval  de 
»  cirque,  de  fougueux  et  intrépides  cavaliers  promènent  ce  pauvre 
»  piano  aux  yeux  d'un  public  ébahi ,  à  tant  de  notes  par  minute,  et 
»  tous  d'applaudir.  On  monte  le  piano  sellé  ou  non  sellé.  Le  non  sellé, 
»  c'est  la  fantaisie  ;  le  sellé,  la  transcription ,  la  romance  sans  paroles, 
»  le  plus  souvent  sans  rien  du  tout,  ou  la  paraphrase  de  n'importe 
»  quelle  marche,  peu  turque  apparemment,  du  sultan.  » 

Voyez-vous  d'ici  l'épigramme  allonger  sa  griffe  ?  Le  chapitre  de  la 
Voltige  tranesendanie  ne  fait  autre  chose  que  d'écorcher,  à  dire  d'ex- 
perts, un  certain  nombre  de  pianistes  célèbres,  les  uns  nommés 
en  toutes  lettres,  les  autres  désignés  par  quelques  signes  ou  attributs. 
Ainsi  votre  esprit  perce  facilement  à  travers  les  voiles  de  cette  marche 
peuturque,  de  cette  paraphrase  qui,  suivant  M.  de  Lenz,  nous  re- 
vient des  temps  éloignés  «  voie  de  piano  et  d'un  peu  de  Coran.  »  Et 
il  ajoute  :  «  Apprenons  le  turc,  s'il  faut  être  infidèle  pour  déchiffrer  au- 
»  jourd'hui  une  marche.  »  Vous  pénétrez  encore  très-bien  le  mys- 
tère de  ce  morceau  «  pompeusement  a~ppe\épompa  di  festa,  improvisé, 


»  il  faut  le  croire,  pour  quelque  fête  de  pompiers  en  pompettes  \  » 
Quelle  plaisanterie  de  bon  goût!  quelle  finesse  de  style!  Et  M.  de  Lenz 
ne  s'en  tient  pas  là  ;  quelques  lignes  plus  loin  il  continue,  en  enchéris- 
sant :  «  Tous  ces  Auriol-pompiers  du  piano,  etc.,  etc.  »  Décidément 
il  tient  à  ses  pompiers,  dérivant  de  pompa,  jeu  de  mots  rempli  d'atti- 
cisme  ! 

Tout  à  l'heure  on  a  vu  par  le  piano  sellé  et  non  sellé  que  l'auteur 
affectionnait  la  métaphore  tirée  des  exercices  équestres.  En  voici  un 
autre  exemple  qui  n'est  pas  moins  remarquable  :  il  s'agit  du  presto, 
presto  indomptable  en  si  mineur,  d'une  fantaisie  de  Beethoven  pour  le 
piano  forte,  œuvre  77  :  «  Ce  presto,  dit  M.  de  Lenz,  où  la  bordée 
»  d'octave  entre  le  premier  et  le  second  point  d'orgue  est  d'une  grande 
»  difficulté,  a  été  fort  imité.  Weber  et  Mendelssohn  l'avaient  pour  ami. 
»  Dans  l'Erlkœnig  de  Schubert,  dans  le  Maseppa  de  Lœve,  partout 
»  où  piaffa  un  cheval,  ce  presto  le  nourrit,  Yétrilla,  le  pansa.  C'est 
»  là  un  presto  pur  sang,  etc.,  etc.  »  Que  vous  semble  de  cette  nou- 
velle façon  de  parler  musique  ?  Passe  encore  si  c'était  de  la  musique  de 
cheval,  et  alors  il  faudrait  que  la  critique  allât  faire  ses  [études  chez 
Franconi. 

L'autre  jour  nous  citions  Molière,  ce  Parisien  de  bon  sens  et  de 
génie,  à  propos  des  excès  d'enthousiasme  ;  nous  sommes  tenté  de  le 
citer  encore,  à  propos  des  excès  de  style.  N'est-ce  pas  lui  qui  dit,  dans 
son  Misanthrope  : 

Ce  style  figuré,  dont  on  fait  vanité 

Sort  du  bon  caractère  et  de  la  vérité. 

Ce  n'est  que  jeu  de  mots,  qu'affectation  pure, 

Et  ce  n'est  pas  ainsi  que  parle...  la  critique. 

Non,  la  critique  sage  et  savante  n'a  que  faire  de  ce  jargon  faux  et 
bizarre,  inintelligible  souvent;  car,  s'il  vous  plaît,  qui  nous  expliquera 
ce  que  M.  de  Lenz  veut  dire,  quand  il  dit  que  Thalberg  macadamise 
sur  son  piano  de  la  musique  que  les  affiches  appellent  la  sienne! 
Qu'entend-il  par  des  expressions  comme  celles-ci?  «  Beproduire  l'her- 
»  maphrodite  de  l'artistc-hoimne  du  monde,  du  pianiste-pouvoir-social, 
»  créés  de  nos  jours  et  déjà  tant  perfectionnés.  »  Fiat  lux  !  Nous  ai- 
mions encore  mieux  les  métaphores  équestres  :  du  moins  c'était  plus 
clair.  Nous  ferons  grâce  au  lecteur  de  la  tirade  qui  suit  ces  phrases 
étonnantes ,  et  au  bout  de  laquelle  l'auteur  arrive  à  cette  conclusion  , 
plus  étonnante  encore,  à  savoir  :  que  Thalberg  n'est  point  sans  avoir 
rendu  service  au  piano.  La  belle  découverte  !  Et  comme  c'est  la  peine 
d'avoir  tant  étudié,  pour  nous  apprendre  cela  ! 

Finissons-en  donc,  une  fois  pour  toutes,  avec  cet  impertinent  et  pré- 
tentieux chapitre  de  la  voltige  transcendante.  Retire-toi,  voltige!  Vol- 
tige, que  nous  veux-tu  ?  Venons  aux  32  sonates  ;  venons  à  ces  pages 
mieux  pensées,  mieux  écrites,  où  l'auteur,  sans  renoncer  jamais  entiè- 
rement à  Satan  et  à  ses  pompes  (voilà  que  le  mal  nous  prend  aussi), 
n'en  montre  pas  moins  une  rare  sagacité  d'observation  relevée  par  un 
souffle  de  poésie.  Ce  que  nous  allons  citer  n'est  pas  irréprochable  , 
mais  la  justesse  des  aperçus  y  rachète  ce  que  l'expression  a  parfois 
d'incorrect  et  d'exagéré.  L'auteur  cherche  à  préciser  ce  que  les  grands 
maîtres  ont  fait  du  piano  (et  non  plus  de  la  voltige  transcendante). 

«  Weber,  dit-il,  ne  marche  l'égal  ni  de  Mozart ,  ni  de  Beethoven  , 
»  mais  sa  musique  de  piano  est  un  degré  de  plus,  en  ce  qu'il  agrandit 
»  les  ressources  de  l'instrument  et  lui  interdit  cet  air  piteux  qui  sem- 
»  blait  demander  l'aumône  à  l'orchestre,  dont  le  piano  paraissait  n'être 
»  que  le  domestique  de  confiance.  On  prendrait  assez  souvent  les  so- 
»  nates  de  piano  de  Mozart  pour  des  cartons  de  quatuor,  les  sonates 
»  de  Beethoven  pour  des  cartons  symphoniques,  quand  les  quatre  so- 
)>  nates  de  Weber  sont  le  piano,  sa  plus  belle  expression,  en  tant  qu'in- 
»  strument.  En  d'autres  termes,  le  piano  de  Mozart  est  le  clavecin  per- 
»  fectionné  de  Haydn  ;  —  le  piano  de  Beethoven,  la  conquête  de  l'or- 
»  chestre  par  le  piano,  —  instrument  nouveau  et  terrible.  Le  piano 
»  amoureux,  l'aimable  piano  de  Weber,  exagéré  dans  ses  moyens,  est 
»  devenu  notre  piano  à  nous,  le  piano  olympique  (?)  le  piano  monté  à 
»  mort  par  un  peuple  nouveau  venu,  forcé  déjà  à  rebrousser  chemin  , 
»  parce  que  le  terrain  [des  difficultés  vient  à  manquer.  —  L'impor- 


DE  PARIS. 


229 


»  tance  de  la  musique  de  piano  de  Weber  ne  fut  bien  reconnue  qu'a- 
»  près  sa  mort.  On  doit  à  Liszt  d'avoir  fait  triompher  le  nom  de  Wcber 
»  en  l'inscrivant  en  tête  du  répertoire  do  ses  concerts.  Les  contempo- 
»  rains  de  Weber  n'avaient  rien  compris  aux  dixièmes  de  sa  main 
»  gauche,  aux  octaves  qu'il  employa  le  premier  en  rapides  figures.  » 
A  quelque  distance  de  là,  M.  de  Lenz  dit  encore,  toujours  au  sujet  du 
piano  :  «  A  considérer  l'œuvre  de  piano  de  Mozart,  il  semblerait  que 
»  le  piano  parût  à  Mozart,  quoiqu'il  fût  pianiste,  et  peut-être  parce 
»  qu'il  fut  pianiste,  un  trop  pauvre  hère  et  de  trop  médiocre  maison 
»  pour  mériter  qu'on  lui  confiât  le  plus  précieux  de  ses  trésors.  Mozart 
»  aima  donc  mieux  s'adresser  au  quatuor,  à  la  symphonie ,  au  style 
»  d'église,  à  l'opéra  :  il  confia  fortuitement  au  piano  l'interprétation 
»  des  plus  belles  choses,  par  accident,  quand  il  lui  fallait  faire  un  mor- 
»  ceau  de  pianc.  Beethoven  ouvrit  amoureusement  au  piano  le  plus  caché 
»  de  son  âme,  jugeant  la  symphonie  une  trop  grande  dame  pour  la  tenter 
»  plus  de  neuf  fois  pendant  une  vie  de  cinquante-sept  ans.  Haydn  et 
»  Mozart  composaient  des  symphonies  comme  ils  composaient  autre 
»  chose;  Beethoven  la  regardait  comme  la  majeure  affaire  de  son  exis- 
»  tence,  comme  le  triomphe  du  style  auquel  il  attacherait  à  jamais  son 
»  nom.  Par  ses  sympathies,  et  abstraction  faite  de  musique,  et  rien 
»  qu'à  les  considérer  comme  édifice  d'idées,  Beethoven  marche  l'égaj 
»  des  plus  grands  esprits  que  l'histoire  de  l'humanité  connaisse. 
»  Comme  Napoléon,  Beethoven  est  déjà  invraisemblable;  on  le  pren- 
»  drait  parfois  pour  un  mythe.  » 

Ici,  nous  ne  nous  entendons  plus:  après  une  suite  de  remarques  in- 
génieuses et  lucides,  n'est-ce  pas  dommage  d'aboutir  au  type-Napoléon 
et  au  ?/?yWe-Beethoven  ?  Quelle  comparaison  possible  entre  un  grand 
homme  de  guerre,  un  grand  législateur,  un  grand  souverain,  et  l'auteur 
d'admirables  symphonies,  compositeur  gigantesque,  à  la  vérité  ,  mais 
qui,  en  fait  de  gouvernement,  ne  pouvait  pas  même  parvenir  à  mettre 
un  peu  d'ordre  dans  son  humble  et  grossier  ménage  ?  Quel  besoin  de 
faire  de  Beethoven  un  mythe  ?  Laissez-le  plutôt  ce  qu'il  est  :  il  ne 
peut  qu'y  gagner.  Qui  donc  a  jamais  songé  au  mythe-Bossuët,  au 
mylhe-CoraeiWe,  au  mylher Voltaire,  au  w?///ie-Shakspeare,  au  mythe  - 
Newton  ?  Si  vous  voulez  honorer  dignement  les  grands  hommes,  ne  les 
enlevez  ni  à  la  sphère,  ni  aux  conditions  de  l'humanité. 

M.  de  Lenz  sait  encore  cela  tout  aussi  bien  que  nous,  lui  qui  n'a 
pas  dissimulé  les  erreurs,  les  faiblesses  causées  par  la  nature  mor- 
telle et  périssable  de  son  dieu,  lui  qui  n'a  pas  exalté  la  troisième  ma- 
nière de  Beethoven  au-dessus  de  la  première  et  de  la  seconde,  lui  qui 
a  compris  en  quoi  cette  troisième  manière  devait  se  ressentir  d'une 
fatale  infirmité  :  «  Solitaire  habitant,  dit-il,  de  la  vaste  cité  qu'il  éle- 
»  vait  sans  cesse,  que  sa  surdité  entourait  de  hautes  falaises,  au  pied 
»  desquelles  expiraient  pour  lui  les  agitations  du  monde,  sa  pensée  dut 
»  se  compliquer  du  conflit  de  ses  souvenirs  et  du  monde  fantastique  de 
»  son  âme.  Fruit  d'une  immense  méditation,  dont  il  n'y  a  pas  d'exem- 
»  pie,  la  troisième  manière  de  Beethoven  n'a  plus  la  spontanéité  des 
»  deux  premières;  mais  elle  a  et  elle  aura  à  jamais  l'intérêt  de  mon- 
»  trer  le  génie  aux  prises  avec  les  réalités.  Tout  en  s'appuyant  sur  les 
»  données  de  notre  sphère  d'impression,  Beethoven  la  dépasse  et  la 
»  continue  au-delà  des  limites  qu'elle  a  pour  nous.  Cette  existence,  en 
»  dehors  de  nos  réalités,  a  bien  sa  grandeur  :  l'existence  des  hommes 
»  perdue  pour  le  maître  ,  il  semblerait  le  voir  la  chercher  dans  des  ac- 
»  cents  qui,  direz-vous,  auraient  dû  fléchir  le  sort.  Le  nombre  même 
»  des  notes  que  Beethoven  croyait  entendre  et  qu'il  n'entendait  plus, 
»  dut  augmenter  :  n'aime-t-on  pas  immodérément  un  bien  perdu  à  ja- 
»  mais?  En  d'autres  termes,  il  y  a  beaucoup  plus  dénotes  dans  la  troi- 
»  sième  manière  de  Beethoven,  parce  qu'il  n'y  en  avait  plus  du  tout 
»  pour  lui.  » 

Restons  pour  aujourd'hui  sur  ce  dernier  trait ,  dont  nous  faisons 
compliment  à  M.  de  Lenz.  Dans  un  prochain  article,  nous  achèverons 
d'étudier  Beethoven  dans  son  livre,  et  c'est  surtout  à  l'homme  que 
nous  nous  attacherons.  Paul  SMITH. 

{La  suite  cm  prochain  numéro.) 


FÊTES  MUSICALES  DE  L'OUEST. 

Les  t'êtes  de  l'Association  musicale  de  l'Ouest  ont  été  célébrées  cette 
année  à  Limoges,  avec  une  grande  solennité,  les  17  et  18  juin  derniers  et 
jours  suivants.  Deux  concerts,  bal,  fêtes  à  la  campagne,  rien  n'y  eût  man- 
qué, si  la  pluie  n'eût  empêché  d'exécuter  un  magnifique  carrousel  qu'on 
avait  préparé.  Plusieurs  des  célébrités  de  la  capitale  ont  été  appelées 
pour  figurer  dans  ces  deux  concerts.  Nous  citerons  d'abord  Mlle  Duprez, 
quia  chanté  avec  un  grandsuccès,  notamment  un  boléro  de  son  père,  après 
lequel  une  triple  salve  d'applaudissements  lui  a  prouvé  la  satisfaction  de 
l'auditoire.  Elle  a  été  très-bien  secondée  dans  plusieurs  autres  morceaux 
par  MM.  Poultier  et  Balanqué,  qui  ont  été  aussi  parfaitement  accueillis 
dans  les  solos  dont  ils  étaient  chargés.  Les  inséparables  JaDCourt  et  Trié- 
bert,  cet  accord  musical  si  parfait,  quoiqu'il  ne  fasse  jamais  entendre 
que  deux  notes  à  la  fois,  ont  fait  vibrer  tous  les  cœurs,  qui  ont  exprimé 
avec  enthousiasme  le  plaisir  qu'i  s  éprouvaient.  MM.  Jacquart  (violon- 
celle), et  Chaîne  (violon),  leur  ont  dignement  succédé  et  se  sont  fait 
remarquer  par  leur  style  pur  et  leur  brillante  exécution,  ainsi  que 
MmeBennassi,  de  Limoges,  par  un  jeu  fin  et  délicat,  dans  une  fantaisie 
pour  le  piano. 

En  parlant  des  talents  distingués  que  renferme  la  ville  de  Limoges, 
nous  ne  devons  pas  omettre  de  mentionner  plusieurs  amateurs  des  deux' 
sexes  qui  ont  chanté  divers  morceaux  d'une  manière  très-remarquable, 
dans  le  premier  et  dans  le  second  concert.  L'un  de  ces  amateurs  s'est 
manifesté  comme  excellent  musicien  et  chanteur  habile,  en  se  chargeant 
à  l'improviste,  le  second  jour,  du  rôle  de  Brogni  dans  l'introduction  de  la 
Jan-c,  en  remplacement  de  M;  Balanqué  qui  s'est  trouvé  subitement  in- 
disposé. Parmi  ces  amateurs,  nous  n'oublierons  pas  un  jeune  harpiste, 
élève  de  Godefroid  et  de  beaucoup  de  talent,  qui  appartient  à  Limoges 
par  sa  famille,  quoiqu  il  habite  Paris,  nous  a-t-on  dit,  une  grande  partie 
de  l'année. 

Voilà  pour  les  solos,  utile  et  brillant  ornement;  quant  aux  morceaux 
d'ensemble,  partie  essentielle  de  ces  fêtes,  et  que  les  comités  organisa- 
teurs ne  doivent  jamais  perdre  de  vue,  voici  ceux  qui  entraient  dans  les 
deux  concerts  dont  nous  rendons  compte  :  1  es  deux  premiers  mouve- 
ments de  l'admirable  Dies  irœ  de  Cherubini  ;  YAvi  verum,  si  plein  d'onc- 
tion, de  Mozart  ;  la  délicieuse  introduction  de  Guillaume  Tell  ;  celle  si 
belle  et  si  solennelle  de  la  Juive  ;  les  ouvertures  de  Guillaume  Tell  et  de 
Robin  des  Bois  ;  la  splendide  symphonie  pastorale.  Tous  ces  morceaux  ont 
été  parfaitement  dirigés  par  M.  Farge,  que  la  Société  philharmonique  de 
Limoges  doit  se  féliciter  d'avoir  pour  chef  d'orchestre.  Il  a  trouvé,  du 
reste,  d'habiles  et  zélés  auxiliaires  dans  un  orchestre  de  cent  cinquante 
exécutants  et  plus  de  deux  cents  choristes  :  aussi  l'effet  a-til  été  très- 
puissant  dans  une  salle  qui  contenait  de  15  à  1,800  auditeurs.  Tous  les 
morceaux  que  nous  venons  de  citer  n'ont  pas  été  dits  par  fragments, 
mais  en  entier,  trop  en  entier  peut-être  ;  car,  pour  les  morceaux  d'opéra, 
on  aurait  désiré  quelques  coupures  dans  les  récitatifs  où  manquait  par- 
fois l'effet  de  la  scène. 

On  a  entendu,  en  outre,  dans  le  premier  concert,  le  Kyrie  et  le  Credo 
d'une  messe  solennelle  de.  M.  Beaulieu,  exécutés  à  Paris  il  y  a  quelques 
années,  à  Saint-Eustache.  M.  Beaulieu  est,  dans  nos  contrées  de  l'Ouest, 
un  des  plus  ardents  propagateurs  de  l'art  auquel  il  a  consacré  sa  vie; 
c'est  lui  qui,  en  1835,  a  été,  à  Niort,  le  premier  promoteur  de  nos  fêtes 
musicales,  et  les  journaux  de  la  capitale  ont  rendu  compte  des  séances 
qu'il  organise  fréquemment  dans  ce  centre  des  arts.  11  a  lui-même  di- 
rigé son  œuvre,  et  il  a  dû  être  satisfait  de  l'exécution  ;  les  chœurs  et 
l'orchestre  y  ont  apporté  un  soin  et  un  zèle  remarquable.  Le  Kyrie  est 
d'un  caractère  touchant  ;  les  solos  s'y  marient  bien  avec  le  chœur.  Le 
Credo  est  conçu  largement  et  d'une  couleur  dramatique  ;  on  doit  féli- 
citer l'auteur  d'y  avoir  fait  usage  du  plain-chant  des  fêtes  solennelles 
pour  donner  plus  de  grandeur  à  sa  musique.  Cet  ouvrage  prouve  que 
M.  Beaulieu  sait  écrire  pour  les  voix;  la  mélodie  n'y  est  jamais  étouffée 
par  l'instrumentation. 

Nous  ne  terminerons  pas  ce  compte-rendu  sans  dire  quelques  mots 
sur  les  avantages  nombreux  que  procurent  ces  fêtes.  Elles  ont  une  grande 
importance  sous  le  rapport  musical  en  faisant  entendre,  dans  des  loca- 
lités plus  ou  moins  éloignées  de  la  capitale,  toutes  nos  grandes  composi- 
tions religieuses,  théâtrales  et  instrumentales,  dans  des  conditions  d'exé- 
cution qu'on  rencontre  rarement,  peut-être  même  dans  de  grandes  villes 
telles  que  Lyon,  Bordeaux  ou  Marseille,  et  qu'on  ne  peut  obtenir  que 
par  la  réunion  des  artistes  et  amateurs  les  plus  capables  de  plusieurs 
villes  ;  elles  offrent  aux  artistes  éminents  de  la  capitale  qu'on  appelle 
pour  donner  à  ces  réunions  un  plus  grand  éclat,  des  avantages  qui  ne 
sont  pas  à  dédaigner;  enfin,  elles  sont  pour  les  villes  où  elles  se  cé- 
lèbrent l'occasion  d'un  activité  inaccoutumée,  même  sous  le  rapport 
commercial,  et,  ce  qui  ne  doit  pas  être  moins  apprécié,  elles  rapprochent 
les  hommes,  les  populations  clans  une  même  pensée,  dans  un  sentiment 


230 


REVUE   ET  GAZE1 


MUSICALE 


commun  de  plaisir  doux  et  d'autant  plus  vif  qu'un  plus  grand  nombre  le 
partagent.  Choses  bien  rares  de  nos  jours  ! 


CORRESPOHDAÏCE. 

Liège,  30  juin. 

Fendant  les  neuf  semaines  qui  se  sont  écoulées  depuis  ma  dernière  let- 
tre, nos  annales  musicales  se  sont  grossies  de  quelques  faits.  Au  nombre 
des  principaux,  et  après  vous  avoir  déjà  parlé  du  premier  des  trois  con- 
certs de  carême  donnés  annuellement  par  la  Société  d'émulation,  je  men- 
tionnerai ses  deux  derniers.  Les  protagonistes  les  mieux  accueillis  ont 
été  M.  Reichert  et  Mlle  Vervenne,  Fréry  et  Vercken.  L'étonnant  flûtiste 
Reichert  est  pour  nous  presque  une  vieille  connaissance  et  des  meil- 
leures. Quant  à  Mlle  Vervenne,  de  Bruxelles,  elle  a  dit  d'une  voix  belle, 
puissante  et  large,  mais  avec  trop  peu  de  nuances,  le  grand  air  de  Char- 
les VI  et  celui  de  Y  Italienne  à  Alger.  Les  éloges  que  votre  spirituel  colla- 
borateur, M.  Blanchard,  a  récemment  adressés  à  Mlle  Fréry,  prouvent, 
sans  que  je  doive  maintenant  l'établir,  que  c'est  à  bon  droit  que  notre 
public  avait  fêté,  à  chacune  de  ses  deux  apparitions,  la  jeune  violoniste 
bruxelloise.  Son  talent  s'est  révélé  à  nous  dans  un  air  varié  et  dans  le 
1"  et  le  7e  concerto  de  son  maître,  M.  de  Bériot.  Mlle  Vercken,  l'une  de 
nos  cantatrices  liégeoises,  a,  de  même,  provoqué  tous  les  suffrages  par 
sa  grâce  et  par  ses  vocalises  brillantes  dans  l'air  du  Démon  de  la  Nuit  et 
dans  celui  du  Toréa-ior. 

Quelque  temps' après,  une  matinée  a  été  annoncée  avec  un  tel  fracas 
que  le  dilettantisme  s'en  est  ému.  Il  s'agissait  d'un  pianiste  de  Saint-Pé- 
tersbourg (sic);  je  tairai  son  nom;  mais  il  importait  peu  qu'il  vînt  de  là 
ou  d'ailleurs  :  on  n'assigne  pas  de  frontières  à  la  patrie  des  beaux-arts. 
Cet  artiste  avait  prétenduement  trouvé  un  jeu  individuel  :  force,  chaleur, 
style,  mécanisme,  poésie,  rien  n'y  manquait...,  si  ce  n'est  la  réalité  de 
la  teneur  de  ce  programme.  Différentes  fantaisies  du  bénéficiaire,  —  car  il 
compose  aussi,  —  entre  autres  un  air  russe,  une  polka-mazurka,  un  polka 
tremblante  et  le  Carnaval  de  Venis;  morceau  grotesque,  disait  l'affiche; 
tout  cela  plus  grotesquement  encore  exécuté  au  moyen  d'exercices  di- 
gitigrades audacieux,  du  revers  de  la  main,  de  l'avant-bras  et  même  du 
coude,  ont  démontré,  au  sujet  des  réclames  qui  avaient  été  répandues, 
la  vérité  de  ce  distique  : 

C'est  promettre  beaucoup;  mais  qu'en  sort-il  souvent?... 
Du  vent. 

Aussi  je  me  garderai  bien  de  consailler  à  personne  l'apprentissage  de 
ces  évolutions  gymnastiques,  sous  la  pression  desquelles  le  clavier  et  les 
cordes  ont  eu  rude  besogne  et  ont  produit  des  sons  qui  n'étaient  pas  ir- 
réprochables. Toutefois,  nous  avons  été  dédommagés  par  la  coopération 
à  cette  matinée  de  Mlle  Vercken  et  de  MM.  Dupuis  et  Van  den  Boom. 
Mlle  Vercken  a,  cette  fois  encore,  obtenu  un  succès  aussi  complet  que 
celui  que  j'ai  marqué  précédemment;  et  dans  le  duo  du  Valet  de  chambre, 
de  Carafa,  elle  a  été  bien  secondée  pas  son  frère.  M.  Dupuis,  professeur 
de  violon  à  votre  Conservatoire,  a  rendu  Regrets  et  prière,  de  notre  com- 
patriote Léonard,  et  Souvtniis  de  Grétry,  du  même,  avec  une  justesse 
d'intonation,  un  son  nourri  et  une  exécution  correcte  et  soignée  qui 
ont  excité  d'unanimes  applaudissements.  VHymne  triomphal  pour  deux 
pianos,  de  Brisson,  charmante  page  pleine  de  délicatesse  et  parfaitement 
appropriée  aux  ressources  de  l'instrument,  a  fait  ressortir  le  jeu  pur,  net, 
élégant  et  exact  des  deux  frères  Van  den  Boom. 

La  clôture  de  l'année  théâtrale  a  eu  lieu  à  la  fin  de  mai.  La  campagne 
prochaine  commencera  au  mois  d'octobre.  Trente-trois  partitions  d'o- 
péras-comiques ont  alimenté  le  répertoire  fourni  par  les  œuvres  des 
grands  maîtres  les  plus  favorisés  du  public.  Les  nouveautés  ont  été  très- 
rares  ;  on  ne  peut  citer  que  les  Monténégrins,  Marie  de  Rohan  et  la  Som- 
nambule, déjà  interprétée  en  italien  sur  notre  scène.  Le  Val  d'Andorre,  qui, 
d'après  votre  Chronique  eu  angère  du  n°  17,  avait  été,  cet  hiver,  repré- 
senté chez  nous  u  pour  la  première  fois  avec  le  plus  brillant  succès,  » 
est  depuis  quatre  ans  acquis  à  notre  répertoire. 

Si  le  mois  de  mai,  appelé  le  Mois  de  Marie,  est  particulièrement  sanc- 
tifié par  l'Eglise,  la  Société  du  casino  du  Beau-Mur  a  aussi  voulu ,  cette 
année,  solenniser  les  dimanches  de  ce  mois.  Lumière  électrique  pour 
l'éclairage  des  jardins,  feu  d'artifice,  chœurs,  harmonie,  danses,  etc.,  tout 
cela  a  concouru  à  servir  aux  plaisirs  des  nombreuses  familles  affiliées  à 
cette  Société.  Je  n'indiquerai  que  les  concerts  d'harmonie  donnés  l'avant- 
dernier  dimanche.  Vous  savez  ou  vous  ne  savez  pas  que  la  plupart  des 
localités  belges  ont  ou  une  Société  d'harmonie  ou  une  Société  de  chant, 
et  même,  parfois,  toutes  deux.  Mais  l'un  de  nos  plus  vastes  établissements 
métallurgiques,  la  Société  de  la  Vieille-Montagne,  à  Angleur,  près  de  Liège, 
a  réalisé  un  autre  essai  :  elle  a  formé  un  corps  d'harmonie  composé  exclu- 
sivement d'une  partie  de  ses  ouvriers.  Ce  corps,  dont  la  tenue  est  fort 
belle,  a  remporté,  l'an  dernier,  à  Bruxelles,  un  second  prix  dans  le  con- 


cours ouvert  pour  la  spécialité.  C'est  cette  même  harmonie  qui  s'est  fait 
entendre  au  Casino,  où  elle  a  été  chaleureusement  applaudie  dans  les  di- 
vers morceaux  qu'elle  a  exécutés  avec  sentiment  et  entrain.  Il  serait  à 
souhaiter  que  l'exemple  proposé  par  la  Vieille-Montagne  fût  suivi  par 
d'autres  établissements  :  l'ouvrier  goûterait  dans  la  musique,  qui  polit  et 
adoucit  les  mœurs,  des  délassements  plus  utiles  que  ceux  qu'il  va  cher- 
cher le  dimanche  dans  l'atmosphère  vicié  du  cabaret,  où  il  dépense,  en 
outre,  son  argent  et  sa  santé  qu'il  doit  à  sa  famille. 

Deux  nominations  longtemps  attendues  dans  le  personnel  enseignant  de 
notre  Conservatoire  ont  été  conférées  récemment  :  c'est  celle  de  M.  Frère, 
en  qualité  de  professeur  de  violon,  et  la  réintégration  de  M.  Géraldy  aux 
appointements  de  3,000  fr,  dans  son  ancienne  classe  de  chant  italien  (cours 
semestriel).  On  espère  maintenant  que  la  nomination  de  M.  Reichert, 
comme  professeur  de  flûte,  paraîtra  sous  peu. 

Après  la  musique  profane,  il  me  reste  à  signaler  une  audition  de  musi- 
que sacrée.  Le  décès  de  notre  évêque  a  donné  lieu  d'abord  à  une  messe 
d'inhumation  en  plain-chant,  et  ensuite  à  des  obsèques  solennelles  célé- 
brées le  12  mai.  On  avait  choisi  la  seconde  messe  de  Requiem,  de  Cheru- 
bini  ;  elle  a  été  exécutée  sous  la  direction  de  M.  Duquet,  maître  de  cha- 
pelle de  notre  cathédrale,  par  un  orchestre  et  par  des  chœurs  fort  nom- 
breux. Un  caractère  vraiment  religieux  a  été  imprimé  à  cette  exécution 
très-satisfaisante,  sauf  dans  quelques  détails.  Cependant  j'ajouterai  qu'elle 
a  été  digne  de  la  triste  et  pompeuse  cérémonie  par  laquelle  on  payait  un 
tribut  au  prélat  distingué  qui  a  occupé  le  siège  de  saint  Lambert. 

Z. 


ÎOÏÏVELLES. 

*„*  Demain  lundi,  à  l'Opéra,  le  Prophète. 

*„*  Lundi  dernier,  Rolerl  le  Dia'Ae,  chanté  par  Gueymard,  Depassio, 
Mmes  Laborde  et  Poinsot.  luttait  victorieusement  contre  une  chaleur  tro- 
picale. 

*»*  La  vingt-quatrième  représentation  du  Juif  trranl,  donnée  le  mer- 
credi suivant,  par  une  chaleur  encore  plus  forte,  n'en  avait  pas  moins 
réuni  un  brillant  et  nombreux  auditoire. 

*„*  Vendredi,  la  Juive,  chantée  par  Mairalt  et  Mlle  Poinsot,  clôturait 
cette  semaine  vouée  aux  grands  ouvrages  et  aux  grands  succès. 

*„*  La  reprise  de  la  Sirène  a  suivi  de  près  celle  d'Acté-.n.  Mlle  Félix 
Miolan  s'est  également  distinguée  dans  l'une  et  dans  l'autre,  comme 
cantatrice  parfaitement  maîtresse  de  tous  les  secrets  de  son  art,  et  aussi 
comme  actrice  possédant,  la  finesse  et  la  distinction.  Boulo,  qui  chante 
si  bien,  n'est  pas  précisément  l'idéal  du  rôle  de  Scopetto,  dans  lequel 
Roger  était  admirable.  Ricquier  est  toujours  excellent  daus  celui  du  duc  de 
de  Popoli  ;  Jourdan  et  Nathan  jouent  très-bien  ceux  de  Scipion  et  du  direc- 
teur, Bolbaya.  Quant  à  la  pièce,  elle  n'a  rien  perdu  de  son  attrait,  dû  à 
la  spirituelle  combinaison  de  son  intrigue,  et  la  partition  est  un  des  dia- 
mants les  plus  brillants  de  l'écrin  si  riche  de  M.  Auber.  Les  chants  heu- 
reux, les  motifs  élégants  s'y  succèdent  sans  intervalle. 

%*  L'opéra  en  trois  actes  de  MAI.  Locroy,  Dennery  et  Maillard ,  an- 
noncé d'abord  sous  le  titre  du  Baiser  de  la  Vierge  et  de  la  Vierge  de  Kermo, 
aura  décidément  pour  titre  la  Croix  de  Mari",  et  sera  représenté  dans  les 
premiers  jours  de  la  semaine  prochaine. 

*„*  Hier  au  soir,  on  a  fait  relâche  pour  les  répétitions  générales  de  cet 
opéra. 

***  Meyerbeer,  après  quelques  jours  seulement  de  séjour  à  Paris,  est 
parti  pour  aller  passer  la  saison  à  Spa  et  y  prendre  les  eaux. 

***  Spohr  est  arrivé  le  22  juin  à  Londres,  où  il  dirige  les  répétitions  de 
son  opéra  :  Faust,  au  théâtre  de  Covent-Garden. 

*„*  Le  compositeur  Ferdinand  Lavainne  vient  de  recevoir  de  S.  M.  le 
roi  des  Pays-Bas  la  décoration  de  l'ordre  de  la  Couronne  de  Chêne. 

*„*  L'Alboni  a  donné  son  premier  concert  à  New- York.  D'après  le  Mu- 
ii:al  Times,  sur  l'annonce  d'une  voix  de  contralto,  le  public  s'attendait  à 
quelque  chose  de  rude  et  de  masculin.  La  surprise  a  été  grande  en  enten- 
dant une  voix  si  légère,  si  douce,  un  chant  si  accompli  dans  ses  délica- 
tesses infinies.  Sangiovanni  etllovere  chantent  avec  la  grande  artiste. 

*%*  M.  Devriés,  directeur  du  théâtre  d'Amsterdam,  vient  de  quitter  Pa- 
ris, emportant  avec  lui  les  dessins  des  décors  et  des  costumes  du  Juif  er- 
rant, qui  sera  immédiatement  monté  au  théâtre  de  l'Opéra  royal  néer- 
landais. 

*4*  Mme  Duilot-Maillard,  la  célèbre  cantatrice,  est  de  retour  à  Paris. 
De  brillantes  propositions  lui  ont  été  faites  pour  l'engager  à  accepter  la 
direction  d'une  école  lyrique  à  Bruxelles. 

\*  Depuis  plusieurs  jours,  M.  Gustave  Oppelt,  littérateur  belge,  est 
arrivé  à  Paris,  porteur  de  dépêches  de  son  gouvernement,  et  qui  se  ratta- 
chent au  traité  de  commerce  à  conclure  entre  la  France  et  la  Belgique. 

*„*  Nos  correspondances  de  Londres,  autant  que  les  principaux  organes 
de  la  presse,  anglaise  se  plaisent  à  constater  les  grandioses  succès  rempor- 
tés par  M.  Wuille ,  clarinettiste  et  saxophoniste  de  la  musique  particulière 
de  S.  M.  le  roi  des  Belges  et  du  corps  de  musique  du  régiment  royal  des 
guides.  Placé  par  son  talent  sous  la  protection  de  M.  Anderson,  maître  de 
chapelle  de  la  reine  d'Angleterre,  M.  Wuille  a  signé  un  magnifique  enga- 
gement avec  Jullien. 


!)K  PARIS. 


231 


V  La  Société  pour  l'instruction  élémentaire,  présidée  par  M.  Boulay, 
de  la  Meurthe,  sénateur,  a  tenu,  dinianclie  h  juillet,  sa  trente-septième 
séance  annuelle,  à  laSorbonne;  une  médaille  d'argent  et  plusieurs  mé- 
dailles de  bronze  onl  été  décernées  aux  auteurs  dos  meilleurs  ouvrages 
classiques  et  de  morale  pour  l'année  1651-1852.  C'est  M.  l'anseron  qui  a 
obtenu  la  médaille  d'argent  pour  son  solfège  concertant. 

*„*  M.  le  baron  J.  de  Rothschild  a  fait  remettre  une  épingle  garnie  de 
diamants  à  M.  Emile  Jonas,  professeur  au  Conservatoire,  et  auteur  des 
belles  compositions  exécutées  lors  de  l'inauguration  de  l'hôpital  de  la 
rue  l'iepus. 

*„*  Un  homme  d'un  grand  mérite,  M.  Venneulen,  de  Rotterdam,  fon  a- 
teur  de  la  Société  des  Pays-Bas  pour  l'encouragement  de.  l'art  musical,  Va 
entreprendre  un  voyage  scientifique  eu  Italie,  dans  le  but  d'y  explorer  les 
bibliothèques  cléricales  et  laïques,  et  d'y  recueillir  des  matériaux  pour  la 
magnifique  édition  de  la  CoWclio  operum  musicorum  balavorum,  XVI'  siè- 
cle, que  public  à  ses  frais  la  Société,  et  dont,  sur  l/i  volumes  que  com- 
prend la  collection  manuscrite,  huit  ont  déjà  paru.  M.  Vermeulen  s'arrê- 
tera, dit-on,  quelques  jours  à  Paris,  pour  se  mettre  en  rapport  personnel 
avec  MM.  le  prince  de  la  Moskowa,  Onslow,  Berlioz,  C.athy  et  autres 
membres  de  la  Société,  avec  lesquels  il  est  depuis  longtemps  en  relation 
de  correspondance.  Pendant  son  absence,  il  sera  remplacé  dans  ses  fonc- 
tions par  M.  le  D'  Ueije,  son  altfr  ego,  comme  il  appelle  lui-même  ce  col- 
laborateur dévoué,  qui,  de  son  côté,  en  sa  qualité  de  secrétaire  général 
de  la  Société,  a  rendu  de  grands  services  à  l'art  musical. 

t*t  Le  compositeur  et  professeur  de  chant,  Lambert,  dont  nous  avons 
annoncé  la  mort,  dimanche  dernier,  était  né  à  Arras  en  1779.  Artiste  dis- 
tingué de  talent  et  de  manières,  il  avait  été  longtemps,  mais  fort  jeune 
encore  (de  seize  à  vingt-six  ans),  chef  d'orchestre  d'une  troupe  de  comé- 
diens qui  exploitaient  le  département  du  Nord.  En  180;!,  il  se  trouvait  à 
Amiens,  où  décrivit  plusieurs  morceaux  pour  l'installation  de  l'évèque.  Il 
vint  ensuite  se  fixer  à  Paris  et  s'y  fit.  connaître,  comme  professeur,  comme 
auteur  de  plusieurs  romances,  dont  une  entre  autres  lui  survivra.  Ne  lais- 
sant pas  d'héritiers  directs,  il  a  légué  par  testament  sa  modeste  fortune  à 
la  ville  d'Arras,  pour  la  création  de  nouveaux  lits,  et  à  l'Institut  de  France, 
pour  l'institution  de  prix  et  de  secours  à  distribuer  aux  artistes  malheu- 
reux. Lambert  avait  écrit  trois  quatuors  pour  instruments  à  cordes,  et  c'é- 
tait, dit-on,  ce  qu'il  avait  fait  de.  mieux.  11  avait'aussi  composé  un  Domine 
saivum  fac,  un  0  Falutarïs,  un  Magnificat  et  un  Chœur  'le  vierge?.  Le  der- 
nier vœu  de  l'artiste  a  été  pieusement  rempli.  Dans  le  service,  organisé  eu 
sou  honneur,  un  beau  et.  pompeux  Magnificat  de  sa  composition  a  été  fort 
Lien  exécuté  mardi,  dans  l'église  de  Saint-Boch,  par  les  soins  de  M.  Pan- 
seron,  qui,  de  plus,  a  trouvé  le  moyen  de  lui  rendre  un  dernier  hommage 
en  intercalant  dans  un  morceau  religieux  le  thème  de  sa  romance  la  plus 
populaire,  dite  par  la  voix  toujours  pure  et  touchante  d'Alexis  Dupond. 

%*  Le  fils  de  Mme  Damore.au,  jeune  compositeur,  vient  de  mourir  à 
Page  de  32  ans,  après  une  longue  maladie. 

CHRONIQUE     ÉTRANGÈRE. 

*„*  Londres,  9  juillet.  — Fallait-il  donc  que  le  théàtrede  Covent-Garden  re- 
nonçât à  donner  le  Prophète,  dont  chaque  représentation  aété  toujourspour 
lui  une  mine  d'or,  parce  que  Johanna  Wagner  lui  manquait,  parce  que 
Mme  Viardot,  annoncée  par  le  programme,  ne  se  hâtait  pas  d'arriver?  Non 
sans  doute,  et  Mlle  Grisi,  qui  deux  fois  déjà  s'était  bravement  produite 
dans  le  répertoire  français,  en  se  chargeant  des  rôles  de  Valentine  et 
d'Alice,  s'est  encore  trouvée  là  pour  prendre  celui  deFidès.  Et  son  succès 
n'y  a  pas  été  moins  grand,  moins  légitime.  Elle  a  joué  en  actrice  consom- 
mée, elle  a  chanté  en  cantatrice  de  premier  ordre,  et  triomphé  des  diffi- 


cultés d'une  musique  composée  pour  un  tout  autre  gosier  que  le  sien.  Dans 
trois  morceaux  seulement  la  transposition  a  été  nécessaire.  Du  reste,  il 
■  si  impossible  de  mieux  saisir  et  de  mieux  rendre  la  haute  physionomie 
de  la  me  re  du  Prophète  que  ne  l'a  fait  Mlle  Grisi,  sans  rien  emprunter  de 
ses  devancières,  Mmes  Viardot  et  Alboni.  Le  chef-d'œuvre  lui  doit  une 
Fidès  toute  neuve  et  originale.  Mario  est  toujours  un  admirable  Jean  de 
Leydo.  Mme  Castellan,  dans  le  rôle  de  Berthe,  continue  à  Londres  sa 
création  parisienne.  Formes,  Stigelli,  Polonini  et 'i'agliafico  complètent  le 
magnifique  ensemble.  Mlle  Grisi  et  Mario  ont  été  rappelés  à  la  fin. — 

—  Jeudi  dernier,  au  théâtre  de  Sa  Majesté,  les  Puritains,  donnés  pour  la 
première  fois,  ont  fait  salle  comble.  Mme  Lagrange  s'est  surpassée  dans 
lïlvira,  qui  est  un  de  ses  meilleurs  rôles,  sinon  son  meilleur.  Elle  a  été  ad- 
mirable dans  lacavatine  :Q  tila  r<ce,et  danslapolacca  :  Sonwrgin  ve-zosi. 
Ses  ornements  et  fioritures  sont  nouveaux,  d'un  goût  irréprochable,  et  elle 
M'en  abuse  pas.  Laeantatrice,  applaudie  àoutrance,  aété  obligée  de  répéter 
deux  morceaux  — Depuis  longtemps  Gordoni  n'avait  chanté  si  bien  et  avec 
tant  d'expression.  Le  duo  de  la  dernière  scène,  qui  contient  le  passage  si 
connu  :  Vimi  f*'a  le.  mi^brarcliia,  a  été  rarement  mieux  rendu  que  par  lui  et 
MmeLagrange;  le  succès  a  été  jusqu'aux  larmes.  La  voix  de  Bassini  était 
là  dans  sa  sphère  :  elle  se  montre  avec  tout  son  éclat  dans  les  phrases 
larges.  Le  duo  -.Suoni  la  iromia,  chanté  par  lui  et  Lablache, aété  bissé  et 
redemandé  une  troisième  fois.  Il  n'y  a  rien  à  dire  de  Lablache  ;  comme 
toujours,  il  a  été  parfait  et  inimitable  comme  acteur  et  chanteur.  L'or- 
chestre, sous  l'habile  direction  de  Balfe,  a  beaucoup  contribué  au  succès. 

—  Mme  Sontag,  avant  de  partir  pour  l'Amérique,  est  engagée  pour  quel- 
ques représentations.  Nul  doute  qu'elle  ne  ramène  la  foule  un  peu  dérou- 
tée par  la  subite  éclipse  de  Sophie  Cruvelli,  sitôt  disparue  du  firmament. 
—.  Gordigiani  a  donné  un  concert  dans  lequel  Mlle  Dobré,  Lablache, 
Mario,  Gardoni,  Ferlotti  et  Marra  se  sont  fait  entendre.  Mlle  Dobré  a 
chanté  avec  beaucoup  de  succès  une  canzonelta  intitulée  :  la  Traiita,  et 
Mme  Roubaud  de  Cournand  n'a  pas  été  moins  vivement  applaudie  comme 
excellente  pianiste.  —  L'une  des  plus  brillantes  soirées  musicales  de  la 
saison  a  été  celle  de  Mme  Mortierde  Fontaine,  et  a  eu  lieu  le  mois  dernier. 
Cette  éminente  artiste,  qui  a  laissé  tant  de  souvenirs  en  France,  en  Italie 
et  en  Allemagne,  s'était  fixée  à  Londres  pour  cette  année,  et  son  succès  y 
a  été  fort  grand.  Entourée  d'artistes  supérieurs,  qui  se  sont  tous  surpassés. 
Mme  Mortier  de  Fontaine  a  charmé  son  auditoire  par  sa  belle  voix  de 
contralto,  par  l'ampleur  île  son  style,  ainsi  que  par  sa  méthode  pure  et 
classique. 

%*  Berlin.  —  Mlle  Wagner  doit  nous  revenir  sous  peu;  la  célèbre  can- 
tatrice se  fera  entendre  devant  l'impératrice  de  Russie,  et  doit  aller  en 
représentation  à  Breslau.  Nous  avons  en  ce  moment  trois  théâtres  d'été, 
qui  tous  les  trois  font  de  brillantes  affaires. 

*K*  Vienne.  —  Ander  et  Staudigl  sont  toujours  en  congé;  et ,  comme  le 
Pioplièle  ne  pourrait  être  mis  de  côté  sans  le  plus  grand  préjudice  pour 
l'administration,  c'est  M.  Ellinger  qui  a  l'intérim  du  rôle  de  Jean  de 
Leyde.  Mil-  Schwarzbach,  dont  les  débuts  ont  été  heureux,  a  été  engagée 
au  théâtre  de  la  Cour.  —  Peu  de  temps  avant  la  clôture  de  la  saison  ita- 
lienne, nous  avous  eu,  contre  toute  attente,  un  opéra-buffa,  composé  ex- 
près pour  Vienne  par  F.  Ricci  ;  il  porte  le  titre  de  :  //  Marito  e  l' Ameute. 
C'est  une  assez  lourde  imitation  du  roman  de  Paul  de  Kock  :  la  partition 
n'offre  rien  de  bouffon  ni  de  nouveau. 

*t*  Hanovre.  —  Le  magnifique  théâtre  récemment  construit  dans  cette 
résidence  ouvrira  le  1 2  septembre  prochain,  par  le  Prophète.  C'est  M.  An- 
der. du  théâtre  de  la  cour  à  Vienne,  qui  chantera  le  rôle  de  Jean  de 
Leyde. 

%*  HeUingfors.  —  Le  premier  opéra  qui  ait  été  donné  en  Finlande  a 
fait  son  apparition  il  y  a  quelques  jours  au  théâtre  de  cette  ville  11  est 
intitulé  :  Une  partie  de.  chassede  Charles  XI,  roi  de  Suède.  Les  paroles  sont 
de  Topelius,  la  musique  est  de  Placci  ;  tous  les  deux  sont  nés  dans  cette 
ville. 

Le  gérant  :   Ernest  DESCHAMPS. 


La  Partition  de  ces  opéras  pour  piano,  in-8",  chaque,  net  ....     8  » 

L'ouverture  pour  piano  et  à  quatre  mains,  chaque 0  et  7  50 

Choix  des  plus  jolis  airs  arrangés  pour  deux  violons,  par  E8.  IJîpS 

StoEmpf,  2  suites,  chaque 9  » 


m 

Les  mêmes  arrangés  pour  deux  flûtes ,  par  B.  ivalrkicrs  , 

2  suites,  chaque 9     » 

Les  ouvertures  de  ces  opéras  pour  deux  violons,  chaque h  50 

Les  mêmes  pour  deux  flûtes,  chaque k  50 


POUR  ÊTRE  MISE  EN  VENTE  LE  20  JUILLET, 


La  Paiiition  pour  Piano  et  Chant 


Prix   :  40  fp. 


232 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS. 


Chez  BRANDUS  et  C%  Editeurs, 

RUE  RICHELIEU,  103. 


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Musique  de 


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GRANDE  PARTITION,  Z,00  Fb.  —  PARTIES  D'ORCHESTRE,  400  Fit. 


MORCEAUX  DE  CHANT  AVEC  ACCOMPAGNEMENT  DE  PIANO 


N°  1.  COUPLETS,  «  Quand  vient  l'ombre  silencieuse.   »   .    .   .    .  3  75 

2.  TRIO,  «  Qu'une  heureuse  rencontre.  » 6    » 

2  bis.  Le  même  en  duo 6    » 

3.  COUPLETS,  «  0  dieu  des  flibustiers.  » 3  75 

3  bis.  Les  mêmes  transposés  plus  bas 3  75 

4.  QUATUOR,  «  O  bonheur  qui  m'arrive.  » 3  75 

4  bis.  Le  même  pour  2  sopranos,  ténor  et  basse 3  75 

5.  AIR,  «  Qu'est-ce  donc,  mes  amis?  » 4  50 

5  bis.  Le  même  avec  chœur .  4  50 


N°  6.  RONDE,  «  Prends  garde,  montagnarde.  » 3    » 

7.  DUO,  «  C'est  un  ouvrier.  » 6    » 

8.  TRIO,  «  De  nos  jeunes  années.  » 6    » 

8  bis.  ROMANCE  extraite  du  trio 3    » 

9.  CAVAT1NE,  «  Je   n'ose   pas.  » 3  75 

10.  CHOEUR  à  4  voix,  «  Les  chagrins   arrière.  » 3  75 

11.  DUO,  «  Je  fais  mal,  je  le  sais.  » 6    » 

12.  VOCALISE,  «  Voyez-vous  là  bas,  parmi  les  frimas? 4  50 


ARRANGEMENTS  SUR  DES   MOTIFS  DE  CET  OPÉRA. 


OUVERTURE  pour  le  piano 

La  même  à  4  mains 

a.  adam.  Mosaïque 

—  Six  petits  airs 

u.  cbamcb.  Mélange 

croisez.  Op.  25.  Fantaisie  brillante 

—  Op.  24.  Petite  fantaisie  à  4  mains 

es.  u.  oiïEinoi'.  Op.  135.  Deux  fantaisies  faciles,  2  suites,  ch. 

—  Op.  136.  Fantaisie  à  4  mains 

a.  fesst.  Petite  valse 

nistni).  Deux  quadrilles,  chaque 

—  Les  mêmes  à  4  mains,  chaque 

—  Suite  de  valses 

herz.  Quadrille 


4  50 
6  » 
4  50 


hall.  Op.  27.  Grande  fantaisie 7 

u.  herz.  Op   141.  Fantaisie  et  variations  brillantes 9 

hkivtew.  Op.  34.  Trois  morceaux  favoris,  trois  suites,  chaque.    .  5 

KAi.BinnEXKKR.  Op.  180.  Souvenir 6 

hxebicz'ïwsk.ï-    Valse   brillante 5 

le  carpentier.  Op.  94.  Fantaisie 6 

ledec    Op.  124.  Fantaisie  brillante 7 

u.   lemobwe.  Bagatel'e 5 

rosellew.  Op.  66.  Fantaisie  brillante 7 

e.  wdhï.  Op.  103.  N°  1.   Galop 5 

N°  2.    Fantaisie 5 

—  Op.  105.  Réminiscences,  grande  fantaisie 9 

—  Op.  104.  Duo  brillant  à  4  mains 9 


POUR  INSTRUMENTS  DIVERS. 


pierrot.  Op.  2.  Fantaisie  pour  cor  et  piano 

schiltz  et  febsy.   Fantaisie  pour  cornet  et  piano 

coiiix.  Op.  31.  Douze  fantaisies  faciles  pour  flûte  seule,  2  sui- 
tes, chaque 

REnuBAT.   Op.  9.  Fantaisie  pour  flûte  et  piano 

HOFFMANN  et  htdller.    Duo  pour  flûte  et  violon 

carcasbi.    Op.  74.  Mélange  pour  guitare 

Tim:i'\.   Mosaïque  pour  guitare  et  flûte 

—  —        pour  guitare  et  violon 

Ouverture  pour  harmonie  militaire 

2  quadrilles  pour         id.  chaque 

Airs  pour         id.  2  suites,  chaque 

Pas  redoublé  pour  musique  militaire 

—      Fanfare  pour  musique  de  cavalerie 

lararrf.  Op.  120.  Mélange  pour  harpe  et  piano 

verroi'st.    Op.  33.    Fantaisie  pour  hautbois 


11  «II». 


rr.ssi. 


9     » 
7  50 


5 

5 

6 

6 
18 

7 
15     » 

5  » 

6  » 
9     » 

7  50 


50 


bériot  et  n»i,n.  Duo  brillant  pour  piano  et  violon 

KLEnczYNSKi.  Op.  57.  Divertissement  pour  piano  et  violon  .   . 

i».  loi  as.  Op.  '1 50.  Fantaisie  pour  piano  et  violon 

snotii  Fantaisie  pour  violon  avec  accompagnement  de  piano. 
lee.  Op.  34.  Divertissement  pour  violoncelle  avec  accompagne 

ment  de  piano 

L'OUVERTURE  pour  2  flûtes 

—  2  violons 

AIRS  pour  2  flûtes.  2  suites;  chaque 

—  2  violons 

AIRS  pour  flûte  seule 

—  cornet  seul 

—  violon  seul 

QUADRILLE  pour  violon,  flûte,  clarinette,  flageolet  ou  cornet  seul. 

Chaque  

QUADRILLE  pour  2  flûtes,  2  cornets  ou  2  violons.  Chaque 


7  50 
9  » 
7   50 


4  50 
4  50 
7  50 


50 


1     » 

4  50 


IMPRIMERIE  CENTRALE  DE    NAPOLEON  CUAIX 


CE  DERRIERE.  20- 


BUREAUX  A  PARIS  :  BOULEVART  DES  ITALIENS,  1. 


19e  Année. 


Dôpnrtaments  et  ft  l'Étranger 


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N°  29. 


REVUE 


18  Juillet  18o2. 


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Étranger 34 


Le  Journal  paraît  le  Dimanche. 


GAZETTE  MUSICALE 


DE    PâEîS 

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SOMMAIRE.  —  Beethoven  et  ses  trois  styles,  de  W.  de  Lenz  (3e  et  dernier  article), 
Paul  Srailli.  —  Des  Neumes  employées  a  la  notation  du  plain-chant  (1"  arti- 
cle), par  A<lrien  «le  la  B-'aee.  —  Revue  critique,  grande  fantaisie  sur  le 
Prophète,  de  Léopold  de  Meyer;  nocturne,  romances  sans  paroles,  galop,  de 
Charles  John,  par  Uenri  Blanchard.  —  Nouvelles  et  annonces. 


LITTÉRATURE  MUSICALE. 

BEETHOVEN  ET   SES  TROIS  STYLES, 

PAR  W.  DE  LENZ. 

(Troisième  et  dernier  article.)  (I) 

Le  génie  est  comme  la  fortune,  suivant  le  mot  de  La  Fontaine;  presque 
toujours  il  vend  très-cher  ce  qu'il  a  l'air  de  donner.  La  part  de  Bee- 
thoven fut  immense  ;  mais  il  la  paya  plus  cher  qu'aucun  autre,  plus 
cher  même  que  Mozart ,  qui  ne  fut  immortel  qu'à  condition  de  mourir 
à  trente-six  ans.  Beethoven  vécut,  lui ,  vingt  et  un  ans  de  plus;  mais, 
pendant  ces  vingt  et  un  ans,  il  avait  tout-à-fait  perdu  la  faculté  d'en- 
tendre, et  il  écrivait  à  M.  de  Seyfried  ces  lignes  pleines  de  tristesse  : 
«  L'art  seul  m'a  retenu  :  Unie  semblait  impossible  de  quitter  le  monde 
»  avant  d'avoir  produit  tout  ce  que  je  sentais  devoir  produire.  C'est 
»  ainsi  que  je  continuai  cette  vie  misérable,  oh  !  bien  misérable  ! 
»  avec  une  organisation  si  nerveuse,  qu'un  rien  me  fait  passer  de  l'état 
»  le  plus  heureux  à  l'état  le  plus  pénible.  »  Avec  une  organisation  de 
ce  genre,  Beethoven  n'avait  pas  besoin  d'être  sourd  pour  être  malheu- 
reux ;  mais,  entendons-nous  bien,  malheureux  en  admettant,  toutefois, 
ces  larges  et  magnifiques  compensations  que  le  vulgaire  envie  et  a  raison 
d'envier  aux  hommes  de  génie.  Le  vulgaire  n'est  pas  si  loin  de  compte 
dans  ses  appréciations.  11  ne  se  doute  pas  du  mal  que  peut  donner  l'en- 
fantement d'une  œuvre  telle  que  la  symphonie  en  ut  mineur  ou  la 
symphonie  pastorale  ;  mais  il  se  doute  bien  qu'il  y  a  quelque  plaisir  à 
les  concevoir,  à  les  produire,  à  les  tirer  du  chaos.  En  effet,  ce  plaisir 
existe  ;  ce  plaisir  est  grand  ,  infini  jusque  dans  ses  douleurs.  «  L'art 
seul  m'a  retenu,  »  écrivait  Beethoven,  et  l'art  n'est  ici  autre  chose 
que  le  plaisir  dont  nous  parlons.  Il  y  a  de  par  le  monde  une  multitude 
de  pauvres  diables,  autant  et  plus  nerveux  que  Beethoven ,  autant  et 
plus  sourds  que  lui,  et  qui  n'ont  pas  l'art  pour  soutien,  qui  se  traînent 
comme  ils  peuvent  d  ans  leur  pauvreté,  dans  leurs  souffrances,  sans 
avoir  la  consolation  de  mettre  au  monde  une  sublime  symphonie,  pas 
même  de  récréer  leur  silence  et  leur  solitude  par  l'élucubration  de  la 
plus  petite  polka. 

N'exagérons  rien,  ni  les  félicités,  ni  les  misères  des  hommes  de 
génie.  Beethoven  ne  pouvait  être  heureux  à  la  façon  d'un  notaire  ou 
d'un  banquier  qui  s'enrichit  et  se  retire  des  affaires.  Il  ne  pouvait 
l'être  non  plus  à  la  façon  de  ces  artistes  dont  le  travail  est  extrême- 

(1)  Voir  les  numéros  27  et  28. 


ment  facile,  et  pour  qui  le  succès  marche  du  même  pas  que  le  travail. 
Il  tenait  de  la  nature  l'aspiration  aux  choses  grandes  et  neuves,  diffi- 
ciles à  trouver,  difficiles  à  faire  comprendre.  Pour  se  donner  des  émo- 
tions, il  avait  besoin  d'inventer,  de  créer,  comme  à  tant  d'autres  il 
suffit  d'imiter,  de  continuer.  Au  lieu  de  s'en  tenir  au  premier  jet,  il 
éprouvait  des  peines  incroyables  à  se  satisfaire  lui-même  ;  il  cher- 
chait longtemps,  effaçait,  corrigeait,  recommençait  avec  cette  infati- 
gable opiniâtreté  que  Jean-Jacques  Rousseau  mettait  à  construire  ses 
savantes  périodes,  et  ce  n'est  pas  le  seul  trait  de  ressemblance  que 
l'étude  de  son  caractère  et  de  son  génie  nous  révèle  entre  lui  et  le 
citoyen  de  Genève. 

Chez  l'un  et  l'autre  ,  même  inquiétude  native  ,  même  ombrageuse 
susceptibilité,  même  misanthropie,  même  passion  pour  la  campagne. 
Beethoven  écrivait  ses  plus  beaux  chefs-d'œuvre  dans  les  mêmes  con- 
ditions que  Jean-Jacques  sa  Julie,  sa  Lettre  sur  les  spectacles  et  son 
Emile.  Tous  les  deux,  ils  souffraient  d'une  infirmité  qui,  bien  que 
diverse,  les  éloignait  également  des  relations  du  monde.  Tous  les  deux 
ils  avaient  dans  le  cœur  des  amours,  et  des  amours  sans  espoir,  Jean- 
Jacques  pour  Mme  d'Houdetot,  Beethoven  pour  des  grandes  dames,  s'il 
faut  en  croire  ce  que  Wegelera  écrit  :  «  Beethoven  ivar  nie  ohne  Liebe, 
»  und  meistens  von  ihr  in  hohem  Grade  ergriffen  (Beethoven  ne  fut 
»  jamais  sans  amour,  et  toujours  dans  sa  plus  haute  expression).  » 
Toute  la  différence,  c'est  que  Beethoven  ne  se  maria  pas  et  qu'il  n'eut 
pas  auprès  de  lui  de  Thérèse  Levasseur,  flanquée  de  sa  hideuse  mère, 
pour  troubler  le  repos  de  sa  vie  et  en  souiller  la  dignité  ;  mais,  quoi- 
que garçon,  il  eut  aussi  les  charges  et  les  ennuis  de  la  famille  sans  en 
goûter  jamais  les  touchantes  indemnités. 

Beethoven  avait  plusieurs  frères  :  la  veuve  de  l'un  d'eux,  Charles  , 
caissier  à  la  banque  d'Autriche,  lui  légua  la  tutelle  de  son  fils  mineur, 
qu'elle  ne  voulait  pas  abandonner  à  son  beau-frère.  De  là  un  procès  , 
c'est-à-dire  un  cauchemar,  qui  pesa  pendant  quatre  ans  sur  la  poitrine 
de  l'artiste.  Et  comment  deviner  le  premier  chagrin  dont  ce  procès  fut 
pour  lui  la  cause?  Nous  laissons  parler  M.  de  Lenz  :  «  Cet  épisode  de 
»  la  vie  de  l'artiste  rentre  dans  les  proportions  microscopiques  de 

»  l'existence  allemande Ainsi  on  prenait  assez  communément  à 

»  Vienne  la  particule  hollandaise  van,  dans  le  nom  de  Beethoven,  pour 
»  la  particule  nobiliaire  allemande  von,  surtout  en  écrivant  par  abré- 
»  viation  :  L.  V.  Beethoven.  Beethoven  porta  son  affaire  devant  le  tri- 
»  bunal  connaissant  d'affaires  entre  nobles.  Le  tribunal  exigea  la  pro- 
»  duction  de  ses  titres  de  noblesse.  Beethoven  porta  la  main  au  cœur 
»  et  à  la  tête.  On  pense  bien  que  cette  preuve  ne  put  prévaloir  en 
»  matière  de  juridiction.  L'affaire  fut  renvoyée  devant  le  magistrat  de 
»  Vienne.  Le  croirait-on  ?  Ce  renvoi,  qui  n'avait  rien  que  de  très- 
»  naturel,  blessa  profondément  Beethoven.  Il  prétendit  qu'un  tribunal 


234 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


»  exceptionnel  eût  dû  être  appelé  à  connaître  des  affaires  du  génie , 
»  idée  oubliée  par  le  digeste.  »  C'est  que  Beethoven  était  profondé- 
ment aristocrate,  et  qu'il  l'était  sans  s'en  douter.  Il  dit  un  jour  ce 
mot,  rapporté  par  Schindler  :  «  L'homme  supérieur  ne  doit  pas  être 
»  confondu  avec  le  bourgeois,  et  j'ai  été  confondu  avec  lui.  »  Une  au- 
tre fois,  [il  entendit  le  prince  Lichnowski  ordonner  à  son  valet  de 
chambre  de  servir  Beethoven  le  premier,  si  Beethoven  et  lui  venaient 
à  le  sonner  en  même  temps.  Vous  croyez  peut-être  que  Beethoven  fut 
touché  de  cette  attention  ?  Tout  au  contraire  :  il  prit  à  l'instant  même 
un  domestique  pour  lui  tout  seul. 

Pendant  quatre  années,  ce  fatal  procès  fut  toute  l'occupation  de 
Beethoven.  11  y  croyait  son  honneur  engagé;  il  rédigeait  lui-même 
toutes  les  pièces  et  mémoires.  Son  avocat,  le  vénérable  Bach,  doyen 
de  la  Faculté  de  droit,  le  laissa  faire,  comprenant  bien  que  tout  autre 
procédé  pouvait  le  rendre  fou.  Beethoven  l'emporta  enfin  par  voie 
d'appel,  après  trois  arrêts,  qui.  M.  de  Lenz  a  raison  de  le  dire,  nous 
ont  peut-être  coûté  une  symphonie  et  quelques  autres  merveilles.  Le 
procès  gagné,  Beethoven  eut  l'idée  de  loger  chez  lui  son  neveu  et  d'or- 
ganiser un  ménage.  11  faut  voir  la  lettre  qu'il  écrivit  à  un  voisin  pour 
s'informer  des  choses  les  plus  essentielles,  dont  il  ne  savait  pas  le 
premier  mot.  1°  Que  donne-t-on  à  manger  à  deux  domestiques,  soir  et 
matin,  quantité  et  qualité?  2°  Combien  de  fois  leur  donne-t-on  de 
rôti?....  etc.,  etc.  3°  Combien  de  livres  de  viande  pour  trois  person- 
nes? Le  voisin  aurait  dû  répondre  tout  bonnement  à  Beethoven  : 
«  Faites  des  symphonies.  » 

M.  de  Lenz  achève  ainsi  ce  récit  curieux  :  «  L'argent  fut  quelque 
»  chose  pour  Beethoven  du  moment  que  l'existence  de  son  neveu  fut 
»  devenue  la  sienne.  Il  thésaurisait  pour  lui,  pour  le  jeune  homme  qui 
»  portait  son  nom.  Ce  neveu,  le  principe  hostile  de  la  seconde  moitié 
»  de  la  vie  de  l'artiste,  cruellement  puni  pour  avoir  exagéré  les  de- 
»  voirs  d'un  oncle,  désola  les  dix  dernières  années  de  son  existence. 
»  Beethoven  faillit  perdre  la  raison  le  jour  que  l'Université  de  Vienne 
»  expulsa  de  son  sein,  pour  cause  d'inconduite,  ce  fils  adoptif  sur  le- 
»  quel  il  avait  concentré  l'impérieux  besoin  d'aimer  qu'il  ressentit 
»  toute  sa  vie.  Le  dernier  amour  du  maître  était  mort  du  moment 
»  CjU'il  vit  son  neveu  abandonner  la  carrière  littéraire  pour  entrer 
»  dans  l'armée  autrichienne.  » 

Laissons  cet  étourdi,  ce  vaurien,  que  Beethoven  institua  son  héri- 
tier, pour  le  récompenser  sans  doute  de  ce  qu'il  n'avait  pas  même  dai- 
gné se  déranger  et  aller  chercher  un  médecin,  lorsque  son  oncle,  son 
bienfaiteur,  revint  à  Vienne  (décembre  1826),  en  proie  au  mal  dont  il 
devait  mourir  quelques  mois  après.  Mais  Beethoven  avait  encore  un 
frère,  apothicaire  irès-connu  dans  Vienne,  et  qui  s'y  promenait  souvent 
dans  un  landau  attelé  de  quatre  chevaux.  Ce  frère,  nommé  Jean,  était 
à  son  aise  et  devait  à  Louis,  à  l'artiste,  l'établissement  de  sa  pharma- 
cie. Quoique  logeant  à  peu  de  distance,  il  ne  le  voyait  jamais,  et  seu- 
lement au  jour  de  l'an  il  lui  envoyait  sa  carte  ainsi  rédigée  :  «  Jean 
»  Van  Beethoven,  Gulsbesiiser  »  (c'est-à-dire  propriétaire  de  biens); 
et  l'artiste  écrivait  sur  le  revers  :  «Louis  Van  Beethoven,  Hirnbesitzer» 
(c'est-à-dire  propriétaire  de  cervelle).  Les  médecins  ordonnèrent  à 
Louis  Beethoven  des  bains  de  foin,  et  comme  Jean  Beethoven  avait 
du  foin  à  revendre,  on  s'adressa  naturellement  à  lui  pour  s'en  procu- 
rer. Savez-vous  ce  que  répondit  le  propriétaire  de  biens,  qui  par  état 
se  connaissait  en  herbes  et  voulait  tout  garder  pour  lui?  Nous  ne 
croyons  pas  que  l'avarice  sordide  ait  jamais  rien  inventé  de  plus  su- 
blime dans  sa  naïveté.  Jean  Beethoven ,  l'apothicaire ,  répondit  que  le 
foin  de  sa  propriété,  à  lui,  n'était  pas  bon  ;  et  Louis  Beethoven,  l'ar- 
tiste, fut  obligé  d'en  faire  acheter  ailleurs. 

Voilà  ce  que  fut  la  famille  pour  le  grand  artiste  ;  voilà  comment  ses 
proches  le  payèrent  de  son  dévouement,  de  ses  sacrifices.  Du  reste, 
comme  Jean- Jacques  Rousseau,  Beethoven  fut  souvent  injuste  et  ingrat 
lui-même,  à  force  d'être  soupçonneux  et  irritable;  souvent  il  repoussa 
le  bienfait  par  un  sentiment  exagéré  d'indépendance,  ou  ne  témoigna 
qu'indignation  et  colère  au  bienfaiteur. 


«  Beethoven,  dit  encore  M.  de  Lenz,  passa  sa  vie  dans  la  haute  aris- 
»  tocratie  viennoise.  Il  connut  les  plaisirs  de  la  danse,  qui  étaient  dans 
»  les  mœurs  simples  de  l'époque  où  l'on  dansait  encore  au  piano,  mais, 
»  chose  incroyable  !  il  ne  parvint  pas  à  danser  en  mesure.  Ses  mouve- 
»  ments  étaient  gauches  ;  il  cassait  d'ordinaire  les  choses  auxquelles  il 
»  touchait;  aucun  meuble  chez  lui,  et  moins  que  tout  autre  un  meuble 
»  de  prix,  n'était  à  l'abri  de  ses  attaques.  Que  de  fois  son  encrier 
»  tomba  dans  le  piano  près  duquel  il  travaillait  !  Beethoven  fit  inté- 
»  gralement  partie  des  maisons  des  Lichnowski,  des  Lobkowitz,  des 
»  Browne,  des  Brunswick,  des  Erdody,  des  Thun.  Son  illustre  élève, 
»  l'archiduc  Rodolphe,  donnait  l'exemple.  Artiste,  il  traitait  le  plus 
»  grand  artiste  du  temps  comme  il  devait  être  traité,  comme  un  élu 
»  des  largesses  divines.  Beethoven  avait  fait  ses  conditions  avec  le 
»  prince  :  il  désirait  être  seul  avec  lui  pendant  sa  leçon  d'harmonie  et 
»  de  piano.  Le  prince  observa  la  consigne.  Beelhoven  ne  rencontrait 
»  chez  lui  que  l'archiduc  Charles,  le  héros  d'Aspern,  que  l'archiduc 
»  Rodolphe  savait  lui  être  sympathique.  Quelque  charme  que  l'inti- 
»  mité  de  personnes  de  cette  distinction  exerçât  sur  l'esprit  de  l'ar- 
»  tiste,  la  seule  idée  que  la  leçon  approchait  suffisait  pour  le  rendre 
»  malade...  Jamais  Beethoven  ne  réussit  à  se  faire  à  la  moindre  gêne. 
»  L'invitiez-vous  à  dîner,  il  ne  vous  pardonnait  pas  d'avoir  été  tout 
»  un  jour  l'esclave  de  votre  heure.  L'heure  pour  lui,  c'était  un  motif. 
»  Il  avait  encore  la  singulière  idée  qu'on  mange  quand  on  a  faim.  Un 
»  grand  jour  cependant  arriva  où  il  donna  à  dîner  à  Mines  Sontag  et 
»  Ungher.  Ce  dîner  cachait  la  machiavélique  pensée  de  faire  trouver 
»  à  ces  dames  les  difficultés  de  leurs  parties,  dans  la  symphosie  avec 
»  chœurs,  plus  supportables  et  de  leur  prouver  qu'il  était  de  toute 
»  impossibilité  d'y  changer  quelque  chose.  » 

Tous  ces  détails,  et  bien  d'autres,  qui  fourmillent  dans  l'ouvrage  de 
M.  de  Lenz,  doivent  prouver  à  nos  lecteurs  qu'il  possède  admirable- 
ment son  sujet,  et  même  qu'il  ne  se  fait  pas  d'illusion  sur  Beethoven, 
le  Jean- Jacques  de  la  musique  et  de  l'Allemagne.  M.  de  Lenz  nous  pa- 
raît très-capable  d'être  juste  en  toutes  choses;  voilà  pourquoi  nous  lui 
avons  reproché,  et  nous  lui  reprochons  encore,  d'avoir  mal  jugé  la 
France  et  noire  temps,  qu'en  un  endroit  de  son  livre  il  appelle  encore 
«  temps  de  boxe  musv  aie.  »  Qu'est-ce  à  dire?  Voyons:  quel  temps 
regrettez-vous?  Est-celui  où  vécut  Mozart?  Et  pourtant  vous  le  con- 
statez vous-même  :  «  Il  n'y  eut  sorte  de  déboires  que  Mozart  n'é- 
»  prouvât  à  la  suite  de  ses  opéras.  Il  fallut  un  ordre  de  l'empereur 
»  Joseph  pour  mettre  à  la  raison  les  chanteurs  récalcitrants,  inspirés 
»  en  cela  par  l'intrigant  Saliéri,  lors  de  la  première  représentation  des 
»  Noces  de  Figaro.  »  Est-ce  le  temps  de  Beethoven?  Pas  davantage, 
car  vous  avez  soin  d'ajouter  :  «  Ces  mesquines  intrigues,  ces  misé- 
»  râbles  tracasseries,  fidelio  les  renouvela  pour  Beethoven.  »  Croyez- 
nous,  ou  plutôt  ne  nous  croyez  pas,  mais  étudiez  l'histoire,  et  plus 
vous  en  remonterez  le  cours,  plus  vous  y  trouverez  de  ces  débats,  de 
ces  intrigues,  de  cette  boxe,  dont  vous  voulez  nous  attribuer  le  pri- 
vilège. Cela  tient  à  quelque  chose  de  plus  fort  que  l'influence  d'un 
siècle,  à  la  nature  des  artistes,  qui  ne  sont  après  tout  que  des  hommes, 
avec  plus  de  passions,  d'orgueil,  de  jalousie,  que  le  commun  des  mar- 
tyrs dont  se  compose  l'humanité. 

Ce  que  nous  disons  du  temps,  nous  le  disons  avec  bien  plus  de  force 
encore  du  pays.  Vous  accusez  la  France  !  mais  regardez  donc  un  peu 
l'Allemagne  :  la  lui  préférez-vous  ?  II  y  a  quatre  ans ,  en  rendant  compte 
du  charmant  livre  de  votre  compatriote,  M.  Oulibicheff,  nous  avan- 
cions que  l'histoire  de  Mozart  contenait  plusieurs  moralités,  au  nombre 
desquelles  celle-ci  :  «  que  notre  pays  si  souvent  accusé  de  frivolité, 
»  d'ignorance,  d'injustice,  surtout  à  l'égard  des  musiciens,  mérite  en- 
»  core  moins  ce  reproche  qee  la  grave,  la  savante,  l'équitable  A!le- 
»  magne,  car  il  n'est  jamais  arrivé  à  la  France  de  traiter  un  artiste 
»  français  ou  étranger  de  la  taille  et  de  la  valeur  de  Mozart  aussi  mal 
»  que  l'Allemagne  traita  ce  merveilleux  enfant  sorti  de  son  sein.  » 
Voilà  ce  que  nous  écrivions  en  1848,  et  ce  que  vous  confirmez  en  1852. 
«  Le  bourgeois  de  Vienne,  dites-vous,  aimait  Beelhoven  snns  le  com- 


DE  PARIS. 


235 


»  prendre...  (comme  le  Parisien  pur  sang,  qui  dit  Beethoven  et  pense 
»  Musard!)  Le  séjour  prolongé  de  Mozart  et  de  Beethoven  à  Vienne 
»  ont  fait  à  cet  Eldorado  de  la  mehlspeise  (mets  composés  avec  de  la 
»  farine)  la  réputation  d'un  asile  de  la  musique.  Avoir  laissé  Mozart  et 
»  Beethoven  mourir  dans  la  misère,  avoir  oublié  d'encourager  Schu- 
»  bert,  voilà  le  plus  clair  de  l'opinion  musicale  des  Viennois,  pour  les- 
»  quels  Strauss  a  eu  raison  d'écrire  son  Eisele-Bsisele,  p'il/ca!!  »  Ne 
voilà-t-il  pas  que  Musard  môme  se  retrouve  à  Vienne,  en  antagonisme 
avec  Beethoven  !  Ne  voilà-t-il  pas  que  M.  de  Lenz  se  charge  de  venger 
Paris?  Où  donc  est  la  cité  modèle?  Où  donc  est  l'âge  d'or  de  la  mu- 
sique? Il  nous  semble  que  l'auteur  de  Beethoven  et  s"s  trois  styles  au- 
rait quelque  peine  à  nous  le  dire  catégoriquement. 

Donc,  finissons-en  de  toutes  ces  plaintes,  de  tous  ces  sarcasmes  qui 
frappent  dans  le  vide  et  tombent  à  faux.  Vouloir  que  tous  les  artistes 
soient  des  Beethoven,  ou  que  tous  ceux  qui  connaissent  la  musique,  au 
moins  de  réputation,  admirent  Beethoven,  c'est  donner  dans  les  chi- 
mères. Est-ce  que,  dans  l'art  comme  dans  le  monde,  il  ne  faut  pas 
qu'il  y  ait  des  grands  et  des  petits  ?  Autrement,  plus  de  plaisirs  choisis, 
plus  de  ravissements,  plus  d'extases  par  excellence  !  L'habitude  émous- 
serait  la  sensation.  Professons  un  culte  sincère  et  chaleureux  pour  les 
grands  artistes  ;  mais  gardons-nous  de  ces  dédains  réels  ou  affectés 
pour  tout  ce  qui  n'est  pas  l'idole,  pour  tout  ce  qui  s'en  éloigne  peu 
ou  beaucoup.  Oh  !  l'intolérance,  nous  la  délestons  encore  plus  que  le 
tour  de  force,  que  la  voltige  transrendante,  que  la  boxe  musicale  et 
autres  fléaux  sur  lesquels  M.  de  Lenz  jette  l'anathème.  L'intolérance, 
dans  l'art  comme  dans  la  religion,  n'a  pas  de  résultat  plus  sûr  que  de 
rendre  insociable,  haineux,  méchant,  persécuteur.  Jean-Jacques  Rous- 
seau a  une  bien  belle  phrase  là-dessus  dans  sa  Lettre  à  Voltaire  : 
«  Ainsi,  j'appelle  intolérant  par  principe,  dit-il,  tout  homme  qui 
»  s'imagine  qu'on  ne  peut  être  homme  de  bipn  sans  croire  tout  ce  qu'il 
»  croit  et  damne  impitoyablement  tous  ceux  qui  ne  pensent  pas  comme 
»  lui.  En  effet,  les  fidèles  sont  rarement  d'humeur  à  laisser  les  ré- 
»  prouvés  en  paix  dans  ce  monde,  et  un  saint  qui  croit  vivre  avec  des 
»  damnés  anticipe  volontiers  sur  le  métier  du  diable.  » 

Nous  ne  voudrions  anticiper  sur  ce  métier  avec  personne,  avec 
M.  de  Lenz  moins  que  tout  autre,  lui  qui,  dans  un  endroit  de  son  livre 
où  il  se  permet  de  critiquer  un  critique  distingué  ,  adresse  un  regret 
bienveillant  et  flatteur  à  ce  qu'il  appelle  les  fines  plumes  de  la  Revue 
et  Gazette  musicale.  De  plus,  nous  avons  à  le  remercier  du  soin  qu  il 
a  pris  ailleurs  de  relever  une  erreur  par  nous  commise  dans  ce  jour- 
nal, lorsque  Fidelio  parut  cette  année  au  Théâtre-Italien.  Sur  la  foi 
d'un  souvenir  inexact,  nous  avons  dit  que  Lèonore,  tombée  à  Prague, 
s'était  relevée  à  Vienne,  tout  au  rebours  de  Don  Juan,  tandis  que  Lèo- 
nore fut  donnée  d'abord  à  Vienne,  devant  un  auditoire  presque  en- 
tièrement français,  amené  là  par  la  victoire.  Ce  fut  certainement  un 
malheur  pour  Beethoven  que  d'être  jugé  en  premier  ressort  par  la 
France  ;  mais  la  France  n'est-elle  pas  revenue  un  peu  sur  son  arrêt? 
N'a-t-elle  pas  compensé  sa  légèreté  de  1805  à  l'endroit  de  Léonore  par 
les  témoignages  d'une  haute  estime  qui  date  de  plus  de  vingt  années? 
A  tout  péché  miséricorde.  J^a  France  a  du  bon  et  l'ouvrage  de  M.  de 
Lenz  aussi  ;  s'il  n'est  pas  toujours  équitable,  il  est  presque  toujours 
spirituel,  et  à  ce  titre  il  est  français. 

Paul  SMITH. 

DES  NEUMES 

employées   à  la  notation  «lu  plaln-cnant. 

(Premier  article.) 
On  va  sans  doute  me  trouver  bien  lourd  et  bien  ennuyeux  ;  je  le 
le  comprends,  et  c'est  fâcheux  ;  mais,  dans  l'espèce,  comme  disent  les 
jurisconsultes,  il  n'en  peut  guère  être  autrement.  11  faut  que  je  tienne 
ma  parole  (1),  que  j'ai,  malgré  moi,  bien  tardé  à  dégager,  mais  que 
je  ne  veux  pas  retirer.  Pour  vous,  lecteurs  bénévoles,  qui  jouissez  de 

(1)  V.  la  Gazette  musicale  du  12  octobre  1851. 


cette  liberté  et  n'êtes  astreints  par  aucune  loi  à  lire  votre  journal  de- 
puis la  date  du  jour  jusqu'au  nom  de  l'imprimeur,  si  vous  ne  songez 
qu'à  vous  divertir  (ce  qui  prouverait  en  vous  un  grand  fonds  de  sa- 
gesse), passez  ceci ,  ce  n'est  point  breuvage  à  vous  destiné  ;  cherchez 
plus  haut,  cherchez  plus  bas  ;  je  vous  absous  d'avance  de  votre  péché 
d'omission  et  prie  le  ciel  de  continuer  à  vous  tenir  en  allégresse. 

Voilà  donc  qui  est  entendu ,  et,  jusqu'à  la  fin  de  mon  article,  je  ne 
quitterai  plus  mes  ntumes,  dont  je  vais  tâcher  d'exposer  en  gros  la 
théorie,  le  plus  clairement  et  le  plus  brièvement  qu'il  me  sera  pos- 
sible. 

Et,  pour  commencer,  le  mot  neume  est-il  masculin  ou  féminin?  II 
n'existe  pas  dans  la  nomenclature  académique,  et  les  auteurs  qui  l'ont 
employé  le  font  tantôt  d'un  genre,  tantôt  de  l'autre  ;  mais,  comme  il  est 
de  forme  féminine,  se  terminant  par  l'e  muet,  il  me  semble  préférable 
de  le  faire  féminin  ;  ainsi,  par  une  raison  semblable,  ont  agi  les  Ita- 
liens, quand  ils  ont  fait  passer  ce  mot  dans  leur  langue.  Les  poètes  qui 
voudraient  le  faire  entrer  dans  leurs  vers  ne  lui  trouveraient  pas  de 
rime,  et  je  leur  conseillerais,  par  licence  poétique,  de  dire  nume,  au 
lieu  de  neume,  comme  l'on  a  dit  rhume  au  lieu  de  rheume.  Le  mo^ 
neume,  en  latin  neuma,  on  a  aussi  écrit  neugm.a  et  neonia,  est  évidem- 
ment grec,  et  personne,  je  crois,  ne  pourrait  le  contester  ;  mais,  tout 
en  avouant  sa  source  étymologique,  on  n'est  pas  d'accord  sur  son  ori- 
gine. Les  uns,  et  tout  récemment  encore  le  père  Lambillotte,  dans  sa 
belle  et  récente  publication  de  l'Antiphonaire  de  St-Gall,  la  fait  venir  de 
vsû(ia,  signe,  geste,  mouvement  de  tête,  inclinaison,  penchement,  len- 
dance,  signification  que  justifie  pleinement  dans  les  écrivains  grecs  le  mot 
primitif  vsûio.  Mais  on  n'a  pas  remarqué  que  le  mot  vjûna  n'a  jamais 
signifié  signe  d'écriture  musicale,  ni  même  signe  graphique  quelconque. 
Pour  lui  trouver  ce  sens,  il  faut  supposer  une  analogie  que  rienn'aulorise. 
Il  est  beaucoup  plus  sûr  de  chercher  cette  origine  dans  le  mot  irvsD|ia, 
vent,  souffle,  respiration,  esprit.  Le  mot  neume  s'explique  ainsi  natu- 
rellement: c'était  une  série  de  degrés  musicaux  exécutés  d'une  haleine. 
Cette  origine  est  d'autant  plus  certaine  que  les  Grecs  modernes  appel- 
lent OTEûjionra,  esprit,  une  partie  des  signes  de  leur  musique  qui  ex- 
priment toujours  des  tons,  par  opposition  à  d'autres  signes  appelés 
ou>[Aorai,  corps,  parce  qu'ils  n'ont  pas  tous  la  même  faculté,  et,  en 
plusieurs  cas,  n'ont  d'autre  objet  que  de  signaler  la  valeur  des  -vsOaaTa 
Ducange,  si  bien  au  courant  de  tout  ce  qui  concerne  le  moyen-âge 
grec  et  latin,  ne  s'y  est  pas  trompé,  et  il  ne  désigne  même  les  neumes 
que  par  leur  nom  originaire,  qu'il  écrit  en  latin  pneuma. 

La  notation  en  neumes,  dont  l'usage  remonte  assurément  pour  le 
moins  au  vin'  siècle  et  peut-être  au  vi°,  fut  peu  à  peu  et  même  assez 
promptement  abandonnée  lorsque  plusieurs  musicistes  et,  plus  que 
tous  les  autres,  le  célèbre  Guido  d'Arezzo,  [en  eurent  démontré  d'une 
manière  irréfragable  tous  les  inconvénients,  quand  celui-ci  eut  proposé 
pour  les  remplacer,  ou  plus  exactement  pour  les  corriger,  un  système 
préférable  à  tous  égards  et  qui  avait  l'avantage  de  ne  s'écarter  qu'au- 
tant qu'il  le  fallait  des  habitudes  reçues.  Toutefois,  la  neumation  à  l'an- 
cienne manière  continua  en  quelques  lieux,  et  l'on  en  peut  citer  des 
exemples  jusque  dans  le  xuie  siècle.  La  neumation  primitive  ayant  été 
ainsi  abandonnée,  on  ne  s'en  occupa  plus,  et  les  érudits  eux-mêmes 
perdirent  tout-à-fait  la  connaissance  des  signes  neumatiques  en  les  dé- 
clarant indéchiffrables  ;  nous  verrons  qu'ils  n'ont  pas  eu  tort  en  un  sens, 
et  qu'à  plus  forte  raison  ceux  qui  ne  se  donnent  pas  pour  érudits  (et 
j'en  suis)  ont  pu,  à  la  suite  de  quelques  essais,  y  jeter  leur  bonnet  et 
en  donner  leur  part  à  qui  voudrait  la  prendre.  D'autres  plus  hardis,  on 
peut  dire  plus  téméraires,  ont  décidé  à  tort  et  à  travers,  en  se  gardant 
bien  d'aller  au  but  ;  ils  se  sont  par  dessus  tout  imposé  la  tâche  de 
donner  à  croire  qu'ils  en  savaient  bien  plus  long  qu'ils  n'en  disaient, 
et  la  vérité  est  qu'ils  ne  disaient  rien  qui  eût  véritablement  importance 
ou  utilité.  C'est  seulement  à  une  époque  toute  récente  qu'un  des 
hommes  les  plus  patients  et  les  plus  laborieux  que  je  connaisse, 
M.  Théodore  Nisard,  a,  autant  que  faire  se  pouvait,  débrouillé  et  dilu- 
cidé  cette  ténébreuse  matière,  d'abord  dans  une  série  d'articles  dont 


236 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


s'est  enrichie  la  Revue  archéologique,  et  qui  malheureusement  n'ont  pas 
été  continués,  mais  dont  vraisemblablement  l'auteur  aura  reproduit  la 
substance  dans  un  Mémoire  adressé  à  l'Académie  des  inscriptions  et 
belles-lettres,  et  que  cette  société  a  mentionné  honorablement.  Dans 
ce  que  je  vais  dire  je  m'aiderai  d'autant  plus  volontiers  de  ses  savantes 
recherches  qu'il  cite  presque  toujours  in  extenso  les  sources  où  il 
puise.  Le  père  Lambillotte  est  venu  depuis  apporter,  pour  l'illustration 
de  l'édifice  neumatique,  de  nouveaux  matériaux  dont  j'aurai  aussi  à 
profiter. 

En  laissant  de  côté  les  discussions  de  détail,  on  peut  dire  que  la  neu- 
mation  était  précisément  ce  qu'est  pour  nous  la  notation.  Ntumer  une 
antienne  ou  toute  autre  pièce,  c'était  ajouter  les  notes  au-dessus  des 
paroles  destinées  au  chant  :  Neumare  est  notas  verbis  musice  decon- 
tandis  superadilere,  écrit  Du  Cange,  et  Guido  dit  à  peu  près  la  même 
chose.  Mais  l'idée  de  neume  ne  correspondait  pas  précisément  à  notre 
mot  note  ;  car  par  celui-ci  nous  concevons  toujours  un  signe  isolé,  re- 
présentant un  ton  unique,  tandis  que  par  l'autre  il  faut  entendre  , 
comme  je  l'ai  déjà  marqué  en  parlant  de  son  étymologie,  une  série  de 
tons  plus  ou  moins  nombreux ,  émissibles  d'une  seule  haleine.  Une 
neume  pouvait  s'appliquer  à  plusieurs  syllabes  ou  à  une  seule ,  et  quel- 
quefois une  seule  syllabe  portait  plusieurs  neumes.  Ces  neumes  pou- 
vaient être  de  deux,  de  trois,  de  quatre,  etc.,  degrés  ascendants,  des- 
cendants ou  permanents. 

Les  définitions  données  parles  anciens  écrivains  rentrent  toutes  dans 
l'idée  qui  vient  d'être  exprimée.  Au  dire  de  Hugband,  le  premier  en 
ordre  chronologique  des  écrivains  spéciaux  du  moyen-âge,  ce  sont  des 
parties  de  la  cantilène,  parles  cantihnœ,  des  signes  de  plusieurs  sons, 
plurium  soiiorv.ni  signa.  Dans  des  écrivains  plus  récents,  c'est  encore 
pour  Marchetti  de  Padoue  une  réunion  de  notes  qui  forme,  assemble, 
distingue  et  conclut  le  chant.  Le  même  mot  s'est  aussi  entendu  non 
plus  des  signes  du  chant,  mais  bien  du  chant  lui-même.  Saint  Guillaume 
l'a  employé  dans  le  sens  ^'intervalle.  On  l'a  aussi  appliqué,  sans  doute 
fort  mal  à  propos,  à  la  barre  de  mesure  qui  embrasse  toutes  les  lignes 
et  marque  les  divisions  d'un  morceau  de  musique  ou  de  plain-chant. 
Enfin  on  s'est  servi  du  mot  neume  pour  désigner  une  traînée  de  notes 
faite  à  la  fin  d'une  antienne  ou  de  toute  autre  pièce,  sur  la  dernière 
syllabe,  et  qu'ailleurs  on  a  quelquefois  appelée  jubilus  ;  c'est  même 
dans  cet  unique  sens  que  le  mot  neume  s'est  conservé  dans  les  traités 
modernes  de  plain-chant,  l'autre  étant  tout  à  fait  tombé  en  désuétude. 

Ici  ce  n'est  qu'en  qualités  de  signes  de  l'écriture  musicale  que  les 
neumes  doivent  être  examinées.  Parmi  ces  signes,  celui  qui  désignait  un 
ton  unique  appliqué  à  une  syllabe  portait  entr'autres  noms  celui  de 
point,  punclum,  et  l'on  a  par  suite  nommé  points  les  éléments,  c'est- 
à-dire  les  différents  degrés  de  la  neume,  et  le  sens  primitif  de  ce  mot 
s'est  conservé  dans  celui  de  contrepoint.  Toutefois  la  division  des  neu- 
mes en  points  pourrait  bien  n'avoir  été  admise  qu'après  Guido,  et  lors- 
que l'on  commençait  à  noter  non  plus  en  neumes,  mais  en  points  véri- 
tables, ou  bien  lorsque  les  neumes  se  plaçant  sur  les  lignes  de  la  portée 
guidonienne,  le  degré  où  la  voix  devait  varier  d'intonation  dans  les 
nœuds  de  deux,  trois,  quatre,  etc.,  degrés,  était  caractérisé  par  un  angle, 
une  duplication,  un  grossissement,  un  épatement  du  trait  qui  détermi- 
nait la  série  de  tons  à  exprimer.  Peu  importe  d'ailleurs  que  cette  dé- 
composition des  neumes  en  points  soit  plus  ou  moins  ancienne,  puis- 
qu'elle devait  inévitablement  exister  dans  la  pensée  du  chanteur  qui 
lisait  une  pièce  neumée. 

Les  signes  neumatiques  sont  simples  ou  composés. 

Les  premiers  s'appliquent  à  un  seul  degré,  sans  qu'il  soit  nécessaire 
que  ce  degré  ait  une  syllabe  à  lui  propre.  On  les  nomme  punctum  ou 
punctus,  virgula,  pressus,  etc. 

Les  signes  composés  sont  ceux  qui  sous  une  seule  figure  renferment 
plusieurs  degrés  :  scandicus,  climacvs,  podatus,  etc. 

Les  signes  simples  peuvent  s'unir  aux  signes  composés,  et  former 
ainsi  des  groupes  qui  passent  sur  une  seule  syllabe;  mais  un  signe 
composé  ne  saurait  jamais  s'appliquer  à  plusieurs  syllabes. 


Les  signes  composés  peuvent,  d'après  les  principes  de  M.  Nisard, 
se  diviser  en  trois  classes  :  1°  signes  formés  d'une  ligature  simple  qui 
attache  l'un  à  l'autre  chacun  des  degrés  de  la  neume,  et  que,  par  con- 
séquent, on  pourrait  appeler  nœuds  ;  2°  signes  formés  de  points  déta- 
chés, mais  groupés  en  raison  de  leur  mouvement  ascendant  ou  des- 
cendant ;  3°  signes  mixtes  qui  se  composent  des  deux  combinaisons 
précédentes.  Ce  mélange  n'a  rien  qui  doive  étonner,  et  le  motif  en  est 
évident.  Les  neumatistes,  n'ayant  pas  de  signes  pour  exprimer  tous  les 
groupes  possibles  de  degrés,  faisaient  suivre  un  nœud  d'un  autre 
nœud  ou  bien  d'un  signe  simple,  et,  lorsque  la  chose  leur  convenait, 
de  plusieurs  signes  simples  placés  à  la  suite  les  uns  des  autres  en  di- 
verses positions. 

Se  fondant  principalement  sur  deux  passages,  l'un  de  Guido,  l'autre 
du  poëte  Prudence,  M.  Nisard  croit  que  les  neumes  sont  des  formules 
tachygraphiques  du  genre  de  celles  dont  les  anciens  Romains  faisaient 
usage  pour  la  reproduction  des  discours  de  leurs  orateurs  et  des  le- 
çons qui  se  donnaient  dans  des  chaires  publiques;  mais  j'avoue  que  ce 
système  ne  me  semble  pas  suffisamment  étayé.  D'abord  ces  écrivains 
qui  ont  parlé  des  moyens  de  sténographie  anciennement  employés  (et 
ils  ne  sont  pas  fort  nombreux)  n'ont  jamais  dit  que  ces  moyens  s'ap- 
pliquassent à  la  musique,  et  l'on  ne  voit  pas  véritablement  quelle  utilité 
ils  auraient  eue  en  ce  sens.  A  la  vérité,  Guido,  après  avoir  dit  que  la 
notation  en  lettres  lui  paraissait  excellente,  sans  doute  pour  l'enseigne- 
ment, puisque  de  son  temps  on  ne  faisait  pas  de  la  notation  en  lettres 
un  usage  journalier, 

Solis  litteris  notare  optimum  probavimus , 

ajoute  que  pour  abréger  l'on  se  sert  de  neumes  : 

Causa  vero  breviandi  neumaj  soient  fieri; 

mais  évidemment  ici  le  principe  est  tout  différent.  Les  signes  tachy- 
graphiques de  la  parole  devaient  être  traduits  dans  l'écriture  vulgaire 
pour  être  compris  de  tout  le  monde,  et  cela  est  si  vrai  que  les  manu- 
scrits les  plus  anciens  que  nous  connaissions  ne  renferment  précisément 
aucun  signe  abréviatif,  tandis  que  tout  au  contraire  les  neumes  chan- 
geaient des  lettres  musicales  connues  en  signes  nouveaux  dont  il  fallait 
acquérir  l'habitude.  L'usage  des  neumes  devait  donc  avoir  un  principe 
différent. 

Le  passage  de  Prudence  ne  me  semble  pas  non  plus  assez  explicite 
pour  que  l'on  se  décide,  comme  le  fait  sans  hésiter  M.  Nisard,  à  en 
faire  application  à  la  musique.  Ce  poëte  du  ive  siècle,  célébrant  saint 
Cassien,  martyr,  le  représente  comme  un  habile  tachygraphe  : 

Verba  rôtis  brevibus  comprendere  multa  peritus, 
Raptimque  punctis  dicta  prœpetibus  sequi. 

On  sent  bien  que  les  mots  notes,  brèves  et  points  ne  peuvent  s'appli- 
q  uer  en  ce  cas  à  la  musique  que  par  une  analogie  qui  n'est  aucune- 
ment indiquée  ,  puisqu'il  ne  s'agit  que  de  l'écriture  reproductive  du 
discours.  La  conjecture  de  M.  Nisard,  tout  ingénieuse  qu'elle  est,  ne 
me  semble  donc  être  en  somme  qu'une  conjecture. 

Je  pense  qu'il  ne  faut  chercher  l'origine  des  neumes  que  dans  elles- 
mêmes,  c'est-à-dire  dans  leur  forme  matérielle  et  dans  l'avantage 
qu'elles  offraient  de  peindre  à  l'œil  les  progressions  de  la  voix.  Là  ré- 
sidait leur  véritable  et  incontestable  utilité.  Leur  introduction  fut  une 
innovation  des  plus  importantes,  et  leur  substitution  aux  lettres  ou 
mutilations  de  lettres  grecques  ou  latines,  un  grand  avantage  pour 
l'exécution.  Elles  présentèrent  pour  la  première  fois  au  sens  delà  vue 
les  formes  en  quelque  sorte  matérielles  de  la  mélodie  exprimée  au 
moyen  de  lignes  et  de  points  que  la  pensée  analysait  aisément.  Je  dirai 
bientôt  quels  graves  inconvénients  elles  portaient  avec  elles. 

Adrien  de  la  FAGE. 


DE  PAI'.IS. 


237 


REVUE  CBITIQUE. 

BIieM<iii<>  ctc    Piano. 

GRANDE  FANTAISIE  SUR  LE  PROPHETE, 

PAR    M.    LÉOPOLD   DE    MEYER. 

NOCTURNE,  ROMANCES  SANS  PAROLES,  GALOP, 

PAR    M.    CHAULES    JOllX. 

Depuis  la  venue  en  ce  monde  musical  du  Prophète,  il  est  né  de  cette 
belle  partition  une  foule  d'ouvrages,  d'arrangements,  de  fantaisies  qui 
ont  participé  du  bonheur  de  leur  origine.  Quand  on  a  sous  les  yeux  et 
qu'on  cherche  à  se  mettre  sous  les  doigts  le  morceau  que  vient  d'é- 
crire M.  Léopold  de  Meyer  sur  cet  ouvrage  lyrique,  si  dramatique,  on 
se  prend  à  se  dire,  h  se  répéter  cet  axiome  populaire  :  Aux  derniers 
les  bons.  Ce  morceau  intitulé  :  Grande  fantaisie  sur  les  motifs  du 
prophète,  à  l'illustre  giacomo  meyerbeer,  est  un  solo  de  piano,  bril- 
lant et  dramatique  et  d'un  effet  sûr,  soit  qu'on  le  joue  au  salon  ou  dans 
une  salle  de  concert  ;  mais  surtout  quand  il  est  exécuté  par  l'auteur. 

M.  Léopold  de  Meyer  ne  procède  point  comme  ses  confrères  en  fan- 
taisies :  ce  n'est  point  sur  un  fragment  étriqué  d'un  des  motifs  princi- 
paux de  la  partition  qu'il  bâtit  son  introduction  ;  il  entre  tout  d'abord 
en  matière  par  le  cantique,  la  mélodie  principale  du  final  du  troisième 
acte  :  Roi  du  ciel  et  des  anges,  je  dirai  les  louanges.  Cette  large  mé- 
lodie est  attaquée  en  la  bémol  majeur  et  par  accents  brefs,  puis  en 
style  lié,  puis  une  troisième  fois  surmontée  d'un  accompagnement  fi- 
gurant les  arpèges  entrecoupés  de  harpes  du  paradis  ou  celles  de  l'or- 
chestre de  l'Opéra.  Après  ces  prolégomènes  largement  posés ,  excel- 
lente préface  qui  fixe  on  ne  peut  mieux  l'attention  sur  une  des  plus 
belles  mélodies  de  l'œuvre  de  Meyerbeer,  le  fantaisiste  chante,  avec 
des  broderies  charmantes,  avec  des  caprices  délicieux  de  légèreté  ,  la 
jolie  romance  du  deuxième  acte  : 

Pour  Bcrthe,  moi,  je  soupire, 
Je  ne  veux  pas  d'autre  empire. 

Ce  chant,  dit  d'abord  en  si  bémol  majeur,  comme  dans  la  partition, 
passe  en  ré  bémol  majeur,  toujours  orné  de  broderies  que  se  partagent 
les  deux  mains,  et  compliqué  de  plus,  ici,  d'un  trille  sur  la  dominante 
de  ce  ton  de  ré  bémol,  trille  d'une  animation,  d'une  richesse  et  d'une 
vivacité  délicieuses.  Tout  cela  aboutit  à  un  point-d'orgue,  une  cadeuza, 
un  dessin  en  arabesque,  sorte  de  pluie  en  perles  fines  ou  de  fines  mé- 
lodie qui  ne  cesse  que  pour  laisser  entendre  le  galop  des  chevaux  de 
l'escorte  du  comte  Oberthal  venant  pour  enlever  Berthe.  Le  drame  de 
l'enlèvement  se  développe  :  on  entend  les  menaces  des  féroces  hom- 
mes d'armes  d'Oberthal  ;  les  cris  de  rage,  et  de  douleur  et  d'effroi  de 
Jean  de  Leyde,  de  sa  mère  et  de  sa  fiancée.  Avec  cet  ensemble  si  dra- 
matique, s'annonce,  en  s'y  mêlant  le  chant  religieux  du  sacre  dans  la 
basilique  de  Munster,  qui,  du  ton  de  ré  bémol,  passe  ingénieusement 
en  ut  majeur  et  puis  en  mi  bémol  majeur.  Sur  la  mélodie  si  religieuse 
et  si  grandiose  :  Le  voilà  le  roi  prophète,  etc.,  le  compositeur,  l'arran- 
geur qui  est  pianiste,  soliste  avant  tout,  se  livre  à  une  intempérance  de 
broderies,  de  traits,  de  trilles  incessants  qu'il  distribue  en  faciles  et 
difficiles  pour  les  s  mples  amateurs  ou  amateurs-artistes  par  des  ac- 
colades supplémentaires  ;  et  au  milieu  de  ce  luxe  éblouissant  de  notes, 
perce  toujours  la  pompeuse  mélodie  annonçant  l'arrivée  dans  le  temple 
du  roi-prophète,  qui  va  se  dessinant  dans  son  allure  grave,  et  douce  et 
noble,  sous  ce  gazouillement  de  mille  oiseaux  ;  et  cela,  diminuendo, 
perdendosi,  se  repose  enfin  sur  la  dominante  du  ton  primitif  de  la  bé- 
mol, tonalité  dans  laquelle  intervient  le  pas  des  patineurs  qui  imite 
d'une  façon  si  pittoresque  l'exercice  des  coureurs  sur  la  glace.  Ce  des- 
sin-mélodie convient  on  ne  peut  mieux  au  piano  ;  il  est  d'un  charmant 
effet  sur  cet  instrument  ;  il  est  léger,  pimpant  et  plein  d'élégance. 
M.  Meyer  l'a  orné  d'une  basse  compliquée  pour  la  main  gauche,  qu'il 
a  simplifiée  encore  par  une  troisième  ligne  supplémentaire  comme 
celles  dont  nous  venons  de  parler  plus  haut. 

A  ce  pas  des  patineurs,  varié  avec  infiniment  de  goût,  se  joint,  avec 


une  modulation  rationnelle,  le  chœur  si  bien  rhythmé  des  bourgeois  de 
Munster,  par  lequel  s'ouvre  le  quatrième  acte  : 

Courbons  notre  tête  ; 
Craignons  les  méchants. 

Ce  chœur  si  plein  d'effets  contrastés  à  la  scène  par  les  cris  d'enthou- 
siasmes et  les  malédictions  à  voix  basse  dont  la  bourgeoisie  hypocrite 
et  lâche  de  Munster  poursuit  le  tyran,  est  bien  mis  en  scène  aussi  sur 
le  clavier.  Cette  mélodie  énergique,  franche  et  bien  rhylhmée  se  mêle 
à  celle  du  chant  religieux  et  guerrier  du  final  du  troisième  acte  :  Roi  du 
ciel  et  des  anges,  qui  est  rappelé  ici  on  ne  peut  plus  heureusement,  et 
forme  la  péroraison  animée  et  pleine  de  chaleur  de  cette  grande  fan- 
taisie, de  ce  drame  lyrique  pour  le  piano,  dans  lequel  une  foule  d'idées 
accessoires,  mais  ingénieuses,  viennent  se  joindre  à  celles  du  dernier 
chef-d'œuvre  de  Meyerbeer,  dont  M.  Léopold  de  Meyer  a  fait  un 
brillant  résumé. 

—  M.  Charles  John  est  le  virtuose  de  l'intimité,  le  pianiste  des  dames 
baronnes,  comtesses,  vicomtesses,  auxquelles  il  dédie  des  nocturnes, 
des  romances  sans  paroles,  et  des  galops,  etc.  Comme  Chopin,  qu'il 
n'a  pas  la  prétention  de  remplacer  cependant,  il  est  craintif  de- 
vant le  public  et  sa  mélodie  est  gracieuse  ;  sa  manière  de'jouer  du 
piano  craintive  comme  la  sensitive;  il  lui  faut  le  demi-jour  du  bou- 
doir pour  se  faire  ouïr:  aussi  le  nocturne  mystérieux,  berçant  l'audi- 
teur de  rêverie,  lui  va-t-il.  Celui  qu'il  a  écrit  pour  Mme  la  comtesse  de 
Béthune  réunit  toutes  les  conditions  de  ce  genre  de  musique  milliflue. 
Cela  est  en  mi  mineur,  en  mesure  à  six-huit  :  cela  va,  se  promène  avec 
assez  de  grâce.  La  mélodie,  qui  en  est  facile  et  naturelle,  marche  sans 
être  gênée  d'un  double  dessin  d'accompagnement  en  six  croches  et 
douze  doubles  croches  qui  évoluent  avec  aisance  à  la  Thalberg.  Cela 
n'a  pas  la  prétention  de  moduler  scientifiquement  et  n'a  que  l'étendue 
de  quatre  pages  de  gravure  qui  sont  dédiées  à  Mme  la  comtesse  de 
Béthune. 

Comme  Mendulssohn ,  qui  a  écrit  des  romances  sans  paroles , 
M.  Charles  John  a  jeté  sur  le  papier,  pour  être  offertes  à  Mme  la  vie  vi- 
tesse Elysa  des  Roys,  trois  jolies  bagatelles  de  ce  genre  intitulées  : 
Barcarolles,  Souvenir  et  Sérénade,  douces  élégies  d'une  forme  encore 
plus  exiguë  que  le  nocturne  dont  nous  venons  de  parler.  Ces  gentilles 
balançoires  musicales,  qu'on  pourrait  nommer  aussi  des  berceuses,  car 
elles  sont  en  mesures  à  douze-huit  et  six-huit,  ont  le  caractère  mélodi- 
que et  harmonique  et  peu  modulé  de  nos  romances  françaises,  ayant 
sur  elles  cependant  l'avantage  de  n  avoir  point  de  paroles  niaises  ou 
inconvenantes.  C'est  toujours  ça  de  gagné. 

Le  Galop  brillant,  mis  sous  le  patronage  de  Mme  la  baronne  Clo- 
tilde  Duquesne,est  une  œuvre  largement  terpsichorienne  :  c'est  alerte, 
varié,  bien  rhythmé,  suffisamment  modulé  et  largement  développé  ;  il  y 
a  là  dedans  de  la  gaîté,  de  la  verve  et  de  l'entrain  et  jusqu'à  du  délire... 
réglé  cependant  par  l'impérieux  deux-quatre  et  la  logique  de  la  modu- 
lation. Un  peut  dire  enfin  de  ce  galop ,  d'une  exécution  bridante  et 
même  facile  ,  ce  que  dit  Damis,  le  métromane,  dans  le  chef-d'œuvre 
de  Piron  : 

La  mère  en  prescrira  la  lecture  a  sa  fille. 

Henri  BLANCHARD. 


NOUVELLES. 

%*  Demain  lundi,  à  l'Opéra,  le  Juif  errant. 

***  Pendant  la  semaine  qui  vient  de  finir,  la  lutte  s'est  continuée  entre 
une  chaleur  tropicale  et  un  répertoire  des  plus  brillants.  Le  Prophète,  le 
Juif  errant ,  Guillaume  Ttll,  se  sont  présentés  successivement  comme 
champions  du  répertoire,  et  leurs  efforts  n'ont  pas  été  perdus.  La  salle  de 
l'Opéra  n'a  cessé  de  présenter  un  aspect  digne  des  meilleurs  temps  de 
l'année.  C'est  au  zèle  des  artistes  qu'il  faut  rendre  grâce  de  l'empresse- 
meut  du  public,  parmi  lequel  on  remarque  beaucoup  d'étrangers. 

%*  Il  est  toujours  question  de  reprendre  le  Mohe  de  Rossini,  et  les 
études  se  poursuivent.  Voici  comment  les  rôles  seront  distribués  : 
Aménophis,  Gueymard  ;  Eliezer,  Chapuis;  Pharaon,  Jlorelli;  Moïse,  Obin; 
Oziride,  Depassio;  Sinaïde,  Mlle  Poinsot;  Marie,  Mlle  Masson  ;  Anai, 
Mme  Laborde. 


238 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


%*  Le  ténor  Rousseau  de  Lagrave  quitte  décidément  l'Opéra  et  va  don- 
ner des  représentations  en  province  et  à  l'étranger.  11  commencera  par 
se  faire  entendre  à   Chambéry. 

*„*  Bauche,  le  ténor,  que  nous  entendions  il  y  a  trois  ans  à  l'Opéra- 
Comique,  doit  débuter  bientôt  a  l'Opéra. 

*„*  La  première  représentation  de  la  Croix  de  Marie ,  musique  de 
M.  Maillart,  est  annoncée  pour  demain  lundi  à  l'Opéra-Comique. 

%*  Le  directeur  des  Beaux-Arts  vient  de  décider  que  les  bustes  des 
principaux  auteurs  qui  ont  illustré  la  scène  de  l'Opéra-Comique  seraient 
placés  dans  le  foyer  de  ce  théâtre.  En  conséquence,  quatorze  bustes  ont 
été  commandés  a  divers  artistes,  savoir  :  huit|pourlesmusiciens:Monsigny, 
Grétry,  Dalayrac,  Méhul,  Berton,  Boïeldieu,  Nicolo,  Hérold;  et  six  pour 
les  auteurs  dramatiques  :  Favart,  Sedaine,  Marmontel,  Marsollier,  Saint- 
Just ,  Etienne. 

%*  Adolphe  Adam  termine  l'opéra  en  trois  actes  qu'il  s'est  chargé  d'é- 
crire pour  la  prochaine  saison  du  Théâtre  Lyrique  dirigé  par  M.  Jules 
Séveste. 

%*  Georges  Bousquet  compose  également  la  musique  d'un  opéra  en 
deux  actes  pour  le  même  théâtre. 

***  Un  journal  annonce  à  tort  qu'Audran,  l'ex-pensionnaire  de  l'Opéra- 
Comique,  est  engagé  au  Grand  Théâtre  de  Marseille  en  qualité  de  ténor 
léger  et  pour  tout  le  temps  de  la  nouvelle  campagne;  on  le  dit  même 
parti  pour  cette  ville.  Il  n'en  est  rien.  Audran  vit  paisiblement  en  fa- 
mille dans  sa  petite  maison  de  campagne  d'Ecouen.  Il  n'ira  à  Marseille 
qu'au  commencement  du  mois  de  septembre,  où  il  se  fera  entendre  dans 
quelques  représentations  extraordinaires  seulement  En  attendant  l'époque 
de  son  départ,  Audran  complète  son  répertoire  d'opéra  comique  par  l'é- 
tude des  derniers  rôles  créés  par  Roger,  notamment  celui  de  Scopetto, 
dans  la  Sirène,  qu'il  chante  à  ravir. 

%*  Par  décision  ministérielle,  le  droit  des  hospices  continuera  d'être 
payé  par  les  théâtres  sur  le  taux  actuel. 

***  Les  concours  à  huis  clos  sont  commencés  au  Conservatoire  de  mu- 
sique et  de  déclamation.  Dimanche  dernier,  les  élèves  des  classes  d'har- 
monie et  d'accompagnement  pratique,  ayant  pour  professeurs  MM.  Bazin, 
Lecouppey,  Bienaimé  et  Mme  Dufresne,  sont  entrés  en  loge.  Aujourd'hui 
c'est  le  tour  des  élèves  d'harmonie,  dont  les  professeurs  sont  MM.  Elwart 
et  Reber,  et  des  élèves  des  classes  de  contrepoint  et  de  fugue,  tenues  par 
MM.  llalévy,  Carafa,  Adolphe  Adam  et  Leborne.  Ces  divers  concours  seront 
jugés  dans  la  dernière  semaine  du  mois. 

*„*  Tamburini  et  Mme  Persiani,  à  peine  arrivés  de  Saint-Pétersbourg, 
ont  pris  part  l'autre  semaine  à  une  fête  brillante  qui  se  donnait  dans  les 
salles  de  la  mairie  de  Neuilly.  Alexis  Dupond  a  chanté  avec  Mme  Persiani 
un  duettino  d'Alary.Mlle  Joséphine  Martin,  la  charmante  pianiste,  Alard 
et  son  violon  prodigieux,  tenaient  aussi  leur  place  dans  cette  fête  musi- 
cale, qui  a  produit  pour  les  indigents  une  abondante  aumône. 

%*  Un  jugement  de  la  7e  chambre  du  tribunal  de  première  instance 
vient  de  décider,  contrairement  aux  conclusions  du  ministère  public,  que 
les  droits  de  la  Société  des  auteurs  et  compositeurs  de  musique,  dont 
M.  Henrichs  est  l'agent  général,  pouvaient  s'exercer  même  contre  les  ar- 
tistes qui  organisent  un  concert  à  leur  profit.  M.  Offenbach  a  été  con- 
damné à  25  fr.  d'amende  et  25  fr.  de  dommages-intérêts;  M.  Léon,  à 
50  fr.  d'amende  et  à  50  fr.  de  dommages-intérêts.  M.  Offenbach  a  inter- 
jeté appel  de  cette  décision. 

%*  Rossini  a  présidé  il  y  a  peu  de  jours  à  l'exécution  de  ses  admira- 
bles chœurs,  la  Foi,  l  Espérance  et  la  Charité,  dans  un  concert  de  la  So- 
ciété philharmonique  de  Florence.  Aux  artistes  les  plus  distingués  s  é- 
taient  joints  d'illustres  amateurs,  comme  la  princesse  Poniatowski  et  la 
comtesse  Orsini.  Le  prince  Carlo  Poniatowski  a  chanté  plusieurs  mor- 
ceaux avec  ce  sentiment  élevé  de  l'art  que  tout  le  monde  lui  connaît. 

%,*  Le  jeune  violoniste,  Paul  Julien,  parti  pour  l'Amérique,  vient  d'ar- 
river à  New-York.  Pendant  la  traversée,  il  n'a  pu  se  dispenser  déjouer 
à  bord  du  navire,  le  Franklin.  La  recette  s'est  élevée  à  plus  de  60(i  fr  ,  et 
l'intéressant  artiste  a  chargé  le  capitaine  de  la  remettre  à  l'asile  des  pau- 
vres orphelins  et  veuves  de  la  marine  américaine. 

*„*  Le  conseil  municipal  de  Paris  a  voté  récemment  sur  la  réorganisation 
des  corps  de  musique  de  la  garde  nationale  de  Paris.  Bien  que  réduite  â 
cinq  corps,  dont  un  pour  chacune  des  subdivisions  actuelles,  la  musique 
delà  garde  nationale  coûtera  annuellement  18,000  fr.  de  plus  que  lorsqu'il 


y  avait  douze  lésions  sur  pied.   Cette  augmentation  est  consentie,  dit  la 
déclaration,  en  vue  d'encourager  l'art  et  de  venir  en  aide  aux  artistes. 

V  La  Suède,  qui  avait  déjà  produit  Jenny  Lind  et  Mlle  Nissen,  vient 
encore  d'envoyer  en  Allemagne  une  nouvelle  cantatrice,  remarquable  par 
sa  voix  et  par  sa  méthode  :  c'est  Mlle  Westersland,  de  Stockholm,  qui  est 
maintenant  à  Berlin,  pour  s'y  perfectionner  dans  la  langue  allemande. 

%*  Un  projet  qui  obtiendra  le  sympathique  assentiment  de  tous  ceux 
qui  aiment  l'art  sérieux  et  gardent  un  culte  aux  grands  artistes  qui  en 
furent  la  gloire,  est  sur  le  point  de  s'effectuer  dans  le  département  des 
des  Hautes-Pyrénées  Une  souscription,  à  la  tête  de  laquelle  figurent  les 
noms  des  premières  autorités  et  des  hautes  notabilités  du  département, 
est  ouverte  à  Tarbes  pour  l'érection  d'un  monument  à  la  mémoire  de 
l'illustre  violon  Lafont,  qui  a  péri  si  malheureusement  dans  cette  contrée. 
Toute,  la  France  artistique  voudra,  de  fait  et  de  cœur,  s'associer  à  cet 
hommage  rendu  à  un  grand  artiste  qui  a  laissé  de  son  admirable  talent 
un  impérissable  souvenir,  et  les  noms  des  nombreux  voyageurs  qui  vont 
tous  les  ans  faire  une  excursion  d'art  dans  les  Pyrénées  ne  tarderont  pas 
à  remplir  les  listes  de  la  souscription.  —  Les  personnes  qui  désireront 
souscrire  à  Paris  sont  priées  de  déposer  leurs  offrandes,  dont  le  chiffre 
est  facultatif,  au  bureau  de  la  Gazette  musicale,  chez  M.  Brandus,  éditeur 
de  musique,  rue  Richelieu;  ou,  si  elles  le  préfèrent,  à  Tarbes  même,  en 
s'adressant  à  M.  Guttmann,  artiste  et  professeur  de  musique,  chargé  de 
tous  les  détails  de  la  souscription. 

%*  Emile  Prudent  n'est  pas  encore  revenu  de  Londres.  Il  est  retenu 
dans  cette  ville  parles  magnifiques  propositions  qui  lui  sont  faites  pour 
accompagner  Mme  Sontag  en  Amérique.  On  ne  sait  encore  si  réminent 
artiste  acceptera. 

V  Vieuxtemps  est  de  retour,  après  avoir  décidément  renoncé  au  sé- 
jour de  la  Russie  et  à  la  position  qu'il  y  occupait. 

%*  M.  Ilocmelle.  organiste  de  Saint-Thomas  d'Aquin,  a  improvisé  un 
Te  Veum  en  cette  église,  hier  samedi,  veille  de  la  fête  patronale  de  la  pa- 
roisse. 

%*  Mme  Steinor-Beaucé  sœur  de  Mme  Ugalde,  vient  de  signer  un  ma- 
gnifique engagement  avec  le  théâtre  de  la  Monnaie,  à  Bruxelles. 

%*  Les  journaux  de  Boulogne  ne  tarissent  pas  en  éloges  sur  le  talent 
de  Mlle  Sophie  Noël,  jeune  cantatrice  que  nous  pourrons  incessamment 
juger  à  Paris.  Mlle  Sophie  Noël  s'est  fait  encore  très-vivement  applaudir 
il  y  a  quelques  jours  dans  la  Fè<;  aur.  Ruses.  Elle  a  été  ravissante. 

%•  Mlle  Mattmann,  une  de  nos  pianistes  les  plus  distinguées,  vient 
d'épouser  M.  Démarche. 

%*  Les  journaux  de  Madrid  sont  remplis  des  succès  de  Gottschalk.  A 
son  dernier  concert  au  théâtre  del  Principe  on  lui  ajeté  une  magnifique 
couronne. 

*4*  La  Société  de  musique  religieuse  dont  le  journal  (le  Choeur)  se  pu- 
blie à  Nancy,  avait  mis  au  concours  pour  sa  quatrième  année  1851-52, 
les  sujets  suivants  :  1°  traiter  le  Regma  cœli  en  faux  bourdon  alla  capella; 
2°  les  mêmes  paroles  en  motet  à  trois  voix  ;  3°  l'hymne  de  l'office  de 
Sainte-Cécile  (du  bréviaire  Mozarabe)  en  chœur  et  en  solo  alternatifs  avec 
refrain  ;  4°  un  répons  du  même  office  arrangé  de  même  ;  5"  enfin  une 
pièce  d'orgue  sur  la  pastorale  de  Beethoven  avec  quelques  lignes  fuguées. 
Le  prix,  qui,  cette  année,  consiste  en  une  médaille  de  bronze  et  un  vo- 
lume des  œuvres  des  grands  maîtres,  a  été  gagné  ex  œquo  par  deux 
étrangers  d'une  assez  grande  valeur  artistique  :  M.  Louis  Liebé,  directeur 
de  la  Société  philharmonique  à  Strasbourg,  et  M.  l'abbé  Jacques  Toma- 
tlini,  organiste  de  la  collégiale  de  Cividale  en  Lombardie.  Le  Chœur 
va  publier  dans  son  dernier  numéro  une  partie  de  la  composition  des 
deux  lauréats.  Le  dernier  numéro  de  quatrième  année  contenait  un  motet 
de  Palestrina,  un  Tantum  ergo  de  Lefranc,  ancien  enfant  de  chœur  de  la 
Sainte-Chapelle;  deux  antiennes  à  quatre  voix  par  Dom  Schubgier,  maître 
de  chapelle  de  Notre  Dame-des-Ermites,un  Ave  maris  Stella  du  xvi°  siècle; 
enfin  une  pièce  d'orgue  de  Rinck. 

Le  gérant  :  Ernest  DESCHAMPS. 
MUSIQUE  RELIGIEUSE. 


Collection  périodique  des  meilleures  pièces  de  musique  d'église, 

pour  les  voix  et  l'orgue. 

Six  numéros  par  an. 

Envoyer  un  mandat  de  6  fr.  50  sur  la  JVte,  à  M.  REGNIER,  secrétaire 

de  la  Société  de  musique  religieuse,  à  Nancy. 


POUR  ETRE  MISE  EN  VENTE  LE  1"  AOUT, 


Prix  :  4©  fr. 


DE  PARIS. 


239 


Chez   2îKA:îI»UM  ci  Ce,  édHfenrt»,    fl^S5,  rsse  Kielielien, 


LE 


Ojiéra  «-ni  cin<)  acteis  , 

Paroles  de 


MM.   E.    SCRIBE   et   DE   SAINT -GEORGES 

Musique  de 


MMWÏÏ 


JOe   l'Jf*»8lil*tt. 


Partition  pour  jsiauo  et  cBsauf,  net  4©  fr. 

MORCEAUX  DÉTACHÉS  POUR  CHANT  AVEC  ACCOMPAGNEMENT  DE  PIANO 


Biairai  wQTimm* 


10 


1"  ACTE. 
LÉGENDE  chantée  par  Mme  Tedesco  :  «  Pour  expier  envers  lui 

ses  outrages.  » 3  75 

bis.  La  même  transposée  pour  soprano 3  75 

LE  COUVRE-FEU  chanté  par  M.  Merly  et  chœur  :  «  De  par  le 

bourgmestre,  de  par  nos  échevins.  » 4  50 

bis.  Le  même  pour  voix  de  basse  seule 3  75 

CHOEUR  DE  MALANDRINS  :  «  Au  loin  tremblez  tous.  » 6     » 

ROMANCE  AVEC  RECITATIF  chantée  par  M.  Massol  :    «  Ils 

partent  frappés  de  terreur.  » 4  50 

bis.  La  Romance  seule  transposée  pour  ténor 3  75 

DUO  chanté  par  Mme  Tedesco  et  M.   Massol  :  a  Théodora, 

qu'ici  le  ciel  m'envoie.  » 7  50 

««  ACTE 
SCÈNE  ET  TRIO  chantés  par  Mmes  Tedesco  et  La  Grua,  et 

M.  Roger  :  «  Douze  ans  sont  écoulés.  » 6    » 

QUATUOR  pour  4  basses,  chanté  par  MM.  Depassio,  Guignot, 
Canaple  et  Noir  :  »  On  m'a  dit  vrai,  jamais  plus  charmante 

beauté.  » 9    » 

.  ROMANCE  chantée  par  Mme  Tedesco  :  «  A  moi,  ta  sœur  et 

ton  amie.  » 3     » 

bis.  La  même  transposée  pour  soprano 3    » 

,  DUO  AVEC  RECITATIF  chanté  par  Mme  Tedesco  et  M.  Roger  : 

«  Sa  voix,  sa  vue  enchanteresse.  » 7  50 

,  CHOEUR  de  la  Saint-Jean  :  «  Saint-Jean  !  Saint-Jean  1  » 6    » 


3e  ACTE. 
il.  AIR  AVEC  RÉCITATIF  chanté   par  Mlle  La  Grua  :   «  O  mer- 
veille !  ô  prodige  !  auquel  je  crois  à  peine.  » 6 

11  bis.  Le  même  transposé  pour  contralto 6 


MORGE&U&  ET 

Ouverture  arrangée  par  II.  Potier G     » 

Fréd.  Burgmuller.  —  Grande  valse 5     ,i 

M.  Decourcclie.  —  Fantaisie  à  quatre  mains 7  50 

•J.  B.  Uuvernoy. —  Deux  fantaisies  ;  chaque 5     » 

A.  E.e  Carpemîer.  —  138e  et  139e  Bagatelles;  chaque  ....  5    » 

R.  Unlder  —  Op.  23.  Caprice  guerrier 9    » 

—  Op  .  24.   Andante  de  concert 5    » 

H-  Kosellen.  —  Fantaisie  brillante 7  50 

A.  Taléxy. — Op.  46.  Fantaisie  brillante 7  50 

Cli.  Vos». —  Op.  139.  Grande  fantaisie  dramatique 9    » 


12.  ROMANCE  chantée  par  M.  Roger  :  «  Une  sœur,  une  amie, 

ange  de  la  maison.  » 3    » 

12  bis.  La  même  transposée  pour  baryton 3     » 

13.  STROPHES  chantées  par  Mme  Tedesco  :   «  Que  nos  voix  vers 

le  ciel  montent.  » 4  50 

13  bis.  Les  mêmes  transposées  pour  soprano 4  50 

4e  AWE. 

14.  AIR  AVEC  RÉCITATIF  chanté  par  M.  Roger  :  «  A  ce  palais 

dont  la  magnificence. . .  » 5     » 

14  bis.  Le  même  transposé  plus  bas 5     » 

15.  ROMANCE  extraite  de   l'air   chantée  par  M.  Roger  :  «  Vous 

n'êtes  plus,  jours  d'innocence.  » 57 

15  bis.  La  même  transposée  pour  baryton 3  75 

16.  DUO  chi.nté  par  Mlle  La  Grua  et  M.  Roger  :  «  Le  ciel  nous  a 

réunis.  » ?  50 

16  bis.  ROMANCE  extraite  du  duo  :  «  O  ciel!  est-ce  un  rêve?  ». .  3  75 

17.  AIR  chanté  par  M.  Massol  :  «  De  Dieu  l'éternelle  clémence.  ».  5     » 

17  bis.  Le  même  transposé  pour  ténor 5     » 

17  1er.  Le  même  transposé  pour  basse 5     » 

18.  QUINTETTE  pour  5  voix  de  basse,  chanté  par  MM.  Depassio, 

Guignot.  Canaple,  Goyon  et  Noir  :  «  La  nuit  est  sombre.  »  3  75 

18  bis.  Le  même  réduit  à  1  voix  de  basse 2  50 

5<=  ACTE. 

19.  QUATUOR  chanté  par  Mlle  La  Grua,  Mme  Tedesco;  MM.  Ro- 

ger et  Massol  :  «  Tu  m'as  sauvé,  mon  père  !» 5    » 

19  bis.   ROMANCE  extraite  du  quatuor,  chantée  par  M.  Roger  : 

«  Quand  chacun  te  fuit  ici  bas.  » 5    » 

20.  EVOCATION  chantée  par  M.  Chapuis  :  <c  La  voix  du  Seigneur 

vous  appelle.  » 2 


50 


SUR   CET  OPERA 

W.  ILouîk.  —Op.  228.  Fantaisie  pour  piano  et  violon 9    » 

iLe*-.  —  Op.  64.  Fantaisie  pour  violoncelle  avec  accompagnement 

de  piano 7  50 

A.  Feshy.  —  Trois  fanfares  pour  musique  de  cavalerie.  Chaque.  5    >• 

1rs»  arrangés  pour  deux  violons,  par  N.  Louis,  trois  suites.  Ch.  9     ■> 

—  arrangés  pour  deux  cornets  à  pistons,  par  Caussinus,  trois 

suites.  Chaque 9    » 

—  arrangés  pour  deux  flûtes,  par  E.  Walkiers,  trois  suites.  Ch.     9    » 

—  arrangés  pour  violon  seul,  flûte  seule  et  cornet  seul.  Chaque 

instrument,  deux  suites  à 7  50 


H.  Potier.  —  Sept  airs  de  ballet  et  une  marche  : 

1.  Pas  des  Esclaves 4  50 

2.  Pas  des  Voiles 4  50 

3.  Le  Bourdonnement U  50 

4.  Le  berger  Aristée 4  50 

5.  La  Ronde 4  50 

6.  La  Reine  des  Abeilles 4  50 

7.  La  Ruche 4  50 

Marche  triomphale 2  50 

EUllng.  — Polka  des  Abeilles 4    ,, 


MUSIQUE  DE  DAHSE 

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—  Quadrille  de  salon 4  50 

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SZusard.  —  Deux  quadrilles.  Chaque h  50 

—  Les  mêmes,  à  quatre  mains.  Chaque 4  50 

—  Suite  de  valses 6    » 

—  La  même,  à  quatre  mains 7  50 

s>  asde  loup.  —  Schottisch  du  Berger 4    » 

B*ïlodo.  —  Schottisch 3     » 

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240 


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Le  Journal  p/iroït  le  Dimai.che. 


SOMMAIRE.  —  Théâtre  de  l'Opéra-Comique,  la  Croix  de  Marie,  paroles  de 
MM.  Lockroy  et  Dennery,  musique  de  M.  Aimé  Maillart  (première  représenta- 
tion), par  ISi-nri  Rlnnrlinr<<.  —  Richard  Wagner  (6e  article),  par  IFV-tis 
père.  —  De  la  musique  plus  que  jamais.  —  Conservatoire  de  musique  et  de  dé- 
clamation, concours.  —  Nouvelles  et  annonces. 


THEATRE  DE  L'OPÉRÀ-COBHQBE. 

l'A  CROUX    E>E    MARIE, 

Opéra  comique  en  trois  actes,  libretto  de  MM.  Lockroy  et  Dennery, 

partition  de  M.  Aimé  Maillart. 

(Première  représentation  le  19  juillet  1852.) 

La  pièce  représentée  lundi  dernier  au  théâtre  de  l'Opéra-C(  mique 
serait  un  drame  émouvant,  saisissant,  et  même  un  mélodrame,  car  il 
y  a  de  la  musique  de  c°  genre  dans  la  Croix  de  Marie,  si  Couderc, 
par  son  entrain  et  sa  gaîté  communicative ,  ne  faisait  un  véritable 
opéra  comique  de  cette  pièce,  qui  tient  aussi  du  genre  fantastique, 
merveilleux  et  religieux  :  c'est  une  légende  bretonne  dans  laquelle  la 
Vierge  et  l'une  de  ses  élues  jouent  des  rôles  importants.  Cet  opéra  co- 
mique serait  donc  venu  plus  à  propos  dans  le  mois  de  Marie  qu'en 
juillet;  mais  quoiqu'il  soit  arrivé  dans  la  morte  saison,  il  est  fait  pour 
raviver  les  succès  continuels  et  traditionnels  auxquels  le  théâtre  de 
l'Opéra-Comique  est  accoutumé.  L'action  se  passe  donc  en  Bretagne, 
près  de  Vannes,  au  temps  de  la  régence,  époque  peu  propre  aux 
croyances  religieuses,  mais  n'importe;  la  Bretagne  a  toujours  été  citée 
pour  sa  catholicité  et  même,  sa  superstition.  Le  père  Kérouan,  vieux 
pêcheur,  est  donc  un  Breton  vertueux,  entêté  brutal  et  croyant.  Sa 
fille  Marie  croit  aussi  en  la  sainte  Vierge.  Comme  Mlle  Marie  n'est  pas 
moins  entêtée  que  M.  son  père,  et  qu'elle  aime  un  fort  aimable  inconnu 
qui  se  fait  passer  pour  proscrit,  son  amour  croît  avec  les  obstacles. 
Ces  obstacles  viennent  d'un  sous-officier  de  marine,  jeune  homme  qui 
a  été  élevé  avec  Marie,  qu'il  adore  et  dont  il  se  croit  aimé  par  suite 
d'un  quiproquo;  du  père  de  Marie  qui  la  desîine  à  son  jeune  compa- 
triote ;  et  de  l'inconnu,  qui  n'est  autre  que  le  marquis  de  Torcy  ou  de 
Dorcy,  capitaine  de  vaisseau,  marié,  et  l'un  des  roués  du  régent.  En 
cette  dernière  qualité,  il  s'est  vanté  près  de  ses  amis  de  triompher  de 
la  jeune  Marie;  et  ce  sont  les  roueries  de  ce  marquis,  l'amour  noble 
et  généreux  du  jeune  sous- officier,  la  vertu  et  la  dévotion  de  l'héroïne, 
et  l'amour  maternel  de  celle  à  qui  elle  doit  le  jour,  intercédant  auprès 
de  la  vierge  Marie  et  descendant  du  ciel  pour  venir  protéger  sa  fille 
chérie  ;  ce  sont  toutes  ces  choses  et  d'autres  encore  qui  forment  le 
nœud  de  cette  pièce  quelque  peu  exceptionnelle,  comme  on  voit  par 
le  sujet,  sorte  de  mystère  dramatique,  ainsi  qu'il  s'en  jouait  au  moyen 
âge.  L'action  en  est  bien  mouvementée  ;  la  coupe  et  la  couleur  en  sont 
musicales,  et  le  compositeur  s'est  souvent  bien  inspiré  de  tout  cela. 


M.  Aimé  Maillart  est  de  cette  compagnie  de  compositeurs  qu'on  ap- 
pelle les  prix  de  Rome,  et  qui  seront  bientôt  assez  nombreux  pour  for- 
former  un  régiment.  Leur  talent,  leur  faire  semblent  jetés  dans  le 
même  moule.  Ils  écrivent  correctement,  instrumentent  brillamment  ; 
mais  leur  mélodie  est  pointue,  boiteuse,  maniérée  et  ne  procédant 
que  par  appogiaiure  ;  ils  craignent  tant  de  faire  du  chant  commun, 
plat,  qu'ils  le  font  d'un  style  tourmenté.  M.  Maillart  n'est  pas  exempt 
de  ce  défaut.  De  même  que  Grétry,  qui  aurait  donné  un  louis  pour  en- 
tendre une  chanterelle  en  écoutant  Uthal,  opéra  comique  héroïque 
dans  lequel  les  altos  remplaçaient  les  violons,  on  serait  tenté  d'offrir 
une  récompense  honnête  au  jeune  compositeur  qui  serait  capable 
d'écrire  une  mélodie  simple,  procédant  diatoniquemenl  dans  le 
principe  vocal  d'une  déclamation  vraie,  et  n'évitant  pas  de  se  reposer 
sur  la  tonique  ou  la  dominante,  en  déguisant  ces  repos  naturels  par 
des  petites  notes  supérieures  ou  inférieures.  En  écoutant  même  les 
effets  recherchés  et  crus  de  l'harmonie  actuelle,  on  peut  dire  à  ceux 
qui  tombent  dans  cet  abus  : 

L'esprit  qu'on  veut  avoir  gâte  celui  qu'on  a. 

En  ne  forçant  point  son  talent,  comme  dit  encore  le  poëte,  M.  Mail- 
lart a  écrit  une  romance  délicieuse  de  grâce,  de  naturel  et  de  simplicité 
chantée  par  Marie  au  deuxième  acte.  La  ritournelle  de  cor,  à  laquelle 
se  joint  la  flûte,  fait  de  cette  petite  élégie  une  perle  mélodique  d'un 
sentiment  musical  exquis.  Il  y  a  dans  le  duo  qui  suit  une  charmante 
mélodie  aussi  sur  ces  mots  :  Il  faut  céder.  Le  chœur  des  buveurs  qui 
ouvre  ce  second  acte  est  coupé  par  des  couplets  chantés  par  Dorcy  en 
style  fandango,  boléro,  avec  castagnettes.  Pourquoi?  A  quel  propos  la 
couleur  espagnole  dans  cette   pièce  à  mœurs  bretonnes? 

Le  plus  grand  tort  de  l'auteur  de  cette  partition  et  de  ses  émules, 
c'est  de  faire  de  l'éclectisme  musical,  de  chercher  une  manière,  de 
manquer  enfin  d'originalité.  Il  y  a  dans  le  style  de  M.  Maillart  de  l'Au- 
ber,  du  Donizetti,  du  Meyerbeer,  de  l'Halévy.  Certainement  sa  mélo- 
die est  distinguée  et  son  harmonie  élégante  ;  son  instrumentation  est 
riche,  animée,  et  sonne  bien  dans  les  morceaux  d'ensemble,  comme 
elle  est  fine,  ingénieuse,  dans  les  petits  morceaux  détachés  ;  mais  le 
neuf,  l'inattendu,  le  pittoresque,  l'éclair  de  déclamation,  comme,  par 
exemple,  la  note  de  basson  qui  exprime  si  bien  le  bâillement  d'Ali  dans 
le  premier  duo  de  Zémire  et  Azor,  et  une  foule  d'autres  effets  qu'il  se- 
rait trop  long  de  citer  ici,  l'inspiration  scénique  enfin  manque.  Nos 
premiers  prix  de  Rome,  qu'on  est  convenu  d'appeler  de  jeunes  com- 
positeurs, livrent  au  public  des  partitions  bien  faites,  mais  danslesquelles 
se  fait  remarquer  l'absence  de  ces  chants  qu'on  retient  tout  d'abord, 
de  ces  mélodies  parlantes  comme  nous  en  ont  tant  donné  Grétry, 
Méhul,  d'Aleyrac,  Boïeldieu,  Nicolo,  Auber,  et  même  de  ces  hardiesses 
en  harmonie  qu'on  trouve  dans  le  Fràichûts  de  Weber  et  jusque  dans 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


la  partition  du  Délire,  de  Berton.  Et  d'abord,  comme  nous  ne  cessons 
de  le  dire  depuis  longtemps,  et  comme  nous  le  répéterons  toujours,  nos 
vieux  compositeurs  français  se  donnaient  la  peine  d'écrire  une  ouver- 
ture, et  ne  se  bornaient  pas  seulement  à  mettre  pour  préface  à  leur 
ouvrage  une  espèce  de  fantaisie,  de  pot-pouri,  d'arrangement  de  quel- 
ques-uns des  motifs  de  la  partition.  C'est  dans  ce  système  qu'est  faite 
l'ouverture  de  la  Croix  de  Marie. 

Les  ouvertures  conçues  ainsi  manquent  de  plan,  d'unité  de  pensée. 
Celle  de  l'ouvrage  nouveau  commence  par  une  prière  d'un  bon  style, 
mélodique  et  harmonique.  Les  violoncelles  se  marient  bien  ensuite 
avec  des  arpèges  de  harpes,  instrument  et  forme  d'accompagnement 
consacrés  à  nous  peindre  la  musique  qui  vienC  du  paradis  :  c'est  con- 
venu. La  clarinette  nous  dit  après  ^cela  une  belle  et  noble  mélodie  en 
fa  majeur  sur  un  joli  pizzicato  ;  le  hautbois  imite  au  mieux  ensuite  le 
son  nazillard  du  biniou,  instrument^  des  paysans  bretons,  qui  doit  fi- 
gurer plus  tard  dans  la  marche  religieuse  des  vierges  de  Sainte-Kermo  ; 
puis  vient  le  rondo,  péroraison  obligée  de  toutes  les  ouvertures  mo- 
dernes; et  voilà  la  préface  un  peu  décousue  de  la  Croix  de  Marie, 
dans  laquelle  le  compositeur  semble  avoir  mis,  comme  on  dit  vulgaire- 
ment, tous  ses  œufs  dans  un  panier,  c'est-à-dire  tous  les  soli,  toutes 
les  ficelles  de  la  moderne  instrumentation,  en  style  aussi  bruyant  que 
brillant. 

L'introduction  consiste  en  un  chœur  ,?puis  un  chant  du  jeune  sous- 
officier  de  marine,  fort  bien  dit  par  M.  Jourdan,  qui  devient  de  jour  en 
jour  le  ténor  intelligent  et  nécessaire  à  l'Opéra-Comique.  M.  Bussine  à 
la  voix  toujours  bien  timbrée  et  qui  va  se  dramatisant,  chante  là,  en 
compagnie  du  chœur,  deux  couplets  au  milieu  desquels  intervient  une 
ritournelle  à  modulations  recherchées  et  contournées ,  peu  en  harmo- 
nie avec  le  caractère  du  personnage  et  ceux  qui  sont  en  scène  avec 
lui.  D'autres  couplets  :  Douxjantôme\  chantés  par  le  marquis  Boulo 
sont  d'un  doux  sentiment  musical.  Après  cela  vient  un  trio  d'un  style 
élégant- dans  lequel  se  fait  remarquer  une  charmante  modulation  sur 
ces  mots:  doux  ave-nirl  Ici,  la  ballade-légende  annoncée  dans  l'ou- 
verture, qui  rappelle  bien  un  peu  V Ermite,  fameuse  romance  de  feu 
Romagiesi  ;  puis  un  duo  entre  Marie  et  le  marquis,  morceau  de  scène 
et  de  cœur  bien  traité,  dans  lequel  interviennent  de  jolies  ritournelles, 
et  qui  finit  par  un  unisson  des  deux  voix,  imitation  de  la  forme  ita- 
t:enne  etdu  genre  Donizetti,  dont  M.  Maillart  abuse  un  peu  dans  son 
ouvrage.  Si  l'effet  en  est  puissant,  il  est  usé  ;  il  faut  donc  chercher  un 
autre  moyen  vocal. 

Le  final  du  premier  acte  est  varié  d'effets  en  musique,  musique  de 
mélodrame  dans  laquelle  les  flûtes  en  accords  brisés  luttent  d'effets 
aériens  et  mystérieux  produits  par  les  violonsqui  procèdent  en  trémolo 
au  diapason  aigu  de  l'instrument.  Les  sons  agrestes  du  biniou  qui  se 
mêlent  à  tout  cela  donnent  à  ce  morceau  du  caractère  et  même  de  l'o- 
riginalité. 

Après  la  jolie  romance  que'nous  avons  signalée  au  second  acte,  on 
entend  encore  un  duo  bien  fait,  avec  un  dessin  des  premiers  violons 
qui  donne  une  couleur  dramatique  à  ce  morceau,  et  l'on  y  remarque 
une  charmante  mélodie  sur  ces  mots:  Iljaut  céder,  etc.  Garde  ton 
voile  et  prends  courage,  est  encore  un  chant  très-distingué;  et  puis 
l'unisson  italien  d'une  presque  basse  et  de  deux  faibles  ténors  vient  de 
nouveau  faire  sentir  l'insuffisance  de  cette  manière  trop  répétée  d'em- 
ployer les  voix. 

Le  troisième  acte  commence  par  un  chœur  lointain,  et  puis  vient  un 
air  avec  un  cantabile  molto  appoggiaturato.  Il  est  vrai  qu'à  ce  morceau 
brillante  de  toutes  les  broderies  de  la  vocalisation,  succède  une  chanson 
de  matelots  d'un  rhythme  franc  et  tout  empreinte  d'une  couleur  natio- 
nale, locale.  Si  ce  n'est  point  un  chant  du  pays,  nous  félicitons  le  com- 
positeur de  la  franchise  et  de  l'inspiration  de  ces  couplets  qui  sont 
pleins  de  verve  et  de  vérité.  M.  Bussine  les  dit  de  manière  à  mettre  en 
vogue  cette  chanson,  qui  deviendra  certainement  une  marine  de  salon, 
c'est-à-dire  statiounaire  sur  tous  les  pianos  des  soirées  musicales  de 
l'hiver  prochain. 


Il  en  sera  probablement  de  même  de  la  plupart  des  morceaux  que 
chante  Mlle  Lefèvre,  comédienne  intelligente,  vive,  accorte,  et  canta- 
trice qui  se  distingue  par  la  verve  et  l'éclat.  Elle  a  créé  le  rôle  de 
Marie  de  manière  à  se  faire  distinguer,  applaudir  par  les  auteurs,  les 
compositeurs, et  le  public. 

MM.  Boulo  et  Jourdan  se  sont  fort  bien  acquittés  de  leurs  rôles;  le 
premier  en  ténor  gracieux,  sentimental,  et  le  second  en  chanteur  et 
comédien  chaleureux,  passionné. 

La  pièce  a  été,  comme  toujours  au  théâtre  de  l'Opéra-Comique, 
montée  avec  soin  et  jouée  avec  un  ensemble,  une  chaleur  d'intelligence 
qui  a  dépassé  celle  de  l'atmosphère,  ce  qui  n'est  pas  peu  dire.  Cela 
nous  a  rappelé  cette  anecdocte  que  racontait  Berton.  A  la  première 
représentation  de  son  Aline,  reine  de  Golconde,  il  faisait  une  si  grande 
chaleur  que  la  plupart  des  spectateurs  demandèrent  aux  dames,  dans 
les  loges,  la  permission,  qui  leur  fut  accordée,  de  mettre  habit  bas,  et 
d'assister  à  cette  solennité  dramatique  et  musicale  en  manches  de 
chemises.  Ce  laisser-aller  public  qui  date  d'un  presque  demi-siècle,  n'a 
pas  été  imité  à  la  première  représentation  de  la  Croix  de  Marie,  ce  qui 
n'a  pas  empêché  certains  spectateurs  de  lui  faire  un  chaud  succès,  suc- 
cès de  pièce  religieuse  et  de  partition  bien  écrite. 

Henri    BLANCHARD. 


Sa  vie.  —  Son  système  de  rénovation  de  l'opéra.  —  Ses  œuvres  comme 
poète  et  comme  musicien.  —  Son  parti  en  Allemagne.  —  Apprécia- 
tion de  la  valeur  de  ses  idées. 

(Sixième  article.)  (1). 

Dans  la  doctrine  de  l'art,  comme  en  morale,  une  erreur  conduit  à 
une  autre.  Richard  Wagner  nous  est  un  exemple  frappant  des  consé- 
quences où  l'on  peut  être  entraîné  si  l'on  essaie  d'enlever  à  la  musique 
son  principe  dans  le  but  de  lui  en  substituer  un  autre.  Poursuivant  la 
recherche  du  vrai  positif,  au  lieu  de  la  vérité  idéale,  qui  est  l'essence 
de  cet  art,  dans  son  application  à  l'intérêt  dramatique,  il  a  fait  de  ce 
même  art  le  subordonné  du  sujet  et  de  la  poésie,  et  lui  a  enlevé  pièce 
à  pièce  tout  ce  qui  caractérise  sa  puissance  d'émotion.  Dans  le  vrai  ab- 
solu, la  musique  est  réduite  à  la  condition  d'une  langue.  Comme  telle, 
son  plus  grand  mérite  serait  de  dire  d'une  manière  intelligible  ce 
qu'elle  est  chargée  d'exprimer  :  tout  ce  qui,  dans  sa  nature  spéciale, 
est  étranger  à  cette  destination  de  langag3,  doit  donc  disparaître.  Or, 
rien  n'est  plus  opposé  au  vrai  positif  que  les  formes  musicales  des  airs, 
duos  et  morceaux  d'ensemble.  Nous  ne  voyons  pas  dans  le  drame  de  la 
vie,  chaque  personnage,  à  un  moment  donné,  répéter  jusqu'à  satiété 
un  petit  nombre  de  paroles,  variant  seulement  le  ton  dont  il  les  prononce 
et  les  inflexions  de  sa  voix.  C'est  là  cependant  ce  que  fait  le  musicien 
lorsqu'il  écrit  un  air;  l'air  est  donc  antipathique  au  vrai  :  suppri- 
mons le. 

Mais  l'absence  de  vérité  dans  l'air  n'est  rien  en  comparaison  de  l'in- 
convenance du  duo.  Le  duo  vrai,  c'est  la  conversation  de  deux  per- 
sonnes qui,  tour  à  tour,  se  communiquent  ce  qu'elles  pensent,  ce 
qu'elles  sentent,  et  se  prêtent  une  mutuelle  attention.  Dans  un  duo  de 
ce  genre,  on  n'a  pas  l'habitude  de  redire  plusieurs  fois  les  mêmes 
choses;  aucun  des  interlocuteurs  ne  fait  à  l'autre  l'impolitesse  de  se 
retirer  à  part  pour  prononcer  des  paroles  qu'il  ne  doit  point  entendre  : 
encore  moins  parle-t-on  tous  deux  à  la  fois  ;  car  non  seulement  cela 
ne  serait  pas  conforme  aux  règles  de  la  bienséance,  mais  cela  serait 
absurde,  puisqu'on  ne  parle  que  pour  être  entendu  et  compris.  Or, 
toutes  ces  choses  si  contraires  au  vrai  des  situations  de  la  vie,  les 
poètes  dramatiques  prétendus  et  les  compositeurs  de  musique  les  font 
dans  leurs  duos  d'opéras,  où  l'on  entend  les  mêmes  paroles  répétées 

(1)  Voir  les  numéros  23,  24,  25,  26  et  27. 


DE  PARIS. 


243 


vingt  fois  ;  où  chacun  des  chanteurs  roucoule  sur  de  longs  à-parle, 
et  dans  lesquels  ils  se  réunissent  à  certains  moments  pour  former  des 
ensembles  qui  ne  finissent  pas.  Nul  doute  que,  le  vrai  étant  devenu  le 
principe  de  l'art,  celte  conception  monstrueuse,  contre  laquelle  s'élève 
le  bon  sens,  doive  être  bannie  de  la  scène, 

Les  défauts  du  duo  sont  plus  choquants  encore  dans  le  trio,  dans 
le  quatuor,  enfin  dans  tout  morceau  d'ensemble.  Ces  réunions  de  qua- 
tre, cinq ,  huit,  dix  personnes,  qui  chantent  ensemble  ou  à-par/e,  sont 
ce  qu'on  peut  imaginer  de  moins  vrai.  C'est  bien  pis,  lorsqu'une  foule 
d'individus,  qu'on  appelle  le  chœur,  vient  se  mêler  à  des  intérêts  qui 
ne  sont  pas  les  siens,  et  joint  ses  exclamations  au  chant  des  autres 
personnages.  Conventions  !  conventions  que  tout  celai  s'écrie  M.  Wa- 
gner. Le  drame  réel ,  le  drame  populaire,  ne  peut  se  développer  dans 
ces  formes  artificielles.  Or,  l'intérêt  du  drame  est  notre  but  :  que  ces 
formes  disparaissent  donc,  et  nous  serons  dans  le  vrai  ! 

Mais  ce  n'est  point  assez  de  nous  débarrasser  de  toutes  ces  formes 
de  Y  opéra  vulgaire,  sur  lesquelles  reposent  des  conceptions  telles  que 
Don  Juan,  Fidelio,  Guill  tume  Tell,  les  Huguenots,  etc.  ;  nous  n'at- 
teindrions pas  notre  but,  si  nous  laissions  à  la  langue  musicale  son  expres- 
sion purement  sentimentale,  et  si  nous  ne  parvenions  à  Y  élever  jusqu'à 
l'expression  intelligible  et  à  la  vérité  du  langage  parlé.  Que  faut-il  faire 
pour  cela  ?  Évidemment,  il  faut  supprimer  la  mélodie  ;  car  il  n'est  pas 
dans  la  nature  de  parler  en  modulant  les  intonations  de  la  voix  comme 
on  le  fait  dans  le  chant  véritable.  Nous  cherchons  la  vérité  ;  nous  la 
voulons  à  tout  prix  ;  ce  n'est  pas  la  payer  trop  cher  que  de  l'obtenir 
par  ce  sacrifice.  Les  compositeurs  trouveront ,  d'ailleurs,  un  double 
avantage  dans  cette  suppression.  Le  premier  sera  d'être  vrais  et  d'avoir 
dans  leur  expression  le  naturel  du  parler  de  leur  cuisinière  ;  l'autre, 
qui  a  aussi  son  prix,  sera  de  n'être  plus  à  la  recherche  de  ces  satanées 
mélodies  qui  ont  fait  le  désespoir  de  tant  d'honnêtes  musiciens  !  Et 
puis,  voyez-vous  d'ici  les  critiques,  ces  loups-garous  de  Richard  Wa- 
gner ?  11  s'en  trouvait  qui  ne  savaient  trop  ce  que  c'est  que  l'harmo- 
nie, la  modulation ,  et  qui  souvent  prenaient  leurs  bas  pour  leurs 
chausses  en  parlant  de  l'instrumentation  :  plusieurs  même  ne  s'étaient 
pas  élevés  jusqu'à  l'étude  du  solfège  ;  mais  si  leur  embarras  se  trahis- 
sait un  peu  lorsqu'ils  se  hasardaient  dans  le  langage  technique,  ils  re- 
prenaient tous  leurs  avantages  à  propos  de  la  mélodie;  car,  bien  qu'elle 
ne  soit  pas  la  langue  parlée,  cette  forme  essentielle  de  l'art  se  fait 
sentir  et  comprendre  par  tous.  Campé  hardiment  sur  son  terrain ,  le 
critique  attendait  là  de  pied  ferme  le  compositeur,  et,  ne  sachant  trop 
au  fond  la  valeur  de  l'ouvrage  qu'il  analysait,  il  était  souvent  dans  le 
vrai  lorsqu'il  reprochait  à  l'auteur  de  manquer  de  mélodie,  c'est-à-dire 
de  ces  mélodies  trouvées,  qui  étaient  le  patrimoine  du  génie  avant  que 
l'auteur  de  Lohenyrin  eût  aussi  supprimé  cette  faculté  d'invention. 
C'était  la  charge  à  fond  du  critique  sur  la  partition  de  l'opéra,  et  le  pau- 
vre compositeur  s'en  tirait  toujours  plus  ou  moins  endommagé.  Tout  va 
changer  désormais  ;  car  le  critique,  pris  au  piège  par  Wagner,  ne 
pourra  plus  formuler  sa  terrible  accusation.  On  le  montrerait  au  doigt, 
s'il  osait  écrire  encore  le  nom  d'une  vieillerie  tombée  en  désuétude  , 
et  le   premier  barbouilleur  tde  doubles  croches  venu  se  gausserait 
de  ses  anathèmes. 

Toutefois,  ce  n'est  pas  chose  facile  que  de  faire  disparaître  cette 
vieille  erreur  dont  furent  tant  préoccupés  les  Piccinni ,  Sacchini ,  Ci- 
marosa,  Paisiello,  Mozart,  Beethoven,  Grétry,  Méhul,  et  tant  d'autres 
dont  les  noms  se  présentent  immédiatement  à  notre  souvenir  ;  car  s'il 
est  rare  de  trouver  de  belles  mélodies,  il  est  encore  plus  rare  de  n'en 
point  trouver  du  tout.  Une  suite  de  sons,  quelle  qu'elle  soit,  est  toujours 
dans  un  sentiment  quelconque  de  tonalité  ;  elle  estrhythmée  d'une  cer- 
taine manière  :  or,  des  sons  qui  se  succèdent  conformément  à  une  for- 
mule tonale  et  dans  un  ordre  rhythmique  ,  composent  toujours  une 
mélodie.  Wagner  a  raison  quand  il  dit  qu'en  dépit  de  lui-même,  il  s'en 
est  encore  glissé  quelques  traits  dans  le  Lokmgrin,  par  exemple  dans 
ce  motif  caractéristique  de  Frédéric  et  d'Ortrad,  joué  par  le  violon- 
celle : 


fepllip^^ilpfpl| 


Peut-être  aimeriez- vous  quelque  chose  de  plus  naturel,  moins  tour- 
menté et  plus  gracieux  ;  mais  enfin  cela  a  un  sens  saisissable  ;  car  les 
sept  premières  mesures  sont  dans  le  ton  bien  caractérisé  d'ut  dièse 
mineur,  et  le  reste  dans  celui  de  fa  dièse  mineur  ;  enfin  le  rhythme  est 
régulier  de  deux  en  deux  mesures.  Le  rhythme,  en  dépit  qu'on  en  ait, 
fait  donc  la  mélodie.  Arrivé  à  cette  impasse,  il  ne  reste  plus  à  Wagner 
qu'à  renverser  l'obstacle;  c'est  ce  qu'il  fait  enfin  :  plus  de  rhythme! 

Toujours  préoccupé  du  soin  de  donner  de  la  vérité  au  drame  et  d'at- 
teindre à  l'illusion,  il  se  dit  que  le  dialogue  n'est  jamais  empreint  de  la 
forme  rhythmique  ;  qu'il  tire  son  caractère  du  sentiment  et  non  d'une 
convention  de  cadence  ;  en  conséquence,  il  jugea  qu'il  était  nécessaire 
de  donner  à  la  poésie  du  dialogue  une  forme  plus  libre,  moins  soumise 
aux  exigences  de  la  césure  et  de  la  rime,  afin  qu'elle  communiquât  à  la 
musique  son  allure  indépendante ,  et  cette  idée  a  été  réalisée  par  lui 
dans  la  Mort  de  Sicglried,  suivant  ce  qu'il  nous  apprend  (1).  Un  criti- 
que allemand,  qui  a  eu  connaissance  du  nouveau  genre  de  poésie  ima- 
giné par  Wagner  pour  atteindre  ce  but,  dans  le  manuscrit  de  Siegfried, 
l'a  qualifié  de  vieille  friperie  franque  (  Altfrankisches  Zeug) ,  parce 
qu'elle  rappelle  la  forme  de  vieux  chants  originaires  de  la  Germanie  ; 
ce  qui  excite  fort  la  colère  de  l'irascible  auteur.  Je  n'examinerai  pas  ce 
qu'il  peut  y  avoir  de  fondé  dans  la  critique  ,  car  j'ai  à  m'occuper  de 
choses  plus  importantes.  Et  d'abord  je  ferai  remarquer  à  Wagner  que 
si  son  orgueil  sans  mesure  ne  l'avait  pas  égaré,  il  aurait  vu  que  le  but 
qu'il  se  propose  est  une  pure  négation,  puisqu'il  ne  peut  l'atteindre  que 
par  voie  de  destruction.  A  chaque  pas  qu'il  fait  dans  la  route  où  il  s'est 
engagé,  il  enlève  quelque  chose  à  la  musique  qui  fut  son  point  de 
départ.  De  proche  en  proche  le  voici  parvenu  jusqu'à  l'anéantissement 
de  la  mélodie  et  du  rhythme  :  que  croit-il  y  avoir  gagné,  je  ne  dis  pas 
pour  l'art  en  lui-même  (car  je  ne  le  suppose  pas  assez  dénué  de  sens  et 
d'instinct  pour  ne  pas  voir  qu'il  le  met  en  lambeaux),  mais  pour  sa  re- 
nommée particulière  de  novateur  ?  Il  n'y  a  plus  de  formes  dans  la  mu- 
sique, plus  de  mélodie,  plus  de  rhythme,  et  nous  voyons  le  résultat 
définitif  de  tout  ce  vandalisme  dans  des  phrases  de  ce  genre  : 


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n — -t.— J^-M»— | 

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du)  -  den,dass  ich  glcicliei-  ner 

Magd     dir   fol-gensoll. 

?$^ = 

-+__ 

-g " 

Voilà  donc  où  nous  sommes  arrivés  par  tant  d'efforts  !  Nous  avons 
trouvé  la  conception  d'un  mauvais  récitatif  en  échange  des  muti- 
lations que  nous  avons  fait  subir  à  l'art  véritable  !  Et  voilà  ce  qu'on 
nous  offre  comme  spécimen  de  l'art  de  l'avenir,  dont  les  œuvres  des 
plus  illustres  maîtres  passés  et  présents  n'auraient  été  que  les  obstacles 
ou  les  acheminements! 

(1)  Voyez  les  Communications  à  ses  amis,  pages  159  et  ICI.  — Voyez  aussi  le 
troisième  volume  de  l'ouvrage  intitulé:  Operund  Drama,  où  ce  sujet  est  développé. 


I  Si 


2<i4 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


Mais  comment  Wagner  ne  voit-il  pas  que  le  but  auquel  il  aspire,  que 
ce  vrai  à  la  recherche  duquel  il  s'est  mis ,  par  désespoir  de  trouver 
l'inspiration  et  l'idéal,  comment  ne  voit-il  pas,  dis-je,  que  ce  but  lui 
échappe  et  lui  échappera  toujours?  Ce  récitatif  que  nous  venons  de 
voir,  en  quoi  s'est-il  rapproché  de  la  parole  articulée?  En  quoi  est-il 
plus  près  du  langage  vrai  que  le  récitatif  de  Gluck?  De  combien,  au 
contraire,  n'est-il  pas  inférieur  à  la  noble  simplicité  de  la  déclamation 
chantée  de  ce  grand  artiste,  par  ses  intonations  tourmentées?  On  pour- 
rait comprendre  qu'un  musicien,  ayant  l'instinct  de  la  bonne  déclama- 
tion parlée,  se  mît  à  la  recherche  de  ces  intonations  heureuses,  à  force 
ce  vérité,  qui  faisaient  naître  l'enthousiasme  lorsqu'on  entendait  au- 
trefois Talraa.Molé,  Mlle  Contât,  Mlle  Mars,  et  qu'on  retrouve  quelque- 
fois dans  le  beau  talent  de  Mlle  Rachel;  Gluck  et  Grétry  ont  eu  d'ad- 
mirables inspirations  en  ce  genre  ;  mais  il  est  impossible  d'admettre 
que  cette  justesse  d'expression  soit  le  but  principal  de  l'art.  Quel 
qu'en  puisse  être  le  mérite,  ce  ne  serait  jamais  que  celui  de  l'imitation 
plus  ou  moins  heureuse  de  la  parole,  mais  toujours  inférieur  à  elle. 
Réduire  la  musique  dramatique  à  l'état  d'auxiliaire  du  langage  et  de 
pur  agent  d'expression,  c'est  la  méconnaître  et  l'anéantir.  Il  y  a  long- 
temps que  Villoteau  est  tombé  dans  l'erreur  de  Wagner  lorsqu'il  écrivit 
son  livre  intitulé  :  Recherches  sur  l'analogie  de  la  musique  avec  les 
arts  qvi  ont  pour  objet  l'imitation  du  langage.  Avant  lui,  Chabanon 
avait  caressé  les  mêmes  idées,  dans  l'ouvrage  qui  a  pour  titre  :  De  la 
musique  considérée  en  elle-même  et  dans  ses  rapports  avec  la  parole, 
les  langues,  la  poésie  et  le  théâtre  ;  mais  j'ai  fait  voir  le  faux  de  ces 
vaines  théories  dont  je  repousse  aujourd'hui  l'application  tentée  par 
Wagner. 

Je  disais  il  y  a  déjà  longtemps  :  «  Singularité  remarquable  !  Villoteau, 
»  pas  plus  que  ceux  qui  l'ont  précédé  dans  cette  doctrine,  ne  s'est 
»  aperçu  que  réduire  la  musique  au  principe  de  l'imitation,  c'est  lui 
»  enlever  le  sublime  de  l'idéal  pour  la  réduire  à  l'empirisme  ;  c'est 
»  la  rabaisser  en  voulant  l'élever;  c'est  rétrécir  le  domaine  qu'on  se 
»  propose  d'agrandir.  Le  chant  déclamé  est  sans  doute  une  partie  de 
»  cet  art,  et  la  vérité  d'accent  est  un  des  éléments  de  son  esthétique; 
»  mais  ce  n'est  qu'un  point  dans  son  immensité.  » 

La  vérité  matérielle  que  recherche  Wagner  dans  l'alliance  de  la 
poésie  et  de  la  musique  dramatique,  et  sa  critique  des  formes  musi- 
cales, qu'il  considère  comme  conventionnelles,  sont  les  niaiseries  que 
j'ai  entendu  débiter  dans  ma  jeunesse  par  les  littérateurs  dont  les  opi- 
nions avaient  cours  alors  dans  les  salons  de  Paris.  Le  défaut  de  vérité 
reproché  aux  airs,  aux  duos,  aux  morceaux  d'ensemble,  me  rappelle 
les  feuilletons  de  l'abbé  Geoffroy  et  de  Duvicquet  ;  eux  aussi  trouvaient 
que  la  musique  des  opéras  est  une  sorte  de  non-sens,  considérée  au 
point  de  vue  de  l'action  dramatique  et  delà  vérité.  Hommes  d'un  mé- 
rite incontestable  d'ailleurs,  ils  étaient  de  véritables  sourds  en  musi- 
que et  n'avaient  pas  le  sens  de  cet  art.  C'est  là  leur  excuse;  mais 
Wagner!  J'avoue  que  son  entreprise  me  serait  inexplicable,  si  je  n'a- 
vais étudié  son  caractère  autant  que  ses  doctrines.  11  ne  peut  se  faire 
une  complète  illusion  et  doit  savoir  que  la  part  qu'il  réserve  à  la  mu- 
sique dans  le  drame  lui  est  antipathique  ;  qu'en  vain  il  ferait  des  efforts 
pour  l'y  assujettir,  et  qu'il  faut  ou  que  cet  art  périsse  ou  qu'il  conserve 
sa  suprématie,  ses  tendances  et  ses  formes.  Le  limiter,  le  réduire  dans 
ses  moyens  d'action  sur  la  sensibilité,  c'est  lui  ôter  ses  qualités  pro- 
pres, sans  lui  donner  celles  qui  ne  sont  point  de  son  essence.  Est-elle 
un  obstacle  à  de  certaines  impressions  que  vous  voulez  produire  par  le 
drame?  Qui  vous  oblige  à  l'employer?  Que  ne  laissez-vous  parler  ce 
drame  au  lieu  de  le  chanter  mal ,  puisque  c'est  la  vérité  du  langage 
que  vous  cherchez  ?  Entre  la  poésie  et  la  musique,  le  partage  égal  est 
impossible  :  il  faut  que  l'une  tue  l'autre,  et  de  quelque  manière  que 
vous  vous  proposiez  d'éluder  la  difficulté,  elle  vous  sera  insurmonta- 
ble. Vous  avez  si  bien  cempris  vous-même  qu'avec  toutes  vos  mutila- 
tions, l'opéra  n'existe  plus,  que  vous  arrivez  dans  les  dernières  pages 
de  vos  Communications  à  vos  amis,  au  résultat  final  qu'il  était  facile 
de  prévoir  :  Siegfried,  dites-vous,  n'est  plus  un  opéra,  c'est  un  drame  ! 
Ainsi  je  suis  dans  le  vrai  quand  je  dis  que  ce  que  vous  faites  est  une 
œuvre  de  destruction  :  privé  de  ses  formes,  l'upéra  n'existe  plus,  et 
vous  gâtez  le  drame  en  y  introduisant  une  certain  genre  de  musique 
qui  le  rend  lourd,  monotone  et  traînant.  Le  mélodrame  français  est  la 
seule  forme  possible  du  drame  dans  lequel  la  musique  s'applique  à 


certaines  situations.  Meyerbeer  a  fait  le  chef-d'œuvre  de  ce  genre  dans 
sa  musique  de  Struensée. 

Si  nous  considérons  l'œuvre  de  Wagner,  non  plus  dans  son  système, 
mais  dans  sa  réalisation,  nous  voyons  que  le  caractère  d'orignalité  lui 
manque  absolument.  Lorsque  je  visitai  mon  excellent  ami  Liszt  à  Wei- 
mar,  en  1850,  je  le  trouvai  plein  d'ardeur  pour  la  réhabilitation  de 
cette  œuvre,  qu'il  croyait  avoir  été  mal  jugée  à  Dresde  et  à  Berlin.  La 
tâche  entreprise  par  l'illustre  artiste  était  digne  de  son  noble  cœur. 
Wagner  nous  en  apprend  lui-même  les  circonstances.  Pendant  son  sé- 
jour à  Paris,  Liszt  l'y  avait  vu,  et  ne  lui  croyant  pas  une  grande  valeur, 
lui  avait  accordé  peu  d'attention.  Plus  tard,  le  retrouvant  à  Dresde 
après  le  succès  de  Riensi  et  la  chute  du  Holl<ndais  volant,  frappé  des 
tendances  d'innovation  qu'il  voyait  dans  les  formes  de  ces  ouvrages, 
et  surtout  dans  le  Tannhauser,  Liszt  se  reprocha  d'avoir  méconnu  ce- 
lui auquel  il  croyait  maintenant  un  grand  avenir,  et  ne  négligea  rien 
pour  lui  faire  perdre  le  souvenir  de  ses  dédains.  Lorsque  Wagner  tra- 
versa la  Thuringe  en  fugitif,  après  l'insurrection  de  Dresde,  ce  fut 
chez  Liszt  qu'il  trouva  un  asile  et  des  ressources  offertes  généreuse- 
ment pour  la  continuation  de  son  voyage.  C'est  alors  que  mon  noble 
ami  conçut  le  dessein  de  faire  pardonner  au  conspirateur  en  faveur  des 
talents  de  l'artiste.  Déjà,  en  18^9,  lorsque  je  visitai  Weimar,  à  l'épo- 
que de  l'anniversaire  de  Goethe.  Liszt  avait  fait  un  premier  essai  de 
Tannhauser.  Ce  qu'il  entreprenait  était  l'impossible  avec  les  faibles 
r  essources  du  petit  théâtre  de  cette  résidence  ;  mais  par  cela  même  il 
y  prenait  un  vif  intérêt.  L'année  d'après  il  avait  vaincu  toutes  les  dif- 
ficultés, il  avait  fait  réellement  des  miracles.  C'est  alors  que  me  par- 
lant de  Wagner  avec  cette  chaleureuse  intelligence  qui  est  dans  sa  na- 
ture, il  me  demanda  d'examiner  les  partitions  de  ses  ouvrages  et  les 
fit  porter  dans  l'appartement  où  il  m'avait  donné  l'hospitalité.  Ce  fut 
pour  moi  un  sujet  d'étonnement  que  je  ne  puis  exprimer  que  la  lec- 
ture de  ces  ouvrages  où  je  trouvai  du  savoir  à  côté  de  nombreuses 
hérésies  harmoniques,  et  la  connaissance  des  effets  de  l'instrumenta- 
tion employés  sans  goût  et  sans  mesure  ;  enfin,  des  formes  insolites 
et  une  absence  presque  totale  de  mélodie.  Une  chose  me  frappa  dans 
ce  chaos  dont  je  n'avais  pas  encore  la  clef;  c'est  que,  bien  qu'on  ne 
pût  dire  que  Wagner  avait  eu  des  réminiscences  de  la  musique  de 
Weber,  il  avait  néanmoins  écrit  ses  ouvrages  sous  l'influence  de  cette 
même  musique  et  en  avait  reproduit  le  caractère.  Rien  n'était  resté 
dans  ma  mémoire  de  la  lecture  de  ces  partitions ,  et  je  n'y  pensais 
plus  quand  j'eus  occasion  de  lire  l'écrit  par  lequel  Liszt  semble  avoir 
voulu  justifier  la  haute  protection  qu'il  a  accordée  au  Tannhauser  et  à 
Lohengrin.  Les  exemples  qu'il  y  rapporte  m'ont  rappelé  mes  premières 
impressions.  Depuis  lors,  M.  Jules  Schâffer  a  publié  dans  la  GazetU 
musicale  de  Berlin  de  bons  articles  analytiques  sur  le  Lohengrin,  avec 
quelques  citations  de  passages  détachés  qui  me  confirment  dans  mon 
opinion  que  Wagner  s'est  fait,  par  absence  d'originalité,  l'imitateur  du 
style  de  Weber,  sinon  de  ses  phrases  proprement  dites.  On  en  peut 
juger  par  ce  motif  joué  par  la  clarinette  dans  la  deuxième  scène  du 
second  acte  : 


And  aille. 


Cela  est  parent  de  Freisçhûis,  d' Eurianthe,  à'Oberon.  Même  analo- 
gie se  remarque  clans  ce  trait  : 


(1er  klu-jïe 


£- 


^ 


Held        die      Fra-ge  drum    ver 
,5- —^ 


DE  PARIS. 


245 


C'est  encore  de  la  môme  source  qu'est  sortie  cette  autre  phrase  : 


On  pourrait  multiplier  les  citations  de  ce  genre;  mais  celles-là  suffi- 
sent pour  démontrer  l'origine  des  tendances  harmoniques,  modulantes, 
et  même  mélodiques  de  Wagner.  Une  dilférence  cependant,  différence 
essentielle,  se  trouve  entre  les  œuvres  de  Weber  et  celles  de  l'auteur 
de  Lohengrin;  car  dans  la  nature  toute  artistique  de  Weber,  c'est 
l'unité  musicale  qui  est  dominante  ;  tandis  que  chez  Wagner,  les  con- 
venances dramatiques  sont  l'objet  principal.  Le  premier  se  livre  à  l'in- 
spiration, le  second  médite  et  calcule. 

On  sait  quelle  différence  il  y  a  aussi  dans  la  destinée  des  productions 
de  l'un  et  de  l'autre  :  Friischiltz,  Oberon,  sont  les  objets  de  l'enthou- 
siasme de  toute  l'Allemagne,  et  jusqu'à  ce  jour,  il  n'y  a  guère  eu  que 
des  chutes  pour  Wagner.  Toutefois  un  parti  se  forme  pour  opérer  une 
réaction  en  sa  faveur.  Liszt  en  a  été  la  première  cause,  bien  que  les 
dernières  phrases  de  son  écrit  sur  Lohengrin  et  Tannhauser  semblent 
indiquer  que  sa  foi  n'est  plus  aussi  solide  dans  la  destinée  de  ces  pro- 
ductions. 11  pense  qu'à  ne  les  considérer  que  comme  des  tentatives  de 
transformation,  elles  sont  dignes  d'intérêt:  c'est  beaucoup  rabattre  des 
premières  impressions  auxquelles  j'ai  vu  s'abandonner  l'illustre  artiste. 
Aujourd'hui,  les  rédacteurs  de  la  Nouvelle  gazette  musicale  de  Leipsick, 
MM.  Brendel  et  Uhlig,  se  sont  faits  les  champions  de  la  dégradation  de 
l'art  entreprise  (infructueusement  j'espère)  par  Richard  Wagner.  Un 
parti,  qui  n'est  pas  étranger  à  la  politique,  donne  son  appui  à  la  prédi- 
cation de  ce  nouvel  évangile,  et  toutes  ses  sympathies  au  Messie  de 
nouvelle  espèce.  On  ne  se  borne  point  aux  écrits,  car  voici  que  les  frères 
et  amis  ont  convoqué  tous  les  adhérents  à  un  festival  qui  s'est  donné 
les  21  et  22  juin  à  Ballenstadt,  petite  ville  située  dans  les  montagnes 
du  Hartz.  Les  sociétés  musicales  des  villes  environnantes  ont  fourni 
leur  contingent,  et  le  nombre  des  exécutants,  dirigé  par  Liszt,  s'est 
élevé  à  près  de  500,  à  savoir  350  chanteurs  et  150  instrumentistes. 

Le  programme  du  premier  concert  était  composé  des  morceaux  dont 
voici  l'indication  : 

1°  Ouverture  de  Tannhauser,  par  R.  Wagner  ; 

2°  Duo  du  Hollandais  volant,  par  le  même  ; 

3°  Fantaisie  pour  la  harpe,  exécutée  par  Mlle  Rosalie  Spohr  ; 

k°  Le  Pouvoir  de  la  musique,  cantate  pour  soprano  solo  avec  or- 
chestre, par  Fr.  Liszt; 

5°  Grande  fantaisie  pour  orchestre  et  chœur,  par  Beethoven,  exé- 
cutée par  M.  de  Bûlow; 

6°  Grande  scène  de  YOrpIve  de  Gluck; 

7°  Symphonie  avec  chœur  (9e),  par  Beethoven. 
Le  deuxième  jour  on  a  exécuté  : 

1°  Ouverture  de  l'opéra  le  Roi  Alfred,  par  J.  Raff  ; 

2°  Bas  Liebesmahl  der  Aposlel,  sorte  d'oratorio  pour  voix  d'hom- 
mes, par  R.  Wagner  ; 

3°  Harold,  symphonie,  par  M.  Berlioz  ; 

k°  Die  Walpurgissnachtj  par  Mendelssohn. 

Trois  mille  personnes  formaient  l'auditoire  de  chacune  de  ces  séances. 
Elles  ont  accueilli  Liszt  avec  un  enthousiasme  tout  sympathique.  Dans 
le  jeu  de  Mlle  Spohr  elles  ont  admiré  un  talent  tout  jeune  encore  qui, 
dit-on,  surpasse  déjà  celui  de  Parish-Alvars  ;  enfin  on  a  vivement  ap- 
plaudi la  belle  voix  de  contralto  de  Mlle  Franciska  Schrecek,  dans  la 
belle  scène  de  Gluck.  Les  amis  ont  fait  leur  devoir  après  l'ouverture  et 
le  duo  de  Wagner,  et  le  public  les  a  laissé  faire  ;  mais  l'oratorio  a  fait 
un  fiasco  solennel.  C'est  tout  ce  qui  m'est  revenu  de  ce  festival,  qui  ne 
paraît  pas  avoir  répondu  à  l'attente  de  ceux  qui  l'avaient  organisé. 
(La  fin  au  ■prochain  numéro.)  FÉTIS  père. 


DE  LA  MUSIQUE  PLUS  QUE  JAMAIS. 

Chaque  chose  a  son  temps.  Hier,  c'était  celui  des  agitations  de  la 
place  publique,  des  discussions  orageuses  au  sein  des  assemblées  par- 
lementaires, des  joules  de  la  tribune,  de  la  polémique  passionnée  dans 
les  journaux  ;  aujourd'hui,  c'est  le  temps  des  lettres  et  des  arts.  Puis- 
sent-ils rendre  un  peu  de  calme  et  de  fraîcheur  aux  esprits  enfiévrés 
par  les  luttes  ardentes  des  partis  ! 

La  politique  sommeille.  Son  règne  a  été  long  ;  elle  n'a  pas  à  se 
plaindre.  Ne  troublons  pas  son  repos,  qui  est  une  garantie  du  nôtre. 

C'est  donc  l'ère  des  arts  qui  commence  ;  c'est  surtout  l'ère  de  la 
musique.  Pourquoi  cette  distinction  en  sa  faveur?  Nous  allons  le  dire. 
Elle  n'est  pas  arbitraire  ;  nous  ne  l'établissons  pas  ici  pour  complaire 
aux  lecteurs  spéciaux  du  recueil  auquel  ces  lignes  sont  destinées.  Notre 
conviction  est  qu'elle  ressort  de  la  nature  même  des  choses  ;  et  cette 
conviction,  nous  espérons  la  faire  partager  aux  gens  de  bonne  foi  qui 
ne  demandent  qu'à  se  rendre  à  de  bonnes  raisons. 

Quelque  fatigué  qu'on  soit  des  luttes  ardentes  de  la  politique,  il  est 
difficile  de  passer  tout-à-coup  d'une  agitation  pareille  à  celle  des  années 
que  nous  venons  de  traverser,  au  calme  des  idées  purement  spécula- 
tives. Après  les  grandes  tempêtes,  les  vents  se  sont  depuis  longtemps 
apaisés,  depuis  longtemps  le  ciel  s'est  rasséréné,  quand  la  mer  roule 
encore  ses  vagues  écornantes.  Les  esprits,  naguère  en  proie  à  une  ex- 
citation fébrile,  ont  besoin  de  se  passionner  pour  quelque  chose.  Cha- 
cun a  sa  vocation,  la  carrière  de  son  choix,  ses  occupations  favorites; 
mais  on  ne  trouve  pas  toujours  dans  la  sphère  où  l'on  vit  de  quoi  porter 
aux  émotions  vives.  Laissons  de  côté  l'industrie,  le  commerce  et  les  arts 
mécaniques,  qui  exigent  assurément  l'emploi  de  facultés  intellectuelles 
d'un  certain  ordre,  mais  qui  n'ont  rien  de  commun  avec  l'imagination. 
Ne  parlons  que  des  sciences  et  des  beaux-arts.  On  peut  avoir  un  pen- 
chant décidé  pour  la  physique,  la  chimie,  la  botanique  ;  on  peut  être 
plein  de  zèle  pour  les  mathématiques,  aimer  particulièrement  la  philo- 
sophie; mais  on  ne  se  passionne  véritablement  pour  aucune  de  ces 
choses,  si  attrayantes  qu'elles  soient.  La  peinture,  la  statuaire,  l'archi- 
tecture, sont  l'objet  du  culte  d'un  grand  nombre  d'hommes  de  goût; 
mais  si  les  impressions  qu'elles  procurent  sont  nobles,  pures,  élevées, 
profondes,  elles  n'ont  rien  d'exalté. 

Quel  est  l'art  qui  avive  les  passions,  qui  porte  le  trouble  dans  les 
sens  ou  les  calme  à  son  gré;  qui  excite  le  courage,  la  colère;  qui 
éveille  les  sentiments  les  plus  doux,  comme  les  plus  énergiques;  qui 
est  plus  maître  de  nous  que  nous-mêmes?  N'est-ce  pas  la  musique? 

La  musique  est  donc,  de  tous  les  objets  auxquels  s'applique  l'intel- 
ligence humaine,  celui  qui  est  le  plus  approprié  aux  besoins  d'une  so- 
ciété sortie  récemment  d'une  tourmente  révolutionnaire,  et  dont  les 
appétits  moraux  ne  peuvent  être  satisfaits  qu'au  moyen  d'aliments 
de  haut  goût. 

A  ceux  qui  douteraient  du  pouvoir  que  nous  attribuons  à  la  musique 
et  qui  nieraient  qu'elle  soit  capable  de  remplir  la  mission  à  laquelle 
nous  la  croyons  appelée ,  nous  opposerons  des  faits ,  arguments  non 
moins  entêtés  que  les  chiffres.  Compulsez  les  annales  de  la  France , 
arrêtez-vous  aux  pages  remplies  par  l'histoire  des  discordes  politiques, 
philosophiques  et  religieuses,  aux  troubles  suscités  par  la  réformation 
du  xvie  siècle,  aux  agitations  de  la  Ligue  et  de  la  Fronde,  et  dites  si 
parmi  toutes  ces  questions  brûlantes  qui  divisèrent  la  nation ,  il  en  est 
qui  occasionnèrent  une  polémique  plus  ardente  et  qui  passionnèrent 
plus  que  les  questions  musicales. 

Certes,  les  sujets  de  discussion  ne  faisaient  pas  défaut  au  xvme  siècle. 
La  France  ne  s'ennuyait  pas,  pour  nous  servir  du  mot  célèbre  d'un  cé- 
lèbre poëte,  et  ce  n'est  point  par  désœuvrement  qu'elle  s'engagea  avec 
la  chaleur  que  vous  savez  dans  la  fameuse  querelle  de  la  musique 
française  et  de  la  musique  italienne.  J.-J.  Rousseau,  jusqu'à  la  publi- 
cation de  la  lettre  qui  fut  le  point  de  départ  de  cette  querelle,  n'avait 
pas  suivi ,  on  en  conviendra,  la  piste  des  idées  vulgaires.  Cependant 
aucun  de  ses  principes  les  plus  hardis ,  aucun  de  ses  paradoxes  les  plus 


240 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


bizarres  et  les  plus  téméraires  n'avait  causé  une  impression  compara- 
ble à  celle  que  produisit  la  Lettre  sur  la  musique  française.  Tout  fut 
oublié  pour  la  dispute  qu'elle  souleva  et  à  laquelle  prit  part  la  nation 
entière.  Nul  ne  pouvait  rester  neutre  ;  de  toute  nécessité  il  fallait  être 
avec  Rousseau  ou  contre  lui.  Que  de  discussions  où  l'injure  même  n'é- 
tait pas  épargnée  !  Que  de  pamphlets  remplis  de  fiel  !  Combien  d'amis 
brouillés  et  de  familles  divisées  à  propos  du  plus  ou  moins  d'aptitude 
des  Français  pour  la  musique! 

Et  la  querelle  des  Gluckistes  et  des  Piccinistes  ?  Citerait-on  beaucoup 
de  circonstances  où  la  société  française  ait  été  plus  émue?  Citerait-on 
beaucoup  d'objets  qui  l'aient  passionnée  à  un  plus  haut  degré  ? 

De  nos  jours  encore  n'a-t-on  pas  vu  le  public  parisien  profondément 
divisé  par  l'apparition  de  certaines  œuvres  musicales?  Souvenez-vous 
des  représentations  de  Robin-dcs-Bois  à  l'Odéon,  quand  la  salle,  par- 
tagée en  deux  camps,  les  classiques  d'un  côté  et  les  romantiques  de 
l'autre,  retentissait  chaque  soir  de  cris  d'enthousiasme  et  d'explosions 
ironiques  ! 

La  France  nous  fournirait  bien  d'autres  exemples  encore  :  ceux-ci 
suffisent.  Les  pays  étrangers  nous  en  offrent  également,  et  nous  les  in- 
voquons pour  prouver  que  l'influence  de  la  musique  n'est  pas  une  af- 
faire de  temps  et  de  lieu ,  mais  qu'elle  est  de  tous  les  siècles  comme  de 
tous  les  climats.  Les  Italiens  ne  se  sont  'consolés  de  la  perte  de  leur 
liberté  qu'en  cherchant  dans  la  musique  les  émotions  nécessaires  à 
leur  organisation  éminemment  impressionnable.  Ils  ont  renoncé  à  la  vie 
poliiique  ;  ils  ont,  chose  plus  difficile,  subi  le  joug  de  l'étranger  ;  ils  ont 
pris  le  parti  de  laisser  faire  le  gouvernement  sans  contrôler  ses  actes 
en  aucune  façon  ;  mais  ils  n'auraient  pas  renoncé  à  l'opéra.  Si  l'impré- 
sario ne  tenait  pas  les  promesses  de  son  programme,  si  l'opéra  nou- 
veau ne  faisait  pas  son  apparition  au  jour  dit,  si  la  cantatrice  en  renom 
avait,  comme  il  arrive  parfois  ailleurs,  la  fantaisie  de  ne  pas  chanter 
son  rôle  et  de  s'excuser  sous  prétexte  d'indisposition,  il  y  aurait  des 
troubles  sérieux  à  Milan,  à  Venise,  à  Rome,  à  Naples  ;  il  y  aurait  peut- 
être  une  révolution.  Aussi,  l'autorité  prend-elle,  avant  tout,  les  me- 
sures propres  à  assurer  le  service  régulier  des  théâtres  lyriques.  Le 
compositeur  n'est  pas  obligé  d'écrire  une  bonne  partition,  mais  il  faut 
que,  sous  peine  de  la  prison,  il  la  livre  à  l'époque  convenue.  Le  chan- 
teur n'est  pas  tenu  d'avoir  de  la  voix  ;  mais  la  fièvre  seule,  constatée 
par  le  médecin  de  la  police  ,  peut  le  dispenser  de  paraître  dans  son 
rôle.  Le  soin  que  prend  l'autorité  de  tout  ce  qui  touche  au  théâtre  té- 
moigne du  degré  d'importance  attribué  à  l'art  musical. 

Ne  sait-on  pas  jusqu'à  quel  point  les  Allemands  poussent  le  zèle 
pour  cet  art?  La  musique  est  la  première  de  leurs  jouissances  ,  le 
premier  de  leurs  besoins.  Ils  se  passeraient  de  tout  plutôt  que  de  sym- 
phonie et  de  chant  choral.  Au-dessus  de  l'exercice  de  leurs  droits  po- 
litiques, ils  placent  le  droit  de  se  réunir  pour  exécuter  les  chefs-d'œu- 
vre des  maîtres.  Nous  ne  conseillerions  pas  au  gouvernement  le  plus 
fort  de  tenter  la  suppression  des  festivals  pour  lesquels  ils  ont  formé 
de  vastes  associations. 

En  parlant  des  livres  ,  ces  amis  de  tous  les  hommes  et  de  tous  les 
âges,  Érasme  a  dit  :  «  Libri  vncati,  prœdo  sunt  ;  invocali,  non  inge- 
runt  s- se;  jvssi  loquuntur ;  injussi  lacent;  secundis  in  rébus  mode- 
ranlvr,  comolanlur  in  af/Uclis  ;  cum  forlunâ  minime  variantur.  »  Si 
nous  n'avions  que  des  lecteurs  ,  nous  ne  commettrions  pas  l'imper- 
tinence de  leur  offrir  la  traduction  de  ce  passage  ;  mais  nous  avons  des 
lectrices,  et  c'est  pour  elles  que  nous  ajouterons  au  texte  d'Erasme 
cette  version  :  «  Appelle-t-on  les  livres?  soudain  ils  se  présentent.  Ne 
les  appelle-t-on  pas  ?  ils  ne  s'imposent  point.  Ils  parlent  si  on  l'or- 
donne, se  taisent  s'ils  ne  sont  interrogés.  Ils  servent  de  modérateurs 
dans  la  prospérité,  nous  consolent  dans  l'adversité  et  ne  changent  pas 
avec  la  fortune.  »  Ces  mots  charmants  s'appliquent  merveilleusement 
à  la  musique  ;  elle  aussi  nous  vient  en  aide  dans  les  diverses  situations 
de  la  vie  et  nous  donne  des  sensations  conformes  à  l'état  de  nos  idées. 
De  tout  ce  qui  précède,  il  nous  semble  résulter  que  les  esprits  vont 
plus  que  jamais  se  tourner  vers  la  musique  en  France.  Il  est  de  l'in- 


térêt autant  que  du  devoir  du  gouvernement  de  seconder  ce  mouve- 
ment par  toutes  les  mesures  qui  sont  en  son  pouvoir.  Quelles  seront 
ces  mesures?  Les  voici  : 

La  création  d'une  chapelle  et  d'une  musique  particulière  du  chef  de 
l'Etat  où  les  artistes  d'un  mérite  éminent  trouveront  des  positions  ho- 
norables. 

Une  large  protection  accordée  aux  théâtres  lyriques,  protection  com- 
binée avec  le  dégrèvement  de  certaines  charges  qui  pèsent  lourdement 
sur  eux  et  qui  neutralisent  leurs  éléments  de  prospérité. 

Une  impulsion  intelligente  donnée  au  développement  de  toutes  les 
institutions  qui  ont  pour  but  de  populariser  la  connaissance  des  princi- 
pes de  l'art  et  l'étude  de  ses  chefs-d'œuvre  ;  au  Conservatoire  de  Pa- 
ris, à  ses  succursales  de  la  province,  aux  écoles  secondaires. 

Une  part  considérable  faite  à  la  musique  dans  toutes  les  fêtes  natio- 
nales, dans  toutes  les  réjouissances  publiques,  et  cette  part  lui  revient 
de  droit,  car  elle  en  sera  toujours  l'ornement  par  excellence. 

Ces  choses  et  d'autres  encore  sont  du  ressort  du  gouvernement. 
Quant  aux  efforts  particuliers  qui  atteignent  à  de  si  beaux  résultats,  et 
qui  ont  placé  cette  France,  proclamée  par  J.-J.  Rousseau  incapable 
d'avoir  jamais  une  école,  à  la  tête  de  la  civilisation  musicale,  ils  n'ont 
besoin  que  d'être  dirigés  avec  un  peu  plus  d'ensemble.  On  ne  sait  pas 
encore  assez,  h  Paris,  ce  qu'on  peut  obtenir  de  l'association.  Il  y  au- 
rait beaucoup  à  emprunter  pour  cela  à  l'Allemagne  et  même  à  UAngle- 
terre.  Si,  dans  de  certaines  circonslances,  et  pour  de  grandes  solen- 
nités artistiques,  on  réunissait  les  ressources  qu'offre  Paris  pour 
l'exécution  vocale  et  instrumentale,  on  réaliserait  des  prodiges  d'effet 
qui  ne  sont  pas  soupçonnés. 

Pour  ce  qui  concerne  l'instruction  musicale  populaire,  on  est  entré 
dans  une  voie  de  progrès  ;  mais  on  est  encore  loin  du  point  où  des 
institutions  anciennes  et  constamment  perfectionnées  ont  amené  la  na- 
tion allemande.  On  a  semé,  il  faut  au  grain  le  temps  de  germer  ;  plus 
tard  on  récoltera.  Le  temps  viendra  où  la  musique  fera  nécessairement 
partie  de  toute  bonne  éducation,  où  un  homme,  fût-il  avocat,  médecin, 
philosophe,  militaire,  industriel,  ou  simple  ouvrier,  rougira  de  ne  pas 
pouvoir,  au  besoin,  lire  couramment  une  partie  de  chant  ou  jouer  d'un 
instrument.  C'est  par  l'enfance  qu'il  faut  commencer  la  réforme  pour 
qu'elle  soit  un  jour  complète  et  radicale;  c'est  auxparenls,  dont  la  né- 
gligence serait  désormais  presque  coupable,  qu'est  remis  le  soin  de 
l'accomplir.  Les  maîtres  ne  manquent  pas,  il  en  est  et  de  fort  bons  à 
tout  prix.  L'ignorance  en  fait  de  musique  n'aurait  plus  d'excuse  désor- 
mais. 

Saluons  donc  l'ère  musicale  qui  commence,  et  qui  ne  sera  ni  sans 
gloire  pour  la  nation,  ni  sans  profit  moral  ou  matériel  pour  la  masse 
des  citoyens.  E.  F. 

CONSERVATOIRE  NATIONAL  DE  MOSIQUE  ET  DE  DÉCLAMATION. 

Concourt». 

Voici  le  résultat  des  concours  à  huis  clos  jugés  la  semaine  dernière 
dans  les  deux  séances  qui  se  sont  tenues  jeudi  et  vendredi. 

Harpe,  professeur,  M.  Prumier.  11  n'y  avait  cette  année  qu'une  seule 
concurrente,  et  c'est  probablement  pour  cette  raison  que  l'épreuve  a 
eu  lieu  à  huis  clos  au  lieu  d'être  subie,  comme  à  l'ordinaire,  en  séance 
publique.  Au  surplus,  le  jury  a  pensé  que  Mlle  Coppée,  qui  l'année  der- 
nière avait  obtenu  le  premier  accessit,  méritait  cette  fois  un  second 
prix. 

Harmonie.  1er  prix,  M.  Taite;  2mc  prix,  M.  Borelli,  tous  deux  élèves 
de  feu  Hippolyte  Colet  et  Henri  Reber;  1"  accessit,  M.  Déplace; 
2m'  accessit,  M.  01.  Metra,  tous  deux  élèves  de  M.  Elwart.  Ces  diverses 
nominations  ont  été  faites  à  l'unanimité  parle  jury. 

Etudes  de  clavier.  1"  mention,  partagée  entre  Mlles  Zolobodjean  et 
Hesse,  élèves  de  Mme  Beaufour;  2D,e  mention,  Mlle  Thouveuel,  élève 
de  Mlle  Jousselin. 

Contrebasse,  professeur,  M.  Chaft.  1er  prix  partagé  entre  MM.  Paulin 


DE  PARIS. 


247 


et  Toumier  ;  2m'  prix,  M.  Delafontaine ;  l"1'  accessit,  M.  Astruc;  2m0 
accessit,  M.  Giraud. 

Harmonie  et  accompagnement  pratique.  {Clause  des  hommes.)  Pas 
de  premier  prix.  2m«  prix,  M.  Colin,  élève  de  MM.  Lecouppey  et 
F.  iîa/.in  ;  1"  accessit,  M.  Viault,  élève  de  M.  F.  Bazin;  2m°  accessit, 
M.  Rèty,  élève  du  même. 

(Classe  clrs  Jemmes.)  \"  prix,  Mlle  Zolobodjean,  élève  de  Mme  Uu. 
fresne;  2m"  prix,  Mme  Chassai,  élève  de  Mme  Dufresne  ;  1er  accessit, 
Mlle  Casselin,  élève  de  M.  Bicnaimé;  2m°  accessit,  MlleLchuédé,  élève 
de  Mme  Dufresne. 

Demain,  lundi,  les  concours  à  huis  clos  continueront  pour  l'orgue,  le 
contrepoint  et  la  fugue;  ils  se  termineront  mardi  par  celui  de  sol- 
fège. 

Jeudi,  29  juillet,  premier  concours  public  pour  le  piano  ;  vendredi, 
violoncelle  et  violon;  samedi,  chant;  lundi,  2  août,  opéra  comique  ; 
mardi,  instruments  à  vent;  mercredi,  grand  opéra;  jeudi,  tragédie  et 
comédie. 

NOUVELLES. 

*»*  Demain  lundi,  â  l'Opéra,  reprise  do,  V Enfant  prodigue. 

%*  Lundi  dernier,  le  Juif  errant  était  annoncé,  mais  Chapuis,  qui  devait 
remplir  le  rôle  de  Léon,  s'étant  trouvé  tout-â-coup  indisposé,  etGuey- 
mard,  qui,  après  avoir  chanté  trois  fois  la  semaine  précédente,  avait  cru 
pouvoir  compter  sur  un  jour  de  liberté,  n'étant  pas  à  Paris,  il  y  eut  né- 
cessité de  faire  relâche.  Du  reste,  le  Juif  errant  et  Gueymard  ont  pris 
vendredi  une  brillante  revanche.  Massol,  ainsi  que  Mmes  Tedesco  et 
La  Grua  n'ont  jamais  fait  preuve  de  plus  de  talent,  ni  mérité  plus  de  bra- 
vos. Pour  être  juste  ,  il  faudrait  nommer  tous  les  artistes  chantants  et 
dansants  qui  concourent  à  l'exécution  de  ce  grand  et  bel  ouvrage. 

%*  Mercredi,  Guillaume.  Te.ll,  chanté  par  Gueymard,  Morelli  et  Mme  La- 
borde.  avait  encore  attiré  la  foule. 

%*  Mathieu,  le  jeune  et  brillant  ténor,  est  engagé  ;  on  annonce  son  dé- 
but, ou  plutôt  sa  rentrée  dans  Lucie  de  Lammermoor  pour  mercredi  pro- 
chain. 

*„*  Plusieurs  journaux  ont  annoncé  l'engagement  de  la  charmante  Ca- 
roline Duprez  à  I'Opéra-Comique  ;  nous  en  féliciterions  bien  sincèrement 
le  théâtre  et  l'actrice,  mais  jusqu'ici  l'engagement  dont  on  parle  n'est 
pas  signé. 

%*  La  Cro'x  de  Marie,  le  nouvel  opéra,  a  été  joué  quatre  fois  la  se- 
maine dernière  :  lundi,  mercredi,  vendredi  et  samedi.  Désormais  il  sera 
donné  les  mardi,  jeudi  et  samedi  de  la  semaine. 

%*  L'opéra  de  Madelon,  de  F.  Bazin,  qui  avait  été  interrompu  par  la 
maladie  de  Mlle  Lefebvre,  a  repris  cette  semaine  le  cours  de  ses  re- 
présentations, le  rôle  principal  a  été  joué  par  Mlle  Talmon  avec  beaucoup 
de  talent  et  de  succès,  surtout  dans  les  représentations  qui  ont  suivi  celle 
de  dimanche. 

%*  L'Alboni  a  donné  son  second  concert  à  New- York,  le  mercredi 
30  juin.  Il  y  avait  beaucoup  de  monde,  quoique  la  salle  [Meiropolitai  Hall; 
ne  fût  pas  tout-à-fait  remplie.  La  chaleur  était  accablante.  L'un  des  mor- 
ceaux les  plus  applaudis  a  été  le  rondo  final  de  i'enerentota. 

V  Le  jeune  Paul  Jullien  donnait  le  même  jour  son  premier  concert,  et 
y  justifiait  sa  renommée  de  violoniste  précoce. 

*„*  Aujourd'hui  dimanche,  25  juillet,  une  messe  en  musique  de  M.  Lau- 
rent de  Riilé,  sera  exécutée  dans  l'église  de  Saint-Eustache,  sous  la  di- 
rection de  M.  Hurand,  maître  de  chapelle  de  cette  paroisse.  Elle  sera 
chantée  par  les  sociétés  chorales  de  Paris,  réunies  au  nombre  de  300 
voix,  et  accompagnées  par  les  musiques  de  la  garde  républicaine  et  du 
Gymnase  militaire  dirigé  par  M.  Paulus. 

%*  Une  grande  solennité  musicale  se  prépare  à  Lyon  et  s'y  célébrera 
vers  le  15  août  prochain,  dans  la  cour  du  palais  Saint-Pierre.  Il  s'agit  de 
l'exécution  grandiose  de  plusieurs  fragments  de  la  messe  composée  par 
Adolphe  Adam  et  autres  morceaux,  qui  seront  exécutés  par  la  musique  mi- 
litaire, sous  la  direction  de  M.  Georges  liainl.  M.  le  préfet  du  Rhône  et  le 
général  Castellane  ont  accordé  toutes  les  autorisations  nécessaires  pour 
cette  fête,  qui  sera  donnée  au  profit  de  l'Association  des  artistes  musi- 
ciens. 

***  Emile  Prudent  est  de  retour  à  Paris.  Rien  n'est  encore  décidé  sur 
le  voyage  qu'on  le  presse  de  faire  en  Amérique. 

***  Henri  Panot'ka  a  quitté  Londres  pour  Paris,  sa  seconde  patrie.  Il  se 
propose  d'y  continuer  l'application  de  sa  méthode  de  chant,  dont  l'excel- 
lence est  établie  par  des  succès  constants. 

***  Joach'im,  le  jeune  et  habile  violoniste,  est  aussi  à  Paris  depuis  quel- 
ques jours. 

V  Le  Te  Deum  exécuté  l'autre  samedi  à  Saint-Thomas-d'Aquin  par 
M.  Hocmelle,  organiste  de  cette  paroisse,  a  répondu  à  l'attente  de  tous 
ceux  qui  connaissent  le  lalent  éprouvé  de  ce  jeune  et  intéressant  artiste. 
On  a  surtout  remarqué  l'introduction,  le  Julex,  la  fugue  dans,  lesquels 
M.  Hocmelle  a  produit  de  beaux  effets,  offrant  le  double,  mérite  de  l'idée 
et  de  l'exécution.  Comme  contraste  au  style  grand  et  sévère,  il  avait  in- 


troduit la  charmante  Paiwne.du,  xv°  siècle,  qu'il  a  travaillée  de  manière  à 
s'approprier  son  emprunt,  en  y  mêlant  la  voix  humaine  et  d'autres  combi- 
naisons que  les  ressources  de  l'instrument  favorisent. 

*„*  Le  succès  du  Val  d'Andorre,  à  Bordeaux,  et  celui  de  la  jeune  artiste 
qui  a  débuté  par  le  charmant  rôle  de  Hose-dc  Mai,  vont  en  augmentant 
de  jour  en  jour.  Mlle  Esther  Danhauscr  a  montré  dans  ce  rôle  une  voix 
souple  et  bien  posée,  beaucoup  de  sentiment,  de  méthode  et  d'intelli- 
gence de  la  scène.  Ce  sont  des  garanties  pour  l'avenir. 

***  Un  nouveau  journal  de  musique  vient  de  paraître  en  Italie,  sous  le 
titre  de  Gazzetla  musicale  di  Napolf.  11  se  publie  le  samedi  de  chaque  se- 
maine. 

CHROKIÇUS     ÉTRANGÈRE. 

*„*  Londres,  20  juillet.  —  En  attendant  que  les  bruits  de  retraite  di- 
rectoriale se  confirment  ou  se  démentent,  le  théâtre  de  Sa  Majesté  s'est 
signalé  par  une  des  plus  belles  soirées  dont  les  amateurs  gardent  souve- 
nance. VOlello  de  Rossini  s'est  présenté  avec  Aime  Lagrange  pour  Desde- 
mona,  Bettini  pour  le  More  farouche,  De  Bassini  pour  lago,  Calzolari  pour 
Roderigo  et  Lablache  pour  Elmiro.  Bettini,  comme  on  devait  s'y  attendre, 
a  pleinement  réussi  dans  les  passages  de  force.  C'est  le  teiiore  robusto  par 
excellence.  De  Bassini  ne  lui  est  pas  demeuré  inférieur  dans  le  fameux  duo 
du  second  acte.  Mme  Lagrange  aussi  mérite  de  grands  éloges.  Calzolari 
est  excellent  et  Lablache  toujours  admirable.  Le  nouveaux  ballet,  Zélie, 
terminait  le  spectacle  et  retenait  tous  les  spectateurs  par  l'attrait  de  ses 
magnificences.  —  Au  théâtre  de  Covent-Garden,  le  Prophète  continue 
d'être  en  possession  de  la  vogue,  et  Mlle  Grisi  de  grandir  dans  le  rôle  de 
Fidès.  Le  Fawl,  de  Spohr,  représenté  en  présence  de  l'auteur,  qui  con- 
duisait l'orchestre,  a  été  reçu  avec  grande  faveur;  Ronconi,  Formes, 
Tamberlik,  Aimes  Castellan  et  Anna  Zerr  en  remplissent  les  principaux 
rôles  d'une  façon  tout  à  fait  supérieure.  L'orchestre  et  les  chœurs  font 
merveille. 

V  Munich,  17  juillet.  —  Samedi  dernier,  on  a  joué  pour  la  première 
fois  en  cette  ville  le  Trésor  supposé,  d'Hoffmann  et  Méhul,  ouvrage  qui 
remonte  â  1796  et  fut  un  des  premiers  essais  du  célèbre  compositeur.  Le 
public  l'a  reçu  avec  une  faveur  qui  se  maintient,  car  on  l'a  exécuté  trois 
fois  depuis  la  première  ,  et  les  nombreux  spectateurs  se  sont  toujours 
montrés  fort  satisfaits.  —  Le  clergé  catholique  de  Bavière  vient  de 
perdre  son  doyen,  M.  Jean-Baptiste  Weigl,  conseiller  ecclésiastique, 
chanoine  et  officiai  du  diocèse  de  Ratisbonne,  mort  à  l'âge  de  quatre 
vingt-seize  ans.  11  était  célèbre  à  la  fois  comme  théologien,  mathémati- 
cien et  compositeur  de  musique  sacrée.  Parmi  les  partitions  manuscrites 
et  inédites  qu'il  a  laissées,  on  a  trouvé  celle  d'un  Requiem,  qui  sera  exé- 
cuté dans  la  cathédrale  de  Ratisbonne,  aux  funérailles  de  son  auteur.  — 
La  mort  vient  aussi  d'enlever  un  de  nos  dilettanti  les  plus  distingués, 
M.  le  baron  Louis-Joseph  de  Priuli,  premier  chambellan  du  roi,  et  qui, 
pendant  trente-deux  années  consécutives  avait  été  intendant  du  théâtre 
royal  italien  de  Munich.  Il  était  âgé  de  quatre-vingt-un  ans. 

%*  Berlin.  —  Les  représentations  de  Roger  attirent  toujours  la  foule, 
en  dépit  de  la  chaleur  tropicale  qui  nous  accable  depuis  quelques  jours. 
La  Dame  Blanche  et  les  Huguenots  ont  été  de  nouveau  pour  lui  l'occasion 
des  plus  brillants  succès.  Aux  rôles  de  son  aucien  répertoire,  le  célèbre 
ténor  doit  ajouter  ceux  d'Eléazar,  dans  la  Juive;  d'Edgar,  dans  Lucie, 
et  de  Fernand,  dans  la  Favorite 

**  Vienne.  —  Le  monde  musical  a  célébré,  le  à  juillet,  l'anniversaire 
de  la  naissance  de  Gluck.  Il  y  a  quelques  années  on  a  restauré  le  monu- 
ment qu'on  avait  érigé  au  célèbre  compositeur  dans  le  cimetière  de  Maz- 
leindorf.  Une  petite  table  de  marbre,  scellée  dans  la  maçonnerie  de 
l'ancien  monument,  portait  'inscription  suivante  :  «  Cy-gît  un  brave  et 
loyal  Allemand,  un  zélé  chrétien,  un  fidèle  époux,  le  chevalier  Christophe 
Gluck,  un  grand  maître  du  sublime  art  musical.  11  mourut  le  15  novem- 
bre 1787.  » 

*„*  Humliourg.  —  Jenny  Lind  (Mme  Goldschmidl)  vient  de  partir  pour 
les  eaux  de  Scheveningen,  en  Hollande.  — Pischek  a  commencé  ses  re- 
présentations par  :  Une  nuit  à  Grenade. 

%*  Brunstcick.  —  Notre  festival  a  eu  lieu  le  1"  et  le  à  juillet  :  on  y  a 
exécuté,  entre  autre,  X'Elie,  de  Mendelssohn,  et  la  9e  symphonie  de 
Beethoven. 

*t*  Varsovie.  —  II.  Dobrzynski,  qui  s'est  fait  connaître  par  quelques 
compositions  estimables,  a  été  nommé  chef  d'orchestre  du  Théâtre- 
Impérial. 

Le  gérant  :  Ernest  DESCHAMPS. 
En  vente  chez  DR  AND  US  et  Ce,  10ô,  rue  Richelieu, 


II 


BALLADE    POUR    VOIX   DE    BASSE, 

Paroles  de  M.  le  chevalier  Châtelain, 

Musique  de 


Clieiâlier  de  la  LCoion-d' Honneur,  professeur  au  Conservatoire. 
Prix  :  h  fr.  B0.  —  La  même  pour  baryton,  k  fr.  50. 


248 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS. 


103,   BUE   RICHELIEU, 


luber.  Valse  des  Etudiants,  du  Lac  des  Fées, 

arrangée  par  II.  Herz C 

Berliul.   Op.    120.  Grande  faulaUie  sur   le 

Domino   uni'- 9 

Op.   125.  Grande  fantaisie  sur  le  Lac 

de.-    fies 0 

Op.   132.  Souvenirs  de  Zanetta.    ...     9 

Op.  136.  Grande  fantaisie  sur  les  Dia- 
mants de  la  Couronne 9 

—  Op.  139.  Duo  sur  le  Duc  d'Olunne.   .     9 
Op.  140.   Grand  duo  sur  le  Slabal  de 

Rossini 9 

—  Op.  148.  Grand  duo    sur   la  Part  du 

Diable 9 

—  Op.  159-  Grand  duo  sur  Moïse  :   ...     9 

—  Op.  173.  Fant.  sur  des  motifs  de  Rossini.     9 
Bejer.  Mosaïque   sur    les  Diamants  de  la 

Couronne 6 

lliir;iiiiilli'r  (FnÉo.).  Les  Fleurs  mélodi- 
ques.12  morceaux  faciles  et  brillants, 
arrangés  à  4  ma  ns  par  Farrenc.  4 

suites,  chaque 10 

Chaque  numéro  séparément 4  5 

—  Les  I:tincelles,i1   morceaux  faciles  et 

brillants ,  arrangés   à  4    mains  par 
Decourcelle.  4  suites,  chaque.  ...  12 

Chaque  numéro  séparément 6 

Blumentluil.  Chant  national  des  Croates.    .     6 
<T!i<>l>iii.  Grand  duo  sur  lioticrt-le- Diable.     9 

—  Op.   1.  Rondo 7  5 

—  Op.  3.   Polonaise    brillante 7  £ 

—  Scherzo  et  Marche  funèbre  de  la  sonate 

op.  35. arrangés  à  4  mains  par  Fontana.     7  E 

—  Op.  43.  Tarentelle,  arrangée  à  4  mains 

par  Czerny 7  E 

Croi«i'K.  Op.  21.  Petit  souvenir  de  la  l'arc 

du  Diable 6 

—  Op  .24. Petite  fantais.  facile  sur  \s.Sirène.     5 

—  Duo  enfantin  sur  Robert  ISruce.    ...     6 

—  Troisième  duo  enfantin  sur  llaydée.   .     6 

—  Op. 46. Duo  facilesurle  Val  d'Andorre.     6 

—  Op .  48 .  Fantaisie  sur  la  Fée.  aux  lias ,  s .     6 

—  Fantaisie  sur  Zcrliie 5 

Uœhler.  D'.'ux  éludes 7  ; 

—  Le  Zing  iro,  mélodie  espagnole 7  i 

—  Le  Bohémien 7  i 

—  L'Hidalgo 7  £ 

—  Le  Tournoi 7  £ 

—  Op.  39.  Tarentelle 9 

Kccoiir-Tlli-  (M.).  Op.   28.  Fantaisie  sur  la 

Dune  de.  Pique 9 

—  Op.  29.  Fantaisie  sur  Zerline 7  : 

Duvernoy.  (J.-B.).  Op.   87.  Fantaisie  sur  le 

Domino  noir 7  ! 

—  Op.  136.  Fantaisie  facile  sur  la  Sirène.    6 

—  Op.  149.  Petite  fant.  sur  la  Jlurcarolle.     6 
Op.  156.  Deux  petites  fantaisies  sur  des 

motifs  de  Bellini,  2  suites  : 

N"  1.  La  Somnambule 6 

2.  Les  Puritains 6 

—  Op.  161.  Fantaisie  sur  la   marche  des 

Mousquetaires  de.  la  Reine 6 

—  Op.  167.  Marche  de  Robert  Bruce.   .   .     6 
Op.  111.  Petite  fantaisie  sur  le  Pré  aux 

Clercs 5 

—  Op.  172.  Petite  fantaisie  sur  la  Muette 

de  PorOci 5 

—  Op.  173.  Marche  de  Guillaume  Tell.   .     5 

—  Op.  179.  Petite  fantaisie  sur  Haydèe.   .     5 

—  Op.  194.  Petite  fantaisie  sur  YEnfant 

prodigue, 5 

Fessy.  Galop  favori  de  la  Fille  du  hanube.  .     6 
tlu-lsfli).  Op.  7.  Air  favori  ù'Actéon.    ...     5 

—  Op.  10.  Air  favori  de  l'Ambas'adrice.  .     6 

—  Op.  13.  Deux  rondos-valses  sur  le   Do- 

mino noir 7 

Op.  21.  Deux  rondos  faciles  sur  le  Lac 

des  Fées.  2  suites,  chaque 5 

Op.  34.  Duo  brillant  etfacile  sur  Zone/ta     6 

—  Op.  35.  Cavatine  et  ballade  de  Zanetta, 

doigtées  facilement 5 

Les    Soirées     musicales    de    Rossini, 

transcrites  pour  le  piano,  a  4  mains,  et 

doigtées  facilement.  3  suites,  chaque  .  7 
Xle»keit  et  Mosclielès.  Rapsodie  et  valse 

de  Varsovie 7 

Heu  (H.).  Op.  50.  Grandes  variations  sur  la 

marche  favorite  de  Guillaume  Tell. .     9 

—  Op.  70.  Variations   concertantes  sur  le 

PMllre 9 

—  Op.  71.  Récréations  musicales.  Collec- 

tion  de  24  airs  variés,  rondos  et  fan- 
taisies sur  des  thèmes  choisis  parmi 


les  plus  beaux  airs   nationaux  et  les 
motifs  favoris  des   compositeurs  célè- 
bres,  arrangés    à   quatre    mains  par 
Henri  Lemoine,  6  suites,  chaque.   .    .     9     » 
IIitz  (IL).  Op.  76.  Variations  brillantes  sur  le 

Pré  aux  Cleics,  arrangées  par  Hall.  12    » 

—  Op.  111.  Grande  fantaisie  sur  la  Roma- 

nesco,  arrangée  par  R.  Wagner.    .    .     9    » 
Eïcrz.  (J.).  Op.  21.  Cinq  airs  de  ballet  de  Ro- 
bert le   Diable,  arrangés  en   rondo, 
chaque 7  50 

—  Op.  22.  Trois  chœurs  de  Rober'  leDia- 

bte,  arrangés  en  rondos  brillants,  cha- 
que  7   50 

—  Op.  29.  Quatre  airs  de  ballet  des  Hugue- 

n"ls,  arrangés  à  quatre  mains  par  Ch. 
Schwencke,  chaque 7  50 

—  Op.  :}9.  Trois  airs  de  ballet  de  Charles 

17,  chaque 9 

—  Op.  51.  La  Coquette,  valse  brillante.    .     9     » 
lEnul.  .i  (F.).  Op.  82  bis.  Deux  rondos  faci- 
les, sur  des  motifs  AesHvguenois,  ar- 
rangés à  quatre  mains,  parC.Schunke: 

1.  Cavatine  du  Page 6    » 

2.  Ronde  des  Bohémiens 0    » 

—  Nouvelles  récréations  musicales  très-fa- 

ciles, divisées  en  4  suit.,  chaque.   .   .     6     - 

—  Quatre  airs  de  ballet  de  la  Favorite  : 

1.  Chœur  dansé. —  2.  Pas  de 
trois.  —  3.  Pas  de  six.  — 
4.   L'Espagnole.  Chaque.    .     6     - 

—  Op.  40.  Variations  brillantessurla  mar- 

che favorite  de  Gu  llaume  Te  1 .   .   .     9     » 

—  Op.  174.  Fantaisie  sur  Giralta.   ...     7  50 
B-c  Cnrpi-utier.  Op.  32.  I"  divertissement 

sur  le  Lue  des  Fées 6     o 

—  Op.  24.  Trois  bagatelles  sur  des  motifs 

de  V Éclair  trois  suites,  chaque.    .    .     5     » 

—  Op    25.  Trois   bagatelles  sur  des  motifs 

des  Hugue.nols,  trois  suites,  chaque.     5     » 

—  Op.  43.  Quatre  divertissements  sur  des 

motifs  delà  Favoi  ite,  quatre  suites, 
chaque 0    » 

—  Divertissement  sur  des  motifs  de  Guido 

et  Ginevra 6     » 

—  Divertissement  sur  des  motifs  des  Treize.    6     • 

—  Divertissement  sur  des  motifs  du  Shérif.    6    » 

—  Divertissement  sur  le  Guitarrero.  .  .   .     (i    » 

—  Divertissements   et  variations   sur    des 

motifs  de  la   Reine  de  Chypre,  deux 
suites,  chaque 6     » 

—  Divertissement  sur  Charles  VI ...   .     6     » 

—  Op.  141.  Fantaisie  sur  le  Prophète.   .     7  60 
Di.'iuoii.i'   (H.).  Galop  favori  de  Gustave  ou 

lr  bal  m  sqné 6     » 

—  Polonaise,  favorite  de  l'opéra  I  Puri-    6    » 

tan) 6     » 

Memlelssohii-BSartholdy.  Op.  56.  Troi- 
sième symphonie,  arrangée  à  4  maius 
par  l'auteur 18     » 

—  Op.  83  bis.  Andante  et  variations  ...     9    » 
ÏBosc)>el<-s.  Op. 112.  Grande  sonate  sympho- 

nique 24     » 

Onslow  (G.).  Op.  7.  Grand  duo 9     » 

—  Op.  22.  Grande  sonate 12     » 

Osboruc.  Souvenir  de  la  Juivfi 7  50 

—  Op.  18.  Duo  brill.   sur  l'opéra  /  Puri- 

tani 'J     » 

— .     Op.  41.  Duo  brill.  surdes  thèmes  d'Auber.     9     » 

-    Duo  brillant  sur  le  Barbier  de  Séoille.  10    » 

Boselleu.  Op.  36.  Fantaisie  sur  la  Favorite.    9     » 

—  Op.  46.  Fant.  sur  la  Reine  de.  Chypre.    9    » 

—  Op.  54.  L'Aérienne,  valse 7  50 

—  Op.  56.  Fantaisie  sur  Charles  VI.  .   .     9     » 

—  Op.  71.  Fantaisie  sur  la  Juive 9    » 

—  Op.  82  bis.   Premier  trio,  arrangé  pour 

le  piano,  à  4  mains,  par  l'auteur.  .   .  12     » 

—  Op.  86.  Fantaisie  sur  les  Mousquetaires.    9    » 
_     Op.   !t6     Id.  sur  l'Éclair 9     » 

—  Op.  102.  Id.  sur  Robert  le  Diable.  .   .    9    » 

—  Op.  107.  Id.  sur  les  Huguenots.  .    .   .     9    » 

—  Op.  108.  Fantaisie  de  concert  sur  Mar- 

guerite d'A  njou  de  Meyerbeer.  ...     9    » 

—  Op.  111.  Fantaisie  brillante  sur  le  T'ai 

d'Andorre 9     » 

—  Op.  114.  Grande   fantaisie  sur  le  Pro- 

phète  9     » 

—  Op.  119.  Fantaisie  élégante  sur  la  Fée 

aux  Roses 9     » 

—  Op.  124.   Grand  duo  sur  la  Favorite  .     9    » 
Roseuhain.  Trois  petits  duos  à  4  mains,  cl,.     5     » 

• —    Grande  fantaisie  dramatique  sur  la  Reine 

de  Chypre 9    » 


Ito.ssini.  Deux  pas  redoublés  et  une  marche, 

3  suites,  chaque 6     » 

—  L'Orgie,  air  de  ballet  de  liobert  Rruc.     6    » 
Tlitilbei-ï  (S.)  Op  1.  Fantaisie  sur  Furiante    9     » 

—  Op.  10.  Grande  fantaisie  sur/  Montée- 

ch''  et  Cnpû'etli .10    » 

—  Op.  19.  2e  caprice,  arrangé  par  Bénédict    9     » 

—  O  .  31.  Scherzo 9     » 

—  Op.  32.  Andante,  arrangé  par  Bénédict.     7  50 

—  Op.  31.  Grandcfantaisie  sur  la  prière  de 

Moïse,    arrangée  par  Bénédict  ...  10     » 

—  Op.  36.  Etude  en  la  mineur 7  50 

—  Op.  39.  Souvenir  de  Beethoven,  arrangé 

par  Czerny 1 0     » 

—  Op.  40  Fantaisie  sur  la  Donnad-lLayo.     9    » 

—  Op.  41-  Trois  romances  sans  paroles  ar- 

rangées par  Czerny 7  50 

—  Op.  42.  Grande  fantaisie  sur  la  sérénade 

et  le  menuet  de  Don  Juan,  arrangée 

par  Czerny       10     » 

—  Op.  43.  Deuxième  fantaisie  sur  les  Hu- 

guenots  12     » 

—  Op.  45.  Thème  et    étude  en  la.  mineur, 

arrangés  par  Czerny 7  50 

—  Op.  47.  Valses  brillantes 9     >■ 

—  Op.  48.  Grand  caprice  sur  Charles  VI.     9    » 

—  Op.  i!).  Grande  fantaisie  sur  Dealiiccdi 

Tendu 12     » 

—  Op.  51.  Grande  fantaisie  sur  Sémira- 

mide 12     » 

—  Op.  52.  Grande  fantaisie  sur  la  tarentelle 

de  la  Muette  de.  Partiel,  arrangée  par 
Czerny 10     * 

—  Op.  54   Grand  duo  sur  Sémiramide.   .   10    ■> 

—  Op.  61.  Mélodies  styriennes,  arrangées 

à  4  mains  par  Ed.  Wolff 10     » 

—  La  Romanesca 5     » 

-  M- se  :  Mi  manca  la  voce 5     » 

—  Fetice  Douzel'.u,  romance  de  Dessauer.     6     » 

—  Romance  sans  paroles 6     » 

— ■     Adagio  et  rondo,  tiré  du  5'  concerto.    .     9     » 

—  Romance  variée,   arrangée   par   Czerny     5     » 
Wolff.   (En.)  Op    26.  Grand  duo  brillant   .    .     9     .. 

-  Op.  56.  Grand  duo  sur  les  Diamants 

de  la  Couronne 9    » 

—  Op.  57.  Grand  duo  sur  la  Favorite  .        9     » 

—  Op    59    Grand  duo  sur  le  Guitare.ro  .     9    » 

—  Op.  67.  Grand   duo  sur  la  Favori'e.    .     9     ■ 

—  Op.  72.  Grand  duo  sur  les  Soirées  mu- 

sicales Ae  Rossini  9     » 

—  Op.  74.  Grand  duo  sur  la  Reine  de  Chy- 

pre     9     « 

—  Op.  74  bis.  Grand   duo  sur  Robert  le. 

Diable 9     » 

—  Op.  75.  Grand  duo  sur  les  Huguenots.     9     » 

—  Op.  79.  Grand  duo  sur  Guido  et  Gine- 

vra. 9     » 

—  Op.  80.  Grand  duo  sur  la  Juive  .   .   .     9    » 

—  Op.  85.  Souvenir  de  la  Part  du  diable, 

fantaisie  élégante  et  facile 9    s 

—  Op.  86.  Grand  duo  sur  Chartes  VI  .   .  10    » 

—  Op.  88.  Grande  valse  de  Charles  VI  .     7  50 

—  Op.  104.  Réminiscence  de  la   Sirène, 

duo  brillant 9     * 

—  Op.   (07.  Duo  sur  les  motifs  du  Lazar- 

rone 9    » 

—  Op    1 15.  Réminiscence  de  la  Rarearolle, 

fantaisie  brillante 9     » 

—  Op    122.  Les   Deux  Amies,  recueil  de 

morceaux  faciles  à  l'usage  des  pension- 
nats, divisé  en  12  livraisons  chaque  .     6     » 

—  Op.  129.  Grand  duo  sur  les  Mousque- 

taires de  lu  Reine 9     » 

—  Op.  141-  Réminiscence  de  Sultana,  duo 

brillant 9     » 

—  Op.   143.  Réminiscence  de  Robert  Bruce, 

duo  brillant 9    » 

—  Op.   146.  Duo  brillant  sur  V Eclair  .    .     9     • 

—  Op.  147.  Les  Jeunes  Pensionnaires,  six 

duos  faciles   sur  des  motifs  d'opéras 
d'Auber Hérold  et  Rossini,  6  suites,  ch.     6     » 

—  Op.  1 49.  Duo  sur  Marie  Thérèse.  ...     7    » 

—  Op.  153.  Réminiscence  de  llaydée.  .   .     9    >• 

—  Op.  156.  Souvenir   du  Val  d'Andorre.     9     » 

—  Op.  158.  Réminiscence  du  Prophète   .     9     » 

—  Op.    |62.  Souvenir  de  la  Fée  aux  Roses    9    • 

—  Op.  163.  Duo  brillant  sur  l'Enfant  Pro- 

digue  9     « 

—  Grand  duo  sur  les  motifs  de  Don  Juan.     9    » 

—  Arrangements    des  4  airs   de  ballet  du 

Prophète,  4  suites,  chaque 9    » 

—  Arrangement  de  la  Marche  du  Sacre,  du 

Prophète 9    » 


—  luruiiu. 


BUREAUX  A  PARIS  :  BOULEVART  DES  ITALIENS,  1. 


19'  Année. 


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Scharfonberg  ot  Luis. 


REVUE 


i«  Août  1852. 


Prix  de  I  r&bounemcDl  t 


Djpirtements,  Belgique  et  Suis 
Étranger 


Le  Journal  parait  le  Dimanche. 


TTE  MUSICALE 


mm  fâiis, 


-w\AAAP3©®©^V\AAA^- 


SOMMAIRE.  —  La  musique  de  la  tragédie,  du  drame  et  de  la  comédie.  —  Conser- 
vatoire national  de  musique  et  de  déclamation,  concours  à  huis  clos  et  concours 
publics.  —  Des  neumes  employées  à  1b  notation  dà  plain-chant  (2e  article) ,  par 
Adrien  «le  la  Face.  — Correspondance,  Berlin.  — Nouvelles  et  annonces. 


LÀ  MUSIQUE  DE  LA  TRAGÉDIE ,  DU  DRAME  ET  DE  LA 
COMÉDIE. 

Plusieurs  compositeurs ,  parmi  lesquels  il  en  est  d'habiles  et  d'illus- 
tres, ont  associé  leur  muse  à  celle  de  quelque  grand  poëte  ancien  ou 
moderne  pour  ajouter  un  intérêt  musical  à  l'intérêt  littéraire  de  tragé- 
dies ou  de  drames  qui  semblaient  comporter  l'adjonction  de  cet  acces- 
soire. Toutes  les  fois  que  le  fait  s'est  produit,  les  amateurs  ont  crié  à 
la  découverte,  au  miracle.'A  les  en  croire,  ces  compositeurs  avaient  re- 
trouvé la  clef  de  la  musique  des  Grecs  ;  le  chœur  antique  était  ressus- 
cité !  Le  public,  s'en  rapportant  aux  lumières  des  amateurs,  était  con- 
vaincu que  ce  qu'on  lui  faisait  entendre  venait  réellement  d'Athènes 
ou  de  Sparte.  Le  tout  est  d'avoir  la  foi ,  dira-t-on  ;  la  couleur  locale 
existe  réellement  pour  ceux  qui  croient  la  voir.  Mais  si  l'on  raisonnait 
ainsi ,  il  n'y  aurait  plus  rien  de  vrai ,  rien  de  faux.  Avant  de  dire  que 
la  musique  des  anciens  était  retrouvée,  il  aurait  fallu  établir  en  quoi  elle 
consistait.  On  ne  le  fit  pas,  sans  doute  à  cause  de  l'impossibilité  de 
tomber  d'accord  sur  ce  premier  point,  que  n'ont  pu  éclaircir  les  inter- 
minables discussions  des  érudits.  Quoi  qu'il  en  soit,  l'intervention  de 
la  musique  dans  la  tragédie  et  dans  le  drame,  chez  les  modernes,  n'est 
pas  d'aussi  récente  origine  qu'on  le  croit  communément.  Il  y  avait  Ion- 
temps  qu'on  avait  fait  en  Allemagne  des  essais  de  ce  genre,  quand  s'en 
avisa  la  France.  Nous  trouvons  dans  un  petit  bouquin  bien  oublié 
d'assez  curieux  détails  sur  ces  essais.  On  y  voit  ce  qui  suit  : 

Jean  Adam  Scheibe ,  maître  de  chapelle  de  l'Opéra  allemand  de 
Hambourg,  avantageusement  connu  comme  compositeur  et  comme 
écrivain,  fit,  en  1736,  une  découverte  qui  aurait  pu  contribuer  aux 
progrès  de  l'art  théâtral ,  si  l'on  en  eût  plus  généralement  apprécié 
l'importance  et  si  les  musiciens  se  fussent  entendus  avec  les  poètes  pour 
unir  plus  intimement  qu'on  ne  l'avait  fait  précédemment  les  deux  arts 
qui  avaient  tant  de  rapports  naturels.  L'orchestre,  tenant  en  quelque 
sorte  dans  nos  spectacles  la  place  du  chœur  des  anciens,  Scheibe  en 
conclut  que  chaque  tragédie  exigeait  un  genre  particulier  d'accompa- 
gnement pour  être  en  harmonie  avec  les  impressions  des  spectateurs. 
Non-seulement  il  composa  des  symphonies  adaptées  aux  pièces  de  Po- 
lyeucle  etde  Miihridaie,  que  Mme  Neuber  fit  représenter  avec  un  grand 
succès  sur  son  théâtre  ;  mais  il  donna  dans  une  feuille  périodique  qu'ij 
publiait  sous  le  titre  du  Musicien  critique,  des  préceptes  à  l'usage 
du  musicien    qui    voudrait   entrer  dans  cette  nouvellevoie  du    do- 


maine de  l'art  :  «  Toutes  les  symphonies  faites  pour  des  tragédies 
(c'est  ainsi  que  parle  Scheibe)  doivent  être  pompeuses  ou  vives  et 
remplies  de  sentiment  :  voilà  la  règle  générale;  mais  il  en  est  de 
particulières  :  ainsi ,  le  compositeur  doit  tenir  compte  du  sujet  de  la 
pièce  et  du  caractère  des  personnages  ;  cela  est  fort  important.  Chez 
les  héros  de  tragédie ,  nous  remarquons  tantôt  une  vertu ,  tantôt  une 
autre.  Qu'on  mette  Polyeucte  en  présence  de  Brutus,  Alzire  en  regard 
de  Mahomet ,  et  l'on  verra  que  la  même  musique  ne  leur  convient 
pas.  Une  tragédie  où  la  religion  et  la  piété  sont  les  mobiles  qui  déter- 
minent les  actions  du  héros,  exige  une  musique  empreinte  d'un  carac- 
tère grave  et  religieux;  mais,  quand  les  passions  qui  l'animent  sont  la 
valeur,  la  magnanimité,  le  dévoûment,  la  musique  doit  prendre  des 
allures  beaucoup  plus  vives.  Caton,  Brutus,  Mithridate,  appartiennent 
aux  héros  de  cette  dernière  espèce. 

»  Voici  pour  la  tragédie  ;  parlons  maintenant  de  la  comédie.  La  sym- 
phonie qui  s'adapte  à  ce  genre  de  pièce  diffère  essentiellement  de  celle 
qui  convient  à  l'autre.  Elle  affecte  des  formes  plus  libres  ;  elle  est  plus 
légère  et  peut  descendre  parfois  jusqu'au  style  badin  ;  mais  il  faut  éga- 
lement qu'elle  s'accorde  toujours  avec  le  ton  de  la  pièce.  Selon  que  la 
comédie  est  sérieuse,  tendre  ou  badine,  la  symphonie  doit  l'être  aussi. 
Par  exemple,  la  symphonie  de  V Avare  ou  du  Malade  imaginaire  ne 
conviendrait  pas  à  V Irrésolu  'et  |au  Distrait.  Les  premières  doivent 
être  gaies,  bouffonnes  même  ;  les  autres,  sérieuses  et  soutenues. 

n  L'ouverture  présente  l'idée  générale  de  la  pièce  ;  mais,  comme  elle 
précède  immédiatement  le  premier  acte,  il  faut  qu'elle  s'accorde  sur- 
tout avec  celui-ci.  Les  symphonies  des  entr'actes,  dépendant  également 
et  de  la  fin  d'un  acte  et  du  commencement  d'un  autre,  auront  deux 
caractères  participant  de  celui  des  deux  parties  qu'elles  servent  à  relier. 
Cela  n'a  lieu  toutefois  que  lorsque  les  situations  des  deux  actes  offrent 
des  oppositions  ;  autrement,  il  y  aura  unité  dans  le  style  du  morceau, 
qui,  dans  tous  les  cas,  durera  assez  longtemps  pour  donner  aux  acteurs 
le  temps  de  se  disposer  à  reparaître.  Quant  à  la  symphonie  de  la  fin , 
elle  sera  exactement  d'accord  avec  le  dénoùment ,  pour  que  l'impres- 
sion produite  sur  le  spectateur  soit  plus  vive.  Qu'y  a-t-il  de  plus  ridicule 
que  de  jouer  une  symphonie  bouffonne  après  que  le  héros  a  perdu  la 
vie  par  suite  d'une  catastrophe  émouvante  ;  et  quand  une  comédie  se 
termine  gaiement,  quoi  de  plus  absurde  que  d'entendre  une  symphonie 
touchante  ?  » 

Plusieurs  compositeurs  estimés,  contemporains  de  Scheibe,  mirent 
la  main  à  l'œuvre  pour  donner  des  modèles  du  nouveau  genre  de  sym- 
phonie dont  l'auteur  du  Musicien  critique  avait  posé  les  règles.  Hertel 
fit  des  entr'actes  pour  des  tragédies  allemandes  ;  Agricola  en  composa 
pour  la  Scmiramis  de  Voltaire.  Beaucoup  de  jeunes  artistes  entrèrent 
dans  la  même  voie.  Il  serait  trop  long  d'en  dresser  le  catalogue. 


250 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


Il  n'y  a  rien  que  de  fort  rationnel  dans  ce  que  dit  Scheibe,  de  la  ma- 
nière dont  le  plan  des  symphonies  destinées  aux  tragédies  et  aux  co- 
médies doit  être  conçu.  Par  principe,  par  tradition  ou  par  le  seul  effet 
de  l'instinct,  les  maîtres  allemands  qui  ont  prêté  aux  œuvres  littéraires 
l'appui  de  leur  talent  ou  de  leur  génie,  se  sont  conformés  aux  règles  de 
cette  poétique.  Parmi  ceux  qui,  de  nos  jours,  sont  parvenus  au  plus 
haut  point  de  perfection  dans  ce  genre ,  il  suffira  de  citer  Beethoven 
dans  Egmont.  et  Meyerbeer  dans  Slruensée.  En  esquissant  le  pro- 
gramme qu'il  proposait  aux  compositeurs  de  son  temps,  comme  un  ré- 
sumé des  principes  fondamentaux  sur  lesquels  devraient  reposer  leurs 
symphonies  dramatiques,  Scheibe  n'a  pas  prévu  que  l'auteur  de  l'ou- 
verture et  des  entr'actes  de  Struensée  irait  au-delà  de  la  perfection 
qu'il  avait  conçue.  C'est  ce  qui  arrive  toutes  les  fois  qu'un  artiste  de 
génie  se  mêle  d'appliquer  la  règle  posée  par  un  théoricien. 

Les  exemples  de  la  participation  de  la  musique  au  spectacle  de  la 
tragédie  et  de  la  comédie  sont  infiniment  plus  rares  en  France  qu'en 
Allemagne.  Dans  ce  dernier  pays,  la  musique  ne  gâte  jamais  rien.  Elle 
s'accommode  à  tout,  au  contraire,  et  passe  pour  ajouter  au  charme  des 
meilleures  choses  auxquelles  on  l'associe.  La  littérature  ne  se  trouve 
nullement  déshonorée  d'invoquer  son  concours.  Essayez  de  persuader 
à  des  Berlinois  ou  à  des  Viennois  qu'une  belle  symphonie  est  un  fâcheux 
voisinage  pour  de  beaux  vers  !  En  France  la  poésie  est  plus  altière  ; 
l'obligation  de  partager  l'attention  de  la  foule  l'humilie  ;  elle  la  veut 
tout  entière,  et  ce  n'est  que  par  exception  qu'elle  a  permis  à  sa  sœur 
la  musique  de  marcher  à  ses  côtés. 

La  Comédie-Française  a  conservé  les  traditions  du  temps  où  un  phi- 
losophe, mauvais  prophète  assurément,  soutenait  que  jamais  les  Fran- 
çais n'auraient  de  musique.  En  vain  quelques  réformes  ont-elles  été 
opérées  par  le  chef  d'orchestre  actuel  du  théâtre  de  la  rue  Richelieu, 
en  vue  de  relever  la  musique  de  l'état  d'abaissement  où  de  temps  im- 
mémorial on  la  maintenait  obstinément  ;  cet  art  n'y  a  pas  encore  une 
position  digne  de  lui,  digne  de  la  nation  qui  a  la  juste  prétention  d'ex- 
celler dans  tous  ses  produits.  Voyez  ce  qui  se  passe  encore  dans  tous 
les  théâtres  où  l'on  joue  les  pièces  du  répertoire  de  la  Comédie-Fran- 
çaise, et  où  l'on  se  pique  d'observer  les  usages  traditionnels.  Les  entr'- 
actes sont  remplis  par  des  fragments  de  quatuors  d'Haydn  et  de  Mozart, 
que  des  exécutants  maladroits  défigurent  à  plaisir.  Le  rideau  se  lève 
sans  attendre  la  fin  du  morceau;  les  comédiens  paraissent,  et  le  chef  de 
pupitre,  se  conformant  à  la  règle  établie,  frappe  de  l'archet  sa  lanterne 
de  fer-blanc  pour  interrompre  ses  partenaires.  Ceux-ci  n'ont  pas  le 
droit  d'achever  la  phrase  commencée  ;  une  note  de  plus  leur  serait  im 
putée  à  crime.  Quand  la  poésie  prend  la  parole,  la  musique,  non 
plus  sa  sœur,  mais  son  esclave,  doit  se  taire.  Y  a-t-il  quelque  chose  de 
plus  contraire  au  bon  sens,  de  plus  absurde,  de  plus  révoltant  que 
celte  façon  d'agir  ?  Si  l'on  demande  pourquoi  MM.  les  comédiens  font 
jouer  à  la  musique  ce  rôle  ridicule;  si  l'on  fait  observer  qu'il  vaudrait 
infiniment  mieux  supprimer  toute  musique  que  d'en  avoir  de  cette 
sorte,  les  gens  que  la  chose  concerne  vous  répondent  que  le  lever  du 
rideau  doit  nécessairement  être  précédé  de  quelques  accords;  qu'il  ré- 
gnerait sans  cela  un  froid  glacial  sur  l'ensemble  de  la  représentation. 
Mauvaise  raison  dont  ne  peut  se  contenter  la  dignité  de  l'art,  ce  qui 
n'empêcherait  pas  les  étrangers,  disposés  à  apprécier  sur  cet  échan- 
tillon l'état  du  goût  musical  en  France,  d'accuser  le  peuple  qui  souffre 
de  pareilles  monstruosités,  de  n'avoir  pas  d'oreilles. 

Qu'y  aurait-il  à  faire  pour  apporter  un  remède  radical  au  mal  que 
nous  prenons  la  liberté  de  qualifier  de  scandale  artistique,  dussent 
s'indigner  les  poêles  et  les  comédiens  à  cheval  sur  leurs  traditions  et 
privilèges?  Le  voici.  Toute  tragédie  nouvelle,  quand  par  hasard  il  en 
surgit,  tout  drame  et  toute  comédie  aurait  pour  accessoires  obligés  une 
ouverture  et  des  entr'actes  composés  ou  arrangés  ad  hon  et  se  présen- 
tant sous  une  forme  convenable.  Pour  les  pièces  de  l'ancien  répertoire, 
on  confierait  à  quelques  uns  des  lauréats  de  l'Institut ,  revenus 
d'Italie,  et  tandis  qu'ils  attendent  encore  le  premier  poëme  objet 
de  leurs  vœux,  le  soin  de  leur  donner  cet  ajustement  musical,  en 


leur  recommandant  d'être  très-réservés  dans  leurs  développements, 
de  s'en  tenir  au  strict  nécessaire.  Pour  certaines  de  ces  pièces,  et  afin 
d'en  faire  pour  le  public  une  sorte  d'étude  archéologique  complète, 
il  serait  curieux  d'y  joindre  des  fragments  de  compositeurs  contem- 
porains des  poètes;  mais  ce  ne  serait  pas  une  nécessité,  caria  musique 
a  cela  de  beau  que  lorsqu'elle  exprime  des  passions  ou  des  sentiments, 
elle  est  de  tous  les  temps  et  de  tous  les  pays. 

Que  les  auteurs  dramatiques  ne  prennent  pas  ombrage  de  notre  pro- 
position. Il  ne  s'agit  nullement  d'empiéter  sur  les  droits  de  la  poésie. 
Nous  voulons  qu'on  respecte  les  limites  naturelles  des  genres,  et  nous 
serions  les  premiers  à  trouver  ridicule  qu'on  donnât  à  la  musique  des 
tragédies  et  des  comédies  une  importance  qui  parût  vouloir  contreba- 
lancer celle  de  l'œuvre  littéraire.  Ce  que  nous  demandons,  c'est  qu'au 
lieu  de  mettre  l'oreille  des  spectateurs  au  supplice,  les  symphonies 
d'entr'actes  soient  faites  de  manière  à  leur  causer  des  impressions  agréa- 
bles et  toujours  en  rapport,  ainsi  que  le  voulait  Scheibe,  avec  le  sujet 
de  la  pièce.  Nous  sommes  persuadé  que  les  progrès  naturels  du  goût 
aboutiront  nécessairement  un  jour  au  but  que  nous  indiquons,  et  qu'on 
s'étonnera  que  la  musique  actuelle  des  spectacles  littéraires  ait  été  si 
longtemps  supportée,  de  même  qu'on  s'étonne  que  les  héros  de  la 
Grèce  et  de  Rome  aient  été  représentés,  à  la  grande  satisfaction  des 
amateurs,  sous  les  habits  des  marquis  de  la  cour  de  Versailles. 

E.  F. 

CONSERVATOIRE  MTI9HAL  DE  MUSIQUE  ET  DE  BÊCLAEÎATIOI?. 

Concours  à  buis  c9o«  «-t  concours  psalsllcs. 

Les  concours  à  huis  clos  ont  continué  lundi  et  mardi.  Lundi,  c'é- 
taient d'abord  les  élèves  de  la  classe  d'orgue,  dont  M.  Benoist  est  pro- 
fesseur, qui  se  livraient  bataille  entre  eux  ;  et  relativement  à  leur  nom- 
bre total,  celui  des  vainqueurs  a  été  grand.  Deux  premiers  prix  ont  été 
obtenus,  l'un  par  M.  Jules  Cohen,  l'autre  par  M.  Franck  2'.  Un  se- 
cond prix  a  été  décerné  à  M.  Vast,  un  premier  accessit  à  M.  Lecoq,  et 
un  troisième  (il  n'y  en  a  pas  eu  de  second)  à  M.  Delaruelle. 

Ensuite  le  jury  a  procédé  au  jugement  du  concours  de  contrepoint 
et  de  fugue.  Le  premier  prix  a  été  remporté  par  M.  Deneaux,  élève  de 
M.  Adolphe  Adam  ;  le  second,  par  M.  Lecocq,  élève  de  M.  Halévy;  le 
premier  accessit,  par  M.  Demerssemann,  élève  de  M.  Leborne;  le  se- 
cond, par  M.  Vast,  élève  de  M.  Adolphe  Adam,  et  le  troisième  par 
M.  Jules  Cohen,  élève  de  M.  Halévy. 

Le  lendemain  mardi,  c'était  le  concours  de  solfège,  un  peu  moins 
effrayant  cette  année  que  les  années  précédentes,  grâce  au  nouveau 
règlement  qui  limite  à  quinze  ans  l'âge  des  concurrents  et  concurren- 
tes, sauf  les  rares  exceptions,  dont  le  comité  des  études  musicales  est 
le  souverain  juge.  Cette  année  donc,  au  lieu  des  vingt-deux  élèves  du 
sexe  masculin  et  des  soixante-deux  du  sexe  féminin  qui  l'année  der- 
nière entraient  en  lice  ,  il  n'y  avait  que  treize  hommes  et  quarante- 
deux  femmes  ;  total  cinquante-cinq,  et  non  plus  quatre-vingt-quatre  ! 
Mais  on  conviendra  que  ce  chiffre  de  cinquante-cinq  est  encore  assez 
agréable  pour  le  jury,  qui,  cinquante-cinq  fois  de  suite,  entend  chan- 
ter la  même  leçon  et  répéter  à  peu  près  le  même  protocole  de  ques- 
tions et  de  réponses.  Ce  ne  sont  pourtant  que  les  roses  du  métier.  Le 
moment  de  peine  et  de  véritable  angoisse  pour  le  jury,  c'est  celui  où 
il  faut  juger,  prononcer,  distinguer  entre  tant  de  petits  mérites,  qui 
souvent  ne  diffèrent  pas  de  l'épaisseur  d'un  cheveu  !  Le  solfège  a  quel- 
que chose  de  positif  et  de  mathématique;  on  ne  s'y  sauve  pas  par  le 
sentiment,  l'impression,  l'élégance.  On  lit  ou  on  ne  lit  pas;  on  répond 
bien,  on  répond  mal  ou  pas  du  tout.  Donnez  une  additionàfaireàvingt 
élèves.  S'il  s'en  trouve  dix  qui  la  fassent  également  juste,  quelle  nuance 
établirez-vous  entre  eux  ?  De  même  pour  le  solfège.  Encore  lorsqu'il 
n'y  a  que  treize  mérites  à  juger  et  à  récompenser,  comme  cette  année 
dans  les  classes  d'hommes,  il  est  possible  d'en  venir  à  bout  et  d'être 
juste  envers  tout  le  monde;  mais  lorsqu'il  y  en  a  quarante-deux  comme 
dans  les  classes  des  femmes,  et  que  l'on  n'a  que  six  nominations  à  leur 


DE  PARIS. 


2  M 


partager,  l'embarras  devient  inextricable.  Aussi  le  jury  a-t-il  pensé,  à 
l'unanimité,  que,  sans  augmenter  le  nombre  de  prix  fixé  par  le  règle- 
ment (deux  premiers  et  un  second),  il  y  avait  indispensable  nécessité 
de  doubler  ou  même  tripler  les  trois  accessits.  Et  c'est  ce  qu'il  a  fait, 
persuadé  que  son  infraction,  légitimée  par  des  arguments  irrésistibles, 
serait  prise  en  bonne  part  et  que  le  ministre  l'approuverait. 

Le  jugement  du  double  concours  de  solfège  a  donc  donné  les  résul- 
tats suivants  : 

Classes  des  hommes.  —  1er  prix  :  MM.  Bernardel,  élève  de  M.  Jonas, 
et  Pazetti ,  élève  de  M.  Durand.  2e  prix  :  M.  Pillevesse ,  élève  de 
M.  Tariot.  1"  accessit:  M.  Chambon,  élève  de  M.  Savard.  2e  accessit: 
M.  Truy,  élève  du  même.  3°  accessit  :  M.  Bernard,  élève  de  M.  Jonas. 

Classes  des  femmes.  —  1er  prix  :  Mlle  Costier,  élève  de  M.  Batiste, 
et  Mlle  Darjou,  élève  du  même.  2e  prix:  Mlle  Brunschwig,  élève  de 
Mlle  Klotz.  1er  accessit  :  Mlles  Dubuisson-Guillemot,  élève  de  Mlle  Lo- 
rotte;  Biard,  élève  de  Mme  Mtrcié- Porte;  Murer,  élève  de  la  même. 
2"  accessit:  Mlles  Bayon,  élève  de  M.  Lebel  ;  Rodrigues,  élève  de 
Mlle  Klotz  ;  Leclercq,  élève  de  la  même.  3e  accessit,  Mlles  Tronquier, 
élève  de  M.  Goblin  ;  Villers,  élève  de  Mlle  Klotz  et  Urso,  élève  de 
Mlle  Lorotte. 

Mais  ne  croyez  pas  qu'au  moyen  de  ce  triplement  d'accessits  tous 
les  mérites  aient  été  récompensés,  toutes  les  consciences  satisfaites. 
Beaucoup  de  jeunes  filles  qui  dans  des  concours  précédents  avaient 
déjà  obtenu  des  distinctions,  sont  forcément  restées  où  elles  en  étaient; 
d'autres  qui  n'avaient  encore  rien  obtenu,  mais  qui  n'en  méritaient 
pas  moins  une  mention  pour  leur  intelligence  et  leur  travail,  ont  vu 
leurs  espérances  ajournées  à  l'année  prochaine. 

Les  concours  publics  ont  commencé  jeudi  par  celui  de  piano.  Les 
hommes  étaient  au  nombre  de  treize  et  les  femmes  de  vingt-deux,  en 
tout  trente-cinq.  Les  hommes  avaient  à  exécuter  le  troisième  concerto 
de  Henri  Herz;  les  femmes,  le  quatrième  concerto  de  Field,  deux  com- 
positions égalemeni  classiques,  mais  de  caractère  tout  à  fait  divers,  et 
dont  la  seconde,  par  la  grâce  naturelle  de  ses  mélodies,  par  l'élégance 
de  ses  moindres  détails,  semblait  faite  exprès  pour  des  talents  fémi- 
nins. Le  morceau  de  lecture  destiné  aux  élèves  de  ce  sexe  était  aussi 
conçu  et  écrit  de  manière  à  faire  valoir  tous  leurs  avantages,  en 
les  plaçant  sur  leur  véritable  terrain,  celui  du  charme  et  de  la  coquet- 
terie. 

Deux  premiers  prix  ont  été  accordés  aux  hommes,  l'un  à  M.  Bizet, 
âgé  de  13  à  14  ans,  qui  avait  obtenu  le  second  prix  l'année  der- 
nière ;  l'autre  à  M.  Savary,  âgé  de  17  à  18  ans,  qui  avait  obtenu 
aussi  un  second  prix  en  1850.  M.  Bizet,  musicien  consommé,  doué  de 
sentiment  et  de  force  expressive,  avait  joué,  comme  s'il  eût  été  de 
quatre  ou  cinq  années  plus  vieux  que  son  émule,  tandis  que  c'était 
précisément  le  contraire.  La  plus  grande  qualité  de  M.  Savary,  c'est 
d'être  à  peu  près  irréprochable.  Il  n'y  a  rien  à  ôter  de  son  jeu,  mais 
il  y  a  beaucoup  à  y  mettre.  M.  Bizet  est  élève  de  M.  Marmontel,  et 
M.  Savary,  de  M.  Laurent.  Un  autre  élève  du  même  maître,  M.  Guyon, 
a  obtenu  le  second  prix  ;  plus  exercé,  plus  habile  à  la  lecture,  il  au- 
rait eu  droit  au  premier.  MM.  Ketterer,  élève  de  Marmontel  ;  Delcroix 
et  Rembielinski,  élèves  de  M.  Laurent,  ont  enlevé  les  premier,  second 
et  troisième  accessit. 

Le  concours  des  femmes  était  plus  fort  que  celui  des  hommes,  en 
qualité  comme  en  quantité.  Cependant,  il  n'y  a  eu  qu'un  premier  prix. 
Mlle  Colin,  jeune  personne  de  17  ans  ,  élève  de  Mme  Farrenc,  s'était 
certainement  distinguée  par  une  exécution  exceptionnelle,  en  ce  sens 
qu'elle  lui  est  tout  à  fait  propre  et  qu'on  y  sent  l'inspiration  originale, 
plutôt  trouvée  que  dictée,  plutôt  spontanée  qu'étudiée,  la  touche  de 
l'artiste  enfin;  mais  il  est  regrettable  que  Mlle  Watteau,  élève  de  Herz, 
et  qui,  bien  qu'inférieure  à  Mlle  Colin,  avait  joué  de  façon  à  mériter 
le  premier  prix,  n'ait  pu  l'obtenir,  malgré  la  presque  unanimité  du 
jury  ;  elle  ne  l'a  manqué  que  d'une  voix.  Mlle  Picard,  élève  de  Mme  Co- 
che ,  a  très-justement  enlevé  le  second  prix;  Mlles  Murer,  élève 
de  la  même,  et  Lhéritier,  élève  de  Mme  Farrenc,  ont  partagé  le  pre- 


mier accessit  ;  le  second  a  été  décerné  à  Mlle  Brunschwig,   élève  de 
Mme  Coche,  et  le  troisième  à  Mlle  Hersant,  élève  du  même  professeur. 

La  séance  de  vendredi  était  consacrée  au  violoncelle  et  au  violon. 
Pour  le  violoncelle  il  y  avait  six  concurrents  qui,  selon  l'usage,  avaient 
à  jouer  un  concerto  deRomberg.  M.  Jacquard,  jeune  frère  de  l'excellent 
violoniste  de  ce  nom,  a  obtenu  le  premier  prix;  M.  Thomas,  le  second; 
M.  Sauvaget,  le  premier  accessit.  Tous  trois  sont  élèves  de  Franchom- 
me.  Un  second  accessit  a  été  décerné  à  M.  Marix,  élève  de  M.  Vaslin. 

Le  concours  de  violon  n'a  pas  dérogé  à  ses  habitudes  :  il  a  été  bril- 
lant et  fort.  Quinze  concurrents  s'y  disputaiant  les  palmes  et  récom- 
penses, en  jouant  un  des  plus  beaux  concertos  de  Viotti,  le  vingt- 
quatrième,  chef-d'œuvre  d'invention,  de  sentiment,  d'originalité  noble 
et  charmante.  Deux  jeunes  gens,  déjà  possesseurs  de  seconds  prix  da- 
tant de  1850,  MM.  Lancien  et  Viault,  élèves  d'Alard,  ont  obtenu  le  pre- 
mier ensemble.  M.  Fournier,  élève  de  Massart,  a  obtenu  seul  le  second, 
et  M.  Pazetti,  élève  d'Alard,  le  premier  accessit;  M.  Lamoureux,  élève 
de  Girard,  le  second.  Le  jury  a  décerné  un  troisième  accessit  à  M.  Mar- 
tin, élève  d'Alard,  et  à  Mlle  Urso,  élève  de  Massart.  Mlle  Urso  trouvera 
peut-être  qu'on  l'a  mal  jugée,  en  ne  lui  accordant  qu'une  moitié  dans 
une  récompense  de  cet  ordre.  En  effet,  cette  jeune  fille  méritait  mieux 
au  point  de  vue  du  public,  accoutumé  à  l'applaudir,  et  sur  qui  elle  pro- 
duira toujours  beaucoup  d'impression,  mais  non  au  point  de  vue  de 
l'école,  où  le  succès  tient  à  d'autres  conditions.  Mlle  Urso  a  bien  joué 
le  concerto  de  Viotti,  par  rapport  à  son  sexe  et  à  son  âge  (elle  compte 
à  peine  douze  ans),  mais  non  par  rapport  à  Viotti  et  à  son  style.  Une 
main  de  femme  aura  toujours  tort  de  vouloir  soulever  la  massue  d'Her- 
cule. La  jeune  Urso  n'a  pas  besoin  d'un  effort  de  ce  genre  pour  faire  un 
brillant  chemin  dans  le  monde  musical,  en  deçà  ou  au  delà  des  mers,  sur 
les  traces  de  Teresa  Milanollo. 

Nous  n'avons  que  le  temps  et  l'espace  nécessaires  pour  inscrirele  ré- 
sultat du  double  concours  de  chant  qui  a  rempli  la  séance  d'hier  sa- 
medi. 

Classes  des  hommes.  —  1"  prix  :  M.  Faure,  élève  de  Ponchard. 
2e  prix  :  M.  Bonnehée,  élève  de  Révial.  1er  accessit  :  MM.  Crambade, 
élève  de  Ponchard;  Wicart,  élève  de  Révial.  2e  accessit  ;  MM.  Bétout, 
élève  de  Bordogni;  et  Bonheur,  élève  deGalli.  3e  accessit  :  MM.  Bou- 
langer, élève  de  Panseron  ;  et  Codelaghi,  élève  de  Giuliani. 

Classes  des  jemmes.  —  Pas  de  premier  prix.  2e  prix  :  Mlles  Boulart, 
élève  do  Mme  Damoreau  ;  et  Geismar,  élève  de  Ponchard.  1er  accessit  : 
Mlles  Dietsch,  élève  de  Mme  Damoreau  ;  Rey,  élève  de  Révial;  et  Ri- 
golât, élève  de  Mme  Damoreau.  3e  accessit  :  Mlles  Sannier,  élève  de 
Battaille  ;  et  Amélie  Bourgeois,  élève  de  Bordogni. 

A  dimanche  prochain  les  détails. 


DES  NEMES 

EEmpBoyées  à  la  noîaîBom  dln  ïï»JaËn-C3»aBt. 
(2e  article)  (1). 
Risquerai-je  ici  une  idée  tant  soit  peu  bizarre  qui  m'est  venue  plu- 
sieurs fois  et  qui  pourrait  bien  prêter  à  rire  aux  moqueurs?  Pourquoi 
non?  Quand  on  donne  une  mauvaise  pièce  pour  ce  qu'elle  vaut,  on 
n'est  pas  pour  cela  réputé  faux  monnayeur. 

Tout  le  monde  sait  que  l'usage  de  marquer  la  mesure,  soit  avec  le 
pied,  soit  avec  la  main,  est  fort  ancien  et  n'a  jamais  cessé  d'être  pra- 
tiqué. Les  Grecs  modernes  appellent  les  règles  relatives  à  ces  mouve- 
ments de  la  main,  chironomie,  et  en  font  l'objet  de  chapitres  de  leurs 
traités  de  musique  et  quelquefois  même  de  traités  spéciaux.  Eh  bien, 
je  me  suis  toujours  demandé  si  par  le  passé  il  n'était  pas  possible  que 
la  chironomie,  autrement  les  gestes  manuels  convenus  eussent  ,'servi  à 
autre  chose  qu'à  l'indication  de  la  durée  des  sons,  et  s'ils  n'avaient 
pas  pu  être  employés  à  désigner  également  l'intonation  des  intervalles. 
Les  neumes  seraient  alors  la  représentation  de  ces  gestes.  En  effet, 
leur  ensemble  se  compose  de  points  principaux  liés  entre  eux  par  des 
(1)  Voir  le  n°  29. 


) 

Jj! 
il 


252 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


traits  plus  ou  moins  prolongés  selon  l'occurrence,  et  la  main  marque- 
rait le  tout  avec  une  grande  facilité.  Un  fait  qui  viendrait  à  l'appui 
serait  l'existence,  par  moi  constatée  dans  d'anciens  manuscrits,  de  dé- 
monstrations élémentaires  dans  lesquelles  les  degrés  de  seconde,  de 
tierce,  de  quarte,  etc.,  sont  désignés  par  des  lettres  qu'attachent  l'une 
à  l'autre  des  lignes  traînées  dans  le  sens  de  l'intervalle  ascendant  ou 
descendant  et  en  raison  de  sa  distance,  ce  que  l'action  de  la  main 
pourrait  parfaitement  imiter.  Au  surplus,  il  est  bien  entendu  encore 
une  fois  que  cette  proposition  n'est  qu'une  pure  hypothèse  à  laquelle 
on  est  libre  de  n'attacher  aucune  valeur  ;  on  ne  lui  en  accordera  ja- 
mais moins  que  je  ne  lui  en  donne  moi-même. 

Quoi  qu'il  en  soit ,  je  n'ignore  pas  qu'à  l'opinion  qui  donne  pour 
origine  aux  neumes  l'intention  d'offrir  à  la  vue  les  ondulations  du  son, 
il  y  a  Iieu-de  faire  une  objection  fort  grave,  c'est  que  chez  les  anciens, 
ou  du  moins  chez  les  Grecs  et  chez  beaucoup  d'autres  peuples,  l'idée 
du  mouvement  de  la  voix  vers  l'aigu  ne  comportait  aucunement  celle 
d'ascension,  pas  plus  que  le  mouvement  vers  le  grave  ne  comportait 
celle  de  descension.  Ces  effets  se  présentaient  beaucoup  plus  régu- 
lièrement à  leur  esprit  par  la  tension  et  la  détension;  en  effet,  per- 
sonne qui  ne  sache  que  le  degré  tonique  d'une  corde  sonore  varie 
selon  qu'elle  est  plus  ou  moins  tendue  ou  détendue. 

Toutefois,  il  paraît  que  dès  une  époque  assez  ancienne,  on  jugeait 
chez  les  Romains  du  degré  du  son  par  la  comparaison  relative  d'élé- 
vation et  d'abaissement.  Ils  pensaient  sans  doute  qu'une  corde  tendue 
au  point  de  résonner  a  toujours  à  nos  yeux  la  même  apparence,  quel 
que  soit  le  degré  tonique  qu'elle  fasse  entendre,  tandis  que  l'espace 
parcouru  par  la  vue  de  bas  en  haut  ou  de  haut  en  bas  est  chose  tout  à 
fait  sensible. 

D'où  leur  était  venue  cette  idée  ?  Peut-être  de  la  forme  de  certains 
instruments  à  cordes  dans  lesquels  les  cordes  les  plus  aiguës  se  trou- 
vaient placées  à  la  partie  montante  du  corps  instrumental,  ou  bien  des 
instruments  à  vent,  dont  les  tons  sont  plus  aigus  à  mesure  que  l'on  ou- 
vre les  trous  de  bas  en  haut. 

Enfin,  lorsqu'au  vic  siècle,  Boèce  en  reproduisant  les  idées  des  Grecs 
sur  la  division  de  la  corde  sonore,  représenta  le  monocorde  placé  ver- 
ticalement et  les  tons  graves  à  la  partie  inférieure,  tout  le  monde  le 
comprit  et  l'expliqua  de  la  même  manière.  Or,  l'époque  de  l'inven- 
tion des  neumes  pourrait  fort  bien  avoir  suivi  d'assez  près  celle  à  la- 
quelle le  ministre  de  Théodoric  publiait  ses  cinq  livres  sur  la  musique, 
qui  ont  servi  de  base  h  tous  les  traités  du  moyen  âge. 

L'usage  des  neumes  fit  promptement  abandonner  celui  des  lettres 
latines,  qui,  du  reste,  paraît  avoir  été  extrêmement  rare  pour  les 
pièces  d'exécution,  mais  qui  pour  les  démonstrations  se  conserva  tou- 
jours dans  les  ouvrages  de  théorie,  dont,  circonstance  bien  remarqua- 
ble, aucun  ne  donne  jamais  ses  exemples  en  notation  neumatique, 
mais  les  écrit  au  moyen,  soit  de  seize  lettres,  soit  de  sept  (se  répé- 
tant pour  former  le  diagramme),  soit  de  notations  propres  à  l'auteur, 
telle,  par  exemple,  que  celle  de  Hugband  ou  Hucbalde.  Si  la  notation 
en  lettres  eût  été  plus  généralement  employée,  il  en  resterait  plus  de 
monuments.  On  n'en  cite  que,  deux  dont  l'un  même  est  perdu:  c'est  le 
rouleau  de  l'abbaye  de  lumiége  qui  contenait  VExvltet  du  samedi 
saint,  et  un  autre  rouleau  qui,  par  une  singulière  coïncidence,  contient 
la  même  pièce  et  qui  se  conserve  à  Rome  dans  la  bibliothèque  Casa- 
natense.  Je  ne  parle  pas  de  l'Antiphonaire  de  Montpellier  ;  il  est  bien 
reconnu  aujourd'hui,  ainsi  que  je  l'avais  prévu  et  exprimé  dès  l'in- 
stant de  sa  découverte,  que  les  lettres  y  sont  une  traduction  des  neu- 
mes et  non  pas  les  neumes  une  traduction  des  lettres. 

Malheureusement,  le  pas  fait  en  avant  par  l'introduction  des  neu- 
mes pour  l'écriture  musicale  était  bien  peu  hardi,  bien  peu  décidé, 
tant  ce  système  portait  l'empreinte  du  défaut  de  précision  et  de  la  pe- 
titesse d'esprit  des  inventeurs,  qui  s'étaient  arrangés  de  manière  à  ré- 
server une  foule  de  cas  d'interprétations,  pour  lesquels  en  chaque  oc- 
casion il  fallait  consulter  le  professeur.  C'était  ouvrir  d'une  main  une 
porte  qu'ils  refermaient  de  l'autre.  Pour  qu'il  en  fût  autrement,  il  fau- 


drait rejeter  sur  les  copistes  l'inexactitude  qui  existe  dans  la  disposi- 
tion des  signes  neumatiques.  Je  vais  essayer  de  me  faire  comprendre. 

Les  neumes  était  composées  de  points  tantôt  isolés,  tantôt  atta- 
chés l'un  à  l'autre  par  des  traits,  il  est  indubitable  que  si  ces  points 
n'avaient  pas  reçu  dans  le  principe  une  valeur  de  position,  ils  n'au- 
raient pu  avoir  aucun  sens,  puisque  leur  figure  était  semblable  ou  bien 
(si  l'on  veut  regarder  comme  points  tous  les  signes  simples)  puisque, 
'eur  figure  étant  différente,  leur  valeur  était  la  même  ;  le  point,  le  trait 
court  et  la  virgule  ayant  une  seule  et  unique  signification  dans  la  no- 
tation neumatique.  Les  premiers  neumatistes  avaient  donc  réglé  que 
l'élévation  et  l'abaissement  des  points  indiqueraient  la  marche  mélodi- 
que ;  à  cet  égard  il  ne  peut,  je  crois,  y  avoir  de  contestations  ;  tous  les 
manuscrits  connus  sont  là  pour  faire  preuve.  Lorsque  des  points  iso- 
lés sont  appliqués  à  des  syllabes  un  pour  une,  et  lorsque  plusieurs  points 
passent  sur  une  même  syllabe,  le  changement  de  position  est  sensible. 
Dansles  points  liés,  où  plusieurs  degrés  sont  représentés  par  un  seul  signe, 
les  parties  extrêmes,  saillantes,  angulées,  courbées,  surchargées  ou  croi- 
sées des  ligatures  qui  désignent  et  dirigent  l'intonation,  sont  constam- 
ment situés  de  bas  en  haut  si  le  chant  monte,  de  haut  en  bas  s'il  des- 
cend. 

Voilà  qui  était  fort  bien.  Mais  ou  les  premiers  neumatistes  n'avaient 
pas  songé  à  tout,  ou  ils  n'avaient  pas  voulu  se  rendre  intelligibles  à 
tous,  ou,  enfin,  ils  ont  été  bien  mal  secondés  par  leurs  successeurs  ou 
par  leurs  copistes. 

D'abord,  c'était  un  grand  progrès  d'avoir  caractérisé  le  chant  d'une 
succession  de  degrés  par  l'élévation  et  l'abaissement  des  points  ;  mais 
il  eût  fallu  que  cette  indication  eût  été  faite  d'une  manière  rigoureuse  et 
que  l'on  eût  bien  reconnu  dès  le  premier  coup  d'œil  si  en  montant  ou  en 
descendant,  c'était  d'une  seconde,  si  d'une  tierce,  si  d'une  quarte,  etc.; 
tandis  que  le  même  signe,  le  podalus  par  exemple,  qui  ne  s'appliquait 
qu'à  deux  degrés  ascendants,  représentait  indifféremment  le  saut  de 
seconde  majeure  ou  mineure,  de  tierce  majeure  ou  mineure,  de  quarte 
et  de  quinte,  en  sorte  que  le  lecteur  allait  au  hasard  s'il  n'avait  été 
instruit  à  l'avance.  Quelques  copistes  attentifs  purent,  parfois,  régler 
la  distance  des  deux  termes  du  podatus  au  moyen  de  la  longueur  de  sa 
queue  ;  mais  ce  podatus  à  longue  queue  n'était  pas  seul  à  exprimer  le 
saut  de  deux  notes;  il  ne  se  voit  même  en  cette  forme  que  dans  les  ma- 
nuscrits assez  modernes  ;  d'ailleurs  aucune  mesure  exacte  ne  décidant 
de  l'étendue  du  saut,  elle  aurait  toujours  été  arbitraire.  Ce  vice  radical 
se  retrouvait  dans  les  signes  plus  compliqués,  et,  par  exemple,  le 
gvtturali  signifiait  également  /«  sol  la  ou  bien./»  la  ut  ;  pour  les  points 
isolés  eux-mêmes,  il  y  avait  incertitude  à  chaque  instant,  un  point  placé 
au-dessus  ou  au-dessous  d'un  autre  pouvant,  dans  la  pensée  du  lec- 
teur, désigner  la  seconde  ou  la  tierce,  etc.  Cette  incertitude  continuelle 
était  dans  la  neumation  la  première  difficulté,  et  elle  se  renouvelait  à 
tous  les  moments. 

Supposons  ensuite  que  cette  difficulté  n'eût  pas  existé,  et  que  dans 
chaque  groupe  de  signes  on  eût  pu  distinguer  parfaitement  chaque  de- 
gré; il  eût  fallu  de  plus  que  les  groupes  fussent  aussi  entre  eux  en  rap- 
port d'abaissement  et  d'élévation  ;  or,  cela  n'existait  pas.  Chaque  groupe, 
après  avoir  suivi  son  mouvement  ascendant  ou  descendant,  était  suivi 
d'un  autre  groupe  partant  du  même  point  que  le  premier.  Pour  expri- 
mer cette  idée  d'une  manière  en  quelque  sorte  matérielle,  prenons 
deux  groupes,  sol  la  ut  viré  mi  fa  mi  miré;  les  lignes  neumatiques 
les  représentaient,  l'un  par  rapport  à  l'autre,  comme  on  le  voit  ci- 
dessous  : 

ut  fa 

la  mi        mi        mi 

sol  ré  ré 

Ainsi  le  ré,  quoique  plus  élevé  d'une  quinte  que  le  sol,  partait  du  même 
point  :  seconde  difficulté  tout  aussi  grave  que  la  première. 

Enfin,  quand  même  les  chantres  eussent  possédé  pour  se  reconnaître 
dans  tout  ce  labyrinthe  des  moyens  qui  ne  seraient  pas  parvenus  jus- 
qu'à nous,  ils  ne  devaient  pas  trouver  de  porte  pour  y  entrer  ;  en  d'au- 


DE  PARIS. 


253 


très  ternies  ils  ne  savaient  comment  commencer  le  morceau,  car  rien 
dans  la  neumation  ne  leur  marquait  le  degré  d'où  ils  devaient  partir; 
et  observez  que  chacun  des  huit  modes  du  plain-chant  peut  commencer 
par  cinq  ou  six  des  degrés  de  son  échelle  :  troisième  difficulté.  On  avait 
bien  cherché  une  direction  à  cet  égard  en  formant  des  tables  d'an- 
tiennes dont  le  psaume  qui  s'y  rattachait  aidait  à  discerner  le  mode, 
et  comme  on  avait,  dès  les  premiers  pas  dans  l'étude  du  plain-chant, 
appris  à  distinguer  le  mode  de  chaque  psaume,  ce  qui  était  assez  facile, 
la  finale  du  verset  psahnodique  aidait  à  reconnaître  le  ton  initial  de 
l'antienne.  De  là  ces  nombreux  tonaire*  et  tonarions  (tonarii,  tonaria) 
que  l'on  rencontre  dans  les  anciens  manuscrits/Mais,  outre  que  ce  pro- 
cédé était  en  lui-même  fort  imparfait  et  fort  douteux,  il  s'en  fallait  qu'il 
pût  s'adapter  à  toutes  les  parties  du  chant  liturgique.  Il  ne  convenait 
véritablement  qu'aux  antiennes  proprement  dites  et  aux  introïts,  aux 
offertoires  et  communions,  lorsqu'un  psaume  les  accompagnait,  usage 
assez  rare  et  depuis  longtemps  abandonné.  Quant  aux  répons-graduels  et 
autres  répons,  l'entrée  en  était  fermée,  et  c'était  à  l'habileté  et  à  la 
mémoire  des  chantres  de  s'en  tirer  du  mieux  possible,  ou  pour  tout 
dire,  ils  ne  s'en  seraient  jamais  tirés  d'eux-mêmes,  mais  le  maître  ve- 
nait à  leur  secours  en  leur  donnant  la  tradition  qu'il  avait  reçue  d'un 
autre  maître,  et  plus  tard  ils  la  transmettaient  pareillement  à  leurs 
élèves. 

Remarquez,  en  outre,  que  la  falsification  d'un  seul  intervalle  dans  le 
commencement  ou  le  courant  d'une  pièce  ,  entraînait  celle  de  tout  ce 
qui  venait  à  sa  suite,  si  une  nouvelle  erreur,  en  corrigeant  et  compen- 
sant la  première,  ne  rétablissait  l'équilibre. 

On  voit  que  ces  difficultés  de  lecture  sont  fondamentales  et  de  na- 
ture à  jeter  une  complète  obscurité,  une  continuelle  incertitude  surtout 
le  système  neumatique.  Ce  sont  des  embarras  sans  cesse  renaissants  et 
auxquels  ni  le  jugement  le  plus  sûr,  ni  l'habitude  la  plus  exercée  ne 
sauraient  porter  remède.  Voilà  précisément  pourquoi  je  répugne  à  sup- 
poser que  les  premiers  inventeurs  de  la  neumation  l'aient  conçue  à  un 
point  de  vue  aussi  imparfait,  quand  la  base  même  de  leur  système  leur 
offrait  des  moyens  si  faciles  d'être  plus  intelligibles,  puisqu'il  suffisait 
défaire  pour  chaque  neume  d'un  morceau  ce  qu'ils  faisaient  pour  cha- 
que point  d'une  neume.  Au  fond ,  la  grande  et  admirable  réforme  de 
Guido  n'a  pas  été  autre  chose,  et  il  se  pourrait  fort  bien  qu'elle  n'ait 
fait  que  ramener  la  neumation  à  son  état  primitif.  Le  moine  de  Pom- 
pose,  en  lui  donnant  une  précision  rigoureuse ,  y  aurait  ajouté  d'im- 
portantes améliorations,  telles  qu'un  esprit  aussi  juste  et  aussi  élevé 
que  le  sien  était  capable  de  les  concevoir.  Cependant  il  ne  faut  pas  dis- 
simuler que  dans  les  plus  anciens  monuments  ,  les  groupes  neumati- 
ques  sont  tracés  sur  une  seule  ligne,  à  moins  que  le  chant  ne  soit  fort 
simple.  J'en  ai  vu,  en  effet,  dans  lequels  les  syllabes  ne  portant  jamais 
plus  de  deux  degrés,  la  position  des  points  et  virgules  neumatiques  et 
des  podates  est  forcément  réglée  sur  le  mouvement  ascendant  ou  des- 
cendant de  la  cantilène.  Comment  n'en  a-t-il  pas  été  ainsi  dans  tous 
les  cas  ?  Peut-être  par  la  faute  des  copistes,  sans  doute  par  celle  des 
maîtres. 

On  doit  considérer  que  les  copistes,  à  l'époque  où  le  système  primi- 
tif des  neumes  fut  en  usage,  n'étaient  point  des  calligraphes,  des  trans- 
cripteurs  de  profession,  faisant  métier  et  exécutant  sur  commande,  mais 
des  moines  transcrivant  pour  leur  propre  et  seul  usage  ce  dont  ils 
avaient  besoin,  et  dont  le  premier  soin  était  toujours  de  ménager  la  ma- 
tière première,  c'est-à-dire  le  parchemin,  alors  fort  cher.  Et  c'est  ici  le 
lieu  de  remarquer  pour  ceux  qui  ne  sont  pas  au  courant  des  habitudes 
du  moyen  âge,  que  ce  serait  une  grave  erreur  de  se  figurer  qu'alors  on 
employât  pour  les  églises  quelque  chose  de  semblable  à  nos  livres  de 
lutrin,  sur  lesquels  un  grand  nombre  d'exécutants  peuvent  lire  à  la  fois. 
Les  livres  de  chant  d'église  ,  avant  le  xne  siècle,  ne  dépassent  pas  le 
format  qui  serait  aujourd'hui  notre  in- 8°,  et  il  s'en  trouve  d'infiniment 
plus  petits.  Dans  tous  ces  manuscrits  ,  l'écriture  est  presque  toujours 
des  plus  fines  et  la  neumation  de  la  plus  excessive  ténuité.  Pour  que 
deux  personnes  pussent  y  lire  à  la  fois,  il  fallait  non-seulement  qu'elles 


eussent  bonne  vue,  mais  que  le  livre  fût  parfaitement  situé  et  ouvert 
entre  elles  deux.  Les  paroles  s'écrivaient  d'ordinaire  à  l'avance  et  en 
ignés  assez  serrées  au  milieu  desquelles  il  fallait,  en  dépit  du  manque 
d'espace,  intercaler  la  neumation.  Lorsque  le  transcripteur  n'avait  pas 
été  prévoyant  et  n'avait  pas  laissé  entre  les  mots  ou  parties  de  mots 
chargés  de  longues  traînées  de  notes,  un  espace  suffisant,  il  suivait 
toujours  en  montant,  afin  que  le  mot  qu'il  outrepassait  pût  recevoir  sa 
propre  neumation  au-dessus  de  celle  du  mot  précédent.  11  est  aisé  de 
comprendre  d'après  cela  que  la  position  respective  des  signes  dut  être 
promplement  négligée  et  les  signes  imparfaitement  tracés,  mutilés  et 
dénaturés  ;  de  ces  négligences  des  copistes  naquirent  les  variétés  sou- 
vent nombreuses  d'un  même  signe  que  chacun  d'eux  modifiait  à  sa 
guise,  parce  qu'en  opérant  ainsi  il  ne  travaillait  que  pour  lui  et  espé- 
rait toujours  s'y  retrouver,  car  l'on  sait,  comment  dans  les  écoles 
s'appellent  ceux  qui  ne  savent  pas  lire  leur  propre  écriture.  Telles  sont 
les  copies  que  nous  avons  aujourd'hui  entre  les  mains  et  qui  bien  cer- 
tainement n'avaient  pas  été  faites  pour  nous. 

Les  maîtres  du  temps  surent  fort  bien  mettre  à  profit  la  multiplica- 
tion de  ces  copies  imparfaites  qui  faisaient  d'eux  des  hommes  indis- 
pensables, s;ms  lesquels,  comme  l'observe  Guido,  il  était  impossible, 
étudiât-on  cent  ans,  de  parvenir  à  chanter  de  soi-même  la  plus  chétive 
antienne.  Ils  avaient ,  en  effet,  à  décider  à  peu  près  de  tout  :  1°  du 
mode  dans  lequel  était  traité  le  morceau  ;  2°  de  l'initiale  ;  3°  de  la 
fixation  des  intervalles  dans  les  cas  douteux,  qui  se  présentaient  souvent 
sept  ou  huit  fois  dans  une  seule  ligne.  Ils  réglaient  tout  cela  d'après 
leur  savoir,  qui  n'était  pas  toujours  très-grand,  d'après  leur  juge- 
ment, qui  n'était  pas  toujours  très- sain  ,  et  d'après  la  tradition, 
qui,  dans  ce  cas,  eût  été  encore  le  guide  le  plus  sûr,  si  elle  n'eût  varié 
d'un  pays,  d'une  ville,  d'une  église,  d'une  école  à  l'autre.  Quoi  qu'il 
en  soit,  il  est  aisé  de  concevoir  quelle  importance  et  quelle  influence 
les  maîtres  conservaient  dans  un  tel  état  de  choses.  Ils  auraient  beau- 
coup perdu  de  leur  prépondérance,  si  les  neumes  eussent  été  écrites 
avec  soin,  curiose,  comme  le  voulait  Guido,  qui  donna  pour  y  parvenir 
des  moyens  sûrs  et  infaillibles. 

Cette  influence  des  maîtres  aurait  dès  l'origine  été  encore  bien 
moindre,  si  l'on  adoptait  l'opinion  de  M.  Nisard,  qui,  dans  la  partie 
publiée  de  son  beau  travail  sur  les  neumes,  s'exprime  en  ces  termes  : 

«  Les  neumes  impliquaient  d'une  manière  ingénieuse  notre  portée 
musicale  actuelle,  du  moins  pour  les  notes  modales  et  essentielles  de 
chaque  ton.  Certains  signes  avaient,  en  outre,  un  sens  toujours  sem- 
blable, d'autres  variaient  suivant  le  mode.  Indépendemment  des  signes 
fixes  et  de  modalité,  il  y  avait  des  groupes  neumatiques  qui ,  au  pre- 
mier coup  d'œil ,  indiquaient  le  ton  du  morceau.  Le  chanteur,  ains 
renseigné  sur  l'ensemble  de  la  mélodie,  n'avait  plus  qu'à  rechercher; 
la  valeur  des  signes  qui  précédaient  et  suivaient  les  notes  modales 
échelonnées  de  distance  en  distance,  et  c'était  pour  lui  un  déchiffre- 
ment beaucoup  plus  simple  et  plus  facile  qu'on  ne  le  soupçonne  au- 
jourd'hui. « 

Franchement,  et  en  admettant  que  tout  se  soit  passé  comme  le  croit 
M.  Nisard,  si  bien  au  courant  des  écrivains  et  des  usages  musicaux  du 
moyen  âge,  je  ne  pense  pas  qu'il  ait  jamais  pu  résulter  des  procédés 
et  des  connaissances  qu'il  attribue  aux  chantres  de  ces  misérables 
époques  un  système  qui  eut  quelque  chose  de  simple  et  de  facile;  la 
nature  même  de  l'objet  y  apportait  une  invincible  opposition,  et  si  l'on 
examine  combien  les  esprits  étaient  alors  peu  exercés,  et  combien 
l'ignorance  était  profonde,  on  s'apercevra  que  l'embarras  croissait  à 
proportion.  Sans  doute,  les  principes  ci-dessus  posés  par  le  savant 
musiciste  sans  aucun  développement  seront  plus  tard  discutés  et  dé- 
montrés par  leur  auteur  :  aussi  n'éleverai-je  point  ici  d'objection  par- 
ticulière ;  je  me  contenterai  de  rappeler  les  justes  attaques  dirigées 
contre  le  système  neumatique  depuis  le  vnie  et  le  ixe  siècle  par  ceux-là 
même  qui  les  étudiaient  par  état,  à  une  époque  où  il  n'existait  pas  d'au- 
tre écriture  musicale,  et  cette  conclusion  à  laquelle  il  fallait  toujours 
arriver  inévitablement,  qu'il  était  impossible  de  chanter  avec  exacti- 


254 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


tude  une  pièce  neumée,  si  on  ne  l'avait  au  préalable  apprise  de  la  bou- 
che d'un  maître.  C'est  un  tel  état  de  chose  que  Guido  trouvait  misérable 
et  qu'il  déplorait  amèrement  avant  que  son  génie  fût  venu  y  porter 
remède. 

Pour  prouver  en  quelques  mots  combien  la  neumation  était  un  sys- 
tème vicieux,  toujours  incertain,  toujours  embarrassant,  ininterprétable 
tant  que  le  maître  n'avait  pas  parlé,  contestable  dès  qu'il  avait  ouvert 
la  bouche,  il  suffirait  de  remarquer  d'une  part  l'adoption  universelle  des 
améliorations  guidoniennes,  et  de  l'autre  les  persécutions  qu'elles 
suscitèrent  comme  de  raison  à  l'inventeur. 

Le  mal  avait  été  senti  et  signalé  bien  avant  Guido.  Le  moine  Hugbaud 
proposait  de  substituer  aux  neumes  un  système  de  notation  où  chaque 
tétracorde  diatonique  était  caractérisé,  et  chaque  degré  du  létracorde 
facile  à  distinguer.  Hartmann  avait  plus  tard  présenté  des  séries  de 
lettres  qui  avaient  l'avantage  d'une  indication  spéciale  pour  les  demi- 
tons.  Eude  de  Cluny,  ou  l'auteur  de  l'opuscule  qu'on  lui  attribue,  vou- 
lait qu'on  se  servît  de  sept  lettres  dont  on  reproduirait  la  série  en 
caractères  différents  pour  la  seconde  octave.  Tous  ces  changements, 
qui  avaient  l'avantage  incontestable  de  lever  beaucoup  d'incertitudes, 
offraient  sous  d'autres  rapports  plusieurs  inconvénients  :  aussi  ne  sor- 
tirent-ils pas  des  écoles  qui  les  avaient  vus  naître.  Guido,  à  la  fois  plus 
hardi  et  plus  prudent,  après  avoir  été  chagriné,  persécuté,  calomnié, 
obligé  de  quitter  son  monastère  et  de  se  réfugier  auprès  de  son  évêque 
par  lequel  il  fut  heureusement  protégé,  eut  enfin  le  bonheur  de  parve- 
nir à  faire  reconnaître  les  avantages  de  sa  méthode.  Son  système,  plus 
rationnel  et  plus  sensible,  avait  en  outre  l'avantage  de  ne  pas  trop 
s'écarter  des  habitudes  reçues  ;  pour  toute  réforme,  c'est  là  un  grand 
élément  de  succès  :  aussi  ses  innovations  furent-elles  rapidement  et  gé- 
néralement adoptées  en  dépit  des  vaines  clameurs  de  l'opinion  arriérée. 

Jean  Cotton  ,  qui  est  peut-être  ,  sans  même  en  excepter  Guido  ,  le 
musiciste  du  moyen  âge  qui  a  mis  dans  ses  écrits  le  plus  de  clarté, 
d'ordre  et  de  raison,  venu  peu  de  temps  après ,  se  fit  naturellement 
grand  propagateur  de  la  nouvelle  doctrine,  et  porta  les  derniers  coups 
au  système  neumatique. 

Quiconque  s'attache  aux  neumes,  dit-il,  est  dupe  de  la  fausseté  et 
de  l'imposture,  et  celui  qui  adopte  les  neumes  musicales,  c'est-à-dire 
le  système  de  Guido,  suit  le  sentier  delà  vérité  et  de  la  certitude.  Bien 
loin  d'être  mères  de  la  science,  les  neumes  irrégulières  (ou  plutôt  irré- 
glées, c'est-à-dire  sans  lignes)  n'engendrent  que  l'erreur  et  l'incerti- 
tude. Qu'un  élève  étudie  tout  le  graduel  jusqu'au  dernier  office  et  à  la 
dernière  communion  :  cette  dernière  communion,  il  sera  réellement 
incapable  de  la  chanter  par  lui-même.  Composés  de  virgules,  d'hicli- 
nes,  de  podals,  les  intervalles  qu'expriment  les  neumes  sont  indiscer- 
nables, et  les  chants  qui  en  résultent  ne  sauraient  se  fixer  dans  la  mé- 
moire. Disposées  sur  un  seul  rang ,  elles  ne  désignent  aucunement  l'é- 
lévation et  l'abaissement  du  son  ,  ni  surtout  la  mesure  précise  de  ce 
mouvement  ascendant  ou  descendant.  Chacun  monte  ou  descend  selon 
son  bon  plaisir  :  là  où  l'un  fait  une  tierce  mineure  et  une  quarte,  l'autre 
fera  une  tierce  majeure  et  une  quinte,  et  si  un  troisième  exécute  le 
même  passage,  il  procédera  différemment  des  deux  autres.  Alors  grande 
dispute  entre  eux  :  Ainsi  me  l'a  enseigné  maître  Trudon,  dira  l'un. — Et 
moi,  dira  le  second,  je  le  tiens  de  maître  Aubin. —  Bah!  s'écriera  le  troi- 
sième, maître  Salomon  le  chante  tout  autrement.  Ainsi  trois  chantres 
pas  plus  que  mille  ne  se  trouveront  d'accord  sur  une  pièce  de  chant, 
chacun  alléguant  l'autorité  de  son  maître,  d'où  il  s'ensuit  qu'il  y  a 
autant  de  manières  d'interpréter  les  neumes  qu'il  y  a  de  maîtres  dans 
le  monde. 

Après  des  opinions  aussi  nettement  exprimées ,  après  un  anathème 
si  éclatant  lancé  par  un  contemporain ,  juge  assurément  fort  compé- 
tent en  la  matière,  pouvons-nous  raisonnablement  espérer  que  les  élu- 
cubrations  récentes  produiront  quelque  fruit  et  amèneront  des  résultats 
directement  utiles,  ou  bien  faut-il ,  comme  Minerve,  jeter  au  loin  la 
flûte  dont  nous  ne  saurions  tirer  un  son  qui  nous  plaise,  et  adopter  le 
parti  de  Baini,  qui  déclarait  sans  périphrase  qu'il  n'y  avait  aucun  es- 


poir de  jamais  interpréter  sûrement  les  neumes,  quand  elle  n'avaient 
ni  lignes,  ni  lettres,  ni  couleurs  ?  On  a  vu  que  M.  Nisard  ne  le  pensait 
pas,  et  tel  n'est  pas  aussi  le  parti  suivi  par  le  père  Lambillotte,  qui,  par 
son  beau  travail  sur  cet  ingrat  sujet,  a  mérité  la  recsnnaissance  de  tous 
les  amis  de  l'érudition  musicale  et  de  la  perfection  du  chant  liturgique. 
Les  recherches  qu'il  a  faites  et  la  marche  qu'il  a  suivie  pour  arriver 
autant  que  possible  à  la  découverte  de  la  vérité,  seront  exposées  dans 
mon  prochain  article,  à  la  fin  duquel  je  poserai  mes  conclusions, 
non  assurément  comme  juge,  mes  prétentions  ne  vont  pas  là ,  mais 
comme  simple  rapporteur  de  cette  affaire,  plus  épineuse  que  bien  des 
procès,  dans  laquelle  toutefois  il  n'y  aura,  grâces  à  Dieu,  à  demander 
pour  personne  ni  l'amende  ni  la  prison. 

Adrien  de  la  FAGE. 


CORRESPONDANCE. 

Berlin,  25  juillet. 

Si  j'occupais  une  place  assez  importante  dans  le  monde  pour  que  ma 
disparition  fût  remarquée,  je  n'aurais  pas  été  surpris  de  trouver  un  beau 
jour  dans  votre  journal  la  nouvelle  de  ma  mort,  avec  une  notice  nécro- 
logique, sans  doute  très-flatteuse. 

En  effet,  pour  un  correspondant  qui  garde  le  silence  pendant  trois 
mois,  il  n'y  a  guère  d'autre  excuse  que  sa  mort,  et  puis  celle  que  j'ai  à 
vous  offrir,  c'est-à-dire  une  maladie  qui  a  duré  trois  mois ,  et  dont  j'ai 
cherché  à  guérir  à  la  campagne.  Contre  mon  attente,  il  y  avait  disette  de 
virtuoses  voyageurs  de  quelque  importance,  car  les  concerts  des  grenouil- 
les, des  hirondelles  et  des  cigognes,  n'entrent  plus  en  ligne  de  compte  , 
aujourd'hui  que  nos  cantatrices  sont  toutes  pour  le  moins  des  rossignols. 
A  propos  de  rossignols,  je  suis  à  même  de  vous  donner  quelques  détails 
intéressants.  Il  ne  s'agit  pas  du  chantre  du  printemps,  qui,  au  sein  des 
frais  buissons,  chante  au  clair  de  lune,  et  charme  un  couple  amoureux , 
comme  Roméo  et  Juliette.  —  «  C'est  le  rossignol  qui  chante  sur  les  bran- 
ches du  grenadier.  »   (Shakespeare.) 

Il  est  question  de  rossignols  de  l'espèce  et  de  l'école  modernes,  tels 
que ,  par  exemple,  le  rossignol  voltigeant ,  ainsi  que  Goethe  a  surnommé 
dans  le  temps  Mlle  Sontag,  aujourd'hui  la  comtesse  Rossi;  et  de  rossi- 
gnols suédois,  qui  sont  très  en  vogue  de  nos  jours.  Et  en  effet,  c'est  de 
Suède  que  nous  vient  la  cantatrice  dont  je  vous  signale  l'apparition  :  elle 
forme  un  glorieux  quatuor  avec  ses  trois  célèbres  sœurs,  Jenny  Lind, 
Henriette  Nissen  et  Mathilde  Ebeling,  qui,  malheureusement,  s'est  envolée 
l'hiver  dernier  de  la  scène  du  monde.  La  dernière  venue,  llertha  Wester- 
strand,  a  passé  plusieurs  fois  par  les  bosquets  de  mon  Tusculum,  et  a  fait 
résonner  son  ravissant  flageolet  à  l'ombre  des  tilleuls,  ou  du  sein  de  la 
barque  bercée  par  les  ondes  argentées  du  lac.  On  ne  savait  trop  si  l'on 
avait  affaire  à  une  nymphe  -bocagère  ou  à  une  naïade;  quand  elle  chanta 
le  lied  des  sirènes  dans  Obéron,  elle  faillit  être  prise  par  les  pêcheurs  du 
lac.  Mais  le  côté  sérieux  de  la  chose,  c'est  qu'il  nous  est  arrivé  derechef 
une  jeune  Suédoise  qui  possède  l'art  du  chant  poussé  au  dernier  de- 
gré de  perfection;  son  organe  a  un  timbre  d'un  charme  sans  pareil. 
Avec  cela,  elle  atteint  avec  une  grande  facilité  le  fa  aigu ,  et  par  consé- 
quent elle  a  des  droits  légitimes  au  trône  de  la  Reine  de  la  nuit,  dans  la 
tflûts  enchantée.  Mme  Westerstrand  commencera  sur  notre  théâtre  ses 
représentations  en  Allemagne  ;  elle  veut,  à  l'instar  de  Jenny  Lind,  poser 
ici  la  première  pierre  de  sa  réputation. 

Quant  au  théâtre,  voilà  trois  mois  que  je  n'y  ai  mis  les  pieds.  Je  n'ai  ni 
entendu  ni  vu  notre  hôte  harmonieux,  M.  Roger;  je  n'habite  l'enceinte 
des  murs  de  la  capitale  que  depuis  trois  jours  ;  une  affection  rhumatis- 
male me  retient  prisonnier  dans  ma  chambre  ;  mais  si  je  n'entends  pas 
Roger,  en  revanche,  j'entends  beaucoup  parler  de  lui.  Avec  un  talent 
comme  le  sien,  il  est  facile  d'obtenir  des  triomphes;  mais  ce  qui  est  tou- 
jours difficile,  c'est  de  remporter  de  si  brillantes  victo  res,  surtout  quand 
il  faut  lutter  contre  la  nature  entière,  et  qu'une  chaleur  tropicale  force 
les  spectateurs  à  quitter  la  salle  au  moment  presque  où  ils  viennent  de 
prendre  place.  Pendant  que  Rachel  joue  Phèdre  devant  des  banquettes 
vides,  qu'une  représentation  au  théâtre  de  la  Cour  est  interrompue  au 
milieu  de  la  pièce,  Roger  chante  le  rôle  d'Eléazar  dans  la  Juive,  par  32  de- 
grés de  chaleur,  et  la  salle  est  pleine  depuis  le  commencement  jusqu'à 
la  fin! 

A  propos  de  la  Juive,  le  Juif  errant  me  revient  en  mémoire;  nous  es- 
pérons avoir  bientôt  sa  visite,  et  sans  doute  il  s'y  arrêtera  plus  longtemps 
que  cela  ne  lui  est  permis  dans  ce  drame  :  c'est  une  création  fantastique 
remplie  de  figures  et  de  fleurs  d'un  caractère  sérieux  et  qui  attachent  puis- 


DE  PARIS. 


255 


sammont.  Votre  correspondant  a  fait  de  son  mieux  pour  hâter  la  pérégri- 
nation d'Ahasvcr  en  Allemagne,  en  lui  fournissant  autant  que  possible  les 
vers  allemands  les  plus  harmonieux,  pour  le  mettre  à  môme  de  s'exprimer 
avec  facilité  dans  cette  langue.  11  y  a  tout  lieu  de  croire  qu'il  nous  arri- 
vera l'hiver  prochain. 

L.    IIEU.STAB. 


NOUVELLES. 

%*  Demain  lundi,  a  l'Opéra,  Guillaume  Tell. 

%*  VEnfanl  prodiijué  a  repris  lundi  dernier  sa  place  au  répertoire.  Ce 
grand  et  bel  ouvrage  empreint  de  couleurs  si  vives  et  d  un  caractère  si 
oriental  par  le  mélange  de  religion  et  de  volupté,  a  reparu  dans  tout 
son  éclat,  chanté  par  Massol,  Gueymard,  Mlle  Dameron  et  Mme  Labordc. 
La  charmante  Plunkett  ne  manquait  pas  non  plus  aux  mystères  d'Isis, 
dont  elle  est  vraiment  Pâme.  Obin  est  remplacé  par  Merly ,  qui  chante  fort 
bien  le  rôle  du  grand  prêtre.  Ccmme  toutes  les  bonnes  partitions,  celle  de 
V Enfant  prodigue  n'a  rien  perdu  à  un  éloignement  momentané  du  théâ- 
tre. Tout  au  contraire,  les  beautés  originales  dont  elle  est  semée  ont  paru 
saisir  plus  fortement  que  jamais  le  nombreux  et  brillant  auditoire. 

*„*  Mathieu,  lejeune  ténor,  dont  l'éducation  s'est  faite  au  Conservatoire 
de  Paris  et  la  renommée  dans  nos  grandes  villes  départementales,  nous 
est  revenu  mercredi  dans  Lucie  de  Lamermoor.  Son  premier  dé  but  à  l'O- 
péra date  du  mois  d'octobre  1845;  il  parut  d'abord  dans  Othello,  puis  dans 
Guillaume  Tell  et  dans  la  Muette.  Alors  il  sortait  de  l'école,  et  il  en  appor- 
tait, avec  une  voix  magnifique,  une  inexpérience  extrême.  Aujourd'hui,  la 
transformation  est  complète.  Mathieu  possède  toujours  sa  belle  voix,  et  il 
s'est  formé  à  l'action  scénique.  11  ne  jouait  pas  assez  naguères  :  peut-être 
joue-t-il  trop  aujourd'hui,  et  met-il  trop  d'accent  dans  sa  tenue,  dans  son 
geste  comme  dans  sa  diction.  Nous  le  jugerons  mieux  à  une  seconde 
épreuve.  Ce  que  nous  devons  constater,  c'est  que  la  première  lui  a  été 
pleinement  favorable,  et  qu'il  a  déployé  d'excellentes  qualités  dans  le  rôle 
d'Edgard,  si  rempli  d'imposants  souvenirs.  C'est  Mlle  Kau  qui  chantait  le 
rôle  de  Lucie,  avec  le  talent  consommé  qu'on  lui  connaît.  Dans  celui 
d'Ashton,  Lyon  a  trouvé  l'occasion  de  montrer  ce  qu'il  pouvait  faire  , 
comme  chanteur  et  comme  acteur.  Il  a  contribué  pour  sa  bonne  part  à 
l'ensemble  de  l'exécution. 

*„*  Le  Juif  tri an/,  donné  vendredi,  avait  fait  salle  comble.L'exécution 
et  la  recette  ne  lai:  soient  rien  à  désirer. 

*„*  Mathieu  doit  l'aire  son  second  début  mercredi  prochain  dans  le  rôle 
d'Éléazar,  de  la  Juive. 

%*  Mme  ïedesco  doit  chanter  incessamment  le  rôle  de  Léonor  dans  la 
FuvurUt. 

*t*  On  s'occupe  toujours  activement  des  répétitions  de  Moïse. 

*„,*  La  Croix  de  toaue  est  toujours  représentée  trois  fois  par  semaine. 
Mlle  Lefebvre  y  fait  preuve  de  beaucoup  de  talent. 

*„*  Guluthêe  et  Mudclon,  le  Cariltonneur  de  Jiruyes,  occupent  souvent 
l'affiche  et  attirent  le  public. 

%*  On  répète  assidûment  l'ouvrage  en  trois  actes  de  MM.  Sauvage  et 
Reber,  dont  les  deux  principaux  rôles  doivent  être  joués  par  Battaille  et 
Mlle  Favel. 

*„*  La  recette  des  divers  spectacles,  concerts  et  curiosités  pendant  le 
mois  de  juin,  a  produit  la  tomme  de  688,2;:4  fr.  /il  c.  C'est  une  diminu- 
tion de  33u,086  fr.  54  c.  sur  le  mois  précédent. 

*„?  M.  de  Saint-Georges,  le  fécond  et  spirituel  auteur,  a  été  gravement 
indisposé  ;  mais ,  heureusement ,  son  rétablissement  n'a  pus  été  moins 
prompt  à  venir  que  sa  maladie. 

*,*  La  compagnie  de  musiciens  hongrois,  dont  nous  avons  annoncé  les 
séances  il  y  a  quelque  temps,  a  continué  ses  exercices  de  musique  in- 
strumentale; et,  par  le  bon  choix  des  morceaux  de  son  répertoire,  par 
l'ensemble  de  son  exécution,  l'expression  de  ses  mélodies  eu  unisson  par 
des  instruments  de  timbres  divers,  elle  s'est  fait  un  noyau  de  dilettantes 
parmi  le  public  du  théâtre  des  Variétés,  assez  ordinairement  peu  musical, 
et  qui  ne  tient  pas  essentiellement  à  la  précision  de  la  mesure.  Cinq  vio- 
lons, un  allô,  un  violoncelle,  une  contrebasse  et  un  pareil  nombre  d'ins- 
truments de  cuivre,  dans  lesquels  figure  un  bombardon  d'une  grande  puis- 
sance de  son ,  forment  le  personnel  artistique  et  instrumental  de  cette 
compagnie.  Ce  petit  escadron  d'harmonie  a  perdu  son  chef,  qui  a  passé 
à  l'ennemi  ;  mais  il  n'en  combat  pas  moins  d'une  manière  brillante,  tant 
il  est  d'une  excellente  discipline.  Parmi  les  morceaux  qui  provoquent 
d'unanimes  applaudissements,  nous  citerons  l'ouverture  de  l'opéra  (TJtka, 
d'Oppler,  compositeur  hongrois;  la  Polka  des  Bohémiens  de  Pétrack;  une 
cavatine  de  Nabucodonosor,  un  arrangement  fort  bien  fait  des  principaux 
morceaux  de  la  Luda  deDonizetti,  un  charmant  mélange  de  différents  mo- 
tifs du  Prophète,  disposés  pour  cet  orchestre  exceptionnel  par  Ellenbo- 
gen;  puis  enfin  l'ouverture  du  Frehchiïtz,  de  Weber,  dite  avec  autant  de 
verve  que  d'ensemble.  En  mettant  les  habitués  de  son  théâtre  à  même 
d'entendre  et  d'applaud  r  ces  artistes  étrangers,  M.  le  directeur  des  Va- 
riétés a  fait  preuve  de  goût  et  d'humanité,  car  ces  pauvres  gens  n'ont  cer- 
tainement pas  autant  d'argent  que  de  talent. 

%*  L'inauguration  de  la  statue  de  Le  Sueur,  autorisée  par  un  décret  du 
Prince-Président,  aura  lieu  le  10  août.  Les  fêtes  d'Abbeville  paraissent 
devoir  être   très-brillantes  ;  l'administration  municipale  les  a  organisées 


avec  un  zèle  et  une  intelligence  remarquables.  11  y  aura  des  courses  et 
joutes  sur  l'eau,  un  concours  pour  les  musiques  militaires  de  plusieurs 
départements.  Les  médailles  qu'elles  recevront  en  prix  seront  frappées  a 
l'effigie  de  Le  Sueur  et  aux  armes  de  la  ville.  La  cantate  chantée  lors 
qu'on  découvrira  la  statue  est  composée  par  Amb.  Thomas.  Un  concert 
vocal  et  instrumental  sera  donné  par  les  amateurs  et  artistes  de  la  ville, 
dans  lequel  on  entendra  Mme  Sabatier  et  MM.  Alexis  Dupond  et  Fu- 
naro. 

V  Les  journaux  de  Bruxelles  parlent  avec  les  plus  grands  éloges  d'un 
Te  Deurn  qui  vient  d'être  exécuté  ù  Sainte-Gudule,  le  21  de  ce  mois,  sous 
l'habile  direction  du  maître  de  chapelle,  M.  Fischer.  Ce  Te  Deum.  qui  a  ré- 
vélé chez  son  jeune  auteur  le  talent  le  plus  sérieux  et  le  plus  remarquable, 
estde  M.  Alex.  Stadtfeld,  dont  la  Société  Sainte-Cécile  avaitexécuté  l'hiver 
dernier,  une  fort  belle  ouverture. 

***  La  ville  de  Louvain  donne,  le  13  septembre,  une  fête  au  roi  des 
Belges.  A  cette  occasion,  Mlle  Wertheimber  a  été  invitée  à  jouer  le  rôle 
de  Béatrice,  dans  le  Cariltonneur,  qu'on  donnera  pour  la  première  fois.  La 
jeune  cantatrice  a  gracieusement  accepté  l'invitation. 

V*  Mlle  Clauss,  la  jeune  et  célèbre  pianiste,  vient  de  quitter  Londres, 
où  le  succès  l'avait  suivie,  pour  revenir  à  Paris. 

^  V  Une  autre  jeune  et  brillante  pianiste,  dont  nous  avions  annoncé 
l'indisposition  douloureuse,  Mlle  Krinitz,  après  avoir  été  retrouver  la 
santé  en  Allemagne,  vient  de  passer  par  Paris  en  retournant  en  Angle- 
terre. 

'  V  M.  G.  Vermeulen,  secrétaire  général  de  la  Société  néerlandaise  pour 
l'encouragement  de  l'art  musical,  est  venu  passer  quelques  jours  à  Paris 
avant  d'entreprendre  son  voyage  d'Italie. 

V  Nous  venons  d'apprendre  la  mort  de  M.  Frédéric  Hill,  célèbre  flû- 
tiste d'Angleterre.  M.  F.  Ilill  est  mort  subitement  â  Madras,  aux  Indes,  où  il 
tenait  le  grade  de  chef  de  musique  du  84e  régiment  anglais. 

CHRONIQUE     ÉTRANGÈRE. 

V  Londre',  29  juillet.  —  Le  théâtre  de  Sa  Majesté  vient  encore  de  don- 
ner un  divertissement  intitulé  la  Bouquetière,  qui  sans  avoir  autant  de  dé- 
veloppement que  r  Amour  et  la  Mogie,  a  pourtant  fait  grand  plaisir.  C'est  une 
suite  de  pas  exécutés  avec  un  talent  supérieurpar  Mmes  Guy  .Stephan,  Rosa, 
Esper,  Lamoureux,  Allegrini  et  M.  Durand,  environnés  d'un  nombreux 
corps  de  ballet.  Mme  Charton-Demeur,  l'excellente  cantatrice  et  actrice 
française,  va  pour  la  première  fois  s'essayer  sur  la  scène  italienne.  On  an- 
nonce aussi  la  rentrée  de  Mme  Fiorentini ,  et  il  est  question  de  repré- 
senter prochainement  Ci  sdaa,  l'opéra  du  duc  de  Saxe  Cobourg,  avec  tout 
l'éclat  désirable.  —  Au  théâtre  de  Covent-Carden,  le  Faust  de  Spohr  a  été 
joué  trois  fois,  l'auteur  conduisant  toujours  l'orchestre.  Les  Hugutnots  ont 
été  donnés  pour  la  dernière  fois,  et  la  salle  était  comble. 

*»*  Vienne.  —  Dans  le  cours  de  la  saison  d'automne,  le  théâtre  delà 
Cour  représentera  Udin>,  opéra  nouveau  de  M.  Lwoff,  aide-de  camp  de 
l'empereur  de  Russie,  directeur  de  la  chapelle  impériale  de  chant  et  au- 
teur de  l'Hymne  nationale.  Les  paroles  sont  de  11.   de  Saint-Georges.  

Le  18  juillet,  jour  anniversaire  de  la  fondation  de  l'Académie  de  musique, 
on  a  exécuté  une  messe  de  M.  Assmayer,  maître  de  chapelle. 

%*  Bâle.  —  Le  grand  festival  de  chant  est  terminé.  On  a  remarquer 
de  grands  progrès  dans  l'exécution  des  chœurs,  qui  ont  été  rendus  avec 
une  perfection  â  laquelle  on  n'avait  pas  encore  atteint  en  Suisse.  Immé- 
diatement après  le  concert,  on  a  procédé  à  la  distribution  des  prix  qui 
avaient  été  mis  au  concours.  C'est  Zurich  qui  a  obtenu  le  premier  prix  : 
une  magnifique  bannière  brodée  par  les  dames  de  la  réunion  de  chant 
Reiter,  une  médaille  envoyée  par  le  Leider-Kranz  de  Stuttgart.  Les  autres 
prix  ont  été  répartis  entre  Saint-Gall,  Berne,  Argovie  et  Winterthur. 

*„*  Amsterdam.  -■  M.  de  Boer,  propriétaire  du  Jardin  Français,  vient 
d'organiser  dans  son  établissement  des  concerts  qui  attirent  la  plus  haute 
attention  des  vrais  connaisseurs,  et  qui  de  plus  en  plus  deviennent,  no- 
tamment les  mardis,  le  rendez-vous  de  la  haute  société.  Avec  un  orchestre 
de  cinquante  musiciens,  composé  des  artistes  les  plus  en  renom,  tant 
de  la  Hollande  que  de  l'Allemagne,  sous  la  direction  de  MM.  Van-der  Finck 
père  et  fils,  et  pour  la  musique  classique,  sous  la  direction  de  M.  Jacques 
Franco-Mendès.  Les  morceaux  d'ensemble  y  sont  exécutés  d'une  manière 
remarquable,  M.  Jacques  Franco-Mendès,  qui  obtient  les  plus  grands  suc- 
cès dans  ses  brillants  solos  de  violoncelle,  y  fait  aussi  exécuter,  sous  sa 
direction,  des  compositions  de  lui,  qui  excitent  l'admiration  générale. 

**  Milan.  —  Le  ténor  français  Bordas,  qui  s'est  fait  entendre  à  Paris 
avec  un  grand  succès  sur  les  deux  scènes  du  grand  Opéra  et  du  Théâtre- 
Italien,  occupe  sérieusement  notre  public,  ordinairement  si  difficile,  de- 
vant lequel  il  chante  depuis  deux  mois.  La  représentation  à  son  bénéfice 
se  composait  de  deux  actes  de  Maria  Padilla ,  de  la  cavatine  de  Jacopo 
Fuscari,  et  du  magnifique  duo  de  l'oliuto,  qu'il  a  chanté  avec  Mlle  Loca- 
telli.  Les  bravos  et  les  rappels  sans  nombre  sont  d'irrécusables  témoigna- 
ges de  l'enthousiasme  excité  par  son  talent. 

*„*  i>a,ni  Pélenbuurg,  14  mai.  —  Après  Pâques  notre  saison  des  concert 
s'est  ranimée  plus  qu'on  aurait  pu  l'espérer.  Nous  avons  eu  encore  beau- 
coup de  concerts,  grands  et  petits,  et  dans  le  nombre  de  fort  beaux  et  fort 
intéressants.  Depuis  la  perte  irréparable  de  Vieuxtemps,  M.  Louis  Maurer 
est  à  peu  près  le  seul  espoir,  l'unique  soutien  de  la  musique  élevée  et  sé- 
rieuse parmi  nous,  et,  comme  preuve  qu'il  ne  manque  pas  à  sa  noble  mis- 


256 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS. 


sion,  il  a  organisé  trois  matinées  symphoniques  qui,  sous  tous  les  rapports, 
ont  été  admirables.  Nous  y  avons  entendu  un  choix  des  meilleures  sym- 
phonies et  ouvertures  des  grands  maîtres,  exécutées  sous  la  direction  ha- 
bile de  M.  Maurer  par  un  orchestre  d'à  peu  près  soixante  exécutants,  com- 
posé de  l'élite  des  orchestres  impériaux.  Il  y  avait  en  outre  dans  chacune 
de  ces  matinées  un  concerto  de  piano.  Dans  la  première,  M.  Cerke  a  exé- 
cuté celui  en  mi  bémol  de  Mozart  ;  dans  la  deuxième,  M.  Rubinstein  ous  a 
fait  entendre  le  grand  quintuor,  accompagné  par  des  instruments  à  vent, 
de  Beethoven;  dans  la  troisième,  enfin,  le  beau  concerto  en  ut  mineur, 
de  Beethoven,  a  été  dit  par  M.  Léwy.  —  A  l'Opéra  russe,  le  nouvel  opéra 
de  Rubinstein,  la  Bataille  de  Koulikovo,  a  obtenu  un  beau  succès,  qui, 
d'ailleurs,  était  bien  mérité.  Rubinstein  n'a  eu  qu'à  se  réjouir  du  résultat 
de  sa  première  bataille  ;  tout  le  monde  s'accorde  à  lui  reconnaître  un  vé- 
ritable et  grand  talent.  Parmi  quelques  morceaux  de  valeur  moindre,  son 
opéra  en  renferme  plusieurs  qui  ne  sont  pas  moins  remarquables  par 
l'originalité  de  l'invention  que  par  leur  puissant  effet  dramatique.  La 
Bataille  de  Koulikovo  a  eu  jusqu'à  présent  quatre  représentations,  dont  les 
trois  premières  étaient  dirigées  par  le  jeune  maestro  lui-même.  Quatre 
représentations  consécutives  d'un  même  ouvrage,  c'est  chose  inouïe  à 
l'Opéra  russe  :  aussi  les  ouvrages  qu'on  a  repris  depuis  l'opéra  de  Rubin- 


stein (la  Vie  pour  le  czar,  de  Geinka,  et  le  Tombeau  d'Ascollo,  de  Verstofski), 
quoique  appréciés  depuis  longtemps,  ont-ils  passé  vite.  Du  reste,  cela  va 
toujours  ainsi  et  ne  changera  point  tant  que  l'Opéra  russe  ne  saura  se 
procurer  la  chose  la  plus  indispensable  à  tout  opéra,  des  chanteurs  ! 

Le  gérant  :  Ernest  DESCHAMPS. 
En  vente  chez  BRAN  DUS  et  Ce,   105,  rue  Richelieu, 


LE  JUIF  ERRANT 

BALLADE    FOUR    VOIX   DE    BASSE, 

Paroles  de  M.  le  chevalier  Châtelain, 
Musique  de 

A.   PANSERON 

Che  -alier  de  la  Le  gion-a"  Honneur,  professeur  au  Conservatoire. 
Prix  :  lx  fr.  50.  —  La  même  pour  baryton,  4  fr.  50. 


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rue  Richelieu., 


Opéra  eaa  cinq  aetes , 

Paroles  de 

MM.   E.    SCRIBE    et    DE   SAINT -GEORGES 

Musique  de 


tte   l'Snslilwt. 
l9arfti&iou  pour  piaaso  et  chaut,  net  4©  fr. 

MORCEAUX  DÉTACHÉS  POUR  CHANT  AVEC  ACCOMPAGNEMENT  DE  PIANO 


mirai  potiM- 

MORCEAUX  ET   ARRANGEMENTS  SUR   CET   OPÉRA 


Ouverture  arrangée  par  H.  Potier 6     » 

Fréd.  BoigmuUer.  —  Grande  valse 5     » 

M.  Dccosb réelle. — Fantaisie  à  quatre  mains 7  50 

J.  B  Davernoy.  —  Deux  fantaisies  ;  chaque 5     » 

A.  E.c  CarpenUer.  —  138e  et  139e  Bagatelles; chaque  ....  5     « 

R.  Maldcr  —  Op.  23.  Caprice  guerrier 9     » 

—  Op  .  24.   Andante  de  concert 5    » 

H   Uosellen.  —  Fantaisie  brillante 7  50 

A.  Taléxy.  —  Op.  46.  Fantaisie  brillante 7  50 

*»».  Voss.  —  Op.  139.  Grande  fantaisie  dramatique 9     « 


W.  Encrais». — Op.  228.  Fantaisie  pour  piano  et  violon 9     » 

Lcr.  —  Op.  64.  Fantaisie  pour  violoncelle  avec  accompagnement 

de  piano 7  50 

A.  Fessy.  —  Trois  fanfares  pour  musique  de  cavalerie.  Chaque.  5    « 

Asm  arrangés  pour  deux  violons,  par  N.  Louis,  trois  suites.  Ch.  9     » 

—  arrangés  pour  deux  cornets  à  pistons,  par  Caussinus,  trois 

suites.  Chaque 9     » 

—  arrangés  pour  deux  flûtes,  par  E.  Walkiers,  trois  suites.  Ch .  9     » 

—  arrangés  pour  violon  seul,  flûte  seule  et  cornet  seul.  Chaque 

instrument,  deux  suites  à 7  50 


H.  PotSer.  —  Sept  airs  de  ballet  et  une  marche  : 

1.  Pas  des  Esclaves 4  50 

2.  Pas  des  Voiles 4  50 

3.  Le  Bourdonnement , 4  50 

4.  Le  berger  Aristée 4  50 

5.  La  Ronde 4  50 

6.  La  Reine  des  Abeilles 4  50 

7.  La  Ruche 4  50 

Marche  triomphale 250 

Eïtlîng.  —  Polka  des  Abeilles 4    » 


A.  de  lieraonsfœrairt.  — Redowa 

—  Quadrille  de  salon 

Slarx.  —      Quadrille  facile 

SHusard.  —  Deux  quadrilles.  Chaque 

—  Les  mêmes,  à  quatre  mains.  Chaque 

—  Suite  de  valses 

—  La  même,  à  quatre  mains 

Pasdelotip.  —  Schottisch  du  Berger 

Pllodo.  —  Schottisch 


4  » 
4  50 
4  50 
4  50 
4  50 

6  » 

7  50 
4  » 
3     » 


Grande  partUiom  et  parties  d'orchestre. 


POlin    PARAMVWtE     PHOVMMAMXMHHHKV  , 

DSUI    NOUVEAUX    MORCEAUX   DE    I 


LE  REVEIL  DES  FEES 

Etude.  —  Op.  41.  —  Prix  :  9  fr. 


VILLANELLA 

Op.  40.  —  Prix  :  9  fr. 


PARIS.  —  IMPRIMERIE  CENTRALE  DE  NAPOLÉON   L'IIAIX  ET  Cc,   RUE  BEUGÈPE,  20. 


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On  s'nbotïiHMiiins  tes  Départements  et  n  l'Étrange 

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et  «ui  Uummx  des  Messiigei  iesi  t  dos  postes. 


I\°  32. 


8  Août  1852. 


Prix  de  l'Abonnement  i 


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REVUE 


Départements,  Belgique  et  Suisse 3D 

Étranger ai 


Lo  Journol  paraît  le  Dimanche. 


GAZETTE  MUSICALE 


DE    FâiïS, 


SOMMAIRE.  —  Richard  Wagner  (7e  et  dernier  article),  par  Fétis  père.  —  Théâtre 
de  l'Opéra-Comique,  reprise  de  Giralda  ;  théâtre  des  Variétés  et  théâtre  de  l' Am- 
bigu-Comique, par  Henri  Blanchard.  —Conservatoire  national  de  musique 
et  de  déclamation,  concours  publics.  —  Correspondance,  Dusseldorff.  —  Nouvelles 
et  annonces. 


RICHARD  WAGNER. 

Sa  vie.  —  Son  système  de  rénovation  de  l'opéra.  — Ses  œuvres  comme 
poète  et  comme  musicien.  —  Son  parti  en  Allemagne.  —  Apprécia- 
tion de  la  valeur  de  ses  idées. 

(Septième  et  dernier  article.)  (1). 

Dans  mes  articles  précédants,  je  me  suis  proposé  de  faire  connaître 
les  idées  qui  ont  conduit  par  degrés  Richard  Wagner  à  la  conception 
de  son  drame  musical,  et  je  crois  avoir  démontré  que,  pour  y  parvenir, 
il  lui  a  fallu  faire  table  rase,  et  commencer  par  détruire  l'art  véritable, 
sous  prétexte  des  avantages  qu'en  pourrait  retirer  la  vérité  dramatique. 
Au  point  de  vue  où  s'est  placé  l'auteur  de  Tannhaùser  et  de  Lohengrin, 
il  ne  pouvait  agir  autrement  :  au  risque  de  ne  pouvoir  reconstruire, 
il  fallait  que  d'abord  il  démolit;  enfin,  l'espoir  bien  ou  mal  fondé  de  la 
création  de  l'art  de  l'avenir  ne  pouvait  se  réaliser,  si  préalablement  le 
créateur  en  expectative  ne  faisait  disparaître  l'art  du  présent.  On  a 
vu  comment  il  a  essayé  par  la  théorie  ce  qu'il  n'a  pu  faire  en  réalité  ; 
mais  on  ne  l'a  vu  qu'aux  prises  avec  les  idées  et  les  principes  ;  pour  le 
bien  connaître,  il  est  nécessaire  maintenant  de  le  considérer  dans  ses 
opinions  sur  la  valeur  des  œuvres  qui  ont  précédé  la  sienne.  C'est 
dans  son  livre  sur  V  Opéra  et  le  Drame,  que  nous  allons  apprendre  à 
le  connaître  sous  ce  rapport. 

Wagner  a  fait  une  entreprise  qui  n'a  pas  réussi  :  le  vrai  public  s'est 
trouvé  sans  sympathie  pour  son  œuvre  ambitieuse  :  j'en  ai  dit  la  rai- 
son. Mais  ce  n'est  point  impunément  qu'on  oppose  de  la  résistance  aux 
projets  des  réformateurs  :  ce  public,  on  se  vengera  en  lui  prodiguant 
des  mépris.  Ce  même  public,  si  mal  disposé  pour  l'audition  des  ou- 
vrages de  Wagner,  se  montre,  au  contraire,  plein  de  penchant  pour 
la  musique  où  se  trouve  tout  ce  que  le  réformateur  veut  bannir  de 
l'art  :  on  va  lui  prouver  que  son  goût  est  perverti ,  et  que  ce  qu'il  ap- 
plaudit est  sans  valeur.  Voyons  donc  quels  sont  les  jugements  de  Ri- 
chard Wagner  sur  toutes  les  célébrités  dont  les  ouvrages  sont  consi- 
dérés comme  les  monuments  de  l'histoire  de  l'art. 

Wagner  ne  commence  l'histoire  de  la  musique  qu'à  l'origine  de 
l'opéra  :  antérieurement,  on  ne  connaissait  que  la  musique  d'église  et 
ce  qu'on  appelait  la  musique  de  chambre  :  il  n'en  fait  aucun  cas.  Le 
sentiment  religieux ,  dit-il,  est  improductif  dans  l'art  (2).  Cette  sen- 
tence, dont  l'absurdité  se  démontre  par  le  témoignage  de  notre  con- 

(1)  Voir  les  numéros  23,  24,  25,  26,  27  et  28. 

(2)  Communications  à  ses  amis. 


science  aussi  bien  que  par  l'expérience  de  tous  les  temps,  ne  se  peut 
comprendre  que  lorsque  l'auteur  nous  apprend  qu'il  a  abjuré  le  chris- 
tianisme, et  qu'il  développe  ses  motifs  basés  sur  l'athéisme.  Wagner  a 
cependant  imaginé  un  drame  musical  dont  Jésus  de  Nazareth  est  le 
sujet;  mais  il  s'explique  catégoriquement  à  cet  égard,  et  nous  apprend 
qu'élève  du  docteur  Strauss,  il  'ne  voit  dans  le  Christ  qu'un  homme 
vertueux,  plein  d'affection  pour  l'humanité.  Améliorer  l'espèce  humaine 
et  travailler  à  son  bonheur  était  le  but  unique  de  cet  homme  ,  doué 
d'une  bonté  parfaite  :  cependant  le  découragement  et  le  dégoût  de  la 
vie  s'emparèrent  de  lui  après  qu'il  [eut  considéré  la  dépravation  des 
peuples  soumis  à  la  domination  romaine  :  il  voulut  en  sortir  par  un 
suicide  ;  mais  il  voulut  en  même  temps  que  ce  suicide  servît  à  l'instruc- 
tion de  l'humanité,  et,  pour  cela  ,  il  entreprit  des  prédications  sédi- 
tieuses qui  le  firent  condamner  à  périr  sur  la  croix.  Le  Chrift ,  [au 
point  de  vue  de  la  rédemption ,  n'est  qu'un  mythe  pour  M.  Wagner. 
Le  Christ  se  suicidant  !  A  merveille,  hommes  de  l'époque  !  Vous  ne 
vous  attaquez  pas  aux  bagatelles  dans  vos  monstrueuses  fantaisies  ! 

Donc,  la  religion  n'étant  qu'une  erreur,  la  musique  religieuse  est 
sans  objet  et  sans  valeur  aucune.  L'art  ne  commence  qu'à  l'opéra  ; 
mais  son  développement  n'est  qu'une  suite  de  déceptions.  Wagner  re- 
connaît que  les  artistes  qui  ont  précédé  l'époque  moderne  cherchaient 
de  bonne  foi  le  vrai  et  le  dramatique  réel  ;  mais,  incapables  d'y  at- 
teindre, ils  ne  peuvent  être  considérés,  dit-il ,  que  comme  les  martyrs 
de  leur  art  (1).  Si  vous  cherchez  le  sens  de  cette  phrase,  vous  ne  le 
trouverez  pas  ;  à  moins  que  vous  ne  supposiez ,  comme  Wagner,  que 
l'art  a  une  forme  positive,  absolue,  en  dehors  de  quoi  il  n'y  a  rien  ,  et 
que  lui  seul  était  destiné  à  découvrir.  Mais  si  vous  pensez  que  l'art  est  la 
création  spontanée  du  génie  qui  en  détermine  et  la  pensée,  et  le  senti- 
ment et  la  forme,  vous  ne  verrez  dans  chaque  détermination  qu'une  de 
ces  transformations  inépuisables  qui  font  de  l'art  ce  qu'il  est  effective- 
ment, l'infini.  En  vain  Wagner  viendra-t-il  vous  dire  que  les  anciens 
artistes  qui  prenaient  pour  sujets  de  leurs  ouvrages  les  fables  de  la 
mythologie  et  des  temps  héroïques  ne  pouvaient  exciter  d'intérêt  (2)  ; 
en  vain  assurera-t-il  qu'il  n'y  a  que  la  forme  de  l'air  dans  tout  l'ancien 
opéra  ;  que  cet  air  n'est  que  le  développement  de  la  chanson  populaire, 
et  que  son  rhythme  n'est  que  l'application  de  celui  de  la  danse  (3)  ;  en 
vain  affirmera-t-il  que  le  mérite  principal  de  l'effet  produit  par  cette 
forme  de  l'art  appartenait  au  chanteur  (4)  :  vous  repousserez  ces 
assertions  mensongères,  et,  les  yeux  fixés  sur  les  partitions  d'Alexandre 
Scarlatti ,  de  Pergolèse,  de  Majo,  de  Jomelli ,  de  Lulli ,  de  Rameau  ,  le 

(1)  Opéra  et  Drame  (Oper  und  Drama),  tome  I",  page  32  et  suiv. 

(2)  Idem,  page  35. 

(3)  Idem,  page  30. 

(4)  Idem,  page  33. 


258 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


cœur  ému  par  la  beauté  de  leurs  chants,  vous  vous  direz  que,  quelle 
qu'en  soit  la  forme,  l'expression  vraie  des  sentiments  humains,  pre- 
nant sa  source  dans  l'individualité  de  l'artiste,  est  toujours  le  but  de 
l'art,  pris  à  un  certain  point  de  vue.  Les  grands  chanteurs  de  l'Italie 
avaient  sans  doute  une  large  part  dans  l'effet  produit  par  la  musique  des 
anciens  maîtres  ;  mais  il  en  doit  être  ainsi  ;  il  en  sera  toujours  ainsi  de 
tout  interprète  des  œuvres  d'art  que  le  ciel  aura  doué  d'un  grand 
talent,  car  c'est  aussi  l'inspiration  et  le  génie  qui  élèvent  l'exécutant 
jusqu'à  l'identité  de  pensée  et  de  sentiment  du  compositeur. 

Wagner  ne  voit  dans  la  révolution  opérée  par  Gluck  qu'une  révolte 
contre  ledespotisme  des  chanteurs  (1).  «Jusqu'à  lui,  dit-il,  le  composi- 
teur ne  venait  qu'en  second  ordre  dans  l'attention  que  le  public  accor. 
dait  à  unrbpéra  ;  les  castrats  avaient  le  pas  sur  lui.  Gluck  voulut  limiter 
l'arbitraire  de  ces  artistes  et  les  obliger  à  respecter  l'expression  donnée 
par  le  compositeur  aux  paroles  ;  cette  expression,  il  la  trouva  plus  con- 
venable que  dans  les  œuvres  de  ses  prédécesseurs  ;  mais  voilà  tout  son 
mérite.  11  n'est  pas  le  premier  qui  écrivit  des  airs  sentimentaux  ;  il  «^in- 
nova ni  dans  l'air  ni  dans  le  récitatif,  et  les  choses  demeurèrent  dans 
le  même  état  (2)  !  »  0  vous,  génération  française,  qui  vous  passionnâtes 
aux  accents  d'Orphée,  d'Alceste,  à'Armide,  d'Oreste  et  d'Iphigénie, 
vous  ne  vous  doutiez  guère,  lorsque  partagée  en  deux  camps,  sous  les 
bannières  de  Gluck  et  de  Piccinni,  vous  défendiez  avec  tantd'animo- 
sité  l'objet  de  votre  admiration,  vous  ne  vous  doutiez  guère,  dis-je,  que 
vous  combattiez  pour  si  peu  de  chose! 

Les  successeurs  de  Gluck,  entre  lesquels  Wagner  compte  en  première 
ligne  Méhul,  Cherubini  et  Spontini,  n'ont  rien  inventé,  à  proprement 
parler;  seulement  ils  ont  élargi  les  formes  de  leurs  prédécesseurs, 
varié  celles  de  l'air,  introduit  dans  leurs  ouvrages  le  duo,  le  trio  et  le 
quatuor,  qu'ils  empruntèrent  à  l'Italie,  et  augmenté  les  ressources  de 
l'orchestre.  Du  reste,  ils  n'ont  pas  plus  approché  du  but  final  de  l'art 
que  les  compositeurs  auxquels  ils  succédaient  (3).  Wagner  ne  leur  re- 
connaît que  le  mérite  d'avoir  fait  des  efforts  loyaux,  convenables 
(schickliches  Erforderniss)  pour  y  arriver  (4). 

Richard  Wagner  arrive  enfin  à  l'époque  moderne  ou  actuelle.  C'est 
là  qu'il  donne  carrière  à  ses  mépris  pour  les  hommes  que  tous  les  peu- 
ples ont  salués  de  leurs  plus  vives  sympathies.  Et  d'abord,  il  fait  une 
classification  de  l'opéra  par  écoles,  comparant  celles-ci  aux  divers  ca- 
ractères delà  femme.  «La  musique,  dit-il,  est  une  femme.  La  nature  de 
la  femme  est  l'amour,  et  la  femme  n'est  dans  sa  nature  naïve  que  lors- 
qu'elle s'abandonne  sans  réserve  à  cet  amour,  et  qu'elle (5)  »  Je 

prie  le  lecteur  de  me  dispenser  de  traduire  en  entier,  car  je  serais  fort 
embarrassé.  »  La  véritable  femme  aime  nécessairement  ;  elle  n'a  pas  le 

choix à  moins  qu'elle  n'aime  pas.  »  Conséquence  empruntée  à  la 

chanson  de  M.  de  Lapalisse.  »  Or,  la  musique  de  l'opéra  italien  est  la 
femme  à  l'état  de  prostituée,  qui  se  livre  sans  amour,  et  qui  se  rit  des 
jouissances  qu'elle  procure  (6)  ;  c'est  la  musique  de  Rossini  !  La  musique 
de  l'opéra  français  n'est  autre  chose  que  la  coquette  qui,  sans  âme  et 
sans  passion,  compose  toute  son  existence  de  faux  semblants,  de  grâces 
calculées,  et  ne  vit  que  de  succès  de  mode.  La  musique  de  l'opéra 
allemand,  Weber  excepté,  ajoute-t-il,  est  la  pire  de  toutes,  car  c'est  la 
prv.de,  objet  d'horreur  et  type  de  la  femme  dégénérée  (7).  C'est  l'opéra 
de  Weigl,  de  Winter,  de  Spohr,  de  Lindpaintner,  de  Lachner,  de 
Wolfram,  de  Marschner,  de  Lortzing  et  de  Lobe.  Enfin  la  femme  con- 
forme à  sa  nature  primitive,  la  femme  qui  aime  et  qui  se  livre  tout 
entière  à  l'objet  de  son  amour,  n'est  représentée  que  par  la  musique 
d'un  seul  compositeur,  par  la  musique  de  Mozart.  »  0  grand  homme! 
objet  de  mon  culte  d'artiste,  vous  dontles  productions  ont  faitnaîtreles 
plus  vives  et  les  plus  nobles  jouissances  de  ma  longue  carrière,  je  me 

(1)  Opéra  cl  Drame  (Oper  ur.d  drama),  Tome  Ier,  page  35. 

(2)  ibid'.,  page  37. 
(3)  Ibid.,  pages  39-41. 

(4)  Ibid.,  page  40. 

(5)  Ibid.,  pages  186  et  suiv. 

(6)  Ibid.,  page  1S8. 
(7)  Ibid.,  page  130. 


sens  humilié  de  l'hommage  que  vous  rend  l'auteur  de  Lohengrin,  et  le 
pamphlétaire  dont  la  plume  a  produit  Opéra  et  Drame.  Ne  nous  y 
trompons  pas,  cependant  ;  bien  que  Richard  Wagner  reconnaisse  que 
Mozart  est  admirable  en  ce  qu'il  n'a  pas  de  manière  et  se  montre  ab- 
solument différent  dans  Don  Juan,  dans  la  Clémence  de  Titus,  dans 
Cosi  fan  lutte  et  dans  les  Noces  de  Figaro,  il  se  sent  entraîné  à  le 
louer  surtout  parce  qu'il  s'unit  intimement  aux  intentions  de  son  poète. 
Don  Juan  est  pour  lui  un  ouvrage  parfait,  parce  que  da  Ponte,  dans 
son  poème,  et  Mozart,  dans  sa  musique,  semblent  ne  former  qu'une 
seule  force  de  conception  pour  produire  ce  type  original  et  fort,  cette 
œuvre  gigantesque  que  rien  n'a  pu  égaler  jusqu'à  ce  jour.  Si  Wagner 
avait  le  sentiment  vrai  de  la  valeur  de  cette  œuvre,  il  ^'entreprendrait 
pas  la  destruction  de  l'opéra  pour  lui  substituer  je  ne  sais  quel  rêve 
monstrueux  qu'il  décore  du  nom  de  drame.  Dans  ses  livres,  il  revient 
souvent  à  Mozart  et  à  ses  ouvrages,  mais  il  évite  avec  soin  de  parler  de 
la  Flûte  enchantée,  parce  que  le  sujet  et  la  conduite  de  cette  pièce  sont 
absurdes,  et  que  Mozart  en  a  fait  un  chef-d'œuvre  d'inspiration,  en 
tirant  tout  de  son  génie.  C'est  le  triomphe  de  l'indépendance  de  la  mu- 
sique ;  mais  cela^ne  va  pas  aux  idées  du  critique. 

Rien  de  plus  comique  que  la  manière  dont  Richard  Wagner  carac- 
térise le  talent  de  Rossini  dans  le  travail  de  la  composition.  «  Tout  le 
monde,  dit-il,  applaudissait  aux  mélodies  de  ce  maître ,  moins  à  cause 
de  leur  valeur,  que  par  l'art  particulier  qu'il  avait  d'en  faire  l'emploi. 
Très-insouciant  du  sujet,  parce  qu'il  n'y  touchait  jamais ,  il  employait 
tout  son  talent  aux  fantasmagories  les  plus  amusantes,  et  les  faisait 
entrer  à  toute  force  dans  son  ouvrage,  sans  se  soucier  de  la  poésie  en- 
nuyeuse qu'il  mettait  en  musique.  Aux  chanteurs  qui,  précédemment, 
avaient  l'habitude  de  chercher  l'expression  dramatique  des  situations  , 
il  disait  :  Faites  des  paroles  ce  que  vous  voudrez-,  mais  n'oubliez  pas 
de  vous  faire  applaudir.  «  II'  écrivait  les  roulades  pour  ceux  qui  n'en 
»  pouvaient  inventer  et  en  mettait  partout.  Rossini,  d'ailleurs,  méritait 
»  l'engouement  que  le  public  montrait  pour  lui  par  le  soin  qu'il  mettait 
»  à  le  satisfaire.  Apprenait-il  que  dans  certaine  ville  pour  laquelle  il 
»  écrivait  on  aimait  les  fioritures?  il  en  mettait  en  abondance  dans  son 
»  nouvel  ouvrage.  Dans  une  autre,  dont  la  population  était  mélanco- 
»  lique,  il  employait  le  chant  langoureux.  Savait-il  que  clans  un  en- 
»  droit  on  aimait  le  tambour  dans  l'orchestre?  il  faisait  commencer 
»  l'ouverLure  d'un  opéra  villageois  par  le  roulement  de  cet  instrument 
»  bruyant;  enfin,  était-il  informé  que  dans  une  autre  ville  on  aimait 
»  passionnément  le  crescendo?  il  composait  son  opéra  dans  la  forme 
»  d'un  crescendo  perpétuel  (1).  »  Rien  des  opinions  ont  été  exprimées 
sur  la  musique  de  Rossini  à  l'époque  de  ses  succès;  mais  il  faut  avouer 
que  jamais  son  talent  n'a  été  caractérisé  d'une  manière  si  grotesque. 
Le  grand  reproche  que  lui  fait  Richard  Wagner,  c'est  que,  de  même 
que  le  prince  de  Metternich ,  Mécène  de  l'illustre  maître,  ne  compre- 
nait le  gouvernement  que  dans  la  monarchie  absolue,  Rossini  ne  com- 
prenait l'opéra  qu'au  point  de  vue  absolu  de  la  mélodie  !  L'auteur  de 
Lohengrin  ne  court  pas  le  danger  de  cette  critique. 

«Les  œuvres  de  Weber,  dit  Richard  Wagner,  furent  une  protestation 
contre  le  scandale  des  prodigieux  succès  de  Rossini.  Lui  aussi  fut  mélo- 
diste ;  mais,  plus  près  de  la  nature  que  le  maître  de  Pesaro.il  donna  à 
sa  mélodie  le  caractère  populaire  de  la  chanson  allemande  :  caractère 
franc,  gai,  naturel,  et  non  dénaturé  par  le  luxe  des  fioritures.  Suivant 
l'auteur  du  livre  Opéra  et  Drame,  le  malheur  de  Weber  fut  de  s'exagé- 
rer, surtout  après  le  succès  de  Freischïits,  la  puissance  d'expression 
dramatique  de  la  musique  en  elle-même,  et  de  ne  pas  attacher  assez 
d'importance  à  la  poésie.  Quel  que  fût  le  mérite  de  sa  belle  et  noble 
mélodie  ,  ainsi  que  des  autres  qualités  caractéristiques  de  son  talent,  il 
fit  la  rude  épreuve,  dans  Eurianthe,  de  leur  insuffisance  pour  atteindre 
son  but.  Découragé,  il  tenta  un  dernier  effort  en  faveur  de  la  mélodie 
surun  sujet  féerique  dépourvu  d'intérêt  (Obsron),  et  mourut  àla  peine  !  » 
On  ne  s'attendait  guère  à  voir  dans  Obercn  la  manifestation  de  l'impuis- 
sance dramatique  de  son  auteur,  car  la  nullité  de  la  conception  de  l'au- 

(I)  Ibid,  page  06. 


DE  PARIS. 


259 


teur  de  la  pièce  est  précisément  ce  qui  relève  la  valeur  de  la  musique. 
Je  continue  mes  extraits  du  livre  de  Wagner. 

«  Par  le  caractère  de  sa  mélodie  populaire,  Weber  fixa  l'altenlion  des 
compositeurs  français  sur  une  source  de.  nouveautés  qu'ils  épiaient  de- 
puis longtemps  ;  mais  ils  n'en  aperçurent  que  le  côté  trivial ,  car  la  po- 
pulation de  la  grande  ville  de  Paris,  la  plus  anti-musicale  qu'il  >j  ait 
au  monde,  ne  comprend  que  le  vaudeville.  Chez  elle  se  trouve  le 
triomphe  du  couplet  :  où  le  couplet  finit,  commence  la  contredanse  (1). 
Après  le  succès  de  Robin  des  Bois  commença  donc  la  grande  chasse 
aux  mélodies  populaires  des  pays  étrangers.  Alertes  sur  leurs  jambes, 
les  Français  parcoururent  bientôt  la  Suisse,  l'Allemagne ,  l'Italie  et 
l'Ecosse,  pour  y  rechercher  ces  mélodies  caractéristiques  ;  mais  le  ca- 
valier (Auber),  chevauchant  ça  et  là,  les  devança  tous.  Arrivé  à  Naples, 
il  courut  au  marché  se  mêler  aux  marchandes  de  légumes ,  puis  s'en 
alla  chez  les  pêcheurs  de  Portici.  Sa  provision  faite  de  chants  de  ce 
peuple  criard,  il  revint  à  Paris,  et- fit  de  cela  sa  Muette  !  »  Qu'en  dites- 
vous  ?  Ne  voilà-t-il  pas  une  belle  histoire  d'un  des  plus  beaux  ouvrages 
de  la  scène  française?  Laissez  faire  :  M.  Wagner  n'est  point  au  bout 
de  sa  verve  bienveillaute. 

«  La  Muette  de  Portici  fut  le  signal  d'un  nouveau  genre,  V  opéra  his- 
torique. Dès  ce  moment,  les  sujets  mythologiques  et  grecs  disparurent 
de  l'Académie  royale  de  musique,  et  l'histoire  devint  à  la  mode. 
Guillaume  Tell  acheva  ce  que  la  Muette  avait  commencé,  toujours  avec 
le  secours  des  chants  populaires  (!).  On  ne  s'en  tint  pas  à  ces  mélodies  ; 
car  le  chant  d'église  fut  aussi  considéré  comme  une  partie  nécessaire 
de  l'opéra.  Tout  cela  s'employa  en  son  temps,  d'après  une  formule 
donnée,  acceptée,  et  tout  le  peuple  moutonnier  des  compositeurs  de  se- 
cond ordre  suivit  l'exemple  des  chefs.  Auber  et  Rossini  se  prélassèrent 
dans  le  char  somptueux  de  l'opéra,  riant  dans  leur  barbe  de  leurs  pro- 
cédés de  fabrication.  » 

C'est  dans  ces  circonstances  qu'arriva  Meyerbeer  :  oh  !  pour  ce- 
lui-là, Richard  Wagner  lui  garde  les  traits  les  plus  envenimés  de  sa 
haine  bilieuse.  Son  immense  succès,  dit-il,  est  un,  effet  sans  cause  (2). 
Il  représente  l'auteur  de  Robert- le-Diabte,  des  Huguenots  et  du  Pro- 
phète, comme  serait  un  cuisinier  qui  rassemblerait  toutes  les  épices 
de  l'office  pour  en  assaisonner  un  mets  destiné  à  réveiller  le  palais 
d'un  gastronome  blasé,  mais  qui  serait  peu  soigneux  du  choix  de  la 
viande  relevée  par  ce  moyen.  Wagner  entasse  paradoxes  sur  paradoxes 
pour  démontrer  que  les  vives  impressions  produites  dans  toute  l'é- 
tendue du  monde  civilisé  par  ces  grandes  compositions  ne  sont  que  le 
produit  de  froides  combinaisons,  comme  si  le  feu  pouvait  se  tirer  de  la 
glace  !  La  scène  d'amour  du  quatrième  acte  des  Huguenots  est  la  seule 
qui  trouve  grâce  à  ses  yeux.  M.  Wagner  ne  se  souvient-il  plus  d'avoir 
écrit  en  d'autre  temps,  pour  la  Gazette  musicale  de  Paris,  une  analyse 
de  ces  mêmes  ouvrages,  où  se  faisait  remarquer  une  admiration  sans 
borne  et  peut-être  exagérée  ?  L'article  ne  parut  pas  ;  mais  le  manuscrit 
a  été  conservé.  A-t-il  oublié  les  motifs  qui  lui  dictaient  alors  des  choses 
si  différentes  de  ce  qu'il  écrit  aujourd'hui  ?  Lui  serait-il  agréable  qu'on 
publiât  ce  morceau? 

A  part  les  sentiments  d'envie  et  de  haine  qui  percent  de  tous  côtés 
dans  les  écrits  de  Richard  Wagner,  on  y  remarque  une  idée  principale 
qu'il  essaye  d'étayer  de  tous  les  sophismes  imaginables,  à  savoir,  que 
la  musique  est  incapable  d'arriver  par  elle-même  à  l'intelligence,  et  que 
le  secours  de  la  parole  lui  est  impérieusement  nécessaire  pour  atteindre 
ce  but  :  c'est  pour  cela  que,  nonobstant  son  admiration  pour  Beetho- 
ven, il  le  représente  comme  s'égarant,  par  une  erreur  radicale,  dans 
les  grandes  œuvres  de  la  dernière  période  de  sa  vie,  à  l'égard  de  la 
signification  qu'il  a  prétendu  leur  donner.  Il  appelle  cela  le  malentendu 
de  Beethoven  (5).  «  Ce  grand  artiste,  dit-il,  est,  sous  ce  rapport,  comme 
Christophe  Colomb,  qui  part  pour  trouver  un  nouveau  chemin  qui  con- 

(1)  Ibid.,  page  86. 

(2)  Ibkl,  page  159. 

(3)  Ibid.,  page  lll. 


duise  aux  Grandes-Indes,  et  qui  découvre  l'Amérique  (1).  La  musique 
instrumentale  du  maître  montre  avec  évidence  une  immense  activité 
intérieure,  aclivilé  qui  n'a  plus  d'analogie  avec  celle  de  ses  prédéces- 
seurs ;  mais  ce  que  produit  cette  activité  ne  peut  être  saisi  que  par  la 
sensibilité,  et  reste  un  problème  pour  l'intelligence.  Beethoven  fait, 
d'ordinaire,  sur  nous  l'impression  d'un  homme  qui  a  quelque  chose  à 
nous  dire,  mais  qui  cependant  ne  peut  nous  l'expliquer  clairement  ; 
tandis  que  ses  successeurs  (Mendelssohn  et  son  école)  nous  font  con- 
naître d'une  manière  très-claire  et  très-prolixe,  bien  que  quelquefois 
gracieuse,  qu'ils  n'ont  rien  à  nous  dire  (2).  Hector  Berlioz,  homme 
d'une  rare  intelligence  musicale,  a  poussé  l'erreur  de  Beethoven  à  ses 
dernières  limites.  Les  dernières  pensées  les  plus  obscures  du  maître, 
tombant  sous  ses  yeux,  le  jetèrent  dans  le  vertige.  Persuadé  qu'il 
voyait  des  figures  réelles  et  colorées  là  où  il  n'y  avait  que  des  spectres 
et  des  apparences  trompeuses,  il  entreprit  de  réaliser  ses  rêves  et  d'en 
faire  comprendre  la  signification.  Ce  qu'il  avait  à  dire  était  si  bizarre, 
si  inaccoutumé,  si  totalement  dépourvu  de  naturel,  qu'il  ne  pouvait  le 
rendre  saisissable  par  des  moyens  ordinaires  :  il  imagina  donc  un  im- 
mense appareil  de  machines  compliquées  dont  la  conception  seule  in- 
dique une  organisation  toute  exceptionnelle.  L'orchestre  de  Berlioz  est 
un  miracle  de  mécanique.  Nous  devons  le  considérer  lui-même  comme 
le  grand  industriel  de  la  musique  ;  car  c'est  lui  qui  a  rendu  possible  aux 
musiciens  de  faire  entendre,  sous  la  forme  la  plus  merveilleuse,  les  idées 
les  plus  futiles  et  les  moins  artistiques.  Il  n'est  pas  vraisemblable  que 
Berlioz  ait  cherché,  au  commencement  de  sa  carrière,  la  gloire  d'un 
inventeur  de  mécaniques  musicales;  il  y  aura  été  poussé,  à  son  insu, 
par  l'instinct;  mais  à  son  insu,  aussi,  il  était  destiné  à  périr,  comme  ar- 
tiste, dans  ses  machines,  et  à  s'enfoncer  dans  le  matérialisme  (3) .  » 

On  voit  que  l'histoire  de  la  musique  n'est  pour  Richard  Wagner  que 
celle  de  l'impuissance  ou  de  l'erreur.  Les.  artistes  mêmes  auxquels  il 
accorde  des  éloges  s'égarent  toujours  en  se  dirigeant  vers  le  but.  C'est 
qu'il  fallait  bien  que  ce  but  eût  été  manqué  pour  tout  le  monde,  pour 
que  Wagner  le  découvrît  et  y  parvînt.  Tel  est  le  secret  de  la  publica- 
tion des  livres  par  lesquels  il  a  voulu,  d'une  part ,  venir  en  aide  à  ses 
compositions  infortunées,  et  de  l'autre,  se  venger  des  succès  d'autrui. 
Impuissant  à  cultiver  l'art  dans  son  domaine  idéal,  il  le  dédaigne,  le 
rapetisse  avec  astuce  et  feint  de  n'y  voir  que  des  conventions  puériles, 
afin  d'arriver  à  la  démonstration  de  la  nécessité  de  l'art  positif.  Il  est 
de  toute  évidence  que  M.  Wagner  est  un  des  adeptes  de  cette  philoso- 
phie du  positivisme  dont  M.  Auguste  Comte  est  le  fondateur  en  France, 
et  qui  a  pour  organes  en  Allemagne  quelques-uns  des  élèves  de  Hegel. 
Comme  lui,  ces  philosophes  suppriment  le  génie  et  lui  substituent 
l'action  de  la  force  vitale  ;  comme  lui,  ils  repoussent  l'idéal  ;  comme 
lui  enfin,  ils  veulent  limiter  les  émotions  de  la  sensibilité  et  les  fantai- 
sies de  l'imagination  au  profit  de  la  clarté  des  idées.  L'unité  est  le  but 
de  la  philosophie  positive  ;  c'est  aussi  l'unité  que  recherche  M.  Richard 
Wagner  dans  sa  fusion  de  la  musique  et  de  la  poésie  en  un  seul  lan- 
gage. Non-seulement  les  religions  révélées  sont  anéanties  par  le  posi- 
tivisme, mais  même  la  religion  naturelle,  le  sentiment  religieux,  sont 
sacrifiés  à  un  seul  culte  :  celui  de  l'humanité.  On  a  vu  que  telles  sont 
aussi  les  doctrines  de  Richard  Wagner.  Ici  pourtant  une  différence 
s'établit  fia  voici  :  M.  Auguste  Comte  à  Paris,  et  M.  Feuerbach  à  Ber- 
lin, prêchent  le  culte  de  l'humanité.  Mais  M.  Max  Stirner,  élève  de 
M.  Feuerbach,  et  plus  avancé  que  son  maître,  a  publié,  en  18/|6,  un 
livre  dans  lequel  il  établit  que  l'homme  ne  doit  avoir  d'autre  Dieu  que 
lui-même,  et  qu'il  doit  s'adorer.  Or  c'est  là  le  terme  final  auquel  est 
parvenu  Richard  Wagner  :  il  s'adore  lui-même  et  résume  en  lui  l'hu- 
manité tout  entière. 

FÉTIS  père. 

(1)  Ibid.,  page  114. 

(2)  Ibid.,  page  121. 

(3)  Ibid.,  pages  113-135. 


260 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


THÉÂTRE  DE  L'OPËRACOfflQDE. 

Reprise  de  GirttMa. 

Ce  charmant  imbroglio  espagnol,  intrigué  comme  le  Mariage  de  Fi- 
garo, et  cette  partition  si  vivace  de  mélodies  ,  d'une  instrumentation 
leste,  pimpante,  animée  et  scénique,  étaient  tellement  restés  dans  le 
souvenir,  dans  les  oreilles  des  auditeurs  et  des  amateurs  de  la  comédie 
amusante,  qu'on  croyait  avoir  vu  et  entendu  tout  cela  la  veille,  ou  du 
moins  peu  de  jours  avant.  L'ouvrage  et  les  auteurs  s'étaient  cependant 
bien  et  dûment  reposés,  et  Giralda  n'était  plus,  comme  on  dit  en  ter- 
mes de  coulisses,  au  courant  du  répertoire;  elle  y  a  repris  sa  place,  et 
les  auteurs,  les  acteurs,  l'administration  et  les  amateurs  du  véritable 
genre  de  l'opéra  comique  n'auront  qu'à  s'en  féliciter.  Mlle  Miolan, 
Mme  Meillet-Meyer,  MM.  Ricquier  et  Sainte-Foy  ont  seuls  gardé  leurs 
rôles.  Ceux  du  roi  et  de  Don  Manoel  sont  convenablement  joués  et 
chantés  par  MM.  Dufrène  et  Meillet,  qui  nous  représente  le  personnage 
du  mari  de  la  reine,  dans  lequel  il  pourrait  montrer  un  peu  plus  de 
distinction  et  dont  il  semble  vouloir  faire  un  roi  pour  rire.  11  n'est  pas 
nécessaire  de  respecter  les  traditions  de  ses  prédécesseurs  à  ce  point. 
Du  reste,  s'il  manque  de  noblesse,  comme  M.  Bussine  qui  a  créé  ce 
rôle,  il  le  chante  fort  bien  aussi.  Si  M.  Dufrêne  n'est  pas  précisément 
un  ténor  léger,  en  fait  de  diction  et  de  chant,  il  dit  juste  et  bien,  et  se 
tire  d'une  façon  convenable  de  la  partie  lyrique.  La  pièce  n'a  donc 
rien  perdu  à  la  nouvelle  distribution.  Le  courtisan  possesseur  de  deux 
femmes  malgré  lui,  mari  tremblant  de  se  voir  enlever  ce  litre  de  bi- 
game par  son  souverain,  est  représenté  par  M.  Ricquier  de  la  manière 
la  plus  amusante  ;  et  le  personnage  du  meunier  qui  vend  à  beaux  de- 
niers comptants  sa  qualité  de  futur  époux  de  la  gentille  Giralda,  est 
étourdissant  de  verve  folle  et  de  gaîté  rapace  sous  la  figure  continuel- 
lement étonnée  et  comique  de  M.  Sainte-Foy. 

Mme  Meyer-Meillet  fait  un  rôle  essentiel  du  personnage  de  la  reine, 
par  sa  taille,  sa  diction  et  sa  tenue  excellente.  La  cheville  ouvrière  de 
cette  jolie  machine  dramatique  et  musicale,  l'héroïne  de  cette  amu- 
sante intrigue,  est  le  personnage  de  Giralda,  représentée  d'une  grâce 
charmante  par  Mlle  Miolan.  Si  Mlle  Miolan  se  veut  préoccuper  un  peu 
des  cordes  graves  de  sa  voix  dans  le  dialogue  comme  dans  le  chant  ; 
si  elle  veille  à  ne  pas  prendre  la  tenue  d'une  personne  qui  joue  à  colin- 
maillard,  étendant  les  deux  bras  en  avant  pour  attraper  un  successeur 
à  ce  jeu  innocent,  elle  deviendra  ce  qu'elle  est  déjà  à  peu  de  chose 
près,  une  actrice  et  une  cantatrice  charmante,  la  prima  donna  assoluta 
de  l'Opéra-Comique.  Elle  a  pour  concurrente  à  ce  premier  rang,  dans 
ce  théâtre  si  riche  en  sujets  lyriques,  Mme  Ugalde  et  Mlle  Lefèbvre.  Une 
analyse  creusée  et  une  comparaison  consciencieusement  faite  des  ta- 
lents de  ces  trois  charmantes  virtuoses  ne  seraient  pas  inutiles  à  l'art  ; 
et  comme  disait  Talma  dans  son  rôle  de  Sylla:  J'y  songerai  ! 

La  première  représentation  de  la  reprise  de  Giralda  a  été  une  véri- 
table solennité  dramatique  pour  l'effet  de  la  pièce,  de  la  musique,  pour 
la  chaleur  des  acteurs,  de  l'orchestre  et  surtout  celle  de  la  salle. 


THÉÂTRE  DES  VARIÉTÉS. 

FrédérficK  ILemaîtrc  dans  le  Moi  îles  Brûles. 

La  virluoserie  se  repose,  et  pendant  le  chômage  des  donneurs  de 
concerts,  il  nous  est  loisible  de  jeter  un  coup  d'oeil  sur  les  faits  et  ges- 
tes de  quelques-uns  de  nos  grands  artistes  de  l'art  dramatique.  Per- 
sonne ne  conteste  ce  titre  à  Frederick  Lemaître.  Nous  disions,  dans 
une  esquisse  biographique  de  cet  acteur  exceptionnel  :  Oh  !  celui-là, 
c'est  le  comédien  de  tous  les  temps,  de  tous  les  pays,  de  tous  les  rè- 
gnes. C'est  Néron,  vainqueur  des  jeux  olympiques;  c'est  le  comique  et 
tragique  Roscius,  le  mime  Bathylle  ;  et,  pour  sauter  bon  nombre  de  gé- 
nérations d'acteurs,  c'est  le  vaniteux  Baron  avec  l'esprit  de  La  Rancune 
du  Roman  comique  deScarron  ;  il  y  a  en  lui  du  Garrick,  du  Lekain,  du 
Préville,  du  Taconnet,  du  Talma,  mais  surtout  du  Kean. 

Comme  le  fameux  acteur  anglais,  il  est  grand  artiste,   mais  capri- 


cieux, fantastique  et  parfois  tyran  ;  il  règne  avec  hauteur  sur  ses  cama- 
rades, et  cependant  il  est  bon  diable.  Fou  d'argent,  il  le  dépense  avec 
folie.  Original  par  nature,  il  affecte  l'originalité.  Joueur  par  boutade, 
buveur  par  goût,  et  par  conséquent  d'humeur  inégale,  Frederick  Le- 
maître, qui  semble  ne  jouer  la  comédie  que  d'inspiration,  analyse  on 
ne  peut  mieux,  non-seulement  l'esprit,  le  caractère  du  rôle  dont  il  est 
chargé,  mais  toutes  les  parties  d'un  ouvrage  dramatique. 

Et  maintenant,  que  vous  dire  des  antécédents  de  cet  artiste  excen- 
trique ?  Qu'importe  de  savoir  où  et  quand  il  est  né  ?  En  serez-vous  plus 
avancé  quand  vous  saurez  que  Frederick  Lemaître  a  vu  le  jour  à  Paris 
ou  à  Constantinople?  qu'il  a  été  acrobate,  mime,  figurant?  que  le 
Conservatoire  l'a  fait  passer  sous  son  niveau  pour  en  faire,  à  l'Odéon, 
un  confident  de  tragédie  ? 

Une  sèche  biographie  vous  dépoétiserait  Frederick,  et  nous  sentons 
le  besoin  d'idéaliser  nos  acteurs  à  réputation  ;  de  leur  prêter  des  goûts, 
des  caprices  étranges,  fantastiques.  Le  bon  bourgeois  de  Paris  ne  peut 
se  persuader  que  celui  qui  peignit  avec  tant  de  vérité  Georges,  du 
Joueur;  Edgard,  de  Ravenswood;  Cartouche,  dans  lequel  il  était  si 
poétiquement  audacieux  ;  Richard  d'Arlington ,  ce  grand  et  vrai 
tableau  de  l'ambition  ;  on  ne  peut  se  persuader,  disons-nous,  qu'un 
tel  comédien  soit  un  homme  ordinaire ,  et  l'on  ne  se  trompe  pas 
trop.  Frederick  est  un  résumé  de  la  société  actuelle  ;  et  comme  il 
y  a  dans  cette  société  de  la  rouerie ,  du  cynisme  et  toutes  sortes 
de  belles,  bonnes  et  grandes  choses ,  le  talent  de  Frederick  la  re- 
flète merveilleusement.  Il  manque  à  cet  artiste  éminent  de  se  des- 
siner largement  dans  un  personnage  historique  qui  lui  fasse  repren- 
dre la  place  que  ses  grands  rôles  lui  avaient  donnée.  En  atten- 
dant, il  vient  de  nous  représenter  un  personnage  qui  est  du  domaine 
de  l'art  musical,  le  neveu  de  Rameau,  notre  illustre  compositeur  fran- 
çais; le  neveu  de  Rameau,  que  Diderot  avait  surnommé  le  roi  des  drô- 
les, musicien  lui-même,  organiste  de  la  chapelle  du  roi,  espèce  de  pa- 
rasite, de  mauvais  sujet  dans  le  genre  de  Robert-Macaire ,  de  César  de 
Bazan,  de  Paillasse  même  ou  de  Tragaldabas  de  malencontreuse  mé- 
moire, se  servant  de  la  langue  exceptionnelle  d'Arnal  dans  toutes  les 
pièces  de  M.  Duvert.  qui,  du  reste,  nous  avait  dit  d'avance  à  nous- 
même  qu'il  n'y  avait  pas  de  pièce  dans  le  Roi  des  Drôles.  Qu'importe? 
Frederick,  qui  y  tient  le  dé  de  la  conversation,  supprimera  la  première 
lettre  de  ce  mot  ou  de  la  qualification  qu'on  donne  à  ce  personnage, 
et,   par  son  talent  créateur,  il  saura  bien  en  faire  le  roi  des  rôles. 

Mlle  Clarisse  Miroy  joue  et  chante  dans  la  pièce  le  rôle  de  Mme  Ra- 
meau en  bonne  comédienne  qu'elle  est,  et  en  presque  cantatrice,  di- 
sant avec  intelligence  musicale  bien  sentie  de  jolis  airs  fort  bien 
choisis  par  M.  Nargeot.  On  peut  ajouter  à  ces  termes  d'art  la  for- 
mule sacramentelle  que  Frederick  Lemaître,  en  Roi  des  Drôles,  fera 
beaucoup  d'argent. 


THÉÂTRE  DE  LÂSBÏGU-COMI0UE. 

Sous  le  titre  modeste  de  Berthe  la  Flamande,  la  nouvelle  adminis- 
tration de  l'Ambigu  a  donné  un  drame  émouvant,  saisissant,  qui  fait 
pleurer  son  public  tous  les  soirs ,  public  populaire  et  distingué ,  car 
les  auteurs  ont  réussi  à  frapper  au  cœur  de  toutes  les  classes  de  la  so- 
ciété, par  une  peinture  vraie,  attachante  et  dramatique  de  la  cour  de 
Charles  II,  roi  d'Angleterre.  Il  faut  dire  aussi  que  la  manière  dont  la 
belle  Mme  Guyon  joue  le  rôle  de  Berthe  la  Flamande,  n'est  pas  pour 
peu  dans  la  cause  qui  fait  que  la  foule  se  porte  au  théâtre  de  l'Ambigu- 
Comique ,  soit  qu'elle  se  montre  astucieusement  commerciale  comme 
un  homme  d'affaires,  soit  qu'elle  agisse  et  parle  à  la  cour  en  fière  lady, 
soit  qu'elle  peigne  la  maternité  ;  Mme  Guyon  a  composé  le  rôle  de 
Berthe  en  grande  comédienne  ;  elle  y  déploie,  avec  une  noble  expan- 
sion d'âme,  une  pure  et  irréprochable  diction. 

Henri  BLANCHARD. 


DE  PARIS. 


261 


CONSERVATOIRE  NATIONAL  DE  MUSIQUE  ET  DE  DÉCLAMATION. 

Concourt!  publIrH. 

Réparons  d'abord  une  omission  dans  la  liste  des  accessits  obtenus 
au  concours  de  chant  par  les  élèves-femmes.  Nous  avons  dit  que  le 
premier  avait  été  décerné  conjointement  à  Mlles  Dielsch  et  Rey  ;  le 
troisième,  à  Mlles  Sannier  et  Amélie  Bourgeois.  Le  second  l'a  été  de 
même  à  Mlle  Girard,  élève  de  Révial ,  et  à  Mlle  Rigolât,  élève  de 
Mme  Damoreau,  et  cette  double  mention  était  restée  incomplète  dans 
notre  compte- rendu. 

Jamais  concours  de  chant  n'avait  été  aussi  nombreux ,  du  moins 
pour  les  hommes.  Il  n'y  avait  pas  moins  de  vingt-trois  concurrents,  et, 
parmi  eux,  ce  n'étaient  pas  les  voix  dont  l'absence  se  faisait  le  plus 
sentir.  Beaucoup  d'éducations  sont  encore  imparfaites ,  mais  il  ne 
s'agit  que  d'élèves  ;  on  l'oublie  trop  souvent,  quand  on  vient  au  Con- 
servatoire. Comme  il  faut  toujours  se  plaindre  de  quelque  chose,  on 
trouve  les  concours  trop  riches  ou  trop  pauvres,  trop  longs  ou  trop 
courts.  Chaque  système  a  son  danger,  sans  doute  ;  on  nous  permettra 
de  croire,  après  mûr  examen  et  expérience  faire,  que  celui  qui  en- 
courage et  facilite  est  préférable  à  celui  qui  comprime  et  repousse. 
Un  ancien  l'a  dit  :  «  Dans  l'éloquence  comme  dans  les  arts,  pour  qu'un 
petit  nombre  excelle,  il  faut  qu'une  multitude  s'essaye.  »  C'est  la  règle 
que  l'on  doit  suivre  au  Conservatoire  plus  qu'ailleurs. 

M.  Faure,  qui  a  mérité  le  premier  prix  de  chant,  possède  une  excel- 
lente voix  de  baryton ,  et  sait  à  peu  près  tout  ce  qu'il  faut  savoir  pour 
réussir  au  théâtre.  M.  Bonnehée,  le  second  prix ,  le  suit  de  près ,  et 
M.  Crambade,  qui  a  partagé  le  premier  accessit  avec  M.  Wicard ,  ne 
tardera  pas  à  marcher  sur  les  brisées  de  l'un  et  de  l'autre  :  ce  sont  trois 
barytons  de  nature  vraiment  distinguée.  Quant  à  M.  Wicard,  c'est  un 
ténor  qui ,  dès  demain,  produirait  beaucoup  d'effet  dans  un  ou  deux 
morceaux  ;  mais,  pour  chanter  un  rôle  entier,  il  faut  se  ménager  plus 
qu'il  ne  le  fait,  chanter  avec  moins  de  force  et  plus  de  mesure,  de 
rhythme.  Il  y  a  de  l'espoir,  beaucoup  d'espoir  dans  les  deux  seconds 
accessits,  MM.  Bétout,  ténor,  et  Bonheur,  baryton.  Les  deux  troisièmes, 
MM.  Codelaghi  et  Boulanger,  tous  deux  barytons,  peuvent  devenir  des 
artistes,  sinon  très-brillants,  du  moins  fort  utiles. 

Pas  de  premier  prix  de  chant  dans  le  concours  des  femmes  :  c'était 
là  une  grande  nouveauté.  Le  jury  a  voulu  témoigner  qu'il  trouvait  le 
concours  de  cette  année  inférieur  à  ceux  des  années  précédentes ,  et 
cela  s'explique.  Dès  qu'une  jeune  personne  obtient  un  second  prix,  un 
accessit  même,  et  qu'indépendamment  de  son  talent  musical  elle  a  un 
peu  de  figure,  de  tournure,  les  théâtres  s'en  emparent,  et  le  Conser- 
vatoire se  la  voit  enlever.  Que  le  Conservatoire  s'y  oppose  :  il  le  peut, 
dira-t-on.  Oui,  certes,  le  Conservatoire  a  le  droit  de  refuser  sa  permis- 
sion ;  il  a  le  droit  d'empêcher  un  jeune  homme,  une  jeune  fille  de 
signer  un  engagement  avant  la  fin  de  ses  études.  Mais  si  cet  engage- 
ment, et  c'est  trop  souvent  le  cas,  doit  donner  du  pain  à  toute  une  fa- 
mille, s'il  doit  mettre  fin  à  des  misères  noblement  supportées ,  croyez- 
vous  qu'il  soit  si  facile  au  Conservatoire  d'user  de  ses  droits?  L'art  en 
souffre  peut-être,  mais  l'humanité  en  profite,  et,  dans  la  balance  des 
intérêts,  c'est  l'humanité  qui  l'emporte  toujours. 

Encore  quelques  progrès,  et  Mlle  Boulart,  Mlle  Geismar,  qui  ont  par- 
tagé le  second  prix,  s'élèveront  au  premier.  Nous  en  dirons  autant  de 
Mlle  Dietsch,  charmant  spécimen  de  la  méthode  de  Mme  Damoreau;  de 
Mlle  Rey,  élève  de  Révial,  qui  ont  partagé  le  premier  accessit;  de 
Mlles  Rigolât,  autre  élève  de  Mme  Damoreau,  et  de  Mlle  Girard,  autre 
élève  de  Révial  qui  ont  partagé  le  second.  Mlles  Sannier  et  Amélie 
Bourgeois,  à  qui  le  troisième  est  échu,  sont  douées  de  voix  robustes, 
que  le  grand  Opéra  réclame.  Le  chant  de  la  première  est  un  peu  ro- 
cailleux ;  celui  de  l'autre  a  besoin  d'acquérir  plus  d'expression  et  de 
nuances. 

Pourquoi  donc  MM.  les  professeurs  de  chant  persistent-ils  dans  un 
choix  malheureux  d'airs  étrangers,  traduits  en  uu  français  plus  malheu- 


reux et  plus  étranger  encore?  C'est  non-seulement  une  injure  gratuite 
aux  maîtres  de  notre  école,  aux  producteurs  illustres  et  féconds  qui 
alimentent  nos  théâtres  et  ceux  de  l'Europe  c'est  de  plus  un  outrage  au 
bon  goût,  et  un  écueil  placé  sous  les  pas  de  leurs  élèves,  à  moins  que 
ceux-ci  ne  se  le  placent  d'eux-mêmes  pour  venir  s'y  briser,  comme  de 
vrais  étourneaux  qu'ils  sont,  et  la  catastrophe  n'est  pas  sans  exemple. 

Pourquoi  aussi,  dans  le  concours  d'opéra  comique,  cette  reproduc- 
tion presque  périodique  d'une  scène  ou  de  plusieurs  scènes  baptisées 
du  titre  de  :  V Italienne  à  Alger?  Et  savez-vous  ce  qu'il  y  a  de  l' Ita- 
lienne dans  ce  monstrueux  pastiche  ?  Un  air  de  Scmiramis,  un  duo  de 
Zelmire,  et  un  dialogue  indigne  des  tréteaux.  M.  Faure  est  bien  heu- 
reux d'avoir  ajouté  à  cette  macédoine  le  trio  de  Pappatacci,  qui  nous 
faisait  un  peu  rentrer  dans  le  sujet,  encore  plus  heureux  d'avoir  chanté 
le  tout  à  merveille,  ce  qui  lui  a  valu  un  premier  prix,  malgré  l'Ita- 
lienne plutôt  qu'à  cause  de  l'Italienne.  Espérons  que  cet  indigeste  frag- 
ment disparaîtra  pour  jamais  du  répertoire  de  l'école. 

Voici  le  résultat  du  concours  d'opéra  comique  pour  les  élèves  des 
deux  sexes. 

Classes  des  hommes.  —  l°r  prix  :  MM.  Faure,  élève  de  Moreau- 
Sainti  ;  et  Beckers,  élève  de  Morin.  2e  prix  :  M.  Sapin,  élève  de  Moreau- 
Sainti.  1"  accessit  :  M.  Codelaghi ,  élève  de  Morin.  2e  accessit  : 
M.  Bonnehée,  élève  du  même.  3e  accessit  :  M.  Holtzem,  élève  du 
même. 

Classes  des  femmes.  —  Pas  de  premier  prix,  comme  pour  le  con- 
cours de  chant.  2'  prix  :  Mlles  Boulard,  élève  de  Moreau-Sainti  ;  et 
Girard,  élève  de  Morin.  1er  accessit  :  Mlle  Geismar,  élève  de  Morin. 
2e  accessit  :  Mlle  Rey,  élève  du  même.  3'  accessit  :  Mlle  Klotz,  élève  de 
Moreau-Sainti. 

Ce  qu'il  y  a  eu  de  plus  remarquable  dans  ce  concours,  d'abord  lan- 
guissant et  faible,  c'est  vers,  la  fin,  l'exécution  presque  intégrale  de 
l'Eau  mirveilleuse,  ce  bouffon  chef-d'œuvre  de  Grisar,  par  MM.  Bec- 
kers, Holtzem,  Codelaghi,  Mlle  Girard;  et,  immédiatement  après,  celle 
d'un  fragment  d'Actéon,  par  Faure  et  Mlle  Boulart. 

Dans  le  grand  opéra,  ni  les  hommes  ni  les  femmes  n'ont  obtenu  de 
premier  prix.  Voici  comment  le  jury  a  distribué  les  récompenses. 

Classes  des  hommes.  —  2°  prix  :  MM.  Wicard,  élève  de  Duvernoy; 
Bonnehée,  élève  du  même.  1"  accessit  :  M.  Sapin,  élève  du  même. 
2e  accessit  :  M.  Jollois,  élève  du  même.  3e  accessit  :  M.  Crambade, 
élève  de  Levasseur. 

Classes  des  femmes.  —  1'  prix  :  Mlles  Geismar,  élève  de  Levasseur  ; 
Dherbay,  élève  de  Duvernoy.  1er  accessit  :  Mlle  Rey,  élève  de  Duvernoy. 
2e  accessit  :  Mlle  Amélie  Bourgeois,  élève  de  Levasseur.  3°  accessit  : 
Mlle  Rimbaut,  élève  du  même  professeur. 

Malgré  l'absence  de  premier  prix,  plusieurs  scènes  très-bien  rendues 
ont  été  chaudement  applaudies,  notamment  celle  du  second  acte  de 
Charles  VI ,  chantée  par  Bonnehée  et  Mlle  Dherbay  ;  le  trio  de  Guil- 
laume Tell,  chanté  par  Wicard,  Bonnehée  et  Frèret;  le  troisième  acte 
à' Othello,  chanté  par  M.  Sapin  et  Mlle  Geismar;  le  fragment  du  second 
acte  de  la  Juive,  chanté  par  Mlle  Rey  et  M.  Sujol,  ancien  élève  lauréat, 
qui  a  bien  voulu  venir  en  aide  à  ses  jeunes  camarades,  et  qui  n'a  pas 
moins  fait  preuve  de  zèle  que  de  talent. 

Entre  les  concours  d'opéra  comique  et  de  grand  opéra  se  trouvait 
placé  celui  des  instruments  à  vent,  dans  lequel  les  concurrents  sont 
toujours  en  si  petit  nombre,  que  presque  tous  obtiennentdes  prix  et  au- 
tres distinctions.  Voici  la  liste  de  cette  année,  dans  l'ordre  qu'avait  fixé 
le  sort. 

Cor  à  pistons.  —  (Professeur  M.  Meifred.)  Pas  de  premier  prix  ; 
2°  prix  :  M.  Lefebvre.  1er  accessit  :  M.  Carmont,  aveugle. 

Basson.  —(Professeur,  M.  Cokken.  )  1er  prix:  M.  Villaufret; 
2e  prix  :  M.  Jullien.  1"  accessit,  M.  Bardin. 

Clarinette.  —  (Professeur,  M.  Klosé).  1"  prix,  MM.  Desormeaux  et 
Boutmy  ;  2e  prix  :  M.  Ledé.  Pas  d'accessit. 

Trombone.  —  (Professeur,  M.  Dieppo.)  1"  prix  :  M.  Sauret  ;  2e  prix  : 
M.  Chattelyn. 


262 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


Hautbois.  — (Professeur,  M.  Vogt.)  1"  prix  :  M.  Colin  ;  2e  prix  : 
M.  Klemmer.  1er  accessit  :  M.  Dordet  ;  2e  accessit  :  M.  Blanchet  ; 
aveugle  ;  3e  accessit,  M.  Ortmans. 

Trompette.  —  (Professeur,  M.  Dauverné.)  Pas  de  premier  prix  ; 
2e  prix  :  M.  Guignery.  1"  accessit  :  M.  Pilliard  ;  2e  accessit  :  M.  Lam- 
bert ;  3e  accessit  :  Lagarde. 

Flûte.  — •  (Professeur,  M.  Tulou.)  1"  prix  :  M.  Heimback;  2e  prix  : 
M.  Alvès. 

Cor.  —  (Professeur,  M.  Gallay.)  1er  prix  :  M.  Bonnefoy  1";  2e prix: 
M.  Pothin  ;  3e  accessit,  M.  Bonnefoy,  h'- 

Enfin,  la  tragédie  et  la  comédie  ont  clos  l'ordre  et  la  marche.  Dans 
la  tragédie,  M.  Vonoven  a  obtenu  un  second  prix,  et  il  n'y  a  pas  eu 
d'autre  prix  ni  accessit  :  les  concurrents  n'étaient  que  deux.  Dans  la 
comédie,  au  contraire,  deux  premiers  prix  ont  été  décernés  aux  clas- 
ses d'hommes  et  de  femmes.  MM.  Lesage  et  Gilles  de  Saint-Germain 
ont  partagé  le  premier  prix  des  hommes  ;  M.  Vonovem,  déjà  nommé, 
le  second  prix;  M.  Buthiau,  le  premier  accessit,  et  M.  Tuchmann  le  se- 
cond. Parmi  les  femmes,  Mlles  Valérie  et  Arrène  ont  mérité  le  premier 
prix;  Mlle  Dubois,  le  second  ;  Mlles  Féraudy  et  Rousselle,  le  premier 
et  le  second  accessit. 

Et  voilà  pour  toute  une  année  de  travaux,  d'efforts,  de  succès  et  de 
revers  !  Que  de  désappointements,  de  douleurs  même  à  côté  de  quelques 
bonheurs  inatlendus,  de  quelques  récompenses  inespérées  !  Ainsi  va  le 
monde  !  Le  temps  nous  manque  pour  traiter  une  question  soulevée, 
dit-on,  par  plusieurs  professeurs,  qui  demandaient  qu'on  supprimât  les 
applaudissements  :  ils  auraient  été  les  premiers  punis.  M.  Auber  a  sa- 
gement fait  de  mainlenir  l'usage,  et  nous  devons  constater  que  jamais 
l'auditoire  n'en  a  profité  plus  judicieusement,  avec  indulgence  toujours, 
mais  aussi  toujours  avec  justesse  et  justice.  P.  S. 


Dusseldorff,  4  août  1852. 

J'ai  pensé  qu'il  ne  serait  peut-être  pas  sans  intérêt  pour  vous  de  rece- 
voir d'un  témoin  oculaire  quelques  détails  sur  le  grand  concours  de 
chant  en  chœur  qui  vient  d'avoir  lieu  à  Dusseldorû",  les  1,  2,  et  3  août. 

Je  laisse  de  côté  la  question  de  savoir  si  ces  sortes  de  joutes  musicales, 
où  il  y  a  toujours  nécessairement  des  vaincus  et  des  mécontents,  sopt 
véritablement  utiles  au  progrès  de  l'art.  Il  est  des  gens  sérieux,  trop  sé- 
rieux, qui  prétendent  le  contraire,  mais  ceci  n'est  pas  de  mon  ressort. 

Dusseldorff  avait .  donc,  ces  jours  passés,  un  air  de  fête.  Pas  une  rue, 
pas  une  maison,  qui  ne  fût  ornée  de  bannières  et  de  guirlandes  de  feuil- 
lage; il  était  facile  de  voir  que  la  ville  entière  s'associait  à  la  solennité 
du  jour. 

La  salle  du  concours,  immense  comme  la  nef .  d'une  cathédrale,  était 
pleine  d'un  public  enthousiaste.  A  l'une  des  extrémités,  sur  une  vaste  es- 
trade, se  tenaient  les  vingt  et  une  sociétés  de  chant  qui  étaient  venues 
prendre  part  à  la  lutte.  Chaque  groupe  se  reconnaît  à  son  drapeau.  Fer- 
dinand Ililler  et  Robert  Schumann  sont  à  la  tête  du  jury  musical. 

Et  d'abord  voici  défiler  le  menu  fretin  des  sociétés  chorales.  Elles 
Viennent  des  bourgades  et  villages  environnants  ;  on  le  devine  à  cette  te- 
nue sans  apprêt  et  à  ces  mains  privées   de  gants.  Voici  les  liedertaf^  l  de 

Neuss,  de  Gladbach,  de  Essen,  etc Qui  jamais  a  entendu  ces  noms-là? 

Et  cependant  quelles  voix  fraîches,  quels  timbres  sonores,  et  quel  sen- 
timent des  nuances  !  Le  public  les  applaudit  avec  acclamation,  et  déjà  m 
petto  il  a  nommé  les  vainqueurs. 

Mais  voici  les  sociétés  de  premier  rang  qui  entrent  à  leur  tour  dans  la 
lice.  Ce  sont  les  cohortes  serrées  de  Bonn,  de  Cologne,  d'Elberfeld.  Quel  ad- 
mirable ensemble  ;  et  comment  vous  dire  l'enthousiasme  qui  s'est  emparé 
des  auditeurs  lorsque  la  Concordia,  de  Bonn,  a  entonné  ce  bel  hymne  de 
Mendelssohn  : 

So  rûckt  denn  in  die  Runde  ! 

Quel  triomphe  pour  l'art  vocal,  qui,  sans  le  prestige  de  la  scène,  et  même 
sans  l'appui  de  l'orchestre,  sait  produire  de  si  fortes  émotions. 

Deux  soirées  furent  consacrées  tout  entières  à  ces  luttes  pleines  d'in- 
térêt. La  troisième  n'a  pas  été  la  moins  belle.  L'élite  des  sociétés  chan- 
tantes, c'est-à-dire  300  voix  environ,  s'est  réunie  à  un  nombreux  orches- 
tre pour  un  concert  que  dirigeait  R.  Schumann. 

La  séance  s'ouvrit  par  l'ouverture  en  ut  majeur  (œuv.  12&)  de  Beethoven, 
presque  inconnue  en  France.  Le  génie  du  maître  s'y  manifeste  sous  sa  der- 
nière forme,  et  cette  œuvre  puissante  porte  l'empreinte  de  ce  penchant 


qui  entraîna  Beethoven  dans  ses  derniers  ouvrages  vers  le  style  fugué  et 
les  formes  polyphoniques. 

Après  un  hymne  pour  voix  d'hommes,  de  Schnabel,  et  un  air  du  Faust, 
de  Spohr,  chanté  par  Mlle  Schloss,  Mme  Schumann  (née  Clara  Wiek,  j  oua 
le  concerto  en  mi  bémol,  de  Beethoven,  comme  il  n'est  donné  qu'à  elle  et 
à  Liszt  de  le  jouer.  Quant  à  l'orchestre,  il  y  fut  admirabie  d'intelligence  et 
de  discrétion.  La  première  partie  du  concert  fut  terminée  par  le  Calme 
de  la  mer  (Meeresstille)  pour  chœur  et  orchestre,  par  Fischer,  jeune  com- 
positeur, qui  habite  Mayence.  Cette  poésie  de  Goethe  a  déjà  inspiré  plus 
d'un  musicien  et  des  plus  illustres.  M.  Fischer  n'a  pas  craint  de  redouta- 
bles souvenirs,  et  il  s'en  est  tiré,  il  faut  le  dire,  avec  beaucoup  de  talent. 
Le  public  bissa  le  morceau,  et  le  compositeur  reçut  une  véritable  ovation 
avec  Twch  (fanfare  de  l'orchestre).  La  deuxième  partie  s'ouvrit  par  une 
ouverture  de  Schumann  pour  la  tragédie  de  Shakespeare  Jules  César.  Vous 
n'ignorez  pas,  Monsieur,  le  rang  que  tient  Schumann  aujourd'hui  en  Al- 
lemagne. Ses  partisans,  qui  sont  en  grand  nombre,  lui  assignent  le  pre- 
mier rang  parmi  les  compositeurs  allemands  de  l'époque.  Cependant,  sa 
musique  est  loin  d'être  généralement  acceptée  comme  l'est  celle  de  Men- 
delssohn. Son  ouverture  de  Jules  César,  a  paru  à  quelques-uns  d'une  in- 
telligence assez  difficile.  Néanmoins,  le  public  lui  fii  un  chaud  accueil, 
et  le  Tusch  ne  fit  pas  défaut. 

Le  grand  air  de  Fidtlio,  des  variations  pour  deux  pianos,  de  Mendels- 
sohn et  Moschelès,  exécutées  par  Mme  Schumann  et  sa  jeune  sœur,  qui 
marche  sur  ses  traces  ;  enfin,  le  magnifique  chœur  de  Bacchus,  tiré  de 
YAntigone  ;  tel  fut  encore  le  menu  du  festin,  qui  se  termina  par  trois  pe- 
tits morceaux  de  maîtres  : 

•L"  Saltarelle,  de  Stephen  Heller;  2°  Nocturne  de  Chopin,  et  3°  Romance 
sans  paroles,  de  Mendelssohn.  Mme  Schumann  rendit  tous  ces  petits  chefs- 
d'œuvre  avec  une  grâce  et  un  sentiment  de  délicatesse  exquis. 

Les  noms  des  vainqueurs  furent  ensuite  proclamés  au  milieu  de  fanfares 
et  d'applaudissements  enthousiastes.  Le  premier  prix  (prix  d'honneur), 
échut  à  la  Concordia,  de  Bonn;  le  deuxième,  à  la  Pohjmnie  de  Cologne.  Les 
petites  villes  de  Neuss,  Gladbach,  etc.,  obtinrent  les  autres  prix. 

Aujourd'hui  h  août,  cette  série  de  plaisirs  doit  se  terminer  par  une  fête 
artistique,  avec  tableaux  organisés  par  les  soins  des  peintres  de  Dussel- 
dorf.  La  musique  y  jouera  certainement  son  rôle.  Mais  je  n'abuserai  pas 
plus  longtemps,  Monsieur,  de  votre  patience  de  lecteur,  et  dans  l'espoir 
que  vous  vous  voudrez  bien  excuser  ma  prolixité,  je  vous  prie  d'agréer 
l'hommage  de  mes  sentiments  les  plus  distingués. 

Th.  G., 


SOCIETE  SAI5STE-CECHE. 

Le  Comité  de  la  Société  des  gens  de  lettres,  appelé  à  choisir,  par 
suite  d'un  concours,  une  Ode  à  sainte-Cécile,  vient  d'accorder  la  préfé- 
rence à  l'oeuvre  de  M.  Nibelle. 

Un  nouveau  concours  est  ouvert  pour  mettre  en  musique  cette  pièce 
de  vers  ;  les  compositeurs  peuvent  la  traiter  avec  tous  les  développe- 
ments que  permettent  des  voix  soli,  chœur  et  orchestre.  La  partition 
qui  aura  réuni  les  suffrages  du  jury  sera  exécutée  dans  le  concert  an- 
nuel que  donne  la  Société  Sainte-Cécile ,  pour  l'audition  des  œuvres 
des  compositeurs  contemporains. 

Le  jury  de  musique  sera  composé. de  MM.  Halévy,  Ad.  Adam,  H.  Re- 
ber,  Ch.  Gounod,  Th.  Gouvy,  Seghers  et  Wekerlin. 

Les  partitions  doivent  être  envoyées,  avant  le  15  octobre  1832,  à 
M.  Seghers,  52,  rue  de  Caumartin;  elles  seront  accompagnées  d'une 
enveloppe  cachetée  renfermant  le  nom  du  compositeur,  et  portant  ex- 
térieurement une  épigraphe  reproduite  sur  la  partition. 

Après  la  décision  du  Comité,  on  pourra  retirer  les  œuvres  non  ad- 
mises ;  la  signature  en  restera  inconnue. 

Les  auteurs  qui  ont  pris  part  au  concours  de  pésie  peuvent  retirer 
leurs  manuscrits  à  l'Agence  générale  de  la  Société  des  gens  de  lettres, 
14,  cité  Trévise. 

©DE-CAKJ'a'A'S'ïB  ®B5  H.  RiaBEï,]LlE!. 

Diligam  te,  Domine,  fortitudo  mea. 
Psal.  xvir.  v.  1. 
SAINTE  CÉCILE  (1). 

BÉCITATIF. 

L'hymen  allumait  son  flambeau, 

Mais  à  ton  fiancé,  dans  un  pieux  délire, 

(I)  Sainte  Cécile,  jeune  et  belle  Romaine,  d'une  famille  noble  el  chrétienne,  s'élait  vouée  a  la 
virginité.  Ses  parens  la  contraignirent  d'épouser  Valerien,  riche  seigneur  blolàire  Cécile  le  convertit 
le  premier  jour  de  ses  noces.  Elle  couviriu  île  même  Tiburce,  son  beau-frère,  cl  un  officier  nommé 
Maxime.  Valerien,  Maxime,  Tiburce  et  plusieurs  Romains  île  ilistimliuti  périrent  dans  les  supplices, 
et  la  v  erg e  subil  elle-même  le  martyre  avec  une  grande  énergie. 


DE  PARIS. 


263 


Tu  montrais,  noble  fille,  une  palme,  un  tombeau, 
L'éelmfaud  pour  autel,  pour  bonheur  le  martyre, 

Pour  prêtre  le  bourreau. 
Calme  au  milieu  d'un  long  supplice, 
Invoquant  l'Etcrnol  et  bravant  les  faux  dieux, 
Tu  voyais  du  Dieu  fort  l'éclatante  milice, 
Tu  voyais  resplendir  les  cieux  ! 

CHOEUR. 

Du  Seigneur  chante  les  louanges, 
Et  que  ton  luth  sacré  frémisse  sous  tes  doigts! 
Tes  citants,  aux  saints  parvis,  réjouissent  les  anges, 

Et  la  terre  écoute  ta  voix. 

Pour  enivrer  la  foule, 
Que  soulevé  l'enfer, 
Lentement  le  sang  coule 
Sous*des  ongles  de  fer  ; 
Mais  aux  martyrs  la  gloire, 
Un  Dieu,  l'éternité  : 
La  mort,  c'est  la  victoire, 
C'est  l'immortalité! 

De  la  récompense 
Le  grand  jour  commence, 
Le  grand  jour  a  lui. 
Sur  ton  front  qu'il  aime, 
Cécile,  Dieu  même 
Pose  un  diadème 
Brillant  comme  lui. 

CHOEUR. 

Du  Seigneur  chante  les  louanges, 
Et  que  ton  luth  sacré  frémisse  sous  tes  doigts  ! 
Tes  chants,  aux  saints  parvis,  réjouissent  les  anges, 

Et  la  terre  écoute  ta  voix. 

Tes  dieux  et  de  marbre  et  de  pierre, 
Rome,  que  sont-ils  devenus  ? 
Depuis  longtemps  ils  ne  sont  plus, 
Et  l'oubli  couvre  leur  poussière. 
La  vierge,  on  l'invoque  en  ces  lieux 
Où  son  pied  renversa  l'idole  ; 
Sur  les  débris  du  Capitule 
Son  nom  s'élève  radieux. 

INVOCATION. 

Reine  de  l'harmonie, 
Inspire  et  soutiens  nos  accords, 
Donne  à  tes  enfants  ton  génie, 
Donne-leur  tes  transports. 

La  divine  harmonie  embrase 
De  ses  feux  l'esprit  et  le  cœur, 
Et  dans  une  sublime  extase, 
Nous  porte  vers  le  créateur. 

ciiOEUr. 

Du  Seigneur  chante  les  louanges, 
Et  que  ton  luth  sacré  frémisse  sous  tes  doigts  ! 
Tes  chants,  aux  saints  parvis,  réjouissent  les  anges, 

Et  la  terre  écoute  ta  voix. 


NOUVELLES. 

***  Demain  lundi,  à  l'Opéra,  la  Favorite  Le  rôle  de  Léonor  sera  chanté 
pour  la  première  fois  par  Mme  ïedesco. 

%*  Guillaume  Tell  a  été  joué  lundi.  Gueymard  y  chantait  le  rôle  d'Ar- 
nold avec  son  talent  et  son  effet  ordinaire. 

***  Mercredi,  un  ténor  nommé  Bauche  s'essayait  dans  les  Huguenots,  et 
remplissait  le  rôle  de  Raoul.  C'est  le  même  artiste  que  nous  avons  vu  se 
produire  à TOpéra-Comique  dans  lés  Monténégrins,  en  1849.  Nous  l'avons 
reconnu  à  ses  qualités  et  surtout  à  ses  défauts,  qui  nous  ont  paru  plus 
saillants  encore.  Sa  voix  manque  trop  souvent  de  pureté  et  son  intonation 
de  justesse.  Obin  et  Mlle  Poinsot  ont  fort  bien  rendu  les  rôles  de  Marcel 
et  de  Valentine. 

V  La  Juive,  donnée  vendredi ,  pour  le  second  début  de  Mathieu,  nous 
l'a  montré  dans  le  rôle  d'Eléazar.  Quoiqu'il  en  ait  fort  bien  rendu  quel- 
ques parties,  cependant  il  souffrait  d'une  indisposition  trop  manifeste 
pour  qu'il  fût  juste  et  possible  de  l'y  juger.  Une  autre  fois  il  prendra  sa 
revanche.  Mlle  Poinsot  s'est  distinguée  dans  le  rôle  de  Rachel,  et,  dans 
celui  du  cardinal ,  Depassio  a  largement  déployé  sa  voix  magnifique. 

V  Le  Juif  errant  sera  la  première  pièce  qu'on  montera  cet  hiver  à 
Lyon. 

V  Le  directeur  du  théâtre  de  Kœnigsberg,  qui  est  venu  à  Paris  cette 
semaine,  se  propose  aussi  d'être  le  premier  en  Allemagne  à  faire  connaî- 
tre ce  chef-d'œuvre. 


V  La  réouverture  du  Théâtre-Lyrique  (Opéra-National)  doit  avoir  lieu 
le  1"  septembre  prochain,  avec  l'ouy^ge  en  trois  actes,  dont  la  mu  iique 
est  de  M.  Adolphe  Adam,  l'ar  une.  cqmbinaison  toul  à  l'ail  neuve,  ce  même 
ouvrage  est  répéjjé  en  môme  temps  par  deux  troupes  différentes,  afin  qu'il 
puisse  être  donné  tous  les  jours  de  la  semaine,  .'•ans  intervalle,  et  que 
rien  n'inteiTiimp ■■   soi)  succès. 

V  L'Académie  des  beaux  arts  a  jugé  hier  samedi  le  concours  de  com- 
position musicale  :  1"  grand  prix,  M.  Léonce  Cohen,  élève  de  M.  Leborrié  ; 
2"  grand  prix,  M.  Puise,  élève  de  MM.  Adolphe  Adam  el  ftnvmérrhàn.  La 
cantate  du'  premier  était  chantée  par  mm.  Houle.  SI  èrly  et  Mme  Potier  ; 
celle  du  second,  par  m\i.  Bbulo,  Coùlon,  et,  Mme  Meillet. 

%*  Mlle  Dobréest  de  retour  à  Paris,  où  elle  va  se  reposer  des  brillants 
succès  obtenus  par  elle  dans  la  saison  de  Londres. 

V*  Les  concerts  donnés  à  Nancy  par  Bazzini,  le  célèbre  violoniste, 
ont  produit  un  effet  immense.  Chaque  morceau  était  suivi  d'un  rappel,  et 
jamais  artiste  n'avait  excité  d'enthousiasme  plus  unanime. 

***  Les  fêtes  splendides  que  l'on  prépare  à  Abbevillc  pour  l'inauguration 
de  la  statue  de  Lesueur  vont  commencer  dimanche  prochain  8  août.  M.  le 
ministre  de  l'intérieur  présidera  la  cérémonie  d'inauguration.  La  statue 
part,  aujourd'hui  par  un  train  express  du  chemin  de  fer  du  Nord.  Ce  bronze 
monumental  n'a  pu  être  terminé  assez  à  temps  pour  être  exposé  publi- 
quement à  Paris  Cela  est  regrettable  pour  l'œuvre  et  pour  l'artiste,  car 
cette  statue,  la  deuxième  que  la  France  élève  à  une  illustration  musicale, 
est  fort  remarquable  de  conception  et  de  travail.  Elle  sort  d'ailleurs  du 
ciseau  de  M.  Hochet,  qui  s'est  acquis  une  si  juste  renommée  par  son 
bronze  équestre  de  Guillaume  U  Conquérant. 

%*  Mlle  Guénée,  la  pianiste  habile  et  distinguée,  vient  de  partir  pour 
Bagnères-de-Luchon.  Elle  s'y  rend  à  la  demande  de  la  princesse  Callimaki, 
dont  elle  est  l'artiste  favorite. 

CRON1QUE   DÉPARTEMENTALE. 

%*  Boulogne-sur-Mer,  h  août.  —  Le  2  de  ce  mois,  la  Société  philhar- 
monique a  donné  un  brillant  concert  dans  lequel  figuraient  trois  artistes 
de  Paris.  Mme  Gavaux-Sabatier  y  chantait  avec  le  talent,  le  charme  et  la 
distinction  que  tout  le  monde  lui  connaît,  l'air  du  Cheval  de  Bronz?,  l'air 
du  Caïd,  et  deux  romances  :  Pourquoi?  et  la  Pavana,  qui  ont  été  bissées 
aux  applaudissements  enthousiastes  de  la  salle  entière.  M.  Léon  Jacquart, 
le  violoncelliste,  a  fait  grande  sensation  en  exécutant  les  Souvenirs  de  Spa 
et  Une  larme,  fantaisies  de  Servais.  Expression,  pureté,  justesse  irrépro- 
chables, facilité  d'archet,  traditions  de  la  belle  école,  M.  Léon  Jacquart 
réunit  toutes  les  qualités  qui  placent  l'artiste  au  premier  rang;  du  reste, 
sa  famille  a  le  privilège  des  succès,  puisque  son  jeune  frère  vient  d'ob- 
tenir le  1"  prix  de  violoncelle  au  concours  du  Conservatoire.  M.  Joseph 
O'Kelly,  pianiste  de  beaucoup  de  mérite,  a  dit  d'une  manière  très-remar- 
quable un  concerto  de  Mozart,  avec  orchestre,  et  une  fantaisie  de  sa  com- 
position. De  nombreux  applaudissements  l'ont  salué  comme  exécutant  et 
compositeur.  M.  Georges  O'Kelly,  son  frère,  tenait  le  piano  d'accoxpagne- 
ment  dans  ce  concert,  l'un  des  plus  beaux  que  la  Société  philharmonique 
ait  donnés. 

CHRONIQUE     ÉTRANGÈRE. 

*Jf  Londret,  h  août.  —  Le  théâtre  de  la  Reine  déploie  une  activité  sans 
exemple,  et  à  la  fin  de  la  saison ,  pendant  que  tous  les  autres  théâtres  se 
relâchent,  il  offre  à  ses  abonnés  nouveautés  sur  nouveautés,  et  rappelle 
les  plus  belles  époques  de  sa  gloire.  Avant-hier,  jeudi,  la  première  repré- 
sentation de  Casilda,  opéra  du'grand  duc  de  Gotha  ,  a  été  donnée  avec  un 
succès  complet.  La  marche  des  Bohémiens  du  quatrième  acte  a  été  bissée 
avec  frénésie,  et  quoique  le  décor  vînt  d'être  changé,  on  a  été  obligé  de 
la  répéter.  Mme  Lagrange  a  une  large  part  des  applaudissements  à  reven- 
diquer. L'exécution  et  la  mise  en. scène  sont  parfaites.— Mme  Charton-De- 
meur  a  fait  son  début  dans  la  Somnambule.  Son  succès  n'a  pas  été  dou- 
teux. On  l'avait  applaudie  au  Théâtre-Français,  dans  l'opéra  comique;  on 
ne  l'a  pas  moins  bien  accueillie  dans  l'opéra  italien.  Gardoni  chantait  le 
rôle  d'Elvino  avec  tout  le  charme  qu'on  lui  connaît.  Lucrezia  Borgia  est 
venue  ensuite  pour  la  rentrée  de  Mme  Fiorentini.  De  Bassini  chaulait  le 
rôle  d'Alfonse;  Gardoni,  celui  de  Gennaro,  et  Mlle  JdaBertrend  retrou- 
vait son  succès  d'habitude  dans  celui  d'Orsini. 

%*  Ba  ien,  2  août.  —  Nous  sommes  en  pleine  saison,  et  celle-ci  est 
des  plus  brillantes.  Vendredi  dernier  Mme  Sontag  a  donné,  dans  la 
grande  salle  de  la  Conversation,  un  concert  auquel  assistait  l'élite  de  la 
société;  têtes  couronnées,  princes,  comtes  et  barons  y  abondaient  :  son 
succès  a  été  prodigieux,  et  la  recette  a  dépassé  5,000  florins  (11,000  fr.) 
La  célèbre  cantatrice  a  chanté,  avec  tout  le  charme  qui  la  caractérise, 
Una  voce  po(  o  fii  ;  l'air  du  Toréador,  d'Adam,  et  une  foule  de  jolies  baga- 
telles qui  lui  ont  valu  force  bravos  et  bouquets.  A  côté  d'elle  nous  avons 
entendu  Teresa  Milanollo,  que  l'on  peut  appeler,  sans  exagération,  la 
reine  du  violon  ;  son  jeu,  à  la  fois  grandiose,  fin  et  délicat,  est  d'une  per- 
fection rare;  ajoutez  à  cela  qu'elle  fait  des  choses  toutes  nouvelles  et  ob- 
tient des  effets  inconnus  jusqu'ici  sur  le  violon,  et  vous  ne  serez  pas 
étonné  de  l'enthousiasme  du  public,  qui  l'a  obligée  â  répéter  son  Rhein- 
iveinlied.  Nul  doute  qu'elle  ne  donne  un  second  concert.  Cossmann,  le  vio- 
loncelliste, a  fort  bien  tenu  sa  place  entre  ces  ta'ents  hors  ligne,  et  sa 
fantaisie  sur  le  Prophète  a  obtenu  trois  salves  d'applaudissements.  —  Après 


264 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS. 


demain,  Aille  Rachel  donnera  une  représentation  composée  de  Phèdre  et 
du  Moineau  de  Lesbie.  Tout  est  loué  d'avance.  —  Mlle  Kastner,  jeune  et 
très-jolie  pianiste  de  Vienne,  est  ici  en  ce  moment.  Son  exécution  prodi- 
gieuse et  l'extrême  délicatesse  de  son  jeu  lui  présagent  de  grands  succès 
pour  l'hiver  prochain,  à  Paris. 

*,*  Berlin  —  Roger  obtient  des  succès  vraiment  inouïs.  Trois  fois  en 
dix  jours,  il  a  chanté  le  rôle  d'Eléazar,  de  la  Juive,  et,  nonobstant  la 
chaleur  africaine  qui  régnait  dans  la  vaste  salle,  toutes  les  places  étaient 
occupées.  Meyerbeer,  digne  appréciateur  de  ces  triomphes,  a  dit  que  nul 
artiste  n'avait  pu  et  ne  pourrait  se  faire  estimer  plus  que  Roger,  qui  unit 
aux  dons  précieux  de  la  nature,  une  éducation,  une  science  exquise  et 
une  distinction  personnelle  des  plus  remarquables. 

*„*  Wiesbade.  —  La  société  italienne  de  Bruxelles,  dirigée  par  M.  Bocca, 
a  donné  ici  huit  représentations  qui  ont  été  assez  suivies.  La  comtesse 
Rossi  (Mme  Sontag)  a  donné  un  concert  le  26  juillet. 

%*  Vienne.  —  Parmi  les  pièces  portées  au  répertoire  du  théâtre  de  la 
Cour  pour  le  mois  d'août ,  se  trouvent  les  Mousquetaires  de  la  Reine  et  le 
Prophète.  Au  sujet  de  l'opéra  de  Meyerbeer,  nous  avons  remarqué  une 
innovation  qui  peut  être  justifiée  au  point  de  vue  de  la  spéculation  ,  mais 
que  la  critique  la  plus  indulgente  ne  saurait  permettre  :  le  5  août ,  on 
donne  les  trois  premiers  actes  de  la  pièce,  et  le  lendemain  ,  le  quatrième 
et  le  cinquième;  pour  le  7,  on  annonce  V Enfant  prodigue,  et  Robert-le-Dia- 
ble  pour  le  8  du  même  mois.— Mme  Ney,  la  mère  de  Mlle  Jenny  Ney,  can- 
tatrice attachée  au  théâtre  de  la  Cour,  vient  de  mourir.  Mme  Ney,  qui , 
elle  aussi,  avait  appartenu  à  ce  théâtre,  et  qui  était  également  distinguée 
comme  virtuose  et  comme  professeur,  avait  dirigé  l'éducation  musicale 
de  ses  deux  filles,  Jenny  et  Caroline. 

*„*  Jassy.  —  En  l'honneur  de  Servais,  qui ,  à  son  retour  d'Odessa ,  a 
passé  par  notre  ville,  une  soirée  musicale  a  eu  lieu  chez  le  ministre  de  la 
justice,  le  prince  Stourdza.  Le  célèbre  violoncelliste  ajoué  sa  fantaisieica- 


ractéristique,  ses  airs  russes,  avec  sa  perfection  accoutumée.  Dans  la 
même  soirée  s'est  fait  entendre  le  jeune  violoniste  Graff,  d'origine  hon- 
groise, qui  est  de  retour  de  son  voyage  en  Orient. 

\*  Helsingfors  (Finlande),  15  juillet.  —  La  municipalité  de  cette  ville 
ayant  résolu  de  faire  recruter  à  l'étranger  un  orchestre  complet  pour  les 
besoins  du  nouveau  théâtre  et  l'exécution  de  grandes  compositions  dans 
les  solennités  publiques,  ce  projet  a  déjà  reçu  son  exécution,  et  nous  pos- 
sédons un  orchestre  composé  de  quarante-deux  artistes,  à  la  tête  duquel 
se  trouve  M.  Gauzangue,  habile  violoniste,  natif  de  Metz,  en  France. 


Le  gérant  :  Ernest  DESCHAMPS. 


En  vente  chez  BBANDUS  et  Ce,  405,  rue  Richelieu, 


LE  JUIF  ERRANT 

BALLADE    POUR    VOIX  DE    BASSE, 

Paroles  de  M.  le  chevalier  Cuatelaih, 
Musique  de 

A.   PANSERON 

Chevalier  de  la  Lègion-d' Honneur,  professeur  au  Conservatoire. 
Prix  :  h  fr.  50.  —  La  même  pour  baryton,  k  fr.  50. 


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IEALDA 

Cpéra  comique  en  3  actes,  paroles  de  M.  E.  SCRIBE,  musique  de 

An.  ADAM. 

PARTITION  POUR  PIANO  ET  CHANT,  FORMAT  IN-8°,  PRIX  :  15  FRANCS  NET. 
EES  AIRS  DÉTACHÉS  »E  CHANT  AVEC  ACCOMPAGNEMENT  E>E  PIMO. 

N0'   9.  TRIO,  «  Où  donc  est-il?  » 

10.  AIR,  «  De  cette  pompeuse  retraite.  »... 
10  bis.  Le  même  transposé  . 


1  1.  COUPLETS,  «  0  mon  habit,  mon  bel  habit  de  mariage.  ».   .  3     » 

2.  CAVATINE,  «  Rêve  heureux.  » 3    » 

2  bis.  La  même  transposée  pour  voix  de  contralto 3     » 

3.  DUO,  «  Faut-il  donc  vous  aider,  ma  chère?  » '.  9     » 

i.  AIR,  «Rêve  si  doux!  » 5     » 

à  bis.  Le  même  transposé 5     » 

5.  DUO,  «  C'est  dans  l'église  du  village.  » 7  50 

5  bis.  Le  même  transposé,  pour  voix  de  ténor  et  de  baryton.   .  7  50 

6.  AIR,  «  Que  saint  Jacques  et  les  saints  me  viennent  en  aide.»  5     » 

6  bis  Le  même  transposé 5     » 

7.  COUPLETS,  «  Tant  que  j'étais.  » i  50 

8.  DUO,  «  O  dieu  d'amour.  » : 9     » 


11.  ROMANCE,  «  Je  suis  la  reine.  »  . 

12.  AIR  BOUFFE,  «  Je  ne  puis  affirmer  si  celui  que  j'accuse. 
13-.  COUPLETS,  «  Il  a  parlé,  terreurs  soudaines.  » 

14.  ROMANCE,  «  Ange  des  cieux,  charme  des  yeux.  »... 
14  bis.  La  même  transposée 

15.  DUO,  0  O  perfidie,  qui  sacrifie.  » 

1 6.  AIR  et  VARIATIONS,  «  Par  vous  brille  la  Castille.  »... 
16  bis.  Les  mêmes  transposés 


ARKAWeœMiEIÏTS  SUR  liES  MOTIFS  »E  CET  OPERA- 


PIANO. 

Adam.  —  Mélange " 6    » 

Rrissox.  —  Op.  40.  Fantaisie 7  50 

œti'HïJinii  B.t.i.Ei  (F.).  —  Valse 7  50 

Cohevimi  (O.).  —  Op.  36.  Fantaisie 7  50 

DiiKiivni  (J.-B.) — Op.  190.  Fantaisie.    ........  6     » 

Hunteut  (F.).  —  Op.  174.  Fantaisie  à  quatre  mains 7  50 

Le  Caiifestieb. — Deux  bagatelles,  chaque 5 

Redleb.  — Op.  144.  Fantaisie  facile 5 

I60HEin.1t  (H.).  —  Op.  122.  Fantaisie 9 

Voes  (C).  —  Op.  120.  Fantaisie  de  salon 6 

L'OUVERTURE,  avec  accompagnement  de  violon  ou  flûte  ...  6 

—  à  quatre  mains 7  50 

Mesau».  —  Deux  quadrilles,  chaque 4  50 

Xie  Cakjpeutbkb.  —  Quadrille  facile 4  50 

tiTLuc.  —  Valse 6     » 

Pasdeeoue». —  Polka- mazurka 4    » 

—  Schottich 4    » 

Pieodo.  —  Redowa 3 


INSTRUMENTS  DIVERS. 

Eoois  (N.).  —  Op.  201.  Sérénade  pour  piano  et  violon  .    .    . 
I.EFEGB  (A.).  —  Trois  fantaisies  pour  flûte  avec  accompagne- 
ment de  piano 

Les  mêmes  pour  flûte  seule 

IHoiib.  —  Deux  pas  redoublés,  chaque 

L'OUVERTURE  arrangée  pour  deux  violons 

pour  deux  flûtes 

LES  AIRS  arrangés  pour  deux  flûtes  en  deux  suites,  chaque.   . 

—  pour  flûte  seule 

pour  deux  violons,  deux  suites,  chaque  .    . 

—  pour  violon  seul 

pour  deux  cornets,  deux  suites,  chaque.    . 

—  pour  cornet  seul 

L'OUVERTURE  à  grand  orchestre 

—  en  partition 


6  » 
3  » 
à  50 
3  » 
3  » 
3  » 
6  „ 
3  » 
3 


9     » 


7 

50 

7 

50 

6 

» 

4 

50 

4  50 

7 

50 

7 

50 

7 

50 

7 

50 

9 

» 

7 

50 

18 

» 

18 

» 

Polka 3 

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PARIS.  —   IMPRIMERIE  CENTRALE   DE  NAPOLÉON   OUA1X  ET   C\    IUE   BERGERE,  20. 


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REVUE 


15  Août  1882. 


Prix  de  l'Abonnement  i 


Paris,  un  an 

Départements,  Belgique  et  Suisse 
étranger 


Le  Journal  paraît  le  Dimanche-. 


GAZETTE  MUSICALE 


II    FâBlS. 


norccuu    de 


SOMMAIRE.  —Théâtre  de  l'Opéra-Comique,  les  Deux  Jaket,  opéra  en  un  acte, 
libretto  de  M.  de  Planard,  partition  de  M.  Cadaux  (1™  représentation),  par 
De  ii  ri  Bl:i  ucharil.  —  Inauguration  de  la  statue  de  Lesueur,  à  Abbeville.  — 
Testament  de  M.  le  baron  de  Trémont.  —  Des  Neumes  employées  à  la  notation  du 
plain-cliant  (3e  et  dernier  article),  par  Ailrïen  t)e  la  Bi'aïe.  —  Revue  criti- 
que, Harmonie  des  Fleurs,  six  morceaux  pour  le  piano,  de  J.  Blumenthal,  par 
llauricu  Bourses.  —  Correspondance,  Marseille.  —  Nouvelles  et  annonces. 

THÉÂTRE  DE  L'OPËRA-COBIIQDE. 

LES  DEUX  JAHIX 

Opéra  comique  en    un  acte,  libretto  de  M.   Planard;    partition  de 

M.  Justin  Cadaux. 

(Première  représentation  le  12  août  1852.) 

M.  Planard,  le  librettiste  expérimenté,  ayant  écrit  le  poème  des  Deux 
gentilshommes  pour  M.  Cadaux,  avait  le  droit  de  lui  confier  celui  des 
Devx  Jaket,  et  il  a  usé  de  son  droit.  M.  Cadaux  est  un  compositeur  à 
mélodies  faciles,  et  qui  n'abuse  pas  de  sa  facilité.  Son  poëte,  dont  le 
talent  n'est  pas  moins  facile,  mais  qui  exploite  de  préférence  les  idées 
rétrospectives  en  art  dramatique,  a  mélangé  dans  son  libretto  la  mo- 
rale et  les  éternelles  plaisanteries  sur  les  maris  trompés,  ce  qui  fait 
beaucoup  rire....  ceux  qui  ne  le  sont  pas  (mariés  ou  trompés),  et  cha- 
cun a  cette  prétention-là  plus  ou  moins."  Cela  rend  sérieux,  il  est  vrai, 
les  pères  de  famille,  les  époux  qui  s'aiment  sincèrement,  les  femmes 
fidèles  (et  il  en  est),  les  demoiselles  bien  élevées;  mais  qu'importe,  si 
cela  fait  rire  les  célibataires  vieux  ou  jeunes,  et  les  spectateurs  qui 
siègent  au  centre  du  parterre  ? 

L'action  de  la  pièce  nouvelle  se  passe  dans  le  pays  où  se  confectionne 
le  curaçao.  M.  Vander  Chnick,  distillateur  marchand  d'esprits,  débi- 
tant de  consolation ,  paraît  tout  consolé  d'avance  des  catastrophes 
conjugales  qui  pourront  lui  survenir,  et  qui  ne  lui  ont  pas  fait  défaut 
lors  de  son  premier  mariage.  Il  va  donc  convoler  en  secondes  noces  et 
se  résigne  à  tout  ce  qui  pourra  lui  arriver,  même  au  charivari  que  ses 
voisins  lui  donnent.  Au  moment  d'épouser,  un  matelot  hollandais, 
amoureux  de  sa  future  et  qu'on  croyait  mort,  arrive  et  reprend  ses 
droits  de  fiancé.  M.  Vander  Chnick  ou  Chenic  reste  veuf  et  continue 
ses  fonctions  d'insulteur  du  beau  sexe.  Nous  n'avons  pas  encore  parlé 
des  époux  Bleemann  chez  qui  se  passe  la  scène,  et  qui  sont  victimes 
d'un  quiproquo  provoqué  par  l'infâme  Chnick  ou  Chenic,  qui  fait  croire 
au  bon  Bleemann,  mari  confiant  et  plein  d'amour,  que  Jordi  Jaket, 
le  matelot  revenu  pour  épouser  la  jeune  Marguerite,  est  William  Ja- 
ket que  Mme  Bleemann  avait  aimé  avant  son  mariage,  et  qui  a  péri 
dans  un  naufrage,  heureusement  pour  la  morale. 

Après  que  tout  cela  est  fini,  que  le  dénouement  s'est  fait  à  la  satis- 
faction de  tous,  Mme  Bleemann  vient  faire  assez  intempestivement  un 


petit  prêche  luthérien  sur  la  confiance  conjugale  et  sur  la  jalousie,  à 
son  mari,  qui  l'avait  soupçonnée  un  instant;  elle  lui  pardonne,  et  le 
Jaket  restant  et  bien  portant  épouse  Mlle  Marguerite,  à  la  satisfaction 
du  public,  qui  s'est  assez  amusé  des  péripéties  de  ce  petit  acte,  fait, 
comme  nous  l'avons  dit,  par  un  homme  expérimenté  qui  connaît  par- 
faitement toutes  les  ficelles,  même  usées,  qui  font  réussir  au  théâtre.  La 
partie  lyrique  de  M.  Planard  se  distingue  par  des  vers  simples,  natu- 
rels et  naïfs,  comme  ceux  de  Marie,  où  se  trouve  la  fameuse  robe  lé- 
gère d'une  entière  blancheur.  Le  compositeur  a  mis  sur  tout  cela  des 
chants  faciles  et  vrais,  d'une  vérité  parfois  un  peu  commune ,  mais 
qui  plaisent  à  la  généralité  des  auditeurs. 

L'ouverture,  d'une  allure  franche,  est  peu  modulée  ;  elle  passe  de  re 
majeur  en  la  majeur,  module  quelque  peu  en  si  bémol  et  fa  majeur, 
et  rentre  dans  le  ton  primitif  de  ré  comme  tout  l'opéra  de  feu  Mainzer. 
La  principale  mélodie  en  est  sautillée,  et  prête  au  galop  comme  la  plu- 
part des  opéras,  comiques  ou  non,  de  nos  jours.  Après  cette  préface 
instrumentale  dans  le  caractère  et  dans  la  tonalité  des  ouvertures  du 
Calife  ou  d' Une  heure  de  mariage,  Mme  Meyer,  qui  nous  représente 
Mme  Bleemann,  avec  le  charme  qui  la  caractérise  chante,  en  forme 
d'introduction,  de  jolis  couplets  sur  le  Joli  chapeau  du  mari;  puis 
vient  un  chœur  bruyant,  tumultueux,  qui  peint  avec  énergie  et  fran- 
chise le  charivari  qui  poursuit  le  distillateur.  D'autres  couplets  vien- 
nent ensuite,  et  puis  d'autres  couplets;  car,  ainsi  que  nous  l'avons 
déjà  dit,  cette  forme  poétique  et  musicale  abonde  dans  l'ouvrage.  Ceux 
dits  par  Bleemann  sont  d'une  mélodie  agréable  et  facile  à  retenir,  sur- 
tout la  phrase  musicale  sur  ces  vers  qui  les  terminent  : 

Près  de  ma  ménagère, 
Joyeux  de  revenir, 
Je  trouve  en  ma  chaumière 
L'amour  et  le  plaisir. 

Le  matelot  Jaket,  déguisé  en  vieux  savant,  botaniste,  quelque  peu  sor- 
cier, chante  un  air  sur  l'hospitalité  qui  ne  manque  pas  d'animation,  mais 
dans  lequel  se  trouvent  plusieurs  fautes  de  prosodie,  ce  qui  paraît  sin- 
gulier dans  un  compositeur  français.  La  valse  qui  sert  de  coda,  de  pé- 
roraison, a  de  l'entrain,  mais  un  entrain  vulgaire.  Les  deux  couplets 
chantés  à  table  par  Mme  Meyer  sur  le  Doux  signal  d'amour,  sont 
charmants  ;  ils  ont  plu  tout  d'abord  à  la  première  audition  et  plairont 
de  plus  en  plus  aux  représentations  suivantes.  Une  musique  instrumen- 
tale de  scène  de  mélodrame  continue  à  l'orchestre  après  ces  couplets, 
et  s'enchaîne  avec  un  duo  dramatique  entre  le  mari  qui  se  croit  trompé 
ou  celui  qui  aspire  à  l'être.  Ce  morceau  est  assez  bien  traité  dramati- 
quement. La  mélodie  chantée  ensuite  par  Bleemann,  et  que  nous  ap- 
pellerons la  romance  du  Dernier  soupir,  puisque  ces  mots  se  trouvent 
à  la  fin  de  chaque  couplet,  est  d'un  bon  sentiment  musical  et  délicieu- 


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REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


sèment  dite  par  M.  Meillet.  Un  duo  entre  le  même  et  Mlle  Decroix,  qui 
joue  et  chante  très-agréablement  le  petit  rôle  de  Marguerite.  Là  s'ar- 
rête la  mission  musicale  confiée  à  M.  Justin  Cadaux  par  M.  Planard, 
mission  dont  il  s'est  acquitté  en  disciple  et  continuateur  de  nos  mélo- 
distes quand  même  nommés  d'Aleyrac,  Nicolo,  etc. 

Les  Deux  Jaket  sont  de  ce  genre  d'ouvrages  appelés  opérette,  comé- 
dies à  ariettes,  qui  peuvent  faire  diversion  parfois,  et  sans  en  abuser, 
aux  partitions  hériss  ées  de  science  et  de  vocalises  audacieuses  qu'on 
désignait  autrefois  par  la  qualification  de  casse-cou.  Si  ce  genre  de 
musique  ne  fait  pas  révolution  dans  l'art,  il  fait  plaisir  à  la  majorité  du 
public  de  l'Opéra-Comique,  moins  musical  que.  scénique,  et  plus  vau- 
devilliste que  dilettante.  Henri  BLANCHARD. 


INAUGURATION  DE  LA  STATUE  DE  LESUEUR  A  ABBEVILLE. 

La  France  est  dans  une  bonne  veine  de  reconnaissance  et  d'hom- 
mages. Elle  prend  décidément  l'habitude  de  payer  ce  qu'elle  doit  à  ses 
grands  écrivains,  à  ses  grands  poètes,  à  ses  grands  artistes,  à  ses  illus- 
trations de  toutes  les  époques  et  de  tous  les  genres. 

Lundi  dernier,  c'était  la  ville  du  Havre  qui  dressait  des  statues  à 
deux  de  ses  plus  glorieux  enfants.  L'Académie  française  était  représen- 
tée à  cette  cérémonie  par  M.  Alfred  de  Musset,  qui  a  dit  quelques  mots 
en  prose,  et  par  M.  Ancelot,  qui  a  caractérisé  en  fort  beaux  vers  le  gé- 
nie et  les  ouvrages  de  Bernardin  de  Saint-Pierre  et  de  Casimir  Dela- 
vigne.  M.  Ancelot  est  lui-même  un  enfant  du  Havre;  lors  de  ses  débuts, 
il  se  trouva  posé  comme  rival  de  Casimir  ;  sa  tragédie  de  Louis  IX  fit 
quelque  temps  échec  à  celle  des  Vêpres  siciliennes.  Nous  ne  rappelons 
ce  fait  que  pour  rehausser  encore  la  valeur  du  magnifique  et  chaleureux 
éloge  dont  il  vient  d'honorer  son  ancien  concurrent,  en  attendant 
qu'un  autre  lui  accorde  à  son  tour  la  même  justice  ;  mais  nous  suppo- 
sons qu'il  attendra  volontiers. 

Dans  la  revue  poétique  et  pittoresque  des  travaux  dramatiques  de  l'au- 
teurdes  Comédiens,  du  Paria,  àesEnJants  d'Edouard,  et  de  tant  d'autres 
chefs-d'œuvre,  M.  Ancelot  n'a  omis  que  le  dernier,  Charles  VI.  Il  est 
vrai  que  Charles  VI  est  un  opéra,  et  que  dans  cette  production,  Casi- 
mir a  eu  pour  collaborateur  son  frère,  Germain  Delavigne  ;  mais  toutes 
ces  raisons  n'en  sont  pas  pour  nous,  qui  aimons  à  nous  rattacher  à 
l'illustre  auteur  par  ce  qu'il  a  de  musical,  et  qui  ne  pouvons  oublier 
que  son  dernier  soupir  fut  un  chant,  le  chant  du  cygne,  immortalisé 
par  les  inspirations  sublimes  qu'il  a  fournies  au  génie  d'Halévy. 

Le  lendemain,  mardi,  une  autre  statue  s'élevait  en  l'honneur  d'un 
musicien.  Abbeville  payait  son  tribut  à  la  mémoire  de  Lesueur,  l'au- 
teur de  la  Caverne,  de  Paul  et  Virginie,  de  Télémaque,  des  Bardes,  et 
de  tant  de  chefs-d'œuvre  du  genre  religieux.  La  renommée  de  Lesueur 
s'appuie  également  sur  l'église  et  le  théâtre.  C'est  dans  l'église  que 
son  talent  s'était  formé,  comme  maître  de  chapelle  et  compositeur.  La 
révolution  l'en  arracha  et  le  condamna  pour  ainsi  dire  aux  succès  du 
théâtre,  succès  consacrés  plus  tard  par  la  toute  puissante  faveur  d'un 
grand  homme.  Napoléon  avait  fait  jouer  les  Bardes  ;  après  la  représen- 
tation, il  fit  appeler  l'auteur  dans  la  loge  impériale,  en  l'invitant  d'un 
geste  à  s'asseoir  auprès  de  lui. 

Une  statue  revenait  de  droit  à  ce  compositeur,  dont  la  patrie  est 
fière,  à  ce  descendant  d'Eustache  Lesueur,  le  grand  peintre,  à  ce 
maître  dont  les  élèves  se  nomment  Ambroise  Thomas,  Berlioz,  Bois- 
selot,  Elwart,  Gounod,  sans  parler  de  beaucoup  d'autres.  La  piété  cou- 
rageuse de  sa  veuve  et  son  infatigable  dévouement  à  une  tâche  qu'elle 
avait  acceptée  comme  un  devoir  rigoureux,  ont  puissamment  contribué 
à  cet  acte  de  justice  nationale,  dont  tous  les  amis  de  l'art  doivent  se 
féliciter. 

La  députation  de  l'Académie  des  beaux-arts,  attendue  au  débarca- 
dère du  chemin  de  fer  par  les  autorités,  n'est  arrivée  que  quelques 
instants  avant  la  cérémonie.  Le  cortège,  après  s'être  réuni  à  l'hôtel- 
de-ville,    s'est  rendu   au  pied  de  la  statue  de  Lesueur,  érigée  sur  la 


place  principale  de  la  ville.  A  un  signal  donné,  le  voile  qui  recouvrait 
la  statue  est  tombé  au  bruit  des  applaudissements  d'une  foule  im- 
mense, accourue  de  toutes  les  villes  et  communes  voisines.  Alors  on 
a  exécuté  une  cantate  composée  par  M.  Ambroise  Thomas,  et  cet 
hommage  de  l'élève  au  maître  a  été  fort  applaudi. 

Plusieurs  discours  ont  été  prononcés  par  M.  le  maire  d'Abbeville, 
par  le  sous-préfet,  par  M.  Caristie,  membre  de  l'Institut,  et  par  M.  El- 
wart. Des  musiques  ont  exécuté  ensuite  plusieurs  morceaux,  notam- 
ment l'ouverture  de  la  Caverne. 

Un  banquet  de  soixante-dix  couverts  ,  préparé  à  l'hôtel-de-ville  , 
réunissait  à  trois  heures  tous  les  invités  ,  au  nombre  desquels  se  trou- 
vaient Mme  Lesueur,  sa  fille  et  son  gendre,  Xavier  Boisselot.  Un  toast 
a  été  porté  par  le  sous-préfet  au  Prince-Président  de  la  République  ;  un 
autre  par  le  maire  d'Abbeville,  qui  a  remercié  l'Académie  des  beaux- 
arts  de  son  concours  à  la  fête.  M.  Lemaire,  membre  de  l'Institut  et 
député  au  Corps  législatif,  a  répondu  au  nom  de  ses  collègues, 
et  a  ensuite  invité  l'assemblée  à  se  joindre  à  lui  pour  porter  un  toast  à 
Mme  Lesueur.  M.  Ambroise  Thomas,  auteur  de  la  cantate,  et  M.  Ro- 
chet,  auteur  de  la  statue,  ont  également  reçu  un  hommage  de  même 
espèce,  et  M.  X.  Boisselot  a  prononcé,  au  nom  de  la  famille,  quelques 
paroles  de  remersîement  accueillies  avec  un  vif  enthousiasme. 

Après  le  banquet ,  on  s'est  rendu  à  un  concours  de  musique  qui 
avait  lieu  sur  la  place  même  où  s'élève  la  statue.  Quinze  musiques  des 
villes  et  des  communes,  ainsi  que  celles  d'un  régiment  de  cuirassiers 
et  du  Z|8e  de  ligne,  prenaient  part  au  concours.  Le  prix  principal  était 
une  médaille  d'or  à  l'effigie  deLesueur.il  a  été  remporté  par  la  musique 
de  Boulogne  ;  d'autres  prix  ont  été  obtenus  par  les  villes  d'Amiens, 
d'Hesdin,  etc.  Une  médaille  en  or  a  été  décernée,  comme  prix  spécial, 
à  la  musique  du  Z|8°  de  ligne.  Les  bravos  de  la  foule  des  auditeurs  ont 
ratifié  la  justice  et  l'à-propos  de  cette  distinction. 

P.  S. 


TESMENT  DE  I.  LE  BARON  DE  TRËIOST. 

Nous  annoncions,  il  y  a  peu  de  jours,  la  mort  presque  subite  d'un 
de  ces  hommes  honorables  qui  savent  partager  leur  existence  entre  les 
affaires  et  les  arts.  M.  le  baron  de  Trémont,  qui  avait  rempli  les  fonc- 
tions de  préfet  dans  trois  villes  différentes,  ne  cessa  jamais  de  cultiver 
la  musique,  tout  en  portant  à  la  littérature  et  à  la  peinture  un  intérêt 
non  moins  vif  qu'éclairé.  Il  n'était  pas  de  ceux  que  surprend  la  der- 
nière heure  ;  il  la  prévoyait  sans  la  craindre,  et  il  avait  prié  son  méde- 
cin et  ami,  le  docteur  Trousseau,  de  lui  dire  à  quels  symptômes  il 
pourrait  en  reconnaître  bien  positivement  l'approche. 

Toutes  les  dispositions  de  M.  le  baron  de  Trémont  étaient  donc  faites, 
toutes  ses  volontés  exprimées  dans  un  testament  et  un  codicille  mûre- 
ment délibérés.  L'autre  semaine,  une  convocation  extraordinaire  réu- 
nissait les  comités  des  cinq  associations  d'artistes  chez  M.  le  baron 
Taylor,  leur  président.  Cette  convocation  avait  pour  but  de  leur 
apprendre  qu'avant  de  mourir,  M.  le  baron  de  Trémont  avait  voulu 
donner  aux  arts  et  aux  artistes  un  dernier  gage  d'affection  et  de  re- 
connaissance, en  léguant  à  chacune  des  cinq  associations,  à  celle 
des  artistes  musiciens,  ensuite  à  celle  des  artistes  peintres,  archi- 
tectes, etc.,  des  artistes  dramatiques,  des  gens  de  lettres,  des  artistes 
inventeurs  et  industriels,  une  rente  annuelle  de  330  fr.  Par  le  testa- 
ment dans  lequel  le  testateur  ne  s'occupait  que  de  l'association  des 
artistes  musiciens  et  de  celle  des  artistes  peintres,  la  rente  n'était 
portée  qu'à  220  fr.  :  le  codicille  l'élève  à  330,  en  étendant  le  bien- 
fait aux  trois  autres  sociétés. 

Quand  le  testament  de  M.  le  baron  de  Trémont  sera  entièrement 
connu ,  on  verra  que  toute  la  fortune  laissée  par  lui  est  employée  en 
fondations  d'utilité  publique.  Aujourd'hui  nous  nous  bornons  à  en  pu- 
blier les  clauses  qui  nous  touchent  le  plus  directement. 

L'association  des  artistes  musiciens,  la  première  nommée  dans  le 
testament,  devait  être  aussi  la  première  à  honorer  d'un  pieux  hommage 


DE  PARIS. 


267 


la  mémoire  du  bienfaiteur.  Aussi  le  comité  a-t-il  décidé,  dans  sa  der- 
nière séance,  qu'une  messe  funèbre  serait  célébrée  en  l'honneur  de 
M.  le  baron  de  Trémont,  dans  l'église  de  Saint-Eustache.  L'exécution 
en  aura  lieu  vers  la  fin  du  mois  de  septembre,  et  le  beau  Requiem  com- 
posé par  M.  Hector  Berlioz  a  été  choisi  pour  cette  solennité. 

P.  S. 


DES  NEUMES 

Employées  û  la  notutîou  «!«i  Plnin-Cliaot. 

(3*  et  dernier  article)  (1). 

Ainsi  que  l'a  remarqué  M.  Nisard ,  les  monuments  de  la  notation 
neumatique  peuvent  se  diviser  en  trois  classes  :  1°  musique  d'église  : 
ceux-ci  sont  fort  nombreux ,  et  presque  toutes  les  grandes  bibliothè- 
ques, sans  parler  d'établissements  moins  considérables,  possèdent  des 
livres  de  liturgie  de  diverses  époques  notés  en  neumes  pures  ou  li- 
gnées; 2°  musique  séculière  :  les  monuments  de  ce  genre  sont  rares,' et 
la  liste  de  ceux  qui  sont  connus  n'est  pas  longue  à  rédiger  ;  3e  musique 
élémentaire  ou  tableaux  des  signes  neumatiques  avec  leur  dénomination, 
plus  rares  encore  que  les  précédents.  C'est  à  ces  derniers  qu'il  faudrait 
surtout  s'attacher,  s'ils  nous  fournissaient  les  documents  nécessaires  ; 
mais  il  s'en  faut  qu'ils  nous  instruisent  de  ce  que  nous  voudrions  sa- 
voir. Quand,  au  moyen-âge,  il  s'agit  d'expliquer  quoi  que  ce  soit ,  les 
auteurs  ont  deux  manières  tout  à  fait  opposées  :  ou  ce  sont  de  prolixes 
et  confuses  dissertations  appliquées  à  des  questions  oiseuses,  tandis 
que  les  points  essentiels  sont  constamment  négligés  ;  ou  bien  tout  se 
borne  à  des  renseignements  trop  succincts,  de  toute  part  insuffisants, 
et  souvent  à  de  simples  tables,  à  des  traductions  d'un  mot  par  un  autre 
qui  ne  sauraient  rien  éclaircir,  et  parfois  embrouillent  et  obscurcissent 
la  matière. 

C'est  dans  cette  dernière  situation  que  nous  nous  trouvons  par  rap- 
port aux  neumes.  Tout  ce  que  nous  possédons  à  cet  égard  se  réduit 
à  des  tables  de  signes.  Walther  en  a  publié  le  premier  une  dans  son 
Lexicon  diplomaticon.  Gerbert  en  a  donné  une  autre  plusieurs  fois 
reproduite  depuis,  jusqu'à  ce  que  M.  Danjou  en  fît  lithographier,  il  y  a 
quatre  ans,  une  troisième,  d'après  un  manuscrit  du  xin"  siècle  qui  se 
conserve  au  Vatican.  Le  père  Lambillotte  vient  d'ajouter  à  nos  res- 
sources une  nouvelle  table  de  cinquante-quatre  signes,  et  deux  autres 
de  dix-sept  signes  chacune  à  peu  près  identiques  ;  la  première  est  tirée 
d'un  manuscrit  de  Munich ,  provenant  de  l'abbaye  d'Ottenburg  ;  les 
deux  autres,  de  manuscrits  de  Murbach  et  de  Toulouse.  J'en  publierai 
moi-même  bientôt  une  autre,  que  j'ai  copiée  dans  deux  manuscrits  de 
Florence,  et  qui  contient  trente-cinq  signe*  dont  les  appellations,  toutes 
différentes  de  celles  que  l'on  connaît,  peuvent  en  certains  cas  éclaircir 
le  sens.  Au  reste,  cette  table,  ainsi  que  celles  de  MM.  Danjou  et  Lam- 
billotte, se  rapporte  plus  spécialement  à  l'époque  à  laquelle  les  neumes 
s'écrivaient  sur  la  portée,  et  bien  que  ce  soient  toujours  au  fond  les 
mêmes  signes,  comme  ils  sont  tracés  en  caractères  à  la  fois  plus  gras 
et  plus  élégants,  elles  sont  moins  utiles  que  les  anciennes,  puisque  les 
neumes  appliquées  à  la  portée  ne  sont  jamais  bien  difficiles  à  lire. 

A  ces  moyens  d'étude,  il  faut  joindre  l'Antiphonaire  de  Montpellier, 
dans  lequel  la  neumation  est  perpétuellement  interprétée  au,  moyen 
des  quinze  premières  lettres  de  l'alphabet  latin  ;  et  un  tableau  des  huit 
modes  en  double  notation  dont  l'infatigable  père  Lambillotte  a  publié 
le  fac  simile  d'après  un  manuscrit  de  Munich.  Chose  singulière,  les 
terminaisons  psalmodiques,  qui  seraient  ici  le  point  utile  à  vérifier, 
sont  précisément  celles  où  manque  la  lettration. 

Toutes  ces  pièces  suffisent  de  reste  pour  nous  faire  comprendre  ce 
que,  d'ailleurs,  la  seule  inspection  des  signes  neumatiques  nous  avait 
appris,  savoir,  que  tel  d'entre  eux  se  composait  d'un,  de  deux,  de 
trois  ou  d'un  plus  grand  nombre  de  degrés  ascendants  ou  descendants  ; 

(1)  Voir  les  n°'  29  et  31. 


mais  voilà  tout.  Les  difficultés  énoncées  plus  haut  subsistent  dans  leur 
entier,  et  nous  ignorons  toujours,  dans  un  très-grand  nombre  et  même 
dans  le  plus  grand  nombre  des  cas  ,  la  distance  des  degrés  entre 
eux.  (Il  est  bien  entendu  que  je  ne  parle  que  des  neumes  pures, 
c'est-à-dire  dépourvues  de  portée  et  des  autres  indications  qui 
pourraient  aider  à  la  lecture.)  Or,  nous  n'avons  plus  là  les  maîtres 
du  x«  siècle  pour  les  consulter,  et  nous  ne  pouvons  plus  savoir  ce  que 
pensent  sur  tel  graduel  ou  telle  antienne  maître  Salomon,  maître  Aubin 
ou  maître  Trudon  ;  d'ailleurs,  nous  savons  qu'ils  n'étaient  pas  d'accord, 
et  nous  ignorons  si,  revenant  au  monde  aujourd'hui ,  nos  vieux  con- 
frères s'entendraient  mieux  :  laissons-les  donc  dans  leur  repos, 

Ainsi  l'a  pensé  le  père  Lambillotte  dans  l'ardue  et  pénible  tâche 
qu'il  s'est  imposée  et  pour  laquelle  il  lui  faut  véritablement  un  courage 
et  une  persévérance  bien  rares  et  bien  dignes  d'éloges,  sans  parler  des 
moyens  matériels  dont  il  peut  disposer.  En  effet,  il  se  donne  bien  de 
garde  d'afficher  la  prétention  d'interpréter  les  neumes  à  priori;  son 
procédé  est,  au  contraire,  complètement  a  posteriori.  Après  avoir 
examiné  bien  attentivement  le  sens  des  neumes  et  les  moyens  que  l'on 
a  d'arriver  à  en  avoir  l'intelligence,  il  ne  s'aventure  pas  à  traduire  de 
lui-même  ,  il  interroge  les  traducteurs  les  plus  rapprochés  de  l'époque 
et  il  suit  jusqu'à  nos  jours  les  opérations  des  reproductions  de  traduc- 
tions anciennes  ;  car  il  ne  faut  pas  se  faire  illusion  :  une  fois  les  neu- 
mes placées  sur  des  lignes,  c'est  à  ces  nouvelles  copies  que  chacun 
s'est  attaché ,  et  personne  n'a  plus  été  faire  de  confrontation  dans 
les  manuscrits  en  neumation  pure.  Partant  donc  de  l'époque  de 
Guido,  c'est-à-dire  des  neumes  appliquées  à  la  portée  musicale,  qui  con- 
duisent assez  promptement  à  la  notation  actuelle  du  plain-chant,  le 
père  Lambillotte  procède  précisément  comme  ont  fait  les  savants  qui 
ont  expliqué  les  hiéroglyphes  égyptiens  au  moyen  de  l'inscription  si 
connue  écrite  en  caractères  hiéroglyphiques  et  démotiques,  puis  en 
langue  et  lettres  grecques.  Ici  les  neumes  pures  sont  les  hiéroglyphes  ; 
les  neumes  accompagnées  de  lignes,  de  couleurs,  de  lettres  ou  de  clefs, 
sont  les  caractères  démotiques;  enfin,  notre  notation  du  plain-chant 
correspond  aux  caractères  helléniques. 

Observons,  toutefois,  que  les  illustres  interprètes  de  l'antique  in- 
scription avaient  un  grand  avantage  et  pouvaient  opérer  avec  une  par- 
faite certitude  ;  car  la  version  grecque ,  la  seule  dont  ils  comprissent 
d'abord  le  sens,  était  contemporaine  des  deux  textes,  unique  et  d'une 
fidélité  inattaquable.  Sitôt  donc  qu'ils  eurent  bien  établi  dans  les  deux 
écritures  inconnues  le  rapport  des  mots  et  des  signes  avec  les  mots 
et  les  signes  de  la  version  grecque  ,  le  travail  était  fait,  et  ils  pou- 
vaient se  dire  en  toute  confiance  qu'en  retrouvant  ces  mêmes  caractè- 
res ailleurs,  ils  en  connaissaient  la  signification,  sauf  les  circonstances 
modificatives  ordinaires  que  pouvait  présenter  l'association  de  tel  mot 
à  d'autres  mots  :  ils  avaient  pleinement  raison. 

Pour  la  métagraphie  des  neumes  le  même  avantage  n'existe  pas.  Les 
travaux  du  père  Lambillotte  et  de  tous  ceux  qui  se  sont  occupés  de  la 
neumation  ne  pourront  donc  atteindre  à  un  tel  résultat.  Le  laborieux 
jésuite  le  sait  fort  bien  lui,  dont,  au  reste,  le  but  était  moins  d'é- 
tablir une  théorie  générale  et  absolue  de  neumation  que  de  trouver 
en  l'étudiant  les  moyens  de  ramener  le  chant  ecclésiastique  à  son  texte 
primitif.  Aussi  avoue-t-il  avec  la  droiture  de  l'homme  studieux  qui  a 
épuisé  tous  les  moyens  de  vérification  ,  et  pris  la  question  sous  toutes 
ses  faces,  que  les  signes  neumatiques  ont  tantôt  un  sens,  tantôt  un 
autre,  sans  qu'aucune  particularité  aide  à  discerner  quel  est  le  véritable. 
La  valeur  musicale  des  neumes,  dit-il,  ne  saurait  se  retrouver  dans  les 
neumes  elles-mêmes,  ces  signes  n'ayant  par  eux-mêmes  qu'une  valeur 
tonale  indéfinie,  et  la  manière  de  les  chanter  ne  s'étant  jamais  apprise 
que  par  l'usage. 

L'opinion  d'un  écrivain  qui  a  étudié  la  matière  avec  autant  de  pro- 
fondeur laisse  peu  d'espoir  à  quiconque  se  proposera  d'interpréter  les 
neumes  autrement  que  par  les  traductions  qui  en  ont  été  faites,  et  en 
vérifiant  laquelle  de  ces  versions  mérite  d'être  préférée.  Hors  de  là , 
tout  est  imaginaire.  On  pourra  bien  tirer  des  neumes  un  chant  plus  ou 


268 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


moins  beau ,  plus  ou  moins  naturel ,  portant  plus  ou  moins  dans  ses 
tournures  mélodiques  la  date  approximative  de  son  origine  ;  on  ne  sera 
jamais  sûr  de  reproduire  une  cantilène  telle  que  l'exécutaient  les  chan- 
tres avant  le  xie  siècle. 

A  l'égard  du  plain-chant ,  nous  possédons  une  ample  série  d'inter- 
prétations plus  ou  moins  recommandables,  qui  fournissent  au  travail  de 
tout  nouvel  éditeur  de  chant  d'église  les  secours  nécessaires  ;  mais 
pour  les  chants  séculiers  écrits  à  l'époque  des  neumes,  nous  n'avons 
rien  de  pareil.  Serons-nous  donc  à  tout  jamais  privés  de  la  lecture  des 
pièces  de  ce  genre  déjà  signalées  et  de  celles  qui  pourront  par  la  suite 
se  retrouver  ?  Cela  est  fort  à  craindre.  Et  pour  mon  compte,  après  une 
étude  attentive  des  travaux  entrepris  en  ces  derniers  temps,  particu- 
lièrement par  MM.  Nisard  et  Lambillotte,  je  me  vois  forcé  de  m'en  tenir 
à  l'opinion  que  j'ai  toujours  manifestée  sur  ce  sujet,  et  que  j'ai  de  nou- 
veau exprimée  lorsqu'il  fut  question  pour  la  première  fois  de  l'Anti- 
phonaire  de  Saint-Gall  (1)  ;  c'est  à  savoir  que,  si  les  neumes  ne  sont 
pourvues  de  clefs,  de  lettres,  de  couleurs  ou  enfin  de  lignes,  nous  ne 
saurions  les  lire  d'une  manière  certaine;  et  prétendre  le  contraire,  c'est, 
comme  le  dit  Guido,  vouloir  tirer  de  l'eau  d'un  puits  où  manque  la 
corde,  sauf  peut-être  le  cas  où  les  neumes  seraient  composées  de  points 
ou  signes  analogues  isolés  et  espacés  avec  une  régularité  suffisante; 
encore  resterait  il  un  vaste  champ  à  l'arbitraire,  surtout  si  rien  ne 
faisait  connaître  la  note  initiale. 

Lorsqu'il  s'agira  de  pièces  liturgiques,  on  pourra,  si  l'on  veut,  dire 
qu'on  lit  les  neumes;  mais,  en  réalité,  ce  ne  sera  jamais  le  texte  origi- 
nal des  neumes  que  l'on  lira ,  ce  sera  leur  traduction  ;  autrement ,  leur 
application  sur  la  portée  ou  leur  métagraphie  en  caractères  de  plain- 
chant  ,  et  l'opinion  à  laquelle  on  s'arrêtera  ne  sera,  en  dernière  ana- 
lyse, que  celle  de  l'un  des  traducteurs  qui ,  lui-même,  aura  été  plus  ou 
moins  bien  inspiré  ou  plus  ou  moins  bien  conseillé,  puisque  nous  avons 
vu  que  l'on  n'a  jamais  possédé  aucun  moyen  certain,  aucune  méthode 
rationnelle  de  vérification  et,  au  besoin,  de  rectification,  tout  dépen- 
dant de  la  décision  du  maître. 

Ce  fait,  malheureusement  trop  bien  prouvé,  et  que  le  père  Lambillotte 
ne  fait  nulle  difficulté  d'avouer,  ainsi  que  nous  l'avons  vu  il  y  a  un  ins- 
tant, n'ôtera  rien  au  mérite  des  travaux  qu'il  a  si  courageusement  en- 
trepris et  poussés  en  avant,  non  plus  qu'à  tous  ceux  qui  pourraient  être 
exécutés  dans  le  même  sens.  Il  est  des  choses  qu'il  faut  bien  se  résou- 
dre à  ignorer,  et  elles  sont  nombreuses;  maisl  orsque  notre  ignorance 
en  pareil  cas  nous  laisse  assez  de  points  éclaircis  pour  que  la  marche 
de  l'esprit  n'en  soit  point  ralentie,  mais  seulement  contrariée,  il  n'y  a 
pas  tant  à  se  plaindre.  Selon  toute  apparence  nous  ne  saurons  jamais 
d'une  manière  certaine  si  la  lune  est  habitée,  et  surtout  quelle  est  la 
nature  de  ses  habitants  ;  cela  nous  empêche-t-il  d'être  assurés  que  le 
satellite  attaché  à  notre  planète  fait  autour  d'elle  des  révolutions  de 
27  jours  1/3,  et  de  connaître  chacune  des  phases  de  ces  révolutions  ? 

Sachons  donc  nous  contenter  des  moyens  que  nous  possédons  de 
remonter  au  plain-chant,  tel  qu'on  l'a  connu  au  xie  siècle  ;  ce  sera  en- 
core beaucoup,  et  peut-être  ne  gagnerions-nous  pas  grand'chose  à  re- 
monter plus  haut,  si  ce  n'est  de  satisfaire  notre  curiosité  ;  c'est  une 
proposition  que  je  développerai  dans  une  autre  occasion.  Quant  aux 
pièces  dont  nous  ne  possédons  pas  de  traduction  qui  date  de  l'époque 
où  les  neumes  commencèrent  à  être  délaissées,  comme  il  n'existe  jus- 
qu'à présent  aucune  méthode  dont  la  certitude  soit  démontrée  pour 
arriver  à  les  déchiffrer,  il  n'y  a,  je  pense,  aucun  espoir  raisonnable 
de  lire  et  interpréter  ces  caractères,  que  nous  connaissons  bien  indivi- 
duellement, mais  qui,  ayant  plusieurs  sens,  prêtent  aune  multitude  d'in- 
terprétations et,  dans  les  cas  les  plus  favorables ,  ne  peuvent  aboutir 
qu'à  des  conjectures. 

Si  l'on  en  voulait  un  exemple,  je  proposerais  de  soumettre  aux  musi- 
cistes  qui  se  sont  le  plus  occupés  des  neumes,  c'est-à  dire  à  MM.  Fétis 
Nisard  et  Lambillotte,  que  je  nomme  ici  selon  la  date  de  leurs  travaux, 

(1)  Voir  la  Gazette  musicule  du  12  octobre  1851. 


une  pièce  de  quelques  lignes  en  neumation  pure,  en  les  priant  de  la 
traduire  dans  notre  système,  tandis  que  de  mon  côté  je  ferai  la  même 
opération.  Qu'arrivera-t-il  (;uand  ce  sera  terminé?  Il  se  pourra  fort 
bien  que  l'on  ait  quatre  interprétations  différentes  :  chacun  de  nous 
trouvera  des  raisons  également  plausibles  pour  soutenir  sa  version  et 
des  motifs  attaquer  chacune  des  trois  autres,  qui  aura  pour  se  défendre 
à  son  tour,  non  moins  admissibles  ;  en  sorte  que,  tout  comme  au  temps 
de  Jean  Cotton,  l'on  aura  une  pièce  de  maître  Fétis,  de  maître  Nisard, 
de  maître  Lambillotte,  de  maître  Adrien.  C'était  celle  de  l'auteur  primitif 
que  l'on  demandait. 

Adrien  de  La  FAGE. 


REVUE  CRITIQUE. 

HARHOXIB  DHiSS   H.SSUttS*, 

SIX  MORCEAUX  POUR  LE  PIANO,  PAR  M.  J.  BLUMENTHAL. 

Faire  de  la  musique  de  piano  à  la  fois  facile  et  jolie,  c'est  fort  joli , 
vraiment  ;  mais  ce  n'est  pas  facile,  puisque  si  peu  de  gens  en  ont  le 
secret.  Vous  plaît-il  d'en  chercher  la  preuve  ?  Additionnez  patiemment 
tout  ce  qui  se  publie  au  jour  le  jour  à  l'usage  ^des  moyens  d'exécution 
médiocres,  incomplets,  bornés.  Le  chiffre  est  considérable,  n'est-ce 
pas  ?  Mais  la  valeur,  quelle  est-elle  généralement  ?  Quelque  chose 
comme  zéro.  Rendez  donc  justice  au  talent,  bien  moins  ordinaire  qu'on 
ne  croirait ,  qui  sait  flatter  l'oreille  sans  mettre  en  mouvement  tout 
l'arsenal  des  complications  formidables  du  mécanisme  ;  et  reconnaissez 
que  si  la  musique  à  grands  effets  de  bruit  et  de  difficulté,  la  musique  à 
grand  ramage,  est  de  mise  au  concert  sous  la  main  des  premiers  vir- 
tuoses,'les  compositions  moins  étourdissantes,  moins  ambitieuses,  mais 
quelquefois  aussi  plus  aimables  et  mieux  aimées,  ont  bien  leur  prix  et 
leur  mérite  dans  l'intimité  du  salon  ou  du  cabinet  d'étude. 

Elles  s'adressent  d'ailleurs  à  une  population  d'élèves  et  d'amateurs 
bien  autrement  nombreux.  Les  grandes  forces  ne  sont  que  des  excep- 
tions. La  majorité,  soit  défaut  de  courage,  soit  manque  de  vocation ,  se 
contente  d'atteindre  un  certain  juste-milieu  ,  ligne  d'arrêt  qu'elle  ne 
franchit  point.  Mais,  elle  aussi  a  son  amour-propre,  de  l'amour-propre 
jusqu'au  bout  des  doigts.  Elle  tient  à  briller  dans  sa  sphère  mixte.  Elle 
veut  moins  être  que  paraître.  Ce  qu'il  lui  faut  donc,  c'est  d'abord  de  la 
musique  toute  nouvelle,  toute  fraîchement  écrite,  puis  de  la  mélodie 
séduisante,  pnis  encore  du  trait  assez  pimpant  pour  faire  bonne  figure, 
assez  facile  cependant  pour  ne  réclamer  ni  travail  ni  fatigue,  puis,  en- 
fin, dans  le  sujet  quelque  chose  de  poétique  qui  permette  à  l'auditoire 
de  se  récrier  sur  les  trésors  de  sentiment,  d'esprit,  d'expression ,  dont 
chacun  se  croit  bien  sincèrement  le  fortuné  possesseur.  Comprenez- 
vous  maintenant  pourquoi  il  n'est  pas  si  aisé  de  satisfaire  avec  un  égal 
succès  à  toutes  les  conditions  du  programme  ? 

Entre  les  quelques  compositeurs-pianistes  qui  ont  aujourd'hui  cette 
habileté  ou,  si  vous  voulez,  ce  bonheur,  M.  Blumenthal,  l'auteur  de  la 
Source,  n'est  pas  le  moins  favorisé.  Il  a  su  saisir  avec  adresse  le  point 
précis,  en  deçà  et  au  delà  duquel  on  n'est  plus  accepté  par  le  tiers- 
état  des  exécutants.  Aussi  se  garde-t-il  bien  soigneusement  des  excen- 
tricités rhythmiques  ou  harmoniques,  des  écarts  d'imagination.  Tout 
cela  manquerait  le  but.  Ce  qu'il  recherche  et  ce  qu'il  trouve,  c'est  un 
mélange  exactement  pondéré,  d'agrément,  d'effet,  de  pittoresque,  le 
tout  approprié  à  des  mains  d'une  dextérité  secondaire. 

L'ordre,  la  clarté,  sont  naturellement  les  qualités  dominantes  de  son 
style.  Sa  mélodie,  ennemie  de  la  vulgarité  banale,  allie  au  charme  so- 
nore le  mérite  de  V expressivité  ;  le  coloris  musical  répond  fidèlement 
à  la  donnée  poétique. 

Toutes  ces  qualités,  qui  expliquent  et  justifient  le  succès  de  la  mu- 
sique de  M.  Blumenthal,  ne  font  point  faute  aux  six  nouveaux  morceaux 
dont  se  copmose  le  recueil  intitulé  Harmonie  des  fleurs  :  recueil  aussi 
joli  que  le  titre,  et  qui  tient  tout  ce  que  le  titre  promet.  Il  était  tout 
simple  que  M.  Blumenthal   (traduisez  littéralement  Florival  ou  Val 


DE  PARIS. 


269 


fleuri)  rendît  hommage  à  l'empire  de  Flore  d'où  lui  esl  venu  son  nom. 
Quoi  de  plus  poétique  d'ailleurs,  de  mieux  fait  pour  porter  à  l'imagi- 
nation que  cette  langue  symbolique  des  fleurs,  qui  s'exhale  avec  mys- 
tère des  corolles  parfumées?  Quel  cortège  de  brillantes  réminiscences 
traverse  la  pensée  en  songeant  à  ce  langage  pénétrant  et  suave,  né 
dans  l'Orient,  à  l'ombre  voluptueuse  du  harem,  parmi  les  belles  es- 
claves de  l'Asie  !  Charmant  pays  vraiment  que  celui  où  pour  parler  le 
plus  éloquemment  du  monde,  on  n'a  nul  besoin  d'enlacer  les  plus 
belles  fleurs  de  rhétorique.  Un  tout  petit  bouquet  parle  plus  savamment 
qu'un  Bossuet.  Son  style  fleuri  a  dit  bien  vite  amour,  désir,  ivresse. 
Les  six  compositions  de  M.  Blumenthal  disent-elles  donc  toutes  ces 
charmantes  choses?  Oui  vraiment  et  d'autres  encore. 

La  rose  y  parle  d'amour;  l'héliotrope,  d'enivrement;  les  prime- 
vères, des  fraîches  illusions  de  la  jeunesse.  Mais  il  y  a  aussi  la  violette 
qui  dit  modestie  et  retenue  ;  la  pensée,  tendres  souvenirs  ;  le  romarin, 
deuil  et  tristesse.  En  six  mots  ou  plutôt  en  six  fleurs,  voilà  tout  un  ro- 
man. Cette  énigme  que  l'artiste  propose  en  musique  à  ses  sentimentales 
lectrices,  mesdames,  on  vous  la  laisse  à  deviner. 

Ali  !  que  ces  bouquets, 

S'ils  n'étaient  discrets, 

Diraient  de  secrets! 
Voyez  d'abord  quel  aimable  éclat  dans  les  Primevères.  Ce  motif  en 
trilles  brillants  comme  le  ramage  du  rossignol,  ce  chant  expressif  que 
soupire  la  main  gauche,  cette  coda  scintillante  où  l'on  croit  retrouver 
les  frémissements  de  la  brise,  des  feuillages,  des  eaux  argentées,  n'est- 
ce  pas  tout  le  printemps  avec  sa  riante  suite  et  aussi  le  délicieux 
rayonnement  des  premières  impressions  de  l'âme  et  de  la  vie?  Lisez 
ou  écoutez  la  Violette,  cantilène  fraîche  et  naïve,  dans  le  goût  des  al- 
legretto de  Mozart,  sans  faste  ni  prétention.  On  y  voudrait  pour  épi- 
graphe ce  joli  quatrain  de  Saint-Sorlin,  mêlé  à  la  guirlande  poétique 
de  Julie  de  Rambouillet  : 

Franche  d'ambition,  je  me  cache  sous  l'herbe, 
Modeste  en  ma  couleur,  modeste  en  mon  séjour; 
Mais  si  sur  votre  front  je  me  puis  voir  un  jour, 
La  plus  humble  des  fleurs  sera  la  plus  superbe! 

11  est  juste  que  la  Rose  (le  n°  3)  soit  moins  timide,  moins  modeste. 
Tout  d'abord  elle  se  pose  en  reine  des  fleurs  ;  c'est  bien  son  droit  de 
rose.  Elle  triomphe  donc  en  ré  majeur  (le  ton  classique  de  tous  les 
triomphes),  dans  un  neuf-huit  qui  plaît  d'autant  plus  que  le  début  rappelle 
clairement  un  thème  aimé  du  public,  un  beau  tutti  du  Val  d'Andorre. 
L'épisode  du  milieu  en  fa  dièse  majeur  forme  un  contraste  bien  ac- 
cusé. Il  y  a  dans  ce  court  andante  du  mystère,  de  la  tendresse  provo- 
quante, même  un  grain  de  volupté;  et  tout  de  suite,  la  rose,  plus  co- 
quette qu'aimante,  plus  sensuelle  que  sensible,  reprend  l'attitude  et  le 
chant  du  triomphe. 

A  cet  éclat,  le  Romarin  vient  opposer  le  regret  douloureux,  l'an- 
goisse passionnée.  C'est  bien  ici 

La  plaintive  élégie  en  longs  habits  de  deuil. 

Voici  d'abord  une  marche  funèbre,  qui  n'est  pas  sans  porter  quel- 
que lambeau  du  crêpe  des  marches  funèbres  de  Beethoven  ;  plus  loin, 
un  agilalo  chaleureux,  pathétique.  La  conclusion  en  fa  majeur  exprime 
la  prière  et  la  résignation.  Ce  quatrième  numéro  est  un  petit  drame 
qui  a  droit  au  succès. 

Le  n°  5,  la  Pensée,  ramène  à  des  émotions  moins  vives.  C'est  la  mé- 
lancolie du  souvenir,  mélancolie  qui  a  son  charme  et  sa  douceur. 
Aussi  le  thème  est-il  affectueux  et  paisible,  mais  de  forme  résolu- 
ment italienne.  Ce  n'est,  du  reste,  qu'une  simple  mélodie  trois  fois  ré- 
pétée avec  variation  d'accompagnement,  le  même  joli  minois  qui  se 
montre  sous  différents  costumes.  Disons  ici  à  l'auteur  qu'il  abuse  un 
peu  du  droit  de  placer  la  mélodie  aux  deux  mains  à  la  fois.  Revenir  à 
ce  moyen  bruyant  à  peu  près  dans  les  six  morceaux,  c'est  quelque  peu 
monotone.  Il  est  vrai  que  le  tort  en  est  à  la  mode,  fort  engouée  de  ce 
procédé. 

V Héliotrope  a  beaucoup  de  verve  et  de  vivacité.  Le  thème  en  trio- 
lets donne  quelque  idée  du  désordre  de  l'ivresse.   Le  deuxième  chant 


doit  plaire  tout  autant  que  l'épisode  développé  et  impétueux  qui  le 
suit.  Ce  morceau,  un  peu  plus  difficile  que  les  précédents,  est  brillant 
et  susceptible  d'effet. 

On  le  voit,  les  fleurs  musicales  de  M.  Blumenthal  portent  dans  leur 
calice  le  germe  d'un  honorable  succès.  Plus  d'une  main  jolie  les  voudra 
cueillir  et  respirer.  Si  elles  étaient  écloses  cent  ans  plus  tôt,  le  Mercure 
de  France,  mielleux  contemporain  des  Indes  galantes  de  Rameau, 
n'eût  pas  manqué  de  leur  appliquer  galamment  le  chœur  de  cet  opéra  : 

Triomphez,  agréables  fleurs. 
Répandez  vos  parfums,  ranimez  vos  couleurs, 
Triomphez  agréables  fleurs. 

Maurice   BOURGES. 


CORRESPONDANCE. 

Marseille,  7  août  1852. 

La  compagnie  italienne,  dont  les  travaux  ont  commencé  vers  le  milieu 
du  mois  de  juin,  vient  de  terminer  ses  représentations  devant  un  nombreux 
auditoire. 

Après  avoir  débuté  par  Nabuco,  la  compagnie  de  M.  Provini  sentit  le 
besoin  de  passer  à  un  ouvrage  plus  populaire,  et  le  Barbier  de  Sêvillé  parut 
avec  l'appui  de  Lucchesi,  habile  et  gracieux  ténor,  et  Galli,  l'excellente 
basse  bouffe.  Par  malheur,  Mmes  Finetti-Battochi  (Rosine)  et  Col i va  (Fi- 
garo) ,  peu  familiers  avec  les  traditions  rossiniennes,  au  lieu  de  contribuer 
à,  l'ensemble  de  l'exécution,  en  ont  paralysé  l'effet  ;  aussi ,  comme  attrait 
nouveau,  la  direction  a-t-elle  offert  immédiatement  au  public  MaihiUe  de 
Sabran. 

Cette  partition,  que  vous  avez  entendue  à  Paris  avec  Lucchesi,  renferme 
de  beaux  morceaux  d'ensemble ,  quelques  duos  et  trios  empreints  de  la 
main  du  maître  ;  mais  les  longueurs  fastidieuses  d'une  intrigue  absurd  , 
rendues  moins  supportables  encore  par  la  présence  de  quelques  chanteurs 
médiocres,  ont  mis  à  bout  la  patience  des  auditeurs,  malgré  le  talent  de 
Lucchesi  et  de  Galli,  qui  figuraient  en  première  ligne  dans  Maihilde. 

Vous  le  voyez,  les  débuts  de  la  compagnie  italienne  ne  s'annonçaient  pas 
sous  de  très-favorables  auspices;  heureusement,  M.  Provini,  qui  d'habitude 
ne  néglige  rien  pour  satisfaire  son  public,  a  écrit  en  toute  hâte  à  M.  et 
Mme  Gassier,  en  représentation  à  Barcelone,  et  dès-lors  le  succès  de  l'en- 
treprise a  été  complètement  assuré. 

Mme  Gassier,  dont  la  voix  étendue,  brillante  et  légère  (cette  voix  donne 
le  contre  fa  au-dessus  des  lignes),  aborde  avec  une  audace  peu  commune 
et  un  rare  bonheur  les  rôles  les  plus  forts  du  genre  italien,  a  été  reçue  avec 
enthousiasme  dans  Rosine.  Au  3e  acte  du  Barbier,  la  cantatrice  a  placé  fort 
à  propos  de  fort  jolies  romances  espagnoles  qui  ont  ravi  l'auditoire,  car 
Mme  Gassier  dit  ces  gracieuses  bluettes  en  véritable  Castillane,  c'est-à- 
dire  avec  la  couleur  et  l'accent  qui  leur  sont  particuliers. 

Gassier,  jadis  élève  du  Conservatoire  de  Paris,  est  aujourd'hui  un  des 
meilleurs  barytons  de  l'Italie.  Si  l'on  excepte  Ronconi  et  Tamburini,  per- 
sonne, je  crois,  à  l'heure  qu'il  est,  ne  comprend  le  rôle  de  Figaro  mieux 
que  lui.  Comme  chanteur  et  comme  comédien,  Gassier  a  fait  de  très- 
grands  progrès.  Il  parle  la  langue  italienne  avec  une  pureté  tout  à  fait 
irréprochable,  et  avec  un  chic  qui  donne  le  change  sur  son  origine  pro- 
vençale. Ajoutez  à  cela  que  notre  chanteur  est  doué  d'un  très-beau  phy- 
sique, et  vous  expliquerez  facilement  les  succès  qu'il  obtient  partout. 

Ces  artistes  remarquables  sont  venus  accompagnés  de  M.  Cavallini,  pre- 
mière clarinette  sulo  du  théâtre  de  la  Scala.  Ici  les  formules  les  plus  élo- 
gieuses  seraient  insuffisantes  pour  vous  parler  du  mérite  de  ce  virtuose, 
qui  chante  sur  son  instrument  comme  on  chantait  jadis  au  bon  temps  du 
Théâtre- Italien.  Le  style  de  M.  Cavallini  est  exempt  de  tout  charlatisme; 
il  est  simple,  correct,  élégant.  Dans  les  mélodies  suaves  qui  forment  ses 
compositions,  très- purement  écrites,  l'oreille  est  toujours  charmée,  sans 
qu'une  seule  note  défectueuse  ou  un  trait  de  mauvais  goût  vienne  jamais 
déparer  son  admirable  exécution. 

Quant  aux  difficultés  entassées  comme  à  plaisir  par  l'artiste  dans  les 
mouvements  animés,  il  les  résout  avec  une  facilité  qui  tient  du  prodige  ; 
et  chose  plus  étonnante  encore,  c'est  qu'au  milieu  de  cette  immense 
quantité  de  notes  savamment  combinées  dans  toute  l'étendue  de  l'instru- 
ment sur  des  positions  souvent  très-scabreuses,  le  rhythmeet  la  mesure  ne 
souffrent  aucune  atteinte  et  sont  toujours  rigoureusement  respectés. 

Un  des  morceaux  qui  ont  produit  le  plus  d'effet  est  le  duo  concertant 
de  Norma,  exécuté  par  Mme  Gassier  et  M.  Cavallini,  dans  lequel  l'instru- 
ment et  la  voix  font  assaut  de  difficultés,  et  réalisent  pour  ainsi  dire 
l'impossible.  Je  dois  vous  signaler  aussi  une  valse  brillante  du  maestro 
Venzano,  écrite  pour  voix  de  soprano,  et  avec  laquelle  Mme  Gassier  enlève 


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REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


chaque  soir  les  applaudissements  de  l'auditoire  par  l'éclat  et  l'agilité  de 
sa  vocalisation. 

Les  ouvrages  représentés  par  la  compagnie  italienne  'sont  :  Nabuco, 
le  Barbier,  Mathilde  de  Sabran,  I  Capuleti,  où  s'est  produit  Mlle  Borghi- 
Vietti,  jeune  contralto  en  espérance;  Linda  et  Don  Pasquale,  qui  est  le 
triomphe  de  Galli. 

La  troupe  française  doit  commencer  ses  représentations  dans  les  pre  - 
miers  jours  de  septembre.  Parmi  les  principaux  sujets  qui  doivent  en 
faire  partie,  on  cite  M.  Fedor.  premier  ténor  de  grand  opéra,  actuelle- 
ment à  Londres  ;  Mlle  Lafont,  première  chanteuse  dramatique  ;  M.  Martin, 
baryton  de  Bruxelles  déjà  connu  à  Marseille  ;  Mme  Charton,  notre  chan- 
teuse légère  de  l'année  dernière,  et  Audran,  de  l'Opéra-Comique.  Lorsque  le 
moment  sera  venu,  je  vous  dirai  comment  ces  artistes  ont  été  reçus  par 
le  public  marseillais. 


NOUVELLES. 


*„*  Demain  lundi,  à  l'Opéra,  la  127'  représentation  du  Prophète. 

%*  Hier  samedi,  à  l'occasion  des  fêtes,  il  y  a  eu  spectacle  gratis  aux 
trois  grands  théâtres,  à  ceux  de  la  Gaîté  et  de  l'Ambigu-Comique.  L'Opéra 
donnait  la  Favorite  et  le  Diable  à  quatre;  l'Opéra-Comique,  Bonsoir,  Mon- 
sieur Pantalon  et  Giralda;  le  Théâtre-Français,  Cinna  et  le  Malade  ima- 
ginaire ;  le  théâtre  de  la  Gaîté,  les  Chevaux  du,  Carrousel  et  le  Fils  de 
l'Empereur  ;  l' Ambigu-Comique,  la  Queue  du  Diable  et  le  Roi  de  Rome. 

*„*  Lundi  dernier,  Mme  Tedesco  chantait  pour  la  première  fois  le  rôle 
de  Léonor  dans  la  Favorite.  C'est  un  succès  de  plus,  et  un  brillant  succès, 
pour  la  cantatrice  dont  la  voix  si  belle  et  si  étendue  possède  une  grande 
puissance  d'expression.  Comme  actrice,  Mme  Tedesco  a  aussi  mérité  son 
succès.  Dans  le  duo  final  avec  Gueymard,  elle  a  enlevé  la  salle,  et  le  bis  a 
été  unanime.  Il  faut  dire  que  Gueymard  avait  été  supérieur  dans  le  rôle 
de  Fernand;  Morelli  et  Obin  remplissent  les  deux  autres  rôles  d'une  ma- 
nière non  moins  distinguée,  ce  qui  donne  à  l'ouvrage  entier  un  ensemble 
des  plus  remarquables. 

***  Le  Prince-Président  de  la  République  assistait  mercredi  à  la  reprise 
de  Gisèle.  Cent  cinquante  places  de  parterre  avaient  été  réservées  aux 
marins  venus  de  Cherbourg  à  Paris  pour  concourir  aux  fêtes  nationales. 
La  Xacarilla  commençait  le  spectacle,  et  nos  braves  marins  ont  paru 
beaucoup  se  plaire  à  ce  petit  opéra,  dans  lequel  bon  nombre  de  matelots 
sont  en  scène.  Le  Prince  est  resté  jusqu'à  la  fin  du  spectacle,  qui  ne  s'est 
terminé  qu'à  minuit. 

%*  Giselle,  ce  charmant  ballet,  dont  la  partition  vaut  celle  d'un  opéra, 
n'a  pas  moins  réussi  que  dans  sa  primeur,  et  à  toutes  les  reprises  qui  ont 
eu  lieu  depuis.  Mlle  Regina  Forli,  qui  joue  le  rôle  principal,  est  une  dan- 
seuse agréable,  et  Mlle  Bagdanoff  montre  beaucoup  de  talent  et  d'entrain 
dans  la  fameuse  valse  du  premier  acte. 

*„*  Le  spectacle  de  vendredi  se  composait  encore  des  deux  mêmes  ou- 
vrages, la  Xacarilla  et  Giselle. 

***  Le  théâtre  de  Sa  Majesté ,  à  Londres ,  a  dû  faire  hier  samedi  sa 
clôture.  Celui  de  Covent-Garden  annonçait  pour  le  même  jour  :  Pietro  il 
Grande,  l'opéra  de  Jullien. 

%*  Mmes  Viardot  Garcia,  Castellan  et  Clara  Novello  viennent  d'être 
engagées  pour  les  deux  grandes  fêtes  musicales  qui  seront  données  pro- 
chainement à  Hereford  et  à  Birmingham,  en  Angleterre.  Chacun  de  ces 
festivals  durera  quinze  jours,  et  il  y  aura  environ  deux  mille  exécutants. 

%*  Mme  Sontag  et  son  accompagnateur,  Cari  Eckert,  sont  en  ce  moment 
à  Paris.  Le  25  de  ce  mois  ,  ils  s'embarqueront  à  Liverpool  pour  l'Amé- 
rique. 

%*  Géraldy  est  de  retour,  après  avoir  donné  de  brillants  concerts  à  Liège 
et  à  Spa. 

V  L'Académie  impériale  des  beaux-arts  de  Saint-Pétersbourg  ouvrira 
vers  la  fin  de  septembre  prochain  une  exposition  des  beaux-arts.  Les 
artistes  de  tous  les  pays  sont  admis  à  y  exposer  leurs  ouvrages. 

V  Georges  Mathias ,  le  pianiste  compositeur,  a  quitté  Paris  pour  se 
rendre  à  Ems. 

V  Un  Te  Deum,  composé  par  M.  Dietsch,  sera  exécuté  aujourd'hui 
dans  l'église  de  la  Madeleine. 

%*  Voici  le  programme  du  concert  d'harmonie  qui  sera  donné  ce  soir 
anx  Tuileries  sur  la  terrasse  des  Feuillants  :  1,  Air  de  la  Reine  Hortense  ; 
2.  Ouverture  de  la  Sirène,  d'Auber;  3.  Fantaisie  sur  les  Huguenots,  de 
Meyerbeer  (avec  les  nouveaux  instruments  de  M.  Sax)  ;  U.  Fantaisie  sur 
l' Enfant  prodigue,  d'Auber  ;  5.  Boléro  de  Fessy  ;  6.  Fantaisie  militaire,  de 
Mohr;  7.  Ouverture  du  Jeune  Hturi,  de  Méhul  ;  8.  Cavatine  du  Chakt, 
d'Ad.  Adam;  9.  Sanctus,  d'Ad.  Adam  (avec  les  nouveaux  instruments  de 
M.  Sax)  ;  10.  le  Rossignol,  valse  de  Julien  ;  11.  Allégro  militaire,  de  Lan- 
delle.  Les  instrumentistes,  au  nombre  de  deux  cents,  seront  dirigés  par 
M.  Landelle. 

*„.*  Le  prince  Lucien  Murât  vient  d'inaugurer  le  beau  château  de 
Buzenval  par  une  fête  que  le  Président  de  la  République  honorait  de  sa 
présence.  La  partie  musicale  était  confiée  à  M.  Mairalt,  ténor;  Ed.  Beauce, 
baryton  ;  Dobbels,  basse-taille  ;  à  Mme  Clary  et  à  la  jeune  Urso,  la  précoce 


violoniste.  Le  programme  avait  pour  morceau  principal  des  stances  com- 
posées par  M.  Charles  Pollet,  sous  ce  titre  :  Dieu  protège  la  France  !  chant 
héroïque  interprété  par  M.  Mairalt  avec  une  sympathique  énergie,  et 
dont,  après  avoir  félicité  l'auteur,  le  Président  a  bien  voulu  accepter  la 
dédicace.  Une  particularité  qui  mérite  d'être  mentionnée,  c'est  que  dans 
la  prière  de  Moïse,  dont  les  solos  ont  été  chantés  avec  suavité  par 
Mme  Hostie  et  les  chœurs  avec  une  rare  précision,  la  voix  argentine  de 
M.  Gozora  avait  un  accompagnement  de  harpe,  dont  les  vigoureux  arpè- 
ges étaient  marqués  par  une  femme  qui  n'est  plus  jeune,  Mme  Simouin 
Pollet,  mère  de  l'auteur  des  stances,  et  qui  était,  il  y  a  trente-huit  ans, 
harpiste  à  la  cour  de  Joachim  Murât,  roi  de  Kaples,  père  du  prince  Lucien 
Murât. 

*„*  On  se  souvient  du  succès  qu'a  obtenu  au  concert  des  compositeurs 
modernes  un  chœur  pastoral  de  M.  Charles  Vervoitte ,  maître  de  chapelle 
de  la  cathédrale  de  Rouen.  Une  messe  à  quatre  voix  et  accompagnement 
d'orgue,  du  même  auteur,  sera  exécutée  à  Saint-Roch  le  22  août,  jour  de 
la  fête  patronale  de  cette  paroisse.  Les  solos  seront  chantés  par  M.  Alexis 
Dupond. 

***  Le  journal  de  Constantinople  du  19  juillet  nous  apporte  des  nou- 
velles de  Vivier.  Le  feuilleton  parle  de  lui,  sous  ce  titre  :  Un  esprit  in- 
croyable et  un  cor  merceilleux.  Il  paraît  que  Vivier  est  toujours  le  même, 
comme  homme  et  comme  artiste.  11  ne  se  prodigue  pas  plus  à  Constanti- 
nople qu'à  Paris  ou  à  Londres,  et  c'est  là-bas  comme  ici  une  rare  bonne 
fortune  de  l'entendre;  mais  chaque  fois  qu'on  l'entend,  il  provoque  la 
surprise,  l'admiration,  l'enthousiasme.  La  symphonie  qu'il  a  composée  et 
qu'il  exécute  à  lui  tout  seul  a  inspiré  à  l'auteur  du  feuilleton  un  petit 
poëme  que  nous  regrettons  de  ne  pouvoir  transcrire. 

CHRONIQUE     ÉTRANGÈRE. 

%*  Berlin.  —  Le  jour  anniversaire  de  la  naissance  du  feu  roi  a  été  célé- 
bré par  une  solennité  musicale  et  dramatique.  La  grande  marche  de  fête 
et  l'hymne  national  prussien,  exécutés  par  la  chapelle  royale  et  tous  *es 
corps  de  musique  de  la  garnison  ont  produit  l'effet  le  plus  grandiose.  Dans 
l'hymne  national  prussien  les  soli  ont  été  chantés  par  Roger  et  les  artistes 
les  plus  éminents  du  théâtre  royal.  —  La  représentation  de  Lucia  au  même 
théâtre  a  offert  le  plus  vif  intérêt.  Cette  charmante  partition  a  été  chantée 
en  italien  par  toute  la  troupe  ainsi  que  par  le  ténor  français,  qui  a  fait 
merveille  dans  le  rôle  d'Edgard  :  il  en  a  rendu  toutes  les  nuances,  tous  les 
plus  fins  détails  avec  unererfection  étonnante,  avec  un  goût  exquis.  Mais 
c'est  surtout  comme  acteur  que  Roger  a  soulevé  un  enthousiasme  dont  il 
serait  difficile  de  se  faire  une  idée.  La  scène  finale  du  second  acte  est  une 
des  plus  admirables  créations  de  l'artiste  ;  la  passion  y  éclate  et  déborde 
dans  toute  sa  plus  véhémente  énergie,  sans  jamais  franchir  la  limite  du 
beau.  Roger  a  eu  plusieurs  fois  les  honneurs  du  rappel,  ainsi  que 
Mme  Tuczek,  qui  s'est  fait  applaudir  à  côté  de  lui  dans  le  rôle  de  Lucia. 

*„*  Bade,  12  août.  —  Les  soirées,  bals  et  concerts  se  suivent  ici,  mais  ne 
se  ressemblent  guère.  Mlle  Teresa  Milanollo  a  donné  son  second  concert  ; 
nous  y  avons  remarqué  le  prince  et  la  princesse  Frederick  de  Prusse,  la 
princesse  Stéphanie,  une  foule  de  princes  et  princesses  plus  ou  moins 
couronnés,  toute  la  haute  société  russe,  la  noblesse  allemande,  et  an- 
glaise, auxquelles  se  joignait  la  haute  bourgeoisie  de  tous  les  pays,  émail- 
lée  des  plus  jolies  femmes  en  toilettes  éblouissantes.  Vous  dire  que  la 
grande  artiste  a  admirablement  joué  cinq  morceaux,  qu'elle  s'y  est  sur- 
passée, qu'elle  a  été  couronnée  et  rappelée,  c'est  raconter  ce  qui  lui 
arrive  tous  les  jours  et  partout.  La  recette  a  été  très-considérable.  Le 
lendemain,  un  pianiste  qui  s'intitule  1"  prix  du  Conservatoire  (ce  qui 
est  vrai)  et  professeur  à  la  même  école  (ce  qui  est  moins  exact),  M.  De- 
combes  avait  pour  auditeurs  une  quinzaine  de  personnes.  Hier,  MM.  Ha- 
berbier  et  Nathan  ont  donné  une  matinée  musicale.  Vous  savez  que  le 
dernier  joue  du  violoncelle  comme  un  bon  amateur.  Quant  à  M.  liaber- 
bier,  nous  sommes  forcés  de  dire  qu'il  tape  très-fort  sur  le  piano,  et 
qu'il  fait  avec  les  deux  mains  ce  que  Liszt,  Thalberg  et  Dreyschock  ont 
toujours  fait  d'une  seule  :  voilà  ce  qu'on  appelle  de  l'invention  et  du  pro- 
grès. Samedi  prochain,  Seligmann  donnera  un  matinée  musicale,  et 
quelques  jours  après,  Cossman  un  concert,  dans  lequel  Rosenhain 
fera  entendre  un  trio  nouveau.  Vous  voyez  que  si  la  musique  se  tait  chez 
vous,  ici  elle  se  dédommage  de  son  silence.  Au  théâtre  nous  avons  en- 
tendu un  ténor,  M.  Reer,  dont  la  belle  voix  rappelle  celle  d'Uaitzinger 
dans  son  bon  temps.  Par  malheur  il  ne  sait  pas  s'en  servir,  et  il  lui  fau- 
drait un  bon  professeur.  Il  a  chanté  dans  l'opéra  de  Flotow,  Martha, 
dans  la  Dame  blanche,  et  se  fera  entendre  demain  dans  les  Hugumots.  Le 
public  se  porte  en  foule  à  ces  représentations.  11  est  difficile  de  voir  une 
saison  plus  brillante  et  plus  élégante.  Aussi  faut-il  dire  que  M.  Benazet 
accorde  une  protection  toute  particulière  aux  artistes,  et  ne  néglige  rien 
pour  amuser  la  haute  société  qu'il  sait  attirer  chaque  année  à  Bade.  En 
attendant  le  grand  bal  qui  doit  avoir  lieu  le  29  de  ce  mois,  M.  le  comte 
de  Stakelberg  en  a  donné  hier  un  très-élégant,  malgré  l'absence  de  la 
société  française  et  anglaise,  qui,  dit-on,  n'était  pas  invitée. 

*  *  fienne.  —  Pour  la  prochaine  saison  des  concerts  on  annonce 
M.  Léopo  d  de  Meyer,  Dreyschock  et  Kontsky,  ainsi  que  Teresa  Milanollo. 
MM.  Adam,  Auber,  Berlioz,  de  Beriot,  Fétis  (père),  Halévy,  Liszt,  Lachner, 
Lindpaintner ,  Marx,  Marschner ,  Meyerbeer,  Mercadante,  Woschelès, 
Molique,  Reissiger,  Rossini,  Spohr,  Fréd.  Schneider,  Rob.  Schumann  et 


DE  PARIS. 


271 


Thalberg,  viennent  d'être  nommés  membres  honoraires  de  l'Académie  de 
musique.  —  Les  restes  mortels  d'Haydn  ont  été  exhumés  en  présence 
de  l'autorité  et  de  témoins  a  ce  requis.  Quelques  journaux  avaient  ré- 
pandu le  bruit  que  pendant  que  le  célèbre  compositeur  était  resté  ex- 
posé dans  la  chapelle  du  cimetière,  la  tête  aurait  été  enlevée.  Ce  bruit 
avait  pris  assez  de  consistance  pour  motiver  l'exhumation  que  l'on  vient 
d'opérer  et  dont  les  résultats  ne  sont  point  encore  connus. 

•„•  Madrid,  1"  août.  —  Voici  les  principales  dispositions  du  décret  or- 
ganique sur  les  théâtres,  récemment  .'rendu  par  la  reine  :  a  le  gouver- 
nement nommera  des  experts  qui  examineront  tous  les  théâtres  actuel- 
lement ouverts,'  et  ceux  de  ces  théâtres  qui  ne  présenteront  pas  des 
garanties  de  sûreté  suffisantes  seront  réformés  ou  fermés.  Les  théâtres  ap- 
partenant aux  municipalités  seront  vendus  publiquement  avant  le  i"'  sep- 
tembre prochain.  Faute  d'acquéreurs,  le  gouvernement  en  concédera 
l'exploitation  a  des  compagnies.  A  conditions  égales,  les  compagnies  es- 
pagnoles devront  être  préférées  aux  compagnies  étrangères.  L'année  théâ- 
trale commencera  le  1M  septembre  et  finira;ie  30  juin  ;  néanmoins,  lesjen- 
t  repreneurs  pourront  donner  des  représentations  dans  les  mois  de  juillet 
et  d'août,  s'ils  le  jugent  convenable  â  leurs  intérêts.  Les  représentations 
théâtrales  pourront  avoir  lieu  tous  les  jours  de  l'année,  excepté  le  jour  de 
la  Toussaint,  le  vendredi  saint  jusqu'au  samedi  saint  inclusivement.  [Les 
entrepreneurs  de  théâtres  auront  le  droit  de  résilier  leurs  contrats,  en  cas 
de  calamités  publiques  qui  les  obligeraient  à  fermer  indéfinivement  leurs 
établissements.  Lorsqu'un  acteur  ou  une  actrice  d'un  mérite  reconnu  se 
trouvera  contraint  de  se  retirer  du  théâtre  par  suite  de.blessuresou  d'autres 
accidents  qui  lui  auraient  été  causés  dans  l'exercice  de  ses  fonctions,  il 
aura  droit  à  une  pension  viagère  qui  lui  sera  payée  par  le  gouvernement, 
et  dont  le  chiffre  sera  fixé  en  raison  de  son  talent  et  des  services  qu'il 
aura  rendus.  Dans  aucune  ville  du  royaume,  il  ne  pourra  y  avoir  plus 
d'un  théâtre  italien.  Le  gouvernement,  sur  l'avis  de  la  junte  consultative 
des  théâtres,  pourra  autoriser  l'ouverture  d'un  théâtre  dramatique  étran- 
ger dans  la  ville  de  Madrid  ;  mais  à  la  condition  que  l'on  n'y  jouera  que 
pendant  trois  mois  de  l'année  théâtrale,  et  que  la  troupe  étrangère  com- 
prendra au  moins  un  acteur  ou  une  actrice  d'une  réputation  artistique 
bien  établie.  Aucun  artiste  dramatique  ne  pourra  cumuler  ses  fonctions 
spéciales  avec  celles  d'entrepreneur  de  théâtre  ou  de  directeur  de 
la  scène.  Quatre  primes  de  6,000  réaux  (1,500  fr.)  chacune  seront  dé- 
cernées tous  les  ans,  savoir  :  deux  pour  les  meilleurs  ouvrages  drama- 
tiques nouveaux  joués  sur  les  théâtres  de  Madrid  ;  une  pour  le  meil- 
leur poëme  d'opéra ,  et  une  pour  la  meilleure  partition  composée 
sur  un  libretto  espagnol.  Ces  primes  seront  adjugées  par  deux  tribu- 
naux nommés  ad  hoc,  et  composés  chacun  de  trois  à  cinq  juges. 
L'un  de  ces  tribunaux  jugera  les  pièces  ;  l'autre  ne  jugera  que  les  par- 


titions. Ces  tribunaux  ne  jugeront  que  les  ouvrages  qui  leur  auront  été 
présentés  directement  par  les  auteurs.  Les  librelli  d'opéra  comique  sont 
exclus  du  concours.  Les  tribunaux  prendront  leurs  décisions  à  la  majorité 
des  voix.  Chaque  juge  donnera  son  avis  et  le  signera.  Les  jugements  avec 
les  avis  à  l'appui  seront  publiés  dans  la  Gazette  de  Madrid  (journal  officiel). 
Il  y  aura  quatre  censeurs  dramatiques  â  Madrid,  et  un  dans  chacune  des 
autres  villes  du  royaume.  Si  l'auteur  ne  consent  pas  aux  modifications  ou 
suppressions  exigées  par  le  censeur  qui  aura  examiné  sa  pièce,  il  pourra 
se  pourvoir  contre  la  décision  de  ce  censeur  devant  le  comité  de  censure 
qui  se  composera  des  quatre  censeurs  de  Madrid,  et  aura  pour  président 
le  gouverneur  de  la  province.  Un  droit  de  10  0/0  sera  prélevé  au  profit  des 
pauvres  sur  la  recette  brute  de  tous  les  théâtres  et  de  tous  les  autres  spec- 
tacles publics,  excepté  sur  celle  des  combats  de  taureaux,  en  faveur  des- 
quels ce  droit  est  réduit  à  5  0/0. 

***  New-York.  —  Le  troisième  festival  de  chant  a  duré  depuis  le  19  jus- 
qu'au 22  juin  ;  il  y  avait  1,100  exécutants,  et  les  frais  se  sont  élevés  à 
6,000  dollars. 


—  La  direction  du  théâtre  de  Lille  étant  vacante  pour  l'année  1852-1 853, 
avis  est  donné  par  le  premier  adjoint,  remplissant  les  fonctions  de  maire, 
des  diverses  conditions  moyennant  lesquelles  le  privilège  sera  concédé. 
Le  directeur  s'engagera  à  entretenir  une  troupe  d'ordre  complète  pour 
jouer  les  différents  genres  et  principalement  l'opéra  comique  ;  le  grand 
opéra  et  la  danse  ne  seront  point  obligatoires.  Il  devra  en  outre  fournir 
un  cautionnement  en  numéraire  de  6,000  fr.,  et  exécuter  toutes  les  clau- 
ses et  conditions  du  cahier  des  charges  dont  on  pourra  prendre  connais- 
sance au  secrétariat  de  la  Mairie.  Les  avantages  suivants  seront  accordés 
à  la  direction  :  1°  la  jouissance  gratuite  de  la  salle,  ainsi  que  des  déco- 
rations, costumes,  partitions  et  mobilier  scénique  appartenant  â  la  ville; 
2°  le  prix  de  la  location  du  café  établi  dans  la  salle;  3°  la  ville  pourvoit, 
à  ses  frais,  à  l'entretien  de  la  salle,  et  affecte  une  allocation  annuelle  à 
l'achat  de  nouveaux  décors  ou  à  la  restauration  des  anciens.  Elle  acquitte 
en  outre  le  traitement  du  machiniste  et  les  gages  du  concierge;  4°  les 
frais  d'éclairage  de  la  salle  pendant  les  représentations  sont  à  la  charge 
de  la  commune-  Un  crédit  spécial  est  inscrit  au  budget  pour  faire  face  à 
cette  dépense.  Les  soumissions  des  concurrents  devront  être  déposées  à  la 
mairie  dans  le  plus  bref  délai. 


Le  gérant  :  Ernest  DESCHAMPS. 


EUT  VEKTE  CHEE  BiSAMBUS  ET  €e,  EH3ITEUKS, 

RUE     RICHELIEU,      103, 


EMILE    PRUDENT 

Deux  nouvelles  compositions  pour  le  piano  : 

LÀ  DANSE  DES  FÉES 


Op.  40.  —  Prix  :  9  fr. 


Op.  41.  —Prix:  9  fr. 


EST  VEjWTE  CHEZ  L'AUTEUR,  RUE  TAÎSSOUT,   lO. 


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DE 


LOUISE    FAEEENGE, 


PREMIER  TRIO 

POUR 

Piano»  violon  et  violoncelle. 

Op.  33.  —  Prix  :  20  fr. 


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POUR 

Piano    et    violon. 

Op.  37.  —  Prix  :  15  fr. 


272 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS. 


103,  RUE  RICHELIEU, 


MORCEAUX  POUR  LE  PIANO  A  QUATRE  MAINS 


Auber.  Valse  des  Etudiants,  du  Lac  des  Fées, 

arrangée  par  H.  Herz C     » 

Herliui.   Op.    120.  Grande  fantaisie  sur   le 

Domino   noir 9     » 

, Op.  125.  Grande  fantaisie  sur  le  Lac 

des  Fées 9    » 

—  Op.   132.  Souvenirs  de  Zanetta.   ...     9     » 

—  Op.  136.  Grande  fantaisie  sur  les  Dia- 

mants de  la  Couronne 9    » 

—  Op.  139.  Duo  sur  le  Duc  d'Olonne.  .     9    » 

—  Op.  160.  Grand  duo  sur  le  Stabat  de 

Rossini 9    » 

—  Op.  148.  Grand  duo    sur  la  Part  du 

Diable 9    » 

—  Op.  159.  Grand  duo  sur  Moïse.    ...     9     » 

—  Op.  173.  Fant.  sur  des  motifs  de  Rossini.     9     » 
Beyer.  Mosaïque   sur   les  Diamants  de  la 

Couronne 6     » 

Burgniuller  (Fréd.).  les  Fleurs  mélodi- 
ques. 12  morceaux  faciles  et  brillants, 
arrangés  à  6  mains  par  Farrenc.  4 

suites,  chaque 10    » 

Chaque  numéro  séparément 4  50 

—  Les  Etincelles,  12  morceaux  faciles  et 

brillants,  arrangés   à  4    mains  par 
Decourcelle.  4  suites,  chaque.  ...  12     » 

Chaque  numéro  séparément 6     a 

Rlumenthal.  Chant  national  des  Croates.   .     6    » 
Chopin.  Grand  duo  sur  Robert-le- Diable.     9    » 

—  Op.   1.   Rondo 7  50 

—  Op.  3.   Polonaise    brillante 7  50 

—  Scherzo  et  Marche  funèbre  de  la  sonate 

op.  35. arrangés  à 4  mainsparFontana.     7  50 

—  Op.  43.  Tarentelle,  arrangée  à  4  mains 

par  Czeruy 7  50 

Croisez.  Op.  21.  Petit  souvenir  de  la  Parc 

du  Diable 6    » 

—  Op.24.Petitefantais.  facile  sur  laSirène.     5     » 

—  Duo  enfantin  sur  Robert  Bruce.    ...     6     » 

—  Troisième  duo  enfantin  sur  Haydée.   .     6     » 

—  Op. 48. Duo  facile  sur  le  Val  d'Andorre.     6    » 
Op .48.  Fantaisie  sur  la  Fée  aux  Roses.     6     » 

—  Fantaisie  sur  Zerline 5     » 

Dœhler.  Deux  études 7  50 

—  Le  Zingaro,  mélodie  espagnole 7  50 

—  Le  Bohémien 7  50 

—  L'Hidalgo 7  50 

—  Le  Tournoi 7  50 

—  Op.  39.  Tarentelle 9    » 

Decourcelle  (M.).  Op.   28.  Fantaisie  sur  la 

Dame  de  Pique 9     » 

—  Op.  29.  Fantaisie  sur  Zerline 7  50 

UuYernoy.  (J.-B.).  Op.   87.  Fantaisie  sur  le 

Domino  noir 7  50 

Op.  136.  Fantaisie  facile  sur  la  Sirène.     6     » 

Op.  149.  Petite  fant.  sur  la  Barcarolle.     6    » 

Op.  156.  Deux  petites  fantaisies  sur  des 

motifs  de  Bellini,  2  suites  : 

N°  1.  La  Somnambule 6     » 

2.  Les  Puritains 6     » 

—  Op.  161.  Fantaisie  sur  la   marche  des 

Mousquetaires  de  la  Reine 6     » 

—  Op.  167.  Marche  de  Robert  Bruce.   .   .     6    » 
Op.  171.  Petite  fantaisie  sur  le  Pré  aux 

Clercs 5    • 

Op.  172.  Petite  fantaisie  sur  la  Muette 

de  Porlici 5     » 

—  Op.  173.  Marche  de  Guillaume  Tell.   .     5     » 

—  Op.  179.  Petite  fantaisie  sur  Haydée.   .     5     » 

—  Op.  194.  Petite  fantaisie  sur  l'Enfant 

prodigue 5    » 

Fessy.  Galop  favori  delà  Fille  du  Danube.  .     6     » 
Gœtschy.  Op.  7.  Air  favori  A'Actcon.   ...     5     » 

—  Op.  10.  Air  favori  de  V Ambassadrice.  .     6     » 

—  Op.  13.  Deux  rondos-valses  sur  le  Do- 

mino noir 7  50 

Op.  21.  Deux  rondos  faciles  sur  le  Lac 

des  Fées.  2  suites,  chaque 5     » 

—  Op.  36.  Duo  brillant  et  facile  sur  Zanetta    6     » 

—  Op.  35.  Cavatine  et  ballade  de  Zanetta, 

doigtées  facilement 5     » 

Les    Soirées    musicales    de    Rossini, 

transcrites  pour  le  piano,  à  4  mains,  et 

doigtées  facilement.  3  suites,  chaque  .  7  50 
Henselt  et  Moschelès.  Rapsodie  et  valse 

de  Varsovie 7  50 

Hcrz  (H).  Op.  50.  Grandes  variations  sur  la 

marche  favorite  de  Guillaume  Tell..     9    « 

—  Op.  70.  Variations   concertantes  sur  le 

Philtre 9    » 

—  Op.  71.  Récréations  musicales.  Collec- 

tion  de  24  airs  variés,  rondos  et  fan- 
taisies sur  des  thèmes  choisis  parmi 


les  plus  beaux  airs    nationaux  et  les 
motifs  favoris  des  compositeurs  célè- 
bres, arrangés    à  quatre   mains  par 
Henri  Lemoine,  6  suites,  chaque.   .   .     9    » 
Herz  (H.).  Op.  76.  Variations  brillantes  sur  le 

Pré  aux  Clercs,  arrangées  par  Hall.  12    » 

—  Op.  111.  Grande  fantaisie  sur  la  Roma- 

nesca,  arrangée  par  R.  Wagner.    .    .     9    » 
Herz.  (J.).  Op.  21.  Cinq  airs  de  ballet  de  Ro- 
bert le  Diable,  arrangés  eu   rondo, 
chaque 7  50 

—  Op.  22.  Trois  chœurs  de  Robert  leDia- 

ble,  arrangés  en  rondos  brillants,  cha- 
que  7  50 

—  Op.  29.  Quatre  airs  de  ballet  des  Hugue- 

nots, arrangés  à  quatre  mains  par  Ch. 
Schwencke,  chaque 7  50 

—  Op.  39.  Trois  airs  de  ballet  de  Charles 

VI,  chaque 9 

—  Op.  51.  La  Coquette,  valse  brillante.   .     9     » 
Hunten  (F.).  Op.  82  bis-  Deux  rondos  faci- 
les, sur  des  motifs  des  Huguenots,  ar- 
rangés à  quatre  mains,  par  C.  Schunke  : 

1.  Cavatine  du  Page 6    » 

2.  Ronde  des  Bohémiens 6    » 

—  Nouvelles  récréations  musicales  très-fa- 

ciles, divisées  en  4  suit.,  chaque.  .   .     6     » 

—  Quatre  airs  de  ballet  de  la  Favorite  : 

1.  Chœur  dansé.  —  2.  Pas  de 
trois.  —  3.  Pas  de  six.  — 
4.  L'Espagnole.  Chaque.   .     6    » 

—  Op.  40.  Variations  brillantes  sur  la  mar- 

che favorite  de  Guillaume  Tell.   .    .     9     » 

—  Op.  174.  Fantaisie  sur  Giralcla.   ...     7  50 
Eie  Carpentier.  Op.  32.  1er  divertissement 

sur  le  Lac  des  Fées 6     » 

—  Op.  24.  Trois  bagatelles  sur  des  motifs 

de  l'Éclair,  trois  suites,  chaque.   .    .     5     » 

—  Op    25.  Trois  bagatelles  sur  des  motifs 

des  Huguenots,  trois  suites,  chaque.     5     » 

—  Op.  43.  Quatre  divertissements  sur  des 

motifs  delà  Favoiite,  quatre  suites, 
chaque 6    » 

—  Divertissement  sur  des  motifs  de  Guido 

et  Ginevra 6    » 

—  Divertissementsurdesmotifsdes  Treize.    6     >■ 

—  Divertissement  sur  des  motifs  du  Shérif.    6     » 

—  Divertissement  sur  le  Guitarrero.  ...     6     » 

—  Divertissements   et  variations  sur   des 

motifs  de  la  Reine  de  Chypre,  deux 
suites,  chaque 6     » 

—  Divertissement  sur  Charles  VI ...   .     6     » 

—  Op.  141.  Fantaisie  sur  le  Prophète.   .     7  50 
B.i'iiioi ne  (H.) .  Galop  favori  de  Gustave  ou 

le  bal  masqué 6    » 

—  Polonaise ,  favorite  de  l'opéra  /  Puri-    6    » 

tant 6    » 

Mendelssohu-Kartlioldy.  Op.  56.  Troi- 
sième symphonie,  arrangée  à  4  maius 
par  l'auteur 18     » 

—  Op.  83  bis.  Andante  et  variations  ...     9    » 
Hoschelès.  Op.  112.  Grande  sonate  sympho- 

nique 24    » 

Onslow(G.).  Op.  7.  Grand  duo 9     » 

—  Op.  22.  Grande  sonate 12     » 

Osborne.  Souvenir  de  la  Juive 7  50 

—  Op.  18.  Duo  brill.  sur  l'opéra  /  Puri- 

tani 9    » 

—  Op.  41.  Duobrill.surdesthèmesd'Auber.    9     » 
-    Duo  brillant  sur  le  Barbier  de  Séville.  10    » 

Roselleii.  Op.  36.  Fantaisie  sur  la  Favorite.    9    » 

—  Op.  46.  Fant.  sur  la  Reine  de  Chypre.    9     » 

—  Op.  54.  L'Aérienne,  valse 7  50 

—  Op.  56.  Fantaisie  sur  Charles  VI.  .   .    9    » 

—  Op.  71.  Fantaisie  sur  la  Juive 9     » 

—  Op.  82  bis.   Premier  trio,  arrangé  pour 

le  piano,  à  4  mains,  par  l'auteur.  .   .   12     » 

—  Op.  86.  Fantaisie  sur  les  Mousquetaires.    9     » 

—  Op.   96     ld.  sur  V Éclair 9     » 

—  Op.  102. Id.  sur  Robert  le  Diable.    .    .     9     n 

—  Op.  107.  ld.  sur  les  Huguenots.  .   .   .    9    » 

—  Op.  108.  Fantaisie  de  concert  sur  Mar- 

guerite d'A  njou  de  Meyerbeer.  ...     9    n 

—  Op.  111.  Fantaisie  brillante  sur  le  Val 

d'Andorre 9     » 

—  Op.  114.  Grande  fantaisie  sur  le  Pro- 

phète  9     » 

—  Op.  119.  Fantaisie  élégante  sur  la  Fée 

aux  Roses 9    » 

—  Op.  124.   Grand  duo  sur  la  Favorite  .     9    » 
Rosenhain.  Trois  petits  duos  à  4  mains,  ch.     5     * 

—  Grande  fantaisie  dramatiquesur  la  Reine 

de  Chypre       9    » 


Rossini.  Deux  pas  redoublés  et  une  marche, 

3  suites, chaque 6     » 

—  L'Orgie,  air  de  ballet  de  Robert  Bruce.     6    » 
'fl'h;ilberjr  (S.)  Op.  1.  Fantaisie  sur  Euriantc    9     • 

—  Op.  10.  Grande  fantaisie  sur  /  Montec- 

chi  et  Capuletti 10     » 

—  Op.  19.  2°  caprice,  arrangé  par  Bénédict     9     » 

—  Op.  31.  Scherzo 9    » 

—  Op.  32.  Andante,  arrangé  par  Bénédict.     7  50 

—  Op.  33.  Grande  fantaisie  sur  la  prière  de 

Moïse,   arrangée  par  Bénédict  ...  10    » 

—  Op.  36.  Etude  en  la  mineur 7  50 

—  Op.  39.  Souvenir  de  Beethoven,  arrangé 

par  Czerny 10    » 

—  Op.  40  Fantaisiesur  la  Donna  delLago.     9    • 

—  Op.  41.  Trois  romances  sans  paroles  ar- 

rangées par  Czerny 7  50 

—  Op.  42.  Grande  fantaisie  sur  la  sérénade 

et  le  menuet  de  Don  Juan,  arrangée 

par  Czerny 10    » 

—  Op.  43.  Deuxième  fantaisie  sur  les  Hu- 

guenots  12     » 

—  Op.  45.  Thème  et    étude  en  la  mineur, 

arrangés  par  Czerny 7  50 

—  Op.  47.  Valses  brillantes 9     » 

—  Op.  48.  Grand  caprice  sur  Charles  VI.     9    » 

—  Op.  49.  Grande  fantaisie  sur  Beatricedi 

Tenda 12    » 

—  Op.  51.  Grande  fantaisie  sur  Sémira- 

mide 12     » 

—  Op.  52.  Grandefantaisiesurlatarentelle 

de  la  Muette  de  Porlici,  arrangée  par 
Czerny 10     » 

—  Op.  54   Grarid'dub  sar  Sémiramide.   .  19    • 

—  Op.  61.  Mélodies   styriennes,  arrangées 

à  4  mains  par  Ed.  Wolff 10     » 

—  La  Romanesca 5     » 

—  M  osé  :  Mi  manca  la  voce 5    » 

—  Felice  Donzella,  romance  de  Dessauer.     6     » 

—  Romance  sans  par  oies 6    - 

—  Adagio  et  rondo,     iré  du  5"  concerto.    .     9     o 

—  Romance  variée,    arrangée   par  Czerny    5     » 
Woltr.   (Ed.)  Op   26.  Grand  duo  brillant   .    .     9     » 

—  Op.  56.  Grand  duo  sur   les  Diamants 

de  la  Couronne 9    » 

—  Op.  57.  Grand  duo  sur  la  Favorite  .        9     » 

—  Op    59.  Grand  duo  sur  le  Guilarero  .     9    » 

—  Op.  67.  Grand  duo  sur  la  Favorite.   .     9    » 

—  Op.  72.  Grand  duo  sur  les  Soirées  mu- 

sicales de  Rossini 9     » 

—  Op.  74.  Grand  duo  sur  la  Reine  de  Chy- 

pre     9     » 

—  Op.  74  bis.  Grand   duo  sur   Robert  le 

Diable 9     « 

—  Op.  75.  Grand  duo  sur  les  Huguenots.     9     » 

—  Op.  79.  Grand  duo  sur  Guido  et  Gine- 

vra     9     » 

—  Op.  80.  Grand  duo  sur  la  Juive  ...     9    » 

—  Op.  85.  Souvenir  de  la  Part  du  diable, 

fantaisie  élégante  et  facile 9    » 

—  Op.  86.  Grand  duo  sur  Charles  VI  .    .  10    » 

—  Op.  88.  Grande  valse  de  Charte  s  VI  .     7  50 

—  Op.  104.   Réminiscence  de   la    S  irène, 

duo  brillant 9    » 

—  Op.   107.  Duo  sur  les  motifs  du  Lazar- 

rone 9     » 

—  Op    1 15. Réminiscence  delà Barcarolle, 

fantaisie  brillante 9     » 

—  Op    122.  Les   Deux  Amies,  recueil  de 

morceaux  faciles  à  l'usage  des  pension- 
nats, divisé  en  12  livraisons  chaque  .      C     » 

—  Op.  129.  Grand  duo  sur   les  Mousque- 

taires de  ta  Reine 9     » 

—  Op.  161.  Réminiscence  de  Sullana,  duo 

brillant 9     » 

—  Op.   163.  Réminiscence  àcRobert  Bruce, 

duo  brillant 9    » 

—  Op.  166.  Duo  brillant  sur  l'Eclair  .   .     9     » 

—  Op.  167.  Les  Jeunes  Pensionnaires,  six 

duos  faciles   sur  des  motifs  d'opéras 

d' Auber  Hérold  et  Rossini ,  6  suites,  ch.     6     » 

—  Op.  169.  Duo  sur  Marie  Thérèse  ...     7    » 

—  Op.  153.  Réminiscence  de  Havdée.   .    .     9    » 

—  Op.   156.  Souvenir   du  Val  d'Andorre.     9    » 

—  Op.  158.  Réminiscence  du  Prophète  .     9    » 

—  Op.   162.  Souvenir  de  la  Fée  aux  Roses    9     » 

—  Op.  163.  Duo  brillant  sur  l'Enfant  Pro- 

diuue 9     « 

—  Grand  duo  sur  les  motifs  de  Don  Juan.     9    » 

—  Arrangements    des  6  airs   de  ballet  du 

Prophète,  6  suites,  chaque 9    » 

—  Arrangement  de  la  Marche  du  Sacre,  du 

Prophète 9    " 


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BUREAUX  A  PAïlïS  :  BOUZ.EVART  DES  I2,AX.3S3,  I. 


19e  Année. 


On  s'abonne  dans  les  Déporten-ents  et  A  l'fttnmgur, 
chez  tous  1rs  Mnrchtmds  de  Musique,  les  Libraires 
ot  oux  Hun-iiux  de*  EMftssngmies  i  des  postes. 

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Rote  ci  Bock,  42.  Jdcgerstr. 


22  Août  1852. 


B'riv  de  I  Alioiiiieiiient  i 


Paris,  un  m, 24  I 

Départements,  llelgîque  et  Suisse 30 

Étranger      34 


Le  Journal  p/iraït  le  Dimo   plie. 


GAZETTE  MUSICAL 


Nîo.m  abonné»  reçoivent,    avec   ee  numéro  ,  le  CAPBICÏ  «il'EIimiER, 
oinposc  par    nli-linrd    "ïd »tl«l«-i-  sur  leN  motifs  du  Jl'IlF  c  sert  t  K"W. 


SOMMAIRE.  —  Bibliographie:  Essai  sur  la  typographie,  d'Ambrnise  T'irmin  Didot. 

—  Revue  critique.  :  Le  Juif  euhant.  —  Caprice  guerrier  et  andante  de  concert,  de 
Richard  Mulder;  Fantaisie  d'A.  Talexy;  sept  Airs  de  ballet  et  Marche  triomphale, 
de  Henri  Potier;  grande  Valse  brillante,  de  F.  Burgmuller;  Bagatelles,  de  Le 
Carpentier;  I'olka  des  abeilles,  d'Emile  Ettling;  Quadrille  et  Redowa,  d'A.  Sublet 
de  Lenoncourt;  Schottisch  du  berger,  de  J.  Pasdeloup  ;  Quadrilles,  de  Musard; 
Comettant,  Voss  et  Rosellen  —  Les  Femmes  de  la  Sainte  Bible,  de  Gaston  d'Al- 
bano;  Consolation  Espérance  et  galop,  de  Wuck-Sabathié  ;  Système  de  notation 
musicale,  de  M.  Perrot,  par  Henri    ESlaticliard. —  Correspondance,    Russie. 

—  Nouvelles  et  annonces. 


BIBLIOGRAPHIE. 

ESMAI    SSJUR    I.A    TT  Y  PO  G  B  A  PU  I  E  , 

Par    Ambroise    FIRMIN-  DIDOT, 
Paris,  1831.  —  4  vol.  in-8°. 

(1er  article.) 

"    In  quo  Aui    mei,   parentisq  uestigia  cum 
sequar;  si  me  dignum  utroque  non   prœbuero; 
imbecillitas    ingenij  mei  culpam  sustineat,  uo- 
luntas  quidem  reprehendenda  non  uidetur.  » 
(Aldus  Manutius,  Pavlli  F., 
Orthographia  ruiio.  1566.) 

La  musique  n'est  pas  moins  redevable  à  l'imprimerie  que  la  poésie, 
la  philosophie,  les  sciences  et  tout  ce  qu'on  est  convenu  de  désigner 
par  le  mot  de  liltérature.  Sans  l'imprimerie,  où  serait  le  journal  qui 
s'occupe  spécialement  de  musique  ?  Où  en  serait  la  musique,  toujours 
réduite  à  la  main  coûteuse  et  fautive  des  copistes,  lors  même  que  dans 
le  nombre  il  se  trouverait  plusieurs  Jean-Jacques  Rousseau  ?  Donc, 
l'ouvrage  de  l'un  des  hommes  qui  rendent  le  mieux  à  l'imprimerie  l'il- 
lustration qu'ils  en  ont  reçue,  ne  nous  est  pas  étranger  :  il  nous  inter- 
resse  à  trop  d'égards  pour  que  nous  ne  cédions  au  plaisir  de  rendre 
hommage  à  son  mérite. 

«  La  découverte  de  l'imprimerie  sépare  le  monde  ancien  du  monde 
moderne;  elle  ouvre  un  nouvel  horizon  au  génie  de  l'homme,  et ,  par 
son  rapport  intime  avec  les  idées,  semble  être  un  nouveau  sens  dont 
nous  sommes  doués.  Une  immense  différence  la  distingue  des  autres 
grandes  découvertes  de  la  même  époque,  la  poudre  à  canon  et  le 
Nouveau- Monde  ;  celle  même  qui  nous  est  contemporaine,  la  vapeur, 
ce  saurait  lui  être  comparée.  En  effet,  ces  grandes  et  utiles  découvertes 
n'ont  agi  que  sur  les  parties  matérielles  de  l'humanité  :  !a  poudre  à 
canon ,  en  égalisant  la  force  brutale;  le  Nouveau-Monde,  en  nous  com- 
plétant les  dons  terrestres  du  Créateur  ;  enfin ,  la  vapeur,  en  accrois- 
sant les  forces  productrices  de  l'homme,  qu'elle  délivre  de  l'excès  du 
labeur  auquel  il  était  condamné  ;  tandis  que  l'imprimerie,  qui  n'a  pas 
encore  achevé  sa  mission  d'éclairer  le  monde  sans  l'incendier,  élève  le 
niveau  de  l'intelligence  humaine,  en  propageant  la  parole  que  l'écriture 
avait  fixée.  » 


C'est  ainsi  que  M.  Ambroise  Firmin-Didot  entre  en  matière,  et  certes» 
ce  n'est  point  à  nous,  ignorant  mais  fervent  adepte  de  la  science  des 
livres,  qu'il  appartient  de  venir  critiquer,  analyser,  juger  en  dernier 
ressort  un  aussi  beau  travail  que  celui  que  M.  Didot  vient  de  faire  pa- 
raître sous  le  modeste  titre  d'Essai  sur  la  typographie.  A  moins  de  citer 
textuellement  la  moitié  du  livre,  il  nous  serait  impossible  de  donner 
au  lecteur  une  idée  exacte  des  patientes  recherches,  de  la  lucidité  des 
aperçus  nouveaux ,  en  un  mot ,  de  l'immense  érudition  de  notre 
auteur. 

Que  de  gens  croiront  avoir  fait  une  critique  suffisante  de  ce  livre  en 
disant:  «  Ce  n'est  qu'une  compilation,  savante  il  est  vrai,  et  d'une 
clarté  merveilleuse,  d'une  importance  réelle  pour  l'histoire  de  la  typo- 
graphie.... mais  ce  n'ebt  qu'une  compilation  !  » 

Savez-vous  ce  qu'il  a  fallu  de  temps  et  de  travail  à  M.  Didot.  à  com- 
bien de  sources  quasi-inconnues  il  lui  a  fallu  puiser,  ce  qu'il  a  dû  con- 
sulter de  documents  arides,  de  textes  souvent  incomplets,  de  versions 
souvent  opposées,  pour  mener  à  bonne  fin  cette  compilation  ?  Savez- 
vous  que  cette  compilation  résume  les  travaux  de  Panzer  (Annales 
typog.),  de  Wurdtwein  (Bibli.  Moguntina),  du  P.  d'Audiffredi  (Catal. 
loman.  et  ltal.  edit.  xv  sœc),  les  traités  de  M.  Renouard  sur  les  Aide 
et  sur  les  Estienne,  de  J.  de  la  Caille,  de  Maittaire,  de  Luckombe,  de 
Mercier  de  Saint-Léger,  Magné  de  Marolles,  Bayle,  Fournier,  Atkins,  La 
Crusca,  Meermann,  Duverger,  et  enfin  Brunet,  et  cent  autres  ouvrages  et 
mille  autres  traités  concernant  les  annales  typographiques?  Savez-vous 
qu'il  n'y  a  peut-être  pas  cent  bibliographes  au  monde  capables  de  ju- 
ger sainement  et  d'approfondir  un  pareil  travail  ? 

Acceptons  donc  le  mot  compilation,  si  vous  le  voulez  :  mais  que  ce 
mot  soit  à  l'éternel  honneur  de  M.  Didot,  qui,  du  reste,  a  eu  le  bon 
goût  d'indiquer  à  chaque  ligne  les  sources  où  il  a  puisé,  et  la  modestie 
d'y  renvoyer  le  lecteur. 

Après  avoir  passé  rapidement  sur  les  temps  antérieurs  à  la  décou- 
verte de  la  typographie,  n'acceptant  que  ce  qui  est  authentifié  par  des 
documents  certains,  sans  admettre  mille  fables  plus  ou  moins  garan- 
ties, comme  par  exemple  ce  que  nous  dit  Josèphe,  dans  ses  Antiquités 
hébraïques,  que  Seth,  fils  d'Adam,  ayant  appris  de  son  père  que  le 
monde  devait  périr  deux  fois,  par  l'eau  et  par  le  feu,  fit  élever  deux 
colonnes  sur  lesquelles  il  grava  tout  ce  qu'il  savait  (Josèphe  ne  nous 
dit  pas  ce  qu'il  savait)  ;  l'une  de  ces  colonnes  était  de  pierre  pour  résis. 
ter  à  l'action  de  l'eau;  l'autre  de  briques  pour  qu'elle  pût  braver  le 
feu.  Voilà  une  bonne  histoire  qui  ferait  remonter  la  gravure  un  peu 
haut  ;  mais  M.  Didot  n'admet  pas  si  facilement  les  visions  des  vieux 
conteurs  ;  ce  qu'il  dit,  il  reut  le  prouver,  et  il  y  réussit  presque  tou- 
jours. 

L'origine  de  l'imprimerie,  comme  celle  des  religions,  comme  celle 


274 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


des  grandes  découvertes  qui  sont  appelées  à  renouveler  la  face  du 
monde,  est  enveloppée  de  nuages  presque  impénétrables.  Plongeant 
hardiment  à  travers  ces  épais  brouillards,  obligé  souvent  de  s'appuyer 
sur  une  tradition  ffama  est  obscurior  annisj,  sur  un  fait  contesté, 
d'opler  entre  le  pour  et  le  contre,  quand  le  pour  et  le  contre  ont  cha- 
cun pour  soi  des  autorités  respectables,  M.  Didot  s'efforce,  et  souvent 
avec  succès,  de  pénétrer  et  d'éclaircir  ces  ténèbres. 

A  qui,  à  quelle  ville  et  à  quelle  époque  précise  faut-il  attribuer 
l'honneur  de  la  découverte  de  la  typographie? 

Les  droits  de  Gutenberg,  ceux  de  Laurent  Coster,  ceux  de  Mentelin, 
de  Faust  et  de  Pierre  Schœffer,  sont  tour  à  tour  examinés,  pesés  dans 
la  balance  de  l'impartialité,  avec  une  netteté  et  une  logique  incontes- 
tables. Se  rangeant  de  l'avis,  des  nombreux  bibliographes  qui,  ap- 
puyés par  la  tradition,  vox  gentiwn,  font  de  Jean,  dit  Gensfleich,  au- 
trement dit  Gutenberg  ou  Gudinberg,  de  Mayence,  le  père  de  l'impri- 
merie, M.  Didot  fait  justice  des  prétentions  des  villes  rivales,  Harlem, 
Strasbourg,  Bamborg,  Bâle,  Nuremberg,  etc. 

C'est  dans  cette  première  partie  de  son  travail  qu'il  déploie  surtout 
une  érudition  profonde  et  infatigable  :  la  part  de  gloire  qui  revient  à 
chacun  est  faite  avec  intégrité.  Les  témoignages  d'Ulric  Zell ,  de 
Trithême ,  de  Jean  Schasffer,  etc.  ,  d'autant  plus  importants  qu'ils 
sont  presque  contemporains ,  sont  analysés  et  rigoureusement  appré- 
ciés. Les  monuments  les  plus  importants,  les  pièces  du  procès  que 
Gutenberg  eut  à  soutenir,  le  premier,  contre  André  Dritzehen  ;  le  se- 
cond, contre  Faust,  sont  passés  en  revue. 

Malheureusement,  et  malgré  les  vastes  connaissances  typographiques 
de  M.  Didot,  malgré  l'immense  travail  de  recherches  auquel  il  s'est 
livré,  il  est  encore  bien  des  points  sur  lesquels  il  ne  peut  que  former 
des  conjectures  :  ainsi,  pourquoi  Gutemberg  s'est-il  abstenu  de  mettre 
son  nom  aux  ouvrages  qu'il  a  imprimés  ?  Quels  furent  les  procédés  par 
lui  employés  pour  obtenir  les  caractères  qui  ont  servi  à  l'impression  du 
Catholicon  de  Jean  de  Janva  et  de  la  Bible  de  trente-six  lignes,  etc.  ? 
La  sagacité  de  Nostradamus  et  le  travail  d'un  bénédictin  seraient  im- 
puissants à  résoudre  ces  importants  problèmes. 

L'examen  des  premiers  monuments  de  l'art  encore  existants  est  fait 
par  M.  Didot  avec  cette  profonde  connaissance  de  la  matière  et  cette 
exactitude  scrupuleuse  qui  sont  le  caractère  distinctif  du  livre. 

Toute  cette  partie,  je  le  répète,  est  incontestablement  la  plus  impor- 
tante :  elle  est  traitée  d'une  façon  supérieure,  féconde  en  aperçus  aussi 
nouveaux  qu'ingénieux.  L'auteur  cherche  surtout  à  masquer  pour  les 
gens  du  monde  l'aridité  du  sujet  sous  des  détails  piquants,  d'un  intérêt 
universel.  En  cela  il  a  pleinement  réussi ,  et  c'est  ce  qui  le  distingue 
des  plus  illustres  bibliographes,  ses  devanciers. 

Après  ce  laborieux  exposé,  M.  Didot  commence  son  voyage  typogra- 
phique à  travers  le  monde  et  débute  par  l'Italie. 

A  la  suite  des  troubles  survenus  à  Mayence  en  1462  et  1/|63,  plusieurs 
ouvriers  imprimeurs  de  cette  ville  émigrèrent,  emportant  leur  décou- 
verte dans  les  parties  les  plus  civilisées  de  l'Europe.  Ils  eurent  le 
bonheur  de  se  rencontrer  en  Italie  avec  d'autres  exilés,  les  savants  de 
l'Orient  :  les  Zach.  Calliergi ,  les  Marc  Musurrus,  les  Jean  Lascaris  et 
autres ,  qui ,  fuyant  l'invasion  des  Barbares,  venaient  y  chercher  un 
asile ,  apportant  avec  eux  leur  doux  langage,  leur  science  et  leurs  tré- 
sors littéraires. 

Ce  furent  les  couvents  qui  presque  partout  accueillirent  ces  émigrés: 
en  Italie,  le  couvent  de  Subiaco ,  près  de  Rome,  eut  la  gloire  ou  le 
bonheur  d'arrêter  le  premier  ces  enfants  errants  qui  portaient  avec  eux 
la  lumière.  Sweinheim  et  Pannartz,  Ulric  Gall ,  Ph.  de  Lignamine  ,  à 
Rome  ;  à  Venise  ,  Jean  de  Spire  ,  Nie.  Jenson  ,  Français  envoyé  par 
Louis  XI  pour  y  surprendre  les  secrets  de  l'art,  Waldarfer,  etc. ,  don- 
nent, avec  l'aide  des  savants  hellènes  que  nous  venons  de  nommer, 
d'excellentes  éditions  des  Livres  saints  et  des  classiques  grecs  et  latins. 

Vers  1490,  Aldus  Pius  Romanus  fonde  à  Venise  sa  célèbre  impri- 
merie. M.  Didot  consacre  une  longue  et  intéressante  notice  à  cette  fa- 
mille de  savants  à  la  fois  et  d'imprimeurs  illustres,  qui  s'éteint  à  la  mort 


d'Aide  le  jeune,  à  Rome,  le  28  octobre  1597;  famille  à  laquelle  nous 
devons,  dit  avec  justice  M.  Didot,  la  conservation  de  tant  de  précieux 
monuments  littéraires  de  l'antiquité  grecque  et  latine. 

Quittant  brusquement  l'Italie,  M.  Didot  retourne  en  Allemagne,  où  il 
passe  en  revue  Bamberg,  Augsbourg,  Nuremberg,  Cologne,  etc.,  la 
Prusse,  l'Autriche  et  la  Hongrie.  Il  revient  en  Italie,  où  il  nous  montre 
les  progrès  de  l'imprimerie,  à  Milan,  avec  Valdarfer  et  Démétrius  Chal- 
condyle,  avec  les  frères  Minutianus,  qui  donnent  en  1499  la  première 
édition  collective  des  œuvres  de  Cicéron  ;  à  Florence,  où  nous  regrettons 
de  ne  pas  lui  voir  consacrer  une  notice  plus  détaillée  à  la  famille  des 
Junte,  dont  les  productions  typographiques  sont  restées  célèbres  ;  en- 
fin, dans  les  principales  villes  de  l'Italie,  qu'il  quitte  après  Bodoni, 
l'illustre  imprimeur  de  Parme,  pour  n'y  plus  revenir. 

Une  excursion  en  Suisse  nous  fait  voir  à  Bâle  les  Amerbach  et  Fro- 
benius  ;  et  comme  il  n'est  guère  possible  do  parler  de  Froben  sans 
mentionner  Erasme,  nous  y  gagnons  de  curieux  et  piquants  détails  sur 
le  savant  illustre  dont  Rotterdam  est  la  patrie. 

M.  Didot  passe  de  Suisse  en  Angleterre ,  où  tout  d'abord  il  signale 
ce  fait,  important  pour  ceux  qui  ont  étudié  les  institutions  anglaises  : 
la  corporation  des  imprimeurs-libraires,  Stationer's  Company,  fondée 
en  1403,  existe  encore  à  Londres,  où  elle  occupe  une  maison  connnue 
sous  le  nom  de  Stationer's  hall;  c'est  là  que  sont  enregistrés  tous  les 
livres  imprimés  à  Londres. 

Guillaume  Caxton  est  nécessairement  l'objet  d'une  notice  dévelop- 
pée. Cet  imprimeur,  dont  les  éditions  ont  atteint  de  tout  temps  en  An- 
gleterre un  prix  si  exorbitant,  mérite  les  éloges  que  lui  donne  M.  Di- 
dot, peut-être  un  peu  pour  ne  pas  se  brouiller  avec  le  Roxburgh's  Club 
et  avec  les  nombreux  collectionneurs  des  trois  royaumes,  qui  n'enten- 
dent pas  la  plaisanterie  à  l'endroit  de  Caxton. 

M.  Didot  dit  quelques  mots  de  Baskerville,  dont  les  caractères,  après 
avoir  servi  à  imprimer  quelques  admirables  volumes  de  classiques  la- 
tins, furent  achetés  par  Beaumarchais,  qui  les  employa  à  la  confection 
des  différentes  éditions  de  Voltaire,  imprimées  dans  le  fort  de  Kehl.  11 
parle  aussi  de  Bensley,  de  l'imprimerie  célèbre  fondée  à  Oxford  par 
lord  Clarendon  ;  des  frères  de  Foulis,  à  Glasgow,  et  de  quelques  autres 
artistes  recommandables  ;  mais  il  ne  mentionne  même  pas  Balfour, 
d'Edimbourg;  Brindley,  de  Londres;  Burmann,  de  Glasgow;  non  plus 
que  les  éditions  de  classiques  latins,  revues  par  Maittaire  et  imprimées 
à  Londres  de  1713  à  1722,  par  Jacq.  Tonson  et  J.  Wath. 

Malheureusement  pour  ces  imprimeurs,  M.  Didot  n'oublie  rien  ; 
quand  il  ne  parle  pas  de  quelqu'un,  c'est  que  ce  quelqu'un  ne  mérite 
pas  de  mention  ;  et  les  jugements  de  notre  auteur,  corroborés  par 
l'autorité  de  son  nom  et  le  poids  de  ses  connaissances  typographiques, 
font  presque  loi  en  pareil  cas. 

Nous  sommes  forcés  de  laisser  de  côté  nombre  de  fait  intéressants, 
d'observations  neuves,  rapportées  par  M.  Didot  dans  le  cours  de  sa  lon- 
gue excursion  en  Angleterre  ;  cependant,  en  voici  qui  nous  ont  paru 
curieux  : 

Veut- on  avoir  une  idée  de  ce  qu'était  la  liberté  de  la  presse  au 
xvie  siècle? 

Le  premier  index  des  livres  défendus  venait  de  paraître  à  Venise, 
en  1543  ;  à  peu  près  à  la  même  époque,  le  4  mai  1556,  une  charte  est 
accordée  à  la  communauté  des  libraires  de  Londres,  par  Philippe  et 
Marie  ;  et  cette  charte,  après  avoir  été  confirmée  à  plusieurs  reprises, 
même  sous  le  gouvernement  de  la  maison  de  Hanovre,  reste  en  vi- 
gueur jusqu'à  la  fin  du  dernier  siècle. 

Elle  accordait  aux  syndic  et  adjoints  de  cette  profession  (Master  and 
Keepers)  le  droit  : 

1°  De  surveillance  sur  tout  écrit  littéraire  ; 

2°  De  rechercher  dans  les  maisons  tout  livre  réputé  nuisible  à  l'Etat 
ou  à  l'intérêt  de  leur  profession  ; 

3°  D'entrer  aussi  souvent  qu'ils  le  veulent  dans  les  maisons  et  en 
tout  lieu  dépendant  d'un  imprimeur,  relieur  ou  vendeur  de  livres  de 
quelque  manière  que  ce  soit  ; 


DE  PARIS. 


275 


k°  De  saisir,  enlever,  brûler  ou  convertir  à  leur  usage  ce  qu'ils 
soupçonnent  d'être  imprimé  contrairement  aux  statuts,  actes  ou  pro- 
clamations faites  ou  à  faire. 

Ces  miracles  d'intolérance  sont  encore  exagérés  dans  tous  les  pays 
ressortisant  de  la  domination  espagnole  :  en  Hollande ,  à  Francfort, 
à  Venise,  à  Baie,  les  lois  sont  moins  rigoureuses. 

En  France,  pendant  que  le  chevaleresque  François  Ier  et  son  fils 
Henri  II,  qui  tous  deux  recherchent  le  titre  de  restaurateurs  dis  let- 
tres, donnent  force  édits  en  l'honneur  et  en  faveur  de  l'imprime- 
rie, ils  laissent  brûler  à  la  place  Maubert,  Estienne  Dolet,  le  docte 
imprimeur,  l'élégant  esprit,  le  pair  de  Marot,  de  Rabelais,  de  Du- 
bellay  ,  pendant  qu'un  autre  grand  esprit ,  un  autre  imprimeur  plus 
célèbre  encore,  Robert  Estienne ,  meurt  en  exil  à  Genève.  Et  sa- 
vez-vous  pourquoi  ce  pauvre  Etienne  Dolet  est  condamné  au  feu? 
Dans  un  passage  du  Dialogue  de  Platon,  VAxiochus,  malencontreu- 
sement traduit  par  Dolet,  Socrate  dit  :  «  La  mort  ne  peut  rien  sur  les 
vivants,  par  le  fait  qu'il*  existent  ;  elle  ne  peut  rien  sur  les  morts, 
car  ils  ne  sont  plus.  »  Mais  Dolet,  malheureusement,  avait  dit: 
«  Quand  tu  seras  décédé,  la  mort  n'y  pourra  rien  aussi,  attendu  que 
tu  ne  seras  plus  rien  du  tout.  » 

Ce  rien  du  tout  est  déclaré  pompeusement,  par  la  faculté  de  théolo- 
gie de  Paris,  hérétique,  athée,  conforme  à  l'esprit  des  saducéens  et  des 
épicuriens  ;  la  censure  ajoute  que  le  passage  est  mal  traduit  et  contraire 
à  l'intention  de  Platon  ,  qui  jamais  n'avait  dit  :  Rien  du  Uut  ;  enfin ,  la 
Grand'Chambre,  le  2  août  1546,  condamna  solennellement  le  pauvre 
Dolet,  comme  blasphémateur  et  relaps,  à  être  soulevé  à  une  potence 
et  jeté  dans  un  grand  feu ,  avec  tous  ses  livres,  sans  exception ,  après 
avoir  été  préalablement  mis  à  la  torture  extraordinaire,  pour  enseigner 
S"s  compagnons,  ceux  qui  lui  avaient  conseillé  de  faire  dire  à  Platon 
qu'après  la  mort ,  on  n'est  plus  rien  du  tout.  Estienne  Dolet  avait 
trente-sept  ans. 

De  retour  sur  le  continent ,  M.  Didot  fait  sa  tournée  en  Belgique; 
après  quelques  mots  sur  Colard-Mansion  ,  de  Bruges  ,  il  arrive  à 
Anvers,  où  il  fait  de  Christophe  Planlin  et  de  ses  belles  et  correctes 
éditions  un  éloge  plus  détaillé. 

Nous  regrettons  que  François  Foppens,  de  Bruxelles,  n'ait  pu  trou- 
ver grâce  devant  ses  yeux. 

De  Belgique,  il  vient  naturellement  en  Hollande,  où  il  consacre  une 
longue  note,  assez  peu  favorable,  à  MM.  les  Elzeviers  ou  Elzevirs,  cou- 
pables à  ses  yeux  de  n'être  pas  érudits  comme  les  Aide  et  les  Estienne, 
chez  lesquels  il  fallait  que  les  servantes  parlassent  latin.  Du  reste, 
cette  notice  est  aussi  exacte,  aussi  consciencieuse  que  possible,  et  tout 
le  monde  est  de  l'avis  de  M.  Didot,  quand  il  dit  que  :  «  les  ouvrages 
sortis  de  leurs  presses,  remarquables  par  la  beauté  de  l'exécution  ,  ne 
le  sont  pas  à  un  aussi  haut  degré  par  leur  correction  typographique.  » 

Témoin  la  célèbre  et  coûteuse  édition  de  Virgile,  donnée  en  1636, 
qui  fourmille  de  fautes. 

M.  Didot  visite  ensuite  rapidement  les  autres  parties  de  l'Europe,  où 
l'imprimerie,  à  cause  du  degré  de  civilisation  moins  avancé,  fait 
de  moins  rapides  progrès  et  donne  de  moins  excellents  résultats  ;  passe 
en  Asie  et  dans  les  autres  parties  du  monde,  où  nous  ne  le  suivrons 
pas,  pour  enfin  revenir  en  France  avec  la  joie  d'un  voyageur  qui,  après 
une  longue  absence,  revoit  enfin  sa  terre  natale. 

L'histoire  approfondie  et  consciencieuse  qu'il  y  fait  de  l'imprimerie 
et  des  imprimeurs,  ses  confrères  et  ses  nationaux,  sera  pour  nous 
l'objet  d'un  examen  particulier  dans  un  second  article. 

E.  D. 


REVUE   CRITIQUE. 

JUIF  BHBASiTj  Caprice  guerrier  et  andante  de  concert,  par  Richard  Mul- 
der.  —  Fantaisie,  par  A.  Talexy.  —  Sept  airs  de  ballet  et  marche  triomphale,  par 
Henri  Potier.  —  Grande  valse  brillante,  par  F.  Burgmuller.  —  Bagatelles,  par 
Le  Carpentier.  —  Polka  des  Abeilles,  par  Emile  Ettling.  —  Quadrille  et  redowa, 
par  A.  Sublet  de  Lenoncourt.  —  Schottisch  du  Berger,  par  J.  Pasdeloup.  — 
Quadrilles,  par  Musard.  —  Voss,  Roscllen  et  Comettant. 

En  transcrivant  cette  longue  liste  d'œuvres ,  toutes  diverses  de 
genre,  de  caractère  et  de  dimension,  comment  ne  pas  penser  à  Bernar- 
din de  Saint-Pierre  et  à  l'histoire  de  son  fraisier,  sur  lequel,  en  trois  se- 
maines, l'illustre  écrivain  vit  s'épanouir  trente-sept  espèces  de  jolies 
petites  mouches  toutes  différentes  de  couleurs,  de  formes,  d'allures,  les 
unes  dorées,  les  autres  argentées;  celles-ci  bronzées,  tigrées,  rayées; 
celles-là  bleues  ou  vertes,  rembrunies  ou  chatoyantes?  A  la  fin,  les 
jolies  mouches  vinrent  en  si  grand  nombre  et  en  telle  variété,  que  le 
naturaliste  renonça  forcément  à  les  étudier  et  à  les  décrire,  parce 
que,  dit-il  lui-même,  le  loisir  et  les  expressions  lui  manquaient. 

Un  grand  opéra,  quand  il  est  bon  et  beau,  un  chef-d'œuvre  lyrique, 
signé  du  nom  d'un  maître,  ne  ressemble-t-il  pas  beaucoup  à  ce  fraisier, 
dont  l'analyse  faite  avec  soin,  poussée  avec  ardeur  jusqu'à  ses  der- 
nières conséquences  et  dépendances,  n'aurait  pas  moins  d'étendue  que 
l'histoire  naturelle  tout  entière  ?  Un  grand  opéra,  c'est  la  source-mère 
d'où  dérive  une  multitude  de  ruisseaux  ;  c'est  le  tronc  principal  d'où 
rayonnent  des  milliers  de  branches.  Essayez  seulement  de  suivre  une 
de  ses  mélodies  originales  dans  les  transformations  infinies  que  l'ar- 
rangement lui  fait  subir,  et  vous  verrez  si  vous  y  trouvez  plus  de  fa- 
cilité que  Bernardin  de  Saint-Pierre  à  la  description  des  charmantes 
hôtesses  de  son  végétal.  Pour  cette  année,  notre  fraisier  à  nous,  c'est 
le  Juif  errant,  composition  immense  et  magnifique,  dont  la  création 
devait  donner  naissance  à  une  innombrable  quantité  d'arrangements. 
Et  ne  nous  y  trompons  pas  :  arranger,  c'est  encore  créer,  du  moins 
en  la  forme.  Pour  réunir  dans  le  même  cadre  plusieurs  pensées  qui 
n'ont  rien  d'analogue  et  qui  sont  comme  des  parents  éloignés  d'une 
même  famille,  pour  les  rapprocher,  les  marier  et  en  faire,  non  pas  un 
pastiche,  mais  un  morceau,  il  faut  beaucoup  d'art,  beaucoup  de  savoir 
et  même  d'imagination. 

Richard  Mulder  a  fait  preuve  de  toutes  ces  qualités  dans  les  deux 
morceaux  dont  le  Juij  errant  lui  a  fourni  les  thèmes.  On  y  trouve  ce 
cachet  original  et  pittoresque  qui  a  fait  le  succès  de  ses  autres  mor- 
ceaux :  la  Cascade,  le  Galoubet,  le  Tambour  de  basque. 

Sous  le  titre  Caprice  guerrier,  Richard  Mulder  a  écrit  un  morceau 
caractéristique  d'une  excellente  facture,  et  dont  la  difficulté  ne  dépasse 
pas  la  moyenne  force,  bien  que  les  pianistes  plus  avancés  y  puissent 
trouver  l'étoffe  d'un  morceau  à  grand  effet.  L'introduction,  d'une  cou- 
leur toute  militaire,  prépare  fort  heureusement  au  motif  principal  du 
fameux  quintetlo  des  brigands.  Ce  motif  a  inspiré  à  l'auteur  une  se- 
conde reprise  très-énergique.  Vient  ensuite  une  variation  d'un  dessin 
neuf  et  brillant,  qui  nous  conduit  lestement  à  la  belle  phrase  si  bien 
dite  par  Mme  Tedesco,  dans  le  duo  du  second  acte  avec  Roger.  Le  fi- 
nal reproduit  le  premier  thème  sous  une  forme  rhythmique  nouvelle, 
et  marche  à  travers  des  modulations  habilement  ménagées  à  la  péro- 
raison scintillante  et  chaleureuse. 

L' Andante  de  concert  est  une  transcription  fort  ingénieuse  des  belles 
strophes  chantées  par  Mme  Tedesco  :  Que  nos  voix  vers  le  ciel,  etc. 
Les  pianistes  les  plus  habiles  aborderont  avec  intérêt  ce  morceau, 
qui  demande  de  la  puissance  et  beaucoup  de  style,  sans  que  pourtant 
le  piège  soit  caché  sous  les  fleurs,  le  feu  sous  la  cendre,  c'est-à-dire 
sans  que  le  virtuose  modeste  ait  à  trembler  devant  l'ombre  d'un  casse- 
cou  ! 

Ces  deux  compositions  nouvelles  nous  semblent  destinées  à  aug- 
menter la  vogue  qui  déjà  s'attache  au  nom  de  leur  auteur.  Elles  seront 
avidement  reçues  par  ce  monde  d'amateurs  qui,  dès  l'apparition  d'une 
grande  œuvre  lyrique,  attendent  avec  impatience  le  moment  d'en  re- 
produire sur  leur  instrument  les  motifs  les  plus  saillants,  ornés  de 


276 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


riches  broderies,  d'arabesques  capricieuses,  et  ne  le  voient  jamais  ar- 
river assez  tôt. 

A  ces  amateurs  se  présente  aussi  de  fort  bonne  grâce  la  fantaisie  de 
M.  A.  Talexy,  qui,  après  une  introduction  marziale  maestoso,  choisit 
pour  premier  thème  cet  adorable  bourdonnement  des  abeilles  volti- 
geant ,  tourbillonnant ,  avec  un  murmure  si  musical  et  à  la  fois  si  poé- 
tique. Et  puis,  du  bourdonnement ,  il  passe  à  l'admirable  duo  d'amour 
du  quatrième  acte,  chanté  par  Roger  et  Mlle  La  Grua,  pour  revenir  à  cet 
autre  duo,  non  moins  admirable,  du  premier  acte,  chanté  par  Massol 
et  Mme  Tedesco.  Faut-il  ajouter  que  l'auteur  ne  touche  à  aucun  de  ces 
thèmes  sans  l'exploiter  à  sa  façon ,  le  tourner  et  le  retourner,  le  déco- 
rer de  traits  pleins  d'élégance  et  de  bon  goût  ? 

Comme  dans  toutes  les  partitions  de  premier  ordre,  les  airs  de  dan? e 
occupent  nne  place  importante  dans  celle  du  Juif  errant.  Le  ballet  du 
troisième  acte  est  un  petit  drame  chorégraphique,  se  divisant  en  autant 
d'actes  qu'il  y  a  de  pas  et  d'entrées.  Ces  actes  sont  au  nombre  de  cinq, 
ni  plus  ni  moins.  Le  premier  s'appelle  le  Bourdonnement  ;  le  second  , 
le  Berger  Aristée;  le  troisième,  la  Ronde;  le  quatrième,  la  Reine  des 
abeilles  ;  le  cinquième,  la  Ruche  :  le  tout  terminé  en  manière  d'épilo- 
gue, par  une  Marche  triomphale.  Joignez  à  ces  cinq  actes  et  à  cet  épi- 
logue les  deux  pas  ravissants  du  second  acte,  celui  des  Esclaves  et 
celui  des  Voiles,  vous  aurez  huit  numéros,  huit  morceaux  complets  que 
vous  pourrez  jouer  séparément  ou  à  la  suite  l'un  de  l'autre.  Vous  le 
pourrez  d'autant  mieux,  que  M.  Henri  Potier,  l'habile  transcripteur  de 
la  partition  entière,  s'est  donné  la  peine  de  transcrire  un  à  un  ces  huit 
excellentes  et  charmantes  scènes  :  il  a  démonté  pièce  à  pièce  les  dia- 
mants, les  rubis,  les  perles  fines,  que  la  main  puissante  d'Halévy  s'était 
appliquée  à  réunir  ;  il  a  détaillé  ce  que  l'auteur  nous  avait  livré  en  gros, 
et  ni  l'auteur,  ni  l'œuvre  n'ont  perdu  le  moins  du  monde  à  ce  marché. 
Au  contraire,  je  vous  assure  que  tous  ces  fragments  d'un  bloc  gigan- 
tesque, considérés  à  part,  étudiés  solitairement,  paraissent  encore  plus 
étonnants,  plus  éblouisants  que  dans  leur  masse  primitive. 

Puisque  nous  en  sommes  à  la  danse,  parlons  de  M.  Burgmuller  et  de 
sa  valse  brillante;  oui,  brillante  en  effet,  et  entraînante  au  superlatif. 
Qui  l'eût  deviné  ?  qui  l'eût  prévu?  L'introduction  de  cette  valse  est 
empruntée  au  duo  d'amour  du  quatrième  acte,  et  la  valse  même  n'est 
autre  chose  que  le  duo  du  premier  acte,  brisé,  rompu,  tordu  dans 
son  allure,  dans  son  rhytme,  et  n'en  marchant  pas  moins,  comme  si 
la  mesure  à  trois  quarts  était  sa  mesure  native  et  originelle  !  Le  vertige 
me  prend,  rien  que  d'y  penser:  un  duo  si  tendre,  si  touchant,  si  pathé- 
tique ,  métamorphosé  en  valse  brillante  !  Après  cela,  je  suppose 
M.  Burgmuller  très  capable  de  faire  bien  d'autres  merveilles,  et  de  dire, 
par  exemple,  aux  boiteux  et  aux  invalides,  aux  notaires  retirés  et  aux 
douairières  émérites  :  «  Levez-vous  et  valsez  !  » 

Reposons-nous  avec  M.  Le  Carpentier  et  ses  Bagatelles  en  deux  nu- 
méros de  cette  valse  effrénée  à  laquelle  M.  Burgmuller  nous  avait  con- 
damnés. Les  Bagatelles  se  promènent  de  fleur  en  fleur,  de  motif  en 
motif,  et  ne  se  reposent  pas  sur  les  moins  heureux.  Ce  sont  tour  à  tour 
la  ballade  chantée  par  Mme  Tedesco,  la  romance  chantée  par  Roger, 
le  bourdonnement,  la  ronde,  etc.  Le  titre  donné  à  l'œuvre  en  indique 
la  portée  ;  c'est  à  l'intention  des  mains  jeunes  et  encore  peu  nerveuses 
que  M.  Le  Carpentier  a  écrit  ses  Bagatelles,  et  je  leur  garantis  une  vo- 
gue proportionnée  à  la  quantité  des  pianistes  en  état  de  les  jouer  avec 
plaisir  et  succès. 

Et  ne  voilà-t-il  pas  que  la  danse  nous  ressaisit  encore  ?  Ne  voilà-t-il 
pas  que  nous  avons  à  nous  défendre  contre  la  Polka  des  Abeilles, 
d'Emile  Ettling,  contre  le  Quadrille  et  la  Redoiva,  de  M.  de  Lenoncourt, 
contre  la  Scholtisch  du  Berger ,  de  Pasdeloup  ?  Mais  à  quoi  bon 
résister?  Quand  nous  échapperions  au  prestige  de  tous  ces  enchanteurs, 
que  pourrions-nous  opposer  aux  deux  quadrilles  composés  par  Musard  ? 
Comment  nous  soustraire  à  leur  magnétique  influence,  soit  qn'on  les 
joue  à  deux  ou  à  quatre  mains  ?  Et  comment  choisir  entre  tant  de  sé- 
ductions qui  vous  enlacent  et  vous  étourdissent  de  leurs  fanfares 
joyeuses?  Ne  vaut-il  pas  mieux  se  résigner  et  se  soumettre  à  toutes 


successivement?  C'est  le  parti  que  nous  conseillons  de  prendre  à  ceux 
de  nos  lecteurs  qui  ont  la  bonté  de  nous  accorder  quelque  confiance, 
et  nous  ne  douions  pas  qu'ils  ne  s'en  trouvent  bien. 

Tandis  que  nous  écrivons, trois  fantaisies  signées  Rosellen,  Comet.tant 
et  Voss  se  disposent  encore  à  paraître,  et  nous  nous  hâtons  de  quitter 
la  plume  pour  n'être  pas  obligés  d'en  parler  aujourd'hui.  Voss,  Ro- 
sellen et  Comettant  sont  aussi  entrés  dans  le  cercle  magique  tracé  par 
le  Juif  errant  autour  des  compositeurs  et  des  pianistes.  Ils  seront 
encore  suivis  de  bien  d'autres,  car  le  Juif  errant  n'est  pas  près  de 
s'arrêter,  ni  dans  sa  marche,  ni  dans  ses  miracles,  ni  dans  son  succès. 

P.  S. 


LES  FE3H5BBÎS  »E  liA  SAIOTK  E2BS5B..E; ,  poésie  et  musique  par 
M.  Gaston  ,  d'Albano.  —  C«S.^S©ï>A'ffaO'U  ,  ES  3»  [fi  SEANCE  BT 
K.4MP,  par  M.  Wuck-Sabathié.  —  SYSTÈME  UE  TCO'fi'ATTE'»:*; 
SSSJSICABjE  ,   par   M.   Perrot. 

M.  de  Ségur  jeune,  esprit  fin  et  délicat,  émule  de  Parny  et  de 
Legouvé,  qui  nous  a  chanté  le  Mérite  des  femmes,  nous  a  laissé  aussi, 
lui,  deux  volumes  de  prose  historique  sur  l'intervention  et  les  vertus 
du  beau  sexe  en  France.  C'est  qu'en  effet  les  femmes  ont  joué  et  joue- 
ront toujours  des  rôles  importants,  brillants  et  intéressants  dans  notre 
histoire  politique,  littéraire  et  artistique. 

La  plus  belle  moitié  de  l'ordre  social,  comme  on  nous  l'a  fait,  serait 
certainement  fort  injuste  de  se  plaindre  du  sort  que  lui  a  fait  la  plus 
laide  moitié  du  genre  humain.  Voyez  plutôt  les  publications  des  femmes 
de  Shakespeare,  celle  de  Walter  Scott,  de  lord  Byron.  Y  a-t-il  rien  de 
plus  enchanteur  que  les  recueils  de  ces  délicieuses  figures  si  délicieu- 
sement gravées  ? 

Voici  venir,  après  tous  ces  prestiges  d'art  et  de  galanterie,  M.  le  che- 
valier Gaston  d'Albano,  nom  peu  connu  dans  le  monde  poétique  et  mu- 
sical, mais  qui  ne  se  montre  pas  moins  chevalier  galant  près  le  beau 
sexe.  11  a  reconnu,  avec  l'illustre  auteur  du  Génie  du  christianisme , 
que  dans  la  Bible  comme  dans  Homère  se  trouvent  les  sources  de  toute 
poésie,  de  toute  inspiration  et  de  toutes  les  beautés;  et  il  a  traité,  au 
moyen  de  fort  beaux  vers  et  de  bonne  musique,  les  Femmes  de  la 
sainte  Bible,  en  hymne,  en  duos,  trios,  chœurs,  etc. 

Notre  mère  Eve  commence  tout  naturellement  cette  galerie  de 
femmes  aux  types  de  figures  hébraïques  et  aux  noms  harmonieux 
d'Âgar,  Rébecca,  Racket,  la  fille  de  Pharaon,  Débora,  la  fille  de 
Jeplité,  Noémi,  les  deux  mères  devant  Salonmn,  la  Reine  de  Saba. 
Tous  ces  personnages  poétiques  chantent  des  mélodies  qui  se  distin- 
guent plus  par  la  facilité  que  par  l'originalité,  sur  une  harmonie  tou- 
jours correcte  et  pure.  La  poésie  en  est  d'un  caractère  élevé,  coloré, 
et  s'appuie  sur  le  texte  de  l'Ecriture  sainte,  de  la  Genèse,  du  livre  des 
Juges,  des  Rois,  etc. 

MM.  les  archevêque  et  évêques  de  Bourges,  de  Beauvais  et  d'Evreux 
ont  pris  sous  leur  patronage  ce  beau  recueil  de  nobles  et  belles  pensées, 
publiées  aussi  sous  le  titre  A' Harmonie  sacrée,  et  en  ont  témoigné  leur 
satisfaction  à  l'auteur  par  des  lettres  extrêmement  flatteuses,  que  l'au- 
teur des  Femmes  de  la  Sainte-Bible  a  fait  figurer  en  tête  de  son  ou- 
vrage. Nous  dirions  que  ce  livre  de  bonne  poésie  et  de  bonne  musi- 
que sera  favorablement  accueilli  dans  le  monde  littéraire  et  musical, 
s'il  n'y  jouissait  déjà  d'un  brillant  succès. 

M.  Wuck-Sabatié  est  un  musicien  pianiste  qui  n'a  guère  plus  fatigué 
les  voix  de  la  publicité,  et  par  conséquent  celles  de  la  renommée,  que 
le  poëte-compositeur  dont  nous  venons  de  parler,  bien  que  cet  écrivain 
musical  en  soit  à  son  vingt-quatrième  ou  vingt-cinquième  œuvre.  Sous 
le  titre  &  Espérance,  il  a  lancé  dans  la  circulation  de  musique  facile , 
agréable  et  mélodique,  une  mazurka  toute  empreinte  d'une  couleur  li- 
thuanienne et  qui  semble  une  émanation  du  génie  de  Chopin,  dans  ce 
genre  de  musique  rhythmée  par  lui  d'une  façon  si  originale.  La  Conso- 
lation, andante  de  concert,  aussi  pour  piano  seul,  est  une  sorte  de 
nocturne,  d'élégie  en  fa  mineur  qui  se  distingue  par  un  bon  sentiment 
de  mélodie.  Le  chant  est  bien  soutenu ,  et  richement  accompagné  jus- 


DE  PARIS. 


277 


qu'à  la  fin  ;  et  comme  il  faut  absolument  qu'un  pianiste  soit  de  son 
temps,  à  moins  qu'il  n'ait  le  goût  d'écrire  des  fugues  comme  Sébastien 
Bach,  M.  Sabalié-Wuck,  en  disciple  de  Terpsychorc,  a  publié  un  (îrand 
galop  de  bravoure  qui  a  toutes  les  qualités  requises  pour  le  mener  au 
trot  à  la  célébrité  que  donnent  la  Chaumière,  la  Closerie  des  Lilas  ou 
autres  bals  publics,  nec  plus  vitra  du  succès  de  ce  genre  de  musique. 

M.  Perrot,  ancien  élève  du  Conservatoire  de  Paris,  professeur  et  di- 
recteur du  chant  élémentaire  au  Lycée  de  Bordeaux  et  à  l'Ecole  nor- 
male primaire  de  la  Gironde,  publie  un  nouveau  système  de  notation 
musicale  digne  de  fixer  l'attention  des  hommes  compétents.  C'est  un 
éclectisme  rationnel  de  tous  les  systèmes  de  l'enseignement  musical,  et 
qui  est  basé  sur  quarante  ans  de  professorat.  L'auteur  résume  dans  son 
ouvrage  les  systèmes  J.-J.  Rousseau,  Galin,  Wilhem,  Paris,  Chevé,  etc., 
qui  au  fond  sont  les  mêmes.  Son  changement  de  la  portée  de  cinq  li- 
gnes en  six  lignes,  formée  de  deux  petits  groupes  de  trois  lignes  cha- 
cun, séparés  au  milieu  par  un  intervalle  équivalant  à  une  double  in- 
terligne, cette  disposition  de  la  portée  est  ingénieuse,  quoiqu'elle  ne 
soit  pas  absolument  neuve.  Dans  le  cas  où  cette  division  serait  adoptée, 
cela  simplifierait  beaucoup  le  mécanisme  des  clefs,  qui  n'est  pas  une 
des  moindres  difficultés  de  l'enseignement  musical. 

Il  nous  faudrait  un  plus  long  espace  que  celui  dont  nous  pouvons 
disposer  ici  pour  faire  comprendre  à  nos  lecteurs  tout  ce  qu'a  de  bon 
ou  de  défectueux  l'ouvrage  de  M.  Perrot.  Le  premier  et  le  plus  grave 
des  inconvénients  qu'offrent  les  systèmes  des  théoriciens  novateurs 
dans  une  science  ou  un  art,  c'est  qu'ils  ne  savent  pas  s'arrêter  quand 
ils  sont  entrés  dans  la  voie  des  innovations.  Selon  eux,  il  faut  tout  d'a- 
bord brûler  ce  que  vous  avez  adoré  :  il  n'y  a  pas  de  milieu.  C'est  venir 
dire  à  tout  un  peuple  civilisé,  usé,  blasé  et  par  conséquent  paresseux  : 
Ta  religion  artistique  est  fausse  ;  les  signes  qui  servent  à  la  pratiquer 
sont  mauvais,  stupides  :  il  faut  renouveler  tout  cela  ;  je  viens  après 
mille  ans  changer  ces  lois  grossières.  M.  Perrot  n'est  pas  précisément 
aussi  tranchant;  il  respecte  la  notation;  il  est  plus  qu'ingénieux,  il  est 
praticable,  et  le  comité  d'enseignement  du  Conservatoire  l'a  pensé 
puisqu'il  lui  a  délivré  une  sorte  d'autorisation  d'ouvrir  des  cours  pré- 
paratoires pour  former  des  élèves  qui  voudront  se  faire  admettre  dans 
notre  premier  établissement  musical.  Dans  tous  les  cas,  l'ouvrage  de 
M.  Perrot  est  bon  à  lire,  à  consulter.  Le  texte  en  est  instructif,  clair, 
lucide;  et  l'on  voit  que  ce  n'est  pas  vainement  que  l'auteur  a  professé 
pendant  quarante  ans  de  sa  vie,  ainsi  que  nous  l'avons  dit  plus  haut  : 
c'est  un  livre,  enfin  consciencieusement  faite ,  et  qui  offre  plusieurs 
moyens  d'apprendre  la  musique  d'une  manière  abréviative. 

Henri  BLANCHARD. 


CORRESPONDANCE. 

Nous  recevons  de  M.  le  prince  Nicolas  Boris  Galitzin  la  lettre  sui- 
vante, que  nous  nous  faisons  un  devoir  de  publier  : 

Russie,  Karkoff  (Ukraine),  9  (21)  juillet  1852. 

Monsieur, 
Etranger  depuis  plus  de  vingt-cinq  ans  à  tout  ce  qui  s'imprime  en  Alle- 
magne, habitant  la  province,  il  n'est  pas  étonnant  que  j'aie  complètement 
ignoré  l'existence  d'une  biographie  du  célèbre  Beethoven,  publiée  par  un 
nommé  Schindler,  dont  je  n'ai  jamais  entendu  parler,  pas  plus  que  de  son 
ouvrage.  Depuis  peu  seulement,  et  fortuitement,  j'ai  appris  que  ce  Mon- 
sieur, à  propos  des  trois  quatuors  que  Beethoven  a  composés  à  ma  de- 
mande, me  prête  un  rôle  qui  n'a  jamais  existé  que  dans  son  imagination. 
Ce  prétendu  biographe  avance,  comme  un  fait  incontestable,  que  Beetho- 
ven n'a  jamais  été  payé  des  trois  quatuors  qu'il  a  composés  pour  moi,  et 
enjolive  son  récit  de  détails  monstrueux,  qui  sont  tout  à  fait  l'opposé  de 
la  vérité.  Le  silence  que  j'ai  gardé  depuis  l'apparition  de  ce  livre  aura 
dû  sans  doute  accréditer  jusqu'à  un  certain  point  la  calomnie,  et  je  ne 
doit  pas  m'étonner  si  après  cela,  quelques  personnes  qui  ne  me  connais- 
sent pas  et  qui  ignorent  la  nature  de  mes  relations  avec  le  grand  homme, 
ont  pu  y  ajouter  foi.  Pour  ce  qui  me  concerne,  j'ignorerais  jusqu'à  ce 
jour  l'absurde  récit  de  Schindler,  si  un  de  mes  frères  n'eût  aperçu  sa 
brochure  dans  un  salon  de  Moscou  ;  en  la  feuilletant,  il  tombe  sur  les 


pages  qui  me  sont  consacrées  ;  il  les  arrache  et  nie  les  transmet.  Après 
les  avoir  lues,  je  me  suis  convaincu  qu'il  n'y  avait  en  elTet  qu'un  frère 
qui  eût  pu  me  donner  avis  d'un  semblable  pamphlet,  et  je  ne  m'étonnais 
plus  qu'aucun  de  mes  amis  ne  m'en  eût  instruit.  Qu'avais-je  à  faire  dans 
cette  occurcnce?  Descendre  dans  la  lice  pour  m'escrimer  contre  un 
Schindler  me  semblait  peu  compatible  avec  ma  dignité,  à  cause  de  la 
virulence  même  de  l'article,  où  les  faits  sont  accumulés  sans  preuve  au- 
cune. Je  me  bornai  donc  à  rédiger  une  relation  fidèle  de  mes  rapports 
avec  Beethoven,  et  je  remis  cette  note,  forte  de  preuves,  à  M.  Pamcke, 
homme  de  l'art,  publiciste  distingué  et  considéré  en  Allemagne,  tout  en 
le  laissant  parfaitement  libre  d'en  faire  l'usage  qu'il  jugerait  convenable 
dans  l'intérêt  delà  vérité.  Toutefois,  M.  Damcke  rencontra  assez  de  mau- 
vais vouloir  de  la  part  des  rédacteurs  des  feuilles  musicales  allemandes, 
dont  les  principaux  subissent  encore  l'influence  de  Schindler  et  croient 
devoir  le  ménager  :«  Il  est  vieux,  disait-on;  attendons  qu'il  soit  mort.  » 
Mais  M.  Damcke  n'est  pas  homme  à  reculer  devant  de  pareils  arguments, 
quand  il  s'agit  d'établir  une  vérité,  et  il  poursuivra  son  œuvre  conscien- 
cieuse. 

Mais  voilà  qu'une  Histoire  de  la  musiqw.  vient  de  paraître  en  Allemagne; 
cet  ouvrage  très-remarquable  d'ailleurs,  à  ce  qu'on  dit,  me  force  de  rom- 
pre le  silence.  L'auteur,  M.  Brendel,  de  Leipsick,  venant  à  parler  de  ces 
mêmes  quatuors,  ne  craint  pas  de  dire,  sur  la  foi  de  Schindler  :  «  Um  das 
»  Honorar  dirser  Quantelte,  wurde.  Beethoven  belrog  n.  »  Ce  qui  veut  dire: 
«  Pour  ce  qui  est  des  honoraires  dus  pour  ces  quatuors,  Btethoven  fut 
»  trompé.  »  Or,  veut-on  savoir  comment  Beethoven  a  été  trompé?  Voici  le 
fait  :  En  1822  j'écrivis  à  Beethoven  sans  le  connaître,  pour  le  prier  de  me 
composer  trois  quatuors,  et  d'en  fixer  les  honoraires  comme  il  l'enten- 
drait. 11  ne  tarde  pas  à  me  répondre  qu'il  consent  à  ma  proposition,  et 
fixe  la  rémunération  à  50  ducats  de  Hollande,  pour  chaque  quatuor.  Aus- 
sitôt la  somme  de  50  florins  lui  est  expédiée  par  l'entremise  des  banquiers 
Stieglitz  et  Ce,  de  Pétershourg,  et  Heninstein  et  C,  de  Vienne.  Réponse 
de  Beethoven ,  qui  se  confond  en  remercîments  sur  mon  empressement  à 
solder  une  œuvre  qui  n'est  pas  même  commencée.  Cependant  deux  années 
et  demie  s'écoulent,  et  l'œuvre  du  grand  maître  tarde  encore  à  paraître. 
Enfin,  au  mois  de  mars  1825,  arrive  le  premier  des  trois  quatuors  promis; 
mais  avant  ce  terme,  Beethoven  avait  encore  reçu  de  moi  une  somme  de 
54  ducats  envoyée  par  la  même  voie  (1824).  Il  est  possible  que  cet  em- 
pressement même  de  payer  si  longtemps  d'avance,  ait  pu  suggérer  l'idée 
au  moment  de  la  mort  de  Beethoven,  que  les  quatuors,  à  peine  terminés , 
n'avaient  pas  été  payés,  puisqu'on  ne  voyait  pas  de  sommes  nouvellement 
rentrées  à  cet  effet.  J'admettrais  cette  excuse,  toute  mauvaise  qu'elle  est 
L'année  1826  vit  paraître  les  deux  quatuors  suivants.  Mais  à  cette  époque 
j'avais  cessé  d'habiter  Pétersbourg,  mon  service  m'ayant  transporté  par 
delà  le  Caucase,  où  la  guerre  avec  la  Perse  venait  d'éclater.  Sur  ces  entre- 
faites Beethoven  mourut.  Ces  deux  circonstances  furent  cause  que  les 
50  florins  du  troisième  quatuor  furent  remis  à  Charles  Beethoven,  neveu 
et  héritier  du  grand  homme,  aujourd'hui  domicilié  à  Vienne.  11  suit  de  là 
qu'au  lieu  de  n'avoir  rien  payé,  j'ai  déboursé  154  ducats  pour  les  trois 
quatuors  en  question.  Les  incrédules  peuvent  demander  à  voir  les  quir. 
tances  autographes  de  ces  divers  envois  chez  les  banquiers  Heninstein,  de 
Vienne,  et  en  recevoir  la  confirmation  de  M.  Charles  Beethoven  lui-même, 
demeurant  au  faubourg  de  Josephstadt,  221,  à  Vienne. 

Je  vous  prie,  Monsieur,  de  vouloir  bien  accueillir  ma  protestation  et  de 
lui  donner  place  dans  un  des  prochains  numéros  de  la  Revue  et  Gazette  mu- 
sicale qui  paraît  sous  vos  auspices  à  Paris.  Vous  comprendrez  que  la  vérité 
en  matière  aussi  délicate  ne  saurait  avoir  trop  de  publicité,  et  vous  m'o- 
bligerez véritablement,  si  dans  la  suite  vous  voulez  bien  me  communiquer 
les  observations  auxquelles  cette  lettre  donnera  peut-être  lieu,  et  qui  né- 
cessiteraient de  ma  part  des  développements  plus  étendus  sur  les  circon- 
stances qui  ne  sont  pas  rapportées  dans  la  présente  lettre,  parce  qu'ici  je 
me  borne  purement  à  réfuter  la  calomnie  de  Schindler,  et  à  faire  voir  une 
fois  de  plus  cuiuvunt  on  écrit  l  histoire. 

Veuillez  agréer  l'assurance  de  mes  sentiments  les  plus  distingués. 
Le  prince  Nicolas  Boris  GALITZIN. 

NOUVELLES. 

%*  Demain  lundi,  à  l'Opéra,  la  222e  représentation  des  Huguenots.  Ma- 
thieu continuera  ses  débuts  dans  le  rôle  de  Raoul. 

*i*  Lundi  dernier  la  127e  représentation  du  Prophè'e  avait  attiré  une 
foule  immense.  La  recette  s'est  élevée  à  plus  de  9,600  fr.  II  n'y  a  que 
des  éloges  à  donner  à  l'exécution,  qui  a  été  magnifique. 

%*  Vendredi  c'était  la  333e  représentation  de  Ikèert-k  Diable.  Ainsi, 
comme  on  le  voit,  les  trois  chefs-d'œuvre  marchent  régulièrement,  par 
rang  d'âge,  et  quel  beau  total  que  celui  de  ces  trois  chiffres  réunis  !  Ro- 
bert-le-D:able,  333  ;  Huguenots,  222  ;  Prophète,  1 27  ;  ensemble.  682.  Robert- 
le  Diable  n'avait  pas  exercé  sur  le  public  une  attraction  moins  l'orteVjue  le 


278 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


Prophète,  et  il  a  fallu  renvoyer  beaucoup  de  monde.  Gueymard,  qui  chan- 
tait pour  la  troisième  fois  de  la  semaine,  a  dignement  rempli  le  rôle  du 
prince  normand.  Comme  chanteur  et  acteur,  il  gagne  de  jour  en  jour. 
Mlle  Emmy  La  Grua  débutait  dans  ce  charmant  rôle  d'Alice  qui  a  fait  la 
fortune  de  tant  cantatrices,  à  commencer  par  Mme  Dorus  et  Mlle  Falcon. 
La  nouvelle  venue  se  rapproche  plutôt  de  la  seconde  que  de  la  première. 
Si  l'on  peut  lui  reprocher  quelque  chose,  c'est  de  donner  au  personnage 
un  caractère  un  peu  trop  viril,  et  de  mettre  une  certaine  emphase  dans 
sa  déclamation  et  ses  gestes.  Du  reste,  Mlle  La  Grua  porte  à  merveille  le 
costume  de  la  fiancée  de  fiaimbaud  ;  elle  a  parfaitement  réussi  dans  toutes 
les  parties  dramatiques  du  rôle,  et  les  précieuses  qualités  de  sa  voix  y  ont 
produit  tout  leur  effet  Quand  la  première  émotion  sera  passée,  la  jeune 
artiste  s'élèvera  encore  plus  haut.  Mme  Laborde  chantait  le  rôle  d'Isa- 
belle avec  son  talent  ordinaire  ;  Depassio  montrait,  dans  celui  de  Ber- 
tram,  toute  la  puissance  de  sa  voix. 

%*  La  Favorite  a  été  donnée  mercredi,  devant  un  nombreux  auditoire. 
Mme  Tedesco,  dans  le  rôle  de  Léonor,  a  confirmé  le  brillant  succès  qu'elle 
avait  obtenu  dès  le  premier  jour. 

***  Le  répertoire  varié  de  l'Opéra-Comique  ne  laisse  pas  languir  la  cu- 
riosité. Parmi  les  spectacles  qu'il  a  donnés  cette  semaine,  celui  qui  se  com- 
posait de  Giralda  et  du  Toréador,  deux  opéras  d'Adolphe  Adam,  n'était 
pas  le  moins  attractif.  Actéon,  Galàlhée  et  les  Diux  Jaket  ont  concouru  à 
en  former  d'autres,  d'un  effet  certain. 

***  Les  répétitions  de  l'opéra  de  Reber,  à  l'Opéra-Comique,  sont  très- 
avancées  ;  mais  il  est  probable  que  la  première  représentation  sera  retar- 
dée de  quelques  jours  par  suite  d'un  changement  dans  la  distribution  des 
rôles.  Mme  Darcier  sera  définitivement  chargée  du  rôle  principal ,  qui,  du 
reste,  a  été  écrit  pour  elle. 

*„.*  Les  représentations  gratuites  données  le  samedi  14  août  se  sont  fort 
bien  passées,  à  la  satisfaction  mutuelle  du  public  et  des  artistes.  Comme 
sous  l'Empire  et  sous  la  Restauration,  les  spectateurs  y  étaient  admis 
librement,  sans  autre  condition  que  quelques  heures  d'attente  à  la  porte 
et  un  certain  déploiement  de  force  physique  au  moment  de  l'entrée.  Au- 
cun accident  grave  n'a'été  signalé,  et,  comme  autrefois,  on  a  remarqué  de 
nombreuses  preuves  d'intelligence  et  de  bon  goût  données  par  un  audi- 
toire beaucoup  moins  cultivé  que  celui  qui  siège  ordinairement  dans  nos 
grands  théâtres. 

%*  Le  Théâtre-Lyrique  doit  toujours  faire  sa  réouverture  dans  les  pre- 
miers jours  de  septembre,  par  le  grand  ouvrage  de  MM.  Dennery  et  Ad. 
Adam,  S*  j'étais  roi.  On  étudie  en  même  temps  la  pièce  en  trois  actes,  à 
quatre  personnages  et  sans  chœurs,  dont  la  musique  est  de  M.  Varney,  qui 
nous  quittera  cet  hiver  pour  aller  diriger  l'orchestre  du  théâtre  de  Gand. 
Un  ouvrage  en  un  acte,  de  MM.  de  Leuven,  Ch.  Deslys  et  Gautier,  Flore 
et  Zéphyrc,  est  aussi  en  répétition. 

%*  C'est  M.  Dietsch  qui  dirigeait  lui-même  la  messe  en  musique  et  le 
Te  Deuoi  composés  par  lui  nour  la  cérémonie  du  15  août,  et  exécutés  dans 
l'église  de  la  Madeleine.  L'orchestre  était  composé  de  soixante  musiciens 
et  d'un  nombre  à  peu  près  égal  de  choristes  empruntés  aux  théâtres  lyri- 
ques et  au  Conservatoire.  Les  soli  étaient  chantés  par  MM.  Guyemard,  Cha- 
puis,  Morelli  et  Marié  ;  Mmes  Poinsot  et  Laborde.  MM.  Potier ,  chef  de 
chant  à  l'Opéra,  etElwart,  professeur  au  Conservatoire,  conduisaient 
l'orchestre  et  les  chœurs. 

V  A  l'occasion  de  la  fête  du  15  août,  MM.  Pupeuty  et  Théodore  Co- 
gniard,  acteurs  dramatiques  ;  Verdi,  compositeur;  Joyant,  peintre  ;  Paul 
Dupont,  imprimeur;  Prévost,  graveur,  et  Monpied,  prote  d'imprimerie, 
ont  été  nommés  chevaliers  de  la  Légion  d'honneur. 

%*  Parmi  les  divertissements  du  15  août,  on  a  généralement  remarqué 
le  concert  d'harmonie  de  la  place  de  la  Concorde,  dirigé  par  M.  Lan- 
delle.  M.  Schlottmann  y  a  été  couvert  d'applaudissements  dans  la  belle 
fantaisie  sur  des  motifs  du  Chalet,  qu'il  a  exécutée  sur  le  trombone;  mais 
le  morceau  qui  a  produit  l'impression  la  plus  vive  et  soulevé  les  bravos 
les  plus  énergiques,  c'est,  sans  contredit,  une  fantaisie  sur  les  Hugue- 
nots, rendue  par  les  seize  artistes  du  Juif  errant,  armés  de  leurs  énergi- 
ques sax-tubas  et  qui  ont  produit  à  eux  seuls  plus  d'effet  qu'une  légion 
d'instrumentistes.  Les  sax-tubas  n'ont  pas  obtenu  moins  de  succès  au 
combat  naval,  dans  lequel  leurs  puissantes  fanfares  luttaient  sans  désa- 
vantage contre  le  canon  et  la  fusillade  ;  enfin,  le  surlendemain,  ils  s'é- 
taient transformés  en  instruments  de  danse,  et  remplissaient  de  leurs  notes 
brillantes  la  vaste  enceinte  de  la  salle  de  bal  construite  sur  le  marché  des 
Innocents.  Dans  cette  même  fête,  Marx  et  son  admirable  orchestre  se 
distinguaient  également. 

%*  A  la  revue  du  15  août,  on  a  regretté  que,  dans  la  nouvelle  organisa- 
tion de  la  garde  nationale,  la  musique  de  la  garde  à  cheval  n'eût  pas 
été  mieux  traitée,  et  que  ce  corps  brillant  n'eût  plus  aujourd'hui  à  sa  tête 
que  quelques  trompettes.  Clea  est  d'autant  plus  fâcheux  que  la  musique  de 
la  garde  nationale  à  cheval  était  la  seule  de  ce  genre  qui  appartînt  en 
propre  à  la  ville  de  Paris. 

*„*  En  s'éloignant  du  théâtre,  Duprez,  notre  grand  artiste,  n'a  pas  re- 
noncé à  ses  habitudes  de  noble  et  ingénieuse  bienfaisance.  C'est  dimanche 
prochain,  29  août,  qu'il  donnera  son  grand  concert  annuel,  vocal  et  in- 
strumental, â  l'Isle-Adam,  au  profit  de»  pauvres  de  l'Isle-Adam  et  de  Val- 
mondois.  Il  aura  pour  associés  dans  cette  belle  œuvre  :  MM.  Gueymard  , 
Chapuis,  Morelli,  Verroust;  Mlles  Poinsot,  Félix  Miolan  et  sa  charmante 
fille,  Caroline  Duprez.  Voici,  du  reste,  le  programme  de  cette  intéressante 
solennité. —  Première  partie  :  1.  Quatuor  du  Comte  Ory,  de  P.ossini,  par 


MM.  Duprez,  Gueymard,  Chapuis  et  Morelli;  2.  duo  de  Bélisario,  de  Doni- 
nizetti,  par  MM.  Duprez  et  Morelli;  3.  duo  du  Maçon,  d'Auber,  par 
Mlles  Poinsot  et  C.  Duprez  ;  4.  solo  de  hautbois,  de  Verroust,  par  le  même  ; 
5.  air  d'Olello,  de  Rossini,  par  M.  Chapuis;  6.  air  de  Freischiilz,  de  Weber, 
par  Mlle  Poinsot  ;  7.  duo  de  Joanita,  de  Duprez,  par  Mlles  Miolan  et  Duprez. 
—  Seconde  partie  :  1.  Duo  de  la  Dame  blanche,  de  Boïeldieu,  par  M.  et 
Mlle  Duprez;  2.  air  de  Gemma  di  Yergy,  de  Donizetti,  par  M.  Morelli  ; 
3.  morceau  de  hautbois,  de  Verroust,  par  le  même;  4.  air  (YActèon,  d'Au- 
ber, par  Mlle  F.  Miolan  ;  5.  la  Nuit  du  bûcheron ,  de  E.  Boulanger,  par 
M.  Gueymard  ;  9.  boléro  de  Joanita,  de  Duprez,  par  MlleC.  Duprez  ;  7.  grand 
trio  bouffe,  de  Duprez,  par  MM.  Duprez,  Gueymard  et  Chapuis  ;  8.  roman- 
ces, de  Duprez,  par  Mlles  F.  Miolan  et  C.  Duprez.  —  Le  piano  sera  tenu  par 
M.  Panseron.  —  Prix  d'entrée  :  5  fr.  —  Le  concert  commencera  à  deux 
heures  précises.  —  Un  convoi  spécial  partira  de  l'Isle-Adam  après  le  con- 
cert. —  On  peut  se  procurer  à  l'avance  des  billets  chez  les  dames  patro- 
nesses  :  A  l'Isle-Adam  ,  chez  Mmes  Duchaufour;  à  Valmondois,  chez 
Mmes  de  Provigny  et  Duprez;  à  Beaumont,  chez  Mme  Meunier;  à  Coye 
(Chantilly)  chez  Mme  Andrianne;  à  Anvers,  chez  Mme  Mény;  à  Royau- 
mont,  chez  Mme  Paul  Berthier;  àPontoise,  chez  Mme  Camille  d'Auribeau; 
â  Paris,  chez  M.  Brandus,  éditeur  de  musique,  rue  Richelieu,  103. 

*.„*  Une  cantate  ayant  pour  titre  :  Tout  pour  le  peuph,  a  été  exécutée  le 
15  août  au  théâtre  de  la  Porte-Saint-Martin.  Les  paroles  de  cette  œuvre, 
dont  le  mérite  a  été  généralement  reconnu,  sont  de  M.  Méry  et  la  musique 
de  M.  deGroot,  l'habile  chef  d'orchestre  de  ce  théâtre.  C'est  un  nouveau 
titre  pour  lui  que  le  succès  de  cette  cantate,  applaudie  très-chaudement 
par  le  public. 

***  Aujourd'hui  dimanche,  il  y  aura  concours  d'orphéons  et  de  musi- 
ques militaires  à  Villeneuve-sur-Yonne,  près  de  Sens. 

*„.*  Pour  la  solennité  du  15  août,  Liszt  a  fait  exécuter  à  Weimar,  dans 
la  chapelle  catholique,  et  sous  sa  direction,  une  messe  nouvellement  écrite 
par  lui,  et  dont  le  style  se  distingue,  dit-on,  par  un  caractère  de  grandeur 
et  d'animation  dramatique.  Deux  morceaux  surtout,  le  Gloria  et  le  Sanctus, 
ont  vivement  impressionné  l'assemblée,  qui  se  composait  de  l'élite  de  la 
société,  les  proportions  de  la  chapelle  ne  permettant  pas  d'y  admetire  la 
foule. 

*„*  Mme  Cabel,  la  charmante  cantatrice,  vient  de  débuter  à  Lyon  de  la 
manière  la  plus  brillante  dans  le  rôle  de  Coraline  du  Toréador.  Toutes  les 
qualités  qu'exige  ce  rôle  ravissant,  mais  périlleux,  Mme  Cabel  les  réunit  en 
elle  :  finesse  de  diction,  vocalisation  parfaite,  sûreté  d'intonation,  délica- 
tesse de  nuances.  Les  fameuses  variations  sur  l'air  Ah  !  vous  dirai-je  ma- 
mnn  ont  produit  un  effet  irrésistible;  le  public  en  masse  a  manifesté  son 
enthousiasme  par  des  bravos  sans  fin.  Le  succès  de  la  cantatrice  s'est  con- 
firmé dans  le  Barbier,  Giralda.  la  Fille  du  régiment  et  les  Mousquetaires  de 
la  Reine. 

***  Décidément  Emile  Prudent  ne  fera  pas  le  voyage  d'Amérique  avec 
Mme  Sontag.  C'est  lui  qui  a  refusé  des  propositions  d'ailleurs  extrêmement 
brillantes,  et  nous  croyons  qu'il  a  bien  fait  pour  lui  comme  pour  nous. 

%*  Vivier  a  eu  l'honneur  de  jouer  devant  le  sultan,  le  31  du  mois  der- 
nier. Sa  Hautesse  a  reçu  l'artiste  dans  un  immense  salon,  où  elle  est  res- 
tée seule  avec  lui  de  sept  a  neuf  heures  du  soir.  Vivier  a  joué  quatre  mor- 
ceaux et  des  chasses.  Le  sultan  a  témoigné  un  vif  plaisir  et  a  curieusement 
examiné  l'instrument  fabriqué  par  Sax.  Sa  musique  avait  ordre  d'attendre 
l'artiste  au  jardin  et  de  lui  jouer  des  airs  européens  à  son  arrivée  et  à  son 
départ.  Pour  ses  adieux  â  Constantinople,  Vivier  donnera  bientôt  un  con- 
cert, et  il  se  rendra  à  Athènes,  où  on  le  presse  de  venir. 

*4*  Le  saxophone,  dont  nous  avons  eu  plus  d'une  fois  occasion  d'entre- 
tenir nos  lecteurs,  fait  des  progrès  aussi  éclatants  que  rapides.  Jullien 
vient  d'engager,  pour  ses  concerts  de  Londres,  les  deux  plus  habiles  vir- 
tuoses sur  ce  nouvel  instrument  :  Soualle,  de  Paris,  et  Wuille,  de  Bruxelles. 
Les  Espagnols,  qui  aiment  et  recherchent  les  nouveaux  effets  en  musique, 
se  passionnent  à  tel  point  pour  cette  belle  invention  due  au  génie  de 
Sax,  que  la  plupart  de  leurs  musiques  sont  déjà  munies  de  trois  ou  quatre 
saxophones  dans  différents  tons,  dont  le  timbre  moelleux,  vibrant  et  ex- 
pressif ressort  admirablement  dans  des  solos  habilement  ménagés.  Pour 
ceux  de  nos  lecteurs  qui  n'auraient  pas  encore  entendu  parler  du  saxo- 
phone, —  chose,  au  reste,  peu  vraisemblable,  —  nous  dirons  que  cet 
instrument  est  en  cuivre,  à  clefs,  avec  une  embouchure  dans  le  genre  de 
la  clarinette,  et  nous  ajouterons  que  son  doigter  offrant  une  grande  ana- 
logie avec  celui  de  la  flûte,  de  la  clarinette,  du  hautbois  et  du  basson,  un 
artiste  jouant  de  l'un  de  ces  instruments  n'a  pas  besoin  de  plus  de  huit 
jours  d'étude  pour  se  familiariser  avec  lui. 

***  Après  la  clôture  du  théâtre  de  Sa  Majesté,  à  Londres,  Mme  La- 
grange  s'est  rendue  immédiatement  à  Paris;  elle  partira  bientôt  pour 
l'Allemagne,  où  l'appelle  un  engagement. 

%*  Mme  Charton-Demeur  est  aussi  venue  de  Londres  à  Paris  avant  de 
se  rendre  à  Marseille. 

***  Jenny  Lind  (Mme  Otto  Goldchmidt)  et  son  mari  sont  à  Paris  en  ce 
moment. 

***  Bordas  est  engagé  au  théâtre  de  la  Nouvelle-Orléans;  avant  de  s'y 
rendre  il  compte  passer  quelque  temps  â  Paris. 

***  Le  pianiste  Gottschalk  vient  d'être  nommé  par  la  reine  d'Espagne 
chevalier  de  l'ordre  royal  d'Isabelle-la-Catholique. 

*„*  Nous  avons  dit  que  la  musique  d'un  régiment  de  cuirassiers  figurait 
à  Abbeville  dans  la  fête  d'inauguration  de  la  statue  de  Lesueur  :  c'était 
celle  du  10e  ;  une  médaille  d'or  lui  a  été  décernée  par  le  jury. 


DE  PARIS. 


279 


*„*  La  ville  de  Dieppe  s'est  trouvée  un  jour,  en  «'éveillant,  toute  surprise 
d'être  musicale,  grâce  a  ses  bains,  à  un  orchestre  de  musiciens  allemands 
qui  lui  sont  venus  de  Dusseldorf,  et  surtout  grâce  à  Vieuxtemps  et  â 
Mlle  Graever,  la  charmante  pianiste,  qui  a  quitté  Paris  et  ses  élèves  mo- 
mentanément. Ces  deux  éiuinents  artistes  se  sont  fait  entendre  ensemble 
et  séparément  avec  un  égal  succès.  Mlle  Graever  a  dit  un  concerto  de 
Ilummel,  avec  accompagnement  d'orchestre,  de  ce  style  classique,  pur, 
énergique  et  chaleureux  qui  caractérise  son  talent  de  première  ligne.  La 
musique  moderne,  actuelle,  a  surtout  en  elle  une  séduisante  propagatrice, 
soit  qu'elle  exécute  sur  le  clavier  d'un  de  ces  beaux  pianos  d'Krard  qui 
l'inspirent,  la  charmante  Élude  de  violon  de  Georges  Mathias,  soit  qu'elle 
rhythme  puissamment  la  Marche  des  Croates  de  Blumenthal,  ou  qu'elle 
s'associe  à  VËloile  de  Charles  Voss,  qui  semble  (l'étoile  bien  entendu) 
avoir  filé  du  ciel  pour  enchanter  la  terre.  Mlle  Graever  est  tour  à  tour  la 
pianiste  rétrospective,  par  la  manière  irréprochable  avec  laquelle  elle  in- 
terprète les  fugues  de  Sébastien  Bach,  et  la  pianiste  du  jour,  en  disant 
dans  leurs  façons  individuelles,  les  morceaux  si  difficiles  et  si  brillants  de 
Prudent,  Liszt  et  Thalberg. 

*„*  Un  journal  de  musique  vient  de  paraître  à  Rio  Janeiro,  sous  le  titre 
de  V Union  musicale.  11  a  pour  fondateur  un  de  nos  compatriotes,  J.  S.  Bril- 
lant, qui  dirigeait  naguère  à  Paris  une  société  chorale  et  l'école  de  chant 
créée  a  Neuilly  par  l'ex-reine,  Marie-Amélie.  Le  premier  numéro  du  jour- 
nal contient  de  curieux  détails  sur  Mme  Stoltz  et  sur  les  causes  diverses 
qui  ont  longtemps  retardé  son  apparition.  Parmi  ces  causes  figurait  la 
juste  crainte  de  la  fièvre  jaune,  qui  a  frappé  mortellement  deux  artistes, 
Basadonna  et  Bianchi,  à  côté  de  la  cantatrice,  et  pendant  les  répétitions 
mêmes  de  la  Favorite,  sa  pièce  de  début.  11  y  avait  de  quoi  effrayer  les 
plus  intrépides.  Cependant  Mme  Stoltz  a  triomphé  d'un  appréhension 
toute  naturelle,  et  son  succès  a  été  des  plus  éclatants.  Après  la  Favorite, 
elle  a  chanté  le  rôle  d'Arsace  dans  Sémiramide. 

*4*  La  littérature  italienne  a  perdu  récemment  un  de  ses  librettistes  les 
plus  habiles  et  les  plus  féconds,  Salvatore  Cammarano.  Dans  le  nombre 
de  ses  ouvrages,  on  distingue  Lucia  di  Lammermoor,  Belisario,  Pia  dei 
Tulomei,  Roberlo  Devenux,  Maria  di  Rudenz,  Poliuto,  la  Veslale,  Saffo, 
Luisa  Miller. 

CHRONIQUE     ÉTRANGÈRE. 

%*  Londres,  19  août.  —  Le  théâtre  de  Sa  Majesté  a  terminé  sa  saison 
de  1852.  Ouvert  le  jeudi  1er  avril ,  il  a  fermé  le  samedi  14  août.  Les  repré- 
sentations ont  été  au  nombre  de  56,  savoir  :  45  soirées  d'abonnement, 
9  soirées  extraordinaires  et  2  bénéfices,  ceux  de  Puzzi  et  de  Balfe.  Il  n'y  a 
eu  qu'une  matinée,  celle  de  Mme  Puzzi.  Le  répertoire  s'est  composé  des 
opéras  suivants  :  Il  Barbiers,  joué  9  fois;  Otello,  1  fois;  VllaUana,  2;  Ce- 
nereniola,  4  ;  Don  Giovanni,  1  ;  Fiielio,  4  ;  Maria  di  Rolian ,  3;  Lucia,  5  ; 
Don  Pasquale,  5;  Norma ,  h;  Sonnambula,  5;  Puritani,  5;  Ernani  ,  3  ;  Ca- 


silda,  2;  en  tout,  14  opéras  et  7  compositeurs.  On  se  rappelle  les  noms 
des  artistes  qui  ont  chanté  cette  année,  et  dont  les  principaux  étaient 
Mmes  Sophie  Cruvelli,  Lagrange,  Ida  Bertrand,  Fiorcntini,  Charton,  d'An- 
-ii;  \l\l.  l.aMache,  Belletti ,  Gardoni ,  Calzolari ,  Bettini.  Le  programme 
annonçait  Mlle  Johanna  Wagner.  M.  I.umley.  n'ayant  pu  la  produire,  par  le 
fait  de  M.  Gye.  directeur  du  théâtre  de  Covent-Garden  ,  a  formé  contre  ce 
dernier  une  demande* en  paiement  de  dommages  intérêts  qui]  a  évalués 
lui-même  à  la  somme  de  30,000  liv.  (750,000  fr.).  —  L'opéra  de  Jullien  , 
Pietro  il  Grande,  est  enfin  apparu  mardi  dernier  au  théâtre  de  Covent- 
Garden.  Le  succès  de  cette  première  représentation  in  extremis  ne  sau- 
rait avoir  grande  conséquence,  puisque  le  théâtre  va  bientôt  fermer.  La 
question  restera  donc  indécise,  et  tout  porto  à  croire  que  c'est  ce  qui 
pouvait  arriver  de  plus  heureux  à  l'auteur  de  la  partition. 

*„*  Bruxelles,  18  août.  —  Al.  Hanssens  s'étant  démis  de  la  direction  des 
théâtres  royaux,  le  conseil  communal  a  nommé  en  sa  place  M.  Letellier, 
qui  a  laissé,  comme  artiste,  d'honorables  souvenirs  en  cette  ville. 

***  Amsterdam:  —  Jacques  Franco-Mendès,  le  célèbre  violoncelliste  et 
compositeur,  vient  de  faire  exécuter  sous  sa  direction,  au  Jardin-Fran- 
çais, son  premier  quinlelto  et  son  otteito  pour  des  instruments  à  cordes, 
ses  trois  ouvertures  et  sa  seconde  symphonie  pour  grand  orchestre.  Toutes 
ces  œuvres  portent  le  cachet  du  maître,  et  sont  accueillies  par  le  public 
avec  enthousiasme;  le  virtuose  lui-même  est  toujours  aussi  l'objet  des 
témoignages  d'une  vive  sympathie. 

***  Milan.  —  Verdi  vient  d'écrire  deux  opéras  nouveaux  pour  la  saison 
d'autommo  :  /(  Trovatore  (le  trouvère^,  qui  sera  représenté  à  Rome  le  2g 
décembre  prochain  ;  une  autre  partition,  dont  le  titre  n'est  pas  indiqué, 
doit  faire  sa  première  apparition  au  théâtre  de  la  Fenice. 

Le  gérant  :  Ernest  DESCHAMPS. 


En  vente  chez  BRANDUS  et  Cc,  103,  rue  Richelieu, 
Quadrille  et  Ilctfowa 

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2.  LA  LIMENA 2  50 

3.  SERENATA 2  50 

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N°5  5.  LA  ESTRELLA  DE  LA  TARDE 

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7.  ORILLAS  DEL  RIMAC    .     .     . 

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Pour  voix  d'hommes,   sans   accompagnement,  paroles  de  A.  VIAEOST,    musique   de 


N°'  1.  Les  Boulangers 2     » 

2.  Les  Canotiers 3    » 

3.  Les  Fondeurs 3    „ 


N""  û.  Les  Garçons  de  restaurant 3    » 

5.  Les  Horlogers 3    „ 

6.  Les  Postillons 3    „ 


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280 


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.  15 


E'fffSJES   ET   C:ABBKE€ES 
POUR  LE  VIOLON. 

Bsiillot.  Douze  caprices  ou  études 

Bériut  (Ch.  de).  Op.  0.  Dix  Etudes  ou  Capri- 
ces, pour  violon  seul 

—  Op.  27.  Six  Etudesbrill.pourviolon  seul 

Les  mêmes  avec  ace.  de  piano  .   .    . 

_     Op.  29.  Trois  caprices  brillants,  ou  Etu- 
des pour  violon 

—  Op.  37.    Trois   Etudes   caractéristiques 

pour  violon,  avec  ace.  de  piano.  .    .   . 

—  Op.  63.  Trois  grandes  Etudes  pour  deux 

violons  concertants 

—  Op.  75.    Premier  Guide  du   violoniste. 

Etudes  élémentaires  en  deux  livres  : 
N°  1,  contenant  dix  Etudes  élémentai- 
res, avec  accompagnement  d'un 

second  violon 

N°  2,  contenant  dix  Etudes  de  style  en 
forme  de  petits  solos  ,  avec  ac- 
compagnement de  piano.   .   .   . 
Bolircr  (Ant.).  Dix-huit  Caprices  ou  Etudes, 

deuxième  édition 

Fiorillo.  Op.  3.  Trente- six  Etudes  .... 
Jlaueneek  aine.  Trois  Caprices  pour  le  violon 
avec  accompagnement  de  basse  .   . 
Kreutzer  (R.).  Quarante  Etudes  pour  le  vio- 
lon ,  avec  accompagnement  ad  libitum 
d'un   second  violon    concertant,   par 
Habeneck  aîné,  di  visées  en  2suites,  cl). 
I>ouis  (N.).  Op.  87.  Vingt-quatre  Etudes,  avec 
accompagnement  d'un  second  violon. 

SIay»e«ler.  Op    29.  Six  Etudes 

E°»D!(>n-.a    H).  Op.  30.   Vingt-quatre  Etudes 

mélodiques  et  progressives  .   .   . 
'3'ron  j.cnu-  (J.).  Caprices  ou  études.   ...  12 

comcEKir®» 

POUR  LE  VIOLON. 
SSailloi    1er  concerto,  avec  ace.  d'orchestre.   18 

—  2'  concerto,  avec  ace.  d'orchestre  ...  18 

—  Op.  7.  3°  concerto,  en  fo  majeur  ...  12 

—  4'  concerto,  avec  ace    d'orchestre       .    .  18 

—  Op.  18.  6"  concerto,  en  la  mineur.    .    .  12 
Op.  21.  T  concerto  eu  re  majeur  ...  12 

—  Op.  22.  8e  concerto  en  lit  majeur.    ...  12 

—  9e  concerto,  avec  ace.  d'orchestre  ...  18 
ÏBéri  .1  (Ch.  de)    Op.  26.    1"    concerto,   avec 

accompagnement  d'orchestre  ....  24 
Avec  accompagnement  de  quatuor  .  .  .  18 
Avec  accompagnement  de  piano  ....   12 

—  Op.  32.  2'  conceno,  avec  accompagne- 

ment d'orchestre 3C 

Avec  accompagnement  de  quatuor  ...  24 
Avec  accompagnement  de  piano  .   .   .   .  2t 

Complet 4C 

Op.  44.  3'  concerto,  avec  ace.  d'orchestre  3( 

Avec  accompagnement  de  quatuor  .  .  .  21 
Avec  accompagnement  de  piano  ...  .21 
Complet 4( 

—  Op.  66    4e  concerto,  avec  accompagne- 

ment d'orchestre 21 

Avec  accompagnement  de  quatuor.  .  .  1! 
Avec  accompagnement  de  piano  .  .  .  .  1! 
Complet 3( 

—  Op.  55.  5-  concerto,  avec   accompagne- 

ment d'orchestre 21 

Avec  accompagnement  de  piano  .   .   .   .  1! 

Complet 31 

—  Op.  10.  6"  concerto,  avec  ace.  de  piano  .  V. 

Le  quatuor  seul Il 

L'orchestre  seul 21 

—  Op.  73.  7e  concerto,  avec  ace.  de  piano.  Il 

Le  quatuor I1 

L'orchestre 1; 

Dritsl.  Op.  V3.  Concerto 1! 

Vieu.ilein.ps.   Op.  10.  Grand  concerto  dédié 
au  roi  des  Belges. 

Le  violon  principal 1! 

Avec  accompagnement  d'orchestre.   .   .  3 

Avec  accompagnement  de  quatuor.   .    .  2 

Avec  accompagnement  de  piano  ....  2 

Complet 5 

Op.  8.   2e   concerto,  avec  accompagne- 
ment d'orchestre 1 

Avec  accompagnement  de  piano  .   .   .   .  1 

Complet    .   .   . - 

—  Op.  25.  3'  grand  concerto,  dédié  à  Guil- 

laume II,  roi  de  Hollande. 

Le  violon  principal  seul 1 

Avec  accompagnement  d'orchestre.  .  .  5 
Avec  accompagnement  de  quatuor  ...  3 
Avec  accompagnement  de  piano  ....  2 

Complet 6 

fitoliri-r.  4  concerto 1 

Kreutzer.  5"  concerto  en  la  majeur  .    .    .    .    1 

—  10e  concerto  en  rt  mineur 1 


Krcu«zer.  11e  concerto  en  ut  majeur  ...  12  » 

—  Op.  12.  Grand   concerto  avec  accompa- 

gnement d'orchestre 15  » 

Spolir.  Op.  92.  2"  concertino,  avec  accompa- 
gnement d'orchestre 24  » 

Avec  accompagnement  de  quatuor.   .   .  18  » 

Avec  accompagnement  de  piano  .   ...   12  » 

SONATES,  AIRS  VARIES  ET  FANTAISIES 

POUR  LE  VIOLON. 

Alard.  Op.  20.  Fantaisie  de  concert  sur  la 

Favorite 0     h 

Ariuïustiud.  Op.  8.  Fantaisiesur  l'Absence, 

de  Félicien  David 9     » 

Artôt.  Op.  19.  Grande  fantaisie  sur  Roberl- 

le-Diable 9    » 

maillot.  Douze  Caprices  ou  Études 12     » 

—  Op.  17.    Thème  varié,  ace.  de  quatuor.     7  50 

Avec  ace.  d'orchestre 15    » 

—  Op.  19.  Je  suis  Lindor,    air  varié,  avec 

ace.    de  piano  ou  d'un  second  violon 

ou  basse 7  50 

—  Op.  20.  Trois  airs  russes,  avec  ace.  de 

piano;  3  suites.  Chaque 6     » 

Avec  ace.  de  trio  ;  3  suites,  (.haque.    6     » 

—  Op.  21.  Andante  à  sourdine,  avec  ace. 

de  piano 5    » 

—  Op.  40.  Adagio    et   rondo  ,    avec    ace. 

de  piano 7  60 

Avec  ace.  de  quatuor 12  » 

Avec  ace.  d'orchestre 15  » 

KérJot  (C.  de1.  Op.  1.  1"  air  varié  en  ré  mi- 
neur, avec  ace.  de  piano 7  50 

—  Op.  2.  2e  air  varié  en  ré  majeur,  avec 

ace.  de  piano 7  50 

—  Op.  3.  3e  air  varié  en  mi,  avec  accom- 

pagnement de  piano 7  50 

—  Op.  5.  4e  air  varié,  air  montagnard  en 

si  bémol,  avec  ace.  de  piano.  ...     7  50 

—  Op.  7.  5e  air  varié  en  mi,  avec  accom- 

pagnement de  piano 7  50 

—  Op.  9.  Dix  Études  ou  Caprices  ....  10     » 

—  Op.  12.  6e  air  varié  en  ta,  avec  accom- 

pagnement de  piano 7  50 

—  Op.  15.  7"  air  varié  en  mi,  avec  accom- 

pagnement de  piano 7  50 

—  Op.  30.  Le  Trémolo,  caprice,  avec  ac- 

compagnement de  piano 7  50 

Avec  ace.  d'orchestre 15     » 

—  Op.  32.  Andante  et  rondo  russe,  extrait 

du  2    concerto,  avec  accompagne- 
ment d'orchestre 24  » 

Avec  ace.  de  quatuor 18  » 

Avec  ace.  de  piano 15  » 

Complet 30  » 

—  Op.  42.  8e  air  varié  en  ré,  avec  accom- 

pagnementde  piano.   ......     7  50 

—  Op.  52.  9e  air  var  é  en  ré,  avec  accom- 

pagnement de  piano 9     » 

—  Op.  69.  10e  air  varié,  avec  accompagne- 

ment de  piano 9     * 

—  Op.  76.  11"  air  varié,  avec  ace.  de  piano  9  » 
N.  B.  L'orchestre  seul  de  chaque  air  varié  .  .  7  50 
ËnisC.Op.  5.  Trois  rondinos  av.  ace.  depiano: 

N"  1.  tiathalie 7  50 

2.  Lu  Tentation 7  50 

3.  A'.  berl-lc- Diable 7  50 

—  Op.  6.  Introduction  et  variations  brill. 

sur  Ludovic,  ncc.  de  quatuor.   ...  12     >> 
Avec  ace.  de  piano 7  50 

—  Op.   11.  Fantaisie  bnllante  sur  la  mar- 

che à'Olello,  avec  ace.  de  piano.   .   .     9    « 
Avec  ace.  d'orchestre 18     « 

—  Op.  19.  Le  Carnaval  de  Venise,  25  va- 

riât, burl.  ace.  de  quatuor  et  depiano.     9     » 

—  Op.  20.  Variations  sur  le  Pirate,  avec 

ace.  de  piano  ou  de  quatuor  ....     9    » 
Avec  ace.  d'orchestre 18    » 

—  Deuxmorccauxdesalonav.acc.  depiano: 

N°  1.  Àdatjiosentimei.tal.   ...     6     » 
2.  Rondin o  qrazioso 6    » 

—  Feuillet  d'Album,  étude  de  Heller,  trans- 

crite pour  violm  avec  ace.  de  piano..     6  50 

—  La   Romanesca,  ancien    air  de  danse, 

avec  ace.  de  piano  on  de  quatuor  .   .     4  50 

—  Op.  21.  Rondo  Scherzo  à  la  papageno   .     9     » 

—  Op.    24.  Fantaisie  brillante  sur  le  Pro- 

phète, avec  ace.  de  piano.    .       .    .  9     » 

L'orchestre  seul 9     » 

8«lijs.  Op.  26.  Sixième  air  varié,  avec  acc.  de 

piano 7  50 

—  Op.  36.  Le  Mouvement  perpétuel  ...  9     » 

—  Op.  37.  Triste  pensée  et  délire  ....  7  50 
CbÏbjs  et  Paganini.  Le  Carnaval  de  Venise, 

précédé  d'un  adagio  appassionato.    .     7  50 
L'accompagnement  de  quatuor  .   .     4  50 


ISanmann  Op.  10.  Fantaisie  sur  Guido  et 
Gmevra 

—  Op.  7.  Grandes  variations  sur  la  tyro- 

lienne de  la  Fiancée,  avec  accompa- 
gnement de  piano  

Kreutzer  (R.).  Nil  cor  jiit  non  mi  sento, 

varié,  avec  acc.  de  piano 

Avec  acc.  de  quatuor 

ILr.foni.  Minuit,  grand  fant.  sur  le  Domino 
noir,  avec  acc    de  piano 

—  Deuxième  fantaisie  sur  la  prière  du  Do- 

mino voit,  avec  acc.  de  piano    .    .    . 

—  Grande  fantaisie  sur   les    motifs   de  la 

Muette  de  Portici,  avec  acc.  d'orch. 

Avec  acc.  de  piano 

fljufv>iit.  Op.  35.  Grande  fantaisie  et  varia- 
tions sur  un  thème  original,  avec  ac- 
compagnement de  piano  

—  Op.    36.    Variations   brillantes    sur    la 

valse  d'Alexandra 

B>e  Cieux.  Op.  8.  Fantaisie  pour  piano  et 
violon,  sur  le  Duc  it'Olonne    .... 

ILipiusky.  Op.  2S.  Réminiscence  des  Puri- 
tains, grande  faut.,  avec  acc.  depiano. 

3*anoi'lka.  Op.  8.  Fantaisie  sur  Cosimo,  avec 
accompagnement  de  piano 

—  Op.  9.  Morceau  de  salon  ;  notturno  et 

rondo  grazioso,  snrV  Eclair,  av.  piano 

—  Op.  11.   Souvenir  des  Huguenots,  noc- 

turne et  variations  brillantes  avec  acc. 
de  piano  

—  Op.  14.  Air  tyrolien  va-ié,  avec  acc.  de 

piano 

—  Op.   21.  Fantaisie   brillante  sur  la  ro- 

mance de  Guido  et  Ginevra,  avec  ac- 
compagnement de  piano 

—  Op.  24.  Adagio  sentimental,  suivi  d'un 

boléro  

—  Op.  28.   Divertissement  brillant  sur  des 

motifs  de  la  Juive,  avec  acc   de  piano 

—  Op.  31.  Divertissement  sur  des  motifs  de 

la   Favorite,  avec  acc.  de  piano.   .    . 

—  Op.  32.  Deux  nocturnes  sur  le  Guilar- 

rero,  avec  acc.  de  piano 

—  Op.  35.  Grand  nocturne  brillant   sur  la 

Reine  de  Chypre,  avec  acc.  de  piano 

—  Op.  39.  Grande  scène  dramatique,  avec 

acc.  de  piano 

—  Op.  40.  Valse  de  bravoure,  avec  acc.  de 

piano 

—  Op.  50.  Nocturne  et  rondo  militaire  sur 

le  Val  d'Andorre,  avec  acc.  de  piano 

—  Op.  56.   Grand  rondo  de  concert,  avec 

acc.  de  piano 

Vicniteni|t«.  Air  varié  sur  le  Pirate,  avec 
acc  de  piano 

—  Op.  7.  Romances  sans  paroles,  avec  acc. 

de  piano,  2  suites,  chaque 

—  Op.  9.  Hommage  à  Paganini,  caprice  sur 

des  thèmes  de  Paganini,  av. acc.  d'orch. 
Avec  acc.  depiano 

—  Op.  11.  Fantaisie-caprice,   acc.  d'orch. 
Avec  acc.  de  piano 

—  Op.  15.  Les   Arpèges,  caprice,  avec  acc. 

de  violoncelle  obligé  et  d'oréhestre.   . 

—  Les  Arpèges,  caprice,  acc.  de  piano.   . 

—  Op.  16.  Six  études  de  concert  avec  acc. 

de  piano,  2  suites,  chaque 

Les  mêmes  pour  violon  seul,  ensemble  . 

—  Op.  17.  Souvenir  d'Amérique,  air  varié 

sur  l'air  américain    Yankee   doodle 

Avec  acc.  de  piano.       

—         de  quatuor 

—  Op.  18.    La    K'onna,   fantaisie  sur  la 

4'  corde  avec  acc.  d'orchestre.  .  .  . 
Avec  acc.  de  piano 

—  Op.   21.  Souvenirs  de  Russie,  fantaisie, 

avec  acc.  d'orchestre 

—  avec  acc.  de  piano 

—  Op.  22.  1"  morceau  de  salon,  air  varié 

avec  acc.  de  piano 

—  2'  morceau  de  salon,  air  varié  avec  acc. 

de  piano  

—  3e  morceau   de  salon,  rêverie,  adagio 

avec  acc.  de  piano 

—  4"  morceau  de  salon,  Souvenirs  du  Bos- 

phore, avec  acc.  de  piano 

—  5'  morceau  de  salon,  Tarentelle  avec 

acc.  de  piano 

—  Op .  27.  Gr.  fant.  sur  des  thèmes  slaves  : 

la  partie  principale  de  violon  .   .   .   . 

Avec  acc.  d'orchestre 

—       de  piano  

complet 

—  Op.  29  Introd.  et  rondo  av.  acc.  de  piano 

L'orchestre 


7  50 

7  50 

7  50 
9  » 
7  50 
6     » 


9  ii 
C  » 
7  50 


15    » 

7  50 
20     » 


BUREAUX  A  PARIS  :  BOULEVART  DES  ITALIENS,  1. 


19e  Année. 


l'nhonnc  dnriR  les  Départements  et  n  l'Êtrangi 

lez  tou*  1rs  MttrL'h'inUs  ili-  Musique, les  I.ibruir 
aux  Uureuux  dos  Messageries  it  des  poste*. 

an.  A   notre  Agence  générale, 

rue  du  Caret. 
nève,  ht  pnrn     Chez  M.  1M.  de  io  FlOChlûrO, 


N°  35. 


lillct. 


«-lie 


!  des 


Wesselet  t>,  220,  llegeut  streot. 
Belizard. 

Scharfenberg  et  Luis. 
Union  artislico-musieale. 
Schlesingor,  34,  u.d.Linden. 
Bote  et  Dock,  42,  Juegerstr. 
Sassetti. 


REVUE 


29  Août  1852. 


Prix  de  rihoiiiKinenl  i 


Départements)  Belgique  et  Suisse 30 

Étranger       34 


Le  Journal  pnrolt  le  Dimanche. 


GAZETTE  MUSICALE 


SOMMAIRE.  —  Du  développement  futur  de  la  musique  dans  le  domaine  du 
rliythme  (  1"  article),  par  IFétis  père.  —  Deux  cérémonies  religieuses,  par 
livnri  Blnncharfl.  — Littérature  musicale  :  Dictionnaire  des  beaux-arts. — 
Morceaux  choisis  de  Catulle,  Gallus,  Properce,  etc.,  traduits  en  vers.  —  Nouvelles 
et  annonces. 


DU  DEVELOPPEMENT  FUTUR  DE  LÀ  MUSIQUE 

Dans  le   doni:eiiie  du  rhytliine. 

(1er  article.) 

L'art  s'est  tant  élevé  par  les  travaux  de  quelques  grands  artistes, 
qu'en  quelque  genre  que  ce  soit,  il  paraît  maintenant  difficile  d'atteindre 
à  son  sommet.  Il  semble  que  toutes  les  formes  soient  épuisées,  que 
toute  création  vraiment  idéale  soit  devenue  à  peu  près  impossible,  et 
qu'il  n'y  ait  plus  de  ressource  pour  l'avenir  que  dans  la  restauration  du 
passé,  dans  des  combinaisons  éclectiques  et  dans  le  domaine  de  l'art 
historique.  Tout  jeune  compositeur  commence,  sinon  par  imiter  servi- 
lement le  style  de  quelqu'un  des  grands  maîtres,  au  moins  par  subir 
l'influence  de  celui  pour  lequel  il  éprouve  une  sympathie  plus  éner- 
gique; mais  après  les  premiers  essais,  l'artiste  bien  organisé  arrive  à 
la  conviction  que  l'originalité  seule  est  destinée  à  vivre  dans  l'avenir 
et  à  devenir  modèle  à  son  tour.  Or,  l'originalité  se  caractérise  dans  la 
musique  tantôt  par  l'abondance  des  idées  mélodiques,  tantôt  par  l'ex- 
pression sentimentale  ou  dramatique,  ou  bien  par  la  vérité  de  l'accent 
scénique,  ou  encore  par  une  forte  conception  qui,  d'un  sujet  simple, 
sait  tirer  de  vastes  développements  et  parvient  par  degrés  à  la  plus 
grande  puissance  de  l'effet  ;  ou  aussi  par  le  génie  de  l'harmonie  et  la 
nouveaulé  des  modulations,  par  le  coloris  de  l'instrumentation,  ou  en- 
fin, par  des  rhythmes  inusités.  Le  génie  est  d'autant  plus  élevé,  l'ar- 
tiste est  d'autant  plus  grand,  que  ces  qualités  sont  plus  saillantes  et  en 
plus  grand  nombre  dans  ses  œuvres.  C'est  pour  cela  que  Mozart  est, 
de  toute  évidence,  le  plus  éminent  des  compositeurs  ;  car  il  est  à  la 
fois  le  mélodiste  le  plus  riche  et  le  plus  varié,  l'harmoniste  le  plus 
hardi  et  le  plus  émouvant,  le  créateur  inépuisable  de  modulations  aussi 
suaves  qu'inattendues,  le  rénovateur  de  toutes  les  formes  et  de  toutes 
les  nuances  du  coloris  instrumental.  C'est  lui  qui  a  porté  l'expression 
dramatique,  la  grâce,  la  force,  l'élégance  et  la  justesse  de  l'accent  à 
leur  plus  haute  puissance  dans  Don  Juan,  Idoménée,  les  Noces  de  Fi- 
garo, la  Flûte  enchantée  et  la  Clémence  de  Titus;  c'est  lui  qui  a  donné 
le  modèle  de  tous  les  développements  de  l'opéra  moderne  ;  c'est  lui 
qui,  au  point  de  vue  de  l'expression  sentimentale,  a  atteint  la  plus 
grande  perfection  de  la  musique  d'église  dans  quelques  morceaux  de  la 
messe  de  Requiem  et  dans  Y  Ave  verum  ;  c'est  lui  qui  le  premier  a  mis 
le  drame  passionné  dans  la  musique  instrumentale,  et  s'est  élevé  aux 


plus  hautes  régions  de  l'idéal  dans  la  symphonie  en  sol  mineur,  dans 
ses  quintettes  de  violon,  dans  le  quatuor  en  sol  mineur  pour  piano, 
et  dans  le  quintette  pour  piano  et  instruments  à  vent.  Il  est  le  créa- 
teur de  la  musique  de  piano  à  quatre  mains,  et  l'a  portée  à  une 
perfection  non  encore  égalée,  dans  les  sonates  en  fa  et  en  ut,  et  dans 
la  fantaisie  en  fa  mineur.  Avant  lui,  on  ne  connaissait  rien  qui  pût  être 
mis  en  comparaison  avec  ses  concertos  de  piano  en  ut  mineur  et  en 
ré  mineur,  chefs-d'œuvre  de  pensée,  de  sentiment,  de  forme  et  de 
facture;  avant  lui,  enfin,  rien  n'avait  été  imaginé  qui  pût  soutenir  le 
parallèle  avec  la  grandeur  du  style  de  l'ouverture  de  la  Flûte  enchantée. 
Et  remarquez  que  chez  Mozart  le  goût  égale  le  génie,  en  dépit  de  l'an- 
tipathie qui,  suivant  les  cerveaux  brûlés  et  les  grimaciers  d'inspiration, 
existerait  entre  ces  facultés.  Dans  ses  productions,  il  y  a  en  toute  chose 
tout  ce  qu'il  faut,  rien  que  ce  qu'il  faut.  Sa  pensée  se  développe  dans 
toutes  ses  conséquences,  et  jamais  ne  tombe  dans  la  divagation  ;  la 
hardiesse  de  sa  conception  est  toujours  accompagnée  de  la  raison,  et 
ses  épisodes  les  plus  inattendus  sont  toujours  le  fruit  d'une  inspiration 
simple,  jamais  celui  d'une  recherche  péniblement  élaborée.  De  là  vient 
que  ses  traits  les  plus  hardis  ne  se  présentent  pas  à  l'état  de  problèmes 
dont  il  faut  chercher  la  solution,  mais  saisissent  l'auditoire  parleur 
merveilleuse  lucidité.  Mozart  étend  autant  qu'il  est  possible  le  domaine 
de  son  art,  mais  n'en  sort  jamais  pour  se  jeter  dans  celui  de  la  con- 
ception métaphysique.  Il  est  l'artiste  par  excellence,  l'artiste  à  sa  plus 
haute  expression  ;  mais  il  ne  veut  pas  être  autre  chose. 

Mais  de  ce  qu'il  y  a  eu  un  homme  doué  de  toutes  les  qualités  néces- 
saires pour  réaliser  en  tout  la  perfection ,  il  ne  s'ensuit  pas  que  l'art 
soit  épuisé  ;  car,  ainsi  que  je  l'ai  dit  tout  à  l'heure,  l'originalité  se  ma- 
nifeste dans  divers  ordres  d'éléments  et  d'idées.  L'imagination  entrant 
en  exercice  et  s'exaltant  dans  certaines  conditions,  à  l'exclusion  des 
autres,  peut  conduire  le  compositeur  jusqu'au  sublime  dans  le  genre 
qu'il  adopte  ou  pour  lequel  il  est  né  ,  dussent  même  ses  inspirations 
n'être  pas  exemptes  de  défauts  considérables.  Ainsi ,  me  bornant  à 
quelques  exemples  postérieurs  à  Mozart ,  je  dirai  que  Beethoven  ,  bien 
qu'il  n'ait  pas  eu  l'abondance  mélodique  de  son  premier  modèle  ,  bien 
que  ses  inspirations  laissent  souvent  apercevoir  le  travail ,  tandis  que 
celles  de  son  prédécesseur  sont  toujours  spontanées  ;  bien  qu'il  n'ait 
ni  son  universalité,  ni  son  inépuisable  variété  ;  bien  qu'il  soit  plus  véhé- 
ment que  passionné;  enfin,  bien  que  le  goût  ne  le  dirige  pas  toujours 
et  qu'il  n'ait  pas  su,  comme  Mozart,  contenir  sa  'pensée  dans  de  justes 
limites  et  dire  beaucoup  en  peu  de  phrases,  Beethoven,  par  le  génie  de 
la  grandeur  que  Dieu  avait  mis  en  lui,  par  la  hardiesse  de  ses  détermi- 
nations, par  son  art  admirable  de  présenter  le  sujet  principal  sous 
mille  formes  toujours  originales,  par  l'inattendu  de  ses  épisodes  ,  par 
la  plénitude  harmonieuse  de  son  instrumentation,  et  pour  tout  dire,  en 


282 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


un  mot,  par  le  caractère  éminemment  poétique  de  ses  œuvres ,  est  un 
colosse  parmi  les  compositeurs.  Son  génie  est  spécial  :  c'est  celui  de 
la  musique  instrumentale.  Dans  d'autres  genres,  bien  qu'il  ait  trouvé 
quelquefois  de  grandes  beautés,  il  est  inférieur  à  lui-même  et  l'est  sur- 
tout à  Mozart,  car  il  reste  toujours  le  poëte  de  la  musique  d'instruments. 
C'est  le  style  propre  de  cette  musique  qui  brille  dans  tout  ce  qu'il  fait. 
Il  est  même  permis  de  dire  que  les  développements  de  sa  pensée  appar- 
tiennent particulièrement  au  talent  de  la  symphonie  :  ses  sonates  de 
piano,  ses  trios,  ses  concertos  pour  cet  instrument,  sont  des  sympho- 
nies véritables  ;  c'est  aussi  l'inspiration  symphonique  qu'on  retrouve 
dans  Fidelio,  et  quand  ce  n'est  pas  cela  ,  l'œuvre  est  faible,  comme  le 
Christ  au  mont  des  Oliviers. 

Rossini,  comme  Mozart,  a  le  génie  éminemment  mélodique  ;  mais  il 
y  a  entre  eux  cette  différence,  que  la  mélodie  de  Mozart  est  toujours 
caractéristique  du  sentiment  à  exprimer,  tandis  que  celle  de  Rossini , 
moins  déterminée  quant  à  l'expression,  a  pour  objet  spécial  la  produc- 
tion de  l'effet,  soit  par  les  occasions  de  briller  qu'elle  offre  rmx  chan- 
teurs, soit  par  la  vivacité  de  ses  rhytbmes.  Rossini  connaissait  bien  le 
goût  de  la  nation  pour  laquelle  il  écrivait  :  il  voulait  lui  plaire  et  réussir. 
Les  défauts  de  formules  qui  lui  ont  été  reprochés  n'ont  pas  d'autre 
cause.  Mais,  bien  qu'il  sacrifie  parfois  l'intérêt  de  la  scène  à  l'effet  d'en- 
traînement, nul  n'a  su  mieux  que  lui  ou  plutôt  aussi  bien  saisir  la  cou- 
leur locale  de  son  sujet,  pris  dans  l'ensemble.  On  peut  s'en  convaincre 
en  considérant  l'esprit  et  la  verve  du  Barbier  de  Séville,  le  je  ne  sais 
quoi  de  fatal  et  de  poignant  répandu  dans  YOtello,  la  mélancolie  et 
l'énergie  écossaise  de  la  Donna  del  lago,  le  parfum  asiatique  de  Sémi- 
ramis,  et  surtout  le  caractère  naïf  et  montagnard  de  la  Suisse  du  moyen- 
âge,  dans  Guillaume  Tell.  Cette  faculté  de  varier  le  caractère  de  la 
composition  à  raison  du  sujet,  de  n'épuiser  jamais  la  source  de  mélo- 
dies analogues  à  cette  diversité,  et  de  colorer  chaque  ouvrage  par  des 
nuances  bien  tranchées  d'harmonie  et  d'instrumentation  ;  cette  faculté, 
dis-je,  est  le  trait  saillant  du  talent  de  Rossini.  Mozart,  comme  je  l'ai 
dit,  l'avait  possédée  au  plus  haut  degré,  dans  des  conditions  différentes; 
mais  ce  grand  homme  n'a  eu  dans  aucune  de  ses  compositions  la  gaîté 
irrésistible  qui  brille  dans  quelques  opéras  bouffes  du  maître  italien  ; 
par  exemple,  dans  l'Italienne  à  Alger  et  dans  le  Turc  en  Italie.  Ne 
demandez  point  à  celui-ci  les  savantes  combinaisons  par  lesquelles  un 
thème  unique  peut  être  présenté  sous  cent  formes  différentes  :  son  in- 
stinct s'y  refuse,  et  d'ailleurs  il  sait  que  le  public  des  théâtres  est  peu 
sensible  à  ce  genre  de  beautés  ;  mais  soyez  certain  que  son  imagination 
facile  trouvera  tout  d'abord  l'effet  qu'il  faut  produire  pour  décider  le 
succès.  Quels  que  soient  donc  les  reproches  qu'a  pu  lui  faire  la  critique 
éclairée,  Rossini  n'en  est  pas  moins  un  des  plus  grands  musiciens  du 
xixe  siècle. 

Dans  les  ouvrages  de  Meyerbeer ,  c'est  aussi  la  faculté  dramatique 
qui  brille  d'un  vif  éclat ,  mais  par  des  qualités  spéciales  toutes  diffé- 
rentes. Ce  compositeur  entre  plus  profondément  qu'aucun  autre  dans 
une  situation  forte,  et  parvient,  dans  un  moment  donné  de  cette  situa- 
tion, à  un  développement  de  puissance  dont  personne  avant  lui  n'avait 
trouvé  le  secret.  Ce  qui  est  antipathique  à  Rossini,  c'est-à-dire  le  déve- 
loppement d'une  phrase  principale  par  tout  ce  qui  peut  en  augmenter 
l'effet  jusqu'à  sa  plus  forte  expression,  est  précisément  le  triomphe  du 
talent  de  Meyerbeer.  C'est  pour  le  point  culminant  de  l'ouvrage,  sous 
le  rapport  de  l'impression  dramatique,  que  se  réservent  toutes  les  res- 
sources du  génie  de  l'artiste.  Jusque-là,  il  semble  qu'il  dédaigne  les 
scènes  secondaires  qui  préparent  la  situation ,  et  qu'il  ne  veuille 
faire  remarquer  son  œuvre  que  par  son  immense  habileté  dans  les  dé- 
tails ;  mais  vienne  enfin  le  moment  critique,  alors  toutes  ses  facultés 
se  déploient  et  frappent  l'auditoire  par  des  commotions  redoublées. 
C'est  ainsi  que  Meyerbeer  étale  sa  puissance  dans  la  seconde  partie  du 
troisième  acte  et  dans  le  cinquième  de  Roberl-le-Diable,  dans  le  qua- 
trième des  Huguenots,  et  dans  le  quatrième  du  Prophète.  Abandonné  à 
lui-même,  et  puisant  toutes  ses  ressources  dans  son  art  infini  de  dé- 
velopper une  simple  phrase  et  de  la  conduire  jusqu'aux  proportions  les 


plus  colossales ,  il  peut  enfanter  de  véritables  poëmes  ,  comme  dans 
l'ouverture,  dans  les  entr'actes  et  dans  les  fragments  mélodramatiques 
de  St?-uensée.  Voilà  donc  deux  grands  artistes,  Meyerbeer  et  Rossini, 
qui,  dans  des  voies  opposées,  parviennent  au  résultat  définitif  de  la 
musique  dramatique,  le  premier  par  la  force,  l'autre  par  le  charme. 

Ces  deux  détermaintions  si  différentes  épuisent-elles  le  domaine  de 
l'opéra?  Non,  certes  ;  en  voici  d'autres  qui  ont  aussi  leur  valeur  et  aux- 
quelles on  pourrait  encore  en  ajouter  beaucoup.  Tel  compositeur  se 
fait  remarquer  par  ses  inspirations  simples  et  naïves  ;  tel  autre,  parla 
vérité  d'accent  et  par  l'esprit  de  la  scène.  Les  artistes  de  l'école  fran- 
çaise se  distinguent  surtout  par  ce  dernier  genre  de  mérite,  inséparable 
du  génie  mélodique.  A  leur  tête  se  placent,  dans  le  xix°  siècle,  Boïel- 
dieu,  Hérold,  Auber  et  Halévy.  Chacun  de  ces  maîtres  se  fait  remarquer 
par  des  nuances  particulières  qui  caractérisent  la  spécialité  de  son  ta- 
lent. Boïeldieu  ne  s'élève  pas  aux  grandes  proportions  ;  le  pathétique 
n'est  pas  son  genre  ;  son  harmonie  manque  de  hardiesse,  et  sa  modu- 
lation est  un  peu  uniforme;  mais  il  y  a  tant  de  séduction,  tant  de 
grâce,  tant  d'élégance  dans  sa  mélodie  ,  tant  de  finesse  et  de  tact  dans 
la  manière  dont  il  la  fait  accompagner  par  l'orchestre  ;  son  goût  est  si 
pur  dans  les  détails ,  son  instinct  si  vrai,  si  spirituel  dans  le  choix  de 
l'accent  destiné  à  l'expression  du  sentiment  et  de  la  parole,  que  la 
France  le  considère  avec  raison  comme  un  de  ses  plus  grands  artis- 
tes, et  que  la  plupart  de  ses  ouvrages  conserveront  toujours  leur 
fraîcheur.  Plus  hardi  que  Boïeldieu  ;  doué  d'un  sentiment  plus  énergi- 
que et  plus  profond  ;  moins  fin,  moins  châtié,  Hérold  possède  aussi  l'es- 
prit de  la  scène  et  produit  presque  toujours  avec  bonheur  l'effet  qu'il  se 
propose  ;  mais  il  est  plus  pathétique  que  gracieux,  plus  sentimental 
qu'élégant.  Hérold  s'est  cherché  longtemps  et  a  essayé  de  pousser  son 
talent  dans  diverses  directions  ;  mais  à  voir  les  progrès  de  son  style 
vers  la  fin  de  sa  carrière,  dans  Marie,  le  Muletier,  Zanipa  et  le  Pré- 
aux-Clercs, il  est  permis  de  croire  que  s'il  ne  fût  mort  à  la  fleur  de 
l'âge,  son  talent  d'expression  mélancolique  se  fût  caractérisé  de  plus 
en  plus,  et  fût  devenu  un  type  en  son  genre.  Auber  a  sur  lui  l'avantage 
de  l'originalité  plus  nettement  accusée ,  car  il  est  à  peu  près  impossible 
de  méconnaître  sa  manière.  L'instinct  de  la  scène,  la  vérité  d'accent  et 
de  diction,  sont  les  caractères  principaux  de  son  talent.  Ses  ouvrages 
renferment  un  grand  nombre  de  morceaux  qu'on  peut  citer  comme  ex- 
cellents sous  ce  rapport  ;  par  exemple,  deux  duos  du  premier  acte  de 
Leicesler,  un  trio  du  troisième  acte  de  la  Neige,  presque  tout  le  Ma- 
çon, la  plus  grande  partie  de  la  Muette  de  Portici,  presque  tout  le  Philtre, 
plusieurs  scènes  de  Fra  Diavolo,  du  Domino  noir,  delà  Part  du  Dia- 
ble, un  admirable  duo  placé  dans  la  Marquise  de  Brinvil  tiers,  et  beau- 
coup d'autres  choses.  Plus  spirituel  que  tendre,  Auber  brille  surtout 
par  le  trait  et  par  la  vivacité  du  style.  On  peut  dire  à  cet  égard  qu'il 
est  le  musicien  nécessaire  de  son  poëte,  M.  Scribe.  Son  harmonie  a  de 
la  distinction;  son  instrumentation,  du  brillant.  Dans  l'analyse  musi- 
cale que  j'ai  récemment  donnée  de  la  partition  du  Juif  errant,  j'ai  assez 
mis  en  relief  les  grandes  et  rares  qualités  qui  distinguent  l'inspiration 
d'Halévy  et  les  immenses  ressources  que  lui  fournit  la  profonde  con- 
naissance de  son  art,  pour  que  je  me  croie  dispensé  d'y  revenir  aujour- 
d'hui. 

On  le  voit,  l'originalité  se  caractérise  d'une  manière  bien  différente 
dans  les  œuvres  des  artistes  que  je  viens  de  nommer;  elle  pourra 
prendre  encore  beaucoup  d'autres  formes.  Le  jeune  artiste  ne  doit 
donc  pas  croire  que  la  faculté  de  création  soit  épuisée  dans  l'art,  ni 
qu'elle  puisse  s'épuiser  jamais.  J'entends  dire  souvent  aux  composi- 
teurs qui  en  sont  encore  aux  essais  de  leur  talent  :  On  ne  sait  plus  que 
faire  pour  intéresser  le  public  !  Ces  pauvres  jeunes  gens  ne  savent  pas 
que  lorsqu'on  en  est  là,  l'imagination  manque,  et  que  sans  elle  il  n'y  a 
point  d'art,  point  de  succès,  point  de  présent,  et  surtout  point  d'avenir 
possibles.  Ils  se  sont  persuadés  qu'on  fait  de  l'art  par  des  moyens  quel- 
conques ;  à  cet  égard  il  y  a  dans  leur  esprit  une  confusion  qu'il  me  pa- 
raît nécessaire  de  dissiper. 

Il  n'y  a  pas  de  procédés  qui  puissent  remplacer  le  génie,  c'est-à-dire 


DE  PARIS. 


283 


la  faculté  do  créer  l'inconnu  dans  le  beau.  Si  l'âme  de  l'artiste  n'est 
peint  émue  dans  l'enfantement  de  son  œuvre,  celle-ci  ne  fera  pas  naître 
l'émotion.  L'imagination  et  le  sentiment,  voilà  donc  les  conditions  né- 
cessaires. Mais  l'imagination  entre  en  exercice  dans  un  certain  ordre 
d'idées,  et  produit  à  l'aide  de  certains  éléments  dont  elle  dispose;  c'est 
ce  qu'il  ne  faut  pas  confondre  avec  les  procédés  d'art  par  lesquels  on 
reproduit  ce  que  l'imagination  a  déjà  fait,  procédés  qui  ne  peuvent 
donner  pour  résultat  que  l'imitation,  c'est-à-dire  des  œuvres  sans 
valeur. 

Je  viens  de  dire  que  l'imagination  entre  en  exercice  dans  un  ordre 
déterminé  d'idées,  et  qu'elle  produit  à  l'aide  de  certains  éléments  dont 
elle  dispose;  il  est  nécessaire  que  j'explique  ceci,  car  dans  cette  inat- 
taquable vérité  est  contenu  le  secret  des  transformations  de  l'art.  Or,  si 
nous  considérons  l'harmonie,  par  exemple,  nous  verrons  qu'après  l'in- 
troduction des  accords  dissonants  naturels  dans  la  musique,  les  com- 
positeurs furent  en  possession  de  l'accent  expressif  et  passionné,  de  la 
modulation  et  de  la  cadence  des  phrases,  qui  n'existaient  pas  aupara- 
vant. Il  y  avait  dans  ces  choses  tout  un  monde  nouveau  d'idées  et 
d'éléments  d'effets  dans  lequel  les  imaginations  s'exercèrent.  La  créa- 
tion de  la  mélodie  en  prit  un  caractère  absolument  différent  de  celui 
qu'elle  avait  avant  cette  importante  découverte,  et  le  style  dramatique 
ne  commença  que  dès  cette  époque.  Timides  d'abord  dans  la  formation 
de  ce  style,  parce  qu'ils  en  ignoraient  la  portée  et  les  ressources,  les 
compositeurs  s'y  enhardirent  par  degrés,  et  des  hommes  de  génie,  tels 
que  Scarlatti,  Lulli,  Keyser,  Pergolèse,  Rameau,  Haendel,  Jomelli, 
Gluck,  Piccinni,  Sacchini,  Monsigny  et  Grélry,  y  appliquant  leurs  facul- 
tés personnelles,  produisirent  autant  de  types  originaux  dont  chacun  a 
une  signification  très-différente  des  autres.  Pendant  que  l'art  se  déve- 
loppait ainsi  dans  une  grande  variété  de  sentiments  et  de  formes,  la 
musique  instrumentale,  née  du  même  principe,  avançait  plus  lente- 
ment, parce  que,  trop  attachés  à  certaines  formes  primitives  et  conven- 
tionnelles, les  compositeurs  n'avaient  pas  encore  compris  la  force  poé- 
tique dont  elle  est  susceptible.  Jean-Sébastien  Rach  et  Haendel  furent 
les  premiers  qui  s'avancèrent  dans  ce  domaine  idéal  de  l'art.  Plus 
hardi,  plus  indépendant  des  anciennes  formes,  Charles-Philippe-Emma- 
nuel Bach  créa  la  sonate  dramatique  ;  Haydn  le  suivit  dans  cette  voie, 
et  fit  pour  la  symphonie  ce  que  le  maître  avait  fait  pour  la  sonate 
Quant  à  l'instrumentation  proprement  dite  de  l'opéra,  elle  n'existait  pas- 
L'orchestre  ne  faisait  entendre  que  des  ritournelles  et  l'accompagne- 
ment du  chant.  Jean-Sébastien  Rach,  doué  d'un  immense  génie  de 
combinaison  et  d'un  profond  sentiment  de  l'art,  avait  seul  compris 
ce  que  peut  être  l'intérêt  de  l'instrumentation  réuni  à  celui  de  la  partie 
vocale  ;  mais  ses  grandes  et  sublimes  compositions,  dont  l'existence  fut 
ignorée  pendant  près  d'un  siècle,  n'exercèrent  pas  d'influence  sur  le 
développement  de  la  musique  dramatique.  D'ailleurs,  il  n'écrivit  pas 
pour  la  scène.  Gluck  eut  aussi  le  sentiment  de  l'effet  de  l'instrumenta- 
tion dans  l'accompagnement  du  chant  ;  mais  ce  fut  plutôt  par  de 
simples  accents,  par  des  notes  de  hautbois,  de  basson  ou  de  cor  jetées 
çà  et  là  avec  un  sentiment  exquis,  que  par  des  formes  saillantes,  qu'il 
fit  distinguer  l'effet  de  son  orchestre  de  celui  de  ses  prédécesseurs. 

Tel  était  l'état  de  l'art  lorsque  Mozart  écrivit  son  Idomenco ,  en 
1780.  Ce  qu'il  y  a  de  prodigieux  dans  cette  œuvre  n'a  peut-être  pas  été 
compris  jusqu'à  cette  heure,  parce  qu'on  n'a  pas  vu  que  c'est  une  trans- 
formation de  la  musique  pour  laquelle  le  compositeur  a  créé  de  nou- 
veaux éléments  et  un  nouvel  ordre  d'idées.  Tous  les  compositeurs  des 
époques  antérieures  ont  écrit  dans  les  conditions  de  l'harmonie  disso- 
nante naturelle,  à  laquelle  on  avait  ajouté  seulement  les  substitutions 
du  mode  mineur,  depuis  le  commencement  du  xvnr  siècle.  Toutes  les 
résolutions  de  dissonances  étaient  uniformes  et  prévues  ;  toutes  les  ca- 
dences étaient  tonales,  c'est-à-dire  ou  finales  ou  rompues  ;  enfin  , 
toute  modulation  se  faisait  par  le  passage  de  l'accord  consonnant  d'un 
ton  à  l'accord  consonnant  d'un  autre  ton ,  ou  par  l'accord  dissonant 
du  ton  nouveau  qui,  seul,  constitue  la  transition  naturelle.  L'altération 
ne  se  pratiquait  que  dans  l'harmonie  de  sixte  du  sixième  degré  du  mode 


mineur,  et  sa  résolution  se  faisait  toujours  sur  l'accord  parfait  de  la 
dominante.  Par  une  inspiration  toute  instinctive,  Mozart  comprit  que 
toute  note  qui  fait  un  mouvement  ascendant  ou  descendant ,  dans  les 
successions  d'accords,  peut  être  altérée,  soit  isolément ,  soit  collecti- 
vement ,  et  que  ces  altérations  constituent  autant  d'accents  expressifs. 
De  plus,  il  vit  que  les  notes  altérées  des  accords  dissonants  naturels  ou 
substitués  sont  susceptibles  de  résolutions  diverses,  d'où  résulte  l'évi- 
tation  de  cadence  et  les  modulations  inattendues.  Enfin ,  le  génie  du 
grand  artiste  lui  fit  apercevoir  dans  ces  phénomènes  harmoniques  la 
possibilité  d'indiquer  une  modulation  dans  l'accompagnement  d'une 
mélodie,  tandis  que  celle-ci  poursuit  sa  période  dans  le  ton  primitif , 
et  de  tromper  l'oreille  par  le  retour  de  l'harmonie  dans  ce  ton ,  au  lieu 
d'accomplir  la  modulation  pressentie.  Ces  choses  étaient  l'ouverture 
d'un  champ  immense  à  des  idées  nouvelles,  à  des  effets  auparavant 
inconnus.  Mozart  n'en  fit  pas  une  formule  ;  mais  il  en  usa  en  son  temps, 
avec  ce  goût  fin  et  sûr  qu'il  portait  en  toute  chose,  dans  trois  morceaux 
de  YIdoménée,  dans  le  grand  duo  du  premier  acte  de  Don  Juan  et 
dans  le  sextuor  du  second  acte;  dans  Yadagio  en  fa  d'un  quatuor  de 
l'œuvre  dixième,  dans  le  sublime  quintette  en  sol  mineur,  dans  la 
symphonie  du  même  ton,  et  en  quelques  autres  endroits. 

Son  inépuisable  imagination  ne  s'arrêta  pas  là  ;  car  ce  fut  dans  YIdo- 
ménêe qu'il  créa  l'instrumentation  moderne  de  la  musique  dramatique, 
en  ce  sens  qu'il  lui  donna  une  signification  propre,  au  lieu  de  la  laisser 
dans  les  formes  du  simple  accompagnement.  Dès  lors,  la  composition 
de  la  musique  de  ce  genre  devint  complexe,  de  simple  qu'elle  était,  et 
l'on  peut  dire  qu'en  ce  sens  le  grand  homme  fut  l'inventeur  de  la  mu- 
sique transcendante.  C'est  aussi  dans  cet  ouvrage  qu'il  fit  intervenir  le 
chœur  d'une  manière  nouvelle  dans  les  morceaux  d'ensemhle  et  dans 
les  airs,  par  des  harmonies  émouvantes,  inattendues.  Ce  fut  enfin  lui 
qui,  en  plusieurs  endroits  de  Yldoménée,  et  plus  tard  dans  presque  tous 
ses  grands  ouvrages,  fit  connaître  l'heureux  emploi  des  oppositions  de 
sonorité  dans  les  combinaisons  d'instruments.  De  toutes  ces  choses 
sont  venues  la  transformation- de  l'art  et  la  création  des  éléments  de 
toute  la  musique  jusqu'à  l'époque  actuelle.  Le  génie  des  plus  grands 
artistes,  de  Cherubini,  de  Méhul,  de  Beethoven,  de  Rossini,  de  Weber, 
de  Meyerbeer,  de  tous  ceux  enfin  qui  se  sont  fait  une  renommée  posté- 
rieurement à  Mozart,  s'est  développé  dans  ces  conditions,  et  l'on  n'y 
a  rien  ajouté,  sauf  l'emploi  de  nouveaux  instruments  et  le  crescendo  du 
bruit.  Ce  n'est  pas  à  dire  que  ces  éléments  aient  été  des  moyens  certains 
offerts  aux  artistes  célèbres  pour  faire  de  belle  musique,  car  beaucoup 
d'autres  s'en  sont  servis  sans  sortir  de  la  médiocrité  et  sans  échapper 
au  naufrage  du  temps.  Ce  n'est  pas  à  dire  non  plus  qu'en  l'absence  de 
ces  éléments,  les  grands  musiciens  des  temps  antérieurs  aient  été  pri- 
vés de  ressources  suffisantes  pour  le  développement  actif  de  leur  talent, 
ni  qu'au  point  de  vue  poétique,  idéal ,  au  point  de  vue  de  l'art  véri- 
table enfin ,  leurs  ouvrages  soient  inférieurs  à  ceux  de  leurs  illustres 
successeurs.  Alexandre  Scarlatti ,  Marcello ,  Haendel ,  Jean-Sébastien 
Bach,  Gluck,  Haydn ,  dans  la  première  partie  de  sa  carrière,  n'en  sont 
pas  moins  des  colosses  de  talent,  pour  avoir  exercé  leur  imagination 
dans  un  autre  ordre  d'éléments,  et  leurs  productions  ne  perdent  rien 
de  leur  valeur  pour  représenter  d'autres  directions  de  l'art  que  celles 
de  la  musique  postérieure.  J'insiste  sur  ce  point,  parce  que  beaucoup 
de  jeunes  artistes  se  persuadent  que  l'art  est  en  progrès  parce  qu'ils 
voient  inventer  de  nouveaux  agents  de  sonorité,  de  nouvelles  combi- 
naisons, de  nouvelles  formules  d'effet  ;  il  est  nécessaire  qu'ils  se  pénè- 
trent de  cette  vérité,  qu'une  seule  chose  vaut,  à  savoir,  le  génie  qui 
met  en  œuvre  les  éléments  dont  il  dispose. 

Lorsque,  continuant  et  complétant  par  la  méditation  et  l'analyse 
toutes  les  conséquences  de  l'altération  des  intervalles  des  accords,  dans 
la  troisième  partie  de  mon  Traité  de  l'harmonie,  j'ai  ouvert  aux  com- 
positeurs de  nouvelles  routes  de  modulations  multiples  et  inattendues 
qu'on  n'a  pas  connues  auparavant ,  je  n'ai  pas  fait  faire  de  progrès  à 
la  musique  ;  j'ai  offert  seulement  au  talent  vrai  de  nouveaux  faits  har- 
moniques dans  lesquels  son  action  pourra  se  développer  pour  produire 


284 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


le  beau.  Il  en  sera  de  même  lorsque  je  publierai  mon  Traité  des  voix 
et  des  instruments,  où  l'on  trouvera  de  nouvelles  formes  d'organisation 
du  chœur  et  de  l'instrumentation.  Enfin ,  il  en  sera  de  même  encore 
quand  on  verra  paraître  prochainement  mon  livre  Sur  la  mélodie  et  le 
rhythme.  Le  rhythme  !  c'est  tout  un  monde  inconnu  dont  j'indiquerai 
la  route  ;  mais  il  faudra  le  génie  pour  y  pénétrer  et  le  gouverner.  J'ai 
entrepris  ce  travail ,  dont  cet  article  est  l'introduction  ,  pour  fixer  l'at- 
tention des  artistes  sur  cet  objet  important,  et  pour  en  expliquer  som- 
mairement les  conséquences  dans  la  transformation  de  l'art  qui  en  sera 
le  produit. 

FÉTIS  père. 


DEUX  CEREMONIES  RELIGIEUSES. 

Deux  solennités  religieuses  ont  eu  lieu  à  peu  de  distance  l'une  de 
l'autre,  la  première  à  Saint-Roch,  et  la  seconde  dans  une  nouvelle 
église  située  rue  de  Calais,  sous  l'invocation  de  la  Trinité. 

Dans  toute  la  France  on  construit  de  nouvelles  basiliques ,  on  res- 
taure les  anciennes  :  il  n'y  a  que  la  musique  religieuse  en  style  sacré, 
classique,  qu'on  ne  restaure  pas.  Le  clergé,  très-inintelligent  à  l'en- 
droit de  cette  belle  partie  de  l'art  musical,  s'en  tient  toujours  au 
plain-chant,  ou  se  montre  progressif  à  la  façon  du  père  Lambillote,  qui 
allie  volontiers,  pour  célébrer  la  divinité,  le  gai  pont-neuf  à  la  mélodie 
surannée  en  style  de  nos  vieilles  romances  françaises. 

Dimanche  passé,  jour  de  la  fête  patronale  de  Saint-Roch,  on  a  exé- 
cuté dans  cette  église  une  messe  de  M.  Vervoitte,  maître  de  chapelle 
de  la  cathédrale  de  Rouen.  Cette  composition  fait  honneur  au  savoir  et 
au  sentiment  mélodique  de  ce  jeune  maître  ;  il  a  su  se  tenir  à  l'abri  de 
la  sécheresse  du  style  trop  classique,  sans  tomber  dans  la  divagation 
romantique.  Son  Kyrie  est  d'une  facture  tout  à  la  fois  douce  et  pom- 
peuse; mais  d'un  style  un  peu  trop  lié,  ainsi  que  son  Gloria  in  excelsis, 
qui  manque  d'enthousiasme,  d'élan.  Pour  faire  transiger  les  idées  an- 
ciennes et  nouvelles,  pour  ménager  tout  à  la  fois  la  chètre  romantique 
et  le  classique  chou,  M.  Vervoitte  a  mêlé  dans  son  Credo  ses  propres 
inspirations  mélodiques  au  plain-chant  moderne  de  Dumont,  en  met- 
tant au  moyen  de  l'orgue  du  chœur,  une  harmonie  distinguée  et  ra- 
tionnelle sous  ce  mélange,  qui  exhale  comme  un  parfum  d'art  rétrospec- 
tif et  moderne  en  même  temps. 

Après  un  0  salutaris  bien  écrit,  enchevêtré  d'imitations  serrées, 
puis  un  Crucifixus  d'un  bel  effet,  vient  un  Agnus  Dei  tout  empreint 
d'une  suavité  céleste,  d'un  style  charmant  et  pur,  dans  lequel  Alexis 
Dupond  a  laissé  désirer  quelque  chose  :  c'est  de  chanter  plus  longue- 
ment seul.  Le  compositeur  y  a  pourvu  du  reste,  à  ce  qu'on  nous  a  dit, 
en  rendant  plus  mélodique  l'intervention  de  ce  chanteur  par  excel- 
lence dans  le  style  sacré,  en  isolant  un  peu  plus  enfin  de  la  masse  har- 
monique la  voix  du  ténor.  On  en  pourra  juger,  cette  messe  étant  déjà 
mise  au  courant  du  répertoire  des  solennités  musicales  de  l'église  de 
Saint-Roch.  C'est  justice;  car,  de  quelque  amour  que  soit  animé  un 
compositeur  pour  son  art,  on  doit  penser  qu'il  ne  s'en  trouvera  pas 
toujours  un  grand  nombre  qui  consentiront  à  composer,  écrire  une 
messe,  ce  grand  et  beau  drame  religieux,  pour  ne  le  voir  représenter 
qu'une  fois,  et  sans  autres  applaudissements  que  le  suffrage  d'un  petit 
noyau  de  connaisseurs  et  d'hommes  compétents. 

Monseigneur  de  Bailleul,  archevêque  de  Rouen,  qui  comprend,  aime 
et  protège  l'art  musical,  a  mis  à  la  disposition  de  M.  Vervoitte  toutes 
les  facultés  vocales  qui  se  trouvent  dans  le  séminaire  de  Rouen,  de 
manière  que  cette  ville,  exclusivement  commerciale,  devient  musicale, 
malgré  qu'elle  en  ait  par  les  enfants  de  chœur  et  les  apprentis  théolo- 
giens. 

La  seconde  cérémonie  religieuse  à  laquelle  nous  avons  assisté  lundi 
dernier,  en  la  petite  église  de  la  Trinité,  rue  de  Calais,  avait  pour  but 
de  rendre  les  derniers  devoirs  à  Mme  Boursault,  morte  subitement, 
dans  la  nuit  de  samedi  au  dimanche,  d'un  anévrisme  au  cœur.  Veuve 
d'un  homme  remarquable;  par  les  divers  rôles  qu'il  a  remplis  dans  nos 


affaires  publiques,  ainsi  que  dans  l'industrie  et  les  arts,  Mme  Boursault 
aimait  et  protégeait  aussi  les  artistes.  On  s'en  est  souvenu,  et  une  fort 
bonne  messe  de  Requiem,  fort  bien  chantée,  a  servi  dignement  d'inter- 
prète aux  profonds  et  sincères  regrets  des  nombreux  amis  venus  là 
pour  conduire  au  champ  du  repos  la  belle-mère  de  notre  ami  et  colla- 
borateur, Georges  Kastner. 

Henri  BLANCHARD. 


LITTÉRATURE  MUSICALE. 

DICTIONNAIRE  MES  BEAUX-ARTS. 

On  sait  que  l'Académie  des  Beaux -Arts  travaille  à  la  rédaction 
d'nn  dictionnaire  qui  doit  renfermer  tous  les  mots  dont  se  compose 
l'idiome  spécial  des  artistes,  et,  sous  chacun  de  ces  mots,  un  résumé 
des  idées  et  des  connaissances  qui  s'y  rattachent.  M.  Halévy,  l'auteur 
de  la  Juive  et  de  tant  de  chefs-d'œuvre,  est  chargé  de  la  partie  mu- 
sicale de  ce  travail.  Sur  notre  prière,  l'illustre  compositeur  a  bien 
voulu  nous  communiquer  quelques-uns  des  premiers  articles  rédigés 
par  lui,  et  nous  ne  doutons  pas  du  plaisir  qu'auront  nos  lecteurs  à  par- 
tager avec  nous  cette  confidence. 

ACCENT.  —  Ce  mot  a  plusieurs  significations,  et  chacune  de  ses 
acceptions  a  beaucoup  d'importance. 

Dans  le  sens  le  plus  général,  le  mot  accent  est  presque  l'équivalent 
d'expression,  et  on  peut  aussi  bien  l'appliquer  à  l'instrumentiste  qu'au 
chanteur.  Ainsi,  on  peut  dire  d'un  artiste  exécutant  qu'il  joue  de  son 
instrument  avec  beaucoup  d'accent;  cela  veut  dire  qu'il  donne  à  cha- 
que mot  la  valeur  qui  lui  appartient,  qu'il  entre  bien  dans  l'idée  du 
compositeur  et  qu'il  la  rend  bien  ;  cela  veut  dire  qu'il  donne  au  chant 
instrumental  toute  la  puissance  d'expression  du  chant  proprement  dit. 
C'est  -ç^rY  accent  que  la  mélodie  instrumentale  charme  et  émeut  l'audi- 
teur, malgré  l'absence  des  paroles  qui  donnent  au  chant  tant  d'avan- 
tages, et  tant  de  moyens  d'ajouter  encore  au  charme  de  la  phrase  mu- 
sicale, si  touchante,  si  vraie,  et  si  belle  qu'elle  puisse  être. 

Appliqué  au  chanteur,  ce  mot  accent  conserve  d'abord  le  sens  gé- 
néral et  purement  musical  qui  lui  est  propre.  Mais  il  s'applique,  en 
outre,  à  la  manière  de  dire,  de  faire  entendre  les  paroles.  Nous  ne 
voulons  pas  seulement  parler  de  la  prononciation,  qui  doit  toujours 
être  irréprochable,  mais  de  cette  expression  toute  particulière  et  quel- 
quefois tout  individuelle  qu'un  bon  chanteur  sait  donner,  dans  une 
phrase  musicale,  à  certains  mots,  quelquefois  même  à  certaines  sylla- 
bes, qui  acquièrent  ainsi  une  grande  importance,  et  sur  lesquels  se 
concentre  l'effet.  C'est  une  espèce  de  coloris  qui  met  en  lumière  les 
principales  notes  de  la  mélodie,  qui  donne  à  la  pensée  du  compositeur 
toute  la  valeur,  tout  l'éclat  qu'elle  peut  avoir,  et  parfois  même,  sup- 
plée à  l'insuffisance  de  l'idée.  C'est  ainsi  qu'un  grand  chanteur  peut, 
dans  une  musique  médiocre,  produire  un  grand  effet. 

Le  mot  accent  a  aussi  un  sens  purement  grammatical,  et  alors  il 
s'applique  à  la  différence  qu'on  doit  apporter  dans  la  prononciation 
des  syllabes  longues  et  des  syllabes  brèves;  on  le  nomme  alors  l'accent 
p>rosodique.  Dans  la  langue  italienne,  qui  doit  être  familière  à  tout 
bon  chanteur,  Vaccent  prosodique  est  beaucoup  plus  déterminé  que 
dans  la  langue  française.  Quelle  que  soit  d'ailleurs  la  langue  qu'il  em- 
ploie, le  compositeur  aussi  bien  que  le  chanteur  doit  toujours  res- 
peder  l'accent  prosodique,  et  ne  pas  placer  une  note  brève  sur  une 
syllabe  longue,  ni  placer  le  temps  fort  sur  une  syllabe  brève. 

Le  mot  accent  reçoit  une  acception  encore  plus  restreinte,  appliqué 
à  l'émission  des  voyelles.  Ainsi,  IV,  avec  un  accent  aigu,  ne  se  pro- 
nonce par  comme  l'è,  avec  l'accent  grave,  ou  l'é  circonflexe.  C'est  au 
proiesseur  de  chant  qu'il  appartient  de  bien  déterminer  la  prononcia- 
tion des  voyelles  diversement  accentuées. 

Enfin,  le  mot  accent  s'emploie  quelquefois  dans  le  sens  de  pronon- 
ciation. On  dit  qu'un  acteur,  un  chanteur  a  un  accent  agréable,  pour 


DE  PARIS. 


285 


dire  qu'il  y  a  dans  sa  manière  d'articuler  et  de  prononcer  quelque 
chose  de  sympathique  à  l'auditeur. 

Dans  cette  acception,  on  peut  aussi  le  prendre  en  mauvaise  part. 
On  dit  qu'un  chanteur  a  de  l'accent,  pour  dire  qu'il  y  a  quelque  chose 
d'étranger  dans  sa  manière  de  prononcer.  En  général,  un  artiste  chan- 
tant dans  une  langue  qui  n'est  pas  la  sienne,  a  presque  toujours  de 
Yacceni,  parce  qu'il  conserve  malgré  lui  certaines  inflexions,  certaines 
articulations  familières  à  sa  langue  maternelle,  et  qui  viennent,  mal- 
gré ses  études  et  ses  efforts,  trahir  son  origine  et  frapper  les  oreilles 
les  moins  exercées. 

ACOUSTIQUE.  —  Doctrine  ou  théorie  physique  des  sens,  du 
grec  Ayovu,  j'entends. 

L'acoustique  ne  traite  que  de  la  production  du  son  et  des  phéno- 
mènes que  présente  la  résonnance  des  divers  corps  sonores,  cordes, 
tubes,  plaques,  timbres,  etc.  C'est  à  elle  qu'il  appartient  de  déterminer, 
autant  qu'il  est  possible  de  le  faire,  les  raisons  du  plaisir  que  nous 
fait  éprouver  l'audition  des  sons,  ou  du  moins  de  constater  les  circon- 
stances qui  influent  à  divers  degrés  sur  la  jouissance  que  nous  procure 
la  musique;  c'est  elle  encore  qui  apprécie  les  causes  de  la  gravité  et  de 
l'acuité  des  sons,  ainsi  que  les  rapports  des  intervalles  harmoniques. 

C'est  à  Sauveur,  le  célèbre  géomètre,  qu'on  doit  la  création  de  cette 
science,  acoustique  musicale.  On  connaissait  avant  lui  les  rapports  des 
corps  sonores,  considérés  sous  leurs  différentes  relations  de  longueur, 
de  tension,  de  grosseur,  etc.,  mais  ce  fut  lui  qui  eut  l'idée  de  constater 
le  nombre  absolu  de  vibrations  que  fait,  dans  un  temps  donné  et  dans 
des  circonstances  déterminées,  soit  un  tuyau  d'orgue,  soit  une  corde 
sonore,  et  d'assigner  ainsi  à  un  son  musical,  à  une  note,  le  nombre  de 
pulsations  ou  de  vibrations  nécessaires  pour  la  production  de  ce  son. 
L'on  perdrait  aujourd'hui  tous  les  diapasons  (voyez  ce  mot),  tous  les 
instruments  de  musique  disparaîtraient  du  monde,  que,  grâce  aux  tra- 
vaux de  Sauveur,  à  l'idée  fondamentale  qui  lui  fit  créer  cette  branche 
des  sciences  physico-mathématiques,  on  pourrait  reformer  la  gamme, 
telle  qu'elle  existe  aujourd'hui,  puisque  l'on  sait  quel  nombre  de  vibra- 
tions est  nécessaire  pour  produire,  par  exemple,  l'ut  grave  de  l'orgue, 
dont  on  est  sûr  aussi  de  retrouver  l'intonation. 

Les  anciens  ne  nous  ont  laissé  aucun  moyen  de  retrouver,  d'une  ma- 
nière certaine  et  authentique,  l'unisson  d'une  des  cordes  de  leur 
système  musical,  et  ce  n'est  que  par  analogie  et  par  l'étendue  de  la  voix 
humaine,  qui  n'a  dû  subir  aucun  changement,  que  nous  pouvons  tra- 
duire en  notes  modernes  les  signes  de  leur  écriture  musicale. 

Le  physicien,  pour  s'occuper  utilement  de  musique,  doit  être  lui- 
même  assez  musicien  pour  saisir  facilement  les  rapports  des  sons,  et 
cependant,  Sauveur,  qui  consacra  les  vingt  dernières  années  de  sa  vie 
à  l'étude  de  ces  questions,  à  qui  l'on  doit  la  création  de  cette  science, 
avait  la  voix  et  l'oreille  fausses,  et  était  sourd.  Il  se  faisait  aider  dans 
ses  expériences  par  des  musiciens  très-exercés  à  apprécier  les  inter- 
valles et  les  accords. 

Le  musicien  n'a  nul  besoin  d'étudier  V acoustique,  qui,  comme  nous 
l'avons  dit,  ne  traite  que  de  la  production  des  sons  ;  le.  musicien  ne 
s'occupe  que  de  leur  emploi. 

Le  mot  acoustique  s'emploie  aussi  adjectivement;  on  dit  l'organe 
acoustique,  un  phénomène  acoustique,  des  instruments  acoustiques,  etc. 

Nous  aurons  occasion  aux  mots  Musique,  Mélodie,  Harmonie,  Inter- 
valles, Vibrations,  de  traiter  quelques  questions  acoustiques,  mais 
succinctement,  puisque  ce  dictionnaire  est  un  livre  qui  ne  doit  traiter 
les  questions  qu'au  point  de  vue  de  l'art,  et  non  de  la  science. 

ACTE.  —  Il  y  a  dans  un  drame  de  quelque  importance  des  situa- 
tions capitales  après  lequelles  l'action  doit  s'arrêter,  se  reposer,  pour 
ainsi  dire,  pour  continuer  ensuite  avec  plus  de  force  et  avec  le  sur- 
croît d'intérêt  que  la  situation  nouvelle  a  dû  apporter  au  drame.  Ces 
points  de  suspension  qui  ménagent  l'attention  de  l'auditoire  et  exci- 
tent sa  curiosité,  introduisent  dans  l'action  dramatique  des  divisions 
naturelles. 


Chacune  de  ces  divisions  a  reçu  le  nom  d'acte.  C'est  au  point  de  vue 
du  drame  lyrique  seulement  que  nous  envisageons  l'acte. 

Après  les  conditions  essentielles  du  drame  lui-même,  c'est-à-dire 
l'intérêt  des  situations  et  leur  aptitude  à  inspirer  le  musicien,  la  con- 
dition la  plus  désirable  pour  le  compositeur,  c'est  la  variété.  Non  seu- 
lement chaque  acte  devra  lui  fournir  une  couleur  bien  tranchée ,  et 
tout  îi  fait  différente  de  celle  de  l'acte  qui  a  précédé  ou  de  celui  qui 
doit  suivre,  mais  il  faut  encore  que  dans  l'acte  considéré  isolément, 
l'auteur  sauve  au  musicien  le  danger  de  l'uniformité.  Ainsi  donc,  dans 
un  opéra,  chaque  acte,  quoique  ne  formant  qu'une  partie  d'un  tout, 
doit  offrir  un  ensemble  satisfaisant,  aussi  complet  que  possible,  et  une 
distribution  intelligente  et  bien  entendue  des  effets  dont  peuvent  dis- 
poser et  le  musicien  et  le  théâtre  sur  lequel  son  œuvre  devra  se  pro- 
duire. 

Un  bon  acte  d'opéra  renfermera  donc  au  moins  une  situation  impor- 
tante, qui  sera  comme  le  pivot  de  l'acte,  et  sur  laquelle  le  musicien 
devra  concentrer  tous  ses  efforts  et  toute  la  puissance  de  son  art.  Les 
autres  scènes  devront,  sans  être  sacrifiées,  concourir  à  fair  ressortir 
l'éclat  de  ce  point  lumineux  ;  ainsi,  le  beau  trio  de  Guillaume  Tell  est 
habilement  amené  et  ménagé.  Il  est  inutile  d'ajouter  que  la  scène  ca- 
pitale dont  nous  parlons  devra  arriver  à  la  fin  ou  vers  la  fin  de  l'acle. 
L'auditoire,  encore  sous  le  coup  de  l'impression  qu'il  aura  éprouvée, 
sera,  dès  le  début  de  l'acte  suivant,  plus  accessible  aux  émotions  nou- 
velles, et  s'associera  avec  plus  de  chaleur  et  de  sympathie  au  dévelop- 
pement du  drame  et  aux  inspirations  du  musicien. 

Après  ces  considérations  générales,  nous  entrerons  dans  quelques 
détails  sur  la  contexture  purement  musicale  d'un  acte  d'opéra. 

L'auteur  et  le  compositeur  doivent  s'y  étudier  à  varier  les  combi- 
naisons offertes  par  les  voix  différentes  des  personnages  qui  prennent 
part  à  l'action.  Il  faut  éviter,  autant  que  possible,  qu'un  air  succède  à 
un  air,  un  duo  à  un  duo  ;  il  faut  donc  faire  entendre  alternativement 
les  voix  isolées,  combinées,  et  les  masses  chorales. 

Le  morceau  de  musique  qui  commence  un  acte  reçoit  le  nom  d'm- 
troduction;  il  doit  avoir  un  certain  développement,  une  certaine  im- 
portance musicale.  Ceci  s'applique  surtout  au  morceau  qui  commence 
le  premier  acte  et  succède  à  l'ouverture.  Il  doit  être  traité  avec  soin. 
Ordinairement,  une  introduction  se  compose  de  plusieurs  scènes  va- 
riées et  se  termine  par  un  ensemble  vocal. 

Comme  nous  l'avons  dit  plus  haut,  l'auteur  aussi  bien  que  le  compo- 
siteur doivent,  en  établissant  le  plan  général  de  l'ouvrage,  se  préoc- 
cuper beaucoup  de  la  fin  de  chaque  acte.  Il  faut,  autant  que  possible, 
laisser  l'auditoire  sous  l'impression  d'une  vive  émotion.  Chaque  fois 
que  le  rideau  se  baisse,  il  importe  qu'aucun  des  actes  ne  se  termine 
froidement.  Dans  un  opéra  en  cinq  actes,  il  faudra  donc  cinq  fois  agir 
puissamment  sur  le  public  et  par  des  moyens  variés  :  c'est  une  tâche 
difficile. 

Quand  un  acte  se  termine  par  un  morceau  de  musique  développé, 
composé  de  plusieurs  scènes  et  auquel  prennent  part  les  personnages 
et  le  chœur,  ce  morceau  reçoit  le  nom  as  final. 

Les  opéras  de  Quinau/t,  créateur  du  drame  lyrique  en  France, 
étaient  divisés  en  cinq  actes.  Ils  sont  habilement  coupés.  Secondé  par 
l'instinct  de  Lully,  Quinault  avait  deviné  que  dans  un  ouvrage  de  lon- 
gue haleine,  le  compositeur,  comme  nous  l'avons  dit,  a  surtout  besoin 
de  variété.  En  effet,  la  diversité  du  spectacle,  le  changement  fréquent 
du  lieu  où  la  scène  se  passe,  les  caractères  différents  des  personnages 
introduits  dans  le  drame,  tout  cela  est  nécessaire  au  musicien;  ce 
sont  des  éléments  dont  il  profite  aussi  bien  que  le  spectateur  lui-même, 
et  l'opposition  qui  en  résulte,  en  même  temps  qu'elle  plaît  à  l'audi- 
teur, vient  en  aide  au  compositeur  et  fertilise  son  imagination,  en  lui 
fournissant  des  inspirations  nouvelles. 

On  se  tromperait  beaucoup,  cependant,  si  l'on  croyait  qu'alors  la 
tâche  du  compositeur  fut  ce  qu'elle  est  aujourd'hui,  dans  la  production 
d'un  opéra  en  cinq  actes.  Outre  que  l'action  était  plus  simple,  et  par 


REVUE  ET  .GAZETTE  MUSICALE 


conséquent  comptait  moins  de  situations  musicales,  les  situations  elles- 
mêmes  étaient  moins  développées  par  le  poëte  ;  puis  la  musique  ne 
nécessitait  pas  le  développement  que  l'art  moderne  exige.  Si  l'on  abuse 
quelquefois  aujourd'hui  de  ce  développement,  que  les  progrès  de  la 
science,  l'art  du  chant,  la  déclamation  lyrique  ont  rendu  en  quelque 
sorte  nécessaire,  il  est  juste  de  dire  qu'alors  les  situations,  aussi  bien 
que  les  mélodies,  n'étaient  pour  ainsi  dire  qu'indiquées  ;  les  composi- 
teurs n'avaient  pas  encore  trouvé  ces  belles  phrases  musicales,  com- 
plètes pour  l'oreille  comme  pour  l'esprit  et  l'intelligence,  qu'on  ad- 
mire dans  Mozart,  dans  Cimarosa ,  dans  Rossini.  Il  en  résulte  qu'un 
seul  acte  d'un  opéra  moderne  renferme  beaucoup  plus  de  musique 
que  les  cinq  actes  d'un  opéra  tout  entier  de  Lully. 

Rameau,  et  après  lui,  Gluck,  donnèrent  une  plus  haule  importance  à 
la  phrase  musicale.  Les  actes,  par  conséquent,  prirent  plus  d'impor- 
tance, et  les  opéras  eurent  plus  de  durée.  Depuis  Gluck  jusqu'à  nos 
jours,  on  a  joué  à  l'Opéra  des  tragédies  lyriques  en  trois,  en  quatre  et 
en  cinq  actes.  On  y  représente  aussi  de  petits  ouvrages  en  un  ou  deux 
acl"s,  que  l'on  désigne  quelquefois  sous  le  nom  d'opéra  de  genre,  et 
que  l'on  représente  avant  les  ballets. 

On  joue  sur  le  théâtre  de  l'Opéra-Comique  des  opéras  en  un,  deux 
ou  trois  actes,  et  quelquefois,  exceptionnellement,  en  quatre  et  même 
en  cinq  actes.  Les  Italiens  écrivent  généralement  leurs  opéras ,  aussi 
bien  sérieux  que  bouffes,  en  deux  actes,  assez  développés  pour  con- 
tenir un  grand  nombre  de  morceaux  ;  il  y  a  cependant  des  exceptions, 
et  l'on  compte  aussi  parmi  les  beaux  ouvrages  dont  nous  a  dotés  l'Ita- 
lie, des  opéras  en  trois  actes. 

On  représente  ordinairement  en  Italie,  entre  les  deux  actes  d'un 
opéra,  un  ballet  tout  à  fait  étranger  à  l'action  de  ces  opéras.  En 
France,  le  ballet  fait  partie  de  l'opéra  et  de  l'action.  C'est  au  poëte 
et  au  compositeur  à  s'entendre  pour  que  chaque  acte  ait  des  élé- 
ments suffisants  de  curiosité,  en  donnant  une  place  importante  à  la 
danse  dans  un  acte,  quelquefois  dans  deux,  et  en  réservant  pour  les 
autres  parties  de  l'ouvrage  tout  l'intérêt  des  situations,  toute  la  puis- 
sance de  la  musique. 

(La  suite  au  prochain  numéro.) 


MORCEAUX    CIBOÏSÏS 

De  Catulle,  Gallus,  Properce,  Tibulle,  Ovide,  Maximien,  Pétrarque 

et  Jean  Second, 

Traduits  en  fers  par  iiOUBS  Ï.ANGI1OIS. 

La  traduction  des  poètes  est  une  chimère,  mais  une  douce  chimère, 
qui  charme  les  loisirs.  «  Traduit-on  la  musique  ?  »  disait  Voltaire,  et 
pourtant  il  avait  traduit  beaucoup  lui-même.  Il  avait  traduit,  comme  il 
faut  traduire,  quand  on  veut  réussir  sans  trop  se  fatiguer,  non  des  au- 
teurs, ni  des  ouvrages  entiers,  mais  des  fragments  et  passages  favoris. 
C'est  ainsi  qu'a  fait  M.  Louis  Langlois,  dont  la  plume  s'était  déjà  exer- 
cée dans  plus  d'un  genre,  qui  avait  écrit  en  prose  avec  autant  d'élé- 
gance et  de  pureté  qu'il  en  a  su  mettre  dans  ses  vers. 

Que  de  gens  qui  parlent  tous  les  jours  de  Catulle,  de  Tibulle,  et  qui 
n'en  savent  pas  le  premier  mot  !  Que  d'autres  (et  ceci  regarde  les  mu- 
siciens) qui  demandent  partout  des  vers  à  mettre  en  chant  et  se  plai- 
gnent de  n'en  pas  trouver  d'agréables  !  Le  recueil  de  M.  Louis  Langlois 
arrive  tout  à  point  pour  fournir  aux  uns  d'utiles  renseignements,  et  de 
charmants  canevas  aux  autres.  Le  traducteur  a  eu  soin  de  faire  précé- 
der d'une  notice  biographique  les  fragments  de  chacun  des  poètes  adop- 
tés par  lui.  La  moins  connue,  mais  non  la  moins  intéressante,  est  celle 
de  ce  poëte  latin,  né  à  La  Haye,  dans  le  xvi"  siècle,  et  qui,  bien  que 
mort  à  vingt-cinq  ans,  est  demeuré  immortel  sous  le  nom  de  Jean  Se- 
cond. Pourquoi  Second,  lui,  dix-huitième  enfant  de  Nicolas  Everardi, 
président  au  conseil  suprême  de  Hollande  ?  Parce  qu'un  autre  enfant, 
nommé  Jean,  venait  de  succomber  lorsqu'il  vil  la  lumière,  et  qu'on 
l'appela  comme  celui  dont  il  effaçait  la  perte.  Il  était  donc  bien  et  dû- 


ment Jean  second  du  nom.  Son  père  le  destinait  à  l'étude  des  lois,  à  la 
magistrature,  et  il  cédait  au  penchant  irrésistible  qui  l'entraînait  vers 
tous  les  arts,  la  peinture,  la  sculpture,  la  gravure.  Il  avait  étudié  à 
Bourges  sous  l'illustre  Alciat,  de  Milan  ;  il  avait  reçu  le  bonnet  de  docteur 
et  cueilli  le  laurier  académique.  Il  prit  sa  course  à  travers  l'Europe.  En 
Espagne,  il  devint  secrétaire  intime  de  l'archevêque  de  Tolède.  Charles- 
Quint  voulut  l'emmener  à  la  conquête  de  Tunis,  mais  il  ne  put  accom- 
pagner longtemps  le  monarque  guerrier.  Il  paya  la  conquête  de  sa 
santé,  et  revint  finir  sa  trop  courte  carrière  à  Tournay,  lorsque  Charles - 
Quint  le  désignait  pour  aller  féliciter  à  Rome  le  nouveau  pontife.  Tel  fut 
l'auteur  de  ces  Baisers  fameux  qui  feront  vivre  son  nom  jusqu'à  l'extré- 
mité des  âges.  C'est  ainsi  qu'il  fonda  sa  renommée  sur  ses  plaisirs,  qui, 
grâce  à  son  talent,  sont  devenus  les  nôtres. 

M.  Louis  Langlois  a  traduit  les  dix-neuf  Baisers  de  ce  poëte  aimable, 
sans  leur  rien  ôter  de  leur  vivacité  ni  de  leur  chaleur,  ce  qui  fait  que  , 
tout  en  les  recommandant  aux  musiciens ,  dont  la  verve  amoureuse 
pourra  s'en  inspirer,  nous  n'osons  pas  en  prescrire  indistinctement  l'é- 
tude à  toutes  les  musiciennes ,  de  crainte  d'avancer  un  peu  trop  vite 
leur  éducation.  Nous  sommes  forcé  d'en  dire  autant  des  morceaux 
empruntés  aux  poètes  de  l'antiquité.  La  traduction  élégante  et  correcte 
de  M.  Louis  Langlois  ne  voile  pas  assez  leurs  beautés  naïves,  pour  qu'il 
soit  possible  de  les  exposer  à  tous  les  yeux.  Un  certain  choix  est  donc 
indispensable  ;  mais  quelque  morceau  qu'on  choisisse ,  on  est  sûr  d'y 
trouver  le  texte  original  reproduit  avec  une  exactitude  facile  et  une 
précision  qui  ne  nuisent  pas  à  la  clarté.  Jamais  Catulle,  ni  ses  char- 
mants confrères  en  poésie  et  en  amour  n'ont  mieux  parlé  français  que 
sous  la  plume  de  leur  nouvel  interprète. 

P.  S. 


La  conclusion  des  arrangements  avec  la  Belgique  est  annoncée  en 
ces  termes  par  le  Moniteur  : 

«  Hier  dimanche  M.  le  ministre  des  affaires  étrangères  a  signé  avec 
»  MM.  Firmin  Rogier  et  C.  Lieds,  plénipotentiaires  de  S.  M.  le  roi  des 
»  Belges,  deux  traités  que  l'opinion  publique  accueillera  avec  la  même 
»   satisfaction  à  Paris  qu'à  Bruxelles. 

»  Le  premier  de  ces  traités  consacre  définitivement  entre  la  France 
»  et  la  Belgique  la  garantie  réciproque  de  la  propriété  des  œuvres 
»  d'esprit  et  d'art,  et  abaisse  en  même  temps,  dans  une  juste  mesure, 
»  les  droits  respectivement  imposés  à  l'entrée  des  livres,  papiers  d'im- 
»  pression,  gravures  et  lithographies. 

»  Le  second  traité  sanctionne  quelques  dégrèvements  de  tarif. 

»  Si  la  convention  littéraire  donne  pleine  satisfaction  aux  intérêts  si 
»  nombreux  et  si  respectables  de  la  propriété  intellectuelle,  l'arrange- 
»  ment  commercial  qui  a  été  conclu  le  même  jour  aura  certainement 
»  pour  effet  de  consolider  et  d'étendre  les  fructueux  échanges  qui 
»  s'opèrent  entre  les  deux  pays.  » 

Paris,  ce  28  août. 

Monsieur  le  Gérant, 
Des  bruits  de  toute  nature  ayant  couru  sur  le  Théâtre-Italien  de 
Paris,  permettez-moi  de  démentir  le  seul  qui  m'intéresse  personnelle- 
ment. 

Il  est  complètement  faux  que  j'aie  jamais  songé  à  devenir  directeur 
de  ce  théâtre. 

J'ai  pu  rendre  quelques  services  à  M.  Lumley,  mais  sans  aucune 
prétention  à  son  héritage,  en  supposant  qu'il  fût  vacant. 

Je  ne  suis  et  ne  serai  jamais  qu'éditeur  de  musique,  et  ne  veux  me 
mêler,  ni  de  près  ni  de  loin,  d'aucune  administration  théâtrale. 
Agréez,  Monsieur,  etc. 

L.  BRANDUS, 
103,  rue  Richelieu. 


DE  PARIS. 


287 


NOUVELLES. 

*„■*  Demain  à  l'Opéra  la  Favorite,  suivie  du  deuxième  acte  du  Diable  à 
quatre. 

%*  Mathieu ,  complètement  remis  de  son  indisposition,  a  joué  lundi 
dernier  le  rôle  de  Raoul  dans  les  Huguenots.  I.a  revanche  a  été  brillante  et 
tout-à-fait  décisive  pour  l'artiste.  Mathieu  avait  retrouvé  les  qualités  de 
chanteur  qui  lui  ont  valu  de  si  grands  succès  clans  plusieurs  villes  et  qui 
lui  en  procureront  à  Paris.  Mlle  Poinsot  a  été  fort  remarquable  et  fort  ap- 
plaudie dans  le  rôle  de  Valcntine,  ainsi  que  Mme  Laborde  et  Obin  dans 
ceux  de  Marguerite  et  de  Marcel. 

%*  Mercredi ,  le  Prophète  ;  vendredi,  Guillaume  Tell,  avaient  attiré  la 
foule,  comme  lundi  les  Hugwnots.  C'est  Gueymard  qui  chantait  le  rôle  de 
Jean  de  Leyde  et  celui  d'Arnold.  Dans  le  rôle  de  Fides,  Mme  Tedesco  est 
plus  que  jamais  admirable  par  sa  voix  extraordinaire  et  son  expression 
dramatique. 

%*  Le  Juif  errant  va  bientôt  reparaître  dans  tout  son  éclat.  Roger  et 
Massol  reviennent  à  la  fin  de  ce  mois  et  feront  leur  rentrée  dans  les  deux 
rôles  si  admirablement  créés  par  eux. 

VLa  reprise  de  Jérusalem,  réduite  en  trois  actes,  aura  lieu  la  semaine 
prochaine.  C'est  Chapuis  qui  chantera  le  rôle  créé  par  Duprez. 

„%  La  Reine  de  Clnjpre  vient  d'être  reprise  à  Lyon  avec  un  succès  com- 
plet. Duprat,  Ismaël  et  Mlle  Lacombe  remplissent  avec  un  vrai  talent  les 
trois  principaux  rôles. 

***  Tandis  qu'il  était  question  de  la  rentrée  de  Mme  Darcier  dans  un  rôle 
nouveau  ,  la  charmante  actrice  résiliait  son  engagement,  et  renonçait  une 
seconde  fois  au  théâtre.  Nous  ignorons  ce  qu'il  adviendra  de  cette  réso- 
lution dans  l'avenir.  Ce  qu'il  y  a  de  certain ,  quant  à  présent ,  c'est  que 
Mlle  Favel  conserve  le  rôle  qu'elle  avait  déjà  étudié  dans  l'opéra  en  trois 
actes  de  MM.  Sauvage  et  Reber,  dont  la  première  représentation  aura  lieu 
prochainement. 

%*  On  annonce  l'engagement  à  l'Opéra-Comique  du  jeune  Faure,  pen- 
sionnaire du  Conservatoire,  qui,  aux  concours  de  cette  année,  a  remporté 
le  premier  prix  de  chant  et  le  premier  prix  d'opéra  comique  à  l'unanimité. 
Faure  est  au  moins  l'égal ,  quant  à  la  voix  et  à  la  méthode,  de  tous  les 
barytons  ou  basses  chantantes  que  le  Conservatoire  a  formés  depuis  lon- 
gues années.  Il  est  élève  de  Ponchard. 

*t*  La  recette  des  divers  spectacles  et  curiosités,  pendant  le  mois  de 
juillet,  a  produit,  savoir  :  théâtres  nationaux  subventionnés,  100,839  fr. 
47  c.;  théâtres  secondaires,  212,163  fr.  1S  c;  concerts,  cafés-concerts  et 
bals,  101 ,195  fr.  75  c.  ;  curiosités  diverses,  48,922  fr.  95  c.  ;  total  :  463,1 21  fr. 
35  c.  La  recette  de  juillet  offre  sur  celle  de  juin  une  diminution  de225,103fr. 
6  c,  et  sur  celle  de  mai,  de  355,189  fr.  60  c,  c'est-à-dire  de  plus  de  moi- 
tié; mais  il  est  juste  de  faire  observer  qu'au  mois  de  mai  tous  les  théâtres 
étaient  encore  ouverts,  et  qu'en  juillet  il  y  en  avait  quatre  de  fermés, 
l'Odéon,  le  Théâtre-Lyrique,  l'Ambigu-Comique  et  la  Gaîté. 

***  C'est  aujourd'hui  dimanche  qu'aura  lieu  le  charmant  concert  donné 
à  l'Isle-Adani  par  Duprez,  au  bénéfice  des  pauvres  de  lTsle-Adam  et  de 
Valmondois. 

%*  Les  deux  dernières  compositions  d'Emile  Prudent  paraissent  appe- 
lées au  succès  le  plus  éclatant  et  le  plus  durable.  A  peine  sont-elles  mises 
en  vente,  et  déjà  elles  ont  obtenu  l'honneur  de  plusieurs  tirages  successifs. 
Nous  apprécierons,  dans  un  de  nos  prochains  numéros,  la  Villane  le  et  la 
Danse  des  Fées,  avec  le  soin  que  comportent  ces  œuvres,  empreintes  au 
plus  haut  degré  de  charme,  de  couleur  et  de  poésie.  L'auteur  des  Champs, 
des  Buis  et  du  Cunarlu-symphunie  occupe  une  position  éminente  parmi 
les  compositeurs  de  son  époque;  nous  dirons  quelle  part  légitime,  incon- 
testable, lui  revient  dans  le  mouvement  musical  de  ces  dernières  années. 

%*  Sowinski,  le  pianiste  compositeur,  est  de  retour  à  Paris. 

%*  Sophie  Cruvelli,  dont  nous  avons  annoncé  dans  le  temps  le  brusque 
départ  de  Londres,  n'est  point  perdue  pour  le  théâtre,  comme  on  l'avait 
craint  un  moment.  Le  16  août  dernier,  elle  a  donné  un  concert  au  Kur- 
saa',  à  Wiesbade. 

%*  Sa  Majesté  le  roi  des  Belges  vient  de  faire  remettre  à  M.  Joseph 
Franck,  de  Liège,  organiste  de  la  paroisse  Saint-Thomas-d'Aquin,  à  Paris, 
la  grande  médaille  en  or  à  son  effigie,  avec  une  lettre  très-flatteuse,  à  l'oc- 
casion d'un  recueil  de  huit  motets  à  1 ,  2,  3,  4  et  8  voix,  et  à  deux  chœurs, 
avec  accompagnement  d'orgue  et  de  quatuor,  que  ce  jeune  compositeur  a 
dédié  à  Sa  Majesté.  On  sait  que  M.  Joseph  Franck,  qui,  en  1850,  a  rem- 
porté à  son  premier  concours,  dans  la  classe  de  M.  Ad.  Adam,  le  pre- 
mier grand  prix  de  contre-point  et  de  fugue ,  et,  cette  année,  dans  la 
classe  de  M.  Benoist,  le  premier  prix  d'orgue  au  Conservatoire  de  Paris, 
est  un  organiste  très-distingué,  et  un  musicien  des  plus  érudits  en  ma- 
tière de  plain-chant  et  de  musique  religieuse. 

*„*  On  s'imagine  que  les  librettistes  italiens  se  donnent  à  peine  le  temps 
d'écrire  leurs  ouvrages.  Ce  n'est  qu'un  préjugé,  comme  celui  des  vaude- 
villes qui  se  font  en  déjeunant.  Dans  un  article  publié  par  Ylta'ia  musicale 
sur  Salvatore  Cammarano,  nous  lisons  que  ce  poète  distingué  mettait  six 
mois  et  plus  à  composer  ses  livrets,  dont  plusieurs  sont  des  modèles. 

*„*  Parmi  les  œuvres  musicales  exécutées  pendant  les  fêtes  religieuses 
du  grand  jubilé  séculaire  qui  vient  d'avoir  lieu  à  Cambrai,  les  journaux 
citent  une  messe  et  un  Dumine  salvum  de  Ferdinand  Lavainne,  qui  ont  pro- 


duit le  plus  grand  effet;  ces  nouvelles  compositions  brillent  principa- 
lement par  une  grande  vérité  d'expression  ;  les  procédés  d'exécution  en 
sont  tout  à  la  fois  aussi  simples  que  neufs.  Telle  a  été  l'impression  géné- 
rale produite  sur  tous  les  auditeurs.  En  résumé,  c'est  un  succès  qui  fait 
le  plus  grand  honneur  à  M.  Ferdinand  Lavainne. 

***  Pans  le  Mo:arteum,  à  Solzbourg,  se  trouvent  encore  de  nombreux 
manuscrits  de  W.  A.  Mozart,  dont  on  annonce  la  prochaine  publication. 
Ces  précieux  documents  sont  :  1°  160  lettres  formant  toute  la  correspon- 
dance avec  son  frère  Léopold;  2°  Etudes  de  Mozart  sur  le  contre-puint; 
3°  60  morceaux  autographes  :  pour  la  plupart  ce  sont  des  esquisses  d'ou- 
vrages que  l'auteur  n'a  pas  achevés;  4°  un  Kyrie  en  mi  bémol  en  partition 
et  entièrement  achevé.  De  plus,  on  a  mis  en  vente  à  Salzbourg  un  clavi- 
corde  construit  à  Milan  en  1775;  il  avait  appartenu  à  Mozart,  dont  la  veuve 
l'a  légué  par  testament  à  son  propriétaire  actuel. 

***  M.  Oambaro,  musicien  distingué,  pianiste,  compositeur-éditeur,  qui 
s'était  adonné  à  la  spécialité  de  la  musique  militaire,  vient  d'être  enlevé 
par  une  fièvre  typhoïde  à  l'âge  de  43  ans.  C'est  à  Charleville,  pendant  un 
voyage  d'agrément,  que  la  mort  l'a  frappé. 

CRON1QUE    DÉPARTEMENTALE. 

***  Boulognr-sur-Mer,  26  août.  —  Un  grand  concert  a  été  donné  hier, 
par  la  Société  philharmonique,  devant  une  brillante  assemblée  que  le  nom 
de  Bazzini  avait  attiré  àlaCrande  salle.  Ce  nom  était  dignement  accom- 
pagné, sur  le  programme,  par  ceux  de  Mlles  Dobré  et  Guilmant.  La  pre- 
mière a  dit,  avec  un  sentiment  dramatique  qui  a  vivement  impressionné 
l'auditoire,  deux  airs  et  des  mélodies;  elle  a  été  applaudie  avec  trans- 
port, surtout  dans  l'air  de  Fernand  Curiez  et  dans  les  Adieux  de  Marie 
Stuart.  Mlle  Guilmant  est  une  pianiste  à  juste  titre  estimée ,  et  dont  le 
talent  est  des  plus  remarquables;  elle  a  parfaitement  exécuté  un  con- 
certo de  Mendelssohn  avec  orchestre,  un  nocturne  de  sa  composition,  et 
une  étude  de  Lee  :  son  succès  a  été  complet.  Bazzini  a  joué,  avec  la  verve 
spirituelle  et  le  sentiment  poétique,  entraînant,  qu'on  lui  connaît,  la  mé- 
lodie intitulée  l' Absence  et  sa  lïunde  des  lutin',  inimitable  conception;  une 
fantaisie  sur  la  Sonnamlula,  une  autre  sur  Y  air  final  de  Lucie  ;  il  a  ter- 
miné par  le  Carnaval  de  Venise.  Pendant  tout  ce  temps  le  public  était  sous 
le  charme,  et  interrompait  fréquemment  l'artiste  par  les  manifestations 
les  plus  chaleureuses,  par  des  bis  et  des  rappels.  —  Dans  huit  jours  ,  le 
Ie'  septembre,  un  concert  non  moins  intéressant  sera  donné  par  la  So- 
ciété avec  Mlle  Caroline  Duprez. 

%*  Villeneuvé-sur-Yonne.  —  Cette  jolie  petite  ville  a  voulu ,  elle  aussi , 
avoir  son  festival.  Dimanche  dernier,  22  août,  dès  le  point  du  jour,  les 
maisons  étaient  ornées  avec  goût  de  guirlandes  de  fleurs  et  de  feuillage; 
les  habitants  des  environs,  en  toilette  de  fête,  arrivaient  de  tous  côtés  Les 
cloches  de  la  paroisse  sonnaient  à  toutes  volées,  car  la  fête  s'ouvrait  par  une 
messe  en  musique  de  Tanseron.  Ponchard,  qui  avait  prêté  à  cette  cérémo- 
nie l'appui  d'un  talent  toujours  jeune,  a  admirablement  chanté  l'Offertoire 
et  l'O  salularis.  Deux  élèves  de  Panseron,  MM.  Boulanger,  lauréat  du 
Conservatoire,  et  Sautot,  se  sont  fait  remarquer  dans  les  solos  du  Qui  tol- 
lis,  du  Sancim  et  de  VAgnus.  Le  grand  orgue  était  touché  par  M.  Batiste, 
organiste  de  Paris.  Un  auditoire  nombreux  écoutait  pieusement  cette  mu- 
sique, qui  se  distingue  par  des  mélodies  d'un  caractère  essentiellement 
religieux.  Parmi  les  notabilités  qui  y  assistaient,  on  remarquait  le  sous- 
préfet  de  Joigny,  M.  Davesiès  de  Ponties;  le  maire  de  Villeneuve,  M.  de 
Châteaubourg  ;  deux  littérateurs,  MM.  Belmontet  et  Chalon  d'Argé; 
MM.  Panseron  ,  Bazin,  Elwart,  Panofka,  Laurent  de  Ril.é,  Laty,  Klosé, 
Dauverné,  Cokken  ,  Triebert,  Urbain,  Forestier,  Artus  ,  formant  le  jury 
venu  de  Paris  pour  juger  les  concours  d'orphéons  et  de  musique  d'harmo- 
nie. Après  la  messe,  la  foule  s'est  portée  en  masse  pour  assister  au  concours 
d'orphéon,  qui  avait  lieu  dans  la  petite  salle  de  spectacle.  Quatre  divisions 
entraient  successivement  en  lice.  La  quatrième  était  composée  en  grande 
partie  de  petits  enfants  de  quatre  à  cinq  ans  appartenant  aux  salles  d'a- 
sile de  Villeneuve  et  d'Auxerre.  La  médaille  d'argent  a  été  accordée  à  l'école 
communale  de  filles  de  Villeneuve.  La  troisième  division  se  disputait  une 
médaille  d'or  de  500  fr,  donnée  par  M.  le  Prince-Président.  L'orphéon  de 
Sens  a  obtenu  ce  prix,  si  vivement  et  si  noblement  disputé.  Une  médaille 
en  vermeil  était  le  premier  prix  de  la  seconde  division:  plusieurs  Sociétés 
se  le  sont  disputé  ;  il  a  été  gagné  par  les  enfants  de  la  Seine.  Dans  la  pre- 
mière division,  les  Enfants  de  Paris  et  la  Société  chorale  du  Conservatoire 
se  sont  seuls  présentés  au  combat.  Une  médaille  en  vermeil  était  le  prix  ; 
les  Enfants  de  Paris  l'ont  obtenue;  mais  l'exécution  de  deux  Sociétés  avait 
été  si  remarquable,  que  M.le  maire  de  Villeneuve,  se  rendant  au  vœu  général, 
a  voté  une  médaille  particulière  à  la  Société  chorale  du  Conservaioire,  di- 
rigée par  M.  Batiste.  Des  éloges  sont  dus  à  M.  Delaporte,  dont  le  zèle  infa- 
tigable est  le  provocateur  de  tous  ces  concours  d'orphéons  des  départe- 
ments. Le  concours  de  musique  d'harmonie,  qui  avait  lieu  sur  le  boule- 
vart,  était  non  moins  brillant,  malgré  un  temps  déplorable.  Les  corps  de 
musique  de  Champignolles,  de  Montereau ,  de  Toucy  et  de  Villeneuve- 
Saint-Georges,  malgré  des  mérites  réels,  ont  été  battus  par  leurs  heureux 
rivaux  de  Sens,  Villeneuve-sur-l'ï'onne  et  Auxerre.  Après  la  distribution 
des  prix,  un  banquet  attendait  les  membres  de  la  commission  musicale. 
Quelques  paroles  bien  senties  ont  été  prononcées  par  M.  le  sous-préfet  de 
Joigny  ;  des  toasts  d'usage  ont  été  portés  pendant  que  les  orphéonistes 
défilaient,  bannières  en  tête. 


288 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS. 


CHRONIQUE     ÉTRANGÈRE. 

*„,*  Berlin,  16  août.  —  Avant-hier,  à  l'occasion  de  la  fête  du  célèbre 
chanteur  français,  Roger,  l'orchestre  et  les  chœurs  du  théâtre  royal  ont 
exécuté  une  aubade  sous  les  fenêtres  de  l'appartement  qu'il  habite.  Dans 
la  journée,  un  très-grand  nombre  d'artistes  sont  allés  le  complimenter. 
Parmi  eux  se  trouvaient  les  premiers  sujets  des  théâtres  lyriques  de  cette 
ville,  entre  autres  Mmes  Herrenberger,  Tuczek,  MM.  Mantius  et  Damke  , 
élève  de  Bordogni. 

*%*  Vienne.  —  Le  15  août,  pour  la  fête  du  Président  de  la  République, 
les  Français  résidant  à  Vienne  ont  fait  chanter  dans  l'église  Sainte-Anne, 
la  grand'messe  ainsi  que  le  Te  Deum  de  Haydn. 

%*  Prague.  —  M.  Perina,  professeur  de  physique  à  l'Université ,  a  in- 
venté un  instrument  dont  les  vibrations  sont  produites  par  un  courant 
électro-galvanique.  Ce  qu'il  y  a  de  plus  merveilleux  dans  cette  invention, 
c'est  que  l'air  que  l'on  joue  sur  un  instrument  se  reproduit  à  l'instant 
sur  un  second  instrument  mis  en  rapport  avec  le  premier. 

%*  .Rom.»,  20  août.  —  La  foule  continue  de  se  porter  au  théâtre  Argen- 
tina  pour  entendre  l'œuvre  remarquable  de  Raimondi,  compositeur  célè- 
bre, âgé  de  soixante-six  ans,  Romain  de  naissance,  mais  qui  a  fait  ses 
études  à  Naples  au  Conservatoire  appelé  Societa  dei  Turchini,  d'où  sont 
sortis  Léo,  Durante,  Jomelli  et  tant  d'autres.  Chaque  séance  commence 
à  huit  heures  du  soir  et  ne  finit  qu'à  deux  heures  du  matin.  Plusieurs 
motifs  justifient  cet  empressement  extraordinaire  à  cette  époque  de  l'an- 
née, et  qui  se  prolonge  depuis  plusieurs  jours.  1°  11  s'agit  d'une  œuvre 
charitable,  au  profit  des  membres  pauvres  de  la  Société  de  Sainte-Cécile  ; 
2°  les  chœurs  sont  composés  uniquement  d'amateurs  des  deux  sexes  appar- 
tenant à  la  classe  distinguée  de  la  société  :  3°  l'œuvre  même  a  des  pro- 
portions gigantesques,  et  offre,  sur  une  immense  échelle,  la  solution  d'un 
problème  musical.  Cette  œuvre  est  un  oratorio,  ou  plutôt  ce  sont  trois 
oratorios,  formant  ensemble  une  épopée,  qui  se  compose  de  trois  épi- 
sodes. Le  sujet  est  l'histoire  de  Joseph,  déjà  si  largement  traitée  par 
Méhul.  La  première  partie,  intitulée  Putiphar,  renferme  les  incidents  de 
cette  histoire  jusques  et  y  compris  l'emprisonnement  de  Joseph.  La 
seconde  partie,  intitulée  Joseph,  comprend  l'histoire  de  son  triomphe  et  de 
sa  puissance.  La  troisième  et  dernière  partie,  intitulée  Jacob,  est,  y  com- 
pris la  mort  du  patriarche,  le  complément  du  poëme.  Pour  l'exécution,  il 
y  a  trois  orchestres  et  autant  de  chœurs,  parfaitement  distincts  et  séparés. 
Ainsi,  l'oratorio  intitulé  Putiphar  terminé,  les  exécutants,  chœurs  et  or- 
chestres deviennent  spectateurs,  et  attendent  que  les  deux  autres  le 
soient  également,  et  ainsi  de  suite.  Ce  n'est  qu'à  la  fin  du  troisième  ora- 
torio que  se  développe  l'idée  principale  du  compositeur  dans  l'exécution 
simultanée,  par  chacun  des  orchestres  et  des  chœurs,  des  trois  oratorios, 
exécutés  d'abord  isolément  et  écrits  même,  dit-on,  dans  des  temps  diffé- 
rents. Le  prodige  est  que  ces  trois  œuvres  très-distinctes,  exécutées  à  la 
fois,  s'harmonisent  parfaitement  ensemble.  L'oratorio  intitulé  Jacob  est 
celui  dans  lequel  l'auteur  a  voulu  faire  prédominer  l'effet,  tandis  que  les 
deux  autres  peuvent  être  considérés  comme  parties  concertantes.  Le 
nombre  des  exécutants  se  monte  à  trois  cent  cinquante,  c'est-à-dire 
soixante  ou  soixante-dix  pour  chacun  des  chœurs  et  cinquante  par  or- 
chestre. De  ces  divers  orchestres,  l'un  est  placé  à  l'endroit  ordinaire  qui 
porte  ce  nom,  tandis  que  les  deux  autres,  mais  avec  séparation,  occupent 
la  scène  ;  les  chanteurs  sont  avec  leur  orchestre.  Les  chœurs,  ainsi  qu'on 
peut  le  croire,  sont  la  partie  principale  de  cette  composition  vraiment 
grandiose.  On  a  été  frappé  surtout  d'un  chœur  de  femmes  accompagné 
par  cinq  harpes  et  soutenu  par  la  masse  des  trois  orchestres.  On  a  re- 
marqué aussi  des  solos  d'une  grande  beauté  :  celui  du  ténor  dans  le  pre- 


mier oratorio  est  très-admiré  ;  dans  le  troisième,  un  morceau  magnifi- 
quement chanté  par  Colini ,  l'artiste  dramatique ,  a  enlevé  tous  les 
suffrages.  En  somme,  le  succès  est  un  des  plus  éclatants  qui  se  soient  ja- 
mais vus  dans  cette  ville,  la  première  représentation  surtout,  remarqua- 
ble par  le  nombre  et  la  qualité  des  spectateurs,  l'éclat  des  toilettes,  et  ces 
gracieuses  salutations  échangées  entre  parents  et  amis,  qui,  les  uns  sur 
la  scène,  les  autres  dans  les  loges,  agitaient  leurs  mouchoirs  en  signe  de 
reconnaissance.  Le  coup  d'œil  était  magique  et  le  triomphe  du  composi- 
teur si  complet  qu'il  n'a  pu  surmonter  son  émotion  et  s'est  évanoui.  De- 
puis ce  jour,  ce  n'a  été  qu'une  suite  d'ovations  bien  méritées. 

%*  Milan.  —  Le  nouvel  opéra  de  lord  Westmoreland  sera  représenté 
pendant  la  saison  du  carnaval  au  théâtre  de  la  Scala. 

%*  Madrid,  20  août.  —  La  troupe  lyrique  et  la  troupe  chorégraphique 
du  théâtre  royal  viennent  d'être  complétées.  Parmi  les  nouveautés  qui  se- 
ront données  dans  la  prochaine  saison,  on  cite  lioberl-le-Diable,  de  Meyer- 
beer,  et  la  Conquista  di  Granada,  grand  opéra,  dont  le  jeune  compositeur 
espagnol  M.  Arieta  vient  d'écrire  la  musique.  Les  décors  de  cet  ouvrage 
ont  été  commandés  au  peintre  français  M.  Philastre. 

—  C'est  vraiment  une  belle  solennité  musicale  que  celle  qui  a  lieu 
aujourd'hui  dimanche,  29,  au  Jardin-d'Hiver,  à  une  heure.  Le  Christophe 
Colomb,  cette  admirable  symphonie,  qui  a  toujours  attiré  la  foule,  y  sera 
exécutée  par  200  musiciens  d'élite  dirigés  par  Félicien  David.  M.  Jour- 
dan,  le  brillant  ténor  de  l'Opéra-Comique,  M.  Ribes  et  Mlle  Guichard, 
deux  des  meilleurs  artistes  du  Théâtre-tyrique,  sont  chargés  de  la  partie 
vocale.  Mlle  Jouvante  interprétera,  avec  son  talent  bien  connu,  les  belles 
strophes  du  poëme.  11  a  longtemps  qu'un  spectacle  aussi  varié  n'a  été  of- 
fert au  public  dilettante.  La  foule  ne  peut  manquer  à  un  si  harmonieux 
appel. 


En-rat  m  bso.  —  Dans  la  lettre  de  M.  le  prince  Nicolas  Boris  Godounoff, 
que  contenait  notre  dernier  numéro,  page  277,  deuxième  colonne , 
ligne  30,  au  lieu  de  «  Aussitôt  la  somme  de  50  florins  lui  est  expédiée;  » 
lisez  :  «  Aussitôt  la  somme  de  50  ducats,  etc.  » 


Le  gérant  :  Ernest  DESCHAMPS. 


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REVUE 


5  Septembre  1852. 

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Étranger M 


Le  Journal  parait  le  Dimanche. 


GAZETTE  MUSICALE 


3)E    FâE!S. 


SOMMAIRE.  —  Du  développement  futur  de  la  musique  dans  le  domaine  dn 
rliythme  (2«  article),  par  lfélis  père.  —  Revue  critique,  Beethoven,  Panse- 
ron  et  Dancla,  par  Henri  ISlaneliarai.  —  Concert  donné  par  Duprez  à  l'Isle- 
Adam.  —  Correspondance,  Berlin  et  Liège.  —  Nouvelles  et  annonces. 


DU  DEVELOPPEMENT  FUTUR  DE  LÀ  MUSIQUE 

Dans  le   domaine  du  rhythme. 

(2e  article)  (i). 

Je  ne  veux  ni  ne  dois  faire  ici  un  traité  systématique  du  rhythme  ; 
mais  il  n'est  pas  inutile,  pour  l'intelligence  de  ce  que  j'ai  à  dire,  de 
rappeler  quelques  notions  fondamentales,  particulièrement  en  ce  qui 
concerne  la  mesure  du  temps  musical.  J'entre  donc  en  matière  par 
l'exposé  de  ces  notions. 

Nous  avons  le  sentiment  du  temps  dans  la  succession  des  sons  par 
ses  deux  attributs  principaux,  qui  sont  la  durée  et  le  mouvement.  Le 
mouvement  consiste  dans  la  lenteur  et  la  vitesse  des  successions  ou 
des  percussions.  Des  combinaisons  du  mouvement  et  de  la  durée  naît 
un  ordre  de  conceptions  régulières,  dont  l'action  puissante  sur  l'orga- 
nisation humaine  est  une  des  sources  les  plus  abondantes  d'émotions 
diverses.  Le  principe  de  combinaison  régulière  et  symétrique  de  la 
durée  et  du  mouvement  dans  la  succession  des  sons  ou  dans  leur  réper- 
cussion, se  désigne  par  le  nom  de  rhythme.  Le  rhythme  nous  affecte 
sous  une  multitude  de  formes  et  de  combinaisons,  dont  le  mécanisme 
ne  peut  être  bien  saisi  qu'autant  qu'on  possède  une  connaissance  suffi- 
sante de  la  mesure  de  la  durée  et  de  la  vitesse. 

La  durée  des  sons  est  à  la  fois  relative  et  absolue.  Elle  est  relative 
en  ce  que,  dans  un  temps  donné,  il  y  a  des  sons  qui  n'ont  que  la  moitié 
de  la  durée  d'un  autre  son,  d'autres  qui  n'en  ont  que  le  quart,  le  hui- 
tième, le  seizième,  les  deux  tiers,  les  trois  quarts,  etc.,  ou  qui  ont  une 
durée  double,  triple,  quadruple,  octuple,  etc. 

La  durée  absolue  des  sons  est  la  conséquence  du  mouvement  qui  ca- 
ractérise la  musique.  Ce  mouvement  peut  être  plus  ou  moins  vif,  plus 
ou  moins  lent  ou  modéré.  Or  la  lenteur  et  la  vitesse  ayant  une  infinité 
de  nuances,  lesquelles  se  multiplient  par  le  nombre  de  durées  relatives 
des  sons ,  on  en  a  conclu  que  la  simplicité  de  la  notation  ne  pouvait 
être  obtenue  pour  la  durée  des  sons  qu'en  se  bornant  à  représenter  la 
durée  relative  ;  d'où  il  suit  que  les  signes  de  cette  notation  ne  sont 
l'expression  d'aucune  valeur  déterminée  de  temps. 

Mais  le  système  serait  incomplet  si  toutes  les  valeurs  de  durée  repré- 
sentées par  des  signes,  ne  pouvaient  être  mesurées  rigoureusement. 
Cette  considération  a  conduit  à  l'usage  des  chronomètres  pour  la  me- 

(1)  Voir  le  n"  35. 


sure  de  la  vitesse  en  musique.  Le  meilleur  instrument  de  ce  genre  est 
le  métronome,  connu  de  tout  le  monde.  Grâce  à  cet  instrument,  il  est 
possible  de  connaître  avec  exactitude  la  valeur  de  chaque  signe  de  no- 
tation ;  car  une  échelle  de  vitesse  ,  parallèle  au  balancier,  correspond 
par  chacun  de  ses  chiffres  à  chaque  position  du  poids  sur  le  pendule. 
Les  vibrations  de  ce  pendule,  en  raison  de  la  position  du  poids,  sont 
les  divisions  de  la  minute  prise  pour  unité  de  temps.  C'est  par  le  nom- 
bre de  ces  vibrations  que  se  mesure  la  durée  des  sons  et  que  se  déter- 
mine la  valeur  absolue  des  signes  de  durée  relative  qui  les  représentent. 
Ainsi,  à  l'inspection  d'un  morceau  de  musique  noté,  nous  voyons 
bien  que  ce  signe  o  représente  une  durée  double  de  celui-ci  jfc, 
et  que  diverses  combinaisons  d'autres  signes,  par  exemple,  |5> .    |*  ou 

£j  f  ,  équivalent  à  la  durée  représentée   par  ce  même 

signe  o  ;  mais  rien  n'indique  quelle  est  la  valeur  positive  de  ces  si- 
gnes, tandis  que  si  la  vitesse  est  égale  à  60  |%,  par  exemple,  la  durée 
sera  déterminée  pour  chacun  de  ces  signes,  à  savoir  :  h  secondes  pour 
le  son  représenté  par  o .  2  secondes  pour  |^,  1  seconde  pour  l*, 
1/2  seconde  pour  la  croche ,  etc.  ;  dès  lors  le  temps  sera  mesuré  d'une 
manière  absolue,  et  la  valeur  de  chaque  signe  sera  connue. 

Avant  que  le  perfectionnement  des  instruments  de  précision  eût  été 
trouvé  pour  la  mesure  des  divisions  du  temps,  en  raison  du  mouvement, 
on  indiquait  celui-ci  par  les  moLs  italiens  largo,  maesloso,  adngio,  an- 
dantinô,  aidante,  qui,  dans  l'ordre  où  ils  sont  placés,  indiquent  une 
lenleur  décroissante,  et  par  ceux-ci,  allegretto,  allegro,  allegro  con 
moto,  agitnto,  presto,  vivace,  prestissimo,  qui  présentent  dans  leur  or- 
dre respectif  les  divers  degrés  de  vitesse,  depuis  le  mouvement  mo- 
déré jusqu'à  la  plus  grande  rapidité  ;  mais  la  signification  de  ces  mots 
n'a  pas  assez  de  précision  pour  déterminer  d'une  manière  certaine  la 
durée  représentée  par  les  signes  de  la  notation.  Ce  qui  est  vague 
avec  le  mot  seul,  devient  clair  et  positif  dès  qu'on  y  applique  le  mé- 
tronome. Par  exemple,  si  l'on  cherche  le  chiffre  par  lequel  on  peut 
mesurer  les  divisions  du  temps  dans  le  mouvement  très-lent  appelé  largo, 
on  trouve  que  60  coups  du  balancier  correspondent  à  autant  de  croches 
de  ce  mouvement;  d'où  il  suit  que  chacune  de  ces  croches  a  la  durée 
d'une  seconde;  que  la  noire  en  a  le  double,  la  blanche  le  quadruple, 
la  ronde  l'octuple;  que  la  double-croche  n'en  a  que  la  moitié,  la  triple- 
croche  le  quart,  etc.  L'adagio,  un  peu  moins  lent,  a  soixante-douze 
croches  par  minute,  ce  qui  donne  à  la  noire  une  durée  de  —  de  se- 
conde. La  durée  de  chaque  division  de  temps  diminue  ainsi  progressi- 
vement en  raison  de  l'accélération  du  mouvement  ;  mais  la  vitesse 
augmentant,  les  vibrations  du  balancier  répondent  à  des  signes  de 
durée  plus  grande,  parce  que  les  divisions  devenant  plus  facilement 
saisissables,  il  n'est  plus  nécessaire  de  les  subdiviser  pour  en  sentir  la 


290 


KEVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


valeur.  C'est  ainsi  qaeVallegro,  qui  répond  au  chiffre  112  du  métro- 
nome, a  une  noire  pour  chaque  vibration;  d'où  l'on  voit  que  chacune 
de  ces  noires  a  une  durée  d'un  peu  plus  d'une  dpmi-seconde.  Si  le 
mouvement  est  un  vivace  à  temps  égaux,  le  numéro  du  métronome  sera 
120;  chaque  vibration  du  balancier  sera  donc  d'une  demi-seconde.  Ces 
divisions  seront  représentées  par  un  nombre  égal  de  blanches,  et  la 
noire  n'aura  plus  en  conséquence  que  la  durée  d'un  quart  de  seconde. 
Tel  est  le  système  d'après  lequel  se  détermine  la  durée  positive  des 
sons  représentés  par  les  signes  de  la  notation  ;  système  qui,  par  sa  com- 
binaison avec  celui  de  la  représentation  de  la  durée  relative,  offre  un 
ensemble  admirable  de  simplicité  et  d'enchaînement  logique. 

On  sait  que  les  rapports  des  sons  ne  sont  pas  toujours  binaires,  c'est- 
à-dire  dans  la  proportion  de  h  :  2,  8  :  k,  etc.,  car  de  même  que  nous 
pouvons  concevoir  la  durée  d'un  son  divisible  en  deux,  quatre,  huit, 
seize  parties,  etc.,  nous  pouvons  imaginer  aussi  que  cette  durée  soit  di- 
visée par  le  tiers,  le  sixième,  le  douzième,  etc.  Or,  cette  dernière  divi- 
sion est  appelée  ternaire. 

Les  rapporls  binaires  et  ternaires  des  sons  se  saisissent  avec  facilité 
par  l'intelligence  et  semblent  inhérents  à  l'organisation  humaine  Les 
rapports  moins  simples,  par  exemple  ceux  de  la  division  du  temps 
musical  par  cinq  ou  sept,  nous  sont  antipathiques  et  ne  se  peuvent 
mesurer  avec  exactitude  ;  delà  vient  qu'ils  ne  sont  pas  admis  parmi  les 
éléments  de  la  mesure  des  sons.  Toute  division  du  temps  en  musique 
est  donc  binaire  ou  ternaire.  Quelquefois  ces  deux  éléments  se  combi- 
nent, comme  on  le  verra  tout  à  l'heure. 

Dans  les  idées  et  dans  le  langage  des  musiciens,  la  considération 
des  signes  de  la  durée  relative  des  sons  a  absorbé  la  notion  du  temps, 
qui  mesure  la  durée  absolue.  En  réalité,  nous  n'avons  d'idée  du  temps 
en  musique  que  par  le  coup  (ictus)  qui  correspond  aux  vibrations 
du  balancier  d'un  chronomètre,  lequel  se  succède  avec  plus  ou  moins 
de  rapidité,  en  raison  de  la  longueur  du  pendule  ou  de  la  position  de 
son  centre  de  gravité.  Le  nombre  plus  ou  moins  grand  de  ces  coups, 
appelés  temps,  pendant  la  durée  déterminée,  en  est  la  mesure.  Mais  ce 
n'est  pas  ainsi  que  les  musiciens  conçoivent  l'idée  de  mesure;  car  leur 
habitude  de  réaliser  la  durée  dans  les  signes  qui  la  représentent,  est 
cause  qu'au  lieu  de  voir  dans  le  temps,  ou  le  coup,  l'unité  et  la  mesure, 
on  considère  le  signe  de  la  durée  proportionnellement  la  plus  longue 
comme  l'unité  de  cette  mesure,  dont  les  temps  ne  sont  que  des  frac- 
tions. Ce  signe  d'unité  est  la  ronde  o  ■  Les  idées  des  artistes  et  leur 
langage  proviennent  de  ce  que,  pour  rendre  la  lecture  de  la  musique 
plus  facile  on  a  imaginé  de  renfermer  des  quantités  de  signes  de  du- 
rée d'une  valeur  égale  à  la  ronde,  ou  à  une  certaine  partie  de  cette 
valeur,  dans  des  cases  formées  de  traits  perpendiculaires  aux  lignes 
de  la  'portée.  Le  contenu  de  chacune  de  ces  cases  est  appelé  mesure; 
et  chaque  mesure,  lorsque  le  contenu  est  égal  à  la  ronde,  est  divisé  en 
deux  ou  en  quatre  temps,  c'est-à-dire  en  deux  ou  quatre  coups. 

Plusieurs  conséquences  ont  été  le  résultat  de  l'idée  qu'on  s'est  faite 
de  la  mesure  réalisée  clans  le  signe  de  la  durée  relativement  la  plus 
longue  :  la  première  a  été  de  considérer  toutes  les  autres  combinaisons 
de  mesures  comme  des  fractions  ou  des  amplifications  de  celle  qui  est 
représentée  par  la  ronde,  et  d'appeler  mesure  à  deux-quatre  (deux 
quarts),  à  trois-quatre  (trois  quarts),  à  six-quatre  (six  quarts),  à  six- 
huit  (six  huitièmes),  à  douze-quatre  (douze  quarts),  à  douz:-huit 
(douze  huitièmes),  etc.,  les  cases  qui  contiennent  en  moins  ou  en  plus 
une  certaine  quantité  des  parties  de  la  ronde,  comme  si  celle-ci  était 
la  mesure  nécessaire  de  la  durée,  plutôt  que  la  blanche,  la  noire  ou  la 
croche. 

La  deuxième  conséquence  de  cette  manière  de  considérer  l'unité  de 
mesure  est  une  classification  peu  rationnelle  des  combinaisons  de  ces 
diverses  parties  en  mesures  parfaites  et  imparfaites,  simples  et  com- 
posées. Par  la  raison  qu'il  n'y  a  pas  dans  la  notation  de  signe  simple 
pour  l'unité  de  la  mesure  à  trois  temps,  comme  pour  la  mesure  à  qua- 
tre ou  à  deux  ,  et  que  ce  n'est  que  par  l'addition  d'un  point  à  une  note 
de  valeur  binaire  qu'on  représente  la  somme  totale  des  temps,  on  s'est 


j  persuadé  que  la  mesure  ternaire  est  imparfaite,  la  considérant  comme 
manquant  d'un  temps  pour  atteindre  à  la  perfection.  Cette  idée  est  une 
des  plus  bizarres  qui  aient  trouvé  place  dans  l'imagination  des  théori- 
ciens. Les  musiciens  des  siècles  antérieurs  au  xvne  avaient  à  cet  é°-ard 
:  une  opinion  absolument  opposée,  qui  n'était  pas  moins  fausse,  car  ils 
!  considéraient  la  mesure  ternaire  comme  parfaite,  et  la  mesure  binaire 
comme  imparfaite,  en  ce  qu'il  lui  manque  un  temps.  Le  sentiment  de 
la  mesure  ternaire  du  temps  musical  nous  est  aussi  naturel  que  celui 
de  la  mesure  binaire,  et  résulte  aussi  de  notre  organisation. 

Les  musiciens  n'admettent  comme  simples  que  les  mesures  à  quatre 
temps,  à  deux  et  à  trois,  dont  chaque  temps  est  représenté  par  une 
blanche  ou  par  une  noire.  Toutes  les  autres  mesures,  bien  qu'elles 
soient  nécessairement  ou  binaires  ou  ternaires,  sont  considérées  comme 
composées.  Cette  fausse  notion  de  composition  de  mesures  provient  de 
ce  qu'il  y  en  a  dans  lesquelles  les  fractions  de  la  ronde  sont  combinées 
de  telle  sorte,  qu'il  y  a  ,  par  exemple,  dans  les  cases  formées  par  les 
barres  verticales,  six ,  neuf  ou  douze  quarts,  six  ,  neuf  ou  douze  hui- 
tièmes, etc.,  de  la  ronde,  ce  qui  excède  ou  n'atteint  pas  la  somme  de 
l'entier  considéré  comme  unité  de  mesure,  et  détruit  conséquemment 
l'idée  de  simplicité  attachée  à  celte  unité  factice.  Par  cela  même,  on  se 
persuade  que  les  mesures  de  cei  le  espèce  sont  composées. 

Si  l'on  eût  compris  qu'il  n'y  a  pas  d'autre  unité  dans  la  mesure  que 
le  temps  ou  le  coup  ;  que  la  notion  de  cette  unité  est  indépendante  de 
toute  idée  de  signe  et  de  notation;  enfin,  qu'elle  se  combine  par  deux 
ou  par  trois,  en  raison  du  caractère  de  la  musique,  on  aurait  vu  que 
les  mesures  indiquées  par  C  ou  h,  (p  ou  2,  ou—,  sont  des  combinai- 
sons binaires  de  temps  divisés  par  des  fractions  binaires;  que  les  me- 
sures indiquées  par  -~  •—  jj"  ~  y  et  7-.  ne  sont  que  aes  combinai- 
sons binaires  de  temps  divisés  par  des  fractions  ternaires  ;  que  celles  qui 
sont  indiquées  par  —,  —  et  -  sont  des  combinaisons  ternaires  de 

i  i  2    '   k  8 

temps  divisés  en  fractions  binaires;  et,  enfin,  que  celles  qui  sont  in- 
diquées par  —  —  et  —,  sont  des  combinaisons  ternaires  de  temps 
divisés  en  fractions  ternaires.  Tel  est  en  réalité  le  système  de  la  mesure 
du  temps  en  musique;  système  qui  ne  permet  pas  la  confusion  à  l'é- 
gard de  mesures  formées  en  apparence  de  valeurs  semblables  de  du- 
rée, et  qui  néanmoins  se  divisent  d'une  manière  différente ,  comme 
—  et  —  —  et  —  —  et  —  ;  car  on  voit  que  toutes  les  mesures  qui 
ont  6  pour  numérateur  appartiennent  à  des  combinaisons  binaires  de 
temps  divisés  par  fractions  ternaires,  tandis  que  celles  dont  le  numé- 
rateur est  3,  appartiennent  à  la  division  ternaire  de  temps  subdivisés 
par  des  fractions  binaires.  Ainsi,  dans  la  mesure  à  -,  il  y  a  six  croches 
comme  dans  la  mesure  à  -  ;  mais  clans  la  première,  les  six  croches 
sont  divisées  en  deux  temps  de  trois  croches  chacun  ;  et  dans  la  me- 
sure à-,  ces  six  croches  sont  divisées  en  trois  t.mps  de  deux  cro- 
ches  chacun.  Le  mouvement  étant  semblable,  il  semblerait  au  premier 
aspect  que  l'effet  des  six  croches  dût  être  identique  dans  les  deux  me- 
sures, à  l'égard  du  sentiment  musical  ;  mais  il  n'en  est  point  ainsi,  car 
l'accentuation  nous  empêche  de  confondre  l'une  avec  l'autre.  Dans  la 
mesure  à  —,  X accent  frappe  sur  la  première  croche  de  trois  en  trois, 
et  nous  sommes  sous  l'impressio.i  de  la  grande  division  binaire  de 
temps  ;  dans  la  mesure  à  —,  l'accent  porte  sur  la  première  croche 
de  deux  en  deux,  et  nous  sentons  impérieusement  la  division  ternaire. 
Mais  qu'est-ce  que  l'acceat?  L'accent  est  de  deux  espèces.  Celui  de 
la  première  est  une  intonation  de  la  voix  par  laquelle  les  êtres  animés 
expriment  leurs  passions,  leurs  affections,  leurs  sentiments  ;  l'autre  est 
une  force  active  qui  donne  l'impulsion  à  nos  mouvements  et  qui  se 
fait  sentir  dans  le  langage  de  tous  les  peuples;  force  répandue  dans 
toute  l'organisation  du  monde  physique,  et  à  l'action  de  laquelle  nous 
ne  pouvons  nous  soustraire.  C'est  cette  derinère  espèce  d'accent  qui  se 


DE  PAP.IS. 


291 


combine  avec  les  divisions  du  temps  et  avec  les  diversités  de  mouve- 
ments pour  constituer  ce  qu'on  nomme  le  rhythme.  On  lui  donne  com- 
munément le  nom  de  temps  fort.  I)  se  fait  sentir  par  instinct  au  temps 
frappé  des  mesures  et  sur  la  première  d'un  groupe  de  deux,  de  trois, 
de  quatre  ou  de  six  notes  égales  ou  inégales  en  durée  ;  à  moins  que  le 
rhythmo  ne  soit  à  contre-temp>,  ainsi  que  cela  sera  expliqué  plus  loin. 
La  régularité  du  retour  de  l'accent  fort  est  ce  qu'on  appelle  cadence, 
dans  le  sens  le  plus  étendu.  Cette  cadence  se  fait  sentir  dans  la  poésie, 
dans  la  danse,  dans  le  tambour  qui  règle  la  marche  des  soldats,  dans 
le  frappement  du  marteau  des  forgerons  qui  battent  le  fer  sur  l'en- 
clume, et  jusque  dans  l'allure  du  cheval.  C'est  elle  qui  met  tous  nos 
mouvements  en  équilibre.  Elle  n'est  donc  pas  une  invention  de  l'homme  ; 
mais  elle  n'est  pas  imposée  à  l'artiste  d'une  manière  fatale,  car  c'est 
son  génie  qui  en  détermine  la  forme  et  qui  en  règle  le  retour.  L'accent, 
d'où  naît  la  cadence,  n'est  donc  pour  l'imagination  de  l'artiste  qu'un 
élément  de  son  art,  comme  la  tonalité,  l'harmonie  des  sons,  les  combi- 
naisons du  temps,  le  mouvement  et  l'intensité. 

L'intensité,  dont  je  viens  de  parler,  et  que  certains  théoriciens  ont 
confondue  avec  l'accent,  diffère  de  celui-ci  en  ce  que  l'accent  propre- 
ment dit  est  une  détermination  de  l'organisation  physique,  tandis  que 
l'intensité  ,  immensément  variée  dans  ses  nuances  ,  est  l'expression 
idéale  du  sentiment  dont  le  compositeur  est  animé.  Les  nuances  de 
l'intensité  sont  sans  doute  la  source  d'une  infinité  d'accents  ;  mais  ces 
accents,  qui  dans  tous  les  cas  ne  dépendent  que  de  l'imagination,  ren- 
trent souvent  dans  la  catégorie  de  ceux  qui  ont  pour  but  l'expression 
des  affections  de  l'âme.  Comme  le  temps  et  le  mouvement,  l'intensité 
est  un  des  éléments  du  rhythme  et  peut  en  varier  les  effets  à  l'infini. 

Nous  voici  en  possession  de  tous  les  éléments  de  cette  partie  de  la 
musique  qu'on  désigne  sous  le  nom  de  rhythme  ;  il  ne  me  reste  plus 
qu'à  expliquer  en  quoi  celui-ci  consiste.  Le  rhythme  est  la  symétrie  de 
la  durée,  du  mouvement  et  de  l'accent  (1).  Cette  symétrie  peut  s'établir 
de  deux  manières,  à  savoir  :  dans  les  temps  de  la  mesure,  et  dans  le 
nombre  de  mesures  qui  entrent  clans  la  formation  des  phrases  et  des 
périodes.  Non-seulement  le  rhythme  de  temps  peut  se  combiner  avec 
le  rhythme  phraséologique  et  périodique;  mais  plusieurs  rhythmes  dif- 
férents de  temps  se  font  souvent  entendre  simultanément  dans  les 
combinaisons  de  voix  et  d'instruments. 

Le  rhythme  de  temps  est  binaire  ou  ternaire,  en  raison  des  néces- 
sités de  la  pensée  du  compositeur.  Il  est  formé  de  temps  égaux,  ou 
inégaux ,  ou  d'une  combinaison  des  uns  avec  des  autres.  Si  ces  temps 
sont  égaux,  le  rhythme  peut  produire  des  sensations  différentes  par  la 
division  binaire  ou  ternaire  de  la  mesure,  à  cause  de  la  différence  du 
placement  de  l'accent.  Prenons,  par  exemple,  le  rhythme  égal  de 
noires  ou  de  croches',  qui  est  souvent  employé  dans  l'accompagnement 
de  la  mélodie  ou  dans  la  mélodie  elle-même  :  l'impression  sera  très- 
différente,  si  la  mesure  est  binaire,  comme  : 

4i  i  i  r  r  ir  r  ir  ri 

ou  si  elle  est  ternaire,  comme  : 

\  r  r  r  I  r  r  r  i  r  r  r  \?  u  r 

Dans  le  premier  exemple,  l'accent  se  fait  sentir  de  deux  en  deux 
temps  ;  dans  le  second,  il  frappe  de  trois  en  trois.  Il  n'est  pas  de  mu- 
sicien qui  ne  sache  l'énorme  différence  qui  existe  dans  l'impression  de 
ces  deux  rhythmes.  Cette  différence  se  multiplie  par  les  nuances  de  la 
lenteur  ou  de  la  vitesse  du  mouvement.  Appliquez  aux  deux  exemples 
précédents  seulement  les  différences  de  X  adagio,  de  Y  allegretto  et  du 
pieslo,  et  vous  reconnaîtrez  que,  restant  ou  binaires  ou  ternaires,  les 
rhythmes  lent ,  modéré  ou  pressé  des  temps  égaux  n'ont  aucune  ana- 
logie de  caractère. 

Cette  remarque  me  paraît  importante  pour  dissiper  une  erreur  ac- 

(1)  Cette  définition,  que  je  crois  complète,  ne  convient  qu'au  rhythme  de  la  mu- 
sique ;  le  rhythme  de  la  poésie  est  beaucoup  plus  ;  impie.  On  s'est  trompé  quand  on 
a  cru  que  la  même  définition  pouvait  convenir  a  deux  choses  très-différentes. 


créditée  jusqu'à  ce  jour.  Si  l'on  en  croit  les  savants  auteurs  de  la  plu- 
part des  traités  du  mètre  et  du  rhythme  de  la  poésie  antique,  le  rhythme 
est  exactement  le  môme  que  celui  de  la  musique;  car,  disent- ils, 
les  pieds  poétiques  sont  tous  construits  dans  les  mesures  binaires 
et  ternaires;  leur  rhythme  est  ou  égal  ou  inégal,  et  leur  mécanisme 
a  pour  base  la  différence  des  durées  longues  et  des  durées  brèves  ; 
enfin ,  la  symétrie  est  la  loi  qui  règle  l'arrangement  de  ces  pieds 
dans  la  formation  des  vers.  Ces  savants  prétendaient  aussi  que  les 
pieds  poétiques  renferment  tous  les  mouvements  rhylhmiqucs  possi- 
bles ;  car  le  spondée  est  le  rhythme  à  temps  égaux  et  long?,  comme  : 
vEne  |  as  jam  |  etc.  ;  on  le  représente  dans  la  notation  de  la  musique  par 

f  ?  |f  f  |  °U  f  f  |  f  f  |  ;  lo  dactyle  est  le 
mouvement  rhythmique  composé  d'une  durée  longue  suivie  de  deux 
brèves,  comme  dans  ce  fragment  d'un  vers  de  Virgile  : 

Qua  data  |  porta  ru  |  unt,  etc. 

qu'on  noterait  ainsi  : 

e     o  o  I  a     p  p  |  o     etc. 

I    U  1 1    u  I,  I 

L'anapeste  est  l'inverse  du  dactyle,  car  il  est  composé  de  deux  du- 
rées brèves  suivies  d'une  longue;  tels  sont  les  mots  latins  faciès, 
pueros,  et  les  mots  français  souvenir,  charité  dont  la  notation 
musicale  est  '^j    |       J  LJ    \       \ 

Les  auteurs  dont  je  parle  prétendent  que  la  syncope  musicale  n'est 
que  le  pied  poétique  appelé  amphibraque ,  comme  aperta,  docere 
qu'on  noterait  ainsi  :  f    ?     f    \f    f     f     etc 

Tous  ces  pieds  poétiques  représentent,  dans  l'opinion  dont  je  parle, 
les  différentes  formes  possibles  du  rhythme  dans  la  mesure  binaire. 
Quant  aux  rhythmes  de  la  mesure  ternaire,  on  les  trouve  dans  le  tro- 
chée, composé  d'une  durée  longue  suivie  d'une  brève,  comme  musa 
forma,  dont  la  notation  est  J  t  |  {  f  letc.  et  dans  V iam.be, 
qui  est  l'inverse  du  trochée,  c'est-à-dire  qui  est  composé  d'une  durée 
brève  suivie  d'une  longue,  et  dont  la  notation  est  f.  f  f  f  |ctc" 
Il  y  a  encore  le  tribraque,  composé  de  trois  brèves  qu'on  pourrait  re- 
présenter par  trois  croches  de  la  mesure  à  —  d'un  mouvement  vif, 
et  le  moloste,  qui  serait  exprimé  par  trois  noires  de  la  mesure  à  — 
d'un  mouvement  lent. 

A  l'égard  de  Vamphimacre,  dont  la  forme  est  composée  de  deux  du- 
rées longues  séparées  par  une  brève  ;  du  bacchius,  formé  d'une  durée 
brève  suivie  de  deux  longues,  et  dapa/imbacchius,  qui  en  est  l'inverse, 
étant  composé  de  deux  durées  longues  suivies  d'une  brève,  ce  sont  des 
mesures  à  cinq  temps  qui  n'ont  pas  d'emploi  dans  la  musique,  et  qui 
sont  en  quelque  sorte  antipathiques  au  sentiment  de  cet  art,  à  moins 
qu'on  ne  les  considère  sous  un  aspect  particulier  dont  je  parlerai  dans 
la  suite. 

A  l'examen  de  tous  ces  pieds  poétiques,  nous  voyons  qu'ils  ne  sont 
composés  que  de  deux  valeurs  de  durée,  à  savoir,  le  temps  et  le  demi- 
temps,  ou  si  l'on  veut,  du  temps  double  et  du  temps  simple,  et  consé- 
quemment  qu'ils  sont  dépourvus  de  toutes  les  autres  valeurs  de  temps 
musicaux  qui  mettent  une  immense  variété  dans  le  rhythme  de  la  mu- 
sique, par  exemple  celui-ci  : 

Cetautre:    f     f  Ç\(     f  .  -jj  |  f     f   .f|f    - 

\  r  L/ip  r  u\f  eic- 

et  beaucoup  d'autres. 

Si  nous  examinons,  en  outre,  les  vers  grecs  et  latins,  nous  voyons 
que  leur  harmonie  n'admet  pas  le  rhythme  tel  que  nous  le  concevons 
dans  la  musique  ;   car  cette  harmonie  exige  une  combinaison  élégante 


292 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


de  pieds  divers,  tels,  par  exemple,  que  le  spondée  et  le  dactyle  dans 
l'hexamètre.  L'affectation  de  l'emploi  prolongé  d'un  de  ces  pieds  ne  se 
trouve  pas  dans  les  bons  poëtes,  et  l'on  a  toujours  considéré  comme 
dénués  de  grâce  les  vers  tels  que  celui-ci  d'Ennius  : 


Spartis  |  hustis  |  longis  |  cumpos  |  splondet   et  |  horret  | 

à  cause  de  l'usage  obstiné  du  spondée.  Le  vers  harmonieux  était  celui 
dans  lequel  les  divers  pieds  s'enchaînaient  avec  grâce,  comme  : 

Arma  vï  |  rumque  ca  |  no  Tro  |  jœ  qui  |  primus  ab  |  oris  | 

Les  six  pieds  dont  se  composent  ces  deux  hexamètres  sont  égaux,  étant 
tous  deux  de  deux  temps;  mais  le  premier  est  lourd  et  sans  grâce,  et 
l'autre  est  d'une  élégance  remarquable.  Cependant  le  premier  donne  le 
sentiment  d'un  rhythme  musical  binaire  à  durées  égales,  tandis  qu'il 
n'y  a  point  de  trace  d'un  rhyLhme  soutenu  dans  l'autre. 

La  loi  de  la  poésie  antique,  c'est  le  mètre  et  non  le  rhythme  ;  car  le 
mètre  est  la  mesure  sans  symétrie,  et  le  rhythme  est,  comme  je  l'ai 
dit,  la  symétrie  dans  la  mesure  et  le  mouvement.  Il  est,  en  effet,  im- 
possible qu'il  y  ait  symétrie  dans  une  poésie  où  le  nombre  des  syllabes 
varie  en  raison  du  nombre  de  spondées,  de  dactyles  ou  d'anapestes  qui 
entrent  dans  la  formation  des  vers.  Dans  le  vers  d'Ennius,  rapporté 
ci-dessus,  nous  trouvons  treize  syllabes;  dans  celui  de  Virgile  il  y  en  a 
quatorze.  La  poésie  des  langues  modernes  est  dépourvue  du  mètre  ; 
mais  elle  est  susceptible  de  rhythme  parce  qu'elle  est  syllabique.  On 
trouvera  dans  mon  Traité  de  la  mélodie  et  du  rhythme  l'indication  des 
moyens  par  lesquels  on  peut  la  perfectionner  dans  le  genre  lyrique,  en 
lui  donnant  les  diverses  formes  du  rhythme  musical. 

Il  est  évident,  d'après  l'analyse  précédente,  que  l'abbé  Baini  s'est 
trompé  lorsqu'il  a  écrit  une  dissertation  pour  prouver  que  le  rhythme 
de  la  poésie  chantée  des  anciens  était  identiquement  le  même  que  celui 
de  la  poésie  moderne.  Vossius  (1),  Bonesi  (2),  Scoppa  (3),  M.  Lurin  (4), 
et  beaucoup  d'autres,  ont  partagé  la  même  erreur.  Ainsi  que  je  l'ai  dit 
dans  mon  Résumé  philosophique  de  l'histoire  de  la  musique,  le  mètre 
de  la  poésie  antique  absorbait  le  rhythme  musical,  tandis  que  le 
rhythme  de  la  musique  moderne  absorbe  souvent  les  défauts  de  symé- 
trie de  notre  versification. 

FÉTIS  père. 
{La  suite  au  numéro  prochain.) 

REVUE  CRITIQUE. 

BEETTIÏ©VEiV,   PAKSEROX  et  DA1VCLA. 

Depuis  près  de  deux  cents  ans  on  fait  des  pièces  de  théâtre  avec 
celles  de  Molière,  comme  il  en  faisait  lui-même  sur  celles  de  Ménandre, 
Plaute,  Térence  ;  de  même  qu'on  s'inspire  de  Beethoven  depuis  un 
demi-siècle  pour  faire  toute  sorte  de  musique,  et  même  pour  arranger 
la  sienne.  Ses  concertos  pour  le  piano,  admirables  solos,  sont  aussi  de 
fort  belles  symphonies  qui  ne  sont  pas  assez  connues,  attendu  qu'il  est 
difficile  pour  la  plupart  des  pianistes  de  pouvoir  disposer  d'un  orches- 
tre complet  pour  faire  jouir  un  public  vraiement  musical  de  l'audition 
de  cette  partie  importante  des  œuvres  du  grand  symphoniste.  Le  cé- 
lèbre Moschelès  a  pensé  avec  raison  que  le  piano  est  un  excellent  ré- 
sumeur  de  toute  musique  d'ensemble  et  à  grand  orchestre,  et  il  a 
fondu,  arrangé  pour  piano  seul  tous  les  concertos  qu'a  écrits  Beethoven 
pour  cet  instrument. 

Voici  venir  M.  Panseron,  l'artiste  consciencieux  et  laborieux  que 
vous  savez,  le  théoricien  solfégiste  par  excellence,  qui,  contrarié  de 
voir  les  concertos  de  Beethoven  réduits  à  leur  plus  simple  expression 
intrinsèque,  a  cru  devoir  ajouter  une  partie  de  second  piano  à  l'arren- 

(1)  De  Puematum  cantu  et  virihus  rhythmi.  Oxonii,  in-12. 

(2)  Traité  de  la  mesure,  ou  de  la  Uicision  du  temps  dans  la  musique  et  dans 
lapotsie.  Paris,  180C,  in-8". 

(3)  Les  vrais  principes  de  la  versification,  otc.  Paris,  1811-1814,  3  vil  in-8". 
(li)  Eléments  du  rhythme  dans  la  wry'Jicatwn  et  la  prose  françaises.  Lyon, 

1850,  1  vol.  in-8°. 


gement  Moschelès,  un  piano  ripieno  chargé  de  représenter  les  accom- 
pagnements de  l'orchestre,  et  qui  laisse  à  la  partie  principale  toute  la 
liberté  de  son  allure.  Cette  réduction,  qu'on  peut  appeler  une  addi- 
tion, est  faite  avec  le  scrupule  artistique  et  le  savoir,  et  le  soin  qui  dis- 
tinguent M.  Panseron  dans  tout  ce  qu'il  écrit.  L'œuvre  arrangée  ainsi 
est  le  fameux  concerto  en  ut  mineur. 

Nous  n'entrerons  pas  dans  l'analyse  de  ce  morceau  si  connu;  c'est, 
comme  on  le  sait,  un  des  chefs-d'œuvre  de  Beethoven.  Rien  n'égale 
l'énergique  franchise  de  la  première  partie,  la  suavité  du  laryo,  et  l'es- 
prit du  final.  Jamais  on  n'a  tiré  un  parti  plus  spirituel  d'un  motif.  Le  des- 
sin de  ce  thème  est  varié  de  la  façon  la  plus  ingénieuse  et  la  plus  origi- 
nale. Les  cadenze  introduites  dans  ce  concerto  comme  dans  les  autres 
par  Moschelès  ont  été  conservées  par  le  nouvel  arrangeur,  et  ne  con- 
tribuent pas  peu  au  brio  de  ces  morceaux  classiques,  dont  l'exécution 
est  devenue  possible  par  l'adjonction  de  ce  piano  d'accompagnement. 
Puisqu'on  trouve  maintenant  un  piano  dans  toute  arrière-boutique  de 
marchand,  et  jusque  dans  les  loges  de  concierge,  il  serait  bien  éton- 
nant qu'on  ne  trouvât  pas  deux  de  ces  instruments,  qui  sont  à  la  musi- 
que de  concert  ce  qu'est  le  pain  pour  tout  repas,  dans  un  appartement 
distingué  Le  troisième  concerto  de  Beethoven,  arrangé  ainsi  pour  deux 
pianos,  fera  sentir  l'impérieuse  nécessité  de  cette  augmentation  du  mo- 
bilier musical. 

Un  de  nos  excellents  violonistes,  M.  Charles  Dancla,  s'est  également 
senti  inspiré  des  pensées  de  Beethoven  et  de  Weber.  Par  un  souvenir 
de  ces  deux  illustrations  musicales,  il  a  récemment  lancé  dans  le  monde 
artistique  et  amateur  une  charmante  fantaisie  pour  piano  et  violon,  qui 
ne  peut  qu'obtenir  beaucoup  de  succès  parmi  ceux  qui  la  joueront  et 
ceux  qui  l'écouteront.  C'est  la  valse  si  passionnée  du  Désir,  et  l'une 
des  belles  et  féeriques  mélodies  d'Obéron,  qui  font  les  frais  de  cette 
charmante  fantaisie  ;  puis,  M.  Dancla  a  encore  écrit  et  pubiié  un  fort 
joli  morceau  intitulé  Elégie  et  barcarolle,  aussi  pour  le  violon  ,  avec 
accompagnement  de  piano,  qui  plaît  beaucoup,  soit  qu'il  l'exécute  lui- 
même  ou  qu'il  soit  dit  par  Mme  Antoinette  Bédier,  charmante  créole, 
son  élève,  à  qui  cette  œuvre  est  dédiée.  Sa  troisième  fantaisie  est  aussi 
un  solo  de  concert  que  tous  les  violonistes  de  France,  de  Navarre  et  de 
beaucoup  d'autres  lieux  ont  adopté  pour  se  produire  en  public,  attendu 
qu'ils  sont  certains  de  leur  effet  en  exécutant  ce  morceau  brillant.  La 
quatrième  corde,  montée  d'un  ton  plus  haut,  c'est-à-dire  au  la,  donne 
une  sonorité  brillante  à  la  corde  sol,  qui  est  d'un  très-bon  effet. 

La  publication  de  ces  divers  morceaux  n'a  été  pourl'auteur  qu'une 
distraction  artistique  pendant  la  confection  de  sa  méthode  de 
violon,  ouvrage  consciencieux  et  basé  sur  une  longue  expérience  de 
l'auteur  dans  la  pratique  et  l'enseignement  de  l'art  déjouer  du  vio'on, 
et  qui  vient  de  paraître.  Celte  méthode  résume  on  ne  peut  mieux  les 
manières  de  Baillot,  Rode  et  Kreutzer,  ces  trois  derniers  représentants 
de  la  belle  école  française.  Excellents  conseils  sur  la  tenue  du  violoniste 
sous  les  armes;  toutes  les  variétés  des  évolutions  de  l'archet;  enfin  une 
foule  d'autres  qualités  que  nous  n'avons  pas  assez  de  place  ici  pour  si- 
gnaler aux  amateurs  du  violon,  et  sur  lesquels  nous  reviendrons  plus 
tard,  font  de  cette  méthode  un  des  bons  ouvrages  sur  l'enseignement 
du  violon. 

Henri  BLANCHARD. 


CONCERT  DONNÉ  PAR  DUPREZ 

A  L'ISLE-ADAM. 

Les  échos  d'alentour  retentissent  encore  des  bravos  que  ce  concert 
a  soulevés.  Duprez,  le  grand  artiste,  était  là,  jouant  le  triple  rôle  d'or- 
ganisateur, de  compositeur  et  de  chanteur.  Il  avait  pour  adjoints  Guey- 
mard,  Chapuis,  Morelli,  Verroust,  Caroline  Duprez,  sa  charmante 
fille;  Mlles  Poinsot  et  Félix  Miolan,  ses  anciennes  élèves.  Le  pro- 
gramme ne  comptait  pas  moins  de  quinze  morceaux,  tous  de  musique 


DE  PARIS. 


293 


vocale,  excepté  les  deux  solos  exécutés  par  Verroust  sur  son  hautbois 
magique,  tous  accompagnés  par  Duprez  ou  par  Panseron. 

Dire  quel  est  l'artiste  ou  le  morceau  qui  a  produit  lcplusd'effetserait 
difficile,  s'il  n'y  cùteu  le  grand  trio  bouffe  des  ténors  sérieux.  Figurez- 
vous  trois  ténors  de  province  se  rencontrant  à  Paris  après  une  heu- 
reuse campagne  théâtrale,  tout  couverts  de  lauriers  de  Carpentras,  de 
Brives-la-Gaillarde  et  autres  fameuses  cités.  Chacun  d'eux,  fier  de  son 
succès,  veut  faire  comme  le  corbeau  de  la  fable,  et  pour  montrer  sa 
belle  voix,  il  ouvre  un  large  bec...  !  Le  premier,  Chapuis,  chante  l'air 
de  Jérusalem  ;  le  second,  Duprez,  l'air  de  la  Juive  ;  le  troisième,  Guey- 
mard,  la  cabaletta  du  duo  de  Guillaume  Tell:  «  O  Malhilde,  idole 
de  mon  âme.  »  Tandis  que  l'un  des  trois  chante,  les  deux  autres  l'ac- 
compagnent tout  bas  de  leurs  sarcasmes.  Ils  disent  de  Gueymard  : 

Quel  exécrable  chanteur! 
Brailler  ainsi,  quel  malheur! 

Ils  disent  de  Duprez  : 

Sa  voix  n'est  pas  belle, 
Et  ses  sons  tremblants 
Montrent  la  ficelle  : 
Il  se  met  dedans. 

Et  comme  jamais  le  grand  artiste  n'avait  entonné  avec  plus  de  puis- 
sance la  phrase  célèbre  :  «  Dieu  m'éclaire,  etc.,  »  un  éclat  de  fou  rire 
a  salué  l'observation,  d'autant  plus  comique  qu'elle  tombait  si  mal  à 
propos.  Cette  scène,  très-spirituelle  et  très-amusante,  fait  beaucoup 
d'honneur  à  Duprez  qui  en  est  l'auteur.  Tout  le  monde  aurait  voulu 
l'entendre  une  seconde  fois,  mais  sa  longueur  y  mettait  obstacle. 

Le  boléro  de  Joanila,  chanté  par  Caroline  Duprez,  est  aussi  un  des 
morceaux  qui  ont  ravi  l'auditoire. 

400  billets  avaient  été  placés  par  les  dames  patronesses  ou  pris  au 
bureau.  Les  pauvres  de  l'Isle-Adam  et  de  Valmondois  auront  donc 
fait  une  excellente  affaire.  Après  le  concert,  Duprez  a  reçu  le  titre  de 
conseiller  municipal  de  sa  commune.  Le  public  était  venu  de  dix  lieues 
à  la  ronde,  et  dans  l'affluence  on  avait  remarqué  une  brillante  caval- 
cade partie  des  environs  de  Montmorency.  Voilà  une  fête  qui  en  pro- 
met bien  d'autres  :  chacun  se  donnait  rendez-vous  à  l'an  prochain. 

P.  S. 


CORRESPONDANCE. 

Berlin,  1"  septembre  1852. 

Un  correspondant  qui ,  pendant  quatre  mois,  est  tantôt  malade,  tantôt 
en  voyage,  et  tantôt  à  la  campagne,  comme  en  ce  moment,  ne  mérite  plus 
ce  titre,  à  vrai  dire;  toutefois,  il  cherche  à  le  reconquérir,  puisque  voilà 
l'hiver  qui  approche.  De  temps  à  autre,  je  quitte  les  régions  sereines  et 
paisibles  de  la  vie  des  champs  pour  me  plonger  dans  le  tourbillon  de  la 
capitale.  Des  événements  de  quelque  importance  me  décident  à  quitter  ma 
retraite.  Un  des  plus  importants,  mais  qui  est  en  même  temps  fort  triste, 
c'est  le  départ  de  Roger.  Cet  artiste  aimé  et  fêté,  qui  ne  s'est  fait  que  des 
amis,  des  amis  chauds  dans  le  monde  musical,  parmi  ses  camarades,  et  en 
général  dans  toule  la  ville,  a  fait  ses  adieux  au  pubic  de  Berlin  dans  le  rôle 
de  George  Brown,  de  la  Dame  Blanche-,  Huit  jours  auparavant,  Roger  nous 
avait  fait  entendre  la  Farorile,  opéra  de  Donizetti ,  qui  jusque-là  nous 
était  resté  inconnu;  le  succès  en  a  été  grand  pour  l'acteur,  plus  que  pour 
l'ouvrage.  Il  faut  convenir  néanmoins  que  Donizetti  a  jeté  un  vêtement  élé- 
gant et  gracieux  sur  le  tragique  personnage,  pour  lequel  sa  musique  est  un 
vrai  manteau  de  charité  chrétienne.  Si  cette  statue,  avec  sa  grâce  d'em- 
prunt ,  est  placée,  par  une  exécutiou  convenable  et  en  partie  excellente, 
sur  un  piédestal  qui  la  fasse  valoir,  elle  ne  peut  manquer  de  produire  une 
impression  profonde.  Mme  Strantz,  jeune  cantatrice  dont  la  voix  a  de  fort 
belles  cordes  dans  les  régions  basses,  a  contribué,  après  Roger,  au  succès 
de  la  Favoi  ile.  Mais  la  soirée  d'hier  appartient  tout  entière  à  Roger.  Après 
nous  avoir  fait  admirer  l'énergie  passionnée  de  son  chant  dans  le  rôle 
chevaleresque  d'Edgard,  par  le  charme  irrésistible  et  la  verve  spirituelle 
qu'il  a  déployée  dans  Georges  Brown,  Roger  a  conquis  les  cœurs  de  tow. 
Les  rappels,  les  salves  d'applaudissements,  les  pluies  de  bouquets  et  de 
couronnes,  les  bravos  de  tout  genre  se  succédaient  sans  interruption.  Tel 
a  été  le  dernier  et  le  plus  brillant  triomphe  du  célèbre  artiste,  qui  nous 
quitte  tout  resplendissant  de  gloire.  Ce  qui  vaut  peut-être  autant,  il  em- 


porte en  nous  quittant  l'affection  de  ses  admirateurs  ;  son  instruction , 
ses  manières  distinguées,  sa  cordiale  bienveillance,  lui  ont  concilié  tous 
les  cœurs. 

l'uisse-t-il  nous  revenir  l'année  prochaine  1 

La  cantatrice  suédoise  llertha  de  Westerstrand  doit  débuter  la  semaine 
prochaine  par  le  rôle  d'Amina  dans  la  Somnambule.  Nous  pouvons  pro- 
mettre un  brillant  succès  à  la  jeune  débutante. 

L.  RELLSTAR. 


Liège,  2G  août  1652. 

La  Société  du  Casino  a  donné  récemment  un  concert  qui  avait  réuni  un 
auditoire  nombreux  et  choisi.  Il  s'agissait  de  faire  une  démonstration  sym- 
pathique à  un  jeune  compatriote,  le  pianiste  Dupont,  d'Ensival,  qui,  après 
avoir  visité  l'Angleterre,  revenait  de  l'Allemagne,  où  les  plus  beaux  succès 
lui  ont  été  prodigués.  Mlle  Vercken,  notre  excellente  cantatrice,  et  M.  Du- 
puis,  professeur  de  violon  au  Conservatoire,  ont  participé  à  cette  solen- 
nité, dans  laquelle  on  les  a  fêtés  comme  de  coutume.  Mais  le  favori  de  la 
soirée  a  été  M.  Dupont  :  les  salves  réitérées  d'applaudissements  qu'il  a  re- 
çues le  lui  ont  prouvé  :  l'ovation  a  été  complète.  Il  a  d'abord  rendu  les 
Illustrations  du  Prophète,  de  Liszt,  de  telle  sorte  que  Liszt  même  n'aurait 
pas  désavoué  son  interprète.  11  a  ensuite  exécuté  des  morceaux  de  sa  com- 
position, une  pastorale  avec  un  effet  en  tremulo-slarcato,  une  sérénade  et  un 
(,a!op  fantastique.  —  Ce  qui  caractérise  l'exécutant,  c'est  la  beauté 
du  son  qu'il  tire  du  piano,  sa  manière  de  phraser,  son  style  distingué; 
Son  jeu  est  en  même  temps  gracieux  et  correct ,  et  son  exécution  aisée, 
puissante,  large  et  originale,  et,  de  plus,  exempte  d'exagération  dans  les 
mouvements  et  de  charlatanisme  dans  les  poses.  —  Quant  aux  compo- 
sitions de  M.  Dupont ,  elles  sont  bien  rhythmées  et  modulées  ;  la  mélodie 
et  l'harmonie  en  sont  généralement  heureuses,  et  une  grande  clarté  les 
rehausse 

Depuis  vingt-cinq  ans,  notre  Conservatoire  royal  s'est  acquis  une  répu- 
tation méritée  que  plusieurs  des  virtuoses  qu'il  a  produits  ont  même  por- 
tée au  delà  de  nos  frontières.  Aussi  l'intérêt  qu'on  attache  à  son  enseigne- 
ment musical  attire  toujours  aux  concours  annuels  une  grande  affluence 
d'amateurs.  Les  concours  à  huis  clos  de  solfège  ont  ouvert  la  série  le 
31  juillet  ;  elle  s'est  terminée,  le  7  août ,  par  les  concours  publics  qui  ont 
nécessité  quatre  séances. 

Pour  les  concours  ordinaires,  les  classes  d'harmonie  et  de  contre-point 
et  fugue,  de  trombone  et  de  bugle,  n'ont  fourni  aucun  prétendant;  depuis 
longtemps  déjà,  les  deux  premières  paraissent  ne  pas  vouloir  donner  signe 
d'existence  ;  les  classes  de  trompette,  de  cornet  à  pistons,  de  cor,  d'o;  hi- 
cléide,  de  hautbois,  de  clarinette,  de  flûte,  de  violoncelle  et  de  contre- 
basse, n'ont  présenté  rien  de  remarquable  ;  la  classe  de  basson  s'est  assez 
bien  posée  ;  quant  à  la  classe  de  littérature  française,  elle  est  vacante  de- 
puis deux  ans. 

La  lutte  entre  les  élèves  des  quatre  classes  de  violon,  des  deux  classes 
de  piano  et  des  deux  classes  de  chant,  a  principalement  fixé  l'attention  des 
auditeurs. 

Plusieurs  nominations  ont  été  réparties  entre  les  violonistes,  savoir: 
un  premier  prix  à  M.  Malherbe,  élève  de  M.  Frère,  et  un  premier 
prix  avec  distinction  à  M.  Mozin,  élève  de  M.  Dupuis  :  ce  dernier  vain- 
queur, s'il  persévère,  prendra  place  à  côté  des  violonistes  distingués  que 
notre  école  a  formés.  Quelques-uns  des  champions  ont  exécuté  la  Fantai- 
sie-caprice, de  Vieuxtemps,  et  les  autres,  le  septième  concerto  de  De  Bériot. 

Pour  le  piano,  classe  des  femmes,  le  concerto  en  la  bémol,  de  Hummel, 
op.  113,  a  valu  le  premier  prix  à  Aille  Jacquemin,  élève  de  M.  Jalheau.  — 
Dans  la  classe  des  hommes,  des  premiers  prix  ont  été  remportés  par 
MM.  Ghymers  et  d'Archambeau,  élèves  de  M.  Ledent,  et  par  M.  Libert, 
élève  de  M.  Jalheau.  Ces  concurrents,  dans  le  deuxième  concerto  de  Kalk- 
brenner,  ont  principalement  fait  preuve  de  fermeté  et  de  vigueur. 

Pour  le  chant,  le  contingent  des  femmes  était  très-faible.  L'une  d'elles, 
musicienne  estimable,  mais  que  la  nature  n'a  pas  pourvue  d'une  bonne 
voix,  est  parvenue  au  premier  prix.  — Cette  condition  première  ne  faisait 
pas  aussi  complètement  défaut  pour  la  classe  des  hommes.  M.  Ledent,  élève 
de  M.  Géraldy,  a  mérité  le  premier  prix  dans  une  'ocalise  et  dans  l'air  de 
Joseph,  de  Méhul,  qu'il  a  chantés  avec  goût  et  méthode  :  il  a  une  voix  de 
ténor  agréable,  peu  puissante  encore.  M.  Wéry,  élève  de  .M.  Terry,  bary- 
ton à  la  voix  pleine  et  assez  sonore,  a  obtenu  un  second  prix  (rappel  de 
l'an  dernier).  Les  deux  autres  seconds  prix  ont  été  trop  facilement  accordés. 

Venaient  ensuite  les  concours  supérieurs,  ouverts  seulement  aux  anciens 
lauréats,  premiers  prix  des  concours  ordinaires.  Dans  cette  catégorie,  ils 
sont  tenus  de  réunir  au  talent  qu'ils  possédaient  déjà,  l'expression,  le  mé- 
canisme, enfin  ce  qui  constitue  l'artiste  d'élite.  Ont  été  jugés  tels  ou  à  peu 


29a 


REVUE   ET  GAZE7 


MUSICALE 


près  :  M.  Tricot,  flûtiste,  dans  une  fantaisie  de  Boëhm  ;  Mlle  Piette,  dans 
une  scène  d'Otello  et  dans  l'air  de  Giralda;  Mlle  Charlier,  dans  l'air  du 
premier  acte  de  Lucie  et  dans  celui  du  FreischuU  ;  l'une  et  l'autre  canta- 
trices, élèves  de  M.  Géraldy  ;  et  Mlle  Frère,  violoniste,  élève  de  son  frère, 
dans  le  quatrième  concerto  de  De  Bériot,  t  ù  elle  a  déployé  une  hardiesse 
et  un  brio  d'exécution  dignes  d  éloges.  La  médaille  d'argent  a  été  dé- 
cernée à  chacun  de  ces  lauréats. 

On  remarquait  parmi  les  membres  du  jury,  présidé  par  SI.  Daussoigne- 
Méhul,  MM.  Snel  et  Wéry,  du  Conservatoire  de  Bruxelles,  et  le  violoniste 
Léonard,  notre  compatriote. 

P.  L.  Z. 


NOUVELLES. 

*„*  Demain  lundi  à  l'opéra  le  Juif  errant  pour  la  rentrée  de  Boger  et  de 
Massol. 

_%*  Lundi  dernier,  la  Farorit.  a  encore  été  l'occasion  d'un  triomphe 
pour  l'admirable  voix  de  Mme  Tédesco  :  Gueymard  et  Morelli  n'ont  pas 
moins  brillé  auprès  d'elle. 

%*  Jérusalem,  l'opéra  de  Verdi,  toujours  en  quatre  actes,  mais  allégé 
de  danses  et  d'un  changement  à  vue  final,  a  reparu  mercredi  dernier.  La 
seule  nouveauté  que  présentât  l'ouvrage,  était  dans  la  distribution  des 
rôles.  Chapuis  y  succédait  à  Duprez,  Depassio  à  Alizard,  Mlle  Poinsot  à 
Mme  Julian.  Les  trois  jeunes  artistes  ont  fait  de  leur  mieux  et  déployé 
beaucoup  de  talent  dans  des  rôles  difficiles.  Jérusalem  a  encore  été  donné 
vendredi.  La  première  fois,  le  spectacle  se  terminait  par  la  Vivandière,  et 
la  seconde  par  le  premier  acte  de  la  Péri,  joli  ballet  dans  lequel  Mlle 
Plunkett  est  charmante. 

***  Roger  nous  est  revenu  depuis  quelques  jours,  et  ce  n'est  pas  sans 
peine  qu'il  a  pu  rompre  les  chaînes  d'or  et  de  fleurs  avec  lesquelles  on 
voulait  le  retenir  à  Berlin.  Les  succès  qu'il  a  obtenus  en  Allemagne  sont 
absolument  sans  exemple. 

*„,*  Massol  s'était  promis  de  consacrer  cette  année  tout  le  temps  de  son 
congé  au  repos,  et  il  s'est  tenu  parole.  11  vient  de  passer  un  mois  dans 
une  propriété  qu'il  possède  aux  environs  d'Etretat  sur  le  bord  de  la  mer. 

*t*  On  annonce  pour  mardi  prochain  à  l'Opéra- Comique,  la  première 
représentation  du  Père  (Jadlard.,  l'ouvrage  en  trois  actes  de  MM.  Sauvage 
et  Reber. 

***  Hier,  samedi,  a  eu  lieu  la  réouverture  du  Théâtre-Lyrique  (ancien 
Opéra-National).  Dimanche  prochain,  nous  rendrons  compte  de  l'ouvrage 
en  trois  actes,  Sij'étais  roi,  de  MM.  Dennery  et  Adolphe  Adam,  qui  doit 
encore  être  joué  ce  soir,  mais  avec  une  troupe  différente. 

%*.  Alexandre  Billet,  le  pianiste  distingué,  qui  depuis  quelques  années 
s'est  établi  à  Londres,  vient  d'arriver  à  Paris,  où  il  se  propose  de  rester 
quelques  jours,  pour  se  rendre  ensuite  dans  nos  principales  villes  du 
Midi. 

***  M.  Bazzini,  le  charmant  violoniste,  n'a  fait  que  passer  à  Paris,  ve- 
nant de  Boulogne-sur-Mer  et  allant  à  Laval,  où  il  est  engagé  pour  le  festi- 
val qui  doit  y  avoir  lieu,  et  où  de  nouveaux  succès  l'attendent. 

*„*Mlle  Ida  Bertrand,  la  célèbre  cantatrice,  dont  le  talent  a  été,  comme 
toujours,  l'un  des  principaux  soutiens  du  théâtre  de  Sa  Majesté  â  Londres, 
a  quitté  cette  ville  pour  Paris. 

%*  Dans  un  concert  d'adieu  donné  à  Bordeaux  par  l'acteur  et  chanteur 
distingué,  Barielle,  Mlle  Sarah  Danhauser  a  fort  bien  chanté  deux  airs  du 
Juif  errant,  ce  qui  lui  a  mérité  les  bravos  de  tout  l'auditoire. 

***  Le  jeune  violoniste  Léon  Reynier  est  de  retour  à  Paris  après  une 
brillante  tournée  en  Bretagne. 

*„*  Mme  de  Lagrange  est  Paris  en  ce  moment.  Tout  fait  espérer  qu'on 

saura  la  garder  dans  cette  ville. 
*„*  M.  Van  der  Heyden,  l'habile  violoncelliste,  est  de  retour  à  Paris, 
_  après  avoir  joué  avec  succès  devants.  A.  R.  Mme  la  duchesse  de  Berry,  à 

Venise,  à  la  cour  de  Turin,  et  donné  un  concert  à  la  Scala,  de  Milan. 
ta  >[***  Mlle  Darboville,  pianiste  fort  distinguée,  qui  était  venue  se  reposer 
r  pendant  quelques  jours  à  Paris  des  travaux  de  son  enseignement  à  Slar- 
,  seille,  s'est  fait  entendre  à  son  passage  à  Lyon  dans  une  réunion  d'artistes 

£t,/d:amateurs.    La  jeune  artiste,  dont   le    talent    rappelle  celui   de 

Mme'  Pleyel,  a  produit  beaucoup  d'impression  en  exécutant  plusieurs 
'mor'ceaù'i  d'une  grande  difficulté  sur  deux  superbes  pianos  d'Erard  et  de 
95>fépi.91"' 

,-  A*' Le  ténor  Lagrave  s'est  fait  entendre  le  jour  de  l'Assomption  dans 
r  église  de  liloiitmélian,  et  l'on  a  pu  admirer  sa  voix  sympathique  et  tou- 
•'châht'è1,'  ^'laquelle  les  eaux  du  pays  ont  rendu  toute  sa  pureté. 

*„!*  «os  lecteurs  se  rappellent  l'impression  qu'avaient  produite  les  jeunes 
'ïrères'  Laprét,  lors  de  leur  première  audition  à  Paris.  ,Ces  deux  artistes 
"sont  de 'retour; 'nous  les  avons  entendus  tous  les  deux  dans  une  réunion 
,;d'e  famille  à  la  salle  dès  concerts  des  artistes-musiciens,  et  nous  avons  pu 


juger  de  leurs  progrès  remarquables.  Nous  ne  doutons  pas  que,  cet  hi- 
ver, dans  les  soirées  et  dans  les  concerts,  ils  n'achèvent  de  se  faire  une 
réputation  que  leur  talent  sérieux  et  leurs  qualités  brillantes  ne  peuvent 
manquer  de  justifier. 

%*  Une  erreur  s'est  glissée  dans  le  compte  rendu  du  concours  musical 
de  Villeneuve-sur  Yonne  (voyez  notre  dernier  numéro).  Il  y  est  dit  que  : 
n  Les  corps  de  musique  de  Champignolles,  de  Montereau,  de  Toucy  et  de 
»  Villeneuve-Saint-Goorges,  malgré  des  mérites  réels,  ont  été  battus  par 
»  leurs  heureux  rivaux  de  Sens,  Villeneuve  sur  Yonne  et  Auxerre.  »  Nous 
devons  constater  au  contraire  que  le  corps  d'harmonie  de  Villeneuve- 
Saint  Georges,  dont  M.  Charles  de  Dez  est  le  clref,  a  obtenu  un  premier 
prix,  consistant  en  une  médaille  de  vermeil. 

CRON1QUE    DÉPARTEMENTALE. 

***  Boulogne-sur-Mer,  27  septembre.  —  La  Société  philharmonique  a 
donné  hier  un  magnifique  concert  avec  Mlle  Caroline  Duprez.  A  chacune 
de  ses  apparitions  la  jeune  cantatrice  a  été  accueillie  par  un  enthousiasme 
croissant,  et  Duprez,  l'illustre  maître,  était  là  au  piano,  jouissant  double- 
ment du  triomphe  de  sa  fille  et  de  sa  digne  élève!  Ce  triomphe  s'est  ma- 
nifesté par  des  applaudissements  sans  fin,  par  des  rappels,  des  bouquets 
et  une  couronne  offerte  à  la  brillante  virtuose,  après  le  boléro  de  Joanita, 
qu'elle  a  dit  de  manière  à  ravir  tout  l'auditoire.  Mlle  Duprez  a  aussi  chanté 
la  cavatine  de  Lucia,  l'air  de  la  Sonnimbula,  et  deux  charmantes  ro- 
mances :  la  Petite  fleur  et  le  Secret  surpris,  dont  Duprez  est  l'auteur.  Dans 
ce  concert  figuraient,  pour  la  partie  instrumentale,  deux  artistes  de  la  lo- 
calité. Mlle  Blahetka, pianiste  supérieure,s'estfaitvivementapplaudirdans 
une  polonaise  de  sa  composition  et  dans  la  fantaisie  sur  Mois  ,  de  Thal- 
berg,  qu'elle  a  dite  avec  la  distinction  qui  la  caractérise  et  le  talent  ma- 
gistral du  créateur  de  cette  œuvre  grandiose.  M.  Chardard,  qui  joue  de  la 
flûte  comme  Bazzini  joue  du  violon,  a  fait  entendre  une  fantaisie  sur  un 
air  allemand  de  Boëhm,  et  des  variations  sur  Malborough.  Ce  dernier  mor- 
ceau, dans  le  genre  du  Carnaval  de  Venise,  a  mis  en  relief  toutes  les  qua- 
lités de  l'artiste  :  ausri  a-t-il  été  couvert  d'applaudissements  et  rappelé  aux 
acclamations  de  la  salle  entière. 

***  Bognèr-s-di-l.uchm. — Notre  ville  a  été  cette  année  le  rendez-vous 
de  la  haute  aristocratie,  c'est  surtout  hier  au  concert  de  Mlle  Guénée  que 
nous  avons  pu  en  juger.  Le  nom  de  l'artiste  avait  eu  seul  le  pouvoir  de 
réunir  dans  un  même  salon,  des  princesses  royales,  des  duchesses,  et 
nos  plus  jolies  femmes  du  grand  monde.  Pendant  deux  heures  entières, 
Mlle  Guénée  a  su  tenir  son  auditoire  sous  le  charme.  Sa  fantaisie  sur  la 
Favoite,  ses  Moissonneurs  et  son  galop  de  bravoure  ont  été  redemandés. 
%*  Tioumlle-w-Mer.  —  Un  très-beau  concert  a  été  donné  par  Mme  Sa  - 
batier  et  M.  Lecieux,  et  les  nombreux  visiteurs  de  notre  belle  plage  ont 
vivement  applaudi  la  première  dans  l'air  des  Moufquetaires  de  la  Reine,  et 
M.  Lecieux  dans  sa  belle  fantaisie  sur  le  Duc  d'Olonne,  M.  Charles  John,  le 
pianiste  de  l'intimité,  cédant  aux  sollicitations  de  ses  amis,  a  fait  entendre 
dans  le  même  concert  ses  gracieuses  compositions.  Son  succès  a  été  aussi 
grand  que  légitime,  succès  qui  l'attend  partout  où  il  voudra  se  faire  en- 
tendre. 

CHRONIQUE     ÉTRANGÈRE. 

*„.*  Londres,  2  septembre.  —  Le  théâtre  italien  de  Covent-Garden  a 
terminé  sa  saison.  Ouvert  le  27  mars,  il  a  fermé  le  1"  septembre. 
68  représentations  ont  été  données,  savoir  :  kit  d'abonnement,  19  extra- 
ordinaires, et  3  (lundi,  mardi  et  mercredi  derniers)  â  prix  réduits.  11  n'y 
a  eu  que  deux  matinées,  celle  de  Mme  Anderson,  et  une  autre  donnée  par 
l'administration.  Le  répertoire  s'est  composé  comme  il  suit  :  Guillaume 
Tell,  joué  k  fois.  Il  Barbier?,  1.  O.ello,  1.  Sjnnairi'ula,  1.  Nomia,  2.  Puri- 
tani,5.  MaiadiRoUan,^.  1  Marliri,  5.  LucreziaBoryia,5.  Elisir  d'amore,  <l. 
Lucia  di  Lammermuor,  \.  Ernani,  1.  Don  Giovanni,  1.  Il  Flauto  magico,  3- 
La  Juive,  2.  Robtri  le  D.abl*-,  3.  Le*  Huguenot',  11.  Le  Prophète,  7.  Pietro  il 
Grande,  li.  On  remarquera  que  le  répertoire  du  grand  Opéra  de  Paris  a 
fourni  3/i  représentations,  la  moitié  juste  du  total.  Les  nouveautés,  qui  se 
réduisent  à  trois,  ont  eu  peu  de  succès.  1  Marliri  n'ont  réussi  qu'à  cause 
de  Mme  Jullienne  et  de  Tamberlick;  Fau<:>,  que  par  l'estime  qu'on  porte 
au  compositeur,  qui  lui-même  dirigeait  son  ouvrage,  rietro  il  Grande  a  fait 
un  fiasco  complet  le  premier  jour.  Vainement  on  a  tenté  par  des  coupures 
el  autres  moyens  de  relever  l'ouvrage  :  l'opinion  publique  s'est  prononcée 
contre  la  musique  de  Jullien,  qui  n'est  que  la  parodie  de  beaucoup  d'au- 
tres musiques.  Du  bruit,  du  bruit  et  toujours  du  bruit.  Les  recettes  de  la 
saison  ont  été  bonnes,  mais  les  dépenses  accablantes,  par  suite  d'engage- 
ments inutiles  et  du  procès  Wagner. 

*t*  Hanovre,  27  août.  —  Le  nouveau  théâtre  de  la  Cour,  dont  la  con- 
struction vient  d'être  achevée,  sera  inauguré  le  1er  septembre  prochain 
par  la  première  représentation  en  cette  ville  du  Prophète,  de  Meyerbeer. 
Aux  deux  premières  répétitions  de  cet  ouvrage,  les  dix-huit  cents  places 
que  contient  le  nouveau  théâtre  étaient  toutes  occupées  par  des  militaires 
de  la  garnison  que  l'on  y  avait  introduits  afin  de  juger  de  l'effet  de  la  mu- 
sique lorsque  la  salle  est  entièrement  pleine. 

Bade,  2  septembre.  —  Le  lion  de  la  saison  est  décidément  Vieuxtemf  s. 


I)K  PARIS. 


295 


Son  premier  concert  a  eu  lieu  vendredi  dernier,  et  son  succès  a  été  py- 
ramidal. Le  volume  de  son  qu'il  tire  de  son  violon,  et  surtout  sa  qualité, 
ont  produit  un  très  grand  effet  sur  le  nombreux  et  élégant  auditoire  qui 
assistait  à  cette  soirée  dans  le  joli  salon  des  Qeurs.  Il  faut  dire  aussi  que 
ses  compositions  sont  pour  beaucoup  dans  le  succès.  Vieuxtemps  réunit 
l'élégance  et  l'énergie,  et  dès  le  premier  coup  d'archet  on  s'aperçoit  qu'il 
sait  maîtriser  l'orchestre.  Demain  aura  lieu  son  deuxième  concert,  qui, 
sans  nul  doute,  sera  suhi  encore  de  plusieurs  autres.  M.  Amat  chantait 
dans  le  premier  de  jolies  romances  do  sa  composition,  entre  autres  son 
fameux  Petit  oiseau,  qui  ont  fait  le  plus  grand  plaisir.  Cette  semaine  nous 
avons  entendu  exécuter  dans  un  salon  particulier  deux  trios  pour  piano  , 
violon  et  violoncelle,  de  P.osenhain  et  Beethoven,  par  Vieuxtemps,  Ro- 
senliain  et  Cossmann.  Le  trio  de  Iiosenhain  était  inédit,  et  c'est  vraiment 
un  petit  chef-d'œuvre  de  grâce  et  de  mélodie;  le  scherzo,  que  les  artistes 
ont  été  obligés  de  répéter,  pourrait  être  signé  Beethoven  ou  llummel  ; 
c'est  une  création  tellement  remarquable,  que  lorsque  ce  trio  sera  gravé. 
nous  lui  prédisons  le  succès  du  fameux  trio  de  Mayseder,  ou  du  grand 
trio  de  llummel.  Ce  morceau  était  suivi  du  trio  de  Beethoven,  œuvre  97e. 
Bien  souvent  nous  avons  entendu  dire  par  des  grands  artistes  cette  admi- 
rable création,  mais  jamais  avec  un  entrain  et  un  ensemble  pareil. — 
Parmi  les  nombreux  concerts  qui  ont  eu  lieu  récemment,  il  faut  citer  en 
première  ligne  celui  de  Cossmann,  qui  avait  attiré  une  nombreuse  et 
brillante  société.  Le  bénéficiaire  a  fait  entendre  une  nouvelle  fantaisie  sur 
des  thèmes  de  la  Juive,  un  nocturne  de  Chopin  arrangé  par  lui  pour  le 
violoncelle ,  et  une  canzonfita  napoHtun  •.  Le  jeu  de  Cosmann  est  bril- 
lant et  correct  ;  il  tire  beaucoup  de  son  de  son  instrument  et  le  traite  en 
grand  artiste.  Depuis  son  départ  de  Paris  il  a  fait  des  progrès  notables,  et 
certes  on  doit  le  placer  maintenant  en  première  ligne  parmi  les  violon- 
cellistes de  grand  talent.  Le  charme  et  le  sentiment  élevé  qu'il  a  mis  dans 
Y  Ave  Maria,  de  Schubert,  l'ont  obligé  à  répéter  ce  morceau,  le  dernier 
du  concert,  que  tout  le  monde  trouvait  trop  court. —  Levassor  a  donné 
deux  soirées,  et  là,  comme  partout,  il  a  fait  pouffer  de  rire  le  nombreux 
public  attiré  par  son  nom. 

%*  Vienne.  —  Le  Prophète  exerce  toujours  la  même  puissance  attractive 
sur  le  public  ;  à  la  dernière  représentation  du  chef-d'œuvre,  la  salle  était 
comble.  Ander  s'est  fait  applaudir  dans  le  rôle  de  Jean  de  Leyde.  —  On 
va  mettre  à  l'étude  Ondine,  opéra  nouveau  de  M.  Lvoff,  qui  sera  représenté 
avec  un  grand  luxe  de  décors  et  de  costumes. 

%*  Dresde,  27  août,  à  l'occasion  du  congrès  d'archéologues  et  d'histo- 
riens allemands  qui  vient  d'être  tenu  sous  la  présidence  du  prince 
Jean  de  Saxe,  on  a  donné  un  festival  dont  le  programme  se  composait 
entièrement  d'ouvrages  anciens,  savoir:  Chant  grégorien  (vi°  siècle); 
Hymne  à  la  sainte  Vierge,  par  Michel  Praetorius  ,  de  Creutzbergen  ,  en 
Thui'inge  .'1572)  ;  Motet  dePa'estrina  (1S52)  ;  Madrigal,  par  Thomas  Morby 
(16i2)  ;  Chant  populaire,  de  Lemblin  (1637)  ;  deux  Chants  de  fête,  par  Jean 
Eccard  (1571)  ;  la  Tassion,  oratorio  en  latin,  de  Henri  Schutz,  de  Koertritz 
(158A).  Toute  la  famille  royale  honorait  de  sa  présence  cette  solennité 
musicale,  à  laquelle  assistaient  aussi  nos  sommités  artistiques  et  litté- 
raires. Toutes  les  compositions  que  nous  avons  citées  ont  été  applaudies 
avec  la  plus  grande  faveur  par  le  public  d'élite  que  le  festival  avait  attiré. 

*„*  Madrid,  23  août.  —  Une  société  de  capitalistes  qui  vient  de  se  for- 
mer, sollicite  du  gouvernement  l'autorisation  de  créer  un  nouveau  théâ- 


tre lyrique  destiné  exclusivement  à  la  représentation  d'opéras  de  compo- 
siteurs nationaux  et  de  traductions  d'opéras  de  compositeurs  étrangers, 
autres  que  ceux  d'Italie.  On  espère  que  cette  autorisation  sera  accordée, 
à  cause  des  progrès  que  le  goût  de  la  musique  fait  de  plus  dans  toutes 
les  classes  de  la  population  de  Madrid  11  en  est  de  même  en  province.  A 
Grenade,  Ronconi  fait  fureur  :  on  lui  donne  1,2(10  piastres  (ù, 200  fr.)  par 
représentation.  Le  public  de  Xerès-la-Frontera  a  offert  à  Mme  Monté- 
négro une  couronne  de  laurier  en  argent,  et  un  bracelet  orné  de  pierre- 
ries de  la  valeur  de  12,000  réaux  (3,150  fr.).  A  Cordoue,  où  le  pianiste 
Gottschalk  venait  de  donner  une.  série  de  dix-huit  concerts,  la  munici- 
palité est  allée  le  trouver  au  moment  où  il  allait  partir,  pour  le  supplier 
de  donner  encore  un  concert  Gottschalk  y  a  consenti,  et  le  concert  a  pro- 
dnit  une  recette  de  16,500  réaux  (4,23i>  fr.),  dont  l'artiste  a  fait  don  aux 
établissements  de  charité  de  la  ville. 


Le  gérant  :  Ernest  IjESCHAMPS. 


En  vente  chez  BRAN  DUS  et  £>,   400,  rue  liirhelicu , 


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Le  vieux  l'iqirur,  quadrille 
Follette,  polka-mazurka  .  . 
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A.    PANSERON 

Che-atier  de  la  LCgion-d' Honneur,  professeur  au  Conservatoire. 
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RUE      RICHELIEU,      103. 


MAMEE  GENERAL 


MUSIQUE  MILITAIRE 

A  L'USAGE  DES  ARMÉES  FRANÇAISES, 
comprenant; 

1°  L'esqui  se  d'une  histoire  de  la  musique  militaire  chez  les  différents 
peuples,  depuis  l'antiquité  jusqu'à  nos  jours; 

2°  La  nouvelle  organisation  instrumentale  prescrite  par  l'ordonnance  mi- 
nistérielle du  19  août  18/i5; 

3°  La  description  et  la  figure  des  instruments  de  M.  Adolphe  Sax  ; 

Zi"  Quelques  instructions  pour  la  composition  et  l'exécution  de  la  musique 
militaire. 


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Dissertations  et  recherches  historiques,  philosophiques,  littéraires  et 
musicales  sur  les -divers  monuments  de  ce  genre  qui  existent  ou  qui  ont 
existé  tant  en  France  qu'à  l'étranger, 

ACCOMPAGNÉES   DE 

LA    DANSE    MACABRE 

Grande  ronde  vocale  et  instrumentale,  paroles  d'Edouard  THIERRY, 

ET   DYNE   SUITE    DE   PLANCHES   REPRÉSENTANT   DES    SIJETS  TIRÉS 
D'ANCIENNES   DANSES  DES   MORTS, 

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296 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS. 


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—  Bergère  châtelaine  (la) 

—  Chaperons  blancs  (les) 

—  Cheval  de  Bronze  (le) 

—  Diamants  de  la  couronne  (les) 

—  Dieu  et  la  Bayadère  jle).    .  

—  Domino  noir  (le) 

—  Duc  d'Olonne  (le) 

—  Enfant  prodigue  (1') 

—  Fiancée  (la) 

—  Fra  Diavolo 

—  Gustave  ou  le  Bal  masqué 

—  Haydée  ou  le  Secret 

—  Lac  des  Fées  (le) 

—  Lestocq 

—  Muette  de  Portici  (le) 

—  Part  du  Diable  (la) 

—  Philtre  (le) 

—  Serment  ou  les  faux  Monnayeurs  (le) 

—  Sirène  (la) 

—  Zanetta 

—  Zerline  ou  la  Corbeille  d'oranges 

BAZIN.  Malheur  d'être  jolie  (le) 

—  Trompette  de  M.  le  Prince  (le) 

BEK'HIO*  i:\.  Chasse  (la) 

—  Coriolan 

—  Egmont 

—  Fidelio 

—  Prométhée 

—  Roi  Etienne  (le) 

BERLIOZ.  Benvenuto  Cellini 

—  Carnaval  romain  (le) 

boubgks  (M.).  Sultana 

DoaiiZEirrï.  Favorite  (la) 

LES  VIOLONS  CONDUCTEURS  DE  CHAQUE 


COHIS.  Diable  à  Séville  (le) 12 

—  Portefaix  (le) 15 

niLÉVT.  Artisan  (1') 12 

—  Charles  VI 15 

—  Dame  de  Pique  (la) 20 

—  Dilettante  d'Avignon  (le) 12 

—  Eclair  (1') 15 

—  Fée  aux  Roses  (la) 24 

—  Guitarrero  (le) - 15 

—  Juive  (la) 24 

—  Juif  errant  (le) 24 

—  Langue  musicale  (la) 12 

—  Mousquetaires  de  la  reine  (les) 24 

—  Prométhée  enchaîné  (en  partition) 18 

—  Reine  de  Chypre  (la) 15 

—  Shérif  (le) 15 

—  Treize  (les) 15 

—  Val  d'Andorre  (le) 24 

HÉROLU.  Pré  aux  Clercs  (le) 18 

EABARRE.  Deux  familles  (les) 18 

LOUS   (N.).  Marie-Thérèse 20 

BIÉUUE.  Chasse  du  jeune  Henri   (la) 12 

UEIVDElssouiv.  Songe  d'une  nuit  d'été  (le) 15 

NEYERBEEK.  Huguenots  (les) 24 

—  Robert  le  Diable 15 

—  Struensée 25 

AICOLO.  Billet  de  loterie  (le) 12 

—  Cendrillon 12 

—  Jeannot  et  Colin 12 

—  Joconde 12 

—  Rendez-vous  bourgeois  (les) 12 

PRÉVOST  (E.).  Cosimo 15 

ROSS1NI.  Guillaume  Tell 24 

—  Robert  Bruce 18 

—  Siège  de  Corinthe  (le) 18 

—  Stabat  Mater 18 

SPOIVTIN1.  Olympie 15 

WEBEH.  Eurianthe 15 

—  Freischùtz 15 

—  Oberon 15 

—  Invitation  à  la  valse  (!'),  orchestrée  par  Berlioz  ....  24 


BUREAUX  A  PARIS  :  BOULSVA3T  DES  ITALIENS,  1. 


19e  Année. 


[\«  37. 


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Sassetti. 


12  Septembre  1852. 


i-i-i\  «le  i 'Abonnement  i 


Départements,  Belgique  '•!  Su  sse  .  .      ,  .     30 
Étranger 34 


Le  Journal  purolt  le  Dimanche 


GAZETTE  MUSICALE 


./wV\Af©©®£J\A/W/v — 


SOMMAIRE.  —  Du  développement  futur  de  la  musique  dans  le  domaine  du 
rhythme  (3'  article),  par  IKctis  père.  —  Théâtre  de  l'Opéra-Comique,  le  Père. 
GaiUar  ■',  opéra  comique  en  trois  actes,  libretto  de  M.  Sauvage,  partition  de 
M.  Reber  (première  représentation),  par  2tt-ni-i  Blanrlianl.  —  Réouverture 
du  Théâtre-Lyrique,  Si  j'étais  roi,  opéra  comique  en  trois  actes,  paroles  de 
M.  Dennery,  musique  de  M.  Ad.  Adam,  par  M.  lB<-qu<»t.  —  Littérature  musi- 
cale, Dictionnaire  des  beaux-arts,  par  F.  Blalvvy.  —  Bibliographie,  Essais  sur 
la  typographie,  d'Ambroise-Firmiu  Didot  |2'  article).  —  Nouvelles  et  annonces. 


LU  DEVELOPPEMENT  FUTUR  DE  LÀ  MUSIQUE 

Dans  le   (lointaine  du  rliytlime. 

(3e  article)  (l). 

Le  rhythme  dans  la  mesure,  sa  forme  étant  donnée,  est  susceptible 
de  variétés  très-remarquables  sur  lesquelles  l'attention  des  artistes  ne 
me  paraît  pas  s'être  fixée  jusqu'à  ce  jour,  et  qui,  réunies  à  diverses 
modifications  du  rhythme  phraséologique  dont  je  parlerai  dans  la  suite, 
doivent  ouvrir  un  champ  plus  vaste  à  l'imagination  des  compositeurs. 

Je  vais  essayer  d'indiquer  en  quoi  consistent  ces  variétés. 

Je  suppose  cette  forme  : 

Allegro. 


020   a 
LU  II 


m 


H 


cctfir  r  rcffir 

Le  caractère  de  ce  rhythme  résulte  évidemment  de  ce  que  les  trio- 
lets sont  placés  aux  temps  pairs  des  mesures,  c'est-à-dire  aux  temps 
levés.  Supposons  maintenant  qu'après  avoir  été  entendus  sous  cette 
forme,  et  après  une  interruption  incidente,  on  les  fasse  entendre  aux 
temps  impairs,  c'est-à-dire  au  premier  et  au  troisième  temps ,  de 
cette  manière  : 

cûstff  Idrrrr  Idttùit  Irîrrr ri 

On  comprend  que  l'impression  sera  très-différente,  et  qu'il  y  aura 
dans  celte  mutation  d'un  même  rhythme  et  d'une  même  phrase  carac- 
térisée de  deux  manières  différentes,  une  émotion  de  surprise  sur  l'au- 
ditoire. Il  en  sera  de  même  si  la  mutation  se  fait  ainsi  : 

ç'tdrr  rlr  dit  rlr  dit  cirlr  dit  rir  i 

Si  le  rhythme  est  moins  simple,  et  s'il  se  compose  de  plusieurs  élé- 
ments, l'effet  des  mutations  de  ce  genre  sera  plus  sensible  encore.  Sup- 
posons celui-ci  : 

Allegro. 


Il  est  fac.le  de  comprendre  que  l'énergique  caractère  d'une  phrase 
construite  sur  ce  rhythme  se  transformera  en  un  caractère  brillant, 
mais  moins  ferme,  si  la  phrase  commence  au  temps  levé  de  cette  ma- 
nière : 

A llegro. 


IL/lf 


r 


e  \ê  .  e 


LJ 


U±J\ 


1 1  lhj  i  r 


Si  faible  que  soit  l'organisation  musicale  de  quiconque  sera  placé 
sous  l'impression  de  ces  deux  rhylhmes ,  en  apparence  semblables 
quant  à  la  valeur  des  notes,  il  me  paraît  à  peu  près  impossible  que  l'é- 
norme différence  entre  l'attaque  au  temps  frappé  ou  au  temps  levé  ne 
soit  pas  sentie,  et  qu'on  ne  comprenne  pas  la  variété  qui  peut  être  ti- 
rée de  la  mutation  de  ces  deux  rhythmes. 

Il  me  semble  nécessaire  de  prévenir  ici  un  malentendu,  et  d'empê- 
cher qu'on  ne  donne  un  sens  erroné  à  ce  que  je  viens  de  dire.  Les  mu- 
tations dont  je  viens  de  parler  ne  sont  applicables  qu'aux  rhythmes 
très-déterminés  ;  car  si  le  rhythme  ne  se  caractérise  que  par  la  corres- 
pondance des  phrases,  la  mélodie  ne  pourrait  changer  de  temps  à  son 
entrée  sans  perdre  son  charme  et  sans  être  gauche.  On  peut  en  voir  la 
preuve  dans  ce  motif  d'un  amiante  de  Haydn  : 


Cette  mélodie,  commencée  au  temps  levé,  tomberait  partout  à  faux 
et  perdrait  tout  son  charme  si  elle  était  écrite  de  cette  manière  : 


TFr^ 


S±=tS 


£ 


:H^=±^r^ê^MEgïL 


wmw 


(1)  Voir  les  n01  35  et  36 


Le  compositeur  intelligent  et  bon  musicien  ne  se  trompe  pas  sur  le 
temps  de  la  mesure  par  où  commence  sa  phrase  ;maisil  en  est  qui,  non- 
obstant un  heureux  instinct  de  mélodie,  ne  saisissent  qu'avec  diffi- 
culté le  véritable  sentiment  rhythmique  du  temps  levé  et  du  temps 
frappé.  Tel  était  Bellini,  le  plus  ignorant  des  compositeurs  qui"  se  sont 
fait  un  nom,  mais  un  des  plus  heureusement  doués,  dans  de  certaines 
limites.  Ses  amis  les  plus  intimes  m'ont  dit  que  pendant  qu'il  écrivait 
les  Puritains,  à  Paris,  il  était  souvent  incertain  de  la  mesure  des  mé- 
lodies qu'il  imaginait  ;  circonstance  assez  vraisemblable  par  la  multi- 
tude de  gaucheries  dont  ses  partitions  sont  remplies.  Avant  que  l'étude 
de  la  musique  devînt  en  quelque  sorte  universelle,  il  n'était  pas  rare 
de  voir  des  amateurs  en  qui  le  goût  de  cet  art,  et  même  un  sentiment 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


assez  vif  de  ses  beautés,  n'empêchaient  pas  qu'ils  ne  prissent  la  mé- 
lodie à  contre-temps,  et  qu'ils  ne  battissent  la  mesure  à  faux.  Battre 
la  mesure  à  faux,  ce  n'est  pas  être  dépourvu  du  sentiment  de  la  ré- 
gularité des  temps  :  on  peut  battre  très  régulièrement  la  mesure  en  la 
battant  à  faux  ;  on  se  trompe  seulement  sur  le  point  de  départ,  en  pre- 
nant pour  le  temps  frappé  ce  qui  est  au  levé  ou  le  contraire.  On  trou- 
vera dans  mon  Traité  du  rhythme  et  de  la  mélodie  le  moyen  analyti- 
que par  lequel  on  aura  la  certitude  d'éviter  cette  erreur.  Je  reviens  à 
mon  sujet. 

Le  rhythme  poétique  appelé  anapeste  est  susceptible  de  deux  formes 
en  musique,  tandis  qu'il  n'en  a  qu'une  dans  la  poésie  ;  car  on  sait  que 
les  vers  métriques  commencent  toujours  par  le  temps  frappé,  en  sorte 
que  l'anapeste  a  invariablement  cette  forme  : 

i  -  -  -  i  -  -  -  l 
ou  deux  brèves  suivies  d'une  longue  en  commençant  au  frappé.  Dans 
la  musique,  les  deux  brèves  peuvent  se  trouver  ou  au  temps  faible,  ou 
au  temps  fort,  ce  qui  produit  deux  rhythmes  très-différents,  à  cause 
du  déplacement  de  l'accent.  Mozart  a  fait  un  très-heureux  emploi  du 
premier  de  ces  rhythmes  dans  l'air  des  Noces  de  Figaro,  dont  les  pre- 
mières paroles  sont  :  Non  sàpiù  cosason,  cosaj'accio,  disposé  de  cette 
manière  : 

Vivace. 

*rtïr  fcrccirr  'tnrjcr  ccirr  ri 

Il  est  évident  que,  quelle  que  fût  l'inspiration  d'un  chant,  ce  chant 
aurait  un  caractère  absolument  différent  de  la  mélodie  de  Mozart  si  les 
deux  brèves  de  l'anapeste  tombaient  au  temps  frappé,  comme  dans  cet 
exemple  : 


\W 


II/! 


\0  O   0 


\9  s  g 


II/ 


Remarquez  que  cette  diversité  de  caractère  peut  se  multiplier  par 
toutes  les  nuances  de  lenteur  ou  de  vitesse  du  mouvement.  11  en  est 
de  même  à  l'égard  du  rhythme  dactyle,  qui  est  précisément  l'inverse 
de  l'anapeste.  Comme  ce  dernier  pied  poétique,  le  dactyle  n'est  suscep- 
tible que  d'une  forme  dans  la  poésie,  parce  que  la  longue  qui  précède 
les  deux  brèves  tombe  toujours  au  temps  frappé,  de  cette  manière  : 

l  -  »  ■■-  I  -•»  h  l 
tandis  que  dans  la  musique,  cette  longue  peut  être  entendue  au  temps 
frappé  ou  au  levé,  ce  qui  produit  deux  rhythmes  d'un  caractère  très- 
différent,  comme  on  peut  le  voir  dans  les  deux  exemples  suivants  : 


2  9 


Hir  ccir  jjif  r 


N°2. 


cf  icer ccr  irrrucrcçrir  mi 

Ainsi  que  dans  les  deux  formes  de  l'anapeste,  la  diversité  des  formes 
du  dactyle  peut  évidemment  se  multiplier  par  les  nuances  de  la  vi- 
tesse. Mais  il  est  une  source  de  variété  qui  ne  me  semble  pas  avoir  été 
aperçue  jusqu'ici ,  et  qui  pourrait  offrir  de  nouvelles  ressources  h 
l'imagination  :  elle  consiste  dans  le  passage  alternatif  d'une  forme  à 
l'autre  dans  chacun  de  ces  rhythmes.  Mozart  a  tiré  le  plus  heureux 
parti  de  la  succession  du  rhythme  anapestique  ou  dactylique,  dans  le 
rondo  de  Bon  Juan  :  Fin  che  dal  vino,  dont  la  disposition  est  celle-ci: 

Presto. 

2  «     s  a  \  a  o  e      \  o     p  p  \  e  a  0      letc. 


cciw  if  tnccr  ni 


:  De  même,  Beethoven  a  développé  les  trésors  de  son  imagination 
dans  le  passage  du  rhythme  dactylique  au  rhythme  spondaïque,  dans 
Mandante,  de  la  symphonie  en  la,  qui  se  présente  sous  cette  forme  :j|2 


îf  cci r  r  ir  Mit  t  ri 


Mais  ni  ces  hommes  illustres,  ni  aucun  autre  compositeur,  que  je 
sache,  n'a  essayé  de  prendre  alternativement  sa  phrase  basée  sur  ces 
rhythmes  caractérisés  tantôt  sous  la  forme  du  temps  frappé,  tantôt 
sous  celle  du  temps  levé;  alternative  de  laquelle  on  pourrait  tirer  des 
effets  très  originaux,  et  qui  n'attend,  pour  faire  briller  ses  richesses, 
que  l'inspiration  du  génie.  Vienne  l'homme  prédestiné,  et  l'on  verra 
ce  que  peut  produire  le  domaine,  inculte  jusqu'à  ce  jour,  de  la  muta- 
tion des  formes  du  rhythme.  N'oublions  pas  cependant  que  je  ne  suis 
encore  qu'à  l'entrée  de  ce  domaine,  et  faisons-le  mieux  connaître. 

Mon  analyse  ne  s'est  exercée,  dans  ce  qui  précède,  que  sur  le  sys- 
tème de  la  mesure  binaire;  je  n'en  ai  même  considéré  qu'un  très-petit 
nombre  de  formes,  parce  que  je  dois  me  borner  dans  ce  travail  à  de 
simples  indications.  J'ai  maintenant  à  faire  voir  que  les  mutations  d'un 
même  rhythme  ne  sont  ni  moins  riches,  ni  moins  remarquables  dans 
le  système  de  la  mesure  ternaire. 

Le  premier  rhythme  qui  se  présente,  le  plus  simple  de  tous,  est  ce- 
lui des  durées  égales.  11  est  susceptible  de  beaucoup  de  caractères  dif- 
férents, en  raison  des  nuances  du  mouvement,  et  l'on  en  pourrait  mul- 
tiplier les  exemples  ;  mais  je  n'ai  pour  objet  que  de  faire  voir  comment 
le  même  rhythme,  le  même  motif  mélodique  peut  nous  affecter  d'im- 
pressions très-diverses,  par  le  simple  changement  du  temps  par  lequel 
il  commence.  Prenons  pour  exemple  le  scherzo  de  la  symphonie  pas- 
torale de  Beethoven.  Tout  le  monde  le  connaît;  je  me  borne  donc  à  le 
rhythmer  : 


Vivace. 


fff 


|  g  b  0  |  a  s  0 

Mil  1 1  i  ! 


Rien  de  plus  léger,  de  plus  libre,  de  plus  en  train  que  ce  rhythme. 
Mais  supposons  qu'après  s'en  être  joué  avec  son  intarissable  fantaisie, 
Beethoven,  n'ayant  pas  à  peindre  la  scène  villageoise  et  l'orage  qui 
lui  inspirent  de  nouveaux  motifs,  eût  eu  à  faire  simplement  un  scherzo 
sans  objet  déterminé  et  sans  autre  plan  que  celui  de  développer ,  sous 
toutes  les  formes  possibles,  le  même  sujet;  n'est-il  pas  évident  que 
son  thème,  pris  tout  à  coup  au  temps  frappé,  au  lieu  du  levé,  lui  au- 
rait fait  produire  une  sensation  imprévue,  et  lui  aurait  fourni  le  moyen 
d'enfanter  une  multitude  de  combinaisons  nouvelles,  d'un  effet  original 
et  piquant.  Chacun  peut  s'en  convaincre  en  écrivant  ou  exécutant  le 
thème  de  Beethoven  sur  le  rhythme  suivant  : 

Viraçe.  etc. 

';  0  a  y  |  0  p  o  j  0  e  r  j  0  si  s  j  0  S  s  I  0  e  w  I  s  e  0  I  «  s  [! 

De  léger  badinage  qu'il  était  sous  sa  première  forme,  le  thème  de- 
vient, dans  l'autre  disposition,  une  attaque  ferme  et  décidée,  par  cela 
seul  que  l'accent  frappe  sur  la  première  note,  de  trois  en  trois.  Ce 
même  thème  changera  encore  de  caractère  si  le  début  est  au  deuxième 
temps  de  la  mesure  :  également  éloigné  de  la  légèreté  de  la  première 
forme  et  de  la  fermeté  de  la  seconde,  il  deviendra  gracieux  ,  élégant 
dans  celle-ci  : 

Va-ace.  elc. 

rrr irr rirrpii  r iif rriff r ir r rir rn 

Telle  est  la  puissance  de  la  place  de  l'accent  dans  la  disposition 
d'une  phrase  dont  le  rhythme  est  vigoureusement  caractérisé  par  le 
mouvement.  Les  exemples  suivants  nous  fourniront  des  effets  non 
moins  remarquables  dans  les  rhythmes  inégaux  de  la  mesure  ternaire. 

Deux  de  ces  rhythmes  sont  analogues  au  trochée  et  à  l'iambe  de  la 
poésie  antique  ;  mais  chacun  d'eux  est  susceptible  de  transformation  , 
en  raison  du  temps  par  où  il  commence,  tandis  que  le  trochée  et  l'iambe 
ont  chacun  une  forme  invariable,  commençant  toujours  au  frappé.  On 
sait  que  le  premier  de  ces  rhythmes  est  une  longue  suivie  d'une  brève; 
il  peut  se  présenter  dans  une  phrase  sous  cette  forme  : 


\  r 


DE  PARIS. 


299 


ou  sous  celle-ci  : 


*    9    9     \  0    fi    fi 

III      I  I     I     I 


Il  n'est  pas  nécessaire  que  j'insiste  pour  faire  voir  combien  l'effet  de 
ces  deux  formes  est  différent,  car  on  serait  même  tenté  de  les  considé- 
rer comme  des  rhythmes  étrangers  l'un  à  l'autre.  On  se  tromperait 
cependant  si  l'on  considérait  la  seconde  forme  comme  appartenant  à  la 
syncope  de  l'amphibraque ,  car  celle-ci  procède  de  la  mesure  binaire 
dans  celte  forme  : 


vï e  ri  r  r  r  I  r r  r 


Beethoven,  dont  le  génie  poétique  trouvait  souvent  ses  plus  beaux 
effets  dans  les  transformations  multipliées  de  sa  pensée  première,  aurait 
pu,  si  son  attention  s'était  fixée  sur  les  richesses  des  mutations  de  rhyth- 
mes, ajouter  aux  émotions  que  fait  naître  son  sublime  scherzo  de  la 
symphonie  en  ut  mineur,  au  moyen  des  deux  formes  du  rhythme  Iro- 
chaïque.  On  sait  que  le  thème  de  ce  scherzo  est  ainsi  conçu  : 


3  ? 


o  o  e  \  o 

i   I   I    I  I 


r  r  i  r 


i  i h  'i 


O  etc. 


Or,  si ,  dans  une  des  rentrées  du  sujet,  ce  rhythme  eût  commencé  au 
second  temps,  au  lieu  de  commencer  au  troisième,  on  aurait  eu  : 
Basses.  , , „         , Violons. 

iTf'rirrfirffifffirfrrr-[.Ti!f]Trfr 

et  l'effet  de  surprise  et  de  contretemps  de  ce  rhythme  aurait  été  saisis- 
sant ;  enfin,  après  le  trouble  occasionné  par  celte  mutation,  le  retour 
au  rhythme  primitif  aurait  eu  du  charme. 

Je  dois  protester  ici  contre  toute  fausse  interprétation  qu'on  pourrait 
donner  à  mes  paroles.  Si  je  choisis  mes  exemples  dans  les  œuvres  des 
plus  grands  artistes  pour  en  soumettre  les  idées  à  des  modifications  de 
formes,  c'est  afin  de  me  faire  mieux  comprendre  à  l'aide  de  choses  qui 
sont  connues  de  tout  le  monde  ;  mais  loin  de  moi  la  pensée  sacrilège  de 
toucher  à  ce  qui  a  fait  les  délices  de  ma  vie  d'artiste  ;  loin  de  moi  le 
sot  orgueil  qui  me  conduirait  à  vouloir  y  ajouter  quelque  chose,  j'indi- 
que simplement  un  ordre  d'éléments  et  d'idées  auquel  on  n'a  pas  songé 
jusqu'à  ce  jour,  et  j'en  cherche  des  applications  dans  les  œuvres  cé- 
lèbres, afin  de  rendre  facile  l'intelligence  de  la  théorie  que  j'expose  : 
rien  de  plus.  J'ajouterai  que  les  résultats  seront  beaucoup  plus  impor- 
tants quand  les  compositions  seront  conçues  au  point  de  vue  des  muta- 
tions de  rhythmes,  et  lorsque  l'imagination  des  artistes  entrera  en 
exercice  dans  ce  nouvel  ordre  de  choses.  L'amour  de  l'art  me  guide 
seul ,  non  les  intérêts  de  la  vanité.  Qu'on  lise  dans  la  Revue  musicale 
de  juin  et  juillet  1832  le  résumé  du  cours  de  philosophie  de  la  musique 
que  j'ai  fait  alors  à  Paris  :  on  y  verra  qu'à  cette  époque  j'étais  en 
possession  des  formules  de  modulations  omnilouiques  que  je  n'ai  pu- 
bliées que  douze  ans  plus  tard,  dans  la  troisième  partie  de  mon  Traité 
de  l'harmonie,  et  de  la  Théorie  cl^s  mutations  de  rhythmes,  que  je  fais 
connaître  aujourd'hui,  après  avoir  employé  plus  de  vingt  années  à  en 
perfectionner  les  détails  par  la  méditation.  J'espère  qu'on  verra  dans 
ces  longs  délais  que  les  jouissances  de  l'amour-propre  ne  sont  pas  ce 
que  je  recherche.  Après  ces  explications,  qui  m'ont  paru  nécessaires 
pour  éviter  tout  malentendu,  je  reviens  à  l'objet  de  ce  travail. 

Le  rhythme  ternaire  inégal  inverse  du  précédent  est  celui  qui  ré- 
pond à  l'iambe  :  c'est  le  temps  bref  qui  précède  le  long.  Ainsi  que 
l'autre,  il  est  susceptible  de  deux  formes,  à  savoir  :  l'une  qui  a  le  temps 
bref  placé  au  frappé  de  la  mesure,  l'autre  avec  le  même  temps  au  levé. 
La  première  est  disposée  de  cette  manière  : 


tf f  i  f r  i 

L'autre  forme  est  celle-ci  : 
3    9    I    ç       P    \    ç 


f  f  f  I  '  f  *  1 

f  i  r  r  i  r 


C'est  dans  cette  dernière  forme  du  rhythme  iambique  qu'est  conçue 
la  touchante  romance  de  Grétry  :  Une  fièvre  brûlante.  Il  est  bon  de 
remarquer,  à  ce  sujet,  que  le  rhythme  inégal  du  système  ternaire  a,  sur 
le  système  binaire,  l'avantage  de  conserver  son  caractère  dans  le  mou- 
vement lent,  tandis  que  les  rhylhmes  binaires  s'affaiblissent  dans  la 
lenteur,  et  ne  sont  sensibles  qu'autant  que  le  mouvement  a  une  certaine 
animation. 

Il  y  a  de  la  grâce  et  de  la  naïveté  dans  l'opposition  des  deux  formes 
du  rhythme  iambique,  lorsque  le  mouvement  est  lent  et  modéré.  On  voit 
un  exemple  de  cette  opposition  dans  la  chanson  populaire  Charmante 
Gabriclle.  L'effet  de  l'opposition  y  est  d'autant  plus  remarquable  que, 
dans  la  conception  de  cette  mélodie,  un  rhythme  phraséologique  par- 
faitement régulier  résulte  de  l'enchaînement  des  divers  rhythmes  de 
temps.  En  voici  la  disposition  : 

Andanle.  el<; 

îrrrifffifffirfirnriffrifffifffirfifnn 

Dans  les  mouvements  animés,  l'opposition  du  rhythme  iambique  au 
rhythme  trochalque  peut  avoir  un  grand  effet  d'énergie.  En  voici  un 
exemple  : 

Mullo  allegro. 

4i  i  1 1 1  h  i  i  !  i  ii  1 1 1  i  i  r  1 1  i  r  r  il 

11  est  une  multitude  de  rhythmes  ternaires  qui  n'ont  pas  d'analo- 
gues dans  les  pieds  poétiques.  Les  bornes  de  ce  travail  ne  me  permet- 
tent pas  d'en  rechercher  toutes  les  formes  :  je  m'attacherai  seulement 
à  un  de  leurs  éléments  dont  l'usage  est  fréquent.  Cet  élément  est 


celui-ci 


s  p 

L'I 


Dans  la  lenteur,  dans  le  mouvement  modéré, 


dans  la  vitesse,  cet  élément  joue  un  grand  rôle,  soit  qu'il  se  succède, 
soit  qu'on  le  combine  avec  d'autres.  Tout  le  monde  connaît  le  noble 
caractère  dont  il  est  emprunt  dans  l'air  national  anglais  God  save  the 
King,  dont  le  mouvement  est  majestueusement  lent ,  et  dont  la  dispo- 
sition est  celle-ci  : 


3  fi    9    * 


e  o 


o   o   e 


o 


I     !  I 


9  O 


f   f   ?    I    f 


|  etc. 


La  même  disposition  se  retrouve  dans  l'air  des  Noces  de  Figaro,  de 
Mozart  :  Se  vuol  bal/are  signor  Contino  ;  mais  le  caractère  du  rhythme 
est  tout  différent,  à  cause  de  l'animation  du  mouvement.  L'expression 
dont  Mozart  avait  besoin  exigeait  une  certaine  verdeur,  quelque  chose 
qui  sentît  la  menace  :  ce  rhythme  a  répondu  admirablement  à  sa  pensée. 

Le  voici  : 

etc. 
3  ê  0  o\  §  •  a  0  I  b  fi  fi  |  p  0  ?  1  9  f  e  I  9  •  f  #  [  f  f  fi  1  9  fi  X\\ 

4  r  i  n  i  i/ 1 1 1 .  i  h  i  i  r  1 1 1 1  b  r  i  r  i  r  1 1 1  h 

Lorsque  l'élément  se  succède  dans  sa^vitesse,  de  cette  manière  : 


't 


O 


il  a  une  singulière  énergie.  On  en  retrouve  de  beaux  exemples  dans  les 
œuvres  des  grands  maîtres. 

Comme  la  plupart  des  rhythmes  fortement  caractérisés,  celui-ci  est 
susceptible  de  transformation,  à  raison  de  la  différence  des  temps  de 
son  attaque.  Supposons  que  le  troisième  temps  de  la  mesure  soit  sub- 
stitué au  premier,  de  cette  manière  : 


9   r 


if  |-pf  f  l'îf  r  \;t r 

il  est  évident  que  le  caractère  sera  absolument  différent  de  celui  de  la 
première  forme,  et  que  l'un  de  ces  rhythmes  succédant  à  l'autre,  il  en 
pourra  résulter  un  effet  saisissant. 

Je  pourrais  multiplier  les  exemples  à  l'aide  d'éléments  divers;  mais 
ce  qui  précède  me  paraît  suffisant  pour  faire  comprendre  la  richesse 
d'effets  qui  peut  naître  pour  l'art  par  les  mutations  d'un  même  rhythme, 
si  les  inspirations  des  compositeurs  se  produisent  dans  ce  but.  Dans 
un  autre  article,  j'examinerai  l'effet  de  la  mutation  des  rhythmes  dans 


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REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


les  mesures  binaires  et  ternaires  à  divisions  ternaires.  Je  rechercherai 
aussi  quels  effets  peuvent  se  produire  par  les  déplacements  de  l'accent 
intense  dans  les  rhythmes  binaires  et  ternaires;  comment  ces  déplace- 
ments peuvent  donner  le  sentiment  d'un  changement  de  mesure,  bien 
que  celle-ci  reste  invariable;  et,  enfin,  comment  ils  peuvent  préparer 
au  passage  d'un  rhythme  et  d'un  système  de  mesure  à  un  autre.  Je 
donne  le  nom  d'ordre  transi-rhythmique  à  cette  partie  non  encore  cul- 
tivée de  l'art.  La  seconde  division  de  mon  travail  aura  pour  objet  Vordre 
pluri-rhythmique,  c'est-à-dire  l'immense  et  nouveau  domaine  de  la  mu- 
sique dans  lequel  des  rhythmes  divers  et  des  systèmes  différents  de 
mesures  peuvent  se  succéder  et  s'enchaîner  d'une  manière  naturelle  et 
produire  des  impressions  inconnues  jusqu'à  ce  jour.  Dans  la  troisième 
et  dernière  partie,  j'examinerai  comment  la  poésie  lyrique  peut  s'enri- 
chir des  ressources  du  rhylhme  musical. 

FÉTIS  père. 
(La  svile  au  prochain  nutnéro.) 


THÉÂTRE  DE  L'OPÉRA-COMIQUE. 

ILE    PERE   GAIMjAR». 

Opéra  comique  en  trois  actes,  libretto  de  M.  Sauvage,  partition  de 

M.   Reber. 

(Première  représentation  le  7  septembre  1852.) 

A  tort  ou  à  raison,  on  ne  sait  pourquoi,  chacun  imagine  une  donnée 
dramatique  sur  le  simple  titre  d'une  pièce  nouvelle  qu'on  va  jouer;  et 
plusieurs  de  ces  impatients  s'étaient  comme  préparés  à  voir  une  sorte 
de  vaudeville  sur  l'annonce  du  Père  Gaillard,  qui  a  fait  son  apparition 
mardi  passé  au  théâtre  de  l'Opéra-Comique.  On  ne  se  trompait  pas  trop. 
Le  père  Gaillard  est  un  personnage  du  genre  de  maître  Adam  de  Ne- 
vers  menuisier  et  poëte,  qui  avait  peu  recours  aux  chevilles  dans  ses 
vers,  bien  qu'il  les  surnommât  ainsi.  Avec  son  double  talent  de  manier 
le  rabot  et  la  plume,  il  confectionnait  fort  bien  la  table  et  la  chanson, 
chansons  à  boire  qui  out  plus  duré  que  ses  tables.  Le  père  Gaillard  pos- 
sède donc  aussi  la  double  qualité  de  cabaretier  et  de  poëte;  il  est  de 
plus  bon  mari  et  bon  père,  aimant  de  toutes  les  facultés  de  son  âme  sa 
femme  Franchie  et  sa  fille  Pauline  ;  il  ne  chérit  pas  moins  le  jeune 
Gervais  que  lui  a  confié  quelque  temps  avant  de  mourir  l'historien 
Eude,  qui  prit  le  nom  de  Mézeray,  d'un  village  de  Normandie  voisin  de 
celui  où  il  était  né,  et  qui  venait  se  distraire  de  ses  travaux  littéraires 
dans  le  cabaret  du  père  Gaillard. 

Quoiqu'il  ait  à  peine  dix-huit  ans,  Gervais  aime  Pauline,  beaucoup 
moins  âgée  que  lui,  et  il  en  est  fort  aimé  aussi.  Le  père  Gaillard  con- 
sentirait volontiers  à  cette  union,  quoiqu'il  ne  connaisse  pas  les  pa- 
rents du  jeune  orphelin  ;  mais  sa  femme  s'y  oppose,  attendu  qu'elle 
trouve  les  deux  amoureux  trop  jeunes,  elle  qui  s'est  cependant  ma- 
riée à  quinze  ans,  ainsi  que  le  lui  rappelle  son  mari,  le  père  Gaillard. 
Celui-ci,  tout  en  persistant  à  vouloir  marier  ces  enfants,  ajourne  ce- 
pendant la  décision  de  cette  affaire  après  l'ouverture  du  testament  de 
son  ami,  le  bon  Mézeray.  Jacques,  le  garçon  de  cabaret,  n'est  pas  fâ- 
ché d'ajourner  aussi  son  mariage  avec  Marotte,  la  servante  de  la  maison, 
qui  ne  demande  pas  mieux,  elle,  que  de  faire  le  bonheur  de  Jacques  en 
qualité  de  femme  légitime,  de  M.  Jacques  qui  paraît  avoir  une  assez 
haute  idée  de  ses  qualités  physiques  et  morales,  et  qui  n'est  pas  très- 
pressé  de  serrer  les  nœuds  de  l'hymen,  comme  on  dit  en  style  d'opéra 
comique.  Entre  temps,  arrivent  chez  le  père  Gaillard  le  vieux  capitaine 
Orson,  borgne,  manchot,  ivrogne  et  bravache,  accompagné  de  sa 
femme  et  d'un  procureur,  tous  trois  cousins  et  héritiers  de  l'historien 
Mézeray,  et  qui  viennent,  à  ce  qu'ils  croient,  recueillir  sa  succession. 

Nous  dirons  ici  sans  marchander  et  sans  trop  ajourner  la  péripétie 
dramatique,  que  le  défunt  historiographe  de  France  a  eu  quelques  re- 
lations intimes  avec  Mme  Orson,  sa  cousine,  intimité  dont  il  est  résulté 
Ijb  jeune  Gervais,  confié  au  père  Gaillard  par  le  père  Mézeray  ;  et  pour 
reconnaître  les  soins  qu'il  a  prodigués  à  cet  enfant  de  l'amour  et  du 


mystère,  il  institue  le  cabaretier  son  légataire  universel.  Bien  entendu 
que  nous  ne  nous  chargeons  pas,  comme  Mme  de  Genlis  le  faisait  en 
relatant  les  faits  et  gestes  de  ses  héros  de  roman,  d'écrire  à  prspos  de 
l'acte  des  dernières  volontés  de  notre  historien  :  (Historique!)  Nous 
en  laissons  à  l'auteur  du  libretto  toute  la  responsabilité. 

On  devine  le  désappointement,  la  colère,  la  fureur  du  capitaine  et  du 
procureur.  Ce  dernier  ne  se  tient  pas  pour  battu  ou  déshérité,  car  pour 
lui  c'est  tout  un.  Les  deux  cousins  s'entendent  pour  faire  croire  au  père 
Gaillard,  par  des  insinuations  perfides,  que  si  le  testateur  lui  a  légué 
son  bien,  c'est  pour  reconnaître  les  bontés  qu'avait  pour  lui  Francine  sa 
femme.  Ici  finit  le  vaudeville  et  commence  le  drame  intime,  de  cœur, 
de  paternité  brisée.  L'action  devient  dramatique;  et  la  manière  dont 
se  justifie  Francine  en  invoquant  l'amour  conjugal  est  morale,  noble 
et  simple,  de  ce  simple  qui  est  touchant  parce  qu'il  est  vrai.  La  preuve 
écrite  qui  vient  corroborer  les  assertions  énergiques  de  la  femme  hon- 
nête, qui  parle  de  cœur  et  d'âme  à  son  mari  qu'elle  aime  et  qui  la  soup- 
çonne injustement,  couronne  dignement,  par  un  seul  mot,  cette  bonne 
scène,  et  satisfait  tout  le  monde.  Assez  et  trop  longtemps  les  plaisants 
du  parterre,  les  roués,  les  jugeurs  blasés  sur  les  plus  purs  sentiments 
de  la  vie,  se  sont  moqués  des  pères,  des  maris  trompés  d'après  les 
errements  du  théâtre  ancien.  Il  est  curieux  de  savoir  si  l'on  ne  peut 
pas  s'amuser  ou  s'intéresser  au  spectacle  sans  blesser  le  sens  moral  du 
public.  Le  dénouement  du  Père  G'nllqrd  a  résolu  la  question  en  faveur 
de  l'honnêteté,  quelque  ridicule  qu'elle  soit  depuis  si  longtemps  au 
théâtre.  L'auteur  du  nouveau  libretto  a  fait  comme  Sedaine  ;  il  a  su 
tour  à  tour  provoquer  le  rire  et  l'intérêt.  La  scène  où  le  cabaretier 
poëte  envoie  aux  cinq  cents  diables  Jacques,  qui,  décidé  enfin  à  se 
marier,  vient  lui  demander  une  chanson-épithalame,  est  d'un  excellent 
comique  ,  et  la  scène  musicale  qui  en  résulte  entre  Jacques  et  sa  fiancée 
Marotte  n'est  pas  moins  amusante.  La  situation  de  Pauline  et  de  son 
père,  qui  doute  de  sa  paternité,  est  d'un  dramatique  neuf  et  saisissant. 
Enfin  le  touchant  coudoie  la  gaîté  dans  le  Père  Gaillard,  et  c'est  la 
franche  allure,  le  vrai  genre  de  l'opéra  comique.  L'auteur  expérimenté 
de  ce  libretto  a  traité  celui-ci  de  façon  à  réussir,  et  il  a  réussi. 

Le  compositeur  est  considéré  par  le  monde  musical  comme  un 
homme  sérieux  dans  l'art.  Symphoniste  à  la  manière  de  Haydn,  avec 
un  peu  plus  de  bruit  dans  son  instrumentation,  mais  un  peu  moins 
d'originalité  mélodique,  M.  Henri  Reber  a  essayé  de  se  faire  aussi 
Uediste  dans  le  genre  de  Schubert.  Il  égalerait  peut-être  ces  deux 
grands  modèles  s'il  avait  plus  d'élan,  de  chaleur.  Il  a  déjà  débuté  au 
théâtre  de  l'Opéra-Comique  par  un  ouvrage  intitulé  la  Nuit  de  Noël. 
Cet  opéra  n'est  pas  resté  au  théâtre.  Le  sujet  en  était  peu  intéressant 
et  peu  amusant.  Cette  partition  parut  digne  d'estime,  et  l'on  remarqua, 
entre  plusieurs  morceaux  distingués,  un  air  chanté  par  Mlle  Darcier, 
qui  peignait  on  ne  peut  mieux  les  accents  entrecoupés  d'une  personne 
qui  grelolte  de  froid. 

La  partition  du  Père  Gaillard  est  plus  franche  que  celle  de  la  Nuit 
de  Noël. 

L'ouverture  commence  par  une  introduction  pleine  d:  grâce,  de 
distinction  et  de  suavité  mystérieuse.  Un  solo  de  clarinette  délicieuse- 
ment dit  par  M.  Leroy  en  relève  encore  le  mérite.  11  est  fâcheux  qu'a- 
près cette  charmante  entrée  en  matière,  l'auteur  ait  fait  intervenir  un 
allégro,  dont  le  motif  est  commun,  banal,  suivi  d'un  autre  motif  tout 
aussi  peu  distingué.  C'est  un  tribut  payé  à  la  contredanse.  II  est  vrai 
qu'en  compositeur  instruit  et  ingénieux,  qui  connaît  sans  doute  le 
précepte  du  poëte  : 

Il  faut  mOmc  en  chanson  du  bon  sens  et  de  l'art , 

M.  Reber  a  travaillé  ces  deux  mélodies  communes,  et  qu'il  en  fait 
jaillir,  par  l'arrangement,  des  éclairs  de  savoir,  et,  pour  ainsi  dire, 
d'inspiration  spirituelle. 

La  scène  s'ouvre  musicalement  par  un  duo  qui  finit  en  trio.  Le  style 
en  imitation  comique,  que  l'auteur  paraît  affectionner,  domine  dans 
cette  introduction  ;  il  fait  aimer  à  ses  auditeurs  cette  forme  de  l'art, 
qui,  du  reste,  jette  une  allure  rétrospective  et  de  la  clarté  dans  le  dia- 


SVPPLÉMEJSf. 


SUPPLÉMENT. 


CE  PARIS. 


301 


]oguc  musical,  il  a  Francine!  ma  Pauline]  mélodie  chantée  par  le  père 
Gaillard  à  sa  femme  et  à  sa  fille,  est  aussi  toute  empreinte  de  cette 
couleur  de  vieille  musique  qui  rappelle  le  beau  caractère  du  trio  de 
Félix  ou  l'Enfant  trouvé,  de  Monsigny  :  Nous  vous  chérirons,  etc.;  de 
celte  musique  intime  et  de  famille,  comme  Grétry  en  a  fait  dans  Lu- 
ette et  dans  plusieurs  de  ses  opéras.  Le  morceau  sur  ces  paroles  :  Tra- 
vailler, c'est  la  loi  !  est  encore  de  ces  mélodies  franches,  et  aussi 
bien  déclamées  que  bien  rhythmées. 

Attendons,  il  le  faut,  est  un  duo  charmant  du  genre  syllabique,  et 
par  conséquent  impérieux,  entraînant.  L'air  qui  suit  :  Ah  !  je  suis  une 
femme  heureuse  !  est  un  peu  trop  développé;  mais  il  peint  bien  les 
élans  de  l'âme.  La  romance  sur  la  félicité  suprême,  dite  par  Gervais, 
est  un  dialogue  vocal  et  instrumental  entre  la  voix  de  Mme  Meillet  et 
une  partie  de  cor  obligé,  à  l'orchestre,  dialogue  plein  de  mélancolie  et 
de  charme,  grâce  au  compositeur,  à  la  cantatrice  et  à  l'habile  instru- 
mentiste de  l'orchestre. 

L'arrivée  du  notaire  qui  doit  procéder  à  l'ouverture  du  testament 
fait  le  sujet  principal  du  final  du  premier  acte.  Le  compositeur  semble 
avoir  voulu  s'amuser  de  la  gravité  de  M.  le  garde-notes  ;  et  il  a  été 
comique,  plaisanterie  â  part,  comme  on  dit  en  style  de  coulisse.  Il  a  fait 
là  de  la  musique  un  peu  prétentieusement  vocale  pour  l'Opéra-Comique. 
Faire  parler  ou  chanter  un  homme  de  loi  en  style  fugué  n'est  pas  d'une 
nécessité  absolue  :  c'est  une  nature  de  convention  ;  mais,  enfin ,  c'est 
bien  écrit  pour  les  voix ,  et  ce  talent  n'est  pas  commun. 

Après  une  ronde  en  sol  mineur,  qui  n'a  rien  de  saillant  et  qui  ouvre 
le  second  acte,  vient  un  délicieux  trio  en  si  bémol  majeur  ;  puis,  un 
sextuor  on  ne  peut  mieux  traité,  aussi  pour  les  voix  ;  ensuite,  un  très- 
beau  trio  vocal  sur  ces  paroles  :  Nous  bénissons  ton  souvenir  ! 

Le  chœur  qui  vient  féliciter  le  père  Gaillard  sur  l'héritage  qui  lui  est 
survenu ,  et  auquel  il  ne  s'attendait  nullement ,  est  traité  de  main  de 
maître.  La  mélodie  en  est  bien  homogène  aux  paroles,  que  l'auditeur 
saisit  bien.  Les  interprétations  de  ces  paroles  par  le  procureur  et  le  ca- 
pitaine sont  bien  scéniques  et  bien  déclamées.  L'agitation,  le  trouble  et 
la  fureur  du  cabaretier  sont  on  ne  peut  mieux  gradués.  La  mélodie  par 
laquelle  tout  cela  s'exprime  est  excellente.  Une  autre  ronde,  en  deux 
couplets,  vient  encore  se  fondre  dans  un  ensemble  dramatique  et  ca- 
nonique, en  style  fugué  qui  devient  intéressant  ici;  et  puis,  un  crescendo 
sur  le  mode  majeur  donne  de  l'ampleur  à  l'effet  musical ,  qui  se  marie 
fort  bien  ici  avec  la  situation  dramatique.  On  y  distingue  une  jolie 
phrase  de  mélodie  sur  ces  mots  :  Pour  moi,  quelle  félicité  !  Cependant, 
il  faut  le  dire,  en  cet  endroit  se  produit  un  dessin  mélodique  à  deux 
temps  impérieux  qui  a  beaucoup  de  similitude  avec  la  cabalette  en 
mesure  à  six  -  huit  qui  termine  l'ouverture  du  Fra  Diavolo ,  de 
M.  Auber. 

La  romance  :  J'ai  perdu  mon  bonheur,  et  finissant  par  :  Tais-toi, 
mon  cœur  !  est  mie  de  ces  inspirations  qui  émeuvent ,  attendrissent 
l'auditeur  le  plus  froid,  malgré  qu'il  en  ait.  Le  hautbois  se  mêle  déli- 
cieusement au  chant,  et  les  unissons  des  violons  donnent  à  cette  mé- 
lodie une  puissance  extrême  qui  vous  berce  de  mélancolie  et  vous 
associe  aux  impressions  du  personnage.  Par  la  science  sobre  et  bien 
entendue  de  l'instrumentation ,  le  compositeur  transforme  ainsi  le 
hautbois  en  voix  pure  et  naïve  qui  s'unit  à  celle  d'un  ami  pour  le  con- 
soler, et  les  voix  impressionnantes  des  violons  en  échos  d'une  douleur 
poignante  et  sans  espoir.  Après  ce  morceau  tout  empreint  d'une  pro- 
fonde sensibilité,  M.  Reber  a  placé  là,  dans  sa  partition,  un  véritable 
chef-d'œuvre  d'amour,  de  dépit,  de  passion,  de  comique  et  d'élo- 
quence du  cœur.  Cette  bonne  fortune  musicale,  ce  morceau  capital  de 
la  partition  est  un  petit  air  chanté  par  Marotte  à  Jacques,  qui,  d'après 
quelques  paroles  échappées  au  pôreGaillard,  se  refuse  de  nouveau  à  deve 
nir  le  mari  de  la  pauvre  Marotte.  Oh  !  alors,  elle  n'y  tient  plus,  et  lui  dit 
sur  tous  les  tons  de  la  colère  et  d'un  cœur  et  d'un  esprit  froissé  :  Ex- 
pliquez-vous, expliquez-vous  !  La  manière  dont  ces  mots  ont  été  tra- 
duits par  le  musicien  et  dits  par  l'actrice,  Mlle  Decroix,  ont  provoqué 
d'unanimes  applaudissements,  et  un  bis  de  l'assemblée  entière.  C'est 


qu'il  est  vrai  de  dire  qu'on  ne  peut  rien  entendre  de  plus  joli,  de  plus 
coquet,  de  mieux  déclamé  par  le  compositeur  et  son  interprète.  C'est 
une  idée  dans  le  genre  du  duo  des  deux  vieillards  dans  la  Fausse  ma- 
gie, de  Grétry  ;  ce  sont  de  ces  étincelles  musicales  qui,  tombant  sur  le 
baril  de  poudre  de  l'enthousiasme,  mettent  une  salle  en  feu. 

Après  cet  incendie  est  venu  un  grand  et  large  duo  entre  M.  et 
Mme  Gaillard,  morceau  de  scène  et  de  sentiment  bien  déclamé  aussi, 
mais  trop  développé.  La  transformation  de  la  colère  de  Mme  Gaillard 
en  rires  est  peu  naturelle,  quoiqu'elle  soit  ingénieusement  exprimée 
par  le  musicien.  Cette  explication  conjugale  gagnerait  à  être  abrégée 
et  la  marche  de  la  pièce  aussi.  Après  les  explications  voulues,  les  ma- 
riages à  peu  près  arrêtés  et  l'héritage  accepté  par  le  père  Gaillard,  un 
auteur  en  renom  arrive  de  Paris  pour  deviser  musicalement  avec  notre 
cabaretier  poëte  sur  l'art  de  bien  chanter ,  et  le  tout  se  termine  par 
des  chansons ,  comme  a  dit  Beaumarchais  dans  son  Figaro.  Ce 
morceau  final  est  d'un  bon  rhythme  et  d'une  couleur  de  musique  ré- 
trospective que  M.  Reber  paraît  affectionner,  mais  qui  ne  tient  guère  à 
l'action.  Les  chœurs  sont  bien  traités  :  c'est  franc,  et  sans  recherche  de 
ces  petits  moyens  harmoniques  perdus  que  mettent  dans  les  masses 
chorales  les  compositeurs  instrumentistes  ou  inexpérimentés  dans  l'art 
d'écrire  pour  les  voix.  C'est  que  l'instrumentation  de  M.  Reber,  comme 
ses  chœurs,  ne  procèdent  qu'avec  économie,  goût  et  sobriété  :  rien  de 
trop,  rien  de  moins,  que  ce  qu'il  faut  pour  produire  de  l'effet.  Sa  musi- 
que dramatique,  comme  sa  musique  instrumentale,  a  la  clarté  que  don- 
nent le  savoir  et  l'expérience  de  l'art  d'écrire.  Sans  avoir  ce  qn'on 
appelle  du  génie,  de  la  force,  de  l'ampleur,  de  la  fougue,  du  caprice, 
une  originalité  piquante  et  neuve,  M.  Reber  montre,  surtout  au  théâtre, 
de  l'individualité,  de  la  mélodie,  de  la  vérité  de  déclamation,  de  la 
forme,  un  plan  et  de  la  logique  dans  ses  morceaux. 

M.  Battaille  a  joué  et  chanté  le  principal  rôle  en  acteur  et  en  chan- 
teur principal.  Mlle  Favel  a  fait  preuve  de  talent  et  de  goût  dramati- 
que en  ne  reculant  pas  devant  un  rôle  de  mère  qui  est  de  l'emploi  dit 
des  jeunes  duègnes;  elle  s'y  montre  vraie,  et  comme  toujours  bonne  à 
voir.  M.  Sainte-Foy  ne  s'ennuie  pas,  à  ce  qu'il  paraît,  de  la  monotonie 
des  succès  qu'il  obtient  dans  tous  les  personnages  qu'il  représente. 
Comme  il  continue  à  se  montrer  amusant,  on  continue  à  l'applaudir. 

Henri  BLANCHARD. 

EÉOÙVÊaîïïBE  EU  THÉÂTRE-LYRIQUE. 

§H    «nÉffAÏS    EBOH! 

Opéra-comique  en  trois  actes,  paroles  de  M.  Dennery,  musique  de 

M.   Ad.    Adam. 

(Première  représentation,  le  h  septembre  1S52.) 

DÉBUTS  DE  Mme  COLSON,  MM.  TALLON  ET  PIERRE-LAURENT; 

DE  Mhes  SOPHIE  NOËL,  DE  CORCELLE,  ET  DE  M.  CARRÉ. 

C'est  l'Opéra-National  de  l'hiver  dernier  qui  s'appelle  aujourd'hui 
Théâtre-Lyrique.  On  a  considéré,  apparemment,  que  l'Opéra  du  boule- 
vart  du  Temple  n'avait,  au  fond,  rien  de  plus  national  que  celui  du 
boulevart  des  Italiens;  peut-être  même  s'est-on  dit  que  le  plus  national 
des  Opéras  devait  être  celui  qui  coûtait  le  plus  cher  à  la  nation,  et  que 
le  théâtre  de  M.  Séveste  n'avait  aucun  titre  de  cette  espèce  à  faire  va- 
loir. Bref,  on  s'est  aperçu  qu'Opéra-National  ne  signifiait  rien,  et  l'on 
a  pris  le  parti  d'y  renoncer.  On  a  bien  fait. 

Il  est  vrai  que  Théâtre-Lyrique  n'est  guère  plus  satisfaisant.  C'est 
une  qualification  générale,  au  lieu  d'un  titre  spécial  qu'il  aurait  fallu. 
L'Opéra-Comique  est  tout  juste  aussi  lyrique  que  l'établissement  de 
M.  Séveste  ;  le  Grand- Opéra  l'est  beaucoup  plus  encore,  puisqu'on  y 
danse  davantage  et  qu'on  n'y  parle  pas  du  tout.  M.  Séveste  dira  que  le 
nom  de  son  théâtre  importe  peu,  pourvu  qu'on  s'y  amuse.  Nous  lui 
répondrons  qu'il  a  raison,  et  nous  nous  bornerons  à  lui  reprocher  les 
vacances  de  quatre  mois  passés  qu'il  vient  de  prendre.  Quatre  mois  de 
silence,  c'est  bien  long.  Il  y  a  des  gens  à  qui  l'on  saurait  gré  de  se 


302 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICNLE 


taire  pendant  douze  mois  chaque  année,  mais  le  Théâtre-Lyrique  n'est 
pas  de  ces  gens-là. 

Donc,  il  a  rouvert  ses  portes  au  public  le  k  septembre  dernier.  Le 
public  n'a  eu  garde  de  se  faire  prier  :  il  savait  d'avance  ce  qu'on  avait 
préparé  pour  lui  plaire  ;  il  connaissait  le  menu  du  festin.  Un  poëme  de 
M.  Dennery  !  Une  partition  de  M.  Adam  !  On  est  friand  de  pareils  mor- 
ceaux. Voilà  vingt  ans,  et  plus,  que  l'on  applaudit  M.  Adam  :  c'est  une 
habitude  prise  et  à  laquelle  on  n'est  pas  près  de  déroger.  Quant  à 
M.  Dennery,  s'il  n'y  a  pas  aussi  longtemps  qu'il  a  commencé  à  cultiver 
la  muse  lyrique,  les  essais  heureux  qu'il  a  déjà  tentés  en  ce  genre  diffi- 
cile semblent  lui  promettre  de  brillants  succès  pour  l'avenir. 

Le  sujet  qu'il  avait  choisi  cette  fois  n'était  pas  nouveau,  et  plus  d'un 
écrivain  dramatique  l'avait  déjà  traité.  Il  a  été  puisé  à  cette  inépuisable 
source  d'inventions  ingénieuses  qui,  partie  de  l'Orient,  s'est  répandue 
sur  l'Europe,  et  alimente,  depuis  deux  siècles,  l'imagination  des  poètes 
occidentaux.  —  Ma  chère  sœur,  si  vous  ne  dormez  pas,  je  vous  sup- 
plie, en  attendant  le  jour  qui  paraîtra  bientôt,  de  me  raconter  un  de 
ces  contes  agréables  que  vous  savez.  —  Et  Scheherazade  raconte  la 
plaisante  histoire  du  Dormeur  éveillé.  —  Que  ne  suis-je  le  comman- 
deur des  croyants  seulement  pour  un  jour  !  dit  Abou-Hassan  à  son  hôte, 
en  lui  racontant  les  mauvaises  pratiques  de  l'iman  de  son  quartier.  Cet 
hôte  est  justement  le  kalife  Haroun-al-Raschid,  ce  Louis  XIV  des  Orien- 
taux, à  qui  le  ciel  avait  donné  une  humeur  facétieuse  et  une  facilité  de 
mœurs  qu'il  refusa,  plus  tard,  au  fastueux  sultan  de  la  Gaule.  Haroun, 
sans  rien  dire,  mêle  subtilement  un  narcotique  au  vin  d' Abou-Hassan, 
et,  quand  il  est  bien  endormi,  le  fait  emporter  dans  son  palais.  Le 
lendemain,  quand  il  se  réveille,  Hassan  se  voit  entouré  des  dames  de  la 
cour  et  des  grands  officiers  de  l'empire.  On  lui  dit  :  Votre  majesté, 
on  le  revêt  d'habits  magnifiques,  on  prend  ses  ordres  en  tout,  et  on  les 
exécute  au  pied  de  la  lettre;  il  préside  le  conseil  des  ministres,  il  dé- 
crète, il  juge,  il  est  kalife,  et  même  assez  bon  kalife,  pendant  tout  un 
jour.  Puis,  le  soir  venu,  et  son  repas  —  jugez  quel  repas  !  —  étant  ter- 
miné, on  le  rendort  par  le  même  procédé  que  la  veille,  et  on  le  rem- 
porte où  on  l'a  pris.  Mais  la  grandeur  lui  a  monté  au  cerveau.  11  s'est 
habitué  à  être  roi,  et  n'en  ,veut  pas  démordre.  Il  repousse  et  maltraite 
sa  mère,  qui  le  croit  possédé  de  l'esprit  malin.  Il  n'est  point  possédé, 
mais  il  est  fou,  et  l'on  est  obligé  de  le  mettre  aux  petites  maisons  pen- 
dant quelques  jours. 

On  voit  immédiatement  tout  ce  que  cette  donnée  a  de  comique,  et 
combien  elle  offrait  de  ressources  au  drame  lyrique,  qui  vit  de  con- 
trastes, et  qui  a  besoin,  aujourd'hui,  de  flatter  les  yeux  presque  autant 
que  les  oreilles.  Mais  M.  Dennery  a  très-bien  compris  qu'il  fallait  abso- 
lument la  renouveler.  Il  a  déplacé  la  scène.  Haroun-al-Raschid  est  de- 
venu, sous  sa  main,  un  roi  de  Goa,  dont  les  Portugais  commencent  à 
menacer  la  puissance.  C'est  un  fort  honnête  homme  que  ce  roi,  un 
homme  aimable,  un  homme  d'esprit.  II  vient  se  promener  au  bord  ^de 
la  mer  avec  la  princesse  Néméa,  sa  parente,  qu'il  veut  marier  à  son 
cousin,  le  prince  Cador.  Cador  est  en  tout  le  contraire  du  roi  son  cou- 
sin. Il  a  peu  d'esprit,  et  encore  moins  d'amabilité;  d'ailleurs, un  coquin 
digne  de  la  hart.  Il  médite  de  détrôner  son  roi  légitime  et  de  prendre 
sa  place,  et,  à  cet  effet,  il  correspond  secrètement  avec  les  Portugais, 
qu'il  croit  assez  sots  pour  faire  la  guerre  à  son  profit:  jugez  de  la  por- 
tée de  son  intelligence  !  En  même  temps  il  est  amoureux  de  Néméa. 
Mais  Néméa  l'apprécie  à  sa  juste  valeur,  et  répond  assez  mal  à  ses  ga- 
lanteries. 

Et  puis  Néméa  est  amoureuse...  Amoureuse  de  qui?  D'un  homme 
dont  elle  iguore  à  la  fois  le  nom,  la  condition  et  même  le  visage; 
qu'elle  n'a  jamais  vu  ni  entendu,  mais  qui  s'est  jeté  courageusement 
dans  la  mer  pour  l'en  retirer,  un  jour  qu'elle  s'y  noyait,  qui  l'a  ame- 
née évanouie  sur  le  rivage,  et  a  disparu  aussitôt  qu'elle  a  paru  reve- 
nir à  elle,  sans  lui  laisser  même  le  temps  de  rouvrir  les  yeux.  On  ne 
saurait  réunir  plus  d'intrépidité,  de  désintéressement  et  de  discrétion. 
Néméa  cherche  en  tous  lieux  cet  homme  rare,  et  a  juré  de  lui  réser- 
ver son  cœur  et  sa  main.  Elle  présume  que  c'est  un  des  seigneurs  de 


la  cour.  0  mortels  ignorants  de  leurs  destinées  !  comme  dit  Bossuet. 
Ce  libérateur  inconnu,  c'est  le  pêcheur  Zéphoris,  qui  ne  possède  en  ce 
monde  qu'une  chaumière,  une  barque,  des  filets  et  son  amour. 

Car,  —  vous  vous  en  doutez  bien,  —  si  Néméa  n'a  pu  voir  Zéphoris, 
Zéphoris,  en  revanche,  a  vu  Néméa  un  peu  plus  peut-être  que  Néméa 
ne  l'aurait  voulu,  et  ce  qu'il  a  vu  était  si  beau  que  le  pauvre  Zéphoris 
en  a  perdu  la  tête.  A  cela  près,  il  ne  sait  rien  de  celle  qu'il  aime,  et, 
depuis  huit  mois,  il  ne  l'a  revue  que  la  nuit,  dans  ses  rêves.  Grâce  à 
M.  Scribe,  le  législateur  du  théâtre  lyrique,  il  est  de  règle  que  l'amant 
ne  doit  pas  connaître  sa  maîtresse,  ni  la  maîtresse  son  amant.  Il  n'y  a 
de  bon  opéra  qu'à  cette  condition.  Néméa  donc  peut  impunément  ren- 
contrer Zéphoris.  Mais  quand  Zéphoris  aperçoit  Néméa,  son  saisisse- 
ment, ses  gestes,  son  extase,  le  font  remarquer  du  prince  Cador,  lequel 
mis  sur  la  voie  par  quelques  mots,  et  devinant  le  reste,  se  fait  raconter 
par  le  pêcheur  tous  les  détails  de  son  aventure,  lui  fait  jurer  de  garder 
le  silence  par  respect  pour  la  princesse,  et  finit  par  lui  intimer  l'ordre 
de  quitter  le  pays.  Cela  se  comprend.  Dès  qu'il  revoit  Néméa,  il  lui 
dit  :  C'est  moi  qui  vous  ai  sauvée.  Et  il  le  lui  prouve  par  les  circon- 
stances. Voilà  Néméa  prise.  Elle  a  promis  d'épouser  son  sauveur.  Elle 
se  venge  par  une  impertinence  magnifique. 

—  Soit!  il  aura  ma  main,  mais  je  garde  mon  cœur. 

—  Et  pour  qui  ?  d  mande  Cador  tout  étonné. 

—  Pour  moi-même. 

Cela  n'est  pas  encourageant.  Mais  Cador  est  un  sot. 

—  Prenez  toujours  là  main,  lui  dit  tout  bas  le  roi,  le  cœur  viendra 
plus  tard. 

C'est  l'inverse  de  ce  que  dit  Voltaire  : 

.     .     .     .    Quand  on  a  le  cœur 
De  femme  honnête,  on  a  bientôt  le  reste. 

tant  il  est  rare  que  deux  hommes  d'esprit  se  trouvent  d'accord  ,  sur 
quelque  sujet  que  ce  soit  ! 

Zéphoris  se  dispose  à  partir.  Il  vient  se  coucher  une  dernière  fois  à  la 
place  où  il  a  jadis  étendu  sa  princesse  évanouie.  Elle  est  princesse,  dit- 
il,  et  moi  je  ne  suis  qu'un  pêcheur.  Ah!  si  j'étais  roil  Et  il  s'endort 
après  avoir  écrit  sur  le  sable  la  pensée  qui  le  préoccupe  :  Si  fêlais 
mi  ! 

Le  roi  revient  ;  il  voit  le  pauvre  dormeur,  il  lit  son  inscription.  — 
Que  ferait-il,  s'il  était  roi  ?  —  On  devine  le  reste.  Au  seconi  acte,  Zé- 
phoris est  dans  le  palais,  et  fait  à  peu  près  tout  ce  que  nous  avons  ra- 
conté d'Abou-Hassan.  Il  faut  y  ajouter  seulement  qu'il  y  retrouve  Né- 
méa, qu'étant  ou  se  croyant  roi,  il  lui  déclare  son  amour,  lui  apprend 
la  vérité,  et  veut  se  marier  avec  elle,  à  la  barbe  de  Cador.  Tout  ce  se- 
cond acte  est  une  suite  non  interrompue  de  scènes  plaisantes,  dont  le 
véritable  roi  se  divertit  de  tout  son  cœur,  —  en  cela  il  fait  comme  le 
public, — jusqu'au  moment  où  il  trouve  enfin  que  la  plaisanterie  a 
duré  assez  longtemps.  Alors  il  fait  reprendre  au  pauvre  Zéphoris  une 
autre  dose  d'opium,  et  on  le  reporte  dans  sa  chaumière. 

Le  troisième  acte  est  moins  gai.  Zéphoris  est  bien  près  de  devenir 
fou,  quand  Néméa,  qui  se  repent  d'avoir  participé  à  cette  mystification, 
et  qui  d'ailleurs  l'aime  en  secret,  vient  lui  expliquer  tout  le  mystère. 
Cador  survient,  et  comme  c'est  un  de  ces  hommes  qui  vont  droit  au 
but  et  ne  connaissent  que  les  grands  moyens,  il  s'est  fait  escorter  de 
deux  esclaves  pour  couper  le  cou  à  Zéphoris.  Néméa  le  défend,  comme 
de  raison.  Mais  tout-à-coup  le  roi  arrive.  On  signale  la  flotte  portu- 
gaise. Zéphoris  démêle  les  complots  de  Cador,  et  le  convainc  de  trahi- 
son. La  veille,  étant  roi,  il  a  donné  des  ordres  qui  assurent  la  défense 
de  Goa  et  la  défaite  de  l'ennemi.  Il  devient  tout-à-coup  un  héros,  prend 
une  épée,  court  au  combat...  Vous  voyez  bien  que  le  roi  ni  la  princesse 
n'ont  plus  rien  à  lui  refuser. 

Tout  cela  exhale  une  forte  odeur  de  mélodrame.  Mais  le  mélodrame 

'  n'est  point  déplacé  entre  la  Gaîté  et  l'Ambigu-Comique.  C'est  la  plante 

qui  vient  le  mieux  dans  ce  pays-là.  Il  ne  faut  donc  pas  s'étonner  que  le 

public  prodigue  les  applaudissements  à  une  pièce  qui  l'a  tout  à  la  fois 

intéressé  et  réjoui. 


DE  PARIS. 


303 


La  partition  do  M.  Adam  est  fort  bien  faite,  et  l'on  y  reconnaît,  à 
chaque  page,  la  main  exercée  de  ce  fécond  compositeur.  C'est  son  style 
habituel,  style  facile,  naturel,  gracieux,  souvent  élégant.  C'est  cette  ha- 
bileté à  manier  la  voix  et  l'orchestre,  dont  il  a  déjà  donné  tant  do 
preuves.  Peut-être  s'est-il  élevé  quelquefois  plus  haut.  Peut-être  y  a-t-il 
plus  d'invention  dans  Giralda,  plus  de  verve  dans  le  Postillon,  plus  de 
distinction  dans  le  Chalet.  Mais  il  n'y  en  a  pas  moins ,  dans  ce  nouvel 
ouvrage,  une  foule  de  jolies  phrases,  des  morceaux  très-bien  écrits  et 
très-agréables.  Tels  sont  les  couplets  comiques  du  pêcheur  Piféar,  dans 
l'introduction  ;  telle  est  la  première  romance  de  Zôphoris  :  J'ignore 
son  n/m,  etc.  La  romance  du  roi:  Dans  le  sommeil,  l'amour,  je 
gage,  etc.,  est  spirituelle  et  pleine  de  grâce,  et  d'ailleurs  elle  est  déli- 
cieusement chantée.  L'air  de  Zéphoris  :  Si  j'étais  roi,  commence  à 
merveille  :  il  semble  seulement  que  l'auteur  manque  d'haleine  avant  la 
fin.  Mais  il  reprend  toute  sa  verve  dans  un  petit  chœur  sans  accompa- 
gnement, et  chanté  sotto  voce,  d'une  mélodie  suave,  d'une  harmonie 
calme  et  limpide,  et  telle  qu'il  la  fallait  pour  peindre  les  sensations  de 
gens  qui  se  promènent  sur  une  mer  tranquille,  le  soir  d'un  beau  jour, 
dans  ces  climats  heureux  où  tout  respire  la  volupté. 

Il  y  a  au  second  acte  un  duo  comique:  Ah!  l'étonnante  aventure! 
dont  le  rhylhme  est  très-franc  et  le  caractère  fort  gai.  Cependant, 
l'auteur  a  fait  mieux  encore  en  ce  genre ,  dans  ce  même  ouvrage, 
ainsi  que  nous  le  dirons  tout  à  l'heure.  L'air  de  Néméa  est  très-distingué 
d'un  bout  à  l'autre.  V  amiante  est  fort  élégant,  Y  allegro  plein  de  finesse 
et  de  coquetterie.  Il  fera  plus  d'effet  quand  la  cantatrice  qui  l'exécute 
sera  plus  sûre  d'elle-même  et  le  possédera  mieux.  Le  duo  qui  suit, 
entre  Zéphoris  et  la  princesse,  a  de  bonnes  parties,  et  d'autres,  à  ce 
qu'il  nous  semble,  moins  heureuses.  La  chanson  à  boire,  dite  par  le  roi 
dans  le  final  du  second  acte,  est  un  de  ces  morceaux  au  rhythme  dé- 
cidé, à  l'allure  franche,  qui  ne  manquent  jamais  leur  effet. 

La  chanson  de  l'Oiseau  moqueur  est  cherchée,  ce  nous  semble,  mais 
non  trouvée.  Il  n'en  est  pas  ainsi  du  duo  bouffe  chanté  par  Zélide  et 
Piféar.  La  première  partie  de  ce  morceau  nous  paraît  un  chef-d'œuvre. 
Le  nom  de  Zélide  qui  vient  se  placer  entre  tous  les  vers  du  premier 
couplet  est  un  effet  neuf  et  très-piquant.  Les  soupirs  des  deux  interlo- 
cuteurs, Ah\  ah\  ah\  ah\  promenés  de  modulations  en  modulations, 
avec  cette  prestesse  facile  et  naturelle  qui  n'appartient  qu'à  l'extrême 
habileté,  sont  une  des  plus  fines  plaisanteries  musicales  que  nous  ayons 
vues  depuis  longtemps.  On  ne  saurait  avoir  plus  d'esprit  ni  plus  de 
verve.  C'est  là,  selon  nous,  le  meilleur  morceau  de  la  partition,  et  nous 
gagerions  bien  que  M.  Adam  est  de  notre  avis. 

L'exécution  est  fort  bonne  dans  son  ensemble,  et ,  dans  certaines 
parties,  extrêmement  distinguée. 

Mme  Colson  n'a  pas  encore  une  ^vocalisation  irréprochable,  ni  une 
prononciation  suffisamment  nette  ;  mais  sa  voix  est  brillante,  énergi- 
que, bien  timbrée  et  d'une  grande  étendue:  c'est  un  mezzo-snprano 
de  la  plus  belle  qualité.  Elle  a  de  la  volonté,  de  l'ardeur,  et  l'instinct 
de  l'expression  dramatique.  Elle  a  déjà  du  talent;  dans  six  mois,  elle 
en  aura  beaucoup  plus  encore.  D'ailleurs,  une  taille  élégante,  un  visage 
des  plus  distingués.  M.  Séveste  a  fait  là,  sous  tous  les  rapports,  une 
excellente  acquisition. 

II  faut  le  féliciter  aussi  d'avoir  trouvé,  nous  ne  savons  où  ,  M.  Talion, 
qui  a  une  très-jolie  voix  de  ténor,  de  l'expression  et  un  bon  style.  S'il 
pousse  un  peu  trop  le  son,  c'est  faute  d'être  habitué  à  la  salle  où  il  se 
trouve ,  et  où  l'on  produit  d'autant  plus  d'effet  qu'on  fait  moins 
d'efforts. 

Nous  arrivons  à  M.  Laurent.  C'est  le  grand  succès  d'aujourd'hui,  et 
jamais  succès  ne  fut  plus  mérité.  Voix  naturellement  émise  et  profon- 
dément sympathique,  vocalisation  habile,  prononciation  limpide,  style 
toujours  élégant,  exécution  spirituelle,  charmante  etpleine  de  verve... 
c'est  un  artiste  du  premier  ordre,  qui  était,  il  y  a  huit  jours,  complè- 
tement inconnu.  Quelle  trouvaille! 


MM.  lunca,  Menjaud,  Leroy  et  Mlle  Rouvroy  contribuent  par  un 
talent  que  le  public  a  déjà  su  apprécier  l'année  dernière,  à  l'exécu- 
tion de  cet  ouvrage,  ainsi  que  l'orchestre,  que  M.  Placet  conduit  fort 
bien.  Tous  méritent  une  bonne  part  d'éloges ,  y  compris  le  direc- 
teur ,  qui  recevra  ceux  du  public  par  l'intermédiaire  du  caissier. 

G.    HlvQUET. 

P.  S.  —  l.c  nouvel  opéra  se  joue  tous  les  jours,  M.  Seveste  s'étant 
trouvé  assez  riche  pour  doubler  sans  inconvénient  plusieurs  rôles. 
M.  Carré,  Mrnes  Sophie  Noël  et  de  Corcelles  remplacent,  trois  fois  par  se- 
maine, M.  Talion,  IMmes  Colson  et  P.ouvroy,  sans  que  l'ouvrage  y  perde. 
Les  habitudes  du  public  des  boulevarts  exigeaient  apparemment  que  l'on 
prît  ce  parti. 


LITTÉRATURE  MUSICALE. 

BBBCTTaOSrcABKE  DES   ÏSEASJ^-.ftl&Tê». 
(2e  article)  (1). 

ACTTBffiS.  —  On  dit  qu'il  y  a  de  l'action  dans  un  drame,  lorsque 
le  sujet  comporte  du  mouvement  dans  la  manière  dont  les  situations  se 
succèdent,  et  qu'il  y  a  beaucoup  d'incidents  dans  la  contexture  du 
drame  :  il  y  a  beaucoup  d'action  dans  ce  drame. 

Ce  mot  action  se  prend  quelquefois  aussi  pour  le  sujet,  la  fable 
même  du  drame  :  l'action  de  cet  opéra  est  touchante. 

Il  ne  faut  pas  que  dans  un  drame  destiné  à  la  musique,  l'action  soit 
trop  compliquée.  Il  faut  que  le  sujet  soit  simple,  et  plus  passionné 
qu'accidenté.  S'il  y  a  beaucoup  d'action  dans  un  opéra;  s'il  est  chargé 
d'événements;  si  les  situations  se  succèdent  rapidement  et  sans  laisser 
pour  ainsi  dire  respirer  le  spectateur,  la  musique  ne  trouve  plus  sa 
place;  elle  est  étouffée  entre  les  incidents  ;  et  quelque  vifs  et  concis  que 
puissent  être  les  morceaux  de  musique,  ils  ralentissent  ou  du  moins 
semblent  ralentir  l'action.  La  musique  est  le  développement  d'une  si- 
tuation donnée  et  un  repos  dans  l'action.  Il  faut  donc  que  l'auditeur  ne 
soit  pas  trop  pressé  par  l'action  elle-même  d'arriver  aux  scènes  sui- 
vantes; il  faut  donc  que  l'intérêt  de  la  situation  elle-même  lui  permette 
d'écouter  sans  impatience  ce  développement  musical.  C'est  au  compo- 
siteur, de  son  côté,  à  apprécier  la  situation,  et  à  ne  pas  lui  donner 
plus  de  musique  qu'elle  n'en  comporte. 

Le  public  français  est  sévère  à  cet  égard;  un  public  italien  donne 
plus  de  place  à  la  musique  et  plus  de  latitude  au  compositeur. 

Le  mot  action  s'applique  aussi  au  comédien.  L'art  du  comédien  se 
compose  de  deux  éléments  :  la  diction  et  l'action.  Pour  un  comédien 
chantant,  la  diction  c'est  le  chant,  et  c'est  la  partie  principale,  celle 
qui  doit  d'abord  attirer  toute  son  attention,  parce  que  c'est  par  le 
chant  qu'il  produira  ses  plus  grands,  ses  véritables  effets.  Le  public 
sera  plus  indulgent  pour  l'action,  qui  doit  toujours  cependant  être  juste 
et  convenable. 

Quelques  chanteurs  prennent  l'habitude  de  faire  concorder  ensem- 
ble le  geste  et  le  son  :  c'est  quelquefois  une  nécessité,  et  si  l'on  a  vu 
des  chanteurs  célèbres  affectionner  certains  gestes,  certaines  altitudes, 
c'est  qu'ils  y  trouvaient  une  facilité  pour  l'émission  du  son.  Le  public 
pardonne  volontiers  cette  tactique,  qui  est  une  sorte  de  gymastique 
appliquée  au  chant,  surtout  lorsqu'elle  sert  à  produire  degrands  effets. 

AMATEl'Eî. 

Il  y  a  plusieurs  sortes  d'amateurs  dé  musique.  Il  y  a  d'abord,  si  l'on 
peut  s'exprimer  ainsi,  l'amateur  passif  et  l'amateur  actif. 

L'amateur  passif  est  celui  qui  aime  à  entendre  la  musique.  Il  fré- 
quente les  théâtres  lyriques  et  se  montre  assidu  aux  concerts.  Il  est 
ordinairement  exclusif,  et  concentre  toute  son  admiration  sur  un  seul 
genre  de  musique.  Il  est  passionné  pour  la  musique  bouffe,  ou  pour  la 

(I)  Voir  le  n"  35. 


30Ji 


REVUE  ET  (;AZETÏE  MUSICALE 


musique  allemande ,  ou  bien  pour  les  vieux  maîtres,  ou  bien  en- 
core pour  la  musique  de  chambre ,  et  il  reste  indifférent  et  froid 
pour  toute  musique  qui  n'entre  pas  strictement  dans  le  genre  qu'il 
affectionne.  Il  ne  faut  pas  lui  parler  de  Beethoven,  s'il  est  admirateur 
de  Cimarosa,  ni  de  musique  théâtrale,  s'il  s'est  voué  à  la  musique  reli- 
gieuse. Ce  n'est  pas  toujours,  comme  on  pourrait  le  croire,  un  parti 
pris  d'avance,  c'est  souvent  une  conviction  sincère  ;  c'est  quelquefois 
aussi  le  résultat  d'études  incomplètes,  qui  donnent  à  l'amateur  demi- 
savant  un  peu  d'orgueil  et  beaucoup  de  confiance.  Souvent,  enfin,  les 
premières  émotions  que  l'art  a  fait  éprouver  dans  la  jeunesse  ont,  en 
épuisant  la  dose  de  sensibilité  ou  d'intelligence  musicale,  laissé  dans 
l'esprit  une  trace  profonde  ;  et  le  souvenir  de  ces  premières  émotions, 
souvenir  qui  ne  s'efface  jamais,  ferme  absolument  le  chemin  à  de  nou- 
velles impressions.  On  rencontre  souvent  chez  les  vieillards  cette  es- 
pèce de  reconnaissance,  dont  cependant  ils  ne  se  rendent  pas  compte  ; 
elle  se  fortifie  avec  les  années  et  les  fait  vivre  sous  un  charme  perpé- 
tuel. L'art  est  fini  pour  eux;  il  s'arrête  avec  leurs  souvenirs,  et  ne 
peut  leur  offrir  rien  de  pareil  à  ce  qu'ils  éprouvaient  lorsqu'ils  avaient 
vingt  ans  :  c'est  un  hommage  touchant  rendu  au  passé  et  un  regret  de 
plus  donné  à  la  jeunesse. 

Si  V amateur  est  riche,  il  consacre  sa  maison  à  de  véritables  solen- 
nités. Son  habitation  est  un  temple  dédié  à  la  musique  ;  il  y  attire  les 
célébrités,  les  artistes  étrangers,  et  prend  plaisir  à  protéger,  à  pro- 
duire les  talents  naissants.  II  se  fait  leur  patron,  les  introduit  dans  le 
monde,  et  leur  donne  l'appui  de  son  nom  et  de  ses  relations.  Les  ama- 
teurs rendent  ainsi,  quelquefois,  de  véritables  services  à  l'art.  M.  de 
la  Popelinière  était,  dans  le  siècle  dernier,  un  amateur  de  ce  genre  :  ii 
avait  à  son  service  un  orchestre  tout  entier,  et  c'est  certainement  à  sa 
persévérance  que  Hameau,  qui  voulait  à  cinquante  ans  entrer  dans  la 
carrière  théâtrale,  dut  ses  succès  à  l'Opéra,  et  l'éclat  qui  plus  tard  en- 
toura son  nom.  M.  de  la  Popelinière  fit  donner  à  Rameau,  par  l'abbé 
Pellegrin  (1),  le  poëme  d'Hippolyte  et  Âricie,  et  en  fit  exécuter  le  pre  ■ 
mier  acte  clans  son  hôtel,  devant  ce  monde  brillant  et  élégant,  devant  ces 
hommes  de  lettres  passionnés  dont  il  fallait  conquérir  le  suffrage,  et 
ouvrit  ainsi  à  Rameau  les  portes  du  théâtre,  qui  jusque  là  s'étaient  tou- 
jours fermées  devant  lui.  Vingt  ans  plus  tard,  en  1751,  M.  de  la  Pope- 
linière accueillait  aussi  Gossec,  qui  arrivait  à  Paris  pauvre  et  inconnu, 
et  le  chargea  de  diriger  son  orchestre.  On  voit  que  M.  de  la  Popelinière 
a  rendu  des  services  importants  ;  il  mérite  encore  aujourd'hui  la  re- 
connaissance des  musiciens. 

L'amateur  actif  (et  ce  mot  l'indique  assez)  prend  une  part  directe 
aux  productions  de  l'art  :  il  compose  ou  joue  d'un  instrument.  Le  grand 
Frédéric  était  amateur  de  musique,  composait  et  jouait  de  la  flûte.  Il 
y  a,  de  nos  jours  encore,  plusieurs  amateurs  couronnés.  Le  roi  de 
Suède,  le  roi  des  Pays-Bas,  le  prince  royal  de  Hanovre,  le  prince  Al- 
bert, sont  compositeurs. 

Il  y  a  des  amateurs  qui  font  de  l'art  une  pratique  constante,  et  lui 
consacrent  leur  vie  entière.  On  ne  leur  donne  le  nom  d'amateurs  que 
parca  que  leur  fortune  leur  permet  de  ne  pas  demander  à  leur  talent 
une  aisance  que  l'artiste  de  profession  est  obligé  de  rechercher  par 
ses  travaux.  Certes,  c'est  faire  de  la  fortune  un  bel  et  noble  emploi, 
que  de  consacrer  uniquement  les  loisirs  qu'elle  donne  à  la  culture  des 
arts  ou  des  lettres. 

Certains  amateurs  s'occupent  spécialement  de  musique  instrumen- 
tale, de  musique  dite  d'ensemble  ou  de  chambre,  et  font,  avec  plaisir 
et  dévouement,  souvent  avec  un  véritable  talent,  leur  partie  dans  un 
quatuor  ou  un  quintette;  d'autres  se  vouent  exclusivement  à  l'art  du 
chant.  Le  salon  est  leur  théâtre,  et  le  piano  leur  orchestre  ;  si  quel- 
ques-uns ne  s'élèvent  pas  au-dessus  du  nocturne  ou  de  la  romance,  et 
justifient  souvent  le  proverbe  qui  condamne  la  musique  d'amateurs, 
d'autres  ont  véritablement  un  talent  de  premier  ordre:  il  y  a  eu  sou- 

(1)  C'est  pour  l'abbé  Pellegrin  qu'ont  été  faits  ces  deux  vers  si  connus  : 
Le  matin  catholique  et  le  soir  idolâtre, 
Il  dîna  de  l'autel  et  soupa  du  théâtre 


vent  à  Paris,  il  y  a  encore  aujourd'hui,  des  amateurs  dont  le  talent  n'a 
rien  à  envier  à  celui  des  artistes  les  plus  renommés. 

D'autres  amateurs,  enfin,  ont  occupé  une  place  importante  dans 
l'histoire  de  l'art.  Ce  sont  les  écrivains  qui,  servant  d'organe  à  l'opi- 
nion publique  en  la  dirigeant  presque  toujours,  prennent  parti  dans 
les  luttes  que  soulèvent  quelquefois  certaines  questions  d'art.  On  con- 
naît la  part  qu'ont  prise  Marmontel,  Suard,  l'abbé  Arnaud,  aux  discus- 
sions passionnées  élevées  entre  les  Gluckistes  et  les  Piccinistes. 

D'Alembert  a  rendu  un  service  d'un  autre  genre  à  l'art  musical  en 
mettant  sa  plume  au  service  de  Rameau,  et  en  prêtant  à  ses  nouvelles 
doctrines  l'autorité  de  son  nom  et  de  sa  réputation.  Nous  donnons  à 
ces  écrivains  célèbres  le  nom  d'amateurs,  parce  qu'ils  n'avaient  pas 
étudié  la  musique,  que,  par  conséquent,  ils  ne  la  savaient  pas,  et  qu'ils 
jugeaient  dans  ces  questions  avec  leur  esprit,  leurs  passions,  leurs 
amitiés  quelquefois  et  leurs  goûts  particuliers,  et  que,  par  cela  même, 
ces  discussions  n'avaient  pas  ce  caractère  spécial  que  des  critiques 
musiciens,  s'il  y  en  avait  eu  à  cette  époque,  n'auraient  pas  manqué 
de  leur  donner.  Des  amateurs  de  cette  force  et  de  cette  valeur  ren- 
dent de  grands  services,  parce  qu'ils  grandissent  les  questions,  même 
lorsqu'ils  se  trompent. 

Il  y  a  encore,  pour  la  musique  comme  pour  les  tableaux  et  les  gra- 
vures, les  amateurs  collectionneurs  et  curieux.  Les  uns  recherchent 
les  manuscrits  d'une  certaine  époque,  d'autres  font  collection  de  par- 
titions, copiées  ou  gravées.  L'abbé  Santini,  mort  à  Rome  il  y  a  quel- 
ques années,  a  laissé  une  riche  bibliothèque  composée  de  manuscrits 
originaux,  et  d'un  grand  nombre  de  copies  qu'il  avait  faites  lui-même 
avec  le  plus  grand  soin.  M.  Bottée  de  Toulmon,  bibliothécaire  du 
Conservatoire  de  musique,  mort  récemment  à  Paris ,  avait  aussi  réuni 
un  grand  nombre  d'ouvrages  rares  et  curieux.  C'était  un  des  amateurs 
les  plus  instruits  en  fait  d'archéologie  musicale. 

Il  faut  pardonner  à  certains  amateurs  leurs  prétentions,  et  quelque- 
fois leurs  ridicules,  qui  sont  innocents  et  ne  nuisent  qu'à  eux-mêmes, 
et  être  reconnaissant  envers  les  vrais  amateurs,  parce  qu'ils  servent 
l'art  avec  conviction  et  désintéressement,  et  qu'ils  sont  réellement 
utiles  en  formant  le  lien  qui  unit  le  public  aux  artistes. 

F.   IIALÉVY. 


mi 


ESSAI    SUIS    IL  A    TTYEPOfK  ES  APIIIE  , 

Par  Ambroise   FIRMIN-DIDOT, 

Paris,  ISS1.  —  /  vol.  in-S°. 

(2e  article)  (1). 

Labor  absque  labore. 

Après  un  rapide  exposé  de  l'origine  et  des  progrès  de  la  typographie 
dans  tous  les  pays  plus  ou  moins  civilisés  de  l'ancien  et  du  nouveau 
monde,  M.  Didot  est  revenu  en  France,  et  c'est  à  sa  patrie  qu'il  con- 
sacre près  de  la  moitié  de  son  beau  travail.  C'est  aussi  à  l'examen  de 
cette  seconde  partie  que  nous  allons  consacrer  ce  second  article. 

Après  un  rapide  examen  des  temps  antérieurs  à  l'introduction  de 
l'imprimerie  à  Paris,  M.  Didot  raconte  comment  cette  découverte^  plus 
divine  qu'humaine  (2),  fut  accueillie,  les  luttes  qu'elle  eut  à  soutenir  et 
les  rapides  progrès  qu'elle  fit  malgré  les  obstacles  qui  assaillirent  son 
début  ;  il  suit  pas  à  pas  les  phases  diverses  par  lesquelles  elle  eut  à 
passer  avant  d'arriver  au  temps  des  Estienne,  c'est-à-dire  bien  près  de 
la  perfection.  De  là,  sans  omettre  aucun  fait  important,  il  donne  au 
lecteur,  année  par  année,  le  précis  le  plus  complet  des  progrès  et  des 
perfectionnements  de  l'art,  obligé  de  clore  par  son  propre  nom  la  lon- 
gue nomenclature  des  imprimeurs  qui  ont  honoré  Paris  et  la  France. 
Cette  partie  de  son  travail  est  terminés  par  un  exposé  des  procédés 
nouveaux,  dont  les  résultats  ont  paru  à  l'Exposition  de  Londres,  en 
1851. 

(1)  Voir  le  n°  34. 

(2)  Déclaration  du  roi  Louis  XII,  donnée  àBloi>,  le  9  aviil  1513. 


DE  PARIS. 


305 


Puis  il  fait  une  trop  courte  excursion  dans  les  villes  de  France  où  la 
typographie  a  été  le  plus  en  honneur,  c'est-à-dire  Lyon,  Troyes,  Rouen, 
Tours,  Bordeaux,  Marseille,  Moulins.  11  reproduit  un  poëme  latin  sur 
l'imprimerie,  de  Cl.  Louis  Thiboust,  imprimé  par  l'auteur  en  1756; 
curieux,  parce  qu'il  donne  une  idée  exacte  de  ce  qu'était  l'imprimerie 
à  cette  époque.  Ce  petit  poëme  sert,  en  quelque  sorte,  de  lien  entre 
la  partie  historique  et  la  partie  technique  du  livre. 

M.  Didot,  ancien  typographe,  (ainsi  qu'il  s'intitulait  lui-même  en 
juillet  1830,  dans  une  adresse  aux  ouvriers,  anciens  compagnons  de 
ses  travaux),  M.  Didot  devait  à  son  nom  de  terminer  son  livre  par  un 
exposé  des  notions  pratiques  de  l'art,  auquel  ses  ancêtres  et  lui-même 
sont  redevables  de  leur  gloire  et  de  leur  fortune.  Cette  partie  pratique, 
un  peu  trop  restreinte,  est  rendue  aussi  lumineuse  que  possible  par 
l'illustre  typographe  ;  elle  est  complétée  par  plusieurs  planches  re- 
marquablement gravées,  parmi  lesquelles  la  plus  intéressante  est  sans 
contredit  celle  qui  représente  la  presse  à  cylindre  vertical  inventée  par 
M.  Applegath  :  cette  nouvelle  presse  imprime  le  journal  le  Times  à 
10,080  exemplaires  par  heure,  ou  168  feuilles  par  minute  ! 

Imprimit  ille  die  quantum  non  scribitur  anno, 

disait  un  auteur  du  xve  siècle,  parlant  d'Udalrichus  Gallus,  imprimeur 
en  1470,  ce  qui  veut  dire  qu'avec  la  presse  verticale,  on  imprime  à 
peu  près  en  une  minute  ce  qu'un  bon  copiste  du  xv"  siècle  aurait  mis 
un  an  à  transcrire. 

Nous  ne  savons  trop  ce  que  l'histoire  de  la  typographie  en  Chine 
vient  faire  après  cela.  Nous  sommes  loin  de  vouloir  formuler  un  blâme 
pour  ce  détail,  mais  il  nous  semble  que  ce  travail  trouvait  sa  place  na- 
turelle après  l'exposé  de  l'histoire  typographique  de  l'Inde,  de  l'Amé- 
rique et  de  l'Australie. 

Revenons,  s'il  vous  plaît,  au  point  de  départ,  c'est-à-dire  à  l'aperçu 
de  l'histoire  des  temps  antérieurs  à  l'introduction  de  l'imprimerie  à 
Paris. 

Les  statuts  de  1275,  1323,  1342,  1351,  dit  M.  Didot,  prouvent  qu'a- 
vant l'invention  de  l'imprimerie,  le  libraire  n'était  qu'un  simple  agent, 
par  l'entremise  duquel  les  manuscrits  se  vendaient  au  public,  avec  une 
commission  modique  fixée  par  l'Université,  et  réduite  d'un  tiers  pour 
tout  livre  acheté  par  un  professeur  ou  écolier  de  l'Université.  Ces  li- 
braires louaient  aussi  quelquefois  des  livres  ou  cahiers  aux  écoliers  de 
l'Université.  L'établissement  des  cabinets  de  lecture  est  tout  à  fait  mo- 
derne ;  le  premier  ouvert  à  Paris  date  de  1740. 

Alors  le  luxe  des  manuscrits  était  poussé  à  un  degré  fabuleux,  et  ils 
avaient  un  prix  énorme;  on  les  laissait  par  testament  comme  un 
héritage  considérable  ;  on  les  vendait  par  contrat.  Au  temps  de  Char- 
les VI  et  de  Charles  VII,  dit  Monstrelet,  les  livres  étaient  chose  si  pré- 
cieuse qu'on  les  renfermait  dans  une  cage  de  fer  scellée  dans  un  mur  ; 
on  passait  le  bras  à  travers  les  barreaux  pour  tourner  les  pages. 

M.  Didot  nous  permettra  de  citer  une  lettre  intéressante  d'un  sa- 
vant du  xve  siècle,  qui  montre  jusqu'où  allait  à  cette  époque  l'amour 
de  la  science  et  des  livres. 

Ant.  Pécatel,  de  Palerme,  vend,  en  1455,  sa  métairie  pour  acheter 
un  Tite-Live,  appartenant  à  Pogge,  Florentin;  il  écrivait  à  ce  sujet  à 
Alphonse,  roi  d'Aragon,  de  Naples  et  de  Sicile,  la  lettre  que  voici  : 

«  Sire, 

»  Vous  m'avez  mandé  de  Florence  que  les  œuvres  de  Tite-Live, 
écrites  en  belles  lettres,  sont  à  vendre  et  qu'on  en  vent  six-vingt  écus. 
Je  supplie  Votre  Majesté  de  me  faire  apporter  cet  auteur,  que  nous  avons 
coutume  d'appeler  le  roy  des  livres  ;  et  je  ne  manquerai  pas  d'en  en- 
voyer le  prix.  Mais  je  désire  savoir  de  votre  prudence  qui  fait  mieux 
de  Pogge  ou  de  moi,  lui  qui  pour  acheter  ma  métairie,  près  de  Florence, 
vend  Tite-Live,  et  moy  qui  pour  l'acheter,  écrit  de  sa  main,  vends 
mon  fonds.  Votre  bonté  et  votre  modestie  m'ont  persuadé  de  vous  faire 
cette  question  familière.  Portez  vous  bien  et  triomphez.  » 

Les  écrivains,  libraires  (stalionarii),  relieurs,  enlumineurs  et  par- 
cheminiers  faisaient  partie  de  l'Université,  qui  exerçait  un  droit  de  con- 


trôle et  même  de  censure  sur  tous  les  livres  qui  passaient  par  les  mains 
de  ces  ouvriers. 

Nous  ne  pouvons  suivre  M.  Didot  dans  tous  les  détails,  un  peu  con- 
fus peut-être,  qu'il  a  accumulés  pour  bien  déterminer  la  position 
qu'occupaient  les  libraires  vis-à-vis  de  l'Université,  et  les  privilèges  de 
celle-ci.  Parmi  les  nombreux  règlements  portés  à  cette  époque,  nous 
remarquons  ces  clauses  qui  sont  importantes  : 

Les  libraires  de  Paris  avaient  seuls  droit  de  vendre  dans  tout  le 
royaume.  {Brevet  de  librairie  donné  le  8  juin  4 53.1) 

Aucun  libraire  ne  devait  se  défaire  de  son  fonds  de  librairie  ni  l'alié- 
ner sans  le  consentement  de  l'Université.  (Statuts  de  ï  Université,  § 
octobre  1342.) 

Les  parcheminiers  formaient  un  corps  particulier  qui  avait  ses  privi- 
lèges, mais  l'Université  s'attribuait  sur  chaque  botte  de  parchemin  un 
droit  de  16  deniers  parisis,  droit  qui  remontait  à  Charlemagne,  le  pre- 
mier roy,  fondateur  d'icelle,  et  que  maints  arrêts  postérieurs  avaient 
confirmé. 

Le  papier,  au  contraire,  fut  toujours  franc  de  tout  droit.  Charles  IX, 
par  son  édit  d'Arles  de  novembre  1554,  établit  un  impôt  sur  le  papier, 
mais,  lors  de  la  vérification  de  l'édit  au  Parlement,  l'Université,  jalouse 
de  ses  privilèges,  défend  vigoureusement  sa  cause. 

Comme  cette  affaire  offre  un  assez  piquant  intérêt  d'actualité,  qu'on 
nous  permette  d'entrer  dans  quelques  détails. 

Montholon  pour  le  recteur  de  l'Université,  de  Thou  pour  les  vingt- 
quatre  libraires  jurez  et  autres,  escrivains  et  papetiers,  et  Versoris 
pour  les  maîtres  gardes  de  la  marchandise,  plaident  énergiquement  la 
cause  de  la  franchise  du  papier,  c'est-à-dire  de  l'indépendance  et  de 
l'avenir  intellectuel  du  monde  entier. 

«  Jamais,  dit  Montholon,  le  papier  blanc  et  les  autres  objets  indispen- 
sables aux  études  n'ont  été  soumis  aux  impôts  dans  les  circonstances  les 
plus  critiques;  en  1418,  par  exemple,  lors  des  guerres  contre  les  An- 
glais qui  occupaient  une  partie  du  royaume,  quand  une  contribution 
jut  mise  pour  lanécessitè  publique,  l' Université  fit  offre  d'y  contribuer, 
mais  le  roy  (Charles  V)  ne  le  voulut  accepter,  pour  la  conséquence,  et 
d'abondant  fit  déclaration  d'exemption  générale  pour  toute  chose  estant 
à  l'usage  des  escholiers  et  rstudiants. 

Si  le  prix  du  papier  augmente,  le  pauvre  escholier  qui  a  un  double 
ou  un  liard  pour  avoir  une  feuille  sera  contraint  de  laisser  l'étude,  et 
en  quoy  V Estât  public  a  intéresl,  estant  le  séminaire  de  vertu  par  ce 
m^yen  suffoqué  et  éteint.... 

De  Thou  ajoute  que  la  fabrication  du  papier  est  pour  la  France  une 
source  de  richesse  inappréciable  :  Les  eslrangers,  ruesme  ceux  d'Espa- 
gne, se  sont  toujours  fournis  en  France,  et  c'est  par  le  moyen  de  la 
papeterie,  plus  que  par  autre  trafic  ou  mrachandise  qui  se  fasse  en 
Fronce,  tiré  l'or  étranger. 

Après  avoir  établi  combien  l'effet  qui  résulterait  de  la  vérification  de 
cet  effet  serait  désastreux  pour  l'imprimerie  et  pour  les  études,  Verso- 
ris dit  :  //  faudra  que  les  maisires  papetiers  dé/aisst  nt  leurs  manufac- 
tures, et  on  verra  en  bref  les  ouvriers  passer  aux  pays  étrangers,  et 
cette  manufacture  tellement  délaissée  en  ce  royaume,  qu'au  lieu  que 
par  cidevnnt  on  avoit  le  papier  à  vil  prix  et  que  l 'on  en  vendait  grande 
quantité  aux  étrangers,  on  sera  dorénavant  contraint  d'en  acheter  bien 
chèrement  d'tux. 

Et  supplie  la  cour  très-humblement  de  faire  entendre  au  roy  ces 
motifs,  afin  que  si  la  calamité  du  temps  ne  se  peut  passer  sans  mettre 
opposition,  que  ce  soit  sur  un  autre  endroit,  dont  le  roy  puisse  tirer 
plus  de  profit  et  S"s  humbles  sujets  moins  d'oppressioti. 

Le  14  août  1565,  le  roi,  par  ses  lettres  patentes  dudit  jour,  fit  dé- 
fense aux  fermiers  de  lever  ledit  impôt,  sous  peine  du  quadruple  et 
d'emprisonnement. 

Et  depuis  cette  époque ,  le  papier,  cet  indispensable  auxiliaire  de 
l'imprimerie,  destiné  par  elle  à  multiplier  les  produits  du  génie  et  de 
l'esprit  humain,  et  à  les  répandre  dans  toutes  les  classes  de  la  société, 
est  resté  franc  et  quitte  de  tout  droit. 


306 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


Un  siècle  auparavant,  l'imprimerie  se  glissait  inaperçue  dans  Paris. 

Le  bruit  de  la  découverte  de  Gutenberg  s'était  rapidement  répandu 
à  l'étranger  :  en  1 409,  trois  imprimeurs  allemands,  Martin  Krantz  , 
Michel  Friburger  et  Ulric  Gering ,  sont  attirés  à  Paris  par  le  prieur  de 
la  Sorbonne,  l'Allemand  de  la  Pierre,  et  le  premier  ouvrage  sorti  de 
leurs  presses,  établies  dans  la  maison  même  de  Sorbonne,  fut  un  livre 
intitulé  :  Gasparini  Pergamcnsis  Epistolw,  in-4°,  sans  date,  mais  bien 
positivement  de  1470. 

Ainsi ,  l'imprimerie  date  à  Paris  de  1470  ;  et  cette  ville  est  la  pre- 
mière de  France  et  seulement  la  dixième  de  l'Europe  qui  ait  joui  de 
ce  bienfait.  Celles  qui  la  précèdent,  sont:  Mayence,  Bamberg,  Su- 
biaco,  Rome,  Esfeld,  Cologne,  Augsbourg,  Venise  et  Milan.  Il  faudrait 
y  ajouter  Erfurth ,  si  l'on  pouvait  se  fier  à  la  note  manuscrite  qui  se 
trouve  sur  l'exemplaire  des  fameuses  lettres  d'indulgence  de  Ni- 
colas V,  que  possédait  lord  Spencer.  Ces  lettres  sont  datées  de  1455; 
mais  le  nom  de  la  personne  à  qui  les  indulgences  ont  été  adressées, 
le  quantième  et  le  mot  Erffurdie  sont  écrits  à  la  plume. 

La  même  année,  les  trois  imprimeurs  donnèrent  une  édition  de  Sal- 
luste,  que  l'on  peut  considérer  comme  l'édition  princeps  ;  car  elle  est 
de  la  même  année  que  celle  donnée  par  Vindelinus  de  Spire ,  à 
Venise. 

Quatre  années  après,  ils  obtiennent  du  roi  Louis  XI  des  lettres  gra- 
tuites de  naturalisation.  Cette  pièce  est  intéressante  pour  l'histoire  de 
l'imprimerie  (1)  ;  comme  M.  Didot,  nous  en  citerons  le  commence- 
ment : 

Loys,  parla  grâce  de  Dieu  ,  roy  de  France,  sauo  r  faisons  que 
nous  auons  receu  humble  supplication  de  nos  bien  amés  Michiel  Fri- 
burgier,  Ulric  Quering  et  Martin  Granets  ,  du  puis  dAUemaiyne, 
(ontinant  que  ils  sont  venus  demourer  en  nostre  royaume  puis  ancien 
temps  en  ca  pour  lexercice  de  leurs  ars  et  mestitrs  de  f«ire  Hures  de 
plusieurs  manières  d'escriptures  en  mode  et  autrement  et  de  les 
vendre  en  ceste  nuire  ville  de  Paris,  où  ils  demeurent  à  présent. 

Les  mêmes  lettres  de  naturalisation  exemptent  du  droit  d'aubaine 
tous  les  biens  appartenant  aux  trois  imprimeurs. 

A  la  fin  de  1478,  le  nom  de  Géring  paraît  seul  sur  les  publications 
postérieures  au  mois  d'octobre  de  cette  année  ;  ce  qui  laisse  supposer 
que  ses  deux  associés  moururent  eu  retournèrent  en  Allemagne.  Il 
s'associa,  en  1494,  avec  Bertrand  de  Rembolt,  originaire  de  Stras- 
bourg, et  mourut  en  1510,  léguant  à  la  Sorbonne,  au  collège  de  Mon- 
tagu  et  aux  écoliers  pauvres  une  fortune  considérable  et  glorieusement 
acquise.  La  Sorbonne  eut  pour  sa  part  8,500  livres  d'argent  comptant, 
somme  énorme  pour  le  temps. 

Le  nombre  des  imprimeurs  augmente  rapidement  à  Paris,  aussitôt 
que  l'on  commence  à  sentir  l'importance  de  ce  nouvel  art. 
En  1473,  Pierre  Césaris  et  Jean  Stol  ; 
En  1474,  Aspais  Bonhomme  et  Pierre  Caron  ; 
En  1475,  Pasquier  Bonhomme; 

En  1480,  Antoine  Vérard ,  si  célèbre  par  ses  romans  de  chevalerie. 
Il  meurt  en  1513.  —Barthélémy  Vérard  lui  succède,  et  l'on  voit  en- 
core un  troisième  imprimeur  de  ce  nom  en  1518. 

Nommant  seulement  les  Marnef,  les  Regnault,  les  Dupré,  les  Pigou- 
chet ,  les  Lenoir,  les  Jean  Petit,  les  Josse  Bade,  les  Kerver,  etc.,  qui 
illustrèrent  encore  ce  premier  siècle  de  l'imprimerie,  nous  arrivons, 
en  1502,  aux  Estienne. 

Ici  nous  citons  textuellement  : 

«  En  1502,  Henri  Estienne,  premier  du  nom ,  dérogeant  à  ses  titres 
de  noblesse  et  bravant  l'exhérédation  paternelle  pour  se  dévouer  à  la 
typographie,  qui  devait  l'illustrer  par  une  noblesse  plus  réelle  et  plus 
personnelle,  devient  le  chef  de  cette  illustre  famille  d'imprimeurs  qui 
portent  son  nom.  Venu  de  Provence  à  Paris,  vers  l'an  1500,  les  pre- 
miers livres  qu'il  y  imprima  prouvent  qu'il  s'était  associé  avec  Henri 

(Il  Ces  lettres  avaient  été  publiées,  en  1183,  par  G.  de  Bure  dans  l'excellent  ca- 
talogue de  Lavallière,  3-  vol.,  p.  141. 


Wolfgang  ,  et  l'on  voit  par  ses  publications  qu'il  affectionnait  la  philo- 
sophie et  les  sciences  naturelles.  » 

M.  Didot,  dans  une  noie  fort  intéressante  qu'il  donna  sur  l'origine  de 
la  famille  des  Estienne,  explique  ainsi  l'olivier  qui  se  trouve  sur  beau- 
coup de  livres  imprimés  par  Henri  Eslienne  : 

«  Godefroi,  père  de  Henri,  premier  du  nom,  avait  épousé  Laure  de 
Montolivel.  Je  pense  donc  que  c'est  en  souvenir  de  ce  nom  et  de 
l'olivier,  blason  des  armes  de  la  famille  de  sa  mère,  que  Henri  l'a- 
dopta comme  emblème  placé  sur  tous  les  livres  qu'il  imprimait,  fai- 
sant ainsi  revivre  les  armes  de  la  famille  de  sa  mère,  puisque  son 
père  l'avait  privé  des  siennes.  » 

Nous  ne  pouvons,  malheureusement,  suivre  M.  Didot  dans  les  déve- 
loppements qu'il  donne  sur  cette  grande  famille.  Nous  renvoyons  le 
lecLeur  à  son  livre,  ou  bien  (etil  ne  s'en  formalisera  pas)  au  beau  traité 
de  M.  Renouard  sur  les  Estienne. 

1502.  —  Henri  Eslienne.  Il  meurt  jeune  en  1520,  laissant  121  ou- 
vrages, la  plupart  in-fol.,  tous  remarquablement  exécutés.  Sa  veuve  s» 
remarie  à  Simon  de  Colines,  habile  imprimeur  et  graveur  en  lettres, 
qui  fut  probablement  l'associé  d'Henri  Estienne  et  celui  de  son  fils 
Robert  Estienne. 

1524- — Robert  Estienne,  né  en  1583,  quitte  son  beau-père  et  rentre 
dans  la  propriété  de  l'imprimerie  paternelle.  En  1527,  il  épouse 
Perelte  Bade,  fille  de  Josse  Bade,  excellent  imprimeur  ;  ce  fut  la  digne 
épouse  de  Robert,  et  la  digne  mère  d'Henri  Estienne,  deuxième  du 
nom. 

Les  ouvrages  célèbres  sortis  des  presses  de  Robert  Estienne,  sont  : 
la  Bible,  in-fol.,  avec  l' Index  no niinum; 

Le  Dictionarium,  sive  laiinec  liiujuœ  thésaurus,  in-fol.,  rédigé  par 
lui-même  :  il  en  donne,  en  1536,  une  2e  édition  en  2  vol.  in-fol.,  et 
une  3e  en  1543,  en  3  vol.  in-fol.  Magnifique  et  gigantesque  travail  !  — 
En  1537,  une  2°  édition  in-fol.  de  la  Bib'e  latine,  avec  annotations  et 
commentaires.  —  En  1539-1544,  la  Bible  en  hébreu,  4  vol.  in-4°. 

En  1550,  une  magnifique  édition  du  Nouveau-Testament,  in-fol.  On 
esLime  qu'il  ne  donna  pas  moins  de  onze  éditions  complètes  de  la  Bible 
et  autant  du  Nouveau-Testament.  —  En  1551,  il  est  obligé  de  se  ré- 
fugier à  Genève,  pour  fuir  les  persécutions  de  la  Sorbonne  et  des  théo- 
logiens. Il  y  publie  plusieurs  ouvrages  pour  sa  défense,  et,  en  1557,  sa 
Grammaire  française,  in-8°;  et  il  meurt  en  exil,  le  7  septembre  1559, 
laissant  huit  enfants. 

Écoulons  ce  qu'en  dit  Paul  Manuce,  le  digne  fils  d'Aldus  Pius  : 
a  J'ai  entendu  dire  à  mon  père  que  nul  n'avait  égalé  Robert  Estienne 
par  le  soin  et  le  zèle  qu'il  apportait  à  la  correction  et  à  la  publication 
des  anciens  auteurs.  » 

Robert  Estienne  avait  eu  deux  frères,  Charles  et  François,  imprimeurs 
tous  deux. 

Henri  Estienne,  deuxième  du  nom,  né  en  1532,  déjà  imprimeur  en 
1554,  réunit  en  1559  l'imprimerie  de  son  père  Robert  Estienne  à  la 
sienne.  11  meurt  à  Lyon  en  1598.  Aussi  célèbre  oomme  écrivain  que 
comme  imprimeur ,  il  laisse,  entr'aulres  ouvrages,  son  célèbre  traité 
de  la  Conformité  du  langage  français  avec  le  grec,  sa  Précellence  du 
langage  français,  son  Apologie  pour  Hérodote,  son  Thésaurus  grœcce 
linguw,  5  tomes  en  4  vol.  in-fol.,  et  ure  grande  quantité  d'ouvrages, 
tous  pleins  de  science  et  de  style,  d'une  philosophie  un  peu  rabelai- 
sienne, mais  dont  un  seul  aurait  suffi  pour  faire  passer  son  nom  à  la 
postérité. 

Cette  famille,  qui  a  donné  au  moins  vingt  imprimeurs  à  la  France,  et 
dont  les  chefs  ont  tant  fait  pour  les  lettres,  n'est  peut-être  pas  en- 
core éteinte,  car  M.  Didot  parle  d'un  descendant  en  ligne  directe,  An- 
toine Estienne,  colonel  en  retraite,  ancien  inspecteur  de  la  librairie, 
mort  à  Paris  en  1826.  S'il  a  laissé  un  fils,  il  y  a  bien  peu  de  noblesse 
en  Europe  que  l'on  puisse  comparer  à  la  sienne,  car  la  famille  des 
Estienne  remonte  au  xn"  siècle,  et  elle  s'est  vigoureusement  retrempée 
au  xvi". 

Pendant  que  la  pléiade  des  Estienne  illustrait  la  France,  d'autres  ex- 


DE  PARIS. 


307 


cellents  imprimeurs  apportaient,  leur  concours  modeste,  mais  dévoué, 
à  ce  grand  œuvre  qu'on  appelle  la  résurrection  des  lettres  et  des  arts, 
ou  encore  la  renaissance. 

Galliot  Dupré  ;  Geoffroy  Tory  ;  Simon  de  Colincs,  le  digne  allié  des  j 
Estienne;  Chrestien  Michel  (1),  un  des  imprimeurs  de  Rabelais;  Michel 
Vascosan,  beau-frère  de  Robert  Estienne,  l'éditeur  d'Amyot  ;  Gilles 
Corrozet,  poète,  historien,  traducteur;  les  frères  Angelicrs;  Robert 
Ballard,  le  premier  imprimeur  royal  pour  la  musique,  chef  d'une  fa- 
mille dans  laquelle  se  perpétuèrent  ces  fonctions  (2);  Adrien  Turnèbe, 
le  célèbre  helléniste;  Frédéric  Morel,  gendre  et  successeur  de  Vasco- 
san ;  Gabriel  Buon,  l'éditeur  de  Ronsard  ;  Mamert  Pâtisson,  Abel  Lan- 
gelier  ;  Rollin  Thierry;  Sébastien  Cramoisy,  etc.,  sont  les  principaux 
de  ces  hommes  modestes  et  savants  qui  firent  de  l'imprimerie  française, 
au  xvi°  siècle,  la  première  imprimerie  du  monde.  Ils  étaient  souvent 
correcteurs,  traducteurs,  auteurs  tout  à  la  fois-,  presque  tous  ensei- 
gnaient leur  art  à  leurs  enfants.  Aussi  voit-on  avec  respect  quelques- 
uns  de  ces  noms  qui  reparaissent  pendant  deux  et  trois  siècles. 

Les  rois  de  France  avaient,  pendant  le  laps  d'années  qui  s'étend  de 
l'introduction  de  l'imprimerie  à  Paris,  au  xvne  siècle,  rendu  de  fameux 
édits  en  faveur  de  l'imprimerie  et  persécuté  les  imprimeurs;  témoin  les 
édits  de  François  I"  en  1533  et  153/i,  de  Henri  II  en  1551,  de  Char- 
les IX  en  1 563  et  156/i  :  {Tous  libraires  qui  imprimeront  aucun  livre, 
lettres,  harangue  ou  autre  écrit  en  rhythrne  ou  en  prose,  sans  permis- 
sion du  seigneur  roy,  seront  pendus  et  estrangtez,  arrêt  du  10  sep- 
tembre 1563);  témoin  E.  Dolet,  Robert  Estienne,  D.  Chrestien  Wae- 
chel,  Geoffroi  Vallée,  Martin  l'Homme,  etc. 

Nous  aimons  par  dessus  tout  le  xvie  siècle;  c'est  pour  nous  le  grand 
siècle  de  la  monarchie  française;  c'est  le  siècle  de  la  renaissance,  c'est 
celui  de  la  réforme  :  on  voit  la  pensée  humaine  se  dégager  peu  à  peu 
des  ténèbres  épaisses  qui  l'ont  obscurcie  pendant  si  longtemps. 

Eh  bien  !  qui  croirait  qu'au  milieu  de  ce  grand  siècle,  à  travers  cette 
vaste  rénovation  de  toutes  choses,  sous  le  règne  de  ce  roi-chevalier 
qui  se  fait  appeler  le  Père  des  Lettres,  de  ce  roi  qui  fait  antichambre 
chez  Robert  Estienne,  peut-être  parce  que  Charles-Quint,  son  rival, 
ramasse  le  pinceau  du  Titien,  qui  croirait  que  l'imprimerie  a  été  à  deux 
doigts  d'une  ruine  complète? 

«  En  1533,  François  I"  étant  à  Lyon,  le  7  juin,  la  société  de  Sorbonne 
lui  présenta  une  requête  fort  pressante  au  sujet  des  livres  hérétiques  ; 
elle  y  exposa  fortement  au  roi  que  s'il  voulait  sauver  la  religion  atta- 
quée, et  ébranlée  de  tous  côtés,  il  était  d'une  nécessité  indispensable 
d'abolir  pour  toujours  en  France,  par  un  édit  sévère,  l'art  de  l'impri- 
merie, qui  enfantait  chaque  jour  une  infinité  de  livres  qui  lui  étaient 
si  pernicieux.  Ce  projet  de  la  Sorbonne  fut  sur  le  point  d'être  réalisé  ; 
mais  Jean  du  Bellay,  évêque  de  Paris,  et  Guillaume  Budé  parèrent  heu- 
reusement le  coup  ;  ils  firent  entendre  au  zélé  monarque  qu'en  conser- 
vant un  art  si  précieux,  il  pourrait  efficacement  remédier  aux  abus  dont 
on  se  plaignait  si  justement.  »  (Voy.  M.  l'abbé  Labouderie,  Notice  sur 
la  vie  et  les  écrits  du  p.  Colonia,  p.  xlvij.) 

Si  François  Ier  eût  cédé,  nul  doute  que  quelques  esprits  pervers 
comme  Marot ,  Rabelais ,  Saint-Gelais,  et  Dubellay ,  et  Dolet,  et  les 
Estienne,  et  d'autres  encore  ne  l'eussent  surnommé  le  Démol'sseur  des 
Lettres  ,  mais  la  faculté  de  théologie,  l'inquisition  et  la  cour  de  Rome 
l'auraient  canonisé. 


(La  suite  prochainement.) 


E.  D. 


(1)  Ce  fut  lui  qui  fit  tirer  les   Colloques  d'Érasme  à  24,000  exemplaires,  nombre 
inusité  pour  ce  temps. 

(2)  Cette   imprimerie  s'est  continuée  jusqu'à  nos  jours.   M.  Vinchon,    allié  de 
Mme  veuve  Ballard,  lui  a  succédé  comme  imprimeur  de  ki  ville  de  Paris. 


NOUVELLES. 

*„*  Pcmain  lundi,  à  l'Opéra,  Guillaume.  Tetl. 

***  Le  Juif  errant  a  reparu  lundi  dernier,  et  l'aflluence  était  telle  que 
la  salle  s'est  trouvée  trop  petite  pour  contenir  tous  les  amateurs  1  ercredi 
et  vendredi,  le  spectacle  est  resté  le  même,  mais  le  public  sVst  renouvelé 
avec  un  empressement,  véritable  pierre  de  touche  des  succès.  Roger  et 
Massol  reparaissaient  ensemble  dans  les  deux  rôles  qu'ils  ont  créés  avec 
une  supériorité  si  grande.  Ils  y  ont  été  l'un  et  l'autre  aussi  admirables, 
aussi  applaudi-;  que  dans  les  premiers  jours.  On  dirait  qu'ils  ont  gagné  en 
puissance  de  moyens,  soit  par  le  travail,  soit  par  le  repos.  Mme  Tedesco 
et  Mlle  La  Grua,  qui  ne  nous  avaient  pas  quittés,  que  nous  n'avions  jamais 
cessé  d'entendre,  ont  pris  comme  un  nouvel  élan  d'inspiration,  Je  verve, 
et  leurs  belles  voix  ont  enlevé  l'enthousiasme.  Plusieurs  fois  rappelés, 
pendant  le  cours  de  ces  trois  représentations,  ces  quatre  artistes  ont  re- 
paru aux  applaudissements  de  tout  l'auditoire.  Une  jeune  cantatrice, 
Mlle  Mendez,  conquise  par  l'Opéra  sur  le  Théâtre-Lyrique,  s'est  essayée 
au  troisième  acte  dans  le  petit  rôle  de  la  dame  d'honneur,  chanté  d'abord 
par  Mlle  Petit-Briôre.  Comme  sa  devancière,  eile  est  élève  de  Mme  Darno- 
reau,  et  possède  une  voix  très-agréable. 

***  Après  avoir  obtenu  les  plus  brillants  succès  à  Madrid,  Fanny  Cerrito 
vient  d'arriver  à  Paris.  Elle  est  engagée  au  théâtre  impérial  de  Vienne. 

***  Lablache  est  parti  hier  samedi  pour  Saint-Pétersbourg,  où  l'appelle 
un  engagement  au  théâtre  Italien. 

***  Ferdinand  Ililler  a  résilié  son  engagement  de  chef  d'orchestre  du 
Théâtre-Italien  L'éminent  artiste  et  compositeur  est  à  Paris  en  ce  mo- 
ment. 11  n'est  pas  encore  certain  qu'il  retourne  en  Allemagne. 

V  M.  Séveste ,  directeur  du  Théâtre-Lyrique,  vient  de  confier  un 
poëme  en  un  acte  à  M.  Wekerlin  ;  le  libretto  est  de  M.  Alboize. 

*„*  On  monte,  à,  Lyon,  le  charmant  opéra  d'Adol|  he  Adam,  la  Poupée 
de  Nuremberg.  Le  principal  rôle  sera  joué  et  chanté  par  Mme  Cabel. 

%*  Alexandre  Billet,  dont  nous  annoncions  l'arrivée  dans  notre  dernier 
numéro,  et  qui  ne  s'est  pas  fait  entendre  à  Paris  depuis  le  beau  concert 
donné  par  lui  au  Théâtre-Italien  en  1845,  a,  depuis  ce  temps,  parcouru 
l'Eurone  et  confirmé  sa  brillante  réputation.  Définitivement  fixé  à  Londres, 
il  s'y  est  fait  une  position  importante,  à  laquelle  n'ont  pas  peu  contribué 
ses  concerts  de  musique  classique,  dont  les  programmes  sont  exclusive- 
ment composés  des  œuvres  des  plus  grands  maîtres,  depuis  Sébastien 
Bach,  Ilaendel,  Scarlatti,  jusqu'à  Mendelssohn.  Dans  chaque  séance,  l'ar- 
tiste exécute  trois  sonates,  quatre  fugues,  cinq  ou  six  études  de  différents 
auteurs,  et  le  public  anglais  s'est  habitué  à  considérer  ces  concerts  comme 
des  cours  pratiques,  auxquels  il  se  porte  avec  un  empressement  soutenu. 

***  Soivinski  est  de  retour  à  Paris.  A  son  passage  à  Saintes,  il  a  été  in- 
vité par  Mme  la  supérieure  du  couvent  de  Sainte-Marie- de-la-Providence 
à  se  faire  entendre  sur  le  piano  au  concert  qui  a  suivi  la  distribution  des 
prix.  Mgr  l'évèque  de  la  Rochelle,  entouré  d'un  nombreux  clergé,  prési- 
dait à  cette  fête,  à  laquelle  assistaient  aussi  les  autorités  de  la  ville  et 
beaucoup  de  parents  des  jeunes  personnes.  M.  Sowinski  a  d'abord  exécuté 
sa  fantaisie  sur  l' Enfant  prongue;  ensuite,  il  a  dit  avec  beaucoup  de  déli- 
catesse et  de  verve  la  Berceuse  et  la  Sicilienne . 

*#*  Charles  Dancla,  l'éminent  violoniste,  et  sa  sœur,  Laure  Dancla,  la 
pianiste  si  distinguée,  sont  en  ce  moment  à  Saint-Sauveur,  dans  les 
Pyrénées,  et  en  l'ont  les  délices  par  leur  double  talent. 

*„*  Mme  Sontag  s'est  embarquée  dans  les  derniers  jours  du  mois  d'août 
sur  le  paquebot  â  vapeur  VArctic  pour  New-York.  Les  artistes  qui  l'accom- 
pagnent dans  son  voyage  en  Amérique  sont  Mil.  Cari  Eckert,  pianiste 
compositeur,  et  Pezzolini,  jeune  ténor,  qui,  pendant  la  dernière  saison  , 
était  attaché  au  théâtre  impérial  Italien  de  Saint-Pétersbourg,  où  il  a 
figuré  avec  succès  à  côté  de  Mario  et  de  Tamberlik. 

%*  M.  Gilardoni,  le  contrebassiste  qui  s'est  fait  une  brillante  réputa- 
tion en  Italie,  vient  d'arriver  à  Paris,  où  il  se  propose  de  passer  l'hiver. 

%*  Ce  n'est  pas  dans  un  concert  que  H.  Charles  John  s'est  fait  entendre 
à  Trouville.  Le  ieune  et  habile  pianiste  n'a  joué  que  devant  quelques  amis 
et  amateurs,  qui  se  sont  trouvés  fort  heureux  d'être  admis  dans  ce  cercle 
exceptionnel. 

%*  Le  concours  d'harmonie  et  de  composition  pour  les  musiques 
d'infanterie  et  de  cavalerie  a  eu  lieu  jeudi  dernier  au  Gymnase  musical 
militaire.  Les  concurrents  avaient  à  composer  un  /-us  redoublé  sur  un 
fragment  de  mélodie  donnée,  dont  ils  devaient  trouver  les  développements, 
et  â  écrire  ensuite  à  quatre  parties  vocales  une  ba^se  et  un  chant  donnés. 
Voici  le  résultat  de  ce  concours  :  —  Pour  la  musique  d'infanterie  :  premier 
prix,  partagé  entre  MM.  Bourdeau,  du  17e  de  ligue  et  Josneau,  du  6e  de 
ligne,  élèves  de  M.  F.  Bazin;  second  prix,  M.  Loustalot,  du  11e de  ligne, 
élève  de  M.  F.  Bazin  ;  accessit  partagé  entre  M.  Sarnette,  du  8e  léger, 
élève  de  M.  Vialon,  et  MM.  Leroux,  du  38'  de  ligne,  et  André,  du  3e  de 
ligne,  élèves  de  M.  F.  Bazin.  —  Pour  la  musique  de  cavalerie  :  second 
prix,  partagé  entre  MM.  Yung,  du  1"  lanciers,  etGaudin,  du  T  cuirassiers, 
élèves  de  M.  F.  Bazin;  accessit,  M.  Ch.  Prévost,  du  h'  cuirassiers, élève  de 
M.  F.  Bazin. 

V  Au  concours  d'Abbeville,  c'est  la  musique  d'Eu  qui  a  remporté  la 
médaille  d'ur.  Cette  musique  est  patronée  et  dirigée  par  un  amateur  des 
plus  distingués  de  la  ville,  M.  de  Gromard.  Elle  se  compose  entièrement 
d'instruments  sortant  de  la  fabrique  de  M.  Sax.  Au  même  concours,  le 
second  prix  a  été  adjugé  à  la  musique  d'Oesdin,  patronée  et  dirigée  par 


308 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PAP.IS. 


MM.  Ilouzel  et  Ricard;  elle  se  compose  également  en  totalité  d'instru- 
ments du  même  facteur. 

*„*  Au  concours  qui  a  eu  lieu  à  Meaux,  le  22  juin  dernier,  la  musique  de 
Trilport,  petit  village  de  mille  habitants  dirigés  et  patronés  par  M.  le  vi- 
comte de  Ponton  d'Amicourt,  a  remporté,  avec  21  musiciens,  la  première 
médaille  d'or  de  la  3'  division,  dans  laquelle  elle  concourait.  Les  concu- 
rents  étaient  deux  fois  plus  nombreux,  venaient  de  villes  importantes  et 
comptaient  beaucoup  d'artistes.  Les  musiciens  de  Trilport,  au  con- 
traire, étaient  tous  de  simples  villageois,  mais  munis,  en  totalité,  d'in- 
struments de  la  manufacture  d'Ad.  Sax. 

%*  Une  mort  subite  vient  d'enlever  un  homme  dont  le  nom  n'a  pas  été 
sans  retentissement  dans  le  journalisme  et  les  théâtres.  M.  Anténor  Joly 
avait  créé  un  journal  littéraire  qu'il  dirigea  longtemps,  le  Vert-Vert.  Il 
fonda  aussi  le  théâtre  Beaumarchais  et  le  théâtre  de  la  Renaissance,  où 
fut  représentée  Y  Eau  merneilleuse.,  deGrisar,  etoùCarlottaGrisi  commença 
sa  réputation.  Malgré  une  surdité  complète,  M.  Anténor  Joly  n'avait  pas 
renoncé  à  la  vie  active,  et  n'avait  rien  perdu  de  son  caractère  aimable  et 
facile. 

%*  Mlle  Louise  Noblet,  qui  fut  longtemps  première  danseuse  à  l'Opéra, 
vient  de  mourir  aux  'J  hernes,  après  une  longue  et  douloureuse  maladie. 
Elle  était  sœur  de  Mme  Alexis  Dupond  et  de  Mlle  Noblet  du  Théâtre-Fran- 
çais. Elle  eut  cet  honneur,  unique  peur  une  danseuse,  dinspirer  l'idée 
d'u.i  grand  opéra  et  d'y  créer  le  principal  rôle,  celui  de  Fenella  dans  la 
M  aille  de  Po:  tid. 

CRON1QUE   DÉPARTEMENTALE. 

%*  Strasbourg  5  septembre.  —  Les  Mousquetaires  d»  la  Reine  et  Giralla 
ont  brillamment  inauguré  la  réouverture  théâtrale.  Montaubry,  le  jeune 
ténor,  et  sa  charmante  femme  (Caroline  Prévost)  s'y  sont  distingués  dans 
les  pr  ncipaux  rôles.  Mlle  Elisa  Marchand  a  aussi  fort  bien  réussi  dans  ce- 
lui de  Berthe  de  Simiane  et  dans  le  Chalet. 

%*  La  Rochelle,  6  septembre.  —  Pendant  la  saison  de  bains  de  mer,  les 
bals,  soirées  et  concerts  se  sont  succédé  sans  interrpution.  Deux  artistes 
aimés  du  public  bordelais  ont  ouvert  la  marche,  MM.  Sarreau  etFerrières; 
le  premier,  chanteur  d'une  voix  peu  étendue,  mais  sympathique;  le  se- 
cond, violoncelliste,  premier  prix  du  Conservatoire.  Puis  est  venu  le 
concert  de  Mlle  Joséphine  Martin,  qui  a  exécuté  avec  une  perfection  mer- 
veilleuse la  Danse  ïyriaqu;  la  Tarentelle,  Y  El  m  du  cœur  et  la  Kerms-e. 
Dans  ce  concert,  notre  compatriote,  le  jeune  Sauvaget,  élève  de  Franc- 
homme,  a  préludé  à  celui  qu'il  devait  donner  bientôt  avec  le  concours  de 
la  Société  philharmonique. 

*  *  Lons-le-Savnier,  8  septembre.  —  Un  magnifique  concert  a  été  donné, 
le  5  de  ce  mois,  chez  M.  de  Grimaldi,  président  du  Conseil  général.  La 
partie  vocale  était  confiée  à  MM.  Gueymard,  Morelli,  Protêt,  Malézieux  et 
Mme  Laborde  ;  la  partie  instrumentale,  à  MM.  Ropicquet  etDietsch.  Guey- 
mard et  Morelli  ont  dit  avec  un  effet  entraînant  les  duos  de  Belisario 
et  de  Guillaume  T'U:  M.  Protêt,  l'un  des  bons  élèves  de  Boldogni,  a  fort 
bien  chanté  un  air  de  Charles  VI,  et  Mme  Laborde  a  littéralement  ébloui 
l'auditoire  avec  l'air  du  Barbier  et  les  variations  de  Rode. 

CHRONIQUE     ÉTRANGÈRE. 

%*  Bruxelles,  30  août.  —  Le  festival  qui  aura  lieu  dans  cette  ville  aux 
fêtes  de  septembre  sera  remarquable  par  le  grand  nombre  d'artistes  qui 
y  prendront  part.  Cinquante-six  Sociétés  philharmoniques  de  Belgique , 
de  France  ,  d'Allemagne,  de  Suisse  et  de  Hollande  ont  promis  d'y  concou- 
rir :  elles  fourniront  au  moins  trois  mille  chanteurs.  Une  commission 
spéciale  a  été  nommée  pour  organiser  ce  festival ,  qui ,  selon  toutes  les 
apparences,  fera  époque  dans  les  annales  de  la  musique. 

***  Berlin.  —  Roger  s'est  mis  en  route  pour  Paris  immédiatement  après  la 
représentation  à  son  bénéfice.  Mlle  Wagner  lui  avait  promis  son  concours 
pour  cette  représentation ,  ce  qui  aurait  perm  is  d'off  ri  r  autre  cheseaup  ubli  c 
que  la  Dame  Blanche,  qui  avait  déjà  été  jouée  neuf  fois;  mais  la  jeune  canta- 
trice, ou  plutôt  son  père,  a  renouvelé  la  manœuvre  qu'il  avait  déjà  pratiquée 
à  Londres.  11  a  écrit  une  lettre  pour  excuser  tant  bien  que  mal  l'absence  de 
sa  fille.  Roger,  dans  l'intérêt  du  public,  a  fait  parvenir  à  M.  Wagner  une  ré- 
ponse dans  laquelle  il  lui  explique  la  valeur  de  cette  expression  :  tenir  parole. 
Néanmoins,  la  recette  s'est  élevée  à  environ  4,300  thalers;  frais  déduits,  il 
serait  resté  mille  écus  au  bénéficiaire;  si  Roger,  toujours  galant  et  géné- 
reux, n'avait  offert,  comme  souvenir,  des  présents  de  prix  aux  chanteurs 
et  aux  cantatrices,  ainsi  qu'aux  premières  danseuses  qui  lui  avaient  prêté 


le  concours  de  leur  talent.  Les  gens  de  service  et  les  employés  subalter- 
nes ont  également  reçu  des  marques  de  sa  munificence.  Un  joli  bracelet, 
estimé  20  frédérics  d'or,  avait  été  destiné  à  Mlle  Wagner.  Si  Roger  doit 
nous  revenir  l'année  prochaine,  le  public  est  en  droit  d'exiger  que  l'on 
s'y  prenne  à  temps  pour  qu'il  y  ait  une  cantatrice  qui  puisse  le  seconder. 

%*  Vienne.  —  Ander  vient  de  contracter  un  engagement  à  vie  au 
théâtre  de  la  Cour;  il  a  12,000  florins  par  an  (3\000  fr.),  trois  mois  de 
congé  et  une  pension  de  2,0C0  florins. 

*„*  Munich.  —  L'ex-chanteur  Brizzi,  âgé  aujourd'hui  de  81  ans,  qui 
habite  depuis  longtemps  notre  capitale,  avait  reçu  de  l'empereur  Napoléon 
une  pension  viagère,  qui  ne  lui  fut  payée  ni  par  la  Restauration  ni  par 
Louis  Philippe.  Brizzi  a  fait  valoir  ses  titres  auprès  du  Prince-Président, 
et  la  pension  lui  a  été  rendue. 

*„,*  New-York.  --Pendant  les  grandes  chaleurs  notre  monde  élégant 
jouit  de  la  belle  saison  à  Saratoga,  Newport,  Cape  Mai,  Lake-George,  et  à 
la  chute  du  Niagara.  La  plupart  des  artistes  de  quelque  importance 
vont  également  aux  eaux  pendant  les  vacances.  L'Alboni  a  encore  réussi 
à  faire  naître  un  engouement  populaire.  Après  elle,  peu  de  prime  donne 
pourront  spéculer  avec  un  succès  extraordinaire  sur  les  bourses  et  sur  les 
cœurs  des  Américains.  Pour  le  moment  il  n'y  a  guère  que  Mme  Sontag 
ou  la  comtesse  Rossi,  comme  on  l'appelle  de  préférence  dans  ce  pays-ci. 
C'est  avec  une  conviction  profonde  que  je  prédis  à  cette  artiste  qu'elle  aura 
encore  plus  de  succès  et  qu'elle  fera  des  récoltes  plus  abondantes  que 
Jenny  Lind.  Cela  vous  paraîtra  incroyable,  et  pourtant  c'est  la  vérité. 
C'est  parce  qu'elle  n'est  pas  seulement  une  virtuose  du  premier  rang,  mais 
qu'elle  est  comtesse  par  dessus  le  marché,  qu'Henriette  Sontag  aura  pour 
elle  les  sympathies  de  notre  aristocratie  républicaine.  Si  Mme  Sontag 
chante  un  air  dans  les  cercles  de  la  haute  volée,  cela  lui  vaudra  autant 
que  si  Barnum  faisait  vendre  ses  cartes  d'entrée  aux  enchères  publiques. 
De  plus,  les  journaux  français,  allemands  et  anglais  ont  rendu  le  nom  de 
Aime  Sontag  populaire.  —  Nos  innombrables  théâtres  ne  font  pas  de  mau- 
vaises affaires,  et  qui  plus  est,  ils  n'ont  pas  fermé  pendant  les  chaleurs. 
Au  musée  américain  du  fondateur  de  la  spéculation  en  matière  de  beaux- 
arts,  M.  Barnum,  on  donne  avec  un  grand  succès  la  Sonnambula,  en  an- 
glais. Le  Broadway-Theater  a  de  nouveau  recours  à  son  Doc 'eur  Faust,  mi- 
sérable rhapsodie  anglaise.  La  machinerie  de  ce  théâtre  est  merveilleuse. 
Les  deux  théâtres  populaires  Bowerg  et  Chatham  continuent  à  exploiter  le 
genre  naïf  qui  est  leur  spécialité.  Pikle-llouse,  le  plus  beau  et  le  plus  frais 
parmi  les  théâtres  de  New-York,  est  occupé  en  ce  momentpar  une  Société 
d'Opéra  français,  qui,  avec  Mme  Fleury  Jolly  et  M.  Menehaud,  surpasse  de 
beaucoup  Mme  Thillon  et  M.  Hudson,  qui  l'avaient  précédée.  M.  Thorne  a 
pris  la  direction  de  Ashton  Place-House,  et  a  l'intention  d'engager  en  même 
temps  une  troupe  française,  une  troupe  anglaise  et  une  troupe  allemande. 
M.  Thorne,  qui  a  fait  trois  fortunes  en  deux  ans  à  San-Francisco,  paraît 
être  impatient  de  marcher  par  un  triple  chemin  à  sa  ruine.  Ole  Bule  réus- 
sit; cet  artiste  sait  faire  vibrer  les  cordes  sensibles  de  nos  Yankee;  sa 
virtuosité  s'empare  de  l'Américain,  qui ,  dans  le  fond  ,  a  peu  de  connais- 
sances musicales  ;  et  quand  Ole-Bule  se  penche  sur  son  violon,  qu'il  ap- 
proche l'oreille  le  plus  qu'il  peut  de  la  chanterelle,  pour  aspirer  au  moins 
lui-même  quelques-uns  des  sons  qui  depuis  longtemps  sont  devenus  imper- 
ceptibles pour  l'auditoire,  celui-ci  éclate  en  applaudissements  et  en  cris 
de  joie. 

—  On  demande  pour  la  saison  du  carnaval  et  du  carême ,  au  grand 
théâtre  de  Trieste,  une  première  danseuse  française  qui  ait  fait  sa  répu- 
tation et  obtenu  des  succès  sur  les  principaux  théâtres  de  Milan,  de  Ve- 
nise, de  Turin,  de  Naples,  de  Rome,  de  Vienne,  de  Paris,  de  Londres  ou 
de  Saint-Pétersbourg.  La  direction  du  théâtre  invite  les  correspondants 
à  lui  adresser  des  propositions. 

Le  gérant  ■    Ernest  hESCHAMPS. 

SN  VENTE  CTES   SME  BOIELB-2EU, 

Passage  Choiseul,  54  : 

m.  KOSEJLïiEBf.  Op.  137.  Fantaisie  sur  le  Tre  Nozze.  .  9  » 
C   SCHUiSEK.'fl.'.  Op.   162.  Echos  du  Rhin,    valse    pour 

piano 6     » 

Les  mûmes  a  quatre  mains 7  50 


CHEg  HHATCIBSJ®  ET  Ce,  ÉMTEUM§,   103,  MUE  BIC1IJEIJUBIU. 


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POUR 

Flûte,   ESa"(h«si§,  tiariBSelSe,  Cor  et  EBassoJi, 

composé  par 

GEORGES  ONSLOW 

Membre  de  l  Institut  de  France. 
Op.  81.  —  Prix  :  18  fr. 


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Op.  81.  —  Prix  :  10  fr. 


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19e  Année. 


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tourne  du  Terrafllct. 


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î  artisLico-muslcale. 
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Bock,  42,  Juegerstr. 


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»•  38. 


REVUE 


10  Septembre  1882. 

I»rlx  de  l'Abonnement  i 

Paris,  un  an 24  fr. 

Départements,  Belgique  et  Suisse 30 

Étranger 34 


Le  Journal  parait  le  Dimanche. 


AZETTE  MUSICALE 


m  fâiis, 


SOMMAIRE.  —  Les  Soirées  de  l'orchestre,  par  Slceior  Berlioz.  —  Bibliogra- 
phie, Essai  sur  la  typographie,  d'Ambroise-Firmin  Didot  (3°  et  dernier  article).  — 
Notes  historiques  sur  les  concerts  donnés  par  l'Association  des  artistes-musiciens 

à  Vienne   —  Èlie,  de   Mendelssohn,   par   Sjéon  3ïr*uizer Revue  critique, 

Czerny,  Doelder,  Théodore  Gouvy.  —  Les  Chantres  des  bois,  de  Richard  Muldcr, 
par  Sleuri  Blancliuri!.  — Nouvelles  et  annonces. 


LES  SOIRÉES  DE  L'ORCHESTRÉ. 

Berlioz  va  publier  un  volume  intitulé  :  Les  Soirées  de  l'orchestre, 
dans  lequel,  sous  une  forme  tantôt  sérieuse,  tantôt  comique  ou  roma- 
nesque, des  questions  importantes  pour  l'art  musical  sont  traitées. 

Ainsi  qu'il  l'indique  dans  le  prologue,  son  livre  contient  des  soirées 
littéraires,  et  d'autres  qui  ne  le  sont  pas.  Quand  on  joue  au  théâlre  un 
opéra  franc  as  très-plat,  ou  un  opéra  italien  1res,  etc.,  ou  encore  un 
opéra  allemand,  etc., —  car  l'auteur  n'a  point  de  préjugés,  il  indique  le 
mauvais  partout  où  il  le  trouve,  —  les  trois  quarts  de  l'orchestre  s'abs- 
tenant  alors  d'exécuter  leur  partie,  l'un  des  musiciens  fait  un  conte 
joyeux,  un  autre  lit  tout  haut  un  roman,  celui-ci  une  nouvelle  senti- 
mentale, celui-là  fait  la  biographie  d'un  grand  compositeur;  ou  bien, 
pour  répondre  aux  questions  des  artistes  de  cet  orchestre  étranger,  l'au- 
teur, qui  est  fort  de  leurs  amis,  trace  le  tableau  des  mœurs  musicales 
de  Paris  et  de  Londres;  puis,  les  musiciens  jugent  et  condamnent  sa 
critique  ;  et  ce  sont,  ensuite,  des  discussions  d'une  verve  fort  ori- 
ginale. 

Mais  si  l'on  joue  dans  ce  théâtre,  que  Berlioz  place  dans  une  ville 
civilisée  qu'il  ne  nomme  pas,  un  chef-d'œuvre  de  quelque  grand  com- 
positeur, mort  ou  vivant,  alors  il  n'y  a  ni  lecture,  ni  récit,  ni  discus- 
sions à  l'orchestre  ;  personne  n'y  parle;  chacun  des  musiciens  faitjsa 
tâche  avec  zèle  et  respect  :  c'est  une  soirée  perdue. 

Ce  mélange  d'enthousiasme  impétueux  pour  les  grandes  choses  de 
l'art  musical,  d'humour  souvent  sarcastique,  et  de  petits  romans  pleins 
d'un  poétique  intérêt,  donnent  à  ce  volume  une  physionomie  particu- 
lière qui  doit  en  assurer  le  succès. 

Nous  croyons  être  agréables  aux  lecteurs  de  la  Gazette  musicale  en 
leur  donnant,  par  des  extraits  des  diverses  parties  de  ce  livre  (en  ce 
moment  sous  presse,  chez  Michel  Lévy),  une  idée  du  plan  de  l'auteur 
et  de  la  manière  piquante  dont  il  l'a  exécuté. 


Il  y  a  dans  le  nord  de  l'Europe  un  théâtrelyrique  où  il  est  d'usage  que  les 
musiciens,  dont  plusieurs  sont  gens  d'esprit,  se  livrent  à  la  lecture  et 
même  à  des  causeries  plus  ou  moins  littéraires  et  musicales  pendant 
l'exécution  de  tous  les  opéras  médiocres.  C'est  dire  assjz  qu'ils  lisent 


et  cause. it  beaucoup.  Sur  tous  les  pupitres,  à  côté  du  cahier  de  musi- 
que, se  trouve,  en  conséquence,  un  livre  tel  quel.  De  sorte  que  le  mu- 
sicien qui  paraît  le  plus  absorbé  dans  la  contemplation  de  sa  partie,  le 
plus  occupé  à  compter  ses  pauses,  à  suivre  de  l'œil  sa  réplique,  est 
fort  souvent  acquis  tout  entier  aux  meitteilleuses  scènes  de  Balzac,  aux 
charmants  tableaux  de  mœurs  de  Dickens,  et  même  à  l'étude  de  quel- 
|  que  science.  J'en  sais  un  qui,   pendant  les  quinze  premières  représen- 
tations d'un  opéra  célèbre,   a  lu,  relu,  médité  et  compris  les  trois 
;  volumes  du  Cosmos  de  Humboldt  ;  un  autre  qui,  durant  le  long  succès 
j  d'un  sot  ouvrage,  très-obscur  aujourd'hui,  est  parvenu  à  apprendre 
:  l'anglais,  et  un  autre  encore  qui,  doué  d'une  mémoire  exceptionnelle, 
I  a  raconté  à  ses  voisins  plus  de  dix  volumes  de  contes,  nouvelles,  anec- 
j  dotes  et  gaillardises. 

Un  seul  des  membres  de  cet  orchestre  ne  se  permet  aucune  dis- 
j  traction.  Tout  à  son  affaire,  actif,   infatigable ,  les  yeux  fixés  sur  ses 
I  notes,  le  bras  toujours  en  mouvement,  il  se  croirait  déshonoré  s'il  ve- 
|  nait  à  omettre  une  croche  ou  à  mériter  un  reproche  sur  sa  qualité  de 
i  son.  A  la  fin  de  chaque  acte,  rouge,  suant,  exténué,  il  respire  à  peine  ; 
et  pourtant  il  n'ose  profiter  des  instants  que  lui  laisse  la  suspension 
des  hostilités  musicales  pour  aller  boire  un  verre  de  bière  au  café  voi- 
sin. La  crainte  de  manquer,  en  s'at tardant ,  les  premières  mesures  de 
l'acte  suivant,  suffit  pour  le  clouer  à  son  poste.  Touché  de  son  zèle,  le 
directeur  du  théâtre  auquel  il  appartient  lui  envoya  un  jour  six  bou- 
teilles de  vin  à  titre  d'encouragement.  L'artiste,  qui  a  la  conscience  de 
sa  valeur,  loin  de  recevoir  ce  présent  avec  gratitude,  le  renvoya  super- 
bement au  directeur  avec  ces  mots  :   «  Je  n'ai  pas  besoin  d'encourage- 
ment !  »  On  devine  que  je  veux  parler  du  joueur  de  grosse  caisse. 

Ses  confrères,  au  contraire,  ne  font  guère  trêve  à  leurs  lectures,  récits, 
discussions  etcauseries,  qu'enfaveur  des  grandschefs-d'œuvre,  ou  quand, 
dans  les  opéras  ordinaires,  le  compositeur  leur  a  confié  une  partie  princi- 
pale etdominante  ;  auquel  cas  leur  distraction  volontaire  serait  trop  aisé- 
ment remarquée  et  les  compromettrait.  Mais  alors  encore,  l'orchestre 
ne  se  trouvant  jamais  mis  en  évidence  tout  entier,  il  s'ensuit  que  si  la 
conversation  et  les  études  littéraires  languissent  d'une  part,  elles  se 
raniment  de  l'autre,  et  que  les  beaux  parleurs  du  côté  gauche  repren- 
nent la  parole  quand  ceux  du  côté  droit  reprennent  leurs  instruments. 
Mon  assiduité  à  fréquenter  en  amateur  ce  club  d'instrumentistes 
pendant  le  séjour  que  je  fais  annuellement  dans  la  ville  où  il  est  institué, 
m'a  permis  d'y  entendre  narrer  un  assez  bon  nombre  d'anecdotes  et  de 
petits  romans;  j'y  ai  même  souvent,  je  l'avoue,  rendu  leur  politesse  aux 
conteurs  en  faisant  quelque  récit  ou  lecture  à  mon  tour.  Or,  le  musi- 
cien d'orchestre  est  naturellement  rabâcheur,  et  quand  il  a  intéressé  ou 
fait  rire  une  fois  son  auditoire  par  un  bon  mot  ou  une  historiette  quel- 
conque, fût-ce  le  25  décembre,  on  peut  être  bien  sûr  que,  pour  recher- 


MO 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  l'ARIS. 


cher  un  nouveau  succès  par  le  même  moyen,  il  n'attendra  pas  la  fin  de 
l'année.  De  sorte,  qu'à  force  d'écouter  ces  jolies  choses,  elles  ont  fini 
par  m'obséder  presque  autant  que  les  plates  partitions  auxquelles  on 
les  faisait  servir  d'accompagnement;  et  je  me  décide  à  les  écrire,  h  les 
publier  même,  ornées  des  dialogues  épisodiques  des  auditeurs  et  des 
narrateurs,  afin-  d'en  donner  un  exemplaire  à  chacun  d'eux  et  qu'on 
n'en  parle  plus. 

Il  est  entendu  que  le  joueur  de  grosse  caisse  seul  n'aura  point  part 
à  mes  largesses  bibliographiques.  Un  homme  aussi  laborieux  et  aussi 
fort  dédaigne  les  exercices  d'esprit. 

Personnages  du  dialogue. 

LE    CHEF    D'ORCHESTRE. 

Corsino,  premier  violon,  compositeur. 

Siedler,  chef  des  seconds  violons. 

Dimski,  première  contrebasse. 

Tdrdth,  seconde  flûte. 

Kleiner  aîné,  timbalier. 

Kleiner  jeune,  premier  violoncelle. 

Dervikck,  premier  hautbois. 

Winter,  second  basson. 

Bacon,  alto.  (Ne  descend  pas  de  celui  qui  inventa  la  poudre.) 

Moran,  premier  cor. 

Schmidt,  troisième  cor. 

Carlo,  garçon  d'orchestre. 

un  monsieur,  habitué  des  stalles  du  parquet, 

l'autecr. 

DEUXIÈME  SOIRÉE. 
Exécution  d'un  oratorio.  — -  Le  sommeil  des  justes. 

II  y  a  concert  au  théâtre. 

Le  programme  se  compose  exclusivement  d'un  immense  oratorio, 
que  le  public  vient  entendre  par  devoir  religieux,  qu'il  écoute  avec  un 
silence  religieux,  que  les  artistes  subissent  avec  un  courage  religieux, 
et  qui  produit  sur  tous  un  ennui  froid,  noir  et  pesant  comme  les  mu- 
railles d'une  église  protestante. 

Le  malheureux  joueur  de  grosse  caisse,  qui  n'a  rien  à  faire  là-dedans, 
s'agite  avec  inquiétude  dans  son  coin.  Il  est  le  seul  aussi  qui  ose  parler 
avec  irrévérence  de  cette  musique,  écrite,  selon  lui,  par  un  pauvre 
compositeur,  assez  étranger  aux  lois  de  l'orchestration  pour  ne  pas 
employer  le  roi  des  instruments,  la  grosse  caisse. 

Je  me  trouve  à  côté  d'un  alto;  celui-ci  fait  assez  bonne  contenance  pen- 
dant la  première  heure.  Après  quelques  minutes  de  la  seconde,  toute- 
fois, son  archet  n'attaque  plus  que  mollement  les  cordes,  puis  l'archet 
tombe...  et  je  sens  un  poids  inaccoutumé  sur  mon  épaule  gauche. 
C'est  celui  de  la  tête  du  martyr  qui  s'y  repose  sans  s'en  douter.  Je 
m'approche,  pour  lui  fournir  un  point  d'appui  plus  solide  et  plus  com- 
mode. 11  s'endort  profondément.  Les  pieux  auditeurs,  voisins  de  l'or- 
chestre, jettent  sur  nous  des  regards  indignés.  Grand  scandale!...  Je 
persiste  à  le  prolonger  en  servant  d'oreiller  au  dormeur.  Les  musiciens 
rient.  «  Nous  allons  sommeiller  aussi,  me  dit  Moran,  si  vous  ne  nous 
tenez  éveillés  de  quelque  façon.  Voyons,  un  épisode  de  votre  dernier 
voyage  en  Allemagne  !  C'est  un  pays  que  nous  aimons,  bien  que  ce 
terrible  oratorio  vienne  de  là.  Il  doit  vous  y  être  arrivé  plus  d'une 
aventure  originale.  Parlez,  parlez  vite  ;  les  bras  de  Morphée  s'ouvrent 
déjà  pour  nous  recevoir.  —  Je  suis  chargé  ce  soir,  à  ce  qu'il  paraît,  de 
tenir  les  uns  endormis  et  les  autres  éveillés  ?  Je  me  dévouerai  donc  s'il 
le  faut;  mais  quand  vous  répéterez  l'histoire  que  je  m'en  vais  vous 
dire,  histoire  peut-être  un  peu  décolletée  par-ci  par-là,  ne  dites  pas 
de  qui  vous  l'avez  apprise  ;  cela  achèverait  de  me  perdre  dans  l'esprit 
des  saintes  personnes  dont  les  yeux  de  hibou  me  fusillent  en  ce  mo- 
ment. —Soyez  tranquille,  répond  Corsino  ;  je  dirai  qu'elle  est  de  moi.» 

Ici  l'auteur  raconte  aux  musiciens  l'histoire  du  Harpiste  ambulant, 
que  nous  ne  P  ouvons  reproduire,  et  après  laquelle  il  continue  ainsi  son 
récit  de  la  deuxième  soirée  : 


«  Silence!...  Les  ronflements  de  mon  alto  et  ceux  du  joueur  de 
grosse  caisse,  qui  a  fini  par  suivre  son  exemple,  se  distinguent  au  tra- 
vers des  savants  contrepoints  de  l'oratorio. 

»  De  temps  en  temps  aussi,  le  bruit  des  feuillets  tournés  simultané- 
ment par  les  fidèles  lisant  le  sacré  livret,  jette  une  agréable  diversité 
sur  l'effet  un  peu  monotone  des  voix  et  des  instruments.  —  Quoi, 
c'est  déjà  fini  ?  me  dit  le  premier  trombone.  —  Vous  êtes  bien  hon- 
nête! Ce  sont  les  mérites  de  l'oratorio  qui  me  valent  ce  compliment. 
Mais  j'ai  réellement  fini.  Mes  histoires  ne  sont  pas  comme  cette  fugue, 
qui  durera,  je  le  crains,  jusqu'au  jugement  dernier.  Pousse,  bourreau  ! 
va  toujours!  C'est  cela,  retourne  ton  thème  maintenant  !  On  peut  bien 
dire  de  lui  ce  que  madame  Jourdain  dit  de  son  mari  :  «  Aussi  sot  par 
derrière  que  par  devant  !  »  Patience,  dit  le  trombone,  il  n'y  a  plus 
que  six  grands  airs  et  huit  petites  fugues.  —  Que  devenir!  —  Il  faut 
êtrejusle,  c'est  irrésistible.  Dormons  tous  !  —  Tous?  Oh  non,  cela  ne 
serait  pas  prudent.  Imitons  les  marins;  laissons  au  moins  quelques 
hommes  de  quart.  Nous  les  relèverons  dans  deux  heures.  »  On  désigne 
trois  contrebassistes  pour  faire  le  premier  quart,  et  le  reste  de  l'or- 
chestre s'endort  comme  un  seul  homme. 

Quant  à  moi,  je  dépose  doucement  mon  alto,  qui  a  l'air  d'avoir  res- 
piré un  flacon  de  chloroforme,  sur  l'épaule  du  garçon  d'orchestre,  et 
je  m'esquive.  Il  pleut  à  verse;  j'entends  le  bruit  des  gouttières;  je 
cours  m'enivrer  de  cette  rafraîchissante  harmonie. 

H.  BERLIOZ. 
Le  numéro  prochain  contiendra  le  fragment  intitulé  :  de  virisillus- 
tribus  urbis  r.OMiE,  et  le  vocabulaire  de  la  langue  romaine. 


ÏIBUOGBÀPKIE. 

ESSAI   SHJE&    LA    'ff'ïrlFsO(KÏSAEI,EaiE3, 

Par   Ambroise    FIRMIN-D1DOT, 

Paris,  /Si'/.  —  /  vol.  in- S*. 

(3°  et  dernier  article)  (1). 

Le  xvnie  siècle  ne  nous  offre  que  bien  peu  de  noms  à  mettre  à  côté 
de  ces  noms  illustres  crue  l'on  rencontre  si  souvent  dans  le  siècle  pré- 
cédent :  lesDenys  Thierry,  les  Louis  Billaine,  les  Claude  Barbin,  les  Sé- 
bastien Cramoisy,  etc.,  éditeurs  de  Corneille,  de  Molière,  de  Racine  et 
de  La  Fontaine,  sont  plus  célèbres  pour  avoir  été  les  imprimeurs  privi- 
légiés de  ces  grands  hommes,  que  pour  l'exécution  typographique  de 
leurs  impressions.  Cependant,  Sébastien  Cramoisy,  reçu  libraire  en 
1602,  fut  justement  honoré  pour  son  savoir,  sa  probité  et  ses  talents  ; 
il  fut  syndic  de  sa  communauté,  échevin  de  la  ville  de  Paris,  grand- 
juge,  consul,  administrateur  des  hospices;  enfin  il  est  le  premier  au- 
quel fut  confiée,  par  le  cardinal  de  Richelieu,  la  direction  de  l'Impri- 
merie royale,  établie  au  Louvre  en  1640,  et  après  sa  mort,  arrivée  en 
1669,  cet  emploi  fut  donné  à  sa  veuve. 

Antoine  Vitré,  nommé  imprimeur  du  roi  en  langues  orientales  (1630), 
acquis  une  grande  réputation  par  ses  éditions  en  caractères  orientaux  : 
sa  Polyglotte  (2),  9  vol.  gr.  in-f°,  est  un  des  chefs-d'œuvre  de  l'im- 
primerie parisienne. 

Nous  ne  devons  pas  laisser  passer  l'année  1631  sans  saluer  la  nais- 
sance de  la  presse  périodique:  Louis  XIII,  par  une  charte,  donne  la 
direction  et  le  privilège  de  la  Gazette  de  France  (petit  in-4")  à  son 
médecin  Théophraste  Renaudot,  qui,  pour  amuser  ses  malades,  avait 
amassé  de  tous  côtés  des  nouvelles,  ce  qui  l'avait  mis  en  grande  mode. 
Ce  fut  le  premier  journal  de  tout  le  royaume  ;  en  1731,  il  n'en  existait 
encore  que  quatre,  dont  trois  littéraires  :  la  Gazelle  de  France,  le 
Journal  des  Savcnts,  le  Mercure  et  les  Mémoire  des  Trévoux.  Aujour- 
d'hui les  unités  ont  été  remplacées  par  des  centaines. 

(1)  Voir  les  n°'  34  et  37. 

|2)  Dite  du  président  Le  Jay,  parce  que  ce  magistrat,  après  avoir  sacrifié  toute  sa 
fortune  à  ce  grand  ouvrage,  se  fit  pi  être  et  fut  nommé  plus  tard  conseiller  d'Etat 
par  Louis  XIV. 


DE  '"MUS. 


311 


Louis  nillainc,  dont  le  pure  et  l'oncle  étaient  libraires  dès  1614,  fut 
reçu  imprimeur  libraire  en  1652,  sa  librairie  fut  la  plus  importante  du 
temps.  11  publia,  êri  1078;  le  Glessariurn  mediœ  et  infiniçe  latinitatis, 
de  du  Gange  ;  3  vol.  in-f°.  —  Les  épreuves  de  ce  grand  ouvrage,  dont 
l'immense  mérite  et  la  belle  exécution  typographique  font  honneur  à 
la  France,  furent  corrigées  par  J.  Spon,  le  célèbre  voyageur,  et  ensuite 
par  le  P.  Colonia,  jésuite  non  moins  célèbre. 

Le  nom  de  Didol,  qui  doit  tant  briller  dans  le  siècle  suivant,  appa- 
raît pour  la  première  fois  en  1698. 

Pourquoi  les  hommes  illustres  du  siècle  de  Louis  XIV,  puisqu'on  est 
convenu  d'appchr  ainsi  les  soixante  dernières  années  du  xvn*  siècle, 
pourquoi  ces  hommes  qui  ont  tant  fait  pour  la  gloire  de  la  France, 
n'ont-ils  pu  trouver  un  seul  imprimeur  digne  d'attacher  son  nom  à 
leurs  œuvres  impérissables?  Pourquoi  ces  hommes,  Corneille  et  Molière 
par  exemple,  sont-ils  obligés  de  courir  sans  cesse  d'imprimeur  en  im- 
primeur, et  souvent  de  faire  vendre  leurs  pièces  de  théâtre  chez  tel  ou 
tel  pour  leur  propre  compte  ?  Voyez  Molière  :  sa  première  pièce  esl 
imprimée  par  Claude  Barbiri  et  Gabriel  Quinet  ;  pUjs  viennent  Jean  Ri- 
bou,  Charles  de  Sercy,  Guillaume  de  Luyne,  Louis  et  Claude  Billaine, 
Robert  Ballard,  Nicolas  Le  Gras,  Pierre  le  Monnier,  Pierre  Prouvé  et 
Denys  Thierry  enfin,  l'un  des  imprimeurs,  avec  Claude  Barbin,  de  l'é- 
dition originale  collective  de  ses  œuvres,  donnée  en  1674  ?  Que  de 
temps  précieux  perdu  par  Molière  dans  toutes  ces  courses  à  l'impri- 
meur !  Que  de  soucis,  que  de  fatigues,  que  de  fastidieux  embarras  un 
homme  comme  Henri  Estienne,  comme  Pierre  Didot.  ne  lui  aurait-il 
pas  épargnés  ? 

Pendant  la  première  partie  du  xvme  nous  voyons  apparaître  quel- 
ques noms  destinés  à  la  célébrité. 

Jean  Anisson  et  son  fils  Laurent,  tous  deux  directeurs  de  l'Imprime- 
rie royale,  le  premier  en  1701,  le  second  en  1723.  C'est  un  de  leur 
descendant,  M.  Anisson-Duperron(l),  qui,  le  23  août  1792,  porta  plainte 
à  l'Assemblée  nationale  de  l'enlèvement  fait  par  Marat,  au  nom  de  la 
commune  de  Paris,  de  quatre  presses  avec  les  accessoires  nécessaires 
pour  l'impression  de  ses  pamphlets  révolutionnaires.  Marat  n'en  resta 
pas  moins  détenteur  des  presses,  et  plus  tard  fit  monter  Anisson-Du- 
perron  sur  l'échafaud(2). 

Joseph  Barbou,  qui  vient  s'établir  libraire  à  Paris  en  1704. 

L'origine  de  cette  famille  remonte  au  milieu  du  xvr  siècle.  Jean  Bar- 
bou, imprimeur  à  Lyon,  s'était  fait  remarquer  par  plusieurs  éditions, 
et  particulièrement  par  celle  des  Œuvres  de  Marot,  1539,  petit  in-8\ 
L'homme  le  plus  considérable  de  celte  nombreuse  famille  d'imprimeur 
fut  Joseph-Gérard  Barbou,  neveu  de  Joseph,  reçu  imprimeur  à  Paris  en 
1750.  C'est  en  175/|  que  paraît  le  premier  volume  de  la  charmante  col- 
lection des  auteurs  latins  imprimée  par  lui.  Cette  collection  forme  71 
volumes  in-12. 

Coutellier  (Antoine-Urbain),  reçu  libraire  en  1712.  Son  fils,  portant 
le  même  nom,  le  fut  en  1741.  Secrétaire  de  la  Fillon,  romancier,  édi- 
teur, il  est  connu  par  sa  jolie  édition  des  classiques  latins,  et  de  quel- 
ques anciens  romans  qu'il  fit  imprimer  à  Paris.  —  Il  meurt  en  1763. 

Avant  d'arriver  aux  Didot,  citons  encore  quelques  noms  recomman- 
dables  et  qui,  pour  la  plupart,  se  sont  perpétués  jusqu'à  nous. 

Marie-Joseph  Barrois,  reçu  libraire  en  1734. 

Tillard  (Nicolas-Martin),  bibliographe  distingué.  1744. 

Debure  (Guillaume-François).  1753  (3).  C'est  l'auteur  de  la  Biblio- 
graphie instructive  ou  Traité  des  livres  rares  et  singuliers,  7  volumes 
in-8»,  1763. 

Panckoucke  (Charles-Joseph),  fils  d'un  libraire  de  Lille,  libraire  a 
Paris  en  1762.  Imprimeur  en  1774. 

Delalain  (Nicolas-Augustin),  1764. 

(1)  Aussi  directeur  de  l'Imprimerie  nationale. 

(2)  C'est  son  fils,  M.  Anisson-Duperron,  ancien  régisseur  de  l'Imprime  nationale 
en  1815,  ancien  pair  de  France,  qui  vient  de  mourir  ces  jours  derniers  dans  un  âge 
avancé. 

(3)  En  1600,  nous  trouvons  déjà  un  Dubure  (Nicolas),  libraire  à  Paris. 


l'oiirnicr  jeune,  1766,  auteur  du  Manuel  ti/poyrapfn'qw,  2  volumes 
in-12  imprimés  chez  Barbou. 

Nyon  (Marie-Jean-Luc),  savant  bibliographe.  1787. 

Crapclet  (Charles).  1789. 

Momoro.  gendre  de  Fournier  jeune.  1792.  Son  nom  acquit  une  cer- 
taine célébrité  pendant  la  révolution.  Il  périt  sur  l'échafaud  rn  1794. 

L'imprimerie  est  tout  à  fait  a  la  mode,  pendant  ce  xvnr  siècle,  à  la 
cour,  chez  les  princes  et  chez  les  grands. 

Caron  de  Beaumarchais  se  fait  imprimeur  à  Kebl  ;  M.  de  Boisgelin, 
un  archevêque  d'Aix,  fait  imprimer  chez  lui  quelques  petites  pièces  de 
poésies  légères,  beaucoup  trop  légères;  Horace  Walpole  a  son  imprime- 
rie à  Strawberry-IIill,  où  il  corrige  les  épreuves  de  son  ami,  le  vieux 
président  Ilénault;  et  tant  d'autres  qui  impriment  ou  font  imprimer  à 
cent  lieues  de  la  Bastïlf  et  aux  risques  de  3,000  livres  d'amende  qui 
menacent  tout  individu,  quel  qu'il  soit,  possesseur  d'une  presse  parti- 
culière. 

D'un  autre  côté,  les  princes  ne  dédaignaient  pas  de  consacrer  quel- 
ques soins  à  cet  art. 

Le  régent  fait  imprimer  à  ses  frais  et  surveille  lui-même  quelques 
éditions  restées  célèbres ,  entre  autres  celle  de  Daphnis  et  Ctàué  (trad. 
d'Âmyot). 

Le  duc  de  Bourgogne  a  son  imprimerie  h  Versailles. 

Louis  XV  imprime  lui-même  à  Paris  un  ouvrage  qui  porte  ce  titre  : 
Cours  des  principaux  fleuves  et  rivières  de  l'Europe,  composé  et  im- 
primé par  Louis  XV,  roi  de  France  et  de  Navarre,  en  171  S;  Paris,  dans 
l'imprimerie  du  cabinet  de  Sa  Majesté,  dirigée  par  J.  Colombat;  1718, 
iri-8°. 

Louis  XVI  et  ses  frères  ont  les  mêmes  goûts  :  la  collection  ad  usum. 
Delphini,  confiée  par  le  roi  aux  presses  de  Didot  l'aîné,  et  qui  forme 
un  choix  d'ouvrages  d'une  admirable  exécution  :  la  Gerusahmme  li- 
berata ,  de  Monsieur  (Louis  XVIII)  ;  enfin,  la  charmante  collection  du 
comte  d'Artois,  en  font  foi. 

Pendant  que  nous  parlons  des  rois  de  France,  n'oublions  pas 
Mme  de  Pompadour,  qui  se  donne  une  petite  imprimerie  dans  son 
appartement,  au  Nord,  et  y  fait  imprimer  la  Rodogune,  de  Corneille, 
précédée  d'une  estampe  de  Boucher,  gravée  par  les  blanches  mains 
de  la  favorite.  Ce  volume  in-4°,  tiré  seulement  à  vingt  exemplaires , 
est  un  de  ces  bijoux  qu'un  amateur  ne  saurait  trop  payer. 

En  1723  parut  le  règlement  pour  la  librairie  et  l'imprimerie  de  Paris, 
arrêté  en  conseil  du  roi  le  28  février  1723. 

Cet  important  document,  rédigé  avec  un  soin  extrême  par  le  chan- 
celier d'Aguesseau,  est  cité  en  grande  partie  par  M.  Didol.  Comme  cela 
ne  doit  intéresser  que  médiocrement  le  plus  grand  nombre  de  nos  lec- 
teurs, nous  passons  outre. 

Ainsi  que  nous  l'avons  dit  plus  haut,  le  nom  de  Didot  se  rencontre 
pour  la  première  fois  dans  les  annales  de  la  librairie  en  1698.  Marie- 
Anne  Didot,  fille  de  Denys  Didot,  marchand  de  Paris,  et  femmede  Jean- 
Luc  Nyon,  est  reçue  libraire. 

François  Didot,  son  frère,  libraire  en  1713,  est  nommé  imprimeur 
seulement  en  1754.  Inlime  ami  de  l'abbé  Prévost,  il  publia  tousses 
ouvrages,  et  ce  fut  dans  la  maison  de  Saint-Firmin  que  ce  pauvre  abbé 
vint  mourir  des  suites  d'une  autopsie  prématurée.  L'abbé  de  Bernis 
avait  été  employé  chez  lui  comme  correcteur  à  sa  sortie  du  séminaire: 
c'était,  en  quelque  sorte,  un  moyen  pour  certains  jeunes  gens  avides 
de  savoir,  de  perfectionner  leur  éducation. 

François  Ambroise  Didot,  fils  du  précédent,  fut  reçu  imprimeur  en 
1753  ;  ses  éditions  seront  toujours  et  ajuste  titre  renommées.  La  col- 
lection des  classiques  français  imprimés  pour  l'éducation  du  Dauphin , 
et  la  collection  dite  d'Artois  suffiraient  largement  pour  établir  la  répu- 
tation d'un  imprimeur.  Nous  avons  sous  les  yeux  son  admirable  Bible 
latine  de  1785  en  2  vol.  in-4°.  11  est  impossible  de  rencontrer  un  mo- 
nument typographique  plus  complet  :  luxe  d'impression  et  de  papier, 
élégance  des  caractères,  admirable  exécution ,  en  un  mot ,  tout  s'y 
trouve  réuni  au  même  degré.  C'était  par  ses  conseils  que   Johannot, 


1! 


312 


,'L-E 


iZETTE  MUSICALE 


d'Annonay,  avait  imité  en  1780  le  papier  vélin  employé  par  Basker- 
ville  pour  sa  belle  édition  du  Virgile,  in-40;  et  depuis  cet  essai,  l'im- 
primerie des  Didot  eut  à  sa  disposition  du  papier  égal,  sinon  supérieur 
à  celui  des  célèbres  typographes  anglais. 

En  1790,  Benjamin  Franklin,  l'ouvrier  imprimeur,  vint  visiter  son 
imprimerie  et  lui  confia  son  petit-fils.  Ce  sont  là  de  ces  souvenirs  qu'il 
est  bon  de  consigner,  parce  qu'ils  n'intéressent  pas  seulement  une  fa- 
mille, ils  appartiennent  à  l'histoire  d'un  pays. 

Pierre-François  Didot,  second  fils  de  François ,  fut  reçu  libraire  la 
même  année  que  son  frère,  en  1753.  Il  est  le  fondateur  de  la  papeterie 
d'Essonne,  et  sa  fille  épousa  Bernardin  de  Saint-Pierre.  Plusieurs  de 
ses  fils  rendent  d'éminents  services  à  la  typographie,  par  les  perfec- 
tionnements et  les  découvertes  dont  ils  l'enrichissent. 

Pierre  Didot,  fils  aîné  d'Ambroise,  est  nommé  libraire  en  1785,  et 
imprimeur  en  1789;  il  succède  à  son  père  cette  même  année.  En 
1798,  il  présente  à  l'Exposition  des  produits  de  l'industrie  sa  grande 
édition  du  Virgile,  gr.  in-fol.,  sur  papier  vélin,  enrichie  de  gravures 
d'après  Gérard  et  Girodet,  imprimée  avec  des  caractères  neufs  gravés 
et  fondus  par  son  frère  Firmin. 

Ce  Virgile,  YHorwe  de  1799,  le  Racine  de  1801,  sont  des  livres  qui 
n'ont  jamais  été  surpassés.  «  La  correction  de  Virgile  est  telle,  dit  Le- 
»  pelletier,  que  malgré  les  plus  minutieuses  recherches,  on  ne  trouva 
»  à  reprendre  qu'un  J  dont  le  point  s'était  détaché  à  la  pression.  » 

Pour  honorer  l'imprimerie  dans  la  personne  de  Pierre  Didot,  le  gou- 
vernement fait  placer  ses  presses  au  Louvre,  en  1798.  C'est  de  là  que 
sortent  les  belles  éditions  dites  du  Louvre. 

Firmin  Didot,  frère  du  précédent,  succède  à  son  père  pour  la  fon- 
derie, en  1789.  Inventeur  du  stéréotypage,  imprimeur  du  roi,  plusieurs 
fois  député  ,  il  termine  en  1836  sa  glorieuse  carrière. 

En  1819,  M.  Ambroise-Firmin  Didot,  notre  auteur,  et  son  frère, 
Hyacinthe  Firmin,  qui,  depuis  longtemps,  secondaient  leur  père  Firmin 
Didot,  deviennent  ses  associés  pour  la  gravure  et  la  fonderie  en  carac- 
tères, l'imprimerie,  la  librairie  et  la  papeterie.  Ils  obtiennent  des.  mé- 
dailles d'or  en  1819,  1823,  1827,  1834  et  1839.  L'aîné  des  deux  frères 
ayant  été  nommé  membre  du  jury  de  l'Exposition,  leur  établissement 
se  trouve  hors  de  concours  en  1844  et  1849. 

Les  poinçons  dont  les  frappes  avaient  servi  à  l'édition  de  Virgile  et 
de  \' Horace,  améliorés  par  M.  Ambroise-Firmin  Didot,  furent  déclarés 
atteindre  le  me  plus  ultra  de  la  perfection  par  les  membres  du  jury  de 
l'Exposition  de  Londres,  en  1851.  M.  Didot  avait  été  chargé  de  pré- 
senter le  rapport  du  jury  de  cette  grande  manifestation  industrielle. 

S'il  nous  était  permis  de  développer  ce  qui  ne  peut  être  ici  qu'une 
analyse,  nous  devrions  consacrer  un  long  article  à  la'  série  innombrable 
de  perfectionnements  ingénieux,  de  découvertes  précieuses,  qui  ont 
permis  aux  membres  de  la  famille  Didot,  depuis  1713  jusqu'à  nos  jours, 
de  porter  la  typographie  à  sa  perfection  et  les  ont  placés  au  niveau  des 
Estienne,  au-dessus  des  Aide. 

Cette  partie  du  travail  de  M:  Didot,  où  il  rend  compte,  avec  modes- 
lie,  des  efforts  qu'ont  fait  ses  ancêtres  et  lui-même  pour  arriver  à  cet 
éclatant  résultat,  est  fort  intéressante  pour  tous  ceux  qui  ont  quelques 
notions  pratiques  de  cet  art. 

Il  nous  reste  encore  quelques  mots  à  dire  sur  l'état  de  l'imprimerie 
dans  ces  derniers  temps  :  nous  ne  pouvons  oublier  les  noms  de  Panc- 
fcouckefils,  imprimeur,  depuis  1814,  des  frères  Benouard,  imprimeurs 
et  libraires,  dignes  ûls  de  l'auteur  des  annales,  des  Aide  et  des  Estienne  ; 
de  M.  Hachette,  imprimeur  et  libraire  de  l'Université,  de  M.  Paul  Du- 
pont, l'inventeur  de  la  litho-typographie,  etc. 

Un  mot  aussi,  puisque  notre  travail  est  accueilli  dans  les  colonnes 
d'un  journal  de  musique,  sur  M.  Duverger. 

En  1834,  M.  Duverger,  imprimeur  à  Paris,  expose  les  résultats  de 
son  nouveau  système  pour  exécuter  typographiquement  la  musique. 
Le  procédé  consiste  à  mouler  dans  le  plâtre  les  pages  composées  en 
caractères  mobiles,  qui  ne  contiennent  que  les  notes  et  les  porlées.  Le 
tracé  des  lignes  est  fait  ensuite  dans  ce  moule  en  plâtre  par  un  procédé 


mécanique,  en  sorte  que  le  cliché  que  l'on  retire  du  moule  ainsi  com- 
plété donne  à  la  fois,  réunies,  les  notes,  les  portées  et  les  lignes 
exemptes  de  la  brisure  qui  se  fait  toujours  remarquer  dans  la  musique 
exécutée  par  les  anciens  procédé*. 

En  1844,  il  obtient  la  médaille  d'or  pour  le  succès  de  cette  décou- 
verte et  pour  de  nouvelles  cartes  géographiques  exécutées  d'après  un 
procédé  de  son  invention. 

L'histoire  de  l'imprimerie,  son  établissement,  ses  progrès  dans  les 
provinces,  sont  ensuite  rapidement  passés  en  revue  par  M.  Didot.  A 
Lyon,  où  elle  fut  établie  presque  en  même  temps  qu'à  Paris  (1473),  il 
rencontre  Barthélémy  Buyer,  Dolet,  Jean  de  Tourner,  les  Gryphes, 
Guillaume  Boville,  Jean  et  François  Frellon,  Jacques  et  François  Junte1, 
Cardon  et  les  Anisson. 

A  Bouen,  où  l'imprimerie  date  de  1474,  il  cite  Pierre  Maufer,  Jehan 
Lebourgeois,  Martin  Morin,  etc. 

A  Tours,  il  parle  des  ateliers  immenses  et  des  onze  machines  de 
MM.  Marne,  qui  tiennent  aujourd'hui,  avec  M.  Silbermann,  de  Stras- 
bourg, le  premier  rang  parmi  les  imprimeurs  de  province. 

A  Marseille,  où  l'imprimerie  ne  fut  introduite  que  fort  tard,  il  cite 
l'aïeul  du  prédicateur  Mascaron,  Pierre  Mascaron. 

II  avait  parlé  plusieurs  fois,  dans  le  corps  de  l'ouvrage,  de  M.  Sil- 
bermann, de  Strasbourg,  qui  obtint,  à  l'Exposition  de  1839,  la  médaille 
d'or  pour  ses  impressions  polychromes  exécutées  typographiquement 
et  avec  succès. 

Nous  regrettons  que  le  temps  et  l'espace  aient  manqué  à  M.  Didot 
pour  s'étendre  un  peu  plus  longuement  sur  les  phases  diverses  de  la 
typographie  dans  les  principales  villes  de  France:  les  Marnef,  de  Poi- 
tiers; Cl.  Millanger,  de  Bordeaux,  et  tant  d'autres  méritaient  au  moins 
une  mention  honoroble.  Mais,  dans  une  note,  M.  Didot  prévoit  celte 
objection,  et  tout  en  convenant  que  son  travail  n'est  pas  complet  à  cet 
égard,  il  semble  s'engager  un  jour  ou  l'autre  à  combler  cette  lacune  , 
ce  que  nous  espérons  vivement. 

Nous  le  répétons  en  finissant  :  ce  n'est  point  à  nous,  obscur  biblio- 
phile, qu'il  appartient  de  mesurer  à  M.  Didot  la  part  d'éloges  qui  lui 
revient  pour  le  long  et  minutieux  travail  que  nous  venons  d'analyser. 
Ce  ne  serait  point  à  nous  non  plus  à  formuler  un  blâme ,  y  eût-il  ma- 
tière à  blâme.  Nous  n'aimons  point  la  critique  injuste  et  malveillante, 
surtout  quand  elle  s'attaque  à  un  ouvrage  de  cette  portée.  A  celui  qui 
reprocherait  à  M.  Didot  quelque  confusion  dans  les  détails,  un  défaut 
de  suite  dans  le  plan  de  son  travail,  nous  répondrions,  comme  nous 
avons  cherché  à  le  faire,  en  résumant  les  faits  intéressants  et  curieux 
qu'il  a  cités,  les  aperçus  nouveaux  qu'il  a  mis  en  lumière  avec  une 
patience,  une  érudition  et  une  sagacité  merveilleuses  ;  nous  cherche- 
rions enfin  à  démontrer  que  cet  essai  sur  la  typographie  est  peut-être 
le  monument  le  plus  complet  qui  ait  encore  été  consacré  à  l'histoire 
de  cet  art. 

Un  mot  encore  que  nous  empruntous  à  M.  Audouin  de  Geronval,  qui, 
lui  aussi,  a  fait  un  traité  sur  la  typographie  : 

«  La  protection  constante  accordée  par  nos  rois  aux  imprimeurs  de 
Paris  n'a  point  encore  été  imitée  par  les  sociétés  savantes.  On  n'a  pas 
encore  vu  siéger  à  l'Académie  des  sciences  un  seul  des  artistes  habiles 
qui  ont  concouru  au  progrès  de  cet  art.  » 

A  bon  entendeur,  salut  ! 

E.  D. 


BOTES  HISTORIQUES 

Sur  l'S  concerts  donnés  par  l'Association  des  artistes-musiciens  à 
Vienne ,  au  profil  du  fonds  de  pensions  pour  les  veuves  et  les  orphe- 
lins. 

Ces  concerts,  qui  datent  de  l'année  1772,  et  dont  le  nombre  s'élève 
aujourd'hui  à  264.  fournissent,  dans  leurs  programmes  ,  des  données 
du  plus  haut  intérêt,  par  la  raison  que  les  plus  célèbres  compositeurs  des 
temps  passés  y  ont  pris  part.  Nous  en  extrayons  les  détails  suivants  : 


DE  PARIS. 


1.  Dans  le  34'  concert,  3  avril  1781,  fut  exécutée  une  symphonie 
pour  orchestre,  composée  iar  M.  W.  Amédée  Mozart. 

Le  programme  original  que  nous  avons  sous  les  yeux  renferme  une 
note  fort  naïve,  que  nous  transcrivons  textuellement  :  «  Ensuite  mon- 
sieur le  chevalier  W.  A.  Mozart  —  il  avait  reçu  l'ordre  de  l'Éperon 
d'or  —  se  fera  entendre  seul  sur  le  piano.  M.  Mozart  est  déjà  venu  ici 
à  l'âge  de  sept  ans,  et  il  a  obtenu  dès  lors  les  suffrages  unanimes  du 
public,  soit  comme  compositeur,  soit  par  son  habileté  singulière  à 
frapper.  » 

En  effet,  cela  est  fort  singulier.  A  l'époque  où  l'on  jovaH  encore 
réellement  du  clavecin,  on  employait  le  terme  frapper  ;  aujourd'hui, 
où,  en  vérité,  on  frappe  le  piano,  on  se  sert  du  moi  jouer. 

2.  Dans  le  42"  concert,  22  janvier  1783,  fut  exécutée,  pour  la 
première  fois,  une  symphonie  pour  orchestre,  de  Joseph  Haydn,  par 
180  instrumentistes.  Dans  la  même  soirée,  W.  A.  Mozart  joua  un 
concerto  pour  clavecin,  de  sa  composition. 

3.  Le  28  mars  1784,  fut  exécuté,  pour  la  première  fois,  l'oratorio  de 
Joseph  Haydn  :  le  Refour  de  Tobie. 

h-  Le  23  décembre  1785,  il  est  dit  de  nouveau  dans  le  programme  . 
«  Dans  l'entr'acte  suivra  un  concerto  pour  clavecin,  composé  eifappé 
par  W.  A.  Mozart.  » 

5.  Le  9  avril  1786,  le  compositeur  Charles  de  Dittersdorf  a  dirigé  en 
personne  son  oratorio  Job. 

6.  Dans  le  61e  concert  de  la  Société,  le  22  décembre  1789,  le  cé- 
lèbre quinttette  en  la  majeur,  pour  clarinette  et  instruments  à  cordes, 
composé  par  Mozart,  fut  joué  pour  la  première  fois. 

7.  Le  70e  concert,  22  décembre  1793,  emprunta  un  grand  éclat  de 
la  présence  du  grand  maestro  Joseph  Haydn,  qui  dirigeait  en  personne. 
Deux  de  ses  grandes  symphonies,  qu'il  venait  d'écriie  pour  Londres, 
y  furent  exécutées  à  cette  occasion  pour  la  première  fois,  ainsi  qu'un 
chœur. 

8.  Dans  le  79e  concert,  29  mars  1795,  Louis  Van  Beethoven  a  joué 
un  nouveau  concerto  pour  clavecin,  de  sa  composition. 

9.  Dans  le  90e  concert,  1er  avril  1798,  le  quintetto  en  mi  bémol  mi- 
neur, pour  clavecin  et  instruments  à  vent  (œuvre  16e),  nouvellement 
composé  par  L.  V.  Beethoven,  fut  exécuté  par  les  artistes  suivants  : 
l'auteur  y  tenait  le  piano;  hautbois,  M.  T.  Riebensee;  basson,  M.  Ma- 
tauschek;  clarinette,  M.  Béer;  corno  (?),  M.  Nikl. 

10.  Dans  le  92e  concert,  22  décembre  1798,  Joseph  Haydn  dirigea 
de  nouveau,  en  personne,  sa  symphonie  militaire. 

11.  Dans  le  96e  concert,  le  22  décembre  1799,  la  Société  fit  exé- 
cuter pour  la  première  fois  la  Création,  de  Haydn  ;  les  chanteurs- 
solistes  étaient  :  Mlle  Saal,  M.  Matthaeus-Heitmayer,  M.  Saal.  Les  prix 
avaient  été  doublés,  et  la  recette  fut  de  A, 11k  florins. 

12.  Ce  fut  dans  le  104e  concert,  22  décembre  1801,  que  l'on  donna 
pour  la  première  fois  les  Saisons,  de  Joseph  Haydn,  avec  les  mêmes; 
on  fit  3,983  florins  de  recette. 

13.  Dans  le  12e  concert,  22  décembre  1803,  le  célèbre  compositeur 
abbé  Vogler  dirigea  son  opéra  de  Castor  et  Pollux. 

1/).  Le  120"  concert,  22  décembre  1805,  fut  dirigé  par  M.  Luigi 
Cherubini,  directeur  du  Conservatoire  de  Paris,  qui  se  trouvait  alors  à 
Vienne  ;  on  y  entendit  une  ouverture  et  deux  chœurs  de  sa  compo- 
sition . 

15.  Dans  le  126e  concert,  22  mars  1807,  le  maître  de  chapelle 
Hummel  dirigea  sa  cantate  :  Diane  et  Endymion. 

16.  Dans  le  165e  concert,  31  mars  1817,  la  Société  donna,  pour  la 
première  fois:  1°  la  7°  symphonie  en  la;  2°  le  Christ  au  jardin  des 
Olives,  par  le  même.  Produit  de  la  soirée  :  3,164  florins. 

Cet  exposé  nous  fournit  la  preuve  que  de  tout  temps  les  plus  grands 
artistes  se  sont  empressés  de  consacrer  leur  double  talent  de  composi- 
teur et  d'exécutant  à  la  création  et  à  la  conservation  d'une  institution 
philanthropique. 

{Nouvelle  Gazelle  de  Vienne,  26  août  1852.) 


JEÏÏjÏÏE,   15  E    ÏMfE^UEliSSOIlîir. 

Je  n'ouvre  jamais  sans  un  sentiment  d'admiration  mêlé  de  douleur 
les  grandes  partitions  de  la  musique  religieuse  allemande  :  la  Passion, 
de  Bach  ;  le  Messie,  de  Haendel;  Elle,  de  Mendelssohn.  L'admiration,  je 
l'accorde  à  cette  puissance  d'imagination  qui,  dans  un  champ  restreint 
par  les  convenances  du  sujet,  sait  faire  jaillir  des  ressources  de  l'art 
seules  assezd'éléments  pour  exciter  constamment  l'intérêt  des  auditeurs  ; 
la  douleur,  il  faut  l'avouer,  c'est  l'indifférence  avec  laquelle  mon  pays 
accueille  de  semblables  œuvres  qui  me  la  cause.  Si  l'on  disait  à  un  habi- 
tant de  Berlin  ou  de  Vienne  qu'à  Paris  il  n'existe  pas  une  salle  où  l'on 
puisse  exécuter  les  grands  ouvrages  de  Haendel  et  de  Bach,  que  pour 
les  entendre  nous  sommes  obligés  de  passer  le  détroit  et  d'aller  les  de- 
mander à  ces  Anglais  dont  la  France  conteste  avec  si  peu  de  raison  le 
bon  goût  musical;  si  l'on  ajoutait  qu'il  y  a  quatre  ou  cinq  ans  le  nom 
de  Mendelssohn  était  à  peu  près  inconnu  du  public  tandis  qu'il  soulevait 
l'admiration  de  l'Allemagne  entière  ;  que  la  Société  des  concerts  osait 
à  peine  hasarder  devant  son  opiniâtre  public  quelques  fragments  de  ses 
symphonies;  que  l'ouverture  de  la  Grotte  de  Fingal,  par  exemple,  fut 
exécutée  deux  ou  trois  fois  à  cette  Société,  et,  qu'accueillie  avec  la  plus 
froide  réserve,  ce  ne  fut  que  plus  tard  qu'on  daigna  lui  accorder  droit 
de  cité;  alors  l'honnête  Allemand  resterait  muet  d'étonnement,  et  se 
demanderait  :  Quel  est  donc  ce  peuple  qui  s'arroge  le  droit  de  faire  et  de 
défaire  les  réputations,  et  qui  ne  connaît  même  pas  les  auteurs  dont  il 
parle  et  les  causes  qu'il  prétend  juger  ? 

Soyo:  s  francs.  Je  veux  bien,  puisque  j'écris  dans  une  feuille  fran- 
çaise, reconnaître  aux  Français  tous  les  mérites,  la  grâce,  l'esprit, 
le  bon  goût,  l'instinct  des  délicatesses  de  l'art;  mais,  en  tout  cas,  on 
accordera  bien  que  cette  initiative  généreuse  qui  pressent  les  chefs- 
d'œuvre  ;  que  cette  intelligence  vive  et  patiente  à  la  fois  qui  les  analyse 
et  ne  se  presse  pas  de  jouir,  pour  plus  tard  se  presser  d'oublier;  que 
ces  deux  qualités,  indispensables  à  tout  juge  équitable,  le  public  fran- 
çais ne  les  possède  pas.  Sa  devise,  c'est  bien  ce  vers  de  Lamartine  : 

Hâtons-nous.  Jouissons  ! 

Il  nous  est  malaisé  de  dépouiller  l'ordre  habituel  de  nos  pensées,  de 
nous  associer  à  celui  des  écrivains,  des  artistes  d'une  autre  nation. 
Pour  q  elques  grands  hommes  dont  le  public  a  eu  la  révélation,  com- 
bien d'autres  sont  ignorés  de  lui  !  C'est  hasard  si  les  noms  de  Shakes- 
peare, de  Beethoven,  de  Murillo,  sont  parvenus  à  lasser  son  indiffé- 
rence ;  c'est  à  un  concours  de  circonstances  trop  long  à  analyser  qu'ils 
doivent  leur  renommée,  tandis  que  des  artistes  d'un  génie  égal  ne 
peuvent  chez  nous  soulever  le  poids  de  leur  obscurité.  Faut-il  un 
exemple?  Je  citerai  Lopez  de  Vega  pour  la  poésie,  S.  Bach  pour  la 
musique,  Hemling  pour  la  peinture.  En  musique,  ce  que  la  France 
préfère,  ce  sont  les  terrains  plats,  les  chemins  bien  frayés  ;  une  petite 
montagne  nous  fera  peur,  c'est-à-dire  que  si  le  public  rencontre  un 
chef  d'oeuvre ,  pour  peu  qu'il  soit  pénible  de  s'élever  à  cette  hauteur, 
il  préférera  passer  au  pied.  Il  y  gagne,  après  tout,  ce  que  gagnerait  un 
voyageur  qui  parcourrait  les  Pyrénées  et  les  Alpes,  mais  seulement 
sur  les  routes  accessibles  aux  calèches  à  deux  chevaux. 

La  musique  religieuse  de  Mendelssohn  est  si  peu  connue  en  France, 
qu'il  ne  semblera  pas  inopportun  d'analyser  un  de  ses  plus  remarquables 
ouvrages.  Cette  analyse  pourra  rectifier  des  erreurs.  Si  d'après  ses  œu- 
vres de  piano,  d'après  ses  symphonies  et  ses  ouvertures,  on  portait  un 
jugement  général  sur  les  œuvres  de  l'auteur  d'Etie,  l'on  se  tromperait 
étrangement.  Avant  tout,  Mendelssohn  est  un  classique  ;  c'est-à-dire 
qu'il  pouvait  quelquefois  manquer  d'imagination  :  tous  les  hommes 
sont  sujets  à  ce  malheur  ;  mais,  au  moins,  il  ne  manquait  jamais  de 
science  et  de  goût. 

Il  possédait  une  admirable  mémoire,  avait  approfondi  les  secrets  des 
anciens  maîtres,  savait  emprunter  à  chacun  ce  qu'il  avait  d'excellent; 
de  plus,  il  avait  le  don  de  l'imagination,  quoique  ses  fruits  fussent  chez 
lui  quelquefois  tardifs.  Nul  compositeur  n'a  su,  mieux  que  lui,  confor- 
mer son  style  au  caractère  du  morceau  qu'il  doit  traiter.  S'agit-il  de  la 


314 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


symphonie,  il  trouvera  moyen  de  renchérir  sur  les  délicatesses,  sw  les 
subtilités  même  de  Beethoven:  11  fera  de  son  instrumentation  une  den- 
telle dont  l'œil  le  plus  exercé  pourra  seul  suivre  les  infinis  détours. 
S'agit-il  de  musique  de  chambre,  il  ne  laissera  rien  s'égarer  dans  l'œuvre 
immense  de  Haydn  et  de  Mozart  et  puisera  à  coupes  abondantes  dans 
l'œuvre  de  Beethoven.  Et  ceci,  je  veux  le  déclarer,  n'est  nullement  une 
accusation  de  plagiat.  Mendelssohn  s'assimilait  les  procédés,  le  moule 
pour  ainsi  dire;  mais  l'ordre  des  pensées  lui  appartient  bien  réelle- 
ment. Lui-même,  dans  le  champ  si  vaste  et  qui  offre  encore  tant  d'es- 
pace à  explorer,  la  mélodie  harmonique  et  le  rhythme,  a  fait  des  décou- 
vertes dont  ses  successeurs  profiteront  à  leur  tour.  Ainsi ,  de  Haydn  à 
Mendelssohn  les  perspectives  de  l'artmusical  vont  toujours  s'élargissant  : 
la  musique,  cet  art  si  jeune  et  déjà  si  puissant,  est  loin  encore  d'avoir 
atteint  le  but  après  lequel  toute  chose  décroît  et  périt  d'après  les  lois 
immuables  qui  régis -ent  l'humanité. 

Dans  la  musique  instrumentale,  le  musicien  exercé  s'apercevra  aisé- 
ment que  la  muse  de  Mendelssohn  est  petite-fille  de  la  muse  de  Haydn. 
Dans  ses  oratorios,  il  semble  répudier  toute  parenté  avec  l'illustre 
auteur  des  Saisons.  C'est  à  d'autres  sources  que  Mendelssohn  s'est  ins- 
piré; il  a  gravi  des  hauteurs  sublimes  pour  y  recueillir  des  pensées 
plus  grandes.  Aussi,  selon  moi,  Àthalie,  Paulus,  Elie,  sont-ils  les  véri- 
tables titres  de  gloire  du  maître  allemand.  Il  y  a  dans  l'art  allemand 
deux  styles,  deux  écoles,  deux  courants  d'idées  bien  distincts  :  l'un 
noble,  gracieux,  enchanteur,  inépuisable  en  richesses,  accessible  à 
tous,  fertile  en  aspects  variés,  en  perspectives  nouvelles  :  c'est  le  style 
de  Haydn,  de  Mozart,  et  de  Beethoven  dans  sa  première  manière;  l'au- 
tre, plus  solitaire,  plus  difficile  à  pénétrer,  plus  austère,  mais  aussi 
plus  grandiose,  plus  véritablement  destiné  à  chanter  la  gloire  du  Sei- 
gneur :  c'est  celui  de  Haendel,  de  S.  Bach  avant  tout,  et  aussi  de  Bee- 
thoven vers  la  fin  de  sa  carrière  ;  de  Beethoven,  dont  le  génie  eut  la 
singulière  destinée  d'être  le  confluent  où  devaient  se  réunir  les  ondes 
abondantes  de  ces  fleuves  immenses.  Lisez  les  Saisons,  la  Création 
d'Haydn,  le  David  pénitent,  même  le  Requiem  de  Mozart,  vous  trou- 
verez une  belle  et  expressive  musique,  mais  qui,  par  la  périodicité  des 
mélodies,  parleur  forme  même,  par  le  caractère  de  l'instrumentation, 
appartiennent  à  la  musique  profane.  Le  caractère  religieux  leur  manque 
essentiellement,  sauf  dans  les  morceaux  où  l'expression  des  affections 
humaines  peut  être  confondue  avec  celle  des  affections  divines.  Disci- 
ple de  Mozart  et  de  Haydn  dans  la  musique  instrumentale,  Mendelssohn 
a  rompu  hardiment  avec  leurs  traditions  dans  ses  oratorios.  C'est  à 
Haendel,  c'est  à  Bach  qu'il  est  venu  renouer  la  chaîne  du  passé  ;  c'est 
du  Messie  et  de  la  Passion  qu'il  s'inspire.  11  ne  rencontre  pas  l'inspi- 
ration brûlante  qui  a  dicté  dans  le  Judas  Machab'e  le  célèbre 
chœur  :  Chantons  vict-ire;  son  génie  ne  lui  soufflera  pas  l'introduc- 
tion, avec  choral  et  double  chœur,  de  la  Passion  :  œuvre  qui  ne  pou- 
vait être  continuée  avec  une  telle  grandeur  sans  dépasser  les  limites  de 
l'intelligence  humaine  ;  mais,  venu  plus  tard  dans  la  carrière,  il  a  pu 
éviter  plusieurs  fautes  où  sont  tombés  ses  illustres  devanciers;  il  a  pu 
resserrer  dans  un  cadre  moins  vaste  l'oratorio,  l'oratorio  dont  les 
formes  fatiguent  par  la  multiplicité  de  ses  ressorts.  De  plus,  il  a  pu  les 
.  varier  par  les  combinaisons  orchestrales,  par  les  diversités  du  timbre. 
Dans  quelques  scènes  bien  motivées,  il  a  pu,  par  des  transitions  ména- 
gées avec  art,  faire  intervenir  le  style  profane.  Les  ressources  de  l'har- 
monie moderne  lui  sont  aussi  venues  puissamment  en  aide.  Enfin  si  quel- 
quefois l'inspiration  ne  l'eût  abandonné,  si  quelquefois  il  n'eût  pris 
pour  le  souffle  du  génie  ce  qui  souvent  n'était  que  le  conseil  de  l'ex- 
périence, il  aurait  réalisé  le  plus  grand  de  tous  les  problèmes,  celui  de 
captiver  constamment  pendant  de  longues  heures  un  public  avec  un 
ouvrage  où  l'intérêt  dramatique  est  modéré,  où  celui  de  la  mise  en 
scène  n'existe  pas,  où  les  chanteurs  et  les  instrumentistes,  par  les 
convenances  du  sujet,  doivent  imposer  un  frein  à  leurs  excursions  vo- 
cales et  instrumentales  ,  où  l'instrumentation  doit  toujours  revêtir  un 
caractère  sobre  et  grandiose  à  la  fois,  et  par  conséquent  est  privé  de 
son  plus  puissant  moyen  d'expression,  la  force  et  l'éclat.   Si  Mendels- 


sohn n'a  pas  en  tous  points  résolu  le  problème  dans  Paulus  et  dans 
Athalie,  il  l'a  presque  vaincu  dans  Elie;  et  si  sa  vie  n'eût  été  si  brus- 
quement tranchée,  quelque  nouveau  chef-d'œuvre  eût  définitivement 
assigné  à  l'oratorio  ses  véritables  et  majestueuses  limites. 

Dans  un  prochain  article,  j'analyserai  les  principaux  morceaux  de 
cette  grande  partition. 

Léon  KREUTZER. 


lîil 


90     laonveHes      ESUades    journalières.    4] 
IÇEB,    Vesler    Kapoll   e   poi    mori.    ©p.   S41. 
CJOUJ'Vlf.    Sérénade,   etc.,    etc. 


82®.    — 
THÉ©». 


11  se  livre  en  ce  moment  devant  le  public  de  l'Europe  musicale  un 
assaut  général  entre  les  compositeurs,  arrangeurs,  consommateurs, 
éditeurs  de  musique  de  piano  surtout.  Rien  n'égale  le  nombre  des  pro- 
ducteurs de  ce  genre  de  musique.  Voici  venir  ou  plutôt  revenir  dans 
l'arène  des  producteurs,  que,  du  reste,  il  n'a  jamais  quittée,  M.  Czerny, 
armé  de  son  820e  œuvre,  intitulé  90  Études  journalières,  recueil  utile, 
indispensable  aux  jeunes  pianistes  qui  se  veulent  familiariser  avec  tous 
les  rhythmes,tous  les  doigtés,  ou  plutôt  avec  le  doigté  rationnel  qu'il  a 
donné  à  ses  élèves,  Thalberg,  Liszt,  Doehler,  Mme  Blaetka...Nous  cite- 
rions de  plus  illustres  noms  dans  l'art  de  jouer  du  piano  et  celui  de  s'y 
faire  applaudir,  si  nous  connaissions  de  plus  habiles  prestidigitateurs.  Et, 
à  propos  de  Doehler,  cet  écrivain  charmant  de  charmantes  fantaisies  pour 
le  piano,  nous  signalerons  parmi  ses  derniers  caprices-arrangements 
pour  cet  instrument,  un  joli  mélange  de  mélodies  italiennes,  comme  il 
en  naît  continuellement  sous  le  beau  ciel  de  l'Ausonie ,  intitulé  Veder 
Napuli,  poi  mori.  Que  dire  de  ces  chants  faciles,  à  tournure  originale, 
qui  jouissent  déjà,  peut-être  même  depuis  longtemps,  des  privilèges  de 
la  popularité  ?  Qu'arrangées  de  cette  manière  fine  et  distinguée  qui 
caractérise  le  faire  de  M.  Doehler,  ces  mélodies  vont  passer  de  la  rue  au 
salon,  et  qu'on  les  y  jouera,  qu'on  les  applaudira,  qu'on  les  redira 
pour  soi  et  pour  le  public.  Si,  de  cette  charmante  musique  qui  est  ce- 
pendant d'une  assez  difficile  exécution,  nous  passons  à  l'arrangement 
facile,  les  consommateurs  de  cette  légère  denrée  musicale  n'ont  que 
l'embarras  du  choix.  Mettez  quatre  jolies  petites  mains  avec  la  Fan- 
taisie sur  la  Corbeille  d'oranges,  par  M.  Croisez,  et  elles  évolueront 
sur  le  clavier  aussi  facilement  que  gracieusement  ;  et  deux  jeunes  in- 
telligences musicales  jouiront  d'un  bonheur  naïf  et  pur,  mélangé  d'é- 
mulation en  exécutant,  en  disant  ce  charmant  duo  à  quatre  mains, 
inspiré  par  la  Zertine  à  M.  Croisez. 

Descendant  des  hauteurs  do  la  symphonie  et  se  débarrassant  des 
iuextricabilités  de  l'instrumentation  à  grand  orchestre,  M.  Théodore 
Gouvy  a  envoyé  sa  muse,  si  les  romantiques  veulent  bien  permettre 
qu'on  ait  encore  une  muse,  en  ce  pays  qu'on  nomme  poétiquement 
l'Ibérie,  et  vulgairement  l'Espagne  ;  et  ladite  muse,  ou  sa  pensée,  lui  a 
dicté  une  charmante  sérénade  qui  évoque,  qui  peint  boléros,  séguidil- 
les,  balcons  et  toutes  sortes  de  jalousies,  jalousies  qui  vous  aveuglent, 
et  jalousies  à  travers  lesquelles  on  voit  l'amant  qu'on  aime  et  le  rival 
qui  vient  interrompre  la  sérénade,  et  change  l'harmonie  en  cliquetis 
d'épées  se  choquant. 

Comme  un  docteur  ès-sciences  des  sons,  nous  vous  tracerons  ici  nos 
prescriptions  pharmaceutiques  et  musicales,  pour  bien  établir  l'équili- 
bre dans  vos  humeurs  physiques  et  morales.  Êtes-vous  sur  le  point  de 
quitter  l'objet  que  vous  aimez,  avec  l'espoir  de  le  revoir  bientôt?  Met- 
tez-vous au  piano,  ■ —  car  nous  traitons  toujours  nos  clients  ou  nos  ma- 
lades dans  cette  hypothèse  qu'ils  sont  pianistes,  —  et  qui  n'est  pas  pia- 
niste aujourd'hui?  —  jouez  Départ  et  RiiToun,  deux  charmants  noc- 
turnes de  M.  Léopold  de  Meyer,  et  vous  serez  promptement  guéri  de 
toute  noire  humeur.  Car,  soit  qu'il  développe  une  pensée  originale  et 
qui  lui  est  propre,  soit  qu'il  se  transforme  en  arrangeur,  comme  dans 


DE  PARIS. 


sa  grande  fantaisie  sur  le  Prophète,  Léopold  de  Meyer  esl  toujours  bon 
à  prendre,  et  surlout  à  entendre. 

En  l'ait  de  médicament  applicable  à  l'ouïe,  le  Prélude,  de  Hcrmann- 
Franck  ne  peut  que  produire  un  fort  bon  effet.  Ce  doit  êlre,  du  moins 
la  pensée  de  Mme  Ange  de  Fleury,  qui  doit  trouver  le  caprice  du  Pré- 
lude, qui  lui  est  dédié,  une  ebarmante  chose. 

Voulez-vous  vous  bercer  d'une  mélancolie  noble  et  douce  ?  Prenez  à 
fortes  et  fréquentes  doses  I'.Vndvnte  de  concert  sur  la  romance  du  Juif 
criai)/,  par  M.  Richard  Mulder.  Vous  vous  sentirez  fortifié,  content  et 
joyeux  de  cet  excellent  arrangement.  Désirez-vous  vous  pénétrer  d'i- 
dée martiale,  rêver  de  gloire  et  de  combats?  Mettez-vous  au  régime 
du  Galop-Étude  de  M.  Viénot,  qui  se  dédommage  d'être  officier  de  ca- 
valerie en  écrivant  de  charmantes  polkas  et  mazurkas,  entre  autres 
celle  de  Léonore,  qui  est  un  fort  joli  et  fort  brillant  solo  de  piano. 

Lancé  sur  la  voie  de  la  fantaisie  militaire,  n'allez  pas  oublier  le 
Caprice  guerrier,  non  plus  que  la  Polka-Mazurka  sur  le  Juif  errant,  par 
M.  Giuscppo  Daniele.  Cela  vous  locomotione,  vous  transporte  et  vivifie 
en  vous  l'esprit  guerrier.  Mais  comme  il  faut,  dans  les  arts  comme 
dans  la  vie,  des  contrastes,  des  calmants  après  des  irritants,  reposez 
vos  oreilles  et  vos  doigts  au  moyen  de  deux  jolies  petites  fantaisies  sur 
le  Juif  errant,  par  M.  Duvernoy.  Les  grands  compositeurs  doivent 
avoir  de  la  reconnaissance  pour  les  petits  arrangeurs  ;  car,  ainsi  que 
le  théâtre  et  les  bons  acteurs,  ces  manipulateurs  d'idées  musicales  po- 
pularisent les  inspirations  du  génie  et  les  font  avaler  par  petites  et 
dulcifiantes  doses  aux  consommateurs. 


ILES   CBOLTCTTfi&ES    USES    BS»ff§. 

Six  morceaux  caractéristiques  pour  le  piano, 

par  M.  Richard  Mulder. 

Ce  n'est  plus  seulement  le  rossignol  qui  chante  sur  la  flûte  magique 
de  Tulou  ou  de  Dorus;  ce  n'est  plus  la  Philomèle  plaintive,  ni  la  tendre 
fauvette  soupirant  leurs  amours  ;  c'est  toute  une  volière  d'oiseaux  ga- 
zouillant, caquetant,  fioriturant  le  plus  gentiment  du  monde,  et  que  l'on 
pourrait  croire  renfermée  dans  un  piano.  Voici  d'abord  la  Caille,  dont 
le  chant  sert  d'avis  à  tous  ceux  qui  oublient....  leur  créanciers,  puis  le 
Coucou,  dont  le  chant,  réduit  à  deux  ncles,  et  bien  que  formant  une 
tierce  majeure,  dispose  aux  mélancoliques  rêveries;  la  Fauvette,  dont 
les  notes  cadencées  forment  d'harmonieuses  cascades  de  perles;  le  San- 
sonnet, dont  le  doux  sifflement  a  tout  le  charme  de  la  mélodie;  enfin 
Y  Oiseau-mouche  et  autres  charmants  hôtes  des  bois,  qui,  tant  chantés 
jusqu'ici  par  les  poêles  et  les  symphonistes,  pouvaient  bien,  en  raison 
des  perfectionnements  de  l'industrie  musicale,  être  imités  aussi  par  les, 
touches  d'ivoire  d'un  piano  d'Erard  ou  de  Pleyel. 

C'est  ce  que  vient  de  faire  avec  un  merveilleux  talent  M.  R.  Mulder, 
dans  les  six  morceaux  poétiques  composés  par  lui,  et  qui  viennent  de 
paraître.  Le  chant  de  chacun  des  charmants  oiseaux  désignés  dans  les 
différents  titres  se  mêle  à  des  mélodies  aussi  fraîches,  aussi  riantes 
qu'une  idylle  de  Mme  Deshoulières.  Les  accents  de  la  fauvette,  de  la 
caille  et  du  coucou  sont  surtout  reproduits  avec  un  art  infini  :  c'est  la 
nature  pour  ainsi  dire  prise  sur  le  fait  au  moyen  d'un  daguerréotype 
musical.  L'oiseau  semble  avoir  dicté  d'abord  pendant  que  l'auteur  écri- 
vait ;  puis  ensuite  M.  Mulder  a  orné  ces  premiers  thèmes  avec  des  mé- 
lodies pleines  d'inspiration,  de  fraîcheur,  et  écrites  avec  ce  talent  sûr, 
cette  pureté  de  style  qui  révèlent  de  prime  abord  un  compositeur  très- 
distingué. 

Les  (.hentres  dès  bois  prouveront  donc  encore  une  fois  que  leur  au- 
teur méritait  à  juste  titre  la  place  que,  sur  ses  premières  productions, 
la  faveur  publique  lui  a  assignée  parmi  les  mélodistes  les  plus  riches  en 
idées  fraîches  et  magistralement  rendues. 

Le  succès  et  la  vogue  sont  assurés  à  ces  charmantes  compositions 
nous  en  sommes  certain  ;  on  en  aura  même  bientôt  la  preuve,  car  as- 


surément, il  est  peu  de  compositions  qui  puissent  offrir  plus  d'attraits 
aux  pianistes  de  tous  les  genres  cl  de  toutes  les  écoles,  quel  que  soit  le 
degré  de  leur  talent. 

Henri  BLANCHARD; 


NOUVELLES. 

%*  Demain  lundi,  à  l'Opéra,  Rohrl  k-Diabk. 

***  Une  légère  indisposition  empêchera  Mlle  Emmy  La  Grua  de  clianter 
pour  la  seconde  fois  le  rôle  d'Alice  dans  cette  représentation. 

%,*  Encore  une  semaine  magnifique.  Lundi,  Guillaume  Tell;  mercredi,  le 
Prophète,  et  vendredi,  le  Jwf  errant,  qui  avait  été  donné  trois  fois  la  se- 
maine précédente,  ont  successivement  attiré  la  foule.  L'exécution  do  ces 
chefs-d'œuvre  a  été  excellente. 

%*  Fanny  Cerrito  est  réengagée  à  l'Opéra  pour  deux  ans.  C'est  elle  qui 
créera  le  principal  rôle  du  ballet  nouveau  que  Mazi  ier  est  chargé  de 
mettre  en  scène. 

%*  On  annonce  aussi  rengagement  de  Mlle  Duez,  qui,  l'année  dernière, 
tenait  l'emploi  de  première  cantatrice  à  l'Opéra-National,  aujourd'hui 
Théâtre-Lyrique. 

%*  Le  Père  (laillard,  la  Cr.rix  de  Marie,  ont  concouru,  avec  la  reprise 
de  Joseph,  Gira'da,  le  Fidèle  Berger.  Madelon,  à  composer  les  spectacles  de 
la  semaine. 

%*  On  répète  les  Noaet  de  Jeann  U*,  ouvrage  en  un  acte  de  MM.  Carré 
et  Barbier;  musique  de  M.  Victor  Massé,  auteurs  de  Galaihée. 

%*  En  quittant  Paris,  Xavier  Boisselot,  l'auteur  de  Ne  louchez  pas  à  la 
Reine  et  de  Mosquita  la  Sorcière,  a  emporté  deux  poëmes,  dont  il  va  écrire 
la  musique.  A  son  retour  nous  pouvons  donc  compter  sur  deux  bonnes  et 
charmantes  partitions  de  plus. 

%*  On  écrit  de  Londres  que  M.  Lumley  vient  de  terminer  un  arrange- 
ment financier  qui  assure  la  position  du  théâtre  de  Sa  Majesté  dans  cette 
ville,  et  du  Théâtre-Italien  de  Paris.  Tous  les  journaux  du  13  de  ce  mois 
contenaient  l'insertion  de  la  mise  en  société  du  théâtre  de  Sa  .Majesté, 
au  capital  de  5  millions,  divisés  en  actions  de  123  fr.  chacune.  Les  mem- 
bres du  conseil  d'administration  sont  :  le  duc  de  Leinster,  le  marquis  de 
Clanricarde,  le  comte  de  Harrlngton,  le  major  général  Cavendish,  M.  Ben- 
jamin Obviera,  membre  du  Parlement,  et  M.  Frédéric  Mildred,  l'un  des 
associés  de  la  maison  de  banque  Masterman,  Peteis,  Mildred  et  C;  â  tous 
ces  noms  il  faut  encore  ajouter  celui  de  .M.  Hopkinson,  banquier,  et  con- 
stater que  déjà  les  souscriptions  et  versements  s'élèvent  à  une  somme  de 
60,000  livres  sterling  (1,500,000  fr.). 

*„*  Le  théâtre  ae  .Marseille  vient  de  mettre  à  l'étude  les  deux  charman- 
tes partitions  d'Ad.  Adam ,  le  Farfadet  et  la  Poupre  de  Nuremberg. 
Mme  Charton  Demeur  continuera  ses  succès  dans  ce  dernier  ouvrage. 

%*  Le  Crand-Théâtre  de  Lyon  monte  en  ce  moment  le  Fernand  Curie:, 
de  Spontini.  Cet  ouvrage  sera  représenté  avec  un  luxe  inusité  pendant  les 
fêtes  qui  signaleront  le  séjour  du  Prince-Président  de  la  République  à 
Lyon. 

*„*  Pendant  l'hiver  prochain  il  y  aura  spectacle  français  dans  onze 
villes  situées  hors  de  France  et  des  autres  pays  dont  la  langue  française  est 
l'idiome  naturel.  Ces  villes  sont  La  Haye,  Amsterdam,  Hambourg,  Berlin, 
Dresde,  Vienne,  Madrid,  Londres,  Saint-Pétersbourg,  Ode--sa  et  Co- 
penhague. 

*„*  Bazzini  vient  de  traverser  Paris,  en  se  rendant  à  Lyon  et  à  Turin, 
où  des  engagements  l'appellent.  Son  dessein  est  de  revenir  passer  l'hiver 
parmi  nous. 

%?  Les  cafés-chantants  des  Champs-Elysées  ont  subi  récemment  une 
interdiction  de  huit  jours,  pour  contravention  à  la  défense  de  laisser 
prendre  à  leurs  artistes  aucun  déguisement. 

%*  A  partir  du  I"  de  ce  mois,  M.  Alboize  remplace  M.  Jules  Seveste 
dans  la  direction  des  théâtres  de  la  banlieue. 

%*  L'Académie  de  Rouen,. qui,  jusqu'à  présent  ne  s'était  jamais  occu- 
pée des  beaux-arts,  a  décidé,  il  y  a  trois  ans,  qu'elle  décernerait  des  ré- 
compenses triennales  à  la  peinture,  à  l'architecture  et  à  la  musique,  en 
donnant  des  médailles  en  vermeil  aux  artistes  qui,  dans  l'espace  de  trois 
années,  auraient  produit  l'œuvre  la  plus  remarquable  dans  chacune  de 
ces  spécialités.  Le  résultat  de  ce  concours  s'est  produit  cette  année, 
et  le  prix  de  musique  a  été  décerné  à  notre  collaborateur,  M.  Amédée 
Aléreaux,  pour  une  grande  messe  en  musique  qu'il  a  fait  exécuter  en  1850, 
le  jour  de  Pâques,  à  la  cathédrale  de  Rouen,  et  dont  nous  avons  rendu 
compte  à  cette  époque.  De  plus,  on  a  voulu,  comme  le  constate  le  rapport, 
récompenser  ses  divers  actes  artistiques,  les  concerts  historiques  donnés 
par  lui,  ses  compositions  instrumentales,  et  le  mérite  d'un  professorat, 
qui  a  formé  beaucoup  d'élèves  de  talent,  artistes  ou  amateurs,  entre  au- 
tres Mlle  Charlotte  de  Malleville,  que  Paris  connaît  et  apprécie.  Ces  rému- 
nérations sont  offertes  par  l'Académie  de  Rouen,  non  seulement  à  tous 
les  artistes  rouennais  ou  normands,  mais  encore  à  tous  ceux  qui  tien- 
nent à  la  Normandie  par  quelque  lien  artistique,  comme  M.  A.  Méreaux, 
qui  est  de  Paris,  maisqui  s'est  fixé  depuis  plusieurs  années  à  Rouen. 

*„*  ociété  symphonique,  fondée  en  1852  sous  la  direction  d'A  Farrenc, 
dans  la  salle  llerz.  —  Le  directeur  de  la  Société  symphonique  a  réuni 
cinquante  artistes  de  mérite  parmi  lesquels  figurent,  comme  chefs  de  pu- 


316 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


pitre,  des  talents  de  premier  ordre.  L'orchestre  sera  dirigé  par  M.  Mas, 
du  Théâtre  Italien.  La  Société  donnera  six  concerts  où  l'on  entendra  les 
symphonies  de  Haydn,  Mozart,  Beethoven,  Mendelssohn,  Spohr  et  de  plu- 
sieurs autres  compositeurs  modernes  ;  un  choix  d'ouvertures  des  mêmes 
maîtres,  comme  aussi  de  Méhul,  Cherubini,  Weber,  Hummel,  etc.;  les 
concertos  de  piano  de  Mozart,  Beethoven,  Mendelssohn,  Weber  et  Hum- 
mel; les  concertos  de  violon  de  Viotti,  Kreutzer,  Rode  et  autres  virtuoses 
célèbres.  La  partie  du  chant  sera  confiée  à  des  artistes  distingués,  et  le 
choix  des  morceaux  sera  fait  de  manière  à  intéresser  les  connaisseurs.  Les 
grands  artistes  étrangers  qui  arriveront  à  Paris  seront  invités  à  contribuer 
par  leur  talent  à  l'éclat  des  concerts.  —  Prix  des  places  :  Stalles  d'orches- 
tre, 6  fr.;  stalles  de  parquet,  5  fr.;  stalles  de  pourtour,  1"  rang,  4  fr  ;  2e. 
3e  et  4e  rangs,  3  fr.  Toutes  les  places  seront  numérotées.  Les  personnes 
qui  désireront  choisir  et  s'assurer  leurs  stalles  pour  les  six  concerts, 
trouvront  le  plan  de  la  salle  et  des  cartes  d'abonnement  chez  M.  Prilipp, 
éditeur  de  musique,  boulevart  des  Italiens,  n°  19.  Le  premier  concert  est 
fixé  au  vendredi  24  décembre  1852,  à  8  heures  du  soir  ;  le  second,  au 
vendredi  14  janvier  1853  :  les  suivants  auront  lieu  de  quinzaine  en  quin- 
zaine. 

%*  Sur  le  rapport  de  M.  le  ministre  de  l'instruction  publique,  un  dé- 
cret du  Prince-Président  de  la  République  vient  d'ordonner  la  publication 
d'un  Recueil  général  des  poésies  populains  de,  la  France,  soit  qu'elles  aient 
été  déjà  imprimées,  soit  qu'elles  existent  en  manuscrit  dans  les  biblio- 
thèques, soit  enfin  qu'elles  nous  aient  été  transmises  par  les  souvenirs 
successifs  des  générations.  Ce  recueil  comprendra  :  1°  les  chants  religieux 
et  guerriers;  2°  les  chants  de  fête,  ies  ballades;  3°  les  récits  historiques, 
les  légendes,  les  contes,  les  satires.  Le  comité  de  la  langue,  de  l'histoire  et 
des  arts  de  la  France,  établi  près  le  ministre  de  l'instruction  publique,  est 
chargé  de  recevoir  les  textes  et  la  traduction  de  tous  les  morceaux  qui 
seront  adressés  au  ministre  de  l'instruction  publique,  de  les  mettre  en  or- 
dre, en  les  accompagnant  de  tous  les  commentaires  propres  à  en  consta- 
ter la  valeur  aux  différents  points  de  vue  de  l'histoire  du  pays  et  de  celle 
de  la  langue  française  et  des  idiomes  locaux  de  la  France.  Une  médaille 
commémorative  sera  décernée  sur  la  proposition  du  comité  aux  personnes 
qui  auront  le  plus  contribué  par  leurs  recherches  et  par  leurs  découvertes 
à  enrichir  cette  collection. 

%*  Au  mois  de  juin  dernier  est  mort  à  Rio-Janeiro,  Giovanni  Basadonna, 
qui  a  laissé  les  meilleurs  souvenirs  à  Vienne,  comme  chanteur  et  profes- 
seur de  chant. 

V  Mlle  Eugénie  Ilérold,  l'une  des  filles  du  célèbre  compositeur  de  ce 
nom,  vient  de  mourir  à  l'âge  de  vingt  ans. 


CRONIQUE    DEP.1RTERÏE3ITAÏ.E. 

%*  Toulouse.  —  Le  concert  donné  par  Mlle  Guénée  dans  les  salons  de 
M.  Meissonnier,  a  été  brillant.  Comme  pianiste  et  compositeur,  l'artiste  a 
également  mérité  son  succès.  On  a  beaucoup  applaudi  sa  mélodie  des 
Moissonneurs,  le  souvenir  de  la  Favorite,  l'air  de  Field,  arrangé  par  elle, 
l'étude  de  concert,  le  galop  di  Bravura,  ainsi  que  Waldora,  valse  char- 
mante. 

CHRONIQUE     ÉTRANGÈRE. 

*„*  Louvain.  —  Le  Carillonneur  de  Bruges  vient  d'être  donné  a  l'occa- 
sion des  fêtes  célébrées  en  cette  ville.  Mlle  Wertheimber  jouait  le  rôle 
de  Béatrix,  qu'elle  a  créé  à  Paris;  elle  y  a  porté  l'inspiration,  l'enthou- 
siasme et  déployé  une  voix  d'uue  grande  étendue,  pleine  d'ampleur.  Au 
second  acte,  toutes  les  dames  pleuraient.  Le  lendemain  tout  l'orchestre 
s'est  rendu  sous  les  fenêtres  de  Mlle  Wertheimber  pour  lui  donner  une 
magnifique  sérénade.  La  jeune  artiste,  n'oubliant  pas  les  pauvres,  a  donné 
deux  jours  après  une  représentation  à  leur  bénéfice. 

***  Merlin.  —  Mme  de  Strantz  a  fait  ses  adieux  au  public  dans  le  rôle  de 
Fidès  :  la  jeune  cantatrice  a  reçu  de  l'assemblée  de  nombreuses  marques 
de  satisfaction.  —  Mlle  Wagner  est  rentrée  par  le  rôle  de  Roméo.  Ce 
rôle  ne  lui  permet  guère  de  déployer  toutes  les  ressources  de  son  ma- 
gnifique organe  ;  cependant,  Mlle  Wagner  l'a  chanté  avec  tant  de  verve, 
avec  une  telle  puissance  dramatique,  que  le  succès  n'a  pas  été  douteux  un 
instant.  Mme  Herrenberger  a  été  une  charmante  et  toute  gracieuse  Ju- 
liette. —  Mlle  Westerstrand  a  débuté  dans  un  concert,  où  elle  a  chanté  le 
grand  air  d'Amina,  de  la  Sonnambuia,  une  tyrolienne,  une  mazurka  et  des 
chants  populaires  de  la  Suède.  La  jeune  virtuose  possède,  comme  ses  com- 
pagnes venues  du  Nord,  une  sensibilité  profonde;  sa  voix  douce  et  déli- 
cate aie  timbre  argentin  de  celle  de  l'alouette;  à  ces  avantages  naturels 
Mlle  Westerstrand  joint  une  excellente  méthode. 

%*  Cn;rlsruh".  —  L'ouverture  de  la  nouvelle  salle  de  spectacle,  qui 
devait  avoir  lieu  au  mois  de  novembre,  a  été  remise  au  mois  de  mai  de 
l'année  prochaine.  —  Vieuxtemps  donne  ici  des  concerts  qui  sont  très- 
suivis. 

*„*  Amsterdam,  15  septembre.  —  La  troupe  d'opéra  français  en  cette 
ville  est  maintenant  au  grand  complet.  Les  représentations  commenceront 
le  samedi  18  de  ce  mois. 

%*  Odessa.  —  Après  avoir  donné  trois  brillants  concerts  avant  son  dé- 
part pour  Constantinople,  Mme  Nissen  Saloman  a  été  engagée,  lors  de  son 
passage  pour  se  rendre  en  Crimée,  pour  une  série  de  représentations  au 
Théâtre-Italien. 

Le  itérant      KkNkst  DhiSCHÀMPS. 


es  p 


s  musicales 


7,  vite  Jùitfjilte,  «  S'ut'is. 

LÉOPOLD  DE  MEYER.  RICHARD  SDLDEB. 

Les  Chantres  des  bois,  6  morceaux  car  actéristiques,  pour  piano  : 


Op.  72.  L'Iris,  galop  de  concert  pour  le  piano   .    .   . 

Op.  73.  Fleurs  d'Italie,  pour  le  piano 

Op.  74.  L'Espérance,  nocturne  élégant  pour  le  piano 

Op.  75.  Adieu,  nocturne  en  ré  b.  pour  le  piano.    .    . 

Op.  76.  Airs  styriens  variés  pour  le  piano 


ADOLPHE  FUIÂGALLI 

Op.  86.  Danse  des  Sylphes,  d'après  F.  Godefroid,  fantaisie  pour  le 

piano 

Op.  87.  Nocturne  élégant  en  si  ,  fantaisie  pour  le  piano 

Op.  88.  Laura,  polonaise  brillante,  fantaisie  pour  le  piano  .... 
Op.  61  bis.  Casta  Diva  (A'oi ma),  étude,  main  gauche 

FÉLIX  GODEFROID. 

La  Mélancolie,  étude  pour  harpe 

Le  Rêve,  —  

La  Danse  des  Sylphes,  —  

Les  mêmes  pour  piano  seul 


7  50 
7  50 
7  5>' 
7  50 


Op.  22.  N"  1.  La  Caille,  chant  du  matin 

2.  Le  Coucou,  pastorale 

3.  La  Fauvette,   caprice  de  salon .    .    . 

4.  L'Oiseau-Mouche,  impromptu-étude 

5.  Le  Sansonnet,  thème  original  varié. 

6.  L'Oiseleur,  impromptu-caprice.   .    . 

Op.  12  bis.  La  Cascade,  caprice-étude 

Op 


12.  La  Styrienne 

Op.  19.  Cécilia,    mazurka-caprice. 
Op.  20.  Le  Retour,  nocturne  .   .   . 


KïïDELSSOMBARTÏÏXOBY. 

Op.  57.  Six  mélodies  sans  paroles 

Op.  61.  Scherzo  à  4  mains  sur  le  Rêve  d'un»,  nuit  d'été 

Op.  61  bis.  Nocturne  et  Marche  à  4   mains  sur  le  Rêve  d'une 


t.  HgzT.  Élégie  sur  une  mélodie  de  Soriano,  pour  le  piano.  ...  750 
a.  jakl.  Op.   14.  Fantaisie  sur  la  Danse  des  Sylphes,  de  Gode- 

froy,  pour  le  piano 7  S0 

ï.  Fi.nn.tiug.  Op.  14.  L>s  l'uritain-,  pour  le  piano 6     » 

v.  A.t  B.is.  Impromptu,  pour  le  piano 5     » 

(H   unît:*,  Nocturne  pour  le  piano 5     » 

—  Op.   50.  Priinavera,  valse 5     » 

—  Op.  51.  Fantaisie  sur  l'Elùire 7  50 

en.  wisïooi.  Op.  5.  Scherzo  brillant,  pour  le  piano 7  50 

—  Op.  6.  Sérénade,  pour  le  piano 7  50 

éd.  ïiisn.  Op.  5.  Fantasia,  grande  valse  de  concert 5     » 

—  Op.  6.  Gelsamina,  grande  valse  de  concert 6     » 

—  Op.  8.  Suléika,  grande  valse  de  concert 6    » 

—  Lorenza,  grande  valse  de  concert 6     » 

n.tntc  bi'rtt.  Op.  8.  Souvenir  de  Brixen,  pour  le  piano.    ...  7  50 

o.  «««:«*.¥».  Op.  60.  Gasilda,  petite  fantaisie,  pour  le  piano  .  5     » 

—  La  Vision,  polka-mazurka,  pour  le  piano 5     » 

j.  F»riiT.  Galop  de  concert 6     » 

—  Les  Willis,  polka-mazurka,  redowa,  schottisch,  polka  et 

valse 7    » 

jr.  carli.  Op.  14.  Le  Troubadour,  schottisch 5    » 


a.  G«5ESH4.  Op.  59.  La  Campanella 

m,  «oTT8cm-Ai,K;  La  Mélancolie,  étude  d'après  Godefroid.   .   .  . 

«.  cAicvi.Lt.  25  études  progressives  pour  piano 

w.  vÈBfiAfeàs.  Op.10.  Harmonies  poét,  études  pour  piano.  Liv.  1. 

—  Op.  11.  Harmonies  poétiques,  études  pour  piano.  Liv.  2. 

—  Op.  12.  Harmonies  poétiques,  études  pour  piano.  Liv.  3. 
Di'vKnsitï  jj.  m.  Danses  :les  sylphes,  facile,  de  Godefroy  .... 
m  mc-BUKTT. 'Les  Brises  du  Nord,  5  polkas  mazurka 

—  La  Fête  des  fous,  quadrille  pour  piano 

—  Bertrand  Duguesclin,  quadrille  pour  le  piano 

mï'PMKT.  Le  Chevalier  Bayard,  quadrille  pour  le  piano 

—  Don  Juan,  quadrille  pour  le  piano 

m  mochism.  Op.  7.  Mazurka  originale 

e.  jiKt.tTTi.  L' Angélus  du  pâtre,  romance  avec  ace  de  piano. .  . 

—  Le  Vieux  Forban,  ballade  pour  voix  de  basse 

gbéïhw.  L'Ange  et  l'enfant,  à  4  voix .   .   .  . 

N.  ».  Enfant,  songe  à  ta  mère,  mélodie  avec  accompag.  de  piano. 


6 

» 

6 

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50 

2  50 

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2 

50 

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l\«  39. 


REVUE 


2G  Septembre  1852. 

Prix  de  ribonncmcnt  i 

Paris,  un  an 2W 

Départements,  Belgique  et  Suisse 30 

Étranger 34 


Le  Journal  paroît  le  Dimanche. 


GAZETTE  MUSICALE 


Vous  préparons  pour  nos  abonnés  an  très-beau  porlralt  de  FIRilf- 
^niN  SCHUnERT.  Ce  portrait,  qui  eomplétcra  In  eolleetlon  de  ses 
nélodics  que  nous  leur  avons  déjà  offerte  sera  prêt  pour  le  numéro 
prochain. 


SOMMAIRE.  —  Les  Soirées  de  l'orchestre  (suite),  par  Hector  Berlioz.  —  Elie, 
de  Mendelssohn.  (2e  article),  par  Léon  Kreutzer.  —  Testament  de  M.  le  ba- 
ron de  Trémont.  —  Discours  prononcé  par  M.  Fétis  comme  directeur  de  la 
classe  des  beaux-arts  de  l'Académie  de  Bruxelles.  —  Nouvelles  et  annonces. 


LES  SOIRÉES  DE  L'ORCHESTRE. 

(2e  fragment)  (1). 

SIXIÈME  SOIRÉE. 

On  joue  Ylphigénie  en  Tauride  de  Gluck. 

Tout  l'orchestre,  pénétré  d'un  respect  religieux  pour  cette  œuvre 
immortelle,  semble  craindre  de  n'être  pas  à  la  hauteur  de  sa  tâche.  Je 
remarque  l'attention  profonde  et  continue  des  musiciens  à  suivre  de 
l'œil  les  mouvements  de  leur  chef,  la  précision  de  leurs  attaques,  leur 
vif  sentiment  des  accents  expressifs,  la  discrétion  de  leurs  accompa- 
gnements, la  variété  qu'ils  savent  établir  dans  les  nuances. 

Le  chœur,  lui  aussi,  se  montre  irréprochable.  La  scène  des  Scythes, 
au  premier  acte,  excite  l'enthousiasme  du  public  spécial  qui  se  presse 
dans  la  salle.  L'acteur  chargé  du  rôle  d'Oreste  est  insuffisant  et  presque 
ridicule;  Pylade  chante  comme  un  agneau.  L'Iphigénie  seule  est  digne 
de  son  rôle.  Quand  vient  son  air  :  «  0  malheureuse  Iphigénie  !  »  dont 
le  coloris  antique,  l'accent  solennel,  la  mélodie  et  l'accompagnement  si 
dignement  désolés,  rappellent  les  sublimités  d'Homère,  la  simple  gran- 
deur des  âges  héroïques,  et  remplissent  le  cœur  de  cette  insondable 
tristesse  que  fait  toujours  naître  l'évocation  d'un  illustre  passé,  Gorsino 
pâlissant  cesse  de  jouer.  Il  appuie  ses  coudes  sur  ses  genoux  et  cache 
sa  figure  entre  ses  deux  mains,  comme  abîmé  dans  un  sentiment  inex- 
primable. Peu  à  peu  je  vois  sa  respiration  devenir  plus  pressée,  le  sang 
affluer  à  ses  tempes  qui  rougissent,  et  à  l'entrée  du  chœur  des  femmes 
avec  ces  mots  :  «  Mêlons  nos  cris  plaintifs  à  ses  gémissements  !  »  au 
moment  où  cette  longue  clameur  des  prêtresses  s'unit  à  la  voix  de  la 
royale  orpheline  et  retentit  au  milieu  du  conflit  des  sons  déchirants  de 
l'orchestre,  deux  ruisseaux  de  larmes  jaillissent  violemment  de  ses 
yeux  ;  il  éclate  en  sanglots  tels  que  je  me  vois  forcé  de  l'emmener  hors 
de  la  salle. 

Nous  sortons je  le  reconduis  chez  lui Assis  tous  les  deux  dans 

sa  modeste  chambre  qu'éclaire  la  lune  seulement,  nous  restons  long- 

(1)  Voir  le  n°  38. 


temps  immobiles Corsino  lève  un  instant  les  yeux  sur  le  buste  de 

Gluck  placé  sur  son  piano Nous  nous  regardons la  lune  dispa- 
raît   il  soupire  avec  effort se  jette  sur  son  lit je  pars 

nous  n'avons  pas  dit  un  mot 

SEPTIÈME  SOIRÉE. 
Etudes  historiques  et  philosophiques. 

On  joue  un  opéra  italien  moderne  très-plat. 

Un  habitué  des  stalles  du  parquet,  qui,  les  soirs  précédents,  a  paru 
s'intéresser  beaucoup  aux  lectures  et  aux  récits  des  musiciens,  se  pen- 
che dans  l'orchestre,  et  s'adressant  à  moi  :  Monsieur,  vous  habitez  or- 
dinairement Paris,  n'est-ce  pas  ?  —  Oui,  monsieur,  je  l'habite  même 
extraordinairement  et  souvent  plus  que  je  ne  voudrais.  —  En  ce  cas, 
vous  devez  être  familiarisé  avec  la  langue  singulière  qu'on  y  parle  et 
dont  vos  journaux  se  servent,  eux  aussi,  quelquefois.  Expliquez-moi 
donc,  s'il  vous  plaît,  ce  qu'ils  veulent  dire,  quand,  en  rendant  compte 
de  certains  incidents  assez  fréquents,  à  ce  qu'il  paraît,  dans  les  repré- 
sentations dramatiques,  ils  parlent  des  Romains.  —  Oui,  disent  à  la 
fois  plusieurs  musiciens,  qu'entend-on  en  France  par  ce  mot?  —  Ce 
n'est  pas  moins  qu'un  cours  d'histoire  romaine,  Messieurs,  que  vous 
me  demandez.  —  Pourquoi  pas  ?  —  le  crains  de  n'avoir  pas  le  talent 
d'être  bref.  —  Qu'à  cela  ne  tienne!  l'opéra  est  en  quatre  actes,  et  nous 
sommes  à  vous  jusqu'à  onze  heures.  —  Alors  pour  vous  mettre  tout  de 
suite  en  rapport  avec  les  grands  hommes  de  cette  histoire,  je  ne  re- 
monterai pas  jusqu'aux  fils  de  Mars,  ni  à  Numa  Pompilius  ;  je  sauterai 
à  pieds  joints  par-dessus  les  rois,  les  dictateurs  et  les  consuls  ;  et  pour- 
tant je  dois  intituler  le  premier  chapitre  de  mon  histoire  : 

De  viris  illustribus  urbis  Romœ. 

Néron  —  (vous  voyez  que  je  passe  sans  transition  à  l'époque  des 
empereurs),  Néron  ayant  institué  une  corporation  d'hommes  chargés 
de  l'applaudir  quand  il  chantait  en  public,  on  donne  aujourd'hui  en 
France  le  nom  de  Romains  aux  applaudisseurs  de  profession,  vulgaire- 
ment appelés  claqueurs,  aux  jeteurs  de  bouquets,  et  généralement  à 
tous  les  entrepreneurs  de  succès  et  d'enthousiasme.  Il  y  en  a  de  plu- 
sieurs espèces  : 

La  mère  qui  fait  si  courageusement  remarquer  à  chacun  l'esprit  et 
la  beauté  de  sa  fille,  médiocrement  belle  et  fort  sotte;  cette  mère  qui, 
malgré  son  extrême  tendresse  pour  cette  enfant,  se  résoudra  néan- 
moins le  plus  tôt  possible  à  une  séparation  cruelle  en  la  remettant  aux 
bras  d'un  époux,  est  une  Romaine. 

L'auteur  qui,  dans  la  prévision  du  besoin  qu'il  aura  l'an  prochain 


318 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS. 


des  éloges  d'un  critique  qu'il  déteste,  s'acharne  à  chanter  partout  les 
louanges  de  ce  même  critique,  est  un  Romain. 

Le  critique  assez  peu  Spartiate  pour  se  laisser  prendre  à  ce  piège 
grossier,  devient  à  son  tour  un  Romain. 

Le  mari  de  la  cantatrice  qui...  —  C'est  compris.  —  Mais  les  Ro- 
mains vulgaires,  la  foule,  le  peuple  romain  enfin,  se  compose  surtout 
de  ces  hommes  que  Néron  enrégimenta  le  premier.  Ils  vont  le  soir 
dans  les  théâtres,  et  même  ailleurs  aussi,  applaudir,  sous  la  direction 
d'un  chef  et  de  ses  lieutenants,  les  artistes  et  les  œuvres  que  ce  chef 
s'est  engagé  à  soutenir. 

Il  y  a  bien  des  manières  d'applaudir. 

La  première,  ainsi  que  vous  le  savez  tous,  consiste  à  faire  le  plus  de 
bruit  possible  en  frappant  les  deux  mains  l'une  contre  l'autre.  Et  dans 
cette  première  manière,  il  y  a  encore  des  variétés,  des  nuances  :  le 
bout  de  la  main  droite  frappant  dans  le  creux  de  la  gauche,  produit  un 
son  aigu  et  retentissant  que  préfèrent  la  plupart  des  artistes  ;  les  deux 
mains  appliquées  l'une  contre  l'autre  sont,  au  contraire,  d'une  sonorité 
sourde  et  vulgaire  ;  il  n'y  a  que  des  élèves  claqueurs  de  première  année 
ou  des  garçons  barbiers  qui  applaudissent  ainsi. 

Le  claqueur  ganté,  habillé  en  dandy,  avance  ses  bras  avec  affectation 
hors  de  sa  loge,  et  applaudit  lentement,  presque  sans  bruit,  et  pour  les 
yeux  seulement;  il  dit  ainsi  à  toute  la  salle  :  Voyez!  je  daigne  ap- 
plaudir. 

Le  claqueur  enthousiasmé  (car  il  y  en  a)  applaudit  vite,  fort  et  long- 
temps; sa  tête,  pendant  l'applaudissement,  se  tourne  à  droite  et  à 
gauche  ;  puis  ces  démonstrations  ne  lui  suffisant  plus,  il  trépigne,  il  crie 
bravo!  bravo!  (remarquez  bien  l'accent  circonflexe  de  Fo),  ou  brava 
(celui-là  est  le  savant;  il  a  fréquenté  les  Italiens;  il  sait  distinguer  le 
féminin  du  masculin),  et  redouble  de  clameurs  au  fur  et  à  mesure  que 
le  nuage  de  poussière  que  ses  trépignements  soulèvent  augmente  d'é- 
paisseur. 

Le  claqueur  déguisé  en  vieux  rentier  ou  en  colonel  en  retraite,  frappe 
le  plancher  du  bout  de  sa  canne  d'un  air  paterne  et  avec  modération. 

Le  claqueur  violoniste  (car  nous  avons  beaucoup  d'artistes  dans  les 
orchestres  de  Paris  qui ,  pour  faire  leur  cour,  soit  au  directeur  de  leur 
théâtre,  soit  à  leur  chef  d'orchestre ,  soit  à  une  cantatrice  aimée  et 
puissante,  s'enrégimentent  momentanément  dans  l'armée  romaine),  le 
claqueur  violoniste,  dis-je,  frappe  avec  le  bois  de  son  archet  sur  le 
corps  de  son  violon.  Cet  applaudissement,  plus  rare  que  les  autres,  est 
en  conséquence  plus  recherché.  Malheureusement,  de  cruels  désillu- 
sionnements  ont  appris  aux  dieux  et  aux  déesses  qu'il  ne  leur  était 
guère  possible  de  savoir  quand  l'applaudissement  des  violonistes  est 
ironique  ou  sérieux.  De  là  le  sourire  inquiet  des  divinités  en  recevant 
cet  hommage. 

Le  timbalier  applaudit  en  frappant  sur  ses  timbales  ;  ce  qui  ne  lui 
arrive  pas  une  fois  en  quinze  ans. 

Les  dames  romaines  applaudissent  quelquefois  de  leurs  mains  gan- 
tées ;  mais  leur  influence  n'a  tout  son  effet  que  lorsqu'elles  jettent  leur 
bouquet  aux  pieds  de  l'artiste  qu'elles  soutiennent.  Comme  ce  genre 
d'applaudissement  est  assez  dispendieux ,  c'est  ordinairement  le  plus 
proche  parent,  le  plus  intime  ami  de  l'artiste,  ou  l'artiste  lui-même  qui 
en  fait  les  frais.  On  donne  tant  aux  jeteuses  de  fleurs  pour  les  fleurs, 
et  tant  pour  leur  enthousiasme;  de  plus,  il  faut  payer  un  homme  ou  un 
enfant  agile  pour,  après  la  première  averse  de  fleurs,  courir  au  théâtre 
les  reprendre  et  les  rapporter  aux  Romaines  placées  dans  les  loges 
d'avant-scène,  qui  les  utilisent  une  seconde  et  souvent  une  troisième 
fois. 

Nous  avons  encore  la  Romaine  sensible,  qui  pleure,  tombe  en  attaque 
de  nerfs,  s'évanouit.  Espèce  rare,  presque  introuvable,  appartenant  de 
très-près  à  la  famille  des  girafes. 

Mais  pour  nous  renfermer  dans  l'étude  du  peuple  romain  proprement 
dit,  voici  comment  et  à  quelles  conditions  il  travaille. 

Un  homme  étant  donné  qui ,  soit  par  l'impulsion  d'une  vocation  na- 
turelle, irrésistible,  soit  par  de  longues  et  sérieuses  études,  est  parvenu 


à  acquérir  un  vrai  talent  de  Romain  ;  il  se  présente  au  directeur  d'un 
théâtre  et  lui  tient  à  peu  près  ce  langage  :  «  Monsieur,  vous  êtes  à  la 
tête  d'une  entreprise  dramatique  dont  je  connais  le  fort  et  le  faible  ; 
vous  n'avez  personne  encore  pour  la  direction  des  svccès  ;  confiez-la 
moi  ;  je  vous  offre  20,000  fr.  comptant  et  une  rente  de  10,000  fr.  — 
J'en  veux  30,000  fr.  comptant,  répond  ordinairement  le  directeur.  — 
10,000  fr.  ne  doivent  pas  nous  empêcher  de  conclure;  je  vous  les  ap- 
porterai demain.  — Vous  avez  ma  parole;  mais  j'exige  cent  hommes 
pour  les  représentations  ordinaires ,  et  cinq  cents  au  moins  pour  toutes 
les  premières  et  pour  les  débuts  importants.  —  Vous  les  aurez,  et  plus 
encore.  »  Comment  !  dit  un  des  musiciens  en  m'interrompant,  c'est  le 
directeur  qui  est  payé!....  J'avais  toujours  cru  le  contraire  !  — •  Oui, 
Monsieur,  ces  charges-là  s'achètent  comme  une  charge  d'agent  de 
change,  un  cabinet  de  notaire,  une  étude  d'avoué. 

Une  fois  nanti  de  sa  commission,  le  chef  du  bureau  des  succès,  l'em- 
pereur des  Romains,  recrute  aisément  son  armée  parmi  les  garçons 
coiffeurs,  les  commis  voyageurs,  les  conducteurs  de  cabriolet  à  pied  (1), 
les  pauvres  étudiants,  les  choristes  aspirants  au  surnumérariat,  etc., 
etc.,  qui  ont  la  passion  du  théâtre.  Il  choisit  pour  eux  un  lieu  de  ren- 
dez-vous, qui,  d'ordinaire,  est  un  café  borgne  ou  un  estaminet  voisin 
du  centre  de  leurs  opérations.  Là,  il  les  compte,  leur  donne  ses  instruc- 
tions et  des  billets  de  parterre  ou  de  troisième  galerie,  que  ces  malheu- 
reux payent  trente  ou  quarante  sous,  ou  moins,  selon  le  degré  de 
l'échelle  théâtrale  qu'occupe  leur  établissement.  Les  lieutenants  seuls 
ont  toujours  des  billets  gratuits.  Aux  grands  jours  ils  sont  payés  par  le 
chef.  Il  arrive  même,  s'il  s'agit  de  faire  mousser  à  fond  un  ouvrage 
nouveau  qui  a  coûté  à  la  direction  du  théâtre  beaucoup  d'argent,  que 
le  chef,  non-seulement  ne  trouve  plus  assez  de  Romains  payants,  mais 
qu'il  manque  de  soldats  dévoués  prêts  à  livrer  bataille  pour  l'amour 
de  l'art.  Il  est  alors  obligé  de  payer  le  complément  de  sa  troupe  et 
de  donner  à  chaque  homme  jusqu'à  trois  francs  et  un  verre  d'eau- 
de-vie. 

Mais  dans  ce  cas,  l'empereur  de  son  côté  ne  reçoit  pas  uniquement 
des  billets  de  parterre;  ce  sont  des  billets  de  banque  qui  tombent  dans 
sa  poche,  et  en  nombre  à  peine  croyable.  Un  des  artistes  qui  figurent 
dans  la  pièce  nouvelle  veut  se  faire  soutenir  d'une  façon  exception- 
nelle ;  il  propose  quelques  billets  à  l'empereur.  Celui-ci  prend  son  air 
le  plus  froid,  et  tirant  de  sa  poche  une  poignée  de  ces  carrés  de  pa- 
piers :  «  Vous  voyez,  dit-il,  que  je  n'en  manque  pas.  Ce  qu'il  me  faut 
ce  soir,  ce  sont  des  hommes,  et  pour  en  avoir  je  suis  obligé  de  les 
payer.  »  —  L'artiste  comprend  l'insinuation  et  glisse  dans  la  main  du 
César  un  chiffon  de  500  francs.  Le  chef  d'emploi  de  l'acteur  qui  s'est 
ainsi  exécuté  ne  tarde  pas  à  apprendre  cette  générosité  ;  la  crainte 
alors  de  n'être  pas  soigné  en  proportion  de  son  mérite,  vu  les  soins 
extraordinaires  qui  vont  être  donnés  à  son  second,  le  porte  à  offrir  à 
l'entrepreneur  des  succès  un  vrai  billet  de  1,000  francs  et  quelquefois 
davantage.  Ainsi  de  suite,  du  haut  en  bas  de  tout  le  personnel  drama- 
tique. Vous  comprenez  maintenant  pourquoi  et  comment  le  directeur 
du  théâtre  est  payé  par  le  directeur  de  la  claque,  et  combien  il  est  fa- 
cile à  celui-ci  de  s'enrichir. 


(La  suite  au  prochain  numéro.) 


H.  BERLIOZ. 


(1)  Quand  un  conducteur  de  cabriolet  a  encouru  le  mécontentement  de  M.  le  préfet 
de  police,  celui-ci  lui  interdit  pendant  deux  ou  trois  semaines  de  faire  son  métier  de 
cocher,  auquel  cas,  le  malheureux,  qui  ne  gagne  rien,  ne  va  certes  pas  en  voiture.  Il 
est  à  pied.  Il  entre  alors  souvent  dans  l'infanterie  romaine. 


DE  paii: 


319 


ELIS, 

DE    RIEJVDSJLSSOIIIir. 

2'  article.  (I) 

t 

Abordons  l'analyse  de  cette  grande  partition. 

Elic  prophétise  la  parole  de  Dieu  ;  il  annonce  les  malheurs  qui  me- 
nacent Israël;  il  ressuscite  le  fils  de  la  veuve  de  Sarepla,  renverse  les 
autels  de  Baal  et  disparaît  dans  un  char  de  feu.  Voilà  le  sujet  :  c'est 
l'Ancien-Testament  dans  toute  sa  simplicité.  Le  texte,  c'est  la  prose 
même  de  l'Ancien-Testament.  Un  texte  en  prose,  qui  rendrait  impos- 
sible la  musique  de  théâtre, convient,  au  contraire,  au  style  religieux; 
car  si  le  vers  par  son  rhythme  guide  souvent  l'inspiration  du  compo- 
siteur, souvent  aussi  il  l'entraîne  à  des  combinaisons  mélodiques  vul- 
gaires. La  prose  n'a  pas  ce  défaut.  Plus  dure  à  manier,  si  elle  n'aide 
pas  le  compositeur,  elle  ne  le  dirige  pas  du  moins  dans  des  routes  déjà 
parcourues. 

L'oratorio  d'Éliene  contient  pas  moins  de  quarante-trois  morceaux  : 
ouverture,  airs,  duos,  trios,  récitatifs,  chœurs  et  doubles  chœurs, 
chœurs  sans  accompagnement,  chœurs  alternant  avec  les  personnages 
récitants.  Toutes  les  formes  qui  peuvent  résulter  de  la  combinaison 
des  instruments  entre  eux,  des  voix  entre  elles,  des  voix  dialoguant 
avec  les  instruments,  y  sont  savamment  employées.  Privé  de  l'intérêt 
de  la  mise  en  scène,  c'est  aux  seules  resssources  de  l'art  que  le  com- 
positeur a  dû  recourir  pour  enchaîner  l'attention. 

Les  récits  et  les  airs  sont  confiés  à  six  personnages  principaux  : 
Élie,  Obadja,  le  roi,  la  reine,  un  soprano  solo  et  un  ténor  solo. 

Un  grave  récitatif,  accompagné  par  les  instruments  de  cuivre,  com- 
mence la  partition  :  c'est  la  parole  de  Dieu  qui  doit  être  entendue 
avant  les  murmures  des  hommes.  Puis  se  développe  une  ouverture  en- 
tièrement fuguée  sur  un  thème  franc  et  majestueux,  où  tous  les  pro- 
cédés de  la  science  sont  employés  pour  préparer  une  explosion  éner- 
gique. Elle  éclate  à  l'entrée  du  chœur  qui  déplore  les  malheurs 
d'Israël.  Ce  premier  morceau  est  d'une  grande  puissance  ;  on  sent  que 
le  compositeur  a  toute  sa  force  et  qu'il  la  retient  plutôt  qu'il  ne  la 
laisse  s'épancher  ;  la  fatigue  se  décèlera  plus  tard.  Je  signale  comme 
d'une  beauté  achevée  le  passage  (page  28  delapartition).  Rienn'estplus 
dramatique  que  cette  extinction  subite  des  forces  de  l'orchestre  et  du 
chœur.  Le  rhythme  syncopé  des  instruments  à  cordes,  le  roulement 
sourd  des  timbales ,  ajoutent  à  l'impression  profonde  que  le  composi- 
teur a  réussi  à  produire. 

Le  n°  2  est  un  duo  avec  chœur  qui  repose  sur  un  court  fragment 
mélodique  réparti  dans  toutes  les  voix.  Ce  fragment  semble  l'axe  sur 
lequel  viennent  s'enrouler  les  mélodies  principales.  Déjà  se  montre 
l'art  ingénieux  et  subtil,  à  côté  de  l'art  puissant  et  grandiose. 

C'est  par  des  oppositions  de  rhythme  que  le  chœur  n"  3  est  remar- 
marquable.  Il  a  cependant  moins  de  caractère  que  celui  qui  commence 
la  partition. 

Le  n°  7,  le  double  quatuor  des  anges,  est  écrit  à  huit  parties  réelles; 
réelles,  je  répète  le  mot,  car  Mendelssohn  ne  se  sert  pas  pour  écrire  à 
huit  parties  de  ce  procédé  commode  qui  consiste  à  faire  entrer  le  se- 
cond chœur  sur  l'accord  qui  termine  le  premier  et  à  faire  taire  celui- 
ci.  Les  huit  parties  se  meuvent  réelleaient  ensemble,  et  malgré  les 
difficultés  de  ce  genre  de  travail,  l'on  ne  remarque  rien  dans  la  marche 
des  parties  qui  trahisse  l'effort. 

L'étude  de  ce  quatuor  sera  de  la  plus  grande  utilité  pour  les  jeunes 
compositeurs.  Elle  sera  d'autant  plus  utile  que  les  morceaux  de  ce 
genre  sont  rares,  et  que,  ne  pouvant  être  expédiés  au  courant  de  la 
plume,  ils  répugnent  aux  compositeurs.  On  n'en  a  guère  pour  modèles 
que  les  deux  grandes  fugues  de  Cherubini  et  de  Sarti  qu'on  fait  étudier 
au  Conservatoire;  et  encore,  si  la  forme  est  savante,  le  style  est  loin 
d'en  être  bon. 

Le  n°  8  est  un  chef-d'œuvre  :  c'est  la  prière  de  la  pauvre  veuve  qui 

(1)  Voir  le  n"  38. 


demande  au  prophète  de  rappeler  son  fils  à  la  vie.  Ce  morceau  me 
suggère  une  réflexion.  Dans  mon  dernier  article,  je  parlais  de  la  mélo- 
die harmonique  ;  ce  morceau  en  offre  de  fréquents  exemples.  Cette 
intime  union  de  l'harmonie  et  de  la  mélodie  est  difficilement  comprise 
par  le  vulgaire,  qui  s'efforce  toujours  de  séparer  ce  que  le  musicien 
doit  s'attacher  à  réunir.  Cette  union  est  facile  à  établir  cependant. 

Une  note  est  mise  en  vibration.  Jusqu'ici  la  mélodie  n'existe  pas.  Mais 
cette  note  elle-même  fait  partie  d'un  accord  ;  la  voilà  affectée  d'une 
certaine  façon:  l'accord  reçoit  d'elle  son  complément;  mais  elle,  à  son 
tour,  reçoit  de  l'accord  une  physionomie  particulière.  Le  sol  faisant 
partie  de  l'accord  d'ut  n'amène  pas  une  sensation  semblable  à  celle  du 
sol,  quatrième  note  d'un  accord  de  septième  diminuée.  Ceci  est  élé- 
mentaire. Mais  supposons  que  cette  note  soit  suivie  d'une  autre  note, 
laquelle  portera  un  nouvel  accord  :  voici  déjà  un  fragment  de  mé- 
lodie constitué.  Or,  suivant  l'harmonie  que  porteront  ces  deux  notes, 
suivant  l'ordre  de  succession  des  accords,  ce  fragment  mélodique  pren- 
dra un  aspect  différent.  Les  deux  notes  si  ut,  faisant  partie,  la  première 
de  l'accord  parfait  de  sol,  la  seconde  de  l'accord  parfait  d'ut,  ont  un 
caractère  essentiellement  différent  de  ces  mêmes  notes  faisant  partie, 
l'une  de  l'accord  de  septième  diminuée  sur  sol  dièse,  et  l'autre  de 
l'accord  parfait  de  la.  Au  lieu  de  ce  court  fragment,  si  nous  adop- 
tions une  série  de  sons,  quelle  prodigieuse  variété  d'aspects  les  combi- 
naisons harmoniques  viendront  leur  prêter!  A  son  gré,  l'on  verra 
l'harmonie  interrompre  le  sens  de  la  mélodie,  ou  le  préciser,  éclairer 
ou  assombrir  ses  contours.  C'est  ainsi  que  dans  l'ogive  gothique,  sur 
le  prisme  éblouissant  des  vitraux  de  couleur,  la  colonnette  trace  ses 
lignes  élancées,  le  trèfle  arrondit  ses  onduleux  contours.  La  mélodie 
harmonique  a  été  entrevue  par  les  anciens  maîtres  allemands  ;  elle  est 
peu  pratiquée  par  les  compositeurs  français,  qui  ont  plutôt  le  don  de  la 
grâce,  de  la  mélodie  facile,  que  celui  la  combinaison  des  sons  ;  et  ce- 
pendant c'est  l'admirable  loi  d'où  découleront  les  destinées  de  la  mu- 
sique future.  Par  sa  conquête,  par  celle  des  combinaisons  rhythmi- 
ques,  par  celle  des  sonorités,  éléments  de  l'art  longtemps  négligés,  et 
qui  contribuent  comme  l'harmonie  à  colorer  la  mélodie,  la  musique, 
dont  les  bases  ne  sont  pas  encore  posées,  prendra  enfin  possession  de 
son  trône.  Ces  heureux  temps,  que  ne  soupçonne  pas  le  vulgaire,  ce 
sera  presque  une  gloire  que  de  les  avoir  entrevus. 

La  scène  de  la  veuve,  occasion  de  cette  digression,  est  un  modèle 
de  mélodie  harmonique;  le  chant  emprunte  à  l'accompagnement  une 
tristesse  suppliante  à  laquelle  nulle  phrase  mélodique  n'eût  pu  atteindre 
par  ses  seules  forces.  L'harmonie,  secourable  sœur,  alors  est  venue  à 
son  aide,  et  la  plainte  désolée  de  la  pauvre  femme  fait  vibrer  les  fibres, 
même  les  plus  rebelles,  du  cœur. 

La  scène  des  prêtres  de  Baal  (n°  11  et  suiv.)  est  une  des  plus  larges 
conceptions  de  l'ouvrage.  Les  prêtres  invoquent  leur  dieu  pour  que 
la  flamme  céleste  descende  sur  le  bûcher  qu'ils  ont  élevé.  «  Criez,  criez 
encore  plus  haut  et  plus  fort,  »  dit  le  prophète.  La  prière  devient  plus 
pressante.  «  Plus  haut,  »  répète  Elie.  La  prière  alors  devient  passion- 
née et  presque  furieuse.  On  comprend  que  le  plan  de  cette  scène  pou- 
vait être  pour  le  musicien  un  écueil  ou  la  source  de  grandes  beautés. 
Il  y  avait  une  gradation  à  observer  que  pouvait  seul  aborder  un  artiste 
sûr  de  sa  plume.  Le  compositeur  a  su  traiter  ce  plan  avec  un  rare  ta- 
lent. Peut-être  pouvait-on  l'interpréter  d'une  manière  plus  large  en- 
core ;  mais  contentons-nous  du  beau  quand  nous  le  rencontrons. 

On  remarque  dans  cette  scène  un  choral  majestueux,  accompagné 
par  les  instruments  à  vent.  Présenté  d'abord  par  les  voix  d'hommes , 
il  est  répété  par  les  voix  de  femmes  ;  puis  il  reparaît  dans  le  chœur  tout 
entier  en  imitations  serrées.  La  phrase  était  riche  par  elle-même,  et 
voilà  sa  richesse  doublée.  Tels  sont  les  secrets  de  la  science.  Vient  en- 
suite un  chœur  des  prêtres  très-énergique  (page  137) ,  et  caractérisé 
dans  les  accompagnements  par  une  succession  de  notes  rapides  que  se 
rejettent  alternativement  les  deux  groupes  des  instruments  à  cordes  et 
des  instruments  à  vent.  Enfin,  le  morceau  se  termine  par  une  explosion 
de  toutes  les  forces  de  l'orchestre  et  des  voix  où  le  compositeur  a  tout 


320 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


réuni,  clameurs  des  instruments,  imprécations  des  prêtres,  pour  pro- 
duire la  confusion  :  la  confusion  savante,  qui  n'est  pas  le  désordre  , 
qui  n'obscurcit  pas  la  pensée  du  compositeur,  mais  qui  la  roule  dans 
ses  flots  comme  la  mer  se  joue  du  rocher  qu'elle  a  déraciné. 

C'est  une  belle  chose  que  ce  choral  (n°  15)  ;  il  est  écrit  dans  le  style 
simple  qu'affectionnait  S.  Bach,  et  de  plus,  ces  légères  broderies  que 
murmurent  les  premiers  violons  lorsque  les  voix  se  taisent,  lui  prêlent 
un  charme  inexprimable. 

Sauf  la  fin,  j'aime  beaucoup  moins  le  chœur  (n°  16);  cela  rentre  dans 
ces  habitudes  de  musique  brutale  qui  étaient  si  fort  à  la  mode  au  der- 
nier siècle,  et  qui  sont  cause  que  Mozart  a  souillé  (qu'on  me  passe  le 
terme)  son  sublime  Requiem  de  la  fugue  la  plus  tapageuse  et  la  plus 
brutale.  Il  serait  temps  d'en  finir  avec  ces  allures  de  cabaret  que  trop 
d'auteurs  impriment  encore  à  la  musique  d'église.  Les  passages  où  ce 
défaut  peut  être  signalé  sont  rares  chez  Mendelssohn  ;  ceux  où  il  a  fait 
abus,  moins  que  ses  devanciers  cependant,  de  certains  autres  procédés 
de  la  science  sont,  au  contraire,  assez  communs  :  par  exemple,  ces 
imitations  à  la  quarte  et  à  la  quinte,  qui  font  les  délices  du  Conserva- 
toire. 

Ce  genre  d'imitalions  fuguées  à  quatre  ou  à  huit  parties  donne  cer- 
tainement plus  de  peine  à  traiter  que  le  genre  de  la  musique  plane,  il 
est  difficile  de  faire  concorder  ces  fragments,  dont  le  compositeur  s'im- 
pose de  ne  pas  déranger  l'ordonnance,  avec  les  obligations  de  l'harmo- 
nie ;  mais  l'effet  ne  résulte  pas  toujours  de  ce  long  travail.  La  fugue  du 
Requiem  dont  je  viens  de  parler  est  un  chef-d'œuvre,  si  l'on  considère 
le  temps  qu'elle  a  dû  coûter;  mais  que  ceux  qui  l'ont  entendue,  même 
bien  exécutée,  si  la  chose  a  pu  exister,  s'adressent  à  moi  et  qu'ils  me 
communiquent  franchement  l'impression  qu'ils  en  ont  reçue.  Pales- 
trina,  il  est  vrai,  le  plus  grand  compositeur  de  musique  religieuse,  s'est 
servi  de  ces  imitations  ;  mais,  par  la  lenteur  des  mouvements,  elles  dé- 
pouillent l'accent  brutalement  rhythmique  que  leur  donne  un  mouve- 
ment précipité. 

Dans  le  chœur  n°  20  qui  termine  la  première  partie,  rien  n'est  plus 
beau  que  la  disposition  Je  l'orchestre.  Le  chœur  s'écrie  :  «  Les  sources 
jaillissent,,  les  eaux  bondissent,  »  et  les  violons  de  l'orchestre  lui  ré- 
pondent par  des  gammes  rapides  et  violentes  qui  tantôt  plongent  dans 
les  profondeurs  du  grave,  tantôt  atteignent  les  hauteurs  les  plus  ai- 
guës et  accélèrent  leur  course  comme  les  eaux  impétueuses  qui  vien- 
nent rafraîchir  la  terre  embrasée.  (Page  208.)  Les  harmonistes 
admireront  une  modulation  du  plus  grand  effet  où  le  compositeur,  à 
la  tonalité  sombre  de  ut  mineur,  fait  presque  subitement  succéder  la 
tonalité  claire  et  vibrante  de  ré  majeur. 
(La  fin  au  numéro  prochain.) 

Léon  KREUTZER. 


TESTAIENT  DE  M.  LE  BARON  DE  TBËiOIT. 

Le  moment  est  venu  de  donner  toute  la  publicité  qu'il  mérite  à  l'acte 
de  dernière  volonté  par  lequel  M.  le  baron  de  Trémont  a  dignement 
couronné  une  honorable  existence,  partagée  entre  les  affaires  publi- 
ques, les  lettres  et  les  arts. 

Dans  notre  numéro  du  15  août  dernier,  nous  avons  déjà  dit  com- 
ment, en  vertu  de  cet  acte,  les  cinq  associations  :  1°  des  artistes  mu- 
siciens ;  2°  des  artistes  peintres,  sculpteurs,  architectes,  graveurs  et 
dessinateurs  ;  3°  des  artistes  dramatiques  ;  k°  des  gens  de  lettres  ; 
5°  des  inventeurs  et  artistes  industriels,  se  trouvaient  dotées  d'une 
rente  de  330  fr.  chacune. 

Aujourd'hui  que  nous  avons  entre  les  mains  une  copie  exacte  du 
testament  et  des  codicilles,  contenant  toutes  les  dispositions  du  défunt, 
expliquées,  commentées,  justifiées  par  lui-même,  nous  entrerons  dans 
de  plus  amples  détails  sur  ces  pièces  vraiment  originales,  dont  la  re- 
production ou  l'analyse  ne  peut  que  grandement  profiter  à  la  mémoire 
de  leur  auteur. 


Le  testament  de  M.  le  baron  de  Trémont  porte  la  date  du  5  mai 
1847. 

Alors,  toute  sa  fortune  se  composait  de  16,621  fr.  de  rentes  sur 
l'Etat,  du  petit  domaine  de  Rosey,  de  son  mobilier,  argenterie,  biblio- 
thèque, collection  d'autographes  et  d'estampes. 

Lors  de  son  premier  codicille,  rédigé  le  15  mai  1851,  ses  rentes 
s'étaient  élevées  à  17,180  fr.,  ce  qui  lui  permit  d'augmenter  la  nom- 
bre et  le  chiffre  de  ses  legs,  montant  à  une  somme  totale  de  18,108  fr. 
par  année,  c'est-à-dire  928  fr.  de  plus  que  ses  rentes  sur  l'Etat. 

Ainsi,  M.  le  baron  de  Trémont  donnait  tout  ce  qu'il  pouvait  donner, 
ne  laissant  rien  au  hasard  des  parentés  lointaines  et  oubliées.  Il  était 
célibataire,  sans  frères,  ni  sœurs,  ni  neveux.  II  avait  quitté  de  bonne 
heure  la  Franche-Comté,  son  pays  natal;  il  ne  se  connaissait  que  des 
cousins  et  des  cousines  plus  riches  que  lui,  et  qui  l'avaient  perdu  de 
vue.  11  se  croyait  donc,  et  il  devait  se  croire,  le  droit  de  faire  tout  ce 
que  la  loi  ne  défend  pas.  Après  avoir  nettement  exposé  sa  situation, 
et  s'être  rendu  le  témoignage  que  toute  bonne  conscience  est  admise  à 
se  rendre,  il  ajoute  ce  qu'on  va  lire  : 

«  Je  déclare  que  les  dispositions  qui  vont  suivre  ont  toujours  été  ma 
»  pensée  dominante,  et  que  pour  arriver  à  leur  réalisation,  j'ai  refait 
»  mon  testament  autant  de  fois  que  les  vicissitudes  de  ma  vie  l'ont 
»  exigé.  Ayant  vécu  dans  un  monde  où  le  superflu  est  la  chose  la  plus 
»  nécessaire,  j'aurais  doublé  mon  revenu  en  plaçant  ma  fortune  à 
»  fonds  perdu;  j'aurais  doublé  ces  jouissances  matérielles  que  les  céli- 
»  bataires  aiment  tant  à  se  procurer  ;  j'aurais  enfin  augmenté  cette  part 
»  mal  réfléchie,  mais  non  moins  réelle,  de  considération  que  la  société 
»  accorde  à  la  fortune.  Une  volonté  ferme  a  éloigné  de  moi  cette  pen- 
»  sée  égoïste.  » 

Grâces  soient  rendues  à  M.  le  baron  de  Trémont  !  L'homme  qui  pense 
comme  lui  n'a  pas  besoin  d'oraison  funèbre  ;  son  testament  devient  un 
miroir  dans  lequel  son  esprit  et  son  cœur  se  reflètent  éternellement. 

1.  Le  premier  legs  de  M.  le  baron  de  Trémont  est  à  coup  sûr  le  plus 
singulier  et  pourra  prêter  à  des  opinions  diverses. 

Ce  legs,  ou  fondation,  consiste  en  un  prix  annuel  (une  médaille  de 
cinq  cents  francs)  décerné  au  plus  noble  usage  de  l'opulence. 

L'Institut  donnera  ce  prix,  cette  médaille,  au  Français  ou  à  l'étran- 
ger établi  en  France,  jouissant  d'au  moins  cinquante  mille  francs  de 
revenu,  qui  aura  fait  le  plus  bel  emploi  de  ce  revenu,  ou  des  capitaux 
non  nécessaires  au  maintien  de  sa  famille,  selon  sa  position  sociale. 

Et  le  testateur  a  bien  soin  de  dire  que  l'emploi  devra  consister  en 
importants  secours  accordés  au  malheur,  en  création  ou  soutien  d'éta- 
blissements de  bienfaisance  et  d'utilité  publique,  en  travaux  remar- 
quables d'assainissement,  de  défrichements,  en  construction  de  monu- 
ments, de  chemins,  de  ponts,  enfin  en  dons  précieux  aux  collections 
nationales  d'art  et  de  science. 

Ceci  est  le  revers  du  prix  de  vertu  fondé  par  Montyon  au  profit  des 
pauvres.  M.  de  Trémont  fonde  un  prix  d'honneur  exclusivement  ré- 
servé aux  riches,  et  à  quels  riches?  Cinquante  mille  francs  de  rente 
pour  le  moins  !  Heureux  ceux  qui  pourront  concourir  !  Mais  il  est  à 
craindre  que  les  concurrents  ne  soient  guères  nombreux.  M.  de  Tré- 
mont le  savait;  il  l'a  dit  d'avance;  il  a  même  prévu  le  cas  où  il  n'y 
aurait  pas  de  concurrent  du  tout.  Si  les  riches  manquent,  au  bout  de 
deux  ans  la  valeur  du  prix  sera  distribuée  aux  femmes  et  enfants  de 
pauvres  ouvriers  malades. 

D'ailleurs,  M.  de  Trémont  déduit  fort  ingénieusement  les  motifs  qui 
l'ont  déterminé  à  celte  fondation  d'un  genre  si  neuf  :  «  L'étude  du  cœur 
»  humain,  dit-il,  montre  que  l'épreuve  de  l'adversité  est,  chez  des 
»  gens  honnêtes ,  moins  difficile  à  subir  que  celle  de  la  prospé- 
»  rite.  Lorsque  le  pauvre  est  né  bon  et  courageux,  rien  n'arrête  en 
»  lui  l'élan  du  dévouement,  rien  ne  paralyse  les  mouvements  de  son 
»  cœur.  Étranger  aux  distinctions  et  aux  besoins  créés  par  la  haute 
»  société,  ses  sentiments  sont  ceux  d'une  nature  encore  vierge.  Il  est 
»  dévoué,  parce  qu'il  ne  calcule  pas  ce  que  coûte  le  dévouement  :  il 
»  est  désintéressé,   parce  que  le  travail  de  chaque  jour  semble  lui 


DE  PARIS. 


321 


.)  voiler  l'avenir.  Le  riche,  au  contraire,  vit  dans  une  sphère  qui  se  meut 
»  au  milieu  d'éléments  d'ambition,  d'avidité,  de  vanité,  d'égoïsme  et 
»  de  nécessités  factices.  L'habitude  de  regarder  au-dessus  et  rarement 
»  au-dessous  de  soi,  tout,  enfin,  concourt  à  affaiblir  cette  générosité 
»  bienfaisante  qui  ne  favorise  aucune  prétention  et  ne  flatte  aucune 
»  faiblesse.  N'être  point  avare,  améliorer  son  bien,  occuper  des  ou- 
»  vriérs  est  fort  louable  sans  doute,  mais  il  l'est  davantage  d'y  joindre 
»  cet  esprit  philanthropique  qui  soulage  l'humanité  souffrante,  qui 
«  améliore  la  condition  de  ceux  qui  n'ont  que  des  bras  sans  intelli- 
»  genec  ou  de  l'intelligence  sans  culture.  » 

M.  de  Trémont  a  donc  pensé  qu'il  était  bon  et  utile  de  signaler  à  la 
reconnaissance  publique  ces  bienfaiteurs  opulents,  de  stimuler  leur 
émulation  par  l'attrait  d'une  récompense  décernée  en  pleine  Académie. 
Il  a  retourné  le  vers  célèbre  : 

Hiilas  !  qu'aux  cœurs  heureux  les  vertus  sont,  faciles. 

Il  croyait  qu'on  est  plus  facilement  vertueux  et  généreux  quand  on 
est  malheureux,  et  il  pourrait  bien  ne  pas  avoir  eu  complètement  tort. 
Laissons  de  côté  les  dificultés  inévitables  du  concours,  la  rareté  obligée 
des  concurrents,  peut-être  même  l'impossibilité  d'en  trouver  ;  ne 
voyons  que  la  beauté,  la  noblesse  d'une  idée  fine  et  juste  en  elle-même. 
Surtout,  ne  désespérons  de  rien  et  ne  décourageons  personne  :  les  gens 
qui  ont  plus  de  50,000  livres  de  rentes  méritent  autant  d'égards  que 
s'ils  n'avaient  rien. 

2 .  La  seconde  fondation  de  M.  le  baron  de  Trémont  s'adresse  à  trois 
étudiants  distingués  et  sans  fortune,  appartenant  aux  trois  Facultés  : 
des  sciences,  de  droit  et  de  médecine.  Elle  consiste  en  trois  prix  de 
1,000  fr.  chacun,  qui  seront  décernés  à  titre  d'encouragement  et  d'as- 
sistance, dont  l'utilité  ne  saurait  être  contestée. 

3.  Prix  d'encouragement  à  un  jeune  peintre  ou  statuaire  et  à  un 
jeune  musicien.  Ces  deux  prix,  également  de  1,000  fr.  chacun,  ont  la 
même  destination  que  les  trois  précédents.  Les  élèves  qui  auront  ob- 
tenu le  grand  prix  de  Rome  n'y  parliciperont  qu'à  leur  retour,  et  dans 
le  cas  seulement  où  le  manque  de  travaux  les  mettrait  dans  la  gêne, 
(i  Je  désire,  dit  le  fondateur,  que  les  seconds  prix  appellent  principa- 
»  lement  l'attention  de  l'Académie.  Lorsqu'elle  le  jugera  convenable, 
»  elle  pourra  partager  l'encouragement  ou  le  différer,  et  encore  le  con- 
»   tinuer  au  même  sujet,  comme  il  a  été  dit  pour  la  fondation  2,  etc.  » 

k  et  5.  Ici  viennent  les  deux  fondations  de  220  fr.  de  rente  faites 
d'abord  aux  deux  associations  des  artistes  musiciens  et  des  artistes 
peintres,  portées  ensuite  à  330  fr.,  et  étendues  aux  trois  autres  asso- 
ciations par  le  premier  codicille. 

6.  Fondation  de  1,000  fr.  de  rente,  pour  aider  un  savant  sans  for- 
tune dans  les  frais  de  travaux  et  d'expérience,  qui  feront  espérer  une 
découverte  ou  un  perfectionnement  très-utile  dans  les  sciences,  dans 
les  arts  libéraux  et  industriels. 

7.  Fondation  de  trois  bourses  entières  et  de  trois  trousseaux  à  l'É- 
cole polytechnique.  «  le  me  plais,  dit  M.  de  Trémont,  à  lier  cette  fon- 
»  dation  aux  souvenirs  de  ma  carrière  administrative.  Lorsqu'aux 
»  époques  des  révolutions  les  passions  fermentent,  l'administrateur 
»  qui  n'épargne  rien  pour  faire  prévaloir  l'intérêt  public  reçoit  sa 
»  récompense  en  emportant  l'estime  de  ses  administrés.  J'ai  eu  cette 
»  satisfaction  dans  les  préfectures  de  l'Aveyron,  des  Ardennes  et  de 
»  la  Côte-d'Or.  »  C'est  donc  à  des  élèves  sortis  de  ces  trois  départe- 
ments que  la  munificence  est  destinée.  Dans  le  cas  où  il  n'y  aurait  pas 
de  sujets,  la  bourse  annuelle  serait  capitalisée,  et  la  somme  excédant  le 
prix  de  la  pension,  serait  remise,  soit  à  l'élève  sortant  de  l'école  pour 
ses  frais  d'équipement,  soit  à  ses  parents,  s'ils  sont  chargés  d'une  nom- 
breuse famille.  Lefondatenr  prévoit  tout,  même  le  cas  où  l'admission  à 
l'école  serait  rendue  gratuite. 

8.  Fondation  de  trois  bourses  entières  et  de  trois  trousseaux  à 
l'Ecole  des  arts  et  métiers  de  Chàlons. 

9.  Fondation  pour  les  pauvres  de  la  commune  de  Rosey,  près  Ve- 
soul,  Haute-Saône.  Avant  1789,  le  grand-père  de  M.  de  Trémont  pos- 
sédait dans  cette  commune  un  domaine  considérable  dont  le  petit-fils 


ne  recueillit  que  la  moindre  partie.  Cent  francs  de  rente  sont  laissés 
aux  pauvres,  à  titre  de  souvenir. 

10.  Dot  pour  faciliter  le  mariage  d'une  fille-mère  reçue  à  l'hospice 
de  la  Maternité  de  Paris.  Que  les  moralistes  sévères  ne  prennent  pas 
l'alarme,  en  lisant  ce  litre  auquel  nous  n'avons  voulu  rien  changer. 
Loin  du  fondateur  l'idée  d'encourager,  de  protéger  le  vice  !  Il  n'a  tout 
au  contraire  d'autre  intention,  d'autre  espérance,  que  de  ramener  à  la 
vertu  la  pauvre  fille  qui  n'y  aura  manqué  qu'une  fois,  et  dont  le  com- 
plice sera  un  bon  sujet,  un  bon  ouvrier.  Cinq  cents  francs  devront 
servir  à  établir  régulièrement  le  jeune  ménage. 

11.  Il  s'agit  ici  de  récompenser  les  loyaux  services,  le  dévouement 
même  d'un  honnête  domestique  attaché  à  M.  Trémont  depuis  1837. 
Huit  cents  francs  de  pension  viagère  lui  sont  assurés. 

12.  Contribution  annuelle  à  l'établissement  agricole  de  Mettray. 
Trois  cents  francs  de  pension  annuelle  sont  affectés  à  cette  institution 
philanthropique. 

13.  Huit  livrets  de  vingt-  cinq  francs  chacun  à  huit  pauvres  enfants, 
ouvriers  apprentis,  de  l'âge  de  huit  à  douze  ans.  Encouragement  de 
bonne  conduite. 

ih-  Quatre  livrets  de  cinquante  francs  à  quatre  pauvres  ouvriers 
apprentis,  aussi  de  Paris,  et  de  l'âge  de  treize  à  dix-sept  ans. 

15.  Prix  d'encouragement  de  deux  cents  francs  pour  un  jeune  ou- 
vrier sans  fortune,  suivant  avec  assiduité  et  distinction  les  cours  de 
l'Ecole  des  arts  et  métiers  de  Paris. 

16.  Enfin,  à  la  ville  de  Saint-Germain-en-Laye  (où  M.  de  Trémont 
a  terminé  ses  jours),  fondation  d'une  rente  perpétuelle  de  quatre  cents 
francs,  dont  trois  cents  pour  les  pauvres  et  cent  pour  achat  de  livres  à 
la  bibliothèque  publique  de  la  ville.  Plus,  une  médaille  de  vingt  francs 
pour  l'ouvrier  qui  aura  été  le  plus  assidu  à  la  lecture.  Lorsqu'il  n'y 
aura  pas  lieu  à  la  décerner,  ces  vingt  francs  seront  réunis  aux  cent 
francs  destinés  aux  acquisitions. 

Tel  est,  dans  son  ensemble  et  seulement  dans  la  rapide  énonciation 
de  ses  dispositions  principales,  cet  acte  de  volonté  suprême,  si  élevé 
de  pensée,  si  simple  de  style,  et  qui  jette  un  reflet  lumineux  sur  le 
nom  modeste  de  celui  qui  l'a  conçu,  médité,  rédigé  avec  tant  de  bonté 
d'âme ,  de  calme  d'esprit ,  de  prévoyance  ingénieuse.  S'il  nous 
eût  été  possible  de  le  transcrire  tout  entier,  on  aurait  vu  que  M.  de 
Trémont  n'a  rien  omis  de  ce  que  la  prudence  humaine  comporte. 
Ainsi,  et  tout  d'abord ,  il  a  voulu  que  la  retenue  d'un  dixième  fût 
affectée  à  un  fonds  d'accroissement  de  toutes  ses  fondations  per- 
pétuelles ,  comme  moyen  de  les  mettre  à  l'abri  de  la  dépré- 
ciation progressive  des  valeurs  monétaires ,  dépréciation  qu'amène 
toujours  la  plus  grande  abondance  de  l'or  et  de  l'argent.  — 
«  Louis  XVI,  dit-il,  dans  son  ordonnance  de  1780  sur  les  dotations 
»  des  hôpitaux,  l'a  prévu.  Je  suis  cet  exemple.  Mais  pour  que  la 
»  somme  à  distribuer  le  soit  intégralement,  au  lieu  d'en  retenir  le 
»  dixième,  j'ajoute  en  plus  ce  dixième,  qui  sera  affecté  chaque  année 
»  à  un  fonds  d'accroissement.  »  En  conséquence,  la  rente  annuelle 
de  chacune  des  associations  d'artistes  est  portée  à  330  fr.,  pour  que  la 
distribution  annuelle  soit  bien  de  300  fr.  et  que  les  30  fr.  d'excédant 
soient  placés  au  fur  et  à  mesure  des  échéances.  C'est  à  l'Académie 
française  et  à  l'Académie  des  beaux-arts  que  le  testateur  confie  la 
surveillance  de  toutes  ses  libéralités  intéressant  les  lettres  et  les  arts. 
Cependant  il  va  jusqu'à  prévoir  le  cas  où  les  Académies  n'accepte- 
raient pas  cette  mission  pieuse,  et,  par  son  troisième  codicille,  il  s'en 
rapporte  à  ses  exécuteurs  testamentaires  du  soin  de  le  remplacer  et  de 
faire  ce  qu'il  eût  fait  lui-même  de  son  vivant. 

Au  début  de  son  testament,  M.  le  baron  de  Trémont  réclame  l'indul- 
gence de  ses  exécuteurs  testamentaires  pour  la  peine  qu'il  va  leur  don- 
ner :  «  Inconvénient  qui,  dit-il,  ne  peut  pas  se  renouveler.  »  Vers 
la  fin  il  dit  encore  :  «  Je  termine  par  des  excuses  à  tous  ceux  qui 
»  devront  lire  cet  acte ,  dont  je  n'ai  pas  pu  ou  plutôt  pas  su  abré- 
)>  ger  la  longueur.  J'en  adresse  de  nouvelles  à  mes  exécuteurs  testa- 
»  mentaires  sur  la  complication  de  la  tâche  dont  ils  sont  chargés.  Je 


352 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


»  trouve  ma  reconnaissance  insuffisante,  elje  voudrais  que  tous  ceux 
»  qui  profitent  de  mes  legs  pussent  les  remercier .  » 

Nous  n'ajouterons  qu'un  mot,  c'est  que  l'Association  des  artistes  mu- 
siciens exprimera  sa  reconnaissance  en  faisant  exécuter  dans  l'église 
Saint-Eustache,  du  15  au  20  octobre,  le  Requiem  de  Berlioz,  à  la  mé- 
moire de  M.  le  baron  de  Trémont. 

P.  S. 


DISCOURS  PR0I0NCË  PAR  M.  FÉTÏS, 

COMME  DIRECTEUR  DE  LA  CLASSE  DES  BEAUX-ARTS  DE  L'ACADEMIE 
ROrALE  DE  BELGIQUE. 

Bruxelles. 

Dans  sa  séance  du  22  septembre,  la  classe  des  beaux-arts  de  l'Acadé- 
mie royale  de  Belgique  a  procédé  au  remplacement  de  ses  membres 
associés  et  correspondants  décédés  depuis  18/|8.  Elle  a  nommé  Mer- 
cadanle,  directeur  du  collège  royal  de  musique  de  Naples,  en  rempla- 
cement de  Spontini.  M.  Bosselet,  professeur  d'harmonie  au  Conserva- 
toire de  Bruxelles,  a  été  choisi  pour  remplacer  Mengal  comme  corres- 
pondant. Dans  les  autres  sections  de  la  classe,  plusieurs  membres  de 
l'Institut  de  France  ont  obtenu  la  majorité  comme  membres  associés  ; 
entre  autres,  M.  Schnetz,  aujourd'hui  directeur  de  l'Ecole  de  France 
à  Rome,  pour  la  peinture  ;  M.  le  comte  de  Nieuwerkerke,  directeur 
des  Musées  de  Paris,  et  M.  Dumont,  pour  l'architecture  ;  enfin,  M.  Du- 
chesne  aîné,  conservateur  du  cabinet  des  estampes  de  la  Bibliothèque 
nationale  de  Paris,  dans  la  section  des  sciences  et  des  lettres  appliquées 
aux  arts. 

Le  lendemain,  23,  la  classe  des  beaux-arts  a  tenu  sa  séance  publi- 
que annuelle,  sous  la  présidence  de  M.  Fétis,  directeur  de  la  classe, 
pour  la  présente  année.  Le  vaste  local  des  Augustins  était  encombré 
d'une  foule  compacte,  attirée  par  l'attrait  qu'offre  toujours  la  musique 
dans  ces  solennités.  La  séance  s'est  ouverte  par  l'ouverture  de  Sémi- 
ramis,  de  Rossini,  exécutée  par  l'orchestre  du  Conservatoire,  sous  la 
direction  de  M.  Bosselet.  Après  ce  morceau,  dit  avec  un  chaleureux  en- 
traînement par  le  jeune  orchestre,  M.  Fétis,  en  sa  qualité  de  directeur, 
a  prononcé  le  discours  suivant  : 

Messieurs, 

L'institution  des  académies  d'artistes  a  précédé  celle  de  toutes  les  so- 
ciétés savantes.  La  plus  ancienne  de  ces  académies  fut  formée,  en  1345, 
par  les  peintres  vénitiens,  sous  la  protection  de  saint  Luc.  Cinq  ans  après, 
il  s'en  établit  une  semblable  à  Florence.  Le  but  de  ces  associations  était 
le  progrès  de  l'art,  au  point  de  vue  de  la  forme  qui,  vers  le  milieu  du 
xiV  siècle,  commença  en  effet  à  sortir  des  lignes  longues  et  raides  des 
temps  antérieurs.  Les  bons  résultats  produits  par  les  académies  de  Flo- 
rence et  de  Venise  firent  multiplier  les  institutions  de  ce  genre  dans  toute 
l'Italie.  Le  xvi*  siècle  en  vit  naître  un  très-grand  nombre  à  Rome,  à  Bo- 
logne, à  Parme,  à  Padoue,  à  Milan  et  ailleurs.  Dès  l'année  1391.  les  pein- 
tres et  imagiers  de  Paris  avaient  déjà  formé  une  association  dont  saint  Luc 
était  le  patron,  et  à  laquelle  les  rois  de  France  accordèrent  des  privilèges 
à  diverses  époques.  Chaque  art  eut  ses  académies;  la  peinture  d'abord; 
l'architecture  ensuite,  et  puis  la  musique.  Au  xvn0  siècle,  cependant, 
quelques  académies  se  formèrent  pour  favoriser  l'art  dans  son  ensemble, 
en  l'associant  à  la  philosophie.  Telles  furent  les  académies  des  Lincei,  de 
Rome  ;  des  Gelati,  de  Bologne  ;  des  Fervedi,  de  Florence  ;  des  Zelati,  de  Ve- 
nise. Ces  institutions,  dont  l'influence  perfectionna  le  goût  des  populations, 
ont  fait  naître  l'idée  des  grandes  sociétés  modernes,  où  la  philosophie,  les 
lettres,  les  sciences  et  les  arts  ont  été  réunis  en  un  seul  corps,  dans  le  but 
de  travailler  de  concert  au  perfectionnement  moral  delà  société,  en  con- 
servant, toutefois,  leur  indépendance  et  leur  mode  spécial  d'action. 

Cette  spécialité  d'action  sur  l'intelligence  et  le  sentiment  des  nations 
explique,  Messieurs,  pourquoi  les  classes  des  beaux-arts  de  l'Institut  de 
France,  de  l'ancien  Institut  du  royaume  des  Pays-Bas,  de  l'Académie 
royale  de  Belgique,  et  les  Académies  spéciales  des  Beaux-Arts  de  Berlin  et 
de  Stockholm,  ne  publient  pas  de  mémoires,  comme  les  sociétés  pure- 
ment littéraires  et  scientifiques.  Le  pinceau  du  peintre,  l'ébauchoir  et  le 
ciseau  du  sculpteur,  le  burin  du  graveur,  le  crayon,  la  règle  et  le  compas 
de  l'architecte,  la  plume  et  le  papier  réglé  du  compositeur,  sont  les  inter- 
prètes naturels  des  pensées  et  des  inspirations  de  ces  artistes.  C'est  par 


les  produits  de  leur  art  qu'ils  agissent  sur  la  sensibilité  et  parlent  à  l'in- 
telligence. Individuellement,  chacun  des  membres  d'une  académie  de 
beaux-arts  fait,  dans  sa  sphère  d'activité,  tout  ce  qu'on  est  en  droit  d'at- 
tendre de  son  talent  pour  sa  propre  renommée,  pour  l'avancement  de 
l'art,  et  conséquemment  pour  la  considération  du  corps  auquel  il  appar- 
tient. Comme  partie  intégrante  de  ce  corps,  il  y  porte  ses  idées,  ses  vues, 
ses  sentiments,  et  reçoit  en  échange  communication  des  aperçus  et  des 
intuitions  qui  caractérisent  d'une  manière  particulière  les  talents  divers 
de  ses  confrères.  De  l'échange  des  idées,  de  leur  discussion  jaillit  quel- 
quefois une  lumière  inattendue  sur  des  questions  demeurées  longtemps 
dans  les  obscurités  du  doute.  C'est  ainsi  qu'après  avoir  mis  en  évidence 
l'individualité  de  ses  conceptions,  de  ses  inspirations,  et  de  son  habileté 
dans  le  mécanisme  de  son  art,  chacun  des  membres  d'une  académie  d'ar- 
tistes rend  encore  des  services  importants  à  l'art  pris  dans  le  sens  le  plus 
étendu,  ainsi  qu'à  la  patrie,  bien  qu'il  ne  prenne  pas  la  plume  pour  ex- 
poser ses  théories  ou  pour  discuter  celles  d'autrui. 

En  ce  sens,  Messieurs,  je  pense  que  la  classe  des  beaux-arts  de  l'Aca- 
démie royale  de  Belgique  satisfait  à  ce  qu'on  est  en  droit  d'atte  ndre  d'elle. 
Cependant  elle  a  cru  pouvoir  faire  plus,  par  la  coopération  de  toutes  les 
capacités  dont  elle  est  composée.  L'histoire  de  l'art  en  Belgique,  de  ses 
développements,  de  ses  transformations  et  de  ses  vicissitudes  ;  celle  des 
artistes,  de  leurs  études,  de  leurs  travaux  et  des  luttes  où  leur  talent  s'est 
engagé,  où  leur  courage  s'est  quelquefois  épuisé  ;  cette  histoire,  dis-je, 
a  été  considérée  par  la  classe  des  beaux-arts  de  l'Académie  royale  de  Bel- 
gique comme  le  travail  le  plus  important  et  le  plus  utile  qu'elle  pût  en- 
treprendre au  point  de  vue  de  l'instruction  de  tous  et  de  la  gloire  de  la 
patrie.  Elle  a  pensé  que  le  livre  qui  aurait  cette  histoire  pour  objet  ne 
devait  pas  être  une  simple  nomenclature  d'œuvres  enfantées  par  le  génie 
belge,  depuis  les  temps  anciens  jusqu'à  nos  jours  ;  mais  que  le  but  de  sa 
conception  était  de  mettre  en  évidence  les  rapports  constants  des  arts, 
avec  les  mœurs,  les  institutions,  les  transformations  sociales  et  les  gou- 
vernements. 

Pour  faire  ce  livre  et  pour  lui  donner  le  caractère  d'authenticité  d'où 
doit  dépendre  sa  valeur,  par  la  reproduction  des  monuments  et  des  do- 
cuments, le  concours  du  gouvernement  ne  serait  pas  seulement  utile, 
mais  indispensable.  Depuis  plusieurs  années  la  classe  des  beaux-arts  le 
sollicite  ;  mais  il  y  a  lieu  de  croire  que  l'importance  de  cet  objet  n'a  pas 
été  saisie,  car  nos  lettres  sont  restées  sans  réponse  jusqu'à  ce  jour.  Obli- 
gée de  suspendre  l'exécution  de  sa  noble  entreprise  par  cet  empêchement, 
la  classe  des  beaux-arts  n'y  a  cependant  pas  renoncé.  Elle  espère  des 
temps  meilleurs  et  s'y  prépare  en  recueillant  les  communications  et  les 
renseignements  qui  peuvent  l'aider  dans  ce  grand  ouvrage.  Chacun  de  ses 
membres  y  apportera  le  tribut  de  ses  idées,  de  ses  recherches  et  de  son 
talent. 

Composée  d'hommes  qui  tiennent  le  premier  rang  parmi  les  artistes  du 
pays  et  dont  l'expérience  a  mûri  le  talent,  la  classe  des  beaux-arts  a  pensé 
qu'elle  pourrait  être  utile  d'une  autre  manière;  elle  a  cru  qu'elle  serait  le 
tribunal  le  plus  compétent  pour  juger  les  grands  concours  de  composi- 
tion musicale,  de  peinture,  de  sculpture,  d'architecture  et  de  gravure. 
L'influence  qu'elle  pourrait  exercer  sur  la  situation  des  arts  en  Belgique 
deviendrait  plus  active  par  cette  mission;  mais  elle  ne  lui  a  pas  été 
donnée.  Les  récompenses  qu'elle  distribue,  elle  ne  les  a  pas  décernées. 
Elle  a  dit  son  avis  à  ce  sujet  au  gouvernement  ;  mais  le  gouvernement 
n'a  pas  partagé  son  opinion.  A  la  vérité,  quelques-uns  de  ses  membres 
sont  appelés  à  faire  partie  des  jurys  spéciaux  qui  jugent  les  concours; 
mais  ils  n'y  siègent  que  comme  individus  avec  des  personnes  étrangères 
à  la  classe  des  beaux  arts. 

Les  académies  sont  des  êtres  moraux  et  collectifs  qui  ne  peuvent  se 
scinder  sans  cesser  d'exister.  Lors  même  que  la  raison  ne  démontrerait  pas 
que  la  classe  des  beaux-arts  était  dans  le  vrai  en  réclamant  le  droit  de 
juger  les  grands  concours,  elle  aurait  pour  elle  l'exemple  de  l'étranger; 
car  c'est  l'Académie  des  beaux-arts  de  l'Institut  de  France  qui  a  cette 
mission  à  Paris  ;  il  en  est  de  même  à  Berlin.  C'est  par  là  que  ces  corps  il- 
lustres ont  l'autorité  qui  leur  est  nécessaire  ;  c'est  par  là  qu'ils  manifes- 
tent leur  indépendance,  et  qu'ils  exercent  à  l'égard  des  jeunes  artistes  un 
patronage  salutaire,  tout  en  laissant  à  l'art  la  liberté  qui  est  de  son  essence. 
11  y  a  lieu  de  croire  que  lorsque  la  question  sera  mieux  comprise  par 
l'administration  belge,  ses  répugnances  à  ce  sujet  disparaîtront,  et  qu'elle 
reconnaîtra  la  vérité  de  ce  principe,  que  l'Etat,  dans  ses  rapports  avec 
les  artistes,  ne  doit  qu'encourager  et  récompenser. 

Je  viens  de  me  servir  de  deux  mots  qui  n'ont  guère  d'application,  re- 
poussés qu'ils  sont  par  cet  autre,  l'économie.  Celui-là  triomphe  de  tous  les 
sentiments,  dès  qu'il  s'agit  de  l'art  ou  de  la  science.  Cependant  les  arts 
réclament  à  bon  droit  la  part  la  plus  solide  et  la  plus  brillante  de  la  gloire 
nationale.  C'est  par  eux  que  la  patrie  s'est  illustrée  dans  l'histoire;  c'est 
par  eux  qu'elle  établit  encore  ses  meilleures  relations  avec  les  nations  civi- 
lisées; c'est  par  eux  que  le  peuple  belge  goûte  ses  plaisirs  les  plus  vifs  et 


DE  PARIS. 


323 


les  plus  purs:  c'est  par  eux,  enfin,  qu'il  se  polit  et  devient  meilleur.  A  ces 
titres,  ils  méritent  les  sympathies  des  dépositaires  du  pouvoir.  Malheu- 
sement,  les  intérêts  et  les  besoins  matériels,  maladies  de  notre  siècle,  ab- 
sorbent toute  l'attention  de  ceux-ci. 

Si  l'on  accordait  a  ce  qui  procure  les  jouissances  de  l'âme  et  le  bien-être 
moral  une  minime  part  de  la  sollicitude  qu'on  a  pour  des  choses  moir.s 
élevées,  on  ferait  enfanter  des  merveilles  par  ces  arts  qu'on  néglige  et 
qui  ne  se  soutiennent  guère  que  par  leur  propre  force.  Il  y  a  eu  d'autres 
temps  aussi  mauvais  que  le  nôtre,  et  peut-être  pires.  Au  xvi°  siècle,  par 
exemple,  les  entreprises  violentes  contre  la  foi,  contre  la  propriété,  le 
carnage  des  champs  de  bataille,  les  malheurs  de  la  guerre  civile,  la  misère 
et  tous  les  fléaux  réunis  désolaient,  le  monde;  mais  les  hommes  d'élite 
cherchaient  des  consolations  dans  les  arts,  et  les  artistes  belges,  en  hon- 
neur dans  toute  l'Europe,  faisaient  les  délices  des  populations,  charmaient 
Rome,  Vienne,  Munich,  Taris,  et  trouvaient  des  protecteurs  chez  les 
Sforce  à  Milan,  chez  les  Médicis  à  Florence,  chez  les  d'Esté  à  Ferrare , 
chez  les  Farnèse  à  Parme,  chez  les  Gonzague  à  Mantoue,  et  jusque  dans 
le  sénat  de  Venise.  Resterons-nous  au-dessous  de  ces  temps  qualifiés  de 
barlares  par  la  civilisation  moderne?  Je  ne  puis  le  croire.  Si  la  sécheresse 
et  les  vues  mesquines  de  l'esprit  démocratique  ne  parviennent  pas  à  étouf- 
fer le  sentiment  du  grand  et  du  beau,  principe  éternel  de  l'art,  un  temps 
viendra  où  le  pouvoir  ne  craindra  pas  de  se  compromettre  en  demandant 
aux  assemblées  législatives  les  moyens  nécessaires  pour  faire  avec  dignité 
envers  les  artistes  ce  qu'expriment  ces  deux  mots  :  Encourager,  récom- 
penser. 

Réduite  à  placer  ses  espérances  dans  l'avenir,  la  classe  des  beaux-arts 
a  pu,  du  moins,  réaliser  une  bonne  pensée,  par  l'institution  d'une  caisse 
de  secours  pour  les  artistes  malheureux,  pour  leurs  veuves  et  orphelins. 
Non-seulement  les  membres  de  la  classe  ont  contribué  de  leur  bourse  à 
la  fondation  de  cette  caisse,  'non-seulement  ils  y  ont  porté  le  tribut  de 
leur  talent,  par  le  don  généreux  de  leurs  ouvrages ,  mais  ils  ont  mis  de  la 
persévérance  à  solliciter  les  secours  et  à  exciter  le  zèle  et  la  coopération 
d'hommes  intelligents,  dévoués  au  soulagement  de  l'infortune.  Leurs  cou- 
rageuses démarches  ont  été  couronnées  de  succès.  Qu'il  me  soit  permis 
d'être  l'interprète  de  la  reconnaissance  de  la  classe,  pour  l'inépuisable 
bonté  du  roi  envers  notre  œuvre,  et  pour  l'appui  que  le  gouvernement  a 
bien  voulu  lui  accorder  en  toute  circonstance.  En  Belgique,  on  peut  dif- 
férer d'opinion  en  certaines  choses  ;  mais  on  sûr  do  frapper  juste  quand 
on  s'adresse  aux  sentiments  d'humanité. 

A  ce  discours,  salué  par  les  vifs  applaudissements  de  l'assemblée,  a 
succédé  la  proclamation  du  résultat  des  élections  faites  le  jour  précé- 
dent ;  puis  le  secrétaire  perpétuel  de  l'Académie  a  fait  un  rapport  sur 
le  grand  concours  de  peinture  de  l'année  1852,  sur  ses  résultais,  et  a 
proclamé  les  noms  des  vainqueurs,  auxquels  le  président  a  remis  les 
couronnes  qu'ils  ont  conquises.  La  séance  s'est  terminée  par  l'exécu- 
tion de  la  cantate  :  Le  Festin,  de  Batlhasar,  par  M.  Rongé,  de  Liège, 
qui,  l'année  dernière,  avait  obtenu  le  second  grand  prix.  En  Belgique, 
le  grand  concours  de  composition  musicale  n'a  lieu  que  tous  les  deux 
ans;  la  cantate  qui  obtient  le  premier  grand  prix  est  exécutée  à  la 
séance  publique  de  l'Académie  des  beaux-arts,  dans  la  même  année  ; 
celle  à  qui  le  second  prix  est  décerné  jouit  du  même  avantage  l'année 
suivante. 

\\  y  a  du  savoir,  un  bon  sentiment  d'harmonie  et  déjà  de  l'habileté 
d'instrumentation  clans  l'ouvrage  de  M.  Rongé  ;  le  caractère  de  la  scène 
est  bien  saisi,  et  le  récitatif  est  convenablement  déclamé  ;  mais  les 
idées  manquent  de  distinction  ;  et  d'ailleurs,  la  seconde  partie  de  la 
cantate,  où  l'intérêt  devrait  s'accroître,  est  inférieure  au  commence- 
ment. Le  jeune  compositeur,  qui  dirigeait  l'exécution  de  son  ouvrage, 
aura  sans  doute  fait  de  lui-même  ces  remarques,  dont  il  fera  son  profit 
au  prochain  concours. 


Au  Directeur  de  la  Gazette  musicale. 
Monsieur  le  Directeur, 
Veuillez  réparer  une  erreur  de  fait  échappée  à  M.  llalévy  dans  son  ar- 
ticle Amatiur,  inséré  dans  votre  numéro  du  12  courant. 

Le  bon  abbé  Santini,  qui  depuis  vingt-quatre  ans  daigne  m'honorer  de 
son  amitié,  n'est  point  mort  il  y  a  quelques  année!:.  Agé  de  soixante-quatorze 
ans,  il  jouit  encore  d'une  santé  parfaite  et  continue  d'employer  son  temps 
à  mettre  en  partition  la  musique  des  grands  maîtres  du  xvi»  siècle.  J'a- 
jouterai que  la  vie  des  hommes  sincères,  modestes  et  laborieux  comme  lui 
est  de  celles  dont  on  doit  le  plus  désirer  la  prolongation. 
Agréez,  etc.,  Adrien  de  La  FAGE. 

Saint-Mandé,  18  septembre. 


NOUVELLES. 

%*  Demain  lundi  à  l'Opéra,  la  Favorite,  suivie  du  premier  acte  de  la 
Péri. 

*„*  Guillaume  Tell  a  été  donné  lundi  dernier,  au  lieu  de  Hobert-te-Diable. 
Une  indisposition  de  Depassio  avait  empêché  de  maintenir  le  spectacle. 
L'affluence  était  grande  et  s'est  augmentée  encore  pour  le  Juif  errant,  re- 
présenté mercredi  avec  le  succès  qui  accompagne  toujours  ce  magnifique 
ouvrage.  lÙAert-le- Diable  a  repris  son  tour  vendredi,  avec  Gueymard,  De- 
passio, Mme  Laborde  et  Mlle  La  Grua,  qui  chantait  pour  la  seconde  fois 
le  rôle  d'Alice.  La  jeune  cantatrice  en  a  parfaitement  saisi  le  caractère 
poétique  et  musical  ;  il  n'y  a  plus,  maintenant,  que  des  éloges  à  lui  don- 
ner. Ihiber.t-le-Diable  avait  rempli  la  salle,  comme  dans  les  premiers  jours 
de  son  apparition. 

***  Adolphe  Adam  est  chargé  d'écrire  la  musique  du  ballet  nouveau, 
dans  lequel  Fanny  Cerrito  fera  sa  rentrée  ;  ce  ballet  doit  être  donné  dans 
le  courant  du  mois  de  novembre. 

"V  Le  Père  Gaillard  et  la  Croix  de  Marin  ont  alterné  à  l'Opéra-Comique, 
pendant  la  semaine  qui  vient  de  s'écouler.  Actéem,  la  Perruche,  Adolphe  et 
Clara,  le  Culife  de  Balowi,  accompaguaient  ces  deux  grands  ouvrages. 

%,*  Mme  Ugalde  profite  de  son  congé  pour  donner  à  Bruxelles  et  à  An- 
vers des  représentations  extrêmement  brillantes  et  suivies. 

Ve  On  annonce  la  première  représentation  de  l'ouvrage  en  trois  actes 
de  MM.  Scribe,  Germain  Delavigneet  Clapisson  pour  le  commencement  du 
mois  prochain. 

***  L'opéra  d'Adolphe  Adam,  *i  j'étais  roil  poursuit  sa  brillante  carrière 
au  Théâtre-Lyrique.  Jusqu'à  présent  il  a  servi  presque  uniquement  à  for- 
mer le  répertoire.  Deux  fois  seulement,  depuis  l'ouverture,  on  a  donné 
un  autre  spectacle,  composé  de  la  Poupée,  de  Nuremberg,  cet  ouvrage 
si  spirituel  et  si  amusant,  dont  la  musique  est  du  même  maître;  de  il  a 
tante  Aurore,  et  du  Mariage  en  l'air.  Dans  Si  j'étais  ro'  !  la  combinaison 
des  deux  troupes  se  borne  actuellement  au  partage  du  rôle  de  ténor  entre 
MM.  Talion  et  Carré,  et  de  celui  de  la  prima  donna  entre  Mmes  Golson  et 
Sophie  Noël.  Laurent  conserve  toujours  celui  du  roi,  et  Junca  celui  du 
prince  Kador.  Nous  devons  signaler  une  très-jolie  personne,  Mlle  Garnier, 
qui  chante  au  second  acte  un  petit  rôle  de  coryphée. 

%*  Rol)in-de,<-Dois  doit  être  joué  bientôt  à  ce  théâtre.  Les  premières 
nouveautés  qui  succéderont  au  chef-d'œuvre  de  Weber  sont  Tabarin,  en 
deux  actes,  de  MM.  Alboize  et  Georges  Bousquet;  Flore  et  Zéphyr,  en  un 
acte,  et  Choisy.  aussi  en  un  acte,  dont  la  musique  est  de  M.  Gautier. 

***  Lablache  n'est  pas  encore  parti  pour  Saint-Pétersbourg,  ainsi  qu'on 
l'avait  annoncé  par  erreur. 

t*t  VA  B  C  musical;  la  suite,  le  Solfège  à  deux  voix,  de  Panseron, 
ainsi  que  son  Nouveau  solfège  concertant,  à  l'usage  des  pensions,  des 
classes  d'ensemble  et  de  l'école  Wilhem,  obtiennent  toujours  un  immense 
succès  ;  il  en  est  de  même  de  ses  méthodes  de  chant  pour  toutes  les  voix. 
Tous  ses  ouvrages  sont  adoptés  dans  toutes  les  classes.  L'auteur  re- 
commencera ses  cours  de  solfège,  de  chant  et  d'harmonie,  le  1er  octobre 
prochain. 

'%,*  La  messe  à  solos,  composée  par  le  même  maître,  a  été  exécutée  deux 
fois  pendant  le  mois  de  septembre,  à  Beaumont  et  à  Savigny,  en  Touraine. 

%*  Nous  recommandons  à  nos  lecteurs  le  cours  d'harmonie  pratique 
dirigé  par  Mlle  Juliette  Dillon,  organiste  de  la  cathédrale  de  Meaux.  Le 
but  spécial  de  ce  cours  est  d'exercer  les  élèves  à  préluder  et  à  improviser 
sur  le  piano.  Par  une  méthode  toute  pratique  et  un  système  nouveau, 
Mlle  Juliette  Dillon  garantit  des  progrès  rapides  et  des  résultats  certains 
en  un  court  espace  de  temps.  Joignant  l'exemple  au  précepte,  Mlle  Ju- 
liette Dillon  improvise  ou  prélude  devant  les  élèves  à  chacune  de  ses  séan- 
ces. 11  y  a  une  séance  tous  les  vendredis,  de  2  à  k  heures.  Les  élèves  sont 
admises  après  un  examen  préparatoire.  11  y  a  aussi  des  séances  à  part 
pour  les  jeunes  personnes  qui  se  destinent  au  professorat.  —  17,  boule- 
vart  de  la  Madeleine,  et  cité  Vindé,  à,  Paris. 

*:k*  M.  le  chevalier  de  Landsberg ,  l'amateur  distingué,  si  connu  de 
tous  les  artistes  qui  ont  visité  Rome,  où  son  salon  représente  le  véritable 
centre  de  la  vie  musicale,  est  en  ce  moment  à  Paris.  M.  de  Landsberg 
possède,  en  outre,  une  des  bibliothèques  les  plus  riches  et  les  plus  cu- 
rieuses de  l'Europe. 

%*  L'inauguration  du  salon  des  bains  de  Sainte-Adresse  s'est  faite  le 
4  5  de  ce  mois,  par  une  matinée  musicale  que  donnait  M.  Sautreuil,  ancien 
lauréat  du  Conservatoire,  et  violoncelle-solo  du  théâtre  du  Havre.  L'ar- 
tiste a  enlevé  tous  les  suffrages,  notamment  dans  son  morceau  sur  des 
motifs  de  Guillaume  Tell,  exécuté  avec  le  concours  de  MM.  Buziau  et 
OEschner,  et  dans  sa  fantaisie  expressive  sur  les  Monténégrins.  Uue  canta- 
trice, Mlle  Lassenne,  et  un  chanteur,  M.  Bonnefoy,  ont  pris  part  au  sus- 
cès  de  cette  brillante  matinée. 

VM.  Widor,  l'un  des  pianistes  les  plus  distingué  de  Lyon,  où  il  professe 
avec  le  plus  grand  succès,  est  à  Paris  en  ce  moment.  11  promet  de  se  faire 
entendre  à  Saint-Vincent-de-Paul  sur  le  bel  orgue  de  Cavaillé-Coll,  car 
l'habile  artiste   excelle  autant  sur  l'orgue  que  sur  le  piano. 

%*  M.  J.-R.  Croze  vient  de  recevoir  une  lettre  officielle  de  Rome  qui 
l'informe  que  le  Saint-Père  a  bien  voulu  accepter  la  dédicace  d'un  0  salu- 
laris  pour  voix  et  orchestre,  que  cet  artiste  a  composé  et  fait  exécuter 
avec  un  très-grand  succès  à  Versailles. 

%*  Aujourd'hui,  dimanche,  doit  avoir  lieu  à  Lyon  le  grand  concert  mi- 
litaire dirigé  par  George  flainl,  et  donné  au  profit  de  l'Association  des 


324 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


artistes-musiciens.  Douze  corps  de  musique,  donnant  un  total  de  sept 
cents  exécutants,  y  prendront  part.  Le  programme  se  compose  du  Kyrie, 
du  Sanclus,  de  1*0 salutarisde  la  messe  de  Sainte-Cécile,  d'Adolphe  Adam; 
d'une  fantaisie  militaire,  de  Mohr,  de  la  prière  de  Moise,  de  l'ouverture 
de  Fia  Diavolo,  d'une  chasse  de  Rossini,  arrangée  par  Fessy,  des  Bords 
du  Rhin,  de  Klosé,  et  de  Judas  Macchabée. 

CRON1QUE   SÉPfiRTSItlENÎflI,E. 

%*  Marseille,  25  septembre.  —  Le  programme  de  la  distribution  des 
prix  aux  élèves  du  Conservatoire  avait  été  formé  cette  année  avec  au- 
tant d'intelligence  que  de  goût.  Parmi  les  morceaux  nouveaux  figuraient 
un  air  dela7'cmfes/a,chantéparM.  Michel,  jeune  ténor;,  un  trio  du  Caril- 
lonneur  de  Biuges  et  le  chœur  du  Juif  errant  (la  Saint-Jean).  Ce  morceau 
d'ensemble  si  vif,  si  original  et  d'une  orchestration  si  brillante,  a  produit 
un  immense  effet  sur  l'auditoire.  Nous  avions  rarement  vu  de  succès 
plus  franc  et  plus  unanime.  Il  faut  dire  aussi  que  les  musiciens  du 
grand  théâtre  et  les  jeunes  choristes  y  ont  mis  de  l'amour-propre  et  riva- 
lisé d'intelligence  et  de  précision.  L'air  de  Charles  VI,  chanté  par  Mlle  de 
Maupoint,  est  un  de  ceux  qui  ont  eu  les  honneurs  de  la  séance.  Mlle  de 
Maupoint  a  dit  ce  morceau  magnifique,  non  pas  en  élève,  mais  en  artiste. 
Un  élève  de  M.  Millont  s'est  également  distingué  dans  un  fragment  du 
sixième  concerto  de  Rode  ;  l'air  de  la  Somnambule  par  M.  de  Maupoint, 
les  couplets  du  Fou  de  Saint-James,  par  Mlle  Reille,  ont  été  ensuite  fort 
applaudis,  ainsi  que  le  grand  concerto  de  Mendelssohn,  exécuté  par  le 
jeune  Loreau,  élève  de  M.  Barsotti.  Le  grand  final  de  la  révolte,  de  Fer- 
nand  Cortés,  dans  la  partie  récitante  avait  été  confiée  à  M.  Méritan,  an- 
cien élève  de  M.  Benedit,  a  vivement  impressionné  l'auditoire.  Le  public, 
qui  depuis  longtemps  était  privé  de  ce  chef-d'œuvre,  a  tressailli  d'admi- 
ration aux  accents  inspirés  du  conquérant  espagnol  et  de  ses  soldats  in- 
trépides ;  il  a  couvert  de  bravos  et  d'applaudissements  chaleureux  les  der- 
nières mesures  du  magnifique  final.  L'intermède  de  déclamation  par 
les  élèves  de  M.  Bénedit  n'avait  jamais  obtenu  autant  de  succès.  Les  élè- 
ves ont  dit  cette  année  une  scène  de  VEcole  des  Vieillards  et  un  morceau 
du  Mercure  galant. 

*„*  Louvain.  —  Vous  aurez  lu  le  résultat  de  cette  tentative  hardie,  in- 
croyable, de  la  part  d'une  société  d'amateurs  d'avoir  voulu  représenter 
le  CariW  nneur  de  Bruges  avant  aucun  théâtre  de  la  province.  Ce  tour  de 
force  sans  exemple  a  réussi  au-delà  de  toute  attente,  sous  les  yeux  des 
deux  auteurs,  MM.  de  Saint-Georges  et  Albert  Grisar,  et  avec  le  brillant 
concours  de  Mlle  Wertheimber,  la  créatrice  du  rôle  de  Béatrix  sur  vo- 
tre théâtre  de  l'Opéra-Comique.  MM.  de  Sainl-Georges  et  Grisar  ont  été 
ravis,  transportés  de  l'exécution  parfaite,  admirable  de  leur  œuvre. 
Cette  représentation  a  eu  lieu  en  présence  de  LL.  AA.  RR.  le  duc  de  Bra- 
bant  et  du  comte  de  Flandre,  qui  ont  fait  demander  dans  leur  loge  les 
deux  auteurs  et  leur  ont  fait  une  réception  des  plus  cordiales.  Pendant 
huit  jours,  MM.  de  Saint-Georges  et  Grisar  ont  été  accablés  de  prévenan- 
ces, d'attentions  délicates,  dignes,  en  un  mot,  de  cette  vieille  réputation 
d'hospitalité  brabançonne.  Banquet  royal,  bal  royal,  dîners,  réceptions, 
rappels  au  théâtre,  fleurs,  couronnes,  aubades,  compliments,  félicitations 
de  la  part  de  tout  ce  que  l'ancienne  capitale  du  Brabant,  la  dojte  cité 
louvaniste,  compte  d'hommes  éminents  parmi  les  magistrats,  les  artistes, 
les  gens  du  monde,  rien  n'a  manqué  à  la  gloire  des  deux  illustres  hôtes 
que  la  ville  universitaire  avait  l'honneur  de  posséder  dans  son  sein. 

%*  Aix-la-Chapelle,  15  septembre.  —  Samedi  dernier,  la  jeune  et  cé- 
lèbre violoniste  Mlle  Milanollo,  a  failli  être  victime  d'un  affreux  acci- 
dent. Sur  le  grand  théâtre  de  notre  ville.  Pendant  que  Mlle  Milanollo 
exécutait  les  variations  sur  le  Rheiniveinliid,  le  bas  de  sa  robe  fut  poussé 


par  le  vent,  qui  venait  d'une  coulisse,  près  d'une  des  bougies  du  trou  du 
souffleur,  et  prit  feu.  Des  cris  retentissent  de  tous  les  points  de  la  salle  ; 
mais  la  jeune  artiste,  sans  se  déconcerter  le  moins  du  monde,  passe  son 
archet  sur  les  flammes,  qui  s'éteignent  immédiatement.  Le  public  applau- 
dit a  outrance,  et  Mlle  Milanollo  reprit  tranquillement  l'exécution  des  va- 
riations à  partir  de  l'endroit  où  l'accident  l'avait  interrompue. 

CHRONIQUE     ÉTRANGÈRE. 

%*  Berlin.  —  Le  15  octobre  prochain,  sera  représentée  la  Clémence  de 
Titus  ;  Mlle  J.  Wagner  chantera  le  rôle  de  Sextus,  et  Mme  Herrenburger 
celui  de  Vitellia.  —  Mlle  Franciska  Wagner,  sœur  de  la  célèbre  prima 
donna,  doit  donner  quelques  représentations  au  théâtre  de  la  Cour. 

%*  Weimar.  —  On  attend  pour  le  mois  prochain  Berlioz,  qui  doit  diri- 
ger en  personne  son  opéra  Ben ucnulo  Cellini. 

***  Francfort-sur-Mein.—A  partir  du  l,r  octobre,  la  direction  du  théâtre 
passe  aux  mains  de  M.  Hoffmann. 

%*  Vienne.  —  M.  Strauss  avait  arrangé  pour  le  Mi  septembre  une  solen- 
nité commémorative  en  l'honneur  de  son  père.  Plus  de  4,000  personnes 
ont  assisté  à  cette  fête  funèbre,  dans  laquelle  on  n'a  entendu  que  des 
morceaux  écrits  par  le  compositeur  défunt.  —  La  reprise  du  charmant 
opéra  d'Auber,  les  Diamants  de  la  couronne,  a  fait  le  plus  grand  plaisir. 

***  Hanovre.  —  M.  Marschner,  maître  de  chapelle  de  la  cour,  vient  de 
donner  sa  démission.  On  ajoute  que  le  célèbre  compositeur  aurait  été 
nommé  directeur  général  de  musique  à  Vienne. 

%*  Lisbonnr.  —  Mme  Castellan  doit  débuter  le  5  octobre  dans  la  Son- 
nambula.    Le  Théâtre-Italien  promet  d'être  plus  brillant  que  jamais. 

—  Plusieurs  places  d'enfants  des  chœurs  sont  vacantes  à  l'Opéra.  Un 
concours  aura  lieu  le  vendredi,  l1'  octobre,  à  midi,  au  théâtre. 

EKH6.4f  ajs?. —  Dans  l'article  de  M.  Henri  Blanchard  sur  l'Opéra- 
Comique,  que  contenait  notre  avant-dernier  numéro  ,  au  lieu  de  :  le 
style  en  imitation  comique,  lisez  canonique. 

Le  gérant  :  Ernest  DESCHAMPS. 

chez  l'auteur,  rue  taitbout,  10, 
Et  chez  PRILIPP,  éditeur  de  musique,  boulevart  des  Italiens,  19  : 


Op.  33.  1"  trio  pour  piano  violon  et  violoncelle 20 

Op.  34,  2e  trio  pour  piano,  violon  et  vionloncelle 20 

Op.  39.  2°  sonate  pour  piano  et  violon 15 


Passage  Choiseul,  5i  : 

H.  KOSEIAŒnv.  Op.  137.  Fantaisie  sur  le  Tre  Nozse.    .  9    » 
C.   SCïHJBERT'.  Op.  162.  Echos  du  Rhin,   valse   pour 

piano 6     » 

Les  mêmes  a  quatre  mains 7  50 


I'Duve  BBÎArSEÏSJS  et  C,  éditeurs,   H©S,  rue  ESU-BneBûc  oo, 


SIX  MORCEAUX  CARACTÉRISTIQUES  POUR  LE 


Op.  21. 

N<"  1.  lies  Primevères  (Retour  du  printemps) 6    >    i   S"  l.  Homarin  (Deuil) 6 

2.  la  Violette  (Modestie) 4     »  5.  E<a  Pensée  (Souvenir) 5 

3.  La  Rose  (Amour) 5     »    I  6.  Héliotrope  (Enivrement 6 


Op.  1.  La  Source,  caprice 6 

Op.  2.  Deux  caprices  :  le  Rêve,  la  Brillante  .  5 
Op.  3.  Trois  mélodies:  le  Calme,  une  Fleur, 

Valse  styrienne 5 

Op.  ti.  Fête  cosaque,  caprice 6 

Op.  5.  Trois  mazurkas 6 

Op.  6.  Deux  valses  en  2  suites,  chaque  ...  5 


Op.  7.  Une  nuit  à  Venise,  fantaisie 0  » 

Op.  8.  Les  deux  Anges,  morceau  caractérist.  5  » 

Op.  9.  Trois  mazurkas 6  » 

Op.  10.  N°  1.  La  Brise  du  soir 5  » 

2.  Nocturne    • 5  » 

Op.  11.  Les  Oiseaux,  caprice 6  » 

Op.  12.  Chant  national  des  Croates 4  50 

Op.  14.  La  Plainte 6  • 


Op.  1 5.  L'eau  dormante 6    » 

Op.  16.  Consolation,  fantaisie 7  50 

Op.  17.  Marche  militaire. 5    » 

Op.  17  bis.  Marche  funèbre 5     » 

Op.  18.  Scène  de  ballet 7  50 

Op.  19.  Nocturne  impromptu 5     » 

Op.  20.  Trois  mazurkas 7  50 


PARIS.    —   IMPRIMERIE  CENTRALE    DE  NAPOLÉON  C1IAIX    ET  Cc,    RUE   BERGE 


BUREAUX  A  PARIS  :  BOULEVART  DES  ITAL23NS,  1. 


19 

e  Année. 

On  s'abonne 

dans  1 

-  Dépnrtementa  ci»  l'Étranger 

chez  tous 

.•s  Mu 

et  aux  »u 

eaux  il 

H  -         ■  -  i  (i.'s  postes. 

LyoD. 

\  notn    agence  générale, 

Genève,  v 

1  'l«t" 

Chez  SI.  Ed.  de  In  Flcchlôrc, 
193,  rue  du  TcrraiUet. 

Bruxelles 

Dctrie  Tomson,  15,  rue  des 

Dominicains. 

Londres. 

Wessel  et  C*,  229,  negont  slreet. 

Belizord. 

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SHiorfenlicrg  et  Luis. 

Madrid. 

Dnionartlstico-musicalo. 

Il.-i  llu. 

Schlesinger,  34,  u.  tl.  Linden. 

— 

Bûte  ri  HiiL'k,  -42,  Jaegorstr. 

Lisbonne. 

Sassctti. 

N«  40. 


REVUE 


3  Octobre  1852. 


Prix  de  l'Abonnement  : 


Départements,  Tlelgiquc  cl  Su 
Étranger      


Le  Journal  parait  le  Dimanche. 


GAZETTE  MUSICALE 


9i  garnis 


■~v/\nArj\3'M<evfJ\n/v\/w 


Nos  abonnés  reçoivent,  avec  le  présent  numéro,  le  portrait  de 
IRtXCOIS  SCHUBERT,  destiné  a  compléter  la  collection  de  ses 
Mélodies,  fjuc  nous  leur  avons  déju  offerte. 


SOMMAIRE.  —  Du  développement  futur  de  la  musique  dans  le  domaine  du  rhythme 
(4'  article),  par  Fétis  père.  —  Les  Soirées  de  l'orchestre  (3e  fragment),  par  KBec- 
tor  Kerlioz.  —  Elle,  do  Mendclssolm  13e  et  dernier  article),  par  Léon 
Kreutzer Théâtre  de  la  Porte-Saint-Martin.  —  Eglise  de  Saint-Vincent-de- 
Paul.  —  Jenny  Lind.  —  Léopold  Aimon,  par  SEenri  lElancliard.  —  Nou- 
velles et  annonces. 


DU  DEVELOPPEMENT  FUTUR  DE  LA  MUSIQUE 

Dans  le  «loisiisiDie  du  rliythme. 

(fie  article)  (l). 

Les  mesures  binaires  et  ternaires  à  divisions  ternaires  se  confon- 
dent quelquefois  par  l'effet  avec  les  mesures  binaires  et  ternaires  à 
divisions  binaires,  dans  les  rhythmes  où  celles-ci  ont  des  temps  en 
triolets.  Supposons,  par  exemple,  un  rhythme  de  cette  espèce  : 

A  llegro. 

6    fi  •  fi  *  \ÊÊÊtâfi\Ê  .  g  .  \fippspfi\a 

o     I       i         M  If  i  i  II       I        h  i  M  l  Ml 


rien  ne  le  fera  distinguer  de  celle-ci  : 

ir  r  icMirr  \ûsûs 


\tfififilfi\fi 


3         3 


Il  est  de  même  dans  les  rapports  de  la  mesure  à  9/8  avec  la  mesure 
à  3/4,  et  de  la  mesure  à  12/8  avec  la  mesure  à  Q. 

Cependant,  il  est  rare  que  la  soppa,  comme  disaient  les  anciens 
musiciens  italiens,  c'est-à-dire  l'allure  boiteuse  des  temps  de  ces  me- 
sures, ne  les  caractérise  pas  à  un  moment  donné  ,  et  ne  fasse  cesser 
la  confusion  dont  je  viens  de  parler.  Dès  qu'on  entend  ce  mouvement 

rhythmique  :  F  FF  F  \F  l'équivoque  n'est  plus  possible  ;  car, 
en  supposant  que  le  caractère  eût  été  identique  dans  les  premières 
mesures,  l'incertitude  se  dissiperait  bientôt  par  la  différence  du  temps 
carré  et  du  temps  boiteux  qui  distinguent  les  deux  systèmes  de  mesures. 
Ainsi,  les  rhythmes  que  je  viens  de  donner  pour  exemples  cesse- 
raient de  se  confondre  si  chacun  d'eux  se  combinait  avec  un  autre  qui 
résultât  du  caractère  de  la  mesure,  comme  ici  : 

g  r  c  r  nccrcerir  c  r  piccrccrir  s  r  ciccrccnr  i 


Ittfoflf 


Les  rhythmes  des  mesures  à  temps  ternaires  procèdent  du  trochée 
et  de  l'iambe  ;  mais,  bien  plus  riches  de  combinaisons  que  ces  pieds 
poétiques,  ils  s'allient  aussi  bien  avec  la  division  binaire  du  temps  mu- 
sical qu'avec  la  division  ternaire;  et  de  plus,  ils  ont,  dans  cette  der- 
nière division,  un  double  caractère  ternaire  qui  n'existe  pas  dans  la 
poésie,  celle-ci  n'ayant  rien  qui  réponde  à  la  mesure  ternaire  à  temps 
égaux,  bien  que  la  théorie  admette  la  tribraque  et  le  molosse,  lesquels, 
comme  l'on  très-bien  remarqué  Hermann  et  Boeckh,  se  confondent 
avec  les  pieds  à  temps  binaires. 

Les  rhythmes  basés  sur  les  mesures  à  temps  ternaires  sont  suscep- 
tibles de  deux  genres  de  mutations.  Les  mutations  de  la  première  es- 
pèce sont  celles  qui  résultent  du  changement  de  temps  dans  l'attaque. 
Ce  système  est  celui  que  j'ai  analysé  dans  mon  troisième  article,  en  ce 
qui  concerne  les  rhythmes  des  mesures  binaires  et  ternaires  à  temps 
binaires  ;  mais  les  transformations  ont  un  effet  plus  saisissant  dans  les 
rhythmes  des  mesures  à  temps  ternaires,  à  cause  de  l'inégalité  de  ces 
temps. 

Supposons  que  le  rhythme  soit  celui-ci  : 
Allegro. 


srctirir  ML'ir&m/ 


CM 


(I)  Voir  les  n"  35,  36  et  37. 


il  est  évident  que  la  force  d'accent  sera  très-sensible  sur  la  noire  au 
temps  frappé,  etquela  première  des  trois  croches,  au  temps  levé,  aura 
un  caractère  beaucoup  plus  faible  ;  mais  si  le  même  rhythme  com- 
mence au  temps  levé,  sa  force  d'accent  sera  déplacée  et  transportée  à 
la  première  du  groupe  des  trois  croches,  ainsi  qu'on  peut  le  voir  ici  : 

îî  flÉiff  CltL'f  fltLVClfll 

La  mutation  sera  plus  remarquable  encore  si  le  rhythme  est  iam- 
bique  au  lieu  d'être  trochaïque,  c'est-à-dire  si  la  note  brève  précède  la 
longue.  Supposons  cette  forme  : 


Allegro. 

îtt  or 


eu  r  ■ 


tu 


Ce  rhythme  a  le  caractère  énergique  ;  mais  si,  après  avoir  été  traité 
avec  développement  dans  cette  forme  par  le  compositeur,  la  phrase 
est  prise  au  temps  levé  de  cette  manière  : 


icir  tr  Gic/r  trir  cr 


l'accent  sera  transporté  de  la  première  note  sur  la  seconde ,  et  le  ca- 
ractère général  du  rhythme,  ainsi  transformé,  fera  naître  des  impres- 
sions absolument  différentes,  bien  que  la  phrase  mélodique  soit  restée 
identiquement  la  même.  Voici  encore  un  exemple  très-remarquable  de 


326 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS. 


notation  d'un  rhythme  basé  sur  la  mesure  ternaire  à  temps  ternaires: 
Moderato. 


i  ccrccrccr iccrtcrr 


'f 


La  phrase  ayant  été  développée  en  période  dans  ce  caractère  aryth- 
mique, le  compositeur  pourra  donner  à  sa  pensée  une  signification 
nouvelle,  s'il  change  le  temps  d'attaque  et  dispose  la  phrase  dans  cette 
forme  : 


Moderato. 

9   7  fi  fil  f 


o  o  s  o 

l/IUJ 


m\ 


\i 


'sa 


Les  dispositions  rhythmiques  susceptibles  de  transformations  de  ce 
genre  sont  en  nombre  incalculable.  Le  génie  peut  y  trouver  d'im- 
menses ressources  non  encore  mises  en  œuvre,  et  le  sentiment  musi- 
cal en  éprouvera  des  émotions  qui  n'ont  pas  été  suscitées  jusqu'à  ce 
jour. 

Le  second  genre  de  mutation  du  rhythme  dans  les  mesures  à  temps 
ternaires,  résulte  des  rapports  de  ces  mesures  avec  les  mesures  à 
temps  binaires  dans  lesquelles  on  introduit'  des  triolets  accidentels. 
Ces  rapports  fournissent  le  moyen  de  passer  à  l'improviste  d'un  sys- 
tème de  mesure  à  l'autre,  et  de  caractériser  une  même  phrase  mélodi- 
que par  deux  rhythmes  différents.  Ici,  pour  me  faire  comprendre,  je 
suis  obligé  de  prendre  mou  exemple  dans  une  phrase  mélodique ,  car 
une  notation  aphone  serait  insuffisante  pour  l'intelligence  de  l'effet  ; 
soit  donc  la  phrase  suivante  : 

Allegretto  quasi  andanle. 


^^^mmmm 


islesso  tempo 


Si  je  ne  me  trompe,  il  y  a  dans  ce  genre  de  mutation  de  rhythme, 
appliqué  à  des  phrases  mélodiques,  une  source  d'expression  sentimen- 
tale et  d'effet  dont  l'art  peut  s'enrichir  par  l'heureux  usage  qu'en  fera 
le  génie.  Au  moment  où  s'opérera  la  mutation,  la  sensation  de  surprise 
s'ajoutera  toujours  à  l'impression  générale  que  produira  la  musique 
par  ses  autres  qualités. 

Je  viens  de  toucher  à  un  ordre  de  faits  et  d'idées  qui  n'appartient 
plus  aux  mutations  d'un  même  rhythme  et  d'une  mélodie  identique 
par  le  simple  changement  du  temps  de  l'attaque.  Il  s'agit  maintenant, 
non  des  transformations  d'un  seul  rhythme,  mais  de  l'enchaînement 
d'un  rhythme  avec  un  autre,  soit  par  le  moyen  que  je  viens  d'indiquer, 
soit  par  tout  autre.  Mais  avant  d'aborder  ce  sujet  si  nouveau  de  la 
transition  des  rhythmes  dans  le  temps,  il  me  reste  à  faire  connaître 
un  autre  moyen  par  lequel  cette  transition  peut  s'opérer  d'une  ma- 
nière inattendue. 

Indépendamment  de  l'accent  involontaire  que  nous  distribuons  dans 
les  temps  de  la  mesure,  à  raison  de  notre  organisation  physique,  il  est 
une  sorte  d'accent  esthétique  dans  lequel  réside  l'expression  sentimen- 
tale et  poétique  de  la  composition.  Ce  sont  ces  nuances  de  la  sonorité 
qui,  par  un  mystère  de  notre  organisation  morale,  nous  émeuvent 
quelquefois  jusqu'à  nous  arracher  des  larmes ,  ou  qui  causent  dans 
tout  notre  être  des  élans  énergiques  et  nous  conduisent  jusqu'à  l'exal- 
tation. L'accent  esthétique  semble  ne  pouvoir  s'unir  que  d'une  manière 
absolue  au  sentiment  qui  a  produit  l'ouvrage  ;  s'il  a  la  signification  que 
nous  lui  attribuons,  on  serait  tenté  de  croire  qu'il  doit  être  invariable- 
ment fixé  pour  chaque  phrase,  et  qu'il  ne  pourrait  être  déplacé  sans 
qu'il  en  résultât  quelque  contre-sens,  quelque  impression  antipathique 
à  notre  sensibilité  ;  il  n'en  est  pourtant  pas  ainsi.  L'accent,  dans  l'exé- 


cution, naît  de  l'inspiration  spontanée,  comme  la  conception  de  l'ou- 
vrage en  toutes  ses  parties. 

J'ai  vu  jouer  les  mêmes  rôles  par  Monvel  et  par  Talma,  par  Mole  et 
par  Fleuri,  par  Michot  et  par  Baptiste  cadet,  par  Dugazon  etparDazin- 
court,  par  Mlle  Contât  et  par  Mlle  Mars.  Ces  artistes  étaient  tous  de 
premier  ordre  ;  leur  talent  donnait  toujours  l'idée  et  le  sentiment  d'une 
perfection  qui  a  disparu  du  théâtre.  Eh  bien,  chacun  d'eux,  puisant 
dans  son  âme  la  seule  règle  de  ses  accents ,  disait  différemment  de 
l'autre  les  mêmes  passages  ;  je  les  ai  même  entendus  plusieurs  fois 
dans  les  mêmes  rôles,  presque  toujours  différents  d'eux-mêmes  par 
les  inflexions  ou  les  accents,  et  néanmoins  toujours  admirables.  Il  en 
a  toujours  été  de  même  dans  le  chant  et  dans  le  jeu  des  instruments. 
Ainsi,  j'ai  entendu  Crescentini  et  Garât  chanter  l'air  :  Ombra  adorata, 
aspetta,  qui  fit  verser  des  pleurs  à  Napoléon  ;  tous  deux  y  atteignaient 
le  sublime  de  l'expression  ;  cependant,  leur  manière  de  sentir  et  d'ex- 
primer était  souvent  en  opposition.  Là  où  l'un  deux  diminuait  l'inten- 
sité du  son  jusqu'aux  plus  extrêmes  délicatesses,  l'autre  arrivait  par 
degrés  à  l'énergique  expression  du  désespoir,  et  tous  deux  faisaient 
naître  une  irrésistible  émotion.  Serait-ce  donc  que  le  coloris  de  la 
musique,  parles  nuances  de  la  sonorité,  n'aurait  pas  de  base  réelle? 
Serait-ce  qu'il  dépendrait  uniquement  de  la  disposition  individuelle  et 
momentanée  de  l'artiste  ?  Nullement;  les  accents  par  lesquels  se  colore 
la  musique  sont  toujours  vrais  et  beaux  lorsqu'ils  sont  inspirés  par  une 
organisation  d'élite,  quelque  différents  qu'ils  soient  dans  leur  appli- 
cation à  des  choses  identiques ,  car  nos  sentiments  sont  eux-mêmes 
susceptibles  d'une  infinité  de  nuances.  Or,  l'une  ou  l'autre  de  ces  nuan- 
ces venant  à  prédominer  dans  l'âme  de  l'artiste,  son  imagination  se 
monte  à  l'unisson  du  sentiment  qui  l'anime,  et  lui  fait  trouver  l'accent 
qui  en  est  l'expression  juste.  De  là  l'originalité  du  talent. 

Voilà  sans  doute  un  bien  long  préambule  pour  ce  que  j'ai  à  dire  du 
déplacement  de  l'accent  intense  qui  peut  exercer  une  très-grande  in- 
fluence sur  le  rhythme,  et  en  préparer  le  mutations.  C'est  qu'il 
est  important  d'établir  que  l'accent  n'est  pas  destiné  à  se  faire  sentir 
inévitablement  à  un  instant  donné  dans  une  composition  quelconque. 
Toute  phrase  admet  plusieurs  modes  d'expression,  et  l'une  ou  l'autre 
manière  de  placer  l'accent  peut  être  également  bonne.  Supposons  que 
le  compositeur  ait  conçu  la  première  forme  de  sa  pensée  de  cette 
manière  : 

Allegro. 

if  r  i  r  r i r  r . 

f       V         f       P        f        P        f 
rien  n'empêchera  qu'il  en  change  ensuite  l'effet  par  ce  déplacement 
d'accent  : 


ff  , 


îf   f 

V       f 


f  f  I  f  f 


r  r 

p    f  ■  p    f     p 

Ces  deux  modes  d'expression  seront  également  bons,  et  de  leur  op- 
position naîtront  des  impressions  variées. 

L'exemple  que  je  viens  de  donner  n'est  qu'une  variété  d'accentua- 
tions d'un  même  rhythme  ;  mais  il  se  peut  que,  une  phrase  rhythmique 
étantdonnée,  l'accentuation  change  l'impression  du  rhythme.  Cette  mu- 
tation a  lieu  lorsque  l'accent  intense  est  binaire,  c'est-à-dire  frappe 
de  deux  en  deux  sur  un  rhythme  ternaire,  ou  lorsqu'il  frappe  de  trois 
en  trois  sur  un  rhythme  binaire.  Voyons  un  exemple  de  la  première  de 
ces  combinaisons.  Je  suppose  que  la  phrase  soit  celle-ci,  et  que  le  com- 
positeur l'ait  d'abord  accentuée  de  cette  manière  : 
Allegro. 

i  r  r  r  i  r  r  r  i  r  r  f  i  r  r  f  1 

f    V  f  P  f  p  f  P 

Dans  le  cours  du  morceau  et  au  retour  de  la  phrase,  il  pourra  lui 
appliquer  le  rhythme  binaire,  et  l'effet  sera  celui-ci  : 


r  r 
p  f 


r  r  i  r  r  r  1 1  r  r 

f  p     f  p  f    p  r  p 


DE  PARIS. 


327 


Or,  en  dépit  de  ce  rhythme  d'accent  binaire,  l'auditoire,  encore  saisi 
par  le  sentiment  du  rhythme  ternaire  de  la  composition,  en  conservera 
l'impression  :  c'est  alors  que  le  compositeur  pourra  tromper  son  oreille 
et  passer  réellement  dans  la  mesure  et  dans  le  rhythme  binaire  ;  la 
musique  aura  changé  de  caractère  sans  que  l'auditeur  ait  senti  le  mo- 
ment de  la  transition.  Voici  un  exemple  de  cet  artifice.  Je  suppose  que 
la  phrase  soit  celle  que  j'ai  donnée  primitivement  avec  son  accentuation 
ternaire  conforme  au  rhythme,  puis  que  la  même  phrase  ait  été  répétée 
avec  l'accentuation  binaire. 


>c 


v   f  *     f  P   t     V     f   P 


^F 


i 


73.-4  -a-  4" 

f  T  r 


^â 


f  '■    V    '     P 

Supposons  maintenant  que  la  transition  inverse  soit  à  opérer,  c'est-à- 
dire  que,  la  mesure  et  le  rhythme  étant  binaires,  le  compositeur  veuille 
passer  par  une  phrase  caractéristique  dans  la  mesure  et  dans  le  rhythme 
ternaire  de  la  manière  la  moins  sensible  :  il  pourra  satisfaire  sa  fantaisie 
à  cet  égard  en  opposant  à  la  mesure  et  au  rhythme  binaire  une  accen- 
tuation à  temps  ternaires.  Supposons  que  la  mesure  et  le  rhythme 
soient  comme  dans  cet  exemple  : 


c 


cou  nwlo 
9  S  0  0   | 


(P 


0  s  0  a 

1  h  1 


s  s 

II 
fp 


tft 


r  p 


S  S  S  (S       9  9} 

1  m  F I  ri'l . 

fp  I  p     f  p  f  p    f 


etc. 

»   I! 


Le  compositeur  préparera  la  transition  par  le  retour  de  la  phrase  à 
laquelle  il  appliquera  l'accentuation  ternaire,  de  cette  manière  : 

etc. 

<ç  r  1  r  1 1  r  m  1 1  r  1  r  r  1 1 . 1  r  r  1 1 1  r  1 1  r  r  r  1 1  r  n 
fp  t  p  fp   fp    fp  f  p  fp   fp    f 

L'effet  de  cette  accentuation  boiteuse  jette  le  désordre  dans  le  senti- 
ment rhythmique  dont  l'auditoire  a  été  précédemment  saisi  :  le  moment 
est  favorable  alors  pour  faire  la  transition  dans  la  mesure  et  dans  le 
rhythme.  Si  nous  supposons  que  la  phrase  primitive  est  celle-ci  : 
A  llegro  conmoto. 


f     P 


'    P  f      P  f    f 


la  transition  se  fera  par  l'accentuation  ternaire,  comme  ici  : 


■      V  f       «  f      V 


f       P 


f^i 


f   p    f   p       f   p 


W 


q=H= 


f    P 


Tr=3 


r  p,  f-       f 

Il  est  évident  que  ces  procédés  sont  applicables  aux  mesures  binaires 
et  ternaires  à  temps  ternaires.  Je  ne  multiplierai  pas  les  exemples  pour 
démontrer  que  tous  les  rhythmes  basés  sur  ces  mesures  de  la  division 
du  temps  musical,  peuvent  être  transformés  par  le  moyen  du  déplace- 
ment de  l'accent,  soit  de  la  mesure  binaire  à  temps  ternaire  dans  la 
mesure  ternaire  du  même  genre,  soit  de  celle-ci  dans  la  première,  soit 
enfin  de  l'une  des  deux  dans  une  mesure  binaire  ou  ternaire  à  temps 
binaire.  Chacun  peut  appliquer  les  procédés  que  je  viens  d'indiquer  à 
des  rhythmes  basés  sur  des  mesures  de  ce  genre,  et  acquerra  la  con- 
viction que  la  transformation  du  rhythme  se  fera  toujours  d'une  ma- 
nière naturelle  et  presque  insensible. 

Le  déplacement  de  l'accent  n'est  pas  une  nouveauté  ;  on  en  trouve 


de  nombreux  exemples  dans  la  musique  instrumentale  de  Haydn,  de 
Mozart,  de  Beethoven  et  des  compositeurs  de  l'époque  actuelle;  mais 
aucun  de  ces  artistes  ne  l'a  conçu  comme  moyen  de  transition  dans  le 
rhythme  et  dans  la  mesure. 

Jusqu'ici  je  n'ai  parlé  que  de  la  transition  du  rhythme  par  les  muta- 
tions des  temps  de  la  mesure  et  par  le  déplacement  de  l'accent  :  ces 
transitions,  comme  on  a  pu  le  remarquer,  ont  pour  effet  d'introduire 
dans  la  musique  la  variété  du  rhythme  et  la  mutation  de  mesure,  en 
conservant  l'unité  de  la  pensée  et  l'analogie  du  sujet.  L'objet  que  se 
proposeront  les  compositeurs,  dans  l'usage  qu'ils  feront  de  ces  nou- 
veautés, sera  de  jeter  une  sorte  d'agitation  dans  l'àme  de  leurs  audi- 
teurs, parla  difficulté  de  saisir  immédiatement  la  combinaison  par  la- 
quelle s'opère  le  changement  ;  mais  il  existe  d'autres  moyens  de  passer 
d'un  système  de  mesure  à  un  autre  et  de  mettre  en  succession  immé- 
diate deux  rhythmes  de  caractère  différent.  Dans  cet  ordre  de  concep- 
tions rhythmiques,  l'objet  change;  car  il  ne  s'agit  plus  de  faire  éprouver 
l'émotion  d'incertitude;  ce  que  se  propose  l'artiste,  au  contraire,  dans 
l'usage  qu'il  fera  de  cet  autre  système,  sera  de  frapper  d'une  impres- 
sion soudaine,  par  l'opposition  des  rhythmes,  en  laissant  à  l'intelli- 
gence le  moyen  d'analyser  rapidement  la  cause  de  la  perturbation.  Ce 
second  mode  de  mutation  des  rhythmes  offre  plus  de  variété  que  le 
premier;  son  caractère  est  aussi  plus  original.  Au  premier  aspect,  il  a 
quelque  chose  d'étrange  ;  peut-être  même  pourra-t-il  paraître  en  oppo- 
sition avec  notre  sentiment,  par  cela  seul  qu'il  est  nouveau  et,  consé- 
quemment,  hors  de  nos  habitudes;  mais  il  est  hors  de  doute  que  les 
transitions  de  rhythmes  sont  dans  le  domaine  de  l'art,  comme  les  tran- 
sitions d'harmonies.  Avant  que  celles-ci  eussent  été  découvertes,  on 
n'en  comprenait  ni  la  nécessité,  ni  la  possibilité;  et  même,  lorsqu'un 
homme  de  génie  en  trouva  le  principe,  le  premier  sentiment  fut  celui 
de  la  répulsion.  Plus  tard,  l'art  tout  entier  s'est  transformé  par  là,  et 
l'on  a  fini  par  se  passionner  pour  ce  qu'on  avait  d'abord  repoussé.  Il 
en  sera  de  même  à  l'égard  des  transitions  de  rhythmes,  quand  on  s'y 
sera  accoutumé,  et  surtout  quand  de  grands  artistes  s'en  seront  em- 
parés pour  y  appliquer  les  trésors  de  leur  imagination.  J'en  expliquerai 
le  second  système  dans  un  prochain  article. 

(La  suite  prochainement.) 

FÉTIS  père. 


LES  SOIRÉES  DE  L'ORCHESTRE. 

(3'  fragment)  (1). 

Le  premier  grand  Romain  que  j'aie  connu  à  l'Opéra  de  Paris  se  nom- 
mait Auguste  :  le  nom  est  heureux  pour  un  César.  J'ai  vu  peu  de  majesté 
plus  imposante  que  la  sienne.  Il  était  froid  et  digne,  parlant  peu,  tout 
entier  à  ses  méditations,  à  ses  combinaisons  et  à  ses  calculs  de  haute 
stratégie.  Il  était  bon  prince  néanmoins,  et,  habitué  du  parterre  comme 
je  l'étais  alors,  j'eus  souvent  à  me  louer  de  sa  bienveillance.  D'ailleurs, 
ma  ferveur  à  applaudir  spontanément  Gluck  et  Spontini,  Mme  Branchu 
et  Dérivis,  m'avait  valu  son  estime  particulière.  Ayant  fait  exécuter  à 
cette  époque,  dans  l'église  de  Saint-Roch,  ma  première  partition  (une 
messe  solennelle) ,  les  vieilles  dévotes,  la  loueuse  de  chaises,  le  don- 
neur d'eau  bénite,  les  bedeaux  et  tous  les  badauds  du  quartier  s'en 
montrèrent  fort  satisfaits,  et  j'eus  la  simplicité  de  croire  à  un  succès. 
Mais,  hélas!  ce  n'était  qu'un  quart  de  succès  tout  au  plus;  je  ne  fus  pas 
longtemps  à  le  découvrir.  En  me  voyant,  deux  jours  après  cette  exécu- 
tion :  «  Eh  bien  !  me  dit  l'empereur  Auguste,  vous  avez  donc  débuté  à 
Saint-Roch  avant-hier?  Pourquoi,  diable,  ne  m'avez  vous  pasprévenu  de 
cela?  nous  y  serions  tous  allés  !  —  Ah  !  vous  aimez  à  ce  point  la  mu- 
sique religieuse?  — Eh!  non,  quelle  idée!  mais  nous  vous  aurions 
chaujfé  solidement.  —  Comment?  On  n'applaudit  pas  dans  les  églises. 
—  On  n'applaudit  pas,  non;  mais  on  tousse,  on  se  mouche,  on  remue 
les  chaises,  on  frotte  les  pieds  contre  terre,  on  dit  :  «  Hum  !  Hum  !  » 

(1)  Voir  les  n<"  38  et  39. 


328 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


on  lève  les  yeux  au  ciel  ;  le  tremblement  quoi  !  Nous  vous  eussions  fait 
mousser  un  peu  bien  ;  un  succès  entier,  comme  pour  un  prédicateur  à  la 
mode.  » 

Deux  ans  plus  tard,  j'oubliai  encore  de  l'avertir  quand  je  donnai  mon 
premier  concert  au  Conservatoire.  Néanmoins  Auguste  y  vint  avec  deux 
de  ses  aides-de-camp  ;  et  le  soir,  quand  je  reparus  au  parterre  de  l'O- 
péra, il  me  tendit  sa  main  puissante  en  me  disant  avec  un  accent  pa- 
ternel et  convaincu  (en  français,  bien  entendu)  :  «  Tu  Marcellus  eris  !  » 
(Ici  Bacon  pousse  du  coude  son  voisin  et  lui  demande  tout  bas  ce  que 
ces  trois  mots  signifient.  —  Je  ne  sais,  répond  celui-ci.  —  C'est  dans 
Virgile,  dit  Corsino  qui  a  entendu  la  demande  et  la  réponse.  Cela  si- 
gnifie :  Tu  seras  Marcellus  !  —  Eh  bien....  qu'est-ce  donc  que  d'être 
Marcellus?  —  Ne  pas  être  une  bête;  tais-toi.) 

Pourtant  les  maîtres  ès-claques  n'aiment  guère,  en  général,  les 
bouillants  amateurs  tels  que  j'étais;  ils  professent  une  méfiance  qui  va 
jusqu'à  l'antipathie  pour  ces  aventuriers,  condottieri,  enfants  perdus  de 
l'enthousiasme,  qui  viennent  à  l'étourdie  et  sans  répétitions,  applaudir 
dans  leurs  rangs.  Un  jour  de  première  représentation,  où  il  devait  y 
avoir,  pour  parler  la  langue  romaine,  un  fameux  tirage,  c'est-à-dire 
une  grande  difficulté  pour  les  soldats  d'Auguste  à  vaincre  le  public,  je 
m'étais  placé  par  hasard  sur  un  banc  du  parterre  que  l'empereur  avait 
marqué  sur  la  carte  de  ses  opérations,  comme  devant  lui  appartenir 
exclusivement.  J'étais  là  depuis  une  bonne  demi-heure,  subissant  les 
regards  hostiles  de  tous  mes  voisins,  qui  avaient  l'air  de  se  demander 
comment  ils  pourraient  se  débarrasser  de  moi,  et  je  m'interrogeais  avec 
un  certain  trouble,  malgré  la  pureté  de  ma  conscience,  sur  ce  que  je 
pouvais  avoir  fait  à  ces  officiers ,  quand  l'empereur  Auguste,  s'élançant 
au  milieu  de  son  état-major,  vint  me  mettre  au  courant  en  me  disant 
avec  une  certaine  vivacité,  mais  sans  violence  toutefois  (j'ai  déjà  dit 
qu'il  me  protégeait)  :  «  Mon  cher  monsieur,  je  suis  obligé  de  vous  dé- 
ranger ;  vous  ne  pouvez  pas  rester  là.  —  Pourquoi  donc  ?  —  Eh  non  ! 
c'est  impossible  ;  vous  êtes  au  milieu  de  ma  première  ligne,  et  vous 
me  coupes.  »  Je  me  hâtai,  on  peut  le  croire,  de  laisser  le  champ  libre 
à  ce  grand  tacticien. 

Un  autre  étranger,  méconnaissant  les  nécessités  de  la  position,  eût 
résisté  à  l'empereur  et  compromis  ainsi  le  succès  de  ses  combinaisons. 
De  là  cette  opinion  parfaitement  motivée  par  une  longue  série  d'obser- 
vations savantes,  opinion  ouvertement  professée  par  Auguste  et  par 
toute  son  armée  :  Le  public  ne  sert  à  rien  dans  un  théâtre;  non-seule- 
ment il  ne  sert  à  rien,  mais  il  ydte  tout.  Tant  qu'il  y  aura  du  public  à 
l'Opéra,  l'Opéra  ne  'marchera  pas.  Les  directeurs  de  ce  temps-là  le 
traiLaient  de  fou,  à  l'énoncé  de  ces  fières  paroles.  Grand  Auguste  !  Il  ne 
se  doutait  pas  que  peu  d'années  après  sa  mort  une  justice  si  éclatante 
serait  rendue  à  ses  doctrines  !  C'est  le  sort  de  tous  les  hommes  de 
génie  d'être  méconnus  de  leurs  contemporains  et  exploités  ensuite  par 
leurs  successeurs. 

Non,  jamais  plus  intelligent,  ni  plus  brave  dispensateur  de  gloire  ne 
trôna  sous  le  lustre  d'un  théâtre. 

En  comparaison  d'Auguste,  celui  qui  règne  maintenant  à  l'Opéra 
n'est  qu'un  Vespasien,  un  Claude.  Il  se  nomme  David.  Aussi  qui  oserait 
lui  donner  le  titre  d'empereur  ?  Personne.  C'est  tout  au  plus  si  ses  flat- 
teurs osent  l'appeler  roi,  à  cause  de  son  nom  seulement. 

Le  chef  illustre  et  savant  des  Romains  de  l'Opéra-Comique  s'appelle 
Albert  ;  mais,  comme  pour  son  ancien  homonyme,  on  dit  en  parlant  de 
lui  :  Albert  le  Grand. 

Il  a,  avant  tous,  mis  en  pratique  l'audacieuse  théorie  d'Auguste,  en 
excluant  hardiment  le  public  des  premières  représentations.  Ces  jours- 
là,  maintenant,  si  l'on  en  excepte  les  critiques,  qui,  pour  la  plupart, 
appartiennent  encore  d'une  ou  d'autre  façon  Vins  illuslribus  urbis 
Romœ,  du  haut  jusqu'en  bas  la  salle  n'est  remplie  que  de  claqueurs. 

C'est  à  Albert  le  Grand  que  l'on  doit  la  coutume  touchante  de  rappe- 
ler à  la  fin  de  chaque  pièce  nouvelle  tous  les  acteurs.  Le  roi  David  l'a 
promptement  imité  en  ceci  ;  et,  enhardi  par  le  succès  de  ce  premier 
perfectionnement,  il  y  a  joint  celui  de  rappeler  le  ténor  jusqu'à  trois 


fois  dans  la  soirée.  Un  dieu  qui,  dans  une  représentation  d'apparat, 
ne  serait  rappelé  comme  un  simple  mortel  qu'une  fois  à  la  fin  de  la 
pièce,  ferait  four.  D'où  il  suit  que  si,  malgré  tous  ses  efforts,  David  n'a 
pu  arriver  pour  un  ténor  généreux  qu'à  ce  mince  résultat,  ses  rivaux 
du  Théâtre-Français  et  de  l'Opéra-Comique  se  moquent  de  lui  le  len- 
demain et  disent:  «  Hier,  David  a  chauffé  le  four.  »  Je  donnerai  tout 
à  l'heure  l'explication  de  ces  termes  romains.  Malheureusement,  Al- 
bert le  Grand,  las  du  pouvoir  sans  doute ,  a  cru  devoir  déposer  son 
sceptre.  En  le  remettant  aux  mains  de  son  obscur  successeur,  il  eût 
volontiers  dit  comme  Sylla,  dans  la  tragédie  de  M.  de  Jouy  : 

J'ai  gouverné  sans  peur  et  j'abdique  sans  crainte, 

si  le  vers  eût  été  meilleur.  Mais  Albert  est  un  homme  d'esprit,  il  exècre 
la  littérature  médiocre  ;  ce  qui,  à  la  rigueur,  pourrait  expliquer  son 
empressement  à  quitter  l'Opéra-Comique. 

Un  autre  grand  homme  que  je  n'ai  point  connu,  mais  dont  la  célé- 
brité est  immense  dans  Paris,  gouvernait  au  Gymnase-Dramatique.  Il 
se  nomme  Sauton.  Il  a  fait  progresser  l'art  dans  une  voie  large  et 
nouvelle.  Il  a  établi  par  d'amicales  relations  l'égalité  et  la  fraternité 
entre  les  Romains  et  les  auteurs  ;  système  que  David  encore,  ce 
plagiaire,  s'est  empressé  d'adopter.  Maintenant  on  trouve  un  chef 
dejclaque  familièrement  assis  à  la  table,  non-seulement  de  Melpomène, 
de  Thalie  ou  de  Terpsichore,  mais  à  celle  même  d'Apollon  et  d'Or- 
phée. Il  engage  pour  eux  et  pour  elles  sa  signature;  il  les  aide  de 
sa  bourse  dans  leurs  secrets  embarras,  il  les  protège,  il  les  aime  de 
cœur. 

On  cite  ce  mot  admirable  de  l'empereur  Sauton  à  l'un  de  nos  écri- 
vains les  plus  spirituels  et  les  moins  enclins  à  thésauriser  : 

A  la  fin  d'un  cordial  déjeuner,  où  les  cordiaux  n'avaient  point  été 
ménagés,  Sauton  rouge  d'émotion,  tortillant  sa  serviette,  trouva  enfin 
assez  de  courage  pour  dire  sans  trop  balbutier  à  son  amphitryon  : 
«  Mon  cher  D...,  j'ai  une  demande  à  vous  faire...  — Laquelle?  parlez! 
—  Permettez-moi  de...  vous  tutoyer.,  tutoyons-nous!  — Volontiers. 
Sauton,  prête-moi  mille  écus.  —  Ah  !  cher  ami!  tu  me  ravis  !  (Et  tirant 
son  portefeuille)  :  Les  voilà  !  » 

Je  ne  puis  vous  faire,  Messieurs,  le  portrait  de  tous  les  hommes  il- 
lustres de  la  ville  de  Rome  ;  le  temps  et  les  connaissances  biographi- 
ques me  manquent.  J'ajouterai  seulement ,  au  sujet  des  trois  héros 
dont  je  viens  d'avoir  l'honneur  de  vous  entretenir,  qu'Auguste,  Albert 
et  Sauton,  bien  que  rivaux,  furent  toujours  unis.  Ils  n'imitèrent  point, 
pendant  leur  triumvirat,  les  guerres  et  les  perfidies  qui  déshonorent 
dans  l'histoire  celui  d'Antoine,  d'Octave  et  de  Lépide.  Loin  de  là, 
quand  il  y  avait  à  l'Opéra  une  de  ces  terribles  représentations  où  il  faut 
absolument  remporter  une  victoire  éclatante,  formidable,  épique,  à 
rendre  Pindare  et  Homère  impuissants  à  la  chanter,  Auguste,  dédai- 
gneux des  recrues  inexpérimentées,  faisait  un  appel  à  ses  deux  trium- 
virs. Ceux-ci,  fiers  d'en  venir  aux  mains  près  d'un  si  grand  homme, 
consentaient  à  le  reconnaître  pour  chef,  lui  amenaient,  Albert,  sa  pha- 
lange indomptable  ;  Sauton ,  ses  troupes  légères,  toutes  animées  de 
cette  ardeur  à  laquelle  rien  ne  résiste  et  qui  enfante  des  prodiges.  On 
réunissait  en  une  seule  armée  ces  trois  corps  d'élite,  la  veille  de  la 
représentation,  dans  le  parterre  de  l'Opéra.  Auguste,  son  plan,  son  li- 
vret, ses  notes  à  la  main,  faisait  faire  aux  troupes  une  répétition  labo- 
rieuse, profitant  quelquefois  des  observations  d'Antoine  et  de  Lépide, 
qui  en  avaient  peu  à  lui  adresser,  tant  le  coup  d'œil  d'Auguste  était 
rapide  et  sûr,  tant  il  avait  de  pénétration  pour  deviner  les  projets  de 
l'ennemi,  de  génie  pour  les  contrecarrer,  de  raison  pour  ne  pas  tenter 
l'impossible.  Aussi  quel  triomphe  le  lendemain!  que  d'acclamations, 
que  de  dépouilles  opimes!  qu'on  n'offrait  point  à  Jupiter  Stator,  qui  ve- 
naient de  lui,  au  contraire,  et  de  vingt  autres  dieux. 

Ce  sont  des  services  sans  prix  rendus  à  l'art  et  aux  artistes  par  la 
nation  romaine" 

Croiriez-vous,  Messieurs,  qu'il  est  question  de  la  chasser  de  l'Opéra? 
Plusieurs  journaux  annoncent  cette  réforme,  à  laquelle  nous  ne  croi- 
rons pas,  même  si  nous  en  sommes  témoins.  La  claque,  en  effet,  est 


DE  PARIS. 


329 


devenue  un  besoin  de  l'époque  :  sous  toules  les  formes,  sous  lous  les 
masques,  sous  tous  les  prétextes,  elle  s'est  introduite  partout.  Elle 
règne  et  gouverne,  au  théâtre,  au  concert,  dans  les  sociétés  indus- 
trielles, dans  la  presse  et  jusque  danslessalons.  Dès  que  vingt  person- 
nes assemblées  sont  appelées  à  déciderde  la  valeur  des  faits,  gestes  ou 
idées  d'un  individu  quelconque  qui  pose  devant  elles,  on  peut  être  sûr 
que  le  quart  au  moins  de  l'aréopage  est  placé  auprès  des  trois  autres 
quarts  pour  les  allumer  s'ils  sont  inflammables,  ou  pour  montrer  seul 
son  ardeur,  s'ils  ne  le  sont  pas.  Dans  ce  dernier  cas,  excessivement 
fréquent,  cet  enthousiasme  isolé  et  de  parti  pris  suffit  encore  à  flatter 
la  plupart  des  amours-propres.  Quelques-uns  parviennent  à  se  faire 
illusion  sur  la  valeur  réelle  des  suffrages  ainsi  obtenus;  d'autres  ne  s'en 
font  aucune  et  les  désirent  néanmoins.  Ceux-là  en  sont  venus  à  ce  point 
que,  faute  d'avoir  à  leurs  ordres  des  hommes  vivants  pour  les  applau- 
dir, ils  seraient  encore  heureux  des  applaudissements  d'une  troupe  de 
mannequins,  voire  même  d'une  machine  à  claquer  dont  ils  tourneraient 
eux-mêmes  la  manivelle. 

Telle  est  l'impression  inexplicable  que  ressentent  presque  tous  les 
artistes  des  bruits  approbateurs  ou  improbateurs,  lors  même  que  ces 
bruits  n'expriment  ni  l'admiration  ni  le  blâme.  L'habitude,  l'imagina- 
tion et  un  peu  de  faiblesse  d'esprit  leur  font  ressentir  de  la  joie  ou  de 
la  peine,  selon  que  l'air,  dans  une  salle  de  spectacle,  est  mis  en  vibra- 
tion d'une  ou  d'autre  façon.  Le  phénomène  physique,  indépendamment 
de  toute  idée  de  gloire  ou  d'opprobre,  y  suffit.  Je  suis  certain  qu'il  y  a 
des  acteurs  assez  enfants  pour  souffrir  quand  ils  voyagent  en  chemin 
de  fer,  à  cause  du  sifflet  de  la  locomotive. 

L'art  de  la  claque  réagit  même  sur  l'art  de  la  composition  musicale. 
Ce  sont  les  nombreuses  variétés  de  claqueurs  italiens,  amateurs  ou  ar- 
tistes, qui  ont  conduit  les  compositeurs  à  finir  chacun  de  leurs  mor- 
ceaux par  cette  période  redondante,  triviale,  ridicule  et  toujours  la 
même,  nommée  cabalelta,  petite  cabale,  qui  provoque  les  applaudisse- 
ments. La  cabalelta  ne  leur  suffisant  plus,  ils  ont  amené  l'introduction 
dans  les  orchestres  de  la  grosse  caisse,  grosse  cabale  qui  détruit  en  ce 
moment  la  musique  et  les  chanteurs.  Blasés  sur  la  grosse  caisse  et  im- 
puissants à  enlever  les  succès  avec  les  vieux  moyens,  ils  ont  enfin  exigé 
des  pauvres  maestri  des  duos,  des  trios,  des  chœurs  à  l'unisson.  Dans 
quelques  passages,  il  a  même  fallu  mettre  à  l'unisson  les  voix  et  l'or- 
chestre; produisant  ainsi  un  morceau  d'ensemble  àwraeseule  partie, 
mais  où  l'énorme  force  d'émission  du  son  paraît  préférable  à  toute  har- 
monie, à  toute  instrumentation,  à  toute  idée  musicale  enfin,  pour  en- 
traîner le  public  et  lui  faire  croire  qu'il  est  électrisé. 

Les  exemples  analogues  abondent  dans  la  confection  des  œuvres 
littéraires. 

Pour  les  danseurs,  leur  affaire  est  toute  simple;  elle  se  règle  avec 
\' imprésario  :   «  Vous  me  donnerez  tant  de  mille  francs  par  mois,  tant 
de  billets  de  service  par  représentation,  et  la  claque  me  fera  une  entrée, 
une  sortie,  et  deux  salves  à  chacun  de  mes  échos.  » 
{La  suite  au  prochain  numéro.) 

H.  BERLIOZ. 


ELIE, 

DE    l?f  EJVDEIiSSOHN. 

3'  article.  (1) 

La  seconde  partie  commence  par  un  air  de  contralto  d'un  rhythme 
assez  mollement  balancé,  mais  dont  la  pensée  flotte  un  peu  indécise 
au  milieu  de  vagues  harmonies. 

Le  chœur  n°  22  pourrait  être  retranché  sans  grande  perte  pour  l'ou- 
vrage. Le  caractère  en  est  peu  noble,  et  il  emprunte  à  ce  rhythme  si 
connu  :  une  croche  pointée  suivie  de  la  double  croche,  un  caractère 
héroïque  qui,  dans  un  tel  sujet,  est  déplacé.  Il  n'en  est  pas  de  même 

(1)  Voir  les  n"  38  et  39. 


du  chœur  n°  24  :  «  Qu'il  périsse,  qu'il  périsse  !  »  Les  cris  de  la  foule 
en  imitations  serrées  (ici  elles  sont  parfaitement  à  leur  place,  la  scène 
étant  toute  d'imprécations  et  de  violences),  sont  d'une  rare  énergie; 
l'accompagnement  de  cet  impétueux  morceau  présente  une  figure  de 
doubles  croches  tourbillonnantes  qui  n'est  pas  sans  analogie  avec  l'ac- 
compagnement étrange  sur  lequel  Beethoven  a  fait  danser  ses  dervi- 
ches dans  les  Ruines  d'Athènes. 

Je  tourne  vite  plusieurs  feuillets;  je  passe  sur  plusieurs  morceaux 
sans  grande  valeur,  et  j'arrive  au  bijou,  à  la  perle  de  cette  partition,  le 
trio  des  anges.  Depuis  Y  Ave  verum  de  Mozart,  l'on  n'avait  rien  écrit 
de  plus  exquis.  Que  la  musique  excelle  même  à  peindre  les  nuances 
les  plus  délicates  d'un  même  sentiment  !  Dans  l'Ave  verum,  le  senti- 
ment religieux  est  plus  grave ,  plus  touchant ,  plus  douloureux.  Un 
souvenir  des  souffrances  du  Messie  en  rend  l'expression  à  la  fois  poi- 
gnante et  douce.  Dans  le  trio  des  anges  qui  protègent  le  sommeil 
d'Élie,  l'expression  est  également  divine,  mais  aucune  pensée  de  dou- 
leur n'en  trouble  la  limpidité.  On  ne  saurait  trop  admirer  d'abord 
l'onction  du  chant  ;  ensuite,  le  soin  extrême  avec  lequel  le  composi- 
teur a  su  concentrer  les  voix  de  soprani  dans  les  limites  les  plus  mé- 
lodieuses. En  musique,  choisir  les  timbres  comme  les  rhythmes,  tout 
aussi  bien  qu'inventer  une  mélodie,  c'est  créer.  Sans  doute,  le  trio  des 
anges,  transposé  une  tierce  plus  haut,  ne  perdrait  rien  de  sa  valeur 
absolue,  mais  l'effet  serait  détruit.  Ici  la  mélodie  est  effacée;  c'est  le 
timbre  qui  lui  donne  ce  caractère  séraphique. 

Le  chœur  qui  suit  semble  comme  un  écho,  dans  la  pensée  humaine, 
des  vœux  formés  par  les  anges  pour  le  sommeil  du  prophète  ;  mais  la 
musique  perd  un  peu  de  son  caractère  extatique.  Remarquez  que  le 
trio  est  écrit  sans  accompagnement,  et  que  la  seule  introduction  des 
instruments  à  cordes  suffit  pour  faire  descendre  la  pensée  des  humains 
du  ciel  sur  la  terre.  Par  instinct  nous  sentons  que  le  plus  beau  des 
instruments,  celui  qui,  naturellement,  traduira  le  mieux  les  émotions  de 
l'âme,  celui  qui  célébrera  le  plus  dignement  la  divinité,  c'est  la  voix 
humaine.  Aussi,  les  grands  compositeurs  la  font-ils  intervenir  pres- 
que seule,  lorsqu'ils  ont  à  exprimer  un  sentiment  purement  divin.  C'est 
une  loi  dont  le  raisonnement  nous  a  donné  la  connaissance  ;  mais,  chez 
les  anciens  maîtres,  c'est  la  conscience  et  la  foi  qui  la  leur  ont  donné. 

Les  instruments  à  cordes,  fruit  du  travail  de  l'homme,  n'offrent  pas 
ce  caractère  d'élan  et  de  spontanéité.  Et  il  est  bon  de  signaler  que 
leur  perfectionnement  a  coïncidé  avec  la  décadence  du  style  religieux 
qui,  à  l'époque  de  Palestrina,  brillait  d'un  immortel  éclat. 

Le  chœur  (n°  34)  est  très-remarquable,  parce  que  le  principe  des 
imitations,  qui  gouverne  assez  despotiquement  le  style  religieux,  est  mis 
ici  au  service  d'une  pensée  musicale  moderne.  Ce  morceau  ne  se  pour- 
suit pas  d'une  manière  uniforme  et  d'un  bout  à  l'autre,  comme  les 
fugues  anciennes  ;  il  suit  toutes  les  indications  du  texte.  «  Tout  l'Horeb 
s'ébranla.  »  La  phrase  musicale  est  énergiquement  accusée.  «  Mais 
Dieu  n'était  pas  dans  l'orage.  »  Ici  la  voix  du  chœur  s'abaisse  dans 
un  majestueux  murmure.  Cette  scène,  commencée  avec  une  énergie 
puissante,  s'assoupit  et  prend  à  la  fin  un  caractère  suave  et  pieux. 

Le  récitatif  et  chœur  qui  suit  (n°  35)  est  un  double  quatuor  très-ha- 
lement  fait,  mais  inférieur,  comme  style,  à  celui  que  j'ai  signalé  (n°  7). 
On  y  rencontre  certaines  formules  scolastiques  qui  se  présentent  à 
l'inspiration  du  compositeur  lorsqu'il  commence  à  s'épuiser. 

11  faut  l'avouer,  l'intérêt  décroît  dans  les  dernières  scènes.  Par  de 
pittoresques  détails,  tels  que  l'enlèvement  d'Elie,  le  compositeur  sait 
nous  intéresser  encore  ;  mais  pour  rendre  cette  seconde  partie  digne 
en  tout  de  la  première,  il  eût  fallu  que  Mendelssohn  eût  osé  tenter  un 
nouveau  courant  de  pensées  qui  l'eût  entraîné  plus  haut  et  plus  loin 
que  les  limites  qu'il  s'était  tracées.  La  venue  d'Elysée,  le  nouveau 
prophète  auquel  Dieu  a  remis  sa  parole,  pouvait  lui  suggérer  un  final 
pompeux  qui  dépassât  encore  la  grande  scène  de  BaaI.  Chose  étrange, 
les  compositeurs  qui  ont  cultivé  avec  le  plus  de  succès  le  style  de  l'ora- 
torio ont  prodigué  au  début  toutes  les  ressources  de  l'imagination  sans 
songer  presque  que  la  terminaison  de  l'œuvre  réclamait  également 


330 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


toute  leur  inspiration.  La  Création  d'Haydn,  si  merveilleusement  com- 
mencée, après  avoir  parcouru  un  grand  nombre  de  petits  morceaux 
sans  intérêt,  se  termine  malheureusement.  Le  chœur  final  de  la  Passion 
de  Bach  est  très-beau  et  très-touchant,  mais  il  n'a  pas  le  caractère  pro- 
fondément sublime  de  l'introduction.  Quel  prodigieux  effet  produirait 
cette  grande  œuvre  encadrée  entre  ce  magnifique  début  pour  préface, 
et  pour  épisode,  une  hymne  triomphale  qui  célébrerait  la  résurrection 
du  Christ  !  Moins  primitif,  plus  familier  avec  la  science  du  succès,  Men- 
delssohn  eût  dû  comprendre  qu'il  devait  quelque  chose  à  son  auditoire, 
si  consciencieux  qu'il  ait  pu  le  supposer.  Tous  les  procédés  de  l'art 
musical,  il  en  avait  usé,  avec  convenance  il  est  vrai.  La  Passion,  de 
Bach,  dans  son  introduction,  lui  offrait  une  combinaison  nouvelle,  com- 
binaison rare,  difficile,  accessible  seulement  aux  plus  grands  maîtres, 
celle  du  double  chœur,  auquel  se  joint  un  choral  qui  plane,  dans  sa  gra- 
vité majestueuse,  au  milieu  des  combinaisons  multiples  des  voix.  C'eût 
été  une  fin  digne  de  l'ouvrage.  Peut-être  l'absence  d'un  grand  morceaà 
pour  le  chœur  est-il  le  seul  sérieux  reproche  que  l'on  puisse  adresser  à 
Mendelssohn,  et  je  ne  doule  pas  que  si  sa  main  n'eût  été  glacée  par  la 
mort,  il  n'eût  modifié  son  dénouement. 

Telle  est  l'analyse,  imparfaite  sans  doule,  de  cette  grande  partition. 
Je  n'ai  consigné  dans  cette  revue  que  les  points  qui  m'ont  paru  les 
plus  importants  pour  l'avenir  d'un  art  qui  est  l'objet  de  mes  sympa- 
thies les  plus  ardentes.  J'aurais  pu  signaler  mille  détails  dignes  des 
méditations  des  artistes,  mais  j'aurais  dépassé  les  bornes  que  je  me 
suis  assignées.  Je  terminerai  par  un  vœu  et  par  un  regret.  Le  vœu, 
c'est  qu'une  partie  de  ces  subventions,  de  ces  encouragements  qui 
vont  au  théâtre  pour  y  soutenir  des  pièces  d'une  morale  plus  que  dou- 
teuse, des  compositeurs  d'un  talent  plus  qu'équivoque,  se  détournent 
pour  raviver  en  France  les  sources  du  grand  style,  pour  préparer  un 
avenir  aux  compositeurs  que  le  goût  de  la  belle  musique  attirerait, 
ceux  qui  ont  la  simplicité  de  supposer  que  l'Opéra  et  l'Opéra -Comique 
ne  sont  pas  les  seuls  temples  de  l'art,  et  qu'au  delà  de  leurs  coulisses 
il  n'y  a  rien  à  tenter. 

Le  regret  le  voici  :  M.  Maurice  Bourges  nous  a  donné  une  excellente 
traduction  d' Etie;  c'est  celle  qui  est  jointe  à  la  partition  de  piano.  11  fal- 
lait son  habileté  d'écrivain  et  surtout  ses  connaissances  de  musicien, 
pour  mener  à  bonnefin  un  travail  si  difficile. Mais  enfin,  j'ai  sous  les  yeux 
la  grande  partition.  Le  texte  est  en  allemand,  et  au-dessous  nous  trou- 
vons... le  texte  anglais.  Ainsi  l'éditeur  a  pensé  que  le  nom  de  Mendels- 
sohn réveillerait  bien  les  échos  de  Londres  ou  de  Manchester,  mais  qu'à 
Paris  le  silence  lui  répondrait.  C'est  aux  amateurs  de  musique  qui 
m'auraient  suivi  jusqu'au  bout  dans  ce  travail,  et  qui  peut-être  au- 
raient puisé  le  désir  d'approfondir  l'œuvre  eux-mêmes,  à  démentir  la 
prédiction.  Léon  KREUTZER. 

THÉÂTRE  DE  LA  PORTE-SâlMARTIN, 

BlEVBB.UfSSD    IBM ,    ntitsUgMe    f8e   -W.    «le    Groot. 

Eglise  fie  Saint-Vlncent-de-Puni.  —  tlciinj  Lin«l. 
313,    îiéopold    Aimon. 

Si  la  terreur  et  la  pitié,  au  dire  d'Aristote,  sont  les  éléments  es- 
sentiels au  succès  de  la  tragédie,  de  toute  œuvre  dramatique,  historique 
et  sérieuse,  le  Richard  III,  imité  de  Shakspeare  et  joué  mardi  dernier  au 
théâtre  delà  Porte-Saint-Martin,  a  complètement  réussi.  La  plupart  des 
scènes  de  ce  drame  sombre  et  terrible  sont  autant  de  lames  d'acier  qui 
flambloient  aux  yeux  du  spectateur  en  traversant  son  cœur  et  son  ima- 
gination. La  pensée,  le  souvenir,  l'image  fréquemment  retracée  du 
meurtre  des  enfants  d'Edouard  domine  dans  tout  l'ouvrage,  plane  in- 
cessamment sur  l'action.  Rutland,  le  confident,  l'agent  des  cruautés  du 
duc  de  Glocester,  est  jeté  dans  une  oubliette  comme  l'Amy  Robsart  du 
Château  de  Kenilworth,  de  Walter  Scott  ;  la  reine-mère  vient  mourir 
sous  les  yeux  de  son  fils  en  le  maudissant,  pendant  que  la  femme  de 
ce  mauvais  fils  succombe,  empoisonnée  par  lui  ;  il  administre  aussi  du 
poison  à  son  ami,  son  confident,  qu'il  voit  mourir  sous  ses  yeux,  chez  le 


vieux  juif  Awkins,  et  fait  de  plus  empoisonner  sa  nièce  Elisabeth  parce 
qu'elle  refuse  de  l'épouser.  Enfin,  percé  de  coups  à  la  bataille  de  Bos- 
worth ,  il  vient  mourir  devant  les  spectateurs ,  mourir  à  la  manière  théâtrale 
des  acteurs  anglais,  en  se  tordant  et  luttant  contre  la  mort.  L'auteur  et 
l'acteur  ont  bien  compris  ces  caractères,  ces  tableaux  si  fortement 
dessinés  par  le  puissant  Shakspeare  :  c'est  Desdemone,  c'est  Roméo, 
c'est  Rachel  enfin,  dans  son  Adrienne  Lecouvreur,  peignant  toutes  les 
affres  du  trépas.  Il  est  impossible  de  mourir  d'une  façon  plus  énergique 
et  plus  tragique  que  Ligier,  qui  joue  admirablement  Richard  III  ;  il  est 
impossible  de  mourir  d'une  manière  plus  noble,  plus  touchante  et  plus 
effrayante  que  Mme  Person  dans  le  rôle  de  la  duchesse  d'York;  on  ne 
peut  quitter  la  vie  plus  lestement  que  le  personnage  de  Rutland , 
avec  des  convulsions  plus  que  vraies,  que  le  confident  du  Glocester,  et 
d'une  manière  plus  gracieuse  que  Mlle  Lia  Félix  dans  son  rôle  de  la 
jeune  Elisabeth,  étendue  dans  sa  tombe  avant  le  temps. 

Malgré  tous  ces  trépas,  et  peut-être  à  cause  de  toutes  ces  morts,  la 
pièce  vivra,  car  elle  est  bien  constituée  ;  et  ce  qui  ne  contribuera  pas 
peu  au  charme  de  son  existence  ,  c'est  que  sur  cette  action  riche  et 
puissante  se  meut  une  musique  bien  senlie,  bien  faite,  colorée  et  dra- 
matique, écrite  par  M.  Groot,  le  chef  d'un  fort  bon  orchestre  qu'il  di- 
rige habilement,  et  qui  exécute  d'une  manière  remarquable  une  remar- 
quable ouverture  de  ce  jeune  compositeur. 

Mme  Lucie  Mabire  continue  ses  débuts  dans  cette  pièce  et  fait  ap- 
précier de  nouveau  sa  bonne  diction  et  sa  profonde  sensibilité.  Le  rôle 
important  de  Scropp  est  joué  par  Bignon  avec  un  entrain,  une  chaleur 
qui  vivifient  l'ouvrage  et  le  pousseront  dans  une  longue  voie  de  repré- 
sentations. Le  théâtre  de  la  Porte-Sair.t-Martin  est  exceptionnel  par  ses 
grands  succès  et  ses  grands  acteurs.  Il  y  a  d'anciens  échos  de  musique 
et  de  danse  dans  cette  salle  qui  a  été  bâtie  pour  l'Opéra;  elle  a  retenti 
de  grands  et  beaux  succès  littéraires.  Ligier  y  a  créé  le  Marino  Faliero 
qu'il  reprendra  sans  doute.  En  attendant,  on  respire  dans  cette  salle  le 
parfum  des  fleurs,  et  on  y  entend  le  murmure  des  jets  d'eau  qui  se 
jouent  parmi  ces  fleurs  ornant  la  devanture  de  la  galerie  et  des  loges. 
Il  y  a  quelque  chose  d'oriental  et  d'italien  dans  cette  salle  décorée 
ainsi. 

Comme  l'abbé  Pellegrin, 

Qui  dînait  de  l'autel  et  soupait  du  théâtre, 

passons,  sans  autre  transition,  du  théâtre  à  l'église.  L'église  accueille 
aussi  les  arts,  et  s'en  trouve  bien.  Celle  de  Saint-Vincent-de-Paul  et 
celle  de  la  Villette  s'ornent  en  ce  moment  de  peintures  à  fresque  qui 
nous  rappellent  les  basiliques  orientales  et  occidentales  du  temps  de  la 
renaissance.  C'est  dans  l'église  de  Saint- Vincent-de-Paul  que  l'habile 
organiste  Lemmens,  de  Bruxelles,  s'est  fait  entendre  l'année  passée, 
et  qu'il  a  eu  pour  auditoire  l'élite  des  artistes  et  de  la  presse  musicale 
de  Paris,  qui  a  dignement  apprécié  et  le  virtuose  et  le  bel  instrument 
de  M.  Cavaillé-Coll.  Un  autre  artiste  de  talent,  M.  Charles  Widor,  or- 
ganiste de  Saint-François,  à  Lyon,  s'est  aussi  donné  le  plaisir,  lundi 
dernier,  de  venir  s'essayer  sur  l'orgue  de  Saint- Vincent-de-Paul,  pour 
quelques  auditeurs  que  M.  Cavaillé-Coll  avait  invités  pour  lui. 
M.  Charles  Widor  n'aborde  pas  la  fugue,  par  soumission  à  certaines 
tendances  et  prédilections  ;  il  fait  de  la  musique  libre  de  toutes  entraves, 
mais  non  de  toutes  règles  harmoniques.  Sa  mélodie  est  de  bon  goût, 
distinguée  même,  et  son  harmonie  pure  et  sévère,  mais  un  peu  froide. 
M.  Lefebure-Wely  nous  disait  dernièrement  qu'il  n'est  resté  organiste 
à  Saint-Roch  qu'à  la  condition,  à  lui  imposée,  de  ne  jamais  jouer  la 
moindre  fugue.  Il  faut  cependant  qu'un  organiste  connaisse  cette  partie 
essentielle  de  l'art,  non  pour  faire  une  fugue  en  style  rococo,  mais  pour 
savoir  tirer  parti  d'une  idée  s'il  lui  en  vient  une,  pour  la  traiter  avec 
clarté,  sobriété,  pour  ne  pas  tomber  dans  la  routine  des  cadences  par- 
faites, fort  imparfaites  au  point  de  vue  du  goût  et  de  la  variété,  pour 
trouver,  enfin,  de  ces  mélodies  contrastées  que  fait  naître  le  contre- 
point, etc.,  etc.,  etc.,  et  une  foule  d'autres  etc. 

—  Jenny  Lynd  vient  d'envoyer  400,000  rixdalers  de  banque  (un 
million  de  francs)  à  M.  Thomander,  archi-prêtre  de  la  cathédrale  de 


Dli   PARIS. 


331 


Stockholm,  et  au  docteur  Wieselgrcen,  premier  pasteur  de  la  même 
église,  pour  fonder  une  école  gratuite  déjeunes  filles  suédoises,  ses 
compatriotes.  Cela  est  grand,  cela  est  beau.  Jcnny  Lind  se  fait  ainsi 
prêtresse  de  la  charité  matérielle  et  intellectuelle,  après  avoir  ac- 
compli dans  les  deux  mondes  sa  noble  mission  d'artiste,  de  cantatrice 
sans  pair. 

—  M.  Léopold  Aimon  est  un  de  nos  bons  compositeurs.  Après  avoir 
donné  sur  notre  première  scène  lyrique  les  Jeux  floraux,  il  s'est  sou- 
mis à  une  audition  pour  un  second  ouvrage  intitulé  :  Abufar.  L'effet 
produit  par  celte  partition  a  été  des  plus  honorables  pour  le  composi- 
teur ;  mais  là  s'est  borné  le  résultat  de  cette  audition.  L'intelligent  di- 
recteur du  grand  théâtre  do  Marseille,  s'est  emparé  de  cette  belle 
partition  et  va  monter  l'opéra  de  MM.  Aimon  et  Vaëz. 

Henri  BLANCHARD. 

NOUVELLES. 

%*  Demain,  lundi,  à  l'Opéra,  Robert-h- Diable. 

*„*  La  Favorite,  le  Juif  errant,  le  Prophète,  donnés  lundi,  mercredi  et 
vendredi,  avaient  attiré  une  foule  immense.  Le  mois  de  septembre  a  été 
l'un  des  plus  productifs  de  l'année  pour  l'Opéra. 

%*  Avec  la  Favorite  on  donnait,  lundi,  le  1er  acte  de  la  Péri,  pour  la- 
quelle M.  Burgmullcr  a  écrit  une  si  charmante  musique. 

%*  Les  études  de  Mo'Ue  se  poursuivent  sans  relâche.  On  répète  au 
théâtre  les  jours  où  il  n'y  a  pas  spectacle. 

*J*  Le  nouveau  ballet  dont  Adam  écrit  la  musique  et  dans  lequel  Fanny 
Cerrito  fera  sa  rentrée  est  annoncé  sous  le  titre  (.YOrpha.  La  mise  en  scène 
doit  en  être  magnifique  et  dépasser  la  splendeur  des  féeries  lesplus  célèbres. 
***  Le  Père  Gaillard  est  toujours  en  tète  du  répertoire  de  l'Opéra-Co- 
mique  et  son  entourage  ne  manque  pas  de  variété. 
%*  La  rentrée  de  Mme  Ugalde  aura  lieu  incessamment. 
%*  L'ouvrage  en  trois  actes,  dont  la  musique  est  de  M.  Clapisson,  doit 
être  représenté  dans  les  premiers  jours  d'octobre. 

%,*  On  a  lu  aux  acteurs  l'ouvrage  de  MM.  Scribe  et  Auber,  dans  lequel 
Mlle  Caroline  Duprez  jouera  le  principal  rôle. 

*,*  Un  journal  de  théâtre  annonçait  hier  que  Meyerbeer  avait  présenté 
trois  actes  d'opéra  comique  à  M.  Perrin.  Kous  pouvons  affirmer  de  la  ma- 
nière la  plus  positive  que  Meyerbeer  n'a  rien  présenté. 

%*  La  réouverture  du  Théâtre- Italien  aura  lieu  le  1er  novembre  par  uu 
ouvrage  nouveau  de  Frédéric  Ricci. 

***  Si  j'étais  roi  l  l'opéra  d'Adolphe  Adam,  a  continué  la  semaine  der- 
nière de  former  seul  le  répertoire  du  Théâtre-Lyrique. 

*„*  Hier  samedi,  on  a  donné  la  première  représentation  de  Flore  et  Zè- 
phir,  ouvrage  en  un  acte. 

\*  Hier  aussi,  l'Académie  des  beaux  arts  a  tenu  sa  séance  annuelle 
pour  la  distribution  des  prix  et  l'exécution  de  la  cantate  couronnée.  Nous 
en  rendrons  coinpie  dimanche  prochain. 

***  La  réouverture  des  classes  du  Conservatoire  de  musique  et  de  dé- 
clamation a  eu  lieu  vendredi  en  même  temps  que  celle  de  la  Bibliothèque. 
***  Meyerbeer,  qui  était  allé  prendre  les  bains  de  mer  à  Boulogne, 
est  arrivé  depuis  huit  jours  à  Paris,  où  il  s'arrêtera  quelques  semaines 
avant  de  retourner  à  Berlin. 

***  Notre  savant  collaborateur,  George  Kastner,  est  revenu  de  Stras- 
bourg pour  quelque  temps  seulement. 

%*  On  vient  de  composer  à  Berlin  un  texte  explicatif,  destiné  à  lier 
entre  eux  les  différents  morceaux  écrits  par  Meyerbeer  pour  le  drame  de 
Struensée.  Ce  travail,  fort  habilement  conçu,  réunit  dit-on,  toutes  les 
conditions  désirables,  indépendamment  de  son  mérite  principal  qui  aura 
pour  résultat  de  rendre  possible  dans  les  concerts  l'exécution  du  chef- 
d'œuvre. 

***  C'est  le  vendredi  22  octobre  qu'aura  lieu  l'exécution  du  Requiem 
de  Berlioz,  â  la  mémoire  de  M.  le  baron  de  Trémont,  dans  l'église  de  St- 
Eustache. 

*„*  Ernst  est  toujours  à  Genève,  où  son  talent  rencontre  les  plus  vives 
sympathies.  Quoiqu'il  s'y  soit  fait  entendre  bien  souvent,  il  annonce  un 
nouveau  concert  pour  le  8  de  ce  mois. 

%*  Henri  Rosellen,  qui  était  allé  passer  les  vacances  â  Trouville,  est 
de  retour  à  Paris.  Une  nouvelle  œuvre  du  fécond  compositeur  vient  de 
paraître  :  c'est  une  fantaisie  brillante  inspirée  par  les  motifs  du  Juif  er- 
rant, et  admirablement  réussie  comme  tout  ce  qui. sort  de  la  plume  de  cet 
excellent  auteur. 

*„*  Le  journal  de  Constantinople  nous  apporte  des  nouvelles  de  Vivier. 
Il  nous  apprend  que  le  célèbre  artiste  donnait,  au  commencement  du 
mois  dernier,  un  fort  beau  concert  â  Buyudkéré,  dans  la  maison  de 
M.  Jacques  Alléon;  que  peu  de  jours  après  il  prenait  sa  part  d'un  grand 
dîner  diplomatique  chez  le  ministre  des  affaires  étrangères,  FuadEffendi, 
et  que,  dans  la  soirée,  il  étonnait  et  charmait  les  convives  en  leur  révé- 
lant dans  plusieurs  morceaux  son  talent  extraordinaire.  «  Vivier,  ajoute 
le  journal,  est  un  rare  et  brillant  esprit  qui  jettera  volontiers  devant  vous 
toutes  les  fleurs  de  son  imagination  ;  mais  il  garde  précieusement  dans 
leur  écrin  toutes  les  perles  de  son  talent  et  s'en  montre  fort  avare.  Il  a  su 


toujours  conserver  sa  dignité,  n'a  jamais  voulu  se  prodiguer  â  tout  venant 
et  a  l'habitude  de  traiter  d'égal  â  égal  avec  son  public,  qu'il  porte  cou- 
ronne de  reine  ou  d'empereur,  peu  lui  Importe.  11  lui  faut  avant  tout  un 
public  qui  lui  plaise,  qui  ait  ses  sympathies  et  qui  sache  convenablement 
apprécier,  le  croiriez-vous?  et  telle  est  cependant  la  charmante  originalité 
de  cette  rare  organisation  d'artiste,  ses  bulles  de  savon,  qu'il  aime  et  cul- 
tive autant  que  son  cor.  » 

*„*  Masset,  l'excellent  chanteur,  que  nous  avons  entendu  à  l'Opéra- 
Comique  et  au  Grand  Opéra,  est  de  retour  d'Italie.  Son  intention  est  de  se 
fixer  à  Paris  et  de  s'y  livrer  au  professorat. 

%*  Mlle  Clauss,  la  jeune  et  célèbre  pianiste,  partira  au  mois  de  dé- 
cembre prochain  pour  Saint-Pétersbourg. 

*„*  L'exécution  du  grand  concert  militaire  donné  â  Lyon  dimanche 
dernier,  sous  l'habile  direction  de  M.  Georges  Ilainl,  a  été  fort  belle.  Rien 
n'avait  été  changé,  au  programme  que  nos  lecteurs  connaissent  déjà.  Voici 
la  désignation  des  douze  corps  de  musique,  formant  un  total  de  sept  cents 
hommes,  qui  ont  concouru  à  l'exécution.  Infanterie,  \k"  de  ligne,  chef, 
M.  Bonnot;2ie,  chef,  M.  Metzger;  àt",  chef,  Sf.  Brunet;  53°,  chef,  M.  Wil- 
hem;  57e,  chef,  M.  Loth;  70e,  chef,  M.  Schaller;  71°,  chef,  M.  Abeneti.  Cava- 
lerie,1er  dragons,  chef,  M.  Barthe;  3°  cuirassiers,  chef,M.  IIefner;5e  dra- 
gons, chef.  M.  Charpentier;  5e  cuirassiers,  chef,  M.  Bourguy  ;  fanfare  lyon- 
naise, chef  M.  Luigini.  M.  le  baron  Taylor  avait  fait  exprès  le  voyage  pour 
présider  à  cette  brillante  solennité,  à  laquelle  assistaient  aussi  MM.  Zim- 
merman  et  Alary,  et  qui  se  renouvellera  bientôt,  grâce  â  la  bienveillante 
protection  des  autorités  militaires  et  civiles. 

*,,*  Sous  le  titre  (Tor.gano  fonocronico  (orgue  phonochronique),  la  Gazette 
musicale  de  Milan  fait  un  grand  éloge  d'un  instrument  dont  l'inventeur  est 
M.  de  Lorenzi,  à  qui  l'on  doit  déjà  d'autres  créations  du  même  genre  et 
de  la  même  perfection. 

CHRONIQUE     ÉTRANGÈRE. 

%*  Vienne.  —  Une  des  cantatrices  des  plus  distinguées  du  théâtre  de  la 
Cour,  Mme  Schutz-Odolsi ,  vient  de  mourir  subitement  à  Bade ,  près  de 
Vienne.  —  Léopold  de  Meyer  vient  d'arriver.  Schulhoff  est  parti  pour 
Odessa,  où  il  compte  donner  une  série  de  concerts.  —  Mme  de  la  Grange 
doit  débuter  incessamment  par  le  rôle  de  Rosine,  du  Barbier.  —  M.  Cornet, 
ancien  directeur  de  théâtre  à  Hambourg,  remplacera  M.  de  Holbein  dans 
la  direction  du  théâtre  de  la  Cour.  La  gestion  de  M.  Cornet  commencera 
au  printemps  prochain.  —  Le  9  septembre,  la  Giralda,  d'Ad.  Adam,  a  été 
donnée  avec  le  plus  brillant  succès.  Il  revient  en  grande  partie  à 
Mlle  Schwarz,  à  qui  le  rôle  de  la  reine  a  de  nouveau  fourni  l'occasion  de 
faire  applaudir  son  magnifique  organe. 

*„*  Hambourg.  —  Pendant  le  séjour  du  roi  de  Suède  on  a  donné  le  Pro- 
phète; la  salle  était  décorée  et  richement  illuminée.  Après  la  représenta- 
tion, le  corps  de  musique  anséatique  a  donné  une  sérénade  au  souverain, 
qui  était  descendu  à  l'hôtel  de  l'Europe.  La  reprise  de  Fra  Diavolo,  d' Au- 
ber, a  fait  le  plus  grand  plaisir. 

***  Prague.  —  Une  cantatrice  qui  avait  joui  autrefois  d'une  grande  ré- 
putation, Mme  Batka.  vient  de  mourir  à  l'âge  de  88  ans.  Parmi  ses  nom- 
breux admirateurs  on  cite  Schiller,  qui  l'avait  entendue  au  théâtre  de 
Leipzig. 

*,*  Berlin.  —  M.  Taglioni  a  composé  un  nouveau  ballet,  les  Amazones, 
qui  surpasserait,  dit-on,  en  luxe  et  magnificence  de  mise  en  scène,  tout 
ce  que  l'on  a  vu  jusqu'ici  on  ce  genre.  La  présence  de  M.  Balfe  se  ratta- 
che à  la  création  d'un  opéra  italien  dans  cette  capitale. 

%*  Stockholm,  17  septembre.  —  Le  Théâtre-Royal,  qui,  comme  tous  les 
ans,  est  resté  fermé  pendant  les  trois  mois  d'été,  vient  de  faire  sa  réouver- 
ture avec  deux  pièces  françaises,  le  Mariage  de  Victorine,  de  George  Sand, 
et  le  Coucher  d'une  étoile,  de  Léon  Gozlan.  Avant  la  représentation  et  dans 
les  entr'actes,  l'orchestre  a  exécuté  l'ouverture  du  Domino  noir,  celle  du 
Siège  de  Corinthe,  et  la  symphonie  en  la  mineur  de  Mendelssohn. 

*„*  Grenade,  15  septembre.  —  Dimanche  dernier,  Ronconi  a  donné  sur 
le  grand  théâtre,  au  bénéfice  du  dépôt  de  mendicité,  une  représentation 
de  Maria  ii  Rohan.  Après  le  spectacle,  le  premier  alcade,  président  de  la 
municipalité,  est  allé  trouver  l'artiste  dans  sa  loge,  et  lui  a  remis  une 
lettre  de  remercîment  officielle.  Le  lendemain,  la  municipalité  a  offert  à 
Ronconi  une  couronne  de  lauriers  en  argent  sur  laquelle  sont  gravées  les 
armoiries  de  Grenade,  et  une  inscription  en  rapport  avec  la  circonstance. 
Mme  Vitalini,  qui  chantait  le  rôle  de  Marie,  a  reçu  un  bouquet  de  fleurs 
exotiques,  du  prix  de  700  réaux  (175  fr.). 

*„*  Neiv-York,  8  septembre.  —  Mme  Sontag  est  arrivée  avant-hier  au 
soir  avec  le  comte  son  mari,  Cari  Eckert  et  le  ténor  Pozzolini.  Elle  s'est 
rendue  dans  les  appartements  qui  lui  avaient  été  préparés  à  Union-Place 
hôtel,  où  l'on  doit  lui  donner  une  magnifique  sérénade.  On  a  préparé  pour 
elle  une  voiture  admirablement  ornée  de  l'écusson  de  ses  armes.  On  s'at- 
tend à  un  succès  d'enthousiasme  de  la  part  de  la  population  entière  des 
Etats-Unis.  —  L'Alboni  est  rentrée  en  cette  ville,  où  elle  vient  de  donner 
son  premier  concert  de  la  seconde  série.  Les  succès  qu'elle  a  obtenus  déjà 
lui  en  promettent  encore  beaucoup  d'autres. 

—  M.  Mecum,  luthier  à  Cologne  (Pr.  Rh.),  10,  Ursula-Strasse,  possède  un 
alto  magnifique  de  Jos.  Guarnerius.  Cet  instrument  est,  sans  contredit, 
le  plus  beau  chef-d'œuvre  sorti  des  mains  du  célèbre  maître.   (Prix  : 

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Le  gérant  :  Ernest  DESCHAMPS. 


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3.  Les  Fondeurs 3    »   |        6.  Les  Postillons 

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1 1.  Domine  Deu*,  motet  d'Introït  à  4  voix. 

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N°s  4.  0  quam  suavis.  motet  pour  voix  de  soprano  ou  ténor,  à  l'Elévation. 
5.  Caro  mea,  à  2  soprani  ou  tenori,  pour  la  Communion. 
|         6.  Laudate  Dominum,  motet  pour  l'Action  de  grâce,  à  4  voix. 

AVEC    LES    PARTIES    DE    CHANT,    12    FR.;    SÉPARÉMENT,    CHAQUE,   2    ET   3    FR. 


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Op.  72.  L'Iris,  galop  de  concert  pour  le  piano  .   .   . 

Op.  73.  Fleurs  d'Italie,  pour  le  piano 

Op.  74.  L'Espérance,  nocturne  élégant  pour  le  piano 

Op.  75.  Adieu,  nocturne  en  ré  b.  pour  le  piano.   .   . 

Op.  76.  Airs  styriens  variés  pour  le  piano 


ADOLPHE  FUMÂGALLÎ. 

Op.  86.  Danse  des  Sylphes,  d'après  F.  Godefroid,  fantaisie  pour  le 


piano 

87.  Nocturne  élégant  en  si ,  fantaisie  pour  le  piano  .    . 

88.  Laura,  polonaise  brillante,  fantaisie  pour  le  piano  , 
61  bis.  Casta  Diva  (Norma),  étude,  main  gauche.    .   .    . 


FÉLIX  GODEFROID. 


La  Mélancolie,  étude  pour  harpe 
Le  Rêve,  — 

La  Danse  des  Sylphes,  — 
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Les  Chantres  des  bois,  6  morceaux  caractéristiques,  pour  piano  : 
Op.  22.  N°*  1.  La  Caille,  chant  du  matin 

2.  Le  Coucou,  pastorale 

3.  La  Fauvette,   caprice  de  salon 

A.  L'Oiseau-Mouche,  impromptu-étude 

5.  Le  Sansonnet,  thème  original  varié 

6.  L'Oiseleur,  impromptu-caprice 

Op.  12  bis.  La  Cascade,  caprice-étude 

Op.  12.  La  Styrienne 

Op.  19.  Cécilia,    mazurka-caprice 

Op.  20.  Le  Retour,  nocturne 


MEPELSSOHN-RÂRTHOLBY. 

Op.  57.  Six  mélodies  sans  paroles 

Op.  61.  Scherzo  à  4  mains  sur  le  Rêve  d'une  nuit  d'été 

Op.  61  bis.  Nocturne  et  Marche  à  4   mains  sur  le  Rêve  d'une 
nuit  d'été 


f.  Liszt.  Élégie  sur  une  mélodie  de  Soriano,  pour  le  piano.  .   .   . 
a.  jael.  Op.  16.  Fantaisie  sur  la  Danse  des  Sylphes,  de  Gode- 
froid,  pour  le  piano 

F.  ferraris.  Op.  14.  Les  Puritains,  pour  le  piano 

v.  aikih.  Impromptu,  pour  le  piano 

en.  rmein.  Nocturne  pour  le  piano 

—  Op.   50.  Primavera,  valse 

—  Op.  51.  Fantaisie  sur  l'EUsire 

cm.  widok.  Op.  5.  Scherzo  brillant,  pour  le  piano 

—  Op.  6.  Sérénade,  pour  le  piano 

éd.  vieiot.  Op.  5.  Fantasia,  grande  valse  de  concert 

—  Op.  6.  Gelsomina,  grande  valse  de  concert 

—  Op.  8.  Suléika,  grande  valse  de  concert 

—  Lorenza,  grande  valse  de  concert 

habc  bertt.  Op.  8.  Souvenir  de  Brixen,  pour  le  piano.    .   .   . 
o.  cojiettant.  Op.  60.  Gasilda,  petite  fantaisie,  pour  le  piano  . 

—  La  Vision,  polka-mazurka,  pour  le  piano 

*.  fouet.  Galop  de  concert 

—  Les  Willis,  polka-mazurka,  redowa,  schottisch,  polka  et 

valse 

j.carei.  Op.  14.  Le  Troubadour,  schottisch 


a.  »obu.  Op.  59.  La  Campanella,  mélodie  étude 

m.  coTTSciiAEH.  La  Mélancolie,  étude  d'après  Godefroid.   .   .  . 

«s.  carveIiI.  25  études  progressives  pour  piano 

f.  ferraris.  Op.10.  Harmonies  poét.,  études  pour  piano.  Liv.  1. 

—  Op.  11.  Harmonies  poétiques,  études  pour  piano.  Liv.  2, 

—  Op.  12.  Harmonies  poétiques,  études  pour  piano.  Liv.  3. 
niTERitoT  j.  a.  Danses  des  sylphes,  facile,  de  Godefroid.  .  .  , 
MAuc-BŒRTV.'Les  Brises  du  Nord,  5  polkas  mazurka 

—  La  Fête  des  fous,  quadrille  pour  piano 

—  Bertrand  Duguesclin,  quadrille  pour  le  piano.  .  .  .  . 
m'pabt.  Le  Chevalier  Bayard,  quadrille  pour  le  piano 

—  Don  Juan,  quadrille  pour  le  piano 

m.  mockeb.  Op.  7.  Mazurka  originale 

f,.  mecatti.  L'Angelus  du  pâtre,  romance  avec  ace.  de  piano. . 

—  Le  Vieux  Forban,  ballade  pour  voix  de  basse.  .   .   . 

ccéritv.  L'Ange  et  l'enfant,  à  4  voix 

s.  a.  Enfant,  songe  à  ta  mère,  mélodie  avec  accompag.  de  piano. 


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REVUE 


10  Octobre  1852, 

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PoTis.m  an.      .  . 24  lï. 

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Le  Journal  parait  le  Dimani\  ,fl 


GAZETTE  MUSiCALE 


T&m    PARIS 


SOMMAIRE.—  Raimondi  et  son  oratorio,  par  Fétis  père. —  Académie  des  Beaux- 
Arts,  séance  annuelle.  —  Distribution  des  prix.  —  Théâtre-Lyrique,  Flore  et 
Zcph'r  (première  représentation!,  par  <«.  Hoquet.  —  Les  Soirées  de  l'orchestre 
(4e  fragment),  par  Hector  Brrlioz.  —Revue  critique,  la  Charité  et  Cujus 
animai»,  de  Rossini;  Transcription  pour  le  piano,  de  Liszt,  par  Menri  SSlan- 
cliarel.  —  Nécrologie,  J.-M.  Schneitzhoeffer. —  Correspondance,  Bruxelles.— 
Nouvelles  et  annonces. 


RAIMONDI  ET  SON  ORATORIO, 

Bruxelles,  7  octobre  1852. 

Permettez-moi  de  suspendre  un  moment  la  continuation  de  ma  nou- 
velle théorie  du  rhythme  pour  fixer  l'attention  des  lecteurs  de  la  Ga- 
zette musicale  sur  l'œuvre  colossale  de  Raimondi,  dont  il  a  été  donné 
une  notice  abrégée  dans  votre  numéro  35,  publié  le  29  août  dernier 
Bien  que  cette  notice  explique  suffisamment  quelle  est  la  nature  de 
l'oratorio  dont  l'histoire  de  Joseph  est  le  sujet,  j'ai  pensé  qu'un  peu 
plus  de  détails,  particulièrement  sur  la  personne  du  compositeur  de 
cette  grande  œuvre,  ne  serait  pas  sans  intérêt  pour  quiconque  aime 
l'art,  et  que  cela  pourrait  avoir  le  mérite  de  l'à-propos. 

Et  d'abord  remarquons  cette  singularité,  qu'en  parlant  d'un  ouvrage 
presque  surhumain,  et  qui  n'a  pas'  d'antécédent  dans  l'histoire  de  la 
musique,  on  est  obligé  de  donner  au  public  quelques  renseignements 
sur  son  auteur,  comme  s'il  s'agissait  d'un  inconnu,  tandis  que  le 
nom  de  Raimondi  est  celui  d'un  compositeur  qui,  pendant  quarante 
ans  (1808  à  1848),  adonné  sur  tous  les  théâtres  de  l'Italie  soixante- 
deux  opéras,  a  écrit  la  musique  de  vingt  et  un  grands  ballets  en  deux 
et  trois  actes,  cinq  oratorios,  non  compris  le  Joseph  dont  il  est  mainte- 
nant question  ;  quatre  messes  à  grand  orchestre  ;  deux  messes  à  8  voix 
réelles  avec  deux  orchestres;  une  messe  à  deux  chœurs  réels  dans  le 
style  sévère;  deux  messes  de  Requiem  à  grand  orchestre;  une  autre 
messe  de  Requiem,  à  8  et  à  16  voix  réelles;  quatre  vêpres  complètes 
avec  orchestre  et  orgue;  des  compiles  solennelles;  un  Credo  à  16  voix 
réelles;  un  Libéra  ;  un  Te  Deum  à  4  voix;  trois Stabat  mater  à  2,  3  et 
4  voix;  trois  Miserere  à  4  et  à  8  voix,  dont  un  avec  orchestre;  trois 
Tantuin  ergo  ;  deux  litanies  ;  plusieurs  psaumes  à  4  et  à  8  voix  à  grand 
orchestre;  les  sept  paroles  de  J.-C.  à  3  voix;  deux  symphonies  à  grand 
orchestre,  combinées  pour  être  exécutées  ensemble  ;  les  cent  cinquante 
psaumes  de  David  à  4,  5,  6,  7  et  8  voix,  dans  le  style  alla  Palestrina, 
formant  une  collection  de  15  volumes;  un  recueil  de  basses  d'imitation 
etfuguées  pour  l'étude  de  l'accompagnement  et  de  la  composition,  pu- 
blié à  Milan  chez  Ricordi,  à  Rome  et  à  Naples;  un  nouveau  genre  de 
compositions  scientifiques  inventé  par  l'auteur,  et  démontré  en  douze 
exemples  très-remarquables,  ouvrage  publié  à  Naples  chez  P.  Trama- 
ter  ;  deux  fugues  en  une,  bien  que  différentes  de  forme,  ouvrage  divisé 


en  dix  exemples,  et  qui  a  été  imprimé  à  Rome  ;  une  collection  de  parli- 
menti  composée  de  quatre-vingt-dix  basses  avec  trois  accompagnements 
différents  sur  chacune,  ouvrage  élémentaire  divisé  en  deux  livres  et 
publié  à  Naples  chez  Clausetti  ;  quatre  fugues  à  4  voix,  toutes  en  des 
tons  différents,  mais  qui  peuvent  être  réunies  en  une  seule  fugue  à  16 
voix  réelles;  ce  chef-d'œuvre  de  combinaison  a  été  imprimé  à  la  typo- 
graphie Tiberina,  de  Rome;  six  fugues  à  4  voix  en  des  tons  différents, 
réunies  en  une  seule  fugue  à  24  voix,  publiées  à  Rome,  à  la  même  ty- 
pographie; un  fugue  à  64  voix  réelles,  divisées  en  seize  chœurs;  seize 
fugues  à  4  voix  ;  enfin,  vingt-quatre  fugues  à  4,  5,  6,  7  et  8  voix.  Dans 
cet  ouvrage,  publié  à  Milan,  chez  Ricordi,  on  trouve  quatre  ou  cinq 
fugues  réunies  en  une  seule. 

Moi-même,  qui  fais  aujourd'hui  ces  remarques,  je  connaissais  à  peine 
Raimondi  quand  j'ai  écrit  sur  lui  une  notice  assez  insignifiante  dans  la 
Biographie  universelle  des  musiciens.  L'Italie  n'est  pas  assez  soi- 
gneuse de  la  renommée  de  ses  hommes  d'élite. 

C'est  l'auteur  de  toutes  ces  choses,  où  brillent  beaucoup  d'inventions 
nouvelles,  et  par  dessus  tout  l'esprit  de  combinaison  le  plus  extraor- 
dinaire, c'est  ce  même  Raimondi  qui  termine  aujourd'hui  sa  carrière 
par  la  composition  prodigieuse  dont  le  succès  a  tant  d'éclat  en  ce  mo- 
ment. La  plupart  des  lecteurs  de  la  Gazette  musicale  se  demande- 
ront sans  doute,  en  parcourant  ces  lignes,  comme  il  se  peut  que  le 
nom  d'un  musicien  si  fécond  et  si  habile  soit  tombé  dans  l'oubli.  Je 
crois  pouvoir  expliquer  cette  singularité  par  les  observations  que  voici  : 
depuis  le  temps  où  Paisiello,  Cimarosa  et  Guglielmi  se  partageaient  le 
sceptre  de  la  scène  lyrique  en  Italie,  les  habitants  de  ce  pays  n'ont 
plus  admis  ce  partage,  et  leurs  sympathies  se  sont  toujours  concen- 
trées sur  un  seul  maître,  astre  autour  duquel  les  autres  gravitaient 
plus  ou  moins  obscurément.  C'est  ainsi  qu'au  commencement  du  siècle 
présent,  Mayr  était  le  compositeur  dont  les  succès  avaient  le  plus  de 
retentissement  et  qu'on  recherchait  dans  les  villes  les  plus  importantes, 
quoique  Fioravanti,  Niccolini,  Farinelli,  Nasolini,  un  peu  plus  ancien, 
Federici,  Gnecco,  Pavesi,  et  quelques  autres,  fussent  des  artistes  de 
mérite.  On  estimait  leur  talent;  mais  ils  n'avaient  pas  la  vogue  de 
Mayr.  Rossini  les  fit  bientôt  tous  oublier,  et  concentra  presque  sur  lui 
seul  l'attention  de  toute  l'Italie,  quoiqu'il  eût  pour  contemporains  Ge- 
nerali,  Morlacchi,  Pacini,  et  plus  tard  Mercadante,  Bellini  et  Donizetti. 
Après  que  l'illustre  auteur  A'Otello  eut  quitté  l'Italie  pour  se  fixer  en 
France,  la  fortune  de  Bellini  commença,  et  tant  que  celle-ci  dura,  Do- 
nizetti, bien  plus  grand  musicien  que  son  émule,  ne  fut  qu'au  second 
rang  pendant  la  vie  de  celui-ci,  et  ne  jouit  de  toute  la  faveur  de  la  po- 
pulation italienne  que  dans  ses  dernières  années.  Mercadante,  artiste 
d'une  grande  valeur,  a  eu  des  phases  très-variées  dans  sa  carrière, 
tantôt  porté  aux  nues,  tantôt  presque  oublié.   Aujourd'hui,  Verdi  seul 


334 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS. 


occupe  l'attention  des  dilettanli;  demain  ce  sera  quelque  autre  qui 
mettra  en  oubli  tous  ses  prédécesseurs  et  ses  contemporains.  Raimondi 
fut  du  nombre  de  ces  hommes  de  talent  dont  les  ouvrages  n'obtiennent 
que  des  succès  d'estime,  la  pire  espèce  de  succès,  et  dont  la  vie  se 
consume  en  espérances  toujours  déçues.  La  plupart  de  ses  opéras  fu- 
rent écrits  pour  les  théâtres  de  Naples,  de  Milan,  de  Venise  et  de  Pa- 
ïenne; quelques-uns  seulement  furent  mis  en  scène  à  Gênes,  à  Flo- 
rence et  à  Rome.  Au  nombre  de  ses  productions  dramatiques,  on  cite 
comme  les  meilleures:  La  Donna  colonello,  I  Minatori  scozsesi,  II 
Diserlore,  l'Orfona  russa,  I  Parenti  ridicoli,  II  Ventaglio,  tous  re- 
présentés à  Naples;  Le  Finte  Amazzoni,  h  Milan,  et  Francisco  Do- 
nato,  écrit  à  Palerme. 

Né  à  Rome  le  20  décembre  1786,  dans  une  condition  peu  fortunée, 
il  perdit  son  père  à  l'âge  de  onze  ans  et  fut  recueilli  par  une  parente 
qui  le  confia  aux  soins  d'un  prêtre,  chargé  de  lui  enseigner  la  langue 
latine  et  les  éléments  de  la  théologie.  Cependant,  le  penchant  de  Rai- 
mondi pour  la  musique  lui  faisait  négliger  ses  autres  études.  Ce  pen- 
chant se  manifestait  avec  tant  d'énergie,  que  la  protectrice  du  pauvre 
enfant  consentit  à  le  placer,  en  1800,  au  Conservatoire  de  la  Piela  dei 
Turchini,à  Naples,  où  il  fut  mis  sous  la-direction -du-maîtreia  Bar- 
bera, et  de  Tritlo,  pour  le  contrepoint. 

Après  six  années  d'études,  Raimondi  se  trouva  tout  à  coup  privé  des 
secours  qui  l'avaient  soutenu  au  Conservatoire,  et  dut  quitter  cette 
école.  Sans  ressources,  il  fit  à  pied  la  route  de  Naples  à  Rome.  Heu- 
reusement il  retrouva  dans  cette  ville  un  frère  de  son  père  qui  le  re- 
cueillit avec  affection  ;  mais,  trop  pauvre  pour  lui  procurer  les  moyens 
de  continuer  sa  carrière  d'artiste ,  ce  parent  l'envoya  à  Florence,  près 
de  son  ancienne  protectrice.  Le  pauvre  Raimondi  ne  retrouva  plus  en 
elle  les  sentiments  d'autrefois,  parce  qu'il  s'était  toujours  refusé  à  em- 
brasser l'état  ecclésiastique.  La  seule  marque  d'intérêt  qu'elle  lui  donna 
en  le  voyant  arriver  malade  chez  elle,  fut  de  le  faire  entrer  à  l'hôpital 
de  Santa  Maria  Nvova.  Triste  situation  pour  un  jeune  homme  de  vingt 
ans  qui,  jusqu'alors,  s'était  flatté  des  illusions  de  la  gloire  à  venir! 
Grâce  à  sa  bonne  constitution,  il  triompha  de  la  maladie,  peut-être 
même  de  la  médecine,  et  se  retrouva  dans  la  rue,  respirant  un  air  pur, 
et  sans  autre  souci  que  l'embarras  de  trouver  un  gîte  et  d'apaiser  sa 
faim.  Il  prit  alors  la  résolution  d'aller  trouver  sa  mère  à  Gênes,  bien 
qu'elle  lui  eût  montré  peu  de  tendresse  jusqu'alors,  et,  sans  tarder, 
il  prit  à  grands  pas  le  chemin  de  la  délicieuse  contrée  connue 
sous  le  nom  de  Rivièie  de  Gênes.  Les  enchantements  de  cette  vallée  le 
ramenèrent  à  ses  rêves  de  bonheur.  Pour  la  première  fois,  il  comprit 
alors  quel  était  l'état  avancé  de  son  instruction  musicale  et  sentit  qu'il 
pouvait  acquérir  l'indépendance  par  sa  propre  force. 

Arrivé  à  Gênes,  il  s'y  livra  au  travail  et  se  fit  connaître  par  quelques 
ouvrages  qui  commencèrent  sa  réputation.  Bientôt  après  il  reçut  un  en- 
gagement de  Florence  et  se  rendit  dans  cette  ville,  où  il  écrivit  pour  le 
théâtre  de  la  Pergola  la  musique  du  drame  Eloïsa  Werner.  Le  bon 
accueil  fait  à  cet  ouvrage  le  fit  appeler  à  Naples  dans  la  même  année  ; 
il  donna  au  théâtre  Saint-Charles  VOracolo  di  Delfo.  Dès  lors  il  montra 
une  prodigieuse  activité  dans  ses  travaux.  L'opéra  sérieux  n'était  pas 
le  genre  pour  lequel  il  était  né  ;  la  gaîté  de  son  caractère  le  portait  vers 
le  style  bouffe,  et  il  y  montra  incontestablement  un  talent  qui  eût  été 
mieux  apprécié  s'il  se  fût  fait  connaître  dans  des  circonstances  plus 
favorables.  Les  premiers  ouvrages  par  lesquels  il  donna  des  preuves  de 
cette  spécialité  de  son  talent  furent  II  Panatico  deluso,  et  Lo  Sposo 
acjltalo.  Son  chef-d'œuvre  dans  le  même  genre  est  II  Ventaglio,  joué  à 
Naples  en  1831,  puis  sur  tous  les  théâtres  de  l'Italie.  Toutefois,  il  faut 
le  reconnaître,  c'est  moins  par  le  brillant  de  l'imagination  et  par  l'au- 
dace de  la  fantaisie  que  Raimondi  ajoutera  son  nom  à  la  liste  des  illus- 
tres musiciens,  que  par  le  génie  de  la  combinaison  des  sons  ;  génie  en. 
son  genre  non  moins  rare  que  tout  autre,  et  que  cet  artiste  possède  au 
degré  le  plus  éminent. 

Raimondi,  reconnu  depuis  longtemps  pour  le  musicien  le  plus  savant 
de  l'Italie,  fut  appelé  à  Palerme  vers  1830,  en  qualité  de  directeur  du 


Conservatoire  de  cette  ville,  dont  il  a  été  la  gloire  pendant  plus  de  dix- 
huit  ans.  Par  ses  soins  et  ses  leçons,  plusieurs  jeunes  Siciliens  ont  ac- 
quis de  l'habileté  dans  l'art  d'écrire  ;  les  plus  distingués  sont  Pittari, 
Barbieri,  Bonanno,  et  surtout  Cutreva,  dont  le  Solitario,  joué  au  théâ- 
tre de  Palerme  en  1838,  donnait  de  grandes  espérances,  et  qui,  par 
des  circonstances  inconnues,  n'a  pas  poursuivi  sa  carrière  d'artiste. 
Les  événements  de  la  révolution,  si  funestes  pour  l'Italie  et  particu- 
lièrement pour  la  Sicile,  dans  ces  dernières  années,  paraissent  avoir 
porté  atteinte  à  l'existence  du  Conservatoire  de  Palerme.  C'est  dans 
ces' circonstances  que  Raimondi  a  revu  la  ville  éternelle,  à  laquelle  se 
rattachent  les  souvenirs  de  son  enfance  et  de  quelques-uns  de  ses  suc- 
cès. C'est  là  qu'il  a  préparé  l'exécution  de  son  œuvre  colossale,  de  cet 
oratorio  de  Joseph ,  composé  de  trois  oratorios  susceptibles  de  cinq 
combinaisons  que  le  poëte  sicilien,  Joseph  Sapio,  a  disposés  pour  le 
tour  de  force  inouï  du  compositeur.  Cette  œuvre  immense  a  coûté  plu- 
sieurs années  d'un  travail  environné  d'immenses  difficultés,  que  ne 
peuvent  comprendre  les  personnes  qui  n'ont  pas  fait  une  étude  spé- 
ciale et  sérieuse  de  l'art  d'écrire  ;  toutefois,  lorsque  l'immense  assem- 
blée qui  encombrait  le  théâtre  Argentina  entendit  les  trois  orchestres, 
les  trois  chœurs  éf  les  chanteurs  solistes  des  trois  oratorios  de  Putiphar, 
Pharaon  et  Jacob  se  réunir  en  un  seul  corps  de  près  de  quatre  cents 
musiciens  dans  l'exécution  simultanée  de  ces  trois  ouvrages  ;  lorsque, 
saisie  par  l'immense  majesté  de  cet  ensemble,  dont  les  détails  conser- 
vaient toute  leur  clarté,  cette  assemblée  sentit  les  effets  de  la  prodi- 
gieuse puissance  de  tête  qui  avait  combiné  de  tels  effets  ,  tout  le  monde 
se  leva  spontanément,  jetant  des  cris  d'admiration  ;  une  agitation  im- 
possible à  décrire  régna  dans  toute  la  salle  ;  des  battements  de  mains, 
des  trépignements,  des  hourras  enthousiastes  saluaient  le  maître  de 
toutes  parts,  pendant  que  les  femmes  agitaient  leurs  mouchoirs  dans 
toutes  les  loges.  Raimondi  avait  pu  contenir  au  dedans  de  lui-même  le 
sentiment  de  sa  force  jusqu'à  l'âge  de  soixante-six  ans  ;  sa  philosophie 
avait  pu  se  résigner  à  l'obscurité  relative  dans  laquelle  il  était  resté 
pour  la  plus  grande  partie  de  l'Europe  ;  mais  il  ne  put  supporter  l'é- 
motion de  l'incomparable  succès  qui  venait  couronner  sa  vieillesse  :  il 
s'évanouit,  et  l'on  fut  obligé  de  l'emporter  hors  de  la  scène  et  loin  du 
bruit  pour  lui  faire  reprendre  ses  sens. 

On  comprend  qu'il  est  impossible  de  trouver  l'effet  dramatique  dans 
la  combinaison  de  trois  sujets  absolument  différents  qui  se  développent 
simultanément.  Il  est  facile  de  comprendre  aussi  que  chacune  des  par- 
ties du  grand  tout  ne  peut  avoir  la  plénitude  et  l'intérêt  d'une  œuvre 
simple  dans  laquelle  le  sentiment  domine  la  conception.  On  ne  doit 
pas  croire  enfin  qu'il  puisse  y  avoir  dans  une  combinaison  esthétique, 
telle  que  le  Joseph,  l'originalité  d'idées  qui  peut  se  trouver  dans  un 
opéra.  Dans  une  conception  semblable,  le  compositeur,  constamment 
occupé  de  la  réunion  totale  de  toutes  les  parties,  est  souvent  obligé  de 
sacrifier  dans  celles-ci  des  beautés  qui  ne  pourraient  pas  entrer  dans 
la  combinaison.  De  là  vient  que  le  Putiphar  n'a  pas  offert  d'abord  à 
l'auditoire  un  grand  attrait  de  nouveauté,  quoique  plusieurs  morceaux 
aient  été  remarqués  par  les  connaisseurs  ;  entre  autres,  un  chœur  d'eu- 
nuques à  voix  blanches,  d'un  effet  fort  original,  une  prière  de  ténor 
bien  chantée  par  M.  Cecchi,  un  bon  trio  chanté  par  Adda,  femme  de 
Putiphar,  Joseph  et  Pharaon  ;  enfin,  un  ensemble  agifato  dans  le  final 
de  la  troisième  partie  de  ce  premier  drame,  dont  l'exécution  fut  diri- 
gée par  M.  André  Salesi. 

Dans  le  second  drame  ,  intitulé  Joseph  ou  Pharaon,  l'introduction 
est  un  chœur  de  fête  où  le  peuple  de  Memphis  chante  la  gloire  de  Jo- 
seph. Ce  chœur  est  disposé  en  accords  staccati  et  sotlo  voce,  pendant 
que  les  cors  et  trompettes  font  entendre  une  harmonie  et  une  mélodie 
d'un  bel  effet.  Cette  introduiclion  a  été  fortapplaudie.  On  distingue  aussi, 
dans  ce  même  drame,  le  beau  chant,  Vieni,  ah  !  vieni,  o  mio  diletlo, 
qui  forme  l'objet  principal  du  final  de  la  deuxième  partie,  et  le  final 
de  la  troisième,  Per  quai  via  d'infinili  portent/,  avec  une  instrumenta- 
tion i.euve  et  pittoresque. 

Le  Jacob  est  le  même  sujet  qui  a  fourni  à  MéhulJ'occasion  d'écrire 


DE  PAlilS. 


335 


un  de  ses  chefs-d'œuvre.  Entendue  séparément,  cette  partie  de  l'œuvre 
de  Raimondi  ne  peut  soutenir  la  comparaison  avec  les  grandes  beautés 
de  l'opéra  du  compositeur  français  :  j'en  ai  dit  la  raison.  Néanmoins, 
l'introduction  commence  par  un  très-beau  chœur  de  ténors  et  de  basses, 
lequel  est  suivi  d'un  chant  très-expressif  et  irès-suave,  sur  les  paroles  : 
Ah!  di piunlo  etemo,  que  Golini  a  dit  avec  avec  un  très-grand  talent. 
Dansle  final  de  la  première  partie,  se  trouve  un  trio  de  Rachel  et  de  Judas 
réunis  à  Jacob,  sur  le  beau  chant  Dchl  Cessale,  ofujli miei.  L'introduc- 
tion de  la  deuxième  partie  renferme  un  chœur  du  plus  grand  effet,  ac- 
compagné de  harpes,  sur  les  paroles:  Oh  ria  sventural  OduollLe 
correspondant  de  la  Gazelta  musicale  di  Napoli  s'exprime  ainsi,  en 
parlant  de  morceau  :  «  Ce  grand  chœur  est  magique  ;  les  chants,  en 
»  rapport  avec  l'expression  de  la  poésie,  passent  alternativement  des 
»  voix  de  dessus  et  de  contraltos  à  celles  de  ténors  et  de  basses,  en 
»  mouvement  contraire.  Le  coloris  est  partout  de  la  plus  exquise  dé- 
»  licatesse  ;  la  conduite  du  morceau  est  tracée  avec  une  immense  ha- 
»  bileté,  l'instrumentation  est  ce  qu'elle  doit  être,  et  l'ensemble  est 
»  parfait.  Ce  grand  chœur  est  l'émanation  d'un  génie  véritable,  et  un 
»  chef-d'œuvre  entre  tant  d'autres  de'J'immortel  Raimondi  !  »  Ce  même 
morceau  paraît  avoir  excité  un  véritable  enthousiasme  dans  toutes  les 
exécutions  du  Joseph  qui  se  sont  succédé  depuis  le  7  août.  Un  beau  trio 
et  le  final  de  la  troisième  partie  ont  aussi  fait  naître  beaucoup  d'in- 
térêt. 

Mais  c'est  surtout  lorsque,  après  avoir  entendu  et  applaudi  ces  trois 
drames  séparés,  sous  les  directions  particulières  de  MM.  Salesi,  Ratta- 
glia  et  Terziani,  l'exécution  simultanée  des  trois  drames,  dirigée  par 
Raimondi  en  personne,  s'est  fait  entendre;  c'est  alors  que  l'admiration 
pour  une  si  grande  conception  n'a  plus  eu  de  bornes.  Qu'on  y  songe  : 
non-seulement  aucune  œuvre  du  même  genre  n'a  jamais  été  essayée, 
mais  sa  possibilité  ne  s'est  présentée  à  l'imagination  d'aucun  composi- 
teur. Au  point  de  vue  esthétique,  il  n'est  pas  désirable  que  des  tours 
de  force  de  ce  genre  se  multiplient  ;  mais  on  ne  peut  s'empêcher  de 
rendre  un  éclatant  hommage  au  génie  spécial  qui  a  pu  concevoir  et 
réaliser  une  entreprise  si  gigantesque. 

FÉTIS  père. 


ACADÉMIE  DES  BEAUX-ARTS. 

Séance  annuelle.    —  Sistriteastâoai  «Ses  prix. 

La  musique  est  toujours  l'élément  principal  de  cette  séance,  et  cette 
année  elle  la  remplissait  presque  entièrement.  On  y  exécutait  une  ou- 
verture, une  cantate,  et  on  y  lisait  l'éloge  d'un  musicien.  L'ouverture 
est  l'œuvre  de  M.  Duprato,  lauréat  de  1848,  élève  de  M.  Leborne,  qui, 
lui  aussi,  a  formé  M.  Léonce  Cohen,  second  prix  de  1851,  et  premier 
prix  de  1852.  Dans  le  rapport  sur  les  envois  des  pensionnaires  .de  Rome, 
il  était  question  de  M.  Duprato,  et  même  il  n'était  question  que  de  lui 
seul,  d'où  il  faut  conclure  que  les  autres  jeunes  compositeurs  n'ont  rien 
envoyé  du  tout.  M.  le  secrétaire  perpétuel  parlait  avec  éloges  d'une 
symphonie  de  sa  façon.  Quant  à  son  ouverture,  nous  avouerons  fran- 
chement qu'elle  n'est  pas  excellente.  Le  premier  mouvement  a  de  la 
grâce  et  du  charme,  mais  il  se  prolonge  trop  et  le  charme  s'évanouit. 
Le  second  mouvement  n'est  qu'un  pasticcio  de  thèmes  venus  des  divers 
coins  du  globe  :  il  y  a  de  tout,  même  un  coup  de  grosse  caisse  imitant 
le  canon,  sans  qu'on  en  devine  la  cause.  On  dit  que  les  ouvertures  doi- 
vent expliquer  les  opéras,  mais  quelquefois  il  peut  arriver  que  les 
opéras  expliquent  les  ouvertures,  et  si  nous  entendions  celui  que  M.  Du- 
prato a  dans  la  tête,  peut-être  saurions  nous  mieux  ce  qu'il  a  voulu 
faire.  Ce  n'est  pas,  assurément,  chose  facile  et  commode  que  d'écrire 
la  préface  d'un  livre  qui  n'existe  pas. 

M.  Léonce  Cohen,  auteur  de  la  cantate  couronnée,  était  plus  heureux 
que  M.  Duprato.  11  avait  un  poëme,  un  sujet  déterminé,  des  couleurs 
indiquées  d'avance.  Ses  collaborateurs  étaient  fiernardin  de  Saint- 
Pierre  et  M.  Rollet,  qui,  sous  le  titre  de  Retour  de  Virginie,  avait  mis 


en  action  les  dernières  pages  du  plus  admirable  et  du  plus  vrai  des 
romans.  C'est  dommage  qu'à  ce  Retour  de  Virginie  il  manque  tout 
simplement  une  Virginie.  Le  drame,  à  trois  personnages,  se  passe  entre 
Paul ,  sa  mère  et  le  missionnaire  des  Pamplemousses.  Paul  chante  son 
amour  et  les  chagrins  de  l'absence  dans  des  vers  tendres  et  mélodieux. 
Sa  mère  vient  lui  annoncer  que  Virginie  arrive  de  France  à  bord  du 
Saint-Géran  ;  le  missionnaire  vient  ensuite  l'avertir  que  l'orage  com- 
mence et  l'inviter  à  la  prière.  Après  avoir  prié,  Paul  veut  s'élancer 
dans  les  flots  ,  et  les  flots  lui  apportent  le  cadavre  de  Virginie  :  voilà 
tout  le  drame.  M.  Léonce  Cohen  n'a  pas  eu  besoin  d'un  canevas  plus 
fort  pour  faire  preuve  d'un  talent  véritable.  Le  petit  morceau  instru- 
mental servant  d'introduction  est  parfaitement  écrit.  Le  musicien  avait 
à  reproduire  des  airs  de  danse  nègres,  se  mariant  au  chant  des  oiseaux. 
11  l'a  fait  d'une  main  très-habi!e  et  très-exercée  :  il  a  réussi  par  le  co- 
loris, par  le  rhythme,  à  tracer  un  tableau  exquis.  Son  air  et  son  duo 
sont  moins  bien ,  le  duo  surtout,  parce  qu'il  n'y  avait  pas  là  matière  à 
duo  ;  mais  il  se  relève  dans  le  trio  par  les  belles  et  larges  proportions 
de  la  prière,  par  l'esquisse  magistrale  de  la  tempête.  Son  exorde  et  sa 
conclusion  sont  tout  à  fait  hors  ligne  ;  c'est  ce  que  nous  avons  entendu 
de  mieux  depuis  longtemps  dans  les  cantates  couronnées.  Il  y  a  là 
l'étoffe  d'un  musicien  qui  possède  son  art,  qui  sait  concevoir  et  conduire 
un  morceau,  qui  ne  manque  pas  de  souffle  après  une  romance.  Déjà  au 
concours  dernier,  nous ,  qui  avions  entendu  les  six'  cantates,  nous  don- 
nions la  préférence  à  celle  de  M.  Léonce  Cohen ,  et  nous  ne  doutions 
pas  que  l'Académie  ne  la  lui  accordât  l'année  suivante.  C'est  un  élève 
qui  fail  beaucoup  d'honneur  à  son  maître,  M.  Leborne,  l'excellent  pro- 
fesseur du  Conservatoire.  L'exécution  de  l'ouverture  et  de  la  cantate 
n'en  fait  pas  moins  à  M.  Rattu,  second  chef  d'orchestre  de  l'Opéra,  et 
toujours  premier  chef  de  l'orchestre  académique.  Roulo,  Merly  et 
Mme  Potier  ont  fort  bien  chanté  les  trois  rôles  de  la  cantate. 

Entre  ces  deux  jeunes  musiciens,  qui  ne  font  que  de  naître,  se  pla- 
çait la  grande  ombre  d'un  compositeur  illustre,  qui  est  mort  récem- 
ment plein  de  gloire  et  d'années.  M.  Raoul  Rochette  nous  a  lu  sa  notice 
historique  sur  la  vie  et  les  ouvrages  de  Spontini,  l'auteur  de  la  Vestale 
et  de  Fernand  Cortez.  Il  nous  a  raconté  avec  son  talent  accoutumé 
l'histoire  de  cet  éminent  artiste,  qui  marquera  une  époque  de  l'art  et 
dont  le  nom  ne  périra  pas.  Mais  nous  nous  permettrons  de  lui  dire 
qu'il  n'a  pas  raconté  cette  histoire  tout  entière,  ou  plutôt  qu'il  en  a 
effacé  le  trait  le  plus  saillant.  Sa  notice  historique  est  un  peu  trop  dra- 
pée en  éloge  toujours  et  constamment  admiratif,  sans  restriction,  sans 
contraste.  Ce  qu'il  y  a  de  plus  étonnant,  de  plus  curieux  en  Spontini, 
ce  n'est  pas  qu'il  ait  eu  du  génie,  mais  qu'il  n'en  ait  eu  que  deux  fois  ; 
car  on  se  trompe  en  voulant  le  représenter  comme  grand  composi- 
teur italien  à  son  aurore,  et  grand  compositeur  allemand  à  son  dé- 
clin. Il  n'a  été  que  grand  compositeur  français  au  milieu  de  sa  car- 
rière, et  c'est  quelque  chose  dont  on  peut  se  contenter.  Il  nous  semble 
encore  que  dans  la  notice  la  plu?  bienveillante,  le  caractère  de  l'homme 
peut  être  au  moins  accusé;  que  ses  travers,  s'il  en  a  eu,  doivent  en- 
trer en  ligne  de  compte  et  servir  de  commentaire  à  ses  erreurs,  à  ses 
déceptions.  Le  panégyriste  de  Spontini  a  retranché  tout  un  côté  de  sa 
physionomie,  toute  une  moitié  de  son  histoire,  et  ce  qu'il  s'est  privé 
d'écrire  eût  certainement  acquis  sous  sa  plume  un  très-haut  degré 
d'intérêt. 

Pendant  que  nous  sommes  en  train,  signalons  encore  un  grief  qui 
touche  la  dignité  de  notre  ancien  Conservatoire,  contemporain  de  la 
grandeur  de  Spontini.  Cette  grandeur  avait  eu  des  commencements 
bien  modestes,  trop  modestes  surtout  pour  exciter  l'envie.  Spontini 
seul  au  monde  pouvait  s'être  imaginé,  et  persister  à  croire  que  le 
Conservatoire  tout  entier  s'était  ligué  pour  faire  tomber  la  Petite  mai- 
son, l'un  de  ses  premiers  et  de  ses  plus  faibles  ouvrages  ;  qu'une  ca- 
bale avait  été  organisée,  et  que,  à  un  signe  du  chef,  la  bande  s'était 
ruée  sur  l'orchestre,  sur  le  théâtre,  pour  y  mettre  tout  en  pièces,  ta- 
bourets et  instruments.  Que  le  Conservatoire  ait  eu  des  préjugés,  cela  est 
tout  simple:  Spontini  lui-même  en  avait  plus  que  personne,  et  puis  qu'il 


§36 


REVUE  ET  GAZETTE  'MUSlCALë 


n'admettait  rien  de  ce  qui  était  venu  après  lui.  Mais  d'un  préjugé,  d'une 
antipathie,  d'un  pédantisme  à  une  lâche  et  vile  cabale,  il  y  a  loin,  et 
nous  avons  profondément  regretté  d'entendre  l'existence  de  cett.e  ca- 
bale proclamée  dans  l'enceinte  de  l'Académie.  Nous  avons  beaucoup 
connu  l'un  des  auteurs  de  cette  malencontreuse  retite  maison,  qui  l'a- 
vait bâtie  en  collaboration  avec  Dieulafoy,  et  nous  pouvons  affirmer 
qu'il  était  le  premier  à  en  blâmer  la  structure,  à  déclarer  qu'elle  avait 
mérité  sa  chute,  sans  que  le  Conservatoire  fit  jouer  la  sape  et  lamine. 
Nous  avons  dit  dans  ce  journal  même  (1)  commeni  et  par  quelle  ren- 
contre heureuse  l'échec  de  la  Petite  maison  valut  au  compositeur  le 
succès  de  la  Vestale.  Mais  enfin  la  Vestale  même  avait  eu  besoin  d'être 
revue  et  corrigée,  polie  et  repolie  par  des  musiciens  qui  appartenaient 
à  ce  même  Conservatoire  tant  calomnié.  Nous  ne  faisons  nul  doute  que 
Sponlini  ne  leur  en  ait  gardé  une  rancune  éternelle  ;  est-ce  donc  une 
raison  pour  qu'elle  soit  épousée  par  ses  historiens  ? 

P.  S. 

THÉA1  RE-LYRIQUE. 

FIUSS5E   ET  ZlÉPia'W'IB. 

Opéra  comique  en  un  acte,  paroles  de  MM.  De   Leuven   et  Deslys, 

musique  de    M.    Gautier. 

(Première  représentation.) 

Des  gens  qui  ont  la  mémoire  longue  soutiennent  que  pour  faire  cet 
ouvrage,  M.  de  Leuven  a  eu  d'autres  collaborateurs  que  M.  Deslys,  et 
M.  Deslys  d'autres  associés  que  M.  de  Leuven.  Ils  parlent  d'anciens 
vaudevillistes  nommés  Barré,  Radet,  De  Piis,  que  sais-je,  moi?  et  d'un 
vieux  vaudeville  intitulé,  dans  son  temps,  la  Danse  interrompue... 
Aviez-vous  jamais  entendu  parler  de  cela  ?  Sans  remonter  si  haut,  je  me 
souviens  d'avoir  vu  jouer  au  Gymnase,  dans  ma  jeunesse,  les  Vieux 
péchés,  qui  peuvent  se  vanter  d'une  étroite  parenté  avec  Flore  et  Zé- 
phyr. Qu'est-ce  que  cela  prouve  ?  Que  l'idée  est  bonne,  apparemment. 
Et  si  MM.  de  Leuven  et  Deslys  ont  eu  cinq  prédécesseurs,  que  ne  doit- 
on  pas  attendre  d'une  œuvre  à  laquelle  sept  hommes  d'esprit  ont  mis 
successivement  la  main? 

Donc,  M.  Vertbois  est  un  vieux  danseur  qui  a  fait  des  économies,  et 
s' est  retiré  à  Montargis  avec  Mme  Vertbois,  son  épouse.  Je  ne  saurais 
dire  lequel  de  M.  ou  de  Mme  Vertbois  eut  jadis  le  plus  de  réputation  et 
acquit  le  plus  de  gloire.  Vertbois  avait  un  jarret  incomparable  ;  mais 
tout  le  monde  avouait  que  Mme  Vertbois  possédait  un  ballon  merveil- 
leux. Malheureusement,  Berlin  était  le  théâtre  de  leurs  exploits,  et  faute 
de  savoir  l'allemand,  je  ne  puis  consulter  les  documents  officiels  qui 
m'aideraient  à  résoudre  cette  importante  question.  A  danser  si  loin, 
M.  et  Mme  Vertbois  ont  perdu  les  trois  quarts  de  leur  gloire. 

Faites  vos  flic-fiacs  à  Paris, 
Et  n'allez  point  en  Allemagne, 

dit  le  Temple  du  goût.  A  tous  les  points  de  vue,  M.  et  Mme  Verbois 
ont  dansé  pour  le  roi  de  Prusse. 

Que  leur  importe,  après  tout  ?  Ils  sont  bien  revenus  de  toutes  ces 
chimères.  Le  mari  est  marguillier  de  sa  paroisse  ;  la  femme  est  dame 
de  charité.  Ce  sont  d'honnêtes  bourgeois,  passablement  fiers  de  leur 
fortune,  tenant  furieusement  à  leur  considération  et  gardant  sur  leurs 
antécédents  un  silence  obstiné. 

Us  ont  une  nièce,  et  cette  nièce  a  un  amoureux.  Quant  à  l'amoureux, 
il  n'a  rien,  lui,  si  ce  n'est  une  clarinette,  dont  il  charme  les  habitants 
de  Montargis  quand  ils  vont  à  la  comédie.  Il  y  est,  dit-il,  tout  l'orches- 
tre. Je  crois  qu'il  se  vante.  11  doit  y  avoir  une  grosse  caisse  à  Montargis. 

Vous  imaginez  bien  de  quel  air  hautain ,  de  quelle  œillade  altière, 
impérieuse,  M.  et  Mme  Vertbois  accueillent  ce  téméraire  virtuose  quand 
il  leur  vient  demander  la  main  de  Mlle  Mariette. —  Impertinent  !  malo- 
tru! paltoquet  !  A  la  porte!  Un  artiste!  un  musicien!  et  d'orchestre, 
encore  !  Ah  !  fi  ! 

(■)  Voyez  le  numéro  du  9  février  1851. 


Saturnin  expulsé,  M.  et  Mme  Vertbois  partent  pour  le  théâtre.  Com- 
ment résisteraient-ils  à  la  tentation?  L'on  y  joue  Flore  et  Zéphyr,  ce 
charmant  ballet,  où  ils  ont  jadis  brillé  tous  les  deux.  Pendant  qu'ils  sor- 
tent par  la  porte,  Saturnin  rentre  par  la  fenêtre,  et  Mariette  s'unit  à  lui 
pour  conspirer  contre  l'orgueilleux  marguillier.  —  Si  l'on  pouvait  lui 
jouer  quelque  bon  tour!  Mais  par  où  le  prendre? — Une  armoire  est  la, 
qui  habituellement  reste  fermée,  et  qu'on  a  défendu  à  Mariette  de  ja- 
mais ouvrir.  Par  mégarde,  la  clef,  cette  fois,  est  restée  dans  la  serrure. 
—  Que  renferme  donc  de  si  mystérieux  ce  vieux  meuble  à  moitié  ver- 
moulu ?  —  0  surprise  !  un  casque  de  carton  doré,  un  arc  et  des  ailes 
d'amour, 

Une  robe  légère , 

D'une  entière  blancheur, 

Un  chapeau  de  bergère , 

une  houlette,  la  défroque  complète  d'un  Vestris  et  d'une  Guimard  de 
province.  Précieuse  découverte!  Mais  Saturnin  n'a  guère  le  temps  de 
s'en  réjouir.  On  heurte  à  la  porte  ;  on  monte  l'escalier  :  c'est  M.  et 
Mme  Vertbois  qui  rentrent  pendant  que  Yorcheslre  était  chez  eux,  fai- 
sant l'inventaire  de  leur  mobilier.  Je  me  demande  comment  a  pu  mar- 
cher la  représentation  de  Flore  et  Zéphyr.  Il  faut  que  l'artiste  qui  joue 
de  la  grosse  caisse  à  Montargis  ait  bien  du  talent  ! 

N'importe  !  tout  a  mal  été.  Le  parterre  a  montré,  à  l'égard  des  époux 
Vertbois,  une  insolence  rare.  Il  s'est  moqué  de  la  perruque  à  frimas  de 
monsieur  et  du  vertugadin  rose  de  madame.  —  Ah  !  de  notre  temps 
les  jeunes  gens  avaient  bien  plus  de  politesse  et  dégoût!  Et  puis,  quelle 

exécution  déplorable  !  On  ne  danse  plus  aujourd'hui.  Zéphire  était 

oui  je  lâche  le  mot,  il  était  flasque.  —  Et  Flore  donc  !  Vous  en  con- 
viendrez, monsieur  Vertbois  :  elle  n'a  pas  de  ballon  !  —  Ah  !  ma  chère, 

quand  je  me  souviens —  Ah!  mon  ami,  quand  je  me  rappelle 

—  Quelle  légèreté  !  —  Quelle  grâce  !  —  Vous  étiez  séduisant  !  —  Vous 
étiez  divine  ! 

Et  là-dessus  la  perruque  et  le  vertugadin  mesurent  leurs  distances, 
prennent  des  poses,  sautent  en  cadence,  et  exécutent  une  dernière  fois 
ce  fameux  pas  de  deux  qui  fut  leur  triomphe,  —  se  croyant  seuls. 
Déception  !  ils  ne  sont  pas  seuls.  Une  clarinette  tout  à  coup  se  fait  en- 
tendre à  côté  d'eux,  et  leur  marque  la  mesure.  C'est  celle  de  Saturnin 
caché  sous  la  table,  d'où  il  atout  vu.  Vous  devinez  le  reste.  Entre  deux 
contractants,  dont  chacun  possède  ce  que  l'autre  désire,  le  marché  est 
bientôt  conclu.  —  Vous  nous  garderez  le  secret  ?  —  Vous  m'accorderez 
votre  nièce?  —  Donnant,  donnant. 

Rien  ne  convient  mieux  à  l'opéra  que  ces  folies.  Malheureusement, 
ici ,  le  dialogue  n'est  pas  toujours  aussi  gai  que  les  situations,  et  la  mu- 
sique l'est  bien  moins  que  le  dialogue.  Le  genre  bouffe  exige  de  la  lé- 
gèreté, de  l'entrain,  une  rapidité  facile,  un  style  naturel  et  simple,  une 
grâce  sans  apprêts  ;  il  repousse  tout  ce  qui  sent  le  travail  et  l'effort, 
tout  ce  qui  semble  courir  après  l'effet.  Les  harmonies  compliquées  ne 
lui  vont  pas,  ni  les  accompagnements  prétentieux.  Il  veut  surtout  de  la 
mélodie,  beaucoup  de  mélodie,  et  réserve  ses  plus  grandes  faveurs  à 
ceux  qui  la  lui  donnent  vive,  piquante  et  originale. 

En  fait  d'idées  mélodiques,  nous  n'accusons  pas,  à  Dieu  ne  plaise! 
M.  Gautier  d'être  indigent.  Mais,  cette  fois,  il  s'est  montré  un  peu  trop 
avare.  Dans  les  affaires,  l'épargne  est  indispensable  ;  mais,  dans  les 
arts,  un  peu  de  prodigalité  sied  bien.  Son  style,  d'ailleurs,  est  lourd, 
ou  du  moins  paraît  lourd,  parce  qu'il  est  plus  sérieux  que  ne  le  com- 
porte l'amour  de  M.  Saturnin,  la  colère  de  M.  Vertbois  ou  la  douleur 
de  madame  son  épouse,  qui  a  peur  de  ne  plus  être  dame  de  cha- 
rité. Il  faut  dans  ces  bouffonneries  de  la  verve,  du  laisser  aller,  une 
gaîté  franche  et  intarissable.  Quelques  négligences  n'y  nuiraient  pas  : 
la  science  guindée  y  glace  tout. 

M.  Gautier,  chef  d'orchestre  habile,  connaît  fort  bien  les  procédés  de 
l'instrumentation,  et  tient  à  le  faire  voir.  Cela  est  très-naturel.  Mais 
Pexcès  en  tout  est  un  défaut.  Son  accompagnement  est  si  serré,  si  plein 
de  détails,  si  riche  d'effets,  si  sonore,  que  la  voix  en  est  étouffée.  Il 
prodi  gue  l'harmonie  et  lésine  sur  le  chant.  Le  contraire  vaudrait  mieux, 


SUPPLEMENT. 


SUPPLEMENT. 


LE  PARIS. 


337 


et  si  nous  lui  disons  aussi  nettement  la  vérité,  c'est  parce  qu'il  est  à  un 
âge  où  l'on  peut  encore  changer  d'habitudes. 

Nous  nous  en  tiendrons  à  ces  observations  générales,  qu'il  serait  inu- 
tile d'appliquer  à  chaque  morceau  en  particulier.  Quelques-uns,  néan- 
moins, ont  été  assez  favorablement  accueillis.  Il  y  en  a  même  un  qui 
a  obtenu  les  honneurs  du  bis.  Ce  sont  des  couplets  que  chante  Ma- 
riette, pendant  que  son  amoureux  fait  le  pied  de  grue  sous  sa  fenêtre 
et  sous  la  pluie.  L'orchestre  chante  l'air  :  Il  pleut,  bergers,  et  cette 
mélodie  de  Fabrc  d'Égîantine  lui  servant  de  point  de  départ,  l'auteur  a 
trouvé  cette  fois  un  rhythme  franc,  un  chant  assez  naturel  et  facile  à 
comprendre,  un  discours  musical  qui  se  présente  bien,  avec  homogé- 
néité jusqu'au  bout,  ou  peu  s'en  faut.  Voilà  ce  que  le  public  demande, 
et  ce  qui  réussit  au  théâtre.  Pourquoi  M.  Gaultier  ne  procède-t-il  pas 
toujours  ainsi?  Nous  n'aurions  alors  qu'à  le  louer,  et  notre  tâche  de 
critique  en  deviendrait  bien  plus  agréable. 

G.  HÉQUET. 


LES  SOIRÉES  DE  L'ORCHESTRE. 

(4°  fragment)  (I). 

Par  la  claque,  les  directeurs  font  ou  défont  à  volonté  ce  qu'on  appelle 
encore  des  succès.  Un  seul  mot  au  chef  du  parterre  leur  suffit  pour  tuer 
un  artiste  qui  n'a  pas  un  talent  hors  ligne.  Je  me  souviens  d'avoir  en- 
tendu un  soir,  à  l'Opéra,  Auguste  dire,  en  parcourant  les  rangs  de  son 
armée  avant  le  lever  du  rideau:  a  Rien  pour  M.  Dérivis!  rien  pour 
M.  Dérivis!  »  Le  mot  d'ordre  circula,  et  de  toute  la  soirée  Dérivis,  en 
effet,  n'eut  pas  un  seul  applaudissement.  Le  directeur  qui  veut  se  dé- 
barrasser d'un  sujet  pour  quelque  raison  que  ce  soit,  emploie  cet  ingé- 
nieux moyen,  et  après  deux  ou  trois  soirées  où  il  n'y  a  rien  eu  pour 
M.  ***  ou  pour  Mme  ***  :  «  Vous  le  voyez,  dit-il  à  l'artiste,  je  ne  puis 
vous  conserver;  votre  talent  n'est  pas  sympathique  au  public.  »  11  ar- 
rive, en  revanche,  que  cette  tactique  échoue  quelquefois  à  l'égard  d'un 
virtuose  de  premier  ordre.  «  Rien  pour  lui  !  »  a-t-on  dit  dans  le  centre 
officiel.  Mais  le  public,  étonné  d'abord  du  silence  des  Romains,  devi- 
nant bientôt  de  quoi  il  s'agit,  se  met  à  fonctionner  lui-même  officieuse- 
ment et  avec  d'autant  plus  de  chaleur,  qu'il  y  a  une  cabale  hostile  à 
contrecarrer.  L'artiste  alors  obtient  un  succès  exceptionnel,  un  succès 
circulaire,  le  centre  du  parterre  n'y  prenant  aucune  part.  Mais  je  n'o- 
serais dire  s'il  est  plus  fier  de  cet  enthousiasme  spontané  du  public , 
que  courroucé  de  l'inaction  de  la  claque. 

Songer  à  détruire  brusquement  une  pareille  institution  dans  le  plus 
grand  de  nos  théâtres,  me  paraît  donc  aussi  impossible  et  aussi  fou  que 
de  prétendre  anéantir  du  soir  au  lendemain  une  religion. 

Se  figure-t-on  le  désarroi  de  l'Opéra ,  le  découragement,  la  mélan- 
colie, le  marasme,  le  spleen  où  tomberait  tout  son  peuple  dansant, 
chantant,  marchant,  rimant,  peignant  et  composant  ?  le  dégoût  de  la 
vie  qui  s'emparerait  des  dieux  et  des  demi-dieux,  quand  un  affreux  si- 
lence succéderait  à  des  cabalettes  qui  n'auraient  pas  été  chantées  ou 
dansées  d'une  façon  irréprochable  ?  Songe-t-on  bien  à  la  rage  des  mé- 
diocrités en  voyant  les  vrais  talents  quelquefois  applaudis,  quand 
elles,  qu'on  applaudissait  toujours  auparavant,  n'auraient  plus  un  coup 
de  main  ?  Ce  serait  reconnaître  le  principe  de  l'inégalité,  en  rendre  l'é- 
vidence palpable  ! 

D'ailleurs,  qui  est-ce  qui  rappel- 
lerait le  premier  sujet  après  le  troisième  et  le  cinquième  acte?  Qui  est- 
ce  qui  crierait  Tous  !  tous  !  à  la  fin  de  la  représentation  ?  Qui  est-ce  qui 
rirait  quand  un  personnage  dit  une  sottise?  Qui  est-ce  qui  couvrirait 
par  d'obligeants  applaudissements  la  mauvaise  note  d'une  basse  ou  d'un 
ténor,  et  empêcherait  ainsi  le  public  de  l'entendre?  C'est  à  faire  frémir. 
Bien  plus,  les  exercices  de  la  claque  forment  une  partie  de  l'intérêt  du 
spectacle  ;  on  se  plaît  à  la  voir  opérer.  Et  c'est  tellement  vrai,  que  si 

(1)  Voir  les  n°'  38,  39  et  40. 


on  expulsait  les  claqueurs  à  certaines  représentations,  il  ne  resterai  t 
personne  dans  la  salle. 

Non,  la  suppression  des  Romains  en  France  est  un  rêve  insensé,  fort 
heureusement.  Le  ciel  et  la  terre  passeront;  mais  Rome  est  immor- 
telle, et  la  claque  ne  passera  pas. 

Ecoutez!....  Voici  notre  prima  donna  qui  s'avise  de  chanter  avec 
âme  et  une  simplicité  de  bon  goût,  la  seule  mélodie  distinguée  qui  se 
trouve  dans  ce  pauvre  opéra.  Vous  verrez  qu'elle  n'aura  pas  un  ap- 
plaudissement  Ah!  je  me  suis  trompé;  oui,  on  l'applaudit; 

mais  comment!  Comme  cela  est  mal  fait!  quelle  salve  avortée,  mal 
attaquée  et  mal  reprise  !  Il  y  a  de  la  bonne  volonté  dans  le  public,  mais 
point  de  savoir,  point  d'ensemble,  et  par  suite  il  n'y  a  point  d'effet. 
Si  Auguste  avait  eu  cette  femme  à  soigner,  il  vous  eût  enlevé  la  salle 
d'emblée,  et  vous-même  qui  ne  songez  point  à  applaudir,  vous  eussiez 
partagé  bon  gré  mal  gré  son  enthousiasme. 

Il  me  reste  à  vous  donner  maintenant  l'explication  des  termes  les 
plus  fréquemment  employés  dans  la  langue  romaine  ;  je  profiterai  pour 
cela  du  dernier  acte  de  notre  opéra  qui  va  bientôt  commencer.  Faisons 
un  court  entr'acte,  je  suis  fatigué. 

(Les  musiciens  s'éloignent  de  quelques  pas,  se  communiquant  tout 
bas  leurs  réflexions,  pendant  que  le  rideau  est  baissé.  Mais  trois  coups 
du  bâton  du  chef  d'orchestre  sur  son  pupitre  indiquant  la  reprise  de  la 
représentation,  mon  auditoire  revient  et  se  groupe  attentif  autour  de 
moi.) 

—  Voici,  Messieurs,  quelques  exemples  tirés  de  cette  belle  langue 
que  les  Parisiens  seuls  comprennent  bien. 

Faire  jour  signifie  ne  pas  produire  d'effet,  tomber  à  plat  devant 
l'indifférence  du  public. 

Chauffer  un  four,  c'est  applaudir  inutilement  un  artiste  dont  le  ta- 
lent est  impuissant  à  émouvoir  le  public  ;  cette  expression  est  le  pendant 
du  proverbe  :  Donner  un  coup  d'épée  dans  l'eau. 

Avoir  de  l'agrément,  c'est  être  applaudi  et  par  la  claque  et  par  une 
partie  du  public.  Duprez  le  jour  de  son  début  dans  Guillaume  Tell  eut 
un  agrément  extraordinaire. 

Egayer  quelqu'un,  c'est  le  siffler.  Cette  ironie  est  cruelle,  mais  elle 
présente  un  sens  caché  qui  lui  donne  plus  de  mordant  encore.  Sans 
doute,  le  malheureux  artiste  qu'on  siffle  n'éprouve  par  le  fait  qu'une 
gaîté  fort  conteslable  ;  mais  son  rival  dans  l'emploi  qu'il  occupe  s'égaie 
de  l'entendre  siffler,  mais  bien  d'autres  encore  rient  in  petto  de  l'acci- 
dent. De  sorte  qu'à  tout  prendre,  quand  il  y  a  quelqu'un  de  sifflé,  il  y 
a  toujours  aussi  quelqu'un  d'égayé. 

Tirage  est  pris,  en  langue  romaine,  pour  difficulté,  labeur,  peine. 
Ainsi  le  Romain  dit  :  a  C'est  un  bel  ouvrage,  mais  il  y  aura  du  tirage 
pour  le  faire  marcher.  »  Ce  qui  signifie  que,  malgré  tout  son  mérite, 
l'ouvrage  est  ennuyeux,  et  que  ce  ne  sera  pas  sans  de  grands  efforts 
que  la  claque  parviendra  à  lui  faire  un  simulacre  de  succès. 

Faire  une  entrée,  c'est  applaudir  un  acteur  au  moment  où  il  entre  en 
scène  avant  qu'il  ait  ouvert  la  bouche. 

Faire  une  sortie,  c'est  le  poursuivre  d'applaudissements  et  de  bravos 
quand  il  rentre  dans  la  coulisse,  quels  qu'aient  pu  être  son  dernier 
geste,  son  dernier  mot,  son  dernier  cri. 

Mettre  à  couvert  un  chanteur,  c'est  l'applaudir  et  l'acclamer  violem- 
ment à  l'instant  précis  où  il  va  donner  un  son  faux  ou  éraillé,  afin  que 
sa  mauvaise  note  soit  ainsi  couverte  par  le  bruit  de  la  claque  et  que  le 
public  ne  puisse  pas  l'entendre. 

Avoir  des  égards  pour  un  artiste,  c'est  l'applaudir  modérément,  lors 
même  qu'il  n'a  pu  donner  de  billets  à  la  claque.  C'est  l'encourager 
d' amitié  ou  a  l'oeil.  Ces  deux  derniers  mots  signifient  gratuitement. 

Faire  mousser  solidement  ou  à  fond,  c'est  applaudir  avec  frénésie, 
des  mains,  des  pieds,  de  la  voix  et  de  la  parole.  Pendant  les  entr' actes, 
on  doit  alors  prôner  l'œuvre  ou  l'artiste  dans  les  corridors,  au  foyer,  au 
café  voisin,  chez  le  marchand  de  cigares,  partout.  On  doit  dire  : 
«  C'est  un  chef-d'œuvre,  un  talent  unique,  ébouriffant!  une  voix  inouïe. 
On  n'a  jamais  rien  entendu  de  pareil.  » 


33S 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


L'ensemble  de  ces  dernières  opérations  s'exprime  par  les  mots  soins, 
soigner. 

Faire  empoigner,  c'est  applaudir  hors  de  propos  une  chose  ou  un 
artisle  faibles,  ce  qui  provoque  alors  la  colère  du  public.  Il  arrive  quel- 
quefois qu'une  cantatrice  médiocre,  mais  puissante  sur  le  cœur  du  di- 
recteur, chante  d'une  façon  déplorable.  Assis  au  centre  du  parterre, 
l'air  morne,  accablé,  l'empereur  baisse  la  tête,  indiquant  ainsi  à  ses 
prétoriens  qu'ils  doivent  garder  le  silence,  ne  donner  aucune  marque  de 
satisfaction,  se  conformer  enfin  à  ses  tristes  pensées  !  Mais  la  diva  goûte 
peu  cette  réserve  prudente,  elle  rentre  indignée  dans  la  coulisse  et 
court  se  plaindre  au  directeur  de  l'ineptie  ou  de  la  trahison  du  chef  de 
la  claque.  Le  directeur  ordonne  alors  que  l'armée  romaine  donne  vi- 
goureusement à  l'acte  suivant.  A  son  grand  regret,  le  César  se  voit 
contraint  d'obéir.  Le  second  acte  commence;  la  déesse  courroucée 
chante  plus  faux  qu'auparavant  ;  trois  cents  paires  de  mains  dévouées 
l'applaudissent  quand  même,  et  le  public  furieux  répond  à  ces  manifes- 
tations par  une  symphonie  de  sifflets  instrumentée  à  la  façon  moderne 
et  de  la  plus  déchirante  sonorité.  La  diva  l'a  voulu,  elle  est  empoignée. 

Je  crois  que  l'usage  de  cette  expression  remonte  seulement  au  règne 
de  Charles  X,  et.  à  la  mémorable  séance  de  la  chambre  des  députés, 
dans  laquelle  Manuel  s'étant  permis  de  dire  que  la  France  avait  vu 
revenir  les  Bourbons  avec  répugnance ,  un  orage  parlementaire  éclata, 
et  M.  Foucault,  appelant  ses  gendarmes,  leur  dit,  en  montrant  Manuel  : 

Empoignez-moi  cet  homme-là. 

On  dit  aussi,  pour  désigner  cette  désastreuse  évocation  des  sifflets, 
faire  appeler  Azor,  de  l'habitude  où  sont  les  vieilles  femmes  de  sifflot- 
ter  en  appelant  leur  chien,  qui  porte  toujours  le  nom  A' Azor. 

J'ai  vu,  après  une  de  ces  catastrophes,  Auguste  désespéré  prêt  à  se 
donner  la  mort,  comme  Brutus  à  Philippes.  Une  seule  considération  le 
retint  :  il  était  nécessaire  à  l'art  et  à  son  pays;  il  sut  vivre  pour  eux. 

Conduire  un  ouvrage,  c'est,  pendant  les  représentations  de  cet  ou- 
viage,  diriger  les  opérations  de  l'armée  romaine. 

Brrrrrr  !  !  Ce  bruit  que  fait  l'empereur  avec  sa  bouche  en  dirigeant 
certains  mouvements  des  troupes,  et  qui  est  entendu  de  tous  ses  lieute- 
nants, indique  qu'il  faut  donner  une  rapidité  extraordinaire  aux  claque- 
ments et  les  accompagner  de  trépignements.  C'est  l'ordre  de  faire 
mousser  solidement. 

Le  mouvement  de  droite  à  gauche  et  de  gauche  à  droite  de  la  tète 
impériale  éclairée  d'un  sourire,  indique  qu'il  faut  rire  modérément. 

Les  deux  mains  de  César  appliquées  avec  vigueur  l'une  contre  l'autre 
et  s' élevant  un  instant  en  l'air  ordonnent  un  brusque  éclat  de  rire. 

Si  les  deux  mains  restent  en  l'air  plus  longtemps  que  de  coutume,  le 
rire  doit  se  prolonger  et  être  suivi  d'une  salve  d'applaudissements. 

Hum!  lancé  d'une  certaine  façon,  provoque  l'émotion  des  soldats  de 
César;  ils  doivent  alors  prendre  l'air  attendri,  et  laisser  échapper,  avec 
quelques  larmes,  un  murmure  approbateur. 

Voilà,  Messieurs,  tout  ce  que  je  puis  vous  dire  sur  les  hommes  et  les 
femmes  illustres  de  la  ville  de  Rome.  Je  n'ai  pas  vécu  assez  longtemps 
parmi  eux  pour  en  savoir  davantage.  Excusez  les  fautes  de  l'historien. 

L'amateur  des  stalles  me  remercie  avec  effusion  ;  il  n'a  pas  perdu  un 
mot  de  mon  récit,  et  je  l'ai  vu  prendre  furtivement  des  notes.  On  éteint 
le  gaz  ;  nous  partons.  En  descendant  l'escalier  :  «  Vous  ne  savez  pas 
quel  est  ce  curieux  qui  vous  a  questionné  sur  les  Romains  ?  me  dit 
Dimsky  d'un  air  de  mystère.  —  Non.  —  C'est  le  directeur  du  théâtre 
de  ***;  soyez  sûr  qu'il  va  profiter  de  tout  ce  qu'il  a  entendu  ce  soir  et 
fonder  chez  lui  une  institution  semblable  à  celle  de  Paris.  —  Très  bien  ! 
En  ce  cas  je  suis  fâché  de  ne  pas  l'avoir  averti  d'un  fait  assez  important. 
Les  directeurs  de  l'Opéra,  de  l'Opéra-Comique  et  du  Théâtre-Français 
de  Paris  se  sont  associés  pour  fonder  un  Conservatoire  de  claque,  et 
notre  curieux,  afin  de  placer  à  la  tête  de  son  institution  un  homme 
exercé,  un  tactitien,  un  César  véritable,  ou  tout  au  moins  un  jeune 
Octave,  pourrait  engager  l'élève  de  ce  Conservatoire  qui  vient  d'obte- 
nir le  premier  prix.  —  Je  lui  écrirai  cela,  je  le  connais.  —  Vous  ferez 
bien,  mon  cher  Dimsky.  Soignons  notre  art. 


DIX-SEPTIÈME  SOIRÉE. 

On  joue  le  Barbier  de  Séville  de  Rossini. 

Personne  ne  parle  à  l'orchestre.  Corsino  se  contente,  à  la  fin  de  l'o- 
péra, de  faire  observer  que  l'acteur  chargé  du  rôle  d'Almaviva,  dans 
cet  étincelant  chef-d'œuvre,  était  né  pour  être  bourgmestre,  et  que 
Figaro  eût  fait  un  suisse  de  cathédrale  accompli. 

DIX-NEUVIÈME  SOIRÉE. 

On  joue  Don  Giovanni. 

Je  reparais  à  l'orchestre  après  plusieurs  jours  d'absence.  Mon  inten- 
tion n'était  pas  d'y  rentrer  ce  soir-là  ;  mais  Corsino  et  quelques-uns  de 
ses  confrères  sont  venus  m'exprimer  leurs  regrets  de  m'avoir  blessé 
en  taxant  de  cruauté  ma  critique;  j'ai  ri,  j'étais  désarmé  et  je  les  ai 
suivis  au  théâtre.  Les  musiciens  m'accueillent  avec  la  plus  vive  cor- 
dialité ;  ils  veulent  me  faire  oublier  mon  mécontentement,  qu'ils  ont 
cru  réel  ;  mais  dès  le  premier  ccup  d'archet  de  l'ouverture,  chacun 
cesse  de  parler.  On  écoute  religieusement  le  chef-d'œuvre  de  Mozart, 
dignement  exécuté  par  le  chœur  et  par  l'orchestre.  A  la  fin  du  dernier 
acte  :  «  Que  pensez- vous  de  notre  baryton  Don  Giovani  ?  me  demande 
Bacon  d'un  air  de  fierté  nationale.  —  Je  pense  qu'il  mérite  le  prix 
Montyon.  —  Qu'est-ce  que  c'est?  dit-il  en  se  tournant  vers  Corsino. 
—  (Corsino).  C'est  le  prix  de  vertu.  — ■  (Bacon,  étonné  d'abord,  très- 
flatté  ensuite,  reprend  avec  une  satisfaction  douce  :  )  Oh  !  c'est  vrai, 
M.  K***  est  un  bien  brave  homme  !  » 

H.  BERLIOZ. 


REVUE   CRITIQUE. 

IL»  «'dl  idiote':  et  <ra .un  »    s. .1  c sa .c su   du  stabat  mati-i'  de  BSOSSMï.  — 
S's'WQBgcii'ûgsaioias  posta*  Be  B&ijûHno,  par  Hiïïfezv'T. 

La  mélodie  italienne,  et  notamment  les  Soirées  musicales  de  Rossini, 
ont  si  souvent  porté  bonheur  à  Liszt  ;  il  s'en  inspire  si  bien  ,  il  les  orne 
de  si  brillantes  arabesques,  que  tous  les  amateurs  demusique  de  piano, 
et  ils  sont  nombreux,  doivent  se  féliciter  quand  cet  admirable  méca- 
niste  veut  bien  se  faire  arrangeur.  Moins  fantaisiste  que  de  coutume,  et 
s'occupant  d'idées  musicales  plus  graves,  il  vient  de  paraphraser,  de 
transcrire,  comme  il  le  dit  modestement,  sous  le  titre  de  deux  mor- 
ceaux écrits  par  lui,  le  bel  air  :  Cvjus  animam,  du  Stabat  de  Rossini, 
et  le  Chœur  de  la  charité,  œuvre  détachée,  du  même  compositeur. 

Dans  une  introduction  assez  courte ,  l'habile  arrangeur  procède 
comme  tous  les  faiseurs  de  fantaisies  dans  l'air  du  Stabat  de  Rossini  ; 
il  annonce  par  fragments  de  deux  mesures  la  mélodie  principale,  puis 
il  l'attaque  franchement  en  doubles  octaves  de  la  main  droite,  avec  un 
dessin  de  marche  fière  et  bien  rhythmée  à  la  main  gauche.  Sur  cette 
belle  mélodie,  qui  se  développe  largement  dans  son  intégrité,  se  des- 
sine aussi  un  accompagnement  en  croches,  six  pour  quatre,  qui  figure, 
pour  peu  qu'on  veuille  voir  de  la  poésie  dans  un  accompagnement,  les 
harpes  célestes  ;  et  comme  il  y  a  toujours  un  trop  plein  d'harmonie  et 
de  difficultés  dans  la  tête  et  les  doigts  du  compositeur-arrangeur,  il  met 
des  lignes  supplémentaires  au  riche  accompagnement  qu'il  a  placé  sous 
la  pompeuse  mélodie  de  Rossini,  supplément  orné  du  mot  italien  ossia, 
pour  remplacer  le  ou  alternatif,  qui  désigne  le  passage,  le  trait  facile  à 
faire  en  place  du  difficile. 

Après  tout  le  luxe  de  la  riche  harmonie  accompagnante  que  Liszt  a 
mise  sur  cette  noble  mélodie,  vient  un  decrescendo  de  cette  puissante 
harmonie  qui  va  perdendosi  avec  les  arpèges  des  harpes  dont  les  sons 
semblent  monter  au  ciel,  et  cesser  d'être  perceptibles  à  l'ouïe  en  entrant 
dans  l'infini. 

Le  Chœur  de  la  Charité  n'est  pas  arrangé  avec  moins  de  goût,  d'es- 
prit, on  pourrait  même  dire  d'inspiration;  il  est  plus  largement,  plus 
longuement  traité.  C'est,  comme  dans  l'autre  morceau,  le  même  respect 
de  la  mélodie  bien  exposée,  bien  mise  en  relief,  mais  avec  une  similitude 
parfois  de  dessin  dans  l'accompagnement  en  arpège  des  harpes. 


DE  PARIS. 


339 


Ce  chœur  faisait  partie  d'un  recueil  de  petites  pièces  de  ce  genre, 
que  l'importunité  de  ses  éditeurs  parvint  à  arracher  à  la  paresse  del 
maestro  di  grari  genio  e  di  grari'  far  mente,  alors  qu'il  avait  juré  de  ne 
plus  rien  écrire  de  nouveau.  Ces  chœurs  étaient  déjà  anciens,  excepté 
celui  sur  la  charité,  qu'il  composa  pour  parfaire  le  recueil.  C'est  donc 
ce  dernier  morceau  en  mi  naturel,  en  mesure  à  douze-huit,  que  Liszt  a 
transcrit  pour  le  piano  avec  tout  le  tact,  l'habileté  qu'il  apporte  dans 
ces  sortes  d'ouvrages.  Le  chant  en  est  on  ne  peut  mieux  distribué  entre 
les  deux  mains,  et  domine  toujours,  bien  que,  par  le  luxe  difficul- 
tueux  et  brillant  des  traits,  ces  invocations  h  la  douce  charité  ressem- 
blent parfois  aux  accents  de  colère.  Quoiqu'il  n'aitque  dix  doigts,  l'ha- 
bile pianiste  fait  entendre  plus  de  dix  sons  simultanément.  Au  reste, 
comme  il  ne  rêve  qu'effets  d'orchestre,  le  piano,  par  sa  plume  et  ses 
doigts,  est  orchestral  ;  et  dans  ce  morceau,  il  lui  fait  rendre  toutes  les 
sonorités  et  tous  les  timbres  de  voix  dont  se  compose  un  chœur.  S'il 
se  remettait  à  voyager  et  à  donner  des  concerts,  tous  les  publics  de 
l'Europe  musicale  lui  demanderaient  la  Charité. 

Henri  BLANCHARD. 


NÉCROLOGIE. 

.s.  xi.   r>'i  en-:, ■■  G'S'ïïaa •::>:;■; c-'E'b-:b5. 

Peu  de  musiciens  ont  apporté  dans  l'étude  et  la  pratique  de  leur  art 
des  dispositions  plus  remarquables  que  celui  dont  nous  avons  à  dire 
quelques  mots  en  ce  moment. 

Jean-Madeleine  Schneitzhoeffer,  dont  le  nom  est  si  peu  français,  avait 
pourtant  vu  le  jour  à  Paris.  La  Biographie  universelle  des  musiciens  le 
fait  naître  en  1789,  et  dans  ce  cas  il  n'aurait  eu  que  63  ans;  mais  lesbillets 
envoyés  par  sa  famille  lui  en  donnent  67.  Il  était  fils  d'un  hautboïste  de 
l'Opéra  ;  il  fut  admis  au  Conservatoire,  et  y  reçut  des  leçons  de  Catel, 
pour  l'harmonie  et  la  composition.  Ses  premiers  essais  donnèrent  de 
grandes  espérances.  11  écrivit  des  ouvertures  et  même  des  sympho- 
nies qui  furent  exécutées  publiquement.  Le  jeune  artiste  ne  tint  pas 
toutes  ses  promesses,  et  ce  fut  un  goût  trop  vif  pour  le  plaisir  qui 
l'arrêta  dans  son  chemin. 

Nommé  timbalier  de  l'Opéra  et  de  la  chapelle  du  roi,  en  1815,  il 
quitta  cet  emploi,  en  1823,  pour  succéder  à  Adrien,  comme  chef  du 
chant,  et  en  remplit  les  fonctions  jusqu'en  1840.  En  1833,  il  entra  au 
Conservatoire  comme  professeur  d'une  classe  de  chœurs,  et  y  resta 
jusqu'en  1850.  A  cette  époque,  ses  infirmités  toujours  croissantes  l'obli- 
gèrent à  se  retirer. 

Schneitzhoeffer  a  composé  la  musique  de  plusieurs  ballets,  et  c'est 
là  son  vrai  titre  de  gloire.  On  a  de  lui  la  partition  de  Proserpine,  de 
Claire  et  Melctal,  de  Zëmire  et  Asor,  des  Filets  de  Vulcain,  et  de  la 
Sylphide,  son  chef-d'œuvre.  Dans  tous  ces  ouvrages  on  trouve  beau- 
coup d'idées,  de  fraîcheur,  d'abondance,  de  coloris.  Il  avait  aussi  com- 
mencé la  musique  d'un  grand  opéra,  Sardavapale,  mais  il  ne  l'a  pas 
achevée;  et  en  effet,  il  n'avait  pas  la  force  de  tête,  la  persévérance  de 
travail,  indispensables  pour  conduire  à  bonne  fin  la  composition  d'un 
opéra.  Il  était  presque  le  dernier  d'une  race  qui  se  perd  tous  les  jours, 
celle  des  musiciens  bouffons  et  mystificateurs.  Doué  d'un  cœur  excel- 
lent, d'un  caractère  inoffensif ,  tant  que  dura  sa  jeunesse,  il  ne  se  plut 
que  dans  les  interminables  plaisanteries  qui  étaient  encore  à  la  mode. 
Le  sérieux  lui  manquait  dans  les  idées  comme  dans  la  tenue.  Quand 
l'âge  mûr  survint,  et  bientôt  la  vieillesse,  il  lui  arriva  ce  qui  devait  lui 
arriver  :  il  tomba  dans  le  découragement  et  la  tristesse.  Quelques 
rares  éclairs  perçaient  encore  le  nuage,  mais  c'était  pourpeu  de  temps. 
Nous  avons  conservé  sa  dernière  carte  de  visite;  c'était  un  canon  com- 
posé par  lui,  paroles  et  musique,  et  dont  voici  les  paroles  : 

Pour  l'an  mil  huit  cent  cinquante, 
Je  souhaite  a  mes  amis 
Bonne  santé,  forte  rente 
Et  tous  les  plaisirs  permis  ; 


Aux  dames,  un  cœur  traitable; 
Aux  messieurs,  beaucoup  d'ardeur. 
Et  quant  a  moi,  pauvre  diable, 
Je  reste  leur  serviteur. 

On  ferait  des  volumes  avec  le  souvenir  des  facéties  dont  Schneitz- 
hoeffer fut  l'inventeur  ou  l'acteur.  L'une  des  meilleures  fut  celle-ci.  A 
l'époque  où  M.  Woets,  pianiste  distingué,  avait  cru  devoir  rédiger 
ainsi  ses  cartes  :  Woets,  lisez  Outs;  Schneitzhoeffer  l'imita  en  mettant 
sur  les  siennes  :  Schneitzhoeffer,  lisez  Bertrand. 

Quelques  amis,  d'anciens  collègues,  des  choristes  de  l'Opéra  en  grand 
nombre  l'ont  accompagné,  l'un  des  derniers  jours  de  celte  semaine,  à 
sa  dernière  demeure.  Dans  l'église  de  Montmartre  ,  un  de  ses  amis  et 
collègues  voulait  lui  dire  un  adieu  musical,  et  réclamait  la  clef 
d'un  piano  qui  se  trouvait  là  pour  l'accompagnement  des  offices  ;  il  n'a 
pu  l'obtenir.  Dans  le  cimetière,  les  choristes  ont  entonné  tout  à  coup  à 
pleine  voix  le  De  profundis ,  pour  se  dédommager  du  silence  forcé 
qu'ils  avaient  gardé  dans  l'église,  et  pour  répondre  à  l'intention  pieuse 
qui  n'avait  pu  recevoir  d'exécution. 

P.  S. 


CORRESPONDANCE. 

Bruxelles,  28  septembre  1852. 

Après  une  clôture  de  quatre  mois,  notre  opéra  a  rouvert.  Il  n'y  a  pas 
eu  seulement  interruption  momentanée  des  représentations  ;  il  y  a  eu 
changement  de  direction.  Le  sceptre  lyrique  est  passé  des  mains  de  M.  Ch. 
Hanssens  dans  celles  de  M.  Letellier,  déjà  entrepreneur  du  théâtre  d'Am- 
sterdam, et  qui  conserve,  dit-on,  les  deux  exploitations.  M.  Hanssens  a 
seulement  conservé  le  bâton  de  commandement  de  l'orchestre. 

La  plupart  des  premiers  sujets  de  l'ancienne  troupe  sont  partis,  sans 
laisser  de  trop  profonds  regrets  à  la  vérité,  à  l'exception  de  Mme  Cabel 
toutefois,  dont  on  ne  connaît  pas  encore  la  remplaçante,  mais  qu'on  eût 
fort  souhaité  de  conserver.  Nous  avons  fait  connaissance  avec  presque 
tous  les  nouveaux  artistes.  Je  vais  vous  dire  brièvement  quel  a  été  le  ré- 
sultat de  leurs  débuts. 

Au  ténor  la  première  mention,  car  il  peut  être  ou  la  ressource  par  ex- 
cellence ou  la  ruine  de  la  direction.  Vous  croyez  sans  doute  que  je  vais 
commencer  par  la  jérémiade  ordinaire  sur  la  rareté  des  ténors,  sur  l'im- 
possibilité d'en  trouver  de  passables  et  sur  l'obligation  où  l'on  est  d'ac- 
cepter des  voix  médiocres,  faute  de  celles  qui  n'existent  plus  à  l'état  de 
pureté.  Détrompez-vous.  Qui  est-ce  qui  a  dit  qu'il  n'y  avait  plus  de  ténors? 
Il  y  en  a  encore.  La  preuve,  c'est  que  noos  en  possédons  un  ;  non  pas  un 
ténor  d'occasion,  un  ténor  de  rencontre,  plus  ou  moins  avarié,  esquivant 
ce  qu'il  ne  peut  pas  faire  et  retranchant  son  incapacité  derrière  les  exi- 
gences de  la  musique  du  jour.  Notre  ténor  est  un  vrai  ténor,  puissant  et 
doux,  d'un  timbre  énergique  ou  moelleux,  selon  les  besoins  de  la  scène, 
prenant  avec  une  singulière  aisance  les  notes  devant  lesquelles  nous  n'é- 
tions que  trop  accoutumés  à  voir  échouer  nos  chanteurs  égosillés  avant 
l'âge.  Voulez-vous  savoir  d'où  vient  ce  rare  virtuose?  Je  vais  me  rendre 
l'écho  du  bruit  répandu  sur  la  manière  dont  s'est  révélée  sa  vocation. 

M.  Mirapelli  (c'est  ainsi  qu'on  appelle  notre  ténor)  est  né  dans  le  midi 
de  la  France.  Il  faisait,  tout  dernièrement  encore,  la  guerre  en  Algérie 
avec  le  grade  de  fourrier  ou  de  sergent.  Son  capitaine  l'entendit  un  soir 
chanter  au  bivouac,  fut  frappé  de  la  beauté  de  sa  voix,  et  lui  donna  le 
conseil  de  quitter  l'état  militaire  pour  embrasser  la  profession  d'artiste 
dramatique,  non  moins  glorieuse  parfois  et  toujours  plus  lucrative.  Le  con- 
seil était  bon  ;  mais  comment  le  suivre  ?  Le  capitaine  se  chargea  de  lever 
les  obstacles.  A  sa  demande,  le  jeune  sous-officier  obtint  son  congé. 

M.  Mirapelli  sortait  du  régiment  avec  sa  jolie  voix,  mais  voilà  tout; 
musicien,  il  ne  l'était  guère  ;  chanteur,  il  ne  l'était  pas.  Avec  des  disposi- 
tions naturelles  secondées  par  un  travail  soutenu,  il  devint  un  peu  l'un, 
un  peu  l'autre;  il  apprit  quelques  rôles...  et  le  voilà  lancé  dans  la  carrière. 
Ses  débuts  à  Bruxelles  ont  été  assez  heureux.  Le  public,  charmé  d'en- 
tendre une  voix  fraîche  et  pure  dirigée  avec  goût,  sinon  avec  art,  l'ap- 
plaudit et  le  rappelle.  Cette  existence  vaut  bien  celle  qu'on  goûte  sur  la 
terre  d'Afrique.  M.  Mirapelli  ne  deviendra  pas  maréchal  de  France;  mais, 
en  échangeant  cette  éventualité  douteuse  contre  les  appointements  et 
les  succès  d'un  premier  ténor  en  faveur,  il  n'a  pas  fait  un  mauvais 
marché. 

Comme  basse  nous  avons  M.  Ballanqué,  que  vous  connaissez.  Le  premier 
soir,  dans  la  Favorite,  on  lui  a  trouvé  peu  de  voix,  et  comme  la  puissance 
pectorale  est  ce  que  les  dilettantes  de  Bruxelles  prisent  le  plus,  on  fut 


340 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


très-froid  à  son  égard.  Dans  la  Juive  il  fut  mieux  accueilli,  et  dans  les 
Huguenots  il  eut  du  succès.  En  suivant  cette  progression,  il  triomphera 
dans  Robert-le-Diable.  On  s'accoutume  à  n'entendre  pas  des  sons  volumi- 
neux, et  l'on  remarque  de  plus  en  plus  l'intelligence  et  le  bon  style  du 
chanteur. 

Faut-il  vous  parler  des  prime  donne?  Il  le  faut  assurément,  puisque  j'ai 
entrepris  de  vous  faire  passer  en  revue  notre  nouvelle  troupe  lyrique  ; 
mais  ce  n'est  point  la  partie  agréable  de  la  tâche  que  je  me  suis  donnée. 
La  direction  avait  engagé  deux  cantatrices,  sauf  ratification  de  ses  habi- 
tués, pour  tenir  le  premier  emploi,  Ces  deux  cantatrices  étaient  Mme  Stei- 
ner-Beaucé,  sœur  de  Mme  Ugalde,  et  Mlle  Uranie  Cambier,  Chacune  d'elles 
a  fait  deux  des  trois  débuts  auxquelles  les  obligent  nos  usages  drama- 
tiques. Mme  Steiner-Beaucé  a  choisi  pour  les  siens  la.  Favorite  et  Charles  17; 
Mlle  Cambier  a  paru  dans  la  Juive  et  dans  les  Huguenots.  Le  public  s'est 
montré  d'une  réserve  extrême  à  l'égard  de  la  première,  et  a  fait  acte 
d'hostilité  contre  la  seconde.  Quelle  sera  pour  l'une  et  l'autre  l'issue  de  la 
dernière  épreuve?  C'est  ce  que  personne  ne  sait,  pas  même  la  direction, 
qui  retarde  tant  qu'elle  peut  le  moment  de  la  crise,  de  peur  d'être,  un 
beau  matin,  sans  prima  donna  pour  son  spectacle  du  soir. 

Voilà  où  en  sont  les  choses  de  notre  Opéra.  Je  ne  vous  parle  pas  des 
emplois  secondaires,  qui  sont  tenus  tant  bien  que  mal.  Du  reste,  le  grand 
répertoire  n'est  pas,  pour  le  moment,  ce  qui  préoccupe  le  plus  vivement 
l'attention  publique.  Elle  porte  tout  entière  sur  Mme  Ugalde,  qui  ne  s'é- 
tait jamais  fait  entendre  à  Bruxelles,  et  que  nous  possédons  depuis  bientôt 
un  mois.  Le  Caïd,  V Ambassadrice,  le  Toréador,  le  Songe  d'une  nuit  d'été,  ont 
appris  successivement  aux  amateurs  de  notre  capitale  toutes  les  ressources 
d'un  talent  que  vous  connaissez  trop  bien  pour  que  je  l'analyse  ici.  On 
n'a  pas  trouvé  à  Mme  Ugalde  la  voix  sur  laquelle  on  comptait;  mais  la  per- 
fection du  mécanisme  et  le  coloris  de  l'exécution  ont  dépassé  ce  qu'on 
attendait.  Il  y  a  donc  compensation  à  l'avantage  de  l'artiste,  car  il  peut 
être  donné  à  tout  le  monde  d'avoir  de  la  voix,  et  tout  le  monde  ne  peut 
pas  acquérir  un  grand  mérite  de  chanteur. 

Les  opéras  repris  par  Mme  Ugalde  auraient  suffi  pour  satisfaire  la  cu- 
riosité pendant  le  nombre  trop  limité  des  soirées  qu'elle  comptait  nous 
consacrer  ;  mais  elle  a  voulu,  par  une  coquetterie  dont  chacun  ici  lui 
sait  gré,  faire  plus  qu'il  n'était  nécessaire,  en  montant  un  ouvrage  nou- 
veau. Cet  ouvrage,  c'est  Galathée,  qu'on  n'avait  pas  encore  représenté 
sur  notre  scène  et  qui  vient  d'obtenir  un  brillant  succès,  dû  à  la  jolie  mu- 
sique de  M.  Victor  Massé,  en  même  temps  qu'à  son  habile  interprète. 

Je  quitte  le  théâtre  pour  vous  parler  de  nos  fêtes  musicales.  Quand  je 
dis  fêtes  musicales,  il  ne  s'agit  ni  d'un  de  ces  concerts  interminables 
comme  on  en  donne  en  Angleterre,  ni  de  l'exécution  de  quelque 
chef-d'œuvre  par  de  puissantes  masses  vocales  et  instrumentales.  C'est 
tout  bonnement  d'un  concours  de  chant  d'ensemble  qu'il  va  être  question. 
C'est  là  notre  fort  ou,  pour  mieux  parler,  notre  faible  :  les  concours  !  Les 
gens  ne  se  dérangeraient  point  pour  venir  coopérer  à  une  œuvre  artisti- 
que; mais  qu'on  mette  en  jeu  leur  amour-propre  personnel  et  leur  vanité 
communale,  si  je  puis  m'exprimer  ainsi,  vous  les  verrez  accourir.  Je  re- 
grette d'en  faire  l'aveu  ;  mais  la  vérité  m'y  oblige,  et,  d'ailleurs,  les  na- 
tions pas  plus  que  les  individus  ne  gagnent  à  se  dissimuler  leurs  défauts. 
Il  vaut  bien  mieux  les  confesser,  et  s'en  corriger  si  l'on  peut. 

Nous  avons  donc  eu  un  concours  de  chant  d'ensemble.  Ce  concours  était 
international,  suivant  le  programme,  et  pourtant  on  n'y  a  vu  figurer  que 
des  Sociétés  belges,  et  cependant  aucun  appel,  si  je  suis  bien  informé,  n'a- 
vait été  fait  aux  Sociétés  étrangères.  Que  signifie  donc  ici  l'épithète  d'in- 
ternational? Le  rédacteur  du  programme  ignore-t-il  la  valeur  de  ce  mot? 
La  chose  est  possible.  La  Belgique  a  conservé  tous  les  préjugés  de  son  an- 
cienne organisation  communale.  Chaque  province,  chaque  ville  a  sa  phy- 
sionomie, ses  intérêts,  son  caractère  et  ses  mœurs.  Les  Flamands  ne 
veulent  avoir  rien  de  commun  avec  les  Walons,  pas  plus  que  les  Liégeois 
avec  les  Brabançons.  Pour  l'habitant  de  Bruxelles,  le  citoyen  de  Gand, 
celui  d'Anvers,  celui  de  Bruges,  sont  des  étrangers  ;  c'est  ainsi  qu'on  les 
nomme  publiquement  et  de  la  meilleure  foi  du  monde.  C'est  probable- 
ment pour  ce  motif  qu'on  aura  qualifié  d'international  le  concours  dont 
j'ai  à  vous  entretenir. 

Prévoyant,  d'après  le  nombre  des  Sociétés  inscrites,  que  la  durée  du 
concours  dépasserait  les  limites  raisonnables  si  on  les  faisait  toutes  com- 
paraître dans  la  même  séance  et  devant  le  même  jury,  on  les  divisa  en 
deux  catégories.  Pendant  que  la  lutte  s'ouvrait  entre  les  Sociétés  des 
communes  dans  la  salle  de  la  Grande-Harmonie,  les  Sociétés  d'ouvriers, 
celles  des  villes  de  second  et  de  premier  rang  entraient  en  lice  dans  le 
temple  des  Augustins.  Nonobstant  cette  précaution,  le  concours,  pour  la 
seconde  catégorie,  se  prolongea  de  neuf  heures  du  matin  jusqu'à  dix 
heures  du  soir.  Il  va  sans  dire  que  les  auditeurs  n'étaient  pas  tenus  de 
subir  le  supplice  de  ces  treize  heures  de  chant  choral;  mais  le  jury  n'a- 
vait pas,  lui,  la  faculté  de  se  l'esquiver.  Quelle  situation  que  la  sienne  ! 
L'inquisition  n'eut  pas  de  torture  comparable  à  celle-là. 


Quoi  qu'il  en  soit,  ce  que  j'ai  entendu  de  ces  concours,  tantôt  m'échap- 
pant  pour  aller  respirer,  tantôt  revenant  à  la  charge,  m'a  donné  la  con- 
viction que  le  chant  en  chœur  a  fait  beaucoup  de  progrès  en  Belgique  de- 
puis quelques  années  tant  dans  les  communes  que  dans  les  grandes  villes. 
Nous  ne  sommes  pas  encore  arrivés  au  point  où  en  sont  les  Allemands 
après  une  longue  expérience,  mais  nous  sommes  en  train  de  les  rattraper. 

Les  associations  chantantes  d'ouvriers  sont  nombreuses  et  déjà  passable- 
ment exercées.  Ne  trouvez-vous  pas  que  ce  sont  là  des  institutions  excellen- 
tes, et  qu'on  ne  saurait  trop  encourager  dans  l'intérêt  de  la  civilisation? 
Les  ouvriers  qui  se  réunissent  pour  chanter  et  qui  donnent  à  la  culture  de 
l'art  musical  les  loisirs  qu'ils  consacraient  jadis  à  de  grossiers  divertisse- 
ments, font  un  grand  pas  dans  l'ordre  des  idées  morales. 

Outre  les  prix  généraux  fondés  pour  les  différentes  catégories  de  Socié- 
tés, il  y  avait  un  prix  particulier,  un  prix  d'excellence  auquel  pouvaient 
seulement  prétendre  lès  Sociétés  couronnées  dans  des  concours  précé- 
dents. La  lutte  a  été  vive  entre  les  Mélomanes  de  Gand,  les  Chœurs  de  la 
même  ville  et  Orphée,  de  Liège.  La  palme  est  échue  aux  Mélomanes  de 
Gand.  Vous  imagineriez  difficilement  quelle  scène  de  confusion  suivit  la 
proclamation  de  ce  résultat.  Ce  lurent  tout  à  la  fois  des  applaudissements, 
des  cris  de  joie  et  des  explosions  de  murmures  à  réveiller  un  sourd.  De 
l'intérieur  de  la  salle  l'agitation  gagna  la  rue,  où  stationnaient  des  groupes 
de  Gantais  et  de  Liégeois  dans  l'attente  d'une  décision  à  laquelle  ils  atta- 
chaient la  plus  haute  importance.  On  ne  fut  pas  sans  crainte  sur  la  pos- 
sibilité d'une  collision  ;  on  était  animé  de  part  et  d'autre  ;  les  deux  Sociétés 
de  Gand  surtout  semblaient  prêtes  à  céder  aux  mauvaises  inspirations 
d'une  vanité  mal  placée.  L'émulation  est  une  chose  louable  ;  mais  il  ne 
faut  pas  qu'elle  soit  poussée  jusque  là.  Si  des  concitoyens  s'oubliaient  au 
point  d'en  venir  aux  mains  à  propos  de  chant  d'ensemble,  que  faudrait-il 
penser  de  l'opinion  des  philosophes  qui  attribue  à  la  musique  le  pouvoir 
d'adoucir  les  mœurs?  Que  faudrait-il  penser  de  la  nation  chez  laquelle 
s'accomplissent  de  pareils  actes  et  qui  a  la  prétention,  justifiée  sous  beau- 
coup de  rapports,  de  marcher  de  pair  avec  les  plus  civilisées?  Pour  notre 
honneur  national ,  il  est  heureux  que  les  choses  n'en  soient  pas  venues  à 
cette  extrémité. 


%*  Demain  lundi,  à  l'Opéra,  Guillaume  Tell. 

***  Robert-lc-Diable,  les  Hugwnoti  et  le  Juif  errant,  successivement 
représentés ,  ont  amené  trois  soirées  d'abondance  et  de  fête.  C'est 
Gueymard  qui  chantait  le  rôle  du  héros  normand  :  Roger  chantait  ceux 
de  fiaoul  et  de  Léon.  Mmes  Tedesco,  Lagrua,  Poinsot  et  Laborde  ont  par- 
tagé avec  les  deux  ténors  les  bravos  et  les  rappels. 

***  Mme  Ugalde  a  fait  sa  rentrée  lundi  dernier  dans  Galathée.  11  y  avait 
foule  pour  assister  au  retour  de  la  brillante  cantatrice,  qui  a  été  reçue 
comme  elle  devait  l'être.  Mercredi,  elle  a  encore  chanté  dans  Galathée  ; 
jeudi  et  samedi  dans  la  Fille  du  Régiment. 

V  Le  Père  Gaillard,  qu'une  indisposition  de  Battaille  a  empêché  de 
donner  la  semaine  dernière,  est  annoncé  pour  mardi. 

***  La  Dame  Blanche  et  Joseph  ont  remplacé  mardi  le  Père  Gaillard. 
Jeudi  et  samedi,  la  Fille  du  Régiment  était  accompagnée  des  Voilures 
versées. 

*t*  M.  Lumley  est  à  Paris  depuis  deux  jours.  La  réouverture  du  Théâtre- 
Italien  ne  se  fera  pas  attendre. 

***  Chollet  va  bientôt  reparaître  au  Théâtre  Lyrique  dirigé  par  M.  Se- 
veste.  Il  a  choisi  pour  sa  pièce  de  rentrée,  le  Postillon  de  Longjumeau, 
dont  la  fortune  fut  si  populaire  et  clans  lequel  il  chantait  si  bien.  Ensuite, 
il  doit  créer  le  rôle  principal  d'  un  opéra  nouveau  :  le  Duc  de  Beaufort. 

%?  La  Poupée,  de  Nuremberg,  d'Adolphe  Adam,  se  répète  à  Montpellier 
et  à  Bordeaux.  Pans  la  première  de  ces  villes,  à  la  Poupée  succédera 
immédiatement  le  Farfadet,  du  même  auteur.  Le  Toréador  va  aussi  être 
bientôt  joué  à  Orléans. 

%*  Mme  Viardot  vient  de  faire,  pour  ainsi  dire,  sa  rentrée  comme  can- 
tatrice, après  un  repos  qu'il  ne  lui  était  pas  possible  d'éviter.  C'est  dans 
les  grandes  fêtes  musicales  de  l'Angleterre  qu'elle  a  repris  l'exercice  de 
son  art  et  occupé  la  première  place  avec  un  succès  d'autant  plus  flatteur 
que  les  mêmes  villes  avaient  entendu  récemment  Jenny  Lind ,  Alboni , 
Grisi,  Sontag.  Les  journaux  de  Norwich  et  de  Liverpool,  que  nous  avons 
sous  les  yeux,  parlent  de  la  grande  artiste  en  des  termes  tout  à  fait  dignes 
d'elle,  qui  ne  laissent  aucun  doute  sur  l'état  de  sa  voix,  ni  sur  le  constant 
progrès  de  son  talent. 

V  Hermann  Léon  est  à  Bruxelles,  où  il  va  donner  une  suite  de  repré- 
sentations. 

%*  Charles  Dancla  vient  de  donner  son  troisième  concert  au  bénéfice 
des  pauvres  de  Chollet  ;  et,  dans  cette  circonstance ,  il  n'a  pas  moins  fait 
preuve  de  talent  supérieur  que  de  généreuse  sympathie. 

***  Léopold  Dancla,  son  frère,  va  épouser  Mlle  Delphine  Skopetz. 

V  Le  North  américain  de  Philadelphie  annonce  qu'Ole  Bull  a  acheté 
récemment  dans  le  comté  de  Potter  (l'ensylvanie)  120,000  acres  déterre, 
où  il  compte  fonder  une  colonie  de  ses  compatriotes. 

%*  Les  comités  des  quatre  associations  d'artistes  ont  été  convoqués 


- 


DE  PARIS. 


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vendedi  ilernior  chez  M.  le  baron  Taylor  pour  y  entendre  la  lecture  en- 
tière du  testament  de  M.  de  Trémont.  Comme  nos  lecteurs  le  savent, 
l'honorable  testateur  a  voulu  consacrer  toute  sa  fortune  à  des  fondations 
philanthropiques,  sans  en  rien  distraire  au  profit  de  ses  parents  ou  de  ses 
amis.  Il  ne  faudrait  pourtant  pas  croire  qu'il  fût  oublieux  ni  ingrat.  Il 
s'est  justifié  lui-même  à  l'égard  de  sa  famille;  quant  à  ses  amitiés,  voici 
un  trait  qui  prouve  à  quel  point  il  leur  était  dévoué.  Un  jour  (et  il  y  a  de 
cela  bon  nombre  d'années)  M.  de  Trémont  se  trouvait  avec  deux  dames  qui 
le  conduisirent  chez  la  fameuse  Mlle  Lenormand.  Les  dames  consultèrent 
la  devineresse  et  voulaient  que  leur  cavalier  se  fît  faire  les  cartes  à  son 
tour.  Mais  M.  de  Trémont  s'en  défendit,  alléguant  son  incrédulité  pro- 
fonde. Enfin,  cédant  à  l'insistance,  il  consentit  Ci  ce  que  les  cartes  fussent 
faites,  non  pour  lui,  mais  pour  un  ami  absent  auquel  il  pensait.  Cet  ami, 
devenu  depuis  l'un  de  nos  plus  grands  artistes,  l'une  des  illustrations  de 
notre  siècle  et  de  notre  pays,  hésitait  encore  sur  le  choix  d'une  carrière, 
et  doutait  même  de  sa  vocation.  Mlle  Lenormand  interrogea  son  grimoire, 
et  déclara  que  s'il  ne  lut  arrivai!  quelque  chose  d'exhaordinaire,  l'ami  fini- 
rait sa  vie  pauvre  et  malheureux.  En  rentrant  chez  lui,  M.  de  Trémont 
se  hâta  de  faire  son  testament  et  de  léguer  à  son  pauvre  ami  6,000  li- 
vres de  rente.  Mais  depuis,  le  quelque  chose  d'extraordinaire  é'ant  arrivé, 
M.  de  Trémont  raya  son  legs,  et  il  n'eut  pas  tort.|  L'ami  s'était  enrichi 
par  son  génie;  il  avait  fait  trente  chefs-d'œuvre,  parmi  lesquels  on  compte 
la  Mutile,  le  Djmino  noir  et  Fra-  Diovolo. 

%*  II.  Wehle,  pianiste  et  compositeur  très-distingué  de  Berlin,  est  ar- 
rivé à  Paris  avec  l'intention  de  s'y  fixer. 

%*  Le  docteur  John  Bull,  organiste  de  la  reine  Elisabeth,  et  reconnu 
comme  l'auteur  véritable  du  fameux  Cod  save  the  h'ing,  a  quitté  l'An- 
gleterre vers  l'année  161  k.  Les  musicographes  ont  ignoré  jusqu'à  ce 
jour  dans  quel  pays  il  avait  passé  le  reste  de  sa  vie,  et  à  quelle  époque  il 
était  décédé.  M,  le  chevalier  Léon  de  Burbure,  à  qui  l'histoire  de  la  mu- 
sique est  redevable  de  tant  de  découvertes  d'un  intérêt  majeur,  vient  en- 
core de  combler  ces  lacunes  regrettables  dans  la  biographie  de  John  Bull: 
ses  recherches  lui  ont  fait  découvrir  que  ce  dochur  en  musique  vint  à  An- 
vers, en  1617,  solliciter  la  place  d'organiste  des  trois  orgues  de  la  cathé- 
drale, qui  était  alors  vacante  par  la  mort  de  Rombout  Waelrant.  Le 
chapitre  de  Notre-Dame  la  lui  accorda,  et  le  docteur  prêta  serment  le 
29 décembre  de  la  même  année.  Au  mois  d'avril  4620,  John  Bull  habitait 
la  petite  maison  voisine  du  portail  du  Sud,  là  même  où  demeure  actuel- 
lement le  portier  de  la  cathédrale.  Il  mourut  à  Anvers  le  12  mars  1628 
et  fut  inhumé  le  15  du  même  mois.  D'autres  particularités  sur  ce  savant 
musicien,  recueillies  par  M.  Léon  de  Burbure,  témoignent  de  la  considé- 
ration exceptionnelle  dont  il  a  joui  en  Belgique.  Le  gouvernement  anglais 
est  disposé,  paraît-il,  à  faire  ériger,  dans  la  cathédrale  d'Anvers,  un 
monument  somptueux  à  l'auteur  de  son   immortel  hymne  national. 

***  M.  Saint-Léon,  premier  maître  de  ballet  de  l'Opéra,  vient  de  publier 
un  ouvrage  qui  nous  paraît  appelé  à  produire  une  immense  sensation 
dans  le  monde  chorégraphique.  La  Si énochoré graphie  ou  iarl  d'écrire 
promptement.  la  danse,  tel  est  le  titre  du  livre.  M.  Saint-Léon  est  parvenu, 
à  force  d'études  et  de  recherches,  à  pouvoir  noter  la  danse,  grâce  à  l'em- 
ploi de  signes  particuliers  combinés  avec  la  musique,  c'est-à-dire  que  les 
temps  d'oppositions  de  bras  et  jambes  seront  indiqués  par  des  signes,  et 
la  durée  de  ces  temps  et  oppositions  par  la  valeur  des  notes,  placées  im- 
médiatement au-dessus  de  ces  signes.  Nous  souhaitons  vivement  voir 
cette  méthode  de  sténochorégraphie  obtenir  le  succès  qu'elle  mérite  si 
bien  ;  nul  doute  qu'elle  ne  soit  adoptée  dans  les  conservatoires  de  danse. 
M.  Saint-Léon  a  depuis  longtemps  fait  ses  preuves  en  fait  de  science,  et 
l'éminent  danseur  sait  mieux  que  qui  que  soit  tous  les  procédés  de  Fart 
si  difficile  où  il  brille  au  premier  rang.  Les  biographies  et  les  portraits 
des  plus  célèbres  maître  de  ballets  anciens  et  modernes  ajoutent  encore 
à  l'attrait  de  cette  publication,  qui  paraît  tous  les  mois  par  livraisons, 
dont  le  prix  est  de  2  fr.  L'ouvrage  complet  aura  12  livraisons,  et  coûtera 
24  fr.  On  souscrit  chez  M.  Brandus,  éditeur  de  musique,  103,  rue  de  Ri- 
chelieu. 

***  M.  Augustin  Collin,  homme  de  lettres,  auteur  des  paroles  du  Désert, 
qui  a  commencé  la  réputation  de  Félicien  David,  vient  de  mourir  à  la 
suite  d'une  fièvre  cérébrale. 

***  Antonio  Tosi,  fondateur  et  directeur  de  la  Société  philodramatique 
de  Rome,  vient  de  mourir.  On  lui  doit  des  écrits  estimés  sur  l'art  mu- 
sical. 

V  Un  des  chanteurs  italiens  qui  jouirent  d'une  certaine  célébrité  dans 
les  vingt  premières  années  de  ce  siècle,  Torto,  est  mort  à  Florence,  à  la 
suite  ct'i;i;c  douloureuse  maladie. 

CRON1QUE    DÉPARTEMENTALE. 

%*  Nancy.  —  Bazzini,  le  célèbre  violoniste,  vient  de  se  faire  entendre 
dans  deux  concerts  donnés  par  lui  à  la  salle  du  Théâtre;  et  l'impression 
causée  par  ce  talent  si  noble,  si  pur,  si  sympathique,  a  été  vive  et  pro- 
fonde. Jamais,  depuis  Paganini,  nous  n'avions  entendu  un  talent  aussi 
complet,  un  style  aussi  large,  un  chant  si  expressif,  une  aussi  grande  jus- 
tesse dans  les  doubles  cordes,  une  aussi  grande  pureté  dans  les  sons  har- 
moniques. Après  les  brillants  concerts  de  Reims  et  de  Nancy,  Bazzini  a  été 
invité  à  l'ourbonne-les-Bains  pour  y  donner  un  concert;  mais  le  public  ne 
s'en  est  pas  contenté,  et  il  a  dû  en  donner  un  second.  La  Société  philhar- 
monique de  Langres,  instruite  de  la  présence  de  l'éminent  violoniste  à 
Bourbonne,  l'a  sollicité  de  venir  donner  un  concert  dans  cette  localité  ; 


mais  ici  comme  à  Bourbonne,  un  seul  n'a  pas  suffi  à  l'empressement  du 
public.  A  Metz,  de  nouveaux  triomphes  attendaient  Bazzini  ;  de  toutes 
parts  on  lui  demandait  un  second  concert,  mais  il  a  dû  le  refuser,  car  il 
était  attendu  à  Boulogne  pour  un  grand  concert  de  la  Société  philharmo- 
nique, et  de  là  il  devait  se  rendre  à  Laval  pour  le  festival  de  la  Mayenne, 
auquel  doivent  prendre  part  Mlle  Lavoye  et  Poultier.  Partout,  le  voyage 
du  grand  violoniste  a  été  une  véritable  ovation  ;  applaudissements  cha- 
leureux, rappe's  à  chaque  morceau,  bouquets,  etc.,  rien  n'a  manqué  au 
triomphe  de  l'artiste.  Aussi  espérons-nous  que  cette  réception  engagera 
le  grand  artiste  à  revenir  cet  hiver  dans  notre  département,  où  son  suc- 
cès est  d'avance  assuré.  N'oublions  pas,  en  terminant,  de  signaler  Mlle  Hu- 
cher,  jeune  et  charmante  prima  donna,  qui,  se  trouvant  par  hasard  dans  sa 
ville  natale,  a  interprété  avec  une  rare  perfection  l'air  du  Barlner,  et  sur- 
tout celui  du  Strmtnl  ;  et  Mlle  Lévis,  élève  de  Mme  Damoreau  et  profes- 
seur de  chant,  qui,  dans  les  autres,  a  prêté  au  grand  artiste  un  si  gra- 
cieux et  si  remarquable  concours,  qu'elle  a  conquis  auprès  de  lui  une 
large  part  de  bravos  justement  mérités. 

CHRONIQUE     ÉTRANGÈRE. 

%*  Berlin.  —  La  semaine  passée  nous  amené  les  T):amanlsdelacou- 
rorm».  Cette  charmante  partition  d'Auber  n'avait  pas  été  entendue  depuis 
huit  ans  environ.  La  distribution  des  rôles  a  été  renouvelée,  ainsi  que  la 
mise  en  scène.  Sous  le  rapport  musical,  l'exécution  a  été  parfaite;  mais 
comme  toujours  chez  nous  pour  les  opéras  comiques,  on  aurait  désiré  un 
peu  plus  de  verve  et  d'entrain  dans  le  dialogue.  —  Après  cette  reprise  est 
venue  la  Favorite,  qui  a  été  mise  au  répertoire  pour  Roger,  et  jouée  par 
cet  érninent  artiste  et  Mme  Strantz.  Cette  dernière  a  été  remplacée  par 
Mlle  Wagner,  et  M.  Formes  s'est  chargé  du  rôle  de  Fernand;  Mlle  Wagner 
a  été  surtout  vivement  applaudie  au  quatrième  acte.  —  M.  Ilenselt,  de 
Saint-Pétersbourg,  qui,  à  son  retour  de  Londres,  n'est  resté  qu'un  jour  à 
Berlin,  a  joué  devant  une  société  d'artistes  et  d'amateurs  qui  avaient  été 
invités.  Le  célèbre  virtuose  est  peut-être  le  plus  solide  d'entre  les  pianistes 
du  jour.  C'est  plaisir  de  lui  entendre  exécuter  les  sonates  de  Weber;  on 
l'admire  également  dans  les  petits  morceaux  de  sa  composition,  et  plus 
encore  dans  les  gracieuses  élégies  de  Chopin.  —  Les  représentations  de 
l'opéra  italien,  au  théâtre  Frederic-Wilhemstadt,  ont  dû  commencer  le 
2  octobre.  On  attend  Mlle  Milanollo  et  M  Formes  (la  basse),  frère  du  ténor 
attaché  au  théâtre  de  la  Cour.  —  Mme  Kœster  a  fait  sa  rentrée  au  théâtre 
Royal;  l'éminente  cantatrice  a  été  reçue  avec  enthousiasme. 

%*  Francfort.  —  Sophie  Cruvelli  donne  ici  des  représentations  fort 
suivies.  La  jeune  prima  donna  a  débuté  par  le.  rôle  de  Rosine,  qu'elle  chan- 
tait et  récitait  en  italien,  tandis  que  les  autres  rôles  étaient  rendus  en 
langue  allemande.  Si  la  cantatrice,  qui  est  Allemande  aussi,  ne  chantait 
pas  dans  cette  langue,  c'est  que  probablement  elle  n'avait  pas  en  le  temps 
d'apprendre  le  rôle  dans  un  autre  idiome  que  celui  qu'elle  emploie  habi- 
tuellement. 

%?  Siullgard.  —  Mlle  Katinka  Ileinefetter,  qui  a  laissé  de  si  brillants 
souvenirs  à  Paris,  donne  ici  des  représentations.  Cette  cantatrice,  qui  est 
de  la  grande  écoie  des  Pasta  et  des  Malibran,  se  distingue  surtout  par  la 
puissance  dramatique  du  chant  et  par  une  méthode  sévère.  Mme  Ileine- 
fetter, qui  a  chanté  jusqu'ici  le  rôle  de  Valentine  et  de  Norma,  a  été  saluée 
d'applaudissements  enthousiastes. 

*„*  Vimne.  —  On  attend  au  premier  jour  le  général  russe,  M.  de  Lvoff, 
qui  doit  diriger  les  répétitions  générales  de  son  opéra  :  Ondine. 

%*  Herrmanstwit  (Transylvanie).  —  On  annonce  que  M.  Zenker  possède 
trois  trios  inédits  de  Beethoven,  pour  piano,  violon  et  violoncelle.  On 
ajoute  que  ces  compositions  sont  de  la  première  manière  du  maître,  dont 
le  génie  s'y  révèle  dès  les  premières  mesures.  M.  Zenker  en  a  reconnu 
l'authenticité  par  un  fac  simiie  de  l'écriture  de  Beethoven. 

*„*  Jliga  —  On -vient  enfin  d'accorder  la  permission  déjouer  le  Pro- 
phète, dont  la  représentation  avait  été  interdite  jusqu'à  présent. 

%*  New  York.  — L'Alboni  donne  en  ce  moment  une  série  de  concerts 
qui  obtiennent  un  succès  merveilleux,  même  après  les  grands  triomphes 
de  Jenny  Lind.  —  Mme  Sontag  ne  s'est  pas  encore  fait  entendre,  et,  con- 
tre toute  probabilité,  il  paraît  qu'elle  aura  à  combattre  une  opposition  et 
une  malveillance  organisée  on  ne  sait  par  qui.  Deux. sérénades,  que  l'on  a 
voulu  lui  donner  sous  les  fenêtres  de  l'hôtel  qu'elle  habite,  ont  été  trou- 
blées par  des  bandes  qui  semblent  obéir  à  un  mot  d'ordre.  A  la  seconde 
de  ces  manifestations  sympathiques,  on  n'a  même  pas  pu  achever  le  pre- 
mier morceau,  l'ouverture  de  Freischulz. 

—  Conservatoire  de  musique  et  de  déclamait:  n.  —  La  classe  de  chant  po- 
pulaire à  l'usage  des  adultes  (hommes)  et  destinée  à  l'enseignement  si- 
multané de  chant,  vient  d'être  réouverte  au  Conservatoire  national  de 
musique  et  de  déclamation.  Ce  cours  gratuit,  dirigé  par  M.  Edouard  Ba- 
tiste, professeur  titulaire,  a  lieu  deux  fois  par  semaine  :  les  mardis  et 
vendredis  à  huit  heures  du  soir.  On  s'inscrit  tous  les  jours  au  bureau  de 
MM.  Ferrière,  surveillant  des  classes  du  Conservatoire,  rue  du  Faubourg- 
Poissonnière,  15,  de  neuf  heures  à  quatre  heures  et  aux  heures  des  le- 
çons. 

—  M.  Benacci-Pescher,  éditeur  de  musique,  rue  Laffitte,  7,  à  Paris,  a 
acquis  la  propriété  du  nouvel  opéra,  Si  fêtais  roi,  d'Adolphe  Adam,  qui 
obtient  en  ce  moment  de  si  beaux  succès.  La  petite  partition  piano  et 
chant,  ainsi  que  les  morceaux  de  chant  détachés,  seront  publiés  le  20  octo- 
bre. La  grande  partition  et  les  parties  d'orchestre  seront  publiées  le  25  du 
même  mois.  Tous  les  arrangements  pour  piano  et  autres  instruments  par 
les  meilleurs  compositeurs  paraîtront  dans  la  quinzaine. 

—  Un  organiste  de  talent,  et  qui  exerce  depuis  longtemps,  désire  une 
place  à  Paris  ou  dans  la  province  ;  s'adresser  au  bureau  de  la  Gazelle  mu- 
suale. 

Le  gérant  :  Ernest  DESCHAMPS. 


342 


REVUE   ET  GAZETTE  MUSICALE 


PARTITIONS    PaJR&IÈES   PAIR   RRAWaHTS    ET    C%    ÉDITEURS, 

RUE     RICHELIEU,    103, 


Anber.  La  Muette  de  Portici,  in-8".  .     net    10 

—  La  Part  du  Diable,  in-8".   .    .     net.     8 

—  Le  Domino  noir,  in-S°..  .    .    .     net.     8 

—  Haydée,  in-8° net.     8 

Berlioz.  Symphonie  fantastique  .   .   .     net.  .20 
Bellini.  Norma 24 

—  Il  Pirata  . 20 

—  Straniera 20 

Bonizetti.  Anna  Rolena 24 

—  Belisario 24 

—  La  Favorite net.  25 


Donizetti.  La  Favorite net. 

Hnlryy.  La  Juive net. 


Halévy.  Guido  et  Ginevra net.  25 

—  Charles  VI net.  25 

— ■      La  Juive net.  25 

—  La  Reine  de  Chypre net.  25 

—  Les  Mousquetaires  de  la  Reine, 

in-8" net.     8 

—  Le  Val  d'Andorre,  in-8".   .    .   .  net.     8 

—  La  Fée  aux  Roses,  in-8".  .  .  .  net.  8 
llérold.  Le  Pré  aux  Clercs,  in-8°.  .  .  net.  8 
Meyerbeer.  Il  Crc«iato 20 


Bleyerbecr.  Les  Huguenots net.  25 

—  Robert-le-Diable net.  25 

—  Le  Prophète,  in-8" net.  10 

SSoznrt.  Don  Giovanni 20 

—  Nozze  di  Figaro 20 

Rossini.  Le  Comte  Ory net.  15 

—  Guillaume  Tell net.  25 

—  Stabat   Mater 20 

Weber.   Oberon 24 

—  Robin  des  Bois 24 

Meyerbeer.  Le  Prophète net.     25 

Kossini.  Le  Stabat  Mater 20 


AVEC  PAROLES  FRANÇAISES. 


Adam.  Le  Mal  du  pays .  net.     7 

—  Le  Postillon  de  Lonjumcau  .    .  net.   12 
Anber.  Actéon net.  20 

—  L'Ambassadrice net.  30 

—  Le  Dieu  et  la  Bayadère.   .   .    .  net.  30 

—  Le  Domino  noir net.  30   - 

—  L'Enfant  prodigue net.  40 

—  Gustave  ou  le  Bal  masqué.   .    .  net.  30 

—  Le  Lac  des  Fées net.  40 

—  La  Muette  de  Portici net.   30 

—  La  Neige net.  12 

—  Le  Philtre 60 

—  Le  Serment  ou  les  faux  Monnayeurs.  60 

—  Zanetta net    30 

Beethoven.  Fidelio net.   10 

Bellini.  Norma net.   12 

Beethoven.  Fidelio net.  10 

Bellini.  Norma net.  10 

—  Il  Pirata net.  10 

—  La  Straniera net.   10 

Bonizetti.  Adelia net.  12 

—  La  Favorita net.   40 

Hercadaute.  Elisa  e  Claudio.   .    .    .  net.  10 

—  Il  Giuramento net.  10 

—  La  Vestale. net.  10 

Adam.    Giralda net.  15 

—  Le  Postillon  de  Lonjumeau  .  net.     8 

—  La  Poupée  de  Nuremberg.    .  net.     8 

—  Le  Farfadet net.     8 

—  Le  Toréador net.  10 

Auber.    Actéon net.     8 

—  L'Ambassadrice net.  12 

—  La  Barcarolle net.   12 

—  La  Bergère  châtelaine.   .   .   .  net.     8 

—  Le  Cheval  de  Bronze  ....  net.  12 

—  Le  Dieu  et  la  Bayadère  .   .   .  net.  12 

—  Les  Diamants  de  la  couronne  net.  12 
Le  Domino  noir net.   12 

—  Le  duc  d'Olonne net.  12 

—  La  Fiancée net.  12 

—  Fra  Diavolo net.  12 

—  Haydée net.  12 

—  Lestocq net.  12 

—  La  Muette  de  Portici.   .   .   .  net.  15 

—  La  Muta  di  Portici  (en  italien)  ne.t.  15 

—  La  Neige net.     8 

—  La  Part  du  Diable net.   12 

—  Le  Philtre net.  12 


Bertin  (Mlle).  Esmérajda  .......     net.  40 

Bourses    Sultana net.  15 

Bonizetti..  La  Favorite net.  40    i 

Glnck.  Alceste 36 

—  Armide. 36     i 

—  Iphigénie  en  Aulide 36 

—  Iphigénie  en  Tauride 36 

—  Orphée 36 

BBiilévj.  Charles  VI. net.  40 

—  L'Eclair net.  30 

—  Guido  et  Ginevra net.  40 

—  Le  Guitarrero net.  30 

—  La  Juive net.  40 

—  Le  Lazzarone net.  30 

—  La  Reine  de  Chypre net.  40 

Kreutzer.  Le  Mort  d'Abel 36 

AVEC  PAROLES  ITALIENNES. 

Meyerbeer.  Il  Crociato net.  10 

—  Margarita  d'Anjou net.   10 

Mozart.      Collection    d'airs  ,     duos  , 

trios,  etc net.  10 

—  La  Clemer.za  di  Tito  ....  net.  10 

—  Cosi  fan  tutti net.  10 

—  Don  Giovanni net.  10 

—  Il  Flauto  magico net.  10 

—  Idomeneo net.  10 

—  L'Impressario  et  le  Requiem,  net.  10 

FORMAT    m-®0. 

Auber.  Le  Serment 

—  La  Sirène 

—  Zanetta 

—  Zerline  ou  la  Corbeille  d'o- 


Bazin .  Le  Trompette  de  Monsieur  le 

Prince 

Bach  (.3. -S.).  La  Passion 

Beethoven.   Fidelio 

Bellini.  La  Sonnambula 

Clicrubini.  Les  Deux  journées  .   .   . 

—  Lodoïska 

Devienne.  Les  Visitandines 

Donizetti.  La  Favorite 

Gluck.    Iphigénie  en  Tauride.   .   .   . 

—  Iphigénie  en  Aulide  .... 
Gretry.  Richard  Cœur-de-Lion  .... 
ïialévy.    La  Dame  de  Pique 

—  L'Éclair 

—  La  Fée  aux  Roses 

—  Les     Mousquetaires     de    la 

Reine 

—  La  Tempesta 


net. 

12 

net. 

12 

net. 

12 

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15 

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7 

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15 

net. 

12 

Meyerbeea*.  Les  Huguenots 

—  Le  Prophète 

—  Robert-le-Diable 

nossinî.  Le  comte  Ory 

—  Guillaume  Tell 

—  Moïse 

—  Le  Siège  de  Corinthe 

—  Stabat  Mater 

Kaccîiliii.  Dardanus 

—  OEdipe  à  Colone 

§>pontini.  Olympie 

■Wefoer.  Robin  des  Bois,  paroles  fran- 
çaises et  allemandes  .   .    .   '. 

tTeigle.  Emmeline 

Winter.  Le  Sacrifice  interrompu    .   . 


net.  40 

net.  40 

net.  40 

net.  30 

net.  40 

net.  30 

net.  30 

,  .  .  25 

.  .  30 


Mozart.   Le  Nozze  di  Figaro 

—  Il  Rato  del  Seraglio 

Rossini.  Il  Barbiere  di  Siviglia  .    .    . 

—  Semiramide 

—  Tancredi 

—  Zelmira 

Spohr.  Fausto 

■Ç^ebcr.  Oberon 

—  Il  Franco  arciero  (Freischùtz) 


Halévy.    Le  Val  d'Andorre 

Bérold.  Le  Pré  aux  Clercs 

B.oui-i  (^'.).    Marie-Thérèse 

Mcndt-Issolin.  Paulus  (Conversion  de 
saint  Pau!) 

—  Elie ,  oratorio 

Meyerbeer.  40  mélodies  à  l'et  à  2  v. 

—  Il  Profeta  (en  italien).   .   .   . 

—  Roberto  il  Diavolo  (en  italien) 

TCicolai.  Il  Tcmplario 

Riicolo.    Cendrillon 

—  Jeannot  et  Colin 

—  Joconde .... 

—  Les  Rendez-vous  bourgeois.  . 
Rossini.  Le  comte  Ory 

—  Guillaume  Tell 

—  Robert  Bruce 

—  Moïse 

Sacchini.  OEdipe  1  Colone 

■ÇTVebcr.  Freischùtz,  avec  récitatifs  de 

Berlioz 

—  Euriante 

—  Oberon 


net. 

10 

net. 

10 

net. 

10 

net. 

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net. 

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15 
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8 

net. 

15 

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12 

net. 

20 

net. 

20 

net. 

8 

net. 

8 

net. 

8 

net. 

8 

net. 

7 

net. 

12 

net. 

20 

net. 

15 

net. 

15 

net. 

7 

net. 

10 

net. 

8 

net. 

8 

DE  PARIS. 


343 


BRANDUS  ET  GIE,  ÉDITEURS, 


!03,    rue     El  if  [se  Ht  eu 


USIQU 


MAIÉD 


LE    CASSPHHTSER. 

Mosaïque  sur  les  Treize,  2  suites,  chaque  .    .  6     » 

Mosaïque  sur  le  Shérif,  2  suites,  chaque  ...  6  » 
Op.  37.  Trois  mélodies  de  Schubert,  variées: 

A'°'l.  Sa  Sérénade 4  50 

2.  Adieu 4  50 

3.  Rosemonde /i  50 

Op.  42.  Variations  brillantes  sur  la  Favorite.  6     » 

Op.  54.  Fantaisie  sur  la  Heme  de  Chypre  .   .  6     .. 

12'  bagatelle  sut  le  Lac  cl  ex  Fées 5    » 

13e        —        sur  Guielo  et  Ginevra 5     » 

14e        —        sur  les  Treize 5    » 

15«        —        sur  le  Shérif 5    » 

16'        —        sur  la  Tarentelle,  de  Rossini  .  5     ■> 

23*        —        sur  Zanetla 5     » 

Op.  94.  Fantaisie  facile  sur  la  Sirène  ....  5    » 

24e  et  25e  bagatelle  sur  la  Favorite,  chaque. .  5     » 

26e  et  27"  —  sur  le  Guitarrero,  chaq  .  5  » 
33'  et  34"        —        sur  la  Reine  de  Chypre, 

chaque 5     » 

36e  et  37'        —        sur  Charles  VI,  chaque  .     6    » 

tili'  bagatelle  sur  Otello 5    » 

45*        —        sur  /  Purilani 5    >. 

46e  —  sur  la  Muette  de  Portici  ...  5  » 
47'        —        sur  la  Danse  des  Esprits    ...     5    » 

48"        —        sur  Moïse 5    » 

49"  —  sur  le  C/ieval  de  Bronze  ...  5  » 
50*  —  sur  le  Réveil  d'un  beau  jour.  .  5  ■> 
52e        —        sur  la  Barcarolle.    ......     5     » 

53°        —        sur  Guillaume  Tell 5     .. 

54"        —        sur  le  Philtre 5     » 

55"        —        sur  le  Stuba'  de  Rossini  .    .   .   .     5     » 

56"        —        sur  le  Serment 5     » 

57°        —        sur  le  Comte  Or  y 5     » 

59"        —        sur  Fra  Diavolo 5     • 

GO"  et  Cl'  bagatelle  sur  les  Mousquetaires  de 

la  Heine,  chaque 5     » 

63e  bagatelle  sur  le  Barbier  de  Séville  ...  5  » 
64°        —        sur  la  Donna  det  Lago  ....     5     » 

65"        —        sur  la  Norma 5     .. 

66"        —        sur  la  Gazza  ladra 5    » 

67"        —        sur  11  Malrimonio  segreto  .   .     5  » 

68"        —        sur  la  F  tancée 5     » 

69"        —        sur  le  Dieu  et  la  Bayadère  .   .     5     » 

70"        —        sur  llaliana  in  Algeri 5    » 

71"        —        sur  Leslocq.  ...  • 5     >, 

75°        —        sur  Sultana .'    5     »> 

76°        —        sur  le  Siège  de  Corinthe ....     5     » 

77"        —        sur  le  Pirate 5     » 

78°        —        sur  faconde 5     » 

79°        —        sur  le  Tromp.  de  M.  le  Prince.     5     » 

82"        —        sur  Robert  Bruce 5     » 

83"        —        sur  Jeannot  et  Colin 5     » 

84e        —        sur  Elisir  d'amore 5     » 

86°       —        sur  Zelmire 5    » 

87°         —        sur  les  motifs  d'Hérold 5     » 

88"        —        sur  la  Bergère  châtelaine.   .   .     5     » 

89°        —        sur  Cendiillon 5     » 

90"        —        sur  les  Soirées  de  Rossini  ...     5    » 

91"         —         sur  Acléon 5     » 

92e        —        sur  Marie-Thérèse 5     » 

93°        —        sur  le  Portefaix 5     » 

94"  —  sur  le  Malheur  d'être  jolie  .  .  5  » 
95'  —  sur  les  Chaperons  blancs  ...  5  » 
98"  —  sur  les  Chasse  de  Labarre.  .  .  5  u 
99"        —        sur  le  Billet  de  Loterie.   ...     5     » 

100"      —        sur  Tancredi 5     n 

101"      —        sur  Haydée 5     » 

102°      —        sur  la  Aiobé 5     >, 

103"      —        sur  Anna  Boléna 5     » 

104°      —        sur  Don  Juan 5     » 

106"  1"  bagatelle  sur  le  Val  a" A ndorre  .  .  .  5  » 
107'  2"  —  surferai  d'Andorre  ...  5  » 
108'  —        sur  le  riolon  du  Diable  .   .     5     • 

100°  1"       —        sur  le  Prophète 5     ., 

110'  2"        —        sur  le  Prophète 5     » 

D6°  1"  —  sur  la  Fée  aux  Roses  ...  5  » 
117°  2°  —  sur  la  Fée  aux  Roses  ...  5  .. 
122°  1"  —  sur  l'Enfant  prodigue.  .  .  5  » 
123°  2"  —  sur  l'Enfant  prodigue.  .  .  5  » 
124*  1'°  —  sut  la  Dame  de  Pique.  .  .  5  ,> 
125°  2°        —        sur  la  Dame  de  Pique.  .    .     5     » 

127'  1°"      —        sur  Zerline 5    , 

128°  2°        —        sur  Zerline 5     „ 


Mfiifti 

Op.  11.  Divertissement  sur  Guillaume  Tell  .  5 

12°        —        sur  le  P ré  aux  Clercs 5 

13°        —        sur  le  galop  de  Gustave  ....  5 

25'        —        sur  l'A  mbassadrice 5 

26°        —        sur  le  Domino  noir 6 

Bagatelle  sur  les  Diamants  de  la  couronne.   .  5 

—  sur  la  Part  du  Diable 5 

—  sur  la  Sirène 5 


Op.  99. 
Op.  110. 
Op.  124. 

Op.  127. 
Op.  136. 

Op.  137. 

N"l. 


Op.  140. 
Fantaisie 
Fantaisie 


Fantaisie  sur  le  Duc  d'Olonne.   .   .  5  » 

—  sur  la  Pari  du  Diable  .   .  6  » 

—  sur  la  Sirène 7  50 

—  sur  la  Barcarolle  ....  6  » 

—  sur  les  Mousquetaires  de 

la  Reine 6  » 

Les  Mignonnes,  3  petites  fantaisies, 

3  suites  : 

Le  Domino  noir 5  » 

Les  Diamants  de  la  couronne.   ...  5  » 

Le  l'ré  aux  Clercs 5  » 

Fantaisie  sur  Robert  Bruce  ....  6  » 

sur  Guillaume  Tell 7  50 

sur  Haydée 5  » 


B.   CEAIHÉR- 

Fleurs  des  Opéras,  douze  mélanges  sur  des 
opéras  favoris  de  Rossini  et  Auber  : 

N"l.  Fra  Diavolo 6 

2.  Les  Diamants  de  la  couronne  ....  6 

3.  La  Part  du  Diable,  premier  mélange  .  6 

4.  La  Muette  de  Portici 6 

5.  La  Sirène 6 

6.  Guillaume  Tell 6 

7.  Moïse 6 

8.  Le  Domino  noir G 

9.  La  Gazza  ladra 6 

10.  La  Part  du  Diable,  deuxième  mélange  6 

11.  Haydée 6 

12.  Siège  de  Corinthe 6 


Op.  25.  Fantaisie  brillante  sur  la  Sirène.    .   .  6 

Op.  42.  Petite  fantaisie  sur  Haydée 5 

Fantaisie  facile  sur  Robert  Bruce 5 

Op.  47.  Fantaisie  sur  le  l'ai  cl' Andorre  ...  5 

Op.  49.  Souvenir  de  la  Fée  aux  Roses.  ...  5 


Le  Livre  d'or  des  jeunes  demoiselles  : 

Op.  45.  1"  bagatelle  sur  Robert  le  Diable.   .  5 

Op.  46.  2°        —        sur  la  Favorite  ....  5 

Op.  47.  3"        —        sur  la  Juive 5 

Op.  48.  4°        —        sur  les  Huguenots  .    .   .  5 

Op.  49.  5°        —        sur  la  Reine  de  Chypre.  5 

Op.  50.  6"        —        sur  Charles  VI  ...   .  5 

Op.  56.  7'        —        sur  le  Désert*  ur.   ...  5 

Op.  74.  Variations  sur  le  Lazzaronne.   ...  5 
Op.  79.  Les  Roses  sans  épines,  en  6  livres  : 

Liv.  1.  Huit  petits  airs  faciles  ....  5 

2.  Huit  petits  airs  de  divers  carac- 

tères   . 5 

3.  Quatre  bluettes 5 

i.  Trois  rondinos 5 

5.  Deux  divertissements 3 

G    Variationssur  un  tlième original  5 

Op.  98.  Valses  sur  les  Mousquetaires  de  la 

Reine 5 

Op.  137.  Fantaisie  sur  le  l'ai  d'Andorre.  .   .  5 

Op.  141.  Fantaisie  sur  la  Fee  aux  Roses  .   .  5 

Op.  144.  Fantaisie  sur  Giràldà 5 

Op.  147.  Pelite  fantaisie  sur  l'Enfant  pro- 
digue    6 


S-  B 

Op.  21.  Variation»  sur  la  marche  de  Moïse  .  5 
Op.  31   Fantaisie  sur  la  Muette  de  Portici.   .     5 

Op.  32.      —        sur  le  Comte  Ory 5 

Op.  42.      —        sur  Fra  Diavolo 6 

Op.  54.  —  sur  un  motif  du  Serment  .  .  6 
Op.  56.  —  sur  le  Pré  aux  Clercs  ...  5 
Op.  58.      —        sur  Gustave  ou  le  Bal  masqué    5 

Op.  64.  Variations  sur  Leslocq 5 

Op.  66.  Variations  sur  une  cavatine  de  Bellini  5 
Op.  70.  Fantaisie  sur  le  chœur  des  buveurs  de 

la  Juive 6 

Op.  75.  Divertissement  sur  l'Eclair  .   .    .   .   .     6 
■Op.  76.  Deux  divertissements  sur  les  Hugue- 
nots, 2  suites,  chaque 6 

Op.  82.  Une  heure  de  loisir,  3  divertissements 

sur  des  valses  de  Strauss,  3  suites,  ch.     6 
Op.  85.  Trois  fantaisies  sur  Guido  et  Gine- 

vra,  3  suites,  chaque 6 

Op.  86.  Deux  divertissements  sur  le  Domino 

noir,  2  suites,  chaque 5 

Op.  88.  Six  bagatelles  sur  des  molifs  d'Auber 
et  de  Rossini,  3  suites  : 

NM  1.  Le  Philtre,  la  Fiancée 5 

2.  Le  Siège  de   Corinthe,  le  Cheval  de 

bronze  5 

3._ Guillaume  Tell,  l'Ambassadrice  ...     5 
Récréations  de  l'Etude,  choix  de  morceaux  fa- 
ciles tirés  des  'opéras  de  Rossini,  Weber, 
Meyerbeer,  Bellini,  Carafa  et  Beethoven  .    .     5 
Souvenirs  des  compositeurs  célèbres,  ou  choix 
d'airs  favoris  d'Auber,  Bellini,   Rossini,  Hé- 

rold,  2  suites,  chaque 6 

Op.  95.  Deux  divertissements  sur  le  Lac  des 

Fées,  2  suites,  chaque 5 

Premières  leçons  de  piano,  choix  d'airs  très- 
faciles,  doigtés  soigneusement  pour  les  com- 
mençants, 2  suites,  chaque 5 

Op.  96.  Deux  divertissements  sur  les  Treize, 

chaque 6 

Op.  99.  Deux   divertissements  sur  le   Shérif, 

chaque 6 

Op.  102.  Deux  divertissements  sur  les  motifs 
de  Zanetla,  2  suites  : 

N°  1.  La  Chasse 5 

2.  Le  Galop 5 

Op.  104.  Réminiscences  italiennes,  six  thèmes 
faciles,  3  suites  : 
N*  1.  Polacca  sur  un  thème  de  Donizetti, 

Ronde  sur  un  thème  de  Mercadente.     5 

2.  Variations  sur  un  thème  de  Bellini , 
Rondo-valse  sur  un  thème  de  Rossini.     5 

3.  Variations  sur  un  thème  de  Bellini , 
Ronde  sur  un  thème  de  Donizetli. .    .     5 

Op.  107.  Rondo-galop  sur  la  Favorite.   ...     6 

Op.  11 1.  Deux  rondeaux  sur  les  Diamants  de 

la  Couronne,  2  suites,  chaque.  ...     5 

Op.  117.  Deux  rondeaux  sur  le  Duc  d'Olonne, 

2  suites,  chaque 5 

Op.  126.  Deux  fantaisies  sur  la  Part  du  Dia- 
ble, 2  suites,  chaque 5 

Op.  135.  Deux  fantaisies  sur  la  Sirène,  2  sui- 
tes,  chaque 6 

Op.  148    Deux  fantaisies   sur  la  Barcarolle, 

2  suites,  chaque 5 

Op.  155.  Souvenirs  d'Italie,  3  fantaisies  faci- 
les, 3  suites  : 
N°  1.  Les  Puritains,  de  Bellini 5     . 

2.  Marino  Faliero,  de  Donizetti 5    1 

3.  Les  Soirées  musicales,  de  Rossini.  .    .     5     1 
Op.  169.  Fantaisie  sur  les  Mousquetaires  de 

la  Reine. 6    1 

Op.  166.  Deux  fantaisies  sur  Robert  Bruce,  2 

suites ,  chaque 6    » 

Op.  178.  Cavatine  et  Barcarolle  sur  Haydée, 

2  suites,  chaque 5    >i 

Op.  181.  Fantaisie  sur  le  l'ai  d'Andorre.  .   .  6     r 

Op.  182.        —       sur  le  Prophète 5     « 

Op.  1S5.        —       sur  la  Fée  aux  Roses.   .   .  5    « 
Op.  193.  Deux  fantaisies  sur  l'Enfant  prodi- 
gue, 2  suites,  chaque 5     » 

Op.  194-  Fantaisie  sur  la  Dame  de  Pique.   .  5     » 
Op.  198.  Deux  fantaisies  sur   Zerline  ou  la 

Corbeille  d'orunges,  2  suites,  chaque.  5 


344 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


DERNIÈRES  NOUVEAUTÉS 

PULIEES  CETTE  SEMAINE  CHEZ  BRANDUS  ET  C'9, 


F.  MAIiÉVY.  Prométhée  enchaîné,  scène  d'après  Eschyle, 
partition  pour  chant  et  piano,  arrangée   par 

A.  de  Garaudé 25  » 

—  Id.  grande  partition 50  » 

—  Id.  l'ouverture  en  partition 15  » 

©OMETTAIT. Op.  63.Fantaisiesurle/ui/erran«pourpiano     7  50 
DECOUKCEIiliE.  Op.  31.  Fantaisie  à  4  mains  sur  le  Juif 

errant "  " 

BAMCRE.  Op.  21.  Hymne  russe  varié  pour  le  piano  ...     5  » 

HEXSEfl/B'.  La  Gondole,  étude  pour  le  piano 4  » 


Rlcbelieu. 

atOSEEEW.  Op.  136.  Fantaisie  sur  le  Juif  errant  pour  piano    9    » 
E.  WOliFF.  Op.  172.  Réminiscence  du  Juif  errant,  grand 

duo  à  4  mains 10     » 

■V©§§.  Le  Carnaval  de  Venise,  capriccio  brillant  pour  piano  .     5     » 

—  Op.   138.   Grande  fantaisie  de  concert  sur  Don 

Juan,  pour  le  piano 7  50 

—  Op.  142.  N°  1,  Mathilde,  polka-mazurka  pour  le 

piano 5     » 

V0BAKO9T.  Méthode  complète  de  trombone,  suivie  d'excer- 

cices  et  études  dans  tous  les  tons 25     » 


COLLECTION  DE  40  MELODIES  CHOISIES 

DE 

FRANÇOIS  SCHUBEBT 

Seule  édition  avec  les  paroles  originales  et  une  traduction  française 
Mie   M&WJStMV E    S3&V&ZGZM&    et    «te    EUïSMMjE    BBEéC XiÀJBBJPàl. 

UN  VOLUME   IN-8"  AVEC  UN   TRES-BEAU    PORTRAIT   DE    L'AUTEUR,    PRIX   NET  :    7   FR. 


FEUILLETON  DU  JEUNE  FLUTISTE 

SIX  MORCEAUX  POUR  FLUTE  AVEC  ACCOMPAGNEMENT  DE  PIANO, 

PAR 


N"  1.  Variations  sur  un  air  allemand 6 

2.  Rondoletto  original 6 

3.  kivàeHaydée 6 


N°'  4.  Mosaïque  du  Juif  errant 6 

5.  Fantaisie  sur  la  Favorite 6 

6.  Souvenir  de  Don  Juan 6 


LES  MÊMES  POUR  FLUTE  SEULE  EN  DEUX  SUITES,  CHAQUE,  5  FR. 


En  vente  chez  «D.   MAMO,  passage  Jouffroy,  10. 

Loin  du  camp  !  romance  dramatique 4  50 

Quand  j'étais  à  voire  âge,  romance 

S'il  faut  vieillir,  romance 

MUSIQUE   DE 

PHILIPPE  LAMOTTE. 


2  50 
50 


scsaajasEBS'B'. 
piano  .... 


CHEZ  HHME  BOIELDIEU, 

Passage  Choiseul,  54. 

Op.  137.  Fantaisie  sur  le  Tre  Nozse.    .     9 
Op.  162.  Echos  du  Rhin,    valse    pour 


Les  mêmes  a  quatre  mains 7  50 


BBASJBUS  et  C%  éditeurs,   lOS,  rue  îllcueiieu. 


SIX  MORCEAUX  CARACTÉRISTIQUES  POUR  LE  PIANO 

PAU 

JACQUES    BLUMEINTHAL 


Op.  21 


1.  l.es  Primevères  (Retour  du  printemps) fi 

2.  lia  Violette  (Modestie) 4 

3.  lia  Kose  (Amour) 5 


4.  Itomariu  (Deuil) 6 

5.  Eia  Pensée  (Souvenir) 5 

6.  Héliotrope  (Enivrement) 6 


Op.  1.  La  Source,  caprice 6 

Op.  2.  Deux  caprices  :  le  Rêve,  la  Brillante  .  5 
Op.  3.  Trois  mélodies:  le  Calme,  une  Fleur, 

Valse  styrienne 5 

Op.  4.  Fête  cosaque,  caprice 6 

Op.  5.  Trois  mazurkas 6 

Op.   6.  Deux  valses  en  2  suites,  chaque  ...  5 


Op.  7.  Une  nuit  à  Venise,  fantaisie 0  » 

Op.  8.  Les  deux  Anges,  morceau  caractérist.  5  » 

Op.  9.  Trois  mazurkas 6  » 

Op.  10.  N°  1.  La  Brise  du  soir 5  » 

2.  Nocturne    - 5  » 

Op.  11.  Les  Oiseaux,  caprice fi  » 

Op.  12.  Chant  national  des  Croates 4  50 

Op.  14.  La  Plainte 6  » 


Op.  15.  L'eau  dormante 6     » 

Op.  16.  Consolation,  fantaisie 7  50 

Op.  17.  Marche  militaire. 5     » 

Op.  17  bis.  Marche  funèbre 5     » 

Op.  18.  Scène  de  ballet 7  50 

Op.  19.  Nocturne  impromptu 5     » 

Op.  20.  Trois  mazurkas 7  50 


PARU.   —  [JIPR1MER1E  CENTRALE    DE  NAPOLEON   CIIA1X   ET  Cc,    tUIP.   GERGÈRE,  20. 


BUREAUX  A  PAÎ3IS  :  BOULEVART  DES  ITALIENS,  I. 


19e  Année. 


9n  t'abonne  dnnn  les  Départements  et  ft  rKironRor, 
ebulooi  In  Marchanda  do  llujlquo,le»LiI>roïrei 

et  nus  Bureum  de>  MGffSUgetlCBi  t  ilt"-  postes. 
I.yon.  A  noire  Affonce  g&ncralej 

rue  du  Caret, 
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muta  11  suisse.        10],  nie  ,lu  Terrolllct. 
Ilrutrll...  De'rie  Tomsnn,  !:,,  rue  des 

r.ondrra.  WmsoI  cl  G',  >2Fi.  Régent  itreet. 


Ko  42. 


REVUE 


17  Octobre  1852. 

Prix  de  l'Abonnement  i 

Paris,  un  ao 24  I 

Départements,  Belgique  et  Suisse 30 

étranger       34 


Le  Journal  porolt  le  Dimanche. 


GAZETTE  MUSICALE 


mm    PARIS. 


-AAMAfSSSaAAAAw- 


SOMMAIRE.  —  Théâtre-Lyrique,  Çholiy-le-Roy,  opéra  comique  en  uu  acte  de 
MM.  de  Leuven,  Michel  Carré  et  Gautier  (première  représentation),  par  «3. 
lli'-qnet.  —  Gymnase  musical  militaire,  distribution  des  prix.  —  Les  Soirées  de 
l'orchestre  (4"  fragment),  par  Hector  Br rliox.  — Correspondance  :  Réplique 
de  M.  Antoine  Schindler  a  M.  le  prince  Nicolas  Boris  Galilzin.  —  Revue  critique  : 
Musique  de  piano,  Chant  du  matin,  Chant  du  troubadour,,  Chant  du  dimanche, 
Chant  du  chasseur,  l'Adieu  du  soldat,  Chant  du  berceau,  Saltarello,  Promenades 
d'un  solitaire,  mélodies  sans  paroles,  de  Stéphen  Heller.  —  Messe  des  mort  de 
Berlioz  —  Nouvelles  et  annonces. 


THÉÂTRE-LYRIQUE. 

ClIOf  S  Y  -  IiE  -  KOY  , 

Opéra  comique  en  un  acte,  paroles  de  MM.  de  Leuven  et  Michel  Carré, 
musique  de  M.  Gautier. 

DÉDUT  DE  Mlle  PETIT-BRIÈRE. 
(Première  représentation.) 

Madame  la  marquise  de  Pompadour  est  en  disgrâce...  Cela  arrivait 
de  temps  en  temps;  d'abord  quand  le  roi  était  malade  :  —  c'étaient  là 
les  moments  de  crise  les  plus  terribles  pour  les  favorites  de  Louis-le- 
bien-aimé;  —  ensuite  quand  le  roi  voulait  faire  ses  pàques.  11  avait  quel- 
quefois cette  fantaisie.  Alors,  la  favorite  s'éloignait  pour  quelques  jours. 
On  ne  la  voyait  plus  ni  à  Versailles,  ni  à  Marly,  ni  à  Fontainebleau.  Le 
royal  pénitent  ayant  ainsi  publiquement  renoncé  à  Satan  et  à  ses  œu- 
vres, son  confesseur  ne  pouvait  plus  décemment  lui  refuser  l'absolu- 
tion. Puis,  la  cérémonie  achevée,  et  le  fils  aîné  de  l'Eglise  s'étant  mis 
en  règle  avec  elle,  la  favorite  reprenait  tout  doucement  sa  place,  et  il 
n'y  paraissait  plus.  Chacun  trouvait  son  compte  à  cet  ingénieux  ar- 
rangement. 

Nous  ne  saurions  dire  à  quelle  occasion  est  arrivée  cette  rupture, 
véritable  ou  simulée,  de  Louis  XV  et  de  Mme  de  Pompadour;  mais 
il  n'est  pas  possible  d'en  douter.  Depuis  huit  jours  madame  la  marquise 
est  à  Choisy-le-Roy,  et  ses  ennemis  voudraient  bien  l'empêcher  de  re- 
venir à  la  cour.  Pour  cela,  le  meilleur  moyen  serait  de  lui  trouver 
une  remplaçante.  Un  diplomate  s'est  chargé  de  ce  soin.  C'est  M.  le 
baron...  Baron  de  qui?  baron  de  quoi?  Je  n'en  sais  rien.  Et  qu'im- 
porte? c'est  un  baron  et  cela  suffit.  Ce  baron  d'ailleurs  a  un  habit  de 
velours  doré  sur  toutes  les  coutures  et  un  grand  gilet  de  brocard  d'or. 
Venez  donc  à  présent  lui  contester  son  titre  ! 

M.  le  baron  en  veut  prodigieusement  à  Mme  de  Pompadour,  et  c'est 
bien  naturel  :  elle  lui  a  joué  un  de  ces  tours  qu'un  homme  qui  a  la 
conscience  de  son  mérite  ne  pardonne  point.  En  arrivant  à  la  cour,  il  a 
jadis  négligé  de  lui  rendre  hommage  :  elle  s'en  est  aussitôt  vengée,  en 
lui  faisant  donner  une  mission  diplomatique  lointaine  et  pressée.  Il  a 


été  chargé  de  porter  officiellement  au  schah  de  Perse  des  nouvelles  de 
la  santé  de  Minette,  la  chatte  de  Trianon.  Le  voilà  revenu  de  ce  long 
voyage  :  jugez  de  sa  colère  !  étonnez-vous  qu'il  ait  juré  de  se  venger  ! 

Malheureusement  il  s'y  prend  mal.  Il  a  entendu  parler  d'une  jeune 
paysanne  dont  la  fraîcheur  et  la  grâce  naïve  doivent,  à  son  avis,  faire 
sur  le  roi  une  vive  impression.  Il  a  déjà  sondé  le  terrain.  Il  croit  s'être 
assuré  de  la  connivence  d'un  vieux  fermier,  parrain  de  la  jeune  Per- 
rette. 

Mais  était-ce  donc  à  Choisy-le-Roi  qu'il  devait  chercher  une  rivale  à 
Mme  de  Pompadour?  A  Choisy,  où  Mme  de  Pompadour  habite?  Et  peul-i' 
être  assez  sévèrement  puni  de  son  imprudence?  Ce  fermier  est  un  homme 
moral,  que  l'appât  du  gain  n'éblouit  pas,  et  qui  préfère  l'honneur  à 
l'argent;  —  un  homme  rare!  —  Il  veut  que  sa  filleule  épouse  Lucas, 
son  amoureux  :  cela  lui  paraît  préférable  à  toutes  les  gloires  du  parc 
aux  Cerfs,  et  Perrette  est  de  son  avis.  II  faut  convenir  que  le  pauvre 
baron  s'est  mal  adressé. 

Que  fait  le  rusé  villageois?  Il  conte  toute  l'affaire  à  Mme  de  Pompa- 
dour elle-même,  et  se  met  sous  sa  direction.  Par  son  ordre,  il  promat 
au  baron  de  lui  ménager  un  entretien  avec  Perrette.  La  marquise 
prend  les  habits  de  Perrette,  son  patois  et  son  orthographe,  reçoit 
la  visite  du  baron,  l'enchante  par  sa  naïveté,  en  fait  son  messager  ga- 
lant, et  se  sert  de  lui  pour  faire  parvenir  au  roi  une  lettre  qui  fait  cesser 
sa  disgrâce.  Elle  dote  Perrette,  et  marie  les  deux  amants. 

Peut-être  aurait-il  mieux  valu  que  ce  fût  le  baron  lui-même  qui  payât 
la  dot.  Peut-être  aurait-il  été  plus  plaisant  que  le  baron  [amenât  le  roi  lui- 
même,  et  que  Mme  de  Pompadour  se  servît  de  ses  habits  de  paysanne 
pour  se  présenter  à  son  amant  blasé  sous  un  aspect  nouveau.  Il  y  au- 
rait eu  là  une  scène  piquante,  et  le  dénouement  eût  été  un  peu  moins 
froid.  Mais  on  ne  s'avise  jamais  de  tout,  dit  la  sagesse  des  nations. 

Il  n'y  a  pas  plus  de  huit  jours  que  nous  avons  eu  à  apprécier  déjà  la 
musique  de  M.  Gautier.  Deux  partitions  du  même  compositeur  en  huit 
jours  !  C'est  un  fait  assez  rare  et  une  faveur  singulière.  Nous  constatons 
avec  plaisir  que  celle-ci  est  moins  bruyante,  moins  chargée  d'instru- 
mentation que  la  précédente.  Le  style  en  est  plus  facile  et  plus  gai.  Il  y 
a  çà  et  là  des  intentions  comiques,  notamment  dans  l'air:  J'suis  g°nlil 
et  doux  a"  caractère,  que  l'auteur  fait  chanter  à  Colas.  Ce  premier  vers, 
dit  avec  un  calme  et  une  lenteur  affectés,  contraste  plaisamment  avec 
la  phrase  précipitée  qui  le  suit.  Mais  l'effet  de  ce  passage  syllabique  est 
gâté  par  les  violons  qui  viennent  étouffer  mal  à  propos  la  voix  du  chan- 
teur, et  empêche  qu'on  n'entende  les  paroles  qu'il  prononce.  L'air  de 
la  marquise  n'a  pas  ce  défaut.  L'orchestration  en  est  discrète,  et  le 
chant  y  est  bien  ménagé.  Il  ne  manque  pas  de  grâce,  mais  cette  grâce 
est  un  peu  maniérée.  Les  autres  morceaux  n'ont  rien  de  saillant,  et  la 
critique  doit  les  laisser  en  paix. 


346 


KEVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


Mlle  Pelit-Brière  a  débuté  à  l'Opéra-National  du  temps  de  M.  Adam. 
Depuis  on  l'a  vue  à  l'Opéra,  où  elle  chantait  forl  agréablement  la  chan- 
son du  chamelier  dans  V Enfant  prodigue.  L'année  dernière  elle  était  à 
l'Opéra-Comique,  où  l'on  n'a  pas  tiré  de  son  talent  tout  le  parti  qu'on 
aurait  pu  en  tirer.  La  voilà  revenue  à  son  point  de  départ  :  elle  y  peu1 
rendre  d'utiles  services.  Sa  voix  est  sonore  et  assez  étendue.  Sa  pro- 
nonciation est  nette,  son  exécution  vive  et  quelquefois  brillante.  Elle  a 
de  la  hardiesse,  et  n'aurait  besoin  que  de  quelques  études  pour  rendre 
sa  vocalisation  tout  à  fait  correcte,  C'est  une  artiste  qui  a  de  l'avenir. 

MM.  Grignon  père  et  fils  et  M.  Neveux  s'acquittent  fort  agréablement 
des  autres  rôles. 

G.  HÉQUET. 


GYMIASE  MUSICAL  MILITAIRE. 

BBS  TRIBUTS©^   BE-*   PRIX. 

Suivant  le  programme  annuel,  la  distribution  des  prix  aux  élèves  de 
cette  intéressante  école  était  encadrée  de  musique,  précédée  d'un  pas 
redoublé,  suivie  d'un  concert  instrumental  et  vocal,  destiné  à  mettre 
en  relief  une  foule  de  talents  collectifs  et  individuels. 

Dans  le  nombre  il  ne  s'est  produit  qu'un  soliste,  mais  il  est  de  pre- 
mière force.  C'est  l'élève  Frédéric  Selmer,  qui  a  remporté  le  premier 
prix  de  solfège  dans  la  classe  de  M.  Hubert,  et  un  prix  d'honneur  de 
clarinette  dans  la  classe  de  M.  Klosé.  Il  appartient  au  26e  régiment  de 
ligne  et  ne  compte  qu'une  année  d'études  au  Gymnase.  Cette  année  lui 
a  suffi  pour  perfectionner  une  exécution  encore  défectueuse  et, se  mettre 
en  état  de  plaire,  même  partout  ailleurs  que  dans  une  musique  de  ré- 
giment. Le  morceau  qu'il  a  joué  est  une  des  meilleures  compositions 
de  son  maître,  qui  en  a  tant  écrit  de  charmantes.  Il  n'a  rien  laissé  à 
désirer  sous  le  rapport  du  goût,  du  sentiment,  des  nuances,  et  à  plu- 
sieurs reprises  l!auditpjre  l'a  salué  d'unanimes  applaudissements. 

La  masse  entière  des  instruments  a  fort  bien  rendu,  avec  une  préci- 
sion toute  militaire  et  un  entrain  chaleureux,  le  pas  redoublé  qui  ouvrait 
la  séance  et  celui  qui  la  terminait;  l'un  de  M.  Bourdeau,  l'autre  de 
M.  Josneau;  tous  deux  premiers  prix  d'harmonie  et  de  composition, 
tous  deux  reçus  chefs  de  musique.  L'ouverture  i'Oberon,  cette  inspi- 
ration vraiment  féerique,  cette  œuvre  immortelle  d'un  auteur  qui  était 
mourant;  le  délicieux  ballet  de  l'Enfant  prodigue,  féerie  d'un  autre 
ciel  et  d'un  autre  coloris,  n'ont  eu  qu'à  se  louer,  non  plus,  de  leur  tra- 
duction pour  bois  et  pour  cuivre.  Un  air  de  ballet  d'une  allure  svelte  et 
gracieuse,  dont  l'auteur  est  Mme  Mennechet  de  Barival,  a  bravement 
affronté  le  voisinage  de  ces  chefs-d'œuvre.  Ce  n'est  pas  la  première 
fois  que  nous  entendons  la  salle  du  Gymnase  militaire  retentir  d'inspi- 
rations féminines,  e  t  que  nous  voyons  les  auteurs  elles-mêmes  assister 
à  leur  succès. 

La  musique  de  cavalerie  (fanfare),  qui  s'escrime  en  plein  air,  à  deux 
pas  de  la  salle,  offrait  pour  son  contingent  l'ouverture  du  Domino  noir 
et  une  polka  de  Frantz,  répondant  au  nom  de  Rosine.  Les  élèves  or- 
phéonistes chantaient  deux  chœurs,  le  Chant  des  Amis,  composé  par 
Ambroise  Thomas  pour  les  fêtes  de  Lille;  Mars  et  Vénus,  composé  par 
Cottin.  Le  général  Carrelet,  qui  présidait  à  la  cérémonie,  a  dû  être 
content  de  la  vigueur  et  de  la  résolution  avec  laquelle  tous  ces  jeunes 
soldats  enlèvent  des  notes  et  des  morceaux,  absolument  comme  s'ils 
chargeaient  à  la  baïonnette  ou  le  sabre  en  main,  non  pas  toujours  sans 
frémir,  mais  toujours  sans  broncher. 


P.  S. 


LES  SOIBËES  DE  L'ORCHESTRE. 

(5e  et  dernier  fragment)  (1). 

ÉPILOGUE. 

Le  dîner  de  l'étrier.  —  Toast  de  Corsino.  —  Toast  du  chef  d'orchestre. 
—  Toast  de  Schmidt.  —  Toast  de  l'auteur. 

A  sept  heures,  j'entre  dans  la  salle  choisie  pour  le  dîner  que  les  mu- 
siciens ont  voulu  me  donner  avant  mon.,  départ.  J'y  trouve  réunis  tous 
mes  bons  amis  de  l'orchestre  de***,  y  compris  leur  digne  chefetmêmele 
joueur  de  grosse  caisse,  qui  ne  m'a  jamais  regardé  de  très-bon  œil.  Mais 
c'est  un  repas  de  corps,  et  le  brave  homme  a  cru  devoir  mettre  de  côté 
ses  antipathies  personnelles  pour  y  prendre  part.  D'ailleurs,  puisqu'il 
s'agit  d'un  tutti,  a-t-il  pensé,  que  serait-ce  sans  la  grosse  caisse? 
L'assemblée  est,  comme  sont  toutes  les  réunions  d'artistes,  gaie  et 
bruyante.  Puis  viennent  les  toasts. 

Corsino  le  premier  se  lève  son  verre  à  la  main:  «  A  la  musique, 
Messieurs  !  s  ecrie-t-il;  son  règne  est  arrivé  !  Elle  protège  le  drame, 
elle  habille  la  comédie,  elle  embaume  la  tragédie,  elle  loge  la  pein- 
ture, elle  enivre  la  danse  ;  elle  met  à  la  porte  ce  petit  vagabond  de 
vaudeville  ;  elle  mitraille  les  ennemis  de  ses  progrès  ;  elle  jette  par 
les  croisées  les  représentants  de  la  routine  ;  elle  triomphe  en  France, 
en  Allemagne,  en  Angleterre,  en  Italie,  en  Russie,  en  Amérique 
même;  elle  lève  sur  toute  l'Europe  des  tributs  énormes;  elle  a  des 
flatteurs  trop  peu  intelligents  pour  la  comprendre,  des  détracteurs  qui 
n'apprécient  pas  mieux  la  grandeur  de  ses  desseins,  la  savante  audace 
de  ses  combinaisons;  mais  les  uns  et  les  autres  la  craignent  et  l'admi- 
rent d'instinct.  Elle  a  des  adorateurs  qui  lui  chantent  des  odes,  des 
assassins  qui  la  manquent  toujours,  une  garde  prête  à  mourir  pour  elle 
et  qui  ne  se  rendra  jamais.  Plusieurs  de  ses  soldats  sont  devenus  prin- 
ces, des  princes  se  sont  faits  ses  soldats.  Devant  d'ignobles  caricatures 
qui  passent  pour  ses  portraits,  à  cause  du  nom  qu'elles  portent,  le 
peuple  se  découvre;  il  se  prosterne,  il  crie,  il  pleure  d'en!housiasme, 
quand,  aux  grands  jours,  il  la  voit  en  personnne  le  front  resplendis- 
sante de  gloire  et  de  génie 

»  Les  opinions  de  nos  juges  sont  diverses,  j'en  conviens,  les  intérêts 
des  artistes  paraissent  opposés,  une  foule  de  préjugés  existent  encore 
dans  les  écoles,  le  public  pris  en  masse  est  peu  intelligent,  frivole, 
injuste,  indifférent,  variable.  Mais  son  intelligence,  qui  s'est  éteinte  ou 
affaiblie  pour  certaines  choses  de  notre  art,  semble  se  développer  pour 
d'autres  ;  sa  variabilité,  qui  le  fait  revenir  si  souvent  sur  ses  premiers 
jugements,  compense  son  injustice  ;  et  si  l'atrophie  du  sens  de  l'expres- 
sion est  évidente  en  lui,  ce  sont  les  méprisables  produits  de  Part  faux 
qui  l'ont  amenée.  L'audition  fréquente  d'oeuvres  douées  de  qualités 
poétiques  et  expressives  parviendra  peut-être  à  ranimer  ce  sens  qui 
semble  mort. 

»  Maintenant,  si  nous  examinons  la  position  des  artistes  dans  le  milieu 
social  où  ils  vivent,  le  malheur  a  souvent,  il  est  vrai,  poursuivi  et  ac- 
cablé des  hommes  inspirés,  mais  ce  n'est  pas  aux  illustrations  de  notre 
art  et  de  notre  temps  seulement  qu'il  s'est  attaché.  Les  grands  musi- 
ciens partagent  le  sort  commun  des  pionniers  de  1  humanité.  Nous  avons 
eu  Beethoven  isolé,  incompris,  dédaigné,  pauvre;  Mozart  toujours 
courant  après  le  nécessaire,  humilié  par  d'indignes  protecteurs,  et  ne 
possédant  à  sa  mort  que  6,000  fr.  de  dettes;  et  tant  d'autres.  Mais  si 
nous  voulons  regarder  à  côté  du  domaine  musical ,  dans  celui  de  la 
poésie  par  exemple,  nous  verrons  Shakespeare,  las  de  la  tiédeur  de  ses 
contemporains,  se  retirant  à  Slralford  dans  la  force  de  l'âge,  sans  vou- 
loir plus  entendre  parler  de  poëmes,  de  drames  ni  de  théâtre,  écrivant 
son  épitaphe  pour  léguer  sa  malédiction  à  quiconque  dérangera  ses  os; 

(1)  Voir  les  n"  38,  39,  40  et  41.  —  Dans  l'impossibilité  où  nous  sommes  de  re- 
produire entièrement  ce  morceau  capital,  à  cause  de  son  étendue,  nous  n'en  cite- 
rons que  le;  commencement  et  la  fin,  renvoyant  nos  lecteurs  au  livre  même,  qui 
ne  tardera  pas  à  être  publié. 


DE  PARIS. 


9Û7 


nous  trouverons  Cervantes  impotent  et  misérable;  Tasso  mourant  pau- 
vre aussi  et  fou,  autant  d'orgueil  blessa  que  d'amour,  dans  une  prison; 
Camoëns  plus  malheureux  encore.  Camoëns  fui  guerrier,  voyageur 
aventureux,  amant  et  poule;  il  fut  intrépide  et  patient;  il  eut  l'inspira- 
tion, il  eut  le  génie,  ou  plutôt  il  appartint  au  génie  qui  en  lit  sa  proie, 
qui  l'entraîna  palpitant  par  le  monde,  qui  lui  donna  la  force  de  luller 
contre  venls,  tempêtes,  obscurité,  ingratitude,  proscriptions,  et  la  pâle 
faim  aux  joues  creuses;  flots  amers  qu'il  fendit  bravement  de  sa  noble 
poitrine,  en  élevant  sur  eux,  d'un  geste  sublime,  son  poëme  immortel. 
Puis  il  mourut  après  avoir  souffert  longuement,  et  sans  qu'un  jour  il 
ait  pu  se  dire  :  «  Mon  pays  me  connaît  et  m'apprécie  ;  il  sait  quel 
homme  je  suis,  il  voit  l'éclat  de  mon  nom  rejaillir  sur  le  sien,  il  com- 
prend mon  œuvre  et  l'admire  ;  je  suis  heureux  d'être  venu,  d'avoir  vu 
et  vaincu;  grâces  soient  rendues  à  la  suprême  puissance  qui  me  donna 
la  vie!  »  Non,  loin  de  là  ;  il  vécut  perdu  dans  la  foule  des  souffrants, 
la  gente  dolorosa,  toujours  armé  et  combattant,  versantà  flots  ses  pen- 
sées, son  sang  et  ses  larmes  ;  indigné  de  son  sort,  indigné  de  voir  les 
hommes  si  petits,  indigné  contre  lui-même  d'être  si  grand,  agitant 
avec  fureur  la  lourde  chaîne  des  besoins  matériels,  sera?  orjnor  fre- 
mente.  Et  quand  la  mort  vint  le  prendre,  il  dut  aller  au-devant  d'elle 
avec  ce  triste  sourire  des  esclaves  résignés  qui,  sous  les  yeux  de  César, 
marchent  à  leur  dernier  combat. 

»  Puis  la  gloire  est  venue...  la  gloire  !...  ô  Fjalstaff  ! 

»   Les  grands  musiciens  ne  sont  donc  pas  les  seuls  à  souffrir. 

»  D'ailleurs,  à  ces  malheurs  trop  bien  constatés,  on  peut  opposer  de 
nombreux  exemples  de  destinées  brillantes  et  heureuses,  fournis  par 
des  hommes  éminents  dans  l'art.  Il  y  en  a  eu,  il  y  en  a,  il  y  en  aura. 
En  tous  cas,  nous  qui  n'avons  pas  de  prétentions  au  rôle  ni  au  sort  des 
Titans,  reconnaissons  que  notre  part  est  encore  assez  belle.  Si  nos 
jouissances  sont  peu  fréquentes,  elles  sont  vives  et  élevées.  Leur  ra- 
reté même  en  double  le  prix.  Tout  un  monde  de  sensations  et  d'idées 
nous  est  ouvert,  qui  surajoute  une  existence  de  luxe  et  de  poésie  au  né- 
cessaire de  la  vie  prosaïque,  et  nous  en  usons  avec  un  bonheur  aux 
autres  hommes  inconnu. 

»  Il  n'y  a  point  là  d'exagération.  Ces  joies  de  musiciens,  plus  profon- 
des que  toules  les  autres,  sont  bien  réellement  interdites  à  la  majeure 
partie  de  la  race  humaine.  Les  arts,  dont  les  uns  ne  s'adressent  qu'à 
l'intelligence,  et  dont  les  autres  sont  privés  du  mouvement,  ne  sau- 
raient rien  produire  de  comparable.  La  musique  (réfléchissez  bien  à  ce 
que  j'entends  par  ce  mot,  et  ne  confondez  pas  ensemble  des  choses 
qui  n'ont  de  commun  que  le  nom),  la  musique,  dis-je,  parle  d'abord  à 
un  sens  qu'elle  charme  et  dont  l'excitation,  se  propageant  à  tout  l'or- 
ganisme, produit  une  volupté  tantôt  douce  et  calme,  tantôt  fougueuse 
et  violente,  qu'on  ne  croit  pas  possible  avant  de  l'avoir  éprouvée.  La 
musique,  en  s'associent  à  des  idées  qu'elle  a  mille  moyens  de  faire 
naître,  augmente  l'intensité  de  son  action  de  toute  la  puissance  de  ce 
qu'on  appelle  vulgairement  la  poésie;  déjà  brûlante  elle-même,  en 
expriment  les  passions,  elle  s'empare  de  leur  flamme  ;  étincelante  de 
rayons  sonores,  elle  les  décompose  au  prisme  de  l'imagination;  elle 
embrasse  à  la  fois  le  réel  et  l'idéal;  comme  l'a  dit  J.-J.  Rousseau,  elle 
(ail  jiarler  le  silence  même  ;  en  suspendant  l'action  du  rhythme  qui  lui 
donne  le  mouvement  et  la  vie,  elle  peut  prendre  l'aspect  de  la  mort. 
Dans  les  jeux  harmoniques  auxquels  elle  se  livre,  elle  pourrait  se  bor- 
ner (elle  ne  l'a  que  trop  fait)  à  divertir  l'esprit,  dans  ses  jeux  mélo- 
diques à  caresser  l'oreille.  Mais  quand,  réunissant  à  la  fois  toutes  ses 
forces  sur  l'oreille  qu'elle  charme  ou  offense  habilement,  sur  le  sys- 
tème nerveux  qu'elle  surexcite,  sur  la  circulation  du  sang  qu'elle  ac- 
célère, sur  le  cerveau  qu'elle  embrase,  sur  le  cœur  qu'elle  gonfle  et 
fait  battre  à  coups  redoublés,  sur  la  pensée  qu'elle  agrandit  démesu- 
rément et  lance  dans  les  régions  de  l'infini,  elle  agit,  dans  la  sphère  qui 
lui  est  propre,  c'est-à-dire  sur  des  êtres  chez  lesquels  le  sens  musical 
existe  réellement  ;  alors  son  pouvoir  est  immense  et  je  ne  sais  trop  à 
quel  autre  on  pourrait  sérieusement  le  comparer.   Alors  aussi  nous 


sommes  des  dieux,  cl  si  les  hommes  comblés  des  faveurs  de  ia  fortune 
pouvaient  connaître  nos  extases  et  les  acheter,  ils  jetteraient  leur  or 
pour  les  partager  un  instant. 

»  Aux  artistes  donc,  que  rien  ne  saurait  avilir  ni  décourager,  aux 
artistes  véritables,  à  ceux  qui  vous  ressemblent,  Messieurs,  aux  persé- 
vérants, aux  vaillants,  aux  forts  !  » 

Les  hurras  éclatent  ;  je  m'esquive  au  milieu  du  tumulte. 

H.  BERLIOZ. 


CORRESPONDANCE. 

Nous  recevons  de  M.  Antoine  Schindler  les  deux  lettres  suivantes, 
que  notre  impartialité  nous  oblige  à  insérer,  sans  rien  changer  à  leur 
texte,  et  moyennant  lotîtes  réserves  à  l'égard  du  prince  Boris  Galitzin , 
qui  le  premier  a  eu  recours  à  notre  publicité. 

Francfort-sur-le-Mein.  le  12  octobre  I8j2. 

Monsieur  le  Directeur, 

J'ai  l'honneur  de  vous  envoyer  ci-joint  ma  réplique  au  prince  Nico- 
las Boris  Galitzin,  et  je  vous  prie  de  l'insérer  dans  la  GazHte  musicale. 

La  curiosité,  fortement  excitée  dans  le  monde  musical  de  l'Allemagne 
et  de  l'Angleterre  par  cette  affaire,  doit  l'être  aussi  en  France,  où  le 
nom  de  Beethoven  esl  tant  honoré.  Le  journal  Neua  Zeilschnft  fur 
Musil:,  à  Leipzick,  contient  cette  réplique  dans  son  numéro  du  8 
courant. 

Un  scandale  pareil  à  celui  que  cette  affaire  produira  n'a  peut-être 
jamais  eu  lieu  dans  le  monde  musical.  Que  le  prince  Galitzin  voie 
comme. ;t  il  s'en  retirera. 

Veuillez  agréer,  Monsieur,  l'assurance  de  ma  haute  considération, 
avec  laquelle  j'ai  l'honneur  de  signer, 

Antoine  SCHINDLER. 

ESénliqnc  de  SI    Ânloinc  Scraândler  à  In  protestation  de 
II.  le  prince  Nicolas  Boris  Galitzin  (I). 

Parmi  les  nombreuses  répliques  que  j'ai  été  dans  le  cas  de  devoir 
publier  depuis  la  mort  de  Beelhovcn,  soit  quant  à  lui  personnellement, 
soit  quant  à  ses  relations  avec  d'autres  personnes,  la  présente  paraît 
surtout  vouloir  devenir  importante  par  suite  de  ses  circonstances  par- 
ticulières, et  je  suis  heureux  d'avoir  assez  vécu  pour  voir  enfin  cette 
ténébreuse  affaire  des  quatuors  mise  en  discussion.  Je  dois  malheureu- 
sement remarquer  en  commençant  déjà,  que  cette  affaire  a  été  rendue 
plus  obscure  encore  par  les  publications  du  prince.  Le  niblo  habitant 
de  l'Ukraine  a  encore  amené  plus  de  complications  qu'il  n'y  en  avait 
déjà.  Voilà  ce  qui  m'empêche  d'être  aussi  court  que  je  l'eusse  désiré 
et  me  force  à  réclamer  un  peu  d'espace. 

Lorsque  déjà,  peu  de  temps  après  l'inauguration  du  monument  de 
Beethoven  à  Bonn  (1845),  il  plut  à  M.  le  prince  Galitzin  depublier,  dans 
un  journal  politique  de  Paris,  une  longue  description,  qu'il  signa 
en  toutes  lettres,  de  ses  relations  écrites  avec  Beethoven  et  des  qua- 
tuors composés  pour  lui,  j'attendais,  ainsi  que  l'avocat  de  Vienne, 
M.  le  docteur  Bach  aîné,  que  l'illustre  compositeur  avait,  on  le  sait, 
nommé  lui-même  curateur  fidéicommissaire  de  sa  succession,  j'alten- 
dais,  dis-je,  qu'un  rayon  de  lumière  tombât  enfin  sur  l'affaire  d'argent 
en  question,  que  Beethoven  mourant  avait  particulièrement  recomman- 
dée à  son  curateur.  Mais  en  vain  ;  rien  ne  suivit  cette  publication,  dans 
laquelle  son  auteur  ne  prononçait  pas  encore  l'assurance  que  les  senti- 
ments de  noblesse  et  de  délicatesse  du  grand  homme  n'étaient  pas  à  la 
hauteur  de  son  génie,  accusation  contre  son  caractère,  aussi  ignoble  et 
peu  délicate  que  peu  méritée  de  Beethoven,  et  que  nous  avons  dû  lire 
avec  étonnement  dans  la  protestation  du  prince  que  renferme  le  jour- 
nal A'.  Zeilschrift  fur  .Vusi/c  (Leipzick) ,  du  6  août,  et  dans  la  lettre  que 
le  prince  m'a  adressée,  en  date  du  15  juillet. 

(1)  Voir  le  N°  Zk  de  la  Gazette  musicale.  —  Diverses  correspondances  sur  cette 
afiaire,  avec  Vienne  et  Saint-Pétersbourg,  ont  retardé  cette  publication. 


348 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


Tel  autre  qui  à  sa  place  (quoique  non  prince)  n'eût  rien  entendu  dire 
de  ce  qui  a  été  imprimé  depuis  vingt-cinq  ans  en  Allemagne,  comme, 
de  son  propre  aveu,  c'est  le  cas  du  prince,  lequel,  avant  la  mort  de 
Beethoven,  déjà  quitta  Pétersbourg  pour  se  rendre  à  l'armée  du  Caucase, 
et  a  vécu  dès  lors  dans  une  des  provinces  les  plus  reculées  de  la  Rus- 
sie européenne  ;  tel  autre,  dis-je,  se  serait,  en  pareille  circonstance, 
informé  préalablement  avec  circonspection  de  l'ensemble  des  choses 
qui  le  concernent  avant  que  de  publier  hautement  en  Allemagne  et  en 
France,  —  peut-être  même  en  Russie  et  en  Turquie,  — des  erreurs  quj 
m'accusent  au  hasard  de  calomnie.  Le  prince  Galitzin  s'oublie  dans  la 
Gazette  musicale  au  point  de  suspecter  les  rédactions  allemandes  de 
me  vouloir  protéger  et  épargner  contre  lui.  «  11  est  vieux,  disait-on  ; 
attendons  qu'il  soit  mort.  »  Voilà  quels  sont  les  rêves  du  noble  sire  de 
l'Ukraine  et  ses  idées  sur  la  presse  allemande.  Je  comprends  bien  qu'il 
est  contre  sa  dignité  de  s'abaisser  jusqu'à  entrer  en  discussion  «  avec 
un  Schindler,  dont  il  n'a  jamais  entendu  parler  et  dont  il  ne  connaît 
point  l'ouvrage.  »  Pour  calmer  ses  esprits  que  ncus  avons  si  audacieu- 
sement  excités,  je  recommande  au  prince  la  note  ci-dessous  (1).  L'au- 
guste Mécène  des  arts  ne  doit  pas  ignorer  plus  longtemps  qui  est  l'au- 
teur, malheureusement  encore  si  obscur  sur  les  bords  de  la  mer  Noire, 
de  la  biographie  de  Beethoven  ;  il  doit  apprendre  qu'aucun  homme  n'a 
été  pendant  un  grand  nembre  d'années  aussi  près  de  l'immortel  artiste 
que  moi  ;  ce  qui  fait  que  dans  la  question  pendante,  j'étais  non-seule- 
ment obligé  de  me  présenter  comme  réfèrent,  mais  en  même  temps 
comme  témoin  oculaire  et  auriculaire. 

C'est  le  passage  suivant  de  la  lettre  du  prince  à  mon  adresse  qui  a  le 
plus  excité  mon  étonnement  : 

«  Mais  mes  rapports  avec  Beethoven  m'ont  entraîné  à  des  dépenses 
de  plus  de  500  ducats.  Comment  et  de  quelle  manière  ?  Vous  le  saurez 
quand  j'aurai  publié  toutes  les  circonstances  et  les  détails  de  mes  rap- 
ports avec  Beethoven.  Cette  publication,  je  ne  la  ferai  qu'avec  la  plus 
grande  répugnance,  parce  que  je  devrai  malheureusement  prouver 
que  les  sentiments  de  noblesse  et  de  délicatesse  du  grand  homme  n'é- 
taient pas  à  la  hauteur  de  son  génie.  »  Voilà  ce  qu'on  y  lit  en  toutes 
lettres.  Certainement ,  ainsi  que  moi,  tous  ceux  qui  honorent  Beetho- 
ven atler.dent  avec  impatience  celte  publication,  à  laquelle  les  senti- 
ments princiers  de  noblesse  et  de  délicatesse  ne  feront  sans  doute  pas 
défaut.  11  faut  qu'il  soit  prouvé  si  la  somme  mentionnée  se  rapporte 
directement  à  Eeethoven  ou  à  quelqu'un  de  ses  parents,  oui  ou  non. 
Dans  ce  dernier  cas,  ce  qui  dépasse  la  somme  de  125  ducats  exigée 
par  Beethoven  ne  nous  regarde  plus. 

Comme  je  n'espère  pas  atteindre  l'âge  de  Mathnsalem,  il  m'importe 
tout  particulièrement  de  voir  bientôt  cette  affaire  que  les  déclarations 
sus-mentionnées  du  prince  ont  fini  d'embrouiller,  expliquée  jusqu'à  l'é- 
vidence, ce  à  quoi  pourrait  contribuer  peut-être  la  découverte  des 
lettres  du  prince  à  Beethoven  en  1824.  On  voit  qu'il  s'agit  surtout  ici 
de  l'honneur  de  l'homme  qui  a  si  bien  mérité  du  monde  musical,  et 
qui  me  fut  particulièrement  encore  un  paternel  maître  et  ami.  Qui  de- 
vra ,  qui  pourra  repousser,  quand  je  ne  serai  plus,  les  soupçons  qui 
peuvent  l'atteindre? 

Lorsqu'en  1839  je  commençai  la  biographie  de  Beethoven  ,  j'avais 

(l)  Gazette  musicale  universelle  de  Berlin,  1827,  n"  30,  rapports  de  Vienne  du 
mois  de  mai  : 

" Ilummo!  nous  a  fait  ses  adieux  au  théâtre  de  Josephstadt,dans  un  concert, 

qui,  par  suite  de  précédents  traités,  a  dû  Être  accordé  à  l'ancien  chef  d'orchestre 
Schindler.  M.  Schindler  a  été,  dans  toute  l'étendue  du  terme,  le  fidèle  Pylade  de  feu 
notre  Beethoven  ;  il  en  a  soigné  depuis  des  années  les  affaires  domestiques  et  est 
resté  à  ses  côtés  jusqu'à  son  dernier  soupir.  Dans  l'espoir  de  sa  guérison,  Beetho- 
ven voulait  prouver  sa  reconnaissance  par  une  nouvelle  composition  qui  devait  être 
exécutée  pour  la  première  fois  à  cette  occasion.  Toutefois,  lorsqu'il  s'aperçut  que  le 
destin  en  avait  autrement  décidé,  il  remit  ce  devoir  à  Hummel.  qu'il  pria  encore, 
dans  les  dcrnieis  moments  de  sa  vie,  de  payer  à  sa  place  à  son  ami,  toujours  géné- 
reux et  dévoué,  le  tribut  de  la  reconnaissance.  Hummel  le  promit,  le  cœur  brisé,  et 
il  a  reculé  son  départ  pour  accomplir  sa  promesse  sacrée,  etc.  » 

La  manière  dont  Beethoven  mourant  prit  congé  de  l'auteur  de  cette  réplique,  est 
de  même  conservée  dans  la  Gazelle  musicale  universelle  de  Leipzig,  1827,  n°  22, 
et  dans  les  journaux  de  Vienne  de  l'époque. 


déjà  quitté  Vienne  depuis  plusieurs  années,  et  dus,  par  conséquent 
prendre  par  écrit  maintes  informations,  auxquelles,  chose  remarquable, 
le  docteur  Bach  seul  put  répondre.  Les  souvenirs  de  ceux  qui ,  jadis 
aussi,  avaient  eu  beaucoup  de  relations  avec  Beethoven,  se  réduisaient 
à  ceci:  qu'il  avait  vécu  à  Vienne.  M.  Bach  me  répondit  quant  à  l'af- 
faire des  125  ducals  restants  du  prince  Galitzin,  qu'elle  n'était  pas  en- 
core arrangée ,  et  qu'il  ne  pouvait  réussir  à  découvrir  la  retraite  du 
prince.  En  même  temps  il  me  recommanda  beaucoup  de  publier  ce 
cas  singulier,  de  même  qu'en  général  toute  l'histoire  des  quatuors  pen- 
dant depuis  plus  de  trois  ans,  ainsi  que  toutes  ses  désagréables  consé- 
quences, parmi  lesquelles  se  trouve  la  demande  de  secours  si  fortement 
blâmée  à  Vienne,  que  Beethoven  adressa  à  la  Société  philharmonique 
de  Londres  (1). 

Et  pourtant  elles  ne  sont  pas  encore  toutes  là,  ces  conséquences  !  On 
n'y  lit  point  les  amers  chagrins  que  le  grand  maître  eut  à  souffrir  par 
suite  des  jugements  insensés  portés  sur  les  derniers  produits  de  son 
esprit;  on  n'y  lit  point  non  plus  que  son  ancien  ami  C.  Bernard  s'est 
éloigné  de  lui,  parce  que  cet  ami  est  resté  avec  moi  dans  la  minorité 
lors  des  délibérations  du  printemps  1824  sur  la  question  que  nous  avait 
posée  Beethoven  :  Après  la  prochaine  première  exécution  de  la  neu- 
vième symphonie  et  de  la  Missa  solemnis,  dois-je  écrire  des  quatuors 
ou  achever  la  dixième  symphonie ,  puis  l'oratorio  la  \icloire  de  la 
Croix,  de  C.  Bernard,  déjà  esquissés?  C'est  dans  ce  fait  qu'il  faut  cher- 
cher les  raisons  pour  lesquelles  Bernard  ne  voulut  jamais  consentir  à 
publier  des  mémoires  sur  Beethoven,  ce  qui  est  fort  à  regretter.  La 
majorité,  pour  la  composition  des  quatuors,  était  composée  de  M.  Schup. 
panzigh  et  de  ses  collègues  du  quatuor  (les  raisons  en  sont  claires), 
auxquels  Jean,  le  frère  de  Beethoven  et  pharmacien,  s'était  joint.  Ce 
dernier  flairait  dans  les  lettres  du  prince  de  riches  mines  d'or  sur  les 
bords  de  la  Neva,  et  contribua  le  plus  à  la  résolution  prise.  Nous  ver- 
rons ci-dessous  comment  cet  homme,  dans  la  dédicace  de  l'ouverture, 
ceuv.  124,  et  selon  sa  manière  de  juger  toutes  les  choses,  sut  faire  va- 
loir son  influence  sur  notre  Beethoven. 

J'ajouterai  encore  à  ce  qui  précède ,  qu'avant  son  impression ,  j'ai 
envoyé  mon  manuscrit  de  la  troisième  période  dans  laquelle  se  trouve 
l'affaire  Galitzin  au  docteur  Bach  pour  qu'il  le  revoie.  Il  me  le  renvoya 
avec  quelques  additions  et  loua  ma  modération  ,  non-seulement  dans 
l'affaire  en  question,  mais  dans  d'autres  encore  qu'il  avait  été  chargé 
de  diriger,  et  dont,  le  cas  échéant,  il  voulait  rendre  raison.  Avant  que 
la  seconde  édition  démon  livre  (1845)  parût,  jem'enquis  encore  au- 
près de  lui  si  rien  de  nouveau  n'était  survenu  dans  l'affaire  Galitzin. 
Réponse  :  non.  Ce  juriste  distingué  et  honoré  est  mort  à  Vienne  en 
1847.  11  n'y  a  plus  maintenant  dans  cette  ville  qu'un  seul  homme  vi- 
vant qui  ait  été  en  relation  intime  en  1825  et  26  avec  Beelhoven , 
M.  Charles  Holz,  employé  de  la  caisse  publique  auprès  de  la  diète  de 
la  Basse- Autriche,  et  qui  a  dû  être  cité  comme  témoin  dans  l'affaire  en 
question.  Son  témoignage  est  d'autant  plus  important,  que  M.  Holz  , 
comme  membre  du  célèbre  quatuor  de  Schuppanzigh,  a  été  particuliè- 
rement en  rapports  et  en  délibérations  avec  Beethoven,  auquel  il  a 
rendu  encore  maint  service  en  matière  de  finances. 

Voyons  les  dépositions  de  ce  témoin,  déposilions  qui  m'ont  été  re- 
mises déjà  le  23  août  par  M.  Aloys  Fuclis,  lequel  m'écrit  :  «  M.  Holz 
a  déclaré  : 

»  1"  Que  votre  exposition  des  faits  sur  l'envoi  des  quatuors  au  prince 
russe,  est  entièrement  conf  rme  à  la  vérité  ; 

«  2°  Qu'il  (M.  Holz)  n'a  jamais  entendu  parler  de  la  réception  d'hono- 
raires que  pour  le  premier  quatuor,  et  qu'il  sait  quelles  démarches 
Beethoven  a  déjà  dû  faire  en  Russie  pour  obtenir  cet  honoraire,  et 
combien  de  fois  il  s'était  plaint  auprès  de  lui  de  ce  que  d'ultérieures 
contributions  n'arrivaient  point. 

(1)  Qu'il  nous  soit  permis  de  remarquer  ici  en  passant  que  l'ouvrage  The  Life 
of  Beelhoven  ,  qui  a  paru  en  JS41  à  Londres,  en  deux  volumes,  chez  Henri  Col- 
burn,  est  la  traduction  littérale  de  mon  livre  sur  Beethoven  (à  l'omission  de  l'intro- 
duction près  ),  quoique  sur  le  titre  du  livre,  le  nom  seul  de  Moscheles  figure  comme 
éditeur. 


DE  PARIS. 


•WJ 


»M.  Holz  fait  encore  remarquer  que  connaissant  exactement  l'étatdc 
la  caisse  de  Iieethovcn,  il  eût  nécessairement  dû  s'apercevoir  de  l'ar- 
rivée d'une  telle  somme  (125  ducats).  » 

Cette  déclaration  nous  apprend  donc  de  plus  que  Beethoven  avait 
déjà  du  faire  des  démarches  pour  obtenir  sa  paie  pour  le  premier  qua- 
tuor, ce  qui  m'avait  échappé.  Que  penser  donc  de  la  vérité  des  décla- 
rations du  prince,  qui  prélend  avoir  envoyé  à  Beethoven  en  1822  déjà 
50  ducats  d'honoraires  pour  le  premier  quatuor?  Dans  la  Gazette  imisi- 
culeil  dit  50  florins  (1).  (Le  prince  au  reste  parle  tantôt  do  ducats  et 
tantôt  de  florins,  ce  qui  augmente  encore  la  confusion.)  Puis  le  prince 
ajoute  quant  à  cette  remise  :  «  Réponse  de  Beethoven,  qui  se  confond 
en  remerciments  sur  mon  empressement  à  solder  une  œuvre  qui  n'est 
pas  même  commencée.  »  Quoi,  le  fier  artiste  qui  ne  s'est  jamais  départi 
de  ses  principes  vis-à-vis  de  la  haute  aristocratie  aurait  vraiment  fait 
cela  !  Il  se  serait  si  profondément  incliné  devant  le  prince  russe  que  de 
se  confondre  en  remerciments  pour  quelques  ducats  ou  florins  !  In- 
croyable !  Quelques  organes  publics,  la  Gazette  musicale  du  Rhin 
même,  ont  accepté  comme  vraies  ces  déclarations  du  prince.  Puissent- 
ils  se  rétracter  et  contribuer  à  maintenir  intact  l'honneur  de  Beethoven 
dans  de  semblables  affaires  aussi  ! 

Nous  savons  parfaitement  que  les  négociations  avec  le  prince  n'ont 
commencé  qu'au  printemps  de  1824  (si  même  une  lettre  devait  être 
arrivée  en  1822  déjà),  attendu  que  ses  propositions  nous  ont  été  commu- 
niquées. Le  premier  quatuor,  œuv.  127,  a  été  écrit  dans  l'été  et  envoyé 
à  Pétersbourg  dans  l'automne  de  1824.  Quiconque  ose  dire  avoir  payé 
Beethoven  avant  d'avoir  reçu  l'œuvre  commandée,  fait  une  injure  gros- 
sière à  son  honneur.  Beethoven  n'a  jamais  accepté  d'avance  aucun 
honoraire.  Nul  de  ses  éditeurs  ne  pourrait  le  dire;  et  il  y  aurait  con- 
senti vis-à-vis  d'un  étranger!  et  même  deux  ans  avant  d'avoir  mis  la 
main  à  l'œuvre! 

Deux  lettres  adressées  à  M.  C.-F.  Peters,  son  éditeur,  à  Leipzick, 
par  Beethoven  et  imprimées  dans  le  n°  21  du  journal  N.  Zeitschrift 
fur  Musik,  en  1837,  prouvent  la  manière  dont  l'illustre  compositeur 
soignait  l'encaissement  de  ses  honoraires.  Il  lui  écrivait  le  3  août  1822  : 
«  Tout  pourra  être  livré  jusqu'au  15  de  ce  mois  ;  j'attends  vos  ordres  là- 
dessus  et  ne  ferai  point  usage  de  votre  lettre  de  change.  »  Il  lui  écrit  de 
nouveau  le  31  mars  1823  :  «  Ne  m'envoyez  pas  les  honoraires  en  gé- 
néral, avant  que  vous  ayez  reçu  la  nouvelle  que  l'œuvre  a  déjà  été  ex- 
pédiée. »  Tel  était  son  principe  immuable  dans  les  affaires.  J'omets  ici 
les  faits  qui  se  rapportent  au  deuxième  et  au  troisième  quatuor.  Ils 
viendront  toujours  assez  à  temps  dans  le  procès  en  diffamation  dont  le 
prince  me  menace,  si  je  ne  me  rétracte  pas  immédiatement.  Ce  procès 
peut  devenir,  en  tout  cas,  une  riche  source  dépiquantes  notices  pour  le 
prochain  biographe  de  Beethoven. 

Dans  sa  protestation  allemande  comme  dans  sa  protestation  française, 
le  prince  se  réfère  à  la  maison  de  banque  Henikstein  et  C",  à  Vienne; 
il  dit  encore  expressément  dans  sa  protestation  française  :  «  Les  incré- 
dules peuvent  demander  à  voir  les  quittances  autographes  de  ces  divers 
envois  chez  les  banquiers  Henisktein  et  Ce,  de  Vienne,  et  en  recevoir 
la  confirmation  de  M.  Charles  Beethoven  lui-même ,  demeurant  au  fau- 
bourg de  Josephtadt,  221,  à  Vienne.  » 

J'ai  suivi  cette  indication  en  citant  textuellement  le  passage  ci-dessus. 
La  réponse  de  MM.  Henikstein  et  Ce,  en  date  du  h  septembre,  dit  : 
«  que  par  suite  de  l'invitation  du  prince  Galitzin,  ils  avaient  donné  à  ce 
dernier,  il  y  a  longtemps,  toutes  les  explications  désirées  dans  cette 
affaire  de  Beethoven,  et  que,  par  conséquent,  ils  ne  pouvaient  que  me 
renvoyer  au  prince,  qui  seul  était  à  même  d'expliquer  le  véritable  état 
des  choses,  n 

Excellent  !  Le  prince  renvoie  «  les  incrédules»  au  banquier,  et  celui- 
ci  les  renvoie  de  nouveau  au  prince,  et  M.  Charles  Beethoven  ne  de- 
meure plus  à  Vienne  ;  mais  où?  C'est  ce  que  MM.  Fuchset  Holz  ne  savent 
pas.  Mais,  au  reste,  que  peut  savoir  et  témoigner,  dans  l'affaire  en  ques- 

(1)  C'était  une  faute  d'impression  corrigée  par  un  erratum  dans  le  n°  35. 


tion,  ce  neveu  de  Beethoven,  qui,  dans  les  dernières  années  de  la  vie 
de  son  oncle,  ne  fut  que  rarement  auprès  de  lui,  et,  lors  de  la  catastrophe 
de  sa  mort,  ainsi  que  bien  des  années  ensuite,  a  été  dans  le  militaire  et 
absent  de  Vienne? 

El  maintenant  donc,  il  ne  me  reste  plus  qu'à  répondre  à  la  question 
suivante,  posée  par  le  noble  sire  de  Karkoff  (dans  sa  protestation  al- 
lemande) comme  l'argument  le  plus  fort  :  «Si  Beethoven  avait  à  se 
plaindre  de  moi,  pourquoi  m'a-t-il  dédié  après  les  quatuors,  et  sans  que 
je  l'aie  désiré  ou  même  su,  l'ouverture,  œuv.  124?  »—  Cette  dédicace  a 
eu  lieu  vers  le  milieu  de  1825,  avant  même  que  le  second  quatuor  en 
la  mineur  fût  terminé  et  avant  que  Beethoven  pût  prévoir  le  sort  qui 
lui  était  réservé  à  l'occasion  de  ces  quatuors  ;  elle  a  eu  lieu  alors  déjà, 
parce  que  l'éditeur  de  musique  Schott,  à  Mayence,  voulait  hâter  la  pu- 
blication des  œuvres  de  Beethoven  (parmi  lesquelles  se  trouvait  celte 
ouverture)  qu'il  avait  achetées  en  1825,  et  qu'ainsi  tous  les  litres  des 
œuvres  devaient  être  aussitôt  mis  en  ordre.  De  plus,  cette  dédicace  eut 
lieu  par  suite  du  désir  impérieux  de  son  frère  Jean  ,  désir  dont 
nous  avons  déjà  indiqué  les  causes  ;  et  notre  maître  céda  à  ce  désir 
pour  ne  plus  être  incommodé.  Le  litre  de  cette  œuvre  devrait  plu- 
tôt donc  être  ainsi  conçu  :  «  Ouverture  composée  par  L.  van  Bee- 
thoven, et  dédiée  à  tel  ou  tel  par  Jean  van  Beethoven,  pharmacien,  n 
Celte  œuvre  (  sur  laquelle  M.  de  Lenz  ,  dans  son  ouvrage  : 
Beethoven  et  ses  trois  styles,  fait  force  commentaires),  fut  écrite, 
on  le  sait,  pour  la  fête  d'inauguration  du  nouveau  théâtre  de  Josephstadt 
(à  Vienne),  occasion  dans  laquelle —  30  octobre  1822— j'eus  l'honneur 
de  me  trouver  à  la  tête  de  l'orchestre  avec  Beethoven  et  fus  introduit 
par  lui  dans  ma  nouvelle  carrière  artistique.  Celte  ouverture  a  été  im- 
primée en  janvier  1826,  et  le  premier  quatuor,  œuv.  127,  en  décem- 
bru  1825,  ainsi  toute  une  année  après  qu'il  eut  été  envoyé  à  Péters- 
bourg. Ainsi  fut  remplie  la  condition  posée  par  le  prince  «  de  vouloir 
posséder  seul  chacun  des  quatuors  une  année  entière  avant  qu'ils  soient 
livrés  à  la  publication.  » 

Donnons  encore  l'assurance  en  terminant,  que  nous  attendons  tous 
avecimpalience  les  explications  du  prince.  Puissent-elles  être  suffisan- 
tes dans  tous  les  points,  de  manière  que  l'honneur  de  tous  ceux  qui 
sont  engagés  dans  la  question  ne  reste  point  entaché  !  Puisse-t-il  être 
démontré  que  ce  conflit  ne  doit  être  attribué  qu'à  un  ensemble  de  cir- 
constances et  de  hasards,  peut-être  à  la  grande  distance  qui  sépare  les 
personnes  intéressées  dans  la  question.  —  Mais  les  500  ducats  ! 

Antoine  SCHINDLER. 


REVUE   CRITIQUE. 

MUSIQUE    DE    PIANO. 

Chant  iln  mutin.  —  Cliant  du  TrouEiadoiir.  —  rhant  du  fi>i»ianchc.  — 
Chant  <I»  chassenr.  —  «,'  Atiicii  du  Soidut.  —  riinut  du  Berceau —  Snl- 
tarello.  —  fl»ronaeuaiIe  d'un  Solitaire,  mélodie*  Nanti  paroles,  par  M6- 


ph. 


Heller. 


Si  vous  avez  lu  complètement  le  titre  qui  précède,  vous  savez  qu'il 
s'agit  de  huit  productions  de  Sléphen  Heller. 

Avant  de  parler  de  ces  huit  morceaux,  nous  nous  demandons  :  Est-ce 
un  portrait  qu'il  faut  esquisser  ou  une  analyse  qu'il  faut  entreprendre? 
Nous  aimerions  autant  l'un  que  l'autre,  et  nous  le  ferions  aussi  facile- 
ment. Oui,  quand  même  nous  ne  connaîtrions  pas  du  tout  Stephen 
Heller,  nous  le  déduirions  sans  faute  de  ses  inspirations,  de  son  style  ; 
nous  le  verrions  tel  qu'il  est,  nous  affirmerions  que  tel  il  doit  être.  Et 
quelle  charmante  individualité  que  la  sienne  !  Quel  cachet  de  distinction, 
d'élégance,  de  sentimentalité  exquise,  imprimé  à  tout  ce  qui  sort  de  sa 
pensée  et  de  sa  plume!  Impossible  de  ne  pas  songer  aux  chapitr  s 
d'un  roman  de  Sterne,  à  ces  pages  souvent  si  courtes,  mais  si  colorées, 
si  profondes,  lorsqu'on  joue  ou  qu'on  entend  jouer  ces  petits  morceaux 
qui  se  suivent  sans  se  ressembler,  si  ce  n'est  par  la  supériorité  de  leur 


350 


REVUE   ET  GAZfc 


MUSICALE 


conception,  et  nous  dirions  presque,  par  l'aristocratie  de  leur  allure! 

Dans  la  grande  famille  musicale,  les  hommes  d'esprit  ne  sont  pas 
rares  ;  Stephen  Ileller  se  distingue  encore  parmi  ceux  qui  en  ont  le  plus, 
et  il  ne  le  montre  pas  seulement  qnand  il  cause,  quand  il  flâne  ou  qu'il 
fume,  quand  il  écoute,  quand  il  sourit  :  il  a  toujours  de  l'esprit  au  bout 
des  lèvres  et  au  bout  des  doigts.  Il  n'écrit  pas  pour  écrire  ;  il  n'enchalnc 
pas  des  notes  pour  le  plaisir  d'enchaîner  des  notes.  11  a,  au  fond  du 
cœur,  un  trop  sincère  dédain  pour  le  vulgaire  accouplement  de  ces 
phrases  qui  se  rejoindraient  d'elles-mêmes,  quand  personne  ne  prendrait 
la  peine  de  les  rapprocher  !  Ne  le  cherchez  pas  dans  la  foule,  dans  la 
cohue  ;  la  ligne  droite  d'un  chemin  tout  plat  n'a  pour  lui  aucun  charme. 
Il  préfère,  comme  de  juste,  les  sentiers  sinueux,  les  ombrages  touffus, 
dans  lesquels  un  rayon  se  joue.  Il  aimerait  mieux  ne  rencontrer  per- 
sonne sur  sa  route,  que  de  ne  pas  choisir  sa  société  ;  et  si  ses 
compagnons  de  voyage  venaient  à  l'ennuyer,  nous  ne  doutons  pas  qu'il 
ne  trouvât  le  moyen  de  les  planter  là  bien  vite.  Sa  nature  est  essentiel- 
lement tendre  et  rêveuse  ;  on  sent  qu'il  doit  avoir  des  prédilections  et 
dus  antipathies  dont  il  n'est  pas  maître,  mais  dont  on  lui  sait  un  gré 
infini,  parce  que  ce  sont  elles  qui  constituent  son  caractère  d'homme, 
sa  vocation  d'artiste  ;  et  que  s'il  ressemblait  un  peu  plus  à  tout  le  monde, 
il  serait  nécessairement  beaucoup  moins  lui. 

Nous  disons  donc  qu'il  suffirait  d'avoir  lu  et  bien  lu  quelques-uns  des 
petits  morceaux  signés  du  nom  de  Stephen  Heller  pour  se  faire  une 
idée  de  sa  physionomie  morale  et  spirituelle.  Cette  conviction  nous 
revenait  sans  cesse,  à  mesure  que  nous  déroulions  et  que  nous  passions 
en  revue  la  série  de  ses  nouvelles  compositions.  Le  Chant  du  matin, 
le  Chant  du  troubadour,  le  Chant  du  dimanche  ont  pour  thèmes  des 
mélodies  de  Mendelssohn  ;  Saltarello  est  aussi  écrit  sur  une  mélodie 
du  même  maître,  avec  lequel  Stephen  Heller  a  tant  d'affinités.  Mais 
combien  l'ajustement,  le  costume,  la  parure,  qui  lui  appartiennent  en 
propre,  ajoulent  de  prix  à  ces  éléments  simples  !  combien  ils  les  font 
valoir  et  les  transforment  !  Le  Chant  du  matin  n'a  que  trois  pages  ; 
mais  c'est  un  début  plein  de  fraîcheur,  une  hymne  touchante  et  naïve , 
dont  l'exécution  n'a  pas  l'air  difficile,  et  pourtant  ne  vous  y  fiez  pas, 
car  il  faut  jouer  cela  comme  l'auteur  l'a  écrit,  sans  qu'une  note 
demeure  indifférente.  Le  Chant  du  troubadour  a  six  pages  ;  celui  du 
Dimanche  n'en  a  que  quatre,  et  ce  sont  des  morceaux  complets  dans 
leur  genre,  laissant  une  impression  nette  et  vive,  une  trace  lumineuse 
d'originalité. 

Le  Chant  du  chasseiir,  l'Adieu  du  soldat,  le  Chant  du  berceau,  que 
Stephen  Heller  a  composés  seul,  et  sans  avoir  Mendelssohn  pour  col- 
laborateur, sont  à  peu  près  de  la  même,  dimension  que  les  aulres  (le 
Chant  du  berceau  n'a  que  deux  pages),  et  méritent  le  même  éloge.  Si 
quelque  chose  pouvait  contribuer  à  former  des  pianistes  soigneux,  at- 
tentifs jusqu'au  scrupule,  ne  posant  jamais  le  doigt  sur  la  touche  sans 
savoir  pourquoi  et  comment;  des  pianistes  ennemis  du  bruit,  hydro- 
phobes  des  sonorités  vagues  et  uniformes,  ce  serait  assurément  l'élude 
assidue,  amoureuse  de  ces  petits  morceaux,  qui  ne  demandent  pas  une 
longue  haleine,  mais  dont  chacun  en  dit  infiniment  plus  que  sa  taille 
ne  le  comporte. 

Saltarello  nous  ramène  à  Mendelssohn,  et  enmême  temps  au  monde 
des  salons,  au  monde  qui  aime  la  lumière  et  l'éclat.  C'est  un  morceau 
des  plus  brillants,  qui  a  tout  l'élan  des  saltarelles,  sans  en  avoir  le 
commun.  La  seconde  partie  en  est  doucement  teintée  d'une  expression 
mélancolique,  comme  on  en  trouve  quelquefois  jusque  dans  les  salles 
de  bal.  Dans  les  Promenades  d'un  solitaire,  c'est  Stephen  Heller  qui 
revient  seul  et  sans  partage  ;  c'est  lui  tout  entier,  rien  que  lui,  et  nous 
le  répétons  h  titre  de  louange.  Des  quatre  Promenades,  celle  que  nous 
aimons  surtout,  c'est  la  seconde  en  fa  majeur,  dont  la  forme  mélodi- 
que est  vraiment  ravissante,  et  dont  les  modulations,  toujours  inatten- 
dues, quoique  souvent  répétées,  ont  un  accent  plaintif  qui  ressemble 
aux  s  oupirs  de  la  brise  à  travers  l'épaisseur  des  bois. 

P.  S. 


3SEQZrSE.VW  HÏE   6:EKB,EOZ. 

C'est  vendredi  prochain,  à  11  heures,  qu'aura  lieu  dans  l'église  de 
Saint-Eustache  le  service  funèbre  de  M.  le  baron  de  Trémont,  et  l'exé- 
cution du  Requiem  de  M.  Berlioz.  Les  associations  des  artistes  musi- 
ciens et  des  artistes  dramatiques  se  sont  réunies  pour  donner  à  cette 
solennité  une  pompe  musicale  extraordinaire,  et  M.  Auber  a  autorisé  le 
Conservatoire  tout  entier  à  y  prendre  part.  Le  solo  du  Sanctus  sera 
chanté  par  M.  Roger. 

Les  exécutants,  au  nombre  île  six  cents,  seront  dirigés  par  M.  Ber- 
lioz ;  M.  Tilmant  conduira  le  chœur.  On  parle  d'une  dépulalion  d'artistes 
de  la  ville  de  Lille  qui  voudrait  à  cette  occasion  se  joindre  aux  artistes 
parisiens. 

M.  Berlioz  nous  prie  d'annoncer  qu'il  lui  est  impossible  de  faire  droit 
aux  demandes  de  places  réservées  qui  lui  sont  adressées  de  toutes  parts; 
ces  détails  concernant  exclusivement  le  comité  de  l'Association  des  ar- 
tistes musiciens. 


ELLES. 

%*  Aujourd'hui  dimanche,  par  extraordinaire,  à  l'Opéra,  le  rr^phè'e.  — 
Demain  lundi,  Lucie  et  Vert-Vert. 

%*  Guillaume  T<  Il  a  été  chanté  lundi  dernier  par  Cueymard,  Mme  La- 
borde,  Obin  et  Merly,  qui,  pour  la  première  fois,  remplissait  le  rôle  du 
héros  de  l'Ilelvétie,  en  remplacement  de  Morrlli.  Le  jeune  artiste  a  heu- 
reusement profité  de  l'occasion  et  l'épreuve  lui  a  été  tout  à  fait  favorable. 

***  Le  Juif  errant,  donné  mercredi,  avait  encore  rempli  la  salle.  Massol 
est  toujours  admirable  de  physionomie  et  de  voix  dans  le  rôle  d'Aliasve- 
rus.  Roger,  l'artiste  supérieur,  tire  un  immense  parti  de  celui  de  Léon, 
comme  Mme  Tedesco  de  celui  de  Théodore.  Mlle  Dussy  remplaçait 
avec  talent  Mlle  Lagrua  indisposée. 

%.*  La  Favorite  et  la  Péri  composaient  le  spectacle  de  vendredi,  Roger 
et  Mme  Tedesco  ont  eu  les  honneurs  de  la'soirée. 

*„*  La  reprise  de  Moïse  n'aura  lieu  que  dans  huit  jours. 

%*  I.e  rere  Gaillard  a  été  repris  lundi  dernier  et  joué  quatre  fois  dans 
le  cours  de  la  semaine.  La  musique  est  de  plus  en  plus  goûtée  et  le  succès 
grandit 

%*  La  Fée  aux  Tîows  a  reparu  vendredi  devant  un  nombreux  auditoire. 
Le  rôle  de  Nérilha  est  toujours  l'un  des  plus  grands  triomphes  de 
Mme  Ugalde. 

%*  L'ouvrage  en  trois  actes,  de  MM.  Scribe,  Germain  Dèlâvigiie  et  Cla- 
pisson,  qui  sera  joué  prochainement  aura  pour  titre  les  Mystères  d  UdiJphît. 

%*  far  arrêté  du  ministre  de  l'intérieur,  M.  Alexandre  C.orti,  ancien 
directeur  des  théâtres  de  Milan  et  de  Rergame,  a  été  nommé  directeur  du 
Théâtre-Italien  de  Paris. 

V  M.  Lumley  se  préparait  à  remplir  ses  obligations  de  directeur  avec 
le  même  zèle  et  le  même  courage  que  par  le  passé,  lorsqu'il  a  appris  son 
remplacement.  Deux  jours  après,  il  est  reparti  pour  Londres,  où  de  grands 
intérêts  rappellent.  Quoi  qu'il  arrive,  il  faut  le  féliciter  d'une  décision  qui 
le  délivre  d'une  mission  périlleuse  et  pour  laquelle  il  a  sacrifié  en  deux 
années  plus  de  300,<'OD  IV. 

%*  Voici,  d'après  le  journal  de  Saint-Pétersbourg,  la  composition  défi- 
nitive de  la  troupe  du  théâtre  impérial  italien  :  MM.  Mario  et  Tamberlick, 
premiers  ténors;  fionconi  et  de  lîassini,  barytons;  Lablache  et  Tagliafico, 
premières  basses;  Kemorino  et  Davide,  seconds  ténors;  Polonini  et  Cec- 
coni,  secondes  basses;  Mmes  Cruvelli,  Marray  et  Mcdori,  prime  donne; 
de  Meric,  contralto;  Cotti,  seconda  donna.  M lie  Crisi,  primitivement  en- 
gagée pour  cette  saison,  a  dû  résilier  son  engagement  pour  cause  de 
santé, 

*,,*  Uermann-Léon  donne  à  Bruxelles  des  représentations  très-brillantes 
et  très-suivies.  Après  avoir  d'abord  paru  dans  les  Muritéhéyriris  et  produit 
une  impression  vive,  dans  un  rôle  dont  tout  le  monde  à  Paris  se  rappelle 
la  création  originale,  il  a  chanté  le  Lertram  de  Robert  le  DiM-  avec  un 
plein  succès  et  un  effet  plus  grand  encore.  Ensuite  il  a  paru  dans 
le  capitaine  Roland  des  Mousqut taira,  d,  la  Rtïrie,  et  doit  ainsi  passer  en 
revue  tout  son  répertoire  parisien. 

*„*  Dans  peu  de  jours,  Mme  Viardot  sera  de  retour  à  Paris  et  y  passera 
l'hiver. 

***  Charles  de  Rériot  est  de  retour  à  Taris,  et  son  intention  est  de  s'y 
fixer.  L'éminent  artiste  se  propose  d'ouvrir  une  école  de  violon  pour  y 
enseigner  l'art  qu'il  a  pratiqué  toute  sa  vie  et  en  transmettre  les  principes 
dans  toute  leur  pureté  Après  avoir  longtemps  et  avec  tant  de  succès 
prêché  d'exemple,  il  entrera  dans  l'analyse  méthodique  du  procédé  qui  Ta 
fait  ce  qu'il  a  été,  ce  qu'il  est  encore,  un  des  grands  maîtres  dont  la 
France  s'honore,  un  de  ces  modèles  accomplis  que  les  étrangers  nous  en- 
vient, parce  que  toutes  les  qualités  saillantes  se  trouvent  réunies  chez  eux 
dans  la  juste  mesure  du  bon  goût. 

%*  Voici  le  moment  où  tous  les  artistes  voyageurs  reprennent  le  che- 
min de  la  capitale.  Au  nombre  de  ces  retours,  qui  se  succèdent  inces- 
samment, nous  remarquons  en  première  ligne  celui  de  deux  compositeurs- 


DE  PARIS. 


351 


pianisfrs,  Georges  Mathias  et  Charles  Voss,  qui  ne  nous  quittera  pas  de 
tout  l'hiver. 

*»*  lie  Kontski,  le  célèbre  pianiste,  est  aussi  à  Paris,  mais  pour  peu  de 
temps.  Ses  fonctions  doivent  le  rappeler  bientôt  auprès  de  S.  M.  le  roi  de 
Prusse.  Après  les  avoir  remplies,  il  nous  revendra  et  donnera  un  grand 
concert. 

***  La  Société  Sainte-Cécile,  qui  a  conquis  en  peu  de  temps  une  place 
si  élevée,  va  bientôt  reprendre  ses  travaux.  Far  une  idée  aussi  ingénieuse 
que  généreuse,  son  fondateur,  M.  Seghers,  ne  voulant  pas  être  accusé  donc 
travailler  qu'au  profit  des  morts,  a  décidé  que  tous  les  ans  une  séance 
serait  consacrée  à  l'exécution  d'ouvrages  contemporains.  11  est  bon  de 
rappeler  que  cette  faveur  n'a  rien  d'exclusif  et  ne  s'adresse  pas  seulement 
aux  compositeurs  français.  Ceux  de  tous  les  pays  peuvent  également  y 
prétendre  et  n'ont  d'autre  formalité  à  remplir  que  l'envoi  de  leurs  manu- 
scrits, sur  lesquels  un  jury  spécial  est  appelé  à  prononcer. 

*,*  Pu  1"  au  6  de  ce  mois,  il  a  été  payé,  pour  secours,  par  les  agents 
trésoriers  des  trois  Sociétés  fondées  par  M.  le  baron  Taylor,  savoir  : 

1°  Par  l'Association  des  artistes  dramatiques 1,940  fr. 

2"  Par  l'Association  des  artistes  musiciens 810 

2°  Par  l'Association  des  artistes  peintres 764 

Total 3,514 

*„*  Le  jour  où  S.  A.  le  Président  a  honoré  le  théâtre  de  Marseille  de  sa 
présence,  on  a  exécuté  plusieurs  morceaux  de  la  Favorite,  et  l'opéra  de 
Ne  tout hes  pas  a  la  Hein",  de  Xavier  lîoisselot. 

%*  M.  Edouard  de  Ilartog,  jeune  compositeur  hollandais,  qui  donna,  la 
saison  dernière,  un  grand  concert  (salle  Ilerz)  dans  lequel  il  ne  fit  dire 
que  de  sa  musique,  doit  revenir  bientôt  dans  Paris,  pour  y  faire  exé- 
cuter une  grande  scène  lyrique  à  trois  voix  et  avec  chœurs. 

***  VO  salutoris,  pour  ténor-solo,  composé  par  M.  J.  B.  Croze,  dédié 
à  Sa  Sainteté  Pie  IX,  vient  d'être  publié.  Nous  recommandons  aux  ama- 
teurs de  musique  religieuse  cette  production  digne  du  jeune  artiste,  dont 
la  Gazelle  a  eu  occasion  de  signaler  les  succès. 

V  Nous  avons  déjà  indiqué  quelques  œuvres  pour  piano  de  Paul  Bar- 
bot,  Berihe,  la  Shj'icnne,  Rose  Brune,  la  Brise.  Cette  dernière,  étude  de 
concert,  a  obtenu  à  Bordeaux  un  grand  succès  lors  du  passage  du  compo- 
siteur-pianiste, qui  a  fait  entendre  également  deux  nouvelles  études,  les 
Oraues  du  cœur  et  les  OiseauûPveyageurs. 

*t*  Sivori  vient  de  donner  son  dernier  concert  a  Bruxelles,  au  théâtre 
de  la  Monnaie,  avec  le.  concours  de  M.  Gilardoni,  contrebassiste.  Les  deux 
artistes  sont  dignes  l'un  de  l'autre,  et  ce  n'est  pas  peu  dire.  Ils  ont  été 
rappelés  tous  les  deux  après  chaque  morceau. 

*„,*  M.  Parnum  vient  de  faire  connaître  le  compte  de  la  campagne  mu- 
sicale qu'il  a  faite  l'année  dernière  aux  Etats-Unis  avec  Jenny  Lind.  Elle 
a  rapporté  610,000  dollars  3  millions  253,000  fr.),  dont  302,000  pour  l'ar- 
tiste et  308,000  pour  l'imprésario. 

%*  La  classe  des  beaux-arts  de  l'Académie  royale  de  Belgique  a  mis  au 
concou  s  pour  l'année  1 853  la  question  suivante  :  Délern  iner  l'influence 
que  /' introduction  île  la  musique  de  l'Orient  a  ix'rcce,  à  la  suite  des  croisades, 
sur  la  musique  de  l'Occident,  et  décrire  les  modifications  qu'elle  a  pu  faire  su- 
bir aux  formes  de  c*  llc-ri,  soit  dans  le  style  religieux,  soil  dans  le  style  pro- 
fi^  ne.  Le  prix  est  une  médaille  d'or  de  la  valeur  de  600  fr.  —  Les  mémoires 
doivent  être  écrits  lisiblement  en  latin,  en  français  ou  en  flamand,  et  se- 
ront adressés,  francs  de  port,  avant  le  ltr  juin  1853,  à  M.  Quetelet,  secré- 
taire perpétuel.  L'Académie  exige  la  plus  grande  exactitude  dans  les  ci- 
tations; à  cet  effet,  les  auteurs  auront  soin  d'indiquer  les  éditions  et  les 
pages  des  livres  qu'ils  citeront.  Cn  n'admettra  que  des  planches  manu- 
scrites. Les  auteurs  ne  mettront  point  leur  nom  à  leur  ouvrage, mais  seu- 
lement une  devise,  qu'ils  répéteront  sur  un  billet  cacheté,  renfermant 
leur  nom  et  leur  adresse.  Les  ouvrages  remis  après  le  temps  prescrit  ou 
ceux  dont  les  auteurs  se  feront  connaître,  de  quelque  manière  que  ce  soit, 
seront  exclus  du  concours.  L'Académie  croit  devoir  rappeler  aux  concur- 
rents que,  dès  que  les  mémoires  ont  été  soumis  à  son  jugement,  ils  sont 
déposés  dans  ses  archives,  comme  étant  devenus  sa  propriété.  Toutefois, 
les  intéressés  peuvent  en  faire  tirer  des  copies  à  leurs  frais,  en  s'adres- 
sant,  a  cet  effet,  au  secrétaire  perpétuel. 

*+*  Le  ministre  de  l'intérieur  vient  d'adresser  à  MM.  les  préfets  des  dépar- 
tements la  circulaire  suivante  :  «  Je  suis  informé  que,  dans  les  départements, 
lesétablissementsconnus  souslenomde  (o/es-c/ian'un/s  font  aux  théàtresun 
tort  considérable.  Dans  les  grands  centres  de  population  surtout,  ils  se  sont 
multipliés  d'une  manière  extraordinaire;  et  ce  qui  rend  leur  concurrence 
redoutable  et  même  ruineuse  pour  les  entreprises  dramatiques,  c'est  qu'on 
y  exécute  les  morceaux  les  plus  remarquables  des  opéras  nouveaux.  Il  y 
a  là  un  abus  qui  soulève  de  justes  réclamations  et  qui  doit  être  réprimé. 
A  Paris,  le  répertoire  des  théâtres  lyriques  est  interdit  aux  cafés-chan- 
tants; leurs  programmes  ne  se  composent  que  de  chansonnettes  ou  ro- 
mances à  une  ou  deux  voix.  Il  est  nécessaire  que  l'exploitation  des  cafés- 
concerts  soit  circonscrite  dans  les  mêmes  limites.  En  conséquence,  je  vous 
invite  à  informer  MM.  les  maires  de  votre  département  que  les  autorisa- 
tions de  ce  genre  doivent  être  données  de  manière  à  réduire  le  répertoire 
de  ces  établissements  au  genre  que  je  vous  ai  indiqué,  c'est-à-dire  :  chan- 
sonnettes à  une  voix,  romances  à  une  ou  deux  voix,  sans  costumes,  ni  mise 
en  scène.  Aucun  de  ces  morceaux  ne  peut  être  chanté  sans  avoir  été 
approuvé  par  l'autorité  locale.  Vous  voudrez  bien  m'accuser  réception  de 
cette  circulaire  et  me  rendre  compte  des  mesures  que  vous  aurez  prises 
pour  assurer  l'exécution  de  mes  instructions.  Je  vous  demande  de  joindre 


à  votre  réponse  l'état  des  établissements  de  ce  genre  qui  existent  dans 
votre  département,  avec  les  noms  des  propriétaires,  et  des  observations 
sur  leur  tenue  et  leur  importance.  » 

V  Les  journaux  anglais  annoncent  la  mort  de  M.  Oulibicheff,  qui 
s'est  fait  connaître  par  un  excellent  livre  sur  la  vie  et  les  ouvrages  de 
Mozart,  dont  nous  avons  rendu  un  compte  détaillé.  (Voir  la  B, vue  et 
Gazette  musical?  de  1848.) 

*„*  L'exécution  typographique  des  exemples  du  cinquième  article  de 
M.  Fétis  père  sur  le  Déoelopp-nvnt.  futur  de  la  musique  ilans  le  domaine  du 
rhvlhme,  nous  oblige  à  en  retarder  la  publication  jusqu'au  numéro  pro- 
chain. 

CHRONIQUE     ÉTRANGÈRE. 

*„*  Piétiné.  —  Au  théâtre  de  la  Cour  on  annonce  les  nouveautés  suivan- 
tes: le  Dieu  et  la  Bayadcre,  d'Auber, pour  le  9  octobre;  Ondine,  de  Lvoff, 
pour  le  20;  puis  viendra  Irmcne,  opéra  nouveau,  que  M.  de  Flotow  a  écrit 
pour  ce  théâtre. 

*4*  Francfort.  Sophie  Cruvelli  a  encore  donné  trois  représentations.  Jus- 
qu'à présent  elle  a  chanté,  avec  le  même  succès,  les  rôles  de  rtosine  et  de 
Lucrèce. 

*„*  Detmohl.  —  Par  ordre  du  prince,  la  symphonie  de  Berlioz  :  Bornéo 
et  Juliette,  a  été  mise  en  répétition  sous  la  direction  de  M.  Kiel,  maître  de 
chapelle. 

*lt*  Milan.  —  Au  théâtre  AVa  Cannobiana  on  vient  de  représenter  pour 
la  première  fois  un  opéra  nouveau  de  Pedrotti  :  Fiorina  ou  In  j'une  fille  de 
Claris.  La  partition,  exécutée  dans  le  meilleur  style  italien,  a  eu  un  grand 
succès,  qu'elle  doit  en  partie  à  la  prima  donna  Mlle  Foroni  Conti,  et  au 
ténor  Carrion.  Tous  les  morceaux  ont  été  salués  d'acclamations  unanimes, 
et  le  compositeur  a  eu  fréquemment  les  honneurs  du  rappel. 

%*  Nazies.  —  Le  théâtre  de  San-Carlo  nous  promet  un  opéra  nouveau 
de  Mercadante  :  la  Violclfa.  Le  personnel  de  la  troupe  n'offre  point  de  nom 
de  quelque  importance. 

%*  New-York,  28  septembre.  —  Le  grand  événement  de  la  saison  mu- 
sicale est  arrivé.  Mlle  Sontag  a  donné  son  premier  concert,  et  aujourd'hui 
elle  est  acceptée  par  le  public  et  les  critiques  américains  pour  ce  qu'elle 
a  été  en  Europe,  la  reine  du  chant.  La  foule  était  immense,  l'élégance 
portée  à  son  degré  le  plus  élevé:  l'intérieur  de  la  salle  présentait  un  coup 
d'œil  magnifique.  Le  concert  a  commencé  par  l'ouverture  du  Frrischiilz, 
exécutée  par  un  orchestre  de  70  instruments  que  dirigeait  M.  Eckert. 
Ensuite  est  venu  l'air  :  Tu  vedra>,  du  Pirate,  chanté  par  M.  Pozzolini,  qui 
a  été  lui-même  très-bien  reçu.  L'entrée  de  Mme  Sontag  a  été  le  signal 
donné  à  l'enthousiasme.  Les  applaudissements  ont  duré  pendant  plusieurs 
minutes.  La  cantatrice  était  vêtue  d'une  robe  de  satin  blanc  broché, 
couverte  de  dentelles  blanches  mêlées  de  nœuds  amarantes.  On  dit  que 
cette  belle  robe,  confectionnée  à  New-York,  n'a  pas  coûté  moins  de  1,500 
dollars  (7,930  fr.).  lime  Sontag  portait  au  cou  une  rivière  '!e  diamants 
d'un  très-grand  prix,  sur  la  poitrime  un  diamant  d'une  extraordinaire 
beauté,  et  aux  poignets  des  bracelets  d'or  du  travail  le  plus  exquis.  Elle 
a  chanté  l'air  de  la  Sinnambula  :  Come  per  me.  s<r<w,  puis  les  variations 
de  Rode;  l'air  de  Linda  :  O  Luce  di  questa  anima;  un  air  suisse  arrangé 
pour  elle,  par  Eckert,  et  la  célèbre  ballade  anglaise  :  Home,  sweet  home. 

ËKS5ATWM. 

Des  fautes  de  dispositions  dans  les  exemples  de  musique  du  qua- 
trième arlicle  sur  le  rhythme  ont  été  faits  et  nuisent  à  l'intelligence 
(n°  /(O  de  la  Gazette  musicale).  Elles  doivent  être  corrigées  de  la  ma- 
nière suivante  : 

Page  327,  1"  colonne,  1"  exemple  en  ni  mineur,  supprimez  la  dou- 
ble barre  à  la  fin  de  la  première  portée,  la  deuxième  portée  formant  la 
suite  immédiate  de  la  première  dans  la  transformation  du  rhythme. 

Même  page,  même  colonne,  le  premier  exemple  en  ré  doit  être  mis 
à  la  suite  du  premier,  parce  qu'il  en  est  la  transformation  de  rhythme. 

—  M.  Mecum,  luthier  à  Cologne  fPr.  Rh.),  10,  L'rsula-Strasse,  possède 
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MM.  Brandus  et  Cie,  rue  Richelieu,  103.  (Affranchir  ) 


352 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS. 


Cites  BRAreMJS  ei  Cic,  Editeur». 

RUE  RICHELIEU,  103. 


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NAPOLÉON 

OUADRILLE    MILITAIRE    PAR    tP SI X  ïïj I J7 IV '. 


Ji"  1 .  La  France. 

2.  Air  favori  de  Napoléon. 

3.  Veillons  au  salut  de  l'Empire. 


N6"  4.  Histoire  de  Napoléon  raconté 
pw  un  vieux  soldat. 
5.  Le  20  Décembre. 


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De  l'Institut 

MORCEAUX  DÉTACHÉS  POUR  CHANT  AVEC  ACCOMPAGNEMENT  DE  PIANO  PAR 

MM.  CKOHARÉ  et  TA1UOT. 

9.  Duo  chanté  par  M.  Talon  et  Mme  Colson  :  «  Vous  m'aimez, 

dites-vous?  « 6     n 

10.  Couplets  chantés  par  M.  Laurent  :  «  La  fleur  boit  la  rosée,  n     3     » 

11.  Air   chanté   par  Mlle  Garnier  :  «  Bondissez   et  dansez,  fol 
essaim.  4    » 

12.  Air  de  danse 6     » 

13.  Air  indien  de  l'Oiseau  moqueur,  chanté  par  Mme  Rouvroy  : 
«  Entends-tu  sous  les  bambous.  » 4  50 

14.  Duo  chanté  par  M.  Talon  et  Mme  Rouvroy  :  «  Tant  d'or  à 
vous,  O  ciel,  Zélide. » 9     » 

15.  Trio  chanté  par  MM.  Talon,  Junca  et  Mme  Colson  :  «  Hélas! 
tout  m'abandonne.  » 10     » 

15  bis.  Romance  et  duettu,  extraits  du  trio,  chantés  par  M.  Talon 

et  Mme  Colson  :  «  Hélas  !  tout  m'abandonne.  » 4     » 


).  Couplets  chantés  par  M.  Menjaud  :  «  Zéphoris  est  bon  cama- 
rade. » ^    " 

2.  Romance  chantée  par  M.  Talon  :  «  J'ignore  son  nom.  » 4     » 

3.  Duo  chanté  par  M.  Laurent  et  Mme  Colson  :  «  Arrêtons-nous 

sous  ces  épais  ombrages.  » à  50 

4.  Trio  chanté  par  MM.  Laurent,  Junca  et  Mme  Colson:  «O  sur- 
10    » 


prise  inouïe.  » 

4  bis.  Couplets  extraits  du  trio,  chantés  par  M.  Laurent  :  «  Dans 

le  sommeil,  l'amour,  je  gage.  » 3     » 

5.  Cavatine  chantée  par  M.  Talon  :  «  Un  regard  de  ses  yeux 

viendrait  finir  ma  peine  » 3     » 

6.  Chœur  sans  accompagnement  :  «  O  barque  légère  et  fidèle.  »    2  50 

7.  Duo  chanté  par  MM.  Laurent  et  Talon  :  «  On  ne  peut  pas 

rêver  et  manger  à  la  fois.  » 9    » 

8.  Grand  air  chanté  par  Mme  Colson  :  «  De  vos  nobles  aïeux  et 


de  votre  couronne.  »  . 


Grande  partition 

Parties  d'orchestre 

Chaque  partie  séparée 

Ouverture  à  grand  orchestre 18 

Petite  partition,  in-8,  piano  et  chant,  net 15 


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400 
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compositeurs. 

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mazurkas  ,  scho'tischs,  mazurkas,  galops,  etc.,  etc.  Deux  quadrilles , 
par  MUSARD. 


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19e  Année. 


On  9'nbonno  dan*  1rs  I).|i,irtomonts  et  ft  l'KtrnnCLT, 

.■heztoas  les  Morch ls  do  Musique, tes T.lbrairea 

ut  uns  llureaux  des  Mosiifri  i.  s,  t  ,k-  |u.si,.. 
Lyon.  A    notn-   ARonco   gÙDOrnle, 

rue  du  Goret. 
4; r  11.  v*.,  tT  pni  n    Chez  M.  Ed.  de  la  Flechtùrc, 

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Mmlrl.l.  linîi'ii  .irti^liro-niusinilo. 


i\«  m. 


24  Octobre  1852. 


ET 


Prix  il.-  >-_:..,, 


Départements,  Belgique  '--t  Suûse JtO 

Étranger 31 


Le  Journal  parait  le  Dimanche. 


USICALE 


II    PâlIS. 

^A/W\J\r©©©€></VAA/w 


SOMMAIRE.  —  Du  développement  futur  de  la  musique  dans  le  domaine  du  rhythme 
;    (D'article)  par  Fétis  père.  —  Théâtre  de  l'Opéra-Comique,   Galatftte. —  Début 
de  M.  Faure.  —  Solennité  à  Saint-Eustache  à  la  mémoire  de  M.  le  baron  de  Tré- 
mont,  Requiem  de  Berlioz,  par  l^éon  Kreutzer.  —  Assemblée  des  cinq  Asso- 
ciations. —  Correspondance,  Berlin.  —  Nouvelles  et  annonces. 


DU  DEVELOPPEMENT  FUTUR  DE  LA  MUSIQUE 

Dans  le   «Inntnine  «lu  rhythme. 

(5e  article)  ()). 

Nous  entrons  dans  un  monde  nouveau.  Il  y  a  de  la  hardiesse  à  l'a- 
border. Plus  tard,  sans  doute,  on  se  dira  que  nos  premiers  pas  ont  été 
timides  ;  mais  on  devra  se  souvenir  que,  sans  autre  guide  que  la  con- 
science logique  du  but,  nous  marchions  à  l'aventure  sur  une  terre  in- 
connue. Au  moment  où,  de  toutes  parts,  on  exprime  la  crainte  que 
l'art  ne  soit  épuisé,  et  lorsque  l'on  entend  à  chaque  instant  de  jeunes 
artistes  dire  avec  découragement  :  On  ne  sait  plus  que  faire  pour  in- 
téresser le  public  ;  ce  que  nous  nous  proposons  avant  tout,  c'est  de 
protester  contre  ces  funestes  préjugés  ;  c'est  de  soutenir,  contre  toute 
assertion  contraire,  que  l'art  ne  s'épuise  jamais  pour  un  sentiment  actif 
et  pour  une  riche  imagination  ;  c'est  enfin  de  faire  voir  dans  quelles 
régions  nouvelles  le  génie  peut  s'exercer.  Et  d'abord,  je  crois  en  avoir 
dit  assez  dans  mes  articles  précédents  pour  f? ire  entrevoir  ce  qui  se 
peut  faire  par  le  rhythme  :  celui-ci  me  fera  pénétrer  plus  avant  dans  ce 
monde  inconnu  ;  mais  l'expérience  y  fera  découvrir  des  multitudes  de 
trésors  que  je  ne  puis  qu'indiquer  aujourd'hui. 

L'objet  de  cet  article  est  de  faire  connaître  comment  on  peut  com- 
biner les  divers  systèmes  de  mesures  binaires  et  ternaires  pour  en  faire 
sortir  des  moyens  nouveaux  d'expression  et  d'effet.  Quelques  essais, 
assez  peu  satisfaisants,  ont  été  faits  pour  produire  de  la  musique  dans 
une  de  ces  combinaisons  appelée  mesure  à  cinq  temps.  On  sait,  en 
effet,  que  cette  mesure,  dans  l'usage  qu'on  en  a  fait,  n'est  qu'une  suc- 
cession alternative  de  mesures  à  trois  et  à  deux  temps.  C'est  ainsi  que 
Boïeldieu  a  écrit,  dans  la  Dame  blanche,  la  seconde  partie  d'un  air  de 
ténor  : 


nous  re    -  paiid,  sur       nous       ré-panil  son  om  -  bre. 

Ce  qui  revient  à  ce  rhythme  : 

(!)  Voir  les  n"  35,  36,  37  et  .'|0. 


2  0 
4  1 


ti 


,|f 


U 


2    0 


9    0 


3  0 


4  f  '  5  5  ' 


2  0   0 


Mais  ce  môme  rhythme  est  sucseptible  de  plusieurs  formes  ;  car,  in- 
dépendamment de  celle  que  je  viens  de  citer,  on  peut  imaginer  des 
formes  rhythmiques  de  cantilènes  à  cinq  temps  dont  le  caractère  se 
déterminera  par  deux  temps  suivis  de  trois,  ou  par  quatre  temps  suivis 
d'un  seul,  ou  par  un  seul  suivi  de  quatre.  Voyons  en  quoi  ces  formes 
différeraient  du  rhythme  de  trois  temps  suivis  de  deux,  et  si  le  caractère 
de  chacun  d'eux  serait  facilement  saisissable.  Je  suppose,  pour  le  rhy- 
thme de  deux  temps  suivis  de  trois,  la  phrase  suivante  : 


Allegretto. 


Pour  avoir  la  preuve  qu'ici  la  mesure  à  deux  temps  précède  la  me- 
sure à  trois,  il  faut  considérer  où  est  la  signification  du  chant  ;  or,  il 
est  évident  que  cette  signification  commence  au  troisième  temps  de 
chaque  mesure,  comme  on  le  voit  par  cette  analyse  : 
1  „„—  2 


ï 


ifcai 


m 


^m 


On  voit  donc  que  le  rhythme  de  celte  phrase  ne  peut  être  mesuré 
que  de  cette  manière  : 


2  9 
4  i 


.ï  fi    9  p  fi  9\2  fi   f 
4  i     LUixJ  14  1     I 


3  »    fi  0  0  p\2  0   fi 

Il     I 


3  fi  etc.] 
41 


J'ai  parlé  de  deux  formes  du  rhythme  à  cinq  temps  dans  lesquelles 
l'irrégularité  serait  produite  par  un  temps  surabondant  ou  ajouté  à  la 
mesure  à  quatre  temps,  soit  avant,  soit  après.  Se  peut-il,  en  effet,  que 
les  membres  d'une  phrase  aient  une  signification  absolue  en  faisant 
abstraction  d'un  temps?  Je  le  crois,  et  j'en  donne  pour  exemple  cette 
période  : 

Allegro.  ,  __  ,  ^ 


ËP 


rf 


s 


354 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


Il  est  facile  de  voir  que  la  signification  de  cette  mélodie  réside  dans 
les  quatre  derniers  temps  de  chaque  mesure,  et  que  le  premier  temps 
n'en  est  que  le  complément.  Supposons  que  tous  les  premiers  temps 
soient  supprimés;  ce  qui  restera  conservera  la  signification  primitive, 
comme  on  peut  le  voir  ici  : 


La  division  des  temps,  pour  marquer  le  véritable  caractère  rhythmi- 
que  de  celle  période  est  donc  celle-ci  : 


c 


I   f    |c 


I    I 


p    0  fi 


Iflcffft/lfMcf-f  elc'  " 

Remarquons  |que  bien^  que  le  premier  temps  de  chaque  mesure 
puisse  être  supprimé  sans  anéantir  la  signification  de  cette  mélodie,  ce 
temps ,  qui  porte  au  nombre  de  cinq  ceux  de  la  mesure ,  donne  au 
chant  une  grâce  qu'il  n'a  plus  lorsqu'il  est  réduit  au  rhythme  de  la 
mesure  carrée.  Il  y  a  sans  doute  quelque  chose  d'étrange  dans  ce 
nombre  cinq;  mais  cette  étrangeté n'est  pas  sans  charme,  quand  la  mé- 
lodie est  conçue  de  telle  sorte  qu'on  ne  puisse  en  supprimer  une 
ne  te  ou  lui  en  ajouter  une  sans  lui  ôter  de  son  agrément.  Cette  condi- 
tion est  radicale  dans  la  composition  du  rhythme  à  cinq  temps.  Si  la 
mélodie  peut  être  ramenée  aux  simples  rhythm.es  binaires  ou  ternaires 
sans  en  rien  ôter,  salconstruction  en  mesure  à  cinq  temps  n'est  qu'une 
bizarrerie  sans  objet.  C'est  pour  cela  que  le  morceau  de  Boïeldieu  que 
j'ai  cité,  a  toujours  produit  un  effet  peu  satisfaisant;  car  ce  n'est  évi- 
demment qu'un  rhythme  ternaire  altéré  sans  motif,  comme  je  le  dé- 
montre ici  : 


S 


SS^ 


^Ë 


w& 


s 


f^ÊÉ 


Auber  a  fait  de  ce  morceau  une  critique  aussi  juste  que  spirituelle, 
en  disant  que  c'est  un  trois  temps  en  négligé. 

Le  rhythme  à  cinq  temps  se  régularise  à  notre  oreille  par  la  conti- 
nuation, surtout  si  toutes  ses  notes  sont  égales.  Dans  un  mouvement 
rapide  ainsi  continué,  on  finit  par  s'accoutumer  à  la  marche  d'un  tel 
rhythme  ;  l'imperfection  ou  la  surabondance  de  temps  s'efface  par  de- 
grés, et  l'impression  de  l'originalité  seule  demeure.  Voyez-en  un 
exemple  ci-contre,  marqué  A. 

Ce  même  rhythme  de  cinq  temps  peut  se  trouver  dans  les  mesures 
binaires  à  temps  ternaires,  particulièrement  dans  les  mouvements  lents 
ou  modérés.  Si  le  caractère  de  la  musique  a  quelque  chose  de  vague, 
de  rêveur,  le  rhythme,  par  lui-même  étrange,  indéterminé,  ajoutera, 
par  son  allure  difficile  à  saisir  au  premier  abord,  un  certain  charme 
au  caractère  de  la  mélodie  et  de  l'harmonie.  J'ai  essayé  de  donner  un 
spécimen  de  ce  genre  de  musique  dans  l'exemple  B  qu'on  trouvera  ici 
près.  Ce  genre  de  mesure  ne  peut  être  indiqué  que  par  15/8. 

11  ne  faut  pas  se  le  dissimuler ,  le  rhythme  à  cinq  temps  ne  peut  être 
que  l'exception,  l'épisode,  car  il  est  une  perturbation  du  sentiment  na- 
turel à  l'homme.  Cependant,  traité  avec  talent  et  avec  circonspection, 
il  prend  sa  place  parmi  les  moyens  de  variété  à  introduire  dans  le  sys- 
tème rhythmique  de  la  musique  future. 

Il  est  une  autre  source  de  variété  bien  plus  riche,  dans  les  combi- 
naisons des  mesures  régulières  des  divers  systèmes  binaires  et  ter- 
naires à  temps  binaires  (et  ternaires  :  on  peut  considérer  celle-là 
comme  inépuisable.  Une  composition  conçue  dans  une  alternative  de 
mesures  binaires  et  ternaires  suivant  de  certaines  proportions  observées 
dans  la  contexture  des  phrases,  n'aurait  pas  l'inconvénient  de  contra- 


rier notre  sentiment  de  la  mesure  ;  elle  pourrait  avoir  la  symétrie 
rhythmique,  qui  résulte  du  retour  fréquent  et  régulier  d'une  combi- 
naison quelconque  du  nombre,  mais  elle  éviterait  la  monotonie  de  l'u- 
niformité. Plusieurs  modes  de  combinaisons  de  ce  genre  peuvent  se 
présenter  à  l'imagination  des  compositeurs  ,  car  le  thème  commencera 
par  la  mesure  binaire  ou  par  la  ternaire  à  temps  binaires  ou  à  temps 
ternaires.  La  succession  des  mesures  différentes  pourra  se  faire  ou 
après  que  la  phrase  initiale  sera  terminée,  ou  pendant  la  continuation 
de  cette  même  phrase.  Les  alternatives  de  mesures  différentes  seront 
ou  régulières  ou  irrégulières  :  dans  le  premier  cas,  les  mesures  binaires 
et  ternaires  se  succéderont  de  deux  en  deux,  de  trois  en  trois,  de  qua- 
tre en  quatre,  ou  par  des  périodes  plus  longues.  De  cette  régularité  de 
retour  naîtra  un  nouveau  genre  de  rhythme  qui  sera  saisi  par  l'intelli- 
gence musicale  et  qui  aura  son  charme  particulier.  A  l'égard  des  suc- 
cessions irrégulières,  elles  pourront  donner  à  la  musique  le  caractère 
de  l'originalité,  mais  l'abus  de  leur  emploi  ferait  naître  inévitablement 
la  fatigue,  comme  tout  ce  qui  manque  de  naturel. 

Pour  donner  des  exemples  de  quelques-unes  des  combinaisons  de 
rhythmes  à  changement  de  mesure,  supposons  d'abord  une  phrase 
ainsi  construite  : 
Métr.J =100 


La  première  impression  du  changement  de  mesure,  étant  inattendue, 
causerait  de  l'étonnement  ;  mais  le  retour  alternatif  et  régulier  des  sys- 
tèmes différents  de  mesures,  bientôt  saisi  par  le  sens  musical,  déter- 
minerait un  rhythme  véritable  dont  le  sentiment  s'emparerait,  et  dans 
lequel  il  trouverait  le  caractère  de  la  beauté,  si  le  génie  de  l'artiste 
avait  su  l'y  mettre  ;  car  le  beau  ne  réside  pas  nécessairement  dans 
certaines  formes  invariables  :  il  est  partout  où  la  proportion  peut  s'é- 
tablir et  régulariser  l'inconnu. 

Dans  les  mouvements  rapides,  le  changement  de  mesure  est  plus 
sensible  que  clans  les  mouvements  lents.  Par  exemple,  il  y  aurait  beau- 
coup d'effet  dans  une  conception  rliythmique  de  mesures  différentes, 


si,  le  mouvement  du  métronome  étant 
ractérisée  de  cette  manière  : 


132,  la  phrase  était  ca- 


Allegro. 

I       I 


P    0    9 

Il     I     I 


r  rîirrnitr  ri\ 

etc. 

r  r-{iirf-fi.rr.r,fW,f,r;f.ifff\fif  i 

Si  la  phrase  se  développe  dans  la  mesure  primitive  avant  qu'une 
autre  mesure  lui  succède,  l'intérêt  rhythmique  pourra  s'accroître  en 
resserrant  par  degrés  les  changements  de  rhythmes.  Pour  éclaircir 
cette  proposition,  supposons  que  l'idée  du  compositeur  s'est  d'abord 
établie  dans  une  seule  mesure,  et  que  la  perturbation  du  rhythme  ne 
s'est  produite  qu'après  cette  première  période  de  l'ouvrage  ;  suppo- 
sons, enfin,  que  les  changements  de  mesure  ne  se  soient  ensuite  fait 
entendre  que  de  loin  en  loin  ;  par  exemple,  de  huit  en  huit  mesures. 
Eh  bien,  vers  la  seconde  partie,  et  lorsque  le  sentiment  a  saisi  toute  la 
pensée,  si  les  changements  de  mesures  et  de  rhythme  se  serrent  d'a- 
bord de  quatre  en  quatre,  puis  de  deux  en  deux,  il  en  résultera  un 
effet  très  original  et  un  caractère  d'animation  irrésistible.  J'en  ai  fait 
des  essais  qui  ont  surpassé  mon  attente.  Leur  développement  assez 
étendu  ne  me  permet  pas  de  leur  donner  place  ici  ;  mais  on  les  trou- 
vera dans  mon  Traité  du  rhythme  et  de  la  mélodie. 

Cet  effet  de  progrès  d'animation  par  le  changement  de  mesure  se 
peut  faire  sentir  tout  d'abord  dans  le  passage  de  la  mesure  binaire  à 


DE  PARIS. 


355 


la  mesure  ternaire,  par  certains  rliythmcs  caractérisés.   En  voici  un 
exemple  : 

Allegro  Même  mouvement. 


<ec/ir  rrc/ir  r  rcmr 


*  $  » 

i  u 


nu 


r  u  r  ilt  f  Lfl'Gr  r  r  i/ir  r  r"i 

De  tels  effets  sont  surtout  singulièrement  heureux  dans  la  musique 
instrumentale. 

On  conçoit  aisément  la  possibilité  de  mêler  plusieurs  systèmes  dans 
des  combinaisons  de  cette  nature.  Ainsi,  l'on  commencera  aussi  bien 
par  la  mesure  à  trois  temps  que  par  la  mesure  à  deux  ou  à  quatre  ;  on 
y  pourra  faire  intervenir  le  six-huit,  le  neuf-huit  ou  le  douze-huit,  et 
tout  cela  pourra  prendre  une  forme  rhythmique  régulière,  soit  de  deux 
en  deux  mesures,  soit  de  trois  en  trois,  de  quatre  en  quatre  ou  par 
des  périodes  plus  longues.  Une  immense  quantité  de  combinaisons  dif- 
férentes est  possible  dans  ce  nouveau  système  de  rhythme,  sans  sortir 
du  domaine  de  la  régularité.  Supposons-en  un  exemple  qui  pourra 
donner  la  clef  de  tous  les  autres;  soit  donc  celui-ci  : 

Mclr.  Jz=  103. 

• .'  o  o  o  c  I  o  o    9\Ç,9ps§as\Beeeea\^ee9  0BB\ 
1 1JJJ  I  [  I    \j  I  8  lLI  UJ  I  LU  UU  I  S  I    \J\    [)  I    )j\ 

0     69a80Bp\2f0P?\ff     P\Ç,8S998O\S0OPPB\ 


9  «    o  b    ss    a  \  p    p  p  s  g  9  g  0  I    2  s  g    g  \    6  s  a  g  g  g  p\ 

8 1 1   [  1    [ 1    1/  h    [/-Lu  LU  I  4  1/ 1    [/  I  8  LU  LU  I 

etc. 

On  voit  que  dans  cette  combinaison  de  trois  mesures  différentes, 
la  régularité  du  rhythme  est  bien  établie  par  le  retour  symétrique  des 
mêmes  valeurs  de  temps  dans  des  proportions  données.  Ne  perdons  pas 
de  vue  cette  condition,  sans  laquelle  le  rhythme  n'existe  pas.  Le 
rhythme,  c'est  la  régularité  établie  jusque  dans  le  désordre,  même  par 
la  continuité  du  retour  des  mêmes  combinaisons  dans  un  certain  temps 
déterminé.  Si  cette  régularité  ne  s'établit  pas  au  milieu  des  éléments  les 
plus  compliqués,  il  n'y  a  plus  de  rhythme  véritable. 

Au  moment  où  j'écris  ces  mots,  je  reçois  de  mon  ami,  M.  Ferdinand 
Hiller,  une  lettre  toute  bienveillante  et  flatteuse,  concernant  le  travail 
que  je  publie  en  ce  moment.  M.  Hiller  m'apprend  qu'il  a  écrit  des 
morceaux  de  piano  dans  lesquels  il  a  fait  un  essai  du  mélange  de  me- 
sures paires  et  impaires,  qui,  dit-il,  se  trouvent  par  ci,  par  là,  dans  les 
œuvres  des  grands  maîtres,  mais  toujours  accidentellement.  Il  ajoute, 
avec  beaucoup  de  modestie,  qu'il  ignore  s'il  a  réussi  dans  son  entre- 
prise, parce  que  les  avis  sont  partagés,  comme  il  en  est  toujours  de 
toute  chose  nouvelle.  Quelques  artistes,  dit  M.  Hiller,  trouvent  cela 
magnifique  ;  d'autres  prétendent  que  cela  est  impossible.  Enfin  il  ajoute 
que  l'étude  en  3/4  et  6/8  (n°  3  du  recueil)  est  la  seule  dont  tout  le 
monde  soit  satisfait.  Je  ne  connaissais  pas  l'ouvrage  de  M.  Hiller; 
mais  il  a  bien  voulu  en  joindre  un  exemplaire  à  sa  lettre  amicale,  et 
je  l'ai  parcouru  avec  un  très-vif  intérêt.  Cet  ouvrage  a  pour  liLre  : 
Bhythmische  studien  fur  das  Piano-forte  (Etudes  rhythmiques  pour  le 
piano  forte).  Il  forme  l'œuvre  52e  de  l'auteur  et  a  été  publié  à  Leipsick, 
chez  Frédéric  Hofmeister.  Je  prie  M.  Hiller  d'excuser  si  je  ne  réponds 
immédiatement  à  sa  lettre,  désirant  lui  donner  sur  son  ouvrage  mon 
opinion  d'une  manière  analytique  et  développée  ;  mais,  connaissant  son 
amour  sincère  pour  l'art,  je  crois  pouvoir  lui  expliquer  ici  en  quelques 
mots  la  cause  du  peu  de  penchant  que  montrent  certains  artistes  pour 
une  partie  de  ses  études  dites  rhythmiques,  et  sur  le  bon  effet  que  pro- 
duit la  troisième  surtout  le  monde. 

L'explication  se  trouve  dans  ce  que  je  viens  de  dire  concernant  la 
nécessité  de  la  symétrie  dans  le  mélange  des  éléments  rhythmiques  les 
plus  compliqués;  car,  ainsi  que  je  l'ai  dit,  là  où  cette  symétrie  manque, 


le  rhythme  s'anéantit.  Or,  telle  est  la  cause  de  l'impression  pénible 
qu'ont  pu  éprouver  certains  artistes  à  l'audition  de  la  plupart  des  études 
de  M.  Hiller,  malgré  leur  mérite  incontestable  de  pensée  :  dans  le  plus 
grand  nombre,  la  régularité  est  bannie  du  mélange  des  mesures  diver- 
ses, et  dans  la  troisième,  qui  plaît  généralement,  elle  existe.  Cilons-en 
quelques-unes  et  analysons-les.  La  première  est  composée  dans  les 
mesures  à  quatre  et  à  cinq  temps.  D'abord  on  y  voit  une  certaine  sy- 
métrie ,  la  première  mesure  étant  à  quatre  temps,  la  seconde  à  cinq,  la 
troisième  à  quatre,  la  quatrième  à  cinq;  mais  on  trouve  ensuite  deux 
mesures  à  quatre  temps,  puis  une  à  cinq  ,  puis  trois  à  quatre,  et  ainsi 
du  reste.  La  seconde  étude  est  écrite  dans  les  mesures  à  2/4  et  à  3/4. 
Les  six  premières  mesures  sont  alternativement  dans  ces  deux  divisions 
du  temps  musical  ;  mais  ensuite  on  trouve  trois  mesures  à  2/4 ,  puis 
une  mesure  ternaire  ,  puis  une  mesure  à  2/4  ,  puis  une  ternaire  ,  puis 
trois  à  deux  temps,  et  enfin,  plus  loin,  sept  mesures  à  deux  temps  sui- 
vies d'une  à  trois.  Evidemment  il  n'y  a  pas  de  rhythme  possible  avec 
de  telles  combinaisons.  Mais  le  numéro  3  offre  la  régularité  qui  manque 
aux  autres.  Elle  est  écrite  alternativement  à  6/8  et  à  3/4.  Le  thème 
s'établit  parfaitement  dans  cette  alternative,  et  la  symétrie  n'est  rompue 
que  par  la  mesure  de  cadence  des  phrases,  ce  qui  est  parfaitement  ré- 
gulier. M.  Hiller  me  paraît  ne  s'être  trompé  que  dans  le  choix  du  titre 
de  son  ouvrage  ;  il  aurait  fallu  l'appeler  Etudes  aniirhjihmiqy.es;  car 
son  but  est  évidemment  de  s'affranchir  de  l'obligation  de  symétrie  dans 
le  nombre,  de  faire  fonctionner  sa  pensée  dans  une  liberté  absolue,  et 
de  ne  connaître  d'autres  règles  que  celles  de  la  fantaisie.  M.  Hiller  et 
moi  marchons  dans  des  directions  opposées.  Je  me  propose  d'étendre 
le  domaine  du  rhythme,  et  son  but  est  d'en  sortir.  Il  me  paraît  néces- 
saire de  bien  établir  ici  l'état  de  la  question,  afin  d'éviter  les  égarements 
où  elle  pourrait  nous  entraîner. 

Il  en  est  du  rhythme  comme  de  l'harmonie  ;  celle-ci  s'anéantit  lors- 
que les  rapports  de  tonalité  ou  de  modulation  ne  sont  plus  saisissables 
par  l'intelligence  dans  la  contexture  ou  dans  la  succession  des  accords; 
et  le  rhythme  disparaît  lorsque  les  rapports  de  nombres  s'évanouissent 
dans  la  division  du  temps.  Or,  ces  rapports  ne  sont  saisissables  que  par 
la  symétrie.  Multiplier  les  points  de  contact  par  lesquels  la  symétrie 
peut  être  sentie  et  conçue,  c'est  enrichir  l'art  dans  ses  moyens  d'effet 
et  d'impression  ;  et  conséquemment  les  rendre  plus  rares,  c'est  le  pri- 
ver d'une  partie  de  sa  puissance  d'action,  en  croyant  le  rendre  plus 
libre  et  plus  audacieux.  Ne  nous  y  trompons  pas  :  il  s'agit  ici  de  la  ques- 
tion vitale  de  la  mélodie;  or,  la  mélodie  est  le  sine  qvâ  non  de  la  mu- 
sique. Dans  la  troisième  partie  de  mon  traité  de  l'harmonie,  où  se 
trouve  un  développement  très-étendu  des  voies  de  modulation,  j'ai  par- 
tout établi  que  les  transitions  les  plus  hardies  ont  toujours  un  point  de  con- 
tact entre  le  ton  quitté  et  le  ton  nouveau  ;  ce  point  de  contact  n'est  autre 
chose  que  le  rapport  tonal.  Aujourd'hui  j'établis  d'une  manière  inatta- 
quable dans  mon  Traité  du  rhythme  et  de  la  mélodie  que,  quelles  (pie 
soient  d'ailleurs  la  nouveauté  et  l'élégance  de  la  forme  mélodique  d'une 
œuvre  musicale,  ces  qualités  ne  peuvent  produire  leur  effet  et  se  ca- 
ractériser que  par  la  symétrie  du  nombre  dans  le  rhythme,  mais  qu'on 
peut  multiplier  beaucoup  plus  qu'on  ne  l'a  fait  jusqu'à  ce  jour  les  rap- 
ports ou  les  points  de  contact  par  lesquels  le  rhythme  se  fait  sentir  et 
se  conçoit.  Tel  est  l'état  véritable  de  la  question  rhythmique  ;  c'est  le 
méconnaître  que  de  chercher  la  transformation  de  l'art  dans  l'affran- 
chissement d'une  condition  qui  nous  est  imposée  par  notre  organisa- 
tion même. 

Mais,  dira  M.  Hiller,  si  des  artistes  ont  repoussé  comme  impossibles 
mes  innovations  rhythmiques,  d'autres  se  sont  passionnés  pour  elles  : 
qui  décidera  entre  eux?  La  réponse  à  cette  question  est  facile,  et  je 
vais  la  faire.  Il  est,  comme  tout  le  monde  sait,  des  esprits  timides  et 
routiniers  qui  s'effraient  de  toute  nouveauté  et  la  rejettent  par  la  force 
de  l'habitude.  La  science  et  la  civilisation,  dont  le  progrès  est  la  marche 
naturelle,  rencontrent  à  chaque  instant  cet  obstacle  en  leur  chemin. 
L'art,  qui  ne  progresse  pas,  parce  que  le  beau  est  absolu,  mais  qui  se 
transforme,  parce  qu'il  est  infini,   n'est  pas  mieux  compris   par  ces 


356 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


esprits  bornés,  dont  le  préjugé  habituel  consiste  à  considérer  ce  qu'ils 
connaissent  comme  la  borne  du  possible.  Mais  en  face  de  cette  portion 
de  l'espèce  humaine,  il  en  est  une  autre  composée  d'esprits  inquiets  et 
aventureux  qui  rêvent  le  progrès  là  où  il  ne  peut  être,  pour  qui  la  règle 
est  une  gêne,  et  qui  se  jettent  volontiers  dans  l'inconnu,  déterminés 
qu'ils  sont  par  la  haine  de  ce  qui  est,  et  par  l'espoir  d'un  changement 
ou  d'une  amélioration.  Depuis  un  certain  nombre  d'années,  cet  esprit 
a  fait  invasion  dans  l'art  en  général,  et  dans  la  musique  en  particulier. 
Faire  autrement  semble  être  le  but  unique  de  quelques  artistes,  et  ce 
but,  ils  s'efforcent  de  l'atteindre  à  tout  prix.  Se  considérant  comme  des 
rénovateurs  de  l'art,  parce  qu'ils  le  démolissent  pièce  à  pièce  et  heur- 
tent de  front  les  lois  de  la  tonalité,  de  l'affinité  harmonique  et  du  rhy- 
thme,  ils  sont  encouragés  dans  ces  erreurs  par  des  esprits  de  même 
trempe.  Mais  c'est  en  vain  qu'on  essaie  de  changer  ce  qui  a  sa  base 
dans  l'organisation  humaine  :  de  la  loi  tonale  dérivent  nécessairement 
les  affinités  harmoniques  et  mélodiques ,  et  de  la  cadence  instinctive 
de  nos  mouvements  résulte  la  nécessité  de  symétrie  de  nombres  et  le 
rhythme.  Ou  ne  peut  loucher  à  ces  choses  sans  que  la  musique  s'é- 
croule. En  réalité,  le  beau,  le  grand  et  le  neuf  ne  peuvent  être  créés 
que  par  l'action  réciproque  du  sentiment  et  de  l'imagination;  jamais 
on  ne  les  verra  sortir  d'une  détermination  systématique.  Ces  détermina- 
tions peuvent  bien  causer  de  l'étonnement  et  fixer  un  moment  l'atten- 
tion ;  elles  peuvent  même  avoir  des  partisans  qui  s'évertuent  à  en 
assurer  le  succès  ;  mais  les  hommes  éclairés  par  le  goût  et  par  la  raison, 
convaincus  que  ce  qui  est  en  opposition  avec  notre  organisation  n'est 
pas  l'art  véritable,  repoussent  les  nouveautés  qui  ne  sont  pas  sympa- 
thiques à  la  nature  humaine,  et  sont  dans  le  vrai  quand  ils  déclarent 
qu'elles  sont  impossibles.  Ceux-là  ne  doivent  pas  être  confondus  avec 
les  défenseurs  de  la  routine. 

Au  résumé,  dans  la  diversité  d'opinions  concernant  l'essai  tenté  par 
M.  Hiller,  ce  sont  ceux  qui  n'admettent  pas  comme  possible  l'absence 
de  symétrie  rhythmique  dans  la  musique  qui  jugent  sainement  ;  les 
autres  ne  s'y  complaisent  que  par  cette  maladie  de  l'esprit  qui  carac- 
térise notre  époque.  Aux  résistances  de  leur  propre  sentiment,  ils  op- 
posent leurs  désirs  de  changement;  mais  il  ne  leur  est  pas  donné  de 
faire  vivre  ce  que  ce  sentiment  condamne. 

FÉTIS  père. 


THEATRE  DE  L'OPÉRA-COMÏQOE. 

GAILA.'ÏÏMEE.  —  Début  <îe  M.  Faure. 

Galathée  est  toujours  et  plus  que  jamais  la  pièce  des  métamorphoses. 
Uue  statue  s'y  changeait  en  femme  et  la  femme  redevenait  statue.  Voici 
maintenant  que  Pygmalion  lui-même  a  changé  de  sexe  :  joué  par  une 
femme  d'abord,  il  a  aujourd'hui  un  homme  pour  interprète;  il  revient  à 
sa  première  destination.  Ecrit  pour  Battaille  (ou  basse-taille,  si  mieux  vous 
aimez),  il  échut  à  Mlle  Wertheimber  par  une  de  ces  combinaisons  har- 
dies que  justifie  le  succès.  Mlle  Werlheimber  fit  un  vrai  tour  de  force 
en  se  chargeant  d'un  tel  personnage  ;  elle  sut  y  mettre  une  certaine 
virilité  de  voix  et  de  talent,  à  défaut  de  celle  de  la  figure  et  de  la  tour- 
nure, et  ce  qui  lui  manquait  sous  ce  double  rapport  expliquait  assez 
bien  la  préférence  que  la  sensuelle  Galathée  donnait  à  l'esclave  Gany- 
mède  sur  son  maître  Pygmalion. 

Aujourd'hui  ce  n'est  plus  cela;  nous  rentrons  dans  la  nature  et  la 
vérité.  Pygmalion  est  un  beau  jeune  homme  ;  il  a  tout  ce  qu'il  faut 
pour  plaire,  sauf  la"  poésie,  la  rêverie,  l'enthousiasme,  que  Gala- 
thée lui  trouve  de  trop,  ce  qui  fait  qu'elle  continue  de  préférer  l'es- 
clave, qui  est  bien  paresseux  pourtant.  Faure,  qui  succède  à  Mlle  Wer- 
theimber,  élève  du  Conservatoire  comme  elle,  lauréat  comme  elle  et 
lauréat  de  cette  année,  ne  compte  pas  plus  de  vingt-deux  ans.  Il  pos- 
sède une  belle  et  bonne  voix,  qu'il  conduit  avec  art,  avec  goût;  il  est 
excellent  musicien,  bien  fait  de  sa  personne,  comédien  autant  qu'on 
peut  l'être  à  son  âge  et  à  son  début.  11  a  donc  réussi  autant  que  possible  : 


il  a  été  applaudi,  rappelé.  Ses  amis  n'ont  plus  qu'une  chose  à  lui  sou- 
haiter, c'est  de  rester  ce  qu'il  est,  c'est-à-dire  modeste,  et  de  ne  pas  se 
croire  un  grand  homme  parce  qu'il  a  bien  joué  et  bien  chanté  un  rôle 
d'opéra. 

Faure  est  la  meilleure  réponse  que  le  Conservatoire  puisse  faire  aux 
critiques  acerbes  qui,  cette  année,  ont  trouvé  qu'il  dégénérait,  parce 
que,  suivant  eux ,  les  concours  de  chant  et  de  déclamation  lyrique 
n'ont  pas  été  aussi  forts  que  ceux  des  années  précédentes.  Quand 
le  fait  serait  vrai ,  qu'en  conclure?  Le  Conservatoire  est-il  forcé  de 
produire  annuellement  la  même  quantité  de  ténors,  de  barytons,  de 
basses-tailles,  de  soprani  ou  contr'alti  première  qualité?  Et  la  nature 
donc!  Trouvez  moyen  de  la  contraindre  à  fournir  ainsi  annuellement 
la  même  quantité  de  matières  premièresl  On  ne  fait  pas  des  voix 
comme  on  fait  des  articles  :  les  voix  sont  encore  plus  rares  que  l'es- 
prit. 

Mme  Ugalde  est  toujours  entraînante  de  verve  et  d'audace  dans  le 
rôle  de  Galathée;  Sainte-Foy,  très-plaisant  dans  celui  de  Midas.  De- 
launay  s'acquitte  fort  bien  aussi  de  celui  de  Ganymède. 

R. 


SOLEINITÉ  k  SAINT-EUSTACÏÏE 

A  LA  SIÉÏSIOIJSÎE   EMH    M.    H.Bî    ÎÏARQN1    EDS3    B'RÉMOSî'ï. 
MeQttieui   de    Berlioz. 

M.  le  baron  de  Trémont,  dont  l'art  musical  déplore  la  perte,  a  con- 
sacré toute  sa  fortune  à  des  fondations  utiles  aux  artistes.  L'Association 
des  musiciens,  qui  s'était  acquis  toutes  les  sympathies  du  donataire  et 
par  les  bienfaits  qu'elle  répand  sur  les  artistes  et  par  les  services 
qu'elle  rend  à  l'art,  avait  été  noblement  mentionnée  dans  le  testament 
de  M.  de  Trémont  :  aussi  a-t-elle  voulu  reconnaître  la  munificence  de 
ce  généreux  protecteur  en  consacrant  à  sa  mémoire  une  de  ces  solen- 
nités qui  exigent  des  ressources  extraordinaires  qu'elle  seule  peut  réu- 
nir. Vendredi  dernier,  son  Comité  avait  organisé  dans  l'église  Saint- 
Eustache  l'exécution  du  Requiem  de  Berlioz.  Je  commencerai  d'a- 
bord par  féliciter  le  Comité  de  ce  choix  ;  car  aujourd'hui ,  parmi 
certains  artistes,  il  semble  exister  ce  mot  d'ordre  ,  de  ne  se  déranger 
que  pour  Haydn,  Mozart,  ou  tout  autre  compositeur  du  siècle  passé. 
Or,  l'Association  a  voulu  prouver  que  le  respect  pour  les  anciens  au- 
teurs peut  parfaitement  s'allier  avec  la  sympathie  pour  les  composi- 
teurs vivants.  Je  féliciterai  ensuite  les  dames  patronesses  pour  leur 
zèle,  les  artistes  pour  leur  exactitude  à  se  rendre  à  l'appel  du  Comité, 
et  l'auditoire  pour  son  empressement  à  venir  entendre  l'œuvre  d'un 
compositeur  qui,  il  faut  le  dire,  n'a  pas  encore  conquis  la  popularité. 

Avouons-le ,  certaines  parties  de  l'exécution  ont  encore  été  défec- 
tueuses; cependant,  à  mesure  que  l'instruction  musicale  se  perfectionne 
chez  les  artistes,  à  mesure  que  certaines  parties  obscures  de  l'art  de- 
viennent pour  eux  lumineuses ,  l'exécution  des  ouvrages  de  Ber- 
lioz est  rendue  plus  facile,  et  si  les  artistes  pouvaient  y  consacrer 
autant  de  temps  qu'ils  y  consacrent  de  zèle,  ces  terribles  difficultés 
dont  on  fait  tant  de  bruit  seraient  à  la  fin  vaincues.  Peut-être,  il  en  ad- 
viendrait d'elles  comme  de  Vut  si  souvent  cité  des  violons  de  Rameau. 
Quoi  qu'il  en  soit,  l'exécution  a  été  généralement  bonne,  précise  et 
transparente,  c'est-à-dire  qu'un  grand  nombre  de  détails  ont  été  révé- 
lés à  l'auditoire,  qui  avaient  complètement  échappé  à  de  précédentes 
exécutions  ;  elle  n'a  péché  que  par  le  style,  auquel  les  exécutants  ne 
pourront  prétendre  que  lorsque  leur  pensée  ne  sera  plus  préoccupée  du 
travail  de  leur  vue  ou  de  leurs  doigts.  Roger  a  chanté  le  Sanctvs 
avec  beaucoup  d'onction,  de  douceur,  d'égalité  dans  la  voix.  Sans  au- 
cune prétention  de  chanteur  ,  il  s'est  acquitté  de  sa  tâche  en  artiste. 
Les  chœurs  étaient  dirigés  par  MM.  Batiste,  Laty  et  Tariot.  L'illustre 
directeur  du  Conservatoire,  qui  porte  un  intérêt  réel  à  l'Association,  et 
qui,  d'ailleurs,  a  été  heureux  de  contribuer  à  cette  solennelle  manifes- 
tation d'une  des  plus  grandes  œuvres  que  l'esprit  humain  ait  enfantées, 


DE  PARIS. 


357 


avait  donné  l'ordre  aux  élèves  du  Conservatoire  de  se  mêler  au 
chœur  déjà  très-nombreux,  et  où  l'on  remarquait  les  premiers  chan- 
teurs de  nos  théâtres  lyriques  :  Levasseur,  Ferdinand  Prévôt,  Merly, 
Couderc,  Jourdan,  Sainte-Foy,  Bussine,  Mmes  Dccroix,  Sainte-Foy, 
Meillet,  Félix,  Révilly,  Dobré,  etc.  Dans  l'orchestre ,  l'on  remarquait 
également  nos  premiers  professeurs,  se  contentant  du  rôle  le  plus  mo- 
deste, du  moment  qu'ils  pouvaient  être  utiles.  En  résumé,  Berlioz  a 
dû  être  fier  du  concours  de  tant  d'intelligences  dévouées.  L'Associa- 
tion, de  son  côté,  a  dû  s'applaudir,  car  les  auditeurs  étaient  très-nom- 
breux et  le  produit  de  la  quête  a  été  considérable.  Voici  pour  elle  de 
nouvelles  ressources  à  consacrer  au  talent  et  au  malheur.  Ce  sont  là 
ses  conquêtes  et  ses  succès. 

Je  quitte  mon  rôle  de  narrateur  fidèle  et  je  prends  celui  de  critique. 

La  nature  même  des  compositions  de  Berlioz,  les  ressources 
qu'elles  exigent,  l'armée  musicale  qu'elles  sont  obligées  de  lever,  en 
rendent  l'exécution  plus  rare,  si  rare  même  que  pour  le  public  qui  n'a 
pas  la  faculté  de  recourir  à  la  lecture  de  la  partition,  cette  exécution 
fxéc,  il  perd  tout  souvenir  de  l'ouvrage  entre  une  exécution  et  l'autre. 
Cependant  tel  est  lecaracière  des  belles  œuvres  qu'elles  forcent  l'estime 
bien  avant  la  popularité  ;  tandis  qu'au  milieu  du  plaisir  que  font  éprou- 
ver au  public  certaines  œuvres  médiocres,  il  sent  qu'il  leur  manque 
quelque  chose  de  réel,  de  vital.  C'est  la  conscience  qui  en  définitive  dit 
toujours  son  mot. 

Des  facilités  que  les  œuvres  vulgaires,  dramatiques  ou  autres,  ont  à 
se  produire,  et  des  difficultés,  des  impossibilités,  pourrait-on  dire,  que 
rencontrent  les  grandes  œuvres,  doivent  naître  deux  systèmes  d'appré- 
ciation pour  le  critique.  Pour  les  œuvres  que  le  public  a  l'occasion 
d'entendre  tous  les  jours  au  théâtre,  au  concert,  au  salon,  œuvres  où 
ses  goûts,  ses  instincts  sont  flattés,  au  détriment  souvent  du  vrai  et  du 
beau,  le  critique  n'est  qu'un  greffier  ;  il  n'a  d'autre  mission  que  de  re- 
cueillir les  suffrages  et  de  constater  l'opinion  ;  la  changer,  la  modifier, 
même,  serait  une  tâche  impossible.  Four  les  œuvres  qui  appartiennent 
plus  réellement  au  domaine  de  l'art,  la  mission  du  criLique  devient  plus 
sérieuse  et  plus  noble,  il  interroge  la  pensée  du  compositeur,  la  pénètre, 
la  dévoile;  il  est  le  trait  d'union  qui  joint  le  compositeur  au  public; 
c'est  à  lui  de  ne  pas  laisser  l'attention  s'éparpiller  sur  mille  détails 
qu'elle  embrassera  plus  tard,  mais  de  la  concentrer  sur  les  véritables 
beautés;  c'est,  dans  la  limite  de  mes  forces,  la  tâche  que  je  me  suis  im- 
posée à  propos  du  Requiem  de  Berlioz 

Qu'on  en  soit  le  partisan  ou  l'adversaire,  l'on  ne  peut  nier  que  le 
Requiem  de  Berlioz  ne  marque  un  jalon  nouveau  dans  le  champ  de 
l'art  musical.  Loin  de  moi  l'idée  de  nier  l'imcomparable  mérite  des  Re- 
quiem de  Mozart  et  de  Cherubini,  mais  enfin  ces  maîtres  n'ont  pas  eu  la 
pensée  d'introduire  d'une  manière  manifeste  le  drame  au  sein  de  l'art 
religieux.  En  elle-même  cette  introduction  est-elle  un  bien,  est-elle  un 
mal?  Je  n'examinerai  pas  aujourd'hui  cette  question;  je  veux  seulement 
constater  que  Eerlioz  a  été  plus  loin,  sinon  plus  haut  que  ses  devan- 
ciers. Pour  cela,  et  avec  de  très-rapides  commentaires,  je  citerai  seule- 
ment les  noms  des  auteurs  célèbres  qui  ont  traité  ce  grand  sujet  de  la 
messe  des  morts. 

Envisageons  d'abord  en  quelques  mots  le  sujet.  Le  Requiem  est  le 
plus  grand,  le  plus  saisissant,  le  plus  humain  de  tous  les  drames  reli- 
gieux, celui  où  l'expression  des  sentiments  mystiques  a  la  moindre  part. 
On  n'y  rencontre  pas  certaines  formules  appartenant  au  dogme  qui 
régnent  dans  le  Credo,  dont  la  traduction  est  presque  impossible  pour 
le  musicien,  et  qui  par  cela  même  sont  devenues  un  thème  vague  sur 
lequel  ils  ont  dépensé  au  hasard  leur  science  et  leurs  inspirations.  Dans 
le  Requiem  tout  est  précis.  C'est  le  dernier  jour  dans  tout  ce  qu'il  a  de 
terreurs  pour  le  coupable,  de  délices  pour  l'élu  du  Seigneur  ;  c'est  le 
gémissement,  la  prière,  élevant  leur  voix  au-dessus  du  bruit  formidable 
qui  accompagne  les  convulsions  du  globe  à  l'agonie.  C'est  un  sujet  qu'il  ne 
devrait  pas  être  permis  d'aborder  si  l'on  ne  sent  en  soi  un  peu  de  cette 
force  qui  débordait  de  la  plume  de  Dante  ou  du  pinceau  de  Michel  -Ange. 
Les  anciens  compositeurs,  il  faut  le  dire,  les  Italiens  surtout,  étaient 


rarement  effrayés  par  la  grandeur  de  leur  sujet.  L'un  des  premiers  qui 
aient  mis  en  musique  la  messe  des  morts  est  Scarlatti,  dont  les  artistes 
admirent  encore  la  belle  musique  de  chambre.  J'ai  lu  avec  attention  le 
Requiem  qui  est  composé  pour  quatre  voix  et  orgue  ;  il  est  entièrement 
écrit  dans  le  style  a  caprtla,  sans  aucun  changement  de  rhylhme  ou 
de  mesure  ;  c'est  à  peine  si  dans  quelques  passages,  dans  quelques  dis- 
sonances un  peu  accusées,  l'intelligence  peut  deviner  une  apparence 
d'intention  dramatique.  Pour  cela  il  faut  le  microscope  du  savant  qui 
saisit  ce  qui  reste  inaperçu  du  vulgaire.  Plusieurs  auteurs  du  temps  de 
Scarlatti  ont  également  écrit  des  Requv  m,  mais  dans  une  tonalité  vrai- 
ment barbare,  et  sans  que  l'on  puisse  soupçonner  si  leur  intention  était 
ou  non  de  traduire  en  musique  les  sentiments  exprimés  par  le  texte 
sacré. 

Je  rends  pleine  et  entière  justice  aux  compositeurs  italiens  du  xviiie 
siècle;  je  leur  accorde  le  charme,  la  grâce,  la  variété  même,  mérite 
qui,  chez  eux,  est  plus  difficile  à  distinguer  tout  d'abord,  mais  c'est  à 
la  condition  qu'ils  restrein  Iront  leur  inspiration  dans  une  sphère  mo- 
deste. Comme  véritable  type  de  la  musique  italienne  à  cette  époque,  on 
peut  signaler  pour  l'église  l'admirable  Mis»rere  de  Léo,  le  plus  grand 
nombre  des  versets  du  Sl'>bat  de  Pergolèse;  —  pour  le  concert  (les 
deux  styles  souvent  se  confondent),  les  madrigaux  de  l'abbé  Clari,  la 
cantate  d'Orfeo  de  Pergolèse,  etc.  Le  charme  et  la  grâce  sont  l'élément  de 
cette  école  sensualiste  jusque  dans  l'expression  de  la  plus  intime  douleur  ; 
mais  comme  l'entente  des  effets  de  l'orchestre  était  à  peu  près  étran- 
gère à  ces  maîtres,  qu'ils  ne  pratiquaient  jamais  ces  combinaisons  har- 
moniques et  rhythmiques  qui  relèvent  l'énergie  des  voix,  du  moment 
que  la  douceur,  la  grâce  mélancolique,  disparaissent  du  sujet  pour  faire 
place  à  la  grandeur  et  à  la  force,  leur  style  devient  mesquin,  presque 
ridicule.  Ils  se  sentaient  mal  à  l'aise  au  milieu  de  leur  sujet,  et  alors  ils 
avaient  recours  aux  fugues,  leur  dernier  refuge.  Ces  fugues  fort  longues, 
obligatoires  dans  les  morceaux  d'une  certaine  étendue,  occupaient  des 
places  désignées,  telles  que  la  fin  du  Kyrie,  du  Credo,  du  Gloria,  etc. 
Il  arriva,  en  conséquence,  que  tandis  qu'un  développement  assez  court 
était  accordé  aux  principales  scènes  du  drame  religieux,  au  Pansus,  au 
Sepultus  du  Credo,  au  Hors  stupebit  de  la  messe  des  morts,  une  éten- 
due bien  plus  grande  était  donnée  à  ces  paroles  moins  essentielles  : 
In  gloria  Dei  Patris,  quàm  olim,  Abrahœ,  etc.,  etc.  Ce  manque  d'équi- 
libre dans  la  distribution  de  l'édifice  musical  semble  d'autant  plus  cho- 
quant, que  les  côtés  suaves  du  drame  sont  souvent  rendus  avec  bon- 
heur. Dans  leur  Requiem,  ni  Durante,  ni  Jomelli,  ni  Cimarosa,  ni  Tergo- 
lèse,  ni  Cherubini,  ni  Mozart  lui-même,  n'ont  évité  ce  défaut.  Ces  deux 
derniers  maîtres,  il  est  vrai,  le  rachètent  par  de  sublimes  beautés.  Chez 
Mozart,  le  Record-are,  le  Lacrymosa,  le  Confutaiw,  d'où  s'exhale  cette 
sublime  prière  :  Voca  me  cum  benedictis^  VOro  *upplex,  avec  ses  mo- 
dulations exquises,  portent  ce  caractère  de  divine  grâce  qui  caractérise 
les  œuvres  du  grand  maître.  On  sait  d'ailleurs  que  plusieurs  parties  de 
cet  immortel  ouvrage  n'ont  pas  été  écrites  par  Mozart;  la  mort  le  sur- 
prit avant  qu'il  eût  eu  le  temps  de  mettre  la  dernière  main  à  son 
Requiem.  C'est  Sussmayer  qui  acheva  le  Lacrymosa.  Le  Sanctus  et  le 
E?nediclus  sont  de  lui  :  il  a  été  le  Jules  Romain  du  Raphaël  de  l'art 
musical.  Ce  que  je  dis  n'attaque  en  rien  le  mérite  de  l'œuvre  ;  mais  si 
Mozart  n'eût  été  pressé  par  la  main  de  la  mort,  il  eût  probablement 
donné  de  plus  grands  développements  à  sa  pensée.  Je  saisis  cette  occa- 
sion de  rendre  justice  à  Sussmayer,  compositeur  de  la  plus  belle  espé- 
rance, mort  à  trente-cinq  ans.  La  biographie  de  M.  Mozart,  si  remarquable 
d'ailleurs,  de  M.  Oulibichcff,  incline  à  persuader  que  Sussmayer  n'a  eu 
d'autre  mission  que  de  mettre  en  ordre  les  pensées  éparses  de  Mozart. 
Je  crois  qu'il  s'est  trompé:  Sussmayer  avait  un  beau  génie  qui  fut  mé- 
connu, et  l'admiration  pour  un  grand  homme  ne  doit  pas  rendre  injuste 
pour  ceux  qui  ont  pu  quelquefois  lutter  d'inspiration  avec  lui. 

Le  Kyrie,  le  Graduel,  le  Pie  Jesu  de  Cherubini  respirent  peut-être 
un  sentiment  plus  intime,  plus  détaché  du  monde,  plus  divin  encore  que 
les  mélodies  de  Mozart.  J'oserai  dire  que  la  prière  de  Mozart  semble 
plus  inquiète,  plus  troublée  que  celle  de  Cherubini;  celle-ci  respire  déjà 


358 


REVUE   ET  GAZETTE  MUSICALE 


la  félicité  des  élus.  Je  ne  parle  que  de  ces  trois  morceaux,  car  en  somme, 
le  style  de  l'école  reparaît  toujours,  elle  est  l'âme  du  talent  de  Cheru- 
bini.  Il  lui  valut,  il  y  a  trente  ans,  la  plus  grande  renommée  musicale 
qui,  avant  Rossini,  ait  accueilli  en  France  un  compositeur  étranger; 
elle  lui  vaut  maintenant  une  indifférence  assurément  imméritée.  En 
écrivant  son  Pie  Jesu,  Cherubini  ne  se  doutait  pas  qu'il  écrivait  pour 
la  postérité,  et  que  la  grande  fugue  qui  termine  la  prose  n'aurait  pour 
elle  que  l'admiration  des  doctes  en  matière  de  contrepoint.  A  la  mort 
de  Cherubini,  son  Requiem  fut  exécuté  à  la  Société  des  concerts;  et 
ici  je  crois  ne  traduire  que  les  impressions  du  public. 

Le  Requiem  de  Jomelli  est  écrit  avec  grâce,  mais  faiblesse,  le  Tuba 
mirum,  le  Con/utatis,  sont  absolument  manques;  l'orchestre  continue 
sa  marche  paisible  sans  paraître  s'inquiéter  du  changement  terrible  qui 
vient  de  s'accomplir  dans  le  texte;  le  Quantus  tremor  est  un  solo  de 
ténor  d'une  nuance  douce  et  presque  tendre;  le  Salva  me,  en  revanche, 
est  plein  d'une  émotion  vraie  et  sentie.  Les  fautes  de  goût  sont  encore 
plus  sensibles  dans  le  Requiem  de  Pergolèse;  il  a  moins  de  grâce  mélo- 
dique que  celui  de  Jomelli,  sans  atteindre  plus  haut.  On  ne  conçoit 
pas  les  roulades  dont  il  charge  ces  mots  :  Spargens  sonurn.  Certes,  s'il 
y  a  un  passage  dans  le  Requiem  où  la  trompette  soit  à  sa  place,  c'est 
bien  évidemment  celui-ci. 

Est-ce  par  quelques  groupes  de  doubles  croches  confiées  aux  soprani 
et  aux  ténors,  que  Pergolèse  prétendait  traduire  l'effet  d'une  pareille 
scène?  Chose  remarquable,  Durante,  le  plus  ancien  des  grands  composi- 
teurs après  Scarlatti  qui  nous  aient  laissé  un  Requiem,  dans  maints  en- 
droits s'est  plus  rapproché  de  la  vérité  que  ses  successeurs.  Le  début 
de  l'ouvrage  dans  les  voix  est  fort  beau,  à  l'exception  du  dessin  des 
premiers  violons,  qui  n'a  pas  l'allure  majestueuse  que  comporte  le  su- 
jet. L' Tnrjemisco  tanquàm  reus ,  le  Confutatis  ,  le  Voca  me,  ont  la 
couleur  nécessitée  par  le  sujet;  enfin,  le  Quam  olim  ne  porte  pas  de 
fugue.  A  l'époque  de  Durante,  il  existait  encore  à  cet  égard  une  sorte 
de  liberté  qui  dut  bientôt  disparaître.  Ses  successeurs  arrondirent  et 
ornèrent  les  contours  du  chant,  mais  en  même  temps  ils  s'enfermèrent 
dans  une  forme  plus  arrêtée,  plus  inexorable.  Il  semble,  à  cette  épo- 
que, que  l'art  musical  ne  fait  quelques  progrès  qu'à  la  condition  de  les 
payer  par  quelque  perte. 

Les  Requiem  de  Vogler,de  Michel  Haydn,  renferment  des  parties  es- 
timables, mais  qui  ne  les  élèvent  pas  au-dessus  du  médiocre.  Il  me 
restera,  dans  un  prochain  article,  à  analyser  l'œuvre  de  Berlioz  en 
la  comparant  à  celles  de  ses  devanciers,  lorsqu'il  pourra  en  jaillir  quel- 
que lumière  pour  l'intérêt  de  l'art  musical. 

Léon  KREUTZER. 


ASSEMBLÉE  DES  CIH9  ASSOCIATIONS. 

Les  membres  des  cinq  associations  des  gens  de  lettres,  des  artistes  mu- 
siciens, des  peintres,  sculpteurs,  graveurs,  dessinateurs  et  architectes, 
des  artistes  dramatiques,  des  inventeurs  et  artistes  industriels,  se  sont 
réunis  lundi  dernier  dans  la  salle  du  bazar  Bonne-Nouvelle  pour  entendre 
la  lecture  du  testament  de  M.  le  baron  de  Trémont.  La  séance  était  prési- 
dée par  M.  le  baron  Taylor,  et  l'on  remarquait  au  bureau  MM.  Meyerbeer, 
Berlioz,  Ambroise  Thomas,  Panseron,  Georges  Bousquet,  etc.  M.  Samson 
a  donné  lecture  du  testament.  M.  le  baron  Taylor  a  annoncé  qu'une  lettre 
avait  été  adressée  par  l'Association  des  artistes  musiciens  â  NN.  PS.  les 
archevêques  et  évêques  de  France  pour  obtenir  qu'une  messe  en  musique 
fût  dite  pour  le  repos  de  l'âme  de  M.  le  baron  do  Trémont.  Cette  lettre  est 
ainsi  conçue  : 

«  Monseigneur, 

»  Monsieur  le  baron  de  Trémont,  ami  des  lettres  et  des  arts,  it  protec- 
teur des  hommes  honnêtes  et  pauvres  voués  aux  travaux  de  l'intelligence, 
vient  de  décéder.  Il  a  fait  de  sa  fortune  le  plus  magnifique  emploi  en  la 
distribuant  par  un  testament  en  œuvres  de  bienfaisance  et  de  prévoyance 
pour  encourager  l'étude  et  la  pratique  des  sciences,  des  lettres  et  des  arts. 
Cette  fortune  se  montait  à  18,000  fr.  de  rente.  Il  a  laissé  particulièrement 
à  nos  sociétés  l  ,630  fr.  de  rente,  et  fondé  plusieurs  prix  en  faveur  des 
musiciens  et  des  peintres.  Nous  avons  obtenu  de  Mgr  l'archevêque  de 
Paris  et  de  M.  le  curé  de  Saint-Eustache  la  permission  de  faire  dire  une 
messe  des  morts  en  son  honneur,  et  de  la  faire  exécuter  et  chanter  par  les 
artistes  des  différents  orchestres  et  par  les  chanteurs  qui  font  partie  de 


nos  sociétés.  Auriez-vous  l'extrême  bonté,  Monseigneur,  de  nous  accorder 
de  faire  exécuter  un  Requiem  dans  votre  cathédrale,  afin  que  les  artistes 
de  votre  diocèse  puissent,  comme  nous  l'avons  fait,  exprimer  leur  recon- 
naissance pour  leur  bienfaiteur  et  offrir  à  Dieu  leurs  actions  de  grâce  pour 
j  le  bienfait?  Si  vous  voulez  bien  nous  accorder  notre  demande,  nous  vous 
prions  de  permettre  qu'une  quête  soit  faite ,  pendant  l'exécution  de  ce 
Requiem,  en  faveur  de  nos  pauvres.  Tout  l'argent  que  nous  recueillons  est 
entièrement  distribué  en  œuvres  de  charité  aux  vieillards,  aux  veuves, 
aux  orphelins,  aux  infirmes  et  aux  malades,  enfin  atout  ce  qui  souffre  sur 
la  terre  dans  tous  les  rangs;  et  souvent  ceux  qui  ont  possédé  une  grande 
fortune,  l'artiste  ou  l'ouvrier  qui  sont  tombés  dans  la  misère,  nous  doivent 
des  adoucissements  à  leur  malheur  et  le  repos  pour  la  fin  de  leur  car- 
rière. Veuillez,  Monseigneur,  agréer  l'expression  de  notre  profond  res- 
pect. » 

Un  membre  de  l'assemblée  ayant  demandé  l'impression  du  testament, 
M.  le  baron  Taylor  a  annoncé  que  la  Société  des  gens  de  lettres  s'était 
chargée  de  pourvoir  à  cette  impression,  et  avait  confié  à  l'un  de  ses  mem- 
bres, M.  Julien  Lemer,  la  mission  d'écrire  une  notice  sur  la  vie  de  M.  le 
baron  de  Trémont. 

M.  le  baron  Taylor  a  ensuite  apprécié  dans  une  courte  et  éloquente 
allocution  l'œuvre  admirable  du  testateur  et  rappelé  d'une  façon  heu- 
reuse les  motifs  qui  ont  fait  choisir  l'église  Saint-Eustache  pour  l'exécution 
du  R-quiem.  Cette  église,  en  effet,  par  la  plus  singulière  rencontre,  semble 
représenter  les  cinq  associations  légataires  qui  se  réunissent  pour  rendre 
hommage  à  leur  bienfaiteur;  elle  contient  les  tombeaux  de  Colbert,  le 
protecteur  de  l'industrie  et  du  commerce  et  des  génies  littéraires  du  grand 
siècle  ;  de  Coysevox,  sculpteur  ;  du  musicien  Rameau;  du  grand  poète  La 
Fontaine,  et  enfin  d'un  comédien,  Scaramouche. 

11  est  encore  entré  dans  quelques  détails  au  sujet  de  cette  église;  ainsi 
il  a  fait  remarquer  que  les  chapelles  sont  ornées  d'un  grand  nombre  de  bla- 
sons illustres  ;  qu'on  y  voit  les  armes  accordées  par  Louis  XIV  à  la  com- 
munauté des  peintres  et  sculpteurs  de  l'Académie  royale  du  Louvre,  et 
que  cette  Académie  avait  choisi  l'église  Saint-Eustache  pour  le  centre 
principal  des  réunions  religieuses  de  ses  membres;  que,  près  des  blasons 
de  la  communauté,  se  trouvent  ceux  des  Séguier,  de  Philippeaux  de  la  Vril- 
lière,  de  Brûlart  de  Puysieux,  de  Lecoulteux  et  de  Roulier,  d'Hébert  de 
Montmort,  de  Louis-Philippe  d'Orléans,  du  cardinal  de  Richelieu,  de 
Fouquet,  du  duc  d'Epernon,  de  Charles  de  Valois  de  Bourbon,  de  Nogaret 
de  Lavalette,  de  Choisy,  de  Montholon,  de  la  duchesse  d'Orléans  mère, 
de  la  duchesse  de  Cossé-Brissac,  de  Nicolaï,  d'Aubusson,  de  Penthièvre,  et 
enfin  de  Fiesque  et  de  Strozzi,  les  femmes  qui  avaient  accompagné  Cathe- 
rine de  Védicis  en  France. 

Outre  les  tombes  déjà  signalées,  M.  le  baron  Taylor  a  rappelé  encore 
que  l'église  Saint-Eustache  renferme  aussi  les  restes  mortels  de  sept  mem- 
bres de  l'Académie  française,  parmi  lesquels  on  distingue  le  nom  de  Ben- 
serade,  et  il  a  terminé  par  cette  image  poétique  :  «  Si  la  foi  patriotique 
des  Espagnols,  a-t-il  dit,  laisse  croire  au  peuple  de  cette  grande  terre  de 
poésie  et  de  religion  qu'au  moment  où  l'ennemi  met  le  pied  sur  le  terri- 
toire de  Castille,  les  os  du  Cid  tressaillent,  nous  devons  croire,  nous,  dans 
l'exaltation  de  notre  foi  poétique,  que  les  ossements  de  ces  grands  morts 
qui  reposent  sous  les  dalles  de  l'église  s'agiteront  en  présence  de  nos  priè- 
res, de  cette  brillante  et  religieuse  manifestation  de  ce  pieux  et  solennel 
hommage  rendu  à  la  mémoire  d'un  homme  de  bien  par  tout  ce  qui  illustre 
les  lettres  et  les  arts  en  France.  L'éclat  de  cette  solennité  prouvera  enfin 
que,  si  rien  n'égale  la  générosité  de  l'ami  des  lettres  et  des  arts,  rien  ne 
dépasse  la  reconnaissance  du  poète  et  de  l'artiste.  » 

L'assemblée  a  applaudi  avec  enthousiasme  son  digne  président,  et  s'est 
séparée  en  le  remerciant  avec  effusion  d'avoir  si  bien  exprimé  les  senti- 
ments de  reconnaissance  et  d'admiration  qui  étaient  dans  le  cœur  de 
chacun. 


CQBBESPOIBAICE. 

Berlin,  13  octobre. 

Notre  campagne  musicale  d'hiver  est  ouverte.  A  la  vérité,  les  divers 
corps  d'armée  n'ont  encore  donné  que  sur  quelques  points  ;  mais  le  plan 
de  campagne  est  arrêté  jusqu'au  printemps  prochain,  où  le  rossignol  nous 
ramènera  la  paix.  Nos  corps  d'armée  sont  distribués  ainsi  qu'il  .suit  : 

1"  L'Opéra.  Nous  avons  d'abord  le  grand  opéra  au  Théâtre-Royal,  puis 
l'opéra  italien,  Frédéric-Wilhelmstadt  et  l'opéra  comique  (operett)  au 
même  théâtre. 

2°  Musique  d'église,  avec  une  demi-douzaine  d'oratorios  de  gros  calibre; 

3"  Soirées  de  symphonie,  avec  de  brillants  orchestres  d'infanterie  et  de 
cavalerie  ; 

h"  Musique  de  chambre,  avec  de  charmantes  sonates,  de  jolis  trios  et 
quatuors  en  tirailleurs  ; 

5"  Les  Corps-francs  des  concerts  qui  ne  sont  point  encore  organisés  ; 

6°  Enfin  la  Landstarm  des  orchestres  de  danse  qui  mettent  en  mouve- 
ment tout  ce  qui  peut  remuer  bras  et  jambes.  Bref,  vous  voyez  que  ce  sera 
une  véritable  guerre  nationale  et  une  ardente  mêlée  musicale. 

Quant  à  votre  correspondant,  il  s'est  proposée  d'être  un  fidèle  et  pi- 


nrc  paris. 


359 


quant  historien  de  tous  les  faits  et  gestes  dignes  d'être  remarqués.  Il  vient 
d'acquérir  une  rossinante  sur  laquelle  il  pourra  suivre  toutes  les  manœu- 
vres et  marches  forcées,  de  sorte  qu'il  sera  toujours  à  même  de  taire  son 
rapport  sur  tout  ce  qui  sera  digne  de  figurer  dans  un  bulletin.  Il  espère, 
modestement,  être  le  Tacite  musical,  sinon  du  siècle,  tout  au  moins  de  la 
saison  de  1852  a  1853,  et  il  croit  que  ses  annales  passeront  à  la  postérité, 
tout  aussi  bien  que  celles  que  le  farouche  Romain  a  écrites  en  style 
lapidaire. 

Les  grandes  batailles  viendront  plus  tard;  en  attendant,  tenons-nous-en 
aux  affaires  d'avant-postes  qui  viennent  d'être  engagées.  A  dater  du  l"r  oc- 
tobre, la  troupe  italienne  a  fait  son  entrée  au  théâtre  Wilhelmstadt;  elle 
a  donné  trois  fois  jusqu'à  présent.  La  première  tranchée  a  été  ouverte  avec 
Lucrèce  Boryia  ;  la  démonstration  était  courageuse,  on  peut  même  dire 
cinéraire  ;  en  effet,  la  veille,  le  Théâtre-Royal  avait  remporté  une  de  ses 
plus  belles  victoires.  Dans  le  rôle  de  Lucrèce,  Mlle  Wagner  est  comme 
Médée  ou  comme  la  tête  de  Méduse,  à  la  fois  belle  et  terrible.  La  Lucrèce 
de  Wilhelmstadt  est  plus  terrible  que  belle,  et  plutôt  respectable  par  son 
âge  qu'attrayante  par  la  jeunesse  :  aussi  son  succès  a-t-il  été  assez  mé- 
diocre. Néanmoins  la  place  a  eu  quelques  moments  d'hésitation  et  ellea 
été  plusieurs  fois  sur  le  point  de  capituler.  Après  un  jour  de  repos, 
le  corps  d'armée  italien  a  risqué  une  seconde  attaque  :  au  lieu  du  drapeau 
de  Venise  et  de  Ferrare,  il  a  arboré  cette  fois  la  bannière  écossaise  de 
Ravenswood.  La  signora  Fodor,  cette  belle  cantatrice,  très-aimée  du  pu- 
blic, a  ouvert  la  marche  dans  le  rôle  de  Lucia;  elle  était  suivie  de  son 
vaillant  chevalier,  Edgard  (signor  Brignoli),  ténor,  dont  la  voix  monte 
jusqu'à  l'uf.  A  ses  côtés  combattait  son  fidèle  écuyer. 

L'affaire  a  été  heureuse,  mais  la  victoire  restait  indécise.  Alors  l'impré- 
sario eut  un  rêve,  comme  jadis  Constantin  le  Grand  :  il  crut  voir  dans  les 
nuages  l'image  de  Pon  Pasquale,  avec  ces  mots  en  légende  :  Sub  hoc  signo 
rinces  ;  le  rêve  fut  décisif.  Le  lendemain  soir  Don  Pasquale  apparut  sur  la 
scène  ;  au  bout  de  deux  heures,  il  avait  remporté  une  victoire  complète. 
Le  peuple  salua  les  vainqueurs  de  ses  bruyantes  acclamations.  Somme 
toute,  la  troupe  italienne  a  fait  grand  plaisir  dans  l'opéra  comique  et  y  a 
été  fort  applaudie  ;  dans  l'opéra  séria,  elle  n'a  eu  qu'un  succès  d'estime  ou 
plutôt  un  demi-succès,  mais  elle  attend  de  Londres  la  signora  Fiorentini, 
une  héroïne  qui  la  conduira  sans  doute  à  des  succès  aussi  éclatants  dans 
le  genre  tragique. 

Le  20  octobre  prochain,  nous  célébrons  un  jubilé  musical  d'un  nouveau 
genre.  Une  association  de  chant,  fondée  par  l'organiste  Hausmann,  en 
1816,  et  dirigée  depuis  sa  mort  par  M.  Jules  Schneider,  donne,  pour  la 
centième  fois  depuis  sa  fondation,  un  concert  spirituel  au  profit  des  indi- 
gens.  Cette  association  a  fait  gagner  ainsi  plus  de  50,000  thalers  aux  pau- 
vres ;  il  est  vrai  que  les  chanteurs  et  les  cantatrices  ainsi  que  l'orchestre 
du  Théâtre-Royal,  lui  sont  venus  en  aide  dans  cette  œuvre  pieuse.  On  a 
choisi  la  Création  de  Haydn  pour  la  solennité  que  nous  annonçons. 

II.  RELLSTAB. 

P.  S.  —  Ce  soir,  la  guerre  éclate  entre  l'Autriche  et  la  Prusse  ;  mais  ce 
sera  une  guerre  toute  pacifique;  le  simulacre  d'un  combat,  non  pas  un 
combat.  Dans  le  magnifique  local  de  Kroll,  M.  Strauss,  le  directeur  de  la 
Société,  donnera  dans  un  double  concert  l'attrayant  spectacle  d'un  duel 
musical.  Plus  de  dix  mille  pieds  trépignent  d'impatience  en  attendant  le 
moment  de  s'y  rendre. 


*x*  Demain  lundi,  la  Favorite,  suivie  du  premier  acte  de  la  Péri. 

***  La  représentation  du  prophète,  donnée  dimanche  dernier,  a  été  ma- 
gnifique. Roger  et  Mme  Tedesco  se  sont  surpassés  dans  les  rôles  de  Jean 
de  Leyde  et  de  Fidès. 

%*  Lundi,.  Lucie  de  Lamnmoor  et  Vertvert  composaient  le  spectacle.  Ma- 
thieu, quoique  enrhumé,  chantait  le  rôle  d'Edgard  ;  Mlle  Kau,  celui  de 
Lucie. 

*„'  Rjbert-k-Diable  avait  attiré  mercredi  une  affluence  extraordinaire. 

***  Vendredi  le  Juif  errant  a  terminé  [dignement  cette  semaine  labo- 
rieuse et  productive. 

*„,*  La  reprise  de  Mois",  aura  lieu  probablement  mercredi  prochain.  Cet 
ouvrage  est  monté  avec  autant  de  soin  et  de  luxe  que  si  c'était  une  pièce 
nouvelle.  Les  principaux  rôles  seront  chantés  par  Gueymard,  Obin,  Mo- 
relli,  Chapuis,Mmes  Laborde,  Poinsot  et  Duez,  dont  ce  sera  le  début  sur 
la  première  scène  lyrique. 

%*■  L'ouverture  du  Théâtre-Italien  est  annoncée  pour  le  15  du  mois 
prochain.  M.  Corti,  le  nouveau  directeur,  a  décidément  engagé  Sophie 
Cruvelli,  au  prix  de  soixante-dix  mille  francs  pour  la  s.ùson.  Il  a  égale 
ment  engagé  MM.  Bettini,  Belletti  et  Masset. 

V  Nous  recevons  de  M.  Adolphe  Adam  la  lettre  suivante  :  «  Une 
»  faute  d'impression,  qui  m'a  échappé  dans  la  correction  des  épreuves 


»  de  la  roupée  de  Nuremberg,  fait  attribuer  au  ténor  le  rôle  de  MM  r,  créé 
»  par  M.  Meillet,  et  écrit  en  clef  de  fa.  Malgré  l'évidence  de  cette  erreur, 
»  plusieurs  lettres  me  sont  adresséesà  ce  sujet  Permettez-moi  d'y  répon- 
»  dre  collectivement  dans  votre  journal,  en  déclarant  que  le  rôle  de 
»  Mi  lier  appartient  de  droit  au  premier  baryton.  » 

*„*  Mlle  Ida  Bertrand,  l'excellente  cantatrice,  qui,  dans  la  dernière 
saison,  a  obtenu  de  si  beaux  succès  à  Londres,  est  revenue  à  Paris. 

***  Mockcr  vient  de  quitter  Paris  pour  une  longue  tournée  départemen- 
tale et  étrangère.  Il  visitera  successivement  Amiens,  Mons,  Bruxelles, 
Anvers,  Garni,  Lyon  et  autres  villes. 

***  L'anniversaire  de  la  mort  de  Chopin  tombant  un  dimanche,  la  messe 
consacrée  à  sa  mémoire  avait  été  remise  au  mardi  19  de  ce  mois  et  a  été 
célébrée  dans  l'église  de  la  Madeleine.  Quelques-unes  des  sublimes  mélo- 
dies du  compositeur,  sitôt  ravi  à  son  art,  faisaient  partie  dn  service. 

V  M.  Debruoq,  directeur  du  Conservatoire  de  Toulouse,  a  été  nommé 
chevalier  de  la  Légion  d'honneur  par  le  Prince-Président,  à  son  passage 
en  cette  ville. 

*„,*  Nous  publierons  avec  l'un  de  nos  prochains  numéros  une  mélodie 
de  M.  Gastinel,  qui  a  dans  ce  moment  un  ouvrage  en  répétition  à  l'Opéra- 
Comique.  Cette  mélodie  est  d'un  bon  augure  pour  l'opéra,  qui  sera  le  dé- 
but du  jeune  compositeur.  La  pièce  est  de  MM.  Kayard  et  d'Avrigny  ;  les 
deux  principaux  rôles  seront  joués  par  Mlle  Lefebvre  et  Jourdan  ;  les  au- 
tres par  Mmes  Félix,  Talmon  et  M.  Nathan. 

***  L'assemblée  générale  annuelle  de  la  Société  des  auteurs,  composi- 
teurs et  éditeurs  de  musique,  aura  lieu  mardi  prochain,  26  du  courant,  à 
sept  heures  et  demie  du  soir,  dans  les  salons  de  M.  Souffleto,  rue  Mont- 
martre, 171.  MM.  les  sociétaires  sont  instamment  priés  de  ne  point  man- 
quer à  cette  réunion. 

%*  Les  artistes  qui  désirent  faire  partie  des  chœurs  au  Théâtre-Italien, 
peuvent  s'adresser  de  midi  à  deux  heures,  à,M.  Lorini  (10,  rue  Notre- 
Dame-de-Lorette).  Le  concours  est  ouvert  jusqu'à  la  fin  du  mois. 

%*  Nous  recommandons  à  nos  lecteurs  trois  romances  nouvelles  qui 
viennent  de  paraître,  et  dont  la  musique  est  de  M.  rhilippe  Lamotte. 

CHRONIQUE     ÉTRANGÈRE. 

%*  Brlin,  15  octobre.  — Aujourd'hui,  anniversaire  de  la  naissance  du 
roi,  Mme  Amélie  Béer,  mère  de  l'illustre  auteur  de  Robert  le  Diable,  a 
offert  un  banquet  à  tous  les  invalides  de  l'armée  qui  se  trouvent  à  Berlin. 
Ce  repas  était  présidé  par  M.  le  pasteur  Blanck,  qui  a  prononcé  un  dis- 
cours. Le  prix  annuel  de  peinture  fondé  par  feu  Michel  Béer,  frère  cadet 
de  Meyerbeer,  en  faveur  de  jeunes  artistes  israélites,  a  été  décerné  au- 
jourd'hui par  le  sénat  de  l'Académie  royale  des  Beaux-Arts  de  Berlin  à 
M.  David  Simonsen,  de  Dresde,  âgé  de  vingt-trois  ans,  élève  de  l'école 
royale  de  peinture  de  Dresde,  et  du  célèbre  Bendemann.  L'ouvrage  qui  a 
valu  à  M.  Simonsen  cette  haute  distinction  a  pour  sujet  Agar  et  son  fils 
Ismaè'tdans  ledéserl. — Le  même  jour,  15  octobre,  le  Théâtre-Royal  arepré- 
senté  le  Camp  de  Silésie,  de  Meyerbeer.  Les  riches  et  gracieuses  mélodies 
de  ce  drame  national  ont  produit  leur  effet  accoutumé,  et  comme  tou- 
jours, Mme  Ilerrenbourg  a  été  très-applaudie  dans  le  rôle  de  Vielka. 

%*  Munirh,  12  octobre.  — Mlle  Sophie  Méquillet,  de  passage  en  cette 
ville,  s'est  fait  entendre  dimanche  dernier  dans  le  rôle  de  Fidès  du  Pro- 
phète avec  un  immense  succès.  Fort  applaudie  après  l'air  de  la  Bénédic- 
tion, le  duo  des  deux  femmes,  elle  a  été  rappelée  après  ce  morceau  et  le 
final  du  W  acte.  Son  grand  air  du  5e  a  été  pour  elle  un  véritable  triomphe, 
ainsi  que  le  duo  avec  le  ténor,  et,  à  la  chute  du  rideau,  Mlle  Méquillet  a  en- 
core été  rappelée  deux  fois.  Cette  représentation,  devant  l'élite  de  notre 
cité,  a  été  l'une  des  plus  brillantes  que  nous  ayons  vues  depuis  longtemps. 
Chacun  admirait  la  voix  pure,  étendue,  sympathique,  de  Mlle  Méquil- 
let et  son  excellente  prononciation  allemande.  Sa  Majesté  le  roi  Louis  et 
les  princesses  qui  assistaient  à  la  représentation  ont  beaucoup  applaudi. 

%*  Vienne.  —  Thalberg  s'est  fait  entendre  récemment  dans  une  soirée 
musicale  donnée  par  M.  Horzalka.  On  y  a  entendu  une  fantaisie  de  ce 
compositeur  sur  la  9°  symphonie  de  Beethoven,  pour  trois  pianos,  et  exé- 
cutée par  l'auteur,  Thalberg  et  Mlle  Capponi,  professeur  au  Conserva- 
toire. 

*t*  Francfort  —  Mercredi,  1 2  octobre,  a  eu  lieu  au  théâtre  de  la  ville  la 
première  représentation  d'Aurélia ,  œuvre  posthume]  de  Conradiu 
Kreutzer.  Cette  partition,  quoique  inférieure  à  Une  nuit  à  Grenade,  n'en 
doit  pas  moins  être  placée  au  nombre  des  bonnes  productions  lyri- 
ques. Les  deux  principaux  rôles,  Aurélia  et  Dobroslau,  ont  été  parfaite- 
ment rendus  par  Mme  Anschutz  et  Mme  Besk. 

%*  L'ipzig  —  Deux  célébrités  du  jour,  Mlle  Treffz,  et  le  pianiste 
J.  Blumenthal,  se  trouvent  en  ce  moment  parmi  nous. 

%*  Munich.  —  Le  chanteur  pensionné  de  la  cour,  M.  Schimon,  vient  de 
mourir.  Cet  artiste  estimable  s'était  d'abord  consacré  à  la  peinture  ;  on 
lui  doit  un  des  portraits  les  plus  ressemblants  de  Beethoven. 

%*  Rai.ôvre.  —  M.  Marschner  ne  nous  quittera  pas;  ses  appointements 
ont  été  considérablement  augmentés,  mais  toutes  les  dispositions  prises 
par  M.  l'intendant  du  théâtre  resteront  en  vigueur. 

%*  Madrid.  —  Le  cercle  philharmonique  a  ouvert  sa  nouvelle  saison  de 
concerts  sous  la  direction  habile  et  intelligente  du  célèbre  maestro  Espin 
y  Guillen.  La  Rosa,  mélodie  du  même  maître,  dédiée  à  la  belle  et  distin- 
guée dilettante,  Mme  Dolores  de  Ardoy,  fait  en  ce  moment  le  tour  de  tous 


360 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS. 


les  salons  aristocratiques.  Il  n'est  pas  de  femme  qui  ne  veuille  chanter 
La  Ro-a,  pas  de  société  où  l'on  ne  parle  de  cette  composition. 

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Op.  87.  Nocturne  élégant  en  si ,  fantaisie  pour  le  piano 

Op.  88.  Laura,  polonaise  brillante,  fantaisie  pour  le  piano  .... 
Op'.  61  bis.  Casta  Diva  {No:  ma),  étude,  main  gauche 

FÉLIX  GODEFROID. 

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Le  Rêve,  —  

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2.  Le  Coucou,  pastorale 

3.  La  Fauvette,   caprice  de  salon 

4.  L'Oiseau-Mouche,  impromptu-étude 

5.  Le  Sansonnet,  thème  original  varié 

6.  L'Oiseleur,  impromptu-caprice 

Op.  12  bis.  La  Cascade,  caprice-étude 

Op.  12.  LaStyrienne 

Op.  19.  Cécilia,   mazurka-caprice 

Op.  20.  Le  Retour,  nocturne 


MEIDELSSOM-BARTHOLBY. 

Op.  57.  Six  mélodies  sans  paroles 

Op.  61.  Scherzo  à  4  mains  sur  le  Rêve  d'une  nuit  d'été. 

Op.  61  bis.  Nocturne  et  Marche  à  lx   mains  sur  le  Rêve  d'une 


«suin  pfebffer.  Trois  études  caractéristiques  pour  le  piano  9    » 
f.  nui'.  Élégie  sur  une  mélodie  de  Soriano,  pour  le  piano.  ...  750 
a.  jiel.  Op.  14-  Fantaisie  sur  la  Danse  des  Sylphes,  de  Gode- 
froid,  pour  le  piano 7  50 

f.  f»  rbarus.  Op.  14.  Les  l'uritain-,  pour  le  piano 6     » 

■v.  AB.utAre.  Impromptu,  pour  le  piano 5     » 

en.  rbiebs.  Nocturne  pour  le  piano 5    » 

—  Op.   50.  Primavera,  valse 5     » 

—  Op.  51.  Fantaisie  sur  l'Elmre 7  50 

cm.  iiimi!.  Op.  5.  Scherzo  brillant,  pour  le  piano 7  50 

—  Op.  6.  Sérénade,  pour  le  piano 7  50 

éd.  tiéxot.  Op.  5.  Fantasia,  grande  valse  de  concert 5     » 

—  Op.  6.  Gelsomina,  grande  valse  de  concert 6     » 

—  Op.  8.  Suléika,  grande  valse  de  concert 6     » 

—  Lorenza,  grande  valse  de  concert 6     n 

marc  BtitiT.  Op.  8.  Souvenir  de  Brixen,  pour  le  piano.    ...  7  50 

o.  corar.TT.isiT.  Op.  60.  Gasilcla,  petite  fantaisie,  pour  le  piano  .  5     » 

—  La  Vision,  polka-mazurka,  pour  le  piano 5     » 

a.  foeet.  Galon  de  concert 6     » 

Les  Willis,  polka-mazurka,  redowa,  schottisch,  polka  et 

valse 7    » 


j.cakli.  Op.  14.  Le  Troubadour,  schottisch 

a.  coma  a.  Op.  59.  La  Campanella,  mélodie  étude 

m.  cottscbhai.m.  La  Mélancolie,  étude  d'après  Godefroid.    .    .  . 

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niivEia^oï  j.  m.  Danses  des  sylphes,  facile,  de  Godefroid.  .  .  . 
MABC-iBttutT-ff.'Les  Brises  du  Nord,  5  polkas  mazurka 

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dipabt.  Le  Chevalier  Bayard,  quadrille  pour  le  piano 

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f,.  otecatti.  L' Angélus  du  pâtre,  romance  avec  ace.  de  piano. .  . 

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w.  ».  Enfant,  songe  à  ta  mère,  mélodie  avec  accompag.  de  piano. 


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Le  Journal  parait  le  Dimanche. 


GAZETTE  LHUS 


dis  ïïM.mn, 


SOMMAIRE.  —  Du  développement  futur  de  la  musique  dans  le  domaine  du  rhythme 
(6e  article)  par  Kélis  père.  —  Grand  opéra,  représentation  solennelle. — Théâtre- 
Lyrique,  la  Ferme  de  lîilmoor,  paroles  de  MM.  Deslys  et  Eugène  Woestin,  mu- 
sique de  M.  Varney  (première  représentation),  par  «S.  lléquii. —  Institut  na- 
tional de  France,  séance  annuelle  des  cinq  Académies,  notice  sur  Thomas  Britton, 
de  F.  Iliilé»}-.  — Le  Requiem  de  Berlioz  (2e  article),  par  iLéon  Kreutzer. 
—    Correspondance,  Paris.  —  Nouvelles  et  annonces. 


DU  DEVELOPPEMENT  FUTUR  DE  LÀ  MUSIQUE 

Dans  Se   domaine  du  rlijJlmie. 

(6"  article)  (l). 

J'ai  établi  dans  mes  articles  précédents  que  le  rhythme  musical  est 
de  trois  espèces,  à  savoir,  le  rhythme  qui  résulte  de  l'accent,  celui  qui 
est  le  produit  des  combinaisons  de  nombres  dans  la  mesure  du  temps, 
et  enfin  le  rhythme  périodique,  basé  sur  les  rapports  des  phrases  et  des 
périodes.  Je  n'ai  traité  jusqu'ici  que  des  deux  premiers  genres  de 
rhythmes  ;  la  suite  de  mon  travail  aura  pour  objet  de  faire  connaître 
les  moyens  par  lesquels  le  rhythme  périodique  peut  s'enrichir  de  nou- 
velles combinaisons.  Mais  avant  d'aborder  ce  sujet,  il  me  paraît  néces- 
saire de  résumer  ce  qui  a  été  dit  précédemment,  et  de  constater  les 
précieux  avantages  qui  se  peuvent  tirer  des  innovations  proposées  dans 
le  rhythme  d'accent  et  dans  le  rhythme  de  mesure. 

Le  rhythme  d'accent,  ainsi  que  je  l'ai  fait  voir,  est  basé  sur  le  temps 
de  la  mesure  par  lequel  commence  la  phrase,  et  sur  l'accent  dynamique 
produit  par  la  différence  d'intensité  des  sons.  La  source  immense  de 
variété  qui  réside  dans  ces  deux  formes  du  rhythme  d'accent  n'a  pas 
été  aperçue  par  les  compositeurs  jusqu'à  ce  moment  ;  mais  si  j'en  puis 
juger  par  le  grand  nombre  de  lettres  qui  m'arrivent  de  toutes  parts 
depuis  que  j'ai  commencé  la  publication  de  ce  travail,  l'attention  des 
artistes  et  des  amateurs  s'est  fixée  sur  cette  nouveauté  :  il  est  donc 
présumable  que  des  essais  seront  faits  dans  ce  domaine  de  l'art  encore 
inexploré. 

La  différence  d'accent  rhythmique  qui  résulte  de  la  diversité  du 
temps  d'attaque  de  la  phrase,  a  ce  caractère  particulier,  parmi  les  inno- 
vations de  rhythmes  que  je  propose,  qu'une  seule  phrase  peut  se  pré- 
senter sous  plusieurs  formes  et  produire  des  impressions  différentes; 
c'est  par  là  que  ce  mode  de  transition  est  digne  de  l'intérêt  des  artistes  ; 
car  il  constitue  le  développement  rationnel  et  complet  de  l'unité  de  la 
pensée. 

J'ai  démontré  ensuite  que  l'opposition  régulière  et  symétrique  de 
l'accent  fort  et  de  l'accent  faible  engendre  un  rhythme  d'espèce  particu- 

(I)  Voir  les  n"  35,  36,  37,  40  et  43. 


Hère,  et  j'ai  fait  voir  que  le  déplacement  de  ces  accents  d'expression 
prépare  d'une  manière  imperceptible  le  passage  d'un  système  de  me- 
sures à  un  autre.  J'ai  fait  voir  également  que  l'analogie  des  triolets  des 
mesures  à  temps  binaires  avec  les  valeurs  des  mesures  à  divisions  ter- 
naires de  temps  est  un  autre  moyen  de  passage  immédiatetpeu  sensible 
d'un  système  de  mesures  à  un  autre.  Si  l'on  m'a  compris,  on  a  dû  voir 
qu'il  y  a  dans  ces  choses  tout  un  monde  nouveau  de  formes  d'art,  d'effet 
et  d'impression. 

Abordant  un  autre  ordre  de  faits  et  d'idées,  je  me  suis  livré  à  l'exa- 
men des  nouveautés  qui  pourraient  être  introduites  dans  les  rhythmes 
des  temps  de  la  mesure,  et  d'abord  je  me  suis  occupé  de  la  mesure  à 
cinq  temps,  qui  me  paraît  être  le  produit  de  la  réunion  des  mesures 
binaires  et  ternaires  affectant  tour  à  tour  la  sensibilité.  En  général,  les 
essais  que  l'on  a  faits  de  cette  mesure  ne  sont  pas  autre  chose.  Cepen- 
dant j'ai  cru  qu'il  était  possible  de  donner,  par  le  rhythme  égal,  un 
caractère  absolument  quinaire  à  la  mesure  dont  il  s'agit,  et  j'en  ai 
donné  des  exemples  dans  une  étude  en  mi  bémol  et  en  mesure  à  5/4, 
pour  les  mouvements  vifs,  et  dans  le  commencement  d'une  autre  étude 
en  15/8, pourles  mouvements  modérés  ou  lents.  Ces  exemples  sont  con- 
tenus dans  la  double  planche  qui  accompagne  mon  cinquième  article. 
J'avais  craint  d'abord  de  me  laisser  aller  aux  illusions  d'un  esprit  pré- 
venu dans  l'effet  que  me  faisaient  éprouver  ces  essais,  mais  les  artistes 
que  j'ai  consultés  à  ce  sujet  m'ont  déclaré  qu'ils  sentaient  à  leur  au- 
dition un  effet  inconnu  qui  n'avait  pas  d'analogie  avec  l'alternative  des 
mesures  à  trois  temps  et  à  deux.  Au  surplus,  le  public  est  maintenant  en 
possession  de  ces  essais  ;  c'est  à  lui  de  prononcer. 

J'ai  reçu,  au  sujet  de  cette  mesure  à  cinq  temps,  une  lettre  de 
M.  Alkan  aîné,  laquelle  a  eu  pour  moi  beaucoup  d'intérêt.  Cet  artiste 
de  grande  distinction  n'a  pas  vu  la  planche  qui  accompagne  mon  arti- 
cle, en  sorte  qu'il  croit  que  je  n'en  suis  encore  qu'à  la  théorie  de  la 
mesure  à  cinq  temps.  Pour  me  confirmer  dans  mon  opinion  concernant 
la  possibilité  du  rhythme  quinaire,  il  m'apprend  qu'un  Espagnol,  son 
ami  et  bon  musicien,  lui  a  fait  connaître  un  air  de  danse  populaire 
dans  une  grande  partie  de  l'Espagne,  lequel  est  en  mesure  à  cinq  temps. 
Cet  air,  appelé  Zorcico,  est  dans  ce  rhythme  : 


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362 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


Il  est  remarquable  que  la  mesure  à  cinq  temps  de  cet  air  de  danse  est 
surtout  en  usage  dans  les  provinces  où  le  peuple  espagnol  a  conservé 
le  caractère  original  et  un  peu  sauvage  des  populations  dont  il  des- 
cend; dans  les  cantons  où  la  civilisation  a  fait  plus  de  progrès,  l'air 
s'est  rapproché  de  nos  formes  modernes,  car  on  a  ajouté  un  temps  à 
la  mesure,  qui  estdevenue  un  6/8.  Par  la  manière  dont  il  est  ici  noté,  le 
Zorcico  semble  n'être  pas  une  mesure  véritable  à  cinq  temps,  mais  une 
alternative  de  trois  et  de  deux.  Mais  c'est  l'accent  qui  donne  à  la  me- 
sure son  caractère  quinaire  ;  car  cet  accent  fort,  placé  sur  le  premier 
temps  et  sur  le  cinquième,  empêche  de  sentir  le  premier  de  la  division 
à  deux  temps. 

M.  Alkan  me  communique,  dans  la  même  lettre,  les  motifs  de  trois 
morceaux  qu'il  a  publiés  dans  son  deuxième  recueil  d'impromptus 
pour  le  piano,  chez  MM.  Brandus  et  C\  Ils  m'étaient  inconnus.  L'au- 
teur de  ces  morceaux  justifie  par  leur  caractère  mon  opinion  sur  la 
possibilité  de  scander  la  mesure  à  cinq  temps  de  diverses  manières,  à 
raison  de  la  signification  de  la  phrase  ou  de  l'accentuation.  Ainsi,  son 
premier  caprice,  en  5/4,  est  évidemment  un  2/4  suivi  d'un  3/4,  et  non 
un  3/4  suivi  d'un  2/4.  Le  deuxième  allegretto  en  5/8  fait  sentir  un 
premier  temps  isolé  suivi  d'une  mesure  à  2/4.  A  l'égard  du  troisième, 
qui  est  un  vivace  en  5/16,  je  crois  devoir  faire  remarquer  à  M.  Alkan 
que  la  conception  du  rhythme  quinaire  dans  ce  mouvement  rapide  et 
avec  des  valeurs  de  temps  si  minimes  est  très-difficile.  Son  thème  est 
dans  un  deux  temps  suivi  de  3;  mais  représenté  par  5/16;  il  n'a  pas  pour 
la  plupart  des  exécutants  la  clarté  nécessaire.  Beaucoup,  j'en  suis  cer- 
tain, en  feraient  involontairement  un  2/4,  dont  le  second  temps  serait 
en  triolets.  Je  pense  donc  que  les  diminutifs  de  valeurs  de  temps  em- 
ployés dans  les  mesures  binaires  et  ternaires  ne  sont  pas  d'une  heu- 
reuse application  danslamesure  à  cinq  temps,  et  qu'il  vautmieux  adop- 
ter la  mesure  à  5/4  pour  les  divisions  de  temps  binaires,  et  la  mesure 
à  15/8  pour  les  divisions  ternaires.  L'impromptu  vivace  de  M.  Alkan 
ne  peut  se  rapporter  ni  à  l'une  ni  à  l'autre  de  ces  conceptions,  à  cause 
de  la  très-minime  valeur  de  chaque  division  qui  ne  permet  pas  de  les 
mesurer  rigoureusement,  le  nombre  diviseur  manquant  de  simplicité 
dans  ses  rapports.  Mon  avis  est  que  le  morceau  est  à  un  seul  temps  di- 
visé par  cinq,  et  qu'il  doit  être  indiqué  à  la  clef  par  1  -j-  5. 

Après  cette  digression,  pour  laquelle  je  demande  grâce,  je  reviens 
au  résumé  de  mes  articles  précédents  sur  le  rhythme,  ayant,  je  crois, 
épuisé  les  considérations  relatives  à  la  mesure  à  cinq  temps. 

L'objet  important  pour  la  variété  des  rhythmes  de  temps,  c'est  la 
combinaison  des  mesures  diverses  ;  car  si  elle  est  traitée  comme  elle 
doit  l'être ,  il  n'en  peut  résulter  rien  qui  blesse  le  sentiment  le  plus 
délicat,  et  l'on  y  peut  puiser  des  inspirations  et  des  effets  inconnus. 
Rappelons-nous  que  le  rhythme  n'est  autre  chose  que  la  symétrie  dans 
le  temps  et  dans  l'accent.  Cette  règle  posée ,  le  problème  est  résolu , 
et  toutes  ses  conséquences  se  présentent  avec  clarté.  J'ai  fait  voir  dans 
mon  cinquième  article  comment  cette  combinaison  peut  se  faire  d'une 
manière  régulière,  c'est-à-dire  avec  cette  symétrie  qui ,  nonobstant  les 
changements  de  mesures,  constitue  un  rhythme  véritable  ,  mais  non 
encore  pratiqué  dans  l'art.  Je  dis  à  dessein  dans  l'art,  parce  que  le 
mélange  des  mesures  n'est  pas  une  chose  absolument  nouvelle  :  l'in- 
stinct y  à  conduit  plusieurs  peuples  dans  leurs  chants  nationaux.  Dans 
l'Ukraine,  en  Norwége,  en  Pologne,  dans  la  Bohême  et  chez  les  Dal- 
mates,  on  entend  des  airs  populaires  dans  lesquels  certaines  phrases 
de  refrain  changent  de  mesure  d'une  manière  rhythmique,  et  font  un 
retour  régulier  dans  une  longue  suite  de  couplets.  Ces  successions  de 
rhythmes  différents,  mais  symétriques,  produisent  un  effet  original  qui 
a  beaucoup  de  charme.  A  cette  occasion,  qu'il  me  soit  permis  de  ré- 
péter ici  ce  que  j'ai  dit  en  plusieurs  endroits,  à  savoir,  que  l'histoire 
du  chant  populaire,  dont  on  ne  s'est  occupé  jusqu'à  ce  jour  qu'au  point 
de  vue  de  la  curiosité,  est  la  véritable  histoire  de  la  musique.  Poëte  et 
musicien  par  instinct,  parce  qu'il  est  passionné,  le  peuple  a  eu  partout 
dans  sa  poésie  et  dans  ses  chants  des  hardiesses  heureuses  devant  les- 
quelles le  goût,  parfois  timide,  des  artistes ,  a  reculé.  Le  rhythme,  par 


lequel  se  caractérise  la  mélodie,  est  en  quelque  sorte  l'expression  du 
génie  et  des  passions  populaires.  C'est  par  lui  et  par  des  singularités 
tonales  que  chaque  nation  a ,  dans  ses  chants,  une  physionomie  toute 
spéciale.  On  vient  de  voir  que  les  Espagnols  ont,  par  une  antique  tra- 
dition, l'usage  de  la  mesure  à  cinq  temps  appliqué  à  la  danse  :  les  mé- 
langes de  rhythmes  sont  populaires  dans  les  contrées  que  je  viens  de 
nommer  ;  d'autres  peuples  ont  des  variétés  de  rhythme  périodique  dont 
je  parlerai  tout-à-1'heure  :  tout  cela  a  son  origine  dans  les  temps  les 
plus  reculés  ,  et  l'art  est  encore  dépourvu  de  ces  richesses  au  xrxe  siè- 
cle !  Il  est  vrai  qu'il  avait  à  se  développer  dans  le  domaine  de  l'har- 
monie et  de  la  modulation ,  et  qu'après  deux  siècles  et  demi  de  décou- 
vertes successives,  il  n'en  a  pas  encore  parcouru  toute  l'étendue.  Or,  il 
est  dans  la  nature  des  choses  que  les  artistes  n'abandonnent  point  un 
ordre  d'idées  avant  qu'il  soit  épuisé.  Tant  qu'il  restera  quelque  chose 
à  faire  pour  atteindre  les  limites  de  l'omnitonalité  et  pour  épuiser  les 
effets  de  la  sonorité,  tout  porte  à  croire  qu'on  ne  s'occupera  pas  d'une 
manière  sérieuse  des  trésors  que  renferme  le  domaine  du  rhythme. 
Continuons  cependant  d'appeler  sur  ce  sujet  l'attention  du  monde  mu- 
sical, et  ne  négligeons  rien  pour  faire  comprendre  aux  artistes  que  la 
hardiesse  dans  l'innovation  ne  doit  avoir  pour  contrepoids  que  les  né- 
cessités de  l'organisation  humaine. 

Ces  nécessités  sont,  comme  je  l'ai  déjà  dit,  le  point  de  contact  tonal 
dans  les  combinaisons  harmoniques  et  dans  les  modulations,  la  pro- 
priété d'accent  clans  l'expression  sentimentale  et  passionnée,  et  la  sy- 
métrie dans  le  rhythme.  Quiconque  voudra  s'affranchir  de  ces  lois  delà 
nature,  dans  les  fantaisies  de  son  imagination,  sera  repoussé  parle 
sentiment  universel.  Quel  que  soit  son  génie,  il  n'aboutira  qu'au  nau- 
frage de  ses  espérances.  Mais  pourquoi  parlé-je  de  génie?  Le  génie, 
dans  ses  plus  grandes  hardiesses,  ne  se  met  jamais  en  dehors  des  con- 
ditions de  l'humanité',  car  il  en  est  la  plus  haute  manifestation.  Ce  qui 
égare  l'artiste,  c'est  le  système  préconçu,  le  parti  pris,  sans  égard  pour 
ce  que  notre  organisation  admet  ou  repousse.  Telle  est  chez  quelques- 
uns  la  tendance  de  l'époque  actuelle.  Les  artistes  lancés  dans  cette  fu- 
neste direction  se  persuadent  que  le  siècle  n'est  pas  mûr  pour  eux  et  se 
fient  à  l'avenir  ;  mais  leur  espérance  n'est  qu'une  erreur  :  il  n'y  a  point 
d'avenir  pour  ce  qui  est  contraire  aux  lois  immuables  de  l'art.  Pour 
réussir  dans  l'innovation,  il  faut  être  à  la  fois  hardi  et  circonspect  : 
hardi,  pour  le  développement  des  formes  de  l'art  dans  les  limites  du 
possible  ;  circonspect,  en  ce  qui  touche  aux  facultés  sentimentales  et 
intellectuelles.  Où  les  rapports  échappent  à  l'intelligence,  le  sentiment 
est  blessé  et  la  borne  est  posée.  Dans  le  domaine  du  rhythme,  le  rap- 
port n'est  saisissable  que  par  la  symétrie  ;  cette  symétrie,  il  la  faut  dans 
le  mélange  des  mesures  comme  dans  la  mesure  unique.  N'espérez  rien 
de  l'introduction  de  cette  nouveauté  dans  l'art,  si  vous  ne  vous  sou- 
mettez à  cette  loi  de  notre  organisation. 

Me  voici  parvenu  à  la  partie  de  mon  travail  qui  concerne  le  rhythme 
périodique  de  la  phrase.  Avant  d'aborder  les  nouveautés  qu'on  peut 
y  introduire ,  il  est  nécessaire  que  je  donne  quelques  explications 
sur  la  nature  de  ce  rhythme,  le  seul  qui,  jusqu'à  ce  jour,  ait  fixé  l'at- 
tention des  musiciens. 

La  symétrie  de  nombre  nous  est  si  naturelle  dans  la  musique,  que  la 
plupart  des  compositeurs,  sans  y  songer  et  par  la  seule  direction  de 
leur  instinct,  subissent  cette  loi  de  la  nature  lorsqu'ils  imaginent  des 
mélodies.  Si  la  première  phrase  de  leur  chant  est  composée  de  quatre 
mesures  (ce  qui  se  recontre  plus  fréquemment  que  toutautre  rhythme), 
la  seconde  phrase,  qui  continue  la  période  ou  la  complète,  renferme 
aussi  quatre  mesures.  Si  la  période  est  de  seize  mesures,  elle  est  pres- 
que toujours  formée  de  quatre  phrases  de  quatre  mesures  chacune, 
dont  la  première  pose  la  pensée,  que  la  seconde  continue  jusqu'à  un 
repos  incident  ;  puis,  une  pensée  analogue  à  la  première  s'établit  dans 
la  troisième  phrase,  et  la  quatrième,  qui  l'achève,  complète  la  période. 
Ce  rhythme,  aussi  bien  que  celui  de  la  période  de  huit  mesures,  pour- 
rait être  appelé  fondamental;  car  c'est  celui  qui  domine  dans  la  plu- 
part des  compositions  de  tout  genre,  sans  en  excepter  les  œuvres  des 


DE  PARIS. 


363 


plus  grands  artistes.  On  le  désigne  ordinairement  par  le  nom  de 
rhythme  carré,  et  l'on  appelle  carrure  des  phrases,  la  nécessité  de  sy- 
métrie de  nombre  dans  la  composition  de  la  mélodie. 

Pourquoi  cette  régulière  uniformité  dans  un  art  qui  est  le  produit 
de  l'imagination  pure  ?  Voici  la  réponse  à  cette  question  :  Il  n'y  a  pas 
de  sensation  si  vague,  si  indéterminée,  produite  par  l'art,  qui  ne  soit 
accompagnée  d'une  aclion  rapide  de  l'intelligence  dont  l'objet  est  de 
discerner  d'une  manière  plus  ou  moins  nette  la  nature  de  cette  sensa- 
tion, et  de  saisir  les  rapports  qui  la  causent.  Lorsque  l'intelligence 
parvient  à  saisir  ces  rapports,  la  sensation  est  accompagnée  d'un  juge- 
ment. Si  les  rapports  sont  simples,  l'intelligence,  les  saisissant  avec 
plus  de  facilité,  réagit  sur  le  sentiment  et  lui  donne  la  conscience  d'une 
qualité  essentielle  de  la  beauté  ,  car  le  beau  est  ordinairement  simple. 
Or,  rien  de  plus  facile  à  comprendre  que  le  rapport  d'un  nombre  qui 
se  multiplie  par  lui-même  pour  former  un  tout  complet.  De  là  le  pen- 
chant universel  pour  la  carrure  des  phrases,  considérée  comme  une  des 
conditions  de  la  beauté  de  la  mélodie. 

Un  phénomène,  qui  paraît  en  contradiction  avec  ce  principe,  se  pro- 
duit cependant  quelquefois  dans  la  composition  delà  période  musicale; 
car  il  n'est  pas  rare  de  rencontrer  de  ces  périodes  qui,  au  lieu  de  seize 
mesures,  n'en  ont  que  quinze.  Pour  l'explication  de  cette  singularité, 
il  est  nécessaire  de  remarquer  que  deux  choses  sont  contemporaines 
dans  l'impression  que  nous  recevons  de  la  musique  :  l'une  est  la  forme 
de  la  mélodie,  laquelle  se  compose  de  la  succession  de  ses  sons,  des 
intervalles  qn'elle  parcourt,  des  relations  tonales  qui  s'y  font  sentir,  de 
son  accentuation,  et  enfin  de  son  rhythme  de  temps  ;  l'autre  est  le 
rhythme  périodique  que  je  viens  d'expliquer.  L'attention,  partagée 
entre  ces  choses  complexes,  est,  avant  tout,  soumise  à  l'impression 
sentimentale.  Or,  il  arrive  que  la  huitième  mesure,  par  laquelle  se  ter- 
mine la  deuxième  phrase  du  premier  membre  de  la  période,  est  en 
même  temps  la  première  mesure  de  la  troisième  phrase,  par  laquelle 
commence  le  second  membre  de  la  période  ;  en  sorte  que  la  même 
mesure  a  tout  à  la  fois  la  signification  d'une  mesure  finale  et  d'une  me- 
sure initiale,  d'où  il  suit  que  la  période  est  complète  par  quinze  me- 
sures, sans  que  le  sentiment  du  rhythme  périodique  soit  blessé,  parce 
que  l'intelligence  a  saisi  le  double  rapport  de  la  huitième  mesure.  Les 
exemples  d'enjambement  de  cette  espèce  se  rencontrent  assez  fré- 
quemment pour  que  chacun  puisse  se  convaincre  de  la  réalité  de  l'effet 
dont  je  parle. 

De  même  que  la  mesure  ternaire  du  temps  musical  nous  est  aussi  na- 
turelle que  la  mesure  binaire,  le  rhythme  périodique,  composé  de 
phrases  symétriques  de  trois  mesures  correspondantes,  est  aussi  satis- 
faisant que  le  rhythme  carré  des  phrases  de  quatre  mesures,  bien  que 
l'usage  en  soit  moins  fréquent.  Pour  en  indiquer  un  exemple  connu  de 
tous  les  artistes,  je  citerai  le  début  du  premier  quatuor  en  fa  de  l'œu- 
vre 18e  de  Mozart;  ce  début  est  composé  de  deux  phrases  de  trois  me- 
sures chacune  qui,  bien  que  non  carrées,  sont  cependant  symétriques 
et  constituent  un  rhythme  régulier. 

A  l'égard  du  rhythme  périodique  formé  de  phrases  correspondantes 
de  cinq  mesures,  il  est  d'un  usage  très-rare,  bien  qu'il  satisfasse  aux 
conditions  de  symétrie.  Presque  toujours  il  est  le  produit  ou  d'un  dé- 
faut de  construction  de  la  phrase,  ou  de  la  répétilion  d'une  mesure 
imaginée  pour  quelque  but  particulier  par  le  compositeur.  Dans  ce 
dernier  cas,  ce  rhythme  est  quelquefois  gracieux.  On  en  trouve  des 
exemples  dans  les  œuvres  de  Haydn,  de  Mozart,  de  Beethoven  et  de 
Haendel  ;  mais  ces  artistes  ne  l'ont  employé  que  dans  des  cas  très-rares. 

Je  n'ai  pas  parlé  du  rhythme  de  deux  mesures,  quoiqu'on  le  rencon- 
tre souvent,  parce  que  ses  conditions  de  carrure  sont  les  mêmes  que 
celles  de  la  phrase  de  quatre.  Ce  rhythme  est  également  employé  dans 
les  mouvements  vifs  et  dans  les  mouvements  lents.  Mozart  en  a  un 
exemple  très-remarquable  pour  le  mouvement  vif  dans  l'air  de  Don 
Juan,  Fin  che  dal  vino,  et  Beethoven  l'a  également  employé  avec  bon- 
heur dans  Yandante  de  la  symphonie  en  la. 

Il  y  a  des  périodes  composées  de  phrases  de  huit  mesures,  telles,  par 


exemple,  que  le  scherzo  de  la  symphonie  pastorale  de  Beethoven.  Lors- 
que le  mouvement  est  vif  comme  dans  ce  morceau,  la  longueur  de  la 
phrase  n'empêche  pas  de  sentir  le  rhythme  régulier;  mais  si  le  mouve- 
ment est  lent  ou  modéré,  le  sentiment  rhythmique  s'affaiblit,  et  l'im- 
pression devient  vague.  Il  est  des  auteurs  qui  mettent  à  grand  prix  le 
mérite  de  ne  pas  tomber  dans  ce  qu'ils  appellent  la  phrase  courte,  et  qui 
retardent  autant  qu'ils  peuvent  la  conclusion  de  leur  période.  Mendels- 
sohn  est  au  nombre  de  ces  artistes,  et  souvent  il  porte  jusqu'à  la  fatigue 
de  l'auditeur  la  suspension  de  sa  conclusion.  Ce  défaut  est  très-consi- 
dérable, car  il  donne  à  la  musique  un  caractère  de  monotonie,  et  affai- 
blit jusqu'à  l'excès  le  sentiment  du  rhythme  phraséologique  et  périodi- 
que. 

Dans  les  mouvements  lents,  le  sentiment  de  ce  rhythme  est,  en  gé- 
néral, plus  faible  que  dans  la  musique  animée,  surtout  si  les  autres 
qualités  de  la  mélodie  sont  assez  saillantes  pour  en  détourner  l'atten- 
tion. Je  citerai  à  ce  sujet  l'air  admirable,  par  son  expression  d'amour 
passionné,  que  Piccinni  a  écrit  pour  sa  Bidon.  Cet  air  :  Ah  !  que  je  fus 
bien  inspirée  !  offre  l'exemple  le  plus  frappant  du  désordre  dans  le 
nombre  et  de  l'absence  de  tout  rhythme  périodique;  car  on  y  trouve  des 
phrases  de  quatre  mesures,  de  cinq,  de  sept,  de  neuf,  de  deux  et  de 
trois,  jetées  pêle-mêle  ;  mais  la  lenteur  du  mouvement,  jointe  au  charme 
de  l'accent  et  à  la  forme  gracieuse  de  la  mélodie,  je  ne  sais  quoi  de  vo- 
luptueux empreint  dans  ces  phrases  d'amour  passionné  ;  tout  cela, 
dis-je,  détourne  l'attention  de  la  construction  rhythmique  des  périodes, 
et  en  fait  oublier  les  défauts. 

Ai-je  besoin  de  rappeler  que,  dans  ce  siècle  de  scepticisme,  on  a  nié 
la  réalité  du  rhythme  périodique,  parce  que  nos  génies  incompris  y 
trouvaient  de  la  gêne?  S'il  fallait  les  en  croire,  ce  rhythme  n'était  qu'une 
pauvre  invention  imaginée  dans  des  temps  antérieurs  aux  progrès  d« 
la  musique  moderne;  invention  surannée  qui  devait  tomber  dans  l'oubli 
avec  les  œuvres  de  ceux  qui  en  ont  fait  usage.  0  digne  Sganarelle,  qui, 
refaisant  l'homme  à  votre  fantaisie,  lui  mettez  le  cœur  à  droite,  vous 
êtes  de  la  race  de  ces  génies  !  Pour  moi,  qui  viens  vous  proposer  d'é- 
largir le  domaine  de  ce  rhythme  et  indiquer  les  moyens  de  réussir  dans 
cette  innovation,  en  introduisant  dans  les  relations  rhythmiques  de  la 
période  des  éléments  nouveaux,  j'en  suis  encore  pourtant  à  ces  vieilles 
théories  qui  proclament  la  puissance  du  nombre  sur  l'organisation  phy- 
sique et  morale  de  l'homme,  dans  la  construction  de  la  période  et  de 
la  phrase,  comme  dans  les  temps  de  la  mesure,  comme  dans  le  mé- 
lange des  mesures  diverses,  comme  dans  toutes  les  parties  de  l'art  qui 
sont  susceptibles  de  proportion  et  de  symétrie.  Dans  un  prochain 
article  j'analyserai  ces  nouveaux  rhythmes  périodiques,  et  je  ferai  voir 
que,  comme  tout  ce  qui  tient  à  la  durée  dans  le  temps,  le  rhythme  de 
cette  espèce,  le  plus  hardi  en  apparence,  est  nécessairement  soumis 
aux  conditions  de  la  régularité. 

FÉTIS  père. 

GEAIÛ  OPÊEA. 

C'était  jeudi  dernier  jour  de  fête  extraordinaire  dans  le  sanctuaire 
poétique  et  musical  de  la  rue  Lepelletier.  Le  Théâtre-Français,  en  vertu 
de  son  droit  d'aînesse,  avait  pris,  le  vendredi  précédent,  l'initiative  de 
ces  brillantes  solennités,  par  lesquelles  la  ville  de  Paris  répond  aux 
belles  manifestations  de  la  province.  L'Opéra  est  venu  à  son  tour  et  a 
déployé  toutes  ses  pompes.  Jamais  rien  d'aussi  vraiment  féerique  n'avait 
été  vu  jusqu'alors.  La  rue  entière  était  illuminée.  A  la  façade  principale 
du  théâtre,  des  aigles  et  des  N  couronnées  se  dessinaient  en  feux  bril- 
lants, et  tout  autour  de  l'édifice  le  chiffre  impérial  rayonnait  en  lettres 
tracées  par  le  gaz.  Le  péristyle  extérieur  avait  pris  l'aspect  d'un  salon. 
D'immenses  glaces  couvraient  les  murs;  des  corbeilles  de  fleurs  s'éle- 
vaient sur  des  colonnes  en  brocard  et  des  guirlandes  de  fleurs  serpen- 
taient autour  de  ces  colonnes.  Le  péristyle  intérieur  était  rempli  de 
fleurs  et  de  drapeaux. 


364 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


La  salle  même,  le  foyer,  les  escaliers,  les  corridors  garnis  de  tapis, 
couverts  de  tentures,  ornés  de  trophées,  étaient  éblouissants.  Des  lus- 
tres nombreux,  étincelants  de  bougies,  descendaient  du  cintre.  La  loge 
du  Prince-Président  était  tendue  en  velours  rouge,  parsemé  d'abeilles 
en  or,  avec  le  chiffre  de  S.  A.  I.,  qui  se  répétait  dans  des  écussons  au 
pourtour  de  la  salle.  Au-dessus  de  la  loge  étaient  placés  la  couronne 
impériale,  le  sceptre  et  la  main  de  justice  avec  un  aigle  sur  un  manteau 
d'hermine. 

Longtemps  avant  le  commencement  du  spectacle,  une  foule  innom- 
brable se  pressait  dans  la  rue  Lepelletier,  dans  les  rues  adjacentes,  et 
n'a  cessé  d'y  stationner  jusqu'à  la  fin. 

Vers  huit  heures,  des  acclamations  ont  annoncé  l'arrivée  du  Prince- 
Président.  A  son  entrée  dans  sa  loge,  tous  les  spectateurs  se  sont  levés, 
et  les  cris  de  vive  Napoléon  !  vive  l'Empereur  !  ont  retenti  de  toutes 
parts.  Les  ministres  de  l'intérieur,  des  finances  et  de  la  guerre  ont  tour 
à  tour  pris  place  auprès  de  S.  A.  I.  Le  prince  Jérôme  occupait  une  loge 
des  premières  entre-colonnes  ;  le  prince  Murât  et  la  princesse  Mathilde 
une  loge  d'avant-scène,  à  côté  de  celle  du  Prince- Président. 

Un  personnage  dont  la  présence  était  tout  à  fait  imprévue,  l'émir 
Abd-el-Kader,  accompagné  de  deux  Arabes  et  de  deux  aides  de  camp 
du  ministre  de  la  guerre  ,  excitait  vivement  l'attention.  Il  était  placé 
dans  la  dernière  loge  des  premières  de  face  touchant  aux  colonnes,  en 
regard  du  Prince-Président,  auquel  il  est  allé  rendre  hommage  dans  un 
entr'acte. 

Le  spectacle  commençait  par  le  premier  acte  du  Philtre,  que  chan- 
taient Gueymard,  Massol,  Brémont,  Mmes  Laborde  et  Dussy.  L'acte 
fini,  la  toile  s'est  relevée  pour  l'exécution  de  la  cantate,  dont  les  paroles 
sont  de  M.  Philoxène  Boyer,  la  musique  de  M.  Victor  Massé,  l'auteur 
de  la  partition  de  Galathée.  Tous  les  artistes  de  l'Opéra  concouraient 
à  l'exécution  de  ce  morceau,  dont  les  parties  principales  étaient  confiées 
à  Roger,  Mmes  Tedesco,  La  Grua  et  Duez.  Plusieurs  passages  de  cette 
composition,  qui  porte  moins  le  caractère  d'une  cantate  proprement 
dite  que  d'une  espèce  de  symphonie  vocale,  ont  été  vivement  applau- 
dis. Les  belles  voix  de  Roger,  de  Mme  Tedesco  et  de  Mlle  La  Grua  se 
sont  particulièrement  distinguées  dans  ce  mélange  de  déclamation  et  de 
chant. 

Un  acte  de  la  Filleule  des  fées  et  un  acte  de  Stella  complétaient  le 
spectacle.  Mme  Cerrito,  dont  l'engagement  ne  commence  qu'avec  le 
mois  de  novembre,  avait  devancé  cette  date,  et  nous  est  revenue  avec 
tout  son  talent,  ce  qui  veut  dire  avec  tout  son  succès. 

Plusieurs  fois,  pendant  le  cours  de  la  représentation,  le  Prince- 
Président  a  donné  le  signal  des  applaudissements.  S.  A.  I.  a  daigné 
adresser  les  paroles  les  plus  affables  au  directeur,  M.  Nestor  Roqueplan, 
qui  était  venu  le  recevoir  à  l'entrée  de  sa  loge  particulière,  et  qui  avait 
su  disposer  avec  tant  d'éclat  et  de  goût  cette  fête  nationale. 

P.  S. 


THEATRE-LYRIQUE. 

XaA.  FEKSIE  BE  Î4BSLÏS©©ES, 

Opéra  comique  en  deux  actes,  paroles  de  MM.  Deslys  et  Eugène 

Woestin,  musique  te  M.  Varney. 

(Première  représentation.) 

Bob  est  un  fermier  écossais  qui  devrait  servir  de  modèle  aux  fermiers 
de  tous  les  pays  ,  jeune,  brave,  honnête,  laborieux,  rangé,  et  ne  lais- 
sant jamais  les  filles  dans  l'embarras.  11  en  a  déjà  recueilli  deux.  L'une, 
qui  n'avait  ni  feu  ni  lieu,  mendiait  son  pain  sur  la  grande  route.  Il  lui 
a  donné  une  chambre  dans  son  cottage,  une  place  devant  son  foyer  et 
à  la  table,  sans  compter  la  robe  à  larges  carreaux,  l'écharpe,  le  cha- 
peau de  paille  pour  l'été,  le  plaid  pour  l'hiver,  et  même  des  brodequins 
couleur  marron  qui  lui  font  le  pied  le  plus  coquet  du  monde. 
L'autre  avait  pour  père  le  ministre  de  son  village.  Cet  homme  pieux 
est  mort,  et  Bob,  non  moins  pieux,  a  consolé  ses  derniers  moments  par 


la  promesse  solennelle  de  se  charger  de  son  enfant  unique ,  de  veiller 
sur  elle,  de  ne  l'abandonner  jamais.  Et  il  a  tenu  parole.  Et  ce  vertueux 
agriculteur  vit  entre  ces  deux  jeunes  filles  avec  une  modestie,  une 
réserve,  une  continence  qui  le  rendent  bien  supérieur  à  Scipion  ;  car 
Scipion  n'a  triomphé  de  lui-même  qu'un  moment,  tandis  que  la  vic- 
toire de  Bob  se  répète  chaque  jour  depuis  plusieurs  années. 

Et  cependant  Bob  n'est  pas  insensible.  Bien  loin  de  là  !  f  1  aime  éper- 
dument  la  plus  élégante  de  ses  deux  pupilles,  la  fille  du  ministre,  Susan- 
nah.  Mais,  aussi  discret  que  sentimental,  il  s'est  bien  gardé  de  révéler 
son  amour  à  celle  qui  en  était  l'objet.  En  cela  il  a  eu  tort.  Cette  ex- 
trême réserve  n'a  été  de  sa  part  qu'une  extrême  imprudence.  Il  ne 
faut  jamais  laisser  l'imagination  et  le  cœur  d'une  jeune  fille  dans  l'oi- 
siveté. 

Qu'est-il  arrivé  ?  Susannah,  n'ayant  rien  de  mieux  à  faire,  a  prêté 
l'oreille  aux  propos  flatteurs  de  sir  Francis  Mac-Yvor,  un  jeune  frelu- 
quet des  environs,  qui,  chassé  d'Edimbourg  par  la  meute  nombreuse  et 
affamée  de  sescréancieurs,  et  mourant  d'ennui  dans  le  château  de  son 
vieil  oncle,  conte  fleurette  aux  paysannes  du  canton  pour  tuer  le  temps. 
Bob  surprend  ce  secret  délicat,  et  le  vieil  oncle  aussi.  Celui-ci  donne 
le  choix  à  son  neveu  entre  l'amour  et  la  misère.  ■ —  Renonce  à  cette 
fille  des  champs,  et  viens  épouser  ma  fille,  ou  je  te  déshérite.  —  Ah! 
dit  Francis,  l'indigence  n'a  rien  qui  m'effraie  pour  moi-même.  Mais 
puis-je  y  condamner  Susannah,  que  je  voudrais  couvrir  d'or? 

C'est  ici  que  Bob  déploie  tout  son  héroïsme. —  Comment!  s'écrie-t-il, 
vous  craignez  d'être  pauvre,  jeune  comme  vous  êtes,  et  pourvu  de  deux 
bras?  Faites  comme  nous,  btj  God,  travaillez,  et  vous  aurez  de  quoi 
nourrir  votre  femme  et  vous-même.  —  Au  fait,  pourquoi  pas  ?  dit  Fran- 
cis. Et  dans  un  beau  moment  de  fierté,  il  envoie  promener  son  oncle 
et  sa  cousine,  et  s'engage  comme  journalier  dans  la  ferme  du  philo- 
sophe Bob. 

Hélas  !  pour  être  agriculteur,  la  bonne  volonté  ne  suffit  pas.  C'est 
comme  pour  être  poëte,  comédien  ou  rôtisseur.  Il  faut  encore  l'apti- 
tude. Au  bout  d'un  mois,  sir  Francis  n'est  pas  meilleur  paysan  que  le 
premier  jour.  Se  lever  à  trois  heures  du  matin  pour  aller  ramasser  du 
foin  sur  un  pré,  quelle  vie  pour  un  gentilhomme  !  et  quelle  compagnie 
que  celle  des  faneurs  de  maître  Bob  !  Il  étire  ses  bras,  il  bâille,  il  a  mal 
aux  reins,  il  ploie  sous  le  poids  de  sa  fourche  et  de  son  ennui.  Ce  qui  le 
soutient  un  peu,  c'est  qu'il  est  à  la  veille  de  son  mariage.  Demain  sera 
un  beau  jour.  Mais  après  demain  il  faudra  se  remettre  à  l'ouvrage.  C'est 
bien  dur  ! 

Heureusement  une  âme  compatissante  a  entrepris  de  le  tirer  de  peine, 
Leghy,  la  compagne  de  Susannah,  l'autre  pupille  du  vertueux  fermier. 
Bob  est  triste.  Il  n'a  pu  étouffer  son  amour.  Il  est  jaloux.  Il  ne  peut  voir 
la  fête  qui  se  prépare  et  dont  il  fait  les  frais  II  a  résolu  de  partir,  de 
s'en  aller  bien  loin,  dans  un  lieu  où  il  pourra  mourir.  Un  homme  aussi 
sage  devrait  réfléchir  qu'on  peut  mourir  partout.  Mais  Leghy  a  pénétré 
son  projet  funèbre,  aussi  bien  que  le  refroidissement  graduel  de  Fran- 
cis et  le  désenchantement  de  Susannah.  Et  comme  c'est  une  fille  très- 
franche,  et  qui  sait  que  la  ligne  droite  est  le  plus  court  chemin  d'un 
point  à  un  autre,  elle  va  tout  droit  à  son  but.  —  Quoi  !  vous  persistez  à 
vous  marier,  sir  Francis,  et  vous  ne  voyez  pas  le  mal  que  vous  faites  à 
ce  pauvre  Bob  !  —  Moi  !  je  fais  du  mal  à  Bob?  —  Oui,  car  il  aime  Su- 
sannah, et  il  mourra  de  votre  mariage.  Francis  répond  assez  pertinem- 
ment qu'il  en  est  bien  fâché  ;  mais  qu'après  tout,  c'est  lui,  Francis,  et  non 
Bob,  qui  est  aimé  de  Susannah.  Leghy,  emportée  par  son  zèle,  n'avait 
pas  prévu  cet  argument,  et  ne  trouve  rien  à  répliquer.  Mais  le  vieil  on- 
cle vient  très  à  propos  à  son  secours,  et  offre  à  Francis  de  reprendre 
sa  malédiction,  de  payer  ses  dettes,  de  lui  rendre  son  amitié  et  son 
héritage,  ne  lui  demandant,  en  retour,  que  d'épouser  sa  fille,  qui, 
apparemment,  a  de  la  peine  à  trouver  un  mari.  Cela  est  bien  tentant. 
—  N'importe,  dit  le  généreux  Francis,  je  ferai  mon  devoir.  Et  il  pré- 
sente à  Susannah  le  bouquet  classique  de  fleurs  d'oranger,  qui  n'a  pas 
dû  être  facile  à  trouver  en  Ecosse.  Mais  à  ce  mot  de  devoir,  la  fierté  de 
Susannah  se  révolte.  —  Son  devoir!  —  Il  faut  avouer  que  cela  n'est 


SUPPLEMENT. 


SUPPLÉMENT. 


DE  PARIS. 


3G5 


que  médiocrement  flatteur.  Elle  rend  à  sir  Francis  sa  promesse,  déclare 
qu'elle  s'est  trompée,  et  que  c'est  Bob  qu'elle  aime.  Et  tout  le  monde 
s'en  va  content,  à  l'exception  des  spectateurs,  qui  n'ont  trouvé  dans 
cette  fade  pastorale  aucun  prétexte  ni  pour  rire  ni  pour  pleurer. 

C'est  une  pièce  tout  à  fait  manquée,  et  sur  laquelle  la  critique  la 
plus  bienveillante  no  ferait  illusion  à  personne.  Ni  intérêt,  ni  esprit,  ni 
style.  11  n'y  a  pas  de  théâtre  à  qui  n'arrivent  quelquefois  pareils  mal- 
heurs. Mais  M.  Sévesteest  homme  de  ressource,  et  ne  tardera  pas,  nous 
en  sommes  certain,  à  prendre  glorieusement  sa  revanche. 

M.  Varney,  l'auteur  de  la  partition,  est  l'habile  musicien  qui,  l'année 
dernière,  dirigeait  avec  tant  de  succès  l'orchestre  du  Théâtre-Lyrique, 
qu'il  avait  formé.  Son  œuvre  atteste  un  travail  consciencieux  ;  son  in- 
strumentation est  bien  entendue,  son  harmonie  toujours  correcte  et  sou- 
vent élégante.  Ses  morceaux  sont  clairement  dessinés  et  habilement 
conduits.  Il  a  du  savoir  et  du  métier,  du  bon  sens  et  du  goût.  Quel 
dommage  qu'il  ne  joigne  pas  à  ces  estimables  qualités  un  peu  plus 
d'imagination  !  Si  sa  mélodie  était  plus  riche,  sa  phrase  plus  originale 
et  plus  piquante,  nous  n'aurions  qu'à  le  louer  sans  réserve.  Sa  partition 
pèche  beaucoup  moins  par  ce  qui  s'y  trouve  que  par  ce  qui  n'y  est  pas. 
Mentionnons  cependant  une  ballade  écossaise  qui  a  de  la  couleur, 
une  élégante  simplicité,  et  une  expression  mélancolique  pleine  de 
charme.  Les  couplets  à  la  louange  du  travail  agricole,  qui  ouvrent  le 
second  acte,'sefont  remarquer  par  unrhythme  naturel  et  franc,  de  l'en- 
train et  une  certaine  ampleur  de  style.  Ils  font  de  l'effet,  principalement 
au  refrain  :  Dieu  bénit  les  paysans.  Mais  nous  préférons  encore,  pour 
notre  part,  un  sextuor  sans  accompagnement  qui  donne  beaucoup  de 
prix  au  final  du  premier  acte.  Le  chant  en  est  simple  et  expressif,  les 
voix  bien  disposées,  l'harmonie  excellente,  les  détails  distribués  avec 
art.  Il  y  a  là  de  la  science  et  un  véritable  talent.  On  a  vivement  ap- 
plaudi ce  morceau  :  on  ne  pouvait  trop  l'applaudir.  Il  n'y  a  pas  de  com- 
positeur qui  ne  fût  fort  aise  de  l'avoir  écrit. 

L'ouvrage  est  d'ailleurs  très-agréablement  exécuté  par  Mlle  Rouvroy, 
Mlle  Guichard  et  M.  Grignon  le  fils.  M.  Neveux  fait  de  louables  efforts 
pour  rendre  son  rôle  plaisant  :  s'il  ne  réussit  pas  mieux,  ce  n'est  pas  sa 
faute.  M.  Biéval  lutte  courageusement  contre  l'insuffisance  de  sa  voix  : 

à  l'impossible  nul  n'est  tenu. 

G.  HÉQUET. 


INSTITUT  NATIONAL  DE  FBAICE. 

SÉANCE  ANNUEL  ILE  HES  CINQ  ACADÉMIES), 

L'Institut  solennisait  lundi,  25  octobre,  la  date  mémorable  de  sa 
formation,  qui  remonte  déjà  à  près  de  soixante  années.  Le  président, 
M.  Lebrun,  a  dignement  rappelé,  dans  une  courte  mais  substantielle 
allocution,  les  avantages  de  cette  réunion  fraternelle  des  diverses  aca- 
démies en  un  seul  corps  ;  il  a  cité  les  noms  glorieux  des  académiciens 
qui  ne  sont  plus,  mais  dont  les  admirables  travaux  ont  illustré  le  der- 
nier demi-siècle,  et  lui  permettent  de  soutenir  le  parallèle  avec  tous 
les  âges  précédents. 

Suivant  l'usage,  chacune  des  académies  apportait  son  tribut  à  la 
séance  commune.  L'Académie  des  sciences  morales  et  politiques  était 
représentée  par  M.  Louis  Rcybaud,  qui  a  lu  la  relation  d'une  visite  au 
couvent  de  la  Trappe  de  Staouéli,  en  Afrique;  l'Académie  des  beaux- 
arts,  par  M.  Halévy,  qui  a  lu  une  notice  sur  Thomas  Britton  ;  l'Acadé- 
mie des  inscriptions  et  belles-lettres  par  M.  Victor  Leclerc,  qui  appor- 
tait de  nouvelles  études  sur  trois  fabliaux  ;  l'Académie  française,  par 
M.  Ampère,  dont  le  contingent  se  composait  d'un  fragment  de  voyage 
au  Canada.  L'Académie  des  sciences  avait  pour  champion  M.  Babinet; 
mais  comme  elle  ne  venait  qu'en  cinquième,  l'heure  avancée  l'a  obli- 
gée à  garder  son  offrande  pour  une  autre  occasion. 

De  toutes  ces  lectures,  dont  chacune  avait  son  mérite  et  son  intérêt, 
la  seule  qui  nous  concerne  directement,  c'est  celle  de  la  notice  sur 
Thomas  Britton,  cet  amateur,  cet  artiste,  cet  antiquaire  musical  d'une 


espèce  si  rare,  sur  lequel  notre  collaborateur,  Edouard  Fétis,  nous  a 
donné  en  1849  trois  articles  si  curieux,  publiés  en  ce  journal.  L'illustre 
auteur  de  la  Juive  et  de  tant  de  chefs-d'œuvre  avait  choisi  ce  même 
Thomas  Britton  pour  texte  d'une  esquisse  non  moins  musicale  que  litté- 
raire. Plus  d'une  fois  déjà  M.  Halévy  a  prouvé  qu'il  écrit  aussi  bien 
qu'il  compose  :  jamais  peut-être  il  n'avait  mieux  réusi  à  mettre  en 
relief  un  talent  qui  n'est  chez  lui  que  du  luxe,  si  cela  pouvait  se  dire 
d'un  talent.  11  a  constamment  charmé,  captivé,  amusé  son  auditoire, 
tout  en  l'instruisant  et  en  l'élevant  à  de  hautes  pensées.  Aussi  a-t-il  re- 
cueilli en  bravos  chaleureux  le  prix  bien  légitime  d'un  travail  qui  sera 
mis  à  côté  de  ses  meilleures  partitions.  Nous  en  dirions  davantage,  et 
nous  entrerions  dans  plus  de  détails,  si  nous  ne  reproduisions  la  notice 
tout  entière  :  tous  nos  lecteurs  nous  en  remercieront. 

Notice  saur  THOMAS  BEtlVrON. 

L'homme  qui  fait  le  sujet  de  cette  notice  n'occupe  qu'une  place  mo- 
deste dans  l'histoire  de  la  musique  ;  sa  vie  cependant  mérite  d'être  ra- 
contée. Né  dans  la  classe  la  plus  pauvre  de  la  société,  et  s' élevant  par 
degré,  sans  quitter  pour  cela  la  position  inférieure  où  le  sort  l'avait 
placé,  il  ajoutait  pour  ainsi  dire  une  vie  nouvelle  à  sa  vie  ancienne,  de 
sorte  que  son  histoire  offre  l'exemple  curieux,  et  peut-être  unique, 
d'une  existence  tout  entière  passée  à  la  fois  dans  le  travail  le  plus  vul- 
gaire et  dans  l'exercice  intelligent  d'un  art  délicat  et  difficile.  Il  faut 
supposer  deux  hommes,  dont  l'un,  forcé,  pour  gagner  sa  vie,  de  se 
livrer  à  la  plus  humble  des  professions,  en  contact  journalier  avec  des 
hommes  grossiers,  habite  une  obscure  boutique  ,  tandis  que  l'autre  , 
doué  d'un  goût  éclairé  pour  les  arts,  en  relation  avec  les  artistes  les 
plus  célèbres  de  son  époque,  et  artiste  lui-même,  reçoit  les  hommes 
les  plus  instruits  d'une  grande  capitale,  les  femmes  les  plus  élégantes 
de  l'aristocratie,  et  fait  de  sa  maison  le  centre  de  brillantes  réunions. 
Thomas  Britton  réunit  à  lui  seul  ces  deux  existences  si  diverses. 

Thomas  Britton,  né  vers  165/i,  dans  le  comté  de  Northampton,  fut 
mis  en  apprentissage  à  l'âge  de  huit  ans,  à  Londres,  chez  un  charbon- 
nier qui  l'employa  à  porter  du  charbon  dans  les  rues  et  à  crier  sa 
marchandise.  Il  resta  pendant  sept  ans  serviteur  chez  ce  maître,  après 
quoi  celui-ci,  reconnaissant  que  l'éducation  de  son  élève  était  termi- 
née, lui  donna  une  petite  somme  d'argent  et  le  renvoya,  exigeant  de 
lui  la  promesse  qu'il  ne  s'établirait  pas  marchand  de  charbon.  Il  faut 
admirer  la  sagacité  de  ce  prudent  maître  charbonnier,  et  croire  que, 
jaloux  des  dispositions  précoces  de  son  élève,  inquiet  de  son  intelli- 
gence d'un  commerce  qu'il  ne  lui  avait  que  trop  bien  enseigné,  il  avait 
déjà  deviné  en  lui  un  concurrent  redoutable. 

Le  jeune  Tom,  emportant  son  petit  pécule,  retourna  dans  son  pays 
natal  et  y  passa  plusieurs  années.  Comme,  malgré  mes  recherches,  je 
n'ai  pu  découvrir  le  nom  du  maître  qui  lui  a  enseigné  la  musique,  cet 
art  qui  devait  occuper  une  si  grande  place  dans  sa  vie,  il  m'est  permis 
de  supposer  que  c'est  pendant  cette  retraite  qu'il  en  reçut  les  premiè- 
res notions,  et  qu'il  apprit  aussi  à  lire  et  à  écrire.  J'aime  donc  à  me 
représenter  notre  héros  libre,  fier,  maître  de  son  temps,  ravi  de  cette 
existence  toute  nouvelle  pour  lui.  Assidu  aux  leçons  de  l'école  du 
village,  prêtant  pendant  le  service  divin  une  oreille  attentive  et  char- 
mée aux  improvisations  du  vieil  organiste,  il  consacre  à  l'étude  le  loisir 
que  lui  a  fait  l'inquiétude  de  son  patron.  Il  devient  musicien  ;  une  an- 
tique basse  de  viole,  trouvée  au  presbytère,  est  désormais  sa  compagne 
constante  et  l'interprète  du  sentiment  musical  dont  il  est  animé.  Cu- 
rieux d'apprendre,  il  copie  les  antiennes ,  les  hymnes  sacrées  des 
vieux  maîtres  anglais  contenues  dans  le  livre  du  chantre.  Dès  lors 
commencent  pour  lui  ces  habitudes  de  travail  et  d'étude  qu'il  ne  de- 
vait plus  oublier.  Son  âme  s'éveille  au  souffle  de  cette  vie  libre  et  ac- 
tive, l'enfant  est  devenu  un  homme,  et  l'homme  un  artiste  ! 

Mais  cette  existence  si  heureuse ,  si  conforme  à  ses  instincts,  doit 
enfin  cesser.  Les  ressources  sont  épuisées,  le  pécule  du  maître  est  tari. 
11  faut  vivre,  il  faut  apprendre,  il  faut  surtout  retourner  à  Londres, 
car  c'est  là  seulement  que  Tom  peut  continuer  cette  vie  d'étude  com- 


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REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


mencée  dans  la  retraite.  Ce  n'est  pas  le  voyage  qui  l'embarrasse,  trente 
lieues  sont  bientôt  franchies;  mais,  encore  une  fois,  il  faut  vivre,  vivre 
indépendant,  ne  rien  devoir  qu'à  son  travail.  Tom  n'hésite  pas.  !1  re- 
devient charbonnier. 

Certes,  pour  prendre  ce  parti,  il  fallait  un  grand  fonds  de  haute 
raison,  de  courage,  de  simplicité  et  d'amour  du  travail.  L'abnégation 
de  tout  sentiment  de  vanité  ne  saurait  aller  plus  loin  ;  c'est  l'acte  d'une 
âme  simple,  concentrée  en  elle-même  ;  aucun  effort  ne  s'y  fait  sentir, 
et  l'on  ne  voit  là  ni  l'orgueil  du  stoïcien  ni  l'insolence  du  cynique. 
Britton  sait  qu'il  est  seul,  inconnu,  perdu  sur  le  pavé  de  Londres  :  il 
ne  demande  rien,  ne  cherche  ni  ami  ni  protecteurs,  ne  frappe  à  au- 
cune porte.  Jeune,  plein  de  confiance  en  Dieu,  humble  et  fort  à  la  fois, 
il  retourne  sans  honte  à  ce  travail  pénible  de  ses  premières  années,  et 
lui  demande  la  vie  de  son  corps  et  la  liberté  de  son  esprit. 

C'est  donc  le  sac  sur  le  dos  que  nous  retrouvons  Britton  dans  les 
rues  de  Londres.  J'aime  à  croire,  pour  son  honneur,  que  son  ancien 
patron  était  mort  ou  avait  au  moins  renoncé  à  son  industrie,  et  que 
par  conséquent  Britton  ne  manquait  pas  à  ses  engagements. 

On  eut  alors  un  étrange  spectacle  :  on  voyait  un  homme  de  taille 
moyenne ,  à  la  physionomie  ouverte  et  intelligente,  vêtu  d'une  jaquette 
bleue,  coiffé  d'un  sac  de  charbon ,  furetant  chez  les  libraires,  bouqui- 
nant chez  les  étalagistes,  recherchant  les  vieux  livres,  avide  de  vieille 
musique.  C'était  notre  ami  Thomas  Britton,  et  ce  goût  pour  les  vieille- 
ries curieuses  fut  l'origine  des  relations  qu'il  contracta  avec  de  hauts 
personnages. 

Vers  cette  époque,  une  véritable  passion  pour  la  recherche  des  vieux 
livres  et  des  manuscrits  s'était  déclarée  parmi  la  noblesse.  Les  princi- 
paux amateurs  étaient  Edouard,  comte  d'Oxford  ;  le  duc  de  Devonshire, 
les  comtes  de  Pembroke,  de  Sunderland,  de  Winchelsea.  Comme  le 
parlement  ne  siégeait  pas  le  samedi ,  ces  personnages  se  rendaient  en- 
semble dans  la  Cité.  Bientôt,  se  séparant,  ils  prenaient  des  routes  di- 
verses et  parcouraient  les  rues  habitées  par  des  libraires.  Lorsqu'ils 
avaient  visité  les  principales  boutiques,  ils  se  réunissaient,  un  peu  avant 
midi,  chez  Christophe  Batteman ,  libraire  et  marchand  de  musique. 
C'était  là  leur  quartier  général.  11  s'y  rencontraient  d'autres  amateurs, 
entre  autres  M.  Bagford  qui,  de  cordonnier,  était  devenu  antiquaire  cé- 
lèbre. La  discussion  s'engageait  alors  sur  les  trouvailles  de  la  journée. 
C'est  là  qu'un  jour,  vers  midi,  au  moment  où  ces  graves  personnages 
étaient  réunis  dans  une  chaleureuse  discussion,  Thomas  Britton,  qui 
venait  de  finir  sa  tournée  du  matin ,  entre  dans  son  accoutrement  de 
charbonnier,  et,  déposant  avec  précaution  son  sac  sur  l'appui  de  la  fe- 
nêtre du  libraire,  il  demande  à  Christophe  Batteman  des  renseignements 
sur  un  livre  rare,  un  recueil  d'anciennes  mélodies.  Qu'on  juge  de  la 
surprise  des  nobles  lords!  On  entoure  Britton,  on  l'interroge;  la  con- 
versation devient  générale  ;  le  goût ,  l'intelligence,  les  connaissances 
réelles  du  pauvre  Tom  font  oublier  son  costume  plus  que  simple  ;  on 
est  touché  de  l'honnêteté  de  son  caractère,  de  sa  bonté,  de  sa  modestie 
vraie  ;  il  devient  pour  un  moment  l'égal  des  pairs  d'Angleterre  ;  il  sé- 
duit, il  étonne,  il  captive  son  auditoire,  et  bientôt  toute  la  compagnie, 
dans  l'entraînement  d'une  sympathie  réciproque,  décide  qu'elle  ira 
dîner  et  passer  le  reste  du  jour  à  la  taverne. 

Cette  taverne,  où  se  réunissaient  habituellement  ces  nobles  seigneurs, 
était  la  taverne  du  Bouchon  en  deuil,  fondée,  sous  le  règne  de  Charles  Ier, 
par  le  célèbre  chansonnier  Taylor,  surnommé  le  Poète  d'eau,  parce 
qu'il  était  batelier.  Cette  enseigne  du  Bouchon  en  deuil  mérite  quelque 
explication,  parce  qu'elle  est  la  manifestation  singulière  d'un  sentiment 
pieux.  Lorsque  Charles  I"  fut  décapité,  Taylor  fut  tellement  affecté  de 
la  mort  du  roi,  qu'il  voulut  que  son  enseigne  portât  le  deuil,  et  qu'il  la 
fit  peindre  en  noir. 

Dès  lors  Britton  fut  admis  régulièrement  aux  réunions  hebdomadaires 
du  libraire  Batteman.  Il  y  trouva  toujours  ses  honorables  amis.  Ces  re- 
lations durèrent  pendant  toute  la  vie  de  Britton;  elles  n'altérèrent  pas 
son  indépendance.   Il  resta  toujours  le  même,  aussi  simplement  à  son 


aise  dans  les  rues  de  Londres,  sous  le  sac  de  charbon,  que  le  chancelier 
d'Angleterre  sur  le  sac  de  laine  à  la  chambre  des  lords. 

Lorsque  Thomas  Britton,  après  ses  courses  fatigantes  dans  la  ville, 
rapportait  chez  lui  ce  sac  vide,  ce  sac,  son  cher  gagne  pain,  le  porteur 
de  charbon  redevenait  musicien.  Il  prenait  alors  sa  basse  de  viole,  sa 
viola  cli  gamba,  et  s'enfermait  soigneusement  dans  son  domicile.  Mais 
il  faut  dire  ce  qu'était  ce  domicile. 

C'était  une  écurie  que  Britton  avait  louée  à  son  arrivée  à  Londres ,  et 
dans  laquelle  il  s'était  d'abord  arrangé  le  mieux  qu'il  avait  pu,  lui  et  ses 
sacs  de  charbon.  Peu  à  peu,  les  bénéfices  de  son  commerce  lui  avaient 
permis  d'en  faire  une  habitation  supportable,  un  magasin  et  une  biblio- 
thèque. Tandis  qu'ainsi  renfermé  et  caché  à  tous  les  yeux ,  il  exécutait 
sur  sa  basse  de  viole  quelques  compositions  de  Jenkins  ,  de  Simpson  , 
du  célèbre  Purcell,  le  plus  renommé  des  maîtres  du  temps,  ou  peut-être 
une  sonate  manuscrite  de  Corelli,  dont  la  réputation  naissante  avait  déjà 
pénétré  en  Angleterre,  Britton  avait  vivement  excité  la  curiosité  d'un 
de  ses  voisins;  mais  l'habitation  singulière  de  ce  voisin  avait  aussi,  de 
son  côté,  attiré  l'attention  de  Britton. 

Car  si  la  demeure  de  Britton,  située  au  rez-de-chaussée,  ne  se  dis- 
tinguait le  soir  que  par  l'obscurité  dans  laquelle  elle  restait  plongée, 
et  ne  trahissait  la  présence  du  propriétaire  que  par  les  sons  discrets  et 
mystérieux  de  la  basse  de  viole;  la  demeure  de  l'inconnu,  au  contraire, 
située  à  l'étage  le  plus  élevé  de  la  maison  voisine ,  resplendissait 
souvent  de  lueurs  singulières.  On  voyait  briller  à  travers  les  vitres  des 
feux  sombres,  dont,  l'éclat  colorait  d'une  teinte  rougeàtre  des  cornues, 
des  alambics,  qu'une  main  hardie  soulevait  au  milieu  de  ces  nuages  et 
de  ces  flammes. 

Cette  demeure  aérienne  était  celle  d'un  alchimiste,  d'un  frère  de  la 
Rose-Croix  très-versé  dans  l'art  de  la  magie  et  de  la  cabale,  et  qui 
poursuivait  le  grand-œuvre.  Un  soir,  l'alchimiste,  une  lampe  à  la  main, 
descendit  de  son  laboratoire  et,  guidé  parla  musique  de  Britton,  il  vint 
frapper  à  la  porte,  que  celui-ci  ne  craignit  pas  d'ouvrir. 

L'alchimiste,  vu  de  près,  n'était  plus  qu'un  pauvre  diable  ruiné  par 
ses  fourneaux,  auxquels  le  charbon  de  Britton  allait  donner  une  acti- 
vité nouvelle.  Car  tel  était  le  but  secret  de  la  visite  de  l'alchimiste  aux 
abois. 

Ce  savant  malheureux,  cet  illuminé  était  un  Français,  un  Parisien, 
le  docteur  Théophile  de  Garencières,  médecin  de  la  faculté  de  Caen. 
Après  toutes  sortes  de  vicissitudes  et  de  mauvaises  fortunes  subies 
dans  son  pays,  il  était  venu  en  Angleterre,  avait  abjuré  la  religion  ca- 
tholique, et  avait  été  reçu  agrégé  à  l'université  d'Oxford.  Nommé  plus 
tard  médecin  de  l'ambassade  française  à  Londres,  il  n'avait  pu  conser- 
ver cette  place,  et  avait  trouvé  la  misère  en  cherchant  la  pierre  philo- 
sophai. Une  amitié  profonde,  basée  probablement  sur  la  bizarrerie 
de  leur  condition,  s'établit  bientôt  entre  ces  deux  hommes  d'un  carac- 
tère si  différent.  L'un,  né  d'une  bonne  famille,  véritablement  instruit, 
mais  courant  après  des  chimères,  était  tombé  de  l'aisance,  et  d'une 
position  honorable,  dans  l'obscurité.  L'autre,  au  contraire,  né  dans  la 
pauvreté,  avait  trouvé  l'aisance  dans  la  simplicité  de  sa  vie  laborieuse, 
et  était  parvenu  à  concilier  le  goût  des  lettres  et  la  passion  de  la  mu- 
sique avec  l'exercice  d'une  profession  pénible.  Britton  cependant  se 
laissa  séduire  aux  discours  de  Garencières.  Il  étudia  avec  lui  la  chimie 
et  l'art  du  chercheur  d'or,  et  bientôt,  avec  l'intelligence  qu'il  portait 
en  toutes  choses,  il  construisit  pour  Garancières  un  laboratoire  portatif 
qui  excita  l'admiration  des  chimistes  de  Londres,  et  qu'on  vint  visiter 
avec  empressement  de  toutes  parts. 

Cet  incident,  qui  détournait  Britton  de  ses  études  habituelles,  et  qui 
aurait  pu  le  ruiner,  puisqu'il  l'attaquait  au  vif  dans  son  commerce,  fut 
pour  lui  un  bonheur.  Un  gentilhomme  du  pays  de  Galles,  qui  avait  vu 
le  fameux  laboratoire,  obtint  de  Tom  qu'il  lui  en  construirait  un  sem- 
blable. Il  l'emmena  dans  son  pays  et  le  récompensa  généreusement. 
Tom  revint  à  Londres  muni  d'une  somme  assez  importante.  Heureuse- 
ment pour  Britton,  Garencières  mourut  bientôt  après,  emportant  avec 


DE  PARIS. 


367 


lui  ses  rêves  dorés,  et  pcul-être  ceux  de  Britton,  que  la  mort  de  son 
ami  rendit  à  ses  premiers  travaux. 

Nous  voici  arrivés  à  l'époque  la  plus  remarquable  de  la  vie  de  Tho- 
mas Britton.  L'argent  qu'il  avait  rapporté  du  pays  de  Galles  le  mit  à 
même  d'agrandir  son  habitation  et  de  réaliser  un  projet  conçu  depuis 
longtemps.  Il  voulait  réunir  chez  lui  les  premiers  artistes  de  Londres, 
les  amateurs  les  plus  distingués  ;  mettre  à  leur  disposition  la  bibliothè- 
que musicale  qu'il  avait  l'ondée,  cl  qu'il  augmentait  encore  touslesjours, 
et  donner  à  ses  frais  des  concerts  sérieux  auxquels  il  inviterait  gratui- 
tement la  belle  société  de  la  ville. 

Rien  de  semblable  encore  n'avait  existé  à  Londres.  Quelques  artis- 
tes, quelques  professeurs  donnaient  à  la  vérité  des  concerts,  mais  ces 
concerts  n'avaient  aucune  importance  sous  le  rapport  de  l'art;  le  plus 
souvent,  d'ailleurs,  ils  avaient  lieu  dans  une  taverne.  On  les  annonçait 
dans  la  Gazelle  de  Londres  avec  le  plus  d'art  et  de  séduction  possible. 
Mais  l'art  de  l'annonce,  si  habilement  perfectionné  depuis,  était  encore 
dans  l'enfance,  comme  on  peut  en  juger  par  l'exemple  suivant  : 

«  Aujourd'hui,  h  février  1674,  à  la  taverne  de  la  Toison,  près  Saint- 
»  James,  à  deux  heures  de  l'après-midi,  tous  les  jours  de  la  semaine, 
»  excepté  le  dimanche,  rare  concert  par  quatre  trompettes  marines, 
»  instrument  inconnu  jusqu'à  ce  jour  en  Angleterre;  prix  des  places, 
»  un  shelling  les  meilleures,  six  sous  les  autres.  » 

La  trompette  marine,  dit  M.  Jourdain,  est  un  instrument  qui  me  plaît 
et  qui  est  harmonieux.  M.  Jourdain,  qui  ne  voulait  qu'une  trompette 
marine,  eût  été  bien  heureux  d'assister  à  ce  concert  qui  lui  en  pro- 
mettait quatre.  Peut-être  n'est-il  pas  inopportun  de  dire  ici  ce  qu'est 
ou  plutôt  ce  qu'était  cet  instrument  harmonieux.  La  trompette  marine 
n'est  pas  une  trompette  ;  c'est  une  sorte  de  guitare  montée  d'une  seule 
corde  très  grosse,  disposée  sur  un  manche  très  long,  et  que  l'on  joue 
avec  un  archet.  Je  n'ai  pu  découvrir  l'origine  du  nom  que  porte  cet 
instrument,  ni  ce  qui  a  pu  lui  mériter  l'honneur  d'être  attaché  à  la 
marine. 

Ce  que  voulut  établir  Britton,  et  ce  qu'il  établit  en  effet,  c'est  un  club 
musical,  une  société  tenant  des  séances  régulières,  s'occupant  de  mu- 
sique, non  dans  un  but  de  lucre,  puisque  le  public  était  invité,  mais 
pour  le  plaisir  des  exécutants  eux-mêmes,  pour  satisfaire  leur  goût  et 
leur  amour  pour  l'art.  On  voit  d'un  coup  d'œil  ce  qu'il  y  avait  d'élevé 
dans  l'entreprise  de  Britton,  ce  qu'elle  avait  de  véritablement  utile,  de 
véritablement  fécond  pour  l'avenir  de  la  musique  en  Angleterre,  et 
quelle  distance  séparait  ces  assemblées  des  concerts  publics  et  des 
charivaris  de  taverne.  L'idée  de  cette  création,  si  désintéressée  dans 
son  but,  si  heureuse  dans  ses  résultats,  appartient  donc  entièrement  au 
charbonnier  Thomas  Britton,  et  ce  doit  être  pour  sa  mémoire  un  éter- 
nel honneur. 

On  ne  peut  s'empêcher  d'éprouver  un  étonnement  profond  en  son- 
geant qu'une  pensée  pareille,  qui  a  quelque  chose  d'éminemment  aris- 
tocratique, est  sortie  du  cerveau,  ou  plutôt  du  cœur  d'un  homme  livré 
depuis  son  enfance  à  des  travaux  si  humbles,  si  pénibles  et  si  peu  en 
harmonie  avec  l'élégance  de  cette  pensée  ;  mais  c'est  là  le  problème  de 
la  vie  entière  de  Britton. 

Voici  comment  était  disposée  la  maison  où  se  donnaient  ces  concerts 
qui  attirèrent  bientôt  la  fleur  de  l'aristocratie.  Au  rez-de-chaussée  était 
le  magasin  de  charbon.  Au-dessus  du  magasin  se  trouvait  la  salle  de 
concert,  longue  et  étroite,  et  si  basse  de  plafond,  qu'un  homme  d'une 
taille  élevée  avaitpeine  à  s'y  tenir  debout.  L'escalier,  ou  plutôt  l'échelle 
qui  conduisait  à  ce  sanctuaire,  était  appliqué  au  mur  extérieur  de  la 
maison,  et  l'ascension  n'était  pas  sans  danger. 

Cette  description  n'a  rien  d'attrayant,  et  l'on  conviendra  que  cette 
maison  offrait  un  assemblage  bizarre;  elle  reflétait,  au  reste,  la  parfaite 
image  du  propriétaire,  et  représentait  bien  aux  yeux  ce  mélange  in- 
croyable de  simplicité  presque  grossière  et  d'une  intelligence  fine  et 
délicate,  cette  aspiration  aux  nobles  jouissances  de  l'art  confondue  avec 
le  préoccupations  d'un  commerce  vulgaire.  11  est  certain  que  Britton, 


avec  les  goûts  que  nous  lui  connaissons  et  la  vie  qu'il  s'était  faite,  ne 
pouvait  avoir  d'autre  habitation. 

Cette  maison  de  si  triste  apparence  reçut  donc  une  sociélé  nom- 
breuse ;  dans  cette  salle  obscure  qui,  malgré  tous  ses  défauts,  paraît 
avoir  été  favorable  à  la  musique,  une  foule  brillante  et  dorée  venait  se 
presser,  et  cachait  la  pauvreté  des  lambris  sous  l'éclat  des  toilettes.  Les 
femmes  du  rang  le  plus  élevé,  les  beautés  les  plus  élégantes,  les  plus 
célèbres  de  l'époque,  ne  craignaient  pas  de  gravir  l'escalier  escarpé  de 
la  salle  de  concert,  et  oubliaient,  en  écoutant,  les  difficultés  qu'il  avait 
fallu  braver  pour  trouver  place  par  les  élus. 

C'est  au  commencement  de  1678  que  Britton  inaugura  ses  concerts. 
11  n'est  peut-être  pas  inutile  de  jeter  un  coup  d'œil  rapide  sur  l'état  gé- 
néral de  la  musique  à  cette  époque. 

Il  semble  que  le  xvn"  siècle,  presque  tout  entier,  ait  été,  pour  l'art 
musical,  une  époque  de  repos  et  une  époque  d'attente.  Un  grand  mou- 
vement s'était  opéré  pendant  le  siècle  précédent,  un  grand  mouvement 
devait  s'accomplir  plus  tard.  C'était  une  de  ces  époques  intermédiaires 
pendant  lesquelles  ceux  qui  sont  appelés  à  féconder  le  champ  fertile 
de  l'art  étudient  le  passé  et  préparent  l'avenir.  C'est  le  silence  d'où 
sortira  bientôt  le  son  retentissant  ;  c'est  l'ombre  d'où  va  jaillir  la  lu- 
mière ;  c'est  le  recueillement  d'où  naîtront  les  grandes  pensées ,  les 
nobles  enfantements.  L'art  de  la  musique  moderne,  le  dernier  né  des 
beaux-arts,  était  jeune  encore,  car,  au  temps  de  la  renaissance,  la 
peinture,  l'architecture,  la  sculpture,  avaient  précédé  le  réveil  de  la 
musique.  Toute  cette  grande  famille  des  premiers  peintres  italiens,  née 
vers  le  milieu  du  xv"  siècle,  disparaissait  emportée  par  le  siècle  sui- 
vant, quand  Palestrina,  ce  révélateur  lumineux  de  la  vraie  musique  re- 
ligieuse, naissait  comme  pour  consoler  le  monde  de  la  mort  de  Ra- 
phaël. 

A  l'époque  dont  nous  retraçons  quelques  traits,  il  n'y  avait  pas  plus 
de  cent  ans  que  Palestrina  avait  produit  ses  belles  prières,  austères  et 
suaves  à  la  fois.  Mais  déjà  de  nouveaux  changements  commençaient  à  se 
manifester.  Les  tentatives  hardies  de  Monteverde,  qui,  lui  aussi,  avait 
ouvert  une  voie  nouvelle  aux  inspirations  des  maîtres  qui  viendraient 
après  lui,  commençaient  à  porter  leurs  fruits.  La  musique  théâtrale, 
née  à  la  fin  de  l'autre  siècle,  faisait  partout  des  conquêtes.  Déjà  un 
événement  remarquable  s'était  accompli  :  le  premier,  parmi  tous  les 
rois,  Louis  XIV  avait  pris  sous  sa  protection  ce  spectacle  nommé  Opéra, 
à  la  splendeur  duquel  devaient  concourir  tous  les  beaux-arts,  mais  seu- 
lement pour  faire  cortège  à  la  musique,  qu'on  entourait  ainsi  à  son 
berceau  de  luxe  et  d'éclat,  comme  un  enfant  d'un  sang  royal.  Autour 
de  Lully,  domintteur  jaloux,  on  voyait  en  France  un  groupe  assez 
nombreux  de  bons  musiciens,  que  son  humeur  ombrageuse  savait  tenir 
à  distance  :  Henry  Dumont,  maître  de  chapelle  de  Louis  XIV,  excellent 
compositeur  et  organiste,  qui,  par  un  scrupule  religieux,  et  pour  obéir 
aux  décisions  du  concile  des  Trente,  refusa  pendant  longtemps,  malgré 
le  désir  du  roi,  d'ajouter  à  ses  motets  des  accompagnements  d'or- 
chestre, et  dont  les  productions  religieuses,  d'une  expression  vraie, 
sont  encore  appréciées  et  entendues  avec  plaisir  ;  Michel  de  Lalande, 
auteur  de  motets  estimés,  qui,  refusé  par  Lully  comme  violoniste,  de 
dépit  brise  son  instrument,  retourne  à  l'étude  de  la  composition,  et 
devient  aussi  plus  tard  un  des  maîtres  de  chapelle  du  roi;  Jean-Baptiste 
Moreau,  arrivant  presque  enfant  et  sans  appui  à  Versailles,  et,  déses- 
péré de  ne  pouvoir  se  faire  entendre  à  la  cour,  parvenant  à  se  cacher 
dans  le  cabinet  de  toilette  de  la  dauphine  Victoire  de  Bavière,  qui  rit 
de  sa  naïveté,  se  laisse  charmer  par  un  air  de  sa  composition  et  le  pré- 
sente au  roi.  Il  dut  à  cette  audace  d'entrer  à  la  chapelle  royale,  et 
d'être  ensuite  choisi  par  Racine  et  par  Mme  de  Maintenon  pour  mettre 
en  musique  les  chœurs  A'Esther  et  i'Athalie;  Michel  Lambert,  le  chan- 
teur élégant  illustré  par  Boileau,  le  maître  à  chanter  du  beau  monde, 
et  l'auteur  de  charmantes  petites  cantates,  de  chansons  tendres  et 
d'une  mélodie  facile,  qu'on  appelait  des  brunelles,  et  dont  Benserade 
et  Quinault  lui  fournissaient  les  paroles.  Lully  devint  son  gendre.  C'é- 
taient encore  Guillaume  Minoret,  Marc-Antoine  Charpentier,   Loulié, 


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REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


professeur  et  théoricien,  premier  inventeur  du  métronome;  Marchand, 
Couperin  et  d'autres  que  je  m'abstiens  de  nommer. 

L'Allemagne  n'était  encore  habile  que  dans  la  musique  instrumen- 
tale, et  célèbre  que  par  ses  excellents  organistes  et  clavecinistes.  La 
forte  dynastie  des  Bach  florissait  déjà;  mais  le  maître,  le  grand  Sébas- 
tien, ne  devait  naître  qu'à  la  fin  du  siècle. 

En  Italie,  Alexandre  Scarlatti,  le  premier  d'une  race  nouvelle,  se 
préparait  à  inaugurer  sa  brillante  et  féconde  carrière ,  et  bientôt 
on  allait  représenter  à  Rome,  dans  le  palais  de  la  reine  Christine, 
le  premier  des  cent  quinze  opéras  qu'il  devait  composer.  La  réputation 
des  maîtres  qui  l'avaient  précédé  depuis  le  commencement  du  siècle, 
Cavalli,  Cesti,  Rovetta  et  d'autres  encore,  allait  s'éteindre  devant  l'é- 
clat de  cet  astre,  déjà  puissant  à  son  aurore. 

La  musique  en  Angleterre,  grave  et  doctorale  à  l'église,  naïve  et 
quelquefois  piquante  dans  ces  petits  airs  qu'on  nommait  des  Glees, 
arrêtée  dans  ses  développements  par  les  révolutions,  comptait  cepen- 
dant des  maîtres  savants.  Le  plus  habile,  le  plus  profond,  était  Henry 
Purcell,  musicien  fécond  et  original,  plein  de  sève  et  de  vigueur,  qui 
mourut  à  trente-sept  ans,  laissant  après  lui  de  nombreuses  productions, 
remarquables  par  l'élévation  et  la  majesté  du  style. 

Nous  venons  de  tracer  un  aperçu  sommaire  de  l'état  de  la  musique 
en  Europe.  Louis  XIV  venait  de  créer  l'opéra  en  France,  la  reine 
Christine  livrait  son  palais  aux  débuts  de  Scarlatti.  En  Angleterre,  un 
pauvre  charbonnier  ouvre  à  la  musique  une  sorte  de  salle  d'asile.  Mis- 
sionnaire humble  et  dévoué,  il  répand  autour  de  lui  l'amour  sincère  et 
profond  dont  il  est  animé.  Utile  par  l'exemple  qu'il  donne,  par  l'œuvre 
qu'il  a  fondée,  il  rendra  la  voie  facile  à  ceux  qui  le  suivront,  longtemps 
encore  après  que  son  nom  aura  été  oublié.  Les  arts  ont  aussi  leurs  pion- 
niers, et  le  chef  renommé  qui  marche  au  grand  soleil,  portant  fièrement 
sa  bannière  éclatante,  ne  sait  pas  le  nom  du  soldat  obscur  qui  lui  a 
frayé  le  chemin. 

Essayons  de  recomposer  par  la  pensée  une  séance  du  club  deBritton. 
N'oublions  pas  que  ces  concerts  se  soutinrent  pendant  près  de  trente- 
six  ans,  depuis  1678  jusqu'en  171/j,  époque  de  la  mort  de  Thomas 
Britton,  et  que  pendant  ce  long  espace  de  temps  le  personnel  des  exé- 
cutants, aussi  bien  que  celui  des  auditeurs,  dut  se  renouveler  plusieurs 
fois  avec  des  chances  diverses.  Prenons  donc  une  époque  brillante,  et 
supposons  qu'au  mois  de  décembre  1710,  époque  de  l'arrivée^  de 
Handel  à  Londres,  nous  entrons  dans  le  salon  de  musique  de  l'as- 
semblée. 

Mais  ce  n'est  plus  dans  la  maison  noire  de  Britton  que  se  tiennent  les 
séances.  C'est  dans  une  habitation  plus  confortable  du  voisinage.  Là, 
plus  d'échelle  à  gravir  :  nous  pénétrons  dans  la  salle  de  concert  par  un 
degré  commode  et  convenable.  Britton  a  quitté  sa  maison  pour  échap- 
per à  un  commencement  de  persécution,  à  des  propos  de  tous  genres. 
La  singularité  de  sa  vie  et  de  son  caractère  avait  éveillé  l'attention  des 
mécontents  et  des  jaloux.  On  commençait  à  dire  que  ses  assemblées 
pouvaient  bien  cacher  des  menées  séditieuses;  d'autres,  se  rappelant 
sa  liaison  avec  Garancières,  prétendaient  qu'on  ne  s'y  occupait  que  de 
magie;  d'autres  encore  le  donnaient  pour  un  athée,  pour  un  presbyté- 
rien ou  pour  un  jésuite.  «  Mais  tout  cela  n'était  que  des  conjectures 
mal  fondées,  dit  un  biographe  anglais  :  il  était  honnête,  simple  et  droit, 
et  parfaitement  inoffensif.  » 

Quoi  qu'il  en  soit,  il  paraît  que  Britton  crut  devoir  quitter  sa  maison 
et  constituer  un  véritable  club.  Les  souscripteurs  furent  dès  lors  natu- 
rellement soumis  à  une  cotisation.  Elle  était  de  dix  shellings  par  an. 
L'établissement  se  trouvait  enrichi  d'une  buvette  dans  laquelle  chaque 
abonné  avait  le  droit  de  prendre  du  café  moyennant  la  redevance  d'un 
sou  par  tasse.  Il  ne  faut  pas  oublier  que  le  café  n'était  introduit  que 
depuis  quelques  années  en  Angleterre  et  en  Europe  :  il  ne  faut  donc 
voir  là  qu'un  tribut  payé  à  la  mode,  et  n'en  rien  conclure  de  fâcheux 
pour  la  dignité  du  club. 

Entrons  dans  cette  nouvelle  salle.  Nous  y  trouverons  des  artistes 
bien  placés  dans  le  monde,  de  nobles  seigneurs  de  la  cour  de  la  reine 


Anne,  et  de  belles  dames  dans  d'élégants  atours.  Voici  lord  Bolingbroke, 
puis  le  comte  de  Burlington  et  le  duc  de  Chandos,  deux  Mécène  poul- 
ies musiciens.  Le  clavecin,  accordé  avec  le  plus  grand  soin  par 
Britton  lui-même,  est  déjà  chargé  du  pupitre.  Des  volumes  sortis 
de  la  bibliothèque  de  Britton,  dont  le  catalogue  est  entre  nos  mains, 
sont  déjà  préparés,  ouverts  au  bon  endroit.  Nous  voyons  sur  ce  cata- 
logue les  plus  illustres  noms  contemporains. 

On  va  exécuter  des  fragments  du  Roi  Arthur,  célèbre  opéra  de 
Purcell,  mort  depuis  quinze  ans,  la  musique  composée  par  Mathieu 
Lock  pour  le  Macbeth  de  Shakspeare,  des  sonates  de  Bassani  et  de 
Corelli,  et  d'autres  morceaux  encore.  Le  grave  et  savant  docteur  Pe- 
pusch,  qui,  marchant  sur  les  traces  de  Britton,  vient  de  fonder  la  So- 
ciété de  l'ancienne  musique,  entre  et  se  met  au  clavecin.  Voici  un  des 
meilleurs  violonistes  du  théâtre  de  Drury-Lane,  M.  John  Banister, 
élève  de  son  père,  qui  perdit  la  place  de  directeur  de  la  chapelle 
royale,  pour  avoir  osé  dire,  devant  le  roi  Charles  II,  que  les  Français 
jouaient  mieux  du  violon  que  les  Anglais.  Voici  M.  Henry  Needler, 
contrôleur  général  des  douanes,  élève  pour  la  composition  de  feu  Pur- 
cell, et  pour  le  violon  de  Banister  le  père.  Cet  autre  est  le  poëte  Jean 
Hughes,  l'ami  de  Pope  et  d'Addison,  l'auteur  d'une  ode  en  l'honneur 
de  la  musique,  et  excellent  musicien.  Tout  en  jouant  sa  partie,  il  pense 
à  sa  tragédie  du  Siège  de  Damas  qu'il  vient  de  commencer,  mais  qu'il 
ne  verra  pas,  car  il  mourra  le  jour  même  de  la  première  représenta- 
tion. Peut-être  Pope  et  Addison  sont-ils  dans  l'auditoire.  Voici  M.  Woo- 
laston,  le  peintre,  qui  vient  de  terminer  le  portrait  de  M.  Britton.  Brit- 
ton, un  matin,  pendant  sa  tournée  habituelle  de  charbonnier,  se  rap- 
pela qu'il  avait  à  parler  à  M.  Woolaston  ;  mais  n'osant,  par  discrétion, 
se  présenter  chez  lui  dans  son  ajustement,  il  eut  l'idée  de  passer  de- 
vant la  demeure  du  peintre  en  criant  son  charbon  M.  Woolaston  re- 
connut la  voix  de  son  ami,  ouvrit  la  fenêtre  et,  l'invitant  à  monter, 
profita  de  cette  occasion  pour  commercer  son  portrait,  en  jaquette 
bleue,  avec  une  mesure  de  charbon  à  la  main.  Le  poëte  Jean  Hughes  a 
composé  une  inscription  en  vers  pour  ce  portrait,  que  vous  avez  pu 
voir  au  Musée  britannique.  Voici  les  organistes  Philippe  Hart,  Obadiah 
Shuttleworh,  Abel  Whichello.  Ce  jeune  homme  qui  entre  maintenant, 
et  sur  lequel  tous  les  yeux  se  portent  avec  tant  d'intérêt  et  de  curiosité, 
c'est  un  étranger,  c'est  M.  Handel ,  Te  maître  de  chapelle  de  l'électeur 
George  de  Hanovre  ;  c'est  la  première  fois  qu'on  va  l'entendre  à  Lon- 
dres, où  il  arrive  précédé  d'une  immense  réputation.  Les  dames  se 
lèvent  pour  le  regarder.  Le  voilà  qui  se  met  au  clavecin ,  au  grand 
chagrin  du  docteur  Pepusch.  Cet  enfant  qui  monte  sur  un  escabeau,  et 
qui  paraît  tellement  ébloui  de  la  splendeur  de  cet  auditoire  imposant, 
qu'il  tomberait  si  on  ne  venait  à  son  aide,  c'est  un  petit  prodige  dont 
s'entretiennent  déjà  tous  les  amateurs  de  Londres,  c'est  le  jeune  Ma- 
thieu Dubcurg,  l'élève  de  Geminiani;  il  va  tout  à  l'heure,  et  pour  son 
début  en  public,  jouer  sur  le  violon  une  sonate  de  Corelli ,  et  Handel 
lui-même  l'accompagnera.  Vous  voyez  qu'avec  de  tels  éléments  la 
séance  ne  peut  manquer  d'être  variée  et  intéressante. 

Comme  si  l'existence  de  Britton  eût  été  liée  à  celle  de  ces  concerts, 
c'est  dans  cette  salle  qu'il  avait  fondée  et  au  milieu  d'un  concert  qu'il 
reçut  le  coup  qui  devait  le  frapper  mortellement,  et  sa  mort  fut  aussi 
singulière  que  l'avait  été  sa  vie. 

Parmi  les  habitués  du  club  Britton  se  trouvait  un  nommé  Robe,  qui 
faisait  fréquemment  sa  partie  dans  les  concerts.  Comme  il  était  un  des 
juges  de  paix  pour  le  comté  de  Middlesex,  il  avait  reçu  le  surnom  de 
Robe  de  Justice.  Robe  avait  fait  la  connaissance  d'un  forgeron  nommé 
Honeyman.  Ce  forgeron  était  ventriloque.  Robe  eut  la  malheureuse 
idée  d'amener  son  ventriloque  à  un  concert,  pour  effrayer  Britton  dont 
il  connaissait  la  simplicité.  Il  n'y  réussit  que  trop  bien.  Au  milieu  d'un 
morceau  qui  captivait  l'attention  de  l'assemblée,  une  voix  se  fit  enten- 
dre, qui  semblait  sortir  des  entrailles  de  la  terre  :  «  Tombe  à  genoux, 
Thomas  Britton,  ton  heure  est  venue  ;  fait  ta  prière,  tu  vas  mourir  !  » 
Le  pauvre  Britton,  saisi  d'effroi,  tombe  à  genoux,  et,  dans  une  su- 
prême angoisse,  il  recommande  son  âme  à  Dieu.  On  dit  qu'il  avait  cru 


DE  PARIS. 


369 


reconnaître  la  voix  de  Garencières,  son  ancien  ami.  On  s'empressa  de 
le  détromper  ;  il  fut  à  l'instant  même  l'objet  des  soins  les  plus  assidus; 
mais  tout  fut  inutile,  le  coup  était  porté.  Thomas  Britton  mourut  deux 
jours  après,  au  mois  de  septembre  1714,  à  l'âge  de  soixante  ans. 

«  Au  résumé,  dit  un  écrivain  anglais,  ce  fut  un  homme  très-extra- 
ordinaire et  très-estimé,  fort  admiré  par  les  gentilshommes,  même 
ceux  de  la  plus  haute  qualité,  aussi  bien  que  par  les  hommes  d'un 
rang  inférieur.  Tous  étaient  pleins  de  respect  pour  sa  probité,  son  in- 
telligence, son  exactitude  et  son  humilité.  Je  dis  humilité,  parce  que, 
tout  renommé  qu'il  fût  pour  ses  connaissances,  et  pouvant  par  consé- 
quent vivre  très-honorablement  sans  son  commerce,  il  le  continua  ce- 
pendant jusqu'à  sa  mort,  ne  le  regardant  pas  comme  au-dessous  de 
lui.  11  était  tellement  connu,  continue  l'historien,  que  lorsqu'il  passait 
dans  les  rues  de  Londres,  vêtu  de  sa  blouse  bleue  et  son  sac  sur  la 
tête,  on  disait  autour  de  lui  :  «  Voilà  le  fameux  charbonnier,  l'ami  du 
savoir,  l'habile  musicien  et  le  camarade  des  gentlemen.  »  11  fut  enterré 
dans  le  cimetière  de  l'église  de  Clerkenwell,  quartier  qu'il  avait  tou- 
jours habité,  sans  monument  ni  inscription,  mais  accompagné  à  sa  der- 
nière demeure  par  un  grand  concours  de  public  de  toutes  les  condi- 
tions. » 

Telle  fut  la  fin  de  Thomas  Britton  :  ce  composé  bizarre  a  vécu  dans 
un  temps  et  dans  un  pays  qui  lui  ont  permis  de  se  développer  en  toute 
liberté.  Il  me  semble  qu'un  charbonnier,  donneur  de  concerts,  patron 
des  artistes,  collectionneur  de  curiosités ,  recevant,  avec  sa  jaquette 
bleue,  de  belles  dames  dans  un  salon  situé  au-dessus  d'un  magasin  de 
charbon,  et  auquel  il  fallait  arriver  par  une  échelle,  n'aurait  pu  exister 
ailleurs  qu'en  Angleterre. 

Britton  avait  été  marié;  sa  femme  ne  paraît  avoir  rempli  dans  son 
existence  que  le  rôle  d'une  bonne  ménagère.  Il  ne  lui  laissa  guère  que 
ses  livres,  sa  bibliothèque  musicale,  composée  d'ouvrages  gravés  ou 
copiés  de  sa  main ,  et  une  collection  considérable  d'instruments  de 
musique.  Les  catalogues  de  ces  diverses  collections  ont  été  imprimés 
et  sont  peut-être  encore  aujourd'hui  entre  les  mains  des  curieux.  Tout 
cela  fut  vendu  au  profit  de  la  veuve,  et  dut  produire  une  somme  assez 
importante,  puisque  la  vente  dura  trois  jours. 

L'exemple  donné  par  Thomas  Britton  ne  fut  pas  stérile.  Déjà,  de 
son  vivant,  la  Société  de  l'ancienne  musique  avait  été  fondée.  Le  sol 
de  l'Angleterre  fut  bientôt  couvert  de  nombreuses  associations  de  ce 
genre,  aujourd'hui  en  pleine  voie  de  prospérité.  A  sa  mort,  la  musique 
avait  fait  de  grands  progrès,  et  les  brillantes  promesses  du  passé  com- 
mençaient à  s'accomplir.  Porpora,  Léo ,  Durante,  ces  maîtres  toujours 
vénérés  de  la  belle  école  napolitaine,  allaient  charmer  l'Europe  par  la 
pureté,  l'élégance  de  leur  style.  Le  génie  de  Sébastien  Bach  semblait 
prédire  les  futures  destinées  de  l'Allemagne,  où  déjà  la  musique  dra- 
matique de  Keyser  signalait  une  ère  nouvelle.  En  Angleterre,  Handel 
allait  imprimer  à  la  musique  le  sceau  de  sa  puissante  manière,  tandis 
qu'en  France,  Rameau  se  préparait,  par  de  patientes  études,  à  ses 
belles  découvertes  thériques,  et  aux  succès  tardifs  que  son  talent  ner- 
veux et  original  réservait  à  sa  maturité.  Pendant  ce  temps  aussi,  et  à 
quelques  années  de  distance,  deux  enfants  étaient  nés,  l'un  dans  la  pa- 
trie de  Raphaël,  l'autre  dans  une  petite  ville  d'Allemagne.  Le  premier 
de  ces  enfants  se  nommait  Pergolèse,  le  second  était  Gluck. 

F.  HALÉVY, 
Membre  de  l'Académie  des  Le  tux-arts. 


(2e  article)  (I). 

Dans  le  dernier  article  que  j'ai  publié  au  sujet  à'Elie,  de  Mendels- 
sohn,  je  renvoyais,  par  des  indications,  le  lecteur  à  la  grande  partition 
dont  la  bibliothèque  du  Conservatoire  possède  quelques  exemplaires. 


(  )  Voir  le  numéro  d3. 


Cette  bibliothèque,  si  incomplète  qu'elle  soit,  peut  être  regardée  ce- 
pendant comme  l'arche  de  Noé  de  l'art  musical  ;  elle  nous  conserve  les 
spécimens  des  ouvrages  perdus  pour  le  vulgaire.  Des  artistes  m'ont  su 
gré  de  ces  indications;  ils  ont  approuvé  ce  système  de  critique  qui 
consiste  à  n'avancer  une  opinion  qu'en  offrant  le  moyen  de  la  discuter. 
Persuadé,  d'ailleurs,  que  ces  études  sont  profitables  aux  artistes  et  aux 
amateurs  éclairés,  et  que  la  lecture  de  la  partition  en  dit  plus  que  bien 
des  pages  de  critique,  j'aurai  recours  au  même  système,  pour  le  Re- 
quiem de  Berlioz  ;  j'engagerai  à  le  consulter  ceux  qui  ont  le  bonheur  de 
pouvoir  suivre  de  l'œil  les  lignes  si  croisées,  si  savamment  entrelacées 
de  ce  bel  édifice  musical  :  une  partition  de  l'un  de  nos  grands  maîtres 
modernes. 

Commençons  notre  analyse  du  Requiem.  Le  Kyrie  (n°  l)est  l'un  des 
morceaux  où  l'inspiration  est  en  même  temps  la  plus  diverse  et  la  plus 
continue.  On  pourrait  dire  qu'il  y  a  surabondance  de  richesses,  si  ces 
mélodies  qui  éclosent  spontanément,  si  ces  rbythmes  qui  surgissent 
d'un  détail  isolé  placé  sur  le  second  plan,  pour  céder  à  leur  tour  la 
place  à  quelque  création  également  inattendue,  n'avaient  pour  pilier 
l'admirable  phrase  du  début  (page  2,  mesure  6)  proposée  par  les  basses- 
tailles.  Cette  phrase  qui  persiste  au  milieu  de  tant  d'accents  divers , 
c'est  le  tronc  séculaire  autour  duquel  un  riche  feuillage  déroule  ses  pa- 
naches ondoyants.  Grâce  à  cette  noble  phrase,  toujours  présente  à  la 
pensée  du  compositeur  et  à  l'intelligence  de  l'auditeur,  grâce  aussi  au 
dessin  chromatique  qui  en  embrasse  les  contours,  l'unité  linéaire,  comme 
s'exprime  au  sujet  de  la  peinture  un  illustre  critique,  non-seulement 
est  conservée,  mais  elle  s'embellit  de  tous  les  charmes  que  viennent 
lui  prêter  le  prestige  de  l'imagination  et  le  solide  appui  de  la  science. 

Je  n'ai  pas  besoin  de  dire  que  cette  grâce,  que  ces  charmes  n'ont  rien 
en  eux-mêmes  que  de  sérieux  et  de  compatible  avec  la  gravité  du 
sujet.  La  grâce  dans  la  grandeur,  dans  l'austérité  même,  c'est  le  secret 
des  plus  grands  artistes  :  c'était  celui  de  Raphaël  lorsqu'il  peignait  les 
Stanze  du  Vatican  ;  de  Dante  lorsqu'il  traçait  de  sa  plume  inspirée 
l'admirable  épisode  de  Francesca  et  de  Paolo,  et,  qu'on  me  permette 
de  le  dire,  même  après  avoir  cité  ces  grands  noms,  c'est  le  secret  de 
l'auteur  du  Requiem  dans  ce  majestueux  morceau. 

Au  milieu  de  ces  nombreux  détails,  j'arrêterai  d'abord  l'attention  du 
lecteur  sur  les  premières  mesures.  J'ai  parlé  dans  cette  revue  de  l'u- 
nion qui  devait  un  jour  s'accomplir  entre  la  mélodie,  Y  harmonie  et  le 
rhythme,  diversifiés  par  la  sonorité,  et  colorés  par  l'accent,  l'agent  le 
plus  immatériel  de  la  pensée  du  compositeur,  celui  qui  donne  le  relief 
suprême  à  son  œuvre;  j'ai  dit  comment  de  cette  union  des  éléments 
primordiaux  doivent  naître,  dans  l'avenir,  une  foule  de  combinaisons 
précieuses,  et  quel  vaste  champ  sera  ouvert  au  génie.  Le  début  du 
Requiem  en  offre  un  exemple  remarquable.  Ici  c'est  l'unisson,  incolore 
de  sa  nature,  qui  est  modifié  par  le  timbre  et  l'accent  :  les  instruments 
à  cordes  déroulent  lentement  en  unisson  une  période  chromatique  de 
six  notes  ;  sur  la  sixième  note  les  cors  et  bassons  s'insinuent  pour  ainsi 
dire  dans  la  mélodie  ;  le  crescendo  renforce  la  sonorité,  qui,  toutà  coup, 
s'affaiblit  et  retombe  dans  un  morne  silence  (page  1). 

Dans  le  caractère  de  son  instrumentation,  Berlioz  se  plaît  quelquefois 
à  confier  au  chœur  ou  à  certaines  voix  de  l'orchestre  des  passages  dont 
la  texture  naturelle  semblerait  appartenir  à  une  autre  famille  d'instru- 
ments. Cette  transposition,  tentée  par  une  main  maladroite,  produirait 
un  déplorable  effet;  mais  exécutée  par  une  main  habile,  elle  donne  une 
extrême  variété  à  l'orchestration.  A  considérer  la  figure  écrite  pour  les 
premiers  soprani  (page  3) ,  on  la  prendrait  facilement  pour  la  suave  et 
molle  ondulation  d'un  accompagnement  de  violon.  Dans  ce  dernier  cas 
elle  serait  peu  remarquée  ;  mais  le  timbre  séraphique  des  voix  de 
femmes  uni  aux  sons  des  violons  et  de  la  flûte,  rend  plus  moelleux 
encore  les  contours  de  la  mélodie.  Cette  phrase,  du  reste,  demande 
beaucoup  d'égalité  dans  les  voix  ;  elle  exigerait  des  chanteurs  des 
beaux  temps  de  l'école  romaine,  alors  que  le  style  lié  était  en  honneur 
et  qu'il  n'avait  pas  fait  place  à  ce  placage  vocal  qui ,  sur  nos  théâtres, 
détruit  à  la  fois  le  charme  de  l'articulation  et  celui  de  l'accent,  et  trans- 


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REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


forme  le  sublime  interprète  de  l'âme,  la  voix  humaine,  en  instrument 
de  percussion. 

Un  rhythme  curieux  est  celui  que  proposent  les  violoncelles  à  la  page  6: 
il  présente  au-dessous  d'une  belle  et  noble  mélodie  confiée  aux  ténors, 
une  figure  en  croches,  disposée  de  façon  à  introduire  le  rhythme  binaire 
au  milieu  des  combinaisons  du  rhythme  ternaire.  Ces  intersections  de 
rhythmes  étaient  peu  pratiquées  par  les  anciens  compositeurs  :  on  en 
trouve  rarement  des  exemples  chez  Haydn  et  chez  Mozart  ;  elles  de- 
viennent moins  rares  dans  les  ouvrages  du  dernier  style  de  Beethoven  ; 
chez  Berlioz  elles  abondent  au  point  de  devenir  quelquefois  un  défaut  ; 
mais  presque  toujours  elles  sont  la  source  de  beautés  inattendues.  Dans 
le  domaine  du  rhythme  Berlioz  est  un  novateur  ;  et  à  propos  de  cette 
branche  de  l'art,  l'inspiration  depuis  longtemps  lui  avait  dicté  ce  qu'en- 
seigne aujourd'hui  la  théorie. 

Je  signale  (je  suis  obligé  de  me  borner,  je  ne  puis  faire  un  livre) 
parmi  les  variétés  d'accents  et  de  rhythmes  le  murmure  produit  par 
le  dédoublement  du  mouvement  (page  9)  sur  les  paroles  Defimctis  Do- 
mine, et  ce  brusque  et  dur  pizzicato  ,  pareil  à  un  accent  de  menace  qui 
répond  aux  pécheurs  suppliants.  Quelques  mesures  après,  un  rayon 
vient  traverser  ces  nuées  sombres  ;  la  flûte  et  la  clarinette  s'unissent 
sur  une  cadence  lente,  d'une  molle  langueur.  11  est  évident  que  les 
mots  Lux  perpétua  ont  dicté  cette  nuance  au  compositeur  :  c'est  la 
lumière,  mais  point  encore  la  lumière  éclatante  des  élus  ;  c'est  une 
pâle  lueur  du  séjour  céleste  à  peine  entrevu.  Je  signale  également  la 
mélodie  implacable  que  les  instruments  à  vent  font  entendre  au- 
dessus  du  brouillard  harmonique  qui  s'élève  du  sein  des  instruments 
à  cordes.  Pour  faire  preuve  de  science,  j'ajouterai  que  c'est  à  peu  près 
la  phrase  chromatique  du  début  traitée  par  mouvement  contraire.  C'est 
le  terme  dont  se  sert  l'école  ;  les  savants  seront  contents,  eux  qui  n'ap- 
prouvent un  effet  nouveau  qu'à  la  condition  de  pouvoir  l'encadrer  dans 
un  des  articles  de  leur  code. 

L'Iterwn  venturus  est  est,  on  le  sait,  une  phrase  du  Credo.  Au 
point  de  vue  liturgique,  Berlioz  a  commis  une  licence  qui  pourrait 
passer  pour  une  sorte  de  dédain  du  texte  sacré,  si  elle  ne  cadrait  pas 
parfaitement  avec  le  sujet.  Au  point  de  vue  du  drame,  cela  est  d'autant 
plus  facile  à  excuser,  qu'il  en  résulte  les  plus  grandes  beautés.  Les  in- 
struments de  cuivre  (page  26)  sont  disposés  sur  quatre  coins  de  l'or- 
chestre. C'est  la  voix  des  anges  qui  résonnent  du  midi  au  nord,  de 
l'orient  au  couchant. ,  Les  rhythmes  inflexibles  se  croisent ,  se 
mêlent .  s'enchevêtrent  ;  les  triolets  s'entassent  sur  les  doubles 
croches,  que  découpent  et  hachent  les  syncopes  énergiques  ;  le  plus 
terrible  des  ré  \>  qui  soit  sorti  de  la  plume  d'un  compositeur  éclate 
comme  un  coup  de  tonnerre,  entr'ouve  les  flancs  du  globe  et  montre  au 
jour  les  morts  épouvantés.  Là  ne  s'arrête  point  l'émotion.  Les  timba- 
les, comme  de  fougueu:es  cataractes,  se  précipitent  au  milieu  des 
ondes  bouillonnantes  de  l'harmonie.  Elles  sont  accordées  de  façon  à 
produire  les  principaux  accords  de  la  gamme.  Isolées  de  l'orchestre, 
leur  sonorité  serait  peut-être  confuse  et  difficile  à  apprécier  ;  mais  sur 
le  coup  violent  qui  accuse  le  troisième  temps  de  la  mesure  (page  31), 
elles  arrivent  à  s'affermir.  La  grosse  caisse  vient  joindre  aux  timbales 
sa  voix  tonnante.  Et  ici,  j'en  fais  l'observation,  elle  occupe  convenable- 
ment un  poste  d'honneur;  elle  dépeint  les  détonations  souterraines  du 
globe  miné  par  les  volcans.  A  propos  d'un  de  ses  opéras,  l'on  disait  à 
Mozart  :  «  Que  de  notes!  —  Pas  une  de  trop,  »  répondit  Mozart.  De 
même,  si  l'on  reprochait  à  Berlioz  les  instruments  de  cuivre  :  «  Pas 
un  de  trop,  »  aurait-il  le  droit  de  répondre. 

Je  saisis  cette  occasion  de  faire  cette  observation,  que  de  tous  les 
compositeurs  modernes,  Berlioz  est  celui  qui  sait  tirer  de  l'orchestre 
une  sonorité  plus  pleine,  plus  ronde,  plus  homogène,  sans  jamais  dé- 
passer les  limites  du  bon  sens  et  de  la  vérité  ;  je  dis  cela  à  l'adresse  des 
bonnes  gens  qui  supposent  que  Berlioz  est  le  compositeur  qui  fait  le  plus 
de  bruit.  Il  n'est  pas  de  mince  auteur  d'ouvrages  en  un  acte  au  théâtre 
de  l'Opéra-Comique  qui  ne  pourrait  lui  en  remontrer  à  ce  sujet. 

Les  compositeurs,   aidés,  on  pourrait  peut-être  dire  trahis,  par  le 


rhythme  des  versets  de  la  prose,  sont  presque  tous  retombés  dans  les 
mêmes  formules  au  début  Le  dessin  rhythmique  de  ce  vers  :  Dies  irœ, 
dies  Ma,  est  le  même  chez  Mozart  et  chez  Cherubini;  la  note  seule  (je 
ne  puis  dire  la  mélodie)  est  changée.  Je  n'accuse  pas  ces  grands  maî- 
tres d'une  faute  où  il  semble  si  naturel  de  tomber;  mais,  avec  plus  de 
recherches,  ils  eussent  donné  plus  de  nouveauté  à  leur  pensée.  Chez 
Mozart,  l'entrée  du  Tuba  mirum  est  merveilleuse;  la  voix  du  trombone 
proclamant  dans  le  silence  des  cieux  l'arrêt  de  mort  de  la  terre,  est  une 
idée  sublime;  mais  c'est  plutôt  un  trait  de  génie  qu'une  composition 
puissamment  conçue.  Berlioz,  lui,  ne  s'est  pas  abandonné  à  la  séduc- 
tion d'un  rhythme  tout  tracé;  il  a  pnisé  son  inspiration  dans  les  en- 
trailles mêmes  du  sujet.  Ce  Dies  irœ,  conçu  d'un  seul  souffle,  semble 
un  bloc  énorme  et  incandescent  de  notre  planète  brisée  au  jour  du  ju- 
gement. 

En  musique,  le  caractère  des  œuvres  sérieusement  inspirées,  c'est 
non  seulement  d'émouvoir  l'âme  par  les  moyens  qui  appartiennent  en 
propre  à  l'art,  mais  encore  de  raviver  en  elle  le  souvenir  des  grandes 
pensées  qui  l'ont  émue  jadis,  des  belles  œuvres  dont  les  autres  arts  lui 
ont  laissé  une  empreinte  affaiblie  par  le  temps,  mais  ineffaçable.  Je 
ne  puis  entendre  ce  morceau  de  Berlioz  sans  songer  à  ce  chef-d'œuvre 
de  Byron,  le  Ciel  et  la  terre,  le  plus  grandiose  de  ses  drames,  sans  me 
souvenir  de  ses  vers  sublimes,  dont  la  musique  de  Berlioz  semble  une 
énergique  traduction  : 

For  prayer!!! 

And  where 

Shall  prayer  ascend 

When  tue  swoln  clouds  ur.to  the  montains  bend 

And  burst 

And  gushing  océans  every  barrier  rend 

Until  the  very  déserts  know  no  thirst. 

Prier!  Et  où  s'élèverait  la  prière,  lorsqueles  nuages  s'affaissent  vers 
les  montagnes,  qu'ils  se  déchirent,  et  que  l'Océan  déchaîné  brise  ses 
barrières,  et  tarit  jusqu'à  la  soif  même  des  déserts  ? 

Les  derniers  jours  sont  venus,  la  terre  a  chancelé;  une  ombre  sinistre 
a  passé  sur  le  soleil;  les  enfants  des  hommes  sont  réunis  sur  le  sommet 
des  montagnes:  les  passions  humaines  sont  mortes  dans  leur  sein;  ils 
contemplent  les  astres  qui  s'éteignent  un  à  un  dans  le  ciel;  ils  penchent 
l'oreille  vers  la  terre,  qui  bouillonne  dans  ses  profondeurs,  déchirée 
par  le  feu  des  volcans;  ils  lèvent  au  ciel  des  mains  suppliantes:  voilà  le 
sujet.  Comment  le  compositeur  l'a-t-il  exécuté?  Le  Dies  irœ  (page  17) 
est  conçu  sur  un  choral  qui  n'est  pas  sans  analogie  (je  ne  parle  ici  que 
du  caractère  général)  avec  le  choral  final  de  la  symphonie  avec 
chœur.  Les  basses  exposent  une  psalmodie  d'une  expression  austère  et 
sombre;  les  voix  de  femmes  y  répondent  par  une  prière  humble  et  ré- 
signée. Cependant  l'entrée  successive  des  différentes  voix  éveille  une 
vague  inquiétude.  A  peine  le  morceau  a-t-il  commencé,  que  déjà  le 
souffle  de  la  tempête  se  fait  pressentir,  mais  léger  encore,  et  comme 
un  inappréciable  murmure.  Tout  d'un  coup  le  choral  s'arrête;  une  bouf- 
fée d'orage  passe  sur  ce  peuple  de  suppliants;  la  prière  recommence; 
Mais  le  ton  de  si  \>  a  succédé  à  celui  de  la  mineur;  la  prière  est  plus 
haute,  l'inquiétude  a  fait  place  à  l'effroi  :  les  ténors,  sur  les  cordes 
aiguës  accompagnent  le  choral  d'un  long  sanglot.  L'heure  fatale  s'a- 
vance. Comme  une  paille  légère,  le  souffle  puissant  de  la  tempête  en- 
traîne les  voix  éperdues  dans  les  régions  aiguës  de  ré  mineur.  Dès  lors, 
s'élèvent  les  mugissements  de  l'orchestre,  pareils  aux  sourds  bouillon- 
nements de  la  lave  qui  tourmentent  la  montagne  avant  de  la  déchirer. 
L'explosion  des  foudres  vengeresses  ne  se  fait  pas  attendre;  elle  éclate 
sur  un  formidable  accord  des  instruments  de  cuivre,  dont  l'effet  est 
d'autant  plus  admirable,  que  le  compositeur,  qui,  à  cette  heure  d'en- 
fantement, devait  avoir,  lui  aussi,  une  lave  ardente  dans  le  cerveau,  a 
su  en  refréner  les  élans  jusqu'au  moment  suprême. 

Comme  contraste,  comme  modèle  d'apaisement  des  forces  orches- 
trales, j'indiquerai  la  belle  phrase  Mors  stupebit  (page  33). 

On  me  tiouvera  peut-être  bien  fécond  en  remarques,  mais  elles  pour- 
ront profiter  aux  artistes.  Il  est  convenu  que  le  Dies  irœ  de  Berlioz  est 


DE  PARIS. 


371 


un  chef-d'œuvre.  Il  n'est  si  rigide  professeur  du  Conservatoire  qui  ne 
rende  justice  au  compositeur  pour  son  habileté  à  déchaîner  les  cuivres. 
C'est  beau,  c'est  grand,  c'est  saisissant,  disent  le  plus  prévenus.  Eh  bien, 
si  à  ce  sujet  je  suis  un  peu  de  l'avis  de  tout  le  monde,  à  un  autre  égard 
tout  le  monde  n'est  pas  du  mien.  Je  distingue  deux  ordres  de  beautés, 
une  beauté  en  quelque  sorte  matérielle,  qu'elle  ait  l'effroi  ou  la  volupté 
pour  objet,  et  une  beauté  spirituelle  qui  se  distingue  par  des  conditions 
absolument  différentes.  A  l'une,  l'éclat,  la  vivacité  des  nuances;  à  l'au- 
tre, l'harmonieuse  pureté  de  la  ligne.  Le  Tuba  wiritm,  auquel  je  viens 
d'ailleurs  de  rendre  justice,  appartient  au  premier  de  ces  ordres  :  aussi 
quelle  que  soit  la  vivacité  de  l'impression  que  l'on  éprouve,  ne  dure-t- 
elle pas  plus  longtemps  que  le  moment  qui  l'a  vue  naître,  et  peut-être, 
que  Berlioz  me  pardonne,  regrette-t-on  de  s'être  laissé  impressionner 
si  vivement.  D'autres  morceaux,  que  j'analyserai  dans  le  prochain  nu- 
méro, sont  moins  connus,  moins  appréciés  du  public  ;  on  ne  les  cite 
jamais,  et  cependant  ils  appartiennent  à  un  ordre  d'idées  bien  supé- 
rieur. Le  jour  qu'il  traça  les  foudroyantes  harmonies  du  Tuba  mirum, 
le  compositeur  a  fait  faire  moins  de  progrès  à  l'art  que  le  jour  où  il  écri- 
vit ce  noble  Offertoire,  où  la  fugue,  la  forme  définitive  de  l'art,  maîtrisée, 
vaincue,  obéissant  aux  lois  du  sentiment,  est  venue  dérouler  en  vagues 
assouplies  ces  ouragans  sonores  que  les  anciens  compositeurs  déchaî- 
naient sans  savoir  les  gouverner. 

Léon  KREUTZER. 

P.  S.  Nous  n'avons  pas  un  mot  à  retrancher  des  éloges  que  nom 
accordions  à  Roger  dans  notre  précédent  article,  et  qu'un  spirituel 
confrère  nous  reproche  malignement.  En  effet,  tous  ces  éloges,  Roger 
les  avait  mérités  à  la  répétition  du  Requiem  par  la  manière  dont  il  avait 
chanté  le  Sanctus,  et  nous  avons  écrit  le  commencement  de  notre  ar- 
ticle sous  cette  impression.  11  est  vrai  qu'au  jour  solennel,  par  des 
motifs  qui  importent  peu,  la  voix  de  Roger  a  été  remplacée  par  trois  ou 
quatre  autres  voix,  parmi  lesquelles  celle  de  Sainte-Foy  dominait  exclu- 
sivement et  se  faisait  seule  entendre.  Nous  avons  oublié  de  le  dire,  mais 
notre  spirituel  confrère  a  été  plus  habile  :  il  a  entendu  six  chanteurs 
au  lieu  d'un  !  Nous  en  concluons  qu'il  doit  avoir  l'oreille  encore  plus 
fine  que  la  plume. 


CORRESPONDANCE. 

.4   Monsieur  T'étis.  à  Bruxelles, 

Paris,   ce  26  octobre. 

J'ai  d'abord  à  vous  remercier,  Monsieur,  de  l'intérêt  que  vous  témoi- 
gnez au  Recueil  d'études  dont  vous  avez  eu  la  bonté  de  parler  dans  votre 
dernière  lettre,  et  je  me  réjouis  d'avance  de  l'analyse  développée  que  vous 
me  promettez  à  leur  sujet.  Si,  en  attendant,  je  prends  la  liberté  de  vous 
adresser  ici  quelques  mots  par  rapport  à  quelques  unes  de  vos  observa- 
tions, c'est  seulement  pour  protester  contre  la  tendance  que  vous  m'attri- 
buez :  celle  de  vouloir  sortit  durhylhme.  Je  poursuis,  autant  que  mon  faible 
talent  me  le  permet,  le  même  but  que  vous,  Monsieur,  celui  d'ayrundir 
son  domaine,  et  j'ai,  comme  vous,  la  conviction  qu'il  s'agit  avant  tout  de 
trouver  des  combinaisons  nouvelles  ;  mais  je  crois  aussi  qu'il  est  des  mo- 
ments où,  pour  arriver  à  l'expression  de  certains  sentiments,  il  faut  savoir 
sortir  des  allures  trop  régulières.  Quelques  uns  des  morceaux  contenus 
dans  le  Recueil  en  question  doivent  vous  le  prouver,  et  un  assez  grand 
nombre  de  compositions  que  je  me  propose  de  publier  très-prochaine- 
ment vous  le  démontreront  davantage. 

Je  n'ai  pas  besoin  d'ajouter,  Monsieur,  que  c'est  seulement  parce  que 
je  tiens  trop  à  être,  en  général,  de  votre  avis  sur  cette  matière  si  inté- 
ressante du  rhythme,  que  je  me  permets  de  vous  contredire  sur  un  point 
qui  me  concerne,  et  j'attends  avec  impatience  les  nouveaux  éclaircisse- 
ments que  vous  me  faites  espérer  à  ce  sujet. 

En  attendant,  Monsieur,  veuillez  recevoir  l'expression  de  la  haute  con- 
sidération avec  laquelle  j'ai  l'honneur  d'être  votre  tout  dévoué, 

Ferd.  hiller. 


NOUVELLES. 

%*  Demain  lundi  à  l'Opéra  le  Juif  errant. 

V  Lundi  dernier,  la  favorite,  et  le  premier  acte  de  la  l'éri  composaient 
le  spectacle  ;  mercredi,  le  théâtre  a  fait  relâche,  à  cause  des  préparatifs 
de  la  grande  représentation  du  lendemain.  Vendredi ,  les  Huguenots  ont 
été  donnés,  et  Roger  a  chanté  avec  sa  supériorité  ordinaire  le  rôle  de 
Raoul. 

%*  Adolphe  Adam  a  terminé  la  musique  du  nouveau  ballet  d'O/a,  dont 
le  rôle  principal  doit  être  dansé  par  Fanny  Cerrito.  Ou  assure  que  la 
première  représentation  aura  lieu  du  20  au  30  novembre.  A  côté  de 
Mme  Cerrito,  on  y  verra  Mmes  Taglioni,  Bagdanoff,  Emarot,  Louise  et  Ma- 
thilde  Marquet,  etc. 

*»*  Le  l'ère  Gaillard ,  Galathée,  la  Croix  de  Marie  ,  les  Porcherons  et 
les  Deux  Jalcel  ont  composé  les  spectacles  de  la  semaine  dernière  à  l'O- 
péra-Comique. 

***  La  première  représentation  des  Mystères  d'Udolphe  est  annoncée 
pour  mercredi  prochain. 

%*  L'ouverture  du  Théâtre-Italien,  sous  la  direction  de  M.  Corti,  est 
toujours  fixée  au  15  novembre.  VO,cllo,  de  Rossini,  servira  au  début  de  la 
nouvelle  troupe.  Toutes  les  difficultés  pour  la  location  de  la  salle  ne  sont 
pas  encore  levées  ;  il  y  a  lieu  de  croire  pourtant  qu'elles  n'offriront  pas 
d'obstacle  sérieux. 

***  Adolphe  Adam  est  chargé  de  composer  la  cantate  pour  la  représen- 
tation extraordinaire  qui  doit  être  donnée  à  l'Opéra-Comique. 

%*  La  cantate  du  Théâtre-Italien  est  confiée  à  M.  Ambroise  Thomas. 

*Jt  Une  indisposition  prolongée  de  Chollet  a  retardé  au  Théâtre-Lyri- 
que la  reprise  du  Postillon  de  Lonyjumeau.  11  est  probable  toutefois  que 
cette  reprise  aura  lieu  la  semaine  prochaine. 

***La  recette  générale  des  théâtres,  concerts,  cafés-chantants,  bals,  etc., 
pendant  le  mois  de  septembre  a  été  de  905,837  fr.  44  c.  Celle  du  mois  pré- 
cédent n'avait  été  que  de  720,455  l'r. 

***  Les  journaux  de  Lyon  nous  ont  apporté  la  nouvelle  du  succès  que 
vient  d'obtenir  l'opéra  de  MadAon,  de  F.  Bazin.  La  musique  et  le  poème 
ont  été  fort  goûtés  par  le  public  lyonnais.  L'exécution  de  l'ouvrage  a  été 
excellente.  Mme  Cabel,  qui  remplit  le  rôle  de  Madelon,  est  accueillie  tous 
les  soirs,  à  son  entrée  en  scène,  par  une  pluie  de  bouquets.  M.  Anthiome, 
dans  le  rôle  d'Arthur  Landry,  et  M.  Froraant,  dans  le  rôle  de  Joseph,  re- 
çoivent leur  part  d'applaudissements. 

***•  Aujourd'hui  dimanche,  â  une  heure,  la  lecture  et  l'audition  d'une 
traduction  de  la  tragédie  d'Euripide,  Achille  porte  couronne,  par  M.  Sébas- 
tien Rhéal,  avec  chœurs  en  musique  par  M.  Elvvart,  auront  lieu  au  bazar 
Bonne-Mouvelle  dans  la  salle  des  concerts  des  artistes-musiciens. 

*„*  Ferdinand  Hiller  a  définitivement  accepté  les  propositions  avanta- 
geuses et  flatteuses  qui  lui  ont  été  faites  de  revenir  à  Cologne.  Il  re- 
prendra les  fonctions  de  directeur  des  concerts  et  du  Conservatoire  de 
musique.  Cependant,  il  passera  encore  cet  hiver  à  Paris,  après  l'excursion 
qu'il  doit  faire  dans  la  capitale  de  la  province  rhénane  pour  y  diriger 
quelques  concerts  et  y  faire  une  inspection  des  classes  de  l'école  de  mu- 
sique. 

***  Frédéric  Brisson  est  de  retour  à  Paris,  après  une  brillante  tournée 
en  iNormandie.  Il  se  dispose  à  reprendre  ses  cours  de  piano. 

*„*  Dimanche  prochain,  7  novembre,  Ferdinand  Hiller  se  propose  de 
faire  entendre  dans  la  salle  de  M.  Sax  un  choix  de  morceaux  de  musique  de 
chambre  de  sa  composition.  Il  y  exécutera  entre  autres  plusieurs  études 
et  esquisses  rhythmiques  (publiées  ou  inédites),  qui  emprunteront  un  inté- 
rêt particulier  des  intéressantes  lettres  sur  le  rhythme  de  M.  Fétis,  que 
nous  publions  dans  ce  journal. 

%,*  En  même  temps  que  nous  annonçons  le  cours  de  chant  que  va  ou- 
vrir Henri  Panofka,  l'excellent  professeur,  dont  la  méthode  a  si  bien  fait 
ses  preuves,  nous  devons  dire  que  son  Luide  de  chant  pratique  paraîtra 
incessamment. 

%*  M.  le  ministre  de  l'intérieur  a  accordé  dernièrement  une  somme 
de  4,000  fr.  pour  la  statue  de  Le  Sueur,  érigée  à  Abbeville  le  10  août  de 
cette  année.  Nous  ne  pouvons  qu'applaudir  à  cet  acte  de  haute  justice 
envers  cet  illustre  compositeur. 

%*  L'un  des  principaux  directeurs  des  théâtres  d'Italie,  Alexandre 
Lanari,  vient  de  mourir  à  Florence. 

CRON1ÇJUE    BÉP&RT£MBMTAI.E. 

V  Lyon,  14  octobre.  —  La  reprise  du  chef-d'œuvre  de  Meyerbeer,  le 
Prophète,  annoncée  plusieurs  jours  à  l'avance,  était  attendue  avec  une 
vive  impatience;  des  avis  bien  divers,  et  tous  soutenus  par  des  raison- 
nements qu'une  observation  superficielle  pouvait  faire  croire  justes,  étaient 
émis  par  les  amateurs.  L'exécution  de  cet  opéra  devait,  suivant  les  uns, 
sinon  être  impossible,  tout  au  moins  laisser  à  désirer;  suivant  les  autres, 
au  contraire,  Duprat  possédait  toutes  les  qualités  nécessaires  pour  bien 
rendre  le  beau  rôle  du  prophète.  Pour  nous,  notre  opinion  était  formée 
depuis  longtemps  ;  le  jugement  que  nous  avons  porté  sur  Duprat  et  que 
chaque  représentation  vient  corroborer,  nous  donnait  la  certitude  de  ne 
pas  le  voir  faiblir  sous  cette  lourde  tâche.  Ce  rôle,  tout  de  détail,  devait 
essentiellement  convenir  à  ses  qualités.  Bon  comédien,  possesseur  d'une 
excellente  méthode  qui  lui  permet  de  bien  utiliser  sa  voix,  et  de  la  mena- 


372 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS. 


ger  assez  pour  arriver  à  bonne  fin,  Duprat  n'était-il  pas  assuré  de  réussir? 
Un  succès  franc  et  de  bon  aloi  est  venu  mettre  un  terme  à  toutes  les 
diseussions,  et  nous  démontrer  que  nous  n'avions  pas  trop  présumé  de 
notre  premier  ténor.  Le  ProphèU  a  été  repris  jeudi  dernier  sur  notre 
scène  en  présence  d'une  société  aussi  nombreuse  que  choisie,  et  au  mi- 
lieu de  plus  d'applaudissements  qu'il  n'en  obtint  jamais  dans  aucune  des 
trente-huit  représentations  données  l'année  dernière.  Le  temps  n'avait 
pas  effacé  les  beaux  souvenirs  laissés  par  Mlle  A.  Lacombe  dans  le  rôle 
de  Fidès,  sa  plus  belle  création  parmi  nous  ;  le  public  a  battu  des  mains  à 
son  entrée  en  scène.  Mlle  Lacombe  se  montre,  dans  cet  opéra,  sous  son 
jour  le  plus  favorable  ;  aucune  œuvre  ne  sert  mieux  à  faire  briller  la  ri- 
chesse de  ses  qualités  si  diverses  et  si  précieuses;  son  habileté  dramatique 
lui  permet  de  s'identifier  complètement  avec  le  rôle  dont  elle  est  chargée. 
Mlle  Chambard  a  rendu  avec  bonheur  le  rôle  de  Berthe,  et  s'est  fait  sou- 
vent applaudir.  Bonnesseur  chante  admirablement  l'air  :  Aussi  nombreux 
que  les  étoiles.  Ismaël  et  Lucien  se  sont  aussi  distingués.  Les  patineurs  ont 
fait  merveille. 

*„*  Boulogne  2S  octobre.  —  Hier  mercredi,  devant  une  salle  comble, 
Mlle  Nau,  p  our  la  première  fois,  paraissait  aux  concerts  de  la  Société  phil- 
harmonique. L'éminente  artiste  a  reçu  l'accueil  le  plus  sympathique  dès  le 
premier  morceau,  la  cavatine  du  Bravo,  de  Marliani.  Elle  a  aussi  chanté 
avec  un  succès  croissant  les  couplets  du  Démon  de  la  nuit,  le  grand  air  de 
Lucie,  parfaitement  accompagné,  dans  le  dialogue  de  la  flûte  avec  la  voix, 
par  notre  excellent  flûtiste  M.  Chardard.  Cet  air  a  été  pour  Mlle  Nau  un 
véritable  triomphe,  et  lui  a  valu  un  rappel  avec  applaudissements  enthou- 
siastes, qui  se  sont  reproduits  pour  l'air  de  De  Bériot,  par  lequel  elle  a 
terminé  ce  brillant  concert.  Les  instrumentistes  qui  en  faisaient  partie 
étaient  :  MM.  D.  de  Grau,  pianiste  et  J.  Froment,  violoniste.  Le  premier  a 
dit  avec  énergie  la  fantaisie  sur  Robert  le  Diable,  de  Prudent;  avec  déli- 
catesse une  Étude  de  Bertini;  avec  brio,  une  mazourka  intitulée  :  Hom- 
mage à  Mlle  Blahetka,  et  dont  il  est  l'auteur.  Dans  deux  fantaisies,  l'une 
sur  la  Reine  de  Chypre,  de  Lée,  l'autre  sur  Lucie  de  Lammermoor,  de  Sélig- 
mann,  M.  J.  Froment  a  fait  preuve  de  beaucoup  de  talent  sur  le  violon- 
celle. Nous  devons  mentionner  honorablement  une  ouverture  composée 
expressément  pour  notre  Société  philharmonique  par  M.  Osborne  pendant 
son  séjour  à  Boulogne.  L'éminent  pianiste-compositeur  vient  d'ajouter  une 
belle  page  à  ses  œuvres  par  cette  composition  nouvelle,  où  les  idées  les 
plus  heureuses  sont  rehaussées  par  une  instrumentation  claire  et  brillante. 
L'orchestre,  dirigé  par  M.  Péret,  ami  de  l'auteur,  s'est  surpassé,  afin  de  se 
montrer  digne  de  cette  honorable  dédicace. 

CHRONIQUE     ÉTRANGÈRE. 

*„*  Vienne.  —  Austin,  opéra  nouveau  de  Marschner,  doit  être  représenté 
dans  le  courant  de  l'hiver.  Le  18  octobre,  on  a  donné  le  Dieu  et  la  Bayadére 
d'Auber,  avec  Lucile  Grahn.  Cette  reprise  a  fait  le  plus  grand  plaisir.  L'A- 
cadémie de  musique  vient  de  créer  une  école  d'opéra,  sous  la  direction  de 
MM.  Gentilhomme  et  Barth;  le  baron  Pietrich  a  mis  à  leur  disposition 
l'élégante  salle  de  spectacle  qu'il  a  fait  construire  dans  son  palais. 

%*  Hambourg. —  M.  J.-F.  Schwenke,  organiste  de  l'église  Saint-Nicolas, 
vient  de  mourir  dans  sa  soixantième  année.  On  doit  à  cet  artiste  un  grand 
nombre  de  compositions  religieuses  estimées;  mais  ce  qui  lui  assure  un 
nom  durable,  c'est  un  recueil  de  préludes  et  d'intermèdes  (Zwischen- 
spiel)  pour  l'orgue. 

%*  Darmstadt.  —  Depuis  l'ouverture  du  théâtre  on  a  représenté  Norma; 
le  Prophée  a  été  joué  en  présence  du  grand-duc  héréditaire  de  Russie  et 
du  prince  héréditaire  de  Wurtemberg.  L'exécution  a  été  digne  de  l'œu- 
vre et  de  l'auditoire;  puis  sont  venus  Marina,  Catarina  Oornaro,  les 
Mousquetaires  de  la  Reine  et  Robert. 

*t*  Hanovre.  —  Nous  possédons  aujourd'hui  la  plus  riche  et  la  plus  élé- 
gante salle  de  spectacle  de  l'Allemagne.  La  décoration  des  loges  est  blanc 
et  or  avec  tentures  rouges.  Aux  balustrades  des  secondes  et  troisièmes  lo- 
ges, on  voit  en  relief  les  portraits  des  poètes,  compositeurs,  acteurs  et 
chanteurs  les  plus  célèbres.  Ce  qui  frappe  surtout  quand  on  entre  dans 
la  salle,  c'est  un  lustre  colossal  avec  288  becs  de  gaz  disposés  en  groupes. 
La  voûte,  blanc  et  or,  est  décorée  de  huit  tableaux  de  Creling.  Les  foyers 
sont  garnis  de  divans  en  velours  rouge  ;  au  milieu  s'élève  la  statue 
d'Hébé.  La  scène  a  90  pieds  de  large  sur  une  profondeur  de  150  pieds, 

*„*  Leipzig.  —  Le  second  volume  des  œuvres  de  Sébastien  Bach  que  pu- 
blie la  Société  Bach,  paraîtra  avant  la  fin  de  l'année  :  il  contient  douze 
cantates  d'église  inédites. 

%*  Dresde.  —  Une  artiste  dramatique  jadis  célèbre,  Caroline  Neuber, 
qui  a  fait  époque  dans  l'art  théâtral  en  Allemagne,  mourut  en  1760  à 
Laubegast,  près  Dresde,  dans  un  dénûment  complet.  Un  monument  vieut 
d'être  érigé  sur  sa  tombe  au  cimetière  de  ce  village,  par  les  soins  de 
M.  Edouard  Devrient  et  de  ses  collègues,  M.  Winger  et  Gerstofer. 

%*  Amsterdam.  —  Il  y  a  ici  dans  ce  moment  un  opéra  allemand  qui  n'en 
est  encore  qu'à  ses  débuts,  mais  qui  paraît  devoir  faire  de  bonnes  affaires. 

***  Barcelone,  24  octobre.  —  Après  quatre  mois  de  silence,  la  saison  ly- 
rique a  commencé  au  théâtre  de  Santa-Cruz,  avec  Lucrezia  Borgia,  chantée 
par  Mme  Jullienne,  dont  la  belle  voix  a  bien  vite  conquis  les  sympathies 
du  public.  Le  Barbier  de  Séville  a  suivi  Lucrezia.  Mme  Debelke  chantait 


le  rôle  de  Rosine,  Lucchesi  celui  d'Almaviva.  Manfredi  celui  de  Basile,  et 
Bellincioni  celui  de  Bartolo.  L'exécution  du  chef-d'œuvre  a  été  peu  satis- 
faisante, à  l'exception  de  Lucchesi,  artiste  vraiment  distingué,  chanteur 
habile,  qui  a  obtenu  un  grand  succès.  Le  violoniste  Robbio,  l'élève  de 
Paganini ,  a  donné  deux  concerts,  dans  lesquels  il  a  grandement  réussi  par 
son  jeu  hardi ,  plein  d'éclat,  qui  rappelle  tout  à  fait  l'école  du  maître.  Un 
autre  artiste  de  talent,  M.  Ribas,  né  en  cette  ville,  et  qui  depuis  quelques 
années  tenait  l'emploi  de  première  flûte  au  théâtre  de  Covent-Garden  à 
Londres,  a  aussi  donné  un  concert,  et  enlevé  les  bravos  de  ses  compatrio- 
tes par  la  douceur  avec  laquelle  il  file  le  son,  par  son  exécution  brillante 
et  nette.  Sa  fille,  âgée  de  treize  ans,  a  montré  un  précoce  talent,  comme 
pianiste. 

—  Cours  de  chant  et  leçons  particulières  de  M.  H.  Panofka.  Les  cours 
seront  de  deux  heures  et  auront  lieu  chez  M.  Panofka  deux  fois  par 
semaine.  Chaque  cours  se  composera  de  six  élèves.  —  S'adresser  à  M.  Pa- 
nofka, cité  d'Antin,  ik,  tous  les  jours,  de  onze  heures  aune  heure. 

—  M.  Mecum,  luthier  à  Cologne  (Pr.  Rh.j,  10,  Ursula-Strasse,  possède 
un  alto  magnifique  de  Jos.  Guarnerius.  Cet  instrument  est,  sans  contredit, 
le  plus  beau  chef-d'œuvre  sorti  des  mains  du  célèbre  maître.  (  Prix  : 
Zi,000  fr.) 

—  On  demande,  pour  un  magasin  d'instruments  de  musique  à  Paris, 
une  jeune  dame  ou  une  demoiselle  sachant  très  bien  toucher  du  piano  et 
connaissant  un  peu  la  tenue  des  livres.  —  Répondre  franco,  poste  res- 
tante, à  Mme  L.  B.  C. 

Le  gérant  :  Eunest  UESCTIAMPS. 


En  eente  chez  CHALLIOT,  éditeur  de  musique,  rue  Saint-Honoré,  352. 

THEATRES  ROYAUX 

Trois  faratai&seg  pour  Se  piano  par 

ALBERT  SOWSNSKf. 

Op.  68.  Théâtre-Français,  fantaisie  sur  Richard  Cœur-de-Lion. 
Op.  69.  Théâtre-Italien,  fantaisie  sur  Semiramide. 
Op.  77.  Théâtre- Allemand,  fantaisie  sur  Freischutr,. 

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Passage  Choiseul,  54. 
M.  M®§EBiïiEW.  Op.  137.  Fantaisie  sur  le  Tre  Nosze.    .     9     » 
C.   SCMUBERT.  Op.  162.  Echos  du  Rhin,    valse    pour 

piano 6    » 

Les  mêmes  a  quatre  mains 7  50 

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PETITE  MÉTHODE  ÉLÉMENTAIRE  DE  CHANT 

(ou  petit  solfège  moderne  d'italie) 
Dédiée  aux  maisons  d'éducation  de  femmes,  par 

LUÎGI  BORDÈSE 

Prix  :  1 5  fr. 

Parmi  les  solfèges  et  les  méthodes  de  chant  qui  ont  paru  jusqu'à  pré- 
sent, les  artistes  avaient  laissé  une  lacune  que  vient  de  combler  un  nouvel 
ouvrage.  La  Petite  Méthode  de  chant,  de  Luigi  Bordèse,  dont  le  nom  est  déjà 
connu  comme  celui  d'un  excellent  professeur  et  d'un  charmant  composi- 
teur, renferme  les  qualités  qu'il  est  si  difficile  de  réunir  dans  une  œuvre 
théorique  :  l'utilité  et  l'agrément.  Elle  peut  servir  de  solfège  pour  les 
personnes  qui  commencent  l'étude  de  la  musique,  et  de  méthode  pour  les 
jeunes  voix  que  l'on  craint  de  fatiguer,  et  qui  cependant  doivent  travailler 
de  bonne  heure  l'art  du  chant  avec  tout  le  développement  nécessaire  du 
goût.  Les  petites  vocalises  qui  la  terminent  sont  tout  à  la  fois  des  leçons 
dont  les  difficultés  sagement  graduées  soutiennent  l'attention  de  l'élève,  et 
des'mélodies  distinguées  et  gracieuses  qui  rendent  le  travail  facile  et  même 
attrayant.  Nous  pouvons  prédire  à  M.  Bordèse  un  succès  réel  et  bien  légi- 
timé par  l'approbation  de  tous  les  professeurs  qui  ont  regardé  son  nouvel 
ouvrage  avec  soin. 

NOUVEAU  JOURNAL  D'ORGUE 

A  l'usage  des  organistes  du  culte  catholique,  adopté  par  et  pour  les  Con- 
servatoires de  Paris  et  de  Bruxelles,  et  publié  par  M.  Lemmens,  profes- 
seur d'orgue  au  Conservatoire  de  Bruxelles.  Les  deux  premières  années 
contiennent  222  pages  de  musique,  grand  format,  avec  les  explications 
sur  le  doigté  spécial  de  l'orgue,  sur  l'accompagnement  du  plain-chant  et 
une  école  complète  de  la  pédale.  On  les  recevra  franco  à  domicile  au  prix 
de  25  fr.  50.  —  Ecrire  à  M.  Lemmens  à  Bruxelles,  ou  à  M.  A.  Cavaillé- 
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No  45. 


7  Novembre  1852. 


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Étranger       


Le  Journal  parait  le  Dimanche. 


USECÂLE 


91    PASIS, 


SOMMAIRE.  —  Grand-Opéra,  reprise  de  Moïse,  opéra  en  quatre  actes,  de  Rossini. 
—  Théâtre  de  l'Opéra-Comique,  l-s  Mystères  d'Udolphe,  opéra  comique  en  trois 
actes,  de  MM.  Scribe,  Germain  Delavigne  et  Clapisson  (première  représentation), 
par  Uenri    Bl  nui- lin  rit.  —  Théâtre-Lyrique,  reprise  du  Postillon  de  Lonpju- 

meau,  par  (i.  BB, I   —  L'Ermitage,  souvenirs  de  J.-J.  Rousseau  etde  Grétry, 

par  Eilounrd  Fi'-tls.  — Revue  critique,  Emile  Prudent,  ses  dernières  composi- 
tions, la  Danse  des  Fées,  Villanelle,  six  Etudes  deLéon  Kreutzer,  etc.  par  ifaiil 
Mmith.  —  Compositions  diverses  de  Joseph  Franck,  d'Albert  Sowinski  et  Louise 
Farrenc,  par  t.lrien  île  la  Faîf.  —  Du  quatuor  instrumental  et  vocal,  par 
Henri  Blanchard.—  Correspondance,  Bruxelles,  Berlin  et  Harkoff.  —Nou- 
velles et  annonces. 

GRAND  OPÉRA. 

Reprise  de   Moïse, 

OPÉRA    EN    QUATRE    ACTES,    DE    ROSSINI. 

Depuis  longtemps  il  était  question  d'une  reprise  de  ce  chef-d'œuvre, 
et  plus  il  s'écoulait  de  jours,  de  mois,  d'années,  plus  nous  étions  cer- 
tains que  cette  reprise  produirait  un  effet  d'admiration,  d'enlhousiasme 
supérieur  à  celui  de  la  première  représentation.  On  ne  saurait  croire 
à  quel  point  les  productions  capitales  d'un  artiste  gagnent  à  se  dégager 
du  voisinage  de  ses  œuvres  moyennes,  à  quel  point  leurs  immortelles 
beautés  se  purifient,  s'éclairet,  se  transfigurent  en  sortannt  de  l'atmo- 
sphère qui  environnait  leur  création. 

Lorsque  Rossini  donna  Moïse  en  France,  le  23  mars  1827,  quelques 
mois  après  le  Siège  de  Corinthe,  un  an  et  demi  après  le  Viagyo  à 
Rehns  (devenu  plus  tard  le  Comte  Ory),  nous  n'entendions  partout  que 
lui  :  nous  ne  vivions  que  de  ses  opéras  et  de  sa  musique.  C'était  notre 
pain  quotidien,  et,  malgré  soi,  le  pain  quotidien  a  toujours  quelque 
chose  qui  fatigue  et  qui  rassasie.  Malgré  soi,  une  certaine  indifférence 
succède  à  l'appétit,  lors  même  que  ce  pain  serait  le  gâteau  le  plus  ex- 
quis. Aujourd'hui  nous  n'en  sommes  plus  là  :  les  chants  n'ont  pas  cessé, 
mais  ils  sont  devenus  plus  rares  ;  nos  oreilles  et  nos  âmes  se  sont  rem- 
plies d'autres  mélodies,  d'autres  harmonies  que  celles  qui  nous  avaient 
presque  seules  occupés  pendant  dix  années.  Aujourd'hui  la  musique  de 
Moïse  est  une  nouveauté  plus  neuve  que  lorsque  nous  l'entendîmes 
d'abord  ;  ajoutons  que,  généralement,  l'exécution  en  est  beaucoup 
meilleure  ;  que  l'art  de  la  décoration ,  du  costume,  de  la  mise  en 
scène,  a  fait  des  progrès,  et  que  le  directeur  qui  régnait  à  l'Opéra  en 
1827  s'était  bien  gardé  de  traiter  Rossini  avec  autant  de  magnificence 
que  celui  qui  le  gouverne  en  la  présente  année  1852.  Il  est  donc  tout 
simple  que  Moïse  ait  fait  sur  la  scène  française  une  triomphale  rentrée, 
et  qu'il  semble  désormais  appelé  à  y  prolonger  son  séjour. 

Le  Mosè  italien,  donné  en  1818,  marqua  une  grande  époque  dans  la 
vie  de  son  auteur  :  c'est  à  partir  de  ce  moment  surtout  qu'il  sentit  sa 
haute  portée  et  qu'il  se  prit  un  peu  plus  au  sérieux.  11  avait  vingt-six 
ans  alors,  et  l'année  précédente  il  avait  donné  la  Gazza  Indra  à  Milan, 
deux  ans  auparavant  le  Barbier  à  Rome,  Olello  à  Naples.  Mosè  fut  joué 


dans  cette  même  ville ,  à  San  Carlo ,  tandis  qu'Otello  l'avait  été  au 
Fondo.  Quel  prodige  que  ce  Mosè  si  grave,  si  religieux,  si  sublime,  ait 
été  écrit  de  la  même  main  qui  avait  tracé  les  délicieuses  folies  du  Bar- 
bier !  Quelle  variété  d'inspiration  !  quelle  souplesse  de  génie  !  Et  l'on 
sait  tout  ce  que  Rossini  créa,  inventa  de  grand,  d'admirable  pour  le 
Moïse  français!  Celait  une  partition  complètement  reprise  en  sous 
œuvre,  enrichie  de  chœurs ,  de  finals ,  d'airs  chantés  et  d'airs  de 
ballet,  qui  auraient  suffi  à  la  fortune  d'un  opéra  entier. 

Nous  n'avons  ni  le  temps  ni  l'espace  nécessaire  pour  étudier  page 
à  page  cette  infiniment  belle  partition.  Nous  ne  pouvons  et  ne  voulons 
quant  à  présent  que  dire  en  peu  de  mots  de  quelle  façon  les  artistes 
l'ont  rendue.  En  1827  les  rôles  étaient,  ainsi  distribués  :  Levasseur 
représentait  Moïse;  Dabadie ,  Pharaon;  Adolphe  Nourrit,  Améno- 
pliis.  Mme  Damoreau  chantait  le  rôle  d'Anaï,  que  Mlle  Falcon  re- 
prit en  1832;  Mme  Dabadie,  celui  de  Sinaïde;  Mme  Mori,  celui  de 
Marie.  Aujourd'hui  tous  ces  artistes  ont  pour  successeurs  Obin,  Morelli, 
Gueymard,  Mines  Laborde,  Poinsot,  Duez.  Chapuis  remplace  Alexis 
Dupond  dans  le  personnage  d'Eliezer;  Guignot  succède  à  Ronel  dans 
celui  d'Osiride,  et  Lucien,  à  Ferdinand  Prévost,  dans  celui  d'Alfide,  le 
messager  qui  porte  des  ailes  à  la  tête. 

Sans  doute  Levasseur  a  laissé  dans  le  rôle  de  Moïse,  soit  en  italien,  soit 
en  français,  des  souvenirs  imposants.  11  était  impossible  de  s'y  montrer 
plus  beau  de  physionomie  et  de  voix.  Cependant  nous  devons  dire  qu'Obin 
n'y  fait  naître  aucun  regret,  et  que  ce  jeune  artiste  vient  de  s'y  ré- 
véler d'une  manière  presque  inattendue,  malgré  les  honorables  succès 
obtenus  par  lui  jusqu'alors.  11  a  chanté  avec  une  largeur  de  voix  magni 
fique  et  une  pureté  de  style  irréprochable.  Dans  le  final  du  troisième 
acte,  dans  la  prière  du  quatrième,  il  a  été  vraiment  à  la  hauteur  du 
rôle  poétique  et  musical  Morelli  a  chanté  Pharaon  comme  jamais 
personne  ne  l'avait  fait  h  l'Opéra.  C'est  au  Théâtre-Italien  qu'il  fau- 
drait aller  chercher  un  souvenir  rival,  mais  non  vainqueur.  Gueymard 
a  triomphé  de  difficultés  inouïes,  et  qu'on  aurait  pu  croire  insurmon- 
tables dans  le  rôle  du  ténor.  C'est  pour  lui  le  meilleur  exercice  vocal, 
et  il  en  recueillera  d'excellents  fruits.  Mme  Laborde  a  chanté  avec  tout 
le  talent  qu'on  lui  connaît  le  charmant  rôle  d'Anaï,  et  Mlle  Poinsot  a 
élevé  celui  de  Sinaïde  au-dessus  du  rang  qu'il  tenait  jadis.  La  débu- 
tante, Mlle  Duez,  n'avait  qu'un  emploi  modeste,  mais  dans  lequel, 
pourtant,  on  a  jugé  avec  faveur  sa  voix  et  sa  figure.  Chapuis,  Guignot, 
Lucien,  ont  aussi  donné  de  la  voix  et  de  la  verve,  argent  comptant. 
Quant  à  l'ensemble  des  chœurs,  il  n'avait  jamais  été  plus  puissant  :  ja- 
mais les  masses  vocales  ne  s'étaient  associées  aux  masses  orchestrales 
avec  une  plus  cordiale  sympathie.  Des  études  longues  et  assidues 
avaient  préparé  ce  résultat,  qui  n'a  trompé  l'attente  de  personne. 


374 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


Aucune  dépense,  aucune  peine  n'avait  été  épargnée.  Moïse,  quoi- 
que âgé  de  vingt-cinq  ans  et  plus,  n'a  pas  dû  coûter  moins  que 
s'il  venait  de  naître.  La  danse  apporte  aussi  son  contingent  de  luxe  et 
d'élégance  :  Mlles  Taglioni,  Bagdanoff  et  plusieurs  autres  encore  ont 
été  applaudies.  Tous  les  artistes  du  chant  ont  été  rappelés.  On  a  voulu 
entendre  deux  fois  le  fameux  duo  d'Aménophis  et  de  Pharaon,  chanté 
par  Gueymard  et  Moreili.  On  voudra  entendre  bien  des  fois  tout  le 
chef-d'œuvre,  et  Moïse  guidera  l'Opéra  vers  la  terre  promise,  comme 

il  y  conduit  les  Hébreux. 

R. 


THÉÂTRE  DE  L'OPÉRA-COMIQUE. 

IiES    M"ïSTÈKES    DrUDQIiPHE, 

Opéra  comique   en  trois   actes,   libretto  de  MM.  Scribe  et  Germain 
Delavigne,  partition  de  M.  Clapisson. 

(Première  représentation  le  k  novembre  1852.) 

Il  a  existé,  vers  le  commencement  de  ce  siècle,  une  génération  de 
lecteurs  de  noirs  romans  anglais,  dilettantes  fanatiques  des  aventures 
extraordinaires,  incroyables,  impossibles,  dont  le  Moine  de  Lewis 
était  le  modèle.  Maria-Régina  Roche  et  la  fameuse  Anne  Radcliff  se 
distinguèrent  dans  ce  genre  fantastique.  Toute  la  génération  dont  nous 
venons  de  parler  se  plaisait  infiniment  à  frémir  des  apparitions  de  la 
tour  du  Nord  et  des  Mystères  du  château  d'Vdolphe  de  cette  célèbre 
romancière  d'outre-Manche.  Les  auteurs  du  libretti  de  la  Muette  de 
Portici  et  de  Bobert-le-Diable  ont  emprunté  le  sujet  ou  pour  mieux 
dire  le  titre  de  leur  dernier  ouvrage  au  roman  d'Anne  Radcliff,  et  ils 
ont  placé  le  lieu  de  la  scène  en  Danemark.  Il  s'agit  d'arrêter,  par  ordre 
d'un  roi  quelconque  de  ce  pays,  une  princesse  Ulrique  qui  traverse 
son  royaume  pour  se  rendre  en  Suède.  L'exposition  de  ce  petit  événe 
ment  politique  à  accomplir  est  assez  obscure,  passant  par  la  bouche  du 
propriétaire  du  château  d'Udolphe.  Cette  exposition  rappelle  celle  de 
la  tragédie  de  Bhadamiste  et  Zenobie,  de  Crébillon,  qui  fit  jeter  les 
hauts  cris  à  Boileau  sur  la  décadence  de  l'art  dramatique,  dans  la 
vieillesse  de  ce  législateur  du  Parnasse,  comme  on  disait  alors. 

L'action  de  la  'pièce  nouvelle  de  MM.  Scribe  et  Delavigne  se  passe 
donc  en  Danemark.  La  famille  des  Udolphe  et  celle  des  Norby  se  dé- 
testent comme  les  Monlaigus  et  les  Capulets.  11  ne  tient  pas  aux  au- 
teurs que  cette  haine  de  famille  infiniment  trop  prolongée ,  ne  soit 
ridicule  par  la  physionomie  que  donnent  à  cette  haine  le  comte 
Udolphe  et  l'amiral  Norby  ;  mais  ce  ridicule  est  peu  amusant  parce 
qu'il  n'est  pas  naturel  dans  son  expression.  Suzanne,  la  fille  du  con- 
cierge du  château  d'Udolphe,  parlant  et  chaulant  sans  cesse  sa  terreur 
à  propos  des  apparitions  dans  le  château,  n'est  guère  plus  gaie.  La  pièce 
peut  donc  être  rangée  dans  la  catégorie  des  mélodrames,  intéressante 
parfois,  et,  du  reste,  bien  coupée  pour  la  musique. 

Nous  nous  félicitons  qu'il  ne  soit  pas  dans  nos  attributions  musicales 
de  suivre  les  détours  de  cette  intrigue  compliquée,  afin  de  la  faire 
comprendre  à  nos  lecteurs.  Les  feuilletonistes  du  grand  format  use- 
ront assez  largement  de  cette  partie  de  leurs  fonctions  pour  nousôter 
tout  scrupule  de  nous  en  être  dispensé.  Pourquoi  déflorer,  d'ailleurs,  le 
plaisir  que  doivent  éprouver  les  spectateurs  aux  trucs-péripéties  expli- 
qués rationnellement  par  les  auteurs  au  dénouement? 

M.  Clapisson  ,  qui  s'est  montré  depuis  longtemps  compositeur  fin  , 
gracieux,  dans  une  foule  de  charmants  albums,  avait  une  responsabilité 
complexe  dans  la  nouvelle  partition  qu'il  donnait  au  public  :  c'était  de 
soutenir  ce  qu'on  est  convenu  d'appeler  le  poème  qu'on  l'avait  chargé 
de  mettre  en  musique ,  et  de  se  montrer  digne  de  sa  réputation  de 
mélodiste  et  d'harmoniste  correct;  quant  à  son  instrumentation,  elle 
est  bien  de  ce  temps ,  c'est-à-dire  suffisamment  bruyante  et  bril- 
lante. L'ouverture  participe  de  ces  deux  caractères  :  elle  est  riche  et 
pauvre  ;  abondante  en  petits  motifs,  et  manquant  d'une  idée  largement 


développée  comme  cela  se  trouve  dans  nos  belles  ouvertures  de  l'école 
française. 

Le  petit  morceau  vocal  après  l'ouverture,  et  que  nous  désignerons 
par  les  couplets  de  la  peur,  chantés  par  Mme  Meillet,  chargée  du  rôle 
de  Suzanne ,  est  pittoresque  sous  le  double  rapport  de  la  mélodie  et 
de  l'instrumentation, qui  en  est  ingénieuse.  Après  ce  morceau,  d'une 
juste  mesure,  vient  un  trio  entre  Arved-Dufresne  ,  Christine-Miolan  et 
Suzanne-Meillet.  C'est  de  la  mélodie  bien  écrite  pour  les  voix  ;  mais 
cela  est  trop  long  et  gagnerait  à  être  abrégé.  Le  duo  qui  suit  entre 
Arved  et  Christine  se  distingue  par  la  chaleur  et  la  grâce,  surtout  la 
péroraison,  qui  offre  un  joli  nocturne  de  salon  d'un  sentiment  tout 
empreint  de  mystérieuse  intimité  d'amour. 

A  la  suite  d'un  chœur  d'entrée  fort  bien  traité,  viennent  deux  cou- 
plets dits  par  Udolphe-Lemaire.  Ils  sont  d'une  mélodie  franche,  d'une 
déclamation  vraie  et  d'une  instrumentation  spirituelle.  On  aurait  l'air 
d'adresser  une  épigfamme  à  l'auteur  en  lui  disant  que  ces  couplets 
sont  le  meilleur  morceau  de  la  partition ,  et  cela  n'en  est  pas  moins 
vrai  cependant.  Ils  sont  tout  empreints  d'une  couleur  rétrospective  et 
d'une  ironie  sur  les  croyances  populaires  en  fait  de  revenants,  mis  en 
saillie  par  des  effets  d'orchestre  on  ne  peut  plus  piquants  :  aussi  ont-ils 
été  bissés.  Nous  voudrions  cependant  que  le  passage  où  le  comte  dit 
que  les  croyances  superstitieuses  le  font  rire  aux  éclats,  imitassent 
avec  plus  de  vérité  ces-  rires  éclatants,  ce  qui  serait  facile  en  doublant 
la  valeur  des  notes  qui  expriment  ce  rire  ;  comme  aussi  le  trait  de  pe- 
tite flûte,  auquel  se  mêle  un  autre  trait  de  hautbois,  devrait  être  sou- 
tenu de  quelques  notes  de  basse  dites  par  le  basson  pour  donner  plus 
de  corps  à  ce  petit  dialogue,  qui,  du  reste ,  est  d'un  comique  fort 
original,  et  qui  fait  de  ce  morceau  un  diamant  de  bonne  déclamation 
scénique  et  musicale.  Le  final  du  premier  acte,  qui  vient  après  ce  mor- 
ceau, est  beaucoup  plus  important  et  ne  le  vaut  pas  à  beaucoup  près. 

Une  ronde  de  marins  ouvre  le  second  acte.  Ces  couplets  visent  à  l'o- 
riginalité mélodique  sans  y  atteindre  absolument.  Un  air  de  basse  chanté 
par  l'amiral  succède  à  cette  ronde  bien  rhythmée.  Soit  que  ce  brave  , 
amiral  chante  une  élégie  un  peu  monotone  sur  son  fils  qu'il  croit  mort, 
soit  que  la  mélodie  ne  soit  pas  bien  neuve  non  plus,  cet  air  semble  fait 
pour  passer  inaperçu,  ou  même  pour  être  passé.  Le  duo  bouffe  qui  suit 
entre  le  comte  Udolphe  et  l'amiral  est  bien  fait;  mais  il  a  le  tort  de 
faire  grimacer  le  comique  entre  deux  hommes  sérieux,  malgré  la  bonne 
volonté  des  auteurs  qui  ont  prétendu  ou  qui  ont  cru  les  rendre! 
plaisants. 

L'air  con  coro  misierioso,  chanté  par  Mlle  Miolan,  est  d'un  effet  pitto-, 
resque,  avec  la  phrase  du  chœur  souterrain  :  Non,  cet  hymmi  ne  s'ac- 
complii  a  pas  !  et  la  mélodie  dite  par  Christine  : 

Je  crois  à  la  magie 
Qui  promet  le  bonheur. 

Cette  mélodie  est  bien  sentie  et  bien  exprimée  par  la  cantatrice,  quifi 
l'a  dite  avec  une  sensibilité  venant  du  cœur  et  un  bon  style  de  chant. r; 
Le  final  de  cet  acte,  après  une  romance  peu  saillante,  est,  comme  celui 
du  premier  acte,  long,  large  et  trop  longtemps  aérien,  c'est-à-direfl 
vague  et  sans  aucune  originalité  mélodique,  comme  il  est  sans  effetfl 
dramatique.  11  rappelle,  pour  la  situation ,  le  chœur  de  Camille  ou 
le  Souterrain,  de  d'Aleyrac,  qui  est  d'un  dessin  mélodique  et  d'une 
forme  dramatique  bien  mieux  arrêtée;  car  on  sent,  on  frémit,  en  écou-fj 
tant  ceux  qui  sont  en  scène,  qui  prient  et  cherchent  les  moyens  de  dé-jj 
livrer  les  deux  malheureuses  victimes  qui  vont  mourir  dans  les  souter-fj 
rains  du  château. 

L'air  qui  se  trouve  au  commencement  du  troisième  acte  est  charmant 
de  mélodie  et  d'effet  d'orchestre  ;  car  le  compositeur  s'est  inspiré,  sans 
doute  involontairement,  du  motif  d'un  air  de  la  Flûte  enchantée  da 
Mozart,  et  d'une  charmante  pédale  de  cor  qui  se  trouve  dans  le  Muw 
lier  d'Hérold,  au  moment  du  sommeil,  et  qui  produit  un  délicieux 
effet. 

Ici  se  trouve  placé  un  sextuor  vocal  sans  autre  accompagnement  que 


DE  PARIS. 


quelques  notes  de  timbales  pour  maintenir  les  chanteurs  dans  la  tona- 
lité. C'est  un  morceau  bien  écrit  pour  les  voix,  bien  fait,  mais  trop 
long.  Indépendamment  de  la  situation  dramatique  qui  languit,  les  des- 
sins mélodiques  et  harmoniques  n'offrent  rien  de  nouveau,  de  pitto- 
resque dans  l'enchevêtrement  des  voix,  et  on  est  forcé  de  dire  encore 
que  le  trio  qui  suit  est  aussi  bien  long,  quoique  la  situation  soit  inté- 
ressante, cl  peut-être  parce  que  la  situation  est  dramatique.  I, 'amiral 
Norby,  nouveau  Brutus,  est  prêt  à  sacrifier  la  vie  de  son  fils  pour  rem- 
plir son  devoir  envers  son  pays  et  son  roi,  en  faisant  arrêter  cette 
malheureuse  princesse  Ulriquc  qui  gêne  tant  de  monde  dans  le  château 
d'Udolphe,  et  qu'on  ne  voit  qu'un  instant  au  dénouement.  Supplié  par 
ses  enfants  de  fermer  les  yeux  sur  l'évasion  de  ladite  princesse,  l'en- 
têté marin  résiste,  oh  !  mais  résiste  beaucoup  trop  longtemps  !  Et  alors 
la  situation  languit,  l'intérêt  s'évanouit.  La  mesure,  la  mesure  au  théâ- 
tre! c'est  ce  qu'il  y  a  de  plus  dificile  à  trouver.  Comme  ces  gens  qui 
n'abandonnent  point  un  bon  mot  qu'ils  n'en  aient  fait  une  sottise,  ainsi 
que  disait  Chamfort ,  que  d'auteurs  et  de  compositeurs  gâtent  une 
bonne  pensée  ou  une  belle  situation  à  force  de  les  développer  !  Quoi 
qu'il  en  soit  de  ce  trop  plein  qui  témoigne  de  l'abondance  d'un  au- 
teur, cette  dernière  partition  est  digne  des  autres  ouvrages  de  M.  Cla- 
pisson,  et  sera  entendue  avec  plaisir  par  les  amateurs  de  la  musique 
bien  faite,  et  dans  laquelle  abondent  des  mélodies  et  faciles  et  pitto- 
resques, et  des  effets  d'orchestre  riches  et  piquants. 

Henri  BLANCHARD. 


THÉÂTRE-LYRIQUE. 

REPRISE   DU 

PWSTIBiBiOJï  ME  liOKCiJlifflEAUJ. 

Le  Fostillon  de  Longjumeau  est  un  des  ouvrages  d'Adolphe  Adam 
qui  ont  obtenu  le  succès  le  plus  brillant  et  le  plus  populaire.  Nous 
n'avons  donc  pas  à  le  juger.  Il  a  pris  sa  place  depuis  longtemps  parmi 
les  partitions  les  plus  gaies  et  les  plus  facilement  écrites  du  répertoire 
moderne  de  l'Opéra-Comique.  Son  apparition  remonte  à  1836.  Il  n'y  a 
pas  bien  longtemps  qu'on  le  jouait  encore  clans  la  salle  Favart.  Pendant 
plus  de  quinze  ans,  ses  joyeux  refrains  ont  retenti  d'un  bout  de  la 
France  à  l'autre,  portés  de  théâtre  en  théâtre  par  tous  les  Marlins  de 
province,  qui  étaient  devenus  des  Chollets,  portés  jusque  dans  le  der- 
nier hameau  par  les  orgues  de  Barbarie. 

Eh  bien  !  ce  Postillon  nous  revient  encore,  à  l'époque  où  les  postil- 
lons sont  en  train  de  disparaître  de  la  face  du  monde  entier  !  11  nous 
revient  avec  l'artiste  qui  l'inaugura  si  brillamment,  et  dont  la  renommée 
grandit,  s'étendit  avec  la  vogue  de  l'ouvrage.  Chollet  n'a  rien  perdu  de 
son  talent  d'autrefois.  Il  a  toujours  sa  figure  originale,  ses  gestes  comi- 
ques, sa  prononciation  nette  et  énergique,  son  esprit,  sa  finesse,  son 
ardeur,  sa  verve,,  et  ces  inflexions  bouffonnes,  et  ces  ports  de  voix  pro- 
digieux, qui  faisaient  de  lui,  sinon  un  artiste  d'un  goût  irréprochable  , 
du  moins  l'un  des  chanteurs  les  plus  amusants  qu'il  y  eût  au  monde. 

Vous  devinez  comment  l'artiste,  le  chanteur,  l'acteur  a  été  reçu 
dans  le  rôle  qui  fut  toujours  son  triomphe.  C'était  comme  une  fête  de 
famille,  un  de  ces  retours  d'enfant  prodigue,  en  faveur  desquels  tout 
s'oublie,  même  le  temps  qui  s'est  écoulé  depuis  le  départ.  Mlle  Gui- 
chard  a  fort  bien  rempli  le  rôle  de  Madeleine,  qu'elle  avait  pu  étudier 
dans  le  temps  à  l'Opéra-Comique  d'après  Mlle  Prévost,  cet  excellent 
modèle.  Grignon  père  nous  a  rendu  aussi  la  plaisante  originalité 
d'Henri,  qui,  dans  le  rôle  de  Biju,  s'était  avisé  pour  la  première  fois 
de  son  talent  comique. 

Les  chœurs  et  l'orchestre  ont  largement  concouru  au  succès  de  cette 

reprise,  dont  la  ravissante   partition  d'Adolphe  Adam  n'aura  qu'à  se 

féliciter. 

G.  HÉQUET. 


L'ERIHITAGE. 

KouvcDlrN  de  «S  -.3.  RouNseau  et  de  tii-lrv. 

Les  journaux  annoncent  que  l'Ermitage  vient  d'être  acheté  pour  être 
converti  en  une  chapelle  placée  sous  l'invocation  de  la  Vierge.  Cette 
nouvelle  n'aura  pas  été  accueillie  avec  indifférence  par  les  amis  de  la 
musique,  par  ceux  qui  sont  attachés  d'esprit  et  de  cœur  aux  traditions 
de  l'art  français.  Nous  espérons  donc  qu'on  ne  regardera  pas  comme 
inopportunes  quelques  réflexions  sur  la  destination  nouvelle  qui  va  être 
donnée  à  la  charmante  retraite  peuplée  des  souvenirs  de  J.-J.  Rousseau 
et  de  Grétry. 

L'Ermitage,  son  nom  l'indique  assez,  fut  originairement  un  lieu  con- 
sacré à  la  prière.  Les  archéologues  nous  apprennent  qu'il  fut  élevé  par 
un  ermite  nommé  Leroi,  qui  le  vendit  au  cardinal  de  Richelieu,  à  la 
condition  d'en  conserver  la  jouissance  jusqu'à  sa  mort.  Il  devint  plus 
tard  la  propriété  du  prince  de  Condé,  puis  passa  entre  les  mains  de  la 
famille  d'Epinai.  C'est  à  dater  de  ce  moment  qu'il  commence  à  nous 
intéresser. 

Rousseau  se  trouvait  au  château  de  la  Chevrette  pour  présider  aux 
répétitions  de  l'Engagement  téméraire,  joué  par  la  société  de  Mme  d'E- 
pinai, sur  le  théâtre  qu'elle  avait  fait  bâtir  et  que  devait  inaugurer 
cette  comédie.  Se  promenant  un  matin  avec  la  dame  châtelaine  vers  le 
réservoir  des  eaux  du  parc  qui  touchait  à  la  forêt  de  Montmorency,  et 
où  était,  comme  le  dit  l'auteur  des  Confessions,  un  joli  potager  avec 
une  petite  loge  fort  délabrée  qu'on  appelait  V Ermitage  ;  séduit  par 
l'aspect  pittoresque  du  lieu,  il  s'écria  :  «  Ah!  Madame,  quelle  habita- 
tion délicieuse!  Voilà  un  asile  tout  fait  pour  moi.  »  Mme  d'Epinai  ne 
releva  pas  cette  exclamation;  mais  lors  d'une  nouvelle  visite  que  lui  fit 
Rousseau  à  quelque  temps  de  là,  elle  le  conduisit  du  côté  de  Y  Ermi- 
tage, où  une  jolie  habitation  avait  remplacé  la  petite  loge  délabrée,  et 
lui  dit  :  «  Mon  ours,  voilà  votre  asile  ;  c'est  vous  qui  l'avez  choisi, 
c'est  l'amitié  qui  vous  l'offre.  »  Jean-Jacques,  qui  souhaitait  ardem- 
ment de  quitter  Paris,  accepta  l'offre  de  l'amitié  et  prit  ses  dispositions 
pour  venir  habiter  V Ermitage  au  printemps  suivant,  car  on  touchait  à 
l'hiver,  saison  peu  favorable  à  une  installation  champêtre. 

Bousseau  n'eut  pas  la  patience  d'attendre  le  retour  de  la  belle  saison 
pour  aller  s'établir  à  Y  Ermitage,  Le  9  avril  1756,  il  quitta  Paris.  La 
terre  n'avait  pas  encore  revêtu  sa  parure  printannière  ;  mais  on  com- 
mençait à  voir  les  indices  d'une  végétation  prochaine  ;  les  arbres  se 
couvraient  de  bourgeons ,  les  primevères  et  les  violettes  s'épanouis- 
saient aux  tièdes  rayons  du  soleil.  Le  premier  soin  du  philosophe  fut 
de  parcourir  les  environs  de  son  petit  domaine  pour  jouir  de  ce  réveil 
de  la  nature.  Après  avoir  fait  une  reconnaissance  en  règle  des  chemins 
et  des  sentiers  où  il  comptait  faire  ses  promenades  de  chaque  jour,  il 
songea  à  régler  ses  occupations.  Les  matinées  furent  consacrées  à  la 
copie  de  musique  qui  lui  fournissait  ses  moyens  d'existence,  et  les 
après-midi  à  la  composition  des  ouvrages  dont  il  avait  formé  le  plan. 

C'est  à  Y  Ermitage  que  Jean-Jacques  a  rédigé  son  Dictionnaire  de  mu- 
sique dont  il  avait  déjà  rassemblé  les  matériaux;  c'est  là  qu'il  écrivit 
la  Nouvelle  Héloïse.  C'est  à  Y  Ermitage  qu'il  reçut  la  première  visite  de 
Mme  d'Houdetot  et  que  se  nouèrent  les  relations  auxquelles  on  doit  les 
pages  les  plus  éloquentes  de  Julie.  De  la  même  retraite  sont  datées 
aussi  les  Institutions  politiques.  Mais  ne  dépassons  pas  les  limites  de 
notre  sujet;  c'est  de  Rousseau  musicien  que  nous  voulons  nous  occu- 
per exclusivement  à  propos  de  Y  Ermitage. 

Bousseau  n'avait  pas  trouvé  à  Y  Ermitage  le  calme  qu'il  y  était  allé 
chercher.  Une  foule  de  désœuvrés  venaient  de  Paris  l'assaillir  de  leurs 
visites,  et  ne  sachant  que  faire  de  leur  temps,  ainsi  qu'il  le  dit,  pro- 
diguaient le  sien  sans  nul  scrupule.  D'un  autre  part,  les  obligations  que 
la  politesse  et  la  reconnaissance  lui  imposaient  à  l'égard  de  Mme  d'E- 
pinai lui  ôtaient  beaucoup  de  sa  liberté.  Il  y  eut  au  château  de  la  Che- 
vrette des  fêtes  pour  lesquelles  il  fit  de  la  musique.  Le  désir  de  dé- 
ployer aux  yeux  de  Mme  d'Houdetot  un  talent  qu'elle  aimait  excitait  sa 


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REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


verve.  Et  puis,  il  n'était  pas  fâché  de  profiter  des  occasions  de  montrer 
que  l'auteur  du  Devin  du  Village  savait  la  musique  ;  chose  que  ses 
ennemis  s'étaient  depuis  longtemps  attachés  à  rendre  douteuse.  Le  pre- 
mier morceau  qu'il  composa  h  Y  Ermitage  fut  un  motet  pour  la  dédicace 
de  la  chapelle  de  la  Chevrette.  Selon  lui,  jamais  musique  plus  étoffée 
ne  sortit  de  ses  mains.  «  La  pompe  du  début  répond  aux  paroles,  dit-il 
naïvement,  et  toute  la  suite  du  motet  est  d'une  beauté  de  chant  qui 
frappa  tout  le  monde.  »  Le  motet  fut  chanté  par  Mme  Brima,  virtuose 
italienne,  avec  accompagnement  d'un  orchestre  où  figuraient  les  meil- 
leurs symphonistes  de  Paris,  et  il  obtint  un  succès  qui  se  consolida  en- 
suite au  Concert  Spirituel,  où  il  obtint  les  honneurs  de  deux  exécu- 
tions le  même'  hiver.  Une  autre  fois,  pour  la  fête  de  Mme  d'Epinai, 
Jean-Jacques  donna  l'idée  d'une  pièce  moitié  drame  et  moitié  panto- 
mime que  Mme  d'Epinai  composa  sur  ses  indications  et  dont  il  fit  la 
musique. 

Six  années  se  passent  ainsi.  Quoiqu'il  n'eût  pas  toujours  à  Y  Ermi- 
tage une  existence  selon  son  goût,  Rousseau  aimait  cette  retraite,  et  il 
y  fût  demeuré  longtemps  encore  sans  la  malheureuse  circonstance  du 
voyage  à  Genève,  où  il  refusa  d'accompagner  Mme  d'Epinai.  Excitée 
par  Grimm  et  par  Diderot,  la  châtelaine  de  la  Chevrette  lui  fit  com- 
prendre qu'il  devait  aller  chercher  un  gîte  ailleurs.  Peu  de  jours  après 
il  disait  adieu  à  Y  Ermitage  qu'il  avait  illustré,  pour  aller  habiter,  à  peu 
de  distance  de  là,  la  maison  de  Mont-Louis,  que  lui  avait  louée  le  pro- 
cureur-fiscal du  prince  de  Condé. 

A  côté  des  gracieux  souvenirs  qu'évoque  Y  Ermitage,  il  s'en  présente 
de  bien  sombres.  Après  avoir  passé  en  différentes  mains,  cette  char- 
mante retraite  fut  inscrite  sur  la  liste  des  propriétés  nationales.  Re- 
gnaud  de  Saint-Jean-d'Angely  l'habita  quelque  temps  ;  mais  elle  plut  à 
Robespierre,  et  il  fut  contraint  de  la  céder  à  son  terrible  collègue.  Ro- 
bespierre allait  parfois  s'y  reposer  de  la  fatigue  des  travaux  parlemen- 
taires. Il  y  passa  la  nuit  du  6  au  7  thermidor  1793,  et  y  rédigea,  pour 
s'entretenir  la  main,  une  liste  de  proscription  spéciale  aux  habitants 
de  Montmorency,  ses  voisins. 

Plusieurs  années  se  passent  sans  que  Y  Ermitage  ait  de  nouveaux 
hôtes.  Il  est  de  nouveau  mis  en  vente  en  1797,  et  c'est  Grétry  qui  s'en 
rend  acquéreur.  Voulant  quitter  la  vie  active  et  goûter  à  la  campagne 
un  repos  qui  lui  était  bien  dû,  l'auteur  de  Richard  considéra  comme 
une  bonne  fortune  de  pouvoir  s'établir  au  milieu  d'un  site  pittoresque, 
dans  la  demeure  que  poétisait  l'ombre  de  Rousseau.  Voici  comment  il 
parie  lui-même  du  marché  qu'il  venait  de  faire  :  «  J'ai  acquis,  pour  la 
somme  de  10,000  fr. ,  Y  Ermitage  de  Jean-Jacques  Rousseau  à  Emile, 
ci-devant  Montmorency,  que  je  n'abandonnerai  de  ma  vie,  si  je  n'y  suis 
forcé  par  le  besoin,  et  où  je  me  crois  plutôt  le  secrétaire  des  précieuses 
reliques  que  j'y  ai  trouvées  que  le  propriétaire  véritable.  »  Montmo- 
rency avait  changé,  ainsi  qu'on  le  voit,  un  nom  qui  rappelait  à  la  France 
une  des  grandes  illustrations  de  son  histoire,  pour  celui  de  l'un  des 
écrits  du  philosophe  de  Genève.  Les  reliques  dont  parle  Grétry  étaient 
le  bois  de  lit  de  Jean-Jacques,  une  table  en  bois  de  noyer  sur  laquelle 
il  composa  une  partie  de  son  Méloïse  ;  deux  chiffonniers  et  un  petit 
corps  de  bibliothèque  ;  un  baromètre,  quatre  globes  en  verre  qui  lui 
servaient  à  mettre  de  la  lumière  quand'il  travaillait  au  jardin;  deux  gra- 
vures représentant  :  l'une,  le  Retour  du  soldat,  d'après  un  peintre  an- 
glais; l'autre,  les  Vierges  sages  et  les  Vierges  folles. 

En  se  retirant  à  Y  Ermitage,  Grétry  avait  eu  l'intention  de  prendre 
congé  du  public  ;  mais  quel  est  l'artiste  qui  a  eu  le  courage  de  tenir  ri- 
goureusement une  telle  résolution  lorsqu'il  pouvait  ou  croyait  pouvoir 
ajouter  une  pierre  à  l'édifice  de  sa  renommée?  Il  reprit  la  plume  à  l' Er- 
mitage pour  écrire  les  partitions d' Elis/ta,  du  Cosque  et  les  Colombes  et 
de  Delphis  et  Mopsa.  Ce  fut  alors  aussi  qu'égaré  par  une  de  ces  erreurs 
assez  communes  chez  les  artistes,  il  essaya  de  sortir  de  la  sphère  habi- 
tuelle de  ses  travaux  pour  se  faire  littérateur  et  moraliste.  Il  est  permis 
de  penser  que  ce  projet  lui  fut  suggéré  par  l'aspect  même  des  lieux 
qu'il  habitait  et  où  régnait  un  certain  parfum  de  philosophie.  Là  où 
Jean-Jacques  Rousseau  avait  vécu,  pensé,  écrit,  il  n'aura  pas  cru  pou- 


voir se  dispenser  d'esquisser  à  son  tour  un  système  d'organisation  so- 
ciale. C'est  ce  qu'il  fit  dans  le  long  et  indigeste  ouvrage  intitulé  :  La 
vérité  ou  ce  que  nous  fûmes,  ce  que  nous  sommes,  ce  que  nous  devrions 
être.  Quant  aux  Réflexions  d'un  solitaire,  dont  il  assurait  avoir  rédigé 
six  volumes  à  Y  Ermitage,  et  qui  devaient  contenir  le  développement 
complet  de  ses  idées  sur  son  art  et  sur  bien  d'autres  choses ,  elles 
n'ont  pas  été  publiées.  Les  volumes  annoncés  existaient-ils  ailleurs 
que  dans  son  imagination  ? 

Quoi  qu'il  en  soit,  Grétry  vivait  heureux  et  tranquille  à  Y  Ermitage, 
lorsqu'un  événement  tragique  vint  le  frapper  de  stupeur.  Un  meunier, 
son  voisin,  fut  trouvé  mort,  assassiné  dans  son  lit.  Dès  lors,  Grétry  ne 
se  croit  plus  en  sûreté  à  Y  Ermitage;  ses  bosquets  odorants,  ses  par- 
terres fleuris,  les  souvenirs  de  Jean-Jacques,  de  Mme  de  d'Houdetot, 
rien  ne  le  retient.  Il  accourt  à  Paris,  poursuivi  par  la  crainte  des  poi- 
gnards, et  jure  qu'il  ne  remettra  plus  les  pieds  à  Montmorency.  Près 
de  deux  ans  se  passent,  en  effet,  sans  qu'il  y  retourne  ;  mais,  peu  à 
peu,  les  impressions  qui  l'en  avaient  éloigné  s'effacent  ;  il  y  va  d'a- 
bord faire  quelques  visites,  puis,  comme  ses  médecins  lui  conseil- 
laient l'air  de  la  campagne,  il  va  s'y  fixer  de  nouveau.  «  Je  suis  con- 
vaincu que  ma  dernière  heure  approche,  avait-il  dit,  et  je  désire  mou- 
rir à  l' Ermitage  auprès  de  Jean-Jacques.  »  Peu  de  jours  après,  Berton, 
son  collègue  et  son  ami,  va  lui  faire  une  visite.  Grétry  lui  parie  du  De 
profundis  qu'il  a  composé  pour  être  exécuté  le  jour  de  ses  funérailles. 
C'est  Berton  qu'il  charge,  avec  Persuis,  de  présider  à  la  par'ie  musi- 
cale de  la  cérémonie.  Et  voyez  comme  il  faut  que  l'amour-propre  de 
l'artiste  se  rignale  en  tout:  Grétry  songe  à  l'effet  du  morceau  ;  il  a  tou- 
jours remarqué,  dit-il,  que  les  contres-basses  avaient  un  son  très- 
sourd  dans  les  églises.  Pour  éviter  cet  inconvénient,  il  prie  qu'on  les 
place  sur  une  estrade  élevée.  —  «  Tu  devrais,  ajoute-t-il,  passer  la 
nuit  à  Y  Ermitage.  »  Comme  Berton  s'en  excusait  en  promettant  de  re- 
venir quelques  jours  après,  Grétry  dit  en  soupirant  qu'il  serait  trop 
tard.  Le  jour  suivant,  en  effet,  il  rendit  le  dernier  soupir. 

M.  Flamant  Grétry,  neveu  de  l'auteur  de  Richard,  acheta  YErmi- 
tage  pour  y  placer  un  monument  à  la  mémoire  de  son  illustre  parent, 
et  dans  lequel  il  fit  déposer  le  cœur  où  avaient  germé  tant  de  belles 
pensées  musicales.  Ce  cœur,  on  le  sait,  il  l'avait  d'abord  offert  à  la 
ville  de  Liège,  patrie  de  Grétry;  mais  le  don  qu'il  en  voulait  faire  avait 
été  accueilli  avec  si  peu  d'empressement  et  même  de  convenance, 
qu'il  l'avait  retiré.  On  n'a  pas  oublié  le  retentissement  du  procès  qui 
s'engagea  à  ce  sujet.  M.  Flamant  parcourut  tous  les  degrés  de  juridic- 
tion. Croyant  se  rendre  les  juges  favorables  en  intéressant  à  sa  cause 
de  hauts  personnages,  il  avait  sollicité  et  obtenu  que  Mme  la  duchesse 
de  Berry  vînt  faire  une  visite  à  Y  Ermitage ,  pour  assister  à  une  inau- 
guration du  monument  où  était  déposé  le  cœur  de  Grétry.  Il  y  eut  à 
cette  occasion  une  sorte'  de  concert  funèbre  dont  le  programme  était 
formé  des  œuvres  du  célèbre  compositeur.  Cela  n'empêcha  pas  M.  Fla- 
mant de  perdre  son  procès.  Peu  de  jours  s'écoulèrent  avant  que  les 
députés  de  la  ville  de  Liège  ne  vinssent,  en  vertu  d'un  arrêt ,  prendre 
possession  du  cœur  de  Grétry  pour  le  transporter  en  Belgique. 

Nous  ne  saurions  approuver  le  projet  qu'on  annonce  de  faire  de  Y  Er- 
mitage une  chapelle  dédiée  à  la  Vierge.  On  aura  beau  faire,  on  n'em- 
pêchera pas  que  ce  ne  soit  toujours  Y  Ermitage  de  Rousseau  et  de  Gré- 
try. Ce  lieu  est  peuplé  de  souvenirs  pleins  de  charme  pour  les  amis  des 
arts  et  de  la  poésie,  mais  peu  en  rapport  avec  les  sentiments  religieux 
que  devrait  provoquer  sa  nouvelle  destination.  On  se  rappelera  tou- 
jours involontairement  en  les  visitant,  Mme  d'Houdetot  et  Jean-Jacques, 
Héloïse  et  Saint-Preux,  Grétry  et  tout  le  cortège  des  héros  d'opéras 
qu'il  a  mis  en  scène.  Ces  réminiscences  s'accordent-elles  avec  le  culte 
voué  à  la  mère  du  Sauveur  ? 

Ce  qu'il  eût  été  bien  de  faire,  c'eût  été  de  réunir  à  Y  Ermitage  des 
objets  ayant  appartenu  à  Jean-Jacques  Rousseau  et  à  Grétry  :  une  col- 
lection aussi  complète  que  possible  des  différentes  éditions  des  écrits 
du  premier,  les  partitions  des  opéras  du  second  ;  des  autographes  de 
l'un  et  de  l'autre,  leurs  portraits  tant  de  fois  reproduits,  et  ceux  de  la 


SVPPLEMENT. 


SUPPLÉMENT. 


EE  PARIS. 


377 


plupart  des  personnages  cités  dans  leurs  mémoires.  Ce  musée  ne  se- 
rait ni  aussi  vaste,  ni  aussi  riche  que  celui  que  l'on  consacre  aux  sou- 
verains de  la  France  ,  mais  il  no  serait  pas  dénué  d'intérêt.  Comme  la 
religion  et  comme  l'histoire,  le  génie  a  ses  reliques.  Si  c'est  un  préjugé, 
c'est  un  préjugé  bien  respectable  que  celui  qui  s'attache  à  la  mémoire 
des  grands  artistes,  et  qui  met  du  prix  à  la  conservation  des  objets  de 
nature  à  rappeler  leur  personne  ou  leurs  travaux.  Si  la  destination  que 
nous  indiquons  était  donnée  à  l'Ermitage,  on  verrait  de  nombreux  pè- 
lerins se  diriger  chaque  jour  vers  la  vallée  de  Montmorency,  attirés, 
ceux-ci  par  la  curiosité,  ceux-là  par  reconnaissance  pour  les  émotions 
qu'elles  doivent  h  l'auteur  de  la  Nouvelle  Héloïse  et  à  celui  de  Richard 

Cœur-dc-Lion. 

Edouard  FÉTIS. 


REVUE   CRITIQUE. 

EM1I;E     PRllDEMT 

SES  DERNIÈRES  COMPOSITIONS  :    LA  DANSE  DES  FÉES, 
VILLANELLE. 

La  foule  suit  toujours  l'artiste  qui  marche  et  s'avance  de  station  en 
station,  d'étape  en  étape,  vers  un  but  inconnu  de  tous,  souvent  de  lui- 
même.  A  chaque  pas  qu'il  fait,  la  curiosité  s'augmente  et  le  cortège 
grossit.  Que,  par  hasard,  il  vienne  à  modifier  légèrement  son  allure  ou 
qu'il  change  tout  à  coup  de  route ,  l'attention  redouble,  l'intérêt  s'ac- 
croît ;  l'étonnement,  l'admiration,  l'envie,  la  crainte,  sont  enjeu,  et  le 
cercle  de  sa  popularité  s'agrandit  en  raison  directe  de  celui  de  la  car- 
rière qu'il  a  parcourue.  Il  n'en  saurait  être  ainsi  de  l'artiste  séden- 
taire qui  se  contente  d'un  premier  effort,  s'établit  dans  un  premier 
succès,  et  s'y  cantonne  pour  le  reste  de  sa  vie.  Son  auditoire,  qui  se 
lassera  plutôt  que  lui  d'une  admiration  immobile,  finira  toujours  par 
s'éparpiller,  entraîné  par  les  distractions ,  chassé  par  l'ennui  d'être 
toujours  à  la  même  place. 

Nous  n'avons  pas  besoin  de  dire  qu'Emile  Prudent  est  de  ceux  qui 
marchent  et  qui  ne  sont  pas  près  de  s'arrêter.  Profitons  du  moment 
pour  le  saisir,  l'étudier  dans  sa  nouvelle  phase  d'évolution,  et  pour 
dire  en  quelques  mots  ce  que  nous  pensons  des  travaux  par  lesquels  il 
a  marqué  son  passage.  Pourquoi  n'avouerions-nous  pas  franchement 
que  nous  en  sommes  fiers  et  heureux  ?  L'école  française,  qui  comptait 
tant  de  bon  pianistes,  n'en  avait  pas  encore  produit  de  grand.  Elle 
pouvait  dire  comme  lord  Byron  :  «  /  want  a  hero;  je  manque  d'un 
chef,  m  Elle  n'avait  pas  un  homme  à  opposer  à  ces  formidables  inva- 
sions du  Nord,  sorties  de  la  Bohême,  de  la  Hongrie,  de  la  Russie,  delà 
Norwége  ;  elle  souffrait  d'une  oppression  véritable,  sans  pouvoir  s'é- 
crier :  «  Et  moi  aussi  je  descends  dans  la  lice  !  Et  mon  champion 
»  n'est  pas  seulement  le  premier  des  pianistes  français;  c'est  l'égal  des 
»  premiers  de  l'Europe  entière.  » 

Vers  1833,  un  tout  jeune  homme  remportait  le  prix  de  piano  au 
Conservatoire.  Ge  qui  est  beaucoup  pour  tant  d'autres  n'était  presque 
rien  pour  celui-là,  qui  se  dit  :  «  Maintenant  que  mes  études  sont 
»  finies,  je  m'en  vais  les  commencer.  »  Et  de  fait,  Emile  Prudent,  car 
c'était  lui,  au  lieu  de  se  produire  dans  le  monde  et  d'y  recueillir 
aussitôt  après  avoir  semé,  se  renferma  dans  la  solitude,  s'exila  de  Paris 
et  se  mit  à  travailler  pour  lui  plus  sévèrement  qu'il  n'avait  travaillé 
pour  ses  maîtres.  Il  en  était  venu  à  ce  point  que  si  peu  d'artistes  attei- 
gnent, de  pouvoir  se  servir  de  maître  lui-même,  de  se  marquer  le  terme 
et  en  même  temps  de  découvrir  le  vrai  chemin  pour  y  arriver.  Ce  Iravail 
héroïque  se  prolongea  pendant  plusieurs  années.  Mais  une  telle  épreuve, 
soutenue  avec  une  résolution  si  forte,  n'était  pas  sans  danger.  Le  jeune 
artiste,  en  s'éloignant  du  monde,  risquait  d'oublier  ses  lois,  ses  goûts, 
ses  convenances.  L'exilé  volontaire  pouvait  se  créer  un  monde  à  part, 
façonné  à  ses  propres  idées,  à  ses  affections,  à  ses  caprices,  et  nous 
revenir  tellement  étrange  que  nous  eussions  peine  à  le  reconnaître 
pour  l'un  de  nous.  Tout  au  contraire,  et  c'est  la  preuve  d'un  excellem 


esprit,  du  fond  de  sa  retraite,  Emile  Prudent'avait  toujours  l'oreille 
ouverte  aux  bruits  que  lui  renvoyaient  les  échos  de  la  ville,  des  salons, 
dos  théâtres.  11  ne  faisait  pas  de  l'art  pour  l'art,  ce  qui  ne  mène  abso- 
lument à  rien  :  il  faisait  de  l'art  pour  devenir  un  grand  artiste  applaudi, 
fêlé,  renommé.  Aussi,  quand  il  jugea  qu'il  était  temps  do  se  présenter 
comme  pianiste  et  comme  compositeur,  il  n'afficha  pas  la  prétention  de 
nous  révéler  un  genre,  une  musique,  une  poésie,  dont  nous  n'aurions 
jamais  entendu  parler.  Il  nous  apporta  tout  simplement  des  compositions 
écrites  dans  le  style  et  la  manière  qui  étaient  alors  le  plus  en  vogue. 
Dans  ses  fantaisies  sur  Lucie,  sur  les  Hwjuenols,  sur  Norma,  dans  ses 
Souvenirs  de  Beethoven,  il  employa  surtout  le  procédé  dont  Thalberg 
était  l'inventeur.  Il  s'empara  de  l'arpège  avec  une  vigueur  et  une  puis- 
sance au-delà  desquelles  il  n'y  avait  plus  rien  :  il  posa  les  colonnes 
d'Hercule  de  ce  moyen  d'effet,  et  c'était  un  honneur  qui  en  valait  bien 
un  autre.  En  même  temps,  il  s'essayait  dans  des  morceaux  originaux, 
comme  l'Hirondelle,  la  Ronde  de  nuit,  l'élude  en  mi  bémol,  et  mon- 
trait de  bonne  heure  qu'il  avait  en  lui-même  assez  de  ressources  pour 
ne  pas  bâtir  éternellement  sur  le  terrain  d'autrui. 

Ce  que  nous  signalons  en  la  première  époque  d'Emile  Prudent,  ce 
dont  nous  lui  savons  gré,  c'est  qu'il  commença  par  faire  ce  qui  se 
faisait,  aussi  bien  qu'on  le  faisait,  souvent  mieux,  et  que  de  la  sorte  il 
conquit  le  droit  de  faire  autre  chose.  S'il  changea,  s'il  modifia,  ce  fut 
par  conviction  et  non  par  impuissance.  Loin  d'insulter  aux  succès  de 
ses  devanciers,  il  débuta  en  leur  rendant  un  plein  et  sincère  hom- 
mage. Après  quoi,  il  comprit  qu'on  devait  passer  à  d'autres  combinai- 
sons, à  d'autres  effets,  et  il  écrivit  le  concerto  symphonique,  l'œuvre 
la  plus  élevée,  la  plus  large,  qui  soit  jusqu'ici  sortie  de  sa  plume.  Le 
concerto  symphonique,  dans  lequel  le  rôle  du  piano  acquiert  une  telle 
importance  qu'il  rivalise  avec  celui  de  l'orchestre,  marque  la  seconde 
époque  des  travaux  d'Emile  Prudent,  et  tout  près  de  ce  concerto,  au 
même  niveau,  quoique  de  caractères  bien  divers,  se  groupent  les  dé- 
licieux morceaux  intitulés  les  Bois,  les  Champs,  V Allegretto  pastoral, 
qui  servent  de  transition  à  une  troisième  époque.  L'auteur  du  concerto 
symphonique,  descendu  des  hauteurs  de  cette  œuvre  capitale,  s'est 
livré  à  l'inspiration  du  paysage  musical,  et  cette  inspiration  se  retrouve 
encore  plus  brillante,  plus  hardie,  plus  ravissante  que  jamais  dans  ses 
deux  dernières  compositions,  la  Danse  des  Fées  et  la  Villanelle. 

La  Danse  des  Fées  est  aux  Bois,  aux  Champs  et  à  la  Villanelle,  ce  que 
le  Songe  d'une  nuit  d'été,  ce  que  la  Tempête  sont  aux  autres  drames  de 
Shakespeare.  C'est  du  paysage  à  la  vérité,  mais  du  paysage  féerique, 
où  la  reine  des  nuits  tient  sa  cour,  où  les  gnomes,  les  farfadets,  les 
sylphides,  leswillis,  et  tout  ce  que  l'imagination  peut  rassembler  d'êtres 
aériens,  de  créatures  invisibles,  impalpables,  insaisissables,  tourbil- 
lonnant sur  des  tapis  de  gazon  brodés  de  fleurs  mystérieuses,  bigarrés 
d'insectes  inconnus.  Le  début  de  la  Danse  des  Fées  est  simple,  mais  de 
cette  simplicité  originale  qui  fait  qu'à  l'instant  la  curiosité  s'éveille. 
Sur  un  rhythme  ternaire,  en  mesure  à  trois-huit,  l'auteur  entre  en 
matièredans  le  ton  de  fa  mineur,  mouvement  d'allegretto,  et  mon- 
tre à  son  auditeur  les  fées ,  qui  voltigent  et  se  poursuivent  dans  de 
fraîches  vallées  aux  bords  d'un  lac  ;  elle  se  lutinent  et  chantent  au 
moins  autant  qu'elles  dansent,  carie  compositeur  semble  avoir  été  doué 
en  naissant  par  la  fée  du  chant.  A  la  légèreté  fugace  de  cette  mélodie, 
de  ce  trait  papillonné,  succèdent  un  hymne  féerique,  un  chant  gran- 
diose de  toutes  ces  habitantes  des  nuages  qui  semblent  délibérer,  tenir 
conseil,  et  dont  la  délibération  s'arrête  sur  l'accord  largement  posé  de 
la  septième  dominante  du  ton  de  fa  ,■  et  le  résultat  de  cette  grave  et  ma- 
jestueuse conférence,  qui  s'est  faite  sur  une  riche  et  puissante  harmonie 
à  six  et  même  à  huit  parties,  est  la  reprise  des  courses  capricieuses  de 
cette  danse  échevelée,  s'exécutant  sur  une  mesure  à  deux-quatre  en 
triolet,  trait  brillant  de  dix  pages  pour  la  main  droite,  trait  plein  de 
verve  et  d'éclat,  course  au  clocher,  orgie  musicale  dans  laquelle  il  faut 
déployer  autant  de  force  que  de  légèreté,  autant  de  grâce  que  de  brio. 
Emile  Prudent  a  trouvé  là  un  de  ces  effets  spéciaux  que  nul  autre  in- 
strument que  le  piano  ne  saurait  rendre.  Il  en  est  le  créateur  et  aussi 


378 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


l'exécutant  le  plus  merveilleux,  le  plus  idéal.  En  l'écoutant,  c'est  à  une 
véritable  féerie  que  l'on  assiste;  c'est  dans  le  royaume  de  la  fantaisie 
qu'on  est  transporté ,  tout  comme ,  en  entendant  Mercutio  décrire  la 
physionomie,  l'attelage,  le  costume  et  les  fonctions  de  la  reine  Mab,  on 
se  croit  perdu  dans  les  vagues  domaines  de  la  vision  et  du  rêve.  A  ceux 
de  nos  lecteurs  qui  n'ont  pas  sous  les  yeux  la  Danse  des  Fées,  nous 
ne  saurions  faire  comprendre  l'impression  produite  par  ce  trait  si  heu- 
reux, si  charmant,  d'une  magie  si  réelle,  qu'en  la  comparant  à  celle 
qui  résulte  du  perpétuel  scintillement  des  étoiles  ou  plutôt  de  celui 
d'un  rayon  du  soleil  reflété  dans  les  flots  tremblants  d'une  rivière,  dans 
le  brisement  d'une  vague  écumante. 

La  Villanelle  nous  ramène  à  la  terre,  à  la  campagne,  au  paysage  tel 
que  nous  l'avons  entrevu  quelquefois  dans  une  bonne  fortune  poétique. 
Si  nous  ne  craignions  de  laisser  croire  qu'il  peut  y  avoir  quelque  vel- 
léité d'imitation  dans  l'œuvre  du  pianiste,  nous  dirions  qu'un  souffle 
de  la  symphonie  pastorale  a  passé  par  là.  Mais  ce  n'est  rien  qu'un  souf- 
fle, une  inspiration  fécondante,  et  d'ailleurs  nulle  ressemblance,  pas 
plus  pour  les  dimensions  que  pour  l'idée.  La  Villanelle  est  une  rêverie 
doucement  mélancolique,  semée  de  traits  d'une  élégance  extrême. 
Le  motif  qui  revient  sans  cesse  et  avec  un  charme  suprême  a  le  carac- 
tère naïf  et  pourtant  distingué.  C'est  le  soupir  échappé  du  sein  de  la 
noble  damoiselle,  soupir  entrecoupé  de  chants  joyeux,  de  danses  légè- 
res, dont  l'ensemble  donne  un  tableau  du  coloris  le  plus  fin  et  le  plus 
frais.  11  y  a  de  plus  une  grande  variété  de  rhythmes  dans  cette  idylle, 
bien  que  la  mesure  à  six-huit  et  celle  à  deux-quatre  en  fassent  tous  les 
frais  ;  mais  ces  deux  mesures  et  les  modulations  s'enchaînent  aussi  na- 
turellement qu'ingénieusement.  Cela  repose  d'ailleurs  de  ces  mélodies 
de  salon  à  la  mode,  boiteuses,  pointues,  maniérées,  qui  semblent  tou- 
jours vouloir  se  reposer  sur  la  note  sensible  ou  sur  une  appoggialura. 
C'est  faire  trêve  au  genre  faux  en  revenant  au  vrai. 

Voilà  quelles  sont  les  deux  dernières  compositions  d'Emile  Prudent, 
la  Danse  des  Fées  et  la  Villanelle  ;  voilà  où  il  en  est  de  sa  marche  as- 
cendante et  de  sa  tendance  instinctive  à  varier,  à  étendre,  à  rajeunir 
l'idée  et  la  forme  de  la  musique  composée  pour  le  plus  riche  des  ins- 
truments, le  piano.  Nous  ne  savons  combien  de  temps  cet  éminent  ar- 
tiste s'arrêtera  dans  la  région  du  paysage,  mais  nous  croyons  qu'il 
vient  d'y  achever  deux  petits  chefs-d'œuvre  qui  suffiraient  à  l'une  des 
époques  de  sa  carrière.  Nous  croyons  que  ces  deux  chefs-d'œuvre,  dont 
l'Angleterre  a  eu  les  prémices,  et  que  la  reine  Victoria  s'est  fait  redire 
par  l'auteur  lui-même  dans  un  petit  comité  musical,  seront  accueillis 
avec  enthousiasme  par  les  salons  et  les  concerts  parisiens.  Nous  comp- 
tons d'avance  les  ovations  qu'ils  vaudront  à  l'auteur  chaque  fois  qu'il  les 
fera  entendre;  et  il  ne  s'en  tiendra  pas  là  :  ses  succès  ne  seront  pourlui 
qu'un  point  de  départ  :  aussi,  nous  disposons-nous  à  lui  consacrer  une 
nouvelle  étude  dès  qu'il  se  sera  produit  encore  dans  quelque  genre 
nouveau. 

Six  éludes  de  première  force  par  Léon  Kreutzer.  —  Ouvertures  de 

«0:0 B.D,  »a  sas;  TKll,  et  de  euîuaRAiMBfS,  a  quatre  mains,  par  Ilcnrl 
Rosellcn. 

Léon  Kreutzer,  l'auteur  des  six  études  que  nous  avons  là  sous  la 
main,  est  un  de  ces  musiciens  qui  ne  valent  pas  moins  par  l'esprit 
que  par  toutes  leurs  autres  facultés  naturelles  ou  acquises.  Un  jour, 
il  lui  aplu  d'écrire  six  étudesqu'il  a  intitulées  depi-emière  force;  il  aurait 
pu  toutaussi  bien  lui  plaired'écrireunesymphonie,  une  messe,  un  orato- 
rio, des  quatuors,  des  romances,  un  livre  sur  la  musique  etles  musiciens. 
Pourquoi  pas?  Il  a  fait  de  tout  cela,  et  il  fera  bien  d'autres  choses 
encore.  Tous  nos  lecteurs  saventeomment  il  manie  la  plume, et  beaucoup 
d'entre  eux  ne  sont  pas  moins  au  courant  de  ses  travaux  de  compo- 
siteur. Nous  ne  leur  apprendrons  rien  en  disant  que  ces  études  de 
piano  sont  largement  conçues,  hardiment  jetées  sur  le  papier,  avec 
de  belles  harmonies  et  de  savantes  modulations.  Ce  que  nous  y  re- 
marquons tout  d'abord,  c'est  que  ce  sont  de  vraies  études,  et  non  pas 
uniquement  des  cadres  commodes  aux  évolutions  d'une  idée  plus  ou 


moins  élégante,  plus  ou  moins  neuve.  Léon  Kreutzer  a  voulu  que  ses 
études  servissent  à  quelque  chose,  et  il  les  a  rédigées  à  cette  fin,  peut- 
être  pour  s'exercer  lui-même  dans  le  principe,  et  comme  il  aura  re- 
connu que  cet  exercice  lui  avait  grandement  profité,  il  a  songé  à  en 
faire  part  à  d'autres  pianistes  connus  ou  non  connus.  Nous  leur  re- 
commandons notamment  la  troisième  étude  en  octaves,  en  leur  souhai- 
tant de  grand  cœur  tout  ce  qu'il  leur  faudra  pour  bien  s'en  tirer. 

—  Annoncer  qu'Henri  Rosellen  a  pris  la  peine  ou  plutôt  le  plai- 
sir d'arranger  à  quatre  mains  deux  ouvertures  de  Rossini,  celle  de 
Guillaume  Tell  et  celle  de  Sémiramis ,  c'est  donner  une  nouvelle 
qui  n'a  pas  besoin  de  commentaire,  et  qui  volera  de  piano  en  piano. 
D'ailleurs,  les  grands  chefs-d'œuvre  ne  sont  jamais  trop  populaires  ; 
on  se  lasse  pas  de  les  jouer,  parce  qu'on  ne  se  lasse  pas  de  les  enten- 
dre ;  toutes  les  générations,  vieilles  ou  jeunes,  en  font  leurs  délices  ; 
les  arrangeurs  et  les  éditeurs  en  font  leur  profit. 

Paul  SMITH. 


Choix  de  huit  motets  avec  accompagnement  d'orgue  ou  de  quatuor  , 
dédiés  à  S.  M.  xéopoid  Ier,  roi  des  neiges ,  par  Joseph  Frank,  de 
Iilége. 

M.  Frank,  tout  Belge  qu'il  est,  a  fait  ses  études  au  Conservatoire  de 
Paris,  et  j'ai  ouï  dire  que  dans  ses  classes  il  était  si  laborieux  qu'il 
aurait  volontiers  occupé  ses  professeurs  toute  la  journée  par  la  quan- 
tité de  travaux  qu'il  trouvait  le  temps  de  composer  d'une  leçon  à  l'au- 
tre. Une  telle  activité  ne  pouvait  rester  infructueuse;  car  s'il  est  dit  dans 
l'Évangile  que  l'on  reconnaît  les  arbres  par  leurs  fruits  et  les  hommes 
par  leurs  œuvres,  on  reconnaît  aussi  les  fruits  et  les  œuvres  par  le 
terrain  où  ils  ont  été  cultivés.  Le  style  de  M.  Frank  est  d'une  grande 
pureté,  et  ses  parties  sont  généralement  bien  disposées  pour  les  voix; 
mais  je  voudrais,  au  moins  de  temps  en  temps,  quelques  idées  plus  sail- 
lantes, plus  détachées.  En  musique  d'église  on' recherche,  il  est  vrai, 
plutôt  la  convenance  et  le  caractère  général  que  l'invention  ;  pourtant 
faut-il  encore  qu'un  motet  n'ait  pas  l'apparence  d'une  leçon  de  con- 
trepoint, et  c'est  le  défaut  de  quelques  morceaux  de  ce  recueil,  par 
exemple,  de  V Ave  verum,  11°  9,  et  de  VO  salutaris,  n°6.  A  ce  propos,  je 
ne  sais  pourquoi  ces  huit  motets  sont  numérotés  1,  22,  16,  9,  6,  etc. 
Le  dernier,  c'est-à-dire  le  huitième,  qui  porte  len°  H,  est  à  huit  voix, 
et  j'avoue  qu'il  ne  me  semble  pas  écrit  dans  le  style  que  l'on  a  l'habi- 
tude de  donner  aux  pièces  de  ce  genre  ;  les  deux  chœurs  se  montrent 
ici  trop  souvent  ensemble,  et  l'effet  ne  saurait  y  gagner.  Les  riches 
perdent  quelquefois  à  faire  si  grand  étalage  de  leur  fortune  ;  car  des 
esprits  pénétrants  peuvent  en  pareil  cas  supposer,  et  peut-être  à  tort, 
qu'ils  ne  sont  pas  si  opulents  qu'ils  veulent  le  paraître. 

@ix  motets  a  deux,  trois  et  quatre  vois,  avec  solos  et  accompagnement 
d'orgue,  dédiés  a  sa.  margeim,  par  Albert  Sowinski. 

M.  Sowinski  est  un  pianiste  des  plus  distingués,  et  l'on  s'en  aperçoit 
par  moments,  même  lorsqu'il  écrit  de  la  musique  d'église  avec  accom- 
pagnement d'orgue.  Les  six  motets  qu'il  publie  sont  destinés  à  être 
exécutés  pendant  les  messes  basses,  et  cependant  ils  sont  en  général 
peu  développés,  mais  toujours  bien  conduits.  Le  n°  1,  à  quatre  voix, 
Domine,  Deus  meus,  in  le  speravi,  est  d'un  fort  bel  effet  ;  le  second  et 
le  sixième  ont  aussi  de  l'éclat;  exécutés  à  grand  chœur  et  avec  un  peu 
d'intelligence,  ces  morceaux  doivent  résonner  avantageusement  dans 
une  chapelle.  Je  ne  trouve  pas  M.  Sowinski  aussi  heureux  dans  son 
O  salutaris  à  trois  voix  sans  accompagnement.  Outre  deux  singulières 
distractions  de  la  sixième  à  la  septième  mesure,  et  de  la  cinquante-qua- 
trième à  la  cinquante-cinquième,  il  est  bon  d'observer  que  dans  les  mor- 
ceaux de  ce  genre,  pour  obtenir  un  bon  résultat,  il  faut  surtout  que  les 
voix  sonnent  bien  ensemble  et  se  reposent  fréquemment  sur  de  gros 
accords,  afin  d'obtenir  de  temps  à  autre  je  ne  sais  quel  effet  métal- 
lique qui  remplit  copieusement  l'oreille  et  satisfait  la  pensée.  Du  mo- 
ment que  les  voix  sont  seules,  il  faut  leur  donner  autant  que  possible 


DE  PARIS. 


379 


toute  leur  valeur.  Je  trouve  aussi  le  morceau  à  voix  seule,  n°  h,  un  peu 
froid,  et  de  plus  les  suspensions  ne  correspondent  pas  toujours  au  sens 
des  paroles.  —  Voici  un  article  bien  mal  combiné  :  j'aurais  dû  garder 
pour  la  fin  les  éloges  que  je  donnais  en  commençant  a  M.  Sowinski; 
mais  j'en  suis  quitte  pour  y  revenir,  et  c'est  sans  doute  sur  ces  éloges 
plus  que  sur  mes  critiqnes  que  s'arrêteront  tous  ceux  qui  voudront 
prendre  connaissance  de  ces  six  motets. 

Première  sonate  pour  pluno  et  violon,  pur  i.ouIkc  Farrenc,  œuvre  39. 
—  Deuxième  Nonute,  œuvre  30.  —  Premier  trio  pour  plnno,  violon  et 
violoncelle,  par  LouInc  Farrcuc,  op.  33.  —  neuvième  «rlo,  op.  3-1. 

Au  milieu  de  ce  déluge  de  fantaisies,  de  variations,  de  polkas,  de 
mazurkas  qui  nous  inondent,  on  éprouve  une  sensation  toute  agréable 
d'entendre  quelqu'un  qui  vienne  nous  parler  raison  et  s'exprime  en 
aussi  aimables  termes  que  Mme  Farrenc  ;  on  doit  donc  la  féliciter  de 
son  courage  de  ne  s'être  pas  laissé  entraîner  par  le  torrent.  Vraiment, 
pour  un  acte  pareil  il  fallait  se  sentir  bien  de  la  force;  mais  quand  on  a  le 
talent  et  le  goût  au  point  que  l'a  celte  artiste,  on  n'est  nullement  obligé 
de  se  soumettre  aveuglément  à  la  première  mode  venue.  Mme  Farrenc 
écrit  encore  sa  musique  instrumentale  comme  on  la  composait,  hélas! 
au  temps  de  démenti,  de  Hummel  et  de  toute  cette  belle  école  de 
pianistes  corrects,  aimables,  élégants  sans  recherche  et  brillants  sans 
fracas,  faisant  l'admiration  d'un  public  moins  vieux ,  moins  blasé , 
moins  usé  que  celui  d'aujourd'hui  que  rien  ne  saurait  plus  impressioner. 
à  moins  qu'il  n'en  soit  étourdi  ;  semblable  à  ces  malades  qui  ne 
peuvent  être  échauffés  qu'à  force  de  frictions,  dont  même  ils  ne  sentent 
l'effet  qu'au  moment  où  leur  peau  est  écorchée.  Le  petit  nombre  d'élus 
qui  échappe  à  ce  mauvais  goût  et  tient  encore  à  ce  que  ses  oreilles  ne 
soient  pas  plus  écorchées  que  sa  peau,  exécutera,  entendra  et  goûtera 
les  compositions  nouvelles  de  Mme  Farrenc.  L'élégance  des  formes  ne 
s'y  dément  jamais  ;  on  ne  trouve  ici  ni  extravagantes  combinaisons  de 
rhythme,  ni  harmonie  hasardée,  ni  désordre  dans  la  succession  des 
idées;  tout  se  suit  et  s'enchaîne  comme  dans  un  discours  bien  écrit, 
mais  dont  peut-être  parfois  le  style  est  un  peu  trop  académique.  Au 
reste,  si,  pour  quelques  instants,  notre  habile  compositrice  laisse 
apercevoir  tant  soit  peu  de  froideur  et  de  monotonie,  elle  se  relève 
bientôt  et  ranime  tout  à  coup  l'attention  par  quelque  chant  plein  de 
suavité  ou  par  quelque  trait  remarquable  de  finesse.  Observons  encore 
avec  quel  bonheur  elle  traite  les  instruments  qu'elle  associe  au  sien  et 
comme  elle  s'entend  à  faire  valoir  les  différentes  parties  les  unes  par 
les  autres.  En  un  mot,  on  s'aperçoit  dans  tout  ce  qu'écrit  Mme  Far- 
renc qu'elle  a  étudié  et  qu'elle  s'est  rendu  familiers  tous  ces  grands 
compositeurs  que  Lrop  de  jeunes  artistes  négligent  aujourd'hui,  ou  n'ad- 
mirent plus  que  par  ouï  dire  et  pour  ne  pas  avouer  trop  ouvertement 
qu'ils  croient  les  avoir  de  bien  loin  dépassés.  Mme  Farrenc,  elle,  s'ar- 
range de  telle  sorte  que  ses  compositions  puissent  sans  difficulté  être 
entendues  en  société  des  leurs.  Si  ce  but  est  atteint,  il  ne  lui  en  faut  pas 
davantage,  et  je  crois  qu'elle  a  raison. 

Adrien  de  LA  FAGE. 


DU  QUATUOR  INSTRUMENTAL  ET  DU  QUATUOR  VOCAL. 

Le  quatuor  instrumental,  celui  surtout  pour  deux  violons,  alto  et 
basse,  tel  que  l'ont  écrit  les  plus  grands  compositeurs  du  dernier  siècle 
et  du  commencement  de  celui-ci,  est  le  principe,  la  base  de  toute 
bonne  musique,  et  de  plus,  le  cœur  de  la  symphonie,  ce  grand  drame 
aux  personnages  multiples  et  variés  de  lariche  instrumentation  moderne. 

Les  artistes  et  les  vrais  amateurs  de  bonne  musique  s'étonnent  avec 
raison,  et  se  demandent  pourquoi  le  quatuor  vocal  n'a  pas  suivi  la 
même  carrière  que  le  quatuor  instrumental  ;  pourquoi  il  ne  s'est  pas 
trouvé  des  compositeurs  qui  se  soient  plu  à  le  perfectionner.  Cette 
forme  de  l'art  n'est-elle  pas  aussi  le  cœur  de  tout  grand  chœur,  de 
toutes  masses  vocales,  de  l'harmonie  émouvante,  grandiose,  et  qui  de- 


mande qu'on  joigne  à  la  pureté  du  style  une  expérience  pour  ainsi  dire 
pratique  d'écrire  pour  les  voix?  Cette  question  est  complexe  et  mérite 
d'être  traitée,  approfondie  consciencieusement.  Et  d'abord,  puisqu'il 
s'agit  de  conscience,  on  ne  peut  refuser  cette  qualité  musicale  aux  ar- 
tistes qui  depuis  quinze  ans  se  réunissent  tous  les  mercredis  chez 
M.  Gouffé,  le  contrebassiste  de  l'Opéra,  pour  y  faire  entendre  à  des  ha- 
bitués fidèles  les  chefs-d'œuvre  des  grands  maîtres  du  quatuor  instru- 
mental. Là  règne  toujours  un  ensemble  parfait  d'exécution  et  d'admira- 
tion entre  les  récitants  et  les  auditeurs.  La  musique  moderne,  actuelle, 
s'y  produit  même  avec  succès,  et  nos  compositeurs  y  font  entendre  des 
œuvres  remarquables. 

On  chercherait  vainement  dans  Paris  des  séances  pareilles  pour  le 
quatuor  vocal.  Pourquoi?  Parce  qu'il  existe  une  foule  de  théoriciens  qui 
prennent  Fart  de  l'enseignement  musical  ab  ovo,  qui  méprisent  tout  ce 
qu'on  a  fait  avant  eux,  créent  de  nouvelles  méthodes,  de  nouvelles  dé- 
nominations, embrouillent  tout,  et  ne  peuvent  parvenir  à  former  un 
bon  lecteur.  Le  rhythme  est  tout  pour  eux.  Ne  leur  parlez  ni  d'une 
émission  de  voix  posée,  assise,  ni  de  la  distinction  du  son,  ni  des  nuan- 
ces, ni  de  l'expression  dramatique  et  vraie  ;  ils  vous  disent  que  cela  ne 
les  regarde  point.  Si  la  nature  a  départi  ces  qualités  à  quelques-uns  de 
leurs  disciples,  ces  derniers  ne  rêvent  plus  que  les  succès  individuels  du 
concert  et  du  théâtre  ;  ils  ne  pensent  plus  qu'à  roucouler  la  cavatine,  à 
nasillonner  la  romance. 

L'individualisme  artistique  ne  se  nourrit  guère  que  de  vanité,  et  sur- 
tout de  l'espoir  d'arriver  aux  appointements  fabuleux,  fantastiques  de 
nos  premiers  ténors  et  de  prima  donna  assolufa  e  sjogala.  Si  vous  in- 
vitez ces  messieurs  et  ces  dames,  plus  ou  moins  ornés  d'un  accessit  ou 
d'un  second  prix  de  chant  au  Conservatoire,  à  dire  un  beau  morceau 
d'ensemble  vocal  classique  ou  moderne,  ils  vous  répondent  qu'ils  ne 
sont  pas  faits  pour  chanter  dans  les  chœurs.  Si  ces  gens-là  ne  sont 
guère  doués  du  sentiment  de  l'art,  il  faut  convenir  qu'en  revanche  ils 
sont  pourvus  d'un  très-sot  orgueil.  Si  vous  leur  citez  le  Stabal  de  Per- 
golèse,  ou  quelque  beau  chœur  de  VErnelinde  de  Philidor,  ou  du 
Castor  et  Pollux  de  Rameau,  ils  vous  diront  que  cela  est  rococo,  qu'un 
chanteur  ne  peut  briller  avec  ça. 

Quelques  vengeurs,  pourtant,  armés  d'un  noble  zèle, 
Ont  de  ces  morts  fameux  épousé  la  querelle. 

Des  artistes  unis  à  des  amateurs  de  l'art  vocal,  et  qui  comprennent 
bien  la  question,  ont  formé  une  société  sous  la  dénomination  de 
Concordia,  qui  a  déjà  fonctionné  dans  la  salle  Sax,  où  elle  a  essayé  des 
morceaux  classiques  et  modernes,  écrits  même  pour  ces  réunions.  Pour 
en  faire  partie,  il  faut  d'abord  être  lecteur,  et  ne  se  plaire  qu'à  exécuter 
ou  à  entendre  de  la  bonne  et  sérieuse  musique.  Quoiqu'on  ait  abusé 
du  mot  progrès,  une  pareille  association  est  faite  pour  lui  redonner 
toute  sa  réalité.  Ne  nous  fît-elle  connaître  que  quelques-uns  des  mil- 
liers de  chœurs  à  quatre  voix  écrits  et  publiés  en  Allemagne,  ce  se- 
rait déjà  une  fort  bonne  chose.  Espérons  donc  que  la  Société  de  la 
Concordia  de  Paris,  sœur  de  celle  de  Vienne  du  même  nom,  que  les 
événements  politiques  ont  tuée,  héritera  de  cette  sœur  aînée  et  des 
bons  résultats  qu'elle  avait  déjà  jetés  dans  la  plus  belle  partie  de  l'art 

musical. 

Henri  BLANCHARD. 


CORRESPONDANCE. 

Bruxelles,  30  octobre  1852. 

Une  nouvelle  contenue  dans  l'un  des  derniers  numéros  de  la  Gazette  mu- 
sicale a  mis  fort  en  émoi  le  monde  musical  belge.  Vous  annoncez  que  M.  de 
Bériot  se  propose  de  se  fixer  à  Paris,  où  il  ouvrira  une  école  de  violon;  or, 
au  moment  même  où  paraissait  cet  article,  M.  de  Bériot  écrivait  au  direc- 
teur du  Conservatoire  de  Bruxelles  que  la  maladie  dont  il  souffre  depuis 
longtemps  s'étant  fixée  sur  l'organe  de  la  vue  et  le  mettant  dans  l'impos- 
sibilité de  lire  la  musique  désormais ,  il.  le  priait  de  faire  agréer  au  mi- 
nistre sa  démission  de  professeur.  C'était  assurément  une  triste  nouvelle 


380 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


et  tous  les  amis  de  1  art  musical  s'en  affligeaient  ici.  Mais,  voyez  la  bizar- 
rerie des  hommes,  à  l'affliction  succède  l'étonnement,  et  à  l'étonnement  la 
mauvaise  humeur,  quand  on  apprend  que  le  célèbre  virtuose,  dont  la  vue 
se  trouvait  assez  compromise  pour  l'obliger  de  se  démettre  de  ses  fonc- 
tions au  Conservatoire  de  Bruxelles,  allait  y  voir  suffisamment  pour  ouvrir 
à  Paris  un  cours  de  violon.  Evidemment  il  n'y  avait  qu'a  se  féliciter  de  ce 
retour  à  la  santé  aussi  prompt  qu'inespéré.  Ne  voilà-t-il  pas  que  par 
amour-propre  national  on  s'en  irrite  ;  on  trouve  fort  mauvais  que  M.  de 
Bériot  quitte  la  position  honorable  qu'on  lui  avait  faite  dans  son  pays 
pour  s'établir  à  l'étranger,  et  l'on  va  jusqu'à  dire  qu'il  vaudrait  mieux 
qu'il  fût  sérieusement  malade,  aveugle  peut-être.  Y  a-t-il  rien  de  plus 
injuste  ? 

Après  avoir  exprimé  leur  affliction,  puis  leur  mécontentement  de  la 
retraite  de  M.  de  Bériot,  les  amis  de  l'art  musical  se  sont  consolés  et  se 
sont  apaisés  pour  réfléchir  sur  les  conséquences  d'une  retraite  mise  dé- 
sormais au  rang  des  faits  accomplis.  Ils  se  sont  demandé  quel  pourrait 
être  le  successeur  d'un  tel  maître.  La  place,  en  effet,  n'est  pas  facile  à 
prendre.  Un  proverbe,  fondé  sans  doute  sur  l'expérience  des  vicissitudes 
de  ce  bas  monde,  nous  apprend  qu'un  malheur  arrive  rarement  seul.  Le 
proverbe  mentait  cette  fois.  En  regard  du  malheur,  et  c'en  est  un  réel  au 
point  de  vue  du  violon,  de  l'expatriation  de  M.  que  Bériot,  s'offrait  un 
bonheur,  qui  est  le  retour  de  M.  Vieuxtemps  en  Belgique.  M.  Vieuxtemps 
quitte  la  Russie  et  rentre  dans  son  pays  juste  à  l'instant  où  M.  de  Bériot 
s'en  éloigne.  Inutile  de  vous  dire  qu'on  songe  immédiatement  à  remplacer 
l'un  par  l'autre.  Déjà  des  négociations  sont  entamées  pour  arriver  à  ce 
but,  si  je  suis  bien  informé.  M.  de  Bériot  et  M.  Vieuxtemps  sont  deux 
grands  artistes;  on  peut  saluer  la  venue  de  celui-ci  sans  ingratitude  pour 
celui-là. 

Puisqu'il  est  question  de  violon  et  de  violoniste,  il  faut  que  je  vous  fasse 
part  d'un  fait  curieux.  Un  artiste  professant  l'instrument  qui  a  valu  à 
MM.  de  Bériot  et  Vieuxtemps  leur  réputation  et  leur  fortune,  a  eu  le  mal- 
heur d'être  atteint  d'une  affection  mentale  qui  a  forcé  sa  famille  à  lui  faire 
subir  un  traitement  médical  dans  une  maison  dite  de  santé.  Cet  artiste, 
qui  avait  acquis  heureusement  par  l'exercice  de  son  talent,  cette  médio- 
crité dorée  dont  les  philosophes  nous  engagent  à  nous  contenter,  est  au- 
jourd'hui complètement  guéri,  non  grâce  à  la  science  des  docteurs,  mais 
par  les  seuls  efforts  de  la  nature.  Il  assure  s'être  toujours  parfaitement 
rendu  compte  de  sa  situation  et  avoir  gémi  sur  l'inefficacité  des  moyens 
employés  par  la  médecine  dans  le  traitement  des  maladies  chroniques  du 
cerveau.  11  a  formé  le  plan  d'une  espèce  de  médication  musicale  applica- 
ble aux  diverses  sortes  d'aliénation  mentale,  et  il  est  convaincu  qu'elle 
est  susceptible  de  produire  de  bien  meilleurs  résultats  que  toutes  les  dou- 
ches du  monde.  Son  intention  est  de  publier  l'ensemble  de  son  système 
avec  tous  les  développements  qu'il  comporte.  Ce  n'est  pas  la  première  fois 
qu'on  songe  à  employer  la  musique  comme  moyen  curatif  de  la  folie; 
mais  c'est  la  première  fois  qu'un  homme  aussi  compétent  en  la  matière 
s'en  sera  occupé. 

Encore  à  propos  de  violonistes.  Trois  virtuoses  habiles  à  manier  l'archet 
se  disposent  à  partir  de  Bruxelles  pour  se  rendre  en  Russie.  Ces  trois  vir- 
tuoses sont  :  Teresa  Milanollo,  M.  Sivori  et  M.  Léonard.  N'est-il  pas  à 
craindre  que  les  Russes  ne  trouvent  que  c'est  beaucoup  de  violon  à  la 
fois,  et  que  la  concurrence  ne  nuise  aux  trois  intéressés?  Quel  sera  le 
favori  de  la  fortune? 

La  lutte  entre  Mlle  Milanollo  et  M.  Sivori  commencera  à  Bruxelles.  Leur 
nom  se  lit  en  très-grosses  lettres  sur  deux  affiches  rivales.  M.  Sivori  an- 
nonce un  concert  pour  le  29  de  ce  mois,  et  Mlle  Milanollo  se  fera  entendre, 
le  1 3  novembre,  dans  une  soirée  donnée  au  profit  d'une  Société  qui  a  pris 
sous  son  patronage  l'érection  d'une  vaste  église  dans  le  style  gothique,  la 
même  pour  laquelle  Mme  Pleyel  a  joué  deux  fois  au  printemps  dernier. 

Nous  avons  des  cafés-chantants  fondés  à  l'imitation  de  ceux  de  Paris. 
En  vertu  de  nos  libertés  illimitées,  ils  se  sont  multipliés  hors  de  toute 
mesure  et  se  font  une  guerre  à  outrance,  en  même  temps  qu'ils  travail- 
lent en  commun  à  la  ruine  des  théâtres.  On  n'y  cultive  pas  seulement  la 
romance  et  la  chansonnette  ;  on  y  joue  de  la  musique  sérieuse  ;  le  Stabat 
de  Rossini  était  dernièrement  annoncé  par  l'un  de  ces  établissements  dont 
les  habitués  reçoivent  en  même  temps  la  nourriture  du  corps  et  celle  de 
l'esprit.  Parfois  on  entend  là  des  artistes  d'un  vrai  mérité,  qu'une  impé- 
rieuse nécessité  oblige  à  chercher  des  moyens  d'existence  dans  cette  ex- 
ploitation peu  relevée  de  leur  talent.  Croiriez-vous  qu'un  de  ces  cafés- 
chantants,  nouvellement  ouvert,  fait  figurer  sur  son  affiche  le  nom  de 
Mme  Casimir,  dont  il  promet  la  apparition  prochaine.  En  quittant  Paris, 
Mme  Casimir  avait  tenu  assez  longtemps  à  Bruxelles  l'emploi  de  première 
chanteuse.  On  s'affligera  de  la  voir  reparaître  dans  de  telles  conditions. 


Berlin,  25  octobre. 

Pour  le  commencement  de  la  saison  on  s'en  tient  aux  anciens  maîtres. 
La  première  œuvre  de  quelque  étendue  qu'on  nous  ait  fait  entendre  hors 
du  théâtre,  c'a  été  la  Création,  d'Haydn,  qui  vient  d'être  exécutée  à  propos 
d'un  jubilé  d'une  espèce  toute  particulière.  Un  digne  et  pieux  homme, 
d'un  âgeavancé  déjà,  ayant  nom  Ilaussmann,  a  fondé  en  1816  une  Société 
de  chant  qui,  depuis  cette  époque,  a  donné  régulièrement  chaque  année 
plusieurs  grands  concerts  ;  le  concert  en  question  était  le  centième.  Le 
fondateur  était  mort  depuis  longtemps  ;  mais  son  fils  et  un  de  ses  parents, 
M.  Jules  Schneider,  lui  avaient  succédé  dans  la  direction  de  la  Société,et 
avaient  continué  cette  série  de  solennités  annuelles,  qui  ont  rendu  de 
grands  services  à  l'art  et  qui  ont  été  surtout  profitables  aux  pauvres.  En 
effet,  le  produit  de  chaque  concert  a  toujours  été  consacré  à  des  œuvres 
de  bienfaisance  ;  on  évalue  le  chiffre  total  des  recettes  à  près  de  52,000 
thalers,  soit  220,000  fr.  Il  est  vrai  que  les  membres  de  l'orchestre  royal, 
ainsi  que  les  chanteurs  de  l'Opéra,  y  entrent  pour  une  part  considérable. 
La  Société,  si  elle  avait  été  restreinte  à  ses  propres  moyens,  n'eût  point 
été  à  même  d'organiser  une  seule  de  ces  grandes  solennités.  Aussi,  con- 
formément aux  statuts,  une  somme  assez  importante  a-t-elle  été  accordée 
aux  membres  de  l'orchestre,  au  profit  de  la  caisse  des  pensions  pour  les 
veuves  et  les  orphelins.  Bref,  le  résultat  a  été  favorable  sous  tous  les 
rapports.  L'œuvre  immortelle  d'Haydn  a  été  exécutée  par  les  pre- 
miers artistes  de  Berlin  ;  elle  nous  a  fourni  l'occasion  d'entendre  pour  la 
première  fois  la  voix  merveilleusement  belle  de  Mlle  Wagner,  à  l'église, 
où  elle  produit  un  effet  admirable.  De  plus,  le  jubilé  a  été  célébré  par 
une  soirée  musicale  et  par  un  souper,  auquel  prirent  part  les  chanteurs  et 
les  cantatrices  qui  ont  fait  partie  de  l'Association  depuis  sa  fondation.  Les 
détails  suivants  suffiront  pour  vous  donner  une  idée  de  l'activité  de  la 
Société.  Dans  les  concerts  qui  ont  eu  lieu  depuis  son  établissement,  elle 
a  exécuté  entre  autres  cinq  oratorios  de  Frédéric  Schneider  (son  Jugement 
dernier,  dix  fois)  ;  David,  de  Bernard  Klein,  une  fois  ;  Jephté,  du  même 
compositeur,  trois  fois;  —  ces  deux  œuvres  capitles  sont  restées  incon- 
nues à  l'étranger  par  suite  de  la  mort  précoce  de  l'auteur; —  Élie,  de 
Mendelssohn,  trois  fois;  Paulus,  du  même,  quatre  fois;  la  Création,  d'Haydn, 
quinze  fois;  la  Mort  du  Jésus,  par  Graun,  trente-deux  fois;  sans  compter 
une  foule  de  productions  de  jeunes  compositeurs. 

J'ai  dit ,  au  début  de  ma  lettre ,  qu'on  s'en  tenait  provisoirement 
aux  anciens  maîtres;  j'ai  cité  comme  exemple  la  Création.  En  voici  un 
second  :  la  reprise  de  la  Clémence  de  Titus ,  le  dernier  des  opéras  de 
Mozart,  si  riche  en  morceaux  d'ensemble  du  style  le  plus  grandiose.  Cette 
partition  fut  écrite  en  1792  pour  le  couronnement  de  François  H.  On  y 
trouve  beaucoup  de  choses  surannées,  parce  que  l'auteur  a  dû  se  sou- 
mettre au  goût  du  jour,  aux  exigences  des  chanteurs  qui  ne  voient  que  la 
forme;  mais  là  où  il  n'avait  pas  à  en  tenir  compte,  où  il  n'avait  eu  en  vue 
que  la  vérité  artistique,  où  il  s'agissait  de  jeter  dans  la  froide  et  maigre 
poésie  de  Métastase  une  étincelle  vivifiante  qui  aussitôt  éclate  en  flammes; 
dans  ces  endroits,  la  musique  est  belle  et  fraîche  comme  si  elle  avait  été 
écrite  d'hier,  et  elle  a  été  saluée  d'acclamations  enthousiastes.  Les  deux 
principaux  rôles ,  Vitellia  et  Sextus ,  ont  été  parfaitement  rendus  par 
M  mes  Kœster  et  Wagner. 

On  nous  annonce  une  brillante  et  rare  apparition  artistique.  Jenny 
Lind,  ou  plutôt  Mme  Goldschmidt,  se  propose  de  venir  ici  pour  prêter  le 
concours  de  son  talent  à  un  des  concerts  au  profit  de  la  Société  de  Gus- 
tave-Adolphe. La  Suède,  on  le  sait,  est  un  pays  protestant,  et  Jenny  Lind 
est  Suédoise  dans  l'âme.  La  Société  qui  porte  le  nom  du  plus  grand  de  ses 
rois,  a  pour  but  de  venir  au  secours  des  communes  protestantes  pauvres. 

L.  RELLSTAB. 


Harkoff,  16-28  septembre  1852. 

Dans  une  lettre  que  je  vous  adressai  il  n'y  a  pas  trois  mois,  pour  protester 
contre  les  assertions  d'un  nommé  Schindler,  qui  s'est  avisé  de  publier  que 
Beethoven  n'a  jamais  été  payé  pour  la  peine  qu'il  a  prise  de  composer 
trois  quatuors  à  ma  demande,  je  vous  disais  que  M.  Damcke,  publiciste 
renommé  en  Allemagne,  s'était  chargé  de  faire  triompher  la  vérité  des 
accusations  de  Schindler,  et  que  moi-même,  ayant  appris  que  les  calom- 
nies allaient  passer  dans  l'histoire  par  la  publication  de  l'ouvrage  de 
Brendel,  de  Leipzick,  je  m'étais  enfin  décidé  à  entrer  personnellement 
dans  la  lice.  Comme  de  raison,  j'ai  dû  faire  part  de  ma  résolution  à 
M.  Damcke,  qui,  à  la  réception  de  cette  nouvelle,  vient  de  m'adresser  une 
lettre,  dont  je  prends  la  liberté  de  vous  transmettre  copie,  parce  que  son 
contenu  est  de  nature  à  trancher  la  question  et  à  imposer  silence  à  mes 
détracteurs  dans  cette  cause. 

«  Saint-Pétersbourg,  ce  17-29  août  1852. 

»  La  démarche  directe  que  vous  vous  êtes  enfin  décidé  à  faire,  et  que 


DE  PARIS. 


381 


»  j'approuve  entièrement,  change  considérablement,  quant  à  ce  qui  me 
»  concerne,  la  face  de  cotte  affaire.  Une  fois  votre  déclaration  publiée, 
»  déclaration  que  je  suppose  énergique  et  très-sufflsante  pour  écraser  les 
»  calomnies  de  Schindler,  mon  intervention  devient  inutile;  — vous  aurez 
»  d'un  seul  coup  terminé  la  guerre.  Pour  le  moment,  il  ne  nous  reste 
»  qu'une  seule  chose  à  savoir  :  s'assurer  si  réellement  votre  déclaration  a 
»  été  publiée  ou  non.  Voici  ce  que  je  viens  de  faire. 

»  J'ai  écrit  a  Brendel.  J'ai  soigneusement  exposé  les  matériaux  que 
»  vous  avez  mis  à  ma  disposition.  La  simple  indication  de  ces  matériaux 
»  suffit  pour  faire  comprendre  que  votre  justification  sera  pleine  et  en- 
»  tiére.  Puis,  j'ai  donné  a  entendre  à  Brendel,  qu'en  refusant  la  publica- 
»  tion  de  votre  déclaration,  il  se  rend  le  complice  de  Schindler,  et  par 
»  conséquent,  aura  sa  part  de  l'indignation  universelle  que  votre  justifica- 
»  tion  ne  tardera  pas  a  soulever  contre  les  propagateurs  d'aussi  méprisa- 
»  blés  calomnies.  Enfin,  j'ai  invité  M.  Brendel  à  me  faire  savoir  le  plus 
»  tôt  possible  sa  résolution  concernant  votre  déclaration.  Au  cas  qu'il 
»  l'aurait  déjà  publiée,  je  l'ai  prié  de  m'envoyer  le  numéro  de  la  Gazelle 
»  qui  la  contient.  Il  me  semble  que,  pour  le  moment,  il  n'y  a  rien  de  plus 
»  a  faire.  Dès  que  j'aurai  une  réponse,  je  vous  en  ferai  part.  Si  je  reçois 
n  le  journal  avec  la  déclaration,  je  vous  l'enverrai;  mais,  au  cas  d'un  re- 
»  fus  de  publication,  je  ne  tarderai  pas  un  sénl  jour  à  agir,  et  soyez  per- 
»  suadé  que  j'agirai  avec  énergie;  car  plus  je  tourne  et  retourne  cette 
»  affaire  dans  ma  tête,  plus  je  suis  outré  de  l'infamie  dont  vous  êtes  la 
»  victime.  Mais,  je  vous  le  jure,  cette  honte  retombera  sur  ceux  qui  l'ont 
»  inventée;  votre  nom  en  sera  délivré  et  recevra  sa  complète  réhabili- 
»  tation. 

»  Je  ne  me  contenterai  pas  d'un  seul  article,  quelque  complet  que 
»  puisse  être  son  effet  ;  je  reviendrai  toujours  et  partout  à  la  charge,  jus- 
»  qu'à  ce  que  l'œuvre  de  Schindler  soit  détruite  et  foulée  aux  pieds  comme 
»  elle  le  mérite.  » 

»  Il  va  sans  dire  que  j'ai  expliqué  aussi  à  M.  Brendel  que  son  refus  de 
»  publier  votre  déclaration  ne  pourrait  amener  aucun  changement  dans 
»  le  cours  de  cette  affaire,  si  ce  n'est  qu'alors  au  lieu  d'un  seul  adver- 
«  saire,  j'en  aurai  deux  à  attaquer. 

«  J'espère  que  vous  approuverez  pleinement  la  démarche  que  je  viens 
»  de  faire.  Adieu,  mon  prince,  et  croyez  au  dévouement  entier  de  votre 

»  DAMCKE.  » 

Après  une  déclaration  aussi  explicite  d'un  des  premiers  publicistes  de 
l'Allemagne  pour  la  parlie  musicale,  qui,  lui-même,  n'est  revenu  des  pré- 
ventions que  Schindler  lui  avait  suggérées,  que  sur  la  foi  des  matériaux 
que  je  lui  ai  livrés,  il  ne  me  reste  plus  rien  a  ajouter  pour  le  moment, 
que  de  vous  prier,  monsieur  le  Rédacteur,  de  vouloir  bien  insérer  la  pré- 
sente lettre  dans  un  de  vos  plus  prochains  numéros;  si,  après  cela,  des 
détails  plus  circonstanciés  sont  jugés  nécessaires,  je  ne  me  refuserai  pas 
à  vous  faire  l'historique  de  mes  rapports  avec  le  grand  homme,  depuis  le 
jour  où  je  lui  écrivis  pour  lui  demander  trois  nouveaux  quatuors,  jusqu'à 
sa  mort.  Peut-être  même  y  aura-t-il  quelque  intérêt  à  savoir  comment  des 
honoraires  que  Beethoven  lui-même  avait  fixés  à  150  ducats  de  Hollande , 
m'ont  occasionné  une  dépense  qui  s'est  élevée  à  419  ducats.  Et  c'est  dans 
de  telles  circonstances  que  des  pamphlétaires  ont  osé  soutenir  que 
Beethoven  n'a  jamais  été  rémunéré  pour  les  quatuors  qu'il  a  composés  à 
ma  demande,  qu'il  a  é.é  trompé,  comme  ne  craint  pas  de  le  dire  M.  Brendel 
dans  son  Histoire  de  la  musique]  Je  n'aime  pas  à  entretenir  le  public  de  ma 
personne;  mais  l'accusation  est  si  monstrueuse,  et  les  détails  qui  accom- 
pagnent le  récit  de  Schindler  si  perfidement  imaginés,  que  tout  homme 
qui  se  respecte  ne  peut  pas  trouver  mauvais  que,  une  fois  descendu  dans 
la  lice,  je  veuille  donner  à  ma  déclaration  la  plus  grande  publicité 
possible. 

Recevez,  monsieur  le  Rédacteur,  l'assurance  de  mes  sentiments  les 
plus  distingués, 

Le  prince  Nicolas-Boris  GAL1TZIN. 


NOUVELLES. 

***  Demain  lundi,  à  l'Opéra,  seconde  représentation  de  la  reprise  de 
Mmse.  . 

*  Lundi  dernier  le  Juif  errant  avait  fait  salle  comble.  La  soirée  a  été 
aussi  bonne  que  brillante. 

.*  La  Favorite  et  le  premier  acte  de  la  Péri,  donnés  mercredi,  avaient 
encore  attiré  la  foule. 

***  Le  Prince-Président,  à  l'occasion  de  la  représentation  solennelle  du 
grand  Opéra,  a  envoyé  au  directeur,  M.  Nestor  Roqueplan,  une  tabatière 
avec  son  portrait  entouré  de  diamants;  à  M.  Philoxène  Boyer  une  boite 
enrichie  de  diamants,  et  à  M.  Victor  Massé  une  bague.  Roger,  Brémond  , 
Merly,  MmesTedesco,  La  Grua  et  Duez, ainsi  que  MmesCerrito,  Plunkett, 
Taglioni ,  Priora,  Bagdanoff,  Mathilde,  ont  reçu  soit  des  épingles,  soit  des 
broches,  rubis  ou  saphirs  entourés  de  diamants. 


„,*„  Mme  Viardot  est  à  Paris  depuis  quelques  jours.  La  célèbre  canta- 
trice a  déjà  reçu  diverses  propositions  d'engagement;  on  ignore  si  elle 
se  décidera  à  en  accepter  aucune  avant  la  saison  de  Londres. 

„*»  C'est  mardi  prochain  qu'aura  lieu  à  l'Opéra-Comique  la  représen- 
tation solennelle  à  laquelle  doit  assister  le  Prince-Président.  On  y  exécu- 
tera une  cantate,  dont  les  paroles  sont  de  M.  Méry  et  la  musique  de 
AI  Adolphe  Adam.  Cette  cantate,  composition  musicale  qui  ne  manque 
ni  de  déve'oppement  ni  d'intérêt,  se  terminera  par  un  tableau  final  re- 
présentant  la  vue  du  Louvre.  M.  Emile  l'errin ,  qui  a  fait  ses  preuves 
comme  peintre  et  comme  directeur,  n'aura  pas  manqué  l'occasion  de  dé- 
ployer son  talent  et  son  goût.  Le  spectacle  se  terminera  par  le  Domino 
noir,  dont  les  principaux  rôles  seront  remplis  par  Couderc  et  Mme  Ugalde. 

„,*„,  Voici  les  noms  des  artistes  dont  se  composera  la  troupe  du  Théâ- 
tre-Italien dirigée  par  M.  Corti  :  Soprani,  Mme  Sophie  Cruvelli,  Vera, 
Beltramelli;  Contralti  :  Mme  Borghi-Mamo ,  Nantier-Didiée,  Dampieri; 
Tenori  :  Bettini,  Galzolari,  Negrini,  Ghidotti;  Bassi:  Belletti,  Marini,  Gia- 
como  Arnaud,  Arnoldi,  Valli,  Susini,  Aitini.  M.  Castagueri  est  chargé  de 
la  direction  de  l'orchestre. 

***  Au  'théâtre-Lyrique,  le  Taharin,  de  Georges  Bousquet,  et  l'opéra 
féerie,  dont  Grisar  a  écrit  la  partition,  sont  à  l'étude. 

*%  Mlle  AnnaLemaire,  la  jeune  artiste  qui,  après  de  brillants  succès 
au  Conservatoire,  en  avait  mérité  d'autres  à  l'Opéra-Comique,  vient  de 
contracter  un  engagement  avec  le  théâtre,  de  Bruxelles.  Elle  y  paraîtra, 
comme  chanteuse  légère,  pour  la  saison  d'hiver,  et  en  représentations. 

„**  Cathinka  Heineftter  continue  de  chanter  avec  le  plus  grand  succès 
à  Stuttgardt.  Le  rôle  de  Fidès,  dans  le  Prophète,  est  toujours  son  plus 
beau  triomphe. 

„,**  Mlle  Geismar,  brillante  élève  du  Conservatoire  de  Paris,  vient  de 
chanter  dans  un  concert  de  l'Athénée,  à  Saint-Germain,  Sarah  la  bohé- 
mienne et  le  morceau  d'Otello,  qui  lui  avait  valu  une  couronne.  On  a 
beaucoup  applaudi  sa  voix  et  sa  méthode. 

***  Taris  va  compter  une  femme  de  talent  de  plus  ,  une  pianiste  non 
moins  distinguée  par  son  talent  d'exécution  que  par  son  mérite  comme 
professeur.  Mme  Pfeiffer,  ainsi  que  M.  Pfeiffer,  son  mari,  quittent  décidé- 
ment Lille  pour  se  fixer  parmi  nous. 

&%  Un  jeune  ténor,  nommé  Wicart,  élève  de  Révial,  et  qui  s'était  dis- 
tingué au  Conservatoire  de  Paris  dans  les  concours  de  cette  année,  vient 
de  débuter  à  Toulouse  dans  Guillaume  Tell.  Il  y  a  obtenu  du  succès,  et  il  a 
dû  continuer  dans  la  Juive. 

***  Aujourd'hui  dimanche,  à  deux  heures,  Ferdinand  Miller  donnera 
dans  la  salle  de  Sax,  rue  Saint-Georges,  50,  une  séance  musicale  destinée 
à  faire  entendre  ses  compositions. 

t*t  Vieuxtemps  vient  de  faire  une  tournée  vraiment  triomphale  en 
Suisse.  Il  n'a  pas  donné  moins  de  vingt-quatre  concerts  dans  les  diverses 
villes  qu'il  a  visitées.  11  sera  bientôt  de  retour  à  Paris. 

„%  Le  22  de  ce  mois,  jour  de  sainte  Cécile,  l'association  des  artistes 
musiciens  fera  exécuter  dans  l'église  Saint-Eustache  une  messe  composée 
expressément  pour  cette  solennité  par  M.  Ambroise  Thomas.  Nous  re- 
viendrons sur  les  détails  de  cette  solennité  religieuse  et  musicale. 

„,*„,  M.  Leprévost,  organiste  du  chœur  de  Saint-Roch ,  a  fait  exécuter 
dans  cette  église  une  messe  de  sa  composition  le  jour  de  la  Toussaint. 
Bien  qu'il  se  soit  essayé  dans  le  genre  dramatique,  et  qu'il  ait  donné  une 
légère  partition  au  théâtre  de  l'Opéra-Comique  il  y  a  quelques  années , 
intitulée  le  Itéveur  éveillé,  M.  Leprévost  est  un  compositeur  qui  prend  son 
art  au  sérieux  et  comprend  bien  le  style  sacré.  Alexis  Dupond,  dont  la 
voix  toujours  fraîche,  souple  et  si  bien  posée,  est  une  de  celles  qui  ren- 
dent le  mieux  les  œuvres  écrites  en  ce  style,  a  dit  avec  la  supériorité  qui 
le  caractérise  plusieurs  verseis  de  cette  messe,  qui,  accompagnée  seule- 
ment par  le  petit  orgue  touché  par  l'auteur  et  sans  le  secours  d'autre 
instrumentation,  a  produit  un  excellent  effet.  La  plupart  des  grands  com- 
positeurs qui  ont  eu  à  traiter  le  beau  drame  de  la  messe  se  sont  inspirés 
des  terribles  paroles  de  la  prose  des  morts,  et  plusieurs  ont  réussi  à  bien 
exprimer  ces  épouvantements  du  trépas,  comme  dit  Bossuet.  M.  Leprévost 
n'a  pas  osé,  à  ce  qu'il  paraît,  aborder  cette  sombre  élégie,  et  a  laissé  chan- 
ter, dans  sa  mélodie  gothique  et  grandiose,  le  Dies  irce,  à  la  voix  plaintive 
et  touchante  d'Alexis  Dupond. 

t%  La  Société  Sainte-Cécile,  dirigée  par  MM.  Seghers  et  Wekerlin,  a 
commencé  ses  répétitions  cette  semaine.  Le  concert  d'inauguration  pour 
la  saison  1852-1853  aura  lieu  le  28  de  ce  mois. 

t%  Les  concerts  de  la  Société  symphonique,  sous  la  direction  de 
M.  A.  Farrenc,  qui  auront  lieu  cet  hiver,  dans  la  salle  Herz,  s'organisent 
et  seront  sans  doute  une  réunion  des  plus  intéressantes  pour  les  amis  de 
l'art  musical.  Plusieurs  artistes  étrangers  de  grande  réputation  ont  pro- 
mis leur  concours  avec  une  bienveillance  toute  particulière.  Diverses  com- 
positions musicales  de  maîtres  illustres  qui  n'ont  jamais  été  entendues  à 
Paris,  ou  ne  l'ont  pas  été  depuis  nombre  d'années,  figureront  sur  les  pro- 
grammes. 

4%  Camille  Stamaty  est  de  retour  à  Paris. 

%%  M.  Milhès,  professeur  de  chant,  nous  prie  de  rappeler  qu'il  a  fait 
imprimer,  il  y  a  deux  ans  environ,  le  prospectus  d'un  ouvrage  intitulé  : 
le  Guide  du  chanteur,  traité  de  fart  du  chant  pratique,  et  que  son  manu- 
scrit, en  voie  de  publication,  a  obtenu  un  rapport  favorable  de  l'Académie 
des  beaux-arts  au  mois  de  décembre  1 850. 

t*t  M.  E.  Dassier  qui  s'est  fait  connaître  par  le  succès  de  ses  composi- 


382 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


tions  vocales,  avait  eu  l'idée  d'en  adresser  une  à  Abd-el-Kader  ;  voici 
la  lettre  qu'il  a  reçu,  en  remercîment  de  son  envoi  : 

«  Au  château  de  Pau,  17  juin. 
»  Monsieur, 

»  L'ex-émir  Abd-el-Kader  me  charge  d'avoir  l'honneur  de  vous  re- 
mercier de  l'envoi  que  vous  avez  bien  voulu  lui  faire  d'une  composition 
musicale  faite  à  son  sujet.  Nous  avons  été  assez  heureux  pour  posséder  un 
piano  au  château  et  pouvoir  la  lui  faire  entendre,  après  lui  avoir  interprété 
les  paroles,  qui  ont  paru  lui  faire  quelque  impression. 

»  Il  me  prie  d'être  son  interprète  auprès  de  vous,  de  vous  remercier 
des  sympathies  généreuses  que  vous  exprimez  et  de  vous  dire  la  recon- 
connaissance  qu'il  vous  doit  pour  les  diverses  émotions  qu'il  a  éprouvées. 
»  Le  capitaine  en  mission  auprès  de 
»  l'ex-émir  Abd-el-Kader, 
»  Fournier.  » 

„/%.  Le  bureau  de  location  du  Théâtre-Italien  est  ouvert  tous  les  jours, 
de  11  heures  à  ti  heures,  en  face  la  rue  Monsigny.  —  La  première  repré- 
sentation est  fixée  au  mardi  16  novembre. 

*  On  nous  signale  deux  erreurs  que  nous  nous  empressons  de  cor- 
riger. 1°  Dans  la  liste  des  nouveaux  membres  associés  que  s'est  adjoints 
l'Académie  royale  de  Belgique,  MM.  le  comte  de  Niewerkerke  et  Dumont 
sont  désignés  comme  architectes,  tandis  que  l'un  et  l'autre  sont  sta- 
tuaires ;  de  plus,  M.  de  Niewerkerke  n'est  pas  membre  de  l'Institut  de 
l'innée.  2°  Le  chanteur  italien  Porto,  dont  nous  annoncions  récemment 
la  mort,  n'est  pas  celui  que  nous  avons  entendu  à  Paris  dans  les  premières 
années  de  ce  siècle,  et  qui  se  nommait  Matteo  Porto.  Celui-ci  existe  en- 
core ;  il  habite  Vérone  et  doit  être  âgée  de  72  ans.  L'autre  était  son  frère 
et  se  nommait  Carlo  Porto. 

CHRONIQUE     ÉTRANGERS. 

s*s  Berlin.  —  Le  19  novembre,  pour  l'anniversaire  de  la  naissance  de 
la  reine,  le  Théâtre-Royal  donnera  Alceste,  de  Gluck.  C'est  Mme  Koester 
qui  chantera  le  rôle  principal. — Au  Théâtre-Italien,  la  rentrée  de  la  signora 
Viola,  dans  le  rôle  de  Cenerentola,  a  offert  de  l'intérêt.  Galvani,  qui,  dans 
celui  de  Ramiro,  a  fait  son  second  début,  s'est  placé  au  rang  des  meilleurs 
chanteurs  de  la  troupe. 

„%  Hanovre.  —  Nous  trouvons  dans  une  lettre  particulière  quelques 
détails  sur  la  première  représentation  du  Prophète  dans  la  nouvelle  salle 
du  théâtre  de  la  Cour.  La  mise  en  scène  et  les  décors  étaient  magnifiques  ; 
on  les  a  fidèlement  calqués  sur  le  modèle  de  ceux  de  Paris.  Le  succès  du 
chef-d'œuvre  de  Meyerbeer  a  été  immense.  Si  M.  Sowade  (Jean  de  Leyde) 
n'a  plus  toute  la  fraîcheur  de  la  jeunesse,  c'est  toujours  un  chanteur 
habile  et  intelligent,  qui  sait  ménager  ses  moyens  et  qui  fait  un  merveil- 
leux usage  du  fausset.  Mlle  Noltes,  qui  ne  remplissait  autrefois  à  Vienne 
que  des  rôles  secondaires,  a  fait  de  grands  progrès  depuis.  Sa  voix  de 
soprano  est  fort  belle,  surtout  dans  les  régions  moyennes  ;  le  tim- 
bre en  est  doux  et  sympathique,  et  tout  â  fait  en  harmonie  avec  le  rôle  de 
Fidès,  dans  lequel  prédomine  la  plus  tendre  de  toutes  les  affections, 
l'amour  maternel.  Dans  la  conception  du  rôle,  elle  a  suivi  les  traditions 
généralement  adoptées;  les  indications  si  précises  de  Meyerbeer  ne  permet- 
tent guère  d'y  rien  changer.  Par  un  heureux  contraste,  Mlle  Zerr  s'est 
montrée  tout  à  fait  originale  dans  le  rôle  de  Berthe.  Le  public  de  Vienne 
sait  combien  Mlle  Zerr  s'y  montre  douce  et  gracieuse  au  premier  acte,  et 
quelle  fanatique  énergie  elle  déploie  au  cinquième  :  on  comprend  l'effet  que 
l'éminente  cantatrice  devait  produire.  Jusque-là  tout  l'intérêt  s'était  ex- 
clusivement porté  sur  le  rôle  de  Fides  :  aussi  a-ton  su  gré  à  Mlle  Zerr 
d'avoir  bien  voulu  se  charger  momentanément  du  rôle  de  Berthe.  On  a 
applaudi  avec  enthousiasme  son  premier  air,  dans  lequel  la  brillante  artiste 
a  déployé  un  goût  parfait  et  une  audace  de  vocalisation  presque  effrayante. 
Elle  a  promis  de  chanter  encore  une  fois,  avant  son  départ,  ce  même 
rôle,  dans  une  représentation  du  Prophète,  au  profit  du  fonds  de  pen- 
sions, après  quoi  elle  partira  pour  Londres.  C'est  dans  cette  représenta- 
tion que  M.  Marschner,  qui  nous  reste  définitivement,  fera  sa  rentrée. 

*%  Mannheirn.  —  Ondine,  opéra-féerie  en  quatre  actes,  musique  de  Lort- 
zing,  a  été  représentée  ici,  avec  un  luxe  de  décors  tel  qu'on  ne  saurait 
le  trouver  plus  grand  à  Paris  ou  à  Londres.  La  musique  contient  des 
choses  remarquables,  surtout  dans  les  morceaux  d'ensembie.  On  distingue 
aussi  quelques  jolis  airs  et  duos;  par  malheur,  les  chanteuses  sont  si  mé- 
diocres, qu'il  est  difficile  de  juger  cet  ouvrage  à  une  première  audition. 
Il  y  a  beaucoup  de  réminiscences  de  Weber  et  de  Donizetti. 

„,*„  Bade,  k  novembre.  —  Les  voilà  passés  ces  beaux  jours,  cette  admi- 
rable saison,  qui  laisseront  de  longs  souvenirs.  Et  pourtant  Bade  n'a  pas 
encore  pris  sa  robe  d'hiver,  car  nous  avons  le  temps  le  plus  délicieux,  et 
aux  plaisirs  de  tout  genre  ont  succédé  les  vendanges,  qui  viennent  d'être 
célébrées  partout,  et  vous  penserez  que  la  gaîté  y  a  présidé,  quand  vous 
saurez  que  depuis  1849  le  vin  était  détestable,  et  que  cette  année  il  est  ex- 
cellent. Dans  certaines  contrées,  comme  à  Rudesheim,  on  espère  qu'il 
égalera  celui  de  1846.  Voià  pourquoi  tout  le  pays  est  dans  la  joie.  Il  y  a 
quelques  jours  dans  les  environs  de  Rastatt,  toute  la  musique  autrichienne 
du  vingt-huitième  régiment,  dit  Bénédik,  était  conviée  C'est  sans  contre- 
dit la  musique  la  plus  parfaite  de  toute  l'armée  autrichienne,  la  même 
que  nous  avons  entendue  pendant  toute  la  saison  à  Bade  et  qui  y  avait 
obtenu  tant  de  succès.  Parmi  les  morceaux  qu'elle  a  exécutés  et  qui  ont 
été  le  plus  applaudis,  j'en  citerai  plusieurs  des  Huguenot?,  du  Prophète,  et 


de  la  Juiv,  la  valse  et  plusieurs  mazurkas,  de  Chopin,  et  particulièrement 
la  Marche  croatr,  de  Mathias ,  que  l'on  a  redemandée  comme  à  Bade.  Tous 
ces  morceaux  ont  été  arrangés  pour  l'orchestre  militaire  avec  un  talent 
très-remarquable,  et  l'exécution  en  a  été  parfaite,  sauf  l'observation  des 
piano  et  des  forte,  qui  laisse  peut-être  encore  quelque  chose  à  désirer. 

„,*„  Odeasa.—  Schulhoff  vient  d'arriver  dans  notre  ville,  où  il  commence 
une  série  de  concerts  sous  les  plus  brillants  auspices. 


—  La  grande  et  la  petite  partition  de  Si  j'étais  roi,  d'Adolphe  Adam, 
dont  nous  avions  annoncé  la  publication  pour  le  25  octobre  dernier,  ne 
peuvent  être  livrées  avant  le  samedi  13  novembre.  La  propriété  de  ce  bel 
ouvrage,  qui  est  à  sa  cinquantième  représentation  et  dont  le  succès  est 
loin  d'être  épuisé,  ayant  été  acquise  aussi  à  l'étranger,  les  éditeurs  n'ont 
pu  être  en  mesure  pour  le  dépôt  exigé,  qui  doit  être  fait  simultanément 
en  France  et  à  l'étranger.  MM.  Benacci-Peschier,  rueLaffitte  7,  ont  l'hon- 
neur d'informer  MM.  les  directeurs  de  théâtre  et  marchands  de  musique 
de  la  province  que  pour  satisfaire  aux  nombreuses  demandes  qui  leur  ont 
été  adressées,  ils  ne  différeront  pas  d'un  seul  jour,  qui  reste  irrévocable- 
ment fixé  samedi,  13  novembre,  l'envoi  des  exemplaires  au  nombre  déjà 
inscrit.  —  Deux  charmants  quadrilles  pour  piano  par  Musard  sur  les  jolis 
motifs  de  Si  j'étais  roi,  ainsi  qu'une  schottisch  par  Giuseppe  Daniele,  et 
une  polka-mazurka  par  A.  Talexy,  sur  le  même  opéra  viennent  de  paraître 
chez  les  mêmes  éditeurs.  Seront  publiés  successivement  d'ici  au  15  novem- 
bre sur  Si  j  étais  roi,  savoir  :  deux  fantaisies  élégantes  pour  piano,  par 
J.-B.  Duvernoy;  fantaisie  brillante  variée  pour  le  piano,  par  A.  Talexy; 
caprice  caractéristique  par  Richard  Mulder  ;  rêverie  nocturne,  par  J.  Carli; 
une  polka  et  redovva,  par  Pasdeloup  ;  un  quadrille  facile  pour  piano,  et  un 
duo  pour  piano  et  violon,  par  N.  Louis  ;  thème  et  variations  brillantes, 
par  J.  Ascher;  fantaisie  élégante,  par  Fumagalli  ;  valse  expressive,  par 
Marcailhou  ;  arrangements  pour  tous  lies  instruments,  marches,  pas  re- 
doublés pour  fanfares  et  musiques  militaires,  etc. 

—  M.  Mecum,  luthier  à  Cologne  (Pr.  Rh.),  10,  Ursula-Strasse,  possède 
un  alto  magnifique  de  Jos.  Guarnerius.  Cet  instrument  est,  sans  contredit, 
le  plus  beau  chef-d'œuvre  sorti  des  mains  du  célèbre  maître.  (  Prix  : 
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Parmi  les  solfèges  et  les  méthodes  de  chant  qui  ont  paru  jusqu'à  pré- 
sent, les  artistes  avaient  laissé  une  lacune  que  vient  de  combler  un  nouvel 
ouvrage.  La  Petite  Méthode  de  chant,  de  Luigi  Bordèse,  dont  le  nom  est  déjà 
connu  comme  celui  d'un  excellent  professeur  et  d'un  charmant  composi- 
teur, renferme  les  qualités  qu'il  est  si  difficile  de  réunir  dans  une  œuvre 
théorique  :  l'utilité  et  l'agrément.  Elle  peut  servir  de  solfège  pour  les 
personnes  qui  commencent  l'étude  de  la  musique,  et  de  méthode  pour  les 
jeunes  voix  que  l'on  craint  de  fatiguer,  et  qui  cependant  doivent  travailler 
de  bonne  heure  l'art  du  chant  avec  tout  le  développement  nécessaire  du 
goût.  Les  petites  vocalises  qui  la  terminent  sont  tout  à  la  fois  des  leçons 
dont  les  difficultés  sagement  graduées  soutiennent  l'attention  de  l'élève,  et 
des'mélodies  distinguées  et  gracieuses  qui  rendent  le  travail  facile  et  même 
attrayant.  Nous  pouvons  prédire  à  M.  Bordèse  un  succès  réel  et  bien  légi- 
timé par  l'approbation  de  tous  les  professeurs  qui  ont  regardé  son  nouvel 
ouvrage  avec  soin. 

En  vente  chez  BRANDUS  et  C,  403,  rue  Richelieu, 

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Variations  sur  un  air  allemand C     » 

Rondoletto  original G     » 

Air  de  Haydée (3    » 


N°5  k.  Mosaïque  du  Juif  errant 6    » 

5.  Fantaisie  sur  la  Favorite 6     » 

6.  Souvenir  de  Don  Juan 6    » 


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Op.  59.  Fantaisie  élégante  sur  la  Sirène.   .    . 

Op.  61.  Sérénade 

Op.  06.  Fantaisie  brillante  sur  les  huguenots 

Op.  70.  Fantaisie  sur  Czar  et  Charpentier  . 

Op.  76.  Fantaisie  militaire  sur  les  Mousque- 
taires de  la  Reine 

Op.  99.  Trois  fleurs  :  la  Rose,  la  Violette  et 
l'Amarante 

Op.  101.  Fantaisie  dramatique  sur  le  Pro- 
phète     


Op.  104.  Souvenir  du  Prophète:  la  Complainte 

et  la  Marche  du  Sacre,  variées  .   . 

Op.  109.  Fant.  de  salon  sur  la  Fées  aux  Roses 

Op.   113.  La  Cascade  de  fleurs .   . 

Op.  114.  Les  Larmes  de  Madeleine,  méditation 
Op.  117.  L'Assaut,  grand  galop  militaire.  .  . 
Op.  118.  N°  l.  La  Mélancolie,  de  Prume,  variée 
2.  Chant  bohémien,  varié.  .  .  . 
Op  120  Fantaisie  de  salon  sur  Giralda  .  .  . 
Op.  122.  Fantaisie  sur  la  Dame  de  Pique  .   . 


Op.  124.  Grande  fantaisie  sur  la  Favorite  .    .  7  50 
Op.  127.  Rossini  et  Bellini  :  Stabat  mater  et 

Norma,  grande  scène  chantante  .  9    ■> 

Op.  129.  Mon  Etoile,  nocturne 7  50 

Op.  134.  Barcarolle  d'Oberon 5     » 

Op.  136.  La  Napolitaine,  polka  tarentelle.   .   .  5    » 
Op.  137.  N°  1.  Fantaisie  élégante  sur  la  Pou- 
pée de  Nuremberg .   ...  5     » 
2.  Fantaisie  élégante  sur  le  Far- 
fadet . 5     )i 


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MORCEAUX  DE  CTAOT  DÉTACHES  : 


N°"  1.  QUATUOR,  «  Dieu  de  la  paix.  » 3  75 

2.  DUO,  «  Si  je  perds  celle  que  j'aime.  » 6     » 

3.  DUO,  «  Dieu,  dans  ce  jour  prospère.  » 3  75 

4.  DUO,  «  Moment  fatal;  que  faire?  » 5     » 

5.  AIR,  «  Ah  !  d'une  tendre  mère.  > 5     » 


°"6.  QUATUOR,  «  Je  tremble  et  soupire.  « 4  50 

7.  DUO,  «  Jour  funeste!  loi  cruelle!  » 3  75 

8.  AIR,  «  Quelle  horrible  destinée!  » 6     » 

9.  PRIÈRE  à  4  voix,  «  Des  cieux  où  tu  résides.  » 4  50 

10.  CANTIQUE  à  4  voix,  «  Chantons,  bénissons  le  Seigneur.  ».   .  3  75 


ARRANGEMENTS  POUR  LE  PIANO  SUR  CET  OPÉRA 


Thubebi:.  Op.  33.  Grande  fantaisie  sur  la  prière 9  » 

—  Quatuor  transcrit  :  Mi  manca  la  voce    (Je  tremble  et 

soupire) 4  50 

H.  Uv.tvjc.  Op.  37.  Rondo  sur  un  chœur 9  » 

—  Trois  airs  de  ballet,  3  suites,  chaque 6  » 


A.  Adam.  Op.  19.  Fantaisies  et  variation 6 

Devebioï.  0(.i.  21.  Variations  sur  la  Marche 5 

Ije  CinriEiTiEB,  48'  bagatelle 5 

L'OUVERTURE  pour  piano 5 


DEUX  QUADRILLES  PAR  TOUCECQUEi,  CHAQUE  4  FR.   50.  —UNE  POLKA  PAR  AïiKAX,  2  FR.   50. 


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Du  même  auteur, 

ADIEU    PATRIE,    ABD-EL-KADER. 

PRIX  :  2  fr.  50. 

LES  AIRS  DU  JUIF  ERRANT 


Arrangés  pour  deux  violons,  par  N.  LOUIS  ...  3  suites,  chaq.  9 

—  violon  seul,               —  2  suites,  chaq.  9 

—  deux  flûtes,  par  E.  WALCK1ERS  .  3  suites,  chaq.  9 

—  flûte  seule,                —  2  suites,  chaq.  9 


Arrangé  pour   deux  cornets,  par  V.  CAUSS1NUS..     3  suites,  chaq.     9 

—  cornet  seul,  —  3  suites,  chaq.     9 

—  musique  militaire,  par  J.  MOHR. .     2  suites,  chaq.  20 


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QUADRILLES,  VALSES,  POLKAS,  POLKAS-MAZURKAS,  SCHOTTISCHS,  REDOWAS, 

Composés  par 
MUSARD,  STRAUSS,  IiABITZKT,  Bl'RGJYlt'I^ER,  PASDELOIP,  P1XOBBO,   ETTMKK,  etc. 

ET  ARRANGÉS  POUR  VIOLON,  FLUTE  OU  CORNET  SEUL. 


MUSARD.  Quadrille  les  Clairons  de  l'armée 
française  et  redowa  du  Juif  errant,  par 
A.  de  Lenoncourt. 

—  Quadrille  le  Farfadet  et  valse  du  Juif  er- 

rant. 

—  Quadrille  la   Favorite  et  valse  Jenny,  de 

Labitzky. 

—  1"  quadrille  du  Juif  errant  et  la  schottisch 

originale. 

—  2e  quadrille  du  Juif  errant  et  suite  de  la 

valse  Jenny. 

—  Quadrille  le  Palais  de  Cristal  et  valse  les 
.  Chants  d'allégresse,  par  Strauss. 


MUSARD.  Quadrille  la  Poupée  de  Nuremberg  et 
polka  Ouistiti. 

—  Quadrille  la  Reine  de  Chypre  et  polka  du 
Juif  errant,  par  Ettling. 

—  Quadrille  les  Rendez-  -ous  bourgeois  et  suite 
de  la  redowa  du  Juif  errant. 

.  —  Quadrille  le  Toréador  et  valse  de  la  Poupée 
de  Nuremberg. 

.  —  Quadrille  Une  nuit  à  l'Opéra  et  valse  du 
Juif  errant,  par  Burgmuller. 

.  —  1"  quadrille  de  Zerline  et  polka  du  Farfa- 
det, par  Burgmuller. 

.  —  2"  quadrille  de  Zerline  et  schottisch  de  Zer- 
line, par  Daniele. 

PRIX  :  Chaque  numéro,  1  fr.;  la  collection,  net,  7  fr. 


BURGMULLER.  Valse  de  la  Poupée  de  Nurem- 
berg. 

P1LODO.  Schottisch  de  la  Poupée  de  Nuremberg 

PASDELOUP.  Redowa  de  la  Poupée  de  Nurem- 
berg. 
—    Schottisch  du  Juif  errant. 

ETT'  ING.  Polka  de  Zerline. 

PILODO.  Polkade la Poupéede Nuremberg. 

ETTLING.  Valse  de  Zerline. 

BLRGMULLER.  B/ancAe,  polka-mazurka  et  suite 
de  la  valse  du  Juif  errant,  de  Musard. 

PASDELOUP.  Polka-mazurka  de  V Enfant  pro- 
digue. 

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REVUE 


14  Novembre  1882. 


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Lo  Journal  parait  le  Dimanche. 


GAZETTE  MUSICALE 


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>os  abonnes  reçoivent  avec  le  présent  numéro  une  mélodie  Intitulée 
18PIB1TIOV,  de  JB.  GastGncl.  dont  ropéra-t'onil<(ue  répète  un  ouvrage 
en  ce  moment. 


SOMMAIRE.  —  La  musique  à  Alger,  par  P.  Sel  i sman  n .  —  Séance  musicale  don- 
née par  Ferdinand  Hiller,  par  Henri  Blanchard.  —  Le  Requiem  de  Berlioz 
(3e  article^,  par  ILéon  Kreuzter.  —  Revue  critique,  par  Henri  Blanchard. 

—  Correspondance,  Marseille,  Bruxelles.  —  Nouvelles  et  annonces. 


LA  IUS100E  A  ALGER. 

La  plus  haute  expression  de  la  musique  chez  les  Arabes  consiste 
dans  la  réunion  d'un  violon,  d'une  nouitrà,  d'une  thare  et  d'un  der- 
bouka.  Ce  violon,  qui  de  l'autre  côté  de  la  Méditerranée  prend  le  nom 
àecamendja,  est  monté  de  quatre  cordes  connues  les  nôtres,  avec  cette 
différence  qu'il  n'y  a  que  l'intervalle  d'une  quarte  entre  la  troisième  et 
la  quatrième  corde,  ainsi:  sol,  ut,  sol,  ré;  ce  qui  produit,  comme  on  le 
voit,  une  transposition  d'un  ton  plus  bas,  pour  les  trois  dernières  cor- 
des. La  nouitra  est  une  mandoline  grossièrement  travaillée,  et  que 
l'on  pince  à  l'aide  d'une  petite  baleine.  La  thare  est  à  peu  de  chose 
près  le  tambour  de  basque.  Quant  au  derbouka,  c'est  la  basse  fonda- 
mentale ;  figurez-vous  un  gros  poêlon  de  terre,  dont  le  fond  est  rem- 
placé par  une  peau  de  parchemin.  Point  de  concert,  point  de  danses, 
point  de  cérémonies  où  le  derbouka  ne  remplisse  un  rôle  actif.  Tous  les 
indigènes  en  jouent,  mais  il  est  rare  qu'ils  y  excellent.  J'en  ai  vu  pourtant 
qui  le  maniaient  avec  une  grande  habileté.  Ce  travail  consiste  à  faire 
avec  les  doigts  des  roulements,  tantôt  lents,  tantôt  précipités,  selon  la 
couleur  que  le  derboukiste  veut  donner  au  morceau.  La  pose  de  celui-ci 
a  quelque  rapport  avec  celle  que  Gavarni  a  donnée  à  son  tam-tam  de 
l'île  Maurice.  Gottschalk,  l'excellent  pianiste,  dans  son  morceau  du 
Bamboula,  a  donné  à  peu  près  le  rhythme  le  plus  souvent  employé  pour 
le  derbouka.  Cet  instrument  à  la  vérité  n'a  qu'une  note  comme  le  trom- 
bone de  Bilboquet  ;  mais  celui  qui  y  excelle  lui  communique  sa  joie  ou 
sa  douleur,  le  faisant  tour  à  tour  gronder  comme  la  tempête,  ou  mur- 
murer comme  la  source,  lui  faisant  reproduire  ses  sensations  les  plus 
intimes.  On  dirait  quelquefois  les  pulsations  d'un  cœur  jaloux,  des  tré- 
pignements furieux,  toute  la  fougue  fiévreuse  d'un  amour  africain,.... 
le  galop  d'un  barbe;  puis,  peu  à  peu,  ce  tumulte  cesse,  les  mouvements 
sont  moins  précipités  :  c'est  une  danse  joyeuse,  c'est  le  doux  balance- 
ment des  palmiers.  Impossible  d'être  plus  concis  en  musique,  et  d'ex- 
primer plus  d'effets  que  n'en  produit  cet  instrument  avec  une  seule 
noie. 

On  prétend  qu'Ali-Àga,  dey  d'Alger  vers  le  milieu  du  xvnr  siècle  , 
passait  une  partie  de  ses  journées  à  jouer  du  derbouka  dans  laCasebah  : 
en  tous  cas,  ce  ne  serait  pas  le  seul  souverain  qui  se  serait  occupé  de 
musique.  On  sait  que  Charles  IV,  roi  d'Espagne ,  jouait  du  violon;  que 


Georges  IV,  roi  d'Angleterre  ,  ne  jouait  pas  mal  du  violoncelle  ,  et  que 
le  grand  Frédéric  lui-même  excellait  sur  la  flûte.  J'admets  donc  pour 
mon  compte  qu'Ali-Aga  fut  le  meilleur  derboukiste  de  son  temps. 
Dans  les  grandes  fêtes,  on  s'adjoint  quelquefois  un  rebab ,  instrument 
fort  usité  en  Asie.  Il  a  deux  cordes  que  l'on  fait  vibrer  à  l'aide  d'une 
espèce  d'archet  de  baleine  recourbée  en  demi-cercle.  Le  son  de  celte 
manivelle  participe  du  mirliton  et  de  la  crécelle.  A  l'exception  du  der- 
bouka, pour  lequel  je  professe  une  véritable  affection,  je  dois  con- 
venir que  chacun  de  ces  instruments  jouant  séparément  donne  une 
musique  fort  désagréable  ;  mais  quand  on  les  fait  tous  mouvoir  et  qu'on 
y  ajoute  encore  des  espèces  de  chaudrons ,  des  poêles  et  tout  ce  qu'on 
a  pu  se  procurer  pour  produire  du  bruit,  c'est.alors  une  rage,  une.  fré- 
nésie, un  entraînement  irrésistible  ;  on  dirait -des  démons  déchaînés, 
un  concert  en  enfer  et  sans  chef  d'orchestre  ;  mais  pour  les  indi- 
gènes, c'est  une  musique  pleine  de  charmes  et  qui  les  plonge  dans  un 
ravissement  indicible  ;  tous  se  mettent  à  chanter  et  à  battre  les  mains. 
Pendant  que  cette  harmonie  se  prolonge ,  les  femmes  se  meltent  à 
danser.  Mais  quelle  danse!....  la  danse  des  bayadères ,  où  les  deux 
mouchoirs  jouent  de  si  grands  rôles,  et  où  tout  danse,  tout,  excepté  les 
pieds. 

Les  disciples  de  Mahomet,  qui  trouvent  des  jouissances  infinies  et 
se  sentent  transportés  au  ciel  du  Prophète  quand  ils  entendent  cette 
confusion  de  sons  discordants,  traduction  musicale  de  la  tour  de  Babel, 
se  refusent  à  comprendre  toute  autre  musique  que  la  leur  ;  nos  airs  à 
coupe  régulière,  notre  harmonie  militaire,  ne  paraissent  faire  aucune 
impression  sur  eux.  Ils  y  sont  aussi  indifférents  aujourd'hui,  après 
vingt-deux  années  de  domination  française,  que  le  premier  jour  où 
l'armée  entrait  à  Alger,  avec  tout  l'éclat  du  triomphe,  au  bruit  des 
fanfares,  et  d'une  musique  qu'ils  n'avaient  jamais  entendue  et  qu'ils 
ne  devaient  jamais  comprendre.  On  a  souvent  raconté  que  lorsque 
l'on  conduisit  le  dernier  souverain  d'Alger  entendre  Robert-lc-Diable 
a  notre  Opéra,  il  ne  parut  étonné  que  d'une  chose...  c'était  de  voir  les 
trombones  avaler  tant  de  cuivre.  Lorsque  le  bey  de  Tunis  vint  à 
Paris,  il  y  a  quelques  années,  il  ne  semblait  prendre  quelque  plaisir  à 
l'Opéra  qu'au  moment  où  les  artistes  de  l'orchestre  accordaient  leurs 
instruments  et  préludaient  suivant  leur  fantaisie  avant  le  lever  du  ri- 
deau. Assurément,  c'est  ce  qui  lui  rappelait  le  mieux  les  airs  de  son 
pays. 

Ce  n'est  pas  dans  les  nouveaux  quartiers  Bab-Azoun  ou  Bab-el- 
Oued  qu'il  fau'  chercher  les  concerts  dont  je  parlais  tout  à  l'heure.  Là, 
tout  est  français  ;  on  y  entend  sur  les  orgues  de  Barbarie  tous  ces  airs 
qui  nous  font  fuir  Paris  ;  il  y  a  même  des  cafés-chantants,  tout  comme 
aux  Champs-Elysées,  où  le  chanteur  en  gants  blancs  et  la  forte  chan- 
teuse roucoulent  jusqu'au  grand  duo  de  la  Favorite,  à  la  grande  satis- 


386 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


faction  du  [commerçant  français,  mais  où  jamais  ne  s'aventurerait 
l'indigène.  Rien  n'est  plus  curieux  que  de  visiter  la  haute  ville,  qui  a 
conservé  son  ancien  caractère.  Pendant  les  premiers  jours,  je  me 
croyais  à  Rome  pendant  le  carnaval.  Ces  diversités  de  costumes,  ces 
Mauresques  au  visage  couvert,  ces  Négresses,  ces  Juives  avec  leurs 
longues  robes  de  brocard,  lamées  d'or  et  couvertes  de  pierreries,  avec 
ces  bonnets  en  forme  de  cornet,  azur  ou  écarlate  ;  ces  Bédouins,  placi- 
dement plantés  sur  leurs  chameaux;  ces  autruches,  ces  gazelles,  ces 
singes,  et  tant  d'autres  choses,  tout  se  mêle  et  se  confond.  Je  n'ai 
eu  ni  trêve  ni  repos  que  je  n'eusse  visité  un  intérieur  mauresque  ; 
là,  vous  devez  ôter  vos  souliers,  comme  quand  vous  entrez  dans 
une  mosquée,  et  vous  accroupir  sur  vos  jambes,  boire  le  café 
maure,  accepter  tout  ce  qu'on  vous  offre,  fût-ce  du  hatchis  ou  le  gras 
couscoussou  de  l'hospitalité.  Ensuite,  les  hommes  prennent  les  instru- 
ments et  les  femmes  se  mettent  à  chanter  quelques  chants  inintelli- 
gibles pour  nous,  et  dont  la  description  est  impossible  ;  on  pourrait 
pourtant  y  trouver  quelque  similitude  avec  les  cris  de  nos  marchandes 
de  poisson  dans  les  rues  de  Paris.  Les  noms  des  Algériennes  sont 
beaucoup  plus  euphoniques  que  leurs  chants;  ainsi,  Nadundja,  Yaminad, 
noms  mauresques  qui  rappellent  Grenade  et  l'Alhambra;  puis  Fatma, 
dont  les  faiseurs  de  romances  ont  singulièrement  abusé;  M'saouda,  qui 
veut  dire  fortunée  ;  Nedjma,  qui  signifie  étoile  ;  et  Paouna,  Azouez, 
qui  se  traduisent  par  parfaite  et  chérie.  Malgré  le  son  guttural  inhé- 
rent à  la  langue  arabe,  et  dont  l'Espagne  a  conservé  quelques  vestiges, 
il  semble  que  les  consonnes  un  peu  dures  leur  fassent  mal  à  prononcer, 
et  ils  aiment  à  leur  substituer  quelque  voyelle  plus  harmonieuse.  Ainsi, 
on  avait  fait  de  mon  nom  tudesque  un  nom  fort  oriental  :  on  m'appelait 
Soleïman.  Je  me  rappelle  même  à  ce  sujet  un  grand  diable  de  moricaud 
çjui  portait  ce  nom,  et  qui  cherchait  à  me  convaincre  que  je  devais 
être  de  sa  famille. 

Les  rues  d'Al  ger,  en  ce  qui  concerne  la  haute  ville  bâtie  en  amphi- 
théâtre, sont  tortueuses  et  plus  étroites  encore  que  les  plus  étroites 
contracte  de  Venise  et  de  Gênes,  et  comme  elles  sont  très-escarpées,  il 
n'est  peut-être  pas  un  soldat  à  Alger  qui  n'ait  pris  au  moins  une  fois 
un  billet  de  parterre,  comme  disent  les  gamins  de  Paris.  On  est  frappé 
de  l'étrangeté  de  ces  boutiques  de  dessinateurs  d'œufs  d'autruche,  de 
ces  barbiers-  chirurgiens  et  de  ces  cafés  maures,  où,  sur  deux  bancs 
parallèles,  sont  accroupis  une  douzaine  de  musulmans,  humant  avec 
ivresse  leur  narghuilé  et  leur  moka. 

La  nuit,  un  indigène  qui  passe  paraît  un  fantôme  dans  son  linceul  ; 
puis,  sur  le  devant  d'une  boutique,  vous  remarquez  un  vieux  musul- 
man, avec  une  barbe  plus  bl  anche  que  la  neige  du  Jurjura,  inclinant  sa 
tête  jusqu'à  terre,  en  invoquant  Mahomet,  pendant  qu'une  psalmodie 
vient  frapper  vos  oreilles.  C'est  le  muezzin,  qui,  du  haut  d'une  mos- 
quée, appelle  les  croyants  à  la  prière  du  soir.  Puis,  de  tous  les  côtés, 
les  Mauresques  allant  et  venant,  presque  toujours  en  groupes,  et  ne 
laissant  échapper  de  leurs  traits  que  des  yeux  noirs,  longs  et  volup- 
tueux. On  se  sent  plus  disposé  à  découvrir  ces  longs  voiles  qu'à  dé- 
masquer tous  les  dominos  du  bal  de  l'Opéra;  mais,  à  l'époque  dont  je 
parle,  c'eût  été  plus  qu'une  profanation,  c'eût  été  de  la  cruauté,  car  il 
faisait  froid...  oui,  froid  à  Alger...  les  palmiers  inclinaient  tristement 
leurs  têtes  sous  une  brise  glaciale  ;  les  aloès,  les  figuiers  de  Barbarie,  et 
toutes  ces  plantes  qu'on  ne  trouve  dans  le  Nord  que  dans  des  serres 
chaudes,  semblaient  étonnées  d'une  température  à  laquelle  elles  ne 
sont  pas  habituées.  El  Diar,  Legah  ,  la  belle  plaine  de  la  Mitidja,  de 
belliqueuse  mémoire  ,  Mustapha  avec  sa  forêt  de  bananiers ,  les  bam- 
bous du  Jardin  d'essai,  tout  cela  était  littéralement  inondé.  Heureuse- 
ment cette  température  n'est  qu'accidentelle  en  Algérie;  autrement  il 
faudrait  substituer  aux  citronniers  de  Médéah  et  aux  orangers  de  Bli- 
dah,  des  pommiers  et  des  châtaigniers,  et  l'Algérie  deviendrait  ainsi 
une  nouvelle  Normandie.  Non-seulement  il  pleuvait  à  outrance,  mais 
des  ondées  de  grêle  venaient  encore  attrister  ce  beau  pays,  auquel  le 
soleil  est  si  nécessaire  :  aussi,  je  donnais  de  loin...  de  bien  loin,  un  dé- 
menti à  Levasscr,  qui  assurait  qu'il  faisait  si  chaud  à  Alger,  que  lors 


même  qu'il  y  gelait  à  pierre  fendre,  on  y  avait  trente-deux  degrés  de 
chaleur...  à  l'ombre. 

11  y  a  à  Alger  un  bon  opéra,  une  direction  intelligente  et  des  artistes 
de  talent.  Je  citerai  d'abord  Mme  Murio-Cceli,  aussi  bonne  comédienne 
qu'excellente  chanteuse;  Mme  Derr,  qui  a  une  très-belle  voix,  bien  ap- 
propriée à  la  grande  tragédie  lyrique  ;  puis  M.  Bury,  ténor  fort  distin- 
gué; Derval,  qui  est  charmant  dans  l'Opéra-Comique.  Je  citerai  aussi 
M.  Vacani,  qui  représente  par  de  là  la  Méditerranée  la  bonne  école 
italienne.  J'ai  entendu  exécuter  la  Favorite,  le  Songe  d'une  nuit  d'été, 
et  Bonsoir  M.  Pantalon,  avec  autant  d'ensemble  et  de  talent  qu'on 
en  pourrait  rencontrer  dans  une  ville  de  premier  ordre  en  France.  La 
partie  instrumentale  est  moins  riche.  Alger  a  perdu  deux  de  ses  plus 
fermes  soutiens.  C'étaient  M.  Cellier  B.,  qui  est  non  seulement  un  très- 
habile  administrateur,  mais  aussi  un  excellent  violoniste,  et  M.  Ferdi- 
nand Vendenheuvel,  accompagnateur  émérite.  Parmi  ceux  qui  restent 
à  Alger,  et  qui  soutiennent  avec  honneur  les  bonnes  traditions  musi- 
cales, il  fait  distinguer  surtout  M.  Luce,  artiste  sérieux  et  intelligent, 
qui  a  composé  plusieurs  symphonies  militaires  ;  M.  Murât,  M.  et  Mme 
Dupar.  J'ai  entendu  parmi  les  amateurs,  de  très-belles  voix  de  femmes, 
chantant  des  mélodies  de  Schubert  avec  toute  l'inspiration  et  la  poésie 
nécessaires  à  ces  petits  chefs-d'œuvre.  Si  je  ne  craignais  d'être  indiscret, 
je  dirais  les  noms  de  ces  charmantes  femmes;  j'espère  pourtant  qu'elles 
se  reconnaîtront  par  ce  que  je  viens  de  dire.  Si  cela  peut  aider  leur  mé- 
moire, j'ajouterai  que  l'une  a  une  voix  de  soprano,  vive,  légère,  douce 
et  flexible,  tandis  que  l'autre  a  tout  le  beau  registre  d'une  voix  de  con- 
tralto, belle,  grave,  passionnée  et  touchante.  M.  le  baron  Pron  et  M.  le 
général  Youssouff  voudront  bien  me  pardonner  si  j'ajoute  encore  qu'il 
y  a  à  Alger  deux  excellents  musiciens,  dont  l'un  fait  de  délicieuses  mé- 
lodies pour  le  piano,  tandis  que  l'autre  charme  par  sa  voix  les  person- 
nes à  qui  il  offre,  avec  tant  de  courtoisie,  l'hospitalité  dans  sa  belle  villa 
de  Mustapha. 

Au  nombre  des  compositeurs  français  qui  se  sont  inspirés  des  mélo- 
dies arabes,  il  faut  citer  Félicien  David,  qui,  dans  sa  symphonie  du 
Désert,  s'est  montré  à  la  fois  musicien,  peintre  et  poëte  ;  puis  Reyer, 
qui  a  su,  dans  le  Sélam,  allier  fort  heureusement  clans  des  airs  arabes, 
toute  la  couleur  orientale  à  l'esprit  français.  Disons  enfin  que  parmi  les 
artistes  européens  qui  sont  allés  en  Afrique  faire  jouir  la  colonie  du 
charme  de  leur  talent,  on  a  surtout  remarqué  Artôt,  de  tant  regretta- 
ble mémoire,  Ole  Bull,   Emile  Prudent  et  Moeser 

P.  SELIGMANN. 


SÉANCE  MUSICALE  DONNÉE  PA1  I.  FERDINAND  HILLER 

Nous  disons  donnée,  attendu  que  cette  séance  a  peu  ressemblé  à 
ces  matinées  musicales  que  les  bénéficiaires  essaient  de  rendre  pro- 
ductives au  moyen  de  billets  du  prix  de  10  à  15  fr.,  qu'on  a  raison  de 
trouver  chers  pour  entendre  à  peu  près  toujours  les  mêmes  choses  : 
cavatines  et  fantaisies,  fantaisies  et  cavatines.  Une  nombreuse  société, 
composée  de  la  plupart  des  auditeurs  intelligents  que  renferme  Paris, 
s'est  empressée  de  se  rendre  à  l'invitation  de  M.  Hiller,  moins  parce 
qu'on  ne  payait  point,  que  parce  que  le  virtuose  qui  l'invitait  possède 
un  nom  dans  l'art  musical  sérieux. 

M.  Ferdinand  Hiller  est  un  des  élèves  de  Hummel,  à  qui  il  ressem- 
ble assez  physiquement  d'abord,  et  par  une  sorte  d'analogie  aussi  dans 
la  forme  de  son  talent  de  compositeur  et  d'exécutant  ;  car,  dans  l'ex- 
hibition musicale  qui  a  eu  lieu  clans  la  salle  Sax,  M.  Hiller  s'est  montré 
pianiste,  et  pianiste  de  premier  ordre.  Si,  par  une  autre  analogie  avec 
le  talent  d'Henselt,  il  lève  un  peu  trop  les  mains  au-dessus  du  clavier, 
ce  qui  donne  une  sorte  d'affectation  d'aisance  et  de  légèreté  à  son 
toucher,  et  doit  lui  faire,  nécessairement,  perdre  un  peu  de  temps,  il 
n'en  est  pas  moins  un  pianiste  plein  de  chaleur,  qui  tire  de  l'instru- 
ment un  son  rond,  puissant,  et  tout  empreint  de  sensibilité.  Les  traits 


DE  PARIS. 


387 


caractéristiques  de  son  jeu  sont,  enfin,  la  netteté,  l'expression,  le  brio, 
et  surtout  l'individualité  qui  le  distingue  des  autres  pianistes-composi- 
teurs. Il  ne  spécialise  point  l'art  déjouer  du  piano.  Ce  n'est  point  la 
manière  brillante  et  frétillante  de  Doehler  ;  ce  ne  sont  point  les  ara- 
besques arpégées  de  Thalbcrg  ou  le  trait  nerveux  et  ultra-dillicultueux 
de  Liszt  dans  leur  exécution  comme  dans  leurs  compositions;  c'est  un 
virtuose  qui  a  des  doigts  brillants  et  les  idées  logiques...;  peut-être  un 
peu  trop  :  mais  cette  logique  obstinée  procède  toujours  en  M.  Hiller 
d'une  idée  mélodique  distinguée,  élégante  et  gracieuse.  Il  a  ouvert  sa 
séance  par  huit  mesures  variées  (dans  le  style  sévère).  C'est  dire  qu'il 
a  tout  d'abord  fait  preuve  de  savoir  ;  puis  sont  venus  trois  délicieux 
morceaux  sous  ces  titres  :  Alla  Marcia,  Capriccelloel  Ghazèles,  ou,  ce 
qui  serait  mieux,  Ghazels,  avec  cette  note  :  Les  pièces  de  vers  que  les 
Arabes  appellent  ghazelès  ont  été  beaucoup  imitées  par  plusieurs 
poètes  allemands.  Leur  forme  exige  que  le  même  mot  ou  au  moins  la 
même  rime,  revienne  à  la  fin  de  chaque  pensée.  Le  compositeur  a  tâché 
de  traduits  cette  forme  en  musique.  Rien  de  plus  fin,  de  plus  original 
et  de  plus  distingué  que  ces  trois  étincelles  musicales,  surtout  le  motif 
delamarche,  et  tout  le  petit  caprice,  qui  fera  toujours  naître  en  chaque 
auditeur  qui  l'aura  ouï,  celui  (le  caprice)  de  l'entendre  de  nouveau. 

Le  duo  pour  piano  et  violoncelle,  exécuté  par  l'auteur  et  M.  Franc- 
homme,  est  un  morceau  consciencieusement  fait,  mais  d'une  facture 
pénible,  d'un  style  si  serré  d'imitations  qu'il  faudrait  aussi  l'entendre 
de  nouveau  pour  en  donner  une  appréciation  convenable.  L'andante, 
au  reste,  accessible  à  toutes  les  intelligences  musicales,  est  d'une  forme 
claire  et  d'une  mélodie  gracieuse  et  suave. 

M.  Hiller,  en  compositeur-chercheur  qu'il  est,  est  venu  nous  dire 
ses  Etudes  et  esquisses  rhythmiques  en  mesures  mêlées  à  trois-quatre 
six-huit,  deux-quatre  trois-quatre  et  C  cinq-quatre,  etc.  Ces  études 
mettent  en  quelque  sorte  en  pratique  la  question  du  rhythme  traitée 
par  M.  Fétis,  dans  ce  domaine  de  l'art ,  que  quelques-uns  croient 
inexploré ,  espèce  de  Californie ,  mine  d'idées,  de  mélodies  et  de 
rhythmes,  bien  que  déjà  fouillée,  exploitée  en  plusieurs  contrées  par 
Haendel,  Mozart,  Haydn,  Beethoven,  Boieldieu,  et  par  quelques 
autres. 

En  écoutant  les  esquisses  rhythmiques  de  M.  Hiller,  nous  en  avons 
recherché  la  pensée  :  nous  nous  sommes  demandé,  avec  la  plupart  des 
auditeurs,  si  elles  feront  faire  un  pas  à  l'art  de  jouer  du  piano  et  surtout 
à  la  phraséologie  musicale,    et  nous  nous  sommes  pris  à  en  douter. 

Ces  esquisses  en  mesures  mêlées  nous  ont  tout  simplement  paru 
manquer  de  clarté,  et  surtout  de  mélodie.  Il  n'en  est  point  ainsi  de  ses 
études  pour  piano  et  violon  qu'il  a  dites  avec  notre  violoniste  Alard. 
Ici  c'est  tout  un  autre  procédé;  ce  n'est  point  le  bris  incessant  de  la 
pensée  mélodique  et  du  rhythme,  c'est  au  contraire  le  chant  carré,  la 
mélodie  attaquée  avec  passion  et  distinction  par  l'instrument  le  plus 
mélodique  qui  soit  ;  et  le  rhythme  vivement  dialogué,  brisé,  partagé, 
entre  les  deux  instruments,  le  même  rhythme  découpé,  enchevêtré 
d'une  manière  neuve,  originale,  et  pleine  d'animation.  La  deuxième 
de  ces  études  est  surtout  un  modèle  d'élégante  vivacité,  de  dialogue 
entrecoupé  de  pensées  serrées,  qui  n'a  pas  d'exemple  dans  la  musique 
de  piano  et  de  violon  ;  cela  est  on  ne  peut  plus  piquant,  entraînant, 
éblouissant,  et  a  provoqué  une  seconde  audition  qui  a  eu  lieu  à  la  de- 
mande générale. 

Le  programme  de  cette  intéressante  matinée  musicale  promettait 
une  improvisation,  et  le  virtuose  a  tenu  ce  que  son  programme  annon- 
çait. En  véritable  disciple  de  Hummel,  qui  improvisait  si  bien,  lui, 
M.  Hiller  s'est  fait  imposer  différents  thèmes,  celui  de  l'andante  de  la 
symphonie  en  la  de  Beethoven,  demandé  par  Meyerbeer,  qui  était  au 
nombre  des  auditeurs  ;  l'hymne  impérial  autrichien ,  varié  si  reli- 
gieusement et  avec  tant  de  savoir  par  Haydn  dans  un  de  ses  qua- 
tuors, et  l'air  :  Grâce  !  de  Robert-le-Diable. 

L'habile  pianiste-compositeur  a  fait  entendre  chacun  de  ces  thèmes 
séparément  ;  il  leur  a  même  joint  le  menuet  de  Don  Juan  qu'on 
ne  lui  avait  pas  demandé  ;  et  puis  réunissant  tous  ces  motifs  avec  beau- 


coup de  clarté,  il  les  a  réunis,  séparés ,  soumis  à  des  effets  d'har- 
monie neuve  et  de  pédales  pittoresques  qui  ont  provoqué  d'unanimes 
applaudissements.  Par  cette  séance,  Ferdinand  Hiller  a  conquis  le  triple 
titre  de  bon  compositeur,  d'excellent  pianiste  et  de  remarquable  im- 
provisateur. 

Henri  BLANCHARD. 


MjMS  HMïQWJIJEJI  J»E  BERLBOZ. 

(3°  article)  (1). 

Len°  3,  Quid  sum  miser  (page  46),  est  un  souvenir  du  Dies  ira. 
Il  est  construit  sur  deux  des  principaux  fragments  de  ce  morceau  :  le 
choral  des  basses,  et  la  prière  désolée  des  soprani  qui  leur  répond.  Tout 
à  l'heure,  c'était  la  prière  ardente  et  épouvantée  ;  maintenant,  c'est  un 
sentiment  d'humilité  et  de  crainte.  Berlioz  n'avait  pas  besoin  d'in- 
diquer cette  nuance  sur  sa  partition;  l'intelligence  se  l'explique  d'elle- 
même.  Combien,  par  le  seul  artifice  de  l'instrumentation,  de  la  sonorité, 
de  la  division  même  de  la  mélodie,  le  caractère  de  la  pensée  est  modi- 
fié! Les  voix  occupent  les  régions  intermédiaires;  les  plus  suaves  tim- 
bres de  l'orchestre,  les  cors  anglais,  les  bassons,  les  violoncelles  se 
glissent  timidement,  presque  à  regret,  au  milieu  d'elles,  et  semblent 
confesser  leur  infériorité  lorsqu'il  s'agit  d'exprimer  les  plus  purs  élans 
de  la  prière.  Le  ton  également  a  changé:  aux  tonalités  rudes  et  accusées 
de  si  \>  et  de  ré  mineur,  succède  celle  de  sol  dièse  mineur,  la  plus  va- 
gue, la  plus  indécise  de  toutes;  tonalité  assise  sur  les  derniers  confins 
du  dièse  et  du  bémol,  tonalité  hybride,  qui  a  le  vague  et  l'infini  pour 
objet.  Il  est  à  croire  que  Berlioz,  de  parti  pris,  n'a  pas  fait  choix  de  ce 
ton  peu  usité  ;  mais  un  instinct  plus  sûr  que  le  raisonnement  guide  les 
grands  compositeurs  dans  le  choix  qu'ils  font  de  leurs  tonalités.  In- 
dépendamment des  ressources  qu'elles  renferment  pour  le  développe- 
ment des  voix  et  des  instruments,  les  diverses  tonalités  ont  en  elles 
quelque  chose  de  mystérieux  qui  semble  s'adapter  plus  particulière- 
ment à  un  certain  ordre  d'idées.  Une  même  tonique,  fa,  que  le  ton  soit 
majeur  ou  qu'il  soit  mineur,  éveillera  dans  l'esprit  les  pensées  les  plus 
opposées  :  fa  majeur  conviendra  aux  sujets  voluptueux  ,  naïfs  et 
agrestes;  fa  mineur  exprimera  le  plus  haut  degré  de  l'emportement  et 
de  la  violence.  C'est  là  un  des  grands  problèmes  de  l'art  musical,  mieux 
senti  jusqu'à  présent  que  bien  défini.  Le.chant,  qui,  tout  à  l'heure,  per- 
sistait, implacable  comme  le  destin,  dans  son  inflexibilité,  ainsi  modi- 
fié par  ces  éléments  divers,  apparaissant  par  fragments  entrecoupés  et 
comme  brisés  par  une  humilité  sainte,  exprime  la  confession  naïve  de 
l'âme  tremblante,  mais  qui  déjà  ,  par  son  humilité  même,  semble 
s'être  relevée  de  sa  chute. 

J'aime  moins,  je  l'avoue,  le  Rex  tremendœ  (page  48)  ;  il  a,  suivant 
moi,  un  grand  défaut,  celui  de  succéder,  sans  renfermer  une  pensée 
également  saisissante,  au  Dies  irœ,  d'employer  les  mêmes  effets  éner- 
giques dans  les  voix  et  dans  les  chœurs,  et  de  n'en  être  séparé  que  par 
le  Quid  sum  miser,  inspiration  délicieuse,  mais  trop  courte  pour  laisser 
l'oreille  se  reposer  suffisamment  entre  ces  deux  grands  cataclysmes 
harmoniques.  Cette  observation  ne  me  rend  pas  injuste  pour  le  mérite 
de  ce  morceau.  Il  y  a  une  énergie  singulière  dans  le  verset  Flammis 
acribus  addictis  (page  54).  J'y  signale  un  heurt  terrible  entre  les  contre- 
basses et  les  violoncelles  :  c'est  une  dissonance  de  seconde  mineure 
enclavée  entre  l'octave  supérieure  et  l'octave  inférieure.  L'effet  est  véri- 
tablement terrible.  Cette  violente  dissonance  dans  les  contrebasses 
(elle  se  résout  naturellement  sur  le  la  dièse,  comme  toute  septième  bien 
élevée  ;  je  dis  cela  pour  rassurer  les  orthodoxes)  résume  toute  l'éner- 
gie du  mot  latin  addictis.  Oui,  cette  dissonance ,  c'est  la  torche  im- 
plantée dans  le  flanc  du  coupable,  et  que  les  efforts  d'un  Promélhée  ne 
suffiraient  pas  pour  arracher.  Ai-je  rencontré  la  pensée  de  Berlioz?  Au 

(1)  Voir  le  numéro  43  et  44. 


388 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


milieu  de  ces  scènes  lugubres,  la  belle  phrase  (page  57)  Salve  me 
forme  un  heureux  contraste.  On  peut  y  admirer  une  remarquable  dis- 
position de  l'orchestre  ;  les  cors  et  les  bassons,  divisés  en  quatre,  par- 
tagent la  mesure  en  série  de  seize  notes.  D'ordinaire,  cette  mission  est 
confiée  aux  instruments  à  cordes  ;  mais  le  compositeur  avait  besoin  de 
ses  violons,  de  leur  timbre  passionné,  pour  imposer  à  la  mélodie  cette 
puissante  douceur  à  laquelle  les  instruments  à  vent  isolés  et  en  petit 
nombre  ne  pourront  jamais  atteindre.  J'ai  déjà  signalé  un  pareil  exem- 
ple de  renversement  des  principes  généraux  de  l'instrumentation. 
Mais  quel  tact  est  nécessaire  pour  savoir  trouver,  en  dehors  de  la  règle 
et  dans  l'exception  seule,  la  source  d'aussi  originales  beautés  !  Au  début 
du  morceau,  Berlioz  a  fait  un  petit  sacrifice  à  la  tradition  :  il  y  a  deux 
percussions  de  voix  sur  le  mot  Rex.  Mozart,  dans  son  Requiem,  en  a 
trois.  Ces  percussions  sont  en  quelque  sorte  un  principe  d'école ,  dont 
Cherubini,  le  plus  scolastique  des  maîtres,  ne  s'est  affranchi  que  parce 
que  la  nature  de  son  plan  le  lui  interdisait.  Cette  observation  est  pres- 
que une  puérilité  ;  mais  elle  montre  combien,  à  leur  insu,  les  esprits  les 
plus  indépendants  font  de  petits  sacrifices  à  certaines  habitudes  musicales 
que  rien  ne  justifie. 

Le  Quœrens  me  est  écrit  à  six  voix,  sans  accompagnement.  Cette 
forme  musicale  était  la  plus  usitée  aux  belles  époques  de  l'école  reli- 
gieuse italienne  ;  elle  convient  admirablement  à  l'expression  des  senti- 
ments doux  et  humbles;  mais  la  variété  et  la  sonorité  lui  manquent  pour 
l'expression  des  sentiments  violents  et  tragiques.  Ce  genre  de  mor- 
ceaux, les  compositeurs  de  la  fin  du  xvi"  siècle  l'écrivaient  avec  un 
rare  esprit  de  combinaison;  mais,  trop  souvent,  la  mélodie  devait  cé- 
der le  pas  à  l'artifice,  la  science  alors  était  quelquefois  pour  elle  le  ht 
de  Procuste.  C'est  une  des  conquêtes  de  l'art  moderne,  d'appeler  à  son 
aide  la  science  pour  concourir  au  développement  de  la  pensée,  mais 
aussi  d'oser  en  assouplir  les  lois  lorsqu'elles  nuiraient  à  sa  marche  in- 
dépendante. Dans  ce  morceau,  la  mélodie  de  Berlioz,  d'un  rhythme 
accentué  et  moelleux,  passe  successivement  par  des  imitations  lentes 
dans  les  différentes  voix  qui  reflètent  sur  elles  le  coloris  de  leurs  tim- 
bres. Les  modulations,  les  accords  heurtés  qui  abondaient  dans  les 
morceaux  précédents  s'effacent  ici  ;  le  caractère  divin  des  voix,  lorsque 
l'orchestre  entier  fait  silence,  impose  au  compositeur  l'obligation  de 
faire  reposer  ses  mélodies  dans  une  région  plus  pure  et  plus  élevée. 

Portons  maintenant  notre  attention  sur  le  rhythme  singulièrement 
neuf  par  lequel  débute  le  Lacrymosa  (page  66).  La  mesure  est  à  neuf- 
huit;  les  basses  frappent  la  première  croche  ;  la  seconde  et  la  troisième 
croche  appartiennent  aux  instruments  à  vent  ;  cette  dernière  syncope 
sur  la  première  croche  du  temps  suivant,  la  seconde  appartient  encore 
aux  instruments  à  vent,  la  troisième  est  frappée  par  un  énergique  arpège 
des  instruments  à  cordes  ;  enfin,  de  leur  voix  mâle  les  cors  viennent 
accentuer  sur  le  troisième  temps,  la  noire  pointée  qui  termine  la  me- 
sure. Bientôt,  sur  les  puissantes  assises  de  ce  rhythme  herculéen,  se 
pose  une  vaste  mélodie,  dont  les  voix,  se  renforçant  tour  à  tour, 
déroulent  les  anneaux  des  extrémités  du  grave  à  celui  de  l'aigu.  Sur- 
vient (page  71)  une  pénétrante  phrase.  La  première  partie,  confiée  aux 
ténors,  est  toute  mélodique  ;  la  seconde,  dite  par  les  basses,  appartient 
à  la  mélodie  rhythmique.  En  effet,  l'impression  produite  pour  l'auditeur 
émane,  sans  qu'on  puisse  les  diviser,  de  ces  deux  éléments  de  l'art.  Et 
quel  magique  coloris  viennent  prêter  à  cette  phrase  ces  coups  de  grosse 
caisse  dans  la  nuance  :  PP.  Berlioz  est  sans  doute  persuadé  de  la  vé- 
rité de  cette  maxime  que  : 

Il  n'e^t  pas  de  serpent  ni  de  monstre  odieux 
Qui  par  l'art  imité  ne  puisse  plaire  aux  yeux. 

Le  monstre  hurlant  de  nos  théâtres,  le  cerbère  qui  de  sa  gueule  béante 
a  tant  de  fois  englouti  le  gâteau  de  miel  de  la  mélodie,  Berlioz  a  su 
désarmer  sa  colère  et  abaisser  sa  voix  jusqu'à  un  imposant  murmure. 
Les  développements  de  cette  seconde  phrase  sont  très-vastes.  (Page  74.) 
On  pourra  lire  une  mélodie  ascendante,  en  imitations,  entre  lessoprani 
et  les  basses,  qui  est  l'une  des  plus  développées  que  l'inspiration  ait 
dictées  à  un  compositeur.  Nous  n'avons  pas,  heureusement,  à  craindre 


qu'un  nouvel  Omar  détruise  nos  bibliothèques  ;  mais,  enfin,  l'œuvre 
entier  de  Berlioz  disparût-il,  n'en  restât-il  que  quelques  débris:  de  la 
Symphonie  fantastique,  la  phrase  en  ut  majeur  du  premier  allegro;  de 
Roméo  H  Juliette,  le  chant  des  violoncelles  et  des  cors  dans  l'adagio  , 
le  thème  en  fa,  de  la  Fêle  chez  Capulel;  du  Requiem,  la  phrase  que  je 
viens  de  citer,  on  y  retrouverait  toute  la  révélation  du  talent  de  Berlioz  ; 
de  même  qu'un  fragment  mutilé  de  la  statue  de  Moïse  suffirait  pour 
révéler  la  main  de  son  immortel  auteur. 

Les  points  principaux  de  ce  grand  morceau  sont  la  mélodie  rhyth- 
mique du  début,  la  mélodie  en  ut  majeur,  sa  répercussion  en  la  et  la 
foudroyante  péroraison  où  toutes  les  forces  de  l'orchestre  et  des  voix  se 
trouvent  réunies.  Ils  sont  liés  entre  eux  par  des  phrases  épisodiques  em- 
pruntées à  des  fragments  des  différents  sujets  ;  c'est  pourquoi  il  règne 
dans  tout  ce  morceau  une  unité  de  rhythmes  que  ni  la  multiplicité  des 
détails  ni  même  les  changements  de  mesure  ne  peuvent  rompre.  Pour- 
quoi alors  ce  morceau  ne  produit-il  pas  toujours  un  effet  analogue  à 
celui  du  Tuba  mirum  ?  Je  vais  tenter  de  l'expliquer. 

Que  l'on  suppose  un  musicien  doué  d'une  oreille  si  délicate  qu'elle 
conserve  le  souvenir  fidèle  des  relations  les  plus  compliquées  des  tons 
entre  eux,  des  combinaisons  les  plus  difficiles  de  l'harmonie;  que, 
sans  le  secours  des  instruments,  à  l'aide  seule  de  la  vue  ,  elle  trans- 
mette au  cerveau  tous  les  effets  que  le  compositeur  a  voulu  pro- 
duire ;  qu'en  même  temps  l'œil  de  ce  musicien  possède  le  don  de  par- 
courir la  page  de  partition  la  plus  compliquée  sans  hésiter  jamais,  sans 
laisser  dans  l'oubli  une  note,  un  rhythme,  un  dessin,  un  accent;  un 
artiste  aussi  exceptionnel  éprouvera  mille  fois  plus  de  plaisir  à  écouter 
des  yeux  une  partition  dans  la  méditation  et  la  solitude  qu'à  l'entendre 
exécuter  au  milieu  de  l'agitation  d'une  salle  de  concert.  Pour  lui,  l'âme 
de  la  composition  se  dégagerait  du  corps,  c'est-à-dire  des  moyens  à 
l'aide  desquels  elle  est  manifestée  au  public;  c'est  alors  qu'il  pourrait 
saisir  les  détails  les  plus  subtils  de  la  pensée  sans  être  dans  l'obligation 
d'avoir  recours  à  l'exécution  matérielle,  ce  milieu  trouble  et  impur  où 
trop  souvent  l'idée  du  compositeur  perd  sa  transparence.  L'artiste  ainsi 
doué  jouiraitd'une  belle  partition,  commeunlittérateurjouit  d'une  noble 
tragédie  plus  encore  en  la  relisant  religieusement  qu'en  l'entendant  au 
théâtre  pompeusement  déclamée.  Un  certain  nombre,  limité  cependant, 
de  musiciens  peuvent  apprécier  avec  l'aide  seule  de  l'audition  inté- 
rieure la  généralité  des  compositions.  A  cet  égard,  certaines  sympho- 
nies de  Mozart,  d'Haydn,  ne  leur  présenteront  pas  de  difficultés.  S'il 
s'agit  de  compositions  plus  compliquées,  d'harmonies  et  de  rhythmes 
moins  habituels,  tels  qu'en  présente ,  par  exemple ,  la  Symphonie 
avec  chœur  de  Beethoven  et,  les  œuvres  de  Berlioz,  l'audition  intérieure 
devient  véritablement  insuffisante  pour  nos  facultés  bornées,  et  l'exécu- 
tion est  indispensable  pour  éclairer  certaines  parties  de  la  partition. 
C'est  de  cette  double  épreuve  seulement  que  peut  résulter  pour  la 
critique  une  étude  sérieuse,  approfondie,  impartiale. 

En  définitive,  la  lecture  jugera  en  dernier  ressort,  en  cour  d'appel,  si 
je  puis  dire.  Avec  ses  inconvénients,  elle  est  encore  moins  sujette  à 
l'erreur  que  l'exécution.  La  lecture  calme  et  sérieuse  n'enthousiasme 
pas  le  critique,  mais  répond  à  toutes  ses  investigations.  L'exécution, 
c'est  la  fée  décevante  qui  déroule  devant  vous  un  tableau  fuyant  tou- 
jours sans  qu'on  puisse  un  instant  le  retenir,  qui  souvent  prête  un 
éclat  trompeur  aux  œuvres  sans  mérite  et  qui  souvent  aussi  refuse  son 
concours  fidèle  à  l'œuvre  du  génie. 

Le  public,  il  n'est  pas  besoin  de  le  dire,  ne  peut  recourir  à  la  partition, 
mais  au  moins  faudrait-il  que  les  exécutions  d'une  œuvre  fussent  assez 
fréquentes  et  assez  parfaites  pour  lui  tenir  lieu  en  quelque  sorte  d'une 
épreuve  décisive  que  l'insuffisance  de  connaissances  ne  lui  permet  pas 
de  tenter.  Or,  les  exécutions  des  œuvres  de  Berlioz  sont-elles  assez 
nombreuses,  et,  quel  que  soit  le  zèle  des  exécutants,  suffisamment  pré- 
cises pour  ne  laisser  aucun  doute  à  ceux  qui  ne  peuvent  exercer  aucun 
autre  contrôle  sur  leurs  propres  impressions  ?  La  pensée  du  Tuba  mi- 
rum est  si  claire  qu'elle  frappe  du  premier  coup  ;  mais  le  Lacrymosa, 
par  la  complexité  des  idées,  par  la  nature  des  motifs  où  domine  le  va- 


DE  PARIS. 


389 


gue  religieux,  par  les  difficultés  mêmes  d'exécution  qu'il  renferme,  par 
l'absence  de  ces  formules  :  cadences  parfaites,  crescendo,  repos  sur  la 
dominante,  oreillers  commodes  sur  lesquels  se  repose  la  paresse  de 
l'auditeur,  qui  n'en  pressent  que  mieux  l'instant  précis  où  quelque  mé- 
lodie nouvelle,  sinon  neuve,  doitéclore;  par  ces  raisons  réunies,  le 
Lacrymosa  demande  des  auditeurs  patients,  yélés,  consciencieux,  et  qui 
ne  prennent  pas  l'inaptitude  de  l'oreille  et  de  l'esprit  pour  l'erreur  du 
compositeur.  Bientôt  ils  trouveraient  leur  récompense ,  car  chaque 
exécution  nouvelle  de  l'œuvre  effacerait  chez  eux  quelque  doute  et 
ferait  surgir  quelque  beauté  à  leur  intelligence  charmée. 

Léon  KREUTZER. 


REVUE   CRITIQUE. 

Mlle  Juliette  DMllon  —  BUSH.  Berrettonl  Cliarle»  Polnot,  Emile 
BttUng,  Xalexi,  Uarmoutcl,  Rosellen,  Uarcuilhoii,  Viénof, 
ILéopolil  de  Urjcr  et  Georges  .Uatliias. 

Je  pourrais  bien,  comme  de  certains  feuilletonistes,  me  plaindre  des 
exigences  de  mes  hautes  fonctions  de  critique  qui  m'obligent  à  m'oc- 
cuper  d'ouvrages  qui  ne  sont  pas  précisément  tous  marqués  au  coin 
du  génie,  ou  qui  ne  portent  pas  le  cachet  d'un  profond  savoir  ;  mais  il 
est  moins  du  devoir  de  ces  mêmes  critiques  de  se  mettre  en  scène,  de 
se  draper  dans  leur  individualité  scientifique  ou  prétentieuse,  que  de 
signaler  à  toutes  les  intelligences  les  ouvrages  qui  peuvent  leur  con- 
venir, fût-ce  même  ceux  d'une  forme  naïve,  enfantine  ;  et,  dans  cette  ca- 
tégorie, nous  signalerons,  tout  d'abord,  les  Scènes  de  la  vie  de  pension, 
série  de  morceaux  il' ensemble,  chœurs,  trios  et  duos,  etc.,  expressément 
composés  pour  les  maisons  d'éducation.  La  première  livraison  de  ce 
recueil  est  en  forme  de  quadrille  chanté,  à  deux  voix,  premier  et 
second  dessus,  avec  accompagnement  de  piano.  Cela  se  compose  de 
cinq  morceaux  comme  tout  quadrille  de  contredanse,  Pantalon,  Été, 
Poule,  etc.  Chacun  de  ces  petits  morceaux  est  mélodique  avant  tout  ; 
ils  peignent  on  ne  peut  mieux  la  locomotion,  les  devoirs  et  les  plaisirs 
de  la  vie  de  pensionnat.  C'est  le  réveil,  le  dîner  au  doux  bruit  des 
fourchettes,  les  rondes  joyeuses  sur  la  Monaco,  contredanse  favorite 
de  Napoléon,  la  chanson  Sur  le  pont  d'Avignon,,  où  tout  le  monde  passe 
en  rond  ;  et,  enfin,  les  plaisirs  du  dortoir,  sans  oublier  les  rêves  dorés 
qu'on  y  fait,  dont  on  s'y  berce  ;  tout  cela  assaisonné  de  maximes  mo- 
rales, trop  sentencieusement  philosophiques  pour  de  jeunes  filles  rieuses 
qui  cultivent  peu  ce  style  entre  elles. 

La  seconde  livraison  contient  la  Distribution  des  prix,  hymne 
triomphal  avec  chœurs,  sorte  de  Marseillaise  scolaire  qui  dit  : 

Dans  ce  séjour,  jeunes  élèves, 
Le  jour  des  prix  est  arrivé  ! 

Nous  décernons  volontiers  celui  de  la  mélodie  franche  et  facile,  et 
celui  d'une  harmonie  enfantine  et  très-suffisante  à  ce  petit  ouvrage  de 
bon  enseignement  musical  dont  Mlle  Julliette  Dillon,  organiste  et  im- 
provisatrice, est  l'auteur. 

—  M.  Berrettoni  a  écrit  une  suite  de  mélodies  sous  le  titre  de  la 
Settimana  musicale,  c'est-à-dire  qu'il  amis  ses  chants,  chants  ausom'ens 
et  faciles,  sous  le  patronage  de  chacun  des  jours  de  la  semaine  :  la 
Lune  sous  l'invocation  du  lundi  ;  les  Leçons  du  grand-papa  sont  don- 
nées le  mardi  ;  les  Plaintes  de  Nello  sont  poussées  le  mercredi  ;  le 
ISautonnicr  se  livre  aux  flots  le  jeudi,  etc.  M.  Edouard  Plouvier  est  l'au- 
teur des  spirituels  conseils  du  grand-papa,  et  M.  Emilien  Paccini  a  fort 
bien  traduit  les  paroles  italiennes  du  compositeur,  qui  s'est  montré, 
dans  ces  bagatelles  musicales,  mélodiste  facile  et  naturel. 

—  M.  Charles  Poisot  jette  parfois  dans  la  circulation  musicale 
des  morceaux  de  salon  pour  le  chant  qui  se  distinguentpar  de  fran- 
ches mélodies  et  une  harmonie  peut-être  un  peu  recherchée,  mais 
toujours  correcte.  Il  a  composé  une  scène  dramatique  pour  voix  de 
basse,  intitulée  le  Pèlerin,  qui  est  d'un  beau  caractère,  ainsi  que  la 
lithographie  dont  elle  est  ornée;  puis  viennent  le  Rideau,  le  Gondolier 
vénitien,  et  la  Marguerite,  marguerite  effeuillée  bien  curieusement  par 


une  jeune  fille,  sujet  traité  bien  souvent,  et  contre  lequel  il  n'est  pas 
facile  de  lutter  si  l'on  vient  à  penser  à  la  jolie  romance  de  Rose-de-Ma* 
dans  le  Val  d'Andorte. 

— Si  de  la  romance  et  de  la  chansonnette  nous  passons,  en  descendant 
quelque  peu,  à  la  valse,  nous  trouvons  en  première  ligne  M.  Ettling, 
l'un  des  infatigables  producteurs  de  cette  tournoyante  et  agréable  mu- 
sique. Son  Aurélia  est  une  charmante  demoiselle,  à  en  juger  par  son 
portrait  qui  sert  de  frontispice  à  cette  petite  œuvre  musicale.  Aurélia, 
par  sa  tournure  mélodique,  ressemble  à  Ophéliu,  Emilia,  et  toutes  ces 
dames  aux  camélias  qui  charment  l'ouïe  et  les  jambes  des  amateurs  de 
polkas,  de  redowas,  de  schottischs,  et  doit  mettre  en  mouvement  bien 
des  jolis  doigts  sur  les  claviers  des  pianos  chorégraphiques,  c'est-à- 
dire  ceux  qui  servent  à  faire  danser. 

—  Et  voilà  que,  déguisant,  par  le  nom  du  moins,  le  farouche  et  som- 
bre Lara  de  lord  Byron  en  belle  et  jeune  Italienne,  M.  Talexi  adresse 
au  beau  sexe  en  général,  et  à  Mlle  Marie  de  Vaulgrenant  en  particu- 
lier, car  elle  lui  est  dédiée,  une  Polka-Mazurka  qui  en  vaut  bien  une 
autre,  et  même  deux  autres  sous  le  triple  rapport  du  rhythme,  de  la 
grâce  et  de  l'entrain. 

—  M.  Marmontel,  le  professeur  soigneux  ,  patient  et  rationnel,  qui 
crée  de  si  bons  pianistes  au  Conservatoire,  a  cru  devoir  se  récréer  lui- 
même  en  écrivant  aussi  une  Mazurka  de  salon  qui,  fût-elle  jouée  ou 
dansée  à  la  cuisine  ou  au  grenier,  paraîtrait  toujours  jolie  et  brillante, 
et  d'une  élégance  de  style  dont  l'auteur  a  donné  des  preuves  plus  sé- 
rieuses dans  un  excellent  recueil  d'études  pour  le  piano. 

—  Dans  le  même  ordre  d'idées  mélodiques  et  faciles,  M.  Rosellen  a 
été  se  promener  sur  l'Océan,  ce  qui  lui  a  fourni  l'occasion  d'écrire  un 
morceau,  une  barcarolle,  qu'il  a  intitulée  tout  naturellement:  Promenade 
en  mer.  M.  Rosellen  est  un  pianiste  éminemment  mélodique  et  excellent 
arrangeur  de  la  musique  des  autres  ;  mais  dans  sa  Promenade  en  mer, 
il  ne  s'est  inspiré  que  des  vastes  balancements  des  flots.  La  mélodie  et 
les  traits  glissent  bien  en  vagues  incessamment  mugissantes  ;  car,  ainsi 
que  le  dit  une  romance  maritime  :  La  nurse  plaint  toi  jours;  mais 
M.  Rosellen  préfère  la  grâce  de  son  art  à  sa  haute  et  plaintive  poésie  : 
aussi  sa  barcarolle  est-elle  un  charmant  morceau  qui  conviendra  par- 
faitement aux  moyennes  intelligences  musicales  de  la  plupart  des  exé- 
cutants et  des  auditeurs. 

—  M.  Marcailhou  est  encore  un  de  ces  inépuisables  compositeurs  de 
valses  et  de  mélodies,  sinon  très-originales,  du  moins  gracieuses  et 
faciles.  L'Espérance  et  Raphaela  sont  dans  ce  rhythme  ternaire  que  la 
main  droite  varie  un  peu,  mais  qui  est  d'une  cruelle  invariabilité  à  la 
main  gauche,  avec  ses  trois  noires  depuis  le  commencement  jusqu'à  la 
fin,  ce  qui  devient  fort  monotone  quand  on  se  livre  exclusivement  à  la 
valse.  Quoi  qu'il  en  soit,  M.  Marcailhou  la  fait  fraîche,  vive  et  gracieuse" 
de  la  main  droite;  il  y  a  compensation. 

—  M.  Viénot  fait  aussi  la  valse  et  la  mazurka,  et  la  polka,  et  le  qua- 
drille à  mort.  Radieuse,  sa  25e  valse  de  concert,  et  Riga,  son  22e  ca- 
pricc-mazurk'i,  témoignent  de  la  gloire  artistique  de  ce  jeune  officier, 
qui  manie  aussi  bien  le  clavier  du  piano,  quand  il  exécute  sa  légère 
musique,  qu'il  manœuvre  dextrement  son  cheval  quand  il  participe  à 
quelque  brillante  charge  de  cavalerie  légère. 

—  Et  maintenant,  nous  signalerons  parmi  les  pianistes- compositeurs, 
producteurs  et  légers  de  toucher,  de  grâce  et  de  brio,  le  brillant 
Léopold  de  Meyer,  qui  vient  de  jeter  aussi  dans  la  circulation  musicale 
un  Nocturne  élégant,  un  Quadrille  et  un  Galop  de  concert,  et  bien 
d'autres  choses  encore,  telles  quedes  Airs  styriens  variés  pour  le  piano, 
et  l'Adieu,  morceaux  d'une  charmante  allure  comme  le  Départ  de 
Schubert.  C'est  le  ménestrel,  le  militaire,  l'artiste  insoucieux,  qui  disent 
adieu  à  tout  ce  qu'ils  aiment,  mais  avec  l'espoir  de  revenir  bientôt, 
car  le  pianiste-compositeur  a  chanté  délicieusement  dans  deux  autres 
nocturnes  déjà  publiés,  l'Absence  et  le  Retour.  L'Iris,  les  Fleurs  d'Ita- 
lie, l'Espérance,  sont  des  étincelles  musicales  qui  se  refusent  à  l'ana- 
lyse. C'est  un  recueil  de  madrigaux,  de  bouquets  à  Chloris,  d'épigram- 
mes  légères  qui  réveillent,  charment  l'esprit  et  l'ouïe.  C'est  léger,  ca- 


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REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


pricieux  ;  cela  fait  diversion  à  la  Grande  fantaisie  sur  le  Prophète,  par 
lemême  auteur,  drame  instrumental  qui  résume,  ainsi  que  nous  l'avons 
déjà  dit  en  cette  feuille,  le  chef-d'œuvre  de  Meyerbeer. 

—Georges  Mathias,  qui  est  un  de  nos  forts  pianistes  comme  exécutant 
elcompositeur,  et  qui  ne  jette  guère  sur  le  papier  que  des  idées  musicales 
qui  lui  sont  propres,  des  tableaux  qu'il  voit  dans  la  nature  ouïes  impres- 
sions de  cœur  qu'il  éprouve,  nous  a  retracé  dans  un  contraste  piquant, 
une  suave  image  de  la  campagne,  des  plaisirs  champêtres,  une  Pasto- 
rale, enfin,  suivie  d'un  de  ces  airs  de  danse,  dernière  expression  de 
notre  extrême  civilisation,  dont  nous  voyons  les  résultats  voluptueux 
et  maniérés  à  l'Opéra.  D'un  côté,  c'est  le  calme  imposant  des  champs, 
les  mille  bruits  de  la  nature,  les  vapeurs  d'une  belle  soirée  d'été  dans 
un  andantino  en  sol  bémol  majeur,  sur  une  mesure  à  six-huit  qui 
vous  berce  du  balancement  et  du  bruissement  des  arbres,  du  gazouil- 
lement des  oiseaux  qui  se  couchent  sous  le  feuillage  ;  d'autre  part,  et 
en  contraste  de  cette  douce  églogue,  on  entend,  on  voit  dans  l'air  de 
danse  qui  suit  ce  tableau  champêtre,  l'archet  élégant  du  violoniste  solo 
de  notre  Académie  impériale  de  danse,  Varco  con  elegansa  e  ondeg- 
giando,  et  provoquant  la  prêtresse  de  Terpsychore  à  bondir,  se  tordre, 
sourire  d'une  manière  forcée,  ce  qu'on  appelle  développer  ses  grâces 
à  l'Opéra. 

Ce  caprice  chorégraphique  est  lui-même  plein  de  véritable  grâce 
mélodique,  de  modulations  ingénieuses,  de  traits  brillants  qui  assimi- 
lent le  piano  au  violon,  ce  qui  n'est  pas  en  faire  un  mince  éloge. 
Georges  Mathias  est,  nous  le  répétons,  car  nous  croyons  l'avoir  dit  autre 
part,  le  pianiste-compositeur  du  présent  et  de  l'avenir,  s'il  continue  de 
marcher  dans  la  voie  où  il  est  entré. 

Henri  BLANCHARD. 


CQRRESPOIDANCE. 

Marseille,  30  octobre. 

Les  débuts  sont  terminés  depuis  quelques  jours  seulement  au  Grand- 
Théâtre,  et  les  représentations  du  drame  lyrique ,  arrêtées  pendant  près 
d'un  mois  faute  d'un  premier  ténor  suffisant,  ont  repris  leurs  cours  ré- 
gulier. 

Les  ouvrages  joués  jusqu'ici  sont  les  Huguenote,  la  Juive,  Robert,  Lucie. 
Le  Prophète  paraîtra  bientôt  pour  compléter  cette  brillante  série  de  chefs- 
d'œuvre,  et  dès-lors  tout  marchera  parfaitement  au  gré  du  public  et  du 
directeur. 

Le  ténor  qui  devait  cette  année  tenir  l'emploi  de  Nourrit  et  de  Duprez 
à  notre  Grand-Théâtre,  s'appelle  Fedor,  jeune  artiste  à  la  voix  sympathi- 
que et  chanteur  agréable  dans  les  morceaux  qui  n'exigent  pas  une  grande 
force  d'expression.  Bien  que  son  talent  fût  incomplet,  M.  Fedor  aurait 
fini  par  planter  sa  tente  au  milieu  de  nous ,  s'il  eût  mieux  connu  le 
grand  répertoire  du  drame  lyrique  ;  mais  M.  Fedor  est  Busse  d'origine,  et 
par  conséquent  peu  familier  avec  notre  langue.  Il  n'a  jamais  chanté  qu'en 
italien  sur  les  théâtres  de  Venise  et  de  Londres,  et  vous  pouvez  compren- 
dre alors  les  difficultés  qu'il  avait  à  combattre  dans  des  rôles  qui  étaient 
pour  lui  autant  de  nouveautés. 

Heureusement,  M.  Provini  a  pu  trouver  pour  remplacer  M.  Fedor,  parti 
de  Marseille  avec  les  honneurs  de  la  guerre,  un  autre  ténor,  M.  Chaunier, 
dont  le  public  se  contente  aujourd'hui,  et  qu'il  a  définitivement  adopté 
après  lui  avoir  fait  subir  ses  trois  épreuves.  Dire  que  M.  Chaunier  réunit 
toutes  les  qualités  indispensables  pour  bien  chanter  le  drame  lyrique,  ce 
serait  mentir  à  l'évidence  ;  mais  il  a  l'essentiel  :  la  force,  l'énergie  et 
beaucoup  de  chaleur  dans  les  scènes  passionnées. 

A  côté  de  M.  Chaunier,  Mme  Lafont  captive  le  public  par  une  voix  puis- 
sante bien  timbrée  et  fort  étendue.  Mme  Lafont  n'est  pas  étrangère  à  l'art 
du  chant  ;  elle  phrase  selon  la  méthode,  et  son  instinct  musical  lui  fait 
deviner  parfois  ce  que  l'art  ne  lui  a  point  encore  révélé;  il  y  a  de  plus 
chez  cette  jeune  artiste,  qui  commence  à  peine  le  théâtre,  un  très-beau 
physique  et  un  sentiment  du  drame  que  l'on  rencontre  rarement  à.  ce 
degré  parmi  les  chanteuses  de  province.  A  notre  avis,  Mme  Lafont  est 
destinée  au  plus  brillant  avenir,  et  nous  ne  serions  pas  surpris  de  la  voir 
tôt  ou  tard  occuper  un  rang  distingué  sur  la  scène  de  l'Académie  nationale 
de  musique. 

M.  Belval,  première  basse  taille  du  grand  Opéra,  est  un  de  ces  artistes 
chez  qui  l'intelligence  frappe  d'abord  le  spectateur.  Il  a  du  physique,  de 


la  tenue,  et  donne  à  ses  rôles  l'ampleur  et  la  dignité  qui  conviennent  à 
leur  caractère.  La  voix  de  M.  Belval  est  aussi  fort  étendue;  par  malheur, 
ses  notes  graves  n'ont  pas  toute  la  force  et  l'éclat  désirables;  mais  ceci , 
nous  avons  lieu  de  le  penser,  est  une  lacune  que  l'étude  peut  faire  dispa- 
raître, et  nous  avons  assez  bonne  opinion  de  M.  Belval  pour  croire  qu'il  ne 
négligera  rien  pour  obtenir  ce  résultat 

L'artiste  qui  tient  l'emploi  de  baryton  est  M.  Martin,  déjà  connu  à  Mar 
seille,  et  qui,  cette  année,  est  revenu  de  Bruxelles  pour  reprendre  sa 
place,  dont  plusieurs  artistes  avaient  essayé  de  s'emparer  sans  pouvoir 
réussir.  Ce  que  l'on  peut  reprocher  à  M.  Martin  est  une  fougue  désor- 
donnée qui  entache  parfois  ses  meilleures  intentions.  Il  ne  maîtrise  pas 
assez  sa  voix  et  la  jette  sans  ménagements  dans  des  passages  qui  deman- 
dent à  être  exécutés  avec  une  certaine  réserve.  Si  M.  Martin  parvient  à 
se  corriger  de  ce  défaut,  il  pourra  lutter  avantageusement  contre  ses 
rivaux,  qui  n'ont  certes  pas  comme  lui  une  voix  aussi  belle  et  un  phy- 
sique aussi  imposant. 

Dans  l'opéra  comique,  les  deux  sujets  qui  tiennent  le  haut  bout  sont 
M.  Audran  et  Mme  Charton.  Audran,  vous  le  connaissez  assez  pour  que 
je  me  borne  à  vous  apprendre  ses  succès  dans  Giralda  et  la  Dame  blanche, 
et  tous  les  rôles  joués  par  lui  jusqu'ici.  Quant  à  Mme  Charton,  elle  continue 
à  faire  les  délices  du  théâtre  de  Marseille,  par  le  charme  de  sa  voix,  l'é- 
clat de  sa  vocalisation,  l'esprit  et  la  finesse  de  son  jeu  :  aussi  les  applau- 
dissements, les  rappels  et  les  bouquets  magnifiques  lui  sont-ils  prodigués 
avec  une  juste  libéralité  par  notre  public,  toujours  plus  enthousiaste  des 
éminentes  qualités  de  notre  brillante  cantatrice.  Nous  avons  pour  basse 
comique,  M.  Barielle;  pour  Dugazon,  Mlle  Ilannegresse,  et  pour  Trial, 
M.  Henry. 

Tous  ces  artistes  sont  admis  aujourd'hui.  11  ne  s'agit  plus  que  de  monter 
des  ouvrages  nouveaux,  et  sur  ce  point  la  direction  ne  montre  pas  une 
grande  activité.  En  attendant  on  va  reprendre  Moïse  et  Norma,  ouvrage 
daus  lequel  Mme  Lafont  est,  dit-on,  fort  bien. 

Les  concerts  chôment  un  peu  cette  année.  Le  premier,  qui  sera  donné 
la  semaine  prochaine,  est  celui  de  M.  Etienne  Arnaud,  notre  compatriote 
et  compositeur  de  romances.  M.  Arnaud  fera  connaître  dans  cette  soirée 
toutes  les  romances  inédites  de  son  Album  de  1853,  qui  seront  exécutées 
par  Mmes  Charton  et  Lafont,  Audran  et  Delval. 

Le  Conservatoire  de  Marseille  va  reprendre  prochainement  ses  travaux. 
On  parle  de  divers  changements  apportés  dans  l'organisation  des  études. 
Déjà  l'ancien  directeur,  M.  Barsotti,  a  été  mis  à  la  retraite;  le  nouveau 
directeur  nommé  est  M.  Auguste  Morel. 


A  Monsieur  le  rédacteur  de  la  Gazette  Musicale. 

Bruxelles,  12  novembre  18D2. 
Monsieur, 
Beaucoup  d'artistes  et  d'amateurs  de  musique  me  font  l'honneur  de 
m'écrire  pour  m'exprimer  l'intérêt  que  leur  inspire  le  travail  que  je  publie 
dans  la  R:vw:  et  Gazette  musicale  de  Paris,  concernant  le  développement 
futur  de  la  musique  dans  le  domaine  du  rhythme.  Plusieurs  me  fournis- 
sent des  renseignements  curieux  sur  le  caractère  rhythmique  des  airs 
populaires  de  leur  pays;  tous  me  demandent  de  poursuivre  la  publication 
de  ce  travail  sans  interruption. 

Permettez-moi  d'exprimer  ici  ma  reconnaissance  à  ces  personnes  bien- 
veillantes et  amies  de  l'art ,  puis  de  m'excuser  pour  les  retards  que 
je  suis  forcé  quelquefois  de  mettre  clans  la  rédaction  de  mes  articles,  à 
cause  des  devoirs  de  ma  position.  Par  exemple,  le  septième  article,  qui 
est  de  grande  importance  par  son  objet ,  est  commencé  depuis  plus  de 
quinze  jours,  mais  j'ai  été  obligé  de  l'abandonner  pour  les  préparatifs  de 
la  distribution  des  prix  aux  élèves  du  Conservatoire  de  Bruxelles  et  pour 
l'organisation  des  concerts  de  la  saison  d'hiver.  Quelle  que  soit  donc  ma 
bonne  volonté,  je  ne  pourrai  vous  envoyer  cet  article  pour  Je  numéro  de 
la  Gazette  qui  paraîtra  le  <IZi  de  ce  mois,  mais  j'espère  pouvoir  le  donner 
dans  le  suivant. 

Agréez,  etc. 

FÉTIS, 


NOUVELLES. 

„.%  Demain  lundi,  à  l'Opéra,  le  Juif  errant. 

**„,  Moïse  a  été  donné  trois  fois  de  suite  :  lundi,  mercredi  et  vendredi. 
A  chaque  représentation  la  salle  était  comble,  et  l'exécution  générale  du 
chef-d'œuvre  fait  des  progrès.  Le  magnifique  final  du  troisième  acte, 
rendu  avec  une  puissance  inconnue  jusqu'ici,  excite  plus  quejamais  l'ad- 
miration et  les  transports. 

**,,,  Luisa  Miller,  l'un  des  derniers  ouvrages  de  Verdi,  doit  être  donné  à 
à  ce  théâtre  pour  les  débuts  de  Mme  Bosio,  que  nous  avons  entendue  il  y 
a  trois  ou  quatre  années  au  Théâtre-Italien. 


DE  PARIS. 


391 


»*„  On  répète  déjà  le  Dernier  jour  de  la  Fronde,  l'ouvrage  en  cinq  actes, 
dont  la  musique  est  de  Niedermeycr. 

„*„  Vendredi,  à  l'Opéra-Comique,  le  Caïd  a  éW  repris  pour  les  ct.'-buts 
do  Faure,  qui  remplaçait  iirnnann-Léon  dans  le  rôle  du  tambour  major. 
Le  jeune  artiste  n'a  pas  été  moins  heureux  dans  ce  second  essai  que  dans 
le  premier.  La  musique  du  Caïd  lui  a  fourni  l'occasion  (Je  montrer  toute 
la  souplesse  et  l'agilité  de  sa  voix.  Il  a  parfaitement  chanté  et  joué  avec 
beaucoup  de  gaîté,  d'intelligence,  sans  exagération  aucune.  C'est  un  succès 
des  plus  francs  et  des  plus  légitimes.  Mme  Ugaldc  a  repris  le  rôle  de  Vir- 
ginie avec  tout  l'éclat  de  sa  vocalisation  extraordinaire  et  la  verve  pi- 
quante de  son  jeu.  Boulo  et  Sainte-Foy  se  sont  aussi  distingués  chacun 
dans  son  genre,  et  chacun  a  eu  sa  bonne  part  de  rire  et  de  bravos. 

„*»  L'ouvrage  en  trois  actes,  de  Scribe  et  d'Auber,  dans  lequel  Mlle  Du- 
prez  doit  faire  ses  débuts,  avance  rapidement  Depuis  plus  de  huit  jours 
les  répétitions  se  font  au  théâtre. 

„,*„..  L'ouverture  du  Théâtre-Italien  est  toujours  fixée  à  mardi  prochain, 
16  novembre.  On  avait  craint  de  nouvelles  difficultés  pour  la  conclusion 
du  bail,  et  déjà  il  était  question  de  jouer  à  l'Odéon,  en  alternant  avec  la 
troupe  dramatique.  Mais  heureusement  l'afl'aire  s'est  arrangée,  et  la 
troupe  chantante  ne  changera  pas  de  domicile.  La  saison  commencera 
par  Otello,  dans  lequel  Sophie  Cruvelli  fera  sa  rentrée  avec  Calzolari  et 
Belletti.  Bettini  débutera  dans  le  rôle  d'Otello. 

***  La  cantate  qui  sera  exécutée  le  jour  de  la  représentation  solen- 
nelle, en  présence  du  Prince-Président,  est  de  M.  Méry,  pour  les  paroles, 
traduites  en  italien  par  M.  Baini  ;  la  musique  est  de  M.  Fontana. 

x%  Le  Postillon  de  long  jumeau  et  Chollet,  son  joyeux  interprète,  ont 
retrouvé  au  Théâtre-Lyrique  toute  leur  vogue  populaire.  C'est  là  un  vé- 
ritable opéra  comique,  dont  les  auteurs  ont  eu  le  talent  de  concilier  les 
qualités  de  l'ancien  genre  avec  les  conditions  de  l'art  moderne.  Il  n'est 
guère  possible  d'imaginer  un  sujet  plus  heureux,  plus  heureusement 
traité.  Avec  Chollet,  Mlle  Guichard  et  Grignon  père,  le  succès  est  donc 
aussi  brillant  que  possible,  et  tout  annonce  qu'il  ne  s'arrêtera  pas  de 
si  tôt. 

„*»  On  a  encore  repris,  au  même  théâtre,  les  Deux  voleurs,  de  MM.  de 
Leuven  et  Brunswick,  musique  de  M.  Girard.  Ce  petit  acte  fort  amusant 
ne  pouvait  manquer  de  réussir  au  boulevart  du  Temple  comme  à  la  salle 
Favart.  Colson,  qui  débutait  dans  le  rôle  créé  parMocker,  a  été  fort  bien 
reçu,  ainsi  que  Mlle  Renaud,  qu'on  a  déjà  vue  au  théâtre  du  Vaudeville. 

„*„  Mlle  Méquillet  est  en  ce  moment  à  Paris. 

„%  La  messe  solennelle  de  Sainte-Cécile,  composée  expressément  pour 
l'association  des  artistes  musiciens  par  M.  Ambroise  Thomas,  sera  exécu- 
tée le  lundi,  22  de  ce  mois,  à  onze  heures  du  matin,  dans  l'église  Saint- 
Eustachc  par  600  artistes,  sous  la  direction  de  M.  Tilmant  aîné.  Les  per- 
sonnes qui  ne  pourraient  assister  à  la  messe  et  qui  désireraient  en- 
voyer leur  offrande,  sont  priées  de  la  faire  parvenir  à  Mmes  la  duchesse 
de  Narbonne,  rue  de  Varennes,  n°  65  ;  la  marquise  du  Plessis-Bellière, 
place  delà  Concorde,  n°  6;  la  comtesse  de  Gosier,  rue  Pelletier,  n°  5  ;  la 
baronne  de  Talleyrand;  de  Menuechet  de  Barival,  rue  Grange-Batelière, 
n°  12;  Adolphe  Adam,  rue  de  Buffault,  n°  24  ;  dames  patronesses. 

„*„  Plusieurs  notabilités  musicales  se  sont  empressées  de  donner  à 
M.  Farrenc,  directeur  de  la  Société  symphonique,  des  preuves  de  leur  sym- 
pathie. La  jeune  'et  déjà  célèbre  pianiste  Mlle  Clauss,  qui  doit  partir  pour 
la  Russie  dans  le  courant  de  décembre,  exécutera,  au  premier  concert,  le 
concerto  en  mi  bémol  de  Beethoven.  M.  Ferdinand  Miller,  maître  de  cha- 
pelle et  directeur  du  Conservatoire  de  Cologne,  se  fera  entendre  à  la  se- 
conde séance,  dans  le  concerto  en  ut  mineur  du  même  maître.  Parmi  les 
ouvrages  qui  figureront  sur  les  autres  programmes,  nous  citerons  une 
nouvelle  symphonie  de  M.  Hiller,  exécutée  avec  succès  à  Londres,  pendant 
la  dernière  saison,  par  la  Société  philharmonique;  une  symphonie  de 
M.  Léopold  Aimon  ;  deux  symphonies  de  Mme  Farrenc,  et  plusieurs  ou- 
vertures d'auteurs  illustres  qui  n'ont  pas  été  entendues  à  Paris  depuis  un 
grand  nombre  d'années.  Indépendamment  de  ces  nouveautés,  la  Société 
exécutera  quatre  symphonies,  au  moins,  des  grands  maîtres  Haydn,  Mo- 
zart ou  Beethoven. 

jt  Il  y  a  quinze  jours,  les  comités  des  quatre  associations  artistiques, 
présidées  par  M.  le  baron  Taylor,  étaient  convoqués  à  huis  clos  dans  leur 
salle  de  concert,  bazar  Bonne-Nouvelle,  pour  entendre  ,1a  lecture  d'Hip- 
polyte  porte-couronne,  chef-d'œuvre  traduit  d'Euripide,  dont  les  premières 
représentations  prochaines  sont  destinées  au  bénéfice  de  leur  caisse  de 
secours.  L'auteur  lui-même,  M.  Sébastien  Rhéal,  lisait  sa  traduction,  et 
M.  Elwart,  compositeur  de  la  musique,  dirigeait  les  chœurs  chantés  par 
les  élèves  du  Conservatoire.  Des  applaudissements  réitérés  ont  salué  cette 
nouvelle  résurrection  de  l'art  grec,  qui  promet  un  double  intérêt. 

„*„  Rosenhain  est  de  retour  à  Paris. 

t%  Parmi  les  instruments  de  musique  qui  ont  appartenu  à  M.  le  baron  de 
Trémont  et  qui  ont  été  vendus  après  son  décès,  se  trouvait  un  magnifique 
violon  de  Stradivarius  qui  a  été  acheté  par  M.  A.  Herraann.  Cet  habile  ar- 
tiste doit  le  faire  entendre  au  concert  de  la  Société  philharmonique  du 
Havre,  le  22  de  ce  mois,  jour  de  la  Sainte-Cécile. 

*„  Mlle  Joséphine  Martin  est  de  retour  à  Paris  et  va  reprendre  le  cours 
de  ses  travaux. 

„,%  Emile  Albert,  l'élégant  pianiste,  est  arrivé  depuis  peu  d'Italie,  où  i 
vient  de  publier  avec  succès  plusieurs  nouvelles  compositions  qui  ne  tar- 
deront pas  à  paraître  à  Paris. 


„,%  M.  Meumann,  l'habile  pianiste,  passera  l'hiver  à  Lisbonne. 

„,*„  W.  Krugcr  est  de  retour  de  son  voyage  en  Allemagne,  pendant  le- 
quel il  a  obtenu  de  brillants  succès,  à  Berlin  notamment,  où  il  a  donné 
concert  avec  Roger. 

*t  A  propos  de  l'annonce  du  Guide  de  chant,  pratique,  de  M.  Slilhès, 
M.  l'anofka  nous  écrit  pour  protester  contre  l'idée  qu'il  aurait  emprunté 
ce  titre.  En  conséquence,  il  déclare  que  l'ouvrage,  dont  la  prochaine  pu- 
blication à  Paris  a  été  annoncée  dans  l'avant-dernier  numéro  de  ce  jour- 
nal, est  une  nouvelle  édition  de  son  /'radical  singing  lutor  (Guide  de 
chant  pratique)  publié  à  Londres  en  18/|9,  une  année  avant  le  prospectus 
de  M.  Milhès. 

t*t  M.  Stéphen  de  la  Madelaine,  cédant  au  désir  exprimé  par  un  certain 
nombre  d'artistes  et  d'amateurs,  ouvrira  incessamment  un  cours  de  mé- 
canîsme  vocal  dans  lequel  il  développera  les  doctrines  de  ses  théories  com- 
plètes du  chant.  On  s'inscrit  dès  à  présent  chez  lui,  19,  rue  Tronchet.  — 
M.  de  la  Madelaine  a  repris  ses  leçons  particulières. 

CHRONIQUE     ÉTRANGÈRE. 

„.*„  Berlin. — Le  théâtre  de  la  Wilhelmstadt  a  donné  Cenerenlola  pour  les 
débuts  de  la  signora  Viola,  qui  avait  déjà  chanté  précédemment  à  Koenig- 
stadt.  Galvani  (le  prince),  qui  est  doué  d'une  jolie  voix,  et  Zucconi  (Don 
Magnifico)  qui  est  un  excellent  bouffe,  ont  été  applaudis. Cosi  fanlutlr  sont 
à  l'étude.  L'exécution  d'iphigénie,  de  Gluck,  au  Théâtre-Royal,  a  été  des 
plus  brillantes  ;  Mlle  Wagner  et  Mie  Koester  s'y  sont  disputé  la  palme. 

„*„  fiade,  9  novembre.  —  Le  dernier  numéro  de  la  Gazette  musicale, 
parle  avec  grand  éloge  de  la  musique  du  28e  régiment  d'infanterie  autri- 
chienne ,  et  dit  que  c'est  la  meilleure  musique  de  toute  l'armée  :  c'est 
justice  et  vérité.  Il  faut  ajouter  que  c'est  au  chef  d'orchestre,  M.  Koen- 
nemann,  que  sont  dus  ces  progrès  remarquables.  Nous  avons  toujours  ici 
Mlle  Rosa  Kasnter,  la  charmante  pianiste  viennoise;  elle  doit  se  rendre 
à  Paris  vers  le  mois  de  janvier,  et  on  peut  lui  présager  un  grand  et  légi- 
time succès. 

„,*„  Munich.  —  Les  concerts  de  la  chapelle  de  la  cour  ont  commencé 
le  1"  novembre.  Les  nouveautés  qu'on  nous  promet  pour  la  saison  d'hiver 
sont  :  Turandot,  de  Schiller,  avec  la  musique  de  Lachner;  te  Songe  a'une 
nuit  d'été,  par  A.  Thomas;  OEdiperoi,  de  Sophocle,  dont  Lachner  a  mis  en 
musique  les  chœurs  et  les  récitatifs  sur  l'invitation  du  roi,  Maximilien  I", 
etVIphigénie  en  Âulide,  de  Gluck. 

„*,j.  Hanovre.  —  M.  Fischer,  jusqu'ici  directeur  de  musique  à  Mayence, 
a  été  nommé  chef  d'orchestre  au  théâtre  d'Hanovre,  en  remplacement  de 
M.  Helmsberger,  qui  est  tombé  grièvement  malade. 

„%  Vienne.  —  Au  moment  où  M.  de  Lwoff  parut  sur  la  scène  pour  la 
répétition  générale  de  son  nouvel  opéra,  Ondine,  l'orchestre  exécuta 
l'hyme  national  russe.  M.  de  Lwoff,  qui,  comme  on  sait,  en  est  l'auteur, 
remercia  l'orchestre  de  cette  attention.  Online  a  eu  le  plus  grand  succès. 
Après  la  représentation,  une  sérénade  a  été  donnée  au  compositeur,  qui 
est  reparti  pour  Saint-Pétersbourg.  Dans  le  courant  de  la  saison,  on  doit 
représenter  une  nouvelle  partition  de  M.  Flotow  intitulé  Indra. 

**„  Darmstadt.  — La  première  nouveauté  que  nous  entendrons  pendant 
la  saison,  c'est  le  Vingeur,  opéra  de  Schindelmeisser,  qui  est  en  répétition. 

—  M.  Moncouteau,  organiste  de  Saint-Germain-des-Prés,  auteur  de 
plusieurs  ouvrages,  justement  estimés,  sur  l'harmonie  et  la  transposition, 
vient  de  faire  paraître  une  nouvelle  publication  intitulée  :  Recueil  de  leçons 
d'harmonie.  Le  plan  de  cet  ouvrage  permet  de  repasser  facilement,  sans 
fatigue  pour  la  mémoire,  les  marches  et  les  formules  harmoniques  les 
plus  usitées. 

—  Le  nouvel  opéra  de  L.  Clapisson,  les  Mystères  d'UJolphe,  dont  la  mu- 
sique a  été  si  favorablement  accueillie  et  apprécié  par  le  public,  va  pa- 
raître chez  l'éditeur  J.  Meissonnier  fils,  18,  rue  Dauphine.  Les  morceaux 
de  chant  seront  mis  en  vente  le  25  novembre. 

—  M.  Mecum,  luthier  à  Cologne  (Pr.  Rh.),  10,  Ursula-Strasse,  possède 
un  alto  magnifique  de  Jos.  Guarnerius.  Cet  instrument  est,  sans  contredit, 
le  plus  beau  chef-d'œuvre  sorti  des  mains  du  célèbre  maître.  (  Prix  : 
i,000  fr.) 

Le  gérant  :  Ernest  DESCHAMPS. 

POUR   PARAITRE   INCESSAMMENT   CHEZ 

CHABAL,  éditeur,  boulevard  Montmartre,  n"  2, 

ALBUM  DE  PIANO 

PAR 

EN  VENTE  CHEZ  TOUS  LES  ÉDITEURS  DE  MUSIQUE, 

LE   CARNAVAL   DE  VER38SE 

Pour  le  piano  par 


392 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS. 


BBAXDUS  et  C,  «Mliteurs,  son,  rue  Richelieu. 


BilLANGIEE 


ÉTUDE  BRILLANTE  DE  RHYTHME  POUR  LE  PIANO  PAR 

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Op.  140.  —  Prix  :  5  fr. 


LES    WILLIS     par    CHARLES    JO 

KfOÇTtIBWB-BTCBE  pour  le  piano.  —  Op.  '11.  —  Prix  7  fr.  50. 


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Opéra  eomtique  eu  trois  actes,  paroles  de  .TOI.  SSVEMKEEVS'  et  IÎE6ESBBJ,  musique  de 


prise  inouïe.» 


De  l'Institut 

MORCEAUX  DÉTACHÉS  POUR  CHANT  AVEC  ACCOMPAGNEMENT  DE  PIANO  PAR 
MM.  CI50HAÏ6É  et  1T%KIOT. 

9.  Duo  chanté  par  M.  Talon  et  Mme  Colson  :  «  Vous  m'aimez, 

dites-vous?  » 6    » 

40.  Couplets  chantés  par  M.  Laurent  :  «  La  fleur  boit  la  rosée.  »     3     » 

11.  Air   chanté  par  Mlle  Garnier  :  «  Bondissez  et  dansez,  fol 
essaim.  » 4    » 

12.  Air  de  dans" 6     » 

13.  Air  indien  de  l'Oiseau  moqueur,  chanté  par  Mme  Rouvroy  : 
«  Entends-tu  sous  les  bambous.  » 4  50 

14.  Duo  chanté  par  M.  Talon  et  Mme  Rouvroy  :  «  Tant  d'or  à 
vous,  ô  ciel ,  Zélide.  » 9    i> 

15.  Trio  chanté  par  MM.  Talon,  Junca  et  Mme  Colson  :  «  Hélas  ! 
tout  m'abandonne.  » 10    » 

15  bis.  Rjmance  et  dwJtu,  extraits  du  trio,  chantés  par  M.  Talon 

et  Mme  Colson  :  «  Hélas  !  tout  m'abandonne.  » 4  ,£.» 


Couplets  chantés  par  M.  Menjaud  :  u  Zéphoris  est  bon  cama- 
rade. » û    * 

Romance  chantée  par  M.  Talon  :«  J'ignore  son  nom.  » 4    » 

Duo  chanté  par  M.  Laurent  et  Mme  Colson  :  «  Arrêtons-nous 

sous  ces  épais  ombrages. ». 4  50 

Trio  chanté  par  MM.  Laurent,  Junca  et  Mme  Colson:  «O  sur- 


10 


4  bis  Couplets  extraits  du  trio,  chantés  par  M.  Laurent  :  «  Dans 

le  sommeil,  l'amour,  je  gage.  » 3    » 

5.  CvaUne  chantée  par  M.  Talon  :  «  Un  regard  de  ses  yeux 

viendrait  finir  ma  peine  » 3     » 

6.  Chœur  sans  accompagnement  :  «O  barque  légère  et  fidèle.  »     2  50 

7.  Duo  chanté  par  MM.  Laurent  et  Talon  :  «  On  ne  peut  pas 

rêver  et  manger  à  la  fois.  » 9     » 

8.  Grand  air  chanté  par  Mme  Colson  :  «  De  vos  nobles  aïeux  et 

de  votre  couronne.  » 6    » 


BBEBJX    QUADRILLES  PAR  SIVSABS». 

Polka  et  Redowa  par  «F.  PasdeBœajjB.  —  Schottisch  par  *S.  Itauiele.  —  Polka-Mazurka  et  Fantaisie  brillanle  par  A.  Taïexi. 

—  Deux   petites  Fantaisies  élégantes  par  J.-B.    Kuvernoy.   —  Caprice  caractéristique  par  H.    91  ulder.    — 

Rêverie  nocturne  par  JT.  CarSâ.  —  Un  Quadrille  facile  et  un  Duo  pour  piano  et  violon  par  ST.  JLouis.  — 

Valse   expressive  par  Marçaillsbii. 


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Par/»es  d'orchestre 400 

Chaque  partie  séparée 30 


Ouverture  à  grand  orchestre 18 

Petite  partition,  in-8,  piano  et  chant,  net 15 


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Explication  «les  accords  on  A»r«?gé  des  premiers  prin- 
cipes «le  l'barmonie.  —  Prix  net  :  1  fr.  25  c.  ;  par  P  -F.  MONCOU- 
TEAU,  organiste  de  Saint-Germain-des-Prés. 

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Traité  «l'Harmonie  contenant  les  règles  et  les  exercices  nécessaires 
pour  apprendre  à  bien  accompagner  un  chant.  —  Prix  marqué  :  20  fr. 

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veau, qui  permet  d'acquérir  pluspromptement  l'habitude  d'employer  les 
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servatoires de  Paris  et  de  Bruxelles,  et  publié  par  M.  Lemmens,  profes- 
seur d'orgue  au  Conservatoire  de  Bruxelles.  Les  deux  premières  années 
contiennent  222  pages  de  musique,  grand  format,  avec  les  explications 
sur  le  doigté  spécial  de  l'orgue,  sur  l'accompagnement  du  plain-chant  et 
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REVUE 


21  Novembre  1852. 

Prix  de  l'.lhonneruent  t 

Paris,  un  un ,  .  .  .      24  I 

Départements,  nelgîquc  et  Suisse 30 

tëtranffcr ;n 


Le  Journ.i   paraît  le  Dimanche. 


ETTE  MUSICALE 


mm    Fi^BIS 


■-MftAivessa/wvwN. 


SOMMAIRE Théâtre  de  l'Opéra-Comique,  représentation  solennelle.  —  Théâtre- 
Italien,  réouverture.  —  Le  Requiem  de  Berlioz  (4e  et  dernier  article*,  par  Léon 
Kreuzter.  —  Revue  crilique,  musique  de  violon,  de  violoncelle,  de  piano  et  de 
chant,  par  Ilenri  Ulanchart'.  —  Nouvelles  et  annonces. 


THÉÂTRE  DE  L'OPÉRA-COMIQUE. 

REPRÉSENTATION  SOLENNELLE. 

La  représentation  avait  été  retardée  de  huit  jours,  mais  le  pro- 
gramme n'avait  subi  aucun  changement.  C'était  toujours  le  Domino 
noir,  l'un  des  chefs-d'œuvre  de  Scribe  et  Auber,  avec  un  pas  inter- 
calé au  second  acte,  et  la  cantate  de  Méry  et  d'Adolphe  Adam,  placée 
entre  le  second  et  le  troisième. 

Rien  de  plus  brillant,  de  plus  élégant  que  la  décoration  extérieure 
et  intérieure  du  théâtre.  Un  péristyle  magnifique  avait  été  improvisé 
dans  la  rue  de  Marivaux  pour  recevoir  le  prince.  L'illumination,  com- 
posée d'aigles  et  du  chiffre  de  S.  A.  I. ,  éblouissait  les  yeux.  Des  cor- 
dons lumineux  entouraient  l'édifice,  dont  les  environs  étaient  sablés. 
Dans  la  salle,  le  velours  et  l'or  se  mêlaient  avec  profusion  aux  fleurs 
et  aux  arbustes.  Des  festons  de  roses  artificielles  formaient  sur  la  de- 
vanture des  loges  une  quadruple  guirlande.  La  richesse  et  la  fraîcheur 
des  toilettes  étaient  rehaussées,  et  non  écrasées,  par  tout  cet  éclat. 

Vers  sept  heures  et  demie,  le  Prince-Président  est  arrivé  au  bruit  des 
acclamations  qui  retentissaient  sur  son  passage.  Le  directeur,  M.  Emile 
Perrin,  l'a  reçu  et  conduit  à  sa  loge.  A  l'aspect  de  S.  A.  I.,  toute  la 
salle  s'est  levée  et  de  nouvelles  acclamations  se  sont  fait  entendre.  Le 
spectacle  a  commencé  immédiatement. 

Le  Domino  noir  était  joué  par  Couderc,  Ponchard,  Duvernoy,  Na- 
than; Mmes  Ugalde,  Blanchard,  Félix,  Decroix  et  Révilly.  Couderc, 
dans  le  rôle  qu'il  avait  créé,  Mme  Ugalde,  dans  celui  qui  servit  à  son 
premier  début,  ont  surtout  charmé  l'auditoire. 

Mlles  Priora,  Mathilde  et  Louise  Marquet ,  empruntées  au  grand 
Opéra,  ont  été  fort  applaudies  dans  le  pas  du  second  acte. 

Ensuite  est  venue  la  cantate,  intitulée  :  Fête  des  arts,  Chants  de 
l'avenir.  Dans  cette  cantate ,  ou  plutôt  dans  cette  scène ,  figurent 
quatre  personnages  :  la  Musique,  représentée  par  Mme  Ugalde;  la  Poé- 
sie, par  Mlle  Lefèbvre  ;  la  Sculpture,  par  Mlle  Wertheimber,  et  un 
Africain  sous  les  traits  de  Battaille.  La  Sculpture  parle  la  première 
et  dit  : 

La  France  est  satisfaite  et  le  monde  est  tranquille, 
Car  le  monde  a  toujours  sur  nous  les  yeux  ouverts. 
Et  quand  la  Paix  descend  sur  cette  immense  ville, 
Le  calme  de  Paris  descend  sur  l'univers. 


La  Musique  et  la  Poésie  se  joignent  à  la  Sculpture  pour  annoncer 
l'achèvement  du  Louvre.  L'Africain,  prend  aussi  la  parole  : 

Entre  les  cités  la  première, 
Paris,  aux  rayons  éclatants, 
Nous  venons  chercher  ta  lumière, 
Eteinte  chez  nous  par  le  temps. 
Sur  nos  monts,  comme  l'aigle  antique, 
Ton  aigle  trouve  un  libre  accès  ; 
La  vapeur,  sur  la  mer  d'Afrique, 
Est  un  pont  sur  le  lac  français. 

L'œuvre  du  poëte  et  du  musicien,  traitée  avec  un  égal  talent,  a  été 
constamment  saluée  d'applaudissements  unanimes.  Le  passage  suivant, 
dit  par  la  Musique,  a  encore  redoublé  l'enthousiasme  : 

Oui,  les  arts  fleuriront.  Cette  illustre  journée 
Réunit  tous  les  arts  en  lumineux  faisceau  ; 
Hortense,  mère  auguste,  artiste  couronnée, 
Du  prince  impérial  a  béni  le  berceau. 

Et  puis  le  musicien  avait  eu  l'heureuse  idée  d'arranger  le  couplet 
suivant  sur  l'air  :  Parlant  pour  la  Syrie,  l'une  des  plus  charmantes 
inspirations  de  la  reine  Hortense  : 

De  sa  mère  chérie 

Il  se  souvient  toujours. 

0  Fnnce,  ô  toi,  patrie 

Des  beaux-arts,  des  amours  ! 

Mémoire  que  révère 

Son  cœur  reconnaissant; 

La  lyre  d'uDe  mère 

Le  berçait  en  naissant. 

Après  ce  couplet,  reçu  avec  transports,  la  toile  du  fond  s'est  relevée, 
soutenue  par  deux  génies,  et  le  Louvre  réuni  aux  Tuileries  s'est  pré- 
senté aux  regards,  en  même  temps  que  l'on  voyait  descendre  deux 
autres  génies  portant  une  couronne  impériale,  et  que  tous  les  artistes 
qui  remplissaient  le  devant  de  la  scène,  dans  les  costumes  les  plus  va- 
riés, agitaient  des  palmes  vers  la  loge  du  prince  et  entonnaient  le 
chœur  final  : 

riloire  au  travail  !  L'œuvre  est  finie, 
L'œuvre  des  deux  Napoléon. 
Le  Louvre  est  fait;  gloire  au  génie! 
Les  beaux  arts  ont  leur  Panthéon. 

Le  Prince-Président  a  voulu  complimenter  les  auteurs  de  cet  in- 
termède, ainsi  que  le  directeur,  et  il  les  a  fait  venir  dans  sa  loge  pour 
leur  adresser  des  félicitations. 

Le  spectacle  a  fini  vers  onze  heures  et  demie.  La  foule  attendait  le 
prince  autour  du  théâtre  pour  le  saluer  à  son  départ  comme  elle  l'a- 
vait salué  à  son  arrivée. 

P.  S. 


394 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


THÉÂTRE-ITALIEN. 

Réouverture.  —  Olello. 

Oui,  nous  aurons  cet  hiver  un  Théâtre-italien,  et  nous  l'aurons  dans 
la  salle  Ventadour,  deux  questions  aujourd'hui  résolues,  mais  qui  long- 
temps ont  paru  plus  que  douteuses.  Réjouissons-nous  donc,  puisqu'il 
s'est  encore  rencontré  un  homme  courageux  qui  n'a  pas  désespéré  de 
l'Italie  et  de  sa  fortune  musicale.  M.  Corti  ne  s'est  pas  effrayé  du  triste 
sort  de  ses  devanciers  :  il  a  cru  à  son  étoile,  à  ses  efforts,  à  des  temps 
plus  propices,  et  il  a  bravement  tenté  l'aventure.  11  a  improvisé  une 
troupe,  un  répertoire,  des  décors,  des  costumes;  il  a  fait  tout  ce  qui 
dépendait  de  lui.  C'est  au  public  à  faire  le  reste  et  à  dire  le  mot  décisif, 
le  mot  suprême,  contre  lequel  il  n'y  a  pas  de  recours  ici-bas. 

En  atlendant  que  le  public  se  prononce,  nous  n'hésiterons  pas  à  dé- 
clarer que  la  représentation  de  rentrée  a  été  fort  belle  à  beaucoup 
d'égards.  Nous  avons  vu  des  gens  qui  la  trouvaient  froide.  Ils  avaient 
donc  oublié  les  constantes  habitudes  du  Théâtre-Italien  de  Paris  !  Nous 
avons  assisté,  même  avant  1848,  à  des  réouvertures  qui  n'étaient  pas 
plus  chaleureuses,  et  dans  lesquelles  Mmes  Grisi,  Persiani,  Mario,  Tam- 
burini,  obtenaient  à  peine  quelques  bravos  fashionables,  où  il  n'y  avait 
pas  un  morceau  bissé,  où  les  rappels  brillaient  par  leur  absence.  Au 
contraire,  mardi  dernier,  on  a  bissé,  on  a  rappelé,  on  a  applaudi,  moins 
sans  doute  que  s'il  y  avait  au  parterre  un  bataillon  chargé  de  cette  be- 
sogne, pour  laquelle  les  mains  non  soldées  et  bien  gantées  éprouvent 
une  certaine  répugnance  ;  mais  enfin  les  artistes  ont  été  traités  avec  po- 
litesse, jugés  avec  justice,  et  quand  la  terreur  ne  les  glacera  plus  eux- 
mêmes,  ils  verront  que  le  public  aies  qualités  d'un  réflecteur,  qui  ren- 
voie toujours  avec  usure  la  flamme  qu'on  lui  a  communiquée. 

C'était  une  bonne  idée  que  de  rouvrir  sous  les  auspices  de  l'homme 
de  génie  qui,  par  ses  chefs-d'œuvre,  ressuscita,  il  y  a  plus  de  trente 
ans,  le  Théâtre- Italien.  Olello,  composé  en  1816,  fut  donné  à  Paris  en 
1821,  et  Dieu,  sait  avec  quel  enthousiasme  fut  accueilli  cet  admirable 
ouvrage  !  On  s' amuse  souvent  à  récapituler  les  chutes  de  Rossini,  chutes 
du  premier  jour  suivies  de  succès  immortels,  et  les  bévues  de  ses  cri- 
tiques. Nous  étions  à  la  première  représentation  à'ûtello,  et  nous  pou- 
vons affirmer  que  si  quelqu'un  se  trompa  ce  jour-là,  ce  ne  fut  pas  le 
public.  Mais  il  y  avait  dans  une  baignoire,  à  la  gauche  du  parterre  de 
la  petite  salle  Louvois,  un  compositeur  justement  célèbre  qui  avait  ses 
raisons  pour  ne  pas  trop  aimer  la  musique  de  Rossini.  11  n'avait  rien 
négligé  pour  l'empêcher  d'être  jouée  en  France,  et  quelquefois  il  avait 
réussi  à  la  faire  entendre  le  plus  mal  possible.  Depuis  l'immense  succès 
du  Barbier  (d'abord  estropié  par  ses  soins)  et  celui  du  Turco ,  flanqué 
des  meilleurs  morceaux  de  Cenerentola ,  le  célèbre  compositeur  était  à 
bout  de  voies  :  il  avait  bien  eu  l'adresse  de  ménager  à  son  jeune  rival, 
à  son  cher  compatriote,  le  fiasco  complet  de  Torvaldo  e  Dorliska,  le 
demi-fiasco  de  la  Pietra  di  Paragone.  Il  fallut  pourtant  se  résigner  à 
produire  une  de  ces  partitions  désignées  par  l'acclamation  générale. 
Olello  fut  donné  :  Garcia  chantait  le  rôle  du  More  ;  Mme  Pasta,  celui  de 
Desdemone.  Après  le  premier  acte,  reçu  avec  transport,  on  faisait  cer- 
cle devant  la  baignoire  du  compositeur  célèbre,  et  on  lui  disait  :  «  Savez- 
n  vous  que  c'est  très-beau,  cela?  Savez-vous  que  toute  celte  musique 
»  est  pleine  de  génie? —  Oui,  oui,  le  premier  acte,  répondit  le  maestro 
»  Paer  (son  nom  nous  est  échappé  !  )  ;  mais  vous  allez  voir,  les  deux 
»  autres  actes,  ce  n'est  rien  du  tout  !  »  Le  public  trouva,  lui,  que 
c'était  quelque  chose. 

Quant  aux  critiques,  parmi  lesquels  se  trouvaient  sans  doute  des  igno- 
rants, il  y  avait  dans  le  nombre  aussi  des  juges  parfaitement  éclairés  et 
habiles.  Par  exemple,  nous  relisions  l'autre  jour  les  deux  articles  que 
notre  savant  collaborateur,  M.  Fétis,  consacra,  dans  su  Revue  musicale, 
naissante  alors,  aux  premières  représentations  de  Moïse,  à  l'Opéra- 
Français,  en  1827,  et  nous  ne  croyons  pas  qu'à  aucune  époque  la  cri- 
tique ait  rendu  au  génie  du  compositeur,  un  hommage  plus  large,  plus 
élevé,  mieux  senti,  que  celui  dont  l'expression  est  encore  toute  pal- 
pitante dans  ces  pages,  qui  datent  de  vingt-cinq  ans. 


Mais  revenons  à  Otello  et  au  théâtre  Ventadour.  Rettini,  qui  chan- 
tait le  rôle  principal,  était  pour  nous  une  physionomie  de  connaissance. 
Il  a  toujours  la  même  voix  puissante  et  robuste  ;  on  lui  voudrait  tou- 
jours un  peu  plus  d'émotion,  d'ardeur.  On  voudrait  voir  dans  ses  traits, 
sentir  dans  son  accent  la  furie  africaine,  que  Garcia  possédait  de  nais- 
sance. Rubini  l'avait  seulement  dans  la  voix,  mais  cela  suffisait,  et  nul 
chanteur  ne  disait  mieux  que  lui  dans  le  duo  du  second  acte  :  Il  cor  mi 
si  divide!  Dans  la  cavatine  du  premier  acte,  il  y  avait  aussi  l'exubé- 
rance et  l'audace,  qui  se  traduisaient  par  la  volubilité  extrême,  par  le 
brio  du  style.  Bettini  a  besoin  d'y  mettre  plus  de  précaution  ;  il  se  hâte 
lentement.  La  cavatine  n'est  pas  son  fait  ;  mais  il  a  pris  sa  revanche 
dans  le  duo,  supérieurement  secondé  qu'il  était  par  Bellelti,  chanteur 
de  premier  ordre,  valant  mieux  que  son  rôle  d'Iago  et  par  conséquent 
le  disant  à  merveille.  Même  éloge  à  Calzolari,  qui  chante  le  rôle  de 
Rodrigo  avec  une  voix  délicieuse  de  fraîcheur,  d'agilité,  de  pureté.  Le 
duo  d'Iago  et  de  Rodrigo  méritait  d'être  redemandé,  comme  celui 
d'Iago  et  d'Otello.  N'est-ce  pas  Arnoldi  qui  jouait  le  rôle  d'Elmiro  ?  Il 
est  un  peu  loin  de  Lablache ,  d'autant  plus  loin  que  Lablache  est 
allé  en  Russie.  Si  c'est  pour  y  maigrir,  nous  ne  disons  rien. 

Et  la  prima  donna?  Et  Sophie  Cruvelli?  Nous  l'avons  gardée  pour  la 
bonne  bouche.  Belle,  jeune,  costumée  à  ravir,  dans  la  blancheur  de  sa 
robe  de  gaze  et  de  sa  parure  d'argent,  voilà  comme  elle  nous  est 
a  pparue,  et  nous  n'avons  regretté  qu'une  chose,  c'est  que  trop  fidèle  à 
la  partition  du  maître,  elle  n'ait  pas  chanté  d'air  à  son  entrée,  et  s'en 
soit  tenue  au  charmant  petit  duo  :  Vorrei  cheil  tuo  pensiero.  La  voix 
de  Sophie  Cruvelli  n'a  rien  perdu  de  son  volume,  de  son  étendue,  de 
son  timbre  excellent.  L'artiste  a  gagné  en  habileté,  en  science  de  mé- 
canisme, et  trop;  gagné  peut-être,  car  elle  a  trop  envie  de  le  mon- 
trer. Les  oppositions  du  forte  au  pianissimo  reviennent  trop  souvent  ; 
le  pianissimo  va  presque  jusqu'à  la  bocca  cliiusa.  Dans  la  romance-  du 
Saule,  il  y  a  excès  de  variations,  de  fioritures  jolies  ,  mais  calcu- 
lées. Ici  la  cantatrice  doit  s'oublier  pour  faire  place  à  la  femme , 
à  l'amante.  Il  faut  encore  songer  que  Desdemona  est  une  fille  chaste 
et  pure,  bien  que  séduite  par  le  More,  et  ne  pas  lui  donner  les  al- 
lures de  Léonor,  la  maîtresse  du  roi,  et  de  tant  d'autres  dans  la  Fa- 
vorite. Sophie  Cruvelli  n'a  vu  ni  Mme  Pasla,  ni  Mme  Malibran  ;  elle 
a  peut-être  vu  Mme  Grisi  et  Mme  Stoltz,  voilà  ce  qui  a  pu  la  tromper. 
Nous  lui  pardonnons  volontiers  ses  erreurs  en  faveur  de  ses  mérites, 
qui  sont  de  force  à  nous  entraîner,  comme  le  public,  qui  ne  demande 
pas  mieux  que  de  retrouver  une  diva,  une  passion,  une  idole,  en  la 
jeune,  la  belle  et  la  ben  cantanle  Sophie  Cruvelli. 

Ce  n'a  pas;  été  une  petite  surprise  pour  les  habitués  de  la  salle 
Ventadour,  que  de  voir  qu'on  avait  profité  de  leur  absence  pour  re- 
mettre à  neuf  le  local.  Les  bonnes  gens  avaient  peine  à  s'y  reconnaître. 
Comment,  des  papiers  frais  partout,  des  peintures  fraîches  !  Mais  ce 
n'est  plus  là  mon  antique  Venise,  où  il  y  avait  de  si  belles  taches  au  so- 
leil et  de  si  beaux  trous  dans  la  mer!  Ce  n'est  plus  mon  jardin,  mon 
castel,  ma  galerie,  ma  chambre  à  coucher,  dont  les  murs  s'en  allaient 
par  lambeaux  !  Ce  ne  sont  plus  les  loques  qui  servaient  de  robes  et  de 
manteaux  aux  choristes  !  Si  l'on  avait  moins  prodigué  les  roses  dans  le 
jardin  du  secor.d  acte,  nous  n'aurions  que  des  compliments  à  faire  au 
décorateur. 

Maintenant  que  le  théâtre  est  lancé,  nous  allons  voguer  à  pleines 
voiles  dans  le  répertoire.  On  nous  promet  des  ouvrages  nouveaux,  des 
compositeurs  nouveaux,  une  Fiorïna  du  maestro  Pedrotti;  Il  Gondo- 
licro  et  le  Nozze  di  Messina,  du  maestro  Chiaramonte.  Ce  sera  du  neuf 
assurément  :  pourvu  qu'il  ne  se  borne  pas  à  l'affiche  !  On  nous  promet 
bien  d'autres  choses  encore,  anciennes  et  nouvelles  ;  nous  écouterons 
le  tout  et  nous  jugerons. 


DE  PARIS. 


395 


WjE  MiaCQWJEEJJI  I>E  BERLIOZ. 

(k°  et  dernier  article)  (I). 

On  me  permettra  une  petite  digression  scolaslique  a  propos  de  l'Of- 
fertoire n°  7,  qui  est  une  fugue.  Les  savan's  qui  n'ont  point  de  goût  et 
les  gens  du  monde  qui  n'ont  point  de  science  ne  sont  nullement  d'ac- 
cord au  sujet  de  la  fugue.  Les  uns  la  considèrent  comme  l'archétype  de 
la  composition  musicale,  les  autres  s'enfuient  au  simple  appel  de  son 
nom.  Cela  s'explique  aisément. 

Ce  qu'est  une  fugue,  beaucoup  de  gens  l'ignorent.  Un  compositeur 
doit  écrire  un  morceau  qui  comporte  un  grand  nombre  de  voix  ou 
d'instruments.  Comme  il  ne  veut  pas  d'oisifs  dans  son  orchestre,  il 
choisit  un  thème  de  nature  à  pouvoir  être  confié  aux  différentes  voix, 
aux  différents  instruments;  à  peine  une  voix  l'a-l-elle  quitté  qu'une 
autre  s'en  empare,  tandis  que  la  première  brode  à  l'entour  un  thème 
nouveau.  D'abord  et  jusqu'au  moment  où  l'oreille  de  l'auditeur  sera  en 
pleine  possessions  des  thèmes  principaux,  le  compositeur  promène  sa 
pensée  dans  des  modulation  les  plus  simples,  les  plus  aisées,  se  con- 
tentant de  la  variété  que  font  naître  les  dessins  divers,  et,  par  la  pré- 
sence constante  du  premier  thème,  ramenant  la  composition  à  l'unité. 
Telle  est  la  première  partie  d'une  fugue.  Maintenant  l'oreille  est  fa- 
•  miliarisée  avec  la  pensée  du  compositeur  :  un  champ  nouveau  s'ouvre 
devant  lui;  la  seconde  partie  commence.  La  première  était  le  règne  du 
calme  et  de  la  majesté,  la  seconde  est  le  règne  du  caprice.  Les  modula- 
tions se  succèdent,  se  hâtent  ;  les  thèmes  apparaissent  par  fragments, 
quelquefois  allongent  majestueusement  leurs  périodes,  quelquefois  en 
resserrent  les  contours;  ils  se  combinent,  s'enlacent  de  mille  façons.  Ils 
sont  libres,  ils  sont  sans  frein;  l'harmonie,  la  modulation,  sont  libres 
comme  eux;  mille  effets  piquants,  mille  jeux  inattendus  éclosent  inces- 
samment. Quelquefois,  d'un  détail  ignoré  surgit  une  phrase  nouvelle 
qui  rejette  dans  l'ombre  ces  phrases  naguères  étincelant  au  pre- 
mier plan,  tandis  que  sur  elle-même  se  concentre  toute  la  lumière. 
Mais  le  désordre  va  se  glisser  au  milieu  de  ces  combinaisons  multiples; 
de  sa  main  puissante  le  compositeur  arrête  toute  cette  agitation,  tout 
ce  mouvement.  L'harmonie  et  la  mélodie  s'apaisent,  le  calme  renaît,  les 
modulations  ont  cessé  ;  l'oreille  pressent  qu'elle  entre  dans  une  région 
moins  tumultueuse.  Nous  sommes  à  la  troisième  partie  de  la  fugue. 
Les  thèmes  principaux  sont  entendus  de  nouveau;  ils  se  serrent,  ils 
s'embrassent  encore,  mais  d'une  étreinte  moins  convulsive;  tout  à 
l'heure  ils  bondissaient,  maintenant  ils  s'avancent  d'abord  par  groupe, 
ensuite  tous  réunis  d'un  pas  égal  et  fier.  Une  pédale  majestueuse  s'in- 
sinue bientôt  dans  la  basse;  l'œuvre  s'approche  de  la  fin.  Le  composi- 
teur rassemble  une  dernière  fois  toutes  les  forces  de  son  imagination; 
un  dernier  coup  de  pinceau  achèvera  son  œuvre  :  énergique,  une  péro- 
raison éclatante  réunira  toutes  les  forces  de  l'orchestre  et  des  voix  sur 
les  assises  colossales  d'une  majestueuse  plagale  ;  douce  et  suppliante, 
le  chant  s'affaiblira  peu  à  peu  comme  ces  fusées  brillantes  qui,  après 
avoir  un  instant  embrasé  le  ciel,  s'éteignent  et  retombent  dans  l'obs- 
curité de  la  nuit. 

Telle  est  la  fugue,  idéalisée  peut-être,  mais  dont  j'ai  fidèlement  re- 
tracé les  principaux  caractères.  Cette  forme  est  l'une  des  plus  belles,  si- 
non la  plus  belle  que  la  musique  puisse  revêtir  ;  malheureusement,  l'abus 
l'a  envahie,  à  peine  en  a-t-on  pratiqué  l'usage.  Les  anciens  musiciens 
avaient  créé  le  moule;  ils  ne  se  préoccupèrent  nullement  du  métal 
qu'ils  devaient  y  couler.  Pourvu  qu'elles  se  prêtassent  à  toutes  les  com- 
binaisons de  la  science,  ils  acceptèrent  sans  choix,  sans  examen,  sans 
goût,  toutes  les  mélodies  qui  se  présentaient,  ne  s'inquiétant  nullement 
d'ailleurs  du  rapport  qu'elles  pouvaient  offrir  avec  l'expression  de  la 
pensée.  Cet  abus  persiste  encore  de  nos  jours.  La  grandefugue  en  mibé- 
mol  de  la  messe  des  morts  de  Cherubini  est  un  modèle  de  difficultés  vain- 
cues, mais  elle  repose  sur  une  pensée  vulgaire  et  elle  glace  l'âme  en- 
core émue  des  beautés  du  Pie  Jesu.  Voilà  pourquoi  les  gens  du  monde 

(1)  Voir  les  numéros  63,  Mi  et  46. 


que  la  plastique  de  l'art  ne  peut  intéresser,  s'ils  veulent  désigner  un 
morceau  pédant  et  ennuyeux,  accordent  h  la  fugue  incontestablement 
le  premier  rang.  Mais  si  cette  forme  admirable  servait  d'enveloppe  à 
quelques  grandes  pensées,  grandes  par  elles-mêmes  ,  grandes  parla 
beauté  que  leur  prêterait  lascience  féconde,  alors  surgirait  une  œuvre  où 
louteslcs  conditions  du  beau  seraient  réunies,  où  tous  les  ressources  de 
la  musique:  mélodie,  harmonie,  rhythme,  sonorité,  concentrés  dans  une 
intention  unique,  exprimeraient  la  pensée  dans  toute  la  puissance  que 
l'art  peut  lui  transmettre.  La  fugue  ainsi  régénérée  serait  la  musique 
même.  Cette  vérité,  peu  de  compositeurs  la  connaissent;  elle  n'avait 
pas  échappé  à  Beethoven,  qui,  dans  ses  derniers  quatuors,  dans  ses 
dernières  sonates,  dans  sa  symphonie  avec  chœur,  nous  a  donné  des 
modèles  de  fugues  idéales.  Berlioz,  dans  divers  ouvrages,  a  traité  éga- 
lement la  fugue  à  ce  point  de  vue,  mais  jamais  il  n'en  a  donné  d'exem- 
ple plus  frappant  que  celle  qui  sert  d'Offertoire  à  son  Requiem. 

Au  premier  aspect,  le  lecteur  découvrira  que  ce  morceau  n'offre  nulle 
trace  des  formules  traditionnelles.  La  fugue  se  révèle,  il  est  vrai,  par  les 
entrées  successives  des  instruments  ;  mais  d'abord  la  phrase  mélodi- 
que, le  sujet,  pour  me  servir  du  terme  consacré  ,  se  développe  dans 
une  étendue  et  dans  un  mouvement  qui  n'est  nullement  habituel.  La 
fugue  d'ordinaire  procède  par  courts  fragments,  par  nuances  brutales  ; 
les  couleurs  sont  violemment  opposées  les  unes  aux  autres.  Ici  la  pé- 
riode a  de  l'ampleur  ;  elle  s'avance  paisiblement  sans  paraître  craindre 
que  quelque  voix  rivale  ne  lui  ravisse  trop  tôt  la  mélodie.  La  nuance, 
délicate,  scrupuleuse,  colore  le  chant  ;  un  unisson,  semblable  à  ceux 
signalés  au  début  du  Requiem,  apporte  au  milieu  du  récit  des  instru- 
ments à  cordes,  la  plainte  des  instruments  à  vent.  Voici  déjà  à  cette 
première  page  l'élément  moderne  introduit  dans  l'orchestre.  Après 
quelques  développements  où  se  fait  sentir  cette  habileté  de  main  que 
les  anciens  maîtres  possédaient  si  bien ,  quelquefois  à  défaut  de  la 
grâce,  l'inspiration  de  l'auteur  pénètre  encore  plus  profondément  dans 
le  domaine  de  l'art  nouveau  (page  105).  Une  mélodie  nouvelle  éclate 
spontanément  dans  l'orchestre,  s'empare  un  instant  de  l'attention,  puis 
retourne  rejoindre,  dans  les  profondeurs  de  l'orchestre,  le  thème  pri- 
mitif qui  s'y  était  réfugié  pour  lui  laisser  l'empire.  Cette  phrase  épi- 
sodique,  les  basses  la  reproduisent  à  leur  tour  en  lui  imprimant  un 
cachet  nouveau  de  majesté.  Le  thème  principal  a  reparu  dans  les  pre- 
miers violons  ;  mais  il  se  brise,  se  morcelle,  l'harmonie  se  voile,  la 
pensée  semble  hésiter:  on  dirait  qu'un  mystère  va  s'accomplir.  Le  lien 
de  l'orchestre,  tout  à  l'heure  si  puissamment  serré,  semble  prêt  à  se 
rompre;  ce  colossal  morceau  semble  suspendu  maintenant  au  fil  le  plus 
délié  (page  118).  Mais  le  rhythme  se  rétablit,  et,  tandis  que  le  chant  est 
confié  aux  basses,  les  premiers  violons  murmurent  un  accompagne- 
ment d'une  suavité  exquise  :  ce  sont  les  anges  qui  soulèvent  la  mé- 
lodie ;  elle  s'envole  et  plane  dans  l'éther,  portée  par  des  milliers  de 
petites  ailes  qui  l'accompagnent  d'un  séraphique  bruissement.  L'accom- 
pagnement se  glisse  dans  les  basses;  l'agitation  recommence  à  troubler 
la  limpidité  du  morceau  ;  un  fragment  de  la  mélodie  présentée  page 
105  apparaît  dans  les  instruments  à  vent;  puis  s'établit  dans  les 
instruments  à  cordes  une  marche  descendante  (page  112),  digne  des 
méditations  des  musiciens.  Sans  choc,  sans  heurt,  les  tons  de  fa  ma- 
jenr,  de  mi  bémol,  de  ré  bémol,  à'ut  majeur,  de  si  bernoise  succèdent 
de  deux  en  deux  mesures.  C'est  le  ramier  qui  d'étages  en  étages  s'a- 
baisse dans  les  plaines  de  l'air.  Le  morceau  est  près  de  finir.  Jusqu'ici 
l'on  a  suivi  une  fugue  instrumentale,  maintenant  les  voix  vont  re- 
prendre leur  empire.  Au  milieu  de  ces  développements  de  l'orchestre, 
elles  n'avaient  pas  gardé  le  silence.  Tout  au  contraire,  et  c'est  là  où 
l'on  ne  saurait  assez  admirer,  elles  avaient  rempli  un  rôle  indépendant, 
mais  relié  merveilleusement  à  l'ensemble.  Dans  la  fugue  telle  que  je 
l'ai  décrite,  la  présence  presque  constante  du  thème  principal  ramène 
la  composition  à  l'unité  musicale.  Ici,  au  milieu  du  luxe  de  l'harmonie, 
des  rhythmes,  des  modulations  ;  au  milieu  de  tant  d'effets  surprenants 
et  nouveaux,  les  voix,  qui  n'abandonnent  jamais  les  deux  notes  plain- 
tives, la,  si  bémols,  sur  lesquelles  elles  se  sont  posées  dès  le  principe, 


396 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


ramènent  constamment  à  l'unité  de  sentiment.  Au  point  de  vue  plas- 
tique, on  remarquera  l'art  du  compositeur  qui  a  su  enclaver  ce  court 
fragment  mélodique  où  la  note  principale,  tonique  médiante,  sus-do- 
minante, persiste  toujours  au  milieu  d'harmonies  qui  varient  sans  cesse. 
Mais,  je  le  constate,  ces  explications  demeurent  sans  valeur  ici  devant 
la  grandeur  de  la  pensée  etde  son  expression.  Vers  la  fin  du  morceau 
(page  114),  les  voix  régnent  seules  ;  le  si  naturel  est  substitué  au  si 
bémol.  Il  y  a  un  monde  de  pensées  entre  ces  deux  simples  demi-tons. 
C'est  la  vie,  c'est  l'espoir;  le  doute  a  replié  ses  voiles  funèbres,  et 
l'espérance  reste  debout,  une  croix  lumineuse  à  la  main. 

L'Hostias  et  preces  (page  116),  quant  au  caractère  du  chant,  rentre 
pleinement  dans  le  style  de  la  musique  ancienne.  Plus  de  dessins  variés; 
la  musique  plane  domine  maintenant  ;  les  sentiments  divers  que  l'or- 
chestre exprimait  tout  à  l'heure,  se  rallient  dans  une  unité  majes- 
tueuse, l'idée  de  l'oblation  et  du  sacrifice.  De  vastes  silences  décou- 
pent chaque  invocation  du  chœur  :  il  semble  que  c'est  la  voix  de  Dieu 
qui  répond  à  l'âme  des  fidèles,  au  milieu  de  ce  silence,  qui  n'est  pas 
cependant  l'extinction  subite  de  toutes  les  voix  de  l'orchestre.  Les  voix 
se  taisent;  mais  le  trombone,  écho  majestueux ,  s'empare  des  der- 
nières harmonies  au  moment  où  elles  les  abandonnent;  en  même  temps, 
à  la  quadruple  octave ,  les  flûtes  posent  une  harmonie  aérienne ,  écho 
de  l'écho  lui-même. 

Par  ces  effets  de  sonorité,  l'idée  du  silence  est  transmise  à  l'âme  de 
l'auditeur  avec  plus  de  vérité  que  par  le  silence  même.  Dans  les  arts,  le 
moyen  matériel  n'est  pas  toujours  celui  qui  exprimera  le  mieux.  A  un 
certain  point  de  vue  on  peut  contester  l'exactitude  de  ce  beau  vers  de 
Milton  : 

No  liglit  but  rather  Darkness  visible. 

ainsi  que  ce  vers  français  d'un  poëte  trop  décrié  : 

Je  ne  vois  que  la  nuit,  n'entends  que  le  silence. 

Mais  qui  ne  sent  qu'il  y  a  là  quelque  chose  qui  peint  mieux  que  la  vé- 
rité elle-même?  C'est  l'idéal  qui  se  révèle  à  vous,  l'idéal  qui  est  la  vé- 
rité de  la  poésie.  Une  impression  analogue  m'est  toujours  causée 
par  les  pompeux  accords  de  VHoslias.  Quelques  habiles  se  sont  égayés 
au  sujet  de  la  disposition  des  timbres  dans  ce  morceau.  «  Les  flûtes  et 
les  trombones  !  et  cela  au  milieu  du  silence  de  l'orchestre,  quelle  asso- 
ciation, justes  dieux!  » 

Ils  nous  peignent  Berlioz  comme  s'occupant  plutôt  à  croiser  des  races 
d'instruments,  à  rêver  de  parti  pris  toutes  sortes  de  combinaisons  fan- 
tastiques, qu'à  poursuivre  une  pensée  musicale.  C'est  concevoir  une 
triste  opinion  de  l'une  des  intelligences  les  plus  élevées  de  notre  temps. 
Je  ne  suis  nullement  dans  le  secret  du  mode  de  travail  et  des  procédés 
de  Berlioz ,  mais  la  lecture  de  ses  partitions  me  donne  la  conviction 
que  ces  effets,  étranges  et  bizarres  quelquefois,  n'ont  rien  de  prémédité; 
qu'ils  ne  sont  pas  un  jeu  puéril  de  la  part  du  compositeur  ;  qu'ils  éclo- 
sent  pour  fortifier  l'expression,  lorsqu'elle  est  de  nature  à  ne  pouvoir 
être  complètement  exprimée  par  les  autres  attributs  de  l'art  :  mélodie, 
harmonie  ou  rhythme.  Et  ce  rapport  entre  le  procédé  et  l'effet  rendu 
est  si  exact  et  si  fidèle,  qu'un  auditeur  intelligent  pénétrera  presque 
toujours  sa  pensée,  si  énigmatique  qu'elle  puisse  paraître  au  vulgaire. 

Dans  le  Sonctus  (page  119),  la  disposition  de  l'orchestre  est  des  plus 
ingénieuses  :  les  voix  hautes  sont  divisées  en  cinq  parties ,  quatre  par- 
ties de  violon,  une  de  flûle.  La  voici  venir,  cette  flûte  céleste  qui  a  pour 
mission  d'amollir  ce  que  les  violons ,  perdus  dans  les  sommités  de 
l'aigu,  auraient  dans  la  voix  de  trop  clair,  de  trop  argentin.  Sur  un  suave 
trémolo  d'altos,  la  mélodie  semble  se  balancer  comme  sur  une  couche 
de  nuages.  Un  ténor  solo  proclame  le  Saint  des  saints;  les  soprani  ré- 
pètent son  invocation  :  c'est  une  phrase  noble  et  pure;  le  rhythme  a 
complètement  relâché  ses  liens  pour  lui  laisser  toute  la  liberté  de  son 
vol  céleste. 

Enfin,  voici  une  fugue  correcte,  scolastique  ,  une  fugue  tonale  en- 
core !  Emerveillez-vous,  docteurs.  L'enfant  prodigue  aura  eu  un  res- 
souvenir de  la  maison  paternelle  ;  il  aura  voulu  jeter  en  arrière  un  re- 
gard sur  le  Conservatoire  ,  ce  temple  de  la  musique  classique,  et  faire 


sur  ses  autels  encore  un  sacrifice.  C'est  bien ,  mais  qu'il  n'y  retourne 
pas. 

Il  n'était  pas  besoin  de  cette  fugue,  où  d'ailleurs  la  dominante  la  bé- 
mol répond  si  irréprochablement  à  la  tonique  ré  bémol,  où  la  réponse 
rentre  si  correctement  dans  le  ton  "de  la  dominante  par  la  substitution 
de  l'intervalle  de  seconde  à  celui  de  tierce,  pour  attester  les  connais- 
sances musicales  de  Berlioz.  Tout  comme  un  autre,  il  a  eu  son  brevet 
délivré  par  le  Conservatoire;  tout  comme  un  autre,  il  a  fourni  toutes  les 
étapes  qui  conduisent  du  Conservatoire  à  la  prison  cellulaire  de  l'Aca- 
démie des  beaux-arts,  et  de  là  à  la  ville  éternelle.  C'est  ce  que  je  réponds 
à  de  spirituels  critiques-musiciens  qui  me  bercent  quelquefois  de  cet 
agréable  refrain  :  «  Berlioz  ne  sait  pas  la  musique  !  »  La  vôtre,  c'est 
possible,  messieurs.  Quoi  qu'il  en  soit,  cette  fugue  est  assez  pâle,  et 
elle  ferait  tache  dans  l'œuvre  si  elle  n'était  fort  courte,  et  si  plustardle 
compositeur  n'en  relevait  l'effet  par  un  de  ces  délicieux  artifices  que  lui 
dicte  sa  féconde  imagination.  Le  Sanctus  reprend  après  la  fugue.  Les 
mêmes  harmonies  persistent  dans  les  accompagnements.  Mais  voici 
encore  un  effet  aussi  charmant  qu'inattendu  :  les  coups  de  grosse  caisse 
(oui,  la  grosse  caisse  peut  être  charmante)  et  de  cymbales  frappés  FP. 
sur  les  temps  faibles  de  la  mesure  (page  127).  Quelle  poésie  jette  sur 
ce  passage  cette  vibration  élhérée,  semblable  à  un  écho  dans  les  pro- 
fondeurs du  ciel  de  la  prière  que  l'homme  envoie  vers  l'Éternel  !  La 
fugue  ne  nous  abandonne  pas  ainsi  :  elle  revient  à  son  tour;  mais  cette* 
fois  la  symétrie  de  ses  périodes  est  adoucie  par  les  sons  argentins  des 
violons  qui  planent  au-dessus  d'elle  :  c'est  la  poésie  jetant  sur  le  réel 
la  gaze  de  son  voile  léger. 

Je  signale  au  commencement  de  V  Agnus  Dei  (page  141)  un  dé- 
licieux effet  de  résonnance;  un  suave  accord  se  pose  lentement  dans 
les  instruments  à  vent,  et  à  l'instant  où  ils  l'abandonnent,  les  altos, 
divisés  en  quatre  parties,  le  saisissent  au  vol  et  en  resserrent  les  nœuds 
entre  leurs  cordes  harmonieuses;  l'oreille  est  tout  à  la  fois  surprise  et 
charmée.  C'est  nouveau,  merveilleux,  inattendu;  c'est  la  harpe  d'or 
des  anges.  Ces  sortes  de  résonnances  sont  nombreuses  dans  la  parti- 
tion de  Berlioz  ;  les  convenances  du  lieu  les  indiquaient  en  quelque 
sorte.  Elles  sont  la  traduction  idéalisée  de  ces  mille  échos  qu'éveillent, 
sous  les  voûtes  sonores  de  la  cathédrale,  le  pas  de  l'homme,  la  voix  du 
prêtre,  la  porte  massive  qui  retombe  sur  ses  gonds.  A  ces  harmonies 
s'enchaînent  les  pédales  de  trombone  qui  tout  à  l'heure  résonnaient 
dans  Y'Hostias  (page  145).  Au  milieu  de  ce  calme  et  de  ce  silence,  un 
long  fragment  du  premier  morceau  reparaît  à  son  tour.  Cette  répéti- 
tion était  indispensable  pour  ramener  l'assisLant  à  l'unité  de  sentiment; 
mille  objets  divers,  effrayants  ou  suaves,  l'avaient  longtemps  occupé, 
il  fallait  lui  rappeler  le  but  de  sa  présence  dans  le  lieu  saint  :  la  dernière 
prière  à  adresser  à  Dieu  pour  ce  corps  étendu  sous  le  catafalque  ;  pour 
cette  âme  maintenant  en  présence  de  son  Dieu.  Les  voici  doneces  sombres 
mélodies  du  Requiem,  qui  se  déploient  de  nouveau  comme  des  voiles 
funèbres.  La  péroraison  de  l'œuvre  est  courte,  mais  admirable,  dans 
son  laconisme  et.sa  simplicité.  Une  figure  en  triolets  s'enroule  dans  les 
instruments  à  cordes;  les  timbales,  déchaînées  et  furieuses  dans  le 
Tuba  mirum,  ont  maintenant  une  autre  tâche  à  remplir.  Elles  pro- 
cèdent par  coups  mats,  irréguliers,  presque  horribles  (page  154)-  Elles 
devancent  l'heure;  le  cercueil  est  encore  là  présent,  qu'elles  semblent 
rejeter  sur  lui  la  terre  qui  le  couvrira  jusqu'au  jour  du  suprême  réveil. 

Dans  une  œuvre  taillée  sur  des  proportions  aussi  gigantesques,  où  le 
cachet  du  génie  dominateur  se  trouve  empreint  au  même  degré  que 
dans  un  chant  du  Dante  ou  dans  les  fresques  de  la  chapelle  Sixtine, 
est-ce  à  dire  que  la  critique  ne  trouvera  pas  quelques  taches  à  signaler  ? 
Il  en  est  sans  doute. 

Je  ne  m'arrêterai  pas  à  discuter  certains  effets  de  détails  qui  peuvent 
paraître  hasardés.  L'œuvre  est  de  celles  qu'on  doit  voir  de  haut;  elle 
n'est  pas  de  celles,  qu'on  me  passe  le  mot,  que  l'on  épluche.  Un 
reproche  assez  grave  que  l'on  pourra  adresser  à  l'auteur,  c'est  quel- 
quefois de  s'être  trop  complu  dans  son  idée,  de  s'être,  pour  ainsi 
dire,  laissé  arracher  par  certains  versets  de  sa  messe  la  légitime  part 


DE  PARIS. 


397 


de  développements  qui  revenait  à  d'autres  versets.  De  cette  dispro- 
portion dans  retendue  des  morceaux  découle,  quelquefois  chez  l'au- 
diteur, un  intérêt  inégalement  distribué.  Le  Requiem  a  quatre  sommets 
principaux  :  le  Kyrie,  le  Tubamirum,  le  Lacrymosa,  VO/fertoire;  les 
autres  morceaux  viennent  se  ranger  autour  d'eux;  mais,  quelle  que 
soit  leur  valeur,  ils  restent  dans  l'ombre  au  milieu  de  cette  grandeur. 
Berlioz  répondra  que  s'il  eut  voulu  développer  tous  les  versets  de  la 
prose  à  l'égal  du  Lacrymosa,  l'œuvre  eût  acquis  des  proportions  dé- 
mesurées. Le  musicien  qui  ne  voudra  pas  se  priver  d'un  chef-d'œuvre 
donnera  raison  à  Berlioz,  mais  non  pas  le  chrétien,  qui  dans  sa  pensée 
fait  de  la  prose  un  ensemble  complet  d'angoisses  et  de  douleurs  Une 
autre  observation  :  mais  il  faut  du  courage  à  un  musicien  pour  la  faire. 
Ces  richesses  d'imagination,  ces  variétés  d'harmonies,  de  mélodies  et 
de  rhythmes  captivent  quelquefois  trop  vivement  l'imagination  ;  l'esprit 
abandonne  le  sujet  pour  se  prendre  à  la  forme;  on  écoute,  on  est  ravi; 
mais  l'idée  funèbre  qui  doit  peser  sur  l'âme  attérée  se  soulève  quelque- 
fois, écartée  par  les  presliges  de  l'imagination  fallacieuse.  Je  l'ai  dit, 
un  art  ne  progresse  qu'à  la  condition  de  payer  ce  progrès  par  quelque 
perte.  A  l'époque  de  Palestrina,  la  musique  existait  à  peine  ;  plusieurs 
des  plus  importantes  parties  de  l'art  n'étaient  pas'même  soupçonnées, 
mais  la  foi  vivifiait  les  œuvres  défectueuses,  La  peinture  trouvera  dans 
les  Vierges  de  Perugino  et  de  fra  Angelico  des  fautes  grossières  de  des- 
sin, mais  aussi  le  sentiment  divin  y  éclatera  avec  plus  de  pureté  en- 
core que  dans  les  tableaux  de  Raphaël,  alors  que  son  pinceau  sublime 
jetait  sur  la  toile  la  Sainte-Cécile  et  la  Transfiguration. 

Le  Requiem  de  Berlioz,  noble,  grave,  sévère,  beau  de  formes,  beau 
de  pensée,  plus  sombre,  moins  attendri,  mais  plus  religieux  que  ceux 
de  Mozart  et  de.  Glierubini,  respire  la  grandeur  et  la  majesté  ;  il  ne  res- 
pire pas  encore  assez  la  foi. 

On  ne  me  blâmera  pas  de  ces  longs  développements  donnés  à  une 
œuvre  déjà  ancienne.  Ce  travail,  en  quelque  sorte,  a  été  spontané. 
Après  l'exécution  du  Requiem  qui  eut  lieu  dernièrement  à  Saint-Eus- 
tache,  je  parcourus  la  partition,  et,  d'heure  en  heure,  m'attachant  d'a- 
vantage à  cette  lecture,  je  résolus  de  consigner  mes  impressions  dans 
ce  journal,  voué  aux  questions  les  plus  sérieuses  et  les  plus  élevées  de 
l'art.  Un  pareil  travail  eût  pu  être  tenté  sur  la  Symphonie  fantastique 
sur  Harold,  sur  Faust,  sur  Roméo  et  Juliette.  Mon  but  a  été  d'exciter 
l'indifférence  des  artistes  et  des  amateurs  intelligents.  Souvent  ils  ont 
le  conscience  du  beau,  mais  ils  n'ont  pas  le  courage  d'en  entreprendre 
la  recherche,  et  cependant  combien  il  serait  nécessaire  que  les  artistes 
d'élite  se  ralliassent  autour  du  drapeau  du  grand  art  si  incessamment 
menacé  !  Combien  il  serait  nécessaire  de  renfermer  dans  de  justes  li- 
mites cet  art  bourgeois,  qui  comme  une  marée  redoutable,  monte, 
monte  toujours  et  couvre  déjà  tant  de  hautes  cimes:  l'art  bourgeois 
borné  au  nord  par  ta  chansonnette,  au  midi  par  la  polka,  à  l'orient 
par  le  flageolet  criard,  à  l'occident  par  le  cornet  impudent!  Aujour- 
d'hui il  est  bon,  il  est  utile,  je  dirai  même  il  est  noble  de  protester 
contre  ce  goût  insensé  pour  le  vulgaire,  le  banal,  le  convenu,  qui  nous 
envahit  dans  les  lettres  comme  dans  les  arts.  Sans  doute,  dans  des 
œuvres  telles  que  Faust,  Roméo  et  Juliette,  etc.,  l'on  rencontrera 
quelques  obscurités,  quelques  bizarreries,  quelques  harmonies  étran- 
gement rompues,  quelques  mélodies  hachées  trop  vivement  à  leurs 
angles  ;  mais  serait-ce  une  raison  de  rejeter,  pour  quelques  fautes  de 
goût,  l'éloquence  entraînante  de  Shakspeare,  et  de  s'en  tenir  à  la 
littérature  étique  et  flasque  des  classiques  de  1800  ?  Et  puis ,  n'est-ce 
pas  une  jouissance  élevée  pour  l'esprit  que  de  pénétrer  un  sens  jus- 
qu'à ce  jour  ignoré  du  vulgaire  ;  tandis  qu'il  se  traîne  dans  des  sentiers 
mille  fois  battus,  de  dominer  l'horizon  de  son  regard  ;  de  pénétrer  li- 
brement au  milieu  de  ces  mystérieuses  profondeurs,  de  se  frayer  une 
route  à  travers  cette  musique  luxuriante  et  touffue,  de  respirer  cette 
atmosphère  puissante  et  généreuse  qui  asphyxie  les  faibles  ?  Posséder 
par  la  méditation  et  l'étude  un  génie  que  ne  peut  encore  mesurer 
le  commun  des  hommes,  n'est-ce  pas  une  propriété  plus  précieuse  que 
le  plus  riche  trésor? 


Auprès  de  Naples  est  une  grotte  célèbre  ;  les  petits  êtres  animés  que 
l'on  y  plonge,  et  dont  la  tête  touche  le  sol ,  languissent  et  tombent 
asphyxiés.  L'être  plus  noble,  celui  dont  le  front  s'élève  plus  haut,  res- 
pire à  pleine  poitrine  dans  une  région  plus  élevée,  et  contemple  avec 
ivresse  les  merveilles  que  la  nature  déploie  devant  ses  yeux. 

Léon  KREUTZER. 

REVUE   CRITIQUE. 

MUSIQUE  DE  VIOLON,  DE  VIOLONCELLE,  DE  PIA!\0  ET  DE  CHANT. 


Eîuo  sur  des  a\th  hongrois  et  slyricns  pour  piano  et  violon 
par  Charles  «le  Bériot.  —  Op    81. 

Il  y  a  poésie,  histoire,  patriotique  rêverie  et  douce  mélancolie  dans 
les  airs  nationaux,  soit  qu'on  les  chante  ou  qu'on  les  danse,  soit  même 
qu'on  les  arrange,  qu'on  les  tourmente  en  variations,  en  fantaisie, 
quoique  cependant  on  n'ait  jamais  varié  la  Marseillaise,  dont  le  thème, 
par  parenthèse,  se  trouve  dans  un  concerto  pour  piano,  de  Mozart.  En 
fait  d'airs  nationaux,  la  Hongrie  et  la  Styrie  en  ont  de  pittoresques  et 
de  très-caractéristiques,  et  M.  de  Rériot  vient  d'arranger  quelques-unes 
de  ces  mélodies  locales  en  duos  pour  piano  et  violon.  Après  nnet  ît  ■  )- 
duction  énergique  d'une  douzaine  de  mesures  sur  l'accord  de  septième 
dominante  du  ton  de  sol  mineur ,  le  virtuose-compositeur  aborde, 
dans  cette  même  tonalité,  l'air  hongrois  de  Kalozdi,  mélodie  bien 
rhythmée  et  tout  empreinte  d'une  tristesse  qui  plaît.  Cette  mélodie  en 
so1  majeur  est  dite  par  le  violon,  et  variée  aussitôt  par  le  piano,  en 
mesure  à  deux-quatre,  comme  l'introduction  et  le  motif.  A  ce  motif 
succède  un  autre  à  trois  temps,  en  ut  majeur,  dans  le  caractère  de  la 
fameuse  chanson  du  Gentil  houzard.  Cela  se  développe  en  quatre  varia- 
tions dialoguées  pour  les  deux  instruments,  avec  cet  art,  ce  brio,  cette 
élégance  que  l'auteur  sait  mettre  dans  toutes  ses  compositions;  puis  il 
a  ajouté  une  mazurka  de  sa  composition  qu'on  dirait  nationale  aussi; 
et  puis  une  coda-péroraison  dans  laquelle  il  résume  tout  ce  que  l'in- 
strument dont  il  possède  si  bien  le  mécanisme  peut  dire  de  verveux 
et  de  brillant  à  l'auditeur.  Cela  est  chaud,  animé,  et  le  piano  y  joue  un 
rôle  presque  rival  du  roi  des  instruments. 

Fantaisie  sur  ILE  «ItUIF  ERBAXT  de  F.  Balévy,  ponr  violoncelle, 
avec  accompagnement  de  piano  par  S.  Lée.  —  Op.  Cl. 

—  M.  Lée,  qui  est  un  violoncelliste  au  jeu  doux,  suave,  est  aussi  un 
compositeur-arrangeur,  au  style  facile  et  gracieux.  Il  vient  d'écrire  et 
de  publier  une  excellente  fantaisiesur  le  Juif  errant,  fantaisie  toute  mé- 
lodique avec  accompagnement  de  piano  ,  et  qui  rappelle  deux  des 
plus  jolis  chants  de  la  partition  de  M.  Halévy.  Rien  que  le  naturel  soit 
le  signe  caractéristique  An  faire  de  M.  Lée,  ce  morceau  ne  manque  pas 
d'art.  Les  quelques  mesures  de  trémolo  d'introduction  au  violoncelle  et 
au  piano  reviennent  d'une  manière  logique  pour  le  premier  de  ces  in- 
struments, d'une  façon  dramatique  et  richement  harmonique  en  double 
corde  et  bien  modulée  sur  le  thème  principal  à  la  page  5.  Les  arpèges 
classiques,  pour  terminer  tout  solo  de  violoncelle,  interviennent  ici  en 
coup  d'archet  lié,  enchevêtrant  bien  une  mesure  dans  la  suivante,  et 
finissent  cette  fantaisie  d'un  manière  brillante,  et  qui  doit  nécessaire- 
ment provoquer  les  applaudissements,  pour  peu  que  l'exécutant  dise 
tout  cela  aussi  bien  que  l'auteur. 

Hommage   à   Anuer  :   caprice  pour  violoncelle  avec  accompagne- 
ment de  piano  par  I*.  Scligniaiiii.  —  ©p.  55. 

—  Un  autre  violoncelliste  aimé,  M.  Séligmann,  vient  de  lancer  aussi 
un  Caprice,  avec  accompagnement  de  piano,  emprunté,  puisé  dans  la 
Californie  mélodique  de  l'auteur  du  Domino  noir  ;  et  cela  s'est  publié 
sous  le  titre  A' Hommage  à  Auber.  Ce  caprice  est  un  charmant  badinage 
de  jolis  chants  bien  choisis,  et  on  ne  peut  mieux  appropriés,  fondus 
dans  la  nature  de  l'instrument.  Toutes  ces  mélodies  se  promènent  or- 
nées, embellies  d'arpèges ,  de  staccali,  de  cette  double  corde  dramati- 
que qui  donne  énergie  et  richesse  à  la  péroraison  de  ce  charmant  mor- 
ceau de  concert.  Les  puristes  verraient  avec  plaisir  que  l'auteur,  qui 
est  toujours  si  correct  dans  ses  ouvrages,  fît  disparaître  de  la  planche 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


du  graveur,  dont  c'est  peut-être  la  faute,  une  suite  assez  nombreuse  de 
quintes  et  de  secondes  qui  se  succèdent  à  la  deuxième  et  à  la  quatrième 
mesure  de  la  page  10  et  11.  A  cela  près  de  ce  caprice  romantique  et 
de  mon  observation  qu'on  peut  traiter  de  chimère  de  cabinet,  le  Caprice 
de  M.  Séligmann  deviendra  celui  de  tous  les  auditeurs  et  de  toutes  les 
auditrices ,  ce  qui  ne  flattera  pas  médiocrement  ce  virtuose,  quelque 
habitué  qu'il  soit  aux  suffrages  du  public. 

Compositions  pour   piano   de  H II.  Hess,  Paul  Barbot 
et  Ilarc  Buitr. 

—  Et  M.  Hess  s'est  dit  :  Puisqu'on  a  transcrit  pour  piano  seul  Guil- 
laume Tell,  Robert- le- Diable  et  les  mélodies  de  Schubert,  pourquoi  ne 
transcrirais-je  pas  également  l*s  Feuilles  mortes  de  M.  Abadie?  Et 
M.  Hess  s'est  mis  à  l'ouvrage  ;  et  sur  un  petit  andante  en  six-huit,  dans 
un  ton  armé  ou  orné  de  beaucoup  de  bémols  et  de  doubles  bémols, 
M.  Hess  a  fait  faire  à  ses  doigts  et  à  sa  plume  une  foule  d'arpèges,  de 
tierces,  d'octaves  et  d'arabesques  thalbériennes,  et  les  Feuilles  mortes, 
de  M.  Abadie,  se  sent  trouvées  illustrées  par  M.  Hess.  Ce  nouveau  pia- 
niste, qui  écrit  fort  bien  pour  son  instrument,  au  reste,  a  composé  aussi 
son  trémolo,  qui  a  pour  titre  Caprice-Etude,  deux  mots  qui  semblent 
jurer  de  se  trouver  ensemble,  car  on  ne  peut  guère  faire  de  bonnes 
études  quand  c'est  le  caprice  qui  vous  guide.  Quoi  qu'il  en  soit,  ce 
morceau  en  notes  refrappées,  à  trois  temps,  au  milieu  duquel  l'auteur 
a  cru  devoir  placer  trois  mesures  à  quatre  temps,  —  il  en  avait  le  droit, 
—  ce  morceau  offre  un  bon  travail  pour  acquérir  de  l'indépendance  et 
de  la  vélocité  dans  les  doigts. 

—  M.  Paul  Barbot  est  un  autre  pianiste  compositeur  qui  nous  parait, 
vu  le  nombre  de  ses  productions,  qui  sont  là  sur  notre  bureau,  être  un 
musicien  écrivant  facilement  de  la  musique  facile,  à  savoir,  des  études 
de  concert,  de  genre,  sous  le  titre  des  Oiseaux  voyageurs,  de  la  Brise, 
des  Orages  du  cœur,  puis  des  polkas,  des  mazurkas,  des  schottichs, 
des  fantaisies  styriennes,  et  enfin  une  Perle  du  Nord  ;  et  tout  cela 
frétillant,  dansant,  brillant;  tout  cela  pouvant  se  désigner  à  la  rigueur 
comme  une  douzaine  de  perles  mélodiques  du  Midi  comme  du  Nord,  et 
qui  plaira  sans  doute  beaucoup  dans  les  soirées  parisiennes  de  cet 
hiver. 

—  L'Angelus  au  village,  rêverie  pastorale;  le  Nizam,  marche  in- 
dienne, et  les  Premières  pensées,  au  nombre  de  trois  mélodies  :  Doux 
rêve,  Sur  l'eau,  et  l'Oubli,  sont  trois  œuvres  d'un  de  ces  pianistes, 
comme  le  précédent,  qui  surgissent  de  dessous  la  terre  de  notre  monde 
musical,  Celui-cianom  :  MarcBurty.  Son  Angélus  n'est  pas  sans  couleur 
religieuse,  malgré  les  prétentions  aux  épigraphes,  à  la  prière,  aux  lita- 
nies, etc.  La  Marche  indienne  des  Tangs  transporte  l'auditeur  dans 
l'Inde  autant  que  pourrait  le  faire  une  lorette  en  robe  d'indienne  dan- 
sant une  polka.  Les  trois  mélodies  du  même  auteur  :  Doux  rêve,,  Sur 
l'eau,  Oubli,  ont  de  la  grâce,  et  sont  d'une  agréable  et  facile  exé- 
cution. 

Romances  et  mélodies  de  MM.  Duvivier  et  Stcinknhler. 

—  Voici  venir  MM.  Emile  Steinkûhler  et  Duvivier,  qui  précèdent 
l'av  alanche  des  albums  de  chant  de  1853,  en  publiantdes  mélodies,  des 
romances,  des  idylles,  chants  d'amour,  etc.  Ce  n'est  pas  le  tout  d'orner 
ces  chants  du  titre  de  mélodies,  il  faut  prouver  qu'ils  méritent  cette 
qualification  -,  et  c'est  là  le  difficile.  Et  d'abord,  la  douleur  et  la  mélan- 
colie sont  un  peu  trop  souvent  les  muses  des  auteurs  et  compositeurs 
de  romances.  M.  Emile  Steinkûhler  et  son  poëte  anonyme,  semblent  ne 
se  plaire  qu'à  formuler  ces  banales  élégies.  Il  est  tant  de  tristes  réali- 
tés dans  la  vie  qu'on  aime  peu,  en  général,  à  écouterles  plaintes  d'une 
mère  sur  l'agonie,  même  fictive,  de  sa  fille  qui  se  meurt  de  phthisie; 
ou  de  voir  la  poésie,  la  musique,  et  l'art  du  dessinateur  se  réunir  pour 
nous  représenter  un  jeune  orphelin  qui  meurt  de  froid  et  de  faim  sur  la 
tombe  de  sa  mère,  de  même  qu'un  pauvre  Boulon  de  rose  qui  se  plaint 
et  meurt  au  sein  d'une  jeune  bergère.  A  cela  près,  de  la  tristesse  dn 
fond  de  la  pensée,  M.  Steinkûhler  est  un  agréable  mélodiste. 


Dans  Viens  !  le  Mirage,  Réoe  de  cœur,  l'Enfant  du  bon  Dieu,  Ra- 
mez, dormez,  aimez,  mais  surtout  dans  Au  revoir  !  Idylle,  M.  Duvivier 
se  montre  aussi  mélodiste  et  bon  compositeur  de  ces  choses  légères  et 
gracieuses.  Au  revoir  !  est  un  charmant  dialogue  entre  les  fleurs  et  le 
ruisseau,  qui  rappelle,  dans  un  chant  plein  de  fraîcheur  et  de  suavité, 
celui  de  M.  Reber,  connu  sous  le  titre  de  la  Fleur  et  le  Papillon. 

Quatuor    pour   deux    violons,    alto    et   violoncelle,    par  Georges 
Bousquet  :  à  la  mémoire  de  Félix  Meuilelssolin-Bartlioldy. 

—  Après  toute  cette  légère  musique  qui  plaît  aux  intelligences  musi- 
cales légères,  et  qui  pèse  d'un  poids  assez  respectable  dans  la  balance 
du  commerce  de  l'art,  nous  signalons  avec  plaisir  une  œuvre  plus  sé- 
rieuse, un  quatuor  pour  deux  violons,  alto  et  violoncelle,  composé  par 
M.  George  Bousquet.  Il  est  fâcheux  pour  les  analyseurs  de  ces  bonnes 
choses  musicales,  dont  l'apparition  est  rare  dans  le  commerce  de  mu- 
sique actuel,  qu'on  ne  publie  pas,  avec  les  parties  séparées  des  ou- 
vrages de  ce  genre,  la  partition,  pour  bien  juger  delà  pureté  du  style. 
Au  reste,  nous  avons  entendu  exécuter  ce  quatuor,  et  autant  qu'une 
seule  audition  peut  suppléer  l'examen  du  cabinet,  nous  pouvons  certi- 
tifier  que  l'effet  en  est  excellent.  Le  premier  morceau  est  plein  d'entrain 
et  de  verve  ;  l'andante  est  d'un  dessin  mélodique  bien  arrêté,  simple , 
d'une  forme  large,  placide,  et  dans  lequel  interviennent  de  riches  et 
pittoresques  épisodes  qui  en  varient  on  ne  peut  mieux  le  caractère  tran- 
quille. Le  scherzo  et  le  final  sont  pétillants  de  verve  et  placent  cette 
œuvre  sur  la  ligne  de  celles  de  nos  grands  maîtres,  car  il  y  a  là  dedans 
inspiration  et  savoir. 

Henri  BLANCHARD. 


NOUVELLES. 

***  Demain  lundi,  à  l'Opéra,  M  ose. 

t%  Le  Juif  errant,  le  Prophète  et  Moïse  ont  composé  le  répertoire  de  la 
semaine.  C'est  une  belle  et  féconde  trinité  que  celle  de  ces  trois  grandes 
œuvres. 

„**  La  reprise  de  Moise  prend  tous  les  caractères  d'un  succès  de  vogue. 

„.*„  La  Domino  noir,  poëme  et  partition,  est  un  de  ces  ouvaages  rares 
qui  possèdent  le  don  d'une  éternelle  jeunesse.  La  reprise  équivaut  à  une 
première  représentation. 

„*,  La  cantate  composée  par  M.  Fontana  pour  la  représentation  solen- 
nelle du  Théâtre-Italien,  doit  être  chantée  par  Mmes  Sophie  Cruvelli, 
Véra;  MM.  Bettini,  Calzolari  et  Belletti. 

**„  Le  Théâtre-Lyrique  a  repris  vendredi  la  Perle  du  BrésV,  dont  la 
musique  est  de  Félicien  David,  et  qui  avait  obtenu  un  si  beau  succès 
dans  la  saison  précédente. 

,%  C'est  demain  lundi  que  sera  exécutée,  à  Saint-Eustache,  la  messe 
composée  par  Ambroise  Thomas  pour  la  fête  de  sainte  Cécile.  600 
exécutants,  dirigés  par  M.  Tilmant,  prendront  part  à  cette  solennité  mu- 
sicale. Les  solos  seront  chantés  par  Mlle  Lefebvre,  MM.  Masset  et  Bat- 
taille. 

,%  Mme  Persiani,  ainsi  que  Tamburini,  Gardoni  et  Napoleone  Rossi, 
viennent  de  signer  un  engagement  pour  les  théâtres  royaux  d'Amsterdam 
et  de  La  Haye.  D'autres  artistes  sont  aussi  engagés  et  compléteront  la 
troupe.  L'ouverture  de  ces  théâtres  aura  lieu  prochainement  par  //  Bar- 
bière,  PElisire  d'amore,  I  Puritani,  Don  Giovanni  ,  Cenerentola,  Lucie  de 
Lammermoor,  et  autres  chefs-d'œuvre  composant  l'ancien  répertoire  du 
Théâtre-Italien. 

^,*j  Une  matinée  musicale  sera  donnée  aujourd'hui  dimanche  par  M.  N. 
Louis,  ce  compositeur,  dont  nous  avons  souvent  enregistré  les  succès  ; 
il  y  fera  entendre  un  duo  expressif  pour  piano  à  quatre  mains,  des 
fragments  de  son  opéra  les  Deux  sergents,  tarentelle,  cavatine,  air,  trio  ; 
et  les  Fiancés,  drame  lyrique  en  six  parties,  pour  piano  et  violon,  d'après 
la  légende  en  vers  de  M.  Méry,.  exécuté  par  Mlle  Jenny  Leroy  et  D.  Alard. 
Les  vers  seront  récités  par  Mlle  Jouvante. 

**„.  Dans  une  matinée  que  donne  aujourd'hui  Mme  Farrenc,  elle  fera 
entendre  pour  la  première  fois  un  sextuor  pour  piano,  flûte,  hautbois, 
clarinette,  cor  et  basson.  Cet  ouvrage  sera  exécuté  par  l'auteur,  MM.  Do- 
rus,  Verroust  aîné,  Leroy,  Rousselot  et  Verroust  jeune. 

***  Ferdinand  Miller,  de  retour  à  Cologne,  y  dirigeait,  il  y  a  peu  de 
jours,  le  second  concert  d'abonnement.  Le  programme  se  composait  d'une 
de  ses  symphonies,  d'un  concerto  â  deux  pianos,  de  Franck,  et  d'autres 
morceaux  de  Beethoven,  Cherubini,  etc.  Vers  la  fin  du  mois  prochain,  il 
dirigera  probablement  le  troisième  concert,  et  dans  les  premiers  jours  de 
décembre  il  reprendra  le  chemin  de  Paris. 

**.,  Vivier  est  en  route  pour  revenir  en  France.  Dans  les  derniers  jours 
dn  mois  d'octobre,  il  assistait,  à  Constantinople,  au  grand  dîner  donné 
par  M.  le  marquis  de  Lavalette,  en  l'honneur  de  M.  le  comte  Bacciochi, 
en  présence  de  Fuad  Eflfendi  et   de  Vely  Pacha,  le  nouvel  ambassadeur 


DE  PARIS. 


399 


Ottoman.  Dans  la  soirée,  il  a  fait  entendre  son  cor  magique  aux  convives 
dej'ambassadeur  français.  C'était  son  adieu  à  la  Turquie. 

„*„,  Léopold  do  Meyer  vient  de  tomber  grièvement  malade  à  Graefen- 
berg,  en  Silèsie,  où,  selon  toute  apparence,  le  célèbre  pianiste  suivait  un 
régime  hydrothérapique. 

t*+ Musique  de  cham'ire,  sixième  année.  —  MM.  Alard  et    Franch , 

qui  se  sont  assuré  le  concours  de  M.  Alkan  aîné,  donneront  six  "séances 
de  musique  de  chambre,  dans  la  salle  de  M.  Pleyel,  rue  Rochechouart, 
22.  Comme  les  années  précédentes,  on  y  entendra  les  œuvres  des  grands 
maîtres  :  Bach,  Haydn,  Mozart,  Beethoven,  Weber,  Onslovv,  Mcndelssohn, 
etc.  La  première  séance  aura  lieu  le  dimanche  LU  janvier  1853,  à  deux 
heures  précises,  et  les  suivantes  de  quinzaine  en  quinzaine.  S'adresser, 
pour  les  abonnements,  chez  M.  Alard,  rue  des  Petites-Écuries,  22. 

»**  Le  bal  annuel  de  l'Association  des  artistes  dramatiques  aura  lieu  le 
samedi  29  janvier  1853,  au  théâtre  de  l'Opéra-Comique.  Déjà  les  bureaux 
de  la  Loterie  de  Bienfaisance,  boulevart  Poissonnière,  18,  sont  encombrés 
d'un  grand  nombre  d'amateurs  qui  se  disputent  à  l'envi  les  loges  pour 
assister  à  cette  délicieuse  fête  de  nuit.  On  sait  que  tout  ce  que  Paris  pos- 
sède d'illustrations  se  donne  rendez-vous  à  ce  bal  célèbre,  qui,  cette  an- 
née, doit  surpasser  encore  toutes  les  richesses  splendides  des  hivers  pré- 
cédents. 

»**  La  semaine  dernière,  à  la  vente  du  mobilier  qui  avait  appartenu  à 
M.  le  baron  del'rémont,  il  a  été  vendu  aux  enchères  un  Stradivarius, 
grand  patron,  intact,  qui  avait  appartenu  à  Rolla  et  Viotti.  Ce  célèbre 
instrument  poussé  d'abord  jusqu'à  2,200  fr.  par  M.  Wuillaume,  est  échu 
en  définitive  à  M.  David,  amateur,  qui  l'a  cédé  immédiatement  à  son  pro- 
fesseur, notre  habile  \ioloniste,  Herman,  pour  le  prix  élevé  de  3,000  fr. 
Il  est  bon  que  les  instruments  de  cette  valeur  restent  entre  les  mains  de 
nos  premiers  artistes. 

***  Le  premier  bal  de  l'Opéra  aura  décidément  lieu  le  11  décembre  pro- 
chain. Musard  fera  entendre  ses  nouveaux  quadrilles  :  le  Juif  errant, 
Napoléon,  h  Valais  di  Cristal,  sa  fameuse  polka  Ouistiti.  Le  bureau  de 
location  est  ouvert  tous  les  jours,  jusqu'à  h  heures. 

***  Léon  Ilalévy,  l'auteur  du  Czar  Démétrius  et  du  poème  de  Luther,  le 
traducteur  d'Horace,  et  le  frère  de  l'illustre  compositeur,  vient  de  pu- 
■blier  un  Macbeth,  imité  de  Shakspeare.  iNous  parlerons  bientôt  de  ce  beau 
et  important  travail. 

%%  L'excellent  traité  de  prononciation,  de  M.  Morin  de  Glagny,  profes- 
seur au  Conservatoire,  est  parvenu  en  peu  de  temps  à  sa  troisième  édi- 
tion. C'est  un  succès  que  nous  avions  prévu  en  rendant  compte  de  cet 
ouvrage,  qui  enseigne  le  moyen  d'obtenir  une  bonne  émission  de  voix,  de 
corriger  tous  les  défauts  de  prononciation,  tous  les  accents  étrangers,  et 
donne  la  prononciation  exacte  de  plus  de  200,000  mots. 

***  M.  Auguste  Kichomme  du  ministère  de  l'instruction  publique,  au- 
teur de  charmantes  poésies  mises  en  musique  par  nos  compositeurs  de 
romances  à  la  mode,  vient  d'être  prématurément  enlevé  à  sa  famille  et  à 
ses  nombreux  amis.  L'Album-1853  d'Etienne  Arnaud  renferme  deux  pro- 
ductions, le  Chapelet  aux  miracles  et  l  s  Petits  rùns  dont  les  paroles  sont 
dues  à  M.  Auguste  Kichomme,  qui  sera  doublement  regretté,  comme 
homme  et  comme  écrivain,  de  tous  ceux  qui  ont  pu  le  connaître  et  l'ap- 
précier. 

***  Les  travaux  typographiques  que  nécessite  le  septième  article  de 
M.l'étis,  sur  te  développement  futur  de  la  musique  dans  te  domaine  du  rliylhme, 
nous  obligent  à  en  remettre  la  publication  au  numéro  prochain. 

CRON1QUE   DÉPARTEMENTALE. 

„,*„.  lioulogne  sur-Mer,  18  novembre.  —  Une  assemblée  brillante  et  nom- 
breuse se  pressait,  le  1 7  de  ce  mois,  au  concert  de  la  Société  philharmo- 
nique donné  pour  une  bonne  œuvre.  La  partie  vocale  était  confiée  à  des 
amateurs.  Mlle  Blahetka,  notre  excellente  pianiste,  a  exécuté  avec  son 
talent  remarquable  une  fantaisie  d'elle  sur  tes  Uuauenols  et  le  Souvenir 
aJiatie,  de  Léopold  de  Meyer.  M.  Chardard,  flûtiste  hors  ligne,  a  fort  bien 
joué  le  Souvenir  des  Alpes,  de  Boëhm.  M.  J.  Froment,  fils  du  bénéficiaire, 
s'est  fait  justement  applaudir  dans  deux  fantaisies  de  Seligmann  pour  le 
violoncelle  :  l'une  sur  ta  favorite,  l'autre  sur  Lucie  de  Lammermoor.  M.  de 
Grau  remplissait  en  maître  le  rôle  important  d'accompagnateur. 

CHRONIQUE     ÉTRANGÈRE. 

***  Bruxelles.  —  Teresa  Milanollo  vient  de  donner,  dans  la  salle  de  la 
Philharmonie,  un  magnifique  concert  qui  avait  attiré  une  foule  brillante 
et  nombreuse.  La  recette  en  était  destinée  à  grossir  le  fonds  pour  l'érection 
de  l'église  de  Sainte-Marie,  au  bout  de  la  rue  ltoyale.  'La  charmante  ar- 
tiste a  excité  l'enthousiasme,  comme  toujours.  Toutes  les  dames  lui  ont 
fait  hommage  de  leurs  bouquets.  De  plus,  le  Conseil  de  fabrique  et  la 
Commission  directrice  des  travaux  ont  voulu  lui  remettre  une  très-belle 
médaille  en  or,  de  grand  module,  représentant,  d'un  côté,  en  relief, 


le  monument  tel  qu'il  sera;  et  de  l'autre,  dans  une  couronne  de  laurier 
le  nom  de  Teresa  et  le  millésime  de  1852.  Les  autres  parties  du  concert 
étaient  dignes  de  l'artiste  principale.  M.  Méric,  baryton  du  théâtre  d'An- 
vers, et  M.  Crets,  tout  jeune  pianiste,  ont  été  fort  applaudis.  M.  Bender 
dirigeait  l'orchestre,  qui  a  exécuté  les  ouvertures  du  Freischiii:,  de  Weber, 
et  du  Ituy  /lias,  de  Mendelssobn. 

**„  StuVgard.  — Mlle  Katinka  lleinefetter  a  admirablement  chanté  le 
rôle  de  Rachél  dans  la  Juive,  d'Halévy  ;  les  scènes  dramatiques  et  pleines 
de  passion  qui  abondent  dans  cette  belle  tragédie  lyrique,  ont  été  rendues 
par  l'éminente  artiste  de  manière  à  provoquer  les  applaudissements  una- 
nimes et  prolongés  de  toute  la  salle. 

»*„,  Munich.  —  Les  concerts  d'abonnement  ont  repris  à  l'Odéon.  Il  y  en 
aura  quatre  jusqu'à  Noël  et  quatre  autres  pendant  le  carême.  Comme  on 
se  propose  de  faire  entendre  dans  le  concert  de  la  saison,  des  composi- 
tions modernes,  des  oratorios, etc.,  le  prix  de.  l'abonnement  a  été  porté  de 
U  fr.  à  6  fr.  pour  une  série  de  quatre  concerts.  Pendant  l'absence  de  la 
prima  donna,  Mme  Spatzer,  deux  cantatrices  étrangères  ont  donné  des 
représentations  au  théâtre  de  la  cour,  Mlle  Méquillet  et  Mlle  Anna  l'al- 
coni,  la  première  avec  le  succès  le  plus  éclatant. 

„,**  Dresde.  — Mme  Lind-Goldschmidt  se  propose  de  se  fixer  dans  notre 
capitale,  où  elle  a  fait  l'acquisition  de  la  villa  l'Elysée. 

***  Berlin,  11  novembre.  —  Le  prochain  anniversaire  de  la  mort  de 
Félix  Mendelssohn-Bartholdy  sera  célébré  avec  pompe  dans  l'église  de  la 
garnison  de  Berlin,  à  laquelle  le  célèbre  maestro  était  attaché  en  qualité 
d'organiste  Le  programme  de  cette  solennité  se  compose  de  l'exécution, 
par  ZiOO  musiciens  et  amateurs,  de  deux  hymnes  de  Mendelssohn-Bar- 
tholdy, et  de  son  oratorio  de  Saint-I'aut. 

—  M.  Mecum,  luthier  à  Cologne  (Pr.  Rh.),  10,  Crsula-Strasse,  possède 
un  alto  magnifique  de  Jos.  Guarnerius.  Cet  instrument  est,  sans  contredit, 
le  plus  beau  chef-d'œuvre  sorti  des  mains  du  célèbre  maître.  (Prix: 
Zi,000  fr.) 

—  A.  Bernhardt  fils  et  Cie,  facteur  de  pianos,  rue  du  Faubourg-Poisson- 
nière, n°  80  :  ci-devant  rue  de  Buffault. 

—  En  trois  mos,  M.  Dorval  Valenlino,  l'un  de  nos  plus  habiles  profes- 
seurs de  chant,  fait  surmonter  à  la  fois  les  difficultés  de  la  lecture  musi- 
cale et  de  la  mesure;  celles  de  la  pose  des  sons,  de  la  vocalise,  de  la 
prononciation,  de  l'expression  et  de  la  diction  intelligente  du  récitatif. 
Cet  ingénieux  démonstrateur,  auteur  d'un  traité  approuvé  par  le  Conser- 
vatoire :  (Art  de  la  prononciation  appliquée  au  chant,  continue  ses  cours 
rue  Saint-Lazare,  6. 

Le  gérant  :  Ernest  DESCiiAMI'S. 


ON   SOUSCRIT 
BRANDUS  et  Ce,  éditeurs,   405,  rue  Richelieu, 

A   LA 


Che: 


JL'AES.'r  IP'KCItIRE   PKOMPTEÎIESÏ  I,A  E5A1SSE 

PAR 

ARTHUR  SA1NT-IÉ0H 

Premier  maître  de  ballets  et  premier  danseur  de  l'Opéra, 
Professeur  de  la  classe  de  perfectionnement. 

Cet  ouvrage  est  publié  en  un  volume,  composé  de  12  livraisons,  parais- 
sant tous  les  mois.  Chaque  livraison  contiendra  un  ou  ou  plusieurs  cha- 
pitres de  sténochoré'jiaphi-,  exemples  ou  études  de  cet  art;  de  plus,  la 
biographie  et  le  portrait  d'un  ou  de  plusieurs  maîtres  de  ballets  anciens  et 
modernes,  de  l'École  française  et  italienne. 

PRIX   DE    CHAQUE    LIVRAISON,    2    FR.  —  L'OUVRAGE    COMPLET,    24   FR. 
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A  l'usage  des  organistes  du  culte  catholique,  adopté  par  et  pour  les  Con- 
servatoires de  Paris  et  de  Bruxelles,  et  publié  par  M.  Lemmens,  profes- 
seur d'orgue  au  Conservatoire  de  Bruxelles.  Les  deux  premières  années 
contiennent  222  pages  de  musique,  grand  format,  avec  les  explications 
sur  le  doigté  spécial  de  l'orgue,  sur  l'accompagnement  du  plain-chant  et 
une  école  complète  de  la  pédale.  On  les  recevra  franco  à  domicile  au  prix 
de  25  fr.  50.  —  Ecrire  à  M.  Lemmens  à  Bruxelles,  ou  à  M.  A.  Cavaillé- 
Coll  fils,  facteur  d'orgues,  rue  de  Larochefoucault,  66,  à  Paris,  et  à 
MM.  Brandus  et  Cie,  rue  Richelieu,  103.  (Affranchir.) 


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REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS. 


Chez  HMMDII§  et  Ce,  éditeurs,   1©3,  rue  SBiclaeliera, 


AIRS  VARIÉS  ET  FANTAISIES 

POUR    LA    FLUTE. 

Berbiguirr.  Op.  92.  Fant.  sur  la  Muette 

de  Portici,  avec  ace.  d'orchestre  .   .  15    » 

Id.  avec  ace.  de  piano 9    » 

l'on  lu  x    'Op.  28.  Douze  fantaisies  faciles  sur 
la  Part  du  Viable,  pour  flûte  seule, 

2  suites,  chaque 5    » 

Op.  29.   Fantaisie  sur  la  ISorma ,  avec 

ace.  de  piano 9    » 

—  Op.  31.  Douze  fantaisies  faciles  sur  la 

Sirène,  pour  flûte  seule,  2  suites,  eh.     5     » 
Cottignii'S.  Polonaise  favorite  de  l'opéra  / 

Puriluni,  avec  ace.  de  piano  ....     6    » 

—  Op.  39.  Fantaisie   sur  le  duo  favori  de 

l'opéra  I  Puritani,  avec  ace.  de  piano    6     » 

—  Op.  50.  Six  fantaisies  faciles  sur  des  mo- 

tifs d'Auber,  Hérold  et  Rossini,  pour 
flûte  seule,  2  suites,  chaque 5    » 

—  Soirées  musicales  de  Rossini,  huit  mor- 

ceaux favoris ,   avec  ace.  de  piano,  2 

suites,  chaque 7  50 

neneux.  Op.  16.  La  Romanesca ,  arrangée 

pour  flûte,  avec  ace.  de  piano.   .   .   .     5    » 

—  Op.  18.  5'  air  varié  de  CI»,  de  Bériot, 

arrangé  pour  flûte,  avec  ace.  de  piano    7  50 

—  Op.  23.  7'   air  varié  de  Ch.   de  Bériot, 

arrangé  pour  flûte,  avec  ace.  de  piano    7  50 
Leplus.  Trois  fantaisies  sur  Ciralda,  pour 

flûte  seule 7  50 

Id.  avec  ace.  de  piano,  3  suites,  chaque.    7  50 

—  Op.  46.  Trois  fantaisies  pour  flûte,  avec 

ace.  de  piano,  sur  la  l'empesta,  ch.  .     7  50 

—  Op.  44.  Fantaisie  brillante  sur  l'Enfant 

prodigue,  pour  flûte,  avec  ace.  de  p.     9    » 
Bémmat.  Op.  6.  Fantaisie  sur  la  Part  du 

Diable,  avec  ace.  de  piano 7  50 

Id.  avec  orchestre 15    » 

—  O  '.  9.  Fantaisie  sur  la  Sirène,  avec  ace. 

de  piano 9    » 

—  Op.  10.  Thème  original  av.  ace.  de  piano    7  50 

—  Op.  12.  Fantaisie  sur  lu  Barcarol'e, 

avec  ace.  de  piano 7  50 

—  Op.  18.  Fantaisie  sur  Robert  Bruce, 

avec  ace.  de  pirno 9     • 

—  Six  mélodies   italiennes   variées,  pour 

flûte  seule,  2  suites,  chaque 6    u 

—  Op.  21.  Fantaisie  sur  Haijdée,  avec  ace. 

de  piano 9    » 

—  Op.  22.  1er  concertino,  av.  ace.  de  piano  12    » 

—  Album  des  jeunes  flûtistes,  six  airs  va- 

riés, avec  ace.  de  piano,  2  suites,  ch.  9  » 

1"  suite  :  1.  Béatrice  di  Tenda ....  5  •< 

2.  Thème  original 5  » 

3.  Otello 5  » 

2" suite:  U.  Roberto  Devereux  ....  5  » 

5.  Cendrillon 5    » 

6.  I  Capuletti 5    » 

Id.  pour  flûte  seule,  en  2  suites,  chaque.    5    » 

Talon.  Op.  65.  Fantaisie  et  Polonaise  sur  le 

Siège  de  Corin/he,  avec  ace.  d'orch.  10     » 
Id.  avec  ace.  de  piano 9     » 

—  Op.  54.  Fantaisie  sur  la  Muette  de  Por- 

tici, avec  ace.  de  piano.- 9     » 

—  Op.  65.  Récréations  musicales.  Collec- 

tion de  20  airs  variés  et  fantaisies  sur 
des  thèmes  choisis  parmi  les  plus 
beaux  airs  nationaux  et  les  motifs  des 
compositeurs  célèbres,  avec  ace.   de 

piano,  4  suites,  chaque 9     » 

Id.  pour  flûte  seule,  4  suites,  chaque.   .     5    » 

—  Op.   68.   Jadis,   plaisanterie  musicale, 

avec  ace.  de  deux  violons,  alto  et 
basse,  deux  petits  tambours  et  trom- 
pette d'enfant 9    • 

—  Id.  avec  ace.  de  piano 7  50 

—  Op.  69.  1er  grand  solo,  avec  ace.  de  qua- 

tuor    15     » 

Id.  avec  ace.  de  piano 7  50 

—  Op.  70.  2e  grand  solo,  avec  ace.  de  qua- 

tuor   15     » 

Id.  avec  ace.  de  piano 9    » 

—  Op.  71.  Variation  sur  Aclêon,  avec  ace. 

de  piano 9    » 

Id.  avec  ace.  d'orchestre 15     » 

—  Op.  73.  Air  varié  sur   les  Chaperons 

blancs,  avec  ace.  de  piano 9  » 

Id.  avec  ace.  d'orchestre 15  » 

—  Op.  74.  3'  grand  solo,  avec  ace.  de  piano    9  » 
Id.  avec  ace.  d'orchestre 15  » 

—  Op.  75.  Fantaisie  sur  l'Ambassadrice, 

avec  ace.  de  piano.   ...   9  » 

Id.  avec  ace.  d'orchestre 15  • 

—  Op.  77.  4°  grand  solo,  avec  ace.  de  piano    9  » 
Id.  avec  ace.  d'orchestre 15  » 

—  Op.  78.  Fantaisie  sur  lo  Domino  noir, 

avec  ace.  de  piano 9    » 

Id.  avec  ace.  d'orchestre 15    » 


SUITE  DES  AIRS  VARIES. 
Tulou.  Op.  79.  5e  grand  solo,  avec  ace.  de 

piano 9  » 

Id.  avec  ace.  de  quatuor 15  » 

—  Op.  80.  Fantaisie  sur  le  Lac  des  Fées, 

avec  ace.  de  piano 9  » 

Id.  avec  ace.  d'orchestre 15  •> 

—  Op.  82   6"  grand  solo,  avec  ace.  de  piano     9  » 
ld.  avec  ace.  de  quatuor 15  » 

—  Op  84.  Air  varié  sur  Béatrice  di  Tenda, 

avec  ace.  de  piano 7  50 

—  Op.  86.  7'  grand  solo,  avec  ace.  de  piano    9  » 
Id.  avec  ace.  de  quatuor 15  » 

—  Op.  87.   Fantaisie   sur  Zanetta,    avec 

ace.  de  piano 9  » 

Id.  avec  ace.  d'orchestre 15  n 

—  Op.  88.  8e  grand  solo,  avec  ace.  de  piano    9  » 
Id.  avec  ace.  d'orchestre 15  « 

—  Op.  89.  Thème  varié,  avec  ace.  d'une  2* 

flûte 5  » 

Id.  avec  ace.  de  piano 7  50 

Op.  90.  Fantaisie  sur  les  Diamants  de 

la  couronne,  avec  ace.  de  piano  .   .     9  » 

Id.  avec  ace.  d'orchestre 15  » 

—  Op.  91.  9'  grand  solo,  avec  ace.  de  piano    9  » 
Id.  avec  ace.  d'orchestre 15  » 

—  Op.  92. 10'  grand  solo,  avec  ace.  de  piano    9  » 
Id.  avec  ace.  d'orchestre 15  » 

—  Op.  93.  11' grand  solo,  avec  ace.  de  piano    9  » 
Id.  avec  ace.  d'orchestre 15  » 

—  Op.  94. 12e  grand  solo,  avec  ace.  de  piano    9  » 
Id.  avec  ace.  d'orchestre 15  » 

—  Op.  95.  Fantaisie  sur  Robert  Bruce , 

avec  ace.  de  piano 9  » 

Id.  avec  ace.  d'orchestre 18  » 

—  Op.  96.  13' grand  solo,  avec  ace.  de  piano    9  n 
Id.  avec  ace.  d'orchestre 18  » 

—  Op.  97. 14*  grand  solo,  avec  ace.  de  piano    9  » 
Id.  avec  ace   d'orchestre 18  » 

—  Op.  98.  Air  varié  pour  flûte,  avec  ace. 

de  piano 9  » 

Id.  avec  ace.  d'orchestre 18  » 

■WalckiiTS.  Op.  52.  Variations  sur  la  Fian- 
cée, avec  ace.  de  quatuor 10  » 

Id.  avec  ace.  de  piano 7  50 

—  Op.  34.  Fantaisie  sur  Guillaume  Tell , 

avec  ace.  de  quatuor 10  » 

Id.  avec  ace.  de  piano 7  50 

—  Op.  40.  Fantaisie  sur  FraDiavolo,  avec 

ace.  de  quatuor 10  » 

Id.  avec  ace.  de  piano 7  50 

—  Op.   42.  Fantaisie  sur  le   Dieu  et  la 

Bayadère,  avec  ace.  de  quatuor  .    .  10  » 

Id.  avec  ace.  de  piano 7  50 

—  Op.  64.  Grandes  variations  sur  le  Phil- 

tre, avec  ace.  de  quatuor 10  » 

Id.  avec  ace.  de  piano 7  50 

—  Op.  51.  Fantaisie   et  variations  sur  le 

Serment,  avec  ace.  de  quatuor  ...  10  » 

Id.  avec  ace.  de  piano  .   .       7  50 

—  Op.  52.  Fantaisie  sur  le  Préaux  Clercs, 

avec  ace.  de  quatuor 10  » 

Id.  avec  ace.  de  piano 7  50 

—  Op.   53.  Fantaisie    sur  Gustave ,  avec 

ace.  de  quatuor 10  » 

Id.  avec  ace.  de  piano 7  50 

—  Op.   59.    Fantaisie  sur   Lestocq,   avec 

ace.  de  quatuor 10  » 

Id.  avec  ace.  de  piano 7  50 

—  Op.    62.    Fantaisie    sur  le  Cheval  de 

Bronze,  avec  ace.  de  quatuor.   ...  10  » 

Id.  avec  ace.  de  piano 7  50 

—  Op.  86.  Deux  fantaisies  faciles  pour  flûte 

seule  sur  le  Val  d'Andorre,  2  suites, 
chaque 6    » 

—  Op.  87.  Quatre  fantaisies  faciles  pour 

flûte  seule  sur  le  Prophète,  2  suites, 
chaque,  net 2    » 

—  Op.  88.  Fantaisie  sur  le  Prophète,  avec 

ace.  de  quatuor,  net 5     » 

Id.  avec  ace.  de  piano,  net 4     » 

AIRS    D'OPÉRAS 

POUR  FLUTE  SEULE. 

Ambassadrice  (1'; 5  » 

Cheval  de  Bronze  (le) 5  » 

Dame  de  Pique  (la) 7  50 

Diamants  de  la  Couronne  (les) 5  » 

Domino  noir  (le) 5  » 

Enfant  prodigue  (1') 7  50 

Fra  Diavolo 5  » 

Guillaume  Tell 5  » 

Haydée 5  » 

Muette  de  Portici  (la) 5  » 

Part  du  Diable  (la) 5  » 

Philtre  (le) 5  » 

Pré  aux  Clercs  (le) 5  » 

Prophète  (le),  2  suites,  chaque 7  50 


SUITE  DES  OPERAS  POUR  FLUTE  SEULE. 

Puritains  (les) 5  » 

Robert  Bruce 5  » 

Serment  (le) 5  » 

Sirène  (la) 5  » 

Val  d'Andorre  (le) 7  50 

Zerline 7  50 

DUOS 

POUR    FLUTE    ET   PIANO. 

Cottijruies  et  lEéiiéilïct.  Duo  concertant 

sur  les  S,ouées  musicales  de  Rossini.     9     » 

—  et  IFessy.  Deux  fantaisies  sur  Gustave 

et  Aciéon,  suites,  chaque 7  50 

—  et  Klemczjn»ki. Trois  duos  brillants 

et    non    difficiles ,    sur    des    motifs 
d'Auber  : 
N°  1.  Le  Cheval  de  bronze  ....     7  50 
2.  Les  Chaperons  blancs.    ...     7  50 

2.  Actéon 7  50 

Beneux  et  Klemczy nskl.  Duo  dialogué, 

sur  la  Part  du  Diable  .......     7  50 

—  Ballade  et  Boléro  sur  les  Diamants  de 

la  Couronne 7  50 

—  Divertissement  concertant  sur  l'Ambas- 

sadrice  7  50 

—  Duo  brillant  sur  le  Domino  noir  ...     7  50 

—  et  Osborue.  Fantaisie  concertante  sur 

Guillaume  Tell 9    » 

—  et  Klemtzyiiski.   Duo  brillant    sur 

HayMe 7  50 

Fessy.  Fantaisie  sur  la  Cenerentola  ....  6  » 
'u'uiou.  Variations   brillantes  sur  la  marche 

de  Moïse 9    » 

—  Variations  sur  la  tyrolienne  de  la  Fian- 

cée     9     » 

—  Variations  sur  la  ronde  de  Fra  Diavolo.    9     » 

—  Trois  duos  concertants  sur  des  thèmes 

favoris  : 

N°  1.  Valse  du  Duc  de  Reischstadt  7  50 

2.  Thème  favori  de  Gustave  .    .  7  50 

3.  Cavatine  de  la  Zelmira  ...  7  50 

—  et  Sfaderniau.   Nocturne  sur  la  tyro-  „ 

lienne  de  Guillaume  Tell » 

—  Duo  brillant  sur  l'Elisirs  d'amore.   .   .     9    u 

—  Op.   81.   Fantaisie   concertante  sur   la 

Norma 9  » 

—  Variations  sur  l'Enfant  du  régiment..  9  » 

—  Grand  duo  sur  la  cavatine  delà  Piiobé.  .  9  » 

—  Duo  brillant  sur  un  Thème  original.  .  9  « 

—  Fantaisie  brillante  sur  le  PrëauxGlercs  9  » 

—  Duo  concertant  sur  le  Domino  noir  .   .  9  » 

—  Op.  85.  Trois  nocturnes  sur  les  Mélo- 

dies de  Schubert  : 
N"  1.  Les  Plaintes  de  la  jeune  fille 

et  la  Poste 7  50 

2.  La    Jeune    religieuse ,    Ave 

Maria,  et  l'Illusion.  ...     7  50 

3.  Le  Roi  des  Aulnes  et  la  Séré- 

nade   7  50 

—  Grand  duo  concertant  sur  Zanetta  .   .     9     » 

—  Le  Fruit  de  l'étude,  six  duos  faciles  et 

brillants,  composés  sur  les  motifs  les 
plus  célèbresdes  grands  compositeurs, 
2  suites,  chaque 9     » 

—  Le  Progrès,  six  duos  non  difficiles,  sur 

des  motifs  français  ,  italiens  et  alle- 
mands, 2  suites,  chaque 10     » 

—  Duo  brillant  sur  la  Sonnambula.  ...     9    » 

—  Duo  brillant  sur  /  Puritani 9     » 

—  Deux  nocturnes  sur  les  Soirées   musi- 

cales de  Rossini,  2  suites,  chaque  .   .     7  50 

—  Variations  àeconcertsuvl' Ambassadrice    9    » 

—  Six  morceaux  de  salon  non  difficiles,  sur 

dfll  thèmes  originaux,  3  suites  : 
N°  1.  Fantaisie  et  air  varié  ....     9    » 

2.  Impromptu   brillant  et    fan- 

taisie irlandaise 9    » 

3.  Rondo  et  boléro 9    » 

—  La  Soirée,  deux  duos  concertants,  en 

deux  sujets  : 

N"  1.  La  Chasse 7  50 

2.  Impromptu 7  50 

—  Souvenirs  de  Boulogne,  deux  duos,  en 

2  suites  : 

K°  1.  Sérénade  variée 7  50 

2.  Divertissement  pastoral.   .   .     7  50 

—  Les  Intimes,  deux  duos,  en  2  suites  : 

N°  1.  Fantaisie  de  salon 7  50 

2. Fantaisie  dramatique.   ...  7  50 

—  Duo  brillant  sur  Don  Juan 9    u 

—  Grand  duo  sur  Séiairamide 9    » 

— ■    Grand  duo  brillant  sur  la  Gazza  ladra  9    » 

—  2e  Grand  duo  sur  Guillaume  Tell ...  9     » 

—  Grand  duo  sur  le  Barbier  de  Séville.   .  9    » 

—  Grand  duo  sur  la  Muette  de  Portici.   .  9    • 

—  Grand  duo  sur  le  Val  d'Andorre  ...  9    » 

—  Grand  duo  sur  la  Donna  del  Lago.  .   .  9    » 


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•28  Novembre  1882. 


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Paris,  un  on 24  fr. 

Départements,  Belgique  et  Suisse 30 

Kt  ronger       31 


Le  Journa   parait  le  Diraa-icbe. 


GAZETT 


CALE 


SOMMAIRE.  —Du  Développement  futur  de  la  musique  dans  le  domaine  du  rhythme 
(7'  article)  par  Fétis  père.  —  Association  des  artistes  musiciens,  messe  de  Ste- 
Cécile,  composée  par  Ambroise  Thomas,  et  exécutée  à  Saint-Eustache.  —  Audi- 
tions musicales,  par  Blpiiri  Blaiiflianl.  —  Correspondances,  Bruxelles  et 
Berlin.  —  Nouvelles  et  annonces. 


DU  DEVELOPPEMENT  FUTUR  DE  LA  IBUSIQUE 

Dans  le   domaine  du  rltythine. 

(7'  article)  ()). 

Tout  nombre  qui  a  de  la  symétrie  peut  être  la  base  d'un  rhythme, 
bien  qu'il  y  ait  de  certains  nombres  dont  la  carrure  est  plus  sensible 
et  plus  agréable  à  notre  sentiment.  Le  nombre  de  cinq  mesures  est  de 
tous  le  moins  favorable  ;  néanmoins,  ainsi  que  je  l'ai  dit  dans  le  sixième 
article  de  ce  travail,  il  peut  former,  par  la  symétrie  ,  un  rhythme  pé- 
riodique très-régulier.  J'en  prends  pour  exemple  un  ancien  air  de  la 
Westphalie  : 

Herr  Oloff  reitet  spat  und  weit, 
Zu  bitten  auf  seine  Hoclizeit  Leut'. 

air  qui  semble  avoir  inspiré  à  Beethoven  le  thème  du  chœur  des  Der- 
viches des  Ruines  d'Athènes.  Tout  le  rhythme  de  sa  mélodie  est  com- 
posé de  phrases  de  cinq  mesures;  mais  la  correspondance  parfaitement 
régulière  de  toutes  ces  phrases  produit  un  rhythme  qui  n'a  rien  de 
choquant.  Voici  cet  air  : 
Allegro. 


m^^m^m 


o- 


t^jo^ 


ïàE^^^urm 


m=u=u 


^EEi^àEM. 


^=j=b==q=^fe^^i=j 


Jee^^^e^^ 


La  force  de  la  régularité  symétrique  est  si  grande  ;  elle  réveille  si 
bien  en  nous  le  sentiment  rhythmique  dans  la  construction  de  la 
phrase,  que    deux    rhythmes  de   caractères   différents,   c'est-h-dire 

(1)  Voir  les  n"  35,  36,  37,  40,  63  et  44. 


dont  l'un  est  binaire  et  l'autre  ternaire,  peuvent  concourir  à  la  for- 
mation d'un  rhythme  périodique  satisfaisant ,  ainsi  que  je  l'ai  déjà 
démontré  dans  un  des  articles  précédents.  On  en  trouve  des  exemples 
remarquables  dans  les  airs  populaires  de  diverses  nations.  Un  air  qui 
se  chante  sur  les  bords  du  Rhin  (  Es  ist  ein  Wirthshaus  an  dem 
Rhe'n)  (1),  nous  en  offre  un  qui  est  très-caractéristique  ;  le  voici  : 
Allegretto. 


La  succession  de  deux  en  deux  mesures  du  rhythme  ternaire  au 
rhythme  binaire,  et  de  celui-ci  à  l'autre,  établit  une  symétrie  qui  sa- 
tisfait le  sens  musical,  bien  que  le  premier  changement  de  rhythme 
lui  cause  d'abord  de  l'étonnement  et  de  l'incertitude.  Quant  à  la  se- 
conde partie  de  l'air,  elle  forme  une  période  parfaitement  régulière, 
composée  de  trois  phrases  de  deux  mesures  chacune  qui  finissent  au 
temps  levé,  sur  les  notes  marquées  d'une  X,  sauf  la  troisième,  qui  a 
un  temps  de  plus,  terminaison  nécessaire  pour  que  la  finale  soit  forte. 

Les  rhythmes  qui  commencent  au  temps  frappé  et  finissent  de 
même,  ont  une  cadence  plus  forte  que  ceux  dont  la  première  note  est 
à  l'extrémité  d'un  temps  levé,  particulièrement  lorsque  les  phrases 
qui  forment  la  période  sont  de  deux  mesures  chacune.  Ce  caractère 
rhythmique  est  général  dans  les  chants  populaires  des  nations  slaves. 
On  remarque  en  effet  que  les  chants  des  peuples  de  la  Russie  d'Eu- 
rope, de  la  Pologne  et  de  la  Bohême  commencent  tous  ou  presque  tous 
au  temps  frappé,  tandis  que  la  plupart,  ou  du  moins  le  plus  grand 
nombre  des  airs  chantés  par  les  nations  germaniques,  commencent  au 
temps  levé.  Parmi  les  1,100  airs  allemands  que  j'ai  recueillis',  963 
commencent  par  le  temps  levé. 

De  ce  que  je  viens  de  dire  concernant  les  chants  populaires  des  na- 
tions d'origine  slave,  il  ne  faut  pas  conclure  que  tous  ont  un  caractère 
rhythmique  uniforme  ;  car  la  musique  ayant  été  plus  cultivée  comme 
art  dans  la  Bohême  que  dans  la  Pologne  et  la  Russie,  depuis  environ 
trois  siècles,  le  rhythme  périodique  de  ses  airs  nationaux  est  plus 
régulier  que  celui  des  airs  de  danse  et  des  chansons  qu'on  entend  chez 
les  populations  slaves  répandues  entre  les  bords  de  la  Vistule,  du  Don 
I  et  du  Volga. 

(1)  Une  auberge  est  sur  le  Rhin. 


102 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


L'air  bohème  suivant,  appelé  Koslàtko,  peut  donner  l'indication  gé- 
nérale du  rhythme  périodique  des  mélodies  de  ce  pays  : 
Ândante. 


Les  chants  de  la  Gallicie,  de  la  grande  Pologne  et  de  la  Lithuanie, 
particulièrement  les  Krakowiaks,  les  Mazourkes  et  les  Polonaises  pro- 
prement dites,  sont  en  général  dans  un  rhythme  périodique  régulier, 
composé  de  phrases  de  quatre  correspondantes  ;  cependant,  les  chants 
très-anciens  ont  des  rhythmes  tout  à  fait  irréguliers  sous  le  rapport  de 
la  correspondance  des  phrases.  Il  est  vrai  que  la  plupart  de  ceux-là 
sont  dans  un  mouvement  lent,  ou  du  moins  très-modéré,  qui  affaiblit  la 
sensation  du  défaut  de  carrure.  En  voici  un  de  cette  espèce,  tel  que  l'a 
rapporté  le  célèbre  violoniste  Charles  Lipinski,  dans  la  collection  inti- 
tulée :  Piesni  polskie  i  ruskie  ludu  Galicyiskiego  (1)  (Lemberg,  1833, 
gr.  in-8°\ 

Moderato. 


wmisto  ne  Zmis-ty    -    lo     sia  wmis    -    -    to. 

A  ne  considérer  que  la  mélodie,  on  serait  tenté  de  l'analyser  ainsi  : 
une  phrase  de  quatre  mesures,  à  laquelle  en  succède  une  de  trois,  sui- 
vie d'une  de  deux,  qui  semble  terminer  la  période,  puis  enfin  une  de 
cinq;  mais  les  paroles  font  voir  que  la  phrase:  Ne  Zmisiylo  sia 
Wmisto,  ne  se  termine  qu'à  la  dernière  syllabe  du  dernier  mot, 
d'où  il  suit  que  cette  phrase  est  de  trois  mesures  et  la  dernière  de 
quatre. 

Beaucoup  d'airs  populaires  de  la  Russie  ont  le  rhythme  périodique  ; 
mais  s'il  en  est  dans  le  nombre  qui  ont  la  période  carrée  de  quatre  en 
quatre  mesures,  il  en  est  aussi  un  grand  nombre  dans  lesquels  la  pé- 
riode procède  de  trois  en  trois  mesures,  ou  même  de  six  en  six  ;  ce 
qui  leur  donne  un  caractère  original  auquel  ajoute  encore  le  système 
de  modulation.  On  connaît  celui-ci,  qui  a  servi  de  thème  à  plusieurs 
artistes  pour  des  variations,  et  dont  le  rhythme  périodique  est  de  trois 
en  trois  mesures  : 

J'oco  allegro. 


La  parfaite  régularité  de  ce  rhythme  donne  à  la  mélodie  toutes  les 
qualités  de  la  période  bien  cadencée;  mais  en  même  temps  le  nombre 
inusité  fait  naître  une  sensation  inattendue  qui  a  beaucoup  de  charme. 
La  mélodie  suivante,  dont  les  phrases  périodiques  sont  de  six  me- 
sures, ne  procède  pas  par  un  nombre  de  trois  doublé,  mais  par  une 
phrase  de  quatre,  complétée  par  une  coda  de  deux.  On  pourrait  trou- 
ver des  effets  très-heureux  dans  ce  système  rhylhmique  si  on  l'intro- 
duisait dans  l'art. 

(1)  Chants  polonais  et  russes  de  la  Galicie. 


Dans  les  diverses  provinces  de  l'immense  empire  de  Russie,  on  en- 
tend des  airs  chantés  par  les  paysans,  dans  lesquels  on  n'aperçoit 
pas  la  moindre  régularité  de  rhythme  périodique,  ou  plutôt  dans  les- 
quels il  n'y  a  ni  période,  ni  forme  bien  arrêtée  dans  la  mélodie.  Ces 
ai:s,  d'un  mouvement  très-lent  en  général,  sont  fort  anciens.  On  en  a 
inséré  quelques-uns  dans  la  grande  collection  publiée  à  Saint-Péters- 
bourg, en  1790.  Je  n'en  rapporterai  aucun  exemple,  parce  qu'il  n'y  a 
rien  à  tirer  de  cela  pour  l'art.  Ces  chants  semblent  être  l'expression 
d'une  mélancolie  profonde  et  découragée,  sans  règle  et  sans  suite. 

Les  chants  montagnards  de  la  Suisse  et  du  Tyrol  ont  presque  tous 
le  rhythme  périodique  carré,  mais  avec  des  repos  en  points  d'orgue 
dans  lesquels  le  chanteur  semble  reprendre  sa  liberté  pour  y  faire  en- 
tendre les  fantaisies  de  sa  voix  gutturale  ou  de  son  cor  alpestre.  Les 
anciennes  barcaroles  vénitiennes,  les  Vitlolles,  les  Froltoles  et  les 
Cansoni  Villanesche  de  Naples,  avaient  aussi  le  rhythme  carré,  mais 
avaient  des  mutations  de  mesures.  La  plupart  des  airs  populaires  de 
l'Italie  moderne  sont  en  rhythmes  périodiques  dont  les  phrases  sont 
(  orrespondantes  de  quatre  en  quatre  mesures,  et  quelquefois  de  trois 
en  trois.  On  a  publié,  il  y  a  environ  vingt-cinq  ans,  chez  Girard,  à 
Naples,  une  collection  d'airs  napolitains  parmi  lesquels  il  y  en  a  de 
charmants  :  tous  sont  en  rhythmes  carrés.  On  remarque  aussi  que  les 
anciens  airs  romains,  dont  la  mélodie  est  si  suave,  et  qui  .eurent  tant 
de  vogue  au  xvie  et  au  xvii"  siècle  sous  le  nom  de  Romanesche,  sont 
en  rhythme  périodique  de  quatre  en  quatre  mesures.  Les  Laudi  spiri- 
tuali,  dont  l'origine  est  plus  ancienne  encore,  et  qui  sont  de  véritables 
airs  populaires,  ont  le  même  rhythme.  Si  nous  considérons  la  France, 
nous  y  verrons  que,  de  temps  immémorial,  les  airs  populaires  y  ont 
le  rhythme  périodique  régulier.  Les  Noëls  de  la  Bourgogne  n'en  ont 
pas  d'autre.  11  en  est  de  même  des  chansons  provençales  et  des  an- 
ciens vaux-de-vire  de  la  Normandie.  Le  chanoine  Mahé,  dans  son 
Essai  sur  les  antiquités  du  département  du  Morbihan,  et  M.  de  La 
Villemarqué,  dans  son  intéressante  collection  des  chants  populaires  de 
la  Bretagne,  nous  en  font  connaître  un  grand  nombre  dont  le  rhythme 
périodique  est  régulier,  tantôt  par  des  phrases  de  quatre  en  quatre 
mesures,  mais  plus  souvent  de  deux  en  deux.  On  y  trouve  aussi  des 
rhythmes  symétriques  de  trois  en  trois  ;  par  exemple  dans  cette  mé- 
lodie : 


Quelquefois,  cependant,  les  chants  bretons,  comme  quelques-uns 
de  la  Norwége,  de  la  Servie  et  de  la  Valachie,  ont  une  finale  irrégu- 
lière par  une  mesure  ou  une  mesure  et  demie  ajoutée  à  la  période  ;  tel 
est  l'air  appelé  :  Mellezourion  arc' haut,  dont  le  rhythme  est  de  deux 
mesures  à  temps  levé,  et  qui  se  termine  par  une  finale  irrégulière  qui 
a  trompé  M.  de  La  Villemarqué.  Ce  savant  a  cru  que  la  mesure  binaire 
se  continuait  jusqu'à  la  fin,  tandis  que  le  refrain  est  en  mesure  ternaire. 
M.  de  La  Villemarqué  a  noté  ainsi  cette  mélodie  populaire  : 


DE  PARIS. 


303 


Mélancolique 


p£Éé£ÉHgp§^^^ll 


^^pi^iiŒiipi 


^ 


W^^^H^E^ 


Mais  la  véritable  notation  est  celle-ci  : 


§ 


^s^^6 


i" 


-P=F=P- 


fg^^Mggfeà^ 


On  voit  que  ce  refrain  est  en  mesure  ternaire,  à  temps  ternaires  et 
en  rhythme  périodique  ternaire.  La  variété  de  rhythme  et  la  tonalité 
du  plain-chant,  encore  en  usage  dans  les  chants  de  la  Bretagne,  sont 
les  principes  de  leur  originalité. 

Descendants  des  Celtes  comme  les  Bretons,  les  habitants  du  pays  de 
Galles  ont  dans  la  plupart  de  leurs  airs  le  rhythme  périodique  carré 
par  des  phrases  de  quatre  mesures.  Leur  affection  pour  ce  rhythme 
leur  a  même  fait  imaginer  un  artifice  singulier  pour  carrer  la  phrase 
lorsqu'elle  n'est  en  réalité  que  do  trois  mesures  :  il  consiste  à  interca- 
ler une  mesure  de  silence  entre  les  phrases,  comme  dans  cet  air  de  la 
contrée  méridionale  du  pays  : 


SlE^SBËËE^TfR 


f^B^^gtf^^pg^El 


IS^É^B 


Comme  les  habitants  de  l'ancienne  Scandinavie  ,  les  Welches  ou 
Gallois  ont  quelques  airs  dont  le  rhythme  à  périodes  régulières  de 
deux  en  deux  mesures  est  rompu  à  la  fin  par  une  coda.  Un  de  ces  airs 
est  dans  la  tonalité  singulière  qui  appartient  au  pays  de  Galles,  et 
qu'on  nomme  dans  la  langue  de  cette  contrée  Gogywair.  Cette  tonalité 
consiste  à  chanter  la  première  moitié  de  l'air  dans  le  mode  mineur,  et 
la  seconde  dans  le  mode  majeur.  Voici  cette  mélodie  : 


]  r 


On  peut  consulter  les  ouvrages  intéressants  de  W.  Jones  et  de 
M.  John  Parry,  tous  deux  bardes  gallois,  sur  les  singularités  rhythmi- 
ques  et  tonales  de  la  musique  populaire  de  leur  pays. 


Ouvrez  la  grande  collection  de  Ritson  pour  les  airs  originaux  de 
l'Angleterre,  vous  y  verrez  que  tous,  même  les  plus  anciens,  sont  dans 
le  rhythme  périodique  carré,  de  quatre  en  quatre  mesures  ou  de  deux 
en  deux.  Les  anciennes  mélodies  écossaises  et  irlandaises,  djnt  j'ai 
fait  voir  l'origine  orientale  dans  le  résumé  philosophique  de  l'histoire 
de  la  musique  placé  en  tête  de  la  Biographie  universelle  des  musi- 
ciens, ont  également  le  rhythme  périodique  carré.  Leur  originalité  pro- 
vient de  leur  forme  tonale  et  des  ornements  dont  elles  sont  entourées, 
mais  non  d'une  irrégularité  de  la  symétrie  rhythmiqae.  Les  grandes 
collections  d'airs  écossais  publiées  par  Elouis,  Stevenson  et  Crosby, 
n'en  contiennent  pas  un  seul  dont  les  phrases  ne  soient  pas  exacte- 
ment correspondantes;  mais  la  plupart  sont  écrites  dans  des  gammes 
incomplètes  comme  celles  de  l'Inde,  et  la  note  sensible  y  est  en  géné- 
ral retranchée,  comme  dans  celui-ci,  connu  sous  le  nom  de  Auld 
Eob  Morris  : 


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Dans  les  airs  originaux  de  l'Irlande,  il  y  a  aussi  suppression  de  cer- 
taines notes  de  la  gamme,  et  de  plus,  la  mélodie  finit  souvent  sur  une 
note  étrangère  à  la  tonique,  et  donne  le  sentiment  d'un  ton  différent  de 
celui  de  la  mélodie  ;  système  qui  a  de  l'analogie  avec  celui  de  cer- 
tains airs  chinois  et  malais  ;  mais  le  rhythme  périodique  est  toujours 
carré.  En  voici  un  exemple  qui  se  reproduit  dans  beaucoup  d'autres 
mélodies,  comme  on  peut  le  voir  dans  les  savants  ouvrages  de  Joseph 
Walker  et  de  Charles  Bunting.  L'air  que  je  donne  ici  a  pour  titre  : 
Eilighe  gheall  chiurï;  ce  qui  signifie  :  Le  charme  d'un  doux  regard. 

AUgretto.       -X-J-JgL 1+- ^L N  bw     ... 


Le  rhythme  périodique  de  cette  mélodie  est,  comme  on  voit,  carré 
de  quatre  en  quatre  mesures. 

En  vain  passerais-je  en  revue  les  chants  originaux  de  toutes  les  na- 
tions du  monde  ;  les  contrées  de  l'Orient  les  plus  éloignées,  les  peuples 
même  les  plus  sauvages  me  fourniraient  la  preuve  que  le  sentiment  de 
la  symétrie  rhythmique  est  inhérent  à  l'homme,  et  que  la  régularité 
de  nombre  est  un  des  éléments  de  son  organisation.  Si  quelquefois  il 
se  rencontre  une  exception  à  cette  règle  fondamentale,  c'est  à  la  chute 
d'une  période,  à  une  finale,  et  alors,  par  cela  même  qu'elle  est  une 
exception,  elle  frappe  par  son  originalité  et  peut  nous  plaire.  Un  air 
arabe  m'en  fournit  un  exemple  remarquable  en  ce  que  toute  la  mé- 
lodie a  le  rhythme  périodique  de  phrases  carrées,  et  se  termine  par  la 
chute  d'une  phrasé  de  deux  mesures  qui  a  beaucoup  de  charme.  Voici 
cet  air,  que  je  fais  rentrer  dans  le  système  de  notre  tonalité  en  sup- 


hOh 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


primant  tous  les  tiers  de  ton  du  système  arabe,  trop  étranger  à  nos 
habitudes,  pour  que  nous  en  puissions  considérer  les  intonations  au- 
trement que  comme  ces  notes  fausses  qui  affectent  quelquefois  notre 
oreille  dans  l'exécution  d'un  chanteur  ou  d'un  instrumentiste  mal  or- 


Ces  deux  dernières  mesures,  rompant  le  rhythme  carré  qui  règne 
dans  toute  la  mélodie,  est  d'un  effet  charmant.  Employée  dans  les 
couplets,  dans  les  romances,  et  en  général  dans  les  petites  pièces  à 
retour  fréquent  du  thème,  une  chute  semblable  introduirait  un  épisode 
inattendu  et  romprait  pour  un  moment  l'uniformité  du  rhythme  pé- 
riodique. Ainsi  que  je  viens  de  le  dire,  de  pareilles  exceptions,  loin  de 
rien  prouver  contre  la  règle  éternelle  de  la  nécessité  de  symétrie  dans 
le  rhythme,  démontrent,  au  contraire,  par  l'impression  qu'elles  pro- 
duisent, que  la  musique  n'est  pas  en  pareil  cas  dans  sa  situation  nor- 
male. Elles  sont  comme  la  dissonance  que  vous  prolongerez  autant 
que  vous  pourrez ,  que  vous  grouperez  avec  d'autres  dissonances, 
ayant  toutes  des  tendances  diverses,  mais  que  vous  devrez  enfin  ré- 
soudre ou  collectivement  ou  successivement,  sous  peine  d'être  en  op- 
position avec  le  sentiment  humain,  et  d'anéantir  l'art  qui  en  est  la 
plus  haute  manifestation.  Il  n'y  a  point  de  système,  point  de  fantaisie, 
point  d'audace  qui  aille  contre  ces  lois  de  la  nature  ;  le  fou  qui  ferait 
la  tentative  de  les  supprimer,  n'aboutirait  qu'à  la  nécessité  de  trouver 
un  asile  dans  ces  tristes  demeures  où  l'homme  déchu  se  montre  dans 
toute  sa  misère. 

Mais  si  l'on  ne  peut  anéantir  le  rhythme  périodique,  on  peut  con- 
vertir toute  exception  en  période  par  le  retour  symétrique  de  l'excep- 
tion :  car  toute  symétrie  est  un  rhythme.  C'est  par  cela  qu'il  me  sem- 
ble qu'on  peut  introduire  des  nouveautés  dans  le  rhythme  de  la 
période,  de  la  même  manière  que  j'ai  démontré  la  possibilité  d'enri- 
chir le  rhythme  de  temps,  de  mesure  et  d'accent,  d'une  multitude  de 
formes  auparavant  inconnues.  La  nécessité,  la  réalité  même  de  ces 
nouveautés  ne  sera  peut-être  pas  comprise  tout  d'abord,  fût-ce  même 
par  la  critique  ;  car  la  critique  est  parfois  un  peu  bourgeoise,  un  peu 
trop  habituée  à  cheminer  dans  l'ornière  de  l'habitude  ;  peut-être,  en- 
fin, le  temps  n'est-il  pas  venu  où  le  génie  ait  atteint  les  limites  de  son 
domaine  actuel  ;  mais  un  temps  viendra  où  il  faudra  enfin  explorer 
celui  du  rhythme,  dont  les  abords  seulement  ont  été  connus  jusqu'à  ce 
jour.  Alors  il  faudra  bien  se  hasarder  sur  ce  terrain,  encore  tout  en- 
vironné de  mystè  res,  et  le  fil  d'Ariane  qui  cachera  l'audace  de  s'y 
égarer  sera  la  loi  du  nombre,  la  loi  de  la  symétrie  dans  les  combinai- 
sons et  dans  le  retour  des  éléments. 

11  ne  m'est  pas  permis  de  faire  connaître  dans  ce  travail  sommaire 
toutes  les  formes  dont  les  rhythmes  nouveaux  sont  susceptibles  ;  mais 
j'ai  voulu  du  moins  en  donner  quelques  exemples  dans  les  planches 
qui  accompagnent  cet  article.  Ces  exemples  consistent  en  quatre  capri- 
ces, dont  le  premier  (exemple  A)  fait  voir  le  développement  d'une 
idée  rhythmique  de  trois  en  trois  mesures.  Le  second  (exemple  B) 
offre  un  rhythme  périodique  régulier  de  cinq  en  cinq  mesures.  Dans 
un  autre  morceau  (exemple  C),  j'ai  voulu  démontrer  la  possibilité  d'un 


rhythme  alternatif  de  phrases  de  quatre  et  de  trois  mesures,  et,  enfin, 
dans  le  dernier  (exemple  D),  j'ai  mis  en  opposition  symétrique  des 
phrases  de  quatre  mesures  et  de  deux.  Quelque  peu  d'intérêt  qu'of- 
frent ces  essais  au  point  de  vue  de  la  composition,  j'espère  qu'ils  en 
auront  dans  le  but  que  je  me  suis  proposé. 

FÉTIS  père. 


ASSOCIATION  DES  AETISTES-MUSICIEKS. 

Messe  de  Sainte-Cécile,  composée  par  Ambroise  Thomas, 
et  exécutée  dans  l'église  Saint-Eustache. 

Voici  la  seconde  messe  écrite  pour  l'Association  des  artistes  musiciens, 
et  consacrée  à  la  fête  de  leur  céleste  patronne.  Adolphe  Adam  avait 
donné  l'exemple,  il  y  a  deux  ans;  Ambroise  Thomas  l'a  suivi  de 
près,  animé  par  le  même  dévouement,  par  le  même  zèle.  C'est  une 
tradition  qui  vient  de  loin  et  de  haut.  Lorsqu'en  1738,  une  Société  des 
musiciens  fut  fondée  à  Londres,  Société  qui  depuis  ce  temps  jusqu'au 
nôtre  n'a  cessé  de  grandir  et  de  prospérer,  l'illustre  Haendel  l'inau- 
gura par  ses  travaux  et  par  son  génie.  Dès  l'année  1739,  il  composa 
tout  exprès  un  concerto  pour  le  jouer  dans  un  concert  au  bénéfice  de 
la  Société.  L'année  suivante,  il  se  signala  par  des  libéralités  du  même 
genre  ;  il  continua  ainsi  jusqu'à  sa  mort,  et  même  après  sa  mort,  puis- 
qu'il  laissa  par  testament  à  la  Société  une  somme  considérable. 

Plus  d'une  fois  déjà  nous  avons  cité  ce  noble  précédent  qu' Am- 
broise Thomas  était  si  digne  de  comprendre.  Honneur  aux  institutions 
qui  inspirent  de  tels  actes!  Honneur  aux  artistes  qui  se  sentent  la  force 
de  les  accomplir  avec  autant  de  succès  pour  l'institution  que  pour  eux- 
mêmes!  Ambroise  Thomas  a  trouvé  dans  ce  double  succès  la  ré- 
compense naturelle  de  ses  efforts  et  de  ses  peines.  Après  avoir  tant  de 
fois  réussi  clans  le  style  dramatique,  il  s'est  essayé  dans  le  style  reli- 
gieux. La  messe  exécutée  lundi  dernier  a  répondu  à  l'attente  géné- 
rale. C'est  une  œuvre  de  conception  élevée,  ingénieuse,  de  forme 
pure,  élégante,  qui  allie  la  grâce  à  la  majesté,  qui  intéresse  toujours 
et  ne  fatigue  jamais. 

Sans  entrer  dans  les  détails  d'une  analyse  qui  ne  peut  être  faite  que 
la  partition  à  la  main,  nous  dirons  que  tous  les  morceaux  de  cette 
messe  sont  empreints  du  caractère  qui  leur  convient.  Le  Kyrie,,  alun 
style  calme  et  doucement  mélancolique,  est  une  belle  préparation  au 
recueillement  et  à  la  prière.  Le  Gloria  s'annonce  avec,  tout  l'éclat  qui 
lui  est  propre,  les  appels  d'instruments  de  cuivre,  le  fracas  de  tout 
l 'orchestre  et  delà  masse  des  voix.  Au  milieu  de  cette  pompe  bruyante, 
le  cempositeur  a  placé,  comme  contraste  et  repos,  un  solo  de  voix  de 
femme  sur  des  paroles  simples  et  tristes:  Qui  tollis peccata  rnùndi, 
miserere  nobis.  Ce  solo  était  chanté  par  Mlle  Lefebvre,  qui  l'a  dit  avec 
beaucoup  de  sentiment. 

Dans  le  Credo,  attaqué  d'abord  par  les  voix  d'hommes,  auxquelles 
les  autres  voix  s'unissent  successivement,  un  autre  solo  pour  voix  de 
ténor,  sur  les  paroles  :  Et  incarnatus  est,  a  été  dit  par  Masset  avec 
toute  la  pureté  et  toute  la  sonorité  que  l'église  demande.  Ce  Credo, 
très-habilement  composé,  rempli  d'intentions,  de  combinaisons  que  le 
texte  justifie,  se  développe  avec  une  richesse  continue  et  se  termine 
avec  une  ampleur  qui  produit  un  grand  effet. 

Le  Sarïcivs,  chanté  par  Battaille,  est  encore  un  morceau  d'inspiration 
haute  et  sévère.  Tout  au  contraire,  YO  salularis  kostia  est  devenu, 
sous  la  plume  du  compositeur,  le  sujet  d'un  charmant  duo  pour  ténor 
et  basse,  que  Masset  et  Battaille  ont  dit  admirablement.  Les  mélodies 
en  respirent  la  suavité,  la  tendresse,  et  c'est  tout  bénéfice  pour  la  reli- 
gion. VAgnus  Dei,  chanté  par  Mlle  Lefebvre,  ramenait  les  paroles  du 
Qui  tollis,  mais  cette  fois  avec  une  expression  différente,  sur  un  thème 
naïf  et  presque  pastoral. 

Un  chœur  final  conronne  l'œuvre  entière.  Le  compositeur  a  choisi 
pour  thème  un  Laudate  en  plain-chant,  qu'il  a  travaillé  avec  tout  l'art 


L)E  PARIS. 


405 


du  contrepoint,  tout  le  savoir  ancien  et  moderne.  La  musique  du  Sanctus, 
qui  revient  sur  les  paroles  d'un  Hosannah  général,  forme  une  péro- 
raison magnifique  et  grandiose. 

Si  l'on  applaudissait  dans  le  lieu  saint,  Ambroise  Thomas  et  ses 
dignes  interprètes  auraient  reçu  immédiatement  d'unanimes  témoi- 
gnages de  sympathie  et  d'enthousiasme.  Nous  serions  tenté  de  dire 
avec  Mme  de  Sévigné,  qui  parle,  dans  ses  Lettres,  d'un  beau  jeune. 
sermon  :  c'est  une  belle  jeune  messe,  dont  l'auteur,  en  fuyant  la  rou- 
tine des  formules  scolastiques ,  en  se  gardant  de  vouloir  se  don- 
ner l'airtrop  farouche,  trop  austère,  s'est  appliqué  à  écrire  de  belles 
et  bonnes  choses  que  tout  le  monde  puisse  comprendre,  que  tout  le 
monde  se  plaise  à  écouter.  Ce  n'est  pas  nous  qui  reprocherons  à 
M.  Ambroise  Thomas  d'avoir  donné  à  certaines  parties  de  son  œuvre 
une  allure  théâtrale.  Nous  croyons  qu'il  n'était  réellement  possible 
d'éviter  ce  défaut,  si  c'en  est  un,  que  lorsqu'il  n'existait  pas  de  théâtre. 
Si  l'on  veut  de  l'église  pure  et  sans  mélange  profane,  alors  qu'on  s'en 
tienne  à  l'orgue,  aux  chantres  et  enfants  de  chœur  revêtus  de  chapes 
et  de  surplis. 

Six  cents  artistes,  dirigés  par  Tilmant,  remplissaient  le  milieu  de  la 
nef  principale.  Ces  artistes  étaient  venus  de  partout,  de  l'Opéra  (mal- 
gré la  pression  d'une  fâcheuse  concurrence),  de  l'Opéra-Comique,  du 
Théâtre-Italien.  Le  Conservatoire  était  là  tout  entier  :  pensionnaires, 
externes,  lauréats,  anciens  élèves.  Si  l'aristocratie  doit  s'effacer  quel- 
que part,  n'est-ce  pas  dans  la  maison  de  Dieu?  Aussi  voyait-on  Le- 
vasseur,  ce  grand  et  honorable  artiste,  confondu  dans  les  rangs,  autant 
qu'un  homme  de  sa  valeur  peut  l'être  ;  on  y  voyait  Mlle  Grimm  et  une 
foule  d'artistes  distingués.  Quant  à  Tilmant,  il  avait  repris  son  poste 
d'honneur,  avec  la  modestie,  l'abnégation,  mais  aussi  avec  la  vigueur, 
la  puissance  d'entraînement ,  de  chaleur  expansive,  qui  ont  fait  de  lui 
en  quelque  sorte  le  chef  d'orchestre  perpétuel  de  l'Association,  dans 
les  grandes  solennités  organisées  par  elle,  â  son  profit  et  à  celui  de 
l'art.  MM.  Batiste  et  Tariot  dirigeaient  les  chœurs.  Autour  de  l'orches- 
tre, une  enceinte  spéciale  avait  été  réservée  au  public  d'élite,  apparte- 
nant aux  lettres  et  aux  arts.  Les  dames  patronesses  occupaient  des 
stalles  d'honneur  :  c'étaient  Mmes  Zimmermann  ,  Adelphe  Adam , 
Mennechet  de  Barival,  Klein,  de  Talleyrand,  de  Narb.onne  et  de  Bel- 
lièvre.  Beaucoup  de  noms  dignes  d'être  cités  nous  échappent  sans 
doute  ;  mais  ce  que  nous  devons  dire,  c'est  que  la  quête  a  été  abon- 
dante, et  que  sainte  Cécile  ne  s'est  pas  montrée  moins  généreuse, 
moins  maternelle  que  par  le  passé  pour  ses  enfants  pauvres  et  mal- 
heureux. 

P.  S. 


AUMTIOIS  MUSICALES. 

ftics  derniers  quatuors  de  ISeethoven ,  par  5111.  llaurin,  Sabattier, 
Mas  et  Chevillard.  —  Une  Farrenc. —  Messe  «le  Cherubini  à  la 
Madeleine.  —  M.  Charles  Kancla. — SI.  K,  Louis.  —  Lettre  de 
BoKsiui. 

Les  séances  de  musique  sérieuse  paraissent  vouloir  prédominer 
pendant  la  saison  des  concerts  qui  va  bientôt  s'ouvrir.  M.  Hiller  en  a 
donné  l'exemple  par  l'exhibition  de  sa  propre  musique  dans  sa  matinée 
musicale  chez  Sax.  Voici  venir  ou  plutôt  revenir  M.  Maurin,  un  de  nos 
habiles  violonistes,  qui,  secondé  par  MM.  Sabattier,  Mas  et  Chevillard, 
vont  donner  quelques  séances  exclusivement  consacrées  aux  derniers 
quatuors  de  Beethoven  ;  ces  quatuors,  qui  ont  frappé  un  coup  retentis- 
sant dans  l'art  instrumental  :  ces  six  œuvres  exceptionnelles  qui  firent 
événement  à  leur  apparition,  et  ouvrirent  un  vaste  champ  à  la  contro- 
verse, à  la  crilique;  ces  quatuors,  enfin,  qui,  développant  l'intelligence 
musicale,  et  lui  donnant  plus  de  force  et  d'extension,  onL  essayé  de 
renverser  la  forme  classique  dans  laquelle  avait  excellé  leur  auteur,  ont 
renouvelé  les  sensations  que  fait  naître  la  science  des  sons,  et  créé  de 
nouvelles  émotions,  si  l'on  peut  créer  une  nouvelle  esthétique. 


Ce  qu'il  y  a  de  plus  singulier  à  l'audition  de  celte  musique  d'une  mé- 
lodie si  complexe  et  si  capricieuse,  et  en  même  temps  d'une  harmonie 
si  pure  et  d'un  style  si  sévère,  c'est  que  tout  cela  plaît  autant  aux  intel- 
ligences musicales  ordinaires,  aux  femmes  enfin,  qu'aux  artistes,  aux 
hommes  compétents  et  aptes  à  juger  ces  choses  compliquées. 

Nous  avons  assisté  aux  répétitions  tout  artistiques  et  religieusement 
faites  de  ces  quatuors,  et  nous  reviendrons  avec  plaisir  sur  le  bon  effet 
qu'ils  ne  peuvent  manquer  de  produire,  à  en  juger  par  celui  qu'ils  ont 
produit  au  Cercle  de  la  librairie  l'an  passé.  Cette  musique  est  admirable- 
ment dite,  au  reste,  par  les  quatre  exécutants. 

Mme  Farrenc,  qui  écrit  en  musique  d'un  style  classique  et  gracieux, 
a  donné  une  matinée  musicale  chez  M.  Pierson-Bodin,  dont  l'habile 
professeur  de  piano  au  Conservatoire  a  presque  fait  tous  les  frais.  La 
séance  s'est  ouverte  par  une  sonate  pour  piano  et  violon,  jouée  par 
Mme  Farrenc  et  M.  Cuvillon.  Cette  œuvre,  dans  la  couleur  de  celle  de 
Beethoven,  a  été  fort  bien  exécutée  par  l'auteur  et  M.  Cuvillon,  un  de 
nos  excellents  violonistes. 

Une  fantaisie  à  quatre  mains,  par  Pixis,  sur  Robert  le  Diable,  a  été 
dite  par  Mmes  Pierson-Bodin  et  Farrenc,  avec  cette  délicatesse,  ce  fini 
d'exécution,  qui  distinguent  ces  deux  habiles  pianistes  :  aussi  l'exécu- 
tion et  l'œuvre  de  Pixis  arrangée  avec  infiniment  de  goût,  ont-elles  été 
applaudies  par  tous  les  auditeurs. 

Un  nouveau  sextuor  pour  piano,  flûte,  hautbois,  clarinette,  cor  et 
basson,  a  été  exécuté  par  l'auteur,  MM.  Dorus,  Verroust  aîné,  Leroy, 
Rousselotet  Verroust  jeune,  de  manière  à  faire  saillir  toutes  les  finesses 
de  mélodie  et  les  artifices  d'ingénieux  savoir  qui  abondent  dans  ce 
nouvel  ouvrage  de  Mme  Farrenc.  C'est  la  sévérité  du  style  de  Spohr 
unie  à  la  grâce  du  savoir  de  Hummel.  Ainsi  que  la  sonate  qui  a  ouvert 
la  séance,  ce  sextuor  n'a  pas  de  scherzo.  On  se  demande  pourquoi,  et 
l'on  en  blâme  l'auteur,  qui  a  prouvé  plus  d'une  fois  que  l'originalité, 
l'esprit  et  la  verve  qui  doivent  présider  à  la  confection  de  cette  petite 
partie  des  œuvres  de  ce  genre,  sont  aussi  bien  de  son  domaine  que  la 
grâce  et  la  pompe  de  la  musique  sentimentale.  Ces  deux  dernières 
qualités  brillent  au  plus  haut  degré  dans  l'andante  de  son  sextuor. 
Les  six  voix  instrumentales  s'y  déploient  si  splendidement,  qu'on 
croit  entendre  une  symphonie. 

Un  duo  pour  flûte  et  piano,  dit  par  M.  Dorus  et  Mme  Farrenc,  a  ter- 
miné cette  séance  de  nouvelle  et  bonne  musique,  exécutée  avec  autant 
d'ensemble  qu'en  a  mis  l'auditoire,  charmé  de  pareils  interprètes,  à 
les  applaudir. 

—  L'association  particulière  d'un  certain  nombre  d'artites 
de  l'Opéra  a  célébré  la  fête  de  sainte  Cécile  par  l'exécution  d'une 
messe  solennelle  de  Cherubini,  exécutée  en  l'église  de  la  Madeleine. 
L'œuvre  de  l'ancien  directeur  du  Conservatoire  étant  connue  de  tous, 
nous  ne  croyons  pas  devoir  en  remettre  les  beautés  en  lumière.  Che- 
rubini a  été  parmi  nous  le  dernier  représentant  de  ce  qu'on  appelait 
alors  la  musique  religieuse,  le  style  sacré.  Depuis,  on  a  essayé  de 
changer,  de  transformer,  de  colorer  ce  style.  Nous  verrons  si  le  nou- 
veau aura  la  durée  de  l'ancien.  Cette  question  est  difficile  à  décider, 
attendu  que  la  musique  de  ce  genre  ne  peut  être  ni  applaudie  ni  im- 
prouvée. 11  faut  donc  s'en  rapporter  au  sentiment  des  artistes,  des  juges, 
qui  sont  souvent  des  juyeurs. 

Avant  la  bonne  exécution  de  la  belle  œuvre  de  Cherubini,  la  messe 
du  sacre  de  Charles  X,  une  question  de  préséance,  d'usurpation  ou  de 
pupitre,  comme  dans  le  poëme  du  Lutrin  de  Boileau,  a  surgi  entre  le 
chef  d'orchestre  et  le  chef  du  chant.  L'accord  de  cette  musique  sainte 
et  sacrée  aurait  pu  en  être  troublé  ;  mais  cette  légère  dissonance  s'est 
résolue,  éteinte  en  des  flots  d'une  harmonie  pure  et  céleste  qui  a  ré- 
sonné dans  la  vaste  enceinte  de  la  Madeleine  ;  et  l'auditoire  nombreux 
qui  garnissait  cette  somptueuse  basilique  s'est  relire  on  ne  peut  plus 
satisfait  du  chef-d'œuvre  du  maître  et  de  la  manière  dont  il  a  été  in- 
terprété. 

—  Eu  fait  de  bonne  musique,  en  style  pur  et  classique,  nous  devons 
mentionner  le  sixième  quatuor  pour  deux  violons,  alto  et  violoncelle, 


&06 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


composé  et  exécuté  par  M.  Charles  Dancla,  devant  un  auditoire  bon 
appréciateur  de  ce  genre  de  musique  qu'on  ne  saurait  trop  encourager  ; 
cet  auditoire  reconnaît  et  applaudit  toujours  en  M.  Dancla  la  verve  unie 
au  savoir,  comme  compositeur,  ainsi  que  la  chaleur,  l'élégance,  la  jus- 
tesse et  le  brio,  comme  exécutant. 

M.  N.  Louis  est  un  compositeur  pianiste,  violoniste  et  "  drama- 
tiste.  Il  a  beaucoup  écrit  de  musique  pour  la  petite  propriété  qui  cul- 
tive le  piano  ;  il  a  même  fait  de  la  décentralisation  musicale  :  il  a  com- 
posé et  fait  représenter  avec  succès  l'opéra  départemental.  S'il  ne 
voit  pas  l'art  d'aussi  haut  que  Beethoven,  Meyerbeer  ou  Rossini,  il 
s'exerce  et  réussit  dans  d'autres  conditions  musicales.  Il  vient  de  don- 
ner une  séance  dramatique,  lyrique  et  instrumentale.  La  belle  actrice 
du  théâtre  de  la  Porte-Saint-Martin,  Mlle  Jouvante,  a  récité  de  bons 
vers  écrits  par  M.  Méry,  avec  cette  bonne  diction  qui  la  distingue. 
Les  Fiancés,  drame  lyrique  en  six  parties,  et  quelques  fragments  des 
Deux  sergents',  opéra  joué  en  province,  ont  prouvé  que  M.  Louis  est 
suffisamment  mélodiste,  harmoniste,  instrumentiste  même,  pour  réus- 
sir au  sein  de  la  centralisation  artistique,  comme  il  a  réussi  par  la  dé- 
centralisation lyrique  et  dramatique. 

Mlle  Jouvante,  qui  récitait  les  vers  de  la  légende,  a  été  belle  et 
touchante,  et  a  vivement  impressionné  l'auditoire.  Le  piano  était  tenu 
par  Mlle  Jenny  Leroy,  jeune  pianiste  de  grand  avenir;  quant  à  Alard, 
qui  l'accompagnait,  il  a  été  tour  à  tour  chevaleresque  ,  tendre,  pas- 
sionné, sublime,  et  dans  la  cinquième  partie,  intitulée  Convoi  junebre, 
il  a  fait  verser  de  douces  larmes,  et  a  été,  avec  sa  charmante  partner, 
applaudi  avec  enthousiasme. 

La  première  partie  de  cette  intéressante  matinée  musicale  se  com- 
posait de  fragments  de  l'opéra  de  N.  Louis,  les  Deux  Seryents,  qui 
ont  été  fort  bien  chantés  par  Mlles  Girard  et  Dussy,  de  l'Opéra,  et 
M.  Talion,  du  Théâtre-Lyrique. 

Une  dame  italienne,  une  Corinne  au  petit  pied,  qui  improvise  à  loisir 
toute  sorte  de  musique  instrumentale  et  vocale,  a  envoyé  dernièrement 
à  l'auteur  de  Moïse  quelques-unes  de  ses  productions,  ce  qui  lui  a  valu, 
d'il  maestro  di  gran  genio  et  di  spirilo  un  poco  malisiero,  cette  ré- 
ponse : 

«  Ma  chère  madame  Ucelli , 

»  Mon  devoir,  est  de  vous  remercier  du  généreux  présent  que  vous 
m'avez  fait  de  vos  productions  musicales  :  la  Chasse,  à  grand  orches- 
tre ,  le  Salve  Regina,  à  quatre  voix,  et  Louise-Marie  au  ciel,  compo- 
sitions, qui,  à  mon  avis,  ont  le  don  de  la  spontanéité  des  idées  et  de  la 
simplicité  du  style,  qualités  fort  opposées  aux  artifices  mystiques  et 
lugubres  du  jour.  Se  tenir  en  silence  est  ce  qu'il  y  a  de  plus  prudent 
à  faire  maintenant.  Comprenez-vous?...  Vous  me  trouverez  peut-être 
étrange  de  vous  dicter  des  lois.  Que  voulez- vous?  Je  suis  pour  l'âge  et 
le  caractère  un  pédagogue  bourru,  ce  qui  ne  m'empêche  pas  cependant 
de  me  dire  pour  toujours  votre  très-affectionné. 

»  Rappelez-moi  à  votre  aimable  fille. 

»  Florence,  le  16  novembre  1852.  » 

»    GlOACCHINO    ROSSINI.    )) 

Henri  BLANCHARD. 


CORRESPOIDAICE. 

Bruxelles,  17  novembre  1852. 
Après  avoir  fait  languir  longtemps  ses  habitués,  la  direction  des  théâtres 
royaux  vient  enfin  de  leur  offrir  une  nouveauté.  La  première  représenta- 
tion de  la  Perle  du  Brésil  a  eu  lieu  la  semaine  passée.  Le  public  a  fait  bon 
accueil  à  la  partition  de  M.  Félicien  David,  bien  que  l'exécution  n'en  ait 
été  qu'assez  médiocre,  à  vrai  dire.  11  faut  de  toute  nécessité  pour  le  pre- 
mier rôle  de  femme,  pour  représenter  cette  perle  qui  a  nom  Zora,  il  faut, 
dis-je,  une  artiste  en  qui  se  résument  toutes  les  perfections  de  la  nature 
et  de  l'art.  Jeunesse,  beauté,  voix,  talent ,  voilà  tout  ce  qu'on  doit  trouver 
en  elle,  sous  peine  qu'il  n'y  ait  pas  d'illusion  pour  le  spectateur  et 
que  le  titre  môme  de  l'opéra  soit  un  mensonge.  Or,  nous  n'avons  qu'une 


première  chanteuse  provisoire  qui  a  du  mérite,  je  ne  le  conteste  pas,  qui 
a  plus  de  zèle  encore,  mais  qui  ne  réalise  pas  l'idéal  des  qualités  que  je 
viens  d'énumérer.  Celui  des  chanteurs  qui  s'est  le  plus  distingué  dans 
l'exécution  de  la  Perle  du  Brésil  est  M.  Balanqué.  Malheureusement,  son 
rôle  est  des  plus  secondaires  :  c'est  celui  du  chef  des  sauvages,  dont  l'ap- 
parition n'a  lieu  que  vers  la  fin  du  dernier  acte. 

La  question  des  prime  donne  du  grand  opéra  n'a  fait  qu'un  tout  petit 
pas  depuis  que  je  vous  ai  entretenu  des  embarras  causés  à  la  direction  par 
les  échecs  successifs  des  deux  titulaires  de  l'emploi.  On  a  écrit,  assure-t-on, 
à  une  artiste  qui  se  trouve  aux  Etats-Unis  pour  lui  faire  des  propositions 
d'engagement.  Quelque  rapides  que  soient,  de  nos  jours,  les  moyens  de 
communication,  notre  opéra  aura  le  temps  d'être  mort,  archi-mort  avant 
de  recevoir  ce  secours  de  l'autre  monde.  Pour  l'opéra  comique  nous 
aurons  du  moins  Mlle  Lemaire,  qui  est  engagée,  ainsi  que  vous  l'annoncez 
dans  votre  dernier  numéro,  à  dater  du  1er  décembre  prochain. 

Un  événement  inattendu  est  venu  nous  surprendre  au  milieu  de  notre 
calme  parfait.  II  s'agit  d'une  représentation  du  Prophète  donnée  par  Roger 
et  par  Mlle  Masson.  M.  Vizentini,  régisseur  des  théâtres  royaux,  a  eu  l'ex- 
cellente idée  de  solliciter  le  concours  de  ces  deux  virtuoses  pour  sa  soirée 
à  bénéfice,  et  il  a  eu  le  bonheur  de  réussir  dans  sa  négociation.  Je  vous 
laisse  à  penser  si  la  nouvelle  de  cette  solennité  a  été  accueillie  avec  joie 
par  le  public.  Annoncée  d'abord  pour  jeudi  dernier,  elle  fut  remise  par 
suite  d'une  dépêehe  télégraphique,  puis  fixée  définitivement  à  samedi, 
par  une  seconde  transmission  aérienne.  On  n'avait  pas  encore  apprécié 
les  avantages  de  la  télégraphie  électrique  en  matière  d'art  dramatique;  la 
voici  constatée.  Le  Prophète  n'a  été  nulle  part  l'objet  de  plus  d'admiration, 
de  plus  d'enthousiasme  qu'à  Bruxelles.  Il  faut  rendre  aux  dilettantes  de 
notre  capitale  cette  justice  qu'ils  ont  compris  les  beautés  du  chef-d'œuvre 
de  Meyerbeer.  On  a  donc  su  gré  à  Roger  et  à  Mlle  Masson  du  choix  qu'ils 
avaient  fait  de  cet  opéra.  Je  n'ai  pas  à  vous  dire  ce  qu'ils  ont  été,  le  pre- 
mier dans  Jean  de  Leyde,  et  la  seconde  dans  Fidès  ;  vous  savez  ce  dont  ils 
sont  capables.  Je  me  bornerai  à  constater  l'éclatante  ovation  qu'ils  ont 
reçue.  Ils  ne  devaient  donner  qu'une  seule  représentation  ;  mais  on  les  a  si 
vivement  pressés  qu'ils  ont  consenti  à  chanter  une  deuxième  fois  le  Pro- 
phète, en  présence  d'un  auditoire  aussi  nombreux  et  aussi  chaleureux  que 
le  premier  soir.  Il  ne  nous  reste  qu'un  regret,  après  les  jouissances  qu'ils 
nous  ont  fait  éprouver,  c'est  de  retomber  dans  la  nullité  des  artistes  or- 
dinaires, très-ordinaires,  hélas  !  de  notre  opéra. 

On  annonce  pour  cette  semaine  les  représentations  de  M.  Mocker,  et 
eomme  nouveauté,  on  s'occupe  du  dernier  opéra  comique  de  M.  Adam  : 
Si  fêtais  roi  ! 

Il  y  avait  plusieurs  années  que  Teresa  Milanollo  ne  s'était  fait  entendre 
à  Bruxelles.  Elle  a  reparu  sur  notre  horizon  musical  pour  faire  œuvre  de 
piété  en  même  temps  que  de  virtuosité  en  donnant  un  concert  pour  l'a- 
chèvement d'une  vaste  église,  dont  l'édification  a  été  entreprise  au  moyen 
des  seules  ressources  fournies  par  la  dévotion  publique.  C'est  à  peu  près 
ainsi  que  s'élevèrent  la  plupart  des  cathédrales  du  moyen  âge.  Seulement, 
au  lieu  de  stimuler  le  zèle  des  fidèles,  comme  on  le  faisait  alors,  par  des 
promesses  d'indulgences,  on  les  convie  à  des  concerts  de  piano  et  de  vio- 
lon. L'hiver  dernier,  Mme  Pleyel  avait  joué  deux  fois  au  profit  de  la  caisse 
où  s'alimentent  les  entrepreneurs  pour  la  continuation  des  travaux  de 
notre  nouvelle  église  ;  Teresa  Milanollo  vient  de  suivre  un  si  louable  exem- 
ple. Le  succès  a  été  complet;  succès  de  recette  d'abord,  puis  succès  d'ap- 
plaudissements et  de  fleurs.  Elle  a  joué  de  cet  archet  que  vous  lui  con- 
naissez plusieurs  morceaux  de  sa  composition,  entre  autres  une  fantaisie 
intitulée  :  A  ma  sœur  Maria,  souvenirs  et  regrets.  Ce  titre  ne  me  plaît  pas, 
Pour  jeter  de  la  variété  dans  son  morceau,  pour  mieux  faire  ressortir  des 
mélodies  douces  et  mélancoliques,  il  a  bien  fallu  y  introduire  certaines  de 
ces  difficultés  de  mécanisme  qu'on  désigne  sous  le  nom  d'agréments,  où 
des  gammes,  des  arpèges  et  des  traits  in  staccato  s'associent  mal  à  l'ex- 
pression de  douloureux  regrets.  Après  le  concert  dont  je  vous  parle,  Teresa 
Milanollo  a  été  sollicitée  par  des  sociétés  philanthropiques  d'Anvers  et  de 
Louvain  d'aller  coopérer  à  de  bonnes  œuvres ,  et  elle  l'a  fait  avec  cette 
grâce  qui  double  le  prix  d'une  action  généreuse.  Les  artistes  sont,  de  nos 
jours,  les  grands  bienfaiteurs  des  pauvres.  Il  n'est  ni  princes,  ni  prélats 
qui  fassent  d'aussi  larges  aumônes. 

M.  Lemmens,  notre  habile  organiste,  aussi  connu  à  Paris  qu'à  Bruxelles, 
depuis  que  vous  avez  enregistré  les  succès  qu'il  a  obtenus  en  touchant 
les  belles  orgues  de  Cavaillé-Coll,  a  donné  ces  jours  derniers,  chez  lui, 
une  séance  de  musique  classique.  Il  a  joué  des  sonates  en  dépit  du  pré- 
tendu bon  mot  de  Fontenelle,  et  des  fugues,  oui,  monsieur,  des  fugues,  de- 
vant un  auditoire,  eu  grande  partie  de  gens  du  monde,  et  qui  a  été  fort 
surpris  de  goûter  un  plaisir  extrême  à  l'audition  de  ce  genre  de  pièce 
dont  le  nom  seul  l'effrayait.  De  plus,  M.  Lemmens  a  fait  entendre  le  ma- 
gnifique clavier  complet  de  pédales  qu'il  a  reçu  depuis  peu  de  M.  Erard,  et 
.ont  il  tire  un  merveilleux  parti;  car  vous  savez  qu'il  joue  aussi  habile- 


DE  PARIS. 


i07 


ment  de  ses  pieds  que  d'autres  font  de  leurs  doigts.  Il  a  terminé  par  deux 
charmantes  improvisations  sur  l'orgue  expressif,  instrument  borné  dans 
ses  ressources,  mais  duquel  il  sait  obtenir  les  plus  piquants  effets. 

Tandis  que  deux  mois  au  moins  vous  séparent  de  la  saison  drs  concerts, 
les  soirées  musicales  sont  chez  nous  en  pleine  activité.  M.  David,  virtuose 
d'un  nouveau  genre,  a  donné,  il  y  a  peu  de  jours,  une  séance  bizarre  con- 
sacrée mi-partie  à  la  déclamation  et  au  chant.  Son  programme  était  la 
chose  la  plus  excentrique  du  inonde.  11  annonçait  qu'il  s'était  fait  entendre 
devant  tous  les  souverains  de  l'Europe,  et  qu'il  avait  donné  à  Londres  des 
soirées  avec  le  concours  de  Mines  Viardot,  Grisi,  Rachel,  MM.  Lablache, 
Mario,  ïhalberg,  Lcvassor.  Sainton  et  Piatti.  Comme  trouvez-vous  cette 
association  de  noms?  Airs,  ballades,  romances,  cantilènes, duos,  chansons, 
dialogues,  scènes  tragiques,  poésies  légères,  fables,  etc.,  tous  les  genres  sont 
abordés  par  M.  David,  parce  que  tous  les  genres  sont  bons,  hors  le  genre 
ennuyeux.  Je  cite  textuellement  le  programme.  Tous  les  genres  ont  paru 
également  ennuyeux  quand  M.  David  s'est  livré  à  la  déclamation  ;  mais  il  a 
un  jolie  voix  de  baryton  et  dit  très-agréablement  la  romance.  Il  a  obtenu 
un  succès  de  surprise;  car,  soit  modestie,  soit  calcul,  il  avait  prié  d'avance 
le  public  d'excuser  sa  complète  ignorance  des  règles  du  chant. 

Nous  aurons  cette  semaine  deux  séances  plus  musicales  :  un  concert  de 
M.  Géraldy  et  une  solennité  théâtrale  où  l'on  a  intercalé  un  intermède 
par  Mme  Pleyel  et  par  Mme  Ugalde ,  qui  vient  exprès  de  Paris.  Voilà  de 
vraies  bonnes  fortunes  pour  nos  amateurs. 


Berlin,  22  novembre. 

11  n'est  pas  si  facile  qu'on  pourrait  le  croire  de  deviner  pourquoi  je 
suis  resté  si  longtemps  sans  vous  écrire.  Jusqu'ici  la  musique  nous  a  fait 
défaut,  parce  que  nous  manquons  de  salle.  En  effet,  le  commencement  de 
la  saison  se  date  ordinairement  du  premier  concert  du  Conservatoire  ou  de 
la  reprise  des  soirées  de  symphonies  ;  celles-ci  devaient  être  précédées 
d'autres  solennités  importantes;  on  les  annonçait  de  semaine  en  semaine,  et 
elles  n'arrivaient  pas. —  Nous  n'avions  pas  de  salle,  et  voilà  pourquoi  je  ne 
vous  avais  pas  écrit  jusqu'ici.  Nous  n'avons  pas  encore  de  salle  et  je  vous 
écris  pourtant  :  c'est  que,  dans  l'intervalle,  il  est  survenu  quelques  faits 
intéressants,  et  que  plusieurs  exécutions  musicales  ont  eu  lieu  dans  un 
autre  local.  Mais  permettez-moi  d'abord  de  vous  dire  comment  il  se  fait  que 
nous  n'avons  pas  de  salle  de  concert.  «  Nous  avons  à  Berlin  un  magnifique 
édifice  consacré  aux  divertissements  publics,  dans  lequel  il  y  a  même  une 
petite  salle  de  spectacle,  »  disaient,  il  y  a  trente  ans,  les  méchantes  lan- 
gues, en  parlant  du  Schauspielhaus  nouvellement  construit  par  Schinkel, 
où,  à  côté  d'une  grande  salle  de  concerts  et  d'un  magnifique  local  de  bal, 
se  trouvait  un  espace  assez  restreint  consacré  aux  représentations  théâ- 
trales. Cette  salle  de  concerts  est  encombrée,  depuis  deux  mois,  non  pas 
d'auditeurs,  mais  de  coulisses,  de  charpentes,  d'échafaudages,  d'objets  de 
garderobe  et  de  bric-à-brac,  parce  que  l'on  restaure  l'intérieur  du 
Schauspidhaus.  On  promet  toujours  de  faire  évacuer  la  salle,  et  les  choses 
restent  dans  le  même  état.  Cette  salle  encombrée  est  l'écluse  qui  arrête 
toutes  nos  jouissances  musicales,  à  l'exception  de  celles  dont  je  vais  vous 
entretenir. 

Il  y  a  cinq  cents  ans,  je  crois,  ou  du  temps  de  saint  Louis,  existait  un 
compositeur  ayant  nom  Gluck;  cet  homme  est  naturellement  oublié  de- 
puis longtemps  ;  et  environ  vers  le  même  temps  vivait  un  roi  nommé 
Admète,  dont  le  souvenir  s'est  également  perdu,  ainsi  que  celui  de  son 
épouse  Alceste,  qui  doit  être  complètement  inconnue  aujourd'hui,  vu 
qu'elle  eut  la  ridicule  pensée  de  vouloir  mourir  pour  son  mari.  Je  ne 
sais  si  ledit  Gluck  était  maître  de  chapelle  à  la  cour  du  roi  de  Phères,  où 
régnait  Admète,  ou  s'il  y  avait  quelque  autre  emploi  ;  car  qui  peut  se  rap- 
peler toutes  les  anciennes  histoires  ?  —  Bref,  il  mit  l'aventure  d'Alceste  en 
musique  ;  et  c'est  de  toutes  ces  vieilleries  que  nous  nous  sommes  occupés 
jusqu'à  présenta  Berlin;  car  vous  connaissez  l'engouement  du  roi  pour  la 
musique  ancienne.  J'assistai,  moi  aussi,  au  drame;  je  vis,  ou  plutôt 
j'entendis,  ou  mieux  dire  je  rêvai.  Ah  !  le  singulier  rêve  que  je  fis  !  Il 
me  semblait  entendre  des  accords  merveilleux.  Sur  des  ailes  magiques, 
je  fus  transporté  dans  l'Olympe  ;  les  tonnerres  de  Jupiter  grondaient; 
Hercule  agitait  sa  massue;  Apollon  traversait  le  ciel  azuré  sur  son  char 

radieux;  une  gracieuse  figure,  respirant  la  douceur  et  la  dignité  sublime 

Mais  vous  n'avez  que  faire  de  mes  rêves.  J'ai  des  fonctions  bien  autrement 
importantes  à  remplir;  j'ai  à  vous  rendre  compte  de  tout  ce  qu'il  y  a  de 
remarquable,  de  miraculeux  chez  nous  en  fait  de  musique. 

Or  donc,  je  vous  mande  ce  qui  suit  :  le  20  du  mois  dans  la  salle  Kroll,  la 
réunion  de  chant  Erk  a  donné  un  concert  au  profit  de  l'institut  Luther; 
c'est,  je  crois,  une  maison  d'éducation  ;  mais  peu  importe,  c'est  moins  la 
philanthropie  que  la  philharmonie  qui  nous  regarde,  et  je  puis  dire  que  les 
Lieder,  arrangés  à  quatre,  cinq  et  six  voix,  et  chantés  a  capdla,  m'ont 
paru  fort  harmonieux.  Les  naïves  mélodies  populaires  nous  charment 


comme  les  fraîches  ;scnteurs  de  la  forêt.  Dans  les  intervalles,  de  Kroll 
a  fait  entendre,  sous  la  direction  de  M.  Engel,  les  ouvertures  à'Egmont  et 
de  Freisvhiilz. 

Le  même  jour,  une  autre  société  a  donné  le  premier  de  ses  con- 
certs au  profit  de  la  fondation  Gustave-Adolphe  ;  vous  voyez  que  chez 
nous  l'art  marche  toujours  de  pair  avec  la  bienfaisance.  Nous  y  enten- 
dîmes chanter  ou  jouer  des  personnes  fort  honorables  :  M.  le  cheva- 
lier d'Osten.  ténor  qui  à  l'aristocratie  de  la  naissance  joint  une  aristocratie 
artistique  peu  commune,  y  chanta  Adélaïde,  de  Beethoven;  Mme  Marchesi- 
Graumann,  belle  voix  de  contralto,  plusieurs  Lieders,  le  trio  de  Bee- 
thoven en  si  bémol  majeur,  un  psaume  de  Marcello.  Voilà  à  peu  près  les 
morceaux  les  plus  saillants  remarqués  au  programme. 

Avant  l'achèvement  de  la  salle,  je  ne  vous  écrirai  plus,  car  nous  avons 
beaucoup  de  choses  en  expectative  :  Paulus,  de  Mendelssohn,  soirées  de 
symphonies,  concerts  des  chœurs  du  Dôme;  au  théâtre  aussi  dans  cette 
semaine,  h  Prophète,  Euryanthe,  Titus,  Alceste  et  le  Postillon  de  Lonyjumeau. 
Pourvu  que  l'embarras  des  richesses  ne  nous  amène  par  la  pauvreté!  Cela 
s'est  vu  quelquefois. 

L.  HELLSTAB. 


NOUVELLES. 

#%  Aujourd'hui  dimanche,  par  extraordinaire ,  à  l'Opéra,  Robert-le- 
Diablc.  Mathieu  chantera  pour  la  première  fois  le  rôle  de  Robert. 

„.**  Une  indisposition  subite  empêchant  Massol  de  remplir  mardi  der- 
nier le  rôle  d'Ashvérus  dans  le  Juif  errant,  c'est  Merly  qui  l'a  remplacé. 
Le  jeune  artiste  ne  pouvait  désirer  ni  obtenir  un  succès  plus  complet.  Sa 
belle  voix  s'est  déployée  avec  tous  ses  avantages  dans  ce  rôle  où  le  chant 
tient  une  large  place.  Sa  physionomie,  ses  gestes,  n'ont  pas  été  moins  re- 
marquables. Applaudi  avec  chaleur,  Merly  a  été  rappelé  plusieurs  fois. 
Nous  le  félicitons  d'avoir  si  bien  profité  d'une  occasion  que  le  hasard  lui 
a  procurée.  Son  talent  fera  le  reste. 

***  Moïse  fait  toujours  salle  comble.  Vendredi,  Chapuis  ne  pouvant 
chanter,  Kœnig  a  rempli  son  rôle  le  cahier  à  la  main. 

„%  C'est  à  un  opéra  en  deux  actes,  et  non  en  cinq,  que  Ilalévy  tra- 
vaille en  ce  moment  pour  notre  première  scène  lyrique. 

„*»  L'Opéra-Comique  répète  activement  l'ouvrage  en  trois  actes  de  Scribe 
et  Auber,  dans  lequel  débutera  Mlle  Caroline  Duprez.  La  première  repré- 
sentation en  est  annoncée  pour  le  commencement  du  mois  prochain. 

„**  S.  A.  I.  le  Prince-Président  a  envoyé  au  directeur  de  l'Opéra-Co- 
mique,  aux  auteurs  de  la  cantate  et  aux  artistes  qui  l'ont  exécutée,  de 
riches  cadeaux  en  souvenir  de  la  représentation  solennelle.  MM.  Emile 
Perrin,  Méry,  Adolphe  Adam,  Battaille,  ont  reçu  chacun  une  tabatière 
enrichie  de  diamants  ;  Mme  Ugalde,  une  broche  montée  en  diamants  et 
pierres  précieuses;  Mlle  Wertheimber,  un  bracelet  en  diamants;  Mlle  Le- 
fèvre,  un  bracelet  en  émeraudes. 

***  Le  Théâtre-Italien  a  repris  jeudi  dernier  la  Sonnambula,  de  Bellini, 
pour  les  débuts  de  Mlle  Beltramelli  dans  le  rôle  d'Amina.  Sans  être  tout 
à  fait  dépourvue  de  mérite,  la  débutante  n'est  pas  non  plus  destinée  à 
produire  une  grande  sensation.  Les  notes  élevées  de  sa  voix  ont  du  charme, 
mais  le  médium  manque  de  force,  et  les  défauts  naturels  de  la  cantatrice 
ne  sont  pas  rachetés  par  l'excellence  de  la  méthode.  Calzolari  et  Belletti 
ont  chanté  les  deux  autres  rôles  avec  tout  leur  talent. 

*%  Luisa  Miller  doit  être  représentée  sous  peu  de  jours.  Sophie  Cru- 
velli  chantera  le  rôle  principal. 

*%  C'est  Mlle  Petit-Brière  qui,  dans  la  Perle  dit  Bré  il,  au  Théâtre- 
Lyrique,  remplit  le  rôle  créé  l'année  dernière  par  Mlle  Duez. 

***Si  fêtais  roi  !  et  le  Postillon  de  Longjtimeau  ne  cessent  d'occuper 
l'affiche  et  d'attirer  la  foule. 

**„,  La  Poupée  de  Nuremberg,  chantée  par  Mme  Cabel,  obtient  un  succès 
de  vogue  au  théâtre  de  Lyon. 

,,*,,  Le  même  ouvrage  n'a  pas  moins  réussi  à  Versailles,  où  Mlle  Petitpa 
chantait  le  rôle  principal. 

%%  Mme  Stoltz  a  couronné  ses  brillants  succès  à  Rio-Janeiro  par  une 
représentation  à  son  bénéfice,  composée  d'une  scène  de  Charles  17,  du 
troisième  et  du  quatrième  acte  de  ta  Favorite,  et  d'un  ballet. 

„**  La  Zanchioli,  cantatrice  des  plus  distinguées,  vient  d'être  engagée 
au  théâtre  de  la  Pergola  de  Florence,  pour  jouer  le  rôle  de  Fidès  dans  le 
Prophète. 

***  Duprez,  le  grand  artiste,  le  grand  chanteur,  a  rouvert  les  cours  dans 
lesquels  il  enseigne  avec  tant  d'autorité  l'art  qu'il  a  exercé  avec  tant  de 
gloire.  Il  est  superflu  de  dire  que  les  élèves  y  sont  nombreux,  et  que  la 
foule  des  amateurs  s'empresse  de  recueillir  les  préceptes  de  la  bouche 
même  de  l'auteur  de  l'Art  du,  chant.  Un  professeur  qui  peut  montrer  des 
élèves  telles  que  Mlle  Félix  Miolan  ,  Mlle  Poinsot  et  sa  charmante  fille, 
sans  parler  de  bien  d'autres,  n'a  pas  besoin  d'éloges ,  et  se  passe  fort 
bien  de  recommandation. 

„*,,  Plusieurs  journaux  ont  annoncé  par  erreur  que  la  distribution  des 
prix  au  Conservatoire  de  musique  et  de  déclamation  se  ferait  aujour- 
d'hui. Il  est  probable  que  cette  solennité  aura  lieu  dimanche  prochain, 
5  décembre. 


408 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS. 


*±  Berlioz  est  de  retour  à  Paris  après  une  excursion  des  plus  bril- 
lantes, sur  laquelle  on  trouvera  plus  loin  quelques  détails.  (Voyez  Chroni- 
que étrangère  :  Weimar.) 

t*t  Vivier  est  revenu  depuis  le  commencement  de  la  semaine.  Il  a  fait 
route  avec  M.  le  comte  Bacciochi  et  le  nouvel  ambassadeur  ottoman,  Wely- 
Pacha. 

t*t  Ernst  est  toujours  à  Lyon.  Ce  qui  prouverait  ses  succès  dans  cette 
ville,  s'il  y  avait  besoin  de  preuves  à  cet  égard,  c'est  qu'après  avoir  déjà 
donné  deux  soirées  dans  la  grande  salle  des  Concerts,  après  avoir  joué 
dans  une  soirée  de  quatuors,  chez  Georges  Hainl,  le  célèbre  violoniste  est 
encore  retenu  pour  deux  ou  trois  concerts  au  grand  théâtre. 

t%  Le  ténor  de  Lagrave  chantait  dernièrement  le  rôle  d'Edgard,  de 
Lucie,  sur  le  théâtre  d'Abbeville,  avec  un  succès  complet. 

t*t  Chelard,  l'auteur  de  Macbeth,  correspondant  de  l'Institut,  actuelle 
ment  maître  de  chapelle  à  la  cour  de  Weimar,  est  â  Paris  en  ce  moment. 
Nous  espérons  qu'il  ne  quittera  pas  Paris  sans  nous  faire  entendre  quel- 
ques-unes de  ses  œuvres  nouvelles. 

»%  Un  jeune  violoniste,  M.  Giraud,  est  venu  jouer  sur  le  théâtre  de 
Marseille,  entre  deux  actes  du  Postillin  de  Longjumeau.  deux  fantaisies  de 
Vieuxtemps,  de  manière  à  ne  laisser  aucun  doute  sur  ses  qualités  de  vir- 
tuose. 

CHRONIQUE     ÉTRANGÈRE. 

%*  Weimar,  23  novembre.  Notre  cour,  qui  continue  avec  une  si 

admirable  persévérance  les  nobles  et  grandes  traditions  qui  l'ont  illustrée, 
vient  de  donner  ces  jours-ci  plusieurs  fêtes  musicales  à  l'occasion  de  la 
représentation  de  l'opéra  de  Berlioz ,  Benvenuto  Cellini.  Le  succès  en  a 
i-té  aussi  grand  que  Berlioz  lui-même  ait  pu  jamais  le  désirer.  Benvenuto, 
monté  par  les  soins  de  son  ami  Liszt  avec  un  goût  et  une  intelligence 
qu'on  ne  saurait  trop  louer  et  qui  prouvent  un  amour  passionné  de  l'art, 
a  été  joué  deux  fois  sur  le  théâtre  de  la  cour  au  milieu  des  applaudisse- 
ments les  plus  enthousiastes.  Les  deux  fois,  la  salle  était  comble,  car  il 
était  venu  une  multitude  de  spectateurs  de  toutes  les  villes  environnan- 
tes, d'Iéna,  de  Brunswick,  de  Hanovre,  de  Leipsick,  etc.  Le  triomphe  de 
Berlioz  a  été  complet.  A  la  première  représentation,  il  a  été  rappelé  après 
le  troisième  acte  avec  tant  d'instance  que  l'intendant  du  théâtre  est  venu 
le  prier  de  paraître  pour  eu  finir  avec  l'opiniâtreté  du  public.  La  seconde 
représentation ,  dirigée  comme  la  première  par  Liszt  en  sa  qualité  de 
maître  de  chapelle,  n'a  pas  été  moins  bri'lante  et  moins  chaleureuse.  Sa- 
medi, nous  avons  eu,  sous  la  direction  de  Berlioz  en  personne,  un  con- 
cert qui  a  confirmé  l'éclatant  succès  de  Benvenuto  Cellini.  Le  programme 
se  composait  de  sa  symphonie  de  Roméo  et  JulieVe  complète  et  des  deux 
premiers  actes  de  son  Faust.  C'était  beaucoup  peut-être  pour  un  concert 
ordinaire  ;  mais,  en  dépit  de  l'heure  avancée,  on  a  fait  cependant  répéter 
un  très-grand  nombre  de  morceaux.  Berlioz  devra  conserver  le  plus  vif 
souvenir  de  cette  soirée,  où  tous  les  témoignages  imaginables  d'admira- 
tion et  de  sympathie  lui  ont  été  prodigués.  L'Académie  de  chant  de  Wei- 
mar avait,  pour  la  première  fois,  consenti  à  se  joindre  aux  artistes  du 
théâtre  pour  exécuter  les  chœurs.  La  plupart  des  dames  amateurs  douées 
de  belles  voix  et  de  quelque  savoir  en  musique  s'y  trouvaient,  et  l'exécu- 
tion, témoignage  du  soin  avec  lequel  elles  avaient  assisté  à  de  longues  ré- 
pétitions, a  dû  satisfaire  l'auteur.  A  la  fin  du  concert,  le  grand-duc  et  la 
grande-duchese  l'ont  fait  appeler  dans  leur  loge,  et  après  l'avoir  com- 
plimenté de  la  manière  la  plus  gracieuse,  le  grand-duc  lui  a  fait  remettre 
son  ordre  du  Faucon-Blanc.  Le  lendemain,  il  a  dîné  à  la  cour;  le  minis- 
tre de  France,  M.  de  Talleyrand,  assistait  à  ce  dîner,  et  il  a  remercié  le 
grand-duc  de  la  bonté  avec  laquelle  il  avait  accueilli  son  illustre  compa- 
triote. Enfin,  hier  lundi,  le9  artistes  du  théâtre,  ainsi  qu'un  grand  nombre 
d'amateurs  et  d'étrangers,  se  sont  réunis  pour  donner  à  la  maison  de 
ville  même,  au  Sladi-Haus,  un  grand  dîner  à  Berlioz.  Le  banquet  a  été 
splendide  et  suivi  d'un  bal.  Plusieurs  toasts  ont  été  portés  en  allemand  et 
en  français.  Au  dernier,  les  artistes  de  la  chapelle  ducale  ont  offert  au 
héros  de  la  fête  un  bâton  de  chef  d'orchestre  en  argent,  et  à  trois  heures 
du  matin,  au  moment  de  monter  en  wagon  pour  retourner  à  Paris,  Ber- 
lioz les  a  retrouvés  à  l'embarcadère,  où  ils  étaient  réunis  pour  le  saluer 
encore  de  leurs  sympathiques  hourras. 


t%  Hambourg.  —  Giralda,  l'opéra  d'Adolphe  Adam,  a  été  représenté 
avec  le  plus  grand  succès  au  théâtre  de  la  ville  :  la  salle  était  comble.  Les 
principaux  acteurs  ont  été  rappelés  après  le  second  acte  et  à  la  fin  de  la 
pièce. 

„,%  Hanovre.  —  Le  maître  de  concert,  Hellmesberger,  est  mort  ici  le 
12  novembre;  cet  artiste,  d'un  si  bel  avenir,  n'avait  point  encore  atteint 
sa  vingt-troisième  année. 

*%  Brunswick.  —  On  a  mis  à  l'itude,  à  notre  théâtre,  un  opéra  nou- 
veau dont  l'auteur  est  une  dame.  Othon  l  archer,  tel  est  le  titre  de  la  par- 
tition que  l'on  doit  au  talent  de  Mme  Elisa  Schmezer. 

t*#  Presbuarg.  —  La  Société  de  musique  a  célébré  pour  la  20°  fois  la 
fête  de  sainte  Cécile,  à  la  cathédrale,  où  l'on  a  entendu  cette  année  une 
messe  de  M.  de  Righini.  Cette  Société  a  exécuté,  depuis  sa  fondation,  1 ,448 
messes  ;  elle  a  donné  en  outre  171  concerts. 

t*„  Brème.  —  Guidoet  Ginévra,  d'Halévy,  a  été  donné  ici  pour  la  pre- 
mière fois,  avec  Mme  Mittermayer  et  M.  Weiss;  le  succès  a  été  des  plus 
brillants. 

*%  Vienne.  —M.  le  comte  F.  Pallfy,  l'un  des  plus  généreux  protecteurs 
des  arts  et  des  artistes,  vient  de  mourir  à  Vienne. 


—  Cours  de  chant  et  de  solfège.  Mlle  llémond,  élève  de  M.  Panseron,  ou- 
vrira chez  elle,  rue  des  Noyers,  65  (ancienne  rue  du  Foin-Saint-Jacques), 
un  cours  de  chant  et  de  solfège  destiné  aux  jeunes  personnes.  Ce  cours 
commencera  le  mardi  7  décembre  1852,  de  2  â  4  heures,  et  continuera 
le  mardi  et  le  vendredi  de  chaque  semaine,  à  la  même  heure.  Pour  les 
conditions,  Mlle  Rémond  recevra  tous  les  mercredis,  de  2  à  5  heures. 

—  En  trois  mois,  M.  Dorval  Valentino,  l'un  de  nos  plus  habiles  profes- 
seurs de  chant,  fait  surmonter  à  la  fois  les  difficultés  de  la  lecture  musi- 
cale et  de  la  mesure  ;  celles  de  la  pose  des  sons,  de  la  vocalise,  de  la 
prononciation,  de  l'expression  et  de  la  diction  intelligente  du  récitatif. 
Cet  ingénieux  démonstrateur,  auteur  d'un  traité  approuvé  par  le  Conser- 
vatoire :  CArt  de  la  prononciation  appliquée  au  chant,  continue  ses  cours 
rue  Saint-Lazare,  6. 

—  On  demande,  pour  un  magasin  d'instruments  de  musique  à  Paris, 
une  jeune  dame  sachant  bien  toucher  du  piano  et  connaissant  un  peu  sa 
tenue  des  livres  Répondre  franco  poste  restante  à  Paris,  à  Mme  L.  B.  C. 

—  Pour  faire  place  aux  instruments  de  nouvelle  fabrication,  la  maison 
Pape  désire  se  défaire  d'un  certain  nombre  de  pianos  d'occasion  de  toute 
espèce;  ils  seront  vendus  à  très-bas  prix,  et  ceux  de  la  fabrique  remis  à 
neuf  et  garantis.  10,  rue  de  Valois,  Palais-Royal. 


MM.    BEBSTHARDI   nts  et  C,e, 

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K«  49. 


REVUE 


5  Décembre  18î>2. 


rli  «:-■  i  tlmuiu'iiictit  i 


Pons,  un  UIi 

Dîpartements,  Re'glqae  el  Sui< 
fitronfrer       


Iticgerstr. 


Lo  Jniirn.i    paroit  le  Dimanche. 


GAZETTE  MUSICALE 


Bl    FÂIIS 


SOMMAIRE.  —  Création  d'un  musée  musical,  par  Edouard  E'Vtis.  —  Auditions 
musicales,  par  Henri  Klaiicliari'.  —  Correspondance,  Saint-Pétersbourg, 
l'O-péra-Italien-,  affaire  Galitzin-Schindler,  un  manuscrit  de  Beethoven,  par  B. 
Dumckc.  — Collections  curieuses  de:  musique  ancienne.  —  Société  Sainte- 
Cécile.  —  Nouvelles  et  annonces. 


DE  LA  CRÉATION  D'DN  MUSÉE  MUSICAL. 

Il  existe  des  musées  de  toute  espèce,  des  musées  d'antiquités  égyp- 
tiennes, grecques  et  romaines,  des  musées  d'architecture,  de  statuaire 
et  de  peinture,  des  musées  d'armures,  des  musées  céramiques,  des 
musées  de  meubles  et  d'objets  usuels  du  moyen  âge,  des  musées  d'his- 
toire naturelle,  des  musées  maritimes,  des  musées  de  machines,  des 
musées  de  tapisseries,  des  musées  de  costumes  et  de  voitures,  des 
musées  littéraires  et  iconographiques.  Aucun  établissement  de  ce  genre 
n'a  été,  jusqu'à  ce  jour,  consacré  à  la  musique.  C'est  une  lacune,  on 
peut  le  dire  sans  faire  de  ce  mot  un  nouvel  abus,  c'est  une  lacune  que 
la  France  devrait  tenir  à  honneur  de  combler. 

Veut-on  savoir  comment  bâtissaient  nos  pères,  comment  ils  guer- 
royaient, comment  ils  se  vêtissaient,  comment  ils  organisaient  la  vie 
matérielle  dans  l'intérieur  de  leur  ménage,  quelles  ont  été  leurs  con- 
quêtes successives  dans  le  domaine  des  arts  mécaniques,  on  peut  re- 
courir aux  collections  des  Petits-Augustins,  du  Louvre,  de  la  rue  Saint- 
Thomas-d'Aquin,  de  l'hôtel  Cluny  et  de  la  rue  Saint-Martin.  Mais  si 
l'on  a  envie  de  connaître  les  instruments  de  musique  qui  servaient  à 
leur  récréation  intellectuelle,  il  faut  se  contenter  des  descriptions  con- 
tenues dans  des  traités  rares  et  indéchiffrables  pour  le  plus  grand 
nombre.  Quelques  érudits  ont  seuls  les  moyens  de  satisfaire  sur  ce 
point  leur  curiosité.  Or,  la  musique  est,  de  tous  les  arts,  celui  qui  est 
le  moins  fait  pour  demeurer  le  privilège  des  érudits. 

Il  serait  digne  du  pays  où  la  musique  a  pris  son  plus  grand  dévelop- 
pement, il  serait  digne  de  la  France  de  fonder  un  musée  musical. 
Quels  devraient  être  les  éléments  d'une  pareille  collection?  C'est  ce  que 
nous  allons  essayer  d'établir,  en  esquissant  un  plan  d'organisation  que 
les  avis  des  hommes  spéciaux  feront  modifier  et  compléter  au  besoin. 

Le  musée  en  question  comprendrait  les  modèles  de  tous  les  instru- 
ments de  musique  en  usage  depuis  les  siècles  les  plus  reculés  jusqu'à 
nos  jours.  Les  gens  qui  voient  des  difficultés  à  tout  vont  nous  arrêter 
en  objectant  que  les  monuments  manqueront  pour  les  temps  primitifs, 
et  que  cette  partie  de  notre  collection  brillera  surtout  par  ses  lacunes. 
Nous  commencerons  donc  par  déclarer  que  nous  n'admettons  pas  de 
lacunes.  Assurément,  on  chercherait  longtemps  si  l'on  voulait  trouver 
les  trompettes  que  fit  construire  Moïse  d'après  l'ordre  de  Dieu,  ou  bien 
la  harpe  dont  se  servit  David  pour  calmer  les  fureurs  de  Saiil  ;  mais  à 
défaut  des  originaux,  on  peut  avoir  des  copies.  Nous  voudrions  donc 
qu'en  l'absence  des  instruments  engloutis  dans  le  grand  naufrage  des 


siècles,  il  en  fût  exécuté  des  modèles  aussi  exacts  que  possible,  soit 
d'après  les  descriptions  qu'en  ont  laissées  les  auteurs,  qtiand  on  en 
sera  réduit  à  leur  seul  témoignage,  comme  pour  les  temps  héroïques  et 
bibliques  ;  soit  d'après  les  vestiges  qu'on  en  trouve  dans  les  fragments 
de  la  peinture  et  de  la  statuaire  des  Egyptiens,  des  Grecs  et  des  Romains. 

Les  archéologues,  qui  n'ont  d'estime  que  pour  les  objets  marqués 
d'un  cachet  de  vétusté  parfaitement  authentique,  souriront  de  pitié  à 
à  l'idée  de  ces  antiquités  de  fraîche  date.  Nous  les  laisserons  faire  et 
nous  poursuivrons  notre  projet,  sauf  à  nous  passer  de  leur  approba-  ' 
tion.  Nous  aussi  nous  aimons,  nous  vénérons  les  reliques  des  temps 
anciens  ;  mais  quand  ces  reliques  nous  manquent,  nous  consentons  à 
ce  qu'on  en  fabrique  de  modernes.  Il  ne  s'agit  que  des  reliques  de 
l'art,  nous  nous  empressons  de  le  déclarer,  afin  qu'on  ne  crie  pas  au 
sacrilège.  Quand  on  fait  des  copies  de  tableaux  des  anciens  maîtres  ; 
quand  on  restaure  les  édifices  gothiques  dans  leur  style  primitif;  quand 
on  imite  les  formes  du  moyen  âge  et  de  la  renaissance  dans  l'ébénis- 
terie,  l'orfèvrerie  et  la  céramique,  fait-on  autre  chose  que  ce  que  nous 
conseillons  ? 

Supposant  notre  point  de  départ  admis,  voyons  ses  conséquences. 
Pénétrons  dans  l'intérieur  de  ce  musée  musical,  qu'on  nous  permettra 
de  considérer  comme  formé. 

La  première  salle  renferme  les  instruments  dont  il  est  fait  mention 
dans  la  Bible  :  le  Kinnor,  le  Nebel,  le  Sabbeka,  la  Kitarah  ,  le  Min- 
nim,  le  Psanterhn,  etc.,  instruments  à  vent  et  à  cordes,  en  bois  et  en 
métal.  En  étudiant  avec  soin  les  textes  sacrés  et  les  dissertations  des 
commentateurs,  on  peut  retrouver  le  principe  de  leur  construction  et 
faire  des  modèles  ayant  une  grande  probabilité  d'exactitude  (1). 

On  demandera  peut-être  à  quoi  servira  de  donner  la  représentation 
matérielle  des  instruments  cités  dans  la  Bible.  Cela  servira  à  faire  con- 
cevoir à  ceux  qui  n'en  ont  pas  la  moindre  idée  le  genre  de  musique 
dont  le  peuple  de  Dieu  pouvait  se  procurer  la  récréation.  On  soup- 
çonne bien  que  les  dilettantes  des  premiers  siècles  ne  connaissaient 
ni  le  piano,  ni  le  violon ,  ni  le  hautbois,  ni  la  clarinette;  mais  on 
ignore  très-généralement  quels  étaient  les  éléments  des  orchestres  du 
temps.  Voilà  ce  que  la  vue  des  objets  réunis  dans  la  première  salle  de 
notre  musée  musical  apprendra  aux  ignorants,  lesquels  sont  à  peu 
près  tout  le  monde  pour  ce  qui  concerne  cette  matière. 

De  la  salle  des  époques  bibliques,  on  passe  dans  celle  des  instru- 
ments de  la  Grèce  et  de  Rome.  On  ne  sera  plus  réduit  ici  aux  conjec- 
tures, aux  interprétations  des  écrivains  pour  recomposer  des  familles 
éteintes,  ainsi  que  faisait  l'illustre  Cuvier,  lorsqu'à  l'aide  d'un  frag- 
ment d'os  fossile  il  créait  en  quelque  sorte  pour  la  seconde  fois  des 

(1)  Dans  l'ouvrage  de  M.  Munk  sur  la  Palestine,  on  trouve  à  ce  sujet  des  rensei- 
gnements très-précis  et  très-curieux. 


450 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


êtres  disparus  de  la  surface  du  globe.  On  a  pour  se  guider  des  monu- 
ments d'une  authenticité  inattaquable.  Tous  les  instruments  des  Grecs 
existent  dans  leurs  sculptures  et  dans  les  peintures  de  leurs  vases. 
Quelques-uns  de  ceux  des  Romains  ont  été  retrouvés  dans  des  fouilles, 
et  existent  en  nature  au  musée  de  Naples.  Les  autres  se  voient  dans 
les  peintures  de  Pompeïa  et  d'HercuIanum,  aux  mains  des  statues  dans 
les  galeries  ainsi  que  dans  les  bas-reliefs  des  temples.  Rien  de  plus 
facile  que  de  refaire  tout  le  système  instrumental  des  anciens  au 
moyen  de  ces  éléments. 

Aux  salles  de  l'antiquité  succèdent  celles  du  moyen  âge.  Pour  les 
temps  les  plus  reculés  de  cette  curieuse  époque,  on  devra  se  contenter 
des  indications  fournies  par  d'obscurs  chroniqueurs.  Du  reste,  il  est 
d'abord  apporté  peu  de  changements  à  l'espèce  et  à  la  forme  des  in- 
struments antiques.  Si  nos  barbares  ancêtres  ont  eu  quelque  apparence 
de  civilisation,  ce  n'est  guère  que  celle  qu'ils  ont  empruntée  aux  Ro- 
mains. Les  druides  eurent  cependant  une  musique,  des  instruments. 
Ils  ne  devront  pas  être  oubliés.  Plus  lard,  les  fabliaux  des  trouvères 
nous  désignent  et  nous  décrivent  les  instruments  dont  se  servaient  les 
artistes  qu'on  appelait  ménétriers.  D'ailleurs,  ces  instruments,  nous  les 
voyons  figurer  dans  les  miniatures  des  manuscrits,  dans  les  tableaux 
des  vieux  maîtres  et  dans  les  sculptures  des  cathédrales.  Nous  attei- 
gnons le  siècle  de  la  renaissance.  Là  nous  n'avons  plus  besoin  d'inter- 
roger les  textes  des  écrivains  et  les  monuments  des  arts  du  dessin.  On 
peut  retrouver  en  nature  la  plupart  des  instruments.  Ils  existent  dans 
des  cabinets  d'amateurs  ou  chez  des  fripiers.  Il  ne  s'agit  que  de  les  re- 
chercher et  d'en  faire  l'acquisition  pour  le  compte  de  l'État. 

Au  sein  de  ce  musée  général ,  on  pourrait  former  des  collections 
spéciales.  On  aurait,  par  exemple,  toute  l'histoire  des  perfectionne- 
ments du  piano,  depuis  la  maigre  épinette  jusqu'aux  puissants  instru- 
ments de  M.  Erard.  Le  violon,  la  harpe,  la  flûte,  la  clarinette,  offri- 
raient des  séries  semblables.  Pour  les  instruments  à  vent,  on  arriverait 
jusqu'aux  saxophones. 

Nous  venons  de  dire  ce  que  devrait  être  dans  son  ensemble  toute  la 
partie  de  notre  musée  qui  présenterait  le  développement  de  la  musi- 
que instrumentale  à  travers  la  suite  des  siècles.  Il  resterait  des  subdi- 
visions intéressantes.  Ce  seraient  celles  où  l'on  réunirait  les  instru- 
ments nationaux  des  peuples  qui  ont  une  civilisation  différente  de  la 
nôtre.  Grâce  à  l'intervention  des  agents  diplomatiques  entretenus  par  le 
gouvernement  français  dans  toutes  les  parties  du  monde,  on  arriverait 
en  peu  d'années,  et  sans  dépenses  excessives,  à  former  une  col- 
lection très-curieuse.  En  Europe,  certaines  provinces  de  l'Espagne  et 
de  l'Italie,  l'Allemagne,  la  Hongrie,  la  Bohême,  la  Suède,  le  Dane- 
mark, la  Russie  et  d'autres  pays  encore ,  fourniraient  de  nombreux 
éléments  à  cette  division  particulière  des  monuments  l'art. 

Pour  l'Afrique,  n'aurait-on  point  aisément,  par  l'intermédiaire  des 
représentants  de  l'autorité  française  en  Algérie,  les  instruments  des 
Arabes?  Les  relations  du  gouvernement  avec  le  vice-roi  d'Egypte  don- 
neraient toutes  facilités  pour  enrichir  le  musée  des  instruments  de  mu- 
sique actuellement  en  usage  dans  l'antique  patrie  des  Sésostris ,  et 
qui,  très- vraisemblablement,  n'ont  guère  subi  de  modification  depuis 
plusieurs  siècles.  L'Afrique  centrale  serait,  autant  que  possible,  mise  à 
contribution  pour  compléter  cette  série. 

Les  instruments  chinois  formeraient  une  des  subdivisions  les  plus 
nombreuses  et  les  plus  intéressantes.  Tout  ce  qui  peut  servir  à  faire 
connaître  les  mœurs  des  habitants  du  céleste  empire  pique  la  curiosité 
des  Européens.  Il  a  été  publié  de  nombreux  écrits  sur  leur  musique. 
L'examen  de  leurs  instruments  compléterait  les  notions  théoriques 
que  les  historiens  nous  ont  données  des  formes  essentiellement  origi- 
nales d'un  art  avec  lequel  celui  qui  charme  notre  oreille  a  peu  de  rap- 
port. Sans  être  aussi  directes  ni  aussi  fréquentes  que  celles  qu'on  en- 
tretient avec  d'autres  États,  les  relations  établies  avec  l'empereur  de 
la  Chine,  depuis  la  dernière  ambassade,  nous  autorisent  à  penser  qu'on 
n'éprouverait  pas  d'obstacle  à  se  procurer  des  spécimen  de  chacun  des 
instruments  qui  font  les  délices  des  dilettantes  de  Peking. 


La  Perse  a  également  des  instruments  de  musique  d'une  nature  par- 
ticulière. Le  souverain  de  cet  empire  est  dans  les  meilleurs  termes 
avec  le  chef  de  la  nation  française  ;  il  lui  envoie  des  chevaux  ;  pour- 
quoi ne  lui  enverrait-il  pas  des  instruments,  s'il  lui  était  adressé  une 
demande  à  cet  égard  ? 

Les  populations  de  l'Inde  soumises  au  pouvoir  de  l'Angleterre  ont 
conservé  leur  musique  nationale.  Il  n'est  pas  douteux  que,  par  l'en- 
tremise du  gouverneur  de  la  compagnie,  on  ne  pût  se  procurer  la  col- 
lection de  leurs  instruments.  La  Turquie  paierait  aussi  son  tribut  au 
nouveau  musée.  Le  sultan,  qui  emprunte  à  l'Europe  les  produits  de  sa 
civilisation,  ses  usages,  ses  modes  et  ses  arts,  qui  s'habille  à  la  fran- 
çaise, et  se  fait  donner  des  représentations  d'opéra  italien,  ne  refuse- 
rait assurément  pas  d'envoyer  à  Paris  les  instruments  d'antique  ori- 
gine qui  n'existent  peut-être  plus  à  Constantinople,  où  ils  ont  été  rem- 
placés par  le  piano,  le  violon,  la  flûte,  etc.,  mais  qui  ont  été  conservés 
très-certainement  par  ceux  de  ses  sujets  que  n'a  point  atteints  la  con- 
tagion des  idées  européennes. 

L'Amérique  du  Nord,  l'Amérique  du  Sud,  les  îles,  seraient  égale- 
ment mises  à  contribution  et  fourniraient  des  échantillons  bien  curieux 
au  musée  musical  dont  nous  avons  la  témérité  de  proposer  la  forma- 
tion. «  Eh  1  quoi,  vont  s'écrier  les  dilettantes,  des  instruments  barbares! 
Qu'avons-nous  besoin  de  connaître  la  musique  des  sauvages?  N'est-ce 
pas  assez  de  toutes  les  machines  de  bois  et  de  cuivre  dont  les  composi- 
teurs font  usage  et  abus  ?  »  Nous  ne  proposons  pas  d'employer  ces  in- 
struments à  donner  des  concerts;  nos  oreilles  ne  s'accommoderaient 
pas  plus  que  celles  des  dilettantes  du  régal  d'une  symphonie  turque  ou 
arabe.  Mais  la  musique  n'est  pas  seulement  un  art  de  sensations;  elle 
offre  à  l'antiquaire,  au  philosophe,  à  l'historien,  des  sujets  d'étude, 
de  méditation  et  de  comparaisons  que  favoriserait  singulièrement  d'a- 
doption de  notre  idée. 

Comme  toute  proposition  nouvelle,  celle  dont  il  s'agit  ici  rencon- 
trera de  l'opposition,  nous  le  savons  d'avance.  On  commencera  par 
contester  l'utilité  de  notre  musée.  Cette  utilité  se  démontre  pourtant 
d'elle-même  au  point  de  vue  de  l'archéologie  artistique  et  de  l'obser- 
vation des  mœurs.  Le  musicien  y  trouvera  l'explication  de  certains 
problèmes  demeurés  obscurs  par  la  faute  des  écrivains  auxquels  ont 
souvent  manqué  les  connaissances  techniques  nécessaires  pour  en  don- 
ner la  solution  ;  ceux  qui  s'attachent  à  suivre  le  développement  mcral 
des  peuples  dans  sa  marche  parallèle  avec  le  progrès  de  la  civilisation, 
analyseront  avec  fruit  les  éléments  divers  dont  il  sera  composé  ;  les 
peintres  et  les  statuaires  s'en  serviront  pour  arriver  à  une  plus  grande 
exactitude  dans  le  rendu  de  certains  délails  de  leurs  compositions,  de 
même  qu'ils  font  des  musées  d'armes  anciennes ,  de  meubles  du 
moyen  âge  et  de  curiosités  archéologiques  de  tout  genre  ;  enfin,  le 
vulgaire  y  satisfera  sa  curiosité  comme  lorsqu'il  visite  les  autres  dé- 
pôts publics  consacrés  aux  sciences  et  aux  arts. 

Quant  aux  difficultés  d'exécution,  il  s'en  faut  de  beaucoup  qu'elles 
soient  aussi  graves  qu'on  le  supposera  d'abord.  A  ceux  qui  s'élèveraient 
sans  réflexion  contre  la  pensée  de  reconstruire  les  instruments  dont 
les  originaux  n'existent  plus,  et  qui  trouveraient  mauvais  qu'on  vît 
figurer  dans  un  musée  public  des  antiquités  apocryphes ,  nous  leur 
rappellerons  que  la  collection  des  machines  au  Conservatoire  des  arts 
et  métiers  et  le  musée  de  la  Marine  au  Louvre  ne  renferment  guère 
que  des  copies  réduites  d'objets  qu'on  n'a  eu  que  ce  seul  moyen  d'y 
faire  figurer,  afin  de  présenter  l'histoire  matérialisée,  si  nous  pouvons 
nous  exprimer  ainsi,  de  certaines  branches  spéciales  des  sciences. 

Il  est  inutile  d'ajouter  que  dans  ce  qui  précède  nous  n'avons  pas 
prétendu  tracer  un  plan  d'organisation  du  nouvel  établissement  dont 
nous  voudrions  voir  s'enrichir  la  ville  de  Paris,  où  abondent  déjà  tant 
de  précieuses  collections  de  tout  genre,  et  que  notre  seul  but  a  été  de 
faire  apprécier  l'importance  qu'il  pourrait  acquérir.  Si  l'on  en  venait 
jamais  à  des  mesures  d'exécution,  il  resterait  à  donner  un  corps  à  ce 
fantôme  de  projet. 

Edouard  FÉTIS. 


DE  PARIS. 


451 


ADDITIONS  MUSICALES. 

La  Société  académique  des  Enfants  d'Apollon  marche,  dil-on,  vers 
la  cent  dix-septième  année  de  son  existence;  la  Société  philotcclinique 
est  âgée  de  cinquante-sept  ans,  et  la  Société  philharmonique  de  Paris 
en  compte  vingt-sept  depuis  sa  fondation.  La  première  de  ces  associa- 
tions, qui  peut  citer  parmi  ses  membres  les  noms  illustres  de  J.-J. 
Rousseau,  de  Grétry,  de  Lacépède,  de  Lesueur,  de  Spontini,  de  Ros- 
sini,  etc.,  cultive  tous  les  arts.  Comme  sa  sœur,  la  Société  philotechni- 
que, d'abord  exclusivement  littéraire,  a  senti  la  nécessité  de  deve- 
nir musicale  ;  elle  a  donc  célébré  son  cinquante-septième  anniversaire 
dimanche  passé,  dans  la  salle  Herz.  M.  Berville,  secrétaire  perpétuel 
de  ladite  Société,  a  fait  le  rapport  de  ses  travaux,  puis  il  a  célébré  sa 
ville  natale,  le  tout  en  prose  lucide,  élégante  et  facile,  comme  il  en  a 
toujours  écrit  et  dit.  Une  dizaine  de  poètes  plus  ou  moins  connus  sont 
venus  nous  dire  une  douzaine  de  pièces  de  vers,  parmi  lesquelles  nous 
avons  surtout  distingué  une  scène  de  comédie  intitulée  Aspasie,  que 
devait  jouer  Mlle  Rachel  au  Théâtre-Français.  Ce  fragment  de  poésie  co- 
lorée et  parfumée  d'atticisme  et  d'archaïsme,  a  été  lu,  dit  avec  cette 
netteté  d'articulation,  cette  purelé  de  diction,  qui  distingue  l'auteur  de 
ces  vers,  M.  Samson.  Après  cette  musique  de  bonne  langue  française, 
est  venue  celle  des  habiles  instrumentistes  et  des  chanteurs. 

Un  duo  pour  piano  et  violon  sur  les  motifs  de  la  Favorite,  par  Os- 
borne  et  De  Bériot,  a  été  dit  par  M.  Deloffre,  ex-premier  violon  du  théâ- 
tre de  la  reine  d'Angleterre,  et  par  Mme  Deloffre,  jeune  pianiste  au  jeu 
net  et  brillant.  Le  même  violoniste  a  joué  avec  M.  Pilet,  excellent  vio- 
loncelliste aussi  du  théâtre  de  la  reine  Victoria,  une  fantaisie  concer- 
tante pour  violon  et  basse,  dont  on  a  justement  et  généralement  ap- 
plaudi la  composition  et  l'exécution. 

La  grande  scène  de  démence  du  Charles  VI,  de  M.Halévy,  a  produit 
son  effet  accoutumé  de  terreur  et  de  pitié  en  passant  par  la  voix  et  la 
bonne  déclamation  lyrique  de  Wartel,  qui  a  dit  aussi  des  mélodies  de 
Weber  et  de  Reber. 

Mlle  Talmont  a  gentiment  vocalisé  les  deux  airs  de  Y  Ambassadrice 
et  du  Toréador,  de  MM.  Auber  et  Adam.  MM.  Boulu  et  Hausser  se  sont 
distingués  également,  le  premier  par  un  fort  joli  solo  de  hautbois,  et  le 
second  en  exécutant  fort  bien  une  fantaisie  de  basson  avec  des  varia- 
tions brillantes  sur  cet  instrument,  qui  est  presque  une  voix  humaine 
exercée  à  chanter  l'élégie  quand  on  le  joue  aussi  bien  que  M.  Hausser. 

—  La  Société  philharmonique  de  Paris  a  été  fondée,  il  y  a  vingt- 
sept  ans,  ainsi  que  nous  l'avons  dit,  pour  le  plaisir  et  le  goût  musical 
de  la  moyenne  propriété  commerciale  de  Paris.  Des  négociants  de  cette 
ville  et  leur  famille  composent  l'orchestre  et  la  plus  grande  partie  du 
public  de  ces  exhibitions  de  musique  bourgeoise,  auxquelles  participent 
de  jeunes  artistes  de  talent,  plus  ou  moins  ornés  de  premiers,  seconds 
prix  et  accessits  conquis  dans  les  luttes  artistisques  du  Conservatoire 
de  musique.  Ils  viennent  tâter  le  terrain  mouvant  de  l'estrade  de  la 
publicité  musicale,  comme  chanteurs  ou  instrumentistes.  Des  artistes 
d'un  mérite  reconnu,  constaté,  ne  dédaignent  point  d'y  venir  aussi 
conquérir  de  nouveaux  suffrages.  Mlle  ArthémiseDuval,  qui  a  été  quel- 
que temps  pensionnaire  du  théâtre  de  l'Opéra-Comique,  où  elle  a  tenu 
un  rang  distingué,  s'est  fait  entendre  dans  le  concert  donné  le  28  no- 
vembre par  la  Société  philharmonique  dans  la  salle  Sainte-Cécile.  Elle 
a  dit  l'air  de  Lucie  et  le  boléro  du  Carillonneur  de  Bruges  avec  l'ex- 
cellente méthode  et  la  brillante  facilité  de  vocalisation  dont  elle  n'a 
rien  perdu  en  allant  les  faire  applaudir  aux  États-Unis.  Une  autre  can- 
tatrice, Mlle  Molidoff,  n'a  pas  chanté  d'une  manière  moins  brillante  un 
air  guerrier,  di  bravura,  du  Roméo  et  Jvlietle  de  Bellini,  et  celui  de 
Betihj  de  Donizetti.  Aux  nombreux  succès  de  concert  départemental 
qu'elle  vient  d'obtenir,  et  que  tous  les  journaux  de  la  Normandie  ont  ré- 
cemment constatés,  Mlle  Molidoff  croit  et  peut  espérer  joindre  ceux 
des  concerts  de  Paris. 

M.  Ferdinand  Michel  est  un  chanteur  possédant  une  assez  bonne 
voix  de  ténor;  il  a  chanté  une  romance  de  Donizetti  et  d'autres  ro- 


mances encore  de  sa  composition.  La  chose  rare  dans  l'art  du  chant, 
c'est  d'avoir  confiance  en  soi  et  d'en  inspirer  à  ses  auditeurs.  M.  Mi- 
chel a  besoin  d'acquérir  cet  aplomb  et  un  peu  de  distinction  dans  l'é- 
mission de  la  voix;  comme  M.  Champenois,  assez  bon  violoniste,  et 
quia  joué  un  air  varié  qu'on  a  fort  applaudi,  doit  songer  à  polir,  finir 
son  jeu  ,  et  surtout  à  ne  point  accorder  son  instrument  à  chaque 
instant  dans  le  courant  du  morceau  qu'il  exécute.  C'est  un  travers 
qu'il  importe  de  signaler  à  la  plupart  de  nos  solistes,  assez  coutumiers 
du  fait. 

Les  ouvertures  de  nos  opéras  français  ou  étrangers,  qui  commesont, 
on  dit,  la  pièce  de  bœuf  du  festin  musical  que  sert  la  Société  philhar- 
monique à  son  public,  sont  exécutées  avec  assez  d'ensemble,  de  nuan- 
ces et  de  chaleur  par  ces  sociétaires  ;  ils  font  de  la  musique  pour  leur 
plaisir  et  celui  de  leur  bienveillant  auditoire,  bien  dirigés,  d'ailleurs, 
par  leur  chef  d'orchestre,  M.  Aimé  Roussette,  qui  s'efforce  et  travaille 
souvent  avec  bonheur  h  faire  oublier  cet  axiome  impertinent  :  Dieu 
nous  préserve  d'un  diner  sans  façon  et  d'un  concert  d'amateurs! 

Henri  BLANCHARD. 


CORRESPONDANCE. 

Saint-Pétersbourg,  1"  novembre  1852. 

JL'Opèra-ïlulicn.  —  Affaire  Golitzlii-Schlndler.  —  un  manuscrit  de 
Beethoven. 

L'hiver  nous  est  arrivé,  cette  année,  plus  tôt  et  avec  plus  de  rigueur 
que  d'habitude.  Au  milieu  de  ce  mois  déjà  la  Neva  était  fermée  par  les 
glaces  et  les  traîneaux  parcouraient  rapidement  les  rues  de  la  ville. 
L'hiver  du  Nord,  avec  ses  courtes  journées  sans  soleil,  serait  bien 
triste  si  la  musique,  ce  soleil  vivifiant  de  l'âme,  n'était  pas  là  pour 
combattre  son  influence  accablante.  Aussi  l'arrivée  des  artistes  est-elle 
toujours  saluée,  à  Saint-Pétersbourg,  comme  celle  des  hirondelles, 
messagères  du  printemps.  Les  Italiens  ,  ces  oiseaux  de  passage  d'un 
nouveau  genre,  qui,  au  lieu  de  chercher  la  zone  torride  comme  leurs 
confrères  ailés,  dirigent  leur  vol  vers  le  septentrion,  nous  arrivent  or- 
dinairement les  premiers.  Cette  année,  comme  s'ils  avaient  pressenti 
q  ue  l'ennemi  qu'ils  ont  à  combattre,  l'hiver,  devait  être  si  prompt,  ils 
se  sont  hâtés  aussi,  et  l'Opéra-Italien  a  pu  rouvrir  ses  portes  le  1er  oc- 
tobre. 

Tirer  dès  à  présent  l'horoscope  de  la  saison  théâtrale  qui  vient  de 
commencer  serait  par  trop  téméraire:  aussi  me  bornerai-je  à  consta- 
ter simplement  la  constellation  des  astres  qui  brillent  à  notre  horizon 
musical.  D'abord  j'ai  à  signaler  une  double  éclipse  :  nous  ne  possédons 
ni  une  véritable  prima  donna  assoluta,  ni  une  basse  profonde,  ce  qui 
fait  dire  aux  mauvais  plaisants  que  notre  opéra  n'a  ni  tête  ni  pieds. 
L'absence  de  laGrisi,  qui,  quoique  engagée  pour  cette  saison,  a  été  em- 
pêchée de  remplir  son  engagement,  est  un  désagrément  fort  grave 
pour  un  public  aussi  gâté  que  le  nôtre.  II  est  vrai  que  nous  ne  man- 
quons pas  de  premières  chanteuses  ;  nous  en  avons  trois  :  Mlle  Marray, 
Mme  Medori  et  Mlle  Spezia;  mais  à  elles  trois  elles  ne  peuvent 
nous  dédommager  de  la  seule  Grisi,  que  nous  n'avons  pas.  Mlle  Marray 
est  une  charmante  et  gracieuse  cantatrice  de  beaucoup  de  talent,  qui, 
sans  doute  ,  a  un  fort  bel  avenir  devant  elle.  Elle  possède  une  voix 
agréable,  pure  et  très-flexible;  sa  méthode  est  excellente,  et  sa  diction 
expressive  et  gracieuse;  mais  le  peu  de  volume  de  sa  voix  lui  interdit 
les  rôles  de  grand  genre,  du  moins  tant  qu'elle  chantera  dans  des  salles 
vastes,  comme  celle  de  notre  Opéra,  et  accompagnée  par  un  orchestre 
nombreux.  C'est  dans  le  genre  léger  et  àfioritures  que  Mlle  Marray  est 
vraiment  ravissante,  et  que,  même  à  côté  de  rivales  redoutables  comme 
la  Grisi  et  la  Persiani,  elle  a  su  captiver  la  faveur  du  public  pendant  les 
deux  saisons  précédentes.  Mme  Medori  possède  une  voix  d'un  volume, 
d'une  fraîcheur  et  d'une  sonorité  très-remarquab'es;  elle  a  du  feu,  de 
la  passion,  peut-être  même  un  véritable  talent  dramatique.  Il  est  à 


452 


SVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


regretter  que  l'art  ait  fait  si  peu  pour  développer  ces  admirables 
qualités  ;  il  est  évident  que,  ni  comme  cantatrice  ni  comme  actrice, 
Mme  Medori  n'a  fait  des  études  sérieuses.  Qu'elle  les  fasse,  et  une 
carrière  brillante  l'attend  !  Mais  qu'elle  les  fasse  bientôt;  car  il  est  à 
craindre  que  sa  voix,  quelque  forte  et  puissante  qu'elle  soit,  ne  résis- 
te pas  longtemps  à  sa  manière  actuelle  de  chanter.  Mme  Medori,  qui 
demain  chantera  la  Norma,  aspire  évidemment  à  remplacer  la 
Grisi;  nous  verrons  jusqu'à  quel  point  elle  y  parviendra.  Mme  Spezia, 
notre  troisième  prima  donna,  a  débuté  dans  le  rôle  de  Desdemone. 
C'était  une  tentative  hardie  que  d'évoquer  ainsi  le  souvenir  de  la  Grisi  ; 
notre  débutante  a  dû  s'en  repentir.  Mlle  Demeric,  conlr'alto,  qui  depuis 
longtemps  déjà  appartient  à  notre  Opéra,  a  été  reçue  avec  une  froideur 
inaccoutumée  dans  Maria  di  RoJum  et  dans  la  Cenerentola. 

Voyons  maintenant  les  hommes  !  —Mario,  quoique  engagé,  n'est  pas 
encore  arrivé.  Son  absence,  en  nous  privant  de  quelques  opéras  dans 
lesquels  il  daigne  nous  révéler  sa  belle  et  sympathique  voix  et  son 
talent  tendre  et  expressif,  doit  naturellement  restreindre  encore  le  cer- 
cle ,  déjà  assez  étroit,  du  répertoire  italien.  Heureusement  qu'avec 
Tamberlick  nous  possédons  un  ténor  admirable,  surtout  dans  les  grands 
rôles  héroïques,  ce  qui  nous  aide  beaucoup  à  prendre  patience  en  at- 
tendant Mario.  Tamberlick  appartient  au  petit  nombre  d'artistes  qui,  à 
une  organisation  exceptionnelle,  à  un  talent  riche  et  développé,  joi- 
gnent un  zèle  ardent  et  infatigable  qui  les  pousse  toujours  en  avant  sur 
la  route  du  progrès.  Aussi  est-il  le  favori  hautement  proclamé  du  pu- 
blic. Dans  Otcllo  il  a  de  nouveau  obtenu  un  triomphe  éclatant.  L'ut 
dièse  de  poitrine,  qu'il  prend  dans  le  duo  avec  Yago  (vous  voyez  qu'il 
surpasse  d'un  demi-ton  le  célèbre  Duprez  !)  a  soulevé  une  véritable 
tempête  d'enthousiasme.  Un  autre  ténor,  M.  Stecchi-Bottardi,  a  débuté 
dans  Don  Pasquale.  Son  débit  est  élégant  et  expressif;  mais  sa  voix, 
quoique  pure,  est  sèche,  et  sa  fermeté  musicale  laisse  beaucoup  à  dé- 
sirer. En  M.  Debâssini  nous  venons  de  faire  une  acquisition  magnifique. 
Ce  chanteur,  dont  la  figure  distinguée  et  la  noble  prestance  captivent  la 
bienveillance  dès  sa  première  apparition,  possède  une  de  ces  belles 
voix  de  baryton  que  l'Italie  seule  paraît  pouvoir  produire.  Par  l'éten- 
due remarquable  de  la  région  élevée,  cette  voix  ressemble  presque  au 
ténor,  duquel  cependant  elle  se  distingue  par  cette  largeur  mâle  et  so- 
nore qui  n'appartient  qu'aux  voix  graves.  Pour  ma  part ,  tout  en 
admirant  sincèrement  une  belle  voix  de  ténor,  j'avoue  qu'une  fraîche 
et  sympathique  voix  de  baryton,  comme  celle  de  Debâssini,  m'impres- 
sionne plus  profondément,  me  donne  des  frissons  magnétiques;  enfin, 
je  ne  crains  pas  de  le  dire,  paraît  à  mes  yeux  l'idéal  de  la  voix  d'homme. 
A  quelque  degré  qu'on  partage  cette  appréciation,  on  n'en  niera  pas  le 
fond  ;  car  c'est  surtout  le  baryton  qui  établit  le  caractère  de  notre  mu- 
sique dramatique  en  face  des  opéras  de  la  première  moitié  du  siècle 
passé,  dont  le  caractère  doucereux  et  antidramatique  était  parfaite- 
ment d'accord  avec  les  suprani  et  les  hautes-contre.  On  frémit  en  pen- 
sant aux  milliers  de  germes  de  belles  voix  naturelles  que  ce  siècle  a  eu 
la  barbarie  de  sacrifier,  afin  de  se  procurer  les  voix  factices  de  Fari- 
rinelli,  Caffarelli  et  Crescentini.  Jusqu'à  présent  Debâssini  a  chanté  trois 
fois  le  Carlos  dans  Ernani.  Si,  comme  acteur,  il  n'est  pas  à  la  hauteur 
de  Ronconi,  qui,  l'année  dernière,  nous  montrait  ce  grand  personnage  de 
Charles-Quint  avec  une  vérité  saisissante,  presque  historique,  il  s'est 
pourtant  fort  convenablement  acquitté  de  son  rôle.  Du  reste,  le  chan- 
teur fait  beaucoup  pardonner  à  l'acteur,  et  Debâssini  n'a  besoin  d'un 
peu  d'indulgence  que  vis-à-vis  de  ceux  qui  peuvent  le  comparer  à 
Ronconi.  Le  succès  de  Debâssini  a  été  des  plus  complets. 

Il  ne  me  reste  plus  à  parler  que  des  deux  géants,  Ronconi  et  Lablache. 
Mais  à  quoi  bon  ?  Est-ce  que  ces  deux  noms  ont  besoin  de  commen- 
taires ?  Est-ce  que  partout  où  l'on  aime  le  chant  italien,  ils  ne  sont  pas 
depuis  longtemps  les  synonymes  de  génie,  gloire,  enthousiasme;  enfin  de 
tout  ce  que  le  vocabulaire  de  l'admiration  contient  de  plus  expressif  !... 
Je  dirai  donc  seulement  qu'en  voyant  ensemble  ces  deux  artistes  émi- 
nents,  comme  nous  en  avons  eu  l'occasion  dans  Don  Pasquale  et  dans 
la  Cencrealola,  ils  se  complètent  mutuellement  si  bien,  qu'ils  parais- 


sent inséparables,  et  qu'on  croirait  qu'isolés  ils  doivent  perdre  de  leur 
valeur.  Leblache  a  chanté  quatre  fois  le  Don  Pasquale,  et  autant  de 
fois  le  Don  Magnifico  de  la  Cenerentola. 

Quant  à  la  basse  profonde,  je  l'ai  dit  déjà,  elle  nous  manque,  l'admi- 
rable Formés,  que  nouî  possédions  l'hiver  dernier,  n'ayant  pas  été 
réengagé.  En  ajoutant  que  Polonini  et  Tagliafico  remplissent  tant  bien 
que  mal  cet  emploi,  j'ai  épuisé  tout  ce  que  j'avais  à  dire  de  l'opéra. 
Cependant  l'arrivée  du  compositeur  Balfe  a  encore  une  certaine  con- 
nexité  avec  le  théâtre.  On  dit  que  M.  Balfe  va  monter  un  de  ses 
opéras;  on  parle  même  de  son  engagement  comme  chef  d'orchestre  de 
l'Opéra-Italien. 

En  dehors  du  théâtre  aussi  une  grande  activité  règne  dans  notre 
monde  musical.  Vous  savez  que  nous  avons  à  regretter  la  perte  de 
Vieuxtemps.  Les  séances  de  quatuors,  par  l'institution  desquelles  ce 
grand  artiste  a  exercé  une  influence  si  salutaire  sur  le  goût  du  public, 
vont,  cet  hiver,  être  continuées  par  M.  Wséwolod  Maurer,  artiste  d'un 
grand  mérite,  et  chef  des  premiers  violons  de  l'orchestre  de  l'Opéra. 
La  place  que  Vieuxtemps  occupait  dans  l'orchestre  est  échue  mainte- 
nant à  M.  Apollinaire  de  Kontski,  lequel,  cependant,  ne  reçoit  pas 
d'appointements  et  se  contente  du  titre  honoraire  de  violon  solo  de  la 
cour  impériale.  M.  de  Kontski  aussi  annonce  des  matinées  musicales, 
dans  lesquelles  (je  copie  l'annonce)  on  exécutera  des  trios,  quatuors, 
quintettes  et  septuors  classiques,  et  autres  compositions  de  Beethoven, 
Mozart,  Haydn,  Mendelssohn,  ainsi  que  les  pièces  de  V école  roman- 
tique de  la  composition  de  Bériot,  Kontski  et  autres.  On  voit  que  la 
diversité  ne  manquera  pas  à  ces  matinées. 

Le  pianiste  Mortier  de  Fontaine  ;  la  harpiste,  Mme  Parisli-Alvars, 
née  Leroy,  ainsi  que  plusieurs  autres  artistes  étrangers  sont  déjà 
arrivés  et  préparent  des  concerts;  un  grand  nombre  d'autres  sont  an- 
noncés. Tout  porte  à  croire  que  notre  hiver  musical  deviendra  d'une 
richesse  presque  sans  exemple. 

Il  faut  que  je  dise  encore  quelques  mots  sur  la  question  brûlante 
qui,  dans  ce  moment,  préoccupe  si  vivement  les  esprits,  la  réclamation 
du  prince  Galitzin  ;  car  vous  pensez  bien  que,  dans  notre  monde  musical 
où  chacun  connaît  le  prince,  cette  affaire  doi  inspirer  un  intérêt  tout 
particulier.  Mon  intention  en  touchant  cette  question  n'est  nullement 
de  prévenir  les  éclaircissements  que,  sans  doute,  le  prince  va  donner 
encore;  je  ne  vous  dirai  que  ce  qu'on  pense  ici  de  cette  affaire,  je  vous 
donnerai  un  compte-rendu  de  l'opinion  publique,  —  voilà  tout! 

D'abord,  je  dois  vous  dire  qu'en  Russie  l'accusation  de  Schindler  n'a 
jamais  été  prise  au  sérieux.  Et,  en  effet,  ne  faut-il  pas  toute  la  prédi- 
lection que  le  vulgaire  professe  pour  ce  qui  est  incroyable  et  mon- 
strueux, pour  admettre  un  seul  instant  qu'un  riche  amateur,  membre 
de  la  haute  aristocratie,  après  avoir  demandé  et  obtenu  quelques  nou- 
veaux chefs-d'œuvre  d'un  artiste  dont  il  est  l'admirateur  passionné, 
puisse  refusera  ce  même  artiste  la  misérable  somme  de  150  ducats, 
prix  convenu  des  œuvres  qu'il  vient  de  recevoir!  Cependant,  l'accusa- 
tion de  Schindler  existait,  elle  était  même  sur  le  point  de  se  glisser 
tout  doucement  dans  l'histoire  ;  le  prince,  à  moins  de  laisser  son  nom 
atout  jamais  couvert  de  honte,  était  donc  obligé  de  réclamer;  ce  qu'il 
a  fait  enfin.  Schindler  vient  maintenant  de  publier  une  réponse  ;  mais 
on  voit  bien  qu'au  fond  il  n'avait  rien  à  répondre.  De  là  ces  divagations 
fréquentes  et  ce  flot  de  paroles  inutiles  qui  ne  font  qu'embrouiller 
davantage  la  question.  Le  seul  point  important  de  celte  réponse  se 
trouve  dans  la  déclaration  de  M.  Holz,  témoin  cité  par  M.  Schindler 
lui-même.  M.  Holz  déclare  positivement  que  le  premier  des  trois  qua- 
tuors composés  par  Beethoven  pour  le  prince  Galitzin,  a  été  payé. 
Or,  le  fait  une  fois  constaté  que  le  prince  a  fait  un  paiement  à  Beetho- 
ven, la  base  de  toute  la  discussion,  l'assertion  de  Schindler  :  que 
«  jamais  Beethoven  n'a  reçu  un  liard,  »  est  réfutée  et  entièrement 
détruite  !  A  la  rigueur,  on  pourrait  clore  ici  les  débats.  On  voit  que  le 
pauvre  Schindler,  démenti  ainsi  par  son  propre  témoin,  n'avait  qu'une 
connaissance  très-imparfaite  de  cette  affaire,  ce  qui  ne  l'empêchait  pas 
de  la  raconter  avec  une  emphase  toute  particulière  et  la  certitude  la 


DE  PARIS. 


653 


plus  absolue.  Quant  au  paiement  des  deux  derniers  quatuors,  M.  IIolz 
dit  que  Beethoven  ne  l'a  pas  reçu,  parce  que  s'il  l'avait  reçu,  lui, 
M.  IIolz,  aurait  dû  s'en  apercevoir.  Cette  logique  paraît  faible  et  peu 
concluante.  Tout  aussi  bien  on  pourrait  dire  :  «  Si  M.  IIolz  ne  s'est 
»  pas  aperçu  du  paiement,  c'est  que  sa  surveillance  a  été  mise  en  dé- 
»  faut  par  Beethoven.  »  —  Oh  !  pauvre  maître  !  comme  tu  as  dû 
souffrir,  entouré  comme  tu  l'étais  à' amis  intimes  qui  surveillaient  ta 
correspondance,  ta  bourse,  et  jusqu'aux  inspirations  de  ton  génie  !  — 
Sous  ce  dernier  rapport,  le  récit  que  Schindler  fait  du  conciliabule 
tenu  par  les  amis  de  Beethoven,  afin  de  décider  si  le  grand  maître  de- 
vait ou  non  composer  les  quatuors,  est  on  ne  peut  plus  significatif. 

Tout  le  monde  attend  maintenant  avec  impatience  les  derniers  éclair- 
cissements du  prince  ;  mais  tout  le  monde  aussi  désire  que  des  détails, 
probablement  très-insignifiants,  qui  pourraient  blesser  le  respect  dû  à 
la  mémoire  de  Beethoven,  puissent  rester  éloignés  de  cette  affaire. 

Pour  rentrer  dans  la  sphère  pure  de  l'art,  je  vous  communiquerai 
quelques  observations  qui,  je  le  crois,  trouveront  ici  une  place  conve- 
nable, vu  qu'elles  se  rattachent  précisément  à  l'un  des  quatuors  dont  les 
honoraires  ont  provoqué  la  discussion  entre  Schindler  et  le  prince  Ga- 
litzin.  —  Le  manuscrit  autographe  du  scherzo  du  premier  de  ces  qua- 
tuors, œuvre  127,  se  trouve  en  possession  de  notre  digne  M.  Louis 
Maurer,  qui  l'a  reçu  en  cadeau  de  la  Société  des  amis  de  la  musique 
{Gesellschoft  der  Musikfreunde),  à  Vienne.  (Soit  dit  en  passant,  le 
prince  Galitzinn'a  reçu  de  Beethoven  qu'une  copie  des  parties  séparées, 
corrigée  par  l'auteur  lui-même.)  En  examinant  scrupuleusement  le  ma- 
nuscrit précieux  que  M.  Maurer  a  bien  voulu  me  confier,  j'ai  eu  le 
bonheur  de  découvrir  dans  l'écriture  du  grand  maître  quelques  traces 
du  travail  de  son  génie.  Tout  d'abord,  j'ai  été  frappé  en  reconnaissant 
que  les  quatre  accords  pizzicato  par  lequel  débute  ce  scherzo  : 


S£eeèej=£ 


ont  été  évidemment  ajoutés  plus  tard,  et  que  dans  l'origine  le  morceau 
commençait  par  le  solo  du  violoncelle  composant  le  thème  : 

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Tout  le  manuscrit  est  tracé  très-largement  ;  l'espace  est  donné  avec 
une  véritable  profusion  aux  notes  comme  aux  pauses;  enfin,  ce  morceau, 
qui  dans  l'édition  de  Launer  ne  remplit  que  seize  pages,  en  remplit 
trente  et  une,  à  douze  portées  chacune,  dans  le  manuscrit.  Les  notes  sont 
très-petites,  mais  elles  se  dessinent  nettement.  On  voit  que  ce  jour-là 
le  maître  avait  une  plume  fine  et  bien  taillée;  on  dirait  même  que  tout 
le  morceau  a  été  écrit  avec  la  même  plume  et  d'une  seule  haleine,  tant 
il  y  a  de  suite  dans  cette  écriture.  Tout  a  été  écrit  très-vite;  la  plume 
a  à  peine  pressé  le  papier;  mais  nulle  part  on  ne  remarque  une  hésita- 
lion  ;  pas  une  note,  pas  un  bâton  n'ont  l'air  tremblant  ;  dans  le  manu- 
scrit entier  il  n'y  a  que  trois  mesures,  qui  dès  l'origine,  avant  même 
d'avoir  été  entièrement  écrites  dans  les  quatre  parties ,  ont  été  rayées. 
La  composition  se  trouvait  entièrement  achevée  dans  la  tête  de  Beetho- 
ven lorsqu'il  prit  la  plume  pour  la  jeter  sur  le  papier.  Il  était  content 
de  son  œuvre,  il  était  de  bonne  humeur.  Plus  lard  sont  venus  les  cor- 
rections, les  ratures,  les  changements,  le  travail  de  la  critique  enfin. 
Là  tout  est  changé  ;  nous  trouvons  des  noies  tantôt  pâteuses,  comme 
écrites  avec  une  autre  encre,  tantôt  incertaines,  à  demi  effacées,  des 
mesures  supprimées,  et  d'autres  péniblement  intercalées.  Les  quatre 
accords  qui  forment  le  commencement  ont  été  ajoutés  d'une  écriture 
mal  assurée.  Il  s'agissait  d'écrire  deux  mesures  dans  l'espace  qui  d'a- 


bord n'en  contenait  qu'une  seule:  aussi  les  chiffres  indiquant  la  me- 
sure sont-ils  en  partie  cachés  par  les  notes.  Plusieurs  notes,  écrites  sur 
des  endroits  raturés,  sont  mouillées.  Si  l'on  pouvait  douter  encore  que 
celte  première  mesure  n'a  pas  fait  partie  de  l'inspiration  primitive  de 
Beethoven,  je  ferais  remarquer  qu'elle  ne  se  trouve  qu'une  seule  fois  , 
au  commencement,  et  que  dans  tout  le  courant  du  scherzo  on  n'en  ren- 
contre plus  la  moindre  trace.  Or,  ce  n'était  certes  pas  l'habitude  de 
lîeelhoven  de  laisser  tomber  si  entièrement  un  motif,  quelque  insigni- 
fiant qu'il  fût;  au  contraire,  plus  un  motif  paraissait  insignifiant  à  sa 
première  apparition,  plus  il  lui  servait  plus  tard  aux  combinaisons  les 
plus  surprenantes. 

Mais  les  quatre  accords  ajoutés  à  ce  scherzo,  et  qui  font  le  pendant 
de  la  mesure,  ne  contenant  que  les  deux  notes  la,  ut  dièse,  dont  Bee- 
thoven fit  précéder  l'admirable  adagio  de  la  sonate  œuvre  106,  lors- 
qu'elle était  presque  déjà  imprimée  ,  ne  forment  pas  seuls  le  résultat 
que  l'étude  du  manuscrit  m'a  donné.  Voici  ce  qui  m'a  paru  encore  re- 
marquable : 

Le  presto  en  mi  bémol  mineur,  qui,  au  milieu,  vient  former  ce  qu'au- 
trefois on  appelait  le  trio,  était  d'abord  écrit  à  deux  temps,  dont  les 
trois  noires  de  chaque  mesure  étaient  les  triolets;  ensuite  le  2/4,  en- 
core très-visible,  fut  changé  en  3/4  ,  ce  qui  explique  l'indication  des 
triolets,  qui,  n'ayant  pas  été  effacée  au  dessus  des  noires,  s'est  glissée 
dans  l'impression.  Au-dessus  de  ce  presto,  Beethoven  a  écrit  de  sa 
grosse  et  ronde  écriture  :  Jeder  Takt  hat  in  diesem  Stiicke  nur  den 
Niederschlag.  (  Chaque  mesure  de  ce  morceau  n'a  qu'un  seul  accent 
fort.  )  Ces  paroles  étaient  d'abord  écrites  au  crayon,  ensuite  elles  ont 
été  reprises  à  la  plume. 

Un  changement  extrêmement  intéressant  se  trouve  encore  tout  à  la 
fin  du  morceau.  La  fin,  telle  qu'elle  était  d'abord,  est  encore  très- 
lisible,  malgré  les  quelques  arabesques  capricieuses  dont  elle  est  cou- 
verte. Au  lieu  des  vingt-six  dernières  mesures  que  nous  possédons  à 
présent,  voici  ce  qu'il  y  avait  d'abord  : 


VlÔLIHO.  1°. 


Violiko  2 


3— (HH6 f~9~ 


Qu'on  compare  maintenant  cette  fin,  gracieuse  et  légère ,  mais  peu 
remarquable,  avec  celle  qui  lui  fut  substituée  plus  tard,  et  qui  se  trouve 
annexée  au  manuscritsur  une  feuille  à  part!  (Voyez  la  partition  de  l'édi- 
tion Launer,  p.  69.)  Autant  la  première  était  simple  et  innocente,  autant 
l'autre  est  riche  et  fantasque.  Le  changement  mystérieux  du  majeur 
en  mineur,  la  réapparition  inattendue  du  presto,  qui  pourlant  bientôt 
est  subitement  interrompu  par  un  silence,  puis  la  phrase  qui  avait 


k5h 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


servi  à  la  première  fin,  mais  avec  un  changement  rliythmique  très- 
curieux,  et  avec  un  crescendo  conduisant  au  forte  final!...  En  vérité  , 
c'est  chose  admirable  de  voir  comment  le  maître,  en  se  ravisant,  sait 
tout  h  coup  nous  ouvrir  une  nouvelle  échappée  de  vue,  qu'il  éclaire  un 
instant  du  feu  de  son  génie,  puis  referme  doucement  par  cette  termi- 
naison gracieuse,  qui  nous  laisse  entièrement  sous  l'impression  magi- 
que, qu'en  partant  il  nous  a  encore  donnée  ! 

Il  est  infiniment  à  regretter  que  si  rarement  les  manuscrits  des 
grands  maîtres,  éparpillés  par  tout  l'univers ,  soient  accessibles  aux 
jeunes  artistes;  car  il  n'y  a  pas  d'études  plus  curieuses  et  plus  salu- 
taires que  celles  de  ces  manuscrits.  En  voyant  la  critique  sévère  que 
les  grands  maîtres  exerçaient  vis-à-vis  d'eux-mêmes,  en  découvrant  les 
traces  des  soins  infinis  par  lesquels  ils  tâchaient  de  donner  la  perfection 
à  leurs  œuvres,  on  comprend  que  l'inspiration  seule  ne  suffit  pas  pour 
créer  une  œuvre  durable  et  classique,  et  que  c'est  même  pendant  ce 
travail  d'épurations  et  de  corrections,  tant  dédaigné  par  la  plupart  des 
compositeurs  modernes,  que  les  plus  belles  inspirations  arrivent  quel- 
quefois. A  ce  propos  je  me  rappelle  encore  que  l'heureux  possesseur 
d'un  si  grand  nombre  de  manuscrits  autographes  de  Mozart,  le  célèbre 
théoricien  Jean  André,  à  Offenbach,  en  me  montrant  le  manuscrit  ori- 
ginal du  Don  Giovanni,  me  fit  remarquer  qu'au  deuxième  final,  dans 
la  scène  de  la  statue,  le  fameux  passage  des  gammes,  montant  en  cres- 
cendo jusqu'à  l'octave,  puis  redescendant,  est  évidemment  ajouté  après 
coup.  D'abord  le  premier  violon  n'avait  eu  qu'un  simple  trémolo, 
comme  le  second  violon  et  l'alto;  plus  tard  ce  trémolo  a  été  effacé,  et 
les  gammes  ont  été  ajoutées.  Mais  comme  le  trémolo,  indiqué  par  une 
ou  deux  notes  seulement,  occupait  beaucoup  moins  de  place  que  les 
gammes,  celles-ci  sont  extrêmement  serrées,  dépassent  même  l'espace 
des  mesures,  et  forcent  les  barres  à  des  courbes  terribles. 

Qu'on  se  figure  maintenant  cet  endroit  accompagné  d'un  simple  tré- 
molo] comme  il  l'était  dans  l'origine,  et  on  conviendra  que  la  première 
inspiration  est  loin  de  tout  épuiser,  et  que  le  travail  postérieur  ramène 
quelquefois  des  idées  sublimes  qui  avaient  échappé  à  l'inspiration. 

En  copiant  ces  notes,  j'acquiers  une  nouvelle  preuve  que  les  quatre 

accords  du  commencement  ont  été  ajoutés  plus  tard.  Une  double  croche 

et  une  noire  manquent  à  la  mesure  finale,  mais  celle-ci  trouve  son 

complément  dans  la  première  mesure  telle  qu'elle  était  dans  l'origine. 

Maintenant  que  la  première  mesure  est  complète,  la  dernière  aussi  a  été 

complétée  par  des  pauses. 

B.  DAMCKE. 


COLLECTIONS  CURIEUSES  DE  MUSIQUE  AICÏEHNE 

A  LA  VENTE  DES  LIVRES  PROVENANT  DES  BIBLIOTHÈQUES 
DU  FEU  ROI  LOUIS-PHILIPPE. 

Il  est  du  devoir  de  la  Gazette  musicale  de  ne  pas  laisser  ignorer  à 
ses  lecteurs  qu'une  vente  aura  lieu  très-prochainement,  où  doivent  être 
mises  aux  enchères  des  œuvres  musicales  dignes  au  plus  haut  point  de 
l'intérêt  des  collectionneurs.  Cette  vente  est  celle  des  livres  du  feu  roi 
Louis-Philippe,  qui  doit  commencer  le  6  décembre  courant  et  se  pro- 
longer jusqu'à  la  fin  du  même  mois. 

Nous  ne  parlerons  pas  de  quelques  parties  des  livres  de  chansons  du 
vieux  maître  Lassus,  attendu  qu'elles  ne  sont  ni  complètes  ni  rares. 
C'est  à  Munich  et  à  Berlin  qu'on  trouve,  dans  toute  leur  splendeur,  ces 
vénérables  monuments  de  l'art  du  xvie  siècle.  Ce  qu'il  y  a  de  plus  pré- 
cieux à  la  vente  dont  nous  avons  l'inventaire  sous  les  yeux,  ce  sont  les 
recueils  d'opéras  et  de  motets  des  compositeurs  français  du  temps  de 
Louis  XIV  et  de  Louis  XV. 

Notons  d'abord  une  collection  de  partitions  de  tragédies  lyriques  et 
d'opéras,  formant  206  volumes  in-4",  reliés  aux  armes  du  comte  de 
Toulouse.  Là  se  trouvent  les  œuvres  de  Lully,  de  Colasse,  de  Desma- 
rets,  de  Campra,  de  Marais,  de  Destouches,  de  Bertin,  de  Bourgeois, 


de  Mouret,  de  Gervais,  de  Villeneuve,  de  Lacoste,  etc.  Cette  collection, 
formée  par  le  comte  de  Toulouse,  est  en  partie  manuscrite  et  en  partie 
imprimée.  Chaque  volume  manuscrit  a  un  titre  imprimé,  au  bas  duquel 
on  lit  :  «  Copiez  par  ordre  exprès  de  S.  A.  Mgr  le  comte  de  Toulouse, 
par  Philidor  Vaine,  garde  de  sa  bibliothèque  de  musique,  l'an  1703.  » 
On  sait  qu'à  la  cour  de  Rambouillet,  tenue  par  la  comtesse  de  Toulouse, 
se  réunissait  la  plus  haute  société  de  France  à  l'époque  de  la  minorité 
de  Louis  XV.  C'est  sans  doute  pour  servir  aux  fêtes  qui  s'y  donnaient, 
que  le  comte  de  Toulouse  avait  chargé  le  garde  de  sa  bibliothèque  mu- 
sicale de  former  la  belle  collection  dont  la  mise  en  vente  excitera  sans 
doute  la  curiosité  des  amateurs. 

Une  autre  collection  également  précieuse  est  celle  des  opéras  de 
Lully,  manuscrits  et  imprimés,  complète,  sauf  Acis  et  Galathée  et  la 
Grotte  de  Versailles.  Vient  ensuite  le  recueil  des  «  Symphonies,  des 
»  opéras  et  des  vieux  ballets  de  Lully,  copié  par  ordre  du  comte  de  Tou- 
»  louse  et  relié  à  ses  armes.  »  Nous  citerons  encore  un  Recueil  d'opéras 
de  divers  compositeurs,  manuscrits  et  imprimés,  en  vingt  volumes 
in-folio  ;  un  recueil  de  ballets  et  les  partitions  détachées  de  plusieurs 
compositeurs  célèbres  du  commencement  du  xvme  siècle. 

La  musique  dramatique  n'est  pas  seule  représentée  à  la  vente  dont 
nous  parlons.  On  y  remarque  également  plusieurs  belles  collections  de 
musique  religieuse.  Nous  citerons  entre  autres  :  1°  Les  motets  à  deux 
chœurs,  composés  par  Lully  pour  la  chapelle  du  roi,  édition  de  1684, 
en  dix-sept  volumes  ;  2°  un  second  recueil  des  motets  du  même  com- 
positeur «copiez  par  ordre  de  Mgr  le  comte  de  Toulouse,  par  Philidor 
l'aine  et  son  fils,  en  1704,  »  formant  quinze  volumes;  les  motets  de 
Lalande;  ceux  de  Colasse  et  de  Minoret,  de  Desmarets,  de  Campra,  de 
Bernier  et  de  Couperin.  Tous  ces  recueils,  manuscrits  ou  imprimés, 
proviennent  de  la  riche  bibliothèque  du  comte  de  Toulouse,  dont  ils 
portent  les  armes,  ainsi  que  nous  l'avons  dit.  Ce  sont  donc,  à  double 
titre,  des  monuments  historiques.  Il  serait  très-désirable  que  le  gou- 
vernement en  fit  l'acquisition  pour  la  bibliothèque  du  Conservatoire. 

Parmi  les  manuscrits  autographes,  on  remarque  celui  d'une  ouver- 
ture d'Haydn,  avec  une  note  de  la  main  de  Spontini  sur  le  feuillet  de 
garde,  et  le  manuscrit  de  Pharaon,  oratorio  de  Fr.  Scheider. 

L'école  moderne  fait  complètement  défaut  dans  le  catalogue  de  la 
vente  dont  il  est  ici  question.  On  n'y  trouve  qu'un  très-petit  nombre 
de  partitions  de  Cherubini,  de  Rossini,  de  Meyerbeer,  de  Boïeldieu,  de 
Nicolo  et  d'Hérold. 


SOCIÉTÉ  SAUTE-CÉCILE. 

La  commission  nommée  par  le  comité  de  la  Société  Saint-Cécile,  à 
l'effet  d'examiner  les  ouvrages  présentés  au  concours  ouvert  pour  la 
mise  en  musique  d'une  ode  à  sainte  Cécile,  paroles  de  M.  Nibel,  a  tenu 
ses  séances  chez  M.  Seghers,  chef  d'orchestre  de  la  Société.  Cette 
commission  était  composée  des  membres  dont  les  noms  suivent  : 
MM.  Halévy,  Adolphe  Adam,  Henri  Reber,  Ch.  Gounod,  Gouvy,  Seghers 
et  Wekerlin.  Les  partitions  à  examiner  étaient  au  nombre  de  vingt- 
deux  ;  les  suffrages  se  sont  portés  à  l'unanimité  sur  l'œuvre  ayant  pour 
désignation  une  lyre,  et  dont  l'auteur  est  M.  Camille  Saint-Saëns. 

Une  autre  partition  a,  en  second  lieu ,  vivement  intéressé  la  Com- 
mission ;  c'est  celle  qui  a  pour  épigraphe  les  paroles  suivantes  :  «  Le 
chant  nous  vient  des  anges,  et  la  source  des  concerts  est  dans  le 
ciel,  »  (Chateaubriand.) 

MM.  les  compositeurs  qui  avaient  pris  part  au  concours  sont  invités 
à  reprendre  leurs  partitions  chez  M.  Seghers  ,  où  il  leur  sera  donné 
communication  du  procès-verbal,  signé  des  membres  de  la  Commis- 
sion. 

L'tde  mise  en  musique  par  M.  Saint-Saëns  sera  entendue  au  concert 
que  la  Société  Sainte-Cécile  consacre  à  l'exécution  d'œuvres  nouvelles 
des  compositeurs  contemporains,  et  qui  aura  lieu,  cette  année,  le  di- 
manche 26  de  ce  mois,  à  la  salle  Sainte-Cécile.  On  y  exécutera  en 


UH   l'AIHS. 


455 


outre,  parmi  d'autres  ouvrages  inconnus  du  public,  une  symphonie 
de  M.  Gade. 

Le  concert  des  compositeurs  contemporains  sera  précédé  d'un  pre- 
mier concert,  fixé  au  dimanche  12  courant,  dont  le  produit  est  destiné 
à  la  fondation  d'une  caisse  de  secours  et  de  prévoyance  pour  les  mem- 
bres de  la  Société. 

Voici  le  programme  de  ce  concert  :  1°  51"  symphonie  en  ré  d'Haydn; 
2°  Berceuse  de  Blanche  de  Provence,  chœur  à  4  voix,  musique  de 
Cherubini  ;  3°  Symphonie  concertante  de  Mozart,  pour  violon  et  alto 
soli  et  orchestre.  Lessoli  seront  exécutés  par  M.  Deloflïe,  premier  vio- 
lon solo  de  la  Société  ,  et  M.  Casimir  Ney  (cette  œuvre  n'a  jamais  été 
entendue  en  France)  ;  4°  Ave  verum,  de  M.  Charles  Gounod,  pour  té- 
nor solo  et  chœurs.  La  partie  de  ténor  sera  chantée  par  M.  Masset  ; 
5°  Ouverture  de  Fier-à-Bras,  de  F.  Schubert  (exécutée  pour  la  pre- 
mière fois).  L'orchestre  sera  dirigé  par  M.  Seghers  et  les  chœurs  par 
M.  Wakerlin. 


NOUVELLES. 

**„  Demain  lundi,  à  l'Opéra,  le  Juif  errant. 

a%  La  semaine  a  été  brillante  et  productive,  en  y  comprenant  la  repré- 
sentation de  dimanche  dernier,  â  laquelle  Robert  le  Diable  avait,  comme 
toujours,  attiré  la  foule.  Le  lendemain  lundi ,  la  Favorite  et  la  Péri  ;  mer- 
credi le  Prophète,  et  vendredi  Moïse,  ont  également  rempli  la  salle. 

#*j  Les  répétitions  de  luisa  Miller  se  poursuivent  toujours  concurrem- 
ment avec  celles  du  Dernier  jour  de  la  Fronde. 

***  Orpha,  le  ballet  nouveau,  doit  être  représenté  sous  peu  de  jours, 

„%  Tous  les  théâtres  étaient  illuminés  jeudi  soir.  A  l'Opéra-Comique, 
la  cantate  de  MM.  Méry  et  Adolphe  Adam,  la  Fête  des  arts.  Chants  de  l'a- 
venir, a  été  exécutée  pour  la  seconde  fois  entre  la  Dame  Blanche  et  le 
Caïd.  La  salle  était  comble,  et  il  avait  fallu  renvoyer  beaucoup  de  monde. 
L'œuvre  poétique  et  musicale,  et  ses  quatre  principaux  interprêtes,  Bat- 
taille,  Mmes  Ugalde,  Lefèbvre  et  Wertheimber,  ainsi  que  la  belle  toile 
représentant  le  Louvre  et  les  Tuileries  à  vol  d'oiseau,  ont  été  chaleureuse- 
ment applaudis. 

„%  L'ouvrage  en  trois  actes  de  Scribe  et  Auber  sera  représenté  du  15 
au  20  de  ce  mois. 

***  Le  Théâtre-Italien  annonce  pour  mardi  prochain  la  première  repré- 
sentation de  Luisa  Miller. 

t*t  Otello  et  la  Sonnambula  ont  défrayé  le  répertoire  de  la  semaine. 
Sophie  Cruvelli,  qui  doit  chanter  le  rôle  principal  de  l'opéra  nouveau, 
n'en  a  pas  moins  chanté  deux  fois  avec  tout  son  talent  et  toute  sa  verve 
le  rôle  de  Desdemona. 

„,*„  Arnoldi,  qui  chantait  le  rôle  d'Elmiro,  a  résilié  son  engagement  et 
part  pour  Toulouse. 

.,.%  Au  Théâtre-Lyrique,  Si  j'étais  roi,  le  postillon  de  Longjumeau  alter- 
nent avec  la  perle  du  Brésil.  On  répète  activement  le  Tabarin  de  Georges 
Bousquet,  ainsi  que  les  ouvrages  dont  la  musique  est  de  MM.  Grisar  et 
Sarmiento. 

*%  A  partir  de  jeudi  dernier,  les  théâtres  ont  repris  les  dénominations 
qu'ils  avaient  sous  l'empire.  Le  grand  opéra  porte  le  titre  d'Académie  im- 
périale de  musique  ;  l'Opéra-Comique,  celui  de  Théâtre  impérial  de  l'Opéra- 
Comique.  Les  sociétaires  du  Théâtre-Français  s'appellent  Comédiens  ordi- 
naires de  S.  M.  l' Empereur. 

*%  La  distribution  des  prix  aux  élèves  du  Conservatoire  impérial  de 
musique  et  de  déclamation  est  remise  à  dimanche  prochain,  12  dé- 
cembre. Elle  sera  présidée  par  M.  Romieu,  directeur  des  Beaux-Arts. 

***  Depuis  quelques  jours  on  a  beaucoup  parlé  de  la  promotion  dont 
un  de  nos  plus  illustres  compositeurs  devait  être  l'objet,  et  dans  laquelle 
nous  aurions  vu,  comme  tout  le  monde,  un  grand  hommage  rendu  à  l'art 
et  au  génie.  Nous  nous  étions  abstenu  de  reproduire  ces  bruits  ;  mais, 
puisqu'on  les  répète  en  y  joignant  des  commentaires,  nous  croyons  devoir 
insérer  textuellement  la  note  suivante,  que  nous  trouvons  dans  le  Mes- 
sager des  théâtres  et  des  arts,  à  la  date  du  l"r  décembre  :  «  Quelques 
»  journaux  ont  parlé  de  la  prochaine  promotion  de  M.  Auber  à  la  dignité 
»  de  sénateur,  et,  donnant  comme  possible  sa  retraite  des  fonctions  de  di- 
»  recteur  du  Conservatoire,  ont  été  jusqu'à  désigner  son  successeur.  Deux 
»  noms  ont  été  mis  en  avant,  ceux  de  MM.  Halévy  et  Ad.  Adam.  Nous  n'a- 
»  vons  pas  besoin  de  faire  ressortir  tout  ce  qu'a  de  blessant  pour  MM.  Ha- 
»  lévy  et  Adam  cette  prétendue  concurrence  à  un  poste  qui  n'est  point 
»  vacant  et  qui  ne  le  sera  probablement  pas  ;  mais  nous  pouvons  affirmer 
»  que  l'honorable  susceptibilité  de  M.  Adam  en  est  doublement  blessée. 
»  Car,  en  admettant  la  regrettable  retraite  de  M.  Auber,  M.  Adam  verrait 
»  avec  non  moins  de  regret  qu'on  lui  supposât  l'idée  de  disputer  à  M.  Ha- 
»  lévy  une  position  qui  semblerait  alors  revenir  tout  naturellement  à 
»  l'illustre  auteur  de  la  Juive,  de  l'Eclair  et  du  Val  d'Andorre.  » 

„%  La  commission  chargée  d'examiner  les  ouvrages  dramatiques  ayant 
droit  aux  primes  instituées  parles  arrêtés  du  12  octobre  1851,  vient  défi- 


nitivement d'être  complétée.  Elle  se  compose  de  MM.  Romieu,  directeur 
des  Beaux-Arts,  président;  Scribe,  Mérimée,  Lebrun,  Sainte-Beuve,  mem- 
bres de  l'Académie  française;  Henri  Chevreau,  secrétaire  général  du  mi- 
nistère de  l'intérieur  ;  Lefebvre-Deumier,  chef  de  la  direction  des  beaux- 
arts,  sciences  et  lettres  au  palais  de  l'Elysée;  Philarète  Chasles,  membre 
du  comité  de  lecture  du  Théâtre-Français;  le  comte  Léon  de  Laborde, 
conservateur  au  Musée  du  Louvre;  Lassabathie,  chef  du  hureau  des  théâ- 
tres à  la  direction  des  beaux-arts  du  ministère  de  l'intérieur. 

»*„  La  proclamation  de  l'Empire  a  été  suivie  de  plusieurs  décrets  de 
grâce  et  de  faveur,  parmi  lesquels  il  en  est  deux  auxquels  la  presse  en- 
tière doit  son  tribut  d'hommages  et  de  gratitude.  Voici  celui  qui  intéresse 
spécialement  la  presse  non  politique,  consacrée  aux  lettres,  sciences  et 
arts  :  Art.  1".  Remise  est  faite  de  toutes  peines  d'emprisonnement  et 
d'amende  prononcées  jusqu'à  ce  jour  :  1°  pour  délits  et  contraventions  en 
matière  de  presse  périodique  ;  2°  pour  délits  et  contraventions  relatifs  a 
la  police  de  l'imprimerie.  Art.  2.  Les  droits  des  parties  civiles  sont  ex- 
pressément réservés. 

*%  M.  Chelard,  dont  nous  avons  annoncé  l'arrivée  à  Paris,  vient  de 
faire  recevoir,  par  la  direction  du  Théâtre-Lyrique,  un  opéra  comique  en 
trois  actes  intitulé  les  Indes  valantes. 

***  Les  débuts  de  Jllle  Méquilletet  de  Mlle  Lemaire  ont  dû  commencer 
à  Bruxelles,  à  partir  du  1"  de  ce  mois. 

%*  Alexandre  Batta,  dont  le  départ  pour  la  Russie  était  prochain,  et  qui 
devait  prolonger  son  excursion  à  travers  les  provinces  russes  jusqu'au 
Caucase,  remet  ce  grand  voyage  à  l'année  prochaine  à  cause  du  deuil  de 
la  cour.  11  se  rend  à  Lyon,  Marseille,  Nice,  puis  reviendra  à  Paris,  où  il 
passera  tout  l'hiver  et  donnera  une  série  de  concerts. 

„,%  Vieuxtemps  est  de  retour  après  un  voyage  triomphal  en  Allemagne 
et  en  Suisse.  Il  se  fixe  désormais  à  Paris. 

***  Géraldy  nous  revient  ;  il  restera  à  Paris  pendant  les  mois  de  décem- 
bre, janvier,  février,  mars  et  avril,  pour  y  reprendre  et  continuer  le  cours 
de  ses  leçons. 

„*„  Max  Bohrer,  le  célèbre  violoncelliste,  est  à  Paris  depuis  quelques 
jours. 

***  L'ouvrage  de  notre  collaborateur,  M.  Berlioz,  intitulé  les  Soirées  de 
l'Orchestre,  et  dont  nous  avons  publié  plusieurs  fragments  dans  ce  journal, 
est  en  vente  chez  Michel  Lévy. 

»%  M.  Cavallini,  le  célèbre  clarinettiste  du  théâtre  de  la  Scala,  de  Milan, 
donne  avec  beaucoup  de  succès  des  concerts  à  Bordeaux. 

***  C'est  décidément  le  20  décembre  qu'aura  lieu  le  premier  concert  de 
la  Société  symphonique,  sous  la  direction  de  M.  A.  Farrenc.  La  salle  Herz 
vient  d'être  restaurée,  et  des  améliorations  ont  été  faites  dans  la  distribu- 
tion des  places.  Les  amateurs  pourront  donc  jouir  tout  à  leur  aise  de  l'ex- 
cellente musique  que  l'on  exécutera  dans  ces  concerts  d'élite.  Les  plus 
belles  compositions  et  les  meilleurs  artistes  y  seront  successivement  en- 
tendus. Voici  quel  sera  le  programme  du  premier  concert  :  1°  Ouverture 
des  Deux  journées,  de  Cherubini  ;  2°  Aria  di  Chiesa,  de  Stradella,  chanté 
par  Jllle  Dietsch  ;  3°  Concerto  de  piano ,  de  Mendelssohn,  exécuté  par 
Mlle  Clauss  ;  4° Air  chanté  par  Mlle  Dietsch;  5°  Solo  de  violon;  6"  Sympho- 
nie en  si  bémol,  composé  pour  les  concerts  de  la  Société  philharmonique. 

*%  Le  répertoire  dansant  que  Waldteufel  a  préparé  pour  cet  hiver  ne 
sera  pas  moins  brillant  que  celui  des  saisons  précédentes,  ni  moins  riche 
en  valses,  polkas,  mazurkas  remarquables.  Son  talent  a  reçu  dernièrement 
l'hommage  le  plus  flatteur  sous  la  forme  d'un  gracieux  présent,  de  la  part 
de  Mme  la  comtesse  d'IIatzfeld,  ambassadrice  de  Prusse. 

t%  M.  Furstenau,  virtuose  sur  la  flûte,  qui  a  joui  dans  son  temps  d'une 
grande  réputation,  est  mort  le  18  novembre  dernier  à  Dresde. 

CRON1QUE   DÉPARTEMENTALE. 

***  Marseille,  26  novembre.  —  Le  Prophète  a  enfin  reparu.  La  faveur 
qui  avait  accueilli  cet  ouvrage  à  sa  création  le  suit  à  chaque  reprise.  Le 
chef-d'œuvre  de  Meyerbeer  fait  salle  comble  à  toutes  les  représenta- 
tions. Cet  empressement  du  public  n'a  rien  qui  nous  étonne  :  h  Prophète 
est  une  de  ces  productions  qui  ont  pour  les  masses  un  attrait  véritable. 
Ajoutons  que  les  artistes  sont  à  la  hauteur  de  cette  sublime  partition. 
Nos  éloges  d'abord,  sans  aucune  restriction,  à  Mme  Lafon,  la  plus  belle, 
la  plus  admirable  Fidès  que  nous  ayons  jamais  entendue  ici.  Cette  can- 
tatrice porte  le  talent  dramatique  à  un  si  haut  degré  ,  qu'on  l'admire 
même  dans  les  scènes  muettes  ;  il  faut  avoir  vu  Mme  Lafon  dans  la  belle 
scène  de  la  cathédrale,  pour  se  faire  une  idée  de  la  vivacité  de  son  regard 
et  de  l'expression  de  sa  physionomie  ;  ajoutez  à  cela  une  voix  vibrante  et 
essentiellement  sympathique,  et  vous  comprendrez  l'immense  succès  de 
Mme  Lafon  dans  le  beau  rôle  de  Fidès.  Il  suffirait  de  dire  que  l'intéres- 
sant personnage  de  Berthe  est  confié.à  Mme  Charton-Demeur  pour  garan- 
tir qu'il  est  interprété  dignement.  Dans  le  beau  duo  du  troisième  acte, 
Mmes  Charton-Demeur  et  Lafon  ont  électrisé  l'auditoire,  qui  a  récom- 
pensé les  deux  cantatrices  par  une  longue  et  chaleureuse  ovation. 
M.  Chaumier  a  obtenu  un  très-beau  succès  dans  le  rôle  de  Jean  de  Leyde. 
Les  couplets  du  dernier  acte  lui  ont  valu  les  honneurs  du  rappel.  Le  pu- 
blic a  été  aussi  très-satisfait  de  M.  Bel  val,  qui  fait  bien  le  Zacharie  le  plus 
complet  que  l'on  puisse  imaginer.  Avec  de  tels  éléments,  le  Prophète  as- 
sure à  l'administration  une  longue  série  de  représentations  brillantes  et 
fructueuses. 


456 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS. 


*  Rouen.  —  Trois  ténors  de  passage  sont  venus  raviver  notre  réper- 
toire*d'opéra.  M.  Laborde  d'abord,  qui,  dans  la  Favorite,  a  trouvé  de  beaux 
élans,  et  de  moitié  avec  Mme  Cornélys,  notre,  excellente  prima  donna,  a 
excité  l'enthousiasme  général.  M.  Bauche  ,  notre  compatriote,  que  nous 
avons  connu  dans  son  meilleur  temps,  nous  a  prouvé  qu'il  n'en  était 
point  encore  aux  souvenirs.  Malheureusement,  un  peu  de  fatigue  qui  se 
trahissait  malgré  lui,  a  nui  à  son  succès  dans  la  Muette.  Enfin,  voici  venir 
M.  Valgalier,  qui  s'est  fait  un  nom  en  province,  et  nous  espérons,  grâce 
à  lui.  passer  encore  quelques  bonnes  soirées.  —  Un  grand  concert  au 
profit  des  pauvres  sera  donné  le  17  de  ce  mois  avec  le  concours  d'Alexis 
Dupond  et  de  Mlle  Félix  Miolan,  de  l'Opéra-Comique. 

CHRONIQUE     ÉTRANGÈRE. 

***  Anvers,  20  novembre.  —  Avant-hier  jeudi,  le  Prophète,  de  Meyerber, 
a  reparu  sur  notre  scène.  A  en  juger  par  les  brillantes  recettes  que  le 
chef-d'œuvre  avait  produites  il  y  a  deux  ans,  une  belle  fortune  lui  était 
encore  réservée.  Aussi  la  salle  a-t-elle  repris,  dès  la  première  représenta- 
tion, tout  son  éclat  et  son  affluence.  M.  Tissere  et  Mlle  Cambier  remplis- 
sent avec  talent  les  deux  principaux  rôles. 

„,*„  Liège,  27  novembre.  —  Le  répertoire  lyrique,  entravé  par  le  refus 
de  subside  de  la  part  de  l'autorité  locale,  commence  enfin  à  marcher.  Le 
Carillunneur  de  Bruges  succédera  bientôt  à  Raymond  ou  le  Secret  de  la 
reine.  —  Un  violoniste  hongrois,  M.  Remenyi,  s'est  présenté  dernièrement 
dans  un  entr'acte.  En  interprétant  Ernst  et  Vieuxtemps,  il  a  fait  preuve 
de  vigueur,  d'une  grande  facilité  dans  le  staccato,  et  d'une  belle  qualité 
de  son,  mais  il  manque  de  style.  —  Dupont,  d'Ensival,  le  brillant  pianiste 
sorti  de  notre  Conservatoire,  nous  a  donné,  le  25,  son  concert  d'adieu.  11 
nous  quitte  pour  aller  occuper  la  place  de  professeur  de  piano  au  Conser- 
vatoire royal  de  Bruxelles.  La  Société  d'Orphée  et  Mlle  Amélie  Bourgeois, 
ancienne  élève  lauréat  du  Conservatoire  de  Paris,  forte  chanteuse  à  notre 
théâtre  sous  le  nom  de  Mlle  Rémy,  ont  prêté  leur  concours  à  M.  Dupont; 
la  première  par  deux  chœurs,  et  la  seconde  par  l'air  de  la  Favorite  et  par 
celui  de  Charles  VI,  où  sa  voix  ample  et  fraîche  n'a  laissé  à  désirer  que 
plus  de  nuances.  L'orchestre,  dirigé  par  M.  Duguet,  a  parfaitement  exé- 
cuté l'ouverture  de  Robin  des  Bois,  celle  du  Songe  a'une  nuit  d'été  et  les 
accompagnements.  Quant  à  M.  Dupont,  le  grand  concerto  en  mi  bémol, 
cinquième  pour  piano,  de  Beethoven,  une  pastorale  avec  un  effet  en  tré- 
molo ttaccato,  production  de  l'exécutant,  de  même  qu'une  grande  fantaisie 
dramatique  pour  piano  et  orchestre,  qu'il  venait  d'achever  pour  cette  cir- 
constance, ont  mis  en  relief  toutes  les  qualités  de  ce  pianiste-compositeur. 

.%  Berlin.  —  La  première  représentation  du  Tannhaus'.r  est  encore 
ajournée.  Auparavant  on  donnera  le  Vampire,  de  Marschner.  11  est  égale- 
ment question  d'un  opéra  en  un  acte  :  Cléopâlre,  de  M.  Truhn.  Le  princi- 
pal rôle  est  destiné  à  Mlle  Wagner.  11  règne  en  ce  moment  une  telle  acti- 
vité dans  le  monde  musical,  que  dernièrement  il  y  avait,  le  même  jour, 
deux  opéras  et  deux  concerts,  et  quelques  jours  après,  un  opéra  et  quatre 
concerts.  —  M.  Marchesi,  l'excellent  baryton,  obtient  beaucoup  de  succès 
à  l'Opéra-Italien. 

»  S'utigard.  —  Au  deuxième  concert  d'abonnement  donné  par  la  cha- 
pelle royale,  on  a  exécuté  l'ouverture  du  Carnaval  romain,  de  Berlioz,  et 
Mlie  Casthinka  Heinefetter  y  a  chanté  le  grand  air  du  prophète  avec  un  suc- 
cès complet,  suivi  de  deux  rappels.  Déjà,  au  premier  concert,  elle  avait 
ravi  les  amateurs  classiques  par  la  belle  manière  avec  laquelle  elle  a 
chanté  le  grand  air  de  Titus,  de  Mozart.  Ajoutons  qu'à  ce  même  concert, 
II.  W.  Krùger  (  dont  nous  avons  déjà  annoncé  le  retour  à  Paris  )  avait  fait 
ses  adieux  à  ses  compatriotes.  Au  trois. ème  concert  qui  vient  d'être 
donné,  on  a  vivement  applaudi  la  Danse  des  fées,  de  Parish|Alvars,  exécutée 
par  l'excellent  harpiste  M.  G.  Kriiger  (frère  du  pianiste) . 

„,%  Presbourg.  —  La  nouvelle  troupe  lyrique  engagée  au  théâtre  de  la 
ville  a  du  succès  :  une  de  ses  plus  belles  représentations  a  été  celle  de 
/a  Juive  ;  le  chef-d'œuvre  d'Halévy  avait  attiré  la  foule. 

***  Leipzig.  —  Le  célèbre  pianiste ,  Dreyschock ,  se  fera  entendre 
prochainement  au  Gewandhaus. 

*  Darmsta  it.  —  Le  21  novembre  a  eu  lieu  la  première  représentation 
de  :  le  Vengeur,  opéra  nouveau  de  M.  Schindelmeisser,  sous  la  direction 
de  l'auteur.  Le  public,  qui  était  nombreux,  a  applaudi  l'ouverture,  les 
chœurs  et  le  troisième  acte  tout  entier. 


fx  Vienne.  —  Pour  sa  quatrième  représentation,  Mme  de  Strantz  avait 
choisi  le  rôle  de  Fides.  Malgré  un  reste  d'indisposition  qui  paralysait  évi- 
demment ses  moyens,  Mme  de  Strantz  a  été  fort  applaudie  ;  elle  a  partagé 
les  honneurs  de  la  soiréeavec  MlleNey  (Bertha)  et  M.  Ander  (Jean  de  Leyde). 
L'opéra  de  Bellini  :  les  Puritains,  a  fourni  à  Mme  de  Lagrange  l'occasion 
de  faire  admirer,  dans  le  rôle  d'Elvire,  son  bel  organe  et  la  perfection  de 
sa  méthode.  —  Un  service  a  été  célébré  à  l'église  paroissiale  des  Écossais, 
en  l'honneur  du  jeune  Hellmesberger,  qu'une  mort  précoce  vient  d'enle- 
ver à  l'art  musical.  On  y  exécuté  le  Requiem  de  Mozart,  et  un  Libéra  de 
M.  Randhartinger. 

„%  Bâle.  —  Nous  avons  ici  un  opéra  et  des  concerts  par  abonnement, 
ce  qui  est  beaucoup  pour  une  ville  de  23,000  habitants.  L'Opéra  a  ouvert 
le  8  octobre  avec  Slradella,  et  depuis  nous  avons  eu  successivement  : 
Bélisaire,  la  Fille  du  Régiment,  l'Enlèvement  du  Sérail,  Fra-Diavolo,  Frets 
chiitz  et  le  Barbier;  toutes  les  représentations  ont  été  satisfaisantes. 
Quant  à  nos  concerts,  ils  sont  souvent  fort  brillants  :  ainsi  nous  avons  en- 
tendu Vieuxtemps  dans  trois  soirées  ;  M.  Stigelli  a  chanté  au  dernier  concert 
d'abonnement. 

„*i  Stockholm,  19  novembrj.  —  Le  Prophète,  de  Meyerbeer,  dont  la  mise 
en  scène  se  préparait  depuis  plus  d'un  an  au  grand  théâtre,  vient  enfin 
d'être  exécuté.  La  direction  n'avait  rien  épargné  pour  que  la  représenta- 
tion fût  digne  du  chef-d'œuvre.  Jamais,  sur  aucun  théâtre  de  Suède,  on 
n'avait  encore  vu  une  telle  magnificence  dans  les  décors,  dans  les 
costumes,  qui,  dans  leurs  moindres  détails,  étaient  imités  de  ceux  du 
grand  Opéra  de  Paris.  L'exécution  a  été  des  plus  satisfaisantes  :  les  chan- 
teurs et  les  instrumentistes,  inspirés  par  cette  belle  musique,  se  sont  sur- 
passés eux-mêmes.  Tous  les  morceaux  ont  été  couverts  d'applaudisse- 
ments :  les  femmes  même  ont  applaudi,  chose  sans  exemple  dans  ce  pays. 
Après  la  fin  du  spectacle,  les  cris  de  :  Vive  Meyerbeer  !  sont  partis  de  tous 
les  points  de  la  vaste  salle.  M.  Strandberg,  Mmes  Norman  et  Michel,  qui 
avaient  rempli  les  principaux  rôles,  ont  été  rappelés  :  le  même  honneur 
a  été  décerné  à  M.  Rodberg,  auteur  du  décor  représentant  la  cathédrale 
de  Munster. 

***  Copenhague.  —  Un  opéra  en  acte  :  Fuite  et  Danger,  par  M.  Henrik 
Ilung,  a  déjà  eu  plus  de  vingt  représentations.  Le  compositeur  est  maître 
de  chant  au  Théâtre-Royal. 

„*»  Rome,  21  novembre.  —  La  troupe  du  théâtre  Argentina  compte 
maintenant  parmi  ses  membres  une  jeune  cantatrice  appartenant  à  l'une 
des  plus  illustres  familles  de  l'Italie,  la  princesse  Dona  Maria  Piccolomini, 
fille  du  prince  de  ce  nom  et  nièce  du  cardinal  Piccolomini.  Cette  jeune 
artiste,  qui  possède  une  belle  voix  de  soprano  d'une  étendue  remarqua- 
ble, surtout  dans  les  cordes  élevées,  a  fait  ses  débuts  en  cette  ville  dans 
les  opéras  de  Poliuto  et  Don  Bucefalo  ;  elle  a  été  accueillie  par  le  public 
avec  enthousiasme.  A  to.utes  les  démarches  de  ses  parents  pour  la  détour- 
ner du  théâtre,  la  jeune  princesse  a  répondu  que  sa  vocation  était  irré- 
sistible. 


ERRATUM. 

Dans  l'article  sur  la  Musique  à  Alger  (voy.  le  n°  du  14  novembre), 
il  s'est  glissé  une  erreur  typographique  ;  au  nom  de  l'un  de  nos  ama- 
teurs les  plus  distingués,  M.  le  baron  Bron,  on  a  substitué  celui  de 
Pron. 


Le  gérant  :  Ernest  DESCHAMPS. 


A  l'usage  des  organistes  du  culte  catholique,  adopté  par  et  pour  les  Con- 
servatoires de  Paris  et  de  Bruxelles,  et  publié  par  M.  Lemmens,  profes- 
seur d'orgue  au  Conservatoire  de  Bruxelles.  Les  deux  premières  années 
contiennent  222  pages  de  musique,  grand  format,  avec  les  explications 
sur  le  doigté  spécial  de  l'orgue,  sur  l'accompagnement  du  plain-chant  et 
une  école  complète  de  la  pédale.  On  les  recevra  franco  à  domicile  au  prix 
de  25  fr.  50.  —  Ecrire  à  M.  Lemmens  à  Bruxelles,  ou  à  M.  A.  Cavaillé- 
Coll  fils,  facteur  d'orgues,  rue  de  Larochefoucault,  66,  à  Paris,  et  à 
MM.  Brandus  et  Cie,  rue  Richelieu,  103.  (Affranchir.) 


Chez  BBAWDIJS  et  O,  f  ©3»  rue  Kiclaelïeu, 
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Quadrille  LES  DAMES  DE  LA  HALLE. 
Polka  russe  LES  CHEVALIERS  GARDES. 
Polka-mazurka  STEEPLE-CIIASE. 


Polka-mazurka  ALMA. 
Schottisch  L'ONCLE  TOM. 
Valse  NEW-YORK. 
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PARIS.  -  IMPRIMERIE  CENTRALE  DE  NAPOLÉON  CBA1X  ET  C",  RUE  BERGÈRE,  20. 


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.      3(1 

Étranger      

.      31 

Le  Joumvi   puroit  le  Dimanche. 


USICÂLE 


SOMMAIRE.  —  Du  développement  fatur  de  la  mus:que  dans  le  domaine  du  rhytlime 
(8e  article),  par  Fétis  père  —  Théâtre  impérial  italien,  Luisa  Miller,  de  Verdi 
(première  représentation),  par  Maurice  Bourgrps.  —  Théâtre-Lyrique,  Gicil- 
hery  le  trompette,  paroles  de  MM.  de  Leuven  et  Beauplan,  musique  de  M.  Sar- 
miento  {première  représentation),  par  C  inen.net. —  Macbeth,  tragédie  en  cinq 
actes  et  en  vers,  d'après  Suakspeare,  de  Léon  Halévy.  —  Nouvelles  et  annonces. 


DU  DEVELOPPEMENT  FUTUR  DE  LÀ  MUSIQUE 

Dans  le   «SnaniKine  tlii   rltytïtnie. 

(8e  article)  (l). 

Je  me  suis  proposé  de  démontrer,  dans  mes  articles  précédents,  qu'il 
y  a  trois  espèces  de  rhythmes  différents  dans  la  musique,  à  savoir,  le 
rhythme  d'accent,  le  rhythme  de  temps  et  le  rhytlime  de  période.  Mon 
but  a  été  de  faire  voir  aussi  que,  dans  chacun  de  ces  rhythmes,  les 
combinaisons  possibles  sont  en  nombre  beaucoup  plus  grand  qu'on  ne 
l'a  cru  jusqu'à  ce  jour,  et  qu'on  peut  y  introduire  des  nombres  de 
temps  et  de  mesures  qui,  par  eux-mêmes,  semblent  antipathiques  à 
notre  sentiment,  mais  qui,  par  la  symétrie  de  leur  emploi,  acquièrent 
les  qualités  rhythmiques,  car  toute  symétrie  est  un  rhythme.  C'est  ce 
qui  fait  dire  à  M.  Vischer,  professeur  à  l'Université  de  Tubinge,  dans 
son  bel  ouvrage  intitulé  :  Esthétique,  ou  science  du  beau  (2),  que 
l'architecture  estera  rhythme  de  lignes,  parce  que  l'enrythmie,  c'est-à- 
dire  le  bel  ordre  architectonique,  résulte  des  proportions  et  du  mouve- 
ment de  ses  lignes.  J'ignore  comment  ce  savant  établira  les  rapports 
rhythmiques  de  l'architecture  et  de  la  musique,  parce  que  la  partie  de 
son  livre  où  il  doit  traiter  de  ce  dernier  art  n'a  pas  encore  paru. 

Hegel  démontre  aussi,  dans  son  Cours  d'esthétique  (3),  l'analogie  de 
la  musique  et  de  l'architecture,  en  ce  que  les  lois  de  la  quantité  et  de 
la  mesure  en  sont  la  base.  Cependant  il  y  a  entre  ces  deux  arts  cette 
différence  radicale,  que  l'espace  est  le  principe  de  l'architecture,  tandis 
que  celui  de  la  musique  est  le  temps.  Qu'il  me  soit  permis  d'entrer  à  ce 
sujet  dans  quelques  développements  qui  me  paraissent  nécessaires  pour 
l'intelligence  de  ce  qui  me  reste  à  dire  sur  le  rhythme  musical,  car  les 
principes  généraux  auxquels  je  vais  arriver  sont  la  plus  complète  con- 
ception de  l'art,  sous  tous  ses  attributs  et  sous  toutes  ses  formes. 

J'ai  dit  pour  la  première  fois  dans  mon  Cours  de  philosophie  de  la 
musique,  en  1832,  que  la  musique  se  distingue  des  arts  plastiques  et 
de  la  peinture,  en  ce  que  ceux-ci  ont  pour  but  l'imngc,  tandis  que 
l'objet  de  la  musique  est  de  pénétrer  dans  l'âme  et  d'y  faire  naître  des 
émotions  de  tout  genre  par  des  idées  créées  et  par  des  sentiments  ex- 

(1)  Voir  les  n"  35,  36,  37,  40,  43,  44  et  48. 

(2)  /Estketik,  oder  Wissenschaft  des  Schônen,  3"  Th.  SS  570-572. 

(3)  Troisième  partie,  chapitre  nc. 


primés.  Sans  doute,  ai-je  ajouté,  le  grand  peintre  et  le  grand  sculpteur 
imprimeront  à  leur  ouvrage  le  cachet  de  leur  originalité  ;  mais,  quelque 
effort  qu'ils  fassent  pour  l'idéaliser,  l'image  sera  inévitablement  la  re- 
présentation d'un  type  pris  dans  le  monde  extérieur,  parla  nature 
même  de  l'art.  Cette  image  est  la  tradition  du  réel,  et  conséquemment 
elle  est  dans  l'espace.  L'œuvre  du  musicien  de  génie  appartient  seule 
à  l'idéal,  lequel  étant  une  succession  de  pensées  et  d'inspirations,  se 
produit  nécessairement  dans  le  temps.  Les  éléments  de  la  peinture,  de 
la  sculpture  et  de  l'architecture  sont  matériels  et  multiples;  le  son,  élé- 
ment unique  de  la  musique,  est  insaisissable  matériellement;  il  naît  des 
vibrations  de  l'air  clans  le  temps,  et  le  fugitif  moment  dans  lequel  il  se 
produit  est  déjà  loin  de  nous  quand  il  résonne  encore  dans  notre  âme, 
si  ce  n'est  à  notre  oreille.  Cet  élément  plein  de  vie,  qui  s'affranchit  de 
l'étendue,  affecte  des  différences  de  qualité  ainsi  que  de  quantité,  et 
dans  son  vol  rapide  se  précipite  à  travers  le  temps. 

En  1835  j'ai  reproduit  ces  distinctions  dans  le  Résumé  philosophique 
de  l'histoire  de  la  musique,  placé  en  tête  de  la  Biographie  universelle 
des  musiciens.  Aucun  des  auteurs,  même  parmi  les  plus  distingués  de 
ceux  qui  avaient  écrit  sur  la  philosophie  des  arts,  Bouterweck,  Heu- 
singer,  Eberhardt  et  Jean-Paul,  n'avait  saisi  cette  base  de  la  science. 
Cène  fut  qu'en  1838,  lorsque  le  cours  d'esthétique  de  Hegel  fut  publié 
par  un  de  ses  élèves,  que  j'eus  le  plaisir  de  voir  mes  principes  con- 
firmés par  ce  profond  penseur.  «  Pour  le  musicien  (dit-il),  s'absorber 
»  dans  son  sujet,  ce  n'est  pas  le  façonner  extérieurement  ;  c'est,  au 
»  contraire,  rentrer  en  soi,  s'enfoncer  librement  dans  les  profondeurs 
»  de  l'âme.  Dans  certaines  compositions  musicales,  cette  absorption  va 
»  même  jusqu'à  l'oubli  du  sujet  dont  l'artiste  s'affranchit.  Si  donc  nous 
»  pouvons  considérer  la  contemplation  du  beau,  en  général,  comme 
»  ayant  pour  effet  d'opérer  une  certaine  délivrance  de  l'âme,  de  nous 
»  affranchir  des  besoins  et  des  misères  de  l'existence  finie  ;  s'il  est  vrai 
»  que  l'art  adoucisse  même  les  infortunes  tragiques  dont  il  offre  le 
»  tableau  idéal,  et  qu'il  transforme  la  douleur  en  jouissance,  il  faut  re- 
»  connaître  que  la  musique  porte  cet  affranchissement  à  son  plus  haut 
»  degré.  L'artiste  qui  produit  cet  effet  sublime  ne  trouve  qu'en  Iui- 
»  même  l'élément  dynamique  de  son  œuvre,  à  savoir  le  temps,  dont 
»  l'homme  seul  a  conscience,  et  qu'il  exprime  sous  les  deux  formes 
»  sentimentales  de  l'accent  et  du  rhythme  (1).  » 

Ce  passage  exige  une  explication.  Hegel  ne  parle  ici  que  du  temps, 
ce  qui  pourrait  faire  croire  qu'il  oublie  les  qualités  du  son,  autres  que 
celles  delà  durée  et  de  la  quantité;  mais  il  n'en  est  pas  ainsi.  Hegel 
sait  que  la  diversité  des  intonations  des  sons  est  un  des  éléments 

(l)  Cours  d'esthétique,  3°  partie,  chapitre  11%  S  1-  Caractère  général  de  la  mu- 
sique. 


458 


REVUE 


GAZETTE  MUSICALE 


essentiels  de  la  musique,  et  que  l'homme  en  a  tiré  les  variétés  tonales, 
la  mélodie  et  l'harmonie  ;  mais  au  point  de  vue  des  physiciens,  il  a 
considéré  ces  intonations  multipliées  du  son  comme  le  produit  de  la 
différence  du  nombre  des  vibrations  du  corps  sonore  dans  un  temps 
donné,  en  sorte  que  c'est  encore  le  temps  qui  fournit  les  éléments  de 
la  tonalité,  de  la  mélodie  et  de  l'harmonie.  Tout  cela  est  bien  un  peu 
confus  dans  la  tête  du  philosophe ,  mais  il  n'en  a  pas  moins  saisi  les 
caractères  distinctifs  de  l'art  et  de  ses  éléments.  Pour  résoudre  d'une 
manière  complète  le  problème  de  la  durée  et  de  ses  combinaisons  mu- 
sicales, il  Jui  a  manqué  seulement  de  remarquer  que  le  temps  seul, 
sans  la  vitesse  proportionnelle,  ne  peut  rien  engendrer  pour  la  mu- 
sique, et  que  les  éléments  rhythmiques  de  celles-ci  ne  peuvent  naître 
que  de  la  synthèse  de  ces  deux  principes. 

Originairement  nous  ne  concevons  la  vitesse  que  comme  un  mouve- 
ment de  translation  plus  ou  moins  rapide  dans  l'espace  :  l'arc  décrit 
par  le  pendule,  en  raison  de  sa  longueur,  nous  en  donne  la  démonstra- 
tion sensible.  D'autre  part,  la  vitesse  et  le  nombre  des  vibrations  d'une 
corde  sonore  ou  de  la  colonne  d'air  contenue  dans  un  tuyau  d'orgue  , 
s' accroissant  en  proportion  de  leur  raccourcissement,  et  les  sons  deve- 
nant par  là  de  plus  en  plus  élevés  dans  leur  intonation,  l'expérience 
nous  ramène  aussi  sous  ce  rapport  à  la  notion  de  la  vitesse  dans  l'es- 
pace. Il  semble  donc  qu'au'point  de  vue  expérimental,  il  y  ait  analogie 
entre  le  temps  mesuré  et  le  son  déterminé,  puisque  les  vibrations  du 
pendule,  en  raison  de  sa  longueur,  sont  la  mesure  de  l'un,  et  que  les 
vibrations  de  la  corde  ou  du  tuyau,  proportionnellement  aussi  à  leur 
longueur,  déterminent  l'intonation  du  son.  Mais  ce  n'est  pas  ainsi  que 
le  musicien  conçoit  la  vitesse  dans  le  temps  et  dans  la  mesure.  La  vi- 
tesse et  la  lenteur  ne  se  placent  à  leurs  divers  degrés,  dans  son  intelli- 
gence et  dans  son  sentiment,  que  comme  des  abstractions  qui  s'identi- 
fient à  la  conception  du  temps  et  de  la  mesure. 

L'analogie  dont  je  viens  de  parler  a  fourni  dans  ces  derniers  temps 
la  base  d'une  théorie  physique  et  mathématique  de  la  musique  sur  la- 
quelle je  ne  puis  garder  le  silence,  car  elle  touche  aux  questions  les 
plus  importantes  de  la  constitution  de  cet  art.  "M.  François-Guillaume 
Opelt,  aujourd'hui  conseiller  des  finances  du  royaume  de  Saxe,  est 
l'auteur  de  cette  théorie.  Depuis  longtemps  il  avait  été  conduit  à  la  for- 
muler par  le  résultat  d'une  suite  d'expériences  faites  au  moyen  d'un 
instrument  de  son  invention  qui  a  beaucoup  d'analogie  avec  la  Syrène 
de  Cagniard-de-la-Tour,  et  auquel  il  donne  le  nom  de  rhythmomètre, 
lorsqu'en  1832,  il  annonça,  dans  la  Gazette  générale  de  musique  de 
Leipzick,  la  prochaine  publication  d'un  ouvrage  spécial  sur  ce  sujet , 
qu'il  recommandait  à  l'attention  des  artistes  et  des  savants.  Ainsi  qu'il 
arrive  trop  souvent,  à  cause  de  l'abus  qu'onafaitdes  théories  prétendues 
de  la  musique,  la  plus  grande  indifférence  accueillit  la  communication 
de  M.  Opelt.  Il  occupait  alors  un  modeste  emploi  dans  la  petite  ville  de 
Plauen,  et,  sans  doute,  sa  situation  ne  lui  permettaitpas  de  faire  la  dépense 
considérable  de  l'impression  d'un  livre  dont  le  débit  paraissait  au  moins 
incertain.  La  publication  d'un  extrait  de  son  ouvrage,  qui  en  contien- 
drait les  parties  les  plus  importantes,  lui  parut  le  meilleur  expédient 
pour  triompher  de  l'indifférence  du  public.  Il  le  fit  paraître  en  1834, 
sous  ce  titre  :  Sur  la  nature  de  la  musique  (1).  Je  crains  bien  toute- 
fois que  Fink,  auteur  de  l'analyse  qui  parut  dans  la  Gazette  générale  de 
musique  (1834,  n°  47),  et  moi,  ayons  été  les  seuls  lecteurs  attentifs  de 
cet  opuscule,  car  dans  les  dix-huit  années  écoulées  depuis  lors,  il  n'en 
a  été  fait  mention  par  aucun  écrivain  sur  la  musique.  Néanmoins, 
M.  Opelt  ne  s'est  pas  découragé.  Appelé  à  Dresde  pour  y  occuper  une 
place  importante  dans  l'administration  financière,  il  a  trouvé  dans 
cette  position  des  avantages  assez  considérables  pour  faire  le  sacrifice 
nécessaire  à  l'impression  de  sa  Théorie  générale  de  la  Musique  (2), 
qui  vient  de  paraître  à  Leipzick. 

(1)  Veber  die  Natar  der  Musik.  Plauen,  1834,  petit  in-i°  de  48  pages,  avec  une 
planche. 

(2)  Allgemeine  Théorie  der  Musik  auf  den  Rhythmus  der  Klangwillenpidse 
und  durch  neue  Versinnlichungsmiltel  erlûutert.  Leipzick,  1852,  gr.  in-4°. 


M.  Opelt  possède  une  instruction  solide  en  physique,  dans  le  calcul 
et  dans  la  musique  ;  il  paraît  être  d'ailleurs  expérimentateur  intelligent; 
mais,  ainsi  que  la  plupart  des  physiciens  et  mathématiciens  qui  se  sont 
occupés  de  musique,  il  se  persuade  que  les  bases  de  cet  art  existent 
dans  les  phénomènes  du  monde  matériel  et  dans  les  formules  numéri- 
ques qu'on  en  déduit.  Rien  ne  le  prouve  mieux  que  le  titre  donné  par 
lui  à  son  premier  opuscule  :  Sur  la  nature  de  la  musique.  La  nature 
de  la  musique,  suivant  lui,  c'est  ce  qui  résulte  de  ses  expériences  sur 
le  monocorde,  le  pendule  et  le  rhythmomètre.  De  ces  expériences  il 
tire  la  démonstration  de  l'analogie,  ou  plutôt  de  l'identité  des  inter- 
valles des  sons  et  de  la  durée  relative  de  ceux-ci.  De  ces  intervalles  il 
fait  sortir  tout  un  système  d'harmonie  et  de  mélodie  ;  des  proportions 
de  la  durée  variable  des  sons,  il  déduit  toutes  les  formules  des  éléments 
rhythmiques.  Or,  voilà  bien  toute  la  musique  :  il  n'y  manque  plus  que 
le  sentiment  et  l'imagination ,  bagatelles  dont  M.  Opelt  ne  tient  pas  grand 
compte.  Dans  son  opinion,  le  plaisir  que  procure  la  musique  ne  consiste 
que  dans  les  rapports  numériques  des  intervalles  des  sons  et  dans  ceux 
des  durées  de  ces  sons  :  or,  le  plaisir  est  d'autant  plus  vif  que,  les  rap- 
ports étant  plus  simples,  le  calcul  s'en  fait  avec  plus  de  facilité.  Nous 
voici  donc  ramenés  à  cette  proposition  émise  pour  la  première  fois  par 
Descartes,  et  qui  a  égaré  la  puissante  tête  d'Euler,  comme  je  l'ai  dé- 
montré dans  mon  Esquisse  de  l'histoire  de  l'harmonie  (pag.  74-91  ). 
11  y  a  dans  cette  base  deux  choses  qu'il  est  important  d'éclaircir  par  la 
discussion,  particulièrement  pour  le  sujet  que  je  traite  dans  ces  articles. 
Et  d'abord  rappelons  ici  ce  que  j'ai  démontré  en  vingt  endroits,  à 
savoir,  que  les  relations  de  sons  fournies  par  les  instruments  acousti- 
ques et  déterminées  par  le  calcul,  sont  des  faits  isolés  desquels. ne  peut 
sortir  la  loi  de  leur  enchaînement  tonal,  soit  mélodique,  soit  harmoni- 
que. Or,  c'est  le  mouvement  des  sons,  c'est-à-dire  leur  succession,  en 
vertu  des  lois  de  tonalité  et  de  rhythme,  qui  constitue  la  musique.  Ces 
lois  sont  des  conceptions  idéales,  métaphysiques,  non  des  acquisitions 
empiriques.  C'est  l'homme  qui  les  a  créées  et  qui  les  a  formulées  di- 
versement suivant  les  temps,  les  lieux  et  les  mœurs.  M.  Opelt  construit 
une  échelle  chromatique  par  les  principes  de  tous  les  géomètres,  c'est- 
à-dire  par  ces  faux  principes  qui  se  basent  sur  des  tons  inégaux,  bien 
qu'ils  soient  égaux  dans  notre  tonalité,  et  par  de  prétendus  demi-tons 
majeurs,  qui  sont  en  réalité  mineurs,  puisqu'ils  sont  attractifs.  A  grand' 
peine,  et  par  des  procédés  tout  arbitraires,  il  tire  de  tout  cela  des 
accords  ;  mais  ces  accords  sont  immuables  :  rien  ne  peut  les  faire  sortir 
de  leur  repos  éternel.  De  même ,  et  par  des  procédés  analogues,  il 
trouve  des  éléments  de  rhythme,  mais  il  n'en  peut  faire  sortir  une 
conception  rhythmique  véritable,  car  une  conception  ne  peut  naître  de 
faits  matériels. 

Supposons  cependant  que  les  expériences  et  les  opérations  numéri- 
ques de  ce  savant  lui  eussent  fait  trouver  dans  la  nature  ce  que  je  lui 
refuse;  qu'en  pourrait -on  conclure?  N'est -il  pas  évident  que  les 
hommes  n'ont  eu  aucune  connaissance  de  ces  choses  lorsqu'ils  ont  for- 
mulé leurs  tonalités  ?  Ne  sait-on  pas  que  les  peuples  les  plus  barbares  et 
les  plus  ignorants  ont  rhythme  leurs  chants  par  la  seule  loi  de  leur 
instinct?  Ne  connaît-on  pas  l'histoire  des  premiers  essais  d'harmonie, 
des  développements  de  cette  partie  de  l'art,  de  ses  transformations  et 
de  ses  acquisitions  successives  par  de  pures  intuitions  intellectuelles  et 
sentimentales  ?  Or,  qu'est-ce  que  la  théorie  de  ces  choses,  si  ce  n'est 
l'exposé  des  opérations  de  l'esprit  et  du  sentiment  qui  ont  présidé  à 
leur  création,  et  comment  la  théorie  de  faits  qu'on  ignorait  lorsque 
l'art  s'est  formé,  pourrait-elle  être  celle  de  cet  art?  Si  donc  nous  sup- 
posons que  ces  faits  ont  réellement  la  valeur  et  la  signification  qu'on 
leur  accorde  gratuitement,  on  n'y  pourra  reconnaître  que  cette  har- 
monie que  Leibnitz  suppose  préétablie  par  Dieu  entre  les  phénomènes 
du  monde  physique  et  ceux  de  la  pensée,  ou,  pour  me  servir  de  la 
formule  fondamentale  de  la  philosophie  de  Schelling,  l'accord  de  l'in- 
tuition et  du  fait,  de  l'idéal  et  du  réel. 

Mais  cet  accord,  en  quoi  pourrait-il  consister  ?  Le  voici  :  Nul  doute 
qu'en  l'absence  des  phénomènes  physiques  de  la  production  des  sons, 


DE  PAl'.IS. 


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la  musique  n'existerait  pas.  De  l'observation  de  ces  phénomènes,  de 
leur  analyse,  de  l'application  qu'on  y  fait  du  calcul,  nait  une  science, 
c'est-à-dire  une  théorie.  Cette  science  a  un  nom  :  c'est  1' 'acoustique. 
Elle  s'occupe  uniquement  des  faits,  s'attache  à  les  connaître  et  en 
étudie  les  lois.  Comme  toute  science  venue  de  l'homme,  celle-là  a  ses 
limites  :  ces  limites  se  posent  d'elles-mêmes  là  où  les  faits  cessent  de 
parler  ;  là  où  l'intervention  de  l'intelligence,  du  sentiment,  de  l'ima- 
gination et  de  la  volonté,  devient  nécessaire;  car  les  faits  ne  contien- 
nent rien  de  tout  cela.  Aux  limites  de  la  science  de  l'acoustique  com- 
mence donc  la  science  de  l'art,  et  l'on  voit  que  celle-ci  ne  peut  être 
que  métaphysique,  suivant  la  signification  même  du  mot.  Ce  qui  con- 
stitue l'art,  c'est  l'évolution,  le  mouvement,  la  succession  ;  or,  cela  ne 
résulte  pas  des  faits  de  l'acoustique.  Il  n'y  a  dans  ces  faits  ni  levier,  ni 
plan  incliné,  ni  chute  de  corps,  comme  dans  la  mécanique  ;  on  ne  peut 
conséquemment  former  ni  une  statique,  ni  une  dynamique  des  sons,  à 
moins  qu'on  n'aille  prendre  le  levier,  l'attraction  et  la  loi  du  mouve- 
ment dans  l'âme  humaine.  Les  découvertes  de  M.  Opelt  dans  les  coïn- 
cidences des  vibrations  des  sons  et  de  celles  d'un  pendule  sont  inté- 
ressantes et  curieuses;  il  porte  dans  l'examen  de  ces  faits  et  dans  les 
applications  qu'il  y  fait  du  calcul  une  rare  sagacité,  et  l'on  ne  peut  lui 
refuser  d'avoir  fait  un  pas  dans  la  science  ;  mais  cette  science  est  la 
théorie  des  vibrations,  non  la  théorie  de  la  musique,  comme  il  le  croit. 
11  connaît  la  mesure  des  intervalles  des  sons  et  de  la  durée  de  ceux-ci  : 
mais  il  ignore  les  causes  de  leurs  évolutions  dans  l'art,  sans  lesquelles 
cet  art  n'existerait  pas. 

Examinons  maintenant  de  quelle  nature  sont  les  rapports  saisis  par 
l'homme,  soit  dans  les  relations  tonales  des  sons,  soit  dans  leurs  rela- 
tions rhythmiques.  Nul  doute  que  des  rapports  de  cette  espèce  exis- 
tent dans  l'esprit,  soit  au  moment  de  la  composition,  soit  à  celui  de 
l'audition  de  la  musique;  mais  quels  sont-ils?  Suivant  les  physiciens 
et  les  géomètres,  ce  sont  des  rapports  de  nombre  de  vibrations,  ou 
même  des  logarithmes  acoustiques  de  ces  nombres.  On  pourrait  douter 
qu'une  pareille  prétention  fût  émise  sérieusement,  si  rien  pouvait  éton- 
ner dans  les  applications  trop  rigoureuses  d'un  principe  quelconque. 
Les  sons,  disent  les  acousticiens,  diffèrent  d'intonation  parce  que  les 
nombres  de  vibrations  qui  les  produisent  diffèrent  entre  eux;  donc, 
puisque  vous  avez  conscience  des  différences  de  leurs  intonations,  vous 
saisissez  les  rapports  des  nombres  de  leurs  vibrations.  Vous  ne  pouvez 
apprécier  le  rapport  d'intonation  sans  que  l'autre  y  soit  implicitement 
contenu.  Il  en  est  de  même  à  l'égard  du  temps,  dit  M.  Opelt.  Mais, 
quoi  !  lorsque  je  saisis  les  rapports  de  plusieurs  sons  successifs  ou  simul- 
tanés, que  fais-je  si  ce  n'est  que  je  les  compare  à  un  ordre  de  tonalité 
dont  j'ai  au  moins  l'intuition,  si  je  n'en  ai  la  connaissance?  Et  ce  qui 
m'instruit  de  leur  destination  et  me  fait  connaître  s'ils  ont  de  l'ana- 
logie avec  cet  ordre  tonal  ou  s'il  en  sont  dépourvus,  n'est-ce  pas  cer- 
taines tendances  sympathiques  que  je  reconnais  en  eux,  et  qui  me  font 
éprouver  pour  leur  alliance  ou  du  penchant  ou  de  la  répugnance?  Ils  ont 
entre  eux  des  attractions  ou  des  répulsions  ;  or,  ce  sont  ces  rapports 
que  je  saisis  sans  peine.  C'est  donc  abuser  des  mots  que  de  prétendre 
que  ces  rapports  me  sont  représentés  par  des  nombres  dont  je  fais  le 
calcul.  Lorsqu'une  quinte  frappe  mon  oreille,  si  elle  est  parfaitement 
juste,  j'ai  le  sentiment  de  leur  consonnance  absolue  et  de  leur  identité 
tonale  ;  mais  rien  ne  m'avertit  que  le  rapport  des  deux  sons  qui  la 
forment  est  3  :  2.  Si  j'entends  une  tierce  majeure  et  une  tierce  mi- 
neure, j'ignore  absolument  que  l'une  est  dans  le  rapport  de  k  :  5,  et 
que  l'autre  est  dans  celui  de  5  :  6  ;  mais  suivant  la  place  qu'elles  oc- 
cupent dans  la  formule  tonale,  elles  m'éclairent  sur  la  nature  du  mode, 
et  conséquemment  je  saisis  le  rapport  essentiel  de  leur  alliance.  Si 
l'exercice  a  perfectionné  mon  organisation,  je  deviens  plus  habile  à 
saisir  les  combinaisons  de  plusieurs  rapports  différents ,  et  je  puis 
même  arriver  à  avoir  présents  à  mon  intelligence  et  en  rapport  avec 
mon  sentiment,  tous  les  tons  et  tous  les  modes.  Je  puis  saisir  avec  la  ra- 
pidité de  l'éclair  toutes  les  tendances  de  la  résolution  d'une  harmonie 
dissonnante  vers  l'un  ou  l'autre  de  ces  tons,  et  cet  exercice  peut  me 


causer  une  vive  et  complète  satisfaction,  sans  que  j'aie  la  moindre  in- 
tuition de  l'effroyable  calcul  qui  pourrait  représenter  ces  tendances  et 
ces  résolutions  variables.  C'est  en  ce  sens,  il  n'en  faut  pas  douter,  que 
doit  être  interprétée  cette  proposition  de  Loibnilz,  que  la  musique  est 
vn  calcul  secret  fait  par  l'âme  à  son  insu. 

A  l'égard  de  la  mesure  de  la  durée  des  sons  et  du  temps  musical, 
c'est  autre  chose.  En  l'absence  des  nombres,  les  rapports  seraient  in- 
saisissables. Or,  ceux-là,  nous  les  sentons  avec  évidence.  Si  notre  or- 
ganisation est  défectueuse  et  si  notre  sentiment  du  nombre  est  faible, 
nous  appelons  à  notre  aide  quelque  moyen  secondaire  pour  le  fortifier, 
tel  que  celui  de  battre  la  mesure.  Mais  si  nous  sommes  doté  riche- 
ment par  la  nature  pour  sentir  et  pour  comprendre  l'art,  non-seule- 
ment nous  saisissons  avec  facilité  toutes  lescombinaisonsdu  temps  musi- 
cal, mais  nous  avons  àla  fois  conscience  de  plusieursordres  de  symétrie, 
qui,  sans  se  confondre,  nous  rendent  sensibles  plusieurs  rhythmes  con- 
temporains, tels  que  le  rhythme  de  temps,  le  rhylhme  d'accent,  le 
rhythme  combiné  de  plusieurs  sortes  de  mesures,  et  enfin  le  rhythme 
périodique  ;  et  cela  sans  détourner  notre  attention  des  rapports  combi- 
nés de  tonalité,  de  mélodie  et  d'harmonie,  lesquels  ne  sont  encore  que 
les  moyens  de  la  pensée  expressive  où  notre  âme  s'absorbe  tout  en- 
tière. 

C'est  ici  que  doit  venir  se  placer  dans  toute  sa  force  la  réfutation  de 
ce  faux  principe  repris  par  M.  Opelt  comme  base  de  sa  théorie,  mal- 
gré le  naufrage  du  génie  d'Euler  contre  cet  écueil  ;  à  savoir,  que  le 
plaisir  produit  par  la  musique  est  d'autant  plus  complet  que  les  pro- 
portions des  intervalles  des  sons  ou  de  la  durée  de  ceux-ci  sont  plus 
simples  et  que  le  calcul  en  est  plus  facile.  S'il  en  était  ainsi,  n'est-il 
pas  évident  que  jamais  la  révolution  opérée  par  la  hardiesse  instinc- 
tive de  Monteverde  n'aurait  pu  s'opérer,  car  les  proportions  des  con- 
sonnances  sont  infiniment  plus  simples  que  celles  des  dissonances.  Or, 
l'octave,  la  quinte  juste  et  la  tierce  majeure  ou  mineure,  représentées 
par  ces  proportions,  donnent  une  harmonie  de  repos  absolu  que  rien 
ne  peut  interrompre  ni  troubler,  hormis  la  volonté  de  l'artiste.  Avec 
cette  harmonie,  nous  ne  pouvons  avoir  que  la  vieille  tonalité  de  l'é- 
glise, une  musique  calme  et  dépourvue  d'expression,  enfin  l'absence  de 
mouvement,  de  cadence  et  de  modulation.  Avec  les  dissonances,  nous 
voyons  entrer  dans  l'art  l'attraction  des  sons,  la  nécessité  de  résolution 
de  ces  harmonies,  d'où  l'accent  expressif  et  passionné,  et  par  suite,  la 
cadence,  sans  laquelle  le  rhythme  périodique  ne  peut  exister,  et  la  mo- 
dulation qui  réalise  le  mouvement  tonal.  L'histoire  nous  apprend  quel 
fut  l'entraînement  irrésistible  vers  ces  nouveautés  ;  elle  nous  fait  voir 
dans  la  suite  des  temps  l'introduction  de  nouvelles  dissonances  dans 
la  musique,  et  les  tendances  de  plus  en  plus  développées  chez  les  ar- 
tistes et  dans  les  populations  civilisées,  vers  une  formule  générale  de 
tonalité  par  la  multiplicité  des  attractions.  De  tout  cela  est  résulté  une 
complication  excessive  dans  les  proportions  des  éléments  de  tonalité, 
de  mélodie  et  d'harmonie.  S'il  était  vrai  que  cette  complication  fût  un 
obstacle  au  plaisir  que  procure  la  musique,  nul  n'aurait  songé  à  l'y 
mettre,  car  notre  instinct  nous  porte  à  rechercher  ce  qui  peut  nous 
satisfaire  et  à  éviter  ce  qui  nous  blesse  ;  mais,  loin  de  nous  être  anti- 
pathiques, ce  sont  ces  mêmes  combinaisons  multipliées  et  variables 
dans  leurs  tendances  qui  nous  charment  à  l'audition  de  la  musique, 
parce  qu'elles  en  sont  le  mouvement,  et  qu'elles  nous  font  passer  par 
ces  alternatives  de  l'agitation  et  du  repos,  nécessaires  à  notre  organi- 
sation. 

De  même,  la  symétrie,  condition  fondamentale  du  rhythme,  n'est  pas 
nécessairement  bornée  aux  proportions  les  plus  simples  pour  nous  sa- 
tisfaire. Je  rentre  ici  dans  la  spécialité  de  mon  sujet;  mais  ce  n'est  pas 
sans  dessein  que  j'ai  paru  m'en  écarter  dans  ce  qui  précède;  car  si, 
d'une  part,  j'ai  fait  un  effort  pour  démontrer  que  le  rhythme  est  une 
condition  nécessaire  de  la  musique  aussi  bien  que  la  tonalité  et  l'har- 
monie, si  j'ai  soutenu  en  outre  qu'il  n'y  a  de  rhythme  que  dans  la  sy- 
métrie, j'ai  fait  voir  aussi  que  cette  symétrie  n'est  pas  renfermée  dans 
les  bornes  étroites  qu'on  lui  a  longtemps  assignées.  C'est  que  le  philo- 


h&o 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


sophe  réaliste  Herbart,  cet  antagoniste  si  ardent  des  théories  de 
Schelling  et  de  Hegel,  a  très-bien  compris,  car  il  dit  avec  un  grand 
sens  :  «  Le  temps  et  l'espace  sont  manifestement  les  sources  d'un  grand 
n  nombre  de  rapports  esthétiques,  parmi  lesquels  on  remarque  le  plus 
»  facilement  ceux  de  la  symétrie.  Il  est  remarquable  que  le  manque  de 
»  symétrie  produit  plus  sûrement  le  déplaisir  que  son  observation  ne 
»  produit  le  beau.  La  symétrie  seule  est  trop  uniforme,  et  l'uniformité 
»  est  mère  de  l'ennui.  Mais  ici  on  risque  de  mêler  aux  éléments  esthé- 
»  tiques  un  élément  étranger.  Le  besoin  de  variété,  le  plaisir  qui  en 
»  résulte,  est  à  la  fois  esthétique  et  psychologique.  Au  point  de  vue 
»  psychologique,  la  variété  délasse  et  amuse  ;  au  point  de  vue  esthé- 
«  tique,  elle  plaît  et  intéresse,  mais  à  la  condition  de  ne  pas  anéantir 
»  l'unité.  S'il  y  a  une  formule  générale  propre  à  expliquer  le  beau  dans 
»  les  arts,  c'est  celle-ci  :  S'écarter  quelquefois  de  la  régularité  et  y  re- 
»  venir  sans  cesse  (1).  »  C'est  là  précisément  ce  qui  m'a  déterminé  à 
proposer  les  innovations  rhythmiques  dont  j'ai  conçu  le  système,  car 
j'ai  la  conviction  que  nous  arrivons  à  une  époque  de  la  vie  de  l'art  où 
elles  seront  nécessaires  ;  mais  je  maintiens  toujours  que  la  symétrie 
dans  le  rhylhme,  sous  quelque  forme  qu'on  la  présente,  est  dictée  par 
notre  organisation  physique  et  morale.  La  simplicité  n'en  est  pas  la  con- 
dition nécessaire,  car  il  n'est  pas  rare  que  le  compositeur  établisse  dans 
son  ouvrage,  outre  les  rhythmes  de  temps,  d'accent  et  de  période, 
plusieurs  rhythmes  divers  dans  les  parties  d'accompagnement  qui  con- 
courent à  la  formation  de  l'harmonie.  On  trouve  même  chez  des  peu- 
ples peu  avancés  dans  la  culture  de  l'art,  des  exemples  assez  remar- 
quables de  la  combinaison  de  plusieurs  rhythmes  contemporains. 
"Villoteau  rapporte  à  ce  sujet  qu'une  marche  exécutée  par  les  hautbois 
et  flûtes  à  l'unisson  par  les  Égyptiens,  à  l'époque  où  le  pays  était 
occupé  par  l'armée  française,  était  accompagnée  par  quatre  grosses 
caisses  qui  frappaient  toutes  dans  des  rhythmes  différents,  par  sept 
paires  de  grandes  timbales  dont  chacune  avait  aussi  son  rhythme,  par 
trois  paires  de  pi  us  petites,  et  enfin  par  d'autres  très-petites  qui,  toutes, 
rhythmaient  d'une  façon  particulière.  A  Dieu  ne  plaise  que  je  propose 
à  nos  compositeurs  d'imiter  ce  tintamarre;  mais  il  n'est  pas  moins 
vrai  que  les  habitants  du  Caire  y  prenaient  grand  plaisir,  d'où  il  faut 
conclure  qu'ils  saisissaient  les  rapports  de  tous  ces  rhythmes  divers. 

Pour  en  finir  avec  toutes  les  théories  empiriques  par  lesquelles  on 
prétend  ravir  à  l'humanité  la  création  de  l'art  pour  lui  en  imposer  un 
qui  ne  lui  laisse  qu'un  plaisir  passif  et  sensuel,  j'ai  cru  devoir  poser 
nettement  la  question  et^la  résoudre  de  même.  Par  là,  le  public  et  les 
artistes  sauront  désormais  que,  quelle  que  soit  la  théorie  physique  ou 
mathématique  qu'on  voudra  imposer^  la  musique  ou  qui  ait  déjà  vu  le 
jour,  elle  n'est  et  ne  peut  être'qu'une  théorie  de  l'acoustique,  dont  l'art 
n'a  rien  à  attendre. 

Pour  terminer  d'autre  part  en  ce  qui  concerne  le  rhythme,  je  crois 
devoir  répéter  encore  la  déclaration  que  j'ai  déjà  faite  plusieurs  fois,  à 
savoir,  que  les  innovations  proposées  par  moi  dans  ce  travail  sont  des 
éléments  qui  n'auront  de  valeur  que  lorsqu'ils  seront  mis  en  œuvre 
par  le  génie.  Ils  constituent  un  nouvel  ordre  de  choses  dans  lequel  les 
idées  pourront  se  développer;  mais  en  l'absence  de  ces  idées,  on  n'v 
trouverait  que  des  formules  vides.  Le  rhythme  est  avant  tout  dans  le 
caractère  donné  par  le  compositeur  à  son  chant;  c'est  ce  caractère  qui, 
dans  les  conditions  ordinaires  mêmes,  domine  la  conception  de  l'ou- 
vrage. Meyerbeer  en  a  donné  des  exemples  bien  remarquables  dans  son 
recueil  de  quarante  mélodies,  l'un  de  ses  plus  beaux  ouvrages.  Si  quel- 
que jour  il  applique  son  génie  aux  nouvelles  formes  rhythmiques  que 
j'ai  fait  connaître,  il  y  a  lieu  de  croire  qu'il  produira  des  effets  neufs  et 
puissants. 

Dans  l'article  prochain,  je  traiterai  des  rapports  de  la  versification 
avec  les  nouveautés  du  rhylhme  musical. 

FÉTIS  père. 

(1)  Elnleihmg  in  die  PI,ilosoj}Jrie  (Introduction  â  la  philosophie),  '3°  édition, 
Kœnigsberg,  183G.  S  88. 


THÉÂTRE  IIPÉBÏAL  ITALIEN. 

LUISA   MIl^EK. 

Mélodrame  en  trois  actes,    libretto  de  S.  Cammarano,  partition 
de  G.  Verdi. 

(Première  représentation  le  7  décembre  1852.) 

Nous  n'avons  pas  aujourd'hui  à  revenir  sur  le  passé  de  Verdi ,  à  juger 
l'ensemble  de  ses  œuvres  précédentes,  à  rattacher  ou  à  comparer  la 
nouvelle  partition  à  ses  sœurs  aînées.  On  nous  donne  Luisa  Miller  pour 
une  transformation  de  la  manière  du  maestro.  Prenons-la  comme  telle  : 
soyons  accommodants.  Admettons  la  métamorphose  sans  discussion  ; 
dégageons-nous  dès  lors  des  préventions  que  les  souvenirs  pourraient 
faire  naître  ;  oublions  tout  ce  qui  a  été  dit  pour  et  contre  la  musique  de 
Verdi,  et  ne  considérons  Luisa  Miller  qu'en  elle-même  ,  isolément, 
comme  nous  ferions  du  premier  ouvrage  d'un  compositeur  nouveau 
venu.  C'est,  on  le  sait,  à  un  drame  bourgeois  de  Schiller,  l'Intrigue  et 
l'Amour,  que  le  poëte  italien  a  emprunté  non-seulement  le  sujet,  mais 
aussi  les  principales  situations  et  parfois  le  texte  même  du  dialogue  de 
son  opéra.  La  pièce  originale  est  trop  connue  pour  qu'une  analyse  soit 
ici  nécessaire.  Cammarano  a  dû  en  resserrer  l'action,  introduire  des 
modifications  qui  auraient  pu  être  plus  ingénieuses,  supprimer  quelques 
personnages,  et  imaginer  çà  et  là  des  incidents  autres  que  ceux  de  la 
tragédie  de  Schiller.  Mais  tout  cela  ne  tire  pas  à  conséquence  sur  la 
scène  italienne  :  tout  va  bien  dès  que  le  libretto  est  fécond  en  situations 
musicales,  et  celui-ci  l'est  sans  aucun  doute.  Seulement,  la  distribution 
des  morceaux  entre  les  diverses  espèces  de  voix  n'est  pas  toujours  fort 
adroite.  Au  premier  acte,  par  exemple,  deux  airs  pour  voix  graves  se 
suivent  immédiatement;  au  troisième,  le  timbre  du  soprano  figure 
presque  sans  relâche  du  commencement  à  la  fin.  Il  eût  été  facile  d'évi- 
ter la  monotonie  qui  en  résulte. 

Cela  dit  sur  les  qualités  et  les  défauts  du  livret,  faisons  la  part  du 
musicien. 

L'ouverture,  d'un  seul  mouvement  très-animé,  est  chaleureuse,  dra- 
matique, à  effet.  Elle  a  de  l'unité  et  de  l'intérêt.  On  y  remarque  par- 
ticulièrement un  beau  chant  de  clarinette,  que  M.  Klosé  exécute  avec 
un  goût  et  une  pureté  extrêmes.  Le  chœur  d'introduction,  d'un  caractère 
champêtre,  est  frais  et  agréable,  quoique  peu  nouveau.  Il  y  a  de  l'élé- 
gance dans  l'accompagnement  léger  des  instruments  à  vent  à  la  reprise 
du  motif. 

La  romance  de  Luisa,  Lo  vidi,  ne  manque  ni  de  grâce  ni  de  brillant. 
Il  est  fâcheux  cependant  que  le  repos  de  la  phrase  musicale  ait  lieu 
quand  le  sens  grammatical  est  encore  suspendu  et  inachevé.  Mais  qui 
s'aperçoit  de  cette  incorrection  antilogique  lorsque  la  délicieuse  voix 
de  Mlle  Cruvelli  parsème  tout  cela  de  notes  suaves  et  étincelantes  ? 

Le  trio  T'amo,  qui  se  convertit  en  morceau  d'ensemble,  est  réelle- 
ment joli.  La  mélodie  principale  a  la  tournure  française.  Vient  ensuite 
un  air  de  baryton;  le  premier  mouvement,  Sacra  la  scelta,  se  dis- 
tingue par  une  certaine  onction  solennelle  qui  déguise  assez  bien  l'ari- 
dité réelle  du  chant.  L'allégro  Ah  !fit  giusto  est  franchement  rhythme  ; 
par  malheur,  Valli,  le  débutant,  le  dit  avec  une  exagération,  un  ma- 
niéré, et  des  vibrations  perpétuelles  de  voix,  qui  justifient  très-bien  la 
froide  impassibilité  de  l'auditoire.  Susini  n'est  guère  plus  heureux  en 
chantant  l'air  du  comte  de  Walter,  //  mio  sangue,  qui  a  pourtant  du 
mérite  ;  la  sombre  couleur  du  début  est  convenable,  et  sur  l'exclama- 
tion Pena  atroce  !  la  modulation  et  le  dessin  rhythmique  sont  parfaite-' 
ment  en  scène. 

Le  chœur  Quale  sorriso  se  laisse  écouter.  C'est  un  trois  temps  en 
style  piqué  qui  a  du  charme.  Le  duo  de  Rodolfo  et  de  la  duchesse 
rentre  dans  la  foule  des  duos  vulgaires  et  incolores.  L'andantino  est 
tout  bonnement  une  barcarolle  qui  ne  sied  point  à  la  situation  ;  quant 
à  l'allégro,  il  rappelle  par  le  rhylhme  le  chant  national  de  Charles  VI, 
un  motif  du  Val  d'Andorre  et  même  la  strette  du  grand  duo  final  de  la 
Favorite.  C'est  trop  pour  un  seul  thème. 


DE  PARIS. 


461 


Sautons  bien  vile  sur  un  chœur  de  chasse,  chanté  clans  la  coulisse, 
pour  arriver  au  final,  qui  renferme  plusieurs  intentions  dramatiques 
bien  rendues.  C'est  d'abord  l'harmonie  mystérieuse  et  menaçante  sur 
laquelle  Rodolfo  déclare  qu'il  possède  un  secret  redoutable;  puis,  le 
motif  instrumental  en  ut  dièse  mineur  qui  accompagne  le  parlante; 
enfin  l'explosion  de  l'andanle  qui  remue  vivement  l'auditoire,  quoi- 
qu'il soit  un  instant  déparé  par  l'inévitable  procédé  de  l'unisson  géné- 
ral. Il  est  à  regretter  que  la  strette  soit  brusquement  écourlée.  La 
phrase  énergique,  Tutlo  tentai,  lancée  avec  vigueur  par  la  puissante 
voix  de  Bettini,  reste  tout  à  coup  en  chemin  ;  rien  ne  la  suit,  et  l'acte 
s'achève  sous  une  impression  de  mécompte  très-nuisible  à  l'effet  de 
l'ensemble.  Comment  Verdi,  qui  a  certainement  le  sens  des  convenances 
scéniques,  n'a-t-il  pas  vu  cela? 

Le  deuxième  acte  est  beaucoup  mieux  conçu  au  point  de  vue  du 
drame  ;  mais  la  couleur  commence  à  manquer  de  variété  et  tourne  à 
une  tristesse  un  peu  trop  uniforme.  Il  n'y  a  rien  à  dire  du  chœur 
d'entrée,  sinon  que  le  rhythme  en  est  plus  dansant  que  le  tragique  de 
la  situation  ne  le  voudrait.  En  revanche,  nous  louerons  l'andante,  Tu 
puniscimi.  C'est  un  chant  déclamé,  dont  la  largeur  expressive  répond 
très-bien  à  l'esprit  du  texte  ;  Mlle  Cruvelli  y  met  toute  sa  voix  et  toute 
son  âme,  deux  belles  choses  à  la  fois. 

Le  duo  des  basses  est  dépourvu  d'initiative  et  d'invention.  Pourtant 
il  est  traité  habilement  sous  le  rapport  de  la  facture  ;  il  produira  un 
effet  suffisant  quand  il  sera  suffisamment  chanté.  Le  quatuor  qui  le  suit, 
quatuor  sans  accompagnement  [Corne  eclar),  est  fort  goûté,  fort  ap- 
plaudi et  redemandé.  Il  y  a  là  de  la  fantaisie  réelle  et  de  la  séduction; 
les  nuances  vocales  y  sont  admirablement  contrastées. 

Selon  nous,  la  romance  de  Rodolfo,  Quando  le  sere,  une  vraie  ro- 
mance touchante  et  simple,  vaut  à  elle  seule  autant  que  le  quartette 
Bettini  la  chante  supérieurement;  il  dit  avec  beaucoup  de  feu  et  de 
force  la  strette  du  second  final,  L'ara  o  Vavello,  période  animée,  large- 
ment développée  et  d'un  effet  certain. 

Le  troisième  acte,  malheureusement  dominé  en  entier  par  une  teinte 
trop  sinistre,  contient  des  parties  fort  remarquables.  Signalons  dans  le 
duo  un  peu  long  de  Miller  et  de  sa  fille  la  cantilène,  La  tomba  è  un 
letlo.  Une  critique  sévère  trouvera  peut-être  cette  gracieuse  mélodie 
trop  coquette,  trop  mignarde  pour  le  sens  véritable  d'une  situation 
aussi  douloureuse;  mais  ce  chant  est  si  pur,  si  frais,  si  bien  soupiré  par 
Mlle  Cruvelli,  que  la  critique  doit  déposer  les  armes.  L'allégro  An- 
drem  rarriinghi  est  encore  une  phrase  heureuse,  plus  heureuse  que 
neuve.  Le  mi  bémol  soutenu  et  répété  par  le  soprano,  avec  l'inflexion 
lamentable  de  la  voix  du  mendiant,  n'a  échappé  à  personne. 

Le  duo,  ou  plutôt  le  dialogue,  déclamé  par  Rodolfo  et  Luisa  gagnerait 
beaucoup  à  être  écourté.  Ce  style  haché,  dépecé,  lasse  bien  vite;  mais 
la  stretta  en  sol  mineur  est  d'une  ardeur  fébrile,  d'une  impétuosité  fu- 
rieuse qui  rachète  la  longueur  de  ce  qui  précède. 

Cantatrice  éminente  dans  tout  son  rôle,  Mlle  Sophie  Cruvelli  se 
montre  aussi,  dans  les  dernières  scènes,  et  surtout  dans  le  trio  final, 
actrice  profondément  pathétique ,  non  pas  à  la  manière  des  grandes 
tragédiennes  classiques  (elle  fait  trop  de  gestes  peur  cela),  mais 
dans  le  style  un  peu  échevelé  des  Dorval,  des  Guyon,  des  Mélingue. 
Après  tout,  ce  style  est  analogue  à  celui  de  la  musique  qu'elle  chante, 
qui  a  beaucoup  de  rapport  avec  le  caractère  violent  et  outré  des  meil- 
leurs mélodrames  de  nos  théâtres  du  boulevart.  Bettini  seconde  par- 
faitement la  belle  prima  donna.  Tous  deux  ont  été  souvent  rappelés. 

De  ce  compte-rendu  très-fidèle,  il  résulte  que  l'opinion  est  bien 
plutôt  favorable  que  contraire  au  nouvel  opéra.  Chanté  à  la  dernière 
représentation  avec  plus  d'ensemble  et  d'aplomb  qu'à  la  première,  il  a 
fait  aussi  beaucoup  plus  de  plaisir.  Si  l'exécution  vocale,  qui  laisse  sou- 
vent à  désirer  dans  les  rôles  secondaires ,  va  encore  en  s'améliorant, 
l'impression  générale  devra  s'améliorer  aussi  et  grandir  dans  la  même 
proportion.  Nous  le  souhaitons  pour  la  direction,  qui  a  fait  de  vérita- 
bles frais  de  mise  en  scène,  inurités  au  Théâtre-Italien.  Contrairement'à 
toutes  les  bonnes  traditions  de  ce  théâtre,  les  costumes  sont  neufs  et 


point  trop  hétérogènes;  deux  décors  ,  ceux  du  village  et  du  château, 
ont  paru  pittoresques  et  bien  entendus.  L'exécution  instrumentale  est 
d'ailleurs  fort  bonne.  L'orchestre,  que  son  jeune  chef,  M.  Castagnerie, 
conduit  avec  talent,  enlève  vaillamment  l'ouverture  :  aussi  se  garde-t- 
on bien  de  lui  adresser  le  plus  petit  bravo.  L'usage  le  défend. 

Maurice  BOURGES. 


THÉÂTRE-LYRIQUE. 

G1ILHEKY   LE  TROMPETTE, 

Opéra  comique  en  deux  acte?,  paroles  de  MM.  de  Leuven  el  Beauplan, 
musique  de  M.  Sar.miento. 

(Première  représentation  ) 

C'est  une  pièce  de  Picard,  refaite  une  première  fois  par  M.  Scribe,  et 
que  M.  de  Leuven  vient  de  refaire.  Laissons  de  côté  Picard,  qui  est 
mort,  et  M.  Scribe,  qui  est  académicien,  et  allons  droit  à  M.  de  Leuven, 
qui  est  de  ce  monde. 

Dans  son  ouvrage,  comme  dans  ceux  de  M.  Scribe  et  de  Picard,  il 
s'agit  d'un  mort....  —  D'un  mort  à  enterrer?  —  Non,  à  ressusciter. 
Mais  l'opérateur  de  M.  de  Leuven  diffère  de  ses  prédécesseurs  en  ce 
qu'il  n'est  sorcier  que  par  hasard,  par  occasion,  par  nécessité  et  pas  du 
tout  volontairement. 

Il  est  sergent  dans  un  régiment  français  qui  fait  la  guerre  en  Espagne, 
sous  les  ordres  du  duc  de  Vendôme,  et  au  profit  de  Philippe  V.  Il  pré- 
tend avoir  fait  dans  ce  même  pays  une  première  campagne  en  1695. 
Evidemment,  il  rêve  ou  il  raille.  11  ajoute  que  cette  campagne  de  1695 
a  eu  lieu  il  y  a  quinze  ans,  d'où  il  résulterait  que  le  duc  de  Vendôme 
guerroyait  en  Espagne  en  1710.  Le  brave  sergent,  vous  le  voyez,  n'est 
pas  fort  sur  l'histoire  de  France,  et  vous  me  croirez  sans  peine,  si  je 
vous  dis  qu'il  n'est  pas  sorcier,  quoi  qu'il  en  dise. 

Après  tout,  il  ne  s'en  fait  guère  accroire.  C'est  Guilhery  le  trompette 
qui  le  met  en  avant,  et  se  sert  de  lui  comme  M.  Guignol  de  Polichinelle 
et  du  commissaire.  Ce  Guilhery  est  un  petit  compère  qui  a  un  front 
d'airain,  qui  ne  doute  de  rien,  qui  ne  recule  devant  aucune  entreprise  , 
et  sans  lequel,  après  tout,  le  digne  sergent  et  son  escouade  auraient 
probablement  été  pris  par  les  Anglais,  ou  seraient  morts  de  soif,  ce  qui 
eût  été  pis  encore.  Que  voulez-vous  que  deviennent  dans  les  plus  sau- 
vages montagnes  de  l'Espagne  douze  fusiliers,  un  sergent  et  un  trom- 
pette séparés  de  leur  régiment,  et  qui  en  ont  perdu  la  trace? 

Heureusement  le  hasard  fait  tomber  entre  leurs  mains  tout  l'attirail 
d'un  Fontanarose  en  voyage,  habits  rouges  magnifiquement  galonnés, 
perruques  gigantesques,  force  rouleaux  d'eau  de  Cologne,  chapeau 
pointu,  baguette  et  grimoire  de  magicien,  et  des  affiches  tout  imprimées, 
qu'il  n'y  a  plus  qu'à  poser.— Voilà  notre  affaire,  dit  l'inventif  Guilhery. 
—  Mettons  ces  habits,  allons  à  la  ville  prochaine,  et  collons  ces  affiches 
dans  les  bons  endroits.  Nous  ferons  recette,  et  avec  cette  recette  nous 
pourrons  regagner  l'armée. 

Aussitôt  dit,  aussitôt  fait,  Voilà  nos  gens  à  la  ville  où  leur  affiche, 
c'est-à  dire  l'affiche  du  charlatan  dont  ils  ont  pris  les  dépouilles,  pro- 
duit un  effet  merveilleux.  Us  sont  bien  loin  de  se  douter  de  la  magnifi- 
cence de  leurs  promesses.  El  signor  Bambolino  ne  s'engage  à  rien 
moins  qu'à  ressusciter  un  mort  en  présence  de  l'honorable  compagnie 
qui  voudra  bien  assister  à  ses  opérations.  Voilà  ce  que  dit  l'affiche,  et 
nos  maladroits  Français  n'en  savent  rien.  Pas  un  d'eux  ne  parle  l'espa- 
gnol ! 

Or,  le  hasard,  roi  du  monde,  et  surtout  roi  du  théâtre,  a  tout  arrangé 
d'avance  pour  rendre  leur  triomphe  plus  éclatant,  ou  leur  défaite  plus 
humiliante.  Le  corrégidor  du  lieu,  le  seigneur  Rebolloso,  a  perdu  sa 
pupille,  la  belle  Zina;  il  la  croit  morte,  el,  comme  on  est  venu  récla- 
mer sa  succession,  il  voudrait  bien  la  faire  revivre.  —  C'est  Zina  qu'il 
faut  ressusciter,  dit-il  à  maître  Taillefer  ;  et  si  vous  y  mettez  de  la  mau- 


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REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


vaise  volonté,  si  vous  n'exécutez  pas  le  miracle  annoncé,   vous  serez 
brûlés  en  place  publique  pour  avoir  trompé  le  public. 

Un  moment  après,  arrive  dogna  Léonarde,  la  gouvernante  de  Re- 
bolloso,  qui,  Voulant  épouser  son  maître,  désire  passionnément  que 
Zina  reste  dans  l'autre  monde,  où  elle  ne  peut  plus  gêner  ses  projets. 
—  «  Si  vous  ressuscitez  cette  péronnelle,  je  vous  dénoncerai  à  la  sainte 
inquisition,  et  vous  serez  brûlés  comme  sorciers.  Dans  le  cas  contraire, 
voici  un  sauf  conduit  avec  lequel  vous  pourrez  vous  échapper.  » 

Le  cas  est  grave,  et  la  situation  assez  désagréable.  Taillefer  se  donne 
au  diable  ;  Guilhery  se  gratte  la  tête  et  n'y  trouve  rien.  Mais  la  fortune 
vient  à  leur  secours.  Zina  n'est  pas  morte,  elle  n'est  qu'enlevée  ;  enle- 
vée par  le  jeune  licencié  Fabrice,  qu'elle  préfère  à  tous  les  corrégidors 
de  la  vieille  et  de  la  nouvelle  Castille. 

C'est  ce  Fabrice  qui  est  venu  réclamer,  en  vertu  d'un  testament 
olographe  que  la  prétendue  mort  de  Zina  rend  exécutoire,  certaine 
cassette  à  laquelle  Rebolloso  paraît  tenir  plus  qu'à  ses  yeux.  Zina  vient 
à  son  tour  chercher  Fabrice,  sans  qui  elle  ne  peut  vivre,  et  tout  s'ar- 
range si  bien  qu'au  moment  où  Taillefer  achève  son  évocation,  Zina 
paraît  en  effet,  et  le  miracle  est  accompli.  Voilà  dame  Léonarde  fort 
on  colère.  Mais  avec  elle  il  y  a  moyen  de  s'entendre,  car  maître  Taille- 
i'er  est  ou  plutôt  a  été  son  mari.  Elle  le  croit  mort  :  jugez  quelle  se- 
rait sa  déconvenue  si  l'on  allait  aussi  le  lui  ressusciter!  Ce  n'est  pas 
trop,  assurément,  de  son  silence  et  de  son  sauf-conduit  pour  écarter 
un  pareil  malheur. 

D'ailleurs,  Rebolloso,  contraint  parla  nécessité,  ne  peut  plus  s'opposer 
au  mariage  de  sa  pupille,  et  Taillefer,  s'éloignant  pour  toujours,  lui 
livre  cet  infortuné  corrégidor  pieds  et  poings  liés.  —  Vous  dites,  tout 
ébahi  :  Voilà  un  cas  de  bigamie  bien  caractérisé.  Que  devient  la  mo- 
rale? Et  que  dira  M.  de  Pourceaugnac  qu'on  a  traité  jadis  si  sévère- 
ment? —  Je  vous  réponds  :  autre  temps,  autres  mœurs.  Et,  d'ailleurs, 
tout  cela  se  passe  en  Espagne  où  l'on  n'y  regarde  pas  de  si  près. 

Après  tout,  il  s'agit  bien  moins,  en  cette  affaire,  de  morale  que  de 
musique. 

Celle  de  M.  Sarmiento  est  facile  et  chantante,  et  parfois  ne  manque 
pas  d'entrain  et  de  gaîté.  11  est  fâcheux  seulement  que  le  compositeur 
que  l'Italie  nous  envoie  ait  une  si  bonne  mémoire  et  n'ait  pas  encore 
appris  à  s'en  défier.  Du  reste,  on  voit  qu'il  n'a  fait  que  de  bonnes  lec- 
tures et  qu'il  a  surtout  étudié  les  maîtres.  Les  mélodies  de  Rossini, 
de  Donizetti,  de  Bellini,  viennent,  comme  d'elles-mêmes,  se  placer 
sous  sa  plume,  et  l'auteur  leur  donne  très-généreusement  l'hospitalité. 
Ce  sont  surtout  les  souvenirs  de  Lvcia  di  Lammermoor  qui  l'assiègent 
et  qu'il  accueille  plus  volontiers.  N'est-ce  pas  une  preuve  de  goût? 

11  y  a  dans  l'un  des  premiers  ouvrages  de  R*,ssini,  VInganno  forlu- 
nato,  un  trio  charmant,  sur  ma  parole,  mais  qui,  dit-on,  se  trouvait 
déjà,  presque  note  pour  note,  dans  l'Adelina  de  Generali.  Celui-ci  eut 
le  mauvais  goût  de  ne  pas  être  flatté  d'avoir  contribué  au  succès  de  son 
jeune  rival,  et,  le  rencontrant  un  jour  chez  le  célèbre  poète  Monti,  qui 
recevait  alors  tout  ce  qu'il  y  avait  de  distingué  en  Lombardie,  il  lui  dit 
assez  vertement  ce  qu'il  en  pensait.  —  Maître,  répondit  Rossini  avec 
ce  sang-froid  railleur  qui  est  un  de  ses  moyens  d'effet,  ce  trio  est  la  si- 
tuation la  plus  importante  de  mon  opéra;  j'étais  décidé  à  ne  pas  le 
manquer;  il  me  fallait  là,  absolument,  une  idée  heureuse,  une  mélodie 
de  choix;  je  l'ai  prise  chez  vous.  Pouvais-je  m'adresser  mieux? 

Generali  ne  dit  plus  mot.  Evidemment,  il  aurait  eu  tort  de  se  plain- 
dre. 

Personne  non  plus,  probablement,  ne  se  plaindra  de  M.  Sarmiento. 

S'il  est  peu  inventif  et  s'il  manque  d'originalité,  du  moins  il  est  mé- 
lodiste, et  il  écrit  bien  pour  les  voix,  comme  la  plupart  des  Italiens. 
C'est  une  qualité  dont  Mlles  Rouvroy  etGuichard;  MM.  Ribes  et  Carré 
lui  savent  gré,  sans  doute,  car  elle  leur  a  valu  de  nombreux  et  très- 
vifs  applaudissements. 

G.  HÉQUET. 


MiCBSTH, 

Tragédie  en  cinq  actes  et  en  vers,   d'après  Shakspeare, 

E"ar  liéon  HASiKVÏ, 

Est-ce  une  tragédie  ou  un  opéra  que  Mwbeth'!  Comme  dans 
Othello,  dans  Roméo  et  Juliette,  dans  le  Songe  d'une  nuit  d'été,  dans 
la  Tempête  et  plusieurs  autres  grandes  œuvres  du  'même  poëte,  l'élé- 
ment lyrique  s'y  rencontre  en  telle  abondance  qu'on  peut  le  chanter 
aussi  bien  que  le  déclamer,  que  la  mélodie  en  jaillit  presque  d'elle- 
même,  et  que  le  compositeur  y  trouve  son  canevas  tout  préparé.  Dans 
Macbeth,  l'intervention  des  trois  sorcières,  manifestement  reproduite 
dans  les  trois  hommes  noirs  du  Prophète,  l'apparition  de  Banquo,  le 
somnambulisme  de  lady  Macbeth,  la  forêt  nomade  de  Birnam,  ne  sont- 
ce  pas  des  conceptions  encore  plus  taillées  à  l'usage  de  l'opéra  que  de 
la  tragédie?  Cela  est  si  vrai  que  Macbeth  a  été  souvent  mis  en  musique, 
et  que  ce  n'est  pas  la  faute  de  Shakspeare  si  jusqu'ici  aucune  des  par- 
titions qu'il  a  inspirées  n'a  valu  celle  qu'un  autre  homme  de  génie  a 
écrite  sur  Othello. 

M.  Léon  Halévy,  qui  devait  mettre  au  jour  plus  d'une  œuvre  origi- 
nale, mais  dont  la  renommée  commença  dès  le  collège  par  une  tra- 
duction, est  revenu  encore  une  fois  à  ses  premiers  travaux  :  il  a  traduit 
Macbeth,  et,  en  le  traduisant,  il  l'a  refait,  épuré,  dégagé  d'une  foule 
de  choses  qui,  sur  la  scène  française,  en  rendraient  la  représentation 
impossible.  C'est  pour  la  scène  française  que  l'habile  dramatiste,  le 
poëte  nerveux  et  pur  a  travaillé.  C'est  peut-être  à  Mlle  Rachel  qu'il 
songeait  en  écrivant  le  rôle  si  terrible  de  cette  lady  Macbeth,  la  fata- 
lité vivante.  Quoique  l'œuvre  soit  imprimée  et  puisse  être  lue  par  tout 
le  monde,  rien  n'empêchera  que  le  théâtre  ne  l'accueille,  et  elle  y 
parviendra  tôt  où  tard.  Aujourd'hui,  nous  ne  vivons  plus  sous  le  pré- 
jugé qu'une  pièce  imprimée  ne  saurait  être  jouée.  Tous  ^les  petits 
chefs-d'œuvre  d'Alfred  de  Musset  n'étaient-ils  pas  imprimés  lorsque  le 
volume  entier  s'avisa  de  monter  page  à  page  sur  les  planches,  et  d'af- 
fronter la  rampe  avec  plus  de  succès  encore  que  s'il  n'eût  pas  été 
connu? 

Ainsi  probablement  il  en  sera  de  Macbeth,  le  drame  le  plus  beau, 
le  plus  complet,  le  plus  hautement  moral  qui  soit  sorti  du  génie  de 
Shakspeare.  La  seconde  épreuve  que  nous  donne  M.  Léon  Halévy  en 
conserve  toutes  les  beautés  immortelles.  C'est  un  daguerréotype  qui 
réduit  et  corrige,  qui  reflète  la  couleur  aussi  bien  que  l'attitude  et  le 
caractère.  On  en  jugera  par  une  citation  que  nous  regrettons  de  ne 
pouvoir  étendre  davantage.  C'est  la  fameuse  scène  où  lady  Macbeth 
vient  de  recevoir  le  message  de  son  mari,  où  déjà  la  pensée  du  meur- 
tre lui  apparaît  et  devance  l'arrivée  de  Macbeth  et  du  roi  :  The  raven 
himself  is  hoarse,  etc. 

Quel  est  ce  bruit  étrange?...  Est-ce  l'oiseau  de  proie 
Qui  fête  leur  entiée  et  pousse  un  cri  dejoie? 
Venez,  esprits  du  meurtre,  ennemis  du  remord, 
Vous  qui  soufflez  la  haine  et  les  pensées  de  mort; 
Venez  m'ôter  mon  sexe!...  endurcissez  mon  àme; 
Chassez  le  repentir,  et,  dans  mon  sein  de  femme, 
Changez  le  lait  en  fiel  et  la  crainte  en  fureur! 
Et  toi  qui  remplis  l'homme  ou  de  force  ou  d'horreur, 
Enveloppe  les  cieux  de  tes  voiles  funèbres, 
Nuit  sombre!...  pour  frapper  j'ai  besoin  de  ténèbres, 
Car  a  l'aspect  du  sang  mon  poignard  peut  faiblir, 
Et  si  je  vois  le  ciel,  je  puis  me  repentir! 

C'est  partout  et  toujours  avec  la  même  concision  heureuse,  la  même 
vigueur  élégante  que  M.  Léon  Halévy  a  rendu  l'esprit  et  la  lettre  du 
texte  anglais.  En  le  lisant  on  oublie  que  c'est  une  traduction ,  tant 
l'allure  du  poëte  français  est  ferme  et  facile.  Comme  l'abbé  Delille, 
dans  la  traduction  des  Géorgiques,  s'il  n'a  pas  vaincu  son  modèle, 
il  a  laissé  bien  loin  derrière  lui  tous  ceux  qui  ont  tenté  d'en  appro- 
cher. 

P.   S. 


DE  PARIS. 


i63 


NOUVELLES. 

**»  Aujourd'hui  dimanche,  par  extraordinaire,  à  l'Opéra,  h  Prophète. 

„,*„,  Lundi  dernier,  une  indisposition  de  Unie  'IVdesrn  a  empêché  de 
donner  le  Juif  errant,  qui  a  été  remplacé  par  la  Favorite,  suivie  du  premier 
acte  de  la  Péri. 

,,*„  Mercredi  Moïse,  et  vendredi  /  s  Huguenots,  ont  brillamment  com- 
plété les  spectacles  de  la  semaine. 

ff  Luisa  Miller,  traduite  en  français  par  M.  Emilien  Pacini,  doit  être 
représentée  le  mois  prochain,  avec  Gueymard,  Morelli,  Depassio,  Merly, 
Mmes  Bosio  etMasson  pour  interprètes. 

t*t  Le  Père  Gaillard  continue  d'amener  la  foule  à  l'Opéra-Comique. 

„*,,  Le  Domino  noir,  ce  charmant  chef-d'œuvre  dramatique  et  musical, 
produit  autant  d'effet  que  dans  les  premiers  temps  de  son  apparition.  La 
salle  est  trop  petite  chaque  fois  qu'on  le  donne.  Couderc  et  Mme  Ugalde 
y  font  assaut  de  verve  et  de  séduction. 

j,*n  Les  Mystères  dWdolphe,  revus,  corrigés  et  diminués  de  quelques 
morceaux,  ont  reparu  lundi  dernier. 

„*j,  Marco  Spada,  tel  est  le  titre  de  l'ouvrage  nouveau  de  Scribe  et 
d'Auber.  Mlle  Caroline  Puprez  y  fera  ses  débuts,  et  Battaille  jouera  le  rôle 
de  Marco  Spada  ;  les  autres  rôles  seront  joués  par  Boulo,  Couderc,  Bussine 
et  Mlle  Favel. 

,*„.  Aujourd'hui  dimanche,  le  Théâtre-Italien  donnera  l'Elisired'amore, 
de  Donizetti. 

**»  L'Empereur  est  venu  lundi  et  mercredi  à  l'Opéra  :  S.  M.  assistait 
mardi  à  la  première  représentation  de  Luisa  Millr  au  Théâtre-Italien. 

»%.  La  princesse  Mathilde  assistait  mardi  dernier  à  la  60e  représentation 
de  Si  j  étais  roi,  au  Théâtre-Lyrique.  La  salle  était  comble,  comme  aux 
premières  représentations  de  cet  opéra.  S.  A.  I.  a  été  tellement  satisfaite 
du  spectacle,  qu'elle  a  promis  au  directeur  de  revenir  à  son  théâtre  pour 
entendre  le  Postillon  de  Longjumeau ,  où  Chollet  est  toujours  admirable  de 
verve  et  de  talent. 

t*t  Le  concert,  au  bénéfice  des  pauvres,  qui  sera  donné  à  Rouen,  et 
dans  lequel  Mlle  Félix  Miolan  et  Alexis  Dupond  se  feront  entendre,  est 
toujours  fixé  au  19  de  ce  mois. 

***  Le  Juif  errant  se  monte  en  ce  moment  à  Lyon  avec  une  grande  ac- 
tivité. L'habile  chef  d'orchestre,  Georges  Hainl,  va  renouveler  les  preuves 
du  talent  supérieur  qu'il  a  déployé  pour  le  Prophète. 

**„  La  reprise  de  la  Juive  et  celle  de  Charles  VI  viennent  d'avoir  lieu  à 
Nantes  avec  un  éclat  tout  à  fait  remarquable. 

**x  La  distribution  des  prix  au  Conservatoire  de  musique  et  de  décla- 
mation aura  lieu  aujourd'ui  dimanche,  à  midi  et  demi.  Elle  sera  suivie 
d'un  concert  et  de  scènes  dramatiques  et  lyriques,  dont  voici  le  pro- 
gramme :  1°  Ouverture  nouvelle,  composée  par  M.  Emile  Jonas;  2°  grand 
duo  pour  deux  pianos,  composé  par  Thalberg  sur  les  motifs  de  Norma, 
exécuté  par  Mlle  Marie  Colin  et  M.  Bizet;  3°  fragment  d'une  symphonie 
pour  onze  instruments,  composée  par  M.  Prumier  fils,  exécutée  par 
MM.  Ileinbach  (flûte)  ;  Colin  (hautbois)  ;  Baguenier-Désormeaux  (clari- 
nette) ;  Villaufret  (basson);  Guignery  (trompette);  Bonnefoy  aîné  (cor); 
Lefebvre  (cor  à  pistons)  ;  Sauret  (trombone)  ;  Jacquart  jeune  (violon- 
celle) ;  Tournier  (contre-basse);  et  Mlle  Coppée  (harpe);  h"  symphonie 
concertante  pour  deux  violons,  composée  par  M.  Alard,  exécutée  par 
MM.  Lancien  et  Viault  jeune  ;  5°  fragment  du  troisième  acte  de  V École  des 
femmes,  par  M.  Lesage  et  Mlle  Emilie  Dubois  ;  6"  air  de  Zaïre,  de  Merca- 
dante,  chanté  par  M.  Faure  ;  7°  fragment  du  deuxième  acte  du  Philosophe 
marié,  par  Mlles  Arrône, Valérie,  et  M.Vonoven;  8°  fragment  tYEuphrosine  et 
Coradin,  par  MM.  Sapin,  Crambade,  Mlles  Boulart,  Girard,  Rey  et  Amélie 
Bourgeois  ;  9"  fragment  du  troisième  acte  des  Fourberies  de  Scapin,  par 
MM.  Gilles  de  Saint-Germain,  Lesage  et  Mlle  Valérie  ;  10°  fragment  du 
deuxième  acte  de  Fernand  Corte-,  par  M.  Bonnehée  et  Mlle  Geismar. 

*%  Vieuxtemps  donnera  un  concert  vendredi  prochain,  17  décembre,  à 
8  heures  du  soir,  dans  la  salle  Ilerz.  Le  célèbre  violoniste  y  jouera  un 
grand  concerto  (manuscrit)  en  ré  mineur;  lu  Danse  des  Sorcières  ;  des 
romances  sans  paroles  et  une  tarentelle.  Georges  Bousquet  conduira  l'or- 
chestre. 

**t  C'est  aujourd'hui,  12  décembre,  qu'aura  lieu  le  premier  concert  de 
la  Société  Sainte- Cécile.  Nous  en  avons  donné  le  programme  dimanche 
dernier. 

„,%  Lundi,  20  décembrecourant,  aura  lieu, salle  H.  Ilerz,  rue  de  la  Victoire 
n°  48,  â  huit  heures  précise  du  soir,  le  premier  concert  de  la  Société  sym- 
phonique  sous  la  direction  de  M.  A.  Farrenc.  Programme  :  1.  symphonie 
de  Haydn  en  si  bémol;  2.  Aria  di  ckiesa,  d'Alessandro  Stradella,  chanté 
par  Mlle  Victorine  Dietsch;  3.  concerto  de  piano  de  Mendelssohn,  exécuté 
par  Mlle  Wilhelmine  Clauss  ;  U.  air  de  la  Fée  aux  roses,  d'tlalévy,  chanté 
par  Mlle  Dietsch  ;  5.  symphonie  concertante  pour  deux  violons,  composée 
par  M.  Alard,  exécutée  par  ses  élèves,  MM.  Lancien  et  Viault,  premiers 
prix  du  Conservatoire  en  1852  ;  6.  ouverture  des  Deux  journées,  par  Cheru- 
bini. 

*%  Dimanche  prochain,  19  décembre,  un  concert  très-intéressant  sera 
donné  par  M.  Emde  de  Bailly,  contrebassiste,  élève  de  M.  Gouffé,  soldat 
de  la  classe  de  1832 ,  avec  le  concours  de  Mlle  Charlotte  de  Malleville , 
et  autres  artistes  de  premier  ordre.  Voici  du  reste  le  programme  :  1.  Frag- 
ment du  quintette  en  mi  bémol  mineur,  d'Hummel  ;  2.  air  varié  pour 


la  contrehas-v,  de  Gonfle,  exécuté  par  M.  de  Bailly:  3.  duo;  I\.  solo 
d'alto,   la  Berctuse,  delteber;5.   air;  (i.  solo  de  clarinette,   de  Klosé; 

7.  concerto  de  violoncelle,  deltombcrg;  8.  solo  de  piano;  y.  mélodies: 
10.  solo  de  violon  sur  des  motifs  de  Zampa  ,  d'Hérold,  exécuté  par 
M.  Guerreau  ;  il.  air  chanté  par  M.  Lefort;  12.  Invitation  à  la  vais',  de 
W'eber,  arrangée  en  quintette  pour  instruments  à  cordes,  par  Leboue.  — 
Le  pianosera  tenu  par  M.  Stadtfeldi 

„,%  Emile  Prudent  vient  de  passer  triomphalement  à  Nevers  et  à  Bour- 
ges :  il  a  donné  un  concert  dans  chacune  de  ces  villes,  avec  un  succès 
dont  il  n'y  avait  pas  d'exempie;  et  il  aurait  pu  en  donner  d'autres,  s'il 
n'eût  voulu  se  rendre  rapidement  à  Bordeaux,  où  son  premier  concert 
aura  lieu  lo  14  ou  le  15.  Il  a  pour  compagnon  de  voyage  Léopold  Amalt. 

**«  A  l'occasion  de  la  proclamation  de  l'empire,  M.  Eluart  avait  écrit 
une  Marche  triomphale.  Ce  morceau  d'harmonie  militaire,  exécuté  le  2 
décembre  dernier  par  la  musique  excellente  du  6e  léger,  sous  la  direction 
de  son  chef,  M.  Poinsignon,  a  obtenu  pendant  le  passage  de  S.  M.  l'empe- 
reur les  honneurs  d'un  bis  formidable.  La  Marche  d'Elwart  va,  dit-on, 
être  adoptée  pour  toutes  les  musiques  de  l'armées. 

**,,  Voici  le  programme  d'uneséance  que  donne,  aujourd'hui  dimanche, 
dans  le  salon  neuf  de  M.  Pleyel,  un  compositeur  pianiste  très-distingué, 
M.  J.  Ch.  Hess,  pour  l'audition  de  ses  œuvres  de  piano:  I.  les  Feuilles 
mortes,  d'Abadie,  transcrites,  variées  pour  le  piano,  et  exécutées  par  l'au- 
teur, M.  Hess;  2.  air  de  la  Flûte  enchantée,  de  Mozart  (texte  allemand), 
chanté  par  M.  F.  Schlosser;  3.  le  Trémolo,  de  M.  Hess,  caprice  exécuté  par 
l'auteur  ;  U.  la  Fidanzata  del  marinajo,  de  Concone,  chantée  par  Mlle  Te- 
resa  Martinetti  ;  5.  Blanche,  polka-mazurka  ;  Alice,  mazurka,  exécutées 
par  M.  Hess  ;  6.  le  Lévite,  de  Vimeux,  mélodie  chantée  par  M.  F. 
Schlosser;    7.    Scène    maritime,   de  M.   Iless ,    exécutée  par  l'auteur; 

8.  Christine  de  Suède,  de  Concone,  scène  et  air  chantés  par  Mlle  Teresa 
Martinetti  ;  9.  l'Aurore,  de  M.  Hess,  méditation,  exécutée  par  l'auteur. 

„,%  Nous  nous  bornons  à  annoncer  la  prochaine  ouverture  du  cours  de 
piano  spécialement  consacré,  par  Mlle  Charlotte  de  Malleville,  à  l'étude 
des  auteurs  classiques,  Bach,  Beethoven,  Mozart,  Haydn,  Hummel,  Men- 
delssohn, Onslow,  etc.  Les  élèves  y  interpréteront  la  musique  pour  piano 
seul  et  la  musique  avec  accompagnement.  Les  accompagnateurs  seront 
MM.  Maurin,  Dorus,  Casimir  Ney,  Leboue  et  Gouffé.  Mlle  de  Malleville  a 
donc  lieu  d'espérer  que  ce  cours  sérieux  sera  pour  les  élèves  le  complé- 
ment d'une  éducation  musicale. 

#**  Après  six  mois  d'absence,  Jacques  Blumenthal  est  de  nouveau  re- 
venu à  Londres,  où  on  l'attendait  comme  un  ami  que  rien  ne  fait  oublier 
et  que  rien  ne  remplace. 

„*„  Mlle  deStaudach,  jeune  pianiste  de  Vienne,  doit  bientôt  se  rendre  à 
Paris. 

,*#  Bazzini,  l'excellent  violoniste,  donne  en  ce  moment  des  concerts 
très- brillants  et  très-suivis  à  Turin. 

t*„  VEco  d'Italia,  qui  se  publie  à  New-York,  dit  que  les  succès  obtenus 
à  Boston  par  Mme  Sontag  sont  au  moins  égaux,  sinon  supérieurs,  à  ceux 
qu'elle  avait  déjà  obtenus  à  New- York  et  à  Philadelphie. 

***  Le  Struensée  de  Meyerbeer  s'exécute  aujourd'hui  pour  la  seconde 
fois  à  Bruxelles,  sous  la  direction  de  M.  Fétis. 

,%  Hier  samedi,  Vély-Pacha,  accompagné  de  toute  l'ambassade  otto- 
mane, est  venu  chez  M.  Adolphe  Sax,  pour  y  entendre  une  exécution  pré- 
paratoire de  la  musique  des  guides.  A  son  départ,  il  a  manifesté  son  ad- 
miration pour  l'excellence  des  instruments  et  la  perfection  des  instru- 
mentistes. 

t*4A  propos  du  retour  de  Vivier  parmi  nous,  voici  un  extrait  du  dernier 
feuilleton  d'Adolphe  Adam,  publié  dans  'l'Assemblée  nationale.  —  «Et  Vivier, 
que  j'allais  oublier  ?  Oh  I  celui-là  je  ne  me  le  pardonnerais  pas.  Donc,  Vivier 
est  revenu  de  Constantinople,  mais  revenu  plus  Turc  que  les  Turcs  qu'il  a 
charmés;  il  est  enchanté  du  sultan,  devant  lequel  il  a  joué,  et  dont  il  a 
reçu  de  magnifiques  présents,  des  odalisques  qu'il  n'a  pas  vues,  mais  dont 
il  s'est  fait  entendre  à  travers  de  très-épais  rideaux.  Il  est  surtout  ravi  de 
Vély-Pacha,  le  nouvel  ambassadeur  avec  qui  il  a  fait  route  et  chez  lequel 
il  loge  aujourd'hui,  à  l'hôtel  de  l'ambassade  de  la  rue  des  Champs-Elysées. 
Vely-Pacha  est  jeune,  rempli  d'urbanité,  parlant  parfaitement  français, 
ayant  reçu  une  brillante  éducation  toute  européenne  :  il  n'est  pas  éton- 
nant que  Vivier  ne  puisse  se  passer  de.  lui,  et  comme  Vély-Pacha  apprécie 
eu  connaisseur  l'esprit  et  le  talent,  il  n'est  pas  non  plus  surprenant  qu'il  ne 
puisse  se  passer  de  Vivier.  Mais  n'est-il  pas  à  craindre  que  Vivier,  qui  était 
déjà  si  rebelle  aux  agaceries  parisiennes  et  qui  refusait  toujours  de  se  faire 
entendre,  ne  s'endurcisse  encore  dans  son  entêtement,  et  serons-nous 
obligés  de  nous  convertir  à  Mahomet  pour  qu'il  nous  fasse  la  grâce  de  nous 
traiter  en  amis?  » 

„,*,  Un  directeur  de  théâtre  peut-il  faire  exécuter  dans  l'une  de  ses 
pièces  des  airs  pour  lesquels  les  compositeurs  ne  lui  ont  pas  donné  le 
consentement  exigé  par  les  lois  et  règlements  sur  la  propriété  littéraire 
et  musicale?  Telle  est  la  question,  en  ce  moment  soumise  à  plusieurs  ju- 
ridictions, et  que  le  Tribunal  de  première  instance  de  Lyon  vient  de  ré- 
soudre en  faveur  du  droit  des  compositeurs,  dans  les  circonstances  sui- 
vantes. M.  Delestang,  directeur  des  théâtres  de  Lyon,  avait  fait  exécuter, 
dans  la  pièce  dite  la  Poule  aux  œufs  d'or,  la  musique  de  MM.  Paul  Hen- 
rion,  Nargeot,  Fessy  et  Quidant,  sans  l'adhésion  de  ces  compositeurs. 
Poursuivi  pour  ce  fait  par  la  Société  des  auteurs,  compositeurs  et  éditeurs 
de  musique,  ce  directeur  a  été  condamné,  par  un  jugement  de  police 


m 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS. 


correctionnelle  (Tribunal  de  première  instance  de  Lyon),  du  8  décembre 
courant,  à  50  fr.  d'amende  et  à  200  fr.  de  dommages-intérêts. 

***  Cossmann,  le  célèbre  violoncelliste,  est  à  Paris  en  ce  moment,  et 
nous  espérons  qu'il  ne  nous  quittera  pas  sans  se  faire  entendre. 

a*,,  Mercredi  dernier,  nous  avons  entendu  dans  l'église  Bonne-Nouvelle, 
pour  le  mariage  de  Mlle  Delsac,  professeur  de  solfège  au  Conservatoire, 
une  messe  pour  voix  de  soprano,  chantée  par  quatre  de  ses  élèves,  et  ac- 
compagnée par  l'auteur,  M.  Panseron,  sur  un  petit  buffet  d'orgue.  Ces  qua- 
tre solos  ont  été  dits  parfaitement  et  avec  des  voix  dont  la  pureté  virginale 
prête  un  charme  infini  il  la  musique  religieuse. 

^%  L'n  de  nos  écrivains  les  plus  spirituels,  qui  est  à  la  fois  excellent  mu- 
sicien et  critique  ingénieux,  M.  Jules  Lecomte,  est  chargé,  à  dater  du  1  "  jan- 
vier prochain,  du  compte-rendu  des  quatre  théâtres  lyriques,  et  de  toutes  les 
questions  musicales,  dans  le  journal  le,  Siècle.  M.  Jules  Lecomte  complète 
ainsi  la  haute  position  d'influence  que  lui  créait  déjà  son  remarquable 
Courrier  de  Paris,  de  V Indépendance  belge,  un  des  grands  succès  de  la  litté- 
rature actuelle. 

t*t  L'ItaUa  musicale,  dans  son  numéro  du  k  de  ce  mois,'  reproduit  un 
article  publié  tout  récemment  par  nous  sur  la  musique  à  Alyer,  en  ayant 
soin  de  déclarer  qu'elle  lions  l'emprunte,  tandis  que  dans  son  numéro  du 
5  du  même  mois,  la  Gazetla  musicale,  persistant  dans  ses  habitudes,  nous 
prend  un  article  beaucoup  plus  ancien  sur  Dellamaria  et  son  opéra,  le 
Prisonnier,  en  se  gardant  bien  d'en  indiquer  la  source.  Suum  cuiqw. 

.,,%  La  mise  en  scène  du  Juif  errant,  publiée  par  M.  Palianti,  est  tout  à 
fait  digne  de  ce  grand  et  bel  ouvrage.  Comme  dans  toutes  ses  reproduc- 
tions du  même  genre  l'auteur  a  su  réunir  au  plus  haut  point  le  mérite  de 
l'exactitude  à  celui  de  la  clarté. 

CRON1QUE   DÉPARTEMENTAL!:. 

„,%  Lille,  6  décembre.  —  Dans  la  représentation  solennelle  donnée  à 
l'occasion  de  la  proclamation  de  l'empire,  entre  la  Bergère  des  Alpes  et  le 
Domino  noir,  une  cantate,  composée  exprès  pour  la  circonstance,  a  été 
chantée  par  MM.  Case  et  Beckers,  ainsi  que  par  les  chœurs.  La  musique 
en  avait  été  composée  en  vingt-quatre  heures  par  M.  Lavainne.  Des  ap- 
plaudissements unanimes  ont  interrompu  et  suivi  l'œuvre  du  poète  et  du 
musicien. 

***  Troyes.  —  Le  27  novembre  dernier,  la  Société  philharmonique 
a  donné  son  premier  concert  de  l'année  musicale  1852-53.  L'orches- 
tre, habilement  dirigé  par  son  jeune  chef,  M.  Emile  Lascoretz,  a  en- 
levé vigoureusement  l'ouverture  du  Serment  et  celle  de  l'Ame  en  fine. 
Les  orphéonistes  ont  chanté  le  chœur  d'introduction  des  chasseurs,  de 
l'Ame  en  peine,  avec  accompagnement  d'orchestre.  Dans  ce  concert, 
M.  Léon  Jacquart,  premier  prix  du  Conservatoire,  s'est  fait  entendre  sur 
le  violoncelle  ;  son  jeu  sympathique  et  distingué  lui  a  valu  un  succès  com- 
plet ;  on  lui  a  fait  répéter  la  Berceuse  de  Reber.  Amédée  Arnaud,  élève  de 


Marmontel,  a  fort  bien  exécuté  sur  le  piano  une  fantaisie  de  sa  composi- 
tion sur  des  motifs  du  Val  d'Andorre.  Mlle  Cécile  Morache,  une  des  élèves 
distinguées  de  Mme  Damoreau,  établie  à  Troyes  comme  professeur  de 
chant,  a  été  beaucoup  applaudie  dans  l'air  du  Serment;  dans  le  duo  (pour 
ténor  et  soprano)  de  la  Croix  de  Marie,  et  dans  deux  romances,  l'une 
du  chevalier  Gaston  d'Albano  ,  l'autre  de  Clapisson.  Une  autre  canta- 
trice débutait  à  ce  concert  :  Mlle  Lemonnier  est  douée  d'un  bel  organe 
vibrant  et  sympathique,  mais  l'étude  a  besoin  de  perfectionner  sa  mé- 
thode encore  imparfaite  ;  un  bel  avenir  est  réservé  à  cette  jeune  artiste, 
qui  s'est  fait  applaudir  dans  le  duo  du  Pui's  d'amnw,  de  Balfe.  et  dans 
l'air  de  Freischiilz.  Le  concert  s'est  terminé  par  l'exécution  d'une  polka  à 
grand  orchestre.  Ce  morceau  est  l'œuvre  du  jeune  chef  d'orchestre. 

a**  liouen.  —  Notre  grand  théâtre,  bien  mal  nommé  théâtre  des  Arts, 
est  en  ce  moment  dans  la  plus  triste  situation.  Depuis  le  commencement  de 
l'année  la  nouvelle  administration  s'épuise  en  inventions  de  toute  sorte 
pour  arriver  à  nous  donner  des  nouveautés  dans  le  genre  du  Maître  de 
chapelle  et  du  Bouffe  et  le  tailleur,  et  pour  obtenir  ce  brillant  résultat,  il  a 
fallu  avoir  recours  aux  loteries  et  aux  cachets  à  prix  réduits.  Rouen,  au- 
trefois renommé  pour  ses  bonnes  troupes  d'opéra,  n'est  pas  à  la  hauteur 
des  villes  de  quatrième  ordre,  et,  à  l'exception  d'un  tout  petit  nombre 
d'artistes,  le  reste  est  d'une  faiblesse  désespérante.  Nous  nous  demandons 
comment  ce  public  rouennais,  dont  la  réputation  de  juste  sévérité  était 
devenue  proverbiale,  s'est  tout  à  coup  changé  en  un  public  des  plus  ac- 
commodants; il  est  vrai  qu'on  le  consulte  fort  peu,  et  que  le  directeur  s'est 
constitué  le  principal  arbitre  des  débuts.  Nous  n'avons  ni  ténor,  ni  basse, 
et  les  chœurs  sont  à  l'état  de  souvenir.  Disons  pourtant,  pour  être  juste, 
que  des  artistes  qui  avaient  de  la  voix  et  qui  chantaient  fort  bien  il  y  a 
une  quinzaine  d'années,  viennent  parfois  aider  la  marche  de  notre  maigre 
répertoire;  ces  jours-là  (et  ce  sont  les  grands  jours)  on  peut  entendre  mas- 
sacrer Lucie  et  la  Favorite.  C'est  à  faire  frémir  l'ombre  de  Donizetti.  Enfin 
faut-il  vous  l'avouer?  le  célèbre  Bosco  a  longtemps  occupé  notre  scène,  et 
le  besoin  de  magie  se  fait  tellement  sentir  ici,  que  depuis  plus  de  quinze 
jours  l'affiche  annonce  comme  une  grande  nouvelle  que  Mme  ***,  presti- 
digitatrice, va  donner  des  représentations!... 

ERRATUM. 
Dans  le  7e  article  sur  le  Développement  de  la  musique  dam  le.  do- 
maine du  rlnjtkme,  l'air  gallois  placé  au  bas  de  la  première  colonne, 
page  403,  n'est  par  intelligible  parce  que  le  bémol  a  été  placé  sur  la 
ligne  de  si,  tandis  qu'il  doit  être  placé  à  la  note  mi,  le  si  étant  tou- 
jours bécarre. 

Le  gérant  :  Ernest  DESCHAMPS. 


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COMPOSANT   LE    RÉPERTOIHE   DES   BALS   DE   L'OPÉRA   POUR    1855 


Quadrille  sur  MOÏSE. 
Quadrille  LES  DAMES  DE  LA  HALLE. 
Polka  russe  LES  CHEVALIERS  GARDES. 
Polka-mazurka  STEEPLE-CHASE. 


BSelinir»»  pïcSte, 


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Polka-mazurka  ALMA. 
Schottisch  L'ONCLE  TOM. 
Valse  NEW-YORK. 
Redowa  LA  BERGERE  DES  ALPES. 


ALBUM  DE  CHANT  POUR  1853 


De  Douze  Romances,  paroles  de  MM.  AIMÉ  GOURDIN,   E.  DASSIER  d  ADOLPHE  CATELIN, 

MUSIQUE    DE 


T.  LABARîlE 


ET 


E.  DiàSSIER 


NINA. 

LES  PRÉS  SONT  FLEURIS. 

LE  PETIT  PIED  DE  MA  VOISINE. 

LA  BELLE  MARIE. 


VOUS  QUI  PARLEZ  D'AMOUR. 
JE  SERAI  LA,  TOUJOURS! 
AMOUR  ,  TRANSPORT. 
LE  VISIONNAIRE. 


POUR  LES  PAUVRES,  MERCI. 
VIENS  L'ENTENDRE. 
L'AIGUILLE. 
LA  VIEILLE. 


Dessins  de  MM.  Nanteuil,  Aumont,  Leroux,  Forget  et  Coundre. 
Reliure  riche,   prix  met.  13  fr. 


PARIS.  -  IMPRIMERIE  CENTRALE  DE  NAPOLÉON  CHAIX  ET  C"",  RUE  REaGÈRE,  20. 


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Lyon.  A  noire  Agence  gonorule, 


iV  si, 


19  Décembre  1852. 

prix  île  l'Abonnement  t 

Paris,  un  un 24  fr. 


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REVUE 


Départements,  Belgique  et  Suisse 
Étranger 


Le  Joumu   purait  le  Dimanche. 


GAZETTE  fflUSICALE 


SOMMAIRE.  —  Conservatoire  impérial  de  musique  et  de  déclamation,  séance  an- 
nuelle Distribution  des  prix.  -Vieuitemps,  Société  Sainte-Cécile,  etc.,  par  Jïenri 
Hlancharir.  —  Revue  critique.  Louis  Lacombe,  par  le  môme.  —Nécrologie. 
Fayolle,  par  Edouard  FétSs.  —  Correspondance,  Bruxelles  et  Berlin.  —  Nou- 
velles et  annonces. 


CONSERVATOIRE  IMPÉRIAL  DE  I0SIQDE  ET  DE  DÊCLAlaTIOS. 

«Sa;:sun".'«'  annuelle  —  EHMrlbution  des  prix. 

Cette  solennité,  qui  a  le  privilège  d'attirer  une  afïluence  extraordi- 
naire, et  pour  laquelle  la  vaste  salle  de  l'Opéra  ne  serait  pas  trop 
grande  s'il  fallait  absolument  en  ouvrir  les  portes  à  tous  ceux  qui  brigue- 
raient la  faveur  d'y  pénétrer,  était  présidée  cette  fois  par  M.  Romieu, 
directeur  des  beaux-arts.  Nous  allons  reproduire  textuellement  le  dis- 
cours prononcé  par  lui  au  commencement  de  la  séance,  et  dont  plu- 
sieurs passages  ont  été  couverts  d'applaudissements. 

M.  Romieu  s'est  exprimé  en  ces  termes  : 

Messieurs , 

C'est  une  des  plus  agréables  attributions  du  directeur  des  beaux  arts 
que  l'honneur  de  présider  à  cette  solennité  annuelle,  où  se  décernent  les 
prix  à  tous  les  jeunes  talents  qui  doivent  bientôt  émouvoir  et  charmer  la 
France.  Chargé  par  M.  le  ministre  de  l'intérieur  d'apporter  aux  profes- 
seurs des  félicitations,  des  encouragements  aux  élèves,  j'accomplis  cette 
mission  avec  la  joie  d'un  cœur  que  les  arts  ont  toujours  fait  battre,  et 
qui  leur  doit  ses  plus  douces  émotions  dans  la  vie. 

Les  succès  du  Conservatoire  sont  constants  et  progressifs.  L'Europe  le 
sait  et  l'envie. 

L'exécution  instrumentale  surtout  doit  à  ce  glorieux  établissement  une 
supériorité  toujours  croissante.  Les  exercices  dramatiques  de  cette  année 
présagent  pour  les  théâtres  de  Paris  un  avenir  de  splendeur  durable. 
Mais  rien  ici-bas  n'est  complet  ;  à  toute  chose  humaine,  l'amélioration  est 
possible,  et  notre  devoir  est  de  la  rechercher,  même  ici.  N'oublions  pas 
que,  dans  l'éducation,  en  ce  qui  touche  aux  arts,  comme  en  ce  qui  touche 
aux  lettres,  c'est  la  force  et  la  solidité  des  notions  premières,  c'est  l'étude 
sérieuse  des  maîtres  classiques  qui  établit  le  fonds  nécessaire  sur  lequel 
chaque  talent  doit  ensuite  appliquer  sa  forme  individuelle,  si  audacieuse 
et  si  novatrice  qu'il  le  voudra. 

N'est-ce  pas  par  ce  genre  de  préparations  qu'ont  commencé,  par  exem- 
ple, les  deux  grands  génies  d'Allemagne,  Mozart  et  Beethoven  ,  nourris 
tous  deux  â  l'austère  école  des  maîtrises  de  chapelle?  Que  nul  ne  redoute 
l'ennui  des  premières  leçons  ;  que  nul  ne  se  rebute  devant  la  gravité  de 
l'étude,  et  ne  se  hâte  de  franchir  d'un  bond  un  espace  à  travers  lequel  il 
faut  passer  ;  le  but  ne  serait  pas  atteint.  Pour  qui  veut  apprendre,  fût-ce 
l'art  de  plaire,  partout  et  toujours  il  y  a  le  rudiment  ! 

En  tête  des  progrès  accomplis  depuis  peu,  et  qu'il  faut  signaler,  plaçons 
les  rapports  établis  entre  le  Conservatoire  de  Paris  et  les  succursales  des 
départements.  L'inspection  faite,  chaque  année,  par  M.  Batton,  a  régula- 
risé l'instruction  de  ces  écoles  isolées,  qui ,  de  leur  côté,  contribuent  à 


l'éclat  du  Conservatoire,  en  lui  envoyant  des  élèves  dont  les  noms  sont 
proclamés  dans  les  concours.  Ainsi,  sur  sept  élèves  venus  de  Toulouse, 
trois,  cette  année,  ont  obtenu  des  nominations. 

La  classe  récemment  créée  pour  l'enseignement  populaire  du  chant 
se  remplit  d'élèves.  Ce  mouvement  s'accorde  avec  celui  qui  se  remarque 
dans  les  départements  comme  â  Paris,  où  les  Sociétés  chorales  se  fondent 
et  s'améliorent  chaque  jour. 

Le  goût  de  la  musique,  si  propre  à  développer  tous  les  instincts  no- 
bles, tendres  et  doux,  saisit  déjà  le  peuple  et  le  dédommagera  des  creuses 
théories  qui  lui  indiquaient  si  faussement  le  bonheur. 

Les  temps  sont  bons  d'ailleurs  pour  exciter  l'émulation  et  le  zèle.  Au 
milieu  de  ce  grand  luxe  de  la  paix  ressuscité  si  promptement  par  la  main 
forte  qui  vient  de  sauver  l'ordre  social,  tout  s'épanouit  et  s'anime. 

Tandis  que  s'accomplissent  ces  gigantesques  travaux  de  la  cité,  qui 
rappellent  la  grande  ère  romaine,  nous  voyons  reparaître  sur  la  première 
scène  lyrique  du  monde  un  chef-d'œuvre,  naguère  inconnu,  cette  vaste 
et  sublime  composition  du  Moïse ,  enfin  compris. 

Bientôt,  sur  le  théâtre  de  l'Opéra-Comique,  où  le  nom  d'Auber  est 
impérissable,  nous  allons  assister  à  un  nouveau  triomphe  de  l'homme 
illustre  qui  dirige  ici  les  études,  et  dont  les  ouvrages  seront  toujours  les 
meilleures  leçons. 

Un  troisième  théâtre  lyrique  s'est  ouvert,  où  déjà  de  brillants  succès 
ont  amené  la  foule,  et  qui  sera  pour  les  jeunes  compositeurs  un  asile  nou- 
veau qu'on  ne  cessera  d'encourager. 

Cette  grande  époque  impériale,  que  je  m'honore  d'avoir  tout  haut 
prédite,  vient  d'inspirer  à  un  des  professeurs  qui  m'écoutent,  et  que  le 
public  aime  si  justement,  la  brillante  cantate  de  la  Fêle  des  Arts,  riche 
par  la  musique  autant  que  par  la  poésie,  et  dont  les  anciens  lauréats  du 
Conservatoire  ont  été  les  interprètes  heureux. 

Cette  solennité,  grâce  à  la  bienveillance  de  S.  M.  l'Empereur,  qui 
veut  que  tout  ce  qui  est  juste  soit  fait,  et  que  tous  les  vieux  services  soient 
honorés,  me  donne  l'occasion  d'une  bonne  nouvelle,  en  me  permettant 
de  vous  annoncer  une  haute  distinction  prochaine  pour  un  des  plus  an- 
ciens professeurs  du  Conservatoire. 

Jeunes  élèves,  que  je  vais  avoir  tant  de  plaisir  à  couronner,  je  compte 
trop  d'amis  parmi  vos  maîtres  pour  que  vous  n'ayez  pas  foi  dans  l'intérêt 
que  je  dois  porter  aux  disciples. 

Tant  qu'il  me  sera  permis  de  vous  suivre  dans  votre  carrière,  croyez 
que  je  le  ferai  d'un  coup  d'œil  attentif,  et  que  mon  appui,  de  cœur  et 
d'âme,  ne  vous  manquera  jamais. 

Comme  nous  l'avons  déjà  dit,  ce  discours,  excellent  de  fond  et  de 
forme,  a  été  souvent  interrompu  par  des  bravos.  L'auditoire  a  surtout 
saisi  avec  chaleur  le  passage  dans  lequel  un  si  juste  hommage  est 
rendu  à  M.  Auber,  à  l'auteur  de  tant  de  chefs-d'œuvre,  dont  le  nom- 
bre va  bientôt  s'augmenter.  A  propos  de  la  haute  distinction  annoncée 
par  M.  le  directeur  des  beaux  arts,  et  dont  un  des  plus  anciens  pro- 
fesseurs du  Conservatoire  doit  être  l'objet,  le  nom  de  M.  Leborne  a 
circulé  de  bouche  en  bouche,  et,  en  effet,  c'est  de  ce  professeur  hono- 
rable, dont  un  élève  a  encore  remporté  cette  année  le  grand  prix  de 
composition  musicale,  que  M.  le  directeur  des  beaux  arts  voulait  par- 


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REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


1er;  c'est  à  lui  que  la  décoration  de  la  Légion-d'Honneur  a  été  ainsi 
publiquement  promise. 

La  distribution  des  prix  a  suivi  le  discours,  et  après  la  distribution 
est  venu  l'exercice  musical  et  dramatique.  L'orchestre ,  dirigé  par 
M.  Massart,  a  d'abord  exécuté  une  charmante  ouverture  de  M.  Emile 
Jonas,  lauréat  de  l'Institut,  et  l'un  des  jeunes  professeurs  de  l'école. 
Cette  composition,  essentiellement  mélodique,  se  distingue  par  un  style 
élégant  et  facile.  On  a  remarqué  dans  l'andante  un  solo  de  violoncelle 
parfaitement  exécuté  par  M.  Jacquard,  et  aussi,  dans  la  péroraison  de 
l'allégro,  des  combinaisons  non  moins  heureuses  qu'habiles.  Nous  de- 
vons ajouter  que  l'exécution  a  été  fort  bonne.  Nous  avons  déjà  parlé 
des  efforts  de  M.  Massart  pour  discipliner  et  réformer  le  jeune  orches- 
tre. Ils  ont  porté  leurs  fruits,  et  jamais  un  meilleur  ensemble  n'avait  été 
obtenu.  On  s'en  est  aperçu  dès  l'ouverture  et  on  l'a  reconnu  encore 
dans  tous  les  autres  morceaux,  dans  lesquels  l'orchestre  jouait  un  rôle 
souvent  très-difficile. 

Un  fragment  de  symphonie,  composé  par  M.  Prumier  fds,  réunissait, 
comme  à  l'ordinaire,  toute  la  famille  des  instruments  à  vent,  le  vio- 
loncelle, la  contrebasse  et  la  harpe.  Au  fragment  de  symphonie  pour 
onze  instruments,  succédait  une  symphonie  concertante  pour  deux 
violons,  composée  expressément  par  Alard  pour  ses  deux  élèves, 
MM  Lancien  et  Viault  jeune,  qui,  cette  année,  ont  remporté  chacun  un 
premier  prix.  Le  morceau  du  maître  est  plein  de  grâce  et  d'éclat  : 
l'exécution  des  élèves  a  rappelé  celle  du  maître.  Ces  deux  jeunes  gens 
sont  sûrs  d'un  beau  succès  chaque  fois  qu'ils  joueront  ensemble  la 
brillante  symphonie.  Ils  en  ont  fait  l'épreuve  vendredi  soir  au  Louvre, 
chez  M.  de  Nieuwerkerke,  où  ils  l'ont  redite,  avec  accompagement  de 
piano  seulement,  devant  un  auditoire  d'élite  qui  ne  leur  a  pas  épargné 
les  applaudissements. 

Le  reste  de  l'exercice  était  partagé  en  comédie  et  en  drame  lyrique. 
F&ure,  le  nouvel  artiste  de  l'Opéra-Comique,  élève  de  la  veille,  est 
venu  chanter  avec  beaucoup  de  talent,  mais  peut-  être  avec  trop  de  désir 
d'en  montrer,  l'air  de  Zaïre,  de  Mercadante.  MM.  Sapin,  Crambade, 
Mlles  Boulart,  Girard,  Rey  et  Amélie  Bourgeois,  ont  joué  des  fragments 
d' Euphrosine  et  Coradin,  cet  opéra  qui  fut  le  coup  d'essai  de  Méhul, 
et  qui  ne  compte  pas  moins  de  soixante-deux  ans.  Nous  nous  garde- 
rons bien  de  le  rejuger  d'après  l'impression  qu'il  nous  a  laissée  l'autre 
jour.  Pour  des  élèves,  c'était  un  peu  fort,  et  mieux  eût  valu  les  produire 
dans  quelques  scènes  plus  courtes,  par  exemple  celles  où  ils  avaient 
produit  de  l'effet  au  concours,  que  de  les  livrer  h  l'inconnu.  Nous  en 
dirons  autant  du  duo  de  Fernand  Cortez,  chanté  par  M.  Bonnehée  et 
Mlle  Geismar,  pour  qui,  d'ailleurs,  le  rôle  d'Amarili  est  d'une  tessiture 
trop  élevée. 

A  travers  toute  cette  musique ,  11  y  avait  des  fragments  de  l'Ecole 
des  femmes,  du  Philosophe  marié  et  des  Fourberies  de  Scapin,  fort 
bien  joués  par  MM.  Lesage ,  Vonoven ,  Gilles  de  Saint-Germain ,  et 
Mlles  Arrène,  Valérie.  Mlle  Emilie  Dubois,  second  prix  de  comédie  et 
engagée  au  Théâtre-Français,  figurait  aussi  sur  le  programme;  mais  elle 
n'a  paru  que  pour  écouter  une  tirade  et  s'en  aller  sans  rien  dire,  au 
regret  de  tout  1'  auditoire.  C'était  trop  ou  trop  peu,  et,  si  l'on  eût  pris 
les  voix,  le  trop  peu  eût  été  unanime. 

P.  S. 


VIEUXTEMPS. 


Tous  les  petits  charlatanismes  qui  président  à  la  mise  en  scène  des 
concerts  ordinaires  seraient  superflus  aux  réapparitions  du  virtuose 
dont  le  nom  figure  en  tête  de  ces  lignes;  Les  intincelles  électriques  qui 
s'échappent  de  son  archet  vont  frapper  simultanément  les  artistes,  les 
organes  de  la  presse,  et  tout  ce  qu'il  y  a  de  bons  amateurs  et  de  vrais 
connaisseurs  dans  Paris,  qui  reportent  et  redisent  dans  le  monde  toutes 
les  émotions,  toutes  les  admirations  qu'ils  ont  éprouvées  à  l'audition 
d'une  musique  si  bien  faite  et  si  bien  exécutée.  Oui,  l'on  se  plaît  à  re- 


dire, à  décrire  ses  propres  impressions  et  celles  du  public  d'une  ma- 
nière plus  ou  moins  ingénieuse,  compétente  ou  banale.  Quelques-uns 
diront  qu'il  est  le  Paganini  de  cette  époque;  on  peut  dire  plus  juste- 
ment qu'il  en  est  le  Vieuxtemps  :  il  a  porté  dans  l'art  de  composer 
pour  le  violon  et  d'exécuter  sur  ce  roi  des  instruments,  son  indivi- 
dualité, sa  manière  tranquille  et  grandiose  qui  ressemble  fort  peu  à 
cette  manière,  câline  et  capricieusement  originale  qui  caractérisait  l'il- 
lustre violoniste  génois. 

Pour  tout  autre  que  Vieuxtemps,  il  y  aurait  quelque  chose  de  plus 
difficile  que  de  faire  maintenant  sa  réputation  :  ce  serait  de  conserver 
celle  qu'il  a  acquise.  Sans  complaisance,  sans  faux  enthousiasme,  et 
même  parfois  avec  une  sévérité  bien  entendue, 

Moi  même  j'ai  servi  de  héraut  à  sa  gloire, 

et  je  me  plais  maintenant  à  en  expliquer  les  causes,  à  en  constater  les 
effets. 

Vieuxtemps  n'a  pas  cette  pression  nerveuse  d'archet  qui  rend  le  son 
convulsif,  et  n'est  que  le  simulacre  de  l'expression  et  de  la  passion  ; 
mais  il  a  en  lui  cette  chaleur  contenue  que  devine  l'auditeur  bien  or- 
ganisé et  qui  provoque  la  sympathie.  Son  archet  ne  frôle  pas  la  corde 
obliquement  et  d'une  façon  maniérée,  dont  il  résulte  un  son  de  crin,  ce 
qui  fait  bisser  ce  mot  dont  on  a  fait  un  nom  populaire  et  commun  pour 
désigner  l'instrument  et  celui  qui  en  joue. 

L'artiste-lion  dont  il  s'agit  ici  laisse  aux  violonistes  fins  et  qui  ne 
cherchent  qu'à  plaire  aux  dames,  le  trille  dit  perlé,  serré  ;  il  le  fait 
brillant,  retentissant,  parce  que  son  doigt  tombe  de  haut  sur  la  corde. 
Son  staccato  ne  dérive  jamais  en  trait  sautillé  ;  il  est  toujours  bien 
mordu,  sonore  au  tiré  comme  au  poussé  de  l'archet. 

La  double  corde,  cette  pierre  de  touche  de  la  justesse  comme  de  la 
richesse  harmonique  sur  l'instrument,  est  toujours  irréprochable  en 
Vieuxtemps.  Il  ne  fait  jamais  valoir  par  des  effets  de  pantomime  ses 
traits  risqués,  son  doigter  et  ses  coups  d'archet  exceptionnels.  Calme, 
insensible  en  apparence,  il  étonne,  émeut,  éblouit,  sans  vous  provo- 
quer du  geste  ou  du  regard  à  l'applaudir,  et  cependant  chacun  l'ap- 
plaudit, car  il  est  puissant,  chaleureux,  entraînant ,  car  sa  mélodie  est 
expressive  et  distinguée  ;  car  son  instrumentation  est  riche  et  vivace  , 
et  dialogue  de  toutes  les  parties  de  l'orchestre  avec  la  voix  principale  : 
nous  disons  la  voix,  car  le  violon  de  Vieuxtemps  est  un  premier  ténor 
passionné,  sympathique  et  brillant,  qui  réunit  les  sons  du  plus  bel 
organe  humain  à  toute  la  justesse  des  touches  d'un  piano  d'Érard,  frap- 
pées, amollies,  rendues  expressives  et  mélodieuses  par  les  doigts  de 
Thalberg,  Prudent,  de  Marie  Pleyel,  Mattmann,  Clauss  ou  Craever. 

Avec  une  individualité  artistique  comme  celle  de  Vieuxtemps,  il 
était  difficile  aux  solistes  qui  l'ont  secondé  dans  sa  première  exhibi- 
tion musicale,  pour  me  servir  de  l'expression  anglaise,  de  se  distin- 
tinguer  autrement  que  par  des  effets  de  clair-obscur.  C'est  ce  qui  a  eu 
lieu  pour  Mlle  Duclout,  cantatrice  peu  connue,  qui  a  dit  l'air  du  Tan- 
credi  de  Rossini  en  français  d'une  manière  convenable,  ainsi  qu'un 
nouveau  Brindisi,  d'un  compositeur,  peut-être  Français  aussi,  du  nom 
de  Besançon ,  dont  on  aurait  fait,  sur  le  programme,  Besanzoni.  Si 
cette  demoiselle  possède  une  voix  d'une  bonne  qualité,  qui  ne  manque 
pas  d'ampleur ,  mais  qui  a  besoin  de  se  dématérialiser  par  l'étude  de  la 
vocalisation,  M.  Kruger  a,  comme  pianiste,  un  jeu  léger,  net  et  bril- 
lant, dont  il  a  donné  d'agréables  exemples  dans  ce  concert  ;  et  malgré 
sa  qualité  de  seconde  ombre  au  tableau  musical  offert  par  le  célèbre 
violoniste  dans  la  salle  Herz,  vendredi  dernier,  M.  Kruger  a  fait  plaisir 
et  s'est  fait  applaudir  ;  il  a  même  été  rappelé  après  l'exécution  de  sa 
Harpe  éolienne,  rêverie,  et  son  impromptu,  fait  sans  doute  à  loisir, 
intitulé  :  Gazelle. 

Après  une  ouverture  bien  exécutée  par  un  bon  orchestre,  fort  bien 
dirigé  par  M.  Georges  Bousquet,  Vieuxtemps  est  venu  dire  son  nouveau 
concerto  en  ré  mineur,  œuvre  d'une  forme  à  lui,  riche  par  la  partie 
principale,  et  non  moins  riche  d'effets  d'orchestre.  Cela  commence  par 
une  sorte  de  tonalité  vague,  de  suspensions  qui  donnent  tout  à  la  fois 
une  allure  scolastique  et  romantique  à  ce  tutti;  mais  les  idées  nettes, 


DE  PARIS. 


m 


claires,  arrêtées,  du  compositeur,  le  garantissent  bientôt  de  tomber  dans 
le  romantisme  pur  sang,  qui  n'est  que  la  divagation  des  idées  sans  lo- 
gique. Un  dialogue  intéressant  s'établit  entre  les  violoncelles  et  le  violon 
principal,  qui  procède  ensuite  en  récitatif  dramatique  dans  cette  intro- 
duction ;  et  puis  la  voix  principale  s'unit  à  celle  du  cor  pour  aller  se  re- 
poser en  duo  sur  la  dominante  de  mi,  point  de  repos  ou  d'orgue  sur 
lequel  le  violon  principal  évolue  et  se  livre  à  des  traits  d'une  inextri- 
cable difficulté,  dont  on  est  sûr  que  l'habile  soliste  sortira  vainqueur  ; 
car  un  de  ses  plus  beaux  privilèges  est  de  vous  bercer  de  conliance  et 
de  sécurité. 

L'adagio  religieux  qui  suit  cette  introduction  est  d'un  beau  caractère, 
tout  à  la  fois  mystique,  scientifique  et  mélodique.  Les  trilles  par  les- 
quels le  récitant  rentre  dans  le  motif,  sont  d'une  pureté,  d'un  brio  et 
d'un  fini  délicieux,  quoique  dans  le  haut  du  diapason  de  l'instrument;  et 
ces  trilles,  qui  ressemblent  au  gazouillement  d'une  nichée  de  rossignols 
dans  le  paradis,  terminent  d'une  façon  aérienne  cet  hymne  tout  em- 
preint de  religiosité  et  de  foi. 

Le  scherzo  est  un  morceau  pittoresque,  qu'on^peut  appeler  une  ori- 
ginale et  vnie  fantaisie  sur  les  caprices  du  rhythme  à  deux  temps, 
luttant  contre  le  mouvement  ternaire.  C'est  tourmenté ,  singulier,  pi- 
quant ;  et  le  trio  de  ce  scherzo  vient  à  point  pour  vous  bercer  de  mé- 
lodie et  champêtre  et  suave  comme  les  mille  parfums  de  la  prairie. 

Le  final  rappelle  le  début  du  premier  morceau  et  sent  un  peu  l'école 
classique;  mais  tout  le  luxe  de  l'art  moderne  de  jouer  du  violon,  la 
riche  double  corde,  les  jolis  dialogues  du  violon  avec  la  clarinette,  la 
flûte,  le  cor,  jettent  sur  la  forme  rétrospective  de  ce  morceau  une  va- 
riété, un  entrain,  un  charme  qui  provoquent  les  applaudissements.  Et 
dire  que  pour  faire  naître  toutes  ces  sensations,  pour  opérer  tous  ces 
prestiges,  tous  ces  charmes  de  mélodie  et  de  traits  diaboliques,  Vieux- 
tempsétait  poursuivi  par  lestryged'unechanterellequi  sifflait!  Ah!  si  Ton 
savait  ce  que  c'est  qu'une  chanterelle  qui  siffle  pour  un  malheureux  so- 
liste !  Les  tourments  d'un  bon  auteur  dont  on  joue  mal  la  bonne  pièce 
ne  sont  rien  en'  comparaison  de  l'inquiétude  qu'éprouve  un  violoniste 
qui  sent  siffler  la  corde  sous  son  archet.  II  y  a  un  long  article,  une 
touchante  élégie  à  faire  sur  ce  sujet;  je  l'écrirai  une  autre  fois,  n'ayant 
aujourd'hui  que  le  temps  et  la  place  de  dire  que  Vieuxtemps  ,  avec  et 
malgré  sa  chanterelle,  a  obtenu  un  colossal  succès,  qui  s'est  manifesté 
par  de  fréquents  rappels. 


SOCIÉTÉ  SAINTE-CÉCILE. 

PREMIER   CONCERT. 

Séances  des  derniers  quatoors  de  Beethoven,  par  MSB.  Sflaurin  , 
Sabattier,  Haset  ft'lievillurcl. — SSalinée  musicale,  par  53.  Gless. 

De  même  que  chaque  théâtre  de  Paris  a  son  public  spécial,  on  peut 
reconnaître  un  auditoire  particulier  à  chaque  genre  de  concerts,  à 
chacune  des  Sociétés  musicales  que  renferme  Paris.  Celui  de  la  Société 
des  concerts,  qui  siège  dans  la  salle  du  Conservatoire,  se  distingue  par 
son  dilettantisme  instrumental  quelque  peu  exclusif  et  par  conséquent 
étroit.  Son  enthousiasme  est  stéréotypé,  et  menace  de  devenir  hérédi- 
taire. Le  public  de  la  Société  de  Sainte-Cécile  se  compose  de  Belges , 
d'Allemands  et  d'auditeurs  français,  qui  sont  dans  le  progrès  et  qui  ne 
s'arrêtent  point  avec  une  sorte  de  colère  dans  leur  admiration  rétro- 
spective, fronçant  le  sourcil  comme  le  Jupiter  olympien  dans  le  poëme 
de  Parny,  quand  on  lui  parle  de  nouveaux  dieux. 

Le  premier  concert  de  la  Société  dirigée  par  M.  Seghers  a  été  donné, 
comme  les  précédents,  dans  la  salle  Sainte-Cécile,  dimanche  passé,  12. 

La  séance  s'est  ouverte  par  la  51n  symphonie  de  Haydn.  Cette  œuvre 
du  maître  classique  a  été  aussi  bien  sentie  que  bien  applaudie,  parce 
que  l'exécution  en  a  été  soignée,  nuancée  et  dite  dans  toute  la  pureté 
du  style  de  l'auteur. 

La  berceuse  de  Blanche  de  P/ovence,  chœur  deCherubini,  a  été  chantée 


avec  un  charme  do  mystérieuse  suavité  qui  a  provoqué  ces  doux  fré- 
missements de  plaisir  dans  l'auditoire,  signes  du  suffrage  le  plus  flatteur 
pour  l'œuvre  et  son  exécution,  et  qui  s'est  manifesté  enfin  en  un  bis 
unanime.  La  symphonie  concertante  pour  violon  et  alto-soli  et  orches- 
tre, n'a  pas  obtenu  moins  de  succès.  C'est  une  excellente  idée  que  celle 
d'avoir  été  chercher  dans  les  œuvres  de  Mozart  ce  charmant  morceau 
à  peu  près  inconnu  de  la  génération  actuelle.  'MM.  Deloffre  et  Casimir 
Ney  l'ont  délicieusement  exécuté. 

Dans  un  Ace  verum  pour  ténor  solo  et  chœur,  composé  par  M.  Gou- 
nod,  M.  Masset  a  développé  cette  voix  large,  puissante,  bien  posée  el 
pleine  de  charme  qui  se  meut  si  bien  dans  la  musique  sacrée.  On  se 
croyait  dans  une  basilique,  et  la  rêverie  mystique  dans  laquelle  était 
plongé  le  public  avait  semblé  l'absorber,  quand  il  s'est  souvenu  qu'il 
venait  de  contracter  une  dette  envers  le  compositeur  et  le  virtuose 
chanteur,  et  l'auditoire  entier  s'est  acquitté  en  bravos  réitérés  et  pro- 
longés. 

Schubert  a  bien  fait  de  jeter  dans  le  monde  musical  d'immortelles 
mélodies  sous  lesquelles  se  dessinent  d'une  façon  si  pittoresque  des 
harmonies  expressives  et  dramatiques;  car,  certes,  ce  ne  sont  pas  des 
ouvrages  comme  son  ouverture  de  Fier-à-Bras  qui  lui  auraient  donné 
l'immortalité.  La  pensée  en  est  vague  ,  cherchée  :  cela  est  d'un  style 
^îdécis;  c'est  de  l'esprit  allemand,  moins  l'invention  et  la  vigueur  de 
l'instrumentation.  Nous  avons  une  grande  quantité  d'ouvertures  du  nos 
vieux  compositeurs  français  qui  valent  mieux  que  celle  de  Fier-à- 
Bras,  aussi  agréable  à  l'oreille  que  le  fut  au  goût  le  baume  du  même 
nom  confectionné  par  l'illustre  Don  Quichotte,  et  qui  lui  fit  éprouver 
d'assez  désagréables  sensations,  ainsi  qu'à  son  brave  écuyer  Sancho 
Pança. 

—  Pourrevenir  aux  publics  spéciaux  dont  on  étudie  ou  dont  on  forme 
le  goût,  nous  signalerons  celui  dont  MM.  Maurin,  Sabattier,  Mas  et  Che- 
villard  ont  déjà  conquis  le  suffrage  l'an  passé,  et  qu'ils  convoquent  en- 
core cette  année-ci,  pour  faire  entendre  les  six  derniers  quatuors 
de  Beethoven  qui  offrent  ample  matière  à  controverse  depuis  si  long- 
temps, et  que  ces  quatre  artistes  consciencieux  ex  éditeront  dans  la 
salle  Herz  le  mois  prochain,  après  les  avoir  minutieusement  et  artisti- 
quement répétés,  pour  en  faire  saillir  les  beautés  exceptionnelles,  peu 
saisissables  pour  un  auditoire  ordinaire.  C'est  d'un  événement  musical 
qu'il  s'agit  ici,  d'une  transformation  de  l'art,  d'une  nouvelle  méthode  : 
c'est  la  carrure  mélodique  et  harmonique  avec  ses  cadences  consacrées, 
traitées  cavalièrement  par  un  homme  de  génie.  Nous  verrons  l'effet  cu- 
rieux que  produira  sur  le  public,  qui  n'a  pas  de  parti  pris  de  juger 
telle  ou  telle  forme  bonne  ou  mauvaise,'  et  qui  se  laisse  faire,  nous 
verrons  cette  impression  en  contact  avec  celle  du  petit  noyau  de 
connaisseurs  qui  rédigent  l'opinion  en  musique  autrement  qu'en  bana- 
lités artistiques  ou  en  lieux- communs.  Qui  sait?  Ils  prendront  peut- 
être  le  meilleur  parti  pour  eux:  ils  n'en  parleront  pas. 

—  M.  Hess  est  un  pianiste-compositeur  d'une  solide  instruction,  ce 
qui  ne  l'empêche  pas  de  payer  tribut  au  goût  du  jour  en  écrivant  de  la 
musique  légère;  et  qui  dit  légère,  sous-entend  gracieuse,  élégante, 
quoique  d'un  style  correct  et  pur.  M.  Hess,  qui  avait  déjà  donné  quel- 
ques séances  publiques  de  cette  musique  dans  Paris,  a  récidivé  chez 
Pleyel,  et  nous  a  fait  entendre  de  jolies  romances  transcrites  et  variées 
pour  piano,  enrichissant  ses  thèmes  mélodiques  de  charmantes  ara- 
besques, de  broderies,  de  traits  brillants;  puis  il  nous  a  dit  un  trémolo 
d'un  bel  effet;  et  puis  sont  venues  Mlles  Alice  et  Blanche,  polka  et  ma- 
zurka pour  piano,  qui  ont  locomotionné  les  mains  de  l'assemblée  en 
attendant  qu'elles  mettent  en  mouvement,  cet  hiver,  dans  les  salons,  les 
jolis  pieds  des  polkeuses  et  dos  mazurkeuses  à  la  mode.  Une  Scène  ma- 
ritime et  l'Aurore,  Méditation,  toujours  pour  piano,  ont  été  dites  par 
M.  Hess;  et,  dans  ces  divers  morceaux,  il  a  prouvé,  comme  compo- 
siteur et  pianiste,  qu'il  joint  la  clarté  de  l'idée  au  savoir,  et  un  jeu 
classique  à  une  brillante  manière  de  jouer  du  piano. 

Mlle  Martinetti  a  chanté,  dans  ce  concert,  divers  morceaux  de 
M.  Concone,  qui  ont  fait  applaudir  le  compositeur  et  la  cantatrice. 


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REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


M.  Schlosser,  qui  possède  une  voix  de  basse  onctueuse,  expressive  et 
vibrante,  sans  abus  et  sans  manière,  s'est  fait  également  applaudir 
dans  un  chant  intitulé  le  Lévite,  et  une  autre  mélodie  dont  le  titre  nous 
échappe.  Belle  émission  de  voix  et  bonne  méthode  doivent  faire  es- 
pérer à  M.  Schlosser  un  riche  avenir  de  chanteur  de  salon  en  style 

dramatique  ou  religieux. 

Henri  BLANCHARD. 


REVUE   CRITIQUE. 

LOUIS   LACOMBE. 
BEusique  de   piano  et  fie    chant.    —  Trio  pour  piano,   violon    et 
violoncelle,  trois  nocturnes,  valse  de    concert,    l'Ondine  et  le 
E*êcheur. 

Louis  Lacombe  est  un  de  nos  pianistes  qui  honorent  le  plus  l'école 
française  comme  virtuose  et  compositeur.  Il  est  allé,  tout  jeune,  parfaire 
son  éducation  musicale  si  bien  commencée  à  Paris.  Enfant  précoce  et 
célèbre,  il  n'en  est  pas  resté  là  ;  et,  bien  qu'il  ne  soit  pas  d'une  haute 
taille,  et  semble  vouloir  même  se  faire  petit  par  la  forme  du  chapeau 
qu'il  porte,  ainsi  que  par  sa  modestie,  sa  réputation  n'en  a  pas  moins 
grandi.  Ses  deux  œuvres  symphoniques  et  lyriques  de  Manfred  et 
d'Arva  ont  prouvé  qu'il  a  de  larges  et  belles  idées  musicales  ;  qu'il 
sait  écrire  pour  les  voix  et  l'orchestre  ;  et  qu'un  libretto  lui  échéant,  il 
se  montrerait  compositeur  dramatique,  distingué  par  l'inspiration  et  le 
savoir.  En  l'absence  de  ce  libretto,  de  ce  poëme  aussi  difficile  à  trouver 
pour  un  compositeur  dans  Paris,  qu'un  poëme  épique  en  France,  M.  La- 
combe sème  une  foule  de  jolies  idées  musicales  sous  forme  d'études,  de 
trios,  de  quintettes  et  de  musique  plus  légère.  Sa  Valse  de  concert  pour 
piano  est  un  solo  brillant,  riche  d'harmonies  inattendues,  logiques  et  de 
rhythmes  variés,  même  pour  la  main  gauche,  chose  rare  dans  ce  genre 
de  morceau  où  la  basse,  procédant  par  trois  noires,  semble  stéréo- 
typée avec  autant  de  monotonie  que  d'obstination. 

Dans  une  œuvre  intitulée  Trois  nocturnes,  pour  le  même  instrument, 
l'auteur  a  répandu  ce  charme  de  mélodie  et  de  style  lié  que  les  grands 
maîtres  modernes  du  piano  ont  souvent  employé  dans  ce  genre  de 
morceaux.  Le  premier  de  ces  nocturnes,  en  ut  mineur,  à  trois  temps, 
semble  un  reflet  d'une  pensée  à  la  Chopin  par  son  chant  rétrospectif 
et  mélancolique.  Le  second,  en  sol  bémol  majeur,  est  aussi  en  rhythme 
ternaire,  et,  par  cela  même,  semble  un  peu  trop  continuer  l'allure  du 
premier,  quoique  le  dessin  en  triolet  de  la  main  gauche  donne  plus 
d'animation  à  cette  allure.  Ce  dessin  en  triolet  qui  se  projette  dans  le 
morceau  suivant,  fait  de  ces  trois  nocturnes  une  œuvre  complète  par 
l'unité  de  la  pensée  ;  mais  dans  le  dernier,  l'auteur  fait  chanter  à  la  main 
droite  une  romance  simple,  élégante  et  large  tout  à  la  fois,  qui  vous 
berce  des  plus  douces  émotions. 

La  Chanson  de  la  brise,  l'Ondine  et  le  Pêcheur,  sont  deux  œuvres 
légères,  deux  brillantes  étincelles  musicales  pour  la  voix.  La  seconde 
de  ces  deux  mélodies  a  été  interprétée,  transcrite,  reproduite,  raccour- 
cie même  pour  le  piano,  car  ce  chant  tout  empreint  de  fraîcheur,  ob- 
tient beaucoup  de  succès  comme  morceau  vocal  et  instrumental. 

C'est  surtout  dans  son  deuxième  grand  trio  pour  piano,  violon  et  vio- 
loncelle, œuvre  de  musique  sérieuse,  que  M.  Louis  Lacombe  se  montre 
musicien  créateur,  unissant  la  science  à  la  mélodie  et  la  verve  au  goût. 
Il  entre  en  matière  par  un  allegro  à  trois  temps,  en  la  mineur,  sur  une 
phrase  dite  par  la  main  gauche,  phrase  impulsive,  animée  et  franche. 
L'action  s'engage  ;  le  dialogue  instrumental,  serré,  pressant  et  pas- 
sionné, témoigne  bien  de  la  vie  de  l'œuvre  et  du  combat  qui  va  se 
passer.  La  mélodie  abonde,  ainsi  que  les  imitations  canoniques  qui 
plaisent  aux  oreilles  exercées  à  ce  genre  de  travail. 

Si  le  scherzo  est  un  peu  trop  dans  le  caractère  de  la  première  partie, 
rhythme  et  dessin,  il  n'en  est  pas  moins  chaud  et  dramatique,  et  le 
trio  avec  accompagnement  du  violon  et  du  violoncelle  en  blanches 
soutenues,  donne  un  caractère  d'orgue  à  cette  partie  du  scherzo,  qui  se 
distingue  aussi  par  une  piquante  originalité. 


Le  largo, qui,  selon  nous,  seraitmicux  caractérisé  par  lemouvement 
andantc,  est  tout  empreint  d'une  couleur  religieuse.  Cela  est  riche  de 
mélodie  et  d'harmonie  ;  c'est  large,  grandiose,  inspiré  ;  et  puis  le  fi- 
nal, mélangé  d'une  réminiscence  du  scherzo  et  de  quelques  mesures 
plaintives,  commence,  agitalo,  par  un  trait  du  piano  qui  annonce  bien 
la  couleur  dramatique  du  morceau.  Peut-être  le  style  en  est-il  un  peu 
tourmenté,  diffus  par  trop  d'idées  ,  de  mélodies  complexes ,  enchevê- 
trées; mais  une  bonne  exécution,  comme  on  peut  l'obtenir  dans  Paris 
par  les  habiles  virtuoses  que  nous  y  possédons,  permet  de  saisir  toutes 
les  beautés  de  ce  morceau,  digne  péroraison  d'une  œuvre  capitale  et 
consciencieuse,  qui  met  celui  qui  l'a  écrite  au  rang  de  nos  plus  excel- 
lents compositeurs. 

Henri  BLANCHARD. 


ÎÎÉCRGLOGSE. 


Le  littérateur  qui  vient  de  mourir  et  auquel  nous  devons  quelques 
lignes  de  biographie  à  cause  de  certains  travaux  d'histoire  et  de  cri- 
tique musicale,  est  un  des  nombreux  exemples  du  peu  de  résultats 
qu'obtiennent  de  leurs  efforts  ceux  qui  poursuivent  la  réputation  et  la 
fortune  par  des  routes  diverses.  Après  avoir  cultivé  tour  à  tour  les 
mathématiques,  la  littérature  et  la  musique,  M.  Fayolle  n'est  parvenu 
à  prendre  rang  ni  parmi  les  savants,  ni  parmi  les  écrivains,  ni  parmi 
les  artistes.  Pour  parler  le  langage  allégorique  usité  à  l'époque  où  il 
s'efforçait  d'occuper  de  lui  le  public  fort  distrait  à  l'endroit  de  son  mé- 
rite, Euranie,  Clio.Euterpe,  lui  refusèrent  les  faveurs  qu'il  demandait  à 
la  fois  à  chacune  d'elles.  L'obscurité  fut  le  prix  de  son  inconstance. 
Cette  leçon  profitera-t-elle  à  d'autres,  possédés  comme  lui  du  désir  de 
l'universalité  ?  Il  n'y  a  pas  lieu  de  l'espérer.  Les  leçons  n'ont  jamais 
profité  qu'à  ceux  mêmes  qui  les  ont  reçues,  et  encore  !... 

M.  Fayolle  était  le  fils  d'un  dentiste  qui  s'était  enrichi  dans  la  pra- 
tique, et  duquel  les  mauvais  plaisants  disaient  qu'il  avait  fait  crier  tout 
Paris.  M.  Fayolle  débuta,  comme  débutent  tant  déjeunes  gens,  par  dis- 
siper le  patrimoine  paternel.  Il  avait  fait  de  bonnes  études  au  célèbre 
collège  de  Juilly,  était  entré  ensuite  dans  le  corps  des  ponts  et  chaus- 
sées, et  fut  nommé  chef  de  brigade  à  l'École  polytechnique  quand  on 
créa  cette  institution.  Pendant  trois  ans  il  se  livra  avec  ardeurà  l'étude 
des  mathématiques,  sous  Lagrange,  Monge  et  Prony,  qui  louaient  son 
aptitude  autant  que  son  zèle.  Ce  zèle  s'attiédit  toutefois  ;  il  se  croyait 
de  l'imagination  et  mettait  difficilement  d'accord  la  sécheresse  des 
chiffres  avec  ce  qu'il  appelait  ses  instincts  poétiques.  Auditeur  assidu  des 
leçons  de  littérature  que  M.  de  Fontanes  donnait  au  collège  Mazarin, 
il  se  prit  de  passion,  d'une  passion  malheureuse  pour  l'art  de  rimer. 
Les  journaux  littéraires  et  les  almanachs  furent  inondés  de  ses  poésies. 
Ce  n'étaient  que  des  distiques  et  des  pièces  légères;  mais  il  suppléait  à 
l'étendue  et,  disaient  les  malveillants,  à  la  qualité  par  la  quantité.  Il 
s'essaya  pourtant  dans  un  genre  plus  élevé  et  fit  paraître  la  traduction 
de  divers  fragments  du  sixième  livre  de  V Enéide,  celle  de  l'épisode  de 
Nisus  et  Euriale,  ainsi  qu'un  Discours  sur  le  goût.  Ces  morceaux  furent 
publiés  dans  un  recueil  intitulé  les  J  cillées  des  Muses.  Tout  à  coup  il  fit 
retour  à  ses  premiers  travaux,  donna  le  plan  d'un  cours  de  mathéma- 
tiques et  tint  même  plusieurs  conférences  publiques  au  Louvre,  sur  la 
science  des  calculs  ;  mais  cette  velléité  d'idées  positives  ne  fut  pas  de 
longue  durée. 

M.  Fayolle,  après  avoir  fait  aux  lettres  l'infidélité  que  nous  venons 
de  dire,  s'empressa  de  rentrer  dans  leur  domaine.  Il  publia  un  Dis- 
cours sur  la  littérature  et  [les  littérateurs,  le  Petit  Magasin  dts 
Dames,  recueil  de  huit  volumes,  et  les  Quatre  Saisons  du  Parnasse, 
collection  assez  volumineuse,  où  il  inséra  plusieurs  morceaux  sur  la 
musique  ainsi  que  des  notices  sur  des  artistes  célèbres.  Vinrent  en- 
suite des  compilations  qu'il  donna  sous  les  titres  de  Mélanges  litté- 
raires et  de  Cours  de  littérature,  où  il  rassembla  des  fragments  d'au- 


' 


DE  PARIS. 


469 


leurs  anciens  et  modernes.  Thémis  vint,  à  cette  occasion,  agiter  le 
tranquille  empire  des  muses.  M.  Fayolle  eut  des  procès  ù  soutenir 
contre  les  éditeurs  des  œuvres  d'écrivains  contemporains  auxquels  il 
avait  cru  pouvoir,  sans  délit,  emprunter  de  longues  citations.  L'une  de 
ses  dernières  productions  fut  un  Dictionnaire  d'épigrammes  dans  le- 
quel il  n'avait  pas  hésité,  s'exécutant  personnellement  de  bonne  grâce, 
à  transcrire  des  traits  satiriques  dirigés  contre  lui.  Nous  pourrions  al- 
longer encore  la  liste  des  ouvrages  de  littérature  dont  M.  Fayolle  fut 
l'auteur  et  l'éditeur ,  car  la  fécondité  n'était  pas  le  moindre  de  ses 
mérites;  mais  c'est  principalement  au  point  de  vue  de  la  musique  que 
nous  avons  à  nous  occuper  de  lui.  Nous  passerons  donc  sous  silence 
de  nombreux  opuscules  en  prose  et  en  vers  qui  signalèrent  l'activité 
de  sa  plume  pour  arriver  aux  écrits  relatifs  à  notre  art. 

M.  Fayolle  avait  étudié  la  musique  tout  en  calculant  et  en  versi- 
liant.  Barny  lui  enseigna  le  violoncelle,  et  Perne  se  chargea  de  l'initier 
à  la  connaissance  des  principes  de  l'harmonie.  Dans  le  moment  où  son 
esprit,  essentiellement  variable  ,  le  faisait  incliner  vers  ces  nouveaux 
travaux,  il  entreprit  la  traduction  du  Dictionnaire  des  musiciens,  de 
Gerber.  11  n'épargna  pas  cet  auteur,  tout  en  lui  empruntant  la  plus 
grande  partie  du  texte  de  son  livre,  et  signala  des  erreurs,  avec  plus  ou 
moins  de  fondement,  dans  maint  passage  peu  bienveillant  ;  mais,  soit 
qu'il  ait  traduit  lui-même  l'écrivain  allemand,  soit  qu'il  ait  chargé 
de  ce  soin  une  personne  étrangère  à  la  théorie  et  à  1  histoire  de  la 
musique,  il  est  de  fait  que  le  Dictionnaire  des  musiciens  renferme  un 
bon  nombre  de  bévues  dont  il  serait  injuste  de  charger  la  mémoire  de 
Gerbeer.  M.  Fayolle  avait  senti  la  nécessité  de  s'adjoindre  un  homme 
compétent  pour  la  publication  de  cet  ouvrge.  11  s'adressa  à  Choron, 
qui  l'autorisa  à  se  servir  de  son  nom,  mais  ne  fournit  guère  pour  con- 
tingent que  l'introduction,  qui  est  incontestablement  la  meilleure  par- 
tie du  livre. 

Une  Histoire  du  violon  qu'avait  promise  M.  Fayolle,  et  pour  laquelle 
il  avait  rassemblé,  disait-on,  de  volumineux  matériaux,  ne  vit  pas  le 
jour.  Il  n'en  parut  que  des  extraits  sous  le  titre  de  Notices  sur  Corelli, 
Tartini,  Gaviniès,  Paganini  et  Viotti.  Comme  littérateur  musicien, 
M.  Fayolle  avait  encore  fourni  des  articles  au  Magasin  encyclopédique , 
au  Mercure,  au  Journal  des  déftmeurs  de  la  patrie,  au  Journal  des 
arts  et  au  Courrier  des  spectacles.  11  fit  également  pour  le  supplément 
de  la  Biographie  universelle  quelques  notices  sur  des  artistes  oubliés 
dans  le  corps  de  ce  vaste  ouvrage,  ou  morts  depuis  la  publication  des 
premiers  volumes. 

Non  content  d'être  à  la  fois  mathématicien,  poète,  prosateur,  histo- 
rien et  critique  musicien,  M.  Fayolle  eut  un  instant  l'ambition  de  se 
révéler  comme  compositeur  dramatique.  11  écrivit  les  partitions  de  deux 
opéras  dont  le  comte  de  Valory  avait  composé  les  poèmes  à  son  inten- 
tion ;  savoir  :  Hercule  au  mont  OEta  et  Anacréon  à  Théos;  mais,  bien 
que  son  collaborateur  eût  du  crédit  à  la  cour,  il  n'obtint  pas  les  hon- 
neurs de  la  représentation,  en  sorte  qu'on  ignore  le  sort  qu'aurait  pu 
avoir  cette  nouvelle  application  de  ses  facultés. 

Mécontent  de  ses  compatriotes,  qui  ne  rendaient  point  assez  hom- 
mage à  des  mérites  si  divers,  M.  Fayolle  passa  en  Angleterre  vers  1818 
et  y  resta  plus  de  dix  ans.  Les  cours  de  littérature  française  qu'il  ouvrit 
à  Londres  furent  suivis  par  l'aristocratie  et  lui  procurèrent  d'honorables 
moyens  d'existence.  Il  écrivit  en  outre  des  articles  de  critique  musicale 
pour  plusieurs  journaux,  et  particulièrement  pour  l' Harmonicon. 

En  1829, M.  Fayolle  revint  en  France.  Il  s'était  de  nouveau  fixé  de- 
puis peu  de  temps  à  Paris,  lorsqu'il  publia  une  brochure  intitulée  : 
Paganini  et  Bcriot,  où  il  traçait  un  parallèle  entre  ces  deux  virtuoses 
en  signalant  les  points  de  ressemblance  offerts  par  leurs  talents  respec- 
tifs. Ce  fut  son  dernier  écrit.  Depuis  lors,  il  cessa  de  solliciter  l'atten- 
tion publique. 

M.  Fayolle  était  né  à  Paris  le  15  août  1774.  H  est  donc  mort  à  l'âge 

de  soixante-dix-huit  ans. 

Edouahd  FETIS. 


CORRESPONDANCE. 

Bruxelles,  10  décembre  1852. 

Encore  un  triomphe  pour  Meyerbeer,  qui  doit  avoir  renoncé  à  les  comp- 
ter. Le  Conservatoire  avait  terminé,  l'hiver  dernier,  ses  concerts  par  l'exé- 
cution des  fragments  de  Strumsée.  Je  vous  ai  fait  connaître  l'impression 
causée  par  l'œuvre  admirable  du  maître.  Cette  impression  a  été  si  vive, 
que  six  mois  n'ont  pu  l'affaiblir.  Six  mois  !  il  n'en  faut  pas  davantage  pour 
bouleverser  un  empire,  pour  changer  la  face  de  la  socitéé,  et  les  sensa- 
tions produites  par  la  musique  peuvent  durer  autant  que  cela  1  Quoi  qu'il 
en  soit,  M.  Fétis  a  été  vivement  sollicité  de  comprendre  Slrumtée  dans  le 
programme  du  premier  concert  de  la  saison.  Cette  demande  était  trop 
bien  d'accord  avec  ses  sympathies  d'artiste  pour  qu'il  ne  l'accueillît  pas. 
Nous  avons  donc  entendu  dimanche,  pour  la  seconde  fois,  l'ouverture  et 
les  entr'actes  dont  Meyerbeer  a  illustré  le  drame  de  son  frère. 

Ce  qui  arrive  rarement,  la  musique  de  Struensée  a  impressionné  plus 
profondément  encore  que  la  première  fois  un  auditoire  rendu  attentif, 
mais  exigeant  aussi ,  par  le  prestige  de  ses  souvenirs.  Nous  sommes-nous 
trompé;  sommes-nous  allé  trop  loin  dans  notre  enthousiasme,  quand  nous 
avons  jugé  que  l'illustre  auteur  de  Iïotert-le-Diable,  des  Huguenots  et  du 
Piophèle  ne  s'était  élevé  dans  aucune  de  ses  puissantes  créations  à  la 
hauteur  où  est  parvenu  son  génie  dans  les  fragments  de  Struensée  ?  Voilà 
ce  qu'on  pense  à  Bruxelles,  voilà  ce  qu'en  historien  sincère  je  suis  obligé 
de  transcrire  ici.  Abondance  d'imagination,  poésie  des  idées,  grâce  et 
nerf  de  style,  richesses  infinies  d'une  harmonie  où  chaque  accord  est 
comme  une  révolution  inattendue,  effets  saisissants  d'une  instrumentation 
qui  n'a  rien  des  formules  usitées,  splendeur  magique  d'un  coloris  à  la  fois 
chaud  et  fin,  puissant  et  délicat,  tel  est  l'ensemble  vraiment  saisissant  de 
cette  grandiose  production. 

Que  serait  la  plus  belle  partition  sans  des  interfrètes  intelligents  et 
habiles  ?  Après  avoir  dit  les  merveilles  de  l'œuvre,  il  faut  que  je  parle  de 
celles  de  l'exécution.  L'orchestre  du  Conservatoire,  sous  la  direction  de 
M.  Fétis,  s'est  montré  digne  de  Meyerbeer  ;  il  a  exprimé  la  pensée  du 
maître  tout  entière,  c'est-à-dire  avec  les  nuances  les  plus  variées,  avec 
un  accent,  et  l'accent  vrai  pour  chaque  phrase,  pour  chaque  mesure,  pour 
chaque  note.  Cet  orchestre  a  pour  lui  le  nombre  indispensable  à  l'inter- 
prétation des  grandes  pages  syrnphoniques  de  l'école  moderne,  l'habileté 
du  mécanisme  portée,  dans  chaque  catégorie  d'instrument,  à  sa  plus  grande 
perfection,  et  l'intelligence  dont  il  reçoit  de  son  chef  la  communication. 
Quels  effets  ne  réaliserait-on  pas  avec  quarante  violons  initiés  par  de 
Bériot  à  toutes  les  subtilités  de  l'archet  ;  avec  vingt  violoncelles  instruits 
par  Servais  ;  six  contrebasses  formées  d'après  la  méthode  de  Dragonetti  ; 
avec  des  instruments  à  vent  irréprochables,  chose  rare  !  le  tout  dirigé, 
inspiré  par  un  maestro  tel  que  M.  Fétis!  J'essaierais  vainement  de  vous 
donner  une  juste  idée  des  impressions  ressenties  par  le  public  connais- 
seur des  concerts  du  Conservatoire,  à  l'audition  de  la  musique  du  Struensée 
rendue  par  cet  orchestre  merveilleusement  discipliné.  Les  mots  d'enthou- 
siasme et  de  transports  suffiraient  à  peine. 

Par  une  heureuse  opposition  de  style  et  de  coloris  musical,  .M.  Fétis 
avait  choisi  la  42°  symphonie  d'Haydn  comme  morceau  d'introduction. 
Haydn  a  vieilli,  disent  des  amateurs  exclusifs  qui  ne  comprennent  que  les 
choses  du  jour.  Cela  n'est  pas  vrai  quand  on  le  rend  selon  le  vrai  carac- 
tère de  ses  inspirations.  Haydn  est  toujours  jeune,  élégant,  gracieux;  j'en 
appelle  aux  auditeurs  du  dernier  concert  de  notre  Conservatoire. 

Les  solistes  ont  tort,  habituellement,  dans  le  voisinage  de  ces  grandes 
compositions  d'ensemble  où  l'art  a  développé  toutes  ses  ressources.  Pour- 
tant, une  élève  de  Mme  Pleyel,  Mlle  Bienaimé,  jeune  artiste  à  laquelle  il 
est  permis  de  prédire  un  brillant  avenir,  s'est  fait  écouter  et  applaudir 
dans  une  partie  du  concerto  de  ilummel,  ainsi  que  dans  la  fantaisie  de 
Prudent  sur  Guillaume  Tell. 

L'Association  des  artistes-musiciens,  fondée  en  vue  d'une  participation 
aux  bénéfices  d'une  caisse  de  retraite,  adonné  aussi  son  premier  concert. 
On  y  a  exécuté  en  entier  les  morceaux  écrits  par  Beethoven  pour  les  liuines 
d'Athènes,  de  Kotzebue.  Vous  n'ignorez  pas  que  Beethoven  n'avait  pas  lui- 
même  une  très-haute  idée  de  cette  production,  l'une  de  ses  plus  négligées 
et  qu'il  ne  voulut  point  qu'elle  fût  publiée  de  son  vivant.  Il  est  de  fait 
que  si  l'on  y  trouve  des  morceaux  marqués  du  cachet  de  son  génie,  comme 
le  chœur  des  derviches,  il  en  est  qui  n'offrent  rien  de  saillant  et  qu'on  n'au- 
rait pas  songé  à  tirer  de  l'oubli,  s'ils  avaient  été  signés  d'un  nom  moins 
illustre  que  celui  de  Beethoven. 

L'anniversaire  de  la  fête  du  roi  a  été  l'occasion  de  la  mise  en  lumière  de 
deux  nouvelles  compositions  musicales.  L'une  est  un  TeDeum  de  M.  Stee- 
nackers,  jeune  maestro  que  vous  devez  connaître,  car  s'il  est  d'origine 
belge,  il  habite  depuis  longtemps  Paris,  où  il  a  fait  ses  études  techniques. 
Ce  Te  Dcum,  écrit  spécialement  pour  la  cérémonie  dont  il  vient  de  rehaus- 


470 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


•ser  l'éclat  officiel  et  dédié  à  S.  M.  le  roi  des  Belges,  a  été  exécuté  hier, 
16  décembre,  dans  1*  cathédrale,  sous  la  direction  de  l'auteur,  par  l'or- 
chestre du  théâtre  royal,  réuni  aux  musiciens  ordinaires  de  l'église.  On  l'a 
trouvé  fait  selon  toutes  les  règles  de  l'art,  d'un  fort  beau  style  religieux 
et  très-habilemeut  instrumenté.  Je  ne  dirai  pas  qu'il  a  obtenu  du  succès, 
parce  que  le  mot  succès  n'est  point  applicable  aux  choses  qui  se  passent 
dans  l'église  ;  mais  on  en  faisait  généralement  l'éloge. 

La  seconde  des  œuvres  musicales  qui  se  sont  produites  à  l'occasion  de 
la  fête  natale  du  roi  est  une  cantate  dont  l'exécution  a  eu  lieu  au  théâtre, 
dans  une  représentation  solennelle,  en  présence  des  jeunes  princes.  Souf- 
frez que  je  me  borne  a  mentionner  le  fait  sans  y  ajouter  d'observations 
critiques.  Mon  amour-propre  national  aurait  trop  à  souffrir  si  j'avais  à 
donner  une  appréciation  des  paroles  et  de  la  musique  de  cette  cantate, 
fruit  de  la  collaboration  de  deux  muses  bruxelloises. 

Mocker,  de  l'Opéra-Comique,  vient  de  donner  une  série  de  représenta- 
tions qui  ont  été  très-suivies.  Il  nous  a  fait  passer  en  revue  une  partie  du 
répertoire  où  il  déploie  un  talent  de  comédien  si  spirituel  et  si  fin,  et  où 
il  se  montre  musicien  de  bon  goût,  sinon  chanteur  de  grande  voix. 

Notre  troupe  lyrique  se  complète.  Après  les  trois  débuts  d'usage  j 
Mlle  Méquillet  a  été  mise  en  possession  de  l'emploi  de  première  chan- 
teuse du  grand  Opéra.  D'une  autre  part,  Mlle  Anna  Lemaire,  prima  donna 
d'opéra  comique,  a  complètement  réussi  dès  son  premier  début  dans  le 
Songe  d'une  nuit  (Tété.  Le  piquant  de  son  jeu  et  la  brillante  hardiesse  de  sa 
vocalisation  lui  ont  conquis  de  prime  abord  les  bonnes  grâces  du  public. 
Elle  a  parfaitement  le  droit  de  prendre  le  titre  de  chanteuse  à  roulades  par 
lequel  on  désigne  ici  l'emploi  qu'elle  est  appelée  à  remplir. 

Les  dilett  mtes  viennent  de  recevoir  la  bonne  nouvelle  qu'ils  ne  seront 
pas  privés  d'opéra  italien  tout  cet  hiver,  ainsi  qu'ils  en  avaient  la  crainte. 
La  troupe  de  M.  Bocca  nous  revient  et  commence  ses  représentations  à 
dater  du  1"  janvier.  D'après  des  arrangements  conclus  avec  cet  imprésario, 
elle  jouera  alternativement  avec  la  troupe  d'opéra  français  dans  la  salle 
du  Théâtre-Royal. 

Les  habitués  du  Vaudeville,  spectacle  secondaire  de  notre  capitale,  ont 
été  ces  jours  derniers  bien  agréablement  surpris  en  voyant  annoncer  une 
représentation  tout  à  fait  extraordinaire  à  laquelle  devaient  concourir 
Mme  Pleyel  et  Mme  Ugalde.  Cette  dernière  n'a  pu  tenir  les  promesses  de 
l'affiche,  n'ayant  pas  obtenu  du  directeur  de  l'Opéra-Comique  la  permission 
d'aller  charmer  les  oreilles  du  public  belge.  Mme  Pleyel  a  donc  été  forcée 
de  payer  pour  deux,  et  elle  l'a  fait  avec  cette  grâce  qui  s'unit  chez  elle  à 
l'immense  talent  que  vous  savez.  Elle  a  joué  quatre  morceaux  comme  elle 
seule  sait  le  faire,  et,  ce  qui  ne  vous  surprendra  pas,  elle  a  été  l'objet 
d'une  quadruple  ovation  à  laquelle  n'ont  manqué  ni  les  aclamations  ad- 
miratives,  ni  les  bouquets  dont  on  avait  jonché  le  sol  autour  d'elle.  Si  la 
vie  d'artiste  a  ses  souffrances,  elle  a  aussi,  pour  de  certaines  natures  pri- 
vilégiées, ses  instants  d'enivrement.  Il  est  beau  de  fasciner  ainsi  tout  un 
auditoire,  et  d'être,  pour  ainsi  dire,  l'arbitre  de  ses  impressions.  Ce  des- 
potisme séduisant  du  talent,  nul  virtuose  ne  l'exerce  à  l'égal  de 
Mme  Pleyel. 


Berlin,  9  décembre  1802. 

Convenons  qu'il  y  a  peu  de  villes  où  il  serait  possible  d'avoir  en  peu  de 
jours  autant  de  jouissances  musicales.  La  nomenclature  de  ce  qui  a  été 
donné  par  les  théâtres  et  les  concsrts  publics  dans  le  courant  d'une  se- 
maine en  dira  plus  que  des  paroles.  D'abord,  nous  avons  entendu  au  Théâ- 
tre-Royal :  la  Clémence  de  Titus,  de  Mozart  ;  Alceste,  de  Gluck  ;  la  Favo- 
rite, de  Donizetti  ;  Don  Juan,  le  Prophète,  Oberon,  de  Weber,  et  Bobert-le- 
Diable  ;  au  Théâtre  Italien  :  /(  Matrimonio  secreto,  Don  Pasquale,  et  l'EUsir 
d'amore.  Des  petits  théâtres  nous  ont  fait  entendre  :  la  Fille  du  Régiment, 
le  Maçon,  la  Poupée  de  Nuremberg,  et  un  opéra-comique  nouveau  en  deux 
actes,  de  M.  Schaîffer  :  la  Belle  Gasconne,  dans  lequel  il  y  a  de  fort  jolies 
choses,  beaucoup  de  verve  et  d'esprit.  En  fait  de  musique  classique  :  un  con- 
cert de  musique  sacrée  par  les  chœurs  de  la  cathédrale  :  on  y  a  entendu  des 
œuvres  de  Bach,  Durante,  Palestrina  et  Mozart;  un  grand  concert  de  sym- 
phonies, par  la  Société  des  concerts  ;  une  symphonie  nouvelle  de  Wurst,  la 
symphonie  en  ré  de  Beethoven,  et  les  ouvertures  de  la  Flûte  enchantée  et 
du  Freischutz. 

Ces  ouvrages  ont  été  dits  avec  talent;  mais  la  finesse  des  nuances  qui 
font  un  si  admirable  effet  au  Conservatoire  de  Paris,  n'y  est  pas  obser- 
vée, et  les  instruments  sont  faibles  dans  cette  grande  et  vaste  salle  de 
concert.  II  n'y  a  que  seize  violous,  quatre  violoncelles  et  quatre  contre- 
basses. Le  Paulus  de  Mendelssohn  a  été  exécuté  deux  fois  par  la  Société 
Stern  et  par  l'Académie  de  chant.  En  outre,  plusieurs  matinées  et  soirées 
de  musique  de  chambre  et  plusieurs  concerts  de  musique  moderne.  Vous 
voyez  qu'un  amateur  de  musique  trouve  de  quoi  passer  le  temps  agréable- 
ment et  utilement.   Il  est  bien  entendu  que  dans  les  grands   opéras, 


Mmes  Wagner,  Kœster  et  Tutczek ,  ont  chanté  les  rôles  principanx. 
Quant  aux  ténor  et  basse,  ils  sont  faibles  ;  mais  Formés  vient  d'arriver, 
et  avec  lui,  nous  aurons  une  des  meilleures  basses,  si  rares  aujourd'hui.  Je 
ne  dois  pas  oublier  que  dans  plusieurs  concerts  on  a  exécuté  l'ouverture 
la  grande  Polonaise  et  les  entr'actes  de  Struensée,  de  Meyerbeer,  qui  sont 
toujours  et  chaleureusement  applaudis.  Jenny  Lind  vient  d'arriver  avec 
son  mari,  M.  Goldschmidt.  On  ne  sait  pas  encore  si  elle  se  fera  entendre  • 
elle  doit  passer  tout  l'hiver  à  Dresde  pour  se  reposer.  Depuis  quelquesjours, 
M.  Léonard,  le  jeune  et  déjà  célèbre  violon  de  Bruxelles,  est  ici  avec 
sa  femme,  connue  à  Paris  sous  le  nom  de  Mlle  Mendi,  la  belle  Espagnole, 
cousine  de  la  Malibran,  que  vous  avez  entendue  au  Conservatoire  et 
au  concert  de  la  Gazette  musicale,  et  qui  chante  d'une  façon  si  originale  les 
chansons  espagnoles.  Ces  artistes  remarquables  ne  font  que  passer  ici 
sans  donner  concert  :  ils  se  rendent  à  Saint-Pétersbourg. 

Il  n'est  question  en  ce  moment  à  Berlin  que  d'une  aventure  arrivée  à 
M.  Léonard,  il  y  a  quelques  jours.  Cet  artiste  demeure  à  l'hôtel  de 
St-Pétersbourg ;  il  préludait  sur  son  violon  dans  sa  chambre.  Un  amateur 
étranger  qui  habitait  la  chambre  voisine  l'écoutait,  l'oreille  collée  contre 
la  cloison.  Après  quelques  instants,  il  appelle  le  garçon,  et  lui  demanda 
quel  est  le  violon  qui  habite  la  chambre  voisine  :  —  Un  monsieur  Hubert, 
de  Bruxelles,  répond  le  garçon  (il  avait  pris  le  prénom  pour  le  nom). — 
C'est  singulier,  dit  l'amateur;  je  me  flattais  de  connaître  tous  les  violonistes 
de  talent  et  je  n'ai  jamais  entendu  parler  de  M.  Hubert  ;  n'importe,  dites-lui 
qu'un  amateur,  son  voisin,  désire  faire  sa  connaissance.  Bref,  l'amateur  entre, 
tenant  une  boîte  à  violon  sous  le  bras,  et  s'annonce  comme  ami  de  Ernst, 
Vieuxtemps,  Sivori,  Lipinski,  Beriot,  Joachim,  Bazzini,  Ole-Bull.  Bientôt 
la  froideur  d'une  première  entrevue  disparaît.  M.  Léonard  lui  fait  enten- 
dre un  excellent  Stradivarius.  L'amateur  s'extasie  sur  le  talent  de  l'artiste 
mais  ne  dit  pas  un  mot  du  violon  ;  il  ouvre  sa  boîte,  en  tire  un  autre  Slra- 
divarius,  et  prie  M.  Hubert  de  le  jouer.  A  peine  notre  artiste  a-t-il  fait 
quelques  notes,  qu'il  reste  ébahi  devant  une  telle^sonorité,  une  telle  puis- 
sance et  un  tel  volume  de  son.  Pendant  cinq  heures,  il  essaie  les  merveilles 
du  célèbre  facteur  de  Crémone  ;  mais,  hélas  !  toujours  le  célèbre  Stradiva- 
rius de  l'amateur  paraissait  être  le  père  de  celui  appartenant  à  l'artiste. 
Vers  la  fin  de  la  soirée,  M.  Léonard  offre  son  portrait  à  l'amateur,  qui  re- 
connaît enfin  son  erreur  ;  il  embrasse  l'artiste  et  lui  dit  qu'il  a  désiré  faire 
sa  connaissance  à  Bruxelles,  mais  qu'il  était  absent  lors  de  son  séjour  dans 
cette  ville,  et  il  finit  par  lui  offrir  son  Stradivarius  en  échange  du  sien. 
Vous  vous  imaginez  le  bonheur  de  M.  Léonard,  qui,  en  ce  moment,  ne 
partagerait  pas  son  sort  contre  celui  de  personne  au  monde. 

Tous  ceux  qui  ont  entendu  ce  magnifique  violon  sont  unanimes  pour 
constater  son  immense  supériorité.  Un  tel  acte  honore  l'amateur  et  l'ar- 
tiste. Le  premier  se  nomme  Baptiste  de  Hunyady,  célèbre  médecin  de 
Pesth.  M.  S. 


IOÏÏVELLES. 

„.*„  Demain  lundi,  à  l'Opéra,  Moïse. 

***  Dimanche  dernier,  le  Prophète  avait  attiré  la  foule.  Roger  chantait 
le  rôle  de  Jean  de  Leyde  et  y  déployait  le  talent  supérieur  avec  lequel  il 
a  créé  ce  grand  rôle.  Mlle  Masson,  qui,  peu  de  jours  auparavant,  avait 
fait  sa  rentrée  dans  la  Favorite,  paraissait  pour  la  seconde  fois  dans  le 
rôle  de  Fidès,  et  y  faisait  preuve  d'une  admirable  expression  dramatique. 
Mlle  Dussy,  dans  le  rôle  de  Berthe,  a  montré  qu'elle  était  en  notable 
progrès. 

t*t  Lundi,  la  représentation  de  Moïse  a  été  troublée  par  une  indispo- 
sition subite  de  Gueymard,  qui,  après  le  premier  acte,  s'est  trouvé  hors 
d'état  de  continuer  le  rôle  d'Aménophis.  Marié,  en  excellent  musicien, 
s'est  chargé  de  le  lire  à  l'improviste,  et  s'est  fort  bien  tiré  de  cette  pé- 
nible tâche.  On  avait  offert  aux  spectateurs  qui  ne  voudraient  pas  rester, 
de  leur  rendre  leur  argent.  Une  faible  minorité  a  seule  accepté  cette  offre. 

***  Le  Juif  errant,  donné  mercredi,  a  marché  sans  encombre  devaut 
une  salle  magnifique  et  au  bruit  des  bravos.  Merly  jouait  pour  la  seconde 
fois  le  rôle  d'Ahasvérus,  et,  pour  la  seconde  fois,  il  a  mérité  d'y  être  ap- 
plaudi, rappelé.  Roger,  Mmes  Tedesco,  La  Grua,  ont  chanté  aussi  admira- 
blement que  de  coutume.  S  M.  l'Empereur  honorait  cette  représentation 
de  sa  présence. 

**„,  Quand  l'épidémie  se  jette  sur  un  théâtre,  il  n'y  a  plus  moyen  de 
lutter.  Il  faut  avoir  été  directeur  pour  en  savoir  quelque  chose.  Vendredi, 
la  Favorite  et  la  Vivandière  étaient  affichés;  mais,  vers  le  soir,  une  bande 
a  prévenu  le  public  qu'il  y  avait  relâche  forcée  pour  cause  d'indisposition 
de  quatre  artistes  :  Mmes  Masson  et  Tedesco,  MM.  Saint-Léon  et  Morelli. 
Quatre  artistes  à  la  fois!  cela  ne  s'était  jamais  vu,  de  mémoire  d'affiche. 

x*^  Luisa  Miller,  traduite  en  français,  paraît  ajournée.  C'est  le  nouveau 
ballet ,  Orfa,  qui  passera  d'abord  ;  la  première  représentation  en  est 
prochaine. 

„.%  Octave,  le  ténor  dont  on  se  souvient  toujours  à  Paris,  est  engagé 
à  Florence,  où  il  va  chanter  le  rôle  du  Prophète. 


DE  PARIS. 


471 


,%  La  première  représentation  de  Marco  Spada,  l'opéra  nouveau  de 
MM.  Scribe  et  Auber,  dans  lequel  Mlle  Caroline  Duprez  fera  ses  débuts, 
est  annoncée  pour  mardi  prochain. 

»*„  Le  Tliéatre-ltalirn  annonce  pour  aujourd'hui  dimanche,  spectacle 
extraordinaire. 

„*„  Dimanche  dernier,  fEUsire  d'aman  reparaissait  au  même  théâtre 
avec  Mme  Vera  Lorini,  cantatrice  élégante  et  distinguée,  qui  avait  débuté 
dans  la  saison  de  1849,  sous  la  direction  de  Ronconi.  Le  public  l'a  retrou- 
vée avec  toutes  ses  qualités.  Calzolari  et  Bcllctti  ont  supérieurement  joué 
et  chanté  les  rôles  de  Nemorino  et  du  sergent.  Le  baryton  Fiorio,  que 
nous  ne  connaissions  pas  encore,  est  trop  insuffisant  dans  le  rôle  du  char- 
latan Dulcamara,  tout  rempli  des  souvenirs  de  Lablache  et  de  Ronconi. 

»%  VElisire  d'ambre  a  été  joué  dimanche  et  jeudi;  mardi,  on  donnait 
Luisa  Muller. 

»%  Hier  samedi,  le  Théâtre-Italien  a  repris  Norma,  chantée  par 
Mmes  Sophie  Cruvelli,  Beltramelli,  MM.  Bettini  et  Susini. 

*%  Cabel,  le  baryton,  vient  de  reparaître  cette  semaine  sur  la  scène 
du  Théâtre-Lyrique,  où  il  a  tenu  un  rang  distingué  il  y  a  quelques  années. 
Le  jeune  artiste  a  chanté  plusieurs  fois  avec  succès  le  rôle  principal  du 
Maître  de  chapelle.  Nul  doute  que  la  direction  ne  fasse  une  excellente  ac- 
quisition en  s'attachant  définitivement  un  chanteur  de  ce  talent. 

***  Si  j'élais  roi,  dont  on  annonce  pour  après  demain  la  68"  représen- 
tation, est  a  l'étude  dans  toutes  les  villes  qui  possèdent  des  théâtres 
d'opéra:  Lyon,  Marseille,  Bordeaux,  Rouen,  Lille,  Strasbourg,  Nantes , 
Metz,  etc.,  etc.,  montent  ce  charmant  ouvrage  avec  le  plus  grand  soin. 
„*„  La  Fête  des  arts,  chant  de  l'avenir,  de  MM.  Méry  et  A.  Adam,  exé- 
cutée à  l'Opéra-Comique  devant  S.  M.  l'Empereur,  et  interprétée  par 
Mme  Ugalde,  Mlles  Lefebvre ,  Wertheimberg  et  Battaille,  vient  de 
paraître  en  petite  partition  in-8°  (piano  et  chant)  chez  l'éditeur  J.  Be- 
nacci  Peschier.  Cette  nouvelle  composition  de  l'auteur  de  Si  j'étais  roi  a 
obtenu  a  chaque  représentation  les  honneurs  du  bis  et  les  applaudis- 
sements de  la  salle  entière. 

„**  Le  Comité  de  la  grande  exposition  qui  se  prépare  à  Dublin  pour  le 
printemps  prochain,  désirant  inaugurer  cette  solennité  par  une  exécution 
musicale  d'un  genre  magnifique,  a  écrit  à  Meyerbeer  pour  le  prier  de 
composer  une  œuvre  chorale  en  rapport  avec  l'importance  de  l'objet  et 
l'immensité  de  l'édifice  que  l'on  a  construit  tout  exprès. 

t%  Thalberg  vient  d'arriver  à  Paris  où  il  passera  l'hiver.  A  la  suite  d'un 
voyage  de  santé  en  Valachie,  il  s'est  fait  entendre  à  Bucharest,  où  il  a  été 
reçu  triomphalement  et  comblé  de  riches  présents  par  les  nobles  dames 
de  cette  capitale.  L'hospodar,  prince  gouverneur  de  la  province  Vala- 
que,  a  fait  remettre  au  célèbre  artiste,  à  la  suite  d'un  concert,  une  bague 
d'une  grande  valeur  enrichie  de  diamants  et  portant  son  chiffre. 

#%  La  Société  Sainte-Cécile  donnera,  le  dimanche  26  décembre  â  2  heu- 
res très-précises,  le  deuxième  concert  en  dehors  de  l'abonnement,  exclu- 
sivement consacré  à  l'exécution  des  œuvres  nouvelles  des  compositeurs 
contemporains.  —  1.  Ouverture  de  concert  de  M.  Alexandre  Stadtfeld.  — 
2.  Ode  à  Sainte-Cécile,  paroles  de  M.  Nibelle,  musique  de  M.  Camille  Saint- 
Saëns,  pour  orchestre,  soprano  solo  et  chœurs  ;  le  solo  de  soprano  sera 
chanté  par  Mme  Meillet. — 3.  Symphonie  en  la  mineur  de  M.  Niels  W.  Gade. 
—  h.  Chant  danois,  paroles  de  Millevoye,  chœur  pour  voix  d'hommes, 
musique  de  M.  J.-B  Wekerlin.  —  5.  Andante  d'une  symphonie  composée 
par  Mme  la  vicomtesse  de  Grandval.  —  6.  Fragments  de  l'épopée  lyrique 
composée  pour  les  fêtes  â  l'industrie  universelle,  poëme  de  M.  Méry, 
musique  de  M.  Lacombe.  —  L'orchestre  sera  dirigé  par  M.  Seghers;  les 
chœurs  seront  dirigés  par  M.  Wekerlin. 

ç*ç  Voici  le  programme  du  premier  concert  de  la  Société  symphonique, 
qui  aura  lieu  demain  lundi,  â  huit  heures  du  soir  :  1"  Symphonie  en  si 
bémol,  de  Haydn,  composée  pour  les  concerts  de  Salomon,  à  Londres  ; 
2°  Aria  di  Chiesa ,  de  Stradella ,  chanté  par  Mlle  Victorine  Dietsch  ; 
3°  concerto  de  piano,  deMendelssohn,  exécuté  parMlle  Wilhelmine  Clauss; 
h'  air  de  la  Fée  aux  Rosi',  d'Halévy,  chanté  par  Mlle  Dietsch  ;  5°  sym- 
phonie concertante  pour  deux  violons,  d'Alard,  exécutée  par  MM.  Lancien 
et  Viault,  premiers  prix  du  Conservatoire  en  1852 ,  6°  ouverture  des  Deux 
journées,  de  Cherubini. 

**„  M.  Charles  Deininger,  inventeur  d'un  procédé  pour  l'amélioration 
des  violons  et  autres  instruments  à  cordes,  donnera,  aujourd'hui  diman- 
che ,  à  une  heure ,  une  séance  musicale  ,  dans  laquelle  on  entendra 
MM.  Armingaud,  Jacquard,  Lalo  et  Delannoy,  qui  joueront  sur  des  instru- 
ments préparés  d'après  son  système. 

t%  La  Société  des  concerts  de  Berlin,  Société  un  peu  anonyme,  a  donné 
à  peu  près  incognito  une  séance  un  peu  musicale  dans  laquelle  on  a  fait 
d'assez  bonne  musiquede  Beethoven,  Weber  et  Meyerbeer.  M.  Schultze  y  a 
joué  du  violon,  et  Allie  Molidoffy  a  chanté  d'une  manière  agréable  et 
même  dramatique  le  grand  air  du  Freïschuiz  et  celui  de  Grâce ,  de  Robert- 
le-Diable,  le  tout  en  allemand. 

*%,  Un  fort  beau  concert,  au  profit  des  pauvres,  a  été  donné  le  10  de  ce 
mois  à  Compiègne.  Il  avait  été  organisé  par  les  soins  de  M.  Viénot,  l'officier 
artiste  du  1"  régiment  de  chasseurs,  et  lui-même  a  voulu  concourir  à  l'é- 
clat de  la  soirée,  en  exécutant  sur  le  piano  plusieurs  de  ses  compositions 
les  plus  brillantes.  Mme  Sabatier  et  M.  Lefort  étaient  chargés  de  la  partie 
vocale. 

***  Le.jeune  violoniste  Poussard  a  donné  àVienne  son  premier  concert. 
Les  journaux  allemands  s'accordent  à  parler  de  lui  avec  grands  éloges  et 
à  constater  son  succès. 


.%  M.  Strockcn,  pianiste  et  professeur  distingué,  est  de  retour  d'un 
voyage  qu'il  a  fait  en  Hollande.  Il  se  propose  de  passer  l'hiver  à  Paris. 

»%  Miss  Kennedy,  la  célèbre  harpiste  anglaise,  vient  d'arriver  à  Paris 
et  se  propose  de  se  faire  entendre  dans  plusieurs  concerts. 

t\  La  direction  du  théâtre  d'Amiens  est  en  ce  moment  vacante,  et  les 
prétendants  sont  invités  à  se  présenter.  La  ville  accorde  une  subvention 
annuelle  de  9,600  fr.  accompagnée  de  divers  autres  avantages,  y  compris 
le  paiement  du  droit  des  pauvres,  s'élevant  à  5,000  fr. 

»%  M.  Adolphe  Schimon,  l'accompagnateur  par  excellence  des  chan- 
teurs, est  de  retour  à  Paris,  après  un  assez  long  séjour  à  Florence  et  à 
Londres,  où  son  double  talcn!  de  pianiste  et  de  compositeur  a  été  parfai  - 
tement  apprécié.  M.  Schimon  se  fixe  de  nouveau  à  Paris.  C'est  une  bonne 
nouvelle  pour  nos  salons  et  pour  tous  les  chanteurs,  qui  s'en  feront  leur 
accompagnateur  favori. 

»*„  M.  Schaleck,  de  Prague,  artiste  d'un  talent  vraiment  distingué  sur  la 
Zither,  instrument  presque  inconnu  en  France,  vient  d'arriver  à  Paris,  et 
se  propose  de  se  faire  entendre  dans  plusieurs  concerts. 

»*„  Nous  annonçons  au  public  l'Album  Henrion.  Ses  nombreux  amateurs 
y  trouveront  des  mélodies  charmantes  et  fraîches,  empreintes  de  cette  nou- 
veauté originale  par  laquelle  ce  jeune  compositeur  s'est  toujours  dis- 
tingué. 

„*i  M.  Conrad  Mathias  Berg,  professeur  de  musique  distingué,  vient  de 
mourir  à  Strasbourg,  à  l'âge  de  soixante-sept  ans. 

CSOBIOUE   DÉPARTEMENTALE. 

„**  Marseille,  9  décembre.  —  Samedi  dernier,  la  jolie  salle  de  M.  Rou- 
baud  avait  pris  un  air  de  fête  pour  recevoir  un  jeune  artiste  dont  le  talent, 
apprécié  naguère  au  Grand-Théâtre,  s'était  montré  digne  de  toutes  les 
sympathies.  Cet  artiste,  M.  Frédéric  Giraud,  qui,  à  peine  arrivé  parmi 
nous,  avait  recueilli  tant  de  suffrages,  n'a  pas  voulu  quitter  Marseille  sans 
prendre  congé  du  public  d'élite  dont  la  protection  bienveillante  lui  avait 
facilité  l'accès  de  nos  salons.  U  a  donc  choisi  dans  son  répertoire  les  mor- 
ceaux les  plus  attrayants  et  les  a  non-seulement  exécutés  avec  beaucoup 
de  charme,  mais  en  homme  pour  qui  l'art  du  v:olon  n'a  plus  de  secrets. 
LaFantaisie-caprice, uaedes  compositions  les  pluscomplètes  de  Vieuxtemps, 
a  valu  à  M.  Giraud  un  très-honorable  succès.  L'auditoire,  fort  bien  disposé 
par  la  manière  dont  il  a  joué  l'introduction  si  large  de  l'œuvre  instrumen- 
tale, lui  a  décerné  les  plus  chaleureux  applaudissements  après  chaque  va- 
riation. Les  Souvenirs  d'Amérique  ont  été  pour  cet  artiste  un  véritable 
triomphe;  il  s'est  joué  avec  aisance  de  toutes  les  difficultés  ardues  que 
renferme  cette  pièce  originale,  l'effroi  de  tous  les  violonistes  médiocres. 


CHRONIQUE     ÉTRANGÈRE. 

„.%  Amsterdam,  12  décembre. —  La  Heine  de  Chypre,  d'Halévy,  vient  d'ê- 
tre exécutée  pour  la  première  fois  en  cette  ville  et  accueillie  avec  en- 
thousiasme. Cet  ouvrage  a  déjà  eu  quatre  représentations ,  et  toujours 
salle  pleine.  Mme  Verdini  et  M.  Gaudema,  chargés  des  principaux  rôles, 
ont  été  chaque  fois  rappelés  sur  la  scène. 

—  Lucia  di  Lammermoor  a  d'obtenu  sur  notre  Grand-Théâtre  un  suc- 
cès plus  éclatant,  s'il  est  possible,  que  le  Barbiere  di  Siviglin.  Tambu- 
rini,  dans  le  rôle  d'Asthon,  s'est  élevé  au  plus  haut  degré  comme  chan- 
teur et  comme  acteur.  Gardoni,  avec  sa  voix  douce  et  sensible,  a,  dès  la 
première  phrase  du  duo  Sull  a  tomba,  su  séduire  tous  les  cœurs.  Mme  Per- 
siani  a  surpassé  toute  notre  attente  ;  c'est  avec  un  vrai  bonheur  que 
nous  avons  applaudi  la  belle  musique  de  Donizetti ,  qu'elle  seule  sait  si 
bien  interpréter. 

**»  Berlin.  —  On  annonce  pour  le  mois  de  janvier  une  composition  mé- 
lodramatique en  un  acte  ,  par  M.  Truhn,  intitulée  :  Cléopâtre.  Le  princi- 
pal rôle  sera  chanté  par  Mlle  Wagner.  Dans  le  courant  du  même  mois,  le 
Théâtre-Royal  donne  un  opéra-comique  en  deux  actes  par  Schloesser  à 
Darmstadt  :  La  Jeunesse  dé  Charles  l".  —  L'Opéra-Italien  a  fait  sa  clôture 
à  la  dernière  représentation  du  Prophète,  avec  Mmes  Wagner  et  Herren- 
burger  ;  la  salle  était  comble.  —  La  bibliothèque  royale  possède  une 
collection  volumineuse  de  compositions  dues  à  Hoffmann ,  le  célèbre 
auteur  des  Conte'  fantastiques.  On  y  remarque  entre  autres  les  opéras  : 
Ondine,  Julius  Sabinu?,  Amour  par  ja'ousie,  V'Elixir  de  l'immortalité;  de 
plus,  la  Croix  sur  la  Baltique,  tragédie  de  Werner  ;  Arlequin,  ballet  ;  six 
duos,  diverses  symphonies  et  une  foule  de  compositions  pour  musique  in- 
strumentale. —  L'opéra-comique  a  fait  sa  rentrée  à  l'établissement  de 
Kroll  avec  la  Fille  du  Régiment.  —  La  Poupée  de  Nuremberg  a  été  jouée 
avec  beaucoup  de  succès  au  théâtre  Friedrick  -  Wilhelmstadt.  C'est 
Mme  Rudersdorf  qui  chante  le  rôle  principal,  dans  lequel  le  public  l'a  jus- 
tement applaudie. 

„**  Cologne.  —  On  vient  d'ouvrir  une  souscription  pour  la  construction 
d'une  nouvelle  salle  de  spectacle;  le  chiffre  des  sommes  souscrites  s'élève 
déjà  à  140,000  thalers,  près  de  480,000  fr. 

**„  Vienne.  —  Indra,  opéra  nouveau  de  M,  de  Flotow,  vient  d'être  mis 
à  l'étude;  les  répétitions  ont  lieu  sous  la  direction  de  l'auteur. 


Le  gérant  :  Ernest  DESCHAMPS. 


472 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS. 


CJaez;  HHRA.MBJUS  et  Ce,  103»  vue  Richelieu, 


1853 


De  Bouse  Romances,  paroles  de  MM.  AIMÉ  GOURDIN,   E.  DASSIER  et  ADOLPHE  CATELIN, 


T.  LABAHRE 


ET 


E.  DASSIEB, 


NINA. 

LES  PRÉS  SONT  FLEURIS. 

LE  PETIT  PIED  DE  MA  VOISINE. 

LA^. BELLE  MARIE. 


VOUS  QUI  PARLEZ  D'AMOUR. 
JE  SERAI  LA,  TOUJOURS! 
AMOUR.  TRANSPORT. 
LE  VISIONNAIRE. 


POUR  LES  PAUVRES,  MERCI. 
VIENS  L'ENTENDRE. 
L'AIGUILLE. 
LA  VIEILLE. 


Dessins  de  MM.  Nanteuil,  Aumont,  Leroux,  Forget  et  Coindre. 
Reliure   ricSie,    g»rix   met,  1S  ffr. 


COMPOSANT  LE   RÉPERTOIRE   DES  RALS   DE  L'OPÉRA  POUR  1853 


Quadrille  sur  MOÏSE. 
Quadrille  LES  DAMES  DE  LA  HALLE. 
Polka  russe  LES  CHEVALIERS  GARDES. 
Polka-mazurka  STEEPLE-CHASE. 

BSeïâïiire  rîcSai*,  pris  net,   Ht  ffr. 


Polka-mazurka  ALMA. 
Schottisch  L'ONCLE  TOM. 
Valse  NEW-YORK. 
Redowa  LA  BERGÈRE  DES  ALPES. 


Cours  «le  ICO  exerelte»  «le  ®  mesures  chacun  pour  le  piano, 
OEUVRE  nouvelle  de 


Op.  821.  —  En  trois  suites;  prix  de  chaque,  10  fr. 


H 


JOHN 


SOCTïIBSE-ETUBE  pour  le  piano.  —  Op.  11.  —  Prix  7  fr.  50. 
Chez  COLOMBIER,  éditeur,  6,  rue  Yivienne  : 


il  ISoianasuees.  WS«;8ffldies  ou  CBBaisssoniaettes, 

DESSINS  DE  JULES  DAVID. 

Miefftetnettt  relié,  met,  \%  fr.  —  B»  volume,  ?5  fr. 


JParis,  (i.  Flaxland,  éditeur,  4,  place  «le  la  Madeleine. 

ÉLODIES   DE   L.    DE   ROTOIS 


PAROLES   DE 

Mme  E.  DE  GIRARDIN,  MM.  E.  BARATEAU,  J.  LESGUILLON,  EMILE  LEPELLETIER,  HENRI  V***,  EUGÈNE  DE  L'ÉGLISE 
Bessin  de  MM.  Aumont  et  Leroux.  —  Reliure  de  H.  Maillet 
L'Enfant  et  l'Ange  ,  mélodie.  (A  Mme  Lefébure-Wély.) 
Si  j'étais  Papillon!  cantilène.  (A  M.  Faure,  de  l'Opéra-Comique.) 
Le  Petit  Frère  aux  ciedx,  mélodie.  (A  Mme  Rabi.) 


Daniel  le  sonneur,  chanson.  (A  Mme  Charles  Ponchard.) 
Le  Regard,  romance.  (A  M.  J.  Lefort.) 

Prix  net  :  rel 


Toujours  et  partout,  séguidille.  (A  M.  Anatole  Lionnet  ) 
Malheur  de  se  quitter,  élégie.  (A  M.  François  Wartel.) 
C'est  vous  !  (avec  hautbois),  mélodie.  (A  MM.  Triébert  et  J.  Lefort.) 
La  Rosette  des  bois,  bluette.  (A  Mme  Gaveau-Sabattier.) 
Le  Bouquet,  mélodie.  (A  M,  J.  Montini.) 
12  fr.  ;  liroeliê,  5  fr. 


1E  CEKTUALE  DE  ; 


BUREAUX  A  PARIS  :  BOULEVART  DES  ITALIENS,  1. 


19e  Année. 


l\o  52. 


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«liez  tous    1rs  Munli 
ut  i»u\  lltirciiux  des 


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Madrid.  Union  nrtislîco-rausicnlc 

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—  Bote  et  Bock.  42.  Jaegerstr. 

l.labonnc.  Sasselti  et  chez  Canougio. 


REVUE 


20  Décembre  18S2. 


itu  de  l 'Abonnement  t 

Paris, un  un.      ... -ji  i 

Départements,  Belgique  <'t  Suisse 30 

Étranger      31 


Le  Journa    paraît  le  Dimanche. 


GAZETTE  MUSICALE 


Bl    fâEIS 


SOMMAIRE.  —  Du  développement  futur  de  la  musique  dans  le  domaine  du  rhythme 
(9"  et  dernier  article),  par  Fétis  père.  —  Théâtre  de  l'Opéra-Comique,  Marco 
Spada,  en  trois  actes,  paroles  de  M.  Scribe,  musique  de  M.  Auber  (1™  représenta- 
tion), par  Uenri  BClauchard.  —  Hector  Berlioz  en  Allemagne.  —  Nouvelles  et 
annonces. 


Voici  les  primes  que  nous  offrirons  cette  année  à  nos  abonnés  ,  an- 
ciens et  nouveaux,  et  qui  seront  immédiatement  à  leur  disposition, 
soit  en  prenant,  soit  en  renouvelant  leur  abonnement  : 
1°  ALBUM    DE   PIANO,    contenant  :   Joyous-Galopp,    par     Gerville. 
—  Idylle,  par  Méreaux.  —  Tarentelle,  par  Lcopold  de  Meijer.  — 
Menuet,  par  E.  Prudent.  —  Romance  sans  paroles,  par  //.  Rosellen. 
—  Te  reverrai-je?  pensée,  par  Ch.  Voss. 
2°  ALBUM  DE  CHANT,  par  T.  Labarre ,  contenant  six  romances  :  — 
Nina.  —  Lés  Prés  sont  fleuris.  —  Le  Petit  pied  de  ma  voisine.  — 
La  belle  Marie.  —  Vous  qui  parlez  d'amour.  —  Je  serai  là,  toujours! 
3°  ALBUM  MUSARD,  contenant  :  —  Quadrille  sur  Moïse.  —  Quadrille 
les  Dames  de  la  halle.  —  Polka  russe,  les  Chevaliers  gardes.  — 
Polka ,  Steeple  chase.  —  Polka-mazurka ,  Alma.  —  Schottisch , 
l'Oncle  Tom.  —  Redowa,  la  Bergère  des  Alpes. 


DU  DEVELOPPEMENT  FUTUR  DE  LÀ  MUSIQUE 

Dans  le    «Entras Misse  du   rïsytlsssse. 

(flc  et' dernier  article)  (l). 

LE  RHYTHME  DE  LA  VERSIFICATION  DANS  SES  RAPPORTS  AVEC 
LE  CHANT. 

Le  rhythme  naît  de  la  symétrie,  et  la  symétrie  a  trois  caractères,  qui 
sont  :  l'accent,  le  nombue  et  la  période.  J'ai  démontré  cela  surabon- 
damment dans  mes  articles  précédents  ;  mais  il  s'agit  ici  de  l'application 
de  ces  principes  à  la  versification,  dans  ses  rapports  avec  la  musique. 
Les  poètes,  lorsqu'ils  imaginent  des  vers  destinés  à  la  mélodie,  et  les 
auteurs  de  livrets  d'opéras,  connaissent,  en  général,  le  mécanisme  de 
la  quantité,  en  ce  qui  concerne  l'union  de  leur  art  avec  celui  des  mu- 
siciens ;  mais  en  France  (or,  ce  sont  les  poètes  français  que  j'ai  parti- 
culièrement en  vue  dans  cet  article),  en  France,  dis-je,  on  néglige  beau- 
coup la  symétrie  de  l'accent,  et  plus  encore  celle  de  la  période. 

Je  viens  de  dire  que  nos  versificateurs  connaissent  le  mécanisme  de 
la  quantité,  en  ce  qui  concerne  la  destination  de  leurs  vers  à  la  mu- 
sique :  ils  ont  fait,  en  effet,  de  grands  progrès  dans  cet  art,  depuis  en- 

(1)  Voir  les  n"  35,  36,  37,  40,  43,  44,  48* et  50. 


viron  trente  ans;  on  ne  voit  plus  beaucoup  d'exemples  du  désordre  qui 
régnait  autrefois  dans  ce  que  les  littérateurs  français  appelaient  la 
poésie  lyrique,  ni  de  ces  suites  de  vers  de  toutes  les  mesures  qui  se 
succédaient  au  hasard  dans  les  morceaux  d'opéras  et  mettaient  les 
compositeurs  au  supplice  ;  on  a  reconnu  là  nécessité  de  faire  dispa- 
raître l'alexandrin  de  la  poésie  chantée,  à  moins  qu'il  ne  soit  destiné 
au  récitatif;  le  vers  de  dix  même  n'est  plus  employé  qu'avec  réserve, 
et  l'on  s'est  convaincu  que  les  meilleures  mesures  pour  la  musique  sont 
les  vers  de  huit  et  de  six  syllabejs.  Toutefois,  il  reste  beaucoup  à  faire 
encore  sous  ce  rapport  pour  arriver  à  la  perfection  de  la  poésie  lyrique 
italienne.  A  l'égard  du  rhythme  d'accent  et  de  celui  de  la  période,  on 
peut  dire,  sans  être  accusé  d'exagération,  que  les  auteurs  d'opéras  et 
d'opéras  comiques  français  ne  s'en  sont  point  occupés  jusqu'à  ce  jour, 
et  que  la  plupart  de  leurs  vers  sont  accentués  d'une  manière  complète- 
ment fausse.  Je  démontrerai  cela  tout-à-1'heure  ;  mais  il  est  nécessaire 
que  j'examine  d'abord  ce  qui  concerne  le  rhythme  de  quantité.  La 
versification  française  est  susceptible  de  perfectionnement  sous  ce 
rapport. 

On  ne  voit  plus,  dans  un  ouvrage  dramatique,  des  vers  antimusi- 
caux comme  ceux-ci,  que  je  tire  de  l'opéra  de  Grétry,  Céphale  et 
Procris  : 

Fière  indifférence, 
Sois  l'appui  de  l'innocence; 
Défends  nos  cœurs. 
L'Amour  en  vain  soupire  : 
Résistes  à  son  empire  ; 
A  ses  attraits  vainqueurs, 
Opposes  tes  rigueurs. 
Romps  ses  nœuds  dangereux, 
Eteins  ses  feux. 
Sourire  et  larmes , 
Tout,  dans  ses  charmes, 
Est  dangereux. 

Un  vers  de  cinq  syllabes,  un  vers  de  sept,  un  vers  de  quatre,  un  de 
six,  un  de  sept,  trois  vers  de  six,  et  quatre  vers  de  quatre  !  voilà  la 
versification  de  nos  anciens^opéras  ;  j'en  pourrais  citer  mille  exemples, 
et  même  de  pires.  Les  auteurs  d'opéras  de  l'époque  actuelle  n'en  sont 
plus  là  :  ils  ont  emprunté  aux  formes  italiennes  une  plus  grande  régu- 
larité de  nombre.  Métastase  et  ses  successeurs  leur  ont  fourni  le  mo- 
dèle des  trois  rimes  féminines  suivies  d'un  vers  masculin  seul  qui  rime 
avec  le  quatrième  vers  d'un  autre  coupkt  ;  mais  il  leur  manque  la  va- 
riété de  cette  poésie  si  musicale  dont  Apostolo  Zeno  et  Métastase  sont 
les  maîtres,  et  peut-être  aussi  quelques  nouveautés  que  ces  poètes  n'ont 
pas  connues.  Et,  d'abord,  remarquons  que  rien  n'est  moins  favorable 
à  la  variété  que  l'emploi  fréquent  et  alternatif  du  vers  de  huit  syllabes 
et  du  petit  vers  de  quatre,   qui  n'en  est,  en  quelque  sorte,  que  le  dé- 


hlh 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


doublement.  Or,  ce  sont  ces  rhylhmes  qu'affectionnent  beaucoup  d'au- 
teurs de  livrets  d'opéras.  De  même,  ils  dédoublent  souvent  le  vers  de 
six  pour  en  faire  un  petit  vers  de  trois,  qu'on  ne  peutconsidérer  comme 
un  rhythme,  et  auquel  succède  souvent  un  vers  de  sept,  qui  rompt 
toute  régularité.  C'est  ainsi  que  dans  le  Val  d'Andorre  nous  voyons  la 
romance  de  Rose  de  Mai  établie  sur  ce  rhythme  irrégulier  que  repousse 
la  musique: 

Marguerite, 

Qui  m'invite 
A  te  conter  mes  amours, 

Dis-moi  vite, 

Ma  petite, 
Si  je  dois  t'aimer  toujours. 

Etc 

Sur  un  rhythme  semblable,  il  n'y  a  de  ressource  pour  le  musicien 
que  dans  la  note  et  parole;  et  souvent  même  il  ne  peut  remplir  cette 
condition  qu'en  faisant  violence  à  la  langue.  Par  exemple,  sur  ces  vers 
qu'on  vient  de  lire,  Halévy  n'a  pu  éviter  de  faire  entendre  l'hiatus  in- 
vi-te-à,  au  lieu  de  dire  invit'à  qu'exigent  les  règles  de  la  prononcia- 
tion ;  car  l'auteur  des  paroles  ayant  fait  commencer  le  troisième  vers 
par  une  voyelle,  ce  vers  aurait  été  diminué  d'une  syllabe  si  l'élision 
eût  été  faite,  à  moins  que,  conformément  aux  règles  de  la  grammaire, 
on  n'eût  écrit  : 

Marguerite, 
Qui  m'invites 
A  te  conter  mes  amours, 
Etc 

Mais,  dans  ce  cas,  il  n'y  eût  point  eu  de  rime  entre  les  deux  vers 
de  trois. 

J'interromps  ici  mon  analyse  de  la  forme  rhythmique,  pour  faire 
remarquer  que  le  défaut  que  je  viens  de  signaler  se  présente  fréquem- 
ment dans  les  paroles  françaises  destinées  à  la  musique,  et  qu'il  est 
une  source  d'embarras  pour  les  compositeurs.  Si  je  ne  me  trompe,  pas 
un  de  nos  poêles  lyriques  ne  sait  que  le  rhythme  musical  exige  qu'a- 
près une  rime  féminine  il  faut,  si  les  vers  sont  égaux,  que  le  vers  sui- 
vant commence  par  une  voyelle,  sous  peine  de  donner  une  syllabe  de 
plus  au  vers  féminin,  car  la  musique  n'a  pas  d'e  muet  :  tout  s'y  pro- 
nonce. Jamais  les  poètes  italiens  ne  manquent  à  cette  règle.  Au  con- 
traire, s'il  y  a  changement  de  mesure  dans  levers  qui  suit  la  rime 
féminine,  si  ce  vers  correspond  à  un  autre  de  même  mesure,  il  doit 
commencer  par  une  consonne  ;  car  s'il  y  avait  élision,  elle  enlèverait 
au  vers  une  syllabe  nécessaire  pour  la  mesure,  et  le  rhythme  musical 
serait  brisé. \ 

Ceci  me  conduit  à  remarquer  aussi  que  les  versificateurs  français 
qui  écrivent  pour  la  musique  ne  distinguent  pas  ce  qui  doit  commencer 
par  le  temps  levé,  et  ce  qui  appartient  au  frappé  :  chez  les  Italiens,  au 
contraire,  cette  confusion  ne  se  trouve  jamais.  Or,  je  ne  connais  pas 
d'opéra  français  qui  n'offre  plusieurs  exemples  de  l'altération  du 
rhythme  de  la  musique  par  la  confusion  dont  je  parle.  Ce  défaut  est 
surtout  sensible  dans  les  couplets.  Pour  en  citer  un  exemple  connu  de 
tout  le  monde,  je  choisis  celui  de  la  barcarolle  de  la  Muette  de  Portici, 
où  le  compositeur  a  été  contraint  de  dénaturer  son  rhythme  à  chaque 
vers,  dissimulant,  toutefois,  avec  adresse  son  embarras  par  le  caractère 
fortement  cadencé  de  l'accompagnement.  Voici  le  premier  couplet  : 

Amis,  la  matinée  est  belle. 
Sur  le  rivage  assemblez  vous. 
Montez  gaiment  votre  nacelle, 
Et  des  vents  bravez  le  courroux. 
Conduis  ta  barque  avec  prudence  ; 

Pécheur,  parle  bas. 
Jette  tes  filets  en  silence 
Pécheur,  parle  bas. 
Le  roi  des  mers  ne  t'échappera  pas. 

11  est  à  peu  près  impossible  d'imaginer  quelque  chose  de  plus  anti- 
rhythmique  que  ce  couplet.  Il  n'y  avait  pas  doute  pour  le  compositeur 


au  premier  vers,  car  il  commence  évidemment  au  temps  levé  :  Amis; 
mais  ces  deux  syllabes,  séparées  du  reste  du  vers,  anéantissent  l'har- 
monie du  rhythme,  et,  pour  conserver  le  caractère  de  la  mélodie,  il 
n'y  a  d'autre  ressource  que  de  violer  la  prosodie,  en  chantant  : 

La  ma-tinée  |  est  bel-le. 

Le  second  vers  commence  par  trois  brèves  suivies  d'une  longue ,  et 
le  second  hémistiche  est  parfaitement  semblable  :  ce  serait  un  très-bon 
vers,  si  tous  les  autres  étaient  semblables  ;  mais  il  n'y  a  pas  d'analogie 
avec  le  premier,  et  le  musicien  ne  peut  rester  fidèle  à  son  rhythme 
qu'en  faisant  une  nouvelle  faute  de  prosodie,  et  faisant  chanter  : 

Sur  le  -  riva-ge  assem-blez  vous. 

Même  chose  au  troisième  vers  ;  il  faudrait  dire  : 

Montez  gaiment  |  vo-tre  nacel-le. 

Mais  la  cadence  rhythmique  de  la  mélodie  serait  brisée.  Pour  la  sau- 
ver, le  compositeur  s'est  vu  forcé  de  faire  une  des  fautes  les  plus  con- 
sidérables contre  la  prosodie,  en  donnant  la  note  brève  à  la  première 
syllabe  de  votre,  et  la  longue  à  la  seconde ,  en  sorte  qu'il  scande  le 
vers  de  cette  manière  : 

Mon  |  tez  gai  |  ment  vo  |  tre  na  |  cel  [  le. 

Le  quatrième  vers  est  pire  encore,  car  il  est  composé  de  huit  syl- 
labes divisées  également,  à  savoir,  trois  (et  des  vents),  suivis  de  cinq 
(bravez  le  eourrovx).  Ici ,  le  musicien  a  été  vaincu  par  le  versificateur, 
car  il  n'a  pu  répondre  à  sa  phrase  : 

Sur  |   le  ri  |  va-ge  as  |  semblez  |  vous. 

que  par  celle-ci  : 

|  Et  des  |   vents  |   bra-vez  |  le  cour  |  roux. 

C'en  est  fait  du  rhythme  de  la  période  :  il  n'existe  plus. 

La  suite  n'est  pas  moins  curieuse  comme  monument  de  versifi- 
cation antipathique  à  la  musique.  En  effet,  le  cinquième  vers,  qui  com- 
mence au  temps  levé  et  paraît  d'abord  favorable  au  rhythme  musical , 
en  ce  qu'il  est  ce  qu'il  est  purement  trochaïque,  comme  on  le  voit  par 
cette  division  : 

Con  |  duis  ta  |   barque  a  |  vec  pru  |  dencè. 

ce  vers,  dis-je,  étant  suivi  d'un  autre  qui  [commence  par  une  con- 
sonne, et  le  compositeur  étant  obligé  de  prononcer  l'e  muet  de  la  der- 
nière syllabe,  n'en  pouvant  faire  élision  avec  la  première  du  vers  sui- 
vant ,  il  en  résulte  que  ce  même  vers  a  neuf  syllabes  en  réalité.  Dans 
cette  situation,  le  compositeur,  ayant  un  temps  de  trop  à  exprimer,  ne 
peut  retrouver  la  mesure  que  par  la  vitesse,  et  se  voit  obligé  de  presser 
deux  syllabes  sur  deux  doubles  croches  absolument  étrangères  à  son 
rhythme.  Même  chose  se  reproduit  entre  le  septième  et  le  huitième 

vers  : 

Jette  tes  filets  en  silence; 
Pêcheur,  parle  bas. 

Mais  le  rhythme  du  premier  de  ces  vers  ne  répond  pas  à  celui  du 
vers 

Conduis  ta  barque  avec  prudence. 

lequel  procède  dans  toute  sa  longueur  par  une  brève  suivie  d'une  lon- 
gue. Pour  conserver  son  rhythme,  le  compositeur  a  donc  été  obligé  de 
multiplier  les  fautes  de  prosodie,  et  de  scander  le  vers  de  cette  ma- 
nière : 

Jet  |  te  tes  |  fi-lets  |  en  si  |  lence. 

Quant  au  dernier  vers,  qui  est  de  dix  syllabes, 

Le  roi  des  mers  ne  t'échappera  pas. 

il  oblige  le  musicien  à  prendre  un  rhythme  complètement  étranger  à 
ce  qui  précède. 

Si  maintenant  nous  examinons  le  second  couplet ,  nous  verrons  que 
le  poète  n'a  aucune  idée  de  la  différence  du  temps  levé  et  du  temps 
frappé  déterminé  par  la  nature  des  mots.  Au  premier  couplet,  le  pre- 
mier vers  commençait  par  une  brève  (A  |  mis),  c'est-à-dire  au  temps 
levé  ;  ici ,  c'est  le  contraire  : 


DE  PARIS. 


475 


L'heure  viendra,  sachons  l'attendre  : 

Plus  tard  nous  saurons  la  saisir. 

i  e  c ;i  e  rail  e/itn  prcndrp, 

Mois  l'adresse  fait  réussir. 
La  première  syllabe  de  ['heure  est  longue  ;  il  yfout  doue  un  temps 
frappé;  dès  lors  le  rhyllime  du  premier  couplet,  disparaît  dans  celui-ci. 
Au  second  vers,  c'est  encore  pis,  car  l'accentuation  en  est  absolument 
différente  de  celle  du  second:  aussi  le  compositeur  n'a-t-il  pas  été 
seulement  obligé  d'altérer  son  rhylhme,  mais  de  changer  sa  mélodie. 
Je  ne  pousserai  pas  plus  loin  cet  examen  :  l'analyse  que  je  viens  de 
faire  suffit  pour  rendre  évidentes  les  entraves  que  la  négligence  des 
versificateurs  français  oppose  au  génie  des  musiciens.  Mais,  dira-t-on, 
ces  entraves  n'ont  point  empêché  Auber  d'appliquer  h  des  paroles  si 
défectueuses  une  mélodie  charmante,  devenue  populaire.  Loin  qu'on 
y  ait  remarqué  des  défauts  de  rhythme,  son  succès  a  eu  pour  cause 
son  caractère  rhythmique  très-prononcé.  L'objection  est  fondée;  mais 
c'est  à  la  rare  intelligence  du  compositeur  qu'elle  doit  toute  sa  valeur. 
Ne  se  dissimulant  pas  les  défauts  de  symétrie  qu'il  n'avait  pu  éviter 
dans  son  chant,  même  en  prosodiant  mal,  il  a  senti  que  l'uniformité 
du  rhythme  trochaïque  de  l'accompagnement  pouvait  seule  couvrir  les 
défauts  du  rhythme  de  cette  mélodie  ;  c'est  surtout  ce  rhythme  en- 
traînant qui  a  déterminé  l'effet  du  morceau. 

Opposons  à  l'absence  de  régularité  dans  l'accentuation  des  vers  ly- 
riques français  l'harmonieuse  cadence  de  la  poésie  italienne.  Entre 
mille  exemples  excellents  de  Métastase,  je  prends  celui-ci  dans  son 
Temislocle  : 

Al  furor  d'avversa  sorte 

Piu  non  palpita  e  non  terne 

Clii  s'avvezza  allor  che  freine 

11  suo  volto  a  sostener. 

Scuola  son  d'un  aima  forte 

L'ore  sue  le  più  funeste, 

Corne  i  nimbi  e  le  tempeste 

Son  la  scuola  del  nocchiere. 

Dans  une  autre  mesure,  cet  air  de  l'Arlaserse  n'est  pas  moins  ad- 
mirable par  son  harmonie  : 

Mi  credï  spietata  1 
Mi  chiami  crudele? 
Non  tanto  furore, 
Non  tante  querele; 
Che  basta  il  dolore, 
Per  farmi  morir. 
Quell'  odio,  quell'  ira 
D'un'  aima  sdegnata, 
ïngrata  Semira, 
Non  posso  soffrir. 

Je  sais  que,  quoi  qu'en  ait  dit  Scoppa,  notre  langue  n'a  pas  la  ri- 
chesse d'accentuation  qui  rend  la  langue  italienne  si  favorable  à  la 
musique  ;  je  sais  que  les  difficultés  sont  beaucoup  plus  nombreuses 
et  plus  considérables  pour  donner  à  notre  poésie  lyrique  un  caractère 
sensiblement  rhythmique;  mais  si  nous  n'avons  pas  l'accent  tonique 
si  prononcé,  nous  avons  du  moins  l'accent  logique,  qui  ne  peut  être 
négligé  dans  la  facture  des  vers,  sans  qu'il  en  résulte  une  cause  de 
destruction  pour  le  rhythme  musical  et  même  pour  l'intelligence  des 
paroles.  Il  est  impossible  que  l'accent,  ou  le  temps  fort  de  la  musique, 
porte  sur  un  article,  sur  une  conjonction,  sur  une  syllabe  brève  ,  et 
conséquemment,  tout  vers  qui  commence  par  l'une  ou  l'autre  de  ces 
choses  a  pour  expression  musicale  un  temps  levé.  Or,  le  premier  vers 
étant  dans  ces  conditions,  tous  ceux  qui  suivent  doivent  l'être,  sous 
peine  d'anéantir  la  symétrie,  sans  laquelle  il  n'y  a  point  de  rhythme 
possible.  Si,  au  contraire,  la  première  syllabe  d'un  vers  est  longue, 
tous  les  autres  vers  doivent  commencer  de  même.  Enfin,  l'ordre  des 
longues  et  des  brèves,  étant  fixé  par  le  premier  vers,  doit  se  répéter 


d'une  manière  symétrique  dans  tous  les  autres,  à  moins  que  le  der- 
nier ne  soit  d'une  autre  mesure,  qu'il  ne  se  termine  par  une  syllabe 
masculine,  el  qu'il  ne  corresponde  par  la  rime  et  par  la  mesure  au 
dernier  vers  d'un  autre  couplet;  auquel  cas,  il  indique  une  m 
de  rythme. 

Les  Italiens  ont  trois  caractères  différents  pour  chaque  mesure  de 
vers,  à  savoir,  le  tronco,  le  piano,  et  le  sdrucciolo.  Ces  caractères  ré- 
sultent de  la  nature  des  mots  employés  dans  leur  construction.  Le  mot 
esU/onco,  c'est-à-dire  tronqué,  lorsque  la  voyelle  sur  laquelle  est 
placé  l'accent  n'est  suivie  d'aucune  syllabe.  Le  nom  de  tronco  vient  de 
ce  que  les  mots  de  cetLe  espèce  subissent  un  retranchement,  comme 
bonlade,  dont  on  fait  bontà  ;  jéce,  transformé  en  fà,  etc.  Le  mot  est 
piano,  c'est-à-dire  plein,  entier,  si  l'on  n'y  a  fait  aucun  changement,  et 
si  l'accent  tonique  est  suivi  d'une  syllabe,  comme  dans  cdro,  béné. 
sincéro,  discerniménto.  Enfin  le  mot  est  sdrucciolo,  c'est-à-dire  cou- 
lant, si  l'accent  est  suivi  de  plusieurs  syllabes,  comme  amâbile,  docile, 
pâlpitano,  etc.  La  voyelle  accentuée  a  beaucoup  de  force  dans  les  mots 
sdruccioli,  mais  les  autres  syllabes  se  précipitent  et  se  prononcent 
rapidement.  Remarquez  que  je  n'ai  mis  l'accent  aux  mots  piani  et 
sdruccioli  que  pour  indiquer  sa  place;  les  Italiens  ne  l'écrivent  pas. 
Les  tronchi  sont  les  seules  qui  aient  l'accent  sur  la  dernière  syllabe, 
précisément  pour  faire  connaître  leur  qualité  et  empêcher  la  confusion 
dans  certains  cas.  La  terminaison  du  vers  par  un  tronco,  par  un  piano 
ou  par  un  sdrucciolo,  lui  donne  une  harmonie  toute  différente,  et  la 
poésie  y  puise  une  grande  variété.  Scoppa,  dont  l'ouvrage  intitulé  : 
Les  Vrais  principes  de  la  versification,  est  d'ailleurs  fort  estimable,  a 
fait  de  vains  efforts  pour  démontrer  que  les  Français  ont  des  vers  tron- 
chi, piani  et  sdruccioli;  mais,  à  quelques  lignes  de  distance,  0  tombe 
à  cet  égard  dans  une  contradiction  manifeste,  a  Les  vers  français,  aussi 
»  bien  que  les  italiens,  dit-il  (§  165),  sont  distribués  en  piani,  tronchi 
»  et  sdruccioli,  selon  que  les  mêmes  sont  terminés  par  des  mots  piani, 
»  tronchi  et  sdruccioli.  Ils  sont  énoncés  par  des  mots  féminins,  mas- 
»  culins,  et  si  l'on  pouvait  faire  usage  des  vers  sdruccioli,  on  les  aurait 
»  appelés  glissants.  Les  mots  sont  différents,  mais  les  choses  sont  les 
»  mêmes.  »  Puis  il  cite  comme  des  vers  piani  ou  féminins,  ceux-ci  : 

Telle  qu'une  bergère  en  ses  beaux  jours  de  fête, 
De  superbes  rubis  ne  charge  point  sa  tête. 

et  comme  des  vers  tronchi  ou  masculins,  ceux-ci  : 

Et  sans  mêler  à  Tor  l'éclat  des  diamants. 

Cueille  dans  un  champ  voisin  ses  plus  beaux  ornements. 

Mais  qu'y  a-til  de  tronqué  dans  diamants  et  ornements,  et  que 
pourrait-on  ôter  de  fête  et  de  tète  ?  Ce  qui  constitue  le  tronco,  le  piano 
et  le  sdrucciolo  de  la  langue  italienne,  c'est  que  le  même  mot  peut  se 
présenter  sous  les  trois  formes,  et  que  dans  toutes  trois,  l'accent  reste 
à  la  même  place,  comme  on  le  voit  dans/è,  féce,  et  la  troisième  per- 
sonne du  pluriel,  fécero.  Nous  avons  bien  en  français  les  divers  temps 
des  verbes,  mais  l'un  ne  peut  s'employer  pour  l'autre,  et  à  chaque 
temps,  à  chaque  personne,  l'accent  change  de  place.  Ainsi,  donne  a 
l'accent  sur  la  première  syllabe,  et  donnèrent  sur  la  deuxième.  Au  sur- 
plus, Scoppa  se  contredit  lui-même  quelques  lignes  plus  loin  lorsqu'il 
ajoute  :  «  Je  ne  trouve  aucun  exemple  de  vers  sdruccioli  ou  glissants 
»  dans  la  poésie  française.  » 

Il  est  donc  évident  que  la  versification  française  est  dépourvue  des 
ressources  et  de  la  variété  des  formes  dont  je  viens  de  parier;  mais  il  en 
est  d'autres  dans  la  poésie  italienne  dont  la  nôtre  peut  s'enrichir.  Les 
poètes  italiens  ne  prennent  jamais  pour  sujet  d'une  scène  musicale  une 
conversation  plus  ou  moins  spirituelle,  des  jeux  de  mots,  une  narra- 
tion, rien  enfin  de  ce  qui  remplit  la  plupart  des  opéras  comiques  fran- 
çais. Ils  savent  que  la  musique  n'a  de  signification  et  de  force  que  lors- 
qu'elle exprime  les  affections  de  l'âme.  Dans  le  genre  sérieux,  ce  qu'ils 
préparent  pour  le  génie  des  compositeurs  est  sentimental,  passionné, 
pathétique;  s'ils  ont  à  exprimer  la  gaîté,  ils  ont  un  entrain,  une  verve 
de  bouffonnerie  qui  ne  craint  pas  d'aller  jusqu'au  grotesque.  Beaucoup 
de  mauvaises  pièces  sortent  de  leurs  mains  ;  mais  toutes  les  situations  dans 


476 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


lesquelles  ils  placent  des  airs,  des  duos,  des  morceaux  d'ensemble,  sont 
dramatiques  et  bien  sentis.  Une  qualité  distingue  surtout  les  bons  poëtes 
italiens,  à  savoir,  le  discernement  dans  le  choix  de  la  mesure  des  vers 
la  plus  analogue  au  sentiment  à  exprimer  et  au  mouvement  de  la  scène. 
Apostolo  Zeno,  Métastase,  et,  dans  ces  derniers  temps,  Romani,  ont 
des  choses  admirables  en  ce  genre.  Leur  habileté  à  trouver  des  rhyth- 
mes  poétiques  variés  et  des  dispositions  diverses  de  leurs  vers  mérite 
de  servir  de  modèle  aux  poëtes  lyriques  de  toutes  les  autres  nations. 
Les  vers  de  six,  de  sept  et  de  huit  syllabes  sont  les  mesures  qu'ils  pré- 
fèrent, mais  surtout  les  premiers  et  derniers.  Quelquefois  ils  n'ont 
qu'une  seule  rime  féminine  pour  tous  les  vers  de  deux  ou  de  trois  cou- 
plets, sauf  les  derniers  de  chaque  couplet,  lesquels  riment  ensemble.  Il 
y  a  une  singulière  force  rythmique  dans  la  redondance  de  cette  rime 
obstinée.  En  voici  un  exemple  pris  dans  //  Sogno  dî  Scipione,  de 
Métastase  : 

A  chi  serena  io  miro 
Cliiaro  é  di  notte  cielo  : 
Torna  per  lui  nel  gelo 
La  terra  a  germogliar. 
Ma  se  a  taluno  io  giro 
Turbido  il  guardo  e  fosco  ; 
Fronde  gli  niega  il  bosco, 
Onde  non  trova  in  mar. 

Plus  souvent  la  rime  féminine  change  dans  le  second  couplet,  et  trois 
vers  de  chacun  de  ces  couplets  riment  ensemble;  le  quatrième  rime 
avec  le  quatrième  du  couplet  suivant.  Cette  coupe  s'est  introduite  depuis 
quelques  années  dans  les  livrets  d'opéras  français.  Il  n'y  manque  que 
l'harmonie  rhythmique  qui  se  trouve  presque  toujours  dans  la  poésie 
italienne,  et  dont  la  comparaison,  qui  forme  le  sujet  de  cet  air  de  YO- 
lympiade,  offre  un  parfait  modèle  : 

Quel  destrier  che  ail'  albergo  è  vicino 

Più  veloce  s'affretta  nel  corso  : 

Non  l'arresta  l'angustia  del  morso, 

Non  la  voce,  clie  legge  gli  dà. 
Tal  quest'  aima,  che  piena  è  di  sperne, 

Nulla  terne,  consiglio  non  sente  : 

E  si  forma  una  gioja  présente 

Del  pensiero  che  lieta  sarà. 

Dans  les  situations  vives,  ou  lorsqu'il  s'agit  d'exprimer  une  émotion 
forte,  Métastase  excelle  à  renfermer  l'expression  d'un  petit  nombre  de 
vers  disposés  trois  par  trois,  comme  dans  cet  air  d'agitation  placé  dans 
une  scène  d'Artaserse  : 

Non  è  ver,  che  sia  contento 

Il  veder  nel  suo  tormento 

Più  d'un  ciglio  la  grimar. 
Chè  1'  esempio  del  dolore 

È  uno  stimolo  maggiore, 

Che  richiama  a  sospirar. 

Grâce  à  l'harmonie  rhythmique  dont  Métastase  offre  le  parfait  mo- 
dèle sous  toutes  les  formes,  les  Italiens  varient  à  l'infini  les  dispositions 
des  rimes  dans  leurs  vers  lyriques  et  les  multiplient  sans  en  affaiblir 
l'effet  par  leur  éloignement.  Ainsi,  il  combinent  quelquefois  trois  ou 
quatre  rimes  dont  ils  amènent  le  retour  de  diverses  manières  ;  mais  ils 
n'usent  de  cet  artifice  que  dans  les  vers  de  six  ou  de  quatre  syllabes. 
afin  que  l'harmonie  de  la  rime  ne  s'affaiblisse  pas.  Je  trouve  un 
exemple  de  ce  genre  d'arrangement  dans  un  air  de  Didone ;  le  voici  : 

Ardi  per  me  fedele, 
Serba  nel  cor  lo  strale  ; 
Ma  non  mi  dir  crudele 
Se  non  avrai  mercè. 
Hanno  svcntura  eguale 
La  tua,  la  mia  costanza  : 
Per  te  non  v'  è  speranza, 
Non  v'  e  pietà  per  me. 

La  poésie  lyrique  italienne  admet  aussi  l'usage  fréquent  de  la  rime 
croisée  ;  mais  on  y  trouve  souvent  une  rime  masculine  redoublée,  dont 
le  retour  fréquent  a  une  singulière  énergie.  Un  exemple  de  versifica- 
tion de  cette  espèce  se  trouve  dans  l'admirable  duo  de  YOlimpiade, 


entre  Megacle  et  Aristea,  chef-d'œuvre  d'expression  passionnée,  de 
rapidité  dans  le  dialogue  et  d'harmonie  rhythmique. 

Toutes  ces  formes  pourraient  être  introduites  dans  la  versification 
française  destinée  à  la  musique,  Je  ne  sais  pourquoi  l'on  n'admettrait 
pas  aussi  le  vers  de  neuf  à  deux  césures  dont  Hoffmann  a  fait  un  heu- 
reux essai  dans  cette  romance  du  petit  opéra  le  Secret  : 

Je  te  perds   |   fugiti  |  ve  espérance; 
L'infidë  ]  le  a  rompu   |   tous  nos  nœuds. 
Pour  calmer  |   s'il  se  peut  |   ma  souffrance, 
Oublions  |   que  je  fus  |   trop  heureux. 

Je  sais  qu'on  a  dit  que  de  tels  vers  sont  des  monstres  en  poésie  ; 
mais  je  ne  comprends  pas  pourquoi  ce  qui  a  une  harmonie  rhythmi- 
que serait  repoussé  par  l'oreille.  Que  le  vers  de  neuf  soit  insolite, 
à  la  bonne  heure  ;  mais  ce  n'est  pas  un  motif  suffisant  pour  le  bannir 
de  la  poésie  chantée,  s'il  peut  y  produire  de  bons  effets  ;  et,  à  cet 
égard,  il  ne  peut  s'élever  de  doute,  car  tout  ce  qui  a  une  cadence  sy- 
métrique est  excellent  pour  la  musique. 

A  l'égard  des  mutations  de  rhythme  dont  j'ai  parlé  dans  mes  articles 
précédents,  ce  n'est  pas  au  poëte  qu'il  appartient  de  les  dicter  au 
compositeur,  car  la  liberté  du  génie  de  celui-ci  doit  être  complète. 
Une  situation  dramatique  étant  donnée ,  et  le  sentiment  qui  en  est 
l'expression  s'étant  emparé  de  l'imagination  du  musicien ,  c'est  lui, 
s'il  trouve  cette  expression  dans  des  transitions  de  rhythme,  qui  doit 
en  donner  le  modèle  au  versificateur,  dont  la  tâche  consistera  à  trou- 
ver la  disposition  et  la  mesure  des  vers  propres  à  s'adapter  à  ces 
rhythmes.  Un  pareil  travail  n'est  pas  facile,  sans  doute;  mais  un  peu 
d'habitude  suffira  pour  en  faire  surmonter  les  obstacles.  Au  sur- 
plus, si  les  auteurs  de  livrets  d'opéras  prennent  au  sérieux  les  obser- 
vations contenues  dans  cet  article,  et  s'ils  comprennent  ce  qu'ils  doi- 
vent faire  pour  donner  à  leurs  ouvrages  plus  de  valeur  au  point  de  vue 
de  l'effet  de  la  musique,  ils  verront  aussi  que  ce  que  je  leur  demande 
ne  serait  pas  réalisable  avec  leurs  habitudes  de  négligence  dans  la 
composition  de  leurs  vers  lyriques.  Pour  la  plupart  de  nos  poëtes 
d'opéras,  la  conception  du  sujet  et  la  disposition  des  situations  princi- 
pales dans  les  trois  ou  dans  les  cinq  actes  qui  composent  leur  plan,  est 
la  partie  importante  de  l'ouvrage;  le  reste  se  fait  au  pied  levé  et  sans 
y  prendre  trop  garde.  Or  ce  n'est  pas  ainsi  qu'on  peut  faire  de  la  poé- 
sie rhythmique  basée  sur  la  correspondance  symétrique  des  accents  et 
sur  toutes  les  conditions  de  détail  dont  j'ai  parlé.  Un  tel  travail  exigera 
plus  de  soins,  plus  de  temps  qu'on  n'a  l'habitude  d'y  donner.  Se  trou- 
vera-t-il  quelqu'un  doué  de  la  volonté,  du  courage  et  du  talent  néces- 
saire? J'avoue  que  je  l'espère  peu,  car  notre  siècle  n'est  pas  celui  des 
efforts  désintéressés  et  des  sacrifices  faits  à  l'amour  de  l'art  ;  cepen- 
dant, si  quelqu'un  entreprend  la  réforme  de  la  versification  française 
au  point  de  vue  du  rhythme  d'accentuation,  j'ai  la  conviction  qu'il  y 
pourra  trouver  quelque  gloire,  et  je  n'ai  nul  doute  du  succès. 

FÉTIS  père. 


THÉÂTRE  DE  L'OPÉRA-COMÏQUE. 

KIAKC©    SPA1ÎA. 
Opéra-comique  en   trois  actes,   libretlo  de  M.  Scribe,  partition  de 

M.    AtJBER. 
(Première  représentation,  le  21  décembre  1852.) 

Après  avoir  bâti  beaucoup  de  ses  opéras  comiques  sur  des  restaura- 
tions, M.  Scribe  vient  de  préluder  à  celle  des  brigands  italiens  en  nous 
représentant  un  des  leurs  comme  un  modèle  de  courage,  d'audace,  de 
morale  et  d'amour  paternel .  Ce  Marco  Spada  est  un  chef  de  voleurs 
qui,  frappé  mortellement  d'une  balle  d'un  des  soldats  du  pape,  meurt 
en  reniant  sa  fille  qu'il  idolâtre,  pour  ne  pas  lui  laisser  le  nom  peu 
considéré  de  la  fille  d'un  chef  de  brigands,  comme,  par  exemple, 
Antony,  dans  le  drame  de  ce  nom,  poignarde  une  femme  mariée, 


DE  PARIS. 


477 


sa  maîtresse,  afin  de  sauver  sa  réputation,  en  lâchant  ce  madrigal 
au  mari  et  à  ceux  qui  viennent  pour  l'arrêter  :  Elle  me  résistait,  je 
l'ai  assassinée  !  Ce  brave  Marco  Spada  jure  donc  sur  le  salut  de  son 
âme,  au  moment  d'expirer,  que  sa  fille,  l'enfant  de  sa  chair  et  de 
son  sang,  comme  il  se  le  dit  ù  lui-même,  n'est  pas  sa  fille,  mais  bien 
celle  d'un  duc  dont  il  a  massacré  la  famille.  Il  est  vrai  qu'avant  de 
faire  cet  aveu,  et  sur  le  point  de  mourir,  il  dit  tout  bas  au  prêtre 
à  qui  il  se  confesse,  et  par  une  restriction  jésuitique,  que  la  char- 
mante Angola  est  bien  réellement  sa  fille  ;  et  tous  les  spectateurs,  té- 
moins de  ce  dénouement,  s'en  vont  bien  persuadés  que  le  démon, 
Satan,  ou  l'esprit  malin,  comme  on  voudra  le  nommer,  n'aura  pas  plus 
cette  âme,  qu'il  n'a  eu  celle  de  Robert-le-Diable,  protégé  par  l'amour 
maternel.  Cet  honnête  et  adroit  voleur  passe  donc  de  vie  à  trépas, 
laissant  à  sa  fille  un  beau  nom  qui  n'est  pas  le  sien,  mais  qui  lui  permet 
de  faire  un  brillant  mariage. 

Avant  d'arriver  à  ce  lugubre  dénouement,  qui  n'est  guère  dans  les 
habitudes  de  l'Opéra-Comique,  il  faut  dire  que  M.  Scribe  fait  passer  ses 
spectateurs  par  une  foule  de  petites  péripéties  qui  sont  fort  amusantes 
à  voir  jouer  et  se  mouvoir. 

La  scène  se  passe  au  premier  acte  dans  les  environs  de  Rome,  chez 
Marco  Spada,  qui,  sous  le  nom  du  baron  deïorrida,  reçoit  le  gouverneur 
de  la  ville  éternelle,  espèce  d'imbécile,  accompagné  de  sa  nièce,  la 
marquise  de  San-Piétri ,  veuve  et  coquette,  suivie  d'un  capitaine  de 
dragons,  assez  sot  et  suffisamment  peureux  pour  un  officier  des  trou- 
pes du  pape,  et ,  de  plus,  cavalier  servant ,  sigisbé  de  lu  nièce  du 
gouverneur  de  Rome,  dont  celle-ci  se  moque,  et  qu'elle  épouse  par 
force,  par  ordre  de  Marco  Spada,  bien  qu'elle  aimât  mieux  se  marier 
avec  son  cousin,  qui,  lui,  aime  angéla  ,  la  fille  du  chef  de  voleurs, 
dont  il  est  héroïquement  aimé. 

Nous  sommes,  au  second  acte,  chez  le  gouverneur  de  Rome,  où  le 
temps  se  passe  à  chanter,  à  danser,  à  quêter  pour  des  moines,  et  à  faire 
des  projets  de  campagne  pour  arrêter  le  fameux  Marco  Spada  ,  qui  as- 
siste à  cette  fête  sous  le  nom  du  baron  de  ïorrida,  avec  sa  fille.  Le  bri- 
gand, bon  père,  honnête  et  sensible,  arrête,  au  moyen  d'un  pistolet 
qu'il  lui  met  sous  le  nez  ,  le  moine  qui  avait  promis  au  gouverneur  de 
lui  faire  connaître  le  chef  de  bande  qu'on  soupçonne  être  dans  le  palais. 
Ici,  se  montre  l'héroïsme  de  la  fille  de  Marco  Spada  :  en  apprenant  la 
profession  de  son  père,  elle  ne  veutplus  épouser  leneveu  du  gouverneur, 
qui ,  dans  son  dépit ,  consent  alors  à  son  mariage  avec  la  marquise, 
mariage  que  Marco  Spada  rompt  plus  tard ,  au  troisième  acte,  ainsi  que 
nous  l'avons  dit  plus  haut.  Enfin  ,  après  une  foule  de  scènes  variées, 
amusantes,  dont  quelques-unes  ont  paru  cependant  un  peu  longues,  on 
arrive  au  dénouement  tragique  que  nous  avons  cité  tout  d'abord,  et  qui 
termine  ce  drame  lyrique,  orné  de  palais  somptueux  ,  d'une  partie  du 
Colysée  en  ruine,  de  costumes  à  peu  près  contemporains  de  ceux  du 
régent  en  France,  et  d'une  musique  de  tous  les  temps,  élégante  et  sa- 
vante comme  M.  Auber  en  sait  faire. 

L'introduction  de  l'ouverture  en  la  mineur  est  d'un  caractère  mys- 
térieux et  dramatique.  Les  violoncelles  y  jouent  un  rôle  intéressant  par 
une  phrase  de  chant  suave  et  distingué.  Après  cette  introduction,  qui  se 
repose  sur  la  dominante  de  la,  une  tarentelle  surgit,  gaie,  folle,  éche- 
velée,  en  mélodie  chaude,  animée,  italienne,  et  qui  peint  bien  le  lieu 
de  la  scène,  tarentelle,  enfin,  qui  rappelle  celle  de  la  Muette.  Le  com- 
positeur ne  pouvait  pas  mieux  s'inspirer.  La  péroraison  de  cette  ou- 
verture est  ferme,  vigoureuse  par  des  effets  de  brillante  iqstrumen- 
tation. 

Le  premier  morceau  se  compose  de  deux    couplets  chantés  par 
Angéla  :  Mon  scig?ieur  bien  aimé,  mon  père,  ne  grondez  pas,  suivis 
d'un  petit  quatuor  sans  importance  musicale.  La  sérénade  chantée  par. 
Federici  est  d'un  joli  caractère,  surtout  par  le  petit  ensemble  qui  ter- 
mine chaque  couplet. 

Le  morceau  chanté  par  Marco  Spada  à  sa  fille,  à  laquelle  il  dit  : 

Ah  !  ton  doux  sourire 
Vient  m'ouvrir  le  ciel. 


est  un  bel  air  de  basse  qui  se  termine  par  une  cabalette  en  style  italien 
un  peu  vieillot.  Vient  ensuite  un  duo  :  Daignez,  monpère,  me  conduire 
à  ce  bal...  entre  Marco  Spada  et  sa  fille,  morceau  de  scène  bien  fait; 
puis  un  petit  quatuor  qui  précède  le  moment  où  les  personnages  vont 
se  mettre  à  table,  et  qui  est  suffisamment  joyeux  et  gastronomique.  Le 
quintette  qui  suit,  et  dans  lequel  intervient  l'amoureux  Fédérici,  a  plus 
d'importance  musicale  ;  il  devient  sextuor  con  cori,  et  il  est  bien  traité 
sous  le  rapport  scénique,  de  l'agencement  des  voix  principales  et  d'un 
chœur  de  soldats,  qui  se  marie  avec  énergie  aux  sons  énergiques  des 
instruments  de  cuivre  et  aux  effets  sobrement  calculés  du  tambour. 
Les  traits  de  vocalisation  des  six  interlocuteurs  sont  bien  soutenus  par 
les  notes  détachées  et  syllabiques  du  chœur.  Ce  moyen  est  très-connu, 
mais  il  produit  toujours  de  l'effet. 

La  petite  valse,  préface,  entr'acte  du  premier  au  deuxième  acte,  est 
d'un  thème  agréable,  mais  un  peu  vulgaire  par  la  coda.  Au  commence- 
ment de  ce  deuxième  acte  se  trouvent  deux  jolis  couplets  chantés  par 
la  marquise,  qui  dit  à  son  adorateur  Pepinelli,  le  militaire  : 

Vous  pouvez  soupirer, 
Vous  pouvez  espérer; 
Mtis,  songez-y  bien, 
Je  n'accorde  rien. 

Le  chant  de  ces  couplets  est  élégant  et  coquet,  et  bien  dans  la  ma- 
nière du  compositeur.  Cette  jolie  mélodie  a  enlevé  tous  les  suffrages  : 
elle  n'avait  pas  moins  plu  dans  Zerline  ou  la  Corbeille  d'oranges,  où 
elle  s'était  déjà  montrée.  Si  Molière  a  dit  :  «  Je  prends  mon  bien  par- 
tout où  je  le  trouve  ;  »  M.  Auber  peut  bien  le  prendre  dans  le  sien, 
dans  sa  propre  bourse,  dans  son  écrin  de  mélodieux  brillants. 

Après  un  bel  ensemble  pour  la  présentation  de  l'amoureux  Federici, 
neveu  du  gouverneur,  vient  la  mélodie  un  peu  répétée  du  moine 
quêteur,  mais  qui  est  d'un  bon  caractère  religieux,  car  il  demande  de 
l'argent  :  c'est  inspiré.  La  noble  compagnie,  après  avoir  satisfait  aux 
demandes  du  moine,  passe  dans  la  salle  du  bal  sur  une  petite  sympho- 
nie d'une  mélodie  élégante  et  surtout  d'une  charmante  harmonie.  L'air 
de  Marco  Spada  aux  genoux  de  sa  fille  évanouie,  lorsqu'elle  a  appris  la 
profession  exceptionnelle  de  monsieur  ;  cet  air  est  encore  d'une  belle  et 
touchante  mélodie,  mais  beaucoup  trop  longue  pour  la  situation.  L'au- 
diteur, quelque  mélomane  qu'il  soit,  en  écoutant  ce  bon  père  chanter 
si  longement  :  «  Grâce,  pardon  ma  fille  !  »  est  tenté  de  s'écrier  avec 
notre  bon  La  Fontaine  : 

Tire-la  d'abord  du  danger, 
Tu  feras  après  ta  harangue. 

L'ensemble  à  trois  voix  sans  accompagnement  du  morceau  suivant 
est  fort  bien  traité  et  surtout  bien  dit,  car  les  interprèles  entrent  dans 
le  port  de  la  majeur  avec  une  remarquable  précision  de  justesse  qui 
fait  honneur  à  leur  sentiment  musical. 

Le  chœur  des  brigands  dans  les  ruines  du  Colysée  a  bien  le  caractère 
énergique  et  féroce  voulu  ;  il  contraste  heureusement  avec  les  vocalises 
d'Angela,  qui  s'est  faite  un  peu  brigante  aussi,  par  la  force  de  l'exemple 
paternel,  mais  pour  moraliser,  adoucir  les  habitudes  des  coquins  qui 
sont  sous  les  ordres  de  son  père.  Il  y  a  bien  dans  cet  ensemble  musical 
quelques  petites  réminiscences  de  F ra  Diavolo  ;  mais  c'est  un  écho 
agréable  dont  le  poêle  a  d'ailleurs  donné  la  réplique  au  compositeur.  A 
ce  morceau,  qui  affecte  aussi  la  manière  italienne  avec  vocalises,  sous 
lesquelles  procède  le  chœur  en  notes  syllabiques,  succède  un  air  de  la 
marquise  exprimant  bien  sa  terreur  de  se  trouver  en  compagnie  de 
messieurs  les  brigands,  qui  lui  font  contracter  ce  qu'on  pourrait  ap- 
peler un  mariage  à  la  carabine,  mariage  auquel  il  ne  manque  pourtant 
pas  un  beau  chant  religieux  bien  dit  sur  ces  paroles  consacrées  dans 

tout  opéra  : 

A  la  sainte  chapelie 

Où  l'hymen  vous  appelle,  etc. 

Après  tout  ce  luxe  de  musique  de  scène  et  vocale,  Angéla  vient  dire 
un  grand  air  de  prima  donna  assotula  ,  qui  commence  par  un  beau 
contabile  en  sol  mineur  qui  ne  monte  rien  moins  qu'au  ré,  et  qui  mau- 
dit le  sort  fatal  dans  une  coda  énergique  et  dramatique;  c'est  un  ré- 


478 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


sumé  de  toutes  les  difficultés,  disons-le  aussi,  de  tous  les  casse-cous  de 
l'art  du  chant,  ou  steeple-chase ,  course  au  clocher  delà  vocalisation. 

Un  beau  trio  vient  ensuite,  morceau  dramatique  auquel  se  mêle  le 
chœur  des  brigands.  Nous  engageons  les  auditeurs  qui  aiment  les  effets 
d'orchestre  scéniques  à  écouter  une  jolie  partie  d'alto  sur  ces  paroles  : 
Etoigncz-vovs,  ne  m'interroges  pas,  et  des  harmonies  vocales  distin- 
guées et  du  meilleur  effet.  Tels  sont  les  riches  et  peut-être  un  peu  trop 
nombreux  éléments,  avec  un  chœur  énergique  de  soldats  qui  la  ter- 
mine, de  cette  dernière  partition  du  continuateur  de  Grétry,  d'Héroldet 
de  Boïeldieu. 

Après  l'œuvre  même  de  M.  Auber,  ce  qu'il  y  avait  de  plus  inté- 
ressant dans  cette  représentation,  c'était  le  début  de  Mlle  Caroline  Du- 
prez  à  l'Opéra-Comique ,  après  avoir  passé  par  le  Théâtre -Italien. 
Toutes  les  formules  du  madrigal  et  de  la  galanterie  artistique  ont  été 
épuisées  à  l'égard  de  cette  jeune  et  précoce  cantatrice.  Nous  ne  nous  éver- 
tuerons pas  à  en  chercher  de  nouvelles.  Il  est  certain  que  Mlle  Caroline 
Duprez  chante  d'un  bon  style,  qu'il  y  a  en  elle  un  sentiment  musical 
dramatique  et  vrai.  Dans  la  mélodie  posée  et  naturelle,  dont  il  n'est  pas 
fait  abus  dans  la  nouvelle  partition,  la  voix  de  la  jeune  débutante  arrive 
fraîche  et  vibrante  sans  affectation  à  l'oreille  de  l'auditeur  charmé.  C'est 
surtout  dans  un  morceau  des  plus  brillants,  et  dont  nous  n'avons  pas 
encore  parlé,  dans  une  déclaration  d'amour  en  quatre  langues  :  russe, 
anglaise,  italienne  et  française,  placée  au  second  acte,  écrite  avec  une 
exquise  coquetterie,  que  Mlle  Duprez  a  étonné,  ravi  la  salle  entière. 
Le  début  de  1a  jeune  artiste  a  donc  été  brillant,  bruyant,  fleuri  ;  car  il 
y  a  eu  bouquet,  rappel,  etc.  Ce  triomphe  a  été  justement  partagé  par 
Battaille,  qui  a  joué  et  chanté  Marco  Spada  en  bon  comédien  et  en 
excellent  chanteur. 

Le  personnage  de  la  signora  marchesa  de  San  Pietri,  coquette  sédui- 
sante, est  on  ne  peut  mieux  représenté  par  Mlle  Andréa  Favel,  qui 
prouve  qu'elle  sait  passer  avec  facilité  de  la  bonhomie  de  la  mère  Gail- 
lard au  ton  brillant  d'une  Célimène  d'opéra  comique.  Couderc  est  chargé 
delapartiedu  comique  distingué  à  l'Opéra-Comique,  etils'acquitte  de  cet 
emploi  à  la  satisfaction  générale:  il  est  très-amusant  en  officier  poltron 
des  soldats  du  pape,  surtout  quand  il  veut  absolument  jouer  du  hautbois. 
MM.  Boulo,  Bussine  et  Carvalho  ont  fait  preuve  de  talent  dans  les  trois 
rôles  secondaires  dont  on  les  a  chargés  :  le  premier,  par  sa  voix  ex- 
pressive et  flatteuse  ;  le  second,  par  son  organe  bien  timbré,  onctueux 
dans  ses  accents  religieux;  et  le  troisième  par  sa  bonne  diction  dans  le 
personnage  du  gouverneur  de  Rome,  qui  ne  montre  rien  des  qualités 
brillantes  d'un  César,  d'un  Auguste,  d'un  Jules  II,  ou  même  d'un  Rienzi. 

Henri  BLANCHARD. 


HECTOR  BERLIOZ  EH  ALLEIAGSE. 

Les  journaux  d'outre-Rhin  ne  cessent  de  s'occuper  du  séjour  de  Berlioz 
en  Allemagne  et  de  l'exécution  de  son  Benvtnuto  Cellini.  Nous  emprun- 
to  ns  à  l'article  de  l'un  des  critiques  les  plus  estimés  quelques  considéra- 
tion s  générales  sur  l'auteur  et  sur  son  œuvre. 

Hector  Berlioz  appartient  à  ces  individualités,  et  il  y  figure  au  premier 
rang,  qui  provoquent  parmi  leurs  contemporains  des  opinions  diamétra- 
lement opposées;  il  est  tour  à  tour  l'objet  du  plus  ardent  enthousiasme  et 
de  la  haine  la  plus  implacable.  Lors  de  sa  première  apparition  sur  notre 
scène,  Bmvenuto  Cellini,  par  suite  de  la  nouveauté  des  conceptions  et  des 
procédés,  parut  tant  soit  peu  étrange.  Le  public  hésitait  devant  des  formes 
avec  lesquelles  il  n'était  point  familiarisé.  Aujourd'hui,  cette  grande  œu- 
vre est  mieux  comprise  :  avec  la  nouveauté  a  disparu  cet  air  d'étrangeté 
qui,  dès  l'abord,  avait  paralysé  les  sympathies.  Aujourd'hui  le  voile  est 
tombé  des  yeux,  les  cœurs  se  sont  ouverts  et  les  esprits  comprennent  et 
jouissent. 

L'accueil  fait  à  la  quatrième  représentation  de  Benvenuto  Celliniestxm 
acte  de  justice  qui  honore  ceux  qui  l'ont  exercé,  et  dont  la  portée  est  im- 
mense. Tout  public  devrait  tenir  à  honneur  de  réformer  lui-même  un  ju- 
gement porté  avec  trop  de  précipitation,  et  ne  point  laisser  ce  soin  àla  criti- 
que. Si  un  des  adversaires,  lors  de  la  représentation  de  Benvtnuto  Cellini,k 
Pa  ris,  s'est  montré  assez  loyal  pour  déclarer  que  ce  n'était  pas  trou,  mais 
dix  représentations  qu'il  faudrait  pour  mettre  l'auditoire  à  même  de  por- 


ter unjugment  équitable;  —il  faut  avouer  que  Weimar  a  fait  preuve 
d'une  haute  intelligence  musicale,  puisqu'il  ne  lui  a  fallu  que  quatre  au- 
ditions pour  apprécier  cette  immense  composition  qui  s'éloigne  sous  tant 
de  rapports  de  tout  ce  que  l'on  avait  entendu  jusque-là.  Maintenant  la 
glace  est  rompue  ;  chaque  représentation  de  ce  grandiose  ensemble  et  do 
ses  innombrables  beautés  de  détail  se  dessinera  plus  vivement  sur  l'ho- 
rizon ouvert  et  éclairé. 

Pour  être  juste,  il  faut  dire  que  ce  qui  a  beaucoup  contribué  à  ce  ré- 
sultat, ce  sont  d'heureuses  modifications  introduites  dans  l'économie  de 
la  pièce  :  la  fusion  du  troisième  et  du  quatrième  acte  en  un  seul,  fait  dis- 
paraître quelques  longueurs  et  ajoute  à  l'effet  de  l'ensemble.  A  la  dernière 
représentation,  l'auteur  s'est  résigné  à  biffer  impitoyablement,  au  qua- 
trième acte,  un  charmant  duo  quL,  à  son  avis,  entravait  la  marche  de 
l'action. 

L'ouverture  place  l'auteur  au  premier  rang  parmi  les  musiciens  de  sa 
nation.  Depuis  Cherubini  et  Spontini,  nul  compositeur  français  n'a  pro- 
duit une  œuvre  aussi  capitale  :  elle  occupe  aujourd'hui  le  rang  que  te- 
naient autrefois  1  ouverture  d'Olympia  et  celle  des  Deux  Journées.  L'ouver- 
ture de  Cellini  a  même  sur  ces  deux  dernières  une  supériorité  relative, 
qui  se  base  sur  le  progrès  de  la  partie  matérielle  de  l'art  et  sur  la  nou- 
veauté des  formes. 

L'ouverture  du  Carnaval  romain,  qui  sert  d'introduction  au  deuxième 
acte,  n'est  pas  moins  remarquable.  Pour  saisir  une  telle  manifestation  de 
la  vie  populaire,  et  la  reproduire  avec  des  traits  si  nets  et  si  fortement 
caractérisés,  il  faut  la  main  d'un  homme  de  génie.  Cette  ouverture  a  eu 
partout  le  plus  grand  succès.  A  Vienne,  on  ne  manque  jamais  de  la  rede- 
mander. 


Nous  ne  pouvons  aujourd'hui  que  constater  le  succès  de  Tabarin, 
opéra  en  deux  actes,  joué  cette,  semaine  au  Théâtre-Lyrique,  et  de  la 
partition  écrite  par  Georges  Bousquet  pour  cet  ouvrage. 

Le  défaut  d'espace  nous  oblige  également  à  remettre  au  prochain 
numéro  le  compte  rendu  des  concerts  de  la  semaine,  parmi  lesquels  se 
distingue  l'inauguration  de  la  Société  symphonique  fondée  par  M.  Far- 
renc. 

Nous  ajournons,  par  le  même  motif,  la  revue  des  albums  de  l'année, 
et  la  nécrologie  de  Rigel,  le  compositeur  pianiste. 


,.%  Moïse  a  été  donné  lundi  et  vendredi.  Dès  le  premier  jour  de  la  se- 
maine, Gueymard  avait  repris  le  rôle  d'Aménophis,  et  c'est  à  peine  si 
l'indisposition  grave  dont  il  avait  souffert  la  semaine  précédente  avait 
laissé  quelque  trace.  Morelli  et  Urne  Laborde  avaient  aussi  retrouvé  toute 
leur  santé. 

i*.t  Le  Juif  errant,  donné  mercredi,  n'a  pas  été  moins  heureux.  Tous  les 
artistes,  et  Roger  en  tête,  l'ont  chanté  avec  une  verve,  une  plénitude  de 
voix,  dont  la  belle  partition  d'Halévy  s'est  ressentie. 

%*x  Orfa,  le  ballet  nouveau  dont  Adolphe  Adam  a  écrit  la  musique,  sera 
donné  mercredi  prochain. 

,*„  Le  Démon  de  la  nuit ,  ce  charmant  ouvrage  de  liosenhain,  va  être 
repris  pour  être  donné  avec  le  ballet  nouveau. 

***  Trois  représentations  consécutives  ont  confirmé  le  succès  de  Marco 
Spada.  La  partition  va  bientôt  paraître  chez  Meissonnier,  l'éditeur  de  la 
Croix  de  Marie  et  des  Mystères  d'UdolpIie. 

3%  C'est  Bussine  qui  joue  actuellement  le  rôle  principal  du  Père  Gaillard, 
créé  par  Battaille..  L'ouvrage  ne  souffre  pas  de  ce  changement,  et  Bussine, 
dont  la  voix  est  si  belle,  a  donné  une  nouvelle  preuve  de  ses  progrès, 
comme  acteur,  dans  cette  entreprise  plus  difficile  qu'une  création. 

***  Mlle  Wertheimber  a  repris  dans  Galalhèe  le  rôle  de  Pygmalion, 
qu'elle  n'avait  quitté  que  momentanément  pour  les  débuts  de  Faure.  Ja- 
mais elle  n'avait  chanté  avec  plus  de  talent  et  d'effet  qu'à  la  dernière  re- 
présentation de  cet  ouvrage. 

»%  Dimanche  dernier,  le  Théâtre-Italien  donnait  une  représentation 
extraordinaire  composée  de  VElisir  d'amore  et  du  troisième  acte  de  la 
ïorinambula. 

„.*„  La  veille  avait  eu  lieu  la  reprise  de  Norma,  chantée  par  Mmea  So- 
phie Cruvelli,  Beltramelli  ;  Bettini  et  Susini.  Cette  soirée  a  été  la  plus 
belle  de  la  saison  qui  commence.  Sophie  Cruvelli,  qui,  dès  l'autre  saison, 
s'était  montrée  si  admirable  de  voix  et  de  jeu  dans  le  rôle  de  la  prêtresse 
d'Irminsul,  est  parvenue  à  se  surpasser  elle-même  et  à  se  poser  tout  à  fait 
en  Malibran.  Le  rôle.  d'Adalgise  est  très-favorable  à  Mlle  Beltramelli,  qui 
s'en  est  acquittée  avec  un  vrai  succès.  Bettini,  lui  aussi,  a  tiré  du  rôle  de 
Pollion  tout  le  parti  possible  :  il  a  eu  sa  bonne  part  des  bravos  chaleureux 
que  l'auditoire  a  moins  épargnés  qu'à  l'ordinaire.  Susini  a  bien  rempli  le 


DE  PARIS. 


479 


rôle  dJOrovèse.  Les  deux  représentations  suivantes  du  chef-d'œuvre  de 
Bellini  ont  confirmé  L'effet  du  premier  jour. 

,*»  Le  voyage  des.  \l.  l'Empereur  à  Compiègne  a  eu  ses  moments  pour 
l'art  el  les  artistes.  Dimanche  dernier,  Vivier  avait  été  invité  a  venir  se 
faire  entendre  au  château,  ainsi  que  Roger  et  Mlle  La  Grua.  Le  lendemain 
ils  ont  été  engagés  à  suivre  la  chasse.  Vivier,  qui  la  veille  s'était  produit 
seulement  avec  son  cor  magique  et  dans  le  genre  sérieux,  a  été  retenu  le 

lundi,  et,  dans  une  soirée  presque  intime,  il  s'esi  ntré  sous  un  autre 

aspect,  celui  de  chanteur  do  charmantes  mélodies  de  sa  composition, 
d'auteur  et  d'acteur  de  quelques  scènes  bouffonnes  qui  ont  beaucoup 
amusé  le  noble  auditoire.  Les  artistes  sont  revenus  profondément  touchés 
de  l'accueil  flatteur  qu'ils  ont  reçu,  et  dont  le  charme  s'est  prolongé  au- 
tant que  leur  séjour. 

,%  Mlle  Ida  Bertrand  vient  de  contracter  un  magnifique  engagement 
pour  le  printemps  prochain,  a  Vienne,  au  théâtre  de  la  cour.  Mérelli, 
l'habile  imprésario,  de  passage  à  i'aris,  a  saisi  l'occasion  d'attacher  à 
son  théâtre  ce  contralto  de  premier  ordre.  Mlle  Bertrand  se  propose  de 
rester  à  Paris  jusqu'au  mois  de  février.  Tous  les  amateurs  qui  regrettent 
vivement  de  ne  point  l'entendre  au  Théâtre-Italien  cet  hiver,  comme  aux 
précédentes  saisons,  espèrent  qu'elle  reviendra  prendre  une  place  qu'elle 
occupait  si  bien,  et  qui  lui  a  valu  de  si  beaux  et  de  si  légitimes  succès. 

»%  De  quelques  lignes  oubliées  dans  le  compte  rendu  de  la  séance  du 
Conservatoire,  que  contenait  notre  dernier  numéro,  il  est  résulté  que  le 
morceau  de  Thalberg,  exécuté  par  les  deux  jeunes  pianistes,  M.  Bizet  et 
Mlle  Colin,  a  été  passé  sous  silence.  Nous  réparons  cette  omission  fortuite 
d'autant  plus  volontiers,  que  les  deux  jeunes  artistes  sont  aussi  remar- 
quables par  la  netteté  de  leur  exécution  que  par  la  distinction  de  leur 
style.  Le  jeune  Bizet  a  eu  l'avantage  déjouer,  quelques  jours  plus  tard, 
chez  11.  de  Nieuwerkerke,  avec  les  deux  violonistes  lauréats,  Lancien  et 
Viault  jeune. 

»%  Notre  savant  collaborateur,  M.  Fétis  père,  vient  de  passer  quelques 
jours  à  Paris.  Il  y  a  terminé  la  série  de  ses  articles  si  profonds  et  si  inté- 
ressants sur  le  développement  futur  de  la  musique  dans  le  domaine  du 
rhythme. 

***  L'Alboni  est  sur  le  point  de  quitter  le  nord  des  États-Unis  pour  se 
diriger  vers  le  sud. 

„%  rrudent  vient  de  donner  à  Bordeaux  son  premier  concert,  qui  a  été 
triomphal  du  commencement  jusqu'à  la  fin.  Toute  la  haute  société  s'y 
était  rendue,  et  l'enthousiasme  a  été  prodigieux.  Les  journaux  de  la 
ville  sont  remplis  de  jugements  pleins  de  justesse  sur  l'admirable  talent  du 
compositeur  et  du  pianiste.  Mardi  dernier,  Prudent  a  dû  donner  un  second 
concert  et  il  est  encore  retenu  pour  trois  autres. 

„*»  Vieuxtemps  donnera  son  second  concert  demain  lundi,  27  décembre, 
dans  la  salle  llerz,  à  huit  heures  du  soir.  Il  y  fera  entendre  une  seconde 
fois  son  magnifique  concerto  inédit.  Voici  le  programme  complet  : 
Pnmiere  partie. — 1.  Ouverture  d'Otello  à  grand  orchestre,  de  Bossini.  — 
2.  il  Sospiro,  de  Donizetti,  chanté  par  Mme  Brùning.  —  3.  Solitude, 
romance  sans  paroles  ;  les  Hirondelles,  composées  et  exécutées  par  Ascher. 
—  U.  Grand  concerto  en  ré  mineur,  de  Vieuxtemps,  pour  violon,  manus- 
crit, exécuté  par  l'auteur.  —  Introduzione;  Adagio  religioso;  Scherzo; 
Allegro  finale.  —  Deuzieme  partie.  —  1.  La  Danse  des  Fées  pour  la  harpe, 
exécutée  par  Miss  Kennedy,  composée  par  P.irish  Alvars.  —  2.  Solovey 
(le  Roïsiynut),  chansonnette  russe,  de  Vieuxtemps;  Perpetuum  mobile,  de 
Paganini,  exécutées  par  Vieuxtemps.  —  3.  Les  Gouttes  d'eau,  danse  espa- 
gnole, par  Ascher.  —  k.  Chansons  autrichiennes,  de  Muller,  chantées  par 
Mme  Brùning.  —  5.  Bomance  sans  paroles;  Tarentelle,  de  Vieuxtemps, 
exécutées  par  l'auteur.  —  L'orchestre  sera  dirigé  par  M.  Georges  Bousquet. 
t%  M.  Uaberbier  donnera  demain  lundi,  dans  la  salle  Sainte-Cécile,  à 
huit  heures  du  soir,  son  grand  concert  vocal  et  instrumental.  II  fera  en- 
tendre l'ouverture  de  Guillaume  Tell  et  plusieuis  autres  morceaux  de  sa 
composition. 

***  La  jeune  et  célèbre  pianiste,  Mlle  Wilhelmine  Clauss,  donnera  un 
concert  le  1 1  janvier  prochain  dans  la  salle  lierz.  Les  brillants  souvenirs 
de  ses  concerts  de  l'autre  saison  sont  une  garantie  plus  que  suffisante  du 
succès  qu'obtiendra  celui-ci. 

»%  Jeudi  dernier,  s'est  célébré,  en  l'église  Saint-André,  le  mariage  de 
M.  Adolphe  Fumagalli,  pianiste  compositeur,  avec  Mlle  Anna  Bonoldi,  fille 
du  professeur  de  chant  et  compositeur  de  ce  nom. 
t%  Mlle  Elisa  Krinitz,  l'excellente  pianiste,  esta  Paris  en  ce  moment. 
„*„  Gottschalk,  le  célèbre  pianiste,  est  revenu  d'Espagne ,  où  il  a 
fait  un  séjour  de  près  d'une  année  ;  mais,  à  peine  de  retour  à  Paris,  il 
s'est  remis  en  route  pour  un  voyage  transatlantique.  Il  se  rend  à  la  Nou- 
velle-Orléans, sur  l'invitation  de  ses  compatriotes,  qui  lui  ont  organisé 
plusieurs  concerts  par  souscription.  Le  premier  concert  est,  dit-on,  assuré 
pour  cinquante-cinq  mille  francs.  Gottschalk  pourra  bien  rester  en  Amé- 
rique aussi  longtemps  qu'en  Espagne. 

***  Si  j'étuis  roi,  le  nouvel  opéra  d'Adolphe  Adam,  vient  d'être  repré- 
senté à  Dunkerque  et  à  fteims,  où  il  a  obtenu  un  très-grand  succès. 

*%  Pour  sa  réception  à  l'Académie  des  sciences  et  beaux-arts  de  Lyon, 
Georges  llainl  a  prononcé  un  discours  fort  remaquable.  Nous  regrettons 
que  les  dimensions  de  ce  journnl  nous  empêchent  de  le  reproduire. 

***  Sivori  est  arrivé  à  Paris  et  donnera  bientôt  un  concert.  Ce  violo- 
loniste  si  extraordinaire  est  du  petit  nombre  d'artistes  qui  n'ont  besoin 
d'autre  recommandation  et  d'autre  éloge  que  leur  nom. 
**.,,  M.  Oberthur,  harpiste  fort  distingué  de  Londres,  est  arrivé  à  Paris. 


»**  Mme  Kalkbrenner,  veuve  du  célèbre  pianiste  compositeur  de  ce  nom, 
vient  de  mourii  a  l'âge  de  cinquantè-deuj  ai  i     d  unanime    ri  - 

grets.  On  se  rappelle  qu'elle  était  fille  d'une  Grecqu lu  général  d'És- 

talng,  qui  avail  fait  la  campagne  d'Egypte,  el  qui  fut  tué  en  duelpar  le  gé- 
néral Régnier,  après  sou  retour  en  France.  Mlle  d'Estaiog,  remarquable 
alors  par  sa  beauté,  fut  élevée  à  Saint-Denis,  où,  à  la  mort  de  son  père, 
elle  avait  été  placée  par  l'Empereur. 

»**  M.  Aug.  Al.  Klengel,  organiste  de  la  cour,  vient  de  mourir  à  Dresde: 
c'était  un  artiste  d'une  certaine  valeur  et  qui  a  écrit  des  compositions  es- 
timées pour  l'orgue.  M.  Klengel,  né  en  1783,  était  élève  de  Clémenti. 

CRON1QUE   DÉPARTEMENTALE. 

„*„  Tloum,  20  décembre.  —Le  concert  des  crèches  donné  sur  le  théâtre 
des  Arts  a  dépassé  toutes  les  espérances.  MM.  Maudrin,  l'excellent  violo- 
niste, Alexis  Dupond,  Aille  Félix  Miolan  et  Sainte-Foy,  de  l'Opéra-Comique, 
Verroust,  un  jeune  pianiste,  M.  Ketterer,  Mme  Engelmann,  ont  concouru 
â  la  fête,  qui  a  dû  être  aussi  productive  qu'intéressante.  Ce  qui  a  surtout 
fait  plaisir,  c'est  la  charmante  romance  du  dernier  album  de  M.  Dassier: 
l'our  les  pauvres,  merci!  délicieusement  chantée  par  Mlle  Miolan. 

***  Strasbourg,  16  décembre.  —Un  brillant  concert  a  été  donné  hier 
au  profit  de  l'association  des  artistes  musiciens,  avec  le  concours  de  l'or- 
chestre du  théâtre.  M.  Schwœderlé,  Mme  Montaubry,  M.  Séienick, 
M.  liomanville,  l'excellent  comique,  ont  eu  les  honneurs  de  la  première 
partie.  Après  un  assez  long  entr'acte,  le  rideau  s'est  levé,  et  un  spectacle 
magnifique  et  imposant  s'est  présenté  à  l'œil.  Deux  cents  musiciens,  dans 
une  parfaite  tenue  militaire,  couvraient  la  scène,  qui  avait  pris  l'aspect 
d'un  vaste  camp  ;  sur  le  devant,  et  comme  pour  servir  d'encadrement,  se 
trouvaient  les  sapeurs,  immobiles,  en  grande  tenue  ;  sur  chaque  côté 
flottait  une  masse  de  petits  drapeaux  tricolores  ;  derrière  les  musiciens  et 
les  tambours  s'échelonnaient,  sur  des  gradins,  plusieurs  rangs  d'artilleurs 
et  de  cuirassiers  que  l'on  aurait  pu  croire  à  cheval,  à  la  manière  ingé- 
nieuse dont  ils  étaient  groupés.  Dans  le  fond,  et  pour  compléter  le  ta- 
bleau, planait  un  aigle  immense  aux  ailes  déployéas.  Aussitôt,  le  formi- 
dable orchestre  a  entonné  ,1'ouverture  du  Lac  des  Fées,  qui  a  été  enlevé 
avec  une  précision  remarquable.  MM.  les  chefs  de  musique  des  différents 
régiments  en  garnison  à  Strasbourg  ont  bien  voulu  tour  â  tour  diriger  ces 
masses  d'instrumentistes  et  de  chanteurs  ;  c'est  ainsi  que  nous  avons  vu 
se  succéder  au  pupitre  de  direction  MM.  Bancard,  du  17e  léger  ;  Kuntz, 
du  62e  de  ligne;  Mouix,  Péligry  et  Morand,  des  1,1e,  12  et  13'  d'artillerie. 
Les  morceaux  qui  nous  ont  le  plus  vivement  impressionné  dans  cette  se- 
conde partie,  sont  sans  contredit  :  le  Souvenir  du  10  mai  4852,  par  Adam  ; 
cette  composition,  d'un  style  large  et  d'un  beau  caractère  religieux,  a  été 
exécutée  avec  un  ensemble  parfait  :  nous  mentionnerons  aussi  le  pas  re- 
doublé portant  le  titre  de  Camp  de  Saiory,  vrai  type  de  la  musique  mili- 
taire française,  et  enfin,  le  chœur  des  Enfants  de  Paris,  qui  a  été  enlevé 
avec  verve  et  chaleur,  et  a  excité  d'unanimes  applaudissements.  M.  Bo- 
manville,  qui  a  tout  à  coup  reparu  sur  la  scène,  transformé  en  sapeur, 
a  eu  un  succès  de  fou  rire  bien  mérité  dans  sa  chansonnette  du  sapeur- 
troubadour. 

***  Alger.  —  Le  12  décembre,  à  l'occasion  de  l'inauguration  du  buste 
de  l'empereur  Napoléon  I",  il  a  été  exécuté  au  jardin  de  Marengo  une 
cantate  dont  les  paroles  sont  d'un  officier  de  l'empire,  M.  Descous,  et  la 
musique,  de  M.  le  baron  Bron,  de  qui  la  Gazelle  musicale  a  eu  plusieurs  fois 
occasion  de  signaler  les  succès.  Cette  œuvre  importante,  qui  se  compose 
de  neuf  morceaux  :  duos,  trios  ou  chœurs,  a  valu  à  son  auteur  les  éloges 
les  plus  justement  mérités.  —  Les  travaux  de  construction  du  nouveau 
théâtre  d'Alger  sont  poussés  activement.  La  construction  proprement  dite 
est  achevée  ;  elle  a  un  caractère  monumental,  et  déjà  l'on  peut  apprécier 
le  bel  effet  que  la  façade  produira.  Le  pérsityle  est  d'une  dimension  con- 
venable. Les  dégagements  sont  simples  et  commodes.  Il  y  aura  deux 
foyers,  l'un  placé  au  premier  étage,  vaste  et  spacieux  et  d'où  l'on  jouira 
de  la  vue  et  de  la  brise  de  la  mer;  l'autre  ménagé  à  l'étage  supérieur,  et 
spécialement  réservé  aux  fumeurs  :  concession  intelligente  à  des  habitu- 
des toutes  locales.  L'intérieur  présente  quatre  rangées  de  loges.  La  dis- 
tribution du  parterre,  des  stalles,  de  l'orchestre  et  de  la  scène  est  bien 
entendue. 

CHRONIQUE     ÉTRANGÈRE. 

**,,.  Vienne,  15  novembre.  —  Le  Prophète,  qui  en  est  à  sa  72'  représen- 
tation, n'a  point  cessé  d'attirer  la  foule. 

t\  Pesth.  —  C'est  un  véritable  événement  dans  notre  monde  musical 
que  la  première  représentation  des  Huguenots  au  Théâtre-National  hon- 
grois. L'effet  a  été  prodigieux  :  le  chef-d'œuvre,  transporté  sur  le  sol  étran- 
ger, y  a  été  accueilli  avec  une  admiration  enthousiaste  ;  l'homme  de  génie 
qui  a  créé  Robert  et  le  Prophète  vient  d'obtenir  chez  nous  un  triomphe 
inouï  dans  les  annales  de  notre  théâtre.  Il  est  vrai  que  la  direction  n'avait 
reculé  devant  aucun  sacrifice.  L'orchestre  a  soutenu  sa  réputation  en 
rendant  avec  autant  de  verve  que  de  précision  les  passages  les  plus  diffi- 
ciles. Les  chœurs  ont  droit  aux  mêmes  éloges.  La  mise  en  scène  ne  laisse 
rien  à  désirer.  Le  libretto  a  été  traduit  par  un  littérateur  hongrois  de  ta- 
lent, M.  L.  Hadasky.  Quant  à  l'exécution,  Mme  Hasselt-Bart  est  une  ma- 
gnifique Valentine;  nous  devons  signaler  la  pureté  avec  laquelle  cette  ar- 
tiste prononce  le  hongrois,  qu'elle  a  appris  en  peu  de  remps.  M.  Young , 
du  théâtre  de  Mecklenbourg-Schwerin,  a  électrisé  la  salle  dans  le  rôle  de 


&80 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS. 


Raoul.  M.  Young  est  connu  ici  de  longue  date  ;  il  occupe  sans  contredit 
une  place  éminente  parmi  les  ténors  du  jour,  et  dans  le  nombre  on  en 
trouverait  fort  peu  qui  joignent  un  aussi  bel  organe  aux  avantages  ex- 
térieurs. Chaque  soir,  il  a  été  rappelé  plus  de  dix  fois",  quatre  fois  dans  le 
fameux  duo.  A  côté  de  M.  Young ,  on  a  applaudi  M.  Loesseghi ,  Hongrois, 
quia  parfaitement  rendu  le  rôle  de  Marcel.  Les  Huguenots  sont  donnés  deux 
fois  par  semaine,  l'affluence  étant  toujours  telle,  que  les  loges  et  les  stalles 
se  vendent  à  des  prix  excessifs.  —  Mme  de  Versey  a  fait  présent  de  la 
harpe  de  Marie-Antoinette  au  Musée  national  de  Pesth.  Le  grand-père  de 
M.  de  Versey,  M.  Thomas  Prescott,  Anglais  d'origine  ,  avait  acquis  cette 
précieuse  relique  à  une  vente. 

„,%  Dresde,  2  novembre.  —  Le  Pestillon  e  Longjumeau  nous  est  revenu 
après  six  ans  d'absence.  Cet  opéra  d'Adam,  si  riche  en  motifs  heureux,  et 
dont  la  musique  estécrite  avec  tant  de  grâce  et  de  finesse,  a  reçu  un  accueil 
qui  nous  fait  espérer  que  l'on  se  décidera  enfin  à  revenir  à  l'opéra-comi- 
que,  ce  genre  négligé  depuis  quelque  temps  chez  nous.  —  Une  attaque 
d'apoplexie  vient  d'emporter,  en  huit  jours,  Mlle  Mathilde  Vibrans,  can- 
tatrice attachée  à  l'Opéra-Iîoyal.  Cette  jeune  artiste,  qui  venait  de  signer 
un  engagement  très-avantageux,  possédait  une  fort  belle  voix  et  avait 
devant  elle  le  plus  brillant  avenir. 

„%  Berlin ,  lï  décembre.  —  Le  suicide  d'une  cantatrice  de  l'Opéra-Ita- 
lien  est  le  sujet  de  toutes  les  conversations.    La  signora  Carra  était  mé- 


lancolique et  triste  depuis  quelque  temps.  Comme  le  directeur  de  son 
théâtre  ne  payait  pas  toujours  exactement,  on  supposa  qu'elle  éprouvait 
un  embarras  pécuniaire.  Mme  R...,  artiste  de  la  troupe  allemande,  orga- 
nisa pour  elle  une  collecte,  et  se  rendit  chez  elle  pour  lui  en  offrir  le  pro- 
duit d'une  manière  délicate;  mais  la  cantatrice  refusa,  en  disant  qu'elle 
n'avait  pas  de  dettes,  mais  un  chagrin  de  cœur.  Le  même  soir,  elle  se  préci- 
pita par  la  fenêtre  de  sa  demeure  dans  la  rue,  et  mourut  après  plusieurs 
heures  de  souffrances.  Elle  laisse  un  charmant  enfant,  qui  n'a  pas  encore 
trois  ans. 

„%  Milan,  15  décembre.  —  Les  représentations  de  la  troupe  française, 
dirigée  par  M.  Menadier,  et  qui  ont  lieu  au  théâtre  de  Santa-Radegonda, 
jouissent  de  la  plus  grande  faveur.  La  foule  s'y  porte  continuellement. 
Deux  chanteurs,  l'un  français,  M.  Éverard,  l'autre  espagnol,  M.  Carreon, 
viennent  de  débuter  avec  succès. 

„,%  Venise.  —  Les  huit  théâtres  de  cette  ville  s'ouvriront  simultanément 
le  dimanche  26  décembre.  A  celui  de  San  Benedetto  débutera  une  toute 
jeune  cantatrice,  Mlle  Donzelli,  fille  du  célèbre  artiste  de  ce  nom,  élève 
d'abord  de  Zucchini,  puis  de  Rossini.  On  assure  que  l'illustre  compositeur 
viendra  de  Bologne  pour  assister  aux  débuts  de  Mlle  Donzelli,  dont  la  voix 
est  d'une  étendue  tout  à  fait  extraordinaire. 

Le  gérant  :  Ernest  DESCHAMPS. 


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COMPOSANT   LE    RÉPERTOIRE   DES   BALS   DE   L'OPÉRA  POUR   1853 


Quadrille  sur  MOÏSE. 
Quadrille  LES  DAMES  DE  LA  HALLE. 
Polka  russe  LES  CHEVALIERS  GARDES. 
Polka-mazurka  STEEPLE-CHASE. 


Polka-mazurka  ALMA. 
Schottisch  L'ONCLE  TOM. 
Valse  NEW-YORK. 
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Paris,  G.  Flaxland,  éditeur,    3,  place  de  la  Madeleine. 


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Mme  E.  DE  GIRARDIN,  MM.  E.  BARATEAU,  J.  LESGUILLON,  EMILE  LEPELLETIER,  HENRI  V***,  EUGÈNE  DE  L'ÉGLISE. 
Dessin  de  MM.  Aumont  et  Lerovx.  —  Reliure  de  H.  Maillet. 
L'Enfant  et  l'Ange,  mélodie.  (A  Mme  Lefébure-Wély.) 
Si  j'étais  Papillon!  cantilène.  (A  M.  Taure,  de  l'Opéra-Comique.) 
Le  Petit  Frère  aux  cieux,  mélodie.  (A  Mme  Rabi.) 
Daniel  le  sonneur,  chanson.  (A  Mme  Charles  Ponchard.) 
Le  Regard,  romance.  (A  M.  J.  Lefort.) 

Pris  net  :  reli 


Toujours  et  partout,  séguidille.  (A  M.  Anatole  Lionnet  ) 
Malheur  de  se  quitter  ,  élégie.  (A  M.  François  Wartel.) 
C'est  vous!  (avec  hautbois),  mélodie.  (A  MM.  Triébert  et  J.  Lefort.) 
La  Rosette  des  bois,  bluette.  (A  Mme  Gaveau-Sabattier.) 
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Polka-Mazurka  par  A.  TALEXY.  —  Valse  par  ETTLING.  —  Schottisch  par  G.  DANTELE.  —  Morceaux  pour  le  piano  par  A.  GORIA,  F.  BURGMULLER 
A.  CROISEZ,  J.-B.  DUVERNOY  et  A.  LE  CARPENTIER;  pour  le  piano  à  quatre  mains,  par  LEFEBURE-WÉLY;  pour  piano  et  violon,  par  N   LOUIS. 

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